LE ROMAN DU CAFÉ

LEROMANDUCAFÉ

Dumêmeauteur

Ilyalongtemps,roman,BéatriceOrtéga,2013.Le Roman du parfum, collection « Le roman des lieux et

destinsmagiques»,LeRocher,2012.Àlafolie,roman,France-Empire,2012.Situsavais,roman,France-Empire,2010.

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bienheureuseavantdes’écroulerdefatigueentredeuxchèvres.Lelendemain,ilglissadanssabesaceunegrossepoignéedecesgrains plats traversés par un sillon sur la partie interne etconvexe sur la partie externe, et redescendit au village enchantantàtue-tête.Aveccesgrainsdanslecreuxdesamain,ilsecrutlemaîtredumonde.Ilimaginaitqu’ilseraitcouvertd’orpourcettedécouverte.

–Çaveutdirequoi«convexe»,Papi?–Bombé,commeunetasseàl’envers.Maisnem’interromps

pas,vaurien!…Surlarouteduretour,lechevrierpassadevantlemonastèredeChéhodeth,etdécidademontrersatrouvailleauprieurenluiracontantl’effetdecesbaiesetsanuitdefolie.Àla place d’une montagne de pièces d’or, le chevrier reçut unbonbon à la réglisse. Le soir même, les frères se réunirent etdécidèrent d’étudier ce fruit de Dieu et de l’infuser. Aprèsabsorption, il fut dit que cette plante donnait force et ardeurdans la prière. Les moines la plantèrent et la cultivèrent pourprieravecferveur.Kaldifutledernierchevrierdesatribu,etondit qu’il mourut après l’âge de cent ans.Mais on ne retrouvajamaissoncorps.Lesanciensaffirmèrentqu’ilavaitpassésaviedans les hauts plateaux duYémen et qu’il suçotait sans cessedescerisesdecaféierens’affirmantmaîtredumonde.

–Papi, raconte encore comment ils ont torréfié, j’adore cepassage.Allez,s’ilteplaît.Demain,jepasserailebalaipartout,promis!

–Après,tudors,demain,c’estlarentrée…Unjour,parunenuit noire, sous une horrible averse, deux moines ramenèrentleur cueillette. Ils étaient trempés jusqu’aux os. Ils déposèrentun sacde fèves fraîches très près du feude la cheminée.Tropprès.Épuisés,ilss’endormirent.Àleurréveil,lecaféavaitrôti.Une incroyable odeur enveloppait l’abbaye, tous les moinesaccoururent,etprièrent tous leurssaintspourcedivinmiracle.

Leprincipedelatorréfactionétaitné.C’estainsiquelejusnoirentradansnoshabitudes.Allez!Audodo,demainturentresàl’écoledesgrands.Etn’oubliepastapromesse.Jetelèveraiuneheureplustôtpourbalayerlaboutique.Etlacaveaussi.

Bien plus tard, j’appris que cette histoire n’était qu’unelégende parmi tant d’autres qui avait pour vœu de répandre laréputation de la graine précieuse. Encore une histoire demarketing.

Disons que son apparition se situe entre 2000 avant l’èrechrétienne et l’an 850 de notre ère. Je sais, la fourchette estimpressionnantelorsqu’onnesaitpasgrandchose.Commentilfut préparé comme boisson appartient à ce livre des énigmesjamaisélucidées.Maisestcebienimportantdesavoir?

On sait qu’à l’origine, le peuple des Gallas de Haute-Éthiopiecueillait lesbaiesdecaféiers sauvages, et lesmâchaitpour en faire une bouilliemélangée à de la farine.Durant dessiècles, les indigènesont triturécesgrainsen lesmélangeantàdelagraisseanimalepourlesintégrerdansleurmenudegalettesetdesoupessalées.Bonjourleragoûtnauséabond!

Onapprendquel’Orient,lesArabes,lesPersesetl’Afriquese sont disputés la découverte de cette rubiacée à travers deslégendes invérifiables. Grâce à ces querelles de clocher, sonexpansionenAsieetenAmériques’estimposée.

Mais pour l’Occident, tout commence à frémir au XVIesiècle.

Pourquoiai-jeamasséuneincroyablesommed’informationssur ce sujet ? À part vous et moi, personne ne s’intéresse àl’histoireducafé?

Jemesensinutile…etmonartestinsignifiant.

4Souspression

Dansl’usagemétaphorique,le«caféducommerce»désigneunendroit

oùonrefaitlemonde,oùl’oncauseàproposderien,oùonmetlavilleenbouteille.

Biensouventlesconversationsdecaféducommercedonnentdanslamédisanceetlacalomnie.

Dictionnairedesexpressionsfrançaises

Dansmessouvenirsdepetitgarçon,auplusprofonddemonâme, est enfouie l’histoire du chevrier Kaldi qui remet unepoignéedebaiesrougesàdesmoinesilluminés.

Et le premier qui conteste ma légende aura affaire à moiparce que cette découverte ne pouvait être que le vrai départd’unrécitenchanteur.Non,mais!

Au lieu de prendre du temps pour mes devoirs scolaires,j’aidaismon grand-père jusqu’à pas d’heure et ilme faisait laleçondedressageàsafaçon:

–Combienfaut-ildegrainspourobtenirunetassebuvable?–Quatre-vingt-quinze!–Quelleestlasimilitudeentrelepop-cornetlecafé?


destressessurlatêteetungarstypemayaavecungrandsourire.Au fond de la boutique, j’aperçois un groupe dans une autrepièce plus vaste et avec, sur tout un pan de mur, une sorted’armoireavecdestiroirscartographiantlespaysproducteursdecafés.Maisonvientde fermercette salle. Il est indiqué sur laporte:l’écoleducafé.Sinon,épinglésauxmurs,desgrainssontmis en scène et tiennent une pose orchestrée par un artistephotographe.J’aimebiencelleavecunlivreouvertàlapage52et son énorme grain en équilibre précaire sur la marge. Çal’exhibe, sans pudeur, avec ses crevasses et sa fente béante.Attention Julien, troismarchesdevant toi et tuatterris surunesalle sofa baignéede soleil.Encore troismarches, et on arrivedansunbarenL.Surtadroite,ilyaunsalontropicalavecunmurvégétalisé,unesortedejardinàlaverticaleoùilnemanquequel’oiseausacréQuetzalpoursedonnerl’impressiond’êtreaucœurdel’Amazonie.

VanessanousprésentaàsonamieChristinequinousremit,d’unevoixsuaveetcaressante,unecartedescafés.

Àl’entour, toutes les languesduglobes’entrelaçaientdansun joyeux bourdonnement. La sono vira à la soft soul versiontropicale,etjeplanaisdebonheur.

Josedécida:–Onvas’asseoiràcettetableenboisenformedebobinede

câbleélectriqueindustriel.Waouh!J’adorecescoussinsentoiledejuteestampillés«CafédoBrasil».

Johannasifflotapoursignifiersonétonnement:–Je-suis-blu-ffée!Aufait,quiestlemaîtredecettejungle

enchantée?– La maîtresse, c’est Gloria Montenegro, ex-ambassadrice

duGuatemalaenFranceetcommandeurdelaLégiond’Honneurà titre étranger. Cette grande dame du café a fondé lacaféothèqueen2005etadéjàforméplusdedeuxcentsbaristas

quiœuvrentàtraverslemonde.Onditmêmequecertainsdesesélèves sommeliers du café ont participé à la World’s BaristaChampionship.Sesmotsd’ordresontderefuser lemélangedecafés et autres blends, de parler cafés comme on parle deparfums et de vins fins, d’acheter aux producteurs à un prixsupérieuraucoursdumarchéetenfin,d’avoiruncomportementéthique auprès du consommateur en garantissant le paysd’origine,larégionetleterroir.

–Tupensesqu’onpeutlarencontrer?–Elleest trèsaccessible,mais jecroisqu’elleestencours

d’« œnologie » avec ses élèves.Mais regarde autour de toi…tous ceux qui participent à l’ambiance de la caféothèque sontses enfants. Avec sa voix chantante teintée de son accenthispanique,Glorialapassionnéeillumineceslieux.Ici,chacuna une histoire particulière, ou douloureuse comme la jeuneEyayu.Elleafui l’Éthiopieet tientaujourd’hui lecomptoirdececafépascommelesautres.Etpuis, ilyaaussiFelipe,Ivan,Caroline,Luca,Yadhetlesautres.Gloriaprotègelecafécommeellesoutientsesemployésetsescauseshumanitaires.C’estellequiaimposéauxpropriétaires-planteursdessacsdecafésmoinslourdsafind’allégerlapeinedescueilleurs.

Avec la tête dans les étoiles, j’ai commandé un café glacéservi avecunepaille.L’amertumede cet expresso froid secouédansunshakeretpoudrédechocolatavaitdisparupourlaisserplaceauxfondamentaux.J’aiglissémapailledanslatassedeJoetsongrainduMalawim’alaissésansvoix.

Vanessam’aautoriséàgoûtersoncaféduPérouausiropdementheetdemangue.Elleapresquecrié:

–Avecuncafécommeça,oncommenceàcroireenDieu!Jen’avaisjamaisimaginéquel’onpouvaitdonneruneautre

destinationàcetteboissonsicommune.Des conteurs de légendes mayas, des peintres, des

photographes et des magiciens du café avaient annexé sanscomplexe cet espace dédié à l’or brun. J’appris aussi que desconcertss’ydonnaientrégulièrement.Cecaféquifaisaitsociété,c’était un peu comme si les plantations du monde entierdébarquaient sur vos papilles, quelque chose d’animal et devégétalàlafois.

Ensortantdecetorréfacteurutopiste,unegrained’ungenrerévolutionnaireselovadansmesneurones.

Commentimaginerquecettegraineillumineraitmadestinéeunefoisarrivéeàmaturité?

Cejour-là,jecomprisquelecaféétaitunactedefoi.


–J’enconnaisunrayon,maistupeuxtebranchersurlenet,toutestlà.

– J’aurais préféré l’éclairage d’un féru, c’est plus vivant.Allez,jet’écoute.Commenceparledébut,etjeneveuxqueduconcretdaté.

–Çatombebien,j’aiunrésuméenbraillesurl’historique.

8L’épopéeducafé

L’islamordonnequelecafénedoitmanquerdansaucunfoyer,

l’épouxdevanttoujoursenfourniràsafemme,unrefusdesapartseraitcausededivorce.

GemaleddinAbou-AbdallahGrandmuftid’Aden(Arabie),nomméparlaplushauteautoritéreligieuse.

– Chère Johanna, pour éclaircir ce vaste sujet et daterl’origineducafé,ilfautremonteràlanuitdestemps.

Elles’installasurlelitetj’entendissoncrayonfilersuruncarnetdenotes.

Jelasentisjournaliste.Elleavaitaccrochésonangle,etellefonçaitpourl’affûter.

Etj’aicommencémonexposéenlaissantglissermesdoigtssurmontexteenbraille.

…Unepresquecertitudesurlepaysoriginel: l’Abyssinie,doncl’actuelleÉthiopie,plusprécisémentlarégiondeKaffa,lepays de la reine de Saba… C’est là qu’on découvre à l’étatsauvageetendémiquedeuxvariétésdemokas: leSidamoetleHarrar.

–LareinedeSaba?Çamerappelleungâteauauchocolat,un moelleux à vous câliner la culotte de cheval. Je sais, jedigresse.Désolée.Oups!

–…Mais ce n’est qu’auXIIIe siècle, au départ de la citéportuaire de Moka et vers le nord de la mer Rouge que lescaravelles partaient les sacs chargés de grands crus. Dans lescalesdecetteArabieheureuse,grainsverts,myrrheetencenssecôtoyaient avant de se propager. Pour info, aujourd’hui, lesÉthiopiensconsommentautantqu’ilsenrécoltent.Àpartcefait,les érudits se chahutent principalement sur le « comment cetteplante qui pousse à l’état sauvage est passée du Yémen aumondeArabe?».Onl’ignore,maischacunyvadesapartition,preuves chaotiques à l’appui.La fantaisiedes légendes semblefinalement plus proche de l’évidence, et effectivement, il sepourraitquelatorréfactiondugrainaitdûsefaireparaccident,commebonnombredegrandesdécouverteshumaines.

–Raconte-moiunelégende!– La plus connue est la découverte des cerises du jeune

chevrierKaldi…–Celle-là,tumel’asracontédescentainesdefois.Next!–Laplusanciennedeslégendesracontequel’angeGabriel

apportacetteboissonaussinoirequelaKaabadeLaMecqueauprophèteMahometalorstrèsnauséeux.Aprèsl’avoirbuedurantcinqjours,leprophèteretrouvasacélèbrevigueur,sesfemmes,etsesprièresfusèrent.OnraconteaussiquelecheikOmar,quifutexilépar lesultan,apaisasafaimdansunemontagnegrâceàladécoctiondesbaiesdecaféiers.Ilenoffraitauxpèlerinsdepassageravisdepouvoirsedésaltérer.Saréputationgrandit, lesultan de Moka lui pardonna et le cheik fit construire unemosquéeprèsdesarbustesquil’avaitsauvé.

–J’espèrequ’iln’apasrasélescaféierspourconstruiresonminaret.


Fortaleza, c’est juste un label qui rassemble des producteursfamiliauxdontlavolontéestdedévelopperunehautequalitéausein de projets environnementaux et sociaux. François ne t’arienditdesonactioncheznous?

– Donc, mieux vaut atterrir à São Paulo pour vousrencontrer.

– Je crois. Je suis heureuse de te voir. Si tu veux, unchauffeurviendravouschercheràlasortiedevotreavionetjetelogeraiàlaferme.

–Jevousenverraiunemailpourconfirmerl’horairedemonarrivée…etmillemercis…Madame!

–Unedernièrechose.Sais-tusivousavezreçumoncolisàvotreattention?Commeuneidiote,j’aioubliédemettreunmotdessus.

–Uncartondequatrelivres?Eneffet,maismongrand-pèreaditqu’ilneconnaissaitpascesgrains.

– Il devait plaisanter, Julien. Il connaît nos produits sur leboutdunezet il attendaitcettenouvellegraine torréfiéeà sonattentionpournousdonner son avis.Comme je suis heureuse,trèsheureusedeterevoir.

Je n’ai rien contredit, et j’ai accepté avec soulagement lechauffeurquinousattendraitàlasortieduterminaletlapensioncomplète.

Maiscecolispasfantômemerestasurl’estomac.Etdequelleactionvoulait-elleparlerpourPapi?Elledevait

avoircomprisqu’ilm’envoyaitcontrôlerlesquatretonnesdecepurObatà.

Et comment connaissait-elle mon prénom ? Elle m’avaittutoyéaussi.

RestaitàconvaincreJohanna.EtpourquoiPapiavait-ilmenti?De toutes mes forces, pour ce mensonge inutile, je le

méprisais.

Johannaestentréeuneheureplustardaveclesbraschargésdeprovisions.

–Julien,qu’est-cequetuvasfairesitonaïeulnetereprendpas?

–Jen’aipasenviedereveniràcepassé.Aufait,quelssonttesprojetsdanslesdeuxmoisàvenir,chèreJohanna?

–Remisezleukulélédanslegrenierquejen’aipas,trouvezunboulotfissapourneplusalourdirmesparentsdemasuperbeinutilitéet laissez la trésoreriedisponibleàmapetitesœurquifaitsondroit.Jecroisquejevaisabandonnerlejournalisme.

– J’te crois pas. Depuis notre première rencontre auprimaire,tunepensesquepresse-magazine.

–C’est tropcompliquécomme job, trop instable,etonestune légion de trolls intellos sur le créneau. Julien, je suisfatiguée d’inventer tous les jours un dictionnaire de jeux demotsdélirants,etpuismadernièretrouvaillem’acrevélesyeux,lessivél’estomacetsiphonnél’envie.

–Ques’est-ilpassé?–Le thighgap.Unmot et une idée relayés par l’immense

Johanna,iciprésente.Necherchepas,cetermedésigne,écoutebien la monstruosité, « l’écart plus ou moins grand entre lescuisses quand on se tient debout les pieds joints et le nez enl’air».Lesadolescentesconsidèrentdésormaiscet«intervalle»commelesummumdel’éclatdelabeauté.

–Jamaisentenducetteinfo!Maisilestoù,tonproblème?–Unjour,unegaminem’apostéunephotod’elle,nue.Elle

avait atteint le recorddeshuit centimètres entre les gambettes.Ellejubilaitetmeremerciaitpourl’article.Àcausedecemauditthighgap, elle avait plongé dans l’anorexie droit debout.Unesemaine plus tard, sa mère m’a informé que sa fille s’était

pendue. D’autres ont suivi, puis d’autres. Je me suis sentiefautive,coupabled’avoirdealéuneidéemalsaine.J’aienvoyéunbouquetdefleursàlamômependueparmafaute,etjesuisalléeluidemanderpardonsursatombe.Tucomprends,c’estcommesij’avaistirésurlacordeenrouléeaucoudecettemôme.

– Tout ça pour un ridicule écart entre les cuisses. As-tuessayéd’enparleràtadirection?

Johannas’esteffondréesurmonépaule.– J’ai voulu dénoncer cette saloperie par un contre-article

cinglant.Larédac’m’aregardéecommeunedangereusequichebelliqueuse.AprèsdeuxanspassésàfairelachiennechezL,j’aibiencomprislemessage:«T’esrien,dégageavectesangoissesdemidinettes!»Résultat:j’aidiminuémonfluxsurlatoile,jesuis sortie des rapports visuels, de cette sensation desurpuissance débile, et fini les tweets, les instagramés, adieul’épinglage surPinterest…En trois jours, la centrifugeuse quimegrignotait lecerveaus’estarrêtéedevroumer,et jemesuisremise à vivre dans l’ici et maintenant. Mais il m’arrive derechutergrave.Alors,pournepastournerautourdemonécrancomme une hyène affamée, j’ai postulé comme vendeuse à laboulangerieducoin.Lecauchemar,maisnécessitéoblige.

–Tudéconnes,j’espère?– Juste avant ton arrivée, je pensais dresser la liste des

meilleuresfaçonsd’enfiniraveclavieparcequejesuisàdeuxdoigtsdemenoyerdanslesréseauxsociaux.Monambitionestmorte,c’estcommeunvide.Julien,jenesaispasoùalleretj’aidesproblèmesaveclabouffe.Voilà,tusaistoutdemonriquiquidemalheur.

Je supposais que son rimmel dégoulinait, que ses cheveuxétaientenpétard,etquesabouchesedéformait.

– Jo, tu ne connais pas ta chance. La boulangerie, c’estsympa, hélas inaccessible pourmoi. Pourtant, ça ressemble au


main. En devanture, des machines rutilantes sont exposéescomme dans un musée d’art contemporain, et un minusculerabaisestannoncésitucraquespourlapluschère.Derrièrelescomptoirs, il y a des dizaines d’étuis de toutes les couleurssagementrangésparundétraquéducordeau.Etlemustdumust,personnen’oseéleverlavoix.Uneégliseàcafé,quoi!

–Commentsontlesvendeurs?– Les filles sorties à peine de l’adolescence ressemblent à

deshôtessesdel’airdelaclasseaffairesetlesgarçonscravatésetdemoinsdevingtansontdesalluresàlaClooney.C’estducafécinémadansunécrindeluxeservipardeséphèbesetdesmuses,Monsieur,rienàvoiraveclevieillardtorréfacteuretsonhorrible crincrin de machine à moudre les tympans. Le vraimust!

–Est-cequ’ilyadessacsdecaféenprésentation?– T’as rien compris, choupinet. Je me répète : le café est

invisible,icionest…dansl’idéeducafé.–Etpourlesprovenances?–Riende tout cela.T’achètesdescouleurs friandises avec

des noms sirupeux drapés dans un design post-moderne.Franchement!J’adooooorecechic,trèsclasse.

– C’est bizarre ! Et les gens achètent sans savoir s’ilsboivent un brésilien ou un burundi ? Ce n’est pas possible !Danslaboutique,ilsveulenttoujourssavoir.

–Etbienlàmongrand,lesclientsneposentpaslaquestiondesorigines.Cequ’ilyadanslacapsulette,toutlemondes’enficheroyalement.C’estdubon,etcelaleursuffit.

Dixminutesplus tard,nous fûmesautorisésà rejoindreundesquatrecomptoirsouverts.

–Quepuis-jevousserviraujourd’hui,Madame?chantonnaunevoixmécanique.

– Cher monsieur, nous prendrons une simple boîte

d’arpeggio. Rien d’autre, dit Jo avec une voix empreinte denoblesse.

–Êtes-vousmembreduClub…?–Non,merci.Onclubeàpartdeparcheznous.Aupremierétage,Johannam’installasuruntabouretdebar

etcommandaundulçaoetunindriyapourmoi.–Jeposedevanttoiunetassehyperstyléeavecuneadorable

anse épurée adoubée d’un biscuit à la fleur d’oranger.Maintenant, savoure le summum du délice, et benvenuto alparadisodelcaffé.

J’aivoletésurl’arômeduboutdunezetmeslèvressavantesontrencontréuncrémadenseetonctueux.Unbonpoint.

–Alors?Queditl’expert?raillaJohanna.–C’estunépicébienéquilibré.80%d’arabicaet20%de

robusta.Vietnametautrechosesur laCordillère.Flattéparuncloudegirofle,unzestedenoixdemuscadeetsaupoudréd’unnuagedepoivregrisplutôtsurprenant.Letoutcaresseàmortlespapilles jusqu’à ce qu’il se transforme en amertume. Pasmal,maisunpeufugitifenbouche.

–Etquellenoteluidonnerais-tu?–Disonsuncinqsurdix.–T’espasunpeuavare là,Harpagon?Pourmoi, c’estun

délice de princesse des Mille et Une Nuits en plein jour.J’opteraipourundix-huitsurvingt,nan,mais!

J’ai demandé un autre café à l’hôtesse en insistant sur ungoûtprochedel’expresso.

–Jevousproposeunristretto,c’estceluiqu’ilvousfaut.–Etd’oùvientlecafé,mademoiselle?–Delacapsule.–Jeveuxdire,dequelpays?– Colombie-Afrique-ou-Brésil-pure-origine-les-meilleurs-

grains-sont-sélectionnés-par-nos-« nez »-et-vous-retrouvez-

souventplusieurs-continents-dans-nos-créations… In fine,l’importantestlerésultatetnonpluslaprovenance.

–Etquelestleprixaukilo?–Maismonsieur,jamaispersonneneposecettequestion,et

jen’enaiaucuneidée.

Comme c’était étrange, ce café du futur où personne nes’intéressaitàcequemesclientsréclamaientsanscesse!

Lapremièrelampéedeceristrettocorrespondaitàcequ’onretrouverait au comptoir d’un café-tabac de quartier qui sefournitchezl’excellentemaisonRichard.Pasmaldutout,maispasexceptionnelnonplus.Unsixsurdixpourlanoteboiséeetcacaotée,pasplus.Pourlagentillessedel’accueil,l’élégancedulieuetladégustationgratuite,jedonneraiunseizesurvingt.

Lesquatrepointsenmoinssontpourlediscourslissé,toutcequinefaitpaslecafé-passion.

Moncrideralliements’entendait:«Hep,garçon!Uncafébienserré.»

Onobservaitlemêmephénomènede«luxurisation»danslacigaretteélectronique,lethéoulessmartphones.Àcerythme-là,dansdixans,lacarotteetlapommedeterreserontdesproduitsd’exception que l’on vendra dans des écrins signés Jean-PaulGaultier.Bon!Jevous l’accorde, le légumeestmoinsglamourquelecaféouleparfum.

Après un demi-siècle de noisettes ingurgitées sur le zinc,nousentronsdansl’empiredel’expressodeprestigeetdanslescompétitionsdessommeliersducaféetdesbaristas.

Leplusdrôle,c’estque toutes lesmarquessesontmisesàproposer une capsule «Nespresso-compatible ».Mais paraît-ilqu’aucun industriel n’a encore égalé le colosse suisse même


–DeSanJoséàKingston, ilya1192km,soituneheurequarantecinqd’avion.C’estnotésurmoniPhonebraille.

–Maisoùveux-tuenveniràlafin?–Jecroisquecetargentservira.Sijem’écoutais,jepartirais

toutdesuiteboireunristrettoaucaféFlorian.–Onaencoredeuxjours.C’estdansquelquartierdeParis,

tonFlorian?– Dans le quartier de Venise, sous les Procuratie Nuove,

entre le dôme du Campanile, le palais des Doges et la placeSaint-Marc.L’adresseestgravéedansmamémoire.

–D’ailleurs,pourquoilesItalienssontlesroisducafé?– Il fautmettre un orteil en Italie pour comprendre que le

cafégicledans leursveines. Il fautpartir auXVIIe siècle pourvoir arriver les caravelles chargéesdemarchandises.Lorsqu’ilsaccostaientàGênesouàVenise,unepartieducafé,quin’étaitpas encore préparée en sacmais jetée en vrac à fond de cale,étaitdéchargéeàcielouvert.C’estceluiquiavaitétéexposéausel,àl’eauetauventquivenaitlepremieretétaitconsommésurplace.Il fallait le torréfieret l’extraireenconséquence,afindepallier le goût parfois altéré. Au retour, les bateaux faisaientescaleàNaples,dernierport,oùlefonddecaleétaitraclé.Lesmoins bonnes qualités de cafés devaient alors être torréfiéesintensémentpourmasquerlegoûtfortetamer.Ainsi,lesItaliensont-ils développé leur imagination pour torréfier, extraire etpréparerlecafé…avecamour,jecrois.

16Mauditgrain

Lecaféestunbreuvage,quifaitdormirquandonn’enprendpas.

AlphonseAllais(1854-1905)L’auteurlepluscyniquementdrôledetouslestemps.

J’aidumalàcomprendre.Jem’appelleFrançoisSaurelleetj’aisoixante-dixans.Je suis allongé dans un lit d’hôpital, et je me masse les

tempes pour apaiser des migraines qui me torréfient le crâne.C’estàs’immolerparlesflammesdel’enfertellementjesouffre.

Le Brésil me manque, saudade de Silvia, de la FazendaAmbientalFortaleza,desenfantsaussi.

Pourquoin’ysuis-jejamaisretourné?J’auraisdû.

Bon, bref ! Mes céphalées diaboliques, c’est peut-être àcausedelamauvaisehumeurquejetraînedepuisdeuxmois.

C’est comme si j’avais un grain pourri dans la tête quim’obstrue la gentillesse.Peut-être aussi parceque j’ai commisuneerreur.

Unegrossebêtiseinexcusablequimeronge.Tout s’embrouille dansma tête, et le passé vientme gifler

vertementpourcrimecontrel’humanité.

J’avaiscinquanteanslorsquemafilleFlorenceestmorteenaccouchant.Monpetit-filsvabien,merci.

Jel’aiappeléJulien.Mafilleavaitvingt-cinqans,c’étaitsonpremierenfant,elle

étaitenpleineforme,sonventrem’émouvait,jerevoyaissamèrequiavait travailléà laboutique jusqu’à ladernièreheureavantd’accouchermaFlorence…monsoleil.

C’étaittrèsdurd’acceptercedépartsoudain,maisjedevaismerecentrerdésormaissurl’enfantqu’ellem’abandonnait.

J’espéraisqueJulienm’aiderait àallerde l’avant, ànepasm’écrouler, à ne pas penser à la mort. Souvent, lorsque jeconduisais avec le petiot à l’arrière, j’avais envie demettre uncoupdevolantcontreuncamion.

J’auraisdûlefaire.À part quelques coups de pied au huitième mois, la

grossesse de Florence s’était très bien déroulée, aucun souciparticulier. Le jour prévu de l’accouchement, vers minuit etdemi,j’aienfilélablousebleuequel’onmetendit,unecharlotteridicule et des patins de clown. Le travail avait commencécorrectementavecunebanalepéridurale.Lecolétaitbiendilaté,lapositiondubébéparfaite.Rienàsignaler.J’étaispresqueravid’êtreàlaplacedupère.

La gynéco est venue l’examiner et a dit qu’on pourraitcommencerdansuneheure.Non,vraiment,riend’anormal.

Lorsquelasage-femmeestrevenue,lebébés’étaitretourné.D’uncoup.

Florence a poussé, mais le bébé avançait, puis reculait,avançait,puis…Unsecondgynécol’aexaminée.Ilsontdécidéune césarienne dans l’urgence. Jusque-là, personne nes’inquiétaitvraiment.Onm’arassuré,onm’asouri,puisonm’aécartéetstationnédansunesalled’attenteavecundistributeurdecafé.


consommeret lecadreagréable firentque leProcopedevint lelieuderéuniondesbeauxesprits.Lesancienscèdentleurplaceà Voltaire, Buffon, Rousseau, Diderot, d’Alembert, BenjaminFranklin et Condorcet. En 1784, Beaumarchais n’avait que larueà traverserpour rédiger ses textes, et toutnaturellement, ilfêtaauProcopelapremièreduMariagedeFigaroquifutjouéàl’Odéon.L’usageducaféserépand,etaufildesannées,lamodepasse au Louis XVI avec ses perruques qui se raccourcissentjusqu’à disparaître. Robespierre, Danton et Marat prennent lerelais avant de perdre la tête sur la guillotine. Puis, lesrévolutionnaires s’effaceront totalement pour laisser place auxchevelusromantiques.OnracontequelelieutenantBonaparteylaissa son chapeau en gage. À certaines tables, on retrouve àjouerauxdominosBalzac,VictorHugo,GeorgeSand,Musset,ThéophileGautier;GambettaylançamêmelamodedefumerlapipeetletoutjeuneVerlainehantalongtempslebar.Plustard,SartreetSimonedeBeauvoiryaurontleurshabitudes.

–Onpourraitpresqueécrireunboutd’histoiredeFranceauProcope.AufaitJulien,ils’ypassequoiaujourd’hui?

– Les tables demarbre ont disparu, l’esprit Procope est àl’agonie depuis belle lurette, les propriétaires successifs n’ontpas réussi à faire parler ces murs illustres et ce caféextraordinairequifutletempledelacultureuniverselleetdigned’êtreélevéaurangdemonumentnationalabienfaillimouriren1987 suite à de graves soucis financiers. Le lieu se veutaujourd’hui dynamique, mais ce sont des touristes du mondeentier ébahis par les fantômes des lieux qui ont remplacé lefourmillementd’intellectuelsd’antan…etonnepeutplusboireunsimplecafé,mêmeaubar.Durantplusdedeuxsiècles,tousceux qui portaient un panache, ou qui espéraient en porter undans le monde des lettres, des arts et de la politique, ontfréquentélecaféLeProcope.Puis,plusrien.

–Jetrouvequec’estunjolisymboledupassé.Laprochainefoisquejepasseraidevant,jem’installeraiàlatabledeVoltaire.

Elleestintenable.

18Cafésdesaveugles

CamilleDesmoulins,juchésurunetabledemarbre

tirasonépéeenharanguantlafouleetcriant:«Auxarmes,citoyens!»

AuCafédeFoyàParis,le13juillet1789.C’était bien les deux sièges les plus bradés de tout

l’appareil. Mais à quel prix ! Nous subissions le va-et-vientincessant des passagers qui s’attroupaient pour se rendre auxtoilettesjustederrièremondos.

Dans un sourire désolé, l’hôtesse de l’air a déposé unplateau-repas,etuneautrenousaoffertuneboissonetuncafé.

« Deux regards épuisés », voilà ce que m’avait glisséJohannadansl’oreilleaprèsleurdépart.

Je subissais les odeurs d’urine, de déodorant à chaqueouverture de porte, la conversation des impatients, la chassed’eau aspirante comme un suçon glouton et les haleineschargéesdebiledes angoissés, le toutdansuneodeurde cafésoluble.Lesvoyagesformentlajeunesse,paraît-il.J’étaisservi.

De toute façon, impossible de dormir avec ce bruitassourdissantderéacteurdanslesoreilles.

Pour mon baptême de l’air, j’avais gagné à la loterie desfauchés. La leçon à retenir : billet pas cher égalait à nuitd’horreurassurée.

Johanna a repoussé ce dîner aux odeurs de toilettesencombrées,etjenel’aiplusentendu.J’aisupposéqu’elleavait


grande crucifixion, que dans mon épreuve, la survie de cetenfant avait étéunebénédiction,que s’ils avaientdisparu touslesdeuxlemêmejour,j’auraisétéendroitd’enfiniraveclavie,que je devais commencer une thérapie pour m’aider àcomprendre,que…

Dansune réaction incontrôlée, j’aibalayé sonbureaud’unreversdemancheenlequalifiantdesaleconnard,etjesuispartienclaquantlaporte.Dequeldroitsepermettait-ildemejuger,defouiner?…Quesavait-ildemestourments?Rien,parcequeladouleurdeparlerétaitimmense.

J’aichangépourungénéralistequinepratiquepaslapsychoenrase-moquetteetquinemereçoitpasplusdecinqminutesenm’oubliant une heure dans sa salle d’attente bourrée demicrobesetdemagazinesanglaisdatantdeMargaretThatcher.

Lorsdemadernièrevisitedanssoncabinet, ila regardésamontreetm’ainvitéàconsulterunspécialisteetàeffectuerunebatterie d’analyses. 23 euros pour m’envoyer balader. J’ai unpointencommunaveccepraticien,maisjenevoispaslequel.

L’écureuil est revenu avec mon expresso et le journal LeParisiend’hier.Jeluiaitendu10eurospournerienluidevoir.Elleaprislebillet,l’adéposésurmatabledechevet,etelleestrepartiesansmeregarderenmarmonnant:

–Onviendravouschercherpourlescanner,Monsieur.Lacapsulenoireétaitcruellementdélicieuse,étourdissante,

révoltante.Lesclientsavaientditvrai.Nespressofaisaitunboncafé.En

plus d’êtreméchant et pauvre type, j’étaismédisant et jaloux.Des larmes d’amertume ont déferlé sur mesjoues. Je medétestais.

Une semaine qu’il est parti, mon Julien, et je n’ai aucunenouvelledelui.J’encrève.

Lorsqu’il a balancédevant les clients queNespresso seraitaucafécequefurentlesaldéhydesdansleShalimardeGuerlainetqu’yrésisterseraitpurefolie,j’aivurouge.Sansménagement,jel’aiattrapéparlecoletjel’aijetédehorsavecsasacocheetsacanne.

J’aiétémocheetre-moche.Les clients présents ne sont jamais revenus. Double perte.

Curieusement, on évite ma boutique, et ceux qui reviennentdemandentoùestJulien.Etçam’énervedecomprendrequesansluiàmescôtés,jen’existepas.

C’étaitmoi,l’infirme,paslui.

Lejourmême,Julienestrevenudevant laboutique.Jem’yattendaisetj’avaisrassemblésonbardadansunsac-poubelle.Jelui ai jeté à la figure en le couvrant d’injures pour mieux lerabaisser, l’écraser, le mépriser. Et cacher ma douleur de leperdre.

Il n’a pas dit un mot. Lorsqu’il est parti, j’ai fermé laboutique et je suis descendu à la cave pourm’allonger sur leventresurladalledebéton.

Trois joursdurant, jesuis restéprostrésurcettechapequej’avaiscouléelelendemaindelanaissancedemonJulien.

Comment a-t-il réussi à se débrouiller tout seul, monJulien?Qu’ai-jefait?

Jesuisunassassinetunscélérat.

Je pensais quemon petit garçon au regard fixe reviendraittous les jourspourme supplier et s’excuser.Bien sûr, j’auraisretrouvémoncalmeettoutseraitrentrédansl’ordreautourd’unmoka.D’ailleurs, sansuneassistancepermanente,ma taupenepouvaitpastraînerbienloin.Forcément,unecanneblanche,ça

empêchedefairesontroudanslavie.Oùdormait-il?Danslarue?Celaluiforgeraitlecaractère.Aprèscetépisode, il reviendraitcommeunhommepétride

courageaprèsl’épreuve.C’estdumoinscequejepensais.Unenuit,j’aierrédanslequartieretsouslespontspourle

ramener.Introuvable,lemôme.Contretouteattente,iln’estplusrevenuramper.Àvingtans,

onasafierté.Mêmesionestmiro.Deplus, j’aiunevériténoirecommeun juséthiopienà lui

révéler sur son père, un truc horrible que j’ai enfoui, un gestefouquime condamne à trembler depuis vingt ans, un acte quim’a enfermé dans ma tête, qui m’empêche tout sentiment dequiétudeoudebonheur.

Le géniteur de Julien avait des cheveux fous. Au premierregard, j’ai détesté ce sourire sournois, ce regard de gourou etl’énergie quasi palpable dès qu’il dégageait dès qu’ilapparaissait.

Ilm’avaitvolémafille,cesalaud!Et cette ressemblance avec son fils Julien me broyait les

nerfs. S’il avait reçu en compensation la douceur de sa mère,celaauraitétéplusqueconfortablepourgommerlepassé.Maisnon!Ilaurafalluquejeperdeaussiàlaloteriegénétique.Triplepunition. Chaque matin, j’avais sous les yeux la gueule deJulien et de ce type sordidequi avait abuséma fille sansmonconsentement.

Je n’irai pas en enfer en sifflotant de légèreté sans meconfesser sur cette nuit demalheur qui l’a vu naître, sur cettenuit quim’a cassé à jamais, ce jour quim’a crevé le cœur etdurcicommedelapierre.

Juliendoitsavoir.Après,jepeuxpartir.


gratis.Grandnégrierparmilesnégriers,lesPortugaisduBrésildéfrichent et incendient des milliers d’hectares de forêtstropicalesimpénétrables.Àcoupdefouetsetdemonstruosités,larubiacéesefécondeàmerveilledanscenouveleldoradoauxterresricheschargéesenazote,potasse,calcaire,phosphate…

–…etrougedusangdesesclaves.– Oui, Johanna, le café fut rivière de douleurs pour un

peuplesansliberté.Maisledélires’étaitemparédesambitieux,l’or végétal faisait tourner les têtes, on plantait à tour de brasd’esclaves. On abandonna le manioc, le coton et la canne àsucre,commeaujourd’huidanslarégionduMatoGrossooùonne plante que du soja. À cause de son énorme besoin en eaudéréglé,cetteculturealtèrelecycledespluiesamazoniennesunpeupluschaquejour.

– Mais comment nourrir les deux cent mille humains quinaissent chaque jour sur la planète ? Telle est la question,Julien?

– Comme je n’ai pas de réponse à t’offrir, je vais mecontenter de poursuivre mon récit. Je disais donc… Sous leredoutable fouet des colons, les esclaves récoltaient. Il n’y aqu’àadmirer lesmaisonscolonialesconstruitesàcettepériodepourserendrecomptedel’argentgénéréavecunemain-d’œuvregratis.Aujourd’hui,lafolien’apascessé,etdesembouteillagesdemachinesagricolesont remplacé le fouetetmettentàsac laplanètejusqu’àlasurproductionquiestuneâneriesansnom.Desurproduction en énorme gâchis, de crise mondiale eneffondrement dumarché boursier, le café vacille de surtaxe enimpôts, ou bien il est tout simplement brûlé à des finsspéculatives. En 1975, on incendie deux milliards de caféiersjuste pour doubler le prix du café vert sur les marchésinternationaux. Ce qui fera le bonheur de la Colombie, grandconcurrentduBrésil.

– Justement, lorsqu’on parle café,mamèreme rappelle lacampagnedepubdeJacquesVabreavecletortillardquitraverselaColombiesurunairtypiquedesAndes.

– C’était une de mes pubs préférés lorsque j’avais encoremesyeux.Jemesouviensaussidugringo-petit-cadre-supérieurquidébarqueencostumecravatedansleshautsplateauxetquicherchelemeilleur, lenectar«dontonestcertainqu’il fera lebonheurduclient».Onpeutmême les revoir surCulture PubavecYouTube.

– C’était bien, les années 1980, mais qu’est-ce qu’on abaratinéauxnaïfsdestrenteglorieuses…

–Disonsqueparmilesbonsélèves,ilyaJacquesVabrequiadisparudesmédiasdèslesannées2000.

–Aveclaclésouslaporte?–Pasdutout.Ilyaeujusteunchangementdecapauprofit

d’une communication bio incitant les consommateurs auxactions concrètes. Dernièrement, j’ai appris que la marque acofinancé laplantationd’unmilliond’arbresd’ombrageavecàla clé un programme d’agroforesterie enColombie.Ces arbresprotégeront les caféiers du vent, retiendront l’humidité etapporteront de la fraîcheur bénéfique à la qualité du café.Lesespècesplantées, comme leCordia alliodora, stabiliseront lessols, fixeront l’azote de l’air, et réduiront ainsi les besoins enfertilisants.

–J’aimaisbienl’imageunpeuringardedu«gringo».Alorsquisecachederrièrecenomdefamillebiendecheznous?

–L’entreprisedoit sa signatureàunenseignant,uncertainJacquesVabre, devenu directeur de l’entreprise en 1946 aprèsavoirépousé lafilledu torréfacteurMarcelDenamiel.Aveccetex-professeur à la barre, la première unité industrielle detorréfaction est installée à Montpellier dès 1953. En 1968,Monsieur Vabre lance une petite révolution sur le marché

français : le café moulu sous vide commercialisé sous diversnoms comme Régal, Nectar, Dégustation, Night and Day, ElGringo…Etpourcassersonimageannées1980aveccetexpert«gringo»,l’entreprisehisselesvoilesverslessportsnautiques.Depuis2006,lamarques’orienteverslesgrainsissusdefermesvérifiées Rainforest Alliance, a placé le logo de la vulnérablegrenouille pour attester de ces achats conformes au standardagricoleplusdurableet toutenproposantunegammecertifiéebio.

– Voici une entreprise tournée vers la protection d’unpatrimoineàtransmettreauxfuturesgénérations.

– Ces actions sont à insérer dans le vaste programme dugroupe Mondelez, nommé Coffee Made Happy, un fondsd’investissemententrelesmainsdesproducteursetdotédedeuxcentsmillionsdedollarssurdixans.JacquesVabreestaussiunmécène tourné vers la mer avec le départ de sa Transat, lafameuserouteducaféquirelieLeHavreetSalvadordeBahiaauBrésil.

–Moncousinpréféréestunmordudevoileetilm’apromisdem’emmenercetteannéeauHavre.

–Peudegens le savent,mais le port duHavre est un lieuprivilégié dans l’importation de marchandises exotiques, etparticulièrementducafé. Ilyavaitmêmeunebourseconsacréeaux transactions de café au Havre, hélas fermée en 1990.Importateurs et courtiers en café ne se croisent plus, mais lessacs de café y transitent encore par milliers même si lesentrepôts le long des docks ont disparu. Toutefois, la PorteOcéane, surnom donné à la ville du Havre, est toujours lepremier port d’importation du café en France avec 60 % dutraficenprovenanced’Afriqueetd’AmériqueduSud.Plusieursbrûleries comme la nôtre existent encore, et de nombreuximportateurs de café conservent de grands entrepôts au Havre


corruption,instauréquelescerisessoientrécoltéesàlamaindemanière sélective en plusieurs passages et uniquement àmaturité,quelaphasedeséchagesefassesurdeslitsafricainspermettantunséchagehomogènedescerisesavantledépulpage.Enfin, sa plus grande réussite à la FAF est d’avoir su sedémarquer des autres plantations en créant un modèled’entreprise rentable, durable et humain. Tout ça sans jamaisveniricidepuistanaissance.Sonespritécologiqueacoulédansnosveinesetnousluidevonsnotreespritcommunautaire.

–Illuimanquejusteunestatueenplacepubliquepouravoirpiétinésonpetit-fils.

Ellen’apasréponduàmasouffrance.Elleajustecaressémamain.

– J’essaie d’avoir François au téléphone depuis dessemaines pour le remercier, mais il ne répond pas. Je suisinquiètepourlui.Julien,commentétait-ilavanttondépart?

–Ilm’afoutuà laportecommeunchien,et jen’aipaseuenviederamperdevantluipoursavoirs’ilvabien.

–Ilt’aviré?–Jetéà laruecommeunmalpropre.C’estétrangequ’ilne

répondepasautéléphone,d’habitudeilseprécipitedessus.Ilapeut-êtredécidédeprendresespremièresvacancesenvingtans.Pourquoivoulais-tuleremercier?

– François a viré une belle somme pour la constructiond’unecrèche.Grâceà lui,desdizainesde jeunesmamansvontpouvoirretravailler.Deplus,celavanouspermettredecréerdesemplois et d’encourager les familles à s’installer ici. Je croisqu’il s’est mis dans la tête de créer un collège professionneltourné vers la production du café. Ton papi est un monsieurincroyableet trèsrespectédanslarégion.S’ilparvientàréunirles fondsavec ledépartement, il changera ladestinéedesgenscommeilachangélamienneenmefoutantàlaporte.

–Jevoissurtoutqu’ilest trèsfortpouraiderlesinconnus.Maispourmoi,c’estzéro.Jeneveuxplusjamaislerevoir.

–Nesoispassidur,Françoisdoitavoirsesraisons.Aufait,as-tu déjà senti l’odeur très particulière d’une plantation decerisesdecaféiers?

Jen’avaispasenviederépondre.Toutenmoisebarrait.J’avais laconvictionqu’unemalédictions’acharnaitsurma

petitepersonne,quejen’avaisjamaisétéaimé,quej’étaisnul.

Magorgesenoueetunesensationd’oppressioncompressemonthorax.

Unevaguenoiremetraverse.J’étouffe.Silviameprendparlamainenmemurmurant:–Demain,jet’emmèneraidansunendroitmagique.

25Cafètestament

Lecafé,lorsquevousl’avezterminé,ilvousdonneencoreletempsderéfléchir.

C’estbeaucoupplusqu’unesimpleboisson,c’estuninstantquisepasse.

Pascommeunmomentordinaire,maiscommeunévénement,unlieud’être,

mêmepascommeunlieu,maiscommequelquepartenvous.Ilvousdonneletemps,

nonpasdesheuresnonréellesoudesminutes,maisunechanced’êtrevous-même,etdeprendreunesecondetasse.

GertrudeStein(1874-1946)

Lecorpsmédicalm’a renvoyéchezmoi avecdixboîtesdeSkénan renouvelable à vie.C’est du sulfate demorphine pourlesmortsendevenir.«Libresdoses»aprescritlemédecin.

Après trente ans de présence dans le Quartier Latin, jen’avais plus un seul client fidèle. À part quelques touristeschinois,onmeboudait,onchangeaitde trottoir,on tournait latête,j’étaisleparia,l’abominablehommedescafés.

Julienn’estpasrevenu.


– À Mococa, certaines familles ont fait fortune enconstruisant de belles demeures au style néoclassique, et s’ilvous plaît, avec intérieurs en marbre de Carrare. Peu sontrepartisaupays,et laplupartdesgrandspropriétairessontdesdescendants de cette Lombardie désertée de force par unegénération.

Levéhicules’estenfinimmobilisé,etchacunaendossésonsac.

Durant une heure, nous avons cheminé au cœur desmontagnesMogianas.

Sur une planche de bois instable jetée à travers un champtouffu,mespashésitaient,setordaient,souffraient.

Johannafutunefoisencoremesyeuxsurlepaysagequines’offraitpasàmoi.

– Trop bizarre ! On est au centre du Brésil et pourtant,l’endroit a des allures de Puy-de-Dôme, mais au formatexotique. Comme c’est beau ! Tout là-bas, il y a un fleuveargentéquicoulesuruntapisdeverdurecompact.Plusloin,jevois une cascade d’une force incroyable. Etmaintenant, on vaentrerdansune junglesauvageavecdesarbres tropicauxhautscomme des gratte-ciel.À unmètre près, changement de décor.J’hallucine!

Moi,jen’entendaisqueleschantsdemilliersd’oiseauxetlebruitdemespassurunsolhumideetnouéderacines.

–Àquellealtitudesommes-nous?–1200mètres,réponditSilvia.C’estàl’ombredesgrands

arbres que les caféiers poussent tranquillement et donnent unequalitéexceptionnelleauxcerises.

– C’est pour ça qu’il n’y a plus de moustiques ! Je vaism’installer ici. Julien, t’as vu les immenses sauterelles sur lesol?

–Enfait,jelesentendssurtoutcraquersousmespiedsparcequejenepeuxpasleséviter.Désolépourelles.

Lavoixd’unvieilhommenousaccueillit.–JevousprésenteJoão.C’estlechefd’uneéquipedetrente

personnes,dontonzestagiaires.Sanscetteaideprécieuse,nousnepourrionspasrécolteràtemps.

Silviapritmamaindroite et ladirigeaversun caféier afinquejecueilleunecerise.

Mapremièrecerise.Ellem’offraitunimmensecadeau.À cet instant précis, j’étais le chevrierKaldi, lemaître du

monde.–Ici, lescerisesdeBourbon jaune,deMundoNovorouge

oudeCatuaisontrécoltéesàmaturité,duboutdesdoigtsetenplusieurs passages comme le faisaient les esclaves venusd’Afrique.MonsieurBarettoditqu’ilfautuneharmonieparfaiteavec l’écosystème. Sans respecter les espèces animales etbotaniquesprésentessurcesiteprimaire,rienneseraitpossible.C’est comme un sanctuaire et l’énergie qui s’en dégage estexceptionnelle. Tu sais, Julien, tous les jours je remercieFrançoisdem’avoirpousséeàvivreauparadis.

Une pensée pirate m’est venue : si Papi ne m’avait paspousséverslasortie,serais-jedanscettejungle?

– Silvia, je suppose que le métier de cueilleur doit êtreépuisantcommejob.

–Pasderendementàl’heure,pasdecadenceinfernale,justedes travailleurs qui œuvrent à leur rythme. Les femmes et leshommes qui ramassent huit heures durant semblent heureuxd’être en résonance avec les lieux. À chaque fois qu’ilsremplissentlepanierd’osiernouéautourdeleurtaille,ilsprient

que chaque grain ait été cueilli avec amour et la certitude quecelaferaunboncafé.Etcontrairementàcequ’ondit,cueilleur-chasseur,c’estbienleplusvieuxmétierdumonde.

–Etaprèslacueillette?–Selonleslots,lescerisessontlavéesàl’eauduruisseaude

la ferme, séchées sur des lits africains ou des aires cimentées.Onamodernisélesinstallationsetsesprocessusdeproduction.L’annéedernière,ona investidans la formationdes salariésetonleurproposeunintéressementsurlaventedesproduitsautresquelecafécommelemiel,leslégumesoulesfruits.Maintenant,il faudrait être plus attentif à l’évolution du marché mondialpour vendre correctement. Durant vingt ans, croyant que leurproduit ne valait rien, les ticos se sont fait rouler par desnégociateurs pas très clairs. Hélas, ça continue pour les plusvulnérables.

À notre retour, nous étions boueux, vannés, trempés desueuretheureux.

Uneodeurdegrainsbrûlésmetorturalesnarines.Dans un cabanon faiblement éclairé, trois hommes riaient

fort.Sous leursmainshabiles, une«boule»de cuivre rôtissait

desgrainssurdescharbonsrougeoyants.Chaque fois que la sphère tournait, les grains roulaient

commedansunecalebassefumante.SilvianousprésentalesfrèresFelipeetJoãoHamilton.LetroisièmehommedéposaunbaisersurlamaindeJo:–Mon intuition avait vu juste, demoiselle : nous devions

nousrevoir.ImpossibledenepassesouvenirdelavoixdeJamesVargas,

leprofiteurdel’aéroport.LavoixdeJoseliquéfia:–Lesortenestjeté,cherJames.


Unequinquaétaitaubaretprenaitdesnotes.Ellealevésonverreetm’ademandéenanglaisdequellenationalitéj’étais.

–Enplusparisienne?Jevousplains!J’aisurvécudanslacapitale jusqu’à mes trente-sept ans. Pour rien au monde j’yremettraislespieds.Enchantée,jem’appelleCorinne.

–Moic’estJohanna.Êtes-vouslapropriétairedecelodge?– Quelle horreur ! Je viens juste prendre un couple de

Canadiens qui loge ici et je repars tout de suite. Je me suisinstallée au Costa avec mon mari pour ouvrir un dispensairedédié aux animaux sauvages. Depuis seize ans, on soignegratuitementtouteslesbêtesqu’onnousamène.Etvous?

– J’étais journaliste, future boulangère, et j’ai suivi unaveugle puis le premier type sur ma route avec l’insouciancepourseulbagage.

–Veinarde!J’aimeraisavoirl’âgelyriquedesextasesdelajeunesseetreplongerdanslagrandeprisederisque.

–Etvoussoignezquelgenred’animaux?–Nolimit!Avecungrosfaiblepourleparesseux,l’êtrele

plus vulnérable que Dieu ait inventé sur cette Terre. C’est unsansdéfensequisefaitmordredèsqu’ilseretrouveausolpoururiner.Etquandcen’estpasleschienserrantsquiletuent,ilestvictime des câbles électriques ou des braconniers qui lerevendent pour 100 dollars à des gosses de riches. Cette bêtem’émeut.C’estidiot,non?

–Etvousêtesdoncvéto?–Pasdutout.J’étaismaîtresseenmaternelleàBellevilleet

membreactiveà laSPAdepuisque j’avaisvuunânemaltraitédansl’émission«30millionsd’amis».Unjour,j’aigagnéunepetite somme au loto et on a acheté une forêt primaire decinquantehectaresauCosta.

–…EtvousavezcrééunearchedeNoé?– Je suis la Sœur Emmanuelle des tatous, des singes

hurleurs, des fourmiliers, des perroquets et de tous ceux quivagabondent dans le malheur.Mais ne croyez pas que je n’aiaucuneattentionenversl’humanité.

Jamesestarrivé:–Viens,jevaistemontrerlacollectiondeHarleyDavidson

deJacques.– Non merci. Trop polluant à mon goût. Je crois que je

préfèrelaconversationd’unefemmeaucœurgrandcommeuneforêtauxgrossescylindrées.

Corinne m’a jeté un clin d’œil de félicitations pour lebellâtre,etm’atenduunprospectussursonsanctuaire.

–Sivousavezletempsentredeuxaventures,passezmevoir.

L’après-midi, j’ai navigué avec James sur les canauxsecondairesà ladécouverted’une forêtdenseet luxuriante,unsanctuaire pour les singes, les crocodiles, les iguanes, lesparesseuxetlesperroquets.

Untrucpourtouristes.J’auraistantaiméavoirJulienàmescôtés,barouderdansla

junglesousunepluiebattante,galérerdansTarrazu,mangeruncasadominableenbuvantunsmoothieguacamolesuruneplagede Manzanillo, crapahuter sous la pluie en visitant le cratèred’Arenal, compter les papillons, délirer en tyrolienne àMonteverde,cueillirdesnoixdecocoàCorcovado,roulerdeuxmillekilomètres surdespistes épouvantables,plonger avec lesdauphinset lesbaleinesàCahuita, remplirdixcartesmémoiredephotossurlapéninsuledeNicoya,creuserdestrousaveclestortues…

J’ai refermé monGuide Vert en me promettant de reveniravecmonJulien.

À notre retour à l’hôtel, James a demandé un break d’une

matinéepourseconsacreràsesaffaires.Puisqu’il n’était pas mon idole, que je ne me pâmais pas

devant lemâle suprême en quémandant des « poupées-bébé »,j’avaisperdutoutintérêtàsesyeux.

Tantmieux.


Legroupes’installedans la sallede réunion,une trentainede cafés sont servis sur une table tournante, l’ambiance est àcouper au sabre, je sens que je vais me faire massacrer à latronçonneuse.

Jeprendslaparoled’unevoixclaire:–Bienvenueà laFazendaAmbientalFortalezadeMococa.

J’espère que nos installations vous ont permis d’approcherl’actionécologiqueet…

–Présentez-vouss’ilvousplaît,détonneunevoixfémininedansl’assistance.

Silencedemortclinique.Monpoulss’accélère.Mesmotssontcoincés.Jomesertuncafé.Jereprendsvieetjedécidedefairefront.Qu’ai-jeàperdre?–Commevouspouvezleconstater,jesuisnonvoyantcequi

n’empêcheenriend’êtreunpassionné.–Jeunehomme,quiêtes-vous?balanceunevoixmasculine

quiexplosedanslasallecommeunedéflagration.J’aibafouilléetdéglutimonanxiété:–…Jem’appelleJulienSaurelle,j’aivingtans,jetravaillais

avecmongrand-pèrequim’a toutapprisdanssabrûleriede larueduFouràParis6e.Pourtoutvousdire,jemesuisfaitvirerparce que j’avais dit que Nespresso faisait du bon café toutcommeIllyouSati.Désolé,maisjecomparesouventlecaféauparfum de la maison Guerlain et certains crus à des toiles demaître.

– Merci Julien, lâche une voix d’homme âgée. NousparcouronsleBrésildepuishuitjoursetnousn’avonsrencontréquedesamateurs,éclairéssansdoute,maisl’angletourismede

massen’estpasnotretassedecafé.Parlez-nousdelaréactiondeStückers’ilvousplaît.Nousvousécoutons.

– C’est une réaction chimique qui change la couleur desgrains. De verts, ils virent au doré-brun, parfois ébène.N’importequeltorréfacteurpourraitrépondreàcettequestion.

– Et la réaction de Maillard ? souleva une voix dansl’assistance.

–Lorsdelatorréfaction,leshydratesdecarbonedesgrainsse combinent à son humidité résiduelle d’environ 12 % d’oùcaramélisation.Cescaramelssecombinentendixminutesavecles acides et les protéines, et donnent ainsi naissance auxarômes. C’est tout simplement les réactions chimiques etmoléculaires pendant la cuisson du café vert. Cela n’intéressejamais mes clients. Je pense que vous devez être destorréfacteurs ou des industriels. Puisque j’entends que noussommesentreconnaisseurs, jevaispourlapremièrefoisdemavieconfrontermesconnaissances.Dequoivoulez-vousparler?

–Nousaimerionsavoirvotreavissurlerobusta.–Voilàcequejesais:l’arabicapréfèrel’altitude,lerobusta

les plaines humides. L’arabica se sème, le robusta se bouture.Les deux font du café, pourtant rien n’est pareil jusqu’auxconditionsderécolteetlegoûtdanslatasse.Ilsseressemblent,maisunocéanlesoppose.

–Unexemple?–L’arabicaestplantéàdesdensitésde3000à10000pieds

par hectare et produit au bout de trois ans. Sa floraison estprovoquéeparlefroidouenpériodesèche.L’entretienannuelselimite à la taille, aux désherbages, à la fertilisation et,éventuellement, à des traitements phytosanitaires contre lesinsectesetlesmaladies.Pourlerobusterobusta,c’estuneautrehistoiremêmes’ilsecultivedelamêmefaçonquel’arabicaavecdesdifférencesnotables:enpleinsoleiletàunecourteduréede

maturationdufruit.– Parlez-nous de l’art de la torréfaction, demande une

nouvellevoix.– Sans un maître torréfacteur, point de bon café. C’est

l’artisan, l’artiste et le créateur du goût. Il lui faut un « nez »pourressentir lecaractèredelafève,del’oreillepourentendrepsalmodier le grain cuit au plus juste parce que rôti deuxsecondes de trop, votre lot se transformera en une infâmeboisson. Prenez une torréfaction brève: le grain s’envelopperadansune«robedemoine».Silatorréfactionestpoussive,lesgrainsdeviendrontébène,corsésoucaraméliséscommel’aimentlesItaliens.Àpartquelquesinitiés,peudepersonnessaventquele grain vert mis en sac à la plantation n’a aucune saveur etaucun arôme. Seule la torréfaction à l’oreille lui donne sanoblessedansune température allantde150 °Cà250 °Cafind’évaporerles12%desonpoidsconstituéd’eau.Pourterminerceprocessusamoureux,lesgrainssontlâchésdansunecuveoùils sont caressés et refroidis par un air pulsé. Et puisquemonpapi terroriste n’est pas là, je dirais qu’un torréfacteur est àl’imageducréateurdeparfums:unmagicien.

Desexclamationsdecontentementfusèrentdanslasalle.–Est-cevraimentunart,jeunehomme?N’ya-t-ilpaslàau

finalqu’unbanalsavoir-fairevernaculaire,fruitdel’expériencetransmisdeboucheàoreilleaufildesgénérations?

–Jerépondraisunartd’artisansoucieuxdebienfaire.Oui,lacaféologieestunedisciplineinoculéeàsesenfantsaumêmetitreque l’œnologieou laparfumerie.En revanche, je saisquel’Éducationnationalenedispensepasdeformationdiplômante,et c’est bien dommage de ne pas former les goûteursprofessionnels de demain.Dans les brûleries de quartier, cettehabiletéestaffairederégionsetdegoût,etd’amourdesbelleschosesaussi.


oùilrésidait.Depuisdesmois,laBrigadenationalederépressiondela

délinquance fiscale enquêtait sur le système « Vargas ».L’arnaqueconsistaitàacheterducafévertàtrèsbasprix,àlesurtorréfier pour maquiller son arôme ce qui favorisait unexcèsdebenzopyrène,unhydrocarburearomatiquehautementcancérigène. Ce café fortement chargé en pesticides étaitrevendu sous l’étiquette « Bio équitable » dans les épiceriesfines et les grandes enseignes. Trente-cinq tonnes de ce café« imbuvable » ont été saisies par les douanes du Havre.L’enquêtesepoursuitauCostaRicaetauBrésil.

Au cours de l’assaut du GIGN, le prévenu s’est suicidéd’une balle dans la tête.Cet ancienmilitaire, ex-complice dePablo Escobar et jugé extrêmement dangereux par lesautorités, s’était retranché dans sa chambre et avait pris enotageunefemmedechambre.

Annexes

Précissurl’histoireducafé

…d’hier,d’aujourd’hui…etdedemain

Le nom de « café » trouve son origine dans le mot arabeqahwa. Ce « vin arabe », désigne toutes sortes de boissonsd’originevégétale.Uneversionprophétiqueaffirmequel’AngeGabriel aurait utilisé du café pour inspirerMahomet. Avec lecafé, tout est possible. Toutefois, les historiens ont rétablicertains faits remarquables, et les économistes, des réalitésinquiétantes.

XIesiècleAvant d’y prendre goût, les musulmans utilisaient le café

commemédicament. Le grandmédecin iranienAvicenne décritses effets sur le systèmedigestif et cardiovasculairedansdeuxdesesouvrages:CanondelamédecineetTraitédephilosophieilluminative.

XIIesiècleLa culture du café ne poussant jusqu’alors qu’à l’état

sauvageenÉthiopie,sembleattestéeàcesiècleauYémen.

XIIIesiècle

C’est à partir des villes saintes de l’islam, La Mecque etMédine,quesepropagelecafé.

XIVesièclePremières traces historiques auYémen de l’usage du café,

baptisé qahwa par les poètes soufis, mouvance islamistecontemplative, ce qui veut dire littéralement « ce qui ravit etinciteàl’envol».

XVesiècleSonusagepénètrelestraditionsdel’islam.Laplusancienne

référenceécriteconcernantlecaféapparaîtdansundocumentde1497rédigéparunmarchanddeTur(ausuddelapéninsuleduSinaï,Égypte).Danscettelettre,lecaféestjointaupoivreetàl’indigo. Ce document unique a été découvert au début desannées 1990 par une équipe d’archéologues japonais lors defouilles sur le siteduportmédiévaldeTur.Le cafén’apparaîtdoncenÉgyptequ’àlafindu

XVIesiècleLecaféestuntrésorcaché,empreintderites,dereligiosité,

deméfianceetd’obscurantismedûparfoisàl’intérêt.– 1511: première interdiction du café à LaMecque. Bien

qu’ilaideàresteréveillépourlesprièresnocturnes, lecaféesttout d’abord proscrit dans le monde arabe, car le Coraninterdisaitlesboissonsenivrantes.Cettedécisionestlevéeparlesultan d’Égypte, qui est un fervent adepte de cette boisson.Considérée comme la boisson du Malin par les cardinauxitaliens, le pape Clément VIII décide de l’autoriser au XVIesiècle, afin que les « musulmans ne soient pas les seuls àpouvoirprofiterdesongoût».


laSecondeGuerremondiale, l’augmentationduprixducaféetde l’aluminium met la production des produits de Balietti aupointmort.En1946,sonfilsRenatorestreintlaproductiondel’entreprise à un seul produit : laMoka Express. Une grandecampagnemarketingestlancéecouvrantMilanetonyérigeunestatue géante de la Moka Express. Depuis, de nombreusescopies de la cafetièreMoka sont apparues et lemarketing estdevenuunélémentclépourassurerlapérennitéetlesuccèsdelamarqueBialettiquiaconservédenosjourssonsavoir-faire.

– 1948 : invention de la première véritable machine àexpressoparlebarmanmilanaisAchilleGaggia.

– 1959 : création du Comité français du café, associationprofessionnelleloi1901constituéedesentreprisesselivrantàlatorréfaction et au commerce de café torréfié en France viaboutique artisanale, café-hôtel-restaurant (CHR)et distributionautomatique(DA).LeComitéapourobjetl’étudeetlamiseenœuvre des moyens d’information concernant le café et lapromotionpour le développement de la consommationdu caféenFrance.

Historique : 1935, union entre les syndicats régionauxdesbrûleursdecafédénomméSyndicatnationalduCommercedescafés torréfiés. 1946, ce syndicat prend le nom de Fédérationdes syndicats de torréfacteurs de café. 2000, cette fédérationprend le nom d’Union des torréfacteurs de France (UTF).Depuisle1er janvier2003, lesdeuxorganismesprofessionnelsexercent leurs activités respectives au sein de l’associationdénomméeComitéfrançaisducafé.

– 1962 : accord à Londres, entre pays producteurs etconsommateursréunisauseind’uneOrganisationinternationaleducaféàvenir,pourmodérerlesfluctuationsdescoursducaféparunsystèmedecontingentementsetdequotas.

–1963:créationdel’Organisationinternationaleducafé.– 1965 : invention du café soluble lyophilisé selon le

procédéinventéen1906parleFrançaisArsèned’Arsonval.LetorréfacteurparisienPierreVerletproposeauxrestaurateursdescrusd’«originepure».

–1969:lesastronautesconsommentducaféentubesurlaLune.

–1970:débutdel’engouementdesJaponaispourlecafé.–1971:troispartenairesinspirésparletorréfacteurAlfred

Peet fondent à Seattle la maison Starbucks, pionnière ettoujours reine des expressos des bars américains. Il s’agit deJerry Baldwin, un professeur d’anglais, Zev Siegel, unprofesseur d’histoire, et l’écrivainGordonBowker.On y venddu café, du thé et des épices. L’entreprise tient son nom duromanMobyDicketévoquelatraditionmaritimedesnégociantsde cafés. Elle possède désormais près de quinze mille salonsrépartis dans cinquante pays, ce qui en fait la première chaînemultinationaledecaféaumonde.

– 1976 : Éric Favre, ingénieur chez Nestlé, invente lacapsule,unsystèmequiajoutedel’airàlapompedelamachinebienavantd’entrerencontactavecl’eau.Maispersonnenes’yintéresseparcequelecafésolubleestancrédansleshabitudes.

– 1986 : après dix ans de recherches et trente millionsd’investissements, Nestlé crée Nespresso et impose le café-dégustationenledistribuantcommeunproduitdeluxeàtraverssesboutiquesexclusives.

– 1988 : le label Fair Trade/Max Havelaar est créé afind’obtenir une juste rémunération des producteurs à l’initiativede Solidaridad, une agence de développement néerlandaise.Commetoutematièreagricole,lecaféfaitl’objetdenombreusesspéculations,quipeuventinfluersurleprixdemanièrepositivecommenégative.Lelabelgarantitunemeilleurerétributiondes

petitsproducteursdanslecadreducommerceéquitable,quecesoitpourlesfruits,lecafé,lethéoud’autresdenréesexotiques.Lecafébioconstitueégalementunevarianterecherchéeparlesamateursdecafé.Pionnierducommerceéquitableetnumérounen France pour la distribution du café Max Havelaar toutesfilières confondues avec 44 % de volumes d’importation, lelabelmetàl’honneurlespetitsproducteurs.

–1989:l’accorddeLondres(OIC)n’estpasreconduitpourcause de surproduction mondiale. Face à une demandestagnante, l’offre est pléthorique. Selon le Départementaméricaindel’agriculture,larécoltemondialedevraitatteindre,encetteannée1989,95millionsdesacsetlesstocksmondiaux47 millions de sacs. Comment dans ces conditions éviter unedégringolade des prix ? C’est le dilemme posé aux cinquantepays producteurs et aux vingt-cinq pays consommateursmembres de l’Organisation internationale du café (OIC). Leurseulearme : l’accordsignéen1986qui fixeune fourchettedeprix et alloue un quota d’exportation à chaque pays. Dans cecadre,chaquepaysmembrevenduncertaintonnagedecafésurlemarchémondialàunprixmoyenfixépartous.Laguerredesprixaainsiétéévitée.

– 1994 : création desColumbusCafé en France, premièrechaînefrançaisedecoffeeshopsavecdesmagasinsrépartissurtoutleterritoire.Denombreusespetiteséchoppesindépendantessontouvertesendehorsdesgrandes filiales,pardesamoureuxdu café à la recherche de saveurs nouvelles et originales, sansdélaisserlaqualité.Ellestravaillentenétroitecollaborationaveclestorréfacteurs.

– 1997 : ungrainde café torréfié datant duXIIe siècle, etprovenant sans doute d’une plantation yéménite, est découvertlors de fouilles archéologiques près deDubaï (ÉmiratsArabes


Pour parler de café à l’harmonie, trois conclusions enbouche ont une portée capitale dans la notation d’un caféirréprochable.

–Lecorps:c’estlejusterapportentreladensitéducafé,lamasse de sa texture et sa persistance en bouche en premièreintention.Untierssejouedanscecorpssublimé,oumalhabillési le producteur ou le torréfacteur n’a pas su extraire les bonsarômesd’unterroiràsavraievaleur.

– L’acidité: nos papilles gustatives identifient quasiimmédiatement sa présence parce que l’acidité déclenche unealerte physiologique. Ce piquant accentue la saveurcaractéristique d’un café particulier dans son âpreté, sasingularité,maissansjamaisbasculerdansledéplaisant.

–La saveur : c’est lamagie du café, et saveur et friandisedoivent jouerdeconcertpourlesgrandscafés.Cetermeréunitles goûts originels de chaque café en bouche pour que laperceptiondesélémentsaromatiquessoitidentifiéeavecuntauxd’agréabilitésansfaille.

Listedesqualificatifs–Acide: caractéristique propre et agréable prononcée chez

certains arabicas d’altitude. Acidité franche d’un agrume,s’opposeauxsaveursaigres.

–Aigre:acide,àl’arômepiquant.–Amer: saveur rappelant la peau du pamplemousse ou du

chocolat noir et obtenu par une torréfaction longue dite « àl’italienne».

–Âpre:râpeux.– Boisé : arôme dur suggérant le bois des cafés restés

stockéssousformedecafévert.–Boueux:goûtincertain.

– Caoutchouteux : arôme spécifique des robustasd’Indonésie.

– Caramélisé : se dit d’un arôme ayant conservé une notesucrée.

–Chocolaté:goûtcacao.–Commun:sanspersonnalité.–Complexe:perdudanslemélangedescontinentsetcrus

variésàl’excès.– Corsé : rondeur qui tapisse le palais, à l’opposé d’un

arômeplat.–Crémeux:suave,etcolombien.–Doux:cafénetenbouche,dénuéd’âpreté.–Dur:goûtprononcé.–Épicé:ajoutd’uneépicecommelacardamome.– Équilibré : bon mélange en pourcentage entre l’arabica

(80%)etlerobusta(20%).–Étoffé:analogieaveclevinquisignifiepuissant,avecde

lacuisse.–Fleuri:évoquelanotefloralecommelejasmin.– Fruité : goût exprimé de fruit mûr et parfumé pour des

caféslaissésdanslaceriseaprèsrécolte.– Herbeux : verdeur dans les arabicas récoltés

prématurément.–Insipide:sanscouleur,absenced’arôme.–Léger:arômerondmanquantd’âpretéetd’acidité.–Mince:cafésansvie,absencedecorpsetd’acidité.–Moisi:chezlesrobustas,arômeetgoûtdusàunmauvais

stockage.Imbuvable.–Neutre:sanscaractère,sansarômesprécis.–Parfumé:quiconservesaparticularité.–Piquant:aciditémarquée.–Plein:reconnaissableparsa

spécificité.

–Pointu:caféavecunefinesaveurpiquanteetacide.–Rémanent:longenbouche,avecunarrière-goûttêtu,voire

amer.–Riche:arômetrèsgénéreuxaucorpsétoffé.–Rioté:arômechloré,voiremédicamenteux,rencontrédans

certainscafésdeRiodeJaneiro.–Rude:goûtâpreetrâpeux,sansfinesse.–Sauvage:odeuranimaletrèscaféd’Éthiopie.–Suave:typiquedelaColombie.–Terreux:arômedeterroirreconnaissable.–Velouté:caféavecducorps,peuacide.– Vineux : riche avec le velouté d’un vieux vin rouge

prédominantdanslescaféscolombiens.

Lesfemmesetlecafé

Les femmes européennes d’aujourd’hui ont investi lesbistrots et plus personne ne se scandalise de leur présence.Maisqu’enétait-ilausiècledernier?

Les femmes s’aventurent peu dans les cafés, à l’exceptiondes«coffee shops»modernesoudes cafés fréquentéspar lestouristes. Historiquement, les femmes prenaient le café dansl’espacedomestiqueouauhammam.

Lecaféalongtempsétéunlieudesociabilitémasculineetlerestedanslespaysdetraditionislamique.Danslemondearabo-musulman,lecaféestlamaisondeshommesavecpourfonction


Jeserailaprincesseduchâteau,JanineBoissard.Mescheminssecrets,JacquesPradel.LeRomandePrague,HervéBentégeat.LeRomandel’Élysée,Françoisd’Orcival.LeRomandeTolède,BernardBrigouleuxetMichèleGayral.LeRomandel’Italieinsolite,JacquesdeSaint-Victor.Le Roman du Festival de Cannes, Jacqueline Monsigny et

EdwardMeeks.LeRomandesamoursd’Elvis,PatrickMahé.LeRomandelaBourgogne,FrançoisCéséra.LeRomandeRio,AxelGyldén.LeRomandelaPologne,BeatadeRobien.Les Fabuleuses Histoires des trains mythiques, Jean-Paul

Caracalla.LesRomansdeVenise,GonzagueSaintBris.LeMystèredesTuileries,BernardSpindler.LeRomandelaVictoire,BertranddeSaint-Vincent.LeRomandeQuébec,DanielVernet.LeRomandeMai68,Jean-LucHees.LeRomand’Israël,MichelGurfinkiel.LeRomandeBruxelles,José-AlainFralon.LeRomandePékin,BernardBrizay.Obama,LeRomandelanouvelleAmérique,AudreyClaire.LeRomandemescheminsbuissonniers,Jean-PierreFleury.LeRomandudésert,PhilippeFrey.LeRomand’unpianiste,MikhaïlRudy.LeRomandeBretagne,GillesMartin-Chauffier.LeRomandeMadrid,PhilippeNourry.LeRomandeCuba,Louis-PhilippeDalembert.LeRomandeMarrakech,Anne-MarieCorre.LeRomanduMexique,BabetteStern.Le Roman du Vatican secret, Baudouin Boallert et Bruno

Bartoloni.LeRomandeNice,JeanSiccardi.LeRomandeSaint-Tropez,NicolasCharbonneau.LesAmoursdeHollywood,PierreLunel.LaGrandeÉpopéede la traverséede laManche,Albéricde

Palmaert.LeRomandelachansonfrançaise,DavidLelait-Helo.LeRomanduJardinduRoy,PhilippeDufay.LeRomandel’âmeslave,VladimirFédorovski.LeRomanduloup,Claude-MarieVadrot.LeRomandel’Indeinsolite,CatherineGolliau.LeRomanducinémafrançais,DominiqueBorde.LeRomandeBelgrade, Jean-ChristopheBuisson, prix de la

FondationKaric2010.LeRomandeTolstoï,VladimirFédorovski.LeRomandelaRomeinsolite,JacquesdeSaintVictor.LeRomandeSaïgon,RaymondReding.LeRomandeNapoléonIII,ChristianEstrosietRaoulMille.Le Roman de Biarritz, Sylvie Santini, prix des Trois

Couronnes2010.LeRomandel’Orientinsolite,BernardSaintBris.Le Roman des maisons closes, Nicolas Charbonneau et

LaurentGuimer.LeRomandeSissi,ElisabethReynaud.LeRomandesMarins,LaurentMérer.LeRomandesProvences,JeanSiccardi.LeRomandeHemingway,GérarddeCortanze.LeRomandespapes,BernardLecomte.LeRomandesmortssecrètesdel’Histoire,PhilippeCharlier.LesRomansduMontSaint-Michel,PatricedePlunkett.Le Roman de la Louisiane, JacquelineMonsigny et Edward

Meeks.

LeRomandel’espionnage,VladimirFédorovski.Le Roman du Juif universel, Elena Bonner, André

Glucksmann.Le Roman de Raspoutine, Vladimir Fédorovski, Grand Prix

Palatineduromanhistorique2012.LeRomandesaventuriers,FrançoisCérésa.Le Roman du siècle rouge, Alexandre Adler, Vladimir

Fédorovski.LeNouveauRomandel’Elysée,Françoisd’Orcival.LeRomandelaSyrie,DidierDestremau,ChristianSambin.LeRomandelagauche,HervéBentégeat.LesRomansdelaCorse,AngèlePaoli,Paul-FrançoisPaoli.LeRomandeLondres,NelsonMonfort.LeRomanduRock,NicolasUngemuth.Mississippi. Le roman fleuve de l’Amérique, Bernard

Brigouleix,MichèleGayral.LeRomanduparfum,PascalMarmet.LeRomandestsars,VladimirFédorovski.LeRomandeCharlesTrenet,NelsonMonfort.LeRomandeshéroïnesdeDieu,LouisDaufresne.LeRomandeCharlotteCorday,HélèneMauriceKerymer.LeRomandumasquedefer,MichelRuffin.LeRomandelaPerestroïka,VladimirFédorovski.LeRomandel’Allemagne,MichelMeyer.JeanCocteauouleromand’unfunambule,DominiqueMarny.LeRomandeJérusalem,TaniaVelmans.

CompositionetmiseenpagesréaliséesparCompo66–Perpignan

274/2013

ÉditionsduRocher28,rueduComte-Félix-Gastaldi

98000Monacowww.editionsdurocher.fr

ImpriméenFranceDépôtlégal:décembre2013

N°d’impression:

http://www.editionsdurocher.fr

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