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LE LIEU D'AUGUSTIN : L'INTERPRÉTATION DE JEAN-LUC MARION Luigi Alici Presses Universitaires de France | Revue de métaphysique et de morale 2009/3 - n° 63 pages 295 à 315 ISSN 0035-1571 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2009-3-page-295.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Alici Luigi, « Le lieu d'Augustin : l'interprétation de Jean-Luc Marion », Revue de métaphysique et de morale, 2009/3 n° 63, p. 295-315. DOI : 10.3917/rmm.093.0295 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 86.111.136.174 - 15/10/2014 20h01. © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 86.111.136.174 - 15/10/2014 20h01. © Presses Universitaires de France

Le Lieu d’Augustin l’Interprétation de Jean-Luc Marion

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Augustin, Jean-Luc Marion

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  • LE LIEU D'AUGUSTIN : L'INTERPRTATION DE JEAN-LUC MARION

    Luigi Alici

    Presses Universitaires de France | Revue de mtaphysique et de morale

    2009/3 - n 63pages 295 315

    ISSN 0035-1571

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2009-3-page-295.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Alici Luigi, Le lieu d'Augustin : l'interprtation de Jean-Luc Marion , Revue de mtaphysique et de morale, 2009/3 n 63, p. 295-315. DOI : 10.3917/rmm.093.0295--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • Dossier : puf306113_3b2 Document : RevueMeta_03_09Date : 29/7/2009 9h59 Page 295/152

    Le lieu dAugustin :linterprtation de Jean-Luc Marion

    RSUM. En jetant la sonde de linterrogation philosophique au lieu de soi, Jean-Luc Marion nous donne une approche organique et originale la pense dAugustin, enentrecroisant entre eux deux plans hermneutiques : sur le premier, lon poursuit unitinraire de rapprochement au cur de la confessio augustinienne permettant de rduirele vaste univers smantique dAugustin un noyau gntique unifiant ; sur le second plan,le parcours philosophique de lauteur se dveloppe ultrieurement, tendant dsarticulerun bloc thorique dontologie et mtaphysique et atteignant ainsi par une voie phnom-nologique une ide de philosophie finalement affranchie de la prsupposition du carac-tre central de la question de ltant et du fondement. En tout cas, mme si lon ne veutpas donner trop dclat la critique anti-ontologique et antimtaphysique caractrisantlapproche la pense augustinienne propose dans cet ouvrage, lacquis spculatif decelle-ci ne semble pas diminuer. Un parmi les mrites principaux de ce livre est davoirrestitu la confessio sa dignit thorique, en y apercevant un lieu phnomnologiqueoriginaire o la relation entre moi et Dieu se noue ; une relation dont le caractreparadoxal, autrement insoutenable, est rsolu par le primat du don et de lamour. Ce sonttous ces traits originaux qui nous mnent dire quAu lieu de soi nest pas seulement unlivre sur Augustin, car il est plus quun livre sur Augustin.

    ABSTRACT. Calando la sonda dellinterrogazione filosofica au lieu de soi , Jean-Luc Marion ci offre un approccio organico e originale al pensiero di Agostino, intrec-ciando due distinti piani ermeneutici : su un piano si persegue un itinerario di avvicina-mento alla sorgente della confessio, che consente di rileggere il complesso universosemantico agostiniano riportandolo al suo nucleo genetico e unificante ; su un altro pianosi sviluppa ulteriormente il percorso filosofico dellautore, che tende a disarticolare unblocco teorico di ontologia e metafisica, guadagnando per via fenomenologica unidea difilosofia liberata dalla questione dellente e del fondamento. In ogni caso, ancheprovando a scorporare la polemica antiontologica e antimetafisica, il guadagno specu-lativo di questo approccio ad Agostino non sembra diminuire. Laver restituito dignitteorica alla confessio, riconoscendola come luogo fenomenologico originario, in cui siannoda la relazione inaudita fra io e Dio, e se ne risolve la paradossalit alla luce delprimato del dono e dellamore certamente uno dei meriti maggiori di questopera, di cuiforse si potrebbe dire che non un libro su Agostino solo perch molto pi che un librosu Agostino.

    Revue de Mtaphysique et de Morale, No 3/2009

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  • Dossier : puf306113_3b2 Document : RevueMeta_03_09Date : 29/7/2009 9h59 Page 296/152

    I . L HERMNEUTIQUE AUGUSTINIENNEENTRE LA RIGUEUR CRITIQUE ET LA PASSION SPCULATIVE

    Lquilibre dlicat entre la rigueur critique et la passion spculative, qui repr-sente la crux hermneutique de tout interprte authentique, apparat encore plusproblmatique et fragile eu gard luvre dAugustin. Peu dauteurs ont marquen profondeur lhistoire de la tradition chrtienne et de la philosophie occidentalecomme Augustin dHippone. Cest justement partir de la confluence de ces deuxartres vitales, qui dessinent la physionomie la plus profonde de notre civilisation,que la pense dAugustin demeure fconde de manire inpuisable, suscitant uneattention historiographique toujours soutenue1. Ce nest pas un hasard si Augustinreste un des auteurs qui, plus que dautres, ont suscit une littrature critique foison-nante, qui peut se rduire deux genres majeurs : dune part, il y a des analysespartielles, circonscrites ltude philologique daspects spcifiques de sa rflexion ;dautre part, paraissent toujours des uvres synthtiques, visant restituer lunitde la figure dAugustin, en y recherchant son inspiration la plus profonde.La multiplicit des approches et bien plus la diversit des points de vue herm-

    neutiques (qui ont souvent conduit des perspectives opposes, aussi bien enphilosophie quen thologie) tmoignent de la grandeur et de la complexit de lasource. Toutes confirment le propos de Carl Schmitt : Lisez Augustin, il y atout l-dedans2 ! Cest justement par rapport une telle grandeur et une tellecomplexit que luvre dAugustin prsente une configuration originale, fruitdun quilibre aussi bien instable quexemplaire entre lorganicit de sa structureet le contexte de son dveloppement. Car ce qui caractrise un tel quilibre nestpas seulement le rapport entre lhorizon historique, lexprience existentielle etle travail rflexif, mais aussi lintersection entre lauctoritas et la ratio, entrelidal du bios theoretikos, le sensus ecclesiae et la dure tche du gouvernementpastoral, des lments qui convergent tous dans la notion de sapientia christiana.Ainsi la difficult interprtative se trouve-t-elle en un certain sens accrue :

    dune part, la rigueur historiographique nous invite restituer le contexte de la

    1. Jai pu rendre compte de cette attention par les deux entreprises ditoriales suivantes : L. ALICI,A. PIERETTI, R. PICCOLOMINI (ed.), Agostino nella filosofia del Novecento, Roma, Citt Nuova (4 vol :Esistenza e libert, 2000 ; Interiorit e persona, 2001 ; Verit e linguaggio, 2002 ; Storia e politica,2004) ; A. D. FITZGERALD (ed.), Augustine through the Ages. An Encyclopedia, Grand Rapids(Mich.) & Cambridge (U.K.), Eerdmans, 1999 ; d. franc. M.-A. VANNIER (dir.), Saint Augustin : LaMditerrane et lEurope IVe-XXIe sicle, Paris, Cerf, 2005 ; ed. it. riveduta e aumentata a cura diL. ALICI e A. PIERETTI, Agostino. Dizionario enciclopedico, Roma, Citt Nuova, 2007.

    2. Ce propos, nonc pendant un entretien avec D. Groh et K. Figge, est rapport par A. KOENEN,Der Fall Carl Schmitt. Sein Aufstieg zum Kronjuristen des Dritten Reiches , Darmstadt, Wissen-schaftliche Buchgesellschaft, 1995, p. 64, note 191.

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  • Dossier : puf306113_3b2 Document : RevueMeta_03_09Date : 29/7/2009 9h59 Page 297/152

    pense dAugustin, comme historiquement donne, se dveloppant dans un dia-logue circonstanci avec son temps, selon un tissu de motivations existentielles,dattitudes spirituelles, de contraintes argumentatives, voire de genres littrairesdivers ; dautre part, la passion spculative trouve chez Augustin un alli formi-dable, qui incite ne jamais perdre la syntonie avec le noyau vif de sa rflexion,o tout semble natre et revenir. Il ne faut en effet pas prendre un organisme vivantpour un calque extrieur, bien que celui-ci puisse tre lgitim par des analysessoignes, mais souvent inutilement rudites.La crux qui pse sur les paules de linterprte vritable dAugustin consiste

    dans la reconnaissance du dynamisme vif de son enqute, qui se dgage tout aulong dun parcours qui nest pas toujours linaire, mais marqu par des clairiresde lumire et des polmiques acres, ainsi que dans la saisie du point focal otout se ramne, se noue et trouve sa stabilit conceptuelle. Cest pourquoi uneapproche quilibre et unitaire de sa pense simpose, qui ne soit cependant pasunilatrale ou instrumentale, mais attentive lintentio auctoris. Il ne serait pasdifficile de retracer lhistoire des msinterprtations, o lauctoritas augusti-nienne a t tout simplement utilise pour lgitimer une tout autre pense, en luiconfrant une profondeur historique et la dignit dune tradition.Serge Lancel conclut sa grandiose recherche historique sur la figure dAugus-

    tin de la sorte : Ici sarrte lhistoire dAugustin dHippone et de son uvre ; lsengagerait celle de sa longue influence, lhistoire, tt commence, de ce quonappelle laugustinisme : une tout autre histoire3. Toutefois, comme la soulignMarrou, ce ne fut pas toujours la meilleure partie de saint Augustin qui exeralinfluence la plus profonde ou, tout au moins, la plus visible. Cest pourquoi ilconvient toujours de remonter des diffrentes formes daugustinisme Augustinlui-mme4. Ces lignes ont t galement mentionnes par Madec, afin de souli-gner le caractre problmatique dune notion largement connote de manirepjorative5. Il me semble dailleurs ncessaire de rappeler ici la figure inou-bliable de Goulven Madec, qui a consacr son existence dfendre une lecturedAugustin rigoureusement fidle aux sources6.

    3. S. LANCEL, Saint Augustin, Paris, Fayard, 1999, p. 668.4. Cf. H.-I. MARROU, Saint Augustin et laugustinisme, Paris, Seuil, 1955, p. 180.5. Cf. G. MADEC, Lectures augustiniennes, Paris, Institut des tudes augustiniennes, 2001, p. 295.6. Que lon se rappelle le propos suivant : Loriginalit dAugustin ne tient pas quelque esprit

    de systme qui aboutirait des singularits doctrinales ; elle tient lexprience de sa conversion, auprogrs spirituel quil a poursuivi en crivant [], aux rflexions provoques par les controversesquil a cru devoir mener contre les dviations de la doctrine chrtienne. Il faut donc lire ses uvres enleur entier, dans leur contexte historique, en sefforant dentrer dans sa communaut culturelle, cellede ses fidles, de ses amis et de ses adversaires (G. MADEC, Dun congrs augustinien lautre : de1954 1986 , in Aa. Vv., Congresso internazionale su S. Agostino nel XVI centenario dellaconversione, Roma, Institutum Patristicum Augustinianum, 1987, vol. I, p. 33).

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  • Dossier : puf306113_3b2 Document : RevueMeta_03_09Date : 29/7/2009 9h59 Page 298/152

    En examinant la stratification complexe de lhritage augustinien, il nest pasrare de dcouvrir des correspondances insouponnes avec des auteurs qui sonttrangers la tradition de laugustinisme ou, plus gnralement, au soi-disant spiritualisme chrtien 7. On peut penser par exemple Karl Jaspers, quicomptait Augustin, ainsi que Platon ou Kant, parmi ceux qui fondent la philo-sophie et ne cessent de lengendrer , parce que chez eux, rien nest achev,car leur pense continue faire son chemin dans les esprits, et en mme temps,tout est achev dans la possibilit quils offrent dactualiser lessentiel 8. Enparticulier, selon Jaspers, penser avec saint Augustin implique la concidenceconcrte et existentielle de ses mouvements de pense avec des dmarches phi-losophiques originelles, et le problme critique de savoir comment cesdmarches, accomplies indpendamment de leur fond de foi chrtienne, ne sontpeut-tre plus les mmes, mais demeurent pourtant vraies et efficaces 9.Pour Heidegger, Augustin est surtout lauteur des Confessions, qui ne nous a

    pas seulement pos une question comme un simple objet de recherche, mais laquestion quil tait pour lui-mme. Dans une lettre de lanne 1933 Heideggersouhaite son amie Elisabeth Blochmann de tirer einen reichen u. dauerndenGewinn aus diesem groen Buch , puisque die Kraft des Existierens, die esverstrmt ist ja in der Tat unerschpflich. Ich find es immer wieder am frucht-barsten beim Lesen mit dem 10. Buch zu beginnen in eins mit dem 11 und dannerst mit dem Biographischen, wenn man es berh[au]pt so nennen darf 10. Detels propos pourraient tre compars avec le jugement de Wittgenstein ; selon letmoignage de Drury, il estimait que les Confessiones taient the most seriousbook ever written 11. Si lon voulait paraphraser lvangile, on pourrait dire quelon rencontre plus de foi en Augustin chez ce genre dauteurs que chez les autresaugustinismes, bien quil ne soit pas difficile parfois de reconnatre des issuesfourvoyes dans des approches unilatrales.Le livre de Jean-Luc Marion, discut ici dans un dbat auquel jai lhonneur de

    participer, se soustrait de manire brillante aux dilemmes traditionnels de cettecrux hermneutique, sans y rester prisonnier. On ne peut certes pas dire queMarion utilise Augustin comme un prtexte, chargeant dun poids thorique dis-proportionn un mince apparat historiographique. Son livre, au contraire, traverse

    7. Cf. L. ALICI, Augustin notre contemporain , Revue dthique et de thologie morale, 240(2006), pp. 47-59.

    8. K. JASPERS, Les Grands Philosophes, trad. fran. sous la dir. de J. Hersch, Paris, Plon, 1963,pp. 207 sq.

    9. Ibid., p. 372.10. M. HEIDEGGER, E. BLOCHMANN, Briefwechsel 1918-1969, hrsgg J. W. Storck, Marbach a. N.,

    Deutsche Schillergesellschaft, 1990, p. 62.11. M.O'C. Drury, Some Notes on Conversations with Wittgenstein , in R. Rhees (ed.),

    Recollections of Wittgenstein, Oxford-New York, Oxford University Press, 1984, p. 90.

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  • Dossier : puf306113_3b2 Document : RevueMeta_03_09Date : 29/7/2009 9h59 Page 299/152

    luvre entire dAugustin et est bti sur une base documentaire trs fouille,aussi bien dans lusage pertinent et contrl des sources que dans la capacit puiser les rfrences les plus adquates de la mine de la littrature critique, ode rares gisements dor sont ensevelis sous les strates dune masse aride et strile.On rencontre rarement dans le mme livre la fois la possibilit dune connais-sance intime et exhaustive dAugustin et lopportunit de mettre lpreuve unehypothse spculative qui rsume le parcours dun auteur contemporain impor-tant dans le contexte de la pense philosophique de son temps.De plus, le livre Au lieu de soi nous aide recoudre une autre dchirure qui

    caractrise lhistoriographie augustinienne, savoir entre la philosophie et lathologie. Ce qui peut tre (sans doute) attribu Augustin comme un dficit dans lacte de distinguer peut tre (probablement) imput ses interprtes commeune tendance excessive dans lacte de sparer. Pour plusieurs raisons historiques,culturelles, voire institutionnelles, les philosophes et les thologiens se sontrparti en parties (presque) gales lhritage augustinien, en y appliquant desmthodes et des approches fort diffrentes. Il sensuit une superposition dans letissu culturel des deux univers thmatiques impermables et autorfrentiels. Lesphilosophes peuvent lire les pages augustiniennes sur lnigme du temps ou sur lemystre du mal, se sentant institutionnellement exonrs de lobligation de semesurer avec la querelle concernant la doctrine de la grce, ou lecclsiologie, lachristologie, la thologie trinitaire. Et vice versa.Le livre de Marion offre une contribution prcieuse pour dpasser galement

    une telle dichotomie. Son approche nous conduit au cur de certaines vritslmentaires et originaires qui justement prcdent les classifications scolas-tiques dont nous avons parfois besoin, mais dont nous restons souvent prison-niers. On pourrait dire de la pense humaine plus forte raison ce que Einsteindisait de la nature : La nature nest pas divise en Dpartements, la diffrencedes Universits. cet gard, le livre de Marion prsente une figure spcifiqueet originale, qui peut tre difficilement classe dans le paysage de la littraturecritique augustinienne. Lon pourrait peut-tre dire quil nest pas un livre surAugustin, parce quil est bien plus quun livre sur Augustin.

    I I . LE PRIMAT DE LA CONFESSIO

    Je voudrais discuter maintenant certaines thses de Marion qui me semblentles plus significatives par rapport la pense dAugustin. Ces thses entre-croisent deux plans : sur le premier se dveloppe le parcours philosophique delauteur, qui tend dsarticuler le bloc thorique constitu par lontologie et lamtaphysique, atteignant ainsi par une voie phnomnologique une ide dephilosophie enfin affranchie de la prsupposition du caractre central de la ques-

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    tion de ltant et du fondement12 ; sur le second plan, on cherche rduire levaste univers smantique dAugustin un noyau gntique unifiant, partirduquel il est possible de lire et interprter les Confessiones de saint Augustinsur un mode rsolument non mtaphysique . Lauteur dclare expressmentvouloir par cette voie tester la validit hermneutique des concepts de dona-tion, de phnomne satur et dadonn (p. 10), en se demandant en mmetemps si la difficult daccder la source de la confessio ne dpend pas juste-ment de ltranget du dispositif augustinien une telle construction mtaphy-sique de laquelle la pense moderne et contemporaine ne semble pouvoirsaffranchir.Je dsire tout de suite dire que, tout en reconnaissant limportance des deux

    plans hermneutiques, singulirement considrs, je ne serais pas dispos considrer que leur lien est ncessaire, la diffrence de lauteur, qui soulignepar contre avec force ce point tout au long de son livre. Dit autrement : je necrois pas quil soit ncessaire de radicaliser lantithse entre une hermneutiqueontologique et une hermneutique phnomnologique afin de saisir le noyau leplus profond de la pense dAugustin, bien que Marion aboutisse effectivementde manire extraordinaire ce rsultat, en smancipant des prsuppositionsinadquates et extrinsques. Sans doute une telle opposition nest-elle mme pasutile. Car si lon considre les deux approches comme antithtiques, on encourtle risque par rapport Augustin de remplacer un anachronisme par un autreanachronisme. Sil est possible de scinder ces deux aspects, cest une questioncomplexe, exigeant une apprciation prliminaire du nud entre le jugementhistoriographique de Marion et son propre projet thorique ce que personnelle-ment je ne suis pas en mesure dexprimer. Puisque je ne peux mme pas iciprendre en compte dautres interprtations dAugustin qui se rapprochent decelle de Marion, bien quelles partent de prsupposs historiographiques partiel-lement diffrents, je me bornerai suivre de prs son approche qui pourrait trecaractrise comme une vritable seconde lecture .Marion critique dabord dautres perspectives, comme celle qui croit gagner

    un point de vue historique en partant dun regard impartial. Ensuite, il dnonce raison les limites des analyses seulement philosophiques ou seulement tholo-giques, en faisant lhypothse que saint Augustin ignore superbement la dis-tinction entre philosophie et thologie, parce quil nappartient pas (encore) lamtaphysique (p. 27).

    12. Cette thse a t rcemment soutenue aussi dans le cadre dun cours tenu en Italie, la Scuoladi Alta Formazione Filosofica di Torino : La philosophie ne sidentifie pas avec la mtaphysique (J.-L. MARION, In dialogo con lamore, a cura di U. Perone, Torino, Rosenberg & Sellier, 2007,p. 17). En posant en effet une question maladroite, la mtaphysique ne pense pas ce quelle ditpenser (p. 19).

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    Une thse principale semble conduire ltude de Marion : si les Confessionesnous offrent la cl hermneutique pour lire luvre entire dAugustin selon uncritre intrieur (on pourrait dire : Augustinus cum Augustino), la cl de lecture desConfessiones est fournie son tour par lacte mme de la confessio. Celle-ci eneffet nintervient pas seulement comme la condition de possibilit et le sitethorique des Confessions, mais en devient aussi le but unique et laccomplisse-ment . Par consquent, une lecture des Confessiones qui ne tient pas compte deleur constitution par confessio ne vaut rien (pp. 63 s.). Prima cogitatio confes-sionem habet : cette affirmation, quAugustin utilise en commentant lepsaume 75, rsume de manire efficace un tel choix. Dans lacte performatif de laconfessio lappropriation la premire personne de la Parole rvle unifie en unseul acte performatif la confessio peccati et la confessio laudis, en tablissant une admirable squence sur le plan de lauto-implication ( je ne dis pas ma confes-sion, je suis ma confession , p. 57), qui investit lexercice mme de la parole, lorsquil sagit de se dire moi-mme comme tel, cest--dire devant Dieu (p. 59). partir de ce point, Marion saisit trs bien le carrefour entre lautorelation et

    lhtrorelation. Ici Augustin anticipe effectivement la doctrine phnomnolo-gique du tiers, tout en la renversant. Dieu (et non une instance mondaine) est letiers qui uvre la relation autrui partir de sa relation constitutive avec moi,retournant la distance infinie en infinie proximit. Le livre restitue ainsi de manireadquate un aspect spcifique de la pense dAugustin, qui na pas toujours tcompris par les interprtes lis une prsupposition dualiste, platonicienne durapport entre lme et le corps, lintrieur et lextrieur. Car chez Augustin mergeun tat anthropologique tridimensionnel, attest par le dispositif exterior-interior-superior, o la cime de lintriorit, marque constitutivement par la confessiodevant celui qui est interior intimo meo et superior summo meo, marque le seuilinstable entre lhorizontalit de la distentio et la verticalit de lextensio13.De cette faon, on assiste un renversement radical de la figure de lego

    (p. 141), qui renvoie la racine mme de la constitution personnelle louvertureinfinie de lextensio ; seul un rhtoricien accompli comme Augustin pouvaitexprimer cette concidence paradoxale de lintriorit et de la transcendance,dcrivant le parcours qui radicalise la rduction anthropologique comme pas-sage du degr zro (intra, supra) au superlatif de la profondeur et de llvationspirituelle (intimum, summum), au-del duquel souvre un scnario ultrieur o

    13. Parmi les premiers, au moins en Italie, qui ont soulign cet aspect, cf. A. RIGOBELLO, Intentio-extensio-distentio, modello ermeneutico dellantropologia agostiniana , in Aa. Vv.,Scritti in onore di Carlo Giacon, Padova, Antenore, pp. 135-146 (republi in Id., Linee per unaantropologia prescolastica, Padova, Antenore, 1972, pp. 15-27).

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  • Dossier : puf306113_3b2 Document : RevueMeta_03_09Date : 29/7/2009 9h59 Page 302/152

    le sujet nest plus un protagoniste actif, sans tre pourtant non plus un spectateurpassif. Quand le processus de dpassement de soi parat tre port la limite,lhorizon souvre au lieu de se fermer ; cest en somme un comparatif du super-latif (interior intimo superior summo) qui fait clater toute dichotomie entrelimmanence et la transcendance, entre lautonomie et lhtronomie. Dans lelangage de Marion, qui sur ce point me parat tre extrmement fidle lespritet la lettre des Confessiones : Le soi, qui est moi-mme, je, moi lego, ne lesuis pas, je ne sais pas par moi-mme (p. 416). Cest prcisment pour celaqu au lieu de soi, il ny a pas une figure de la conscience, ni une manire dusubjectum, mais ce quoi le soi ressemble et se rfre (p. 421). On ne pourradonc pas rpondre linterrogation sur Le Lieu de soi en termes essentialistes :sil est vrai que Dieu apparatra lego le lieu de soi , il est non moins vraiqu il apparat comme infiniment toujours en avance et au-del de ce que jenai approch ; par consquent le lieu de soi en Dieu ne peut devenir que lemouvement dune tension sans cesse continue (p. 419).

    I I I . LA FIGURE ROTIQUE DE LA VRIT

    De cet acquis fondamental, bien synthtis dans lheureux choix du titre,Marion tire une srie daffirmations non moins fondamentales. Dans sa diff-rence insurmontable (qui appartient lordre de la saintet), la craturehumaine atteste le lien constitutif avec le crateur comme licne de linvisibi-lit de Dieu (p. 350), en assumant donc en elle-mme la marque de lincompr-hensibilit, la faon dont Dieu demeure incomprhensible. Cest le thme delexil : lego vit la rencontre avec soi-mme sous la forme dun impossible enfer-mement monadique : Jhabite donc un lieu, moi-mme, o je ne me retrouvepas (p. 121). Le chiffre de la finitude, dautre part, se manifeste aussi par unelimite indpassable de la volont qui peut vouloir (au sens deffectuer en vou-lant seulement) tout ce quelle veut, sauf elle-mme (p. 233).Il en rsulte une suspicion radicale sur la volont : en dcouvrant la possi-

    bilit dtendre son pouvoir sur tout sauf sur soi-mme, une scission apparatentre la volont de puissance et le grand saut : Pour passer du nihilisme augrand amen, il lui faut atteindre un vnement qui ne dpend pas delle, bienquil advienne en elle (p. 234). Augustin reconnat que la prtendue authenti-cit autour de laquelle Heidegger construira son analytique existentiale nest pasle fruit de la volont : la relation soi nest nullement un acte de dcision propre.Marion convoque dans cette perspective lensemble des rflexions augusti-niennes sur la temporalit et la cration, reconduisant de faon cohrente lher-

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  • Dossier : puf306113_3b2 Document : RevueMeta_03_09Date : 29/7/2009 9h59 Page 303/152

    mneutique augustinienne de la Gense au vocabulaire liturgique de la confessioet de la louange, reprise et tendue en un sens cosmique14.Dans ce contexte, Marion situe opportunment la trs clbre analyse augusti-

    nienne du temps du livre XI des Confessiones dans une plus large optique,susceptible dchapper lantinomie ricurienne du temps de lme oppos autemps du monde. La mens humaine manifeste de fait pour Augustin lempreintede la cration un niveau qui radicalise en mme temps la vocation eschatolo-gique de lextensio et la fragilit phnomnologique et morale de la distentio.On retrouve ici, un autre niveau, le paradoxe de la volont ; la rconciliationanthropologique entre le temps et lintriorit nest pas interprte dans le sensdune autotemporalisation : La distentio animi, si elle temporalise bien labande passante des moments passants, en mesurant par un sentir originel, ne setemporalise pourtant pas delle-mme. Sa propre temporalisation conclutlAuteur lui advient comme un vnement (p. 304). Rapportant ce point une notion typique de sa propre pense, Marion isole deux vnements quisituent la temporalit de la distentio animi comme des phnomnes saturs parexcellence : ltant-donn le plus proche (moi-mme dans mon rapport autrui)et ltant-donn en totalit (le monde) . Eh bien , conclut-il, ces deux v-nements prcdent la temporalit de la distentio animi (p. 303).Le pas en avant dcisif de linterprtation de Marion, qui reconduit mon

    sens ces dveloppements une synthse organique, rapprochant le plus possiblela perspective de saint Augustin et lissue de son propre parcours phnomnolo-gique, consiste nommer telle prcdence par le don et lamour. Cest seulementdans ce cadre que lon peut saisir la signification ultime de leudmonismedAugustin, qui est souvent compris comme une concession marginale lasituation philosophique et culturelle de son temps. Par contre, Marion soutientque le lien entre le dsir de vivre et le dsir de flicit nest pas fortuit : il sagiten effet dun lien analytique a priori. Le lieu de cette confluence thmatique estjustement la notion augustinienne de vita beata, dans laquelle la nature originairedu don et celle du dsir se rencontrent. Puisque la vie implique par elle-mmeque ltre vivant puisse la recevoir et la perdre, nous sommes depuis toujours

    14. mon avis, on pourrait lire selon le modle hermneutique de la confessio le De civitate Dei(auquel le livre de Marion ne porte pas dattention particulire) : Le fait quAugustin ait consacrcinq commentaires au livre de la Gense ne peut tre fortuit ; outre les uvres explicitement marquespar une intention exgtique ou scripturaire, lvque dHippone place au centre aussi bien de ladeuxime partie des Confessions que de De la cit de Dieu une analyse prcise du thme de lacration ; il y a un rapport troit, ses yeux, entre lnigme de lorigine et cet horizon de sens qui rendpossible la confessio autobiographique qui est en mme temps une sorte de biographie collective, quelon pourrait aussi considrer comme confession du peuple et de la cit (confessio populi et ciuitatis) (L. ALICI, Lnigme de lorigine et la gense du sens , in G. NAUROY, M.-A. VANNIER (d.), SaintAugustin et la Bible, Recherches en littrature et spiritualit , XV, Berne, Lang, 2008, pp. 60 sq.).

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  • Dossier : puf306113_3b2 Document : RevueMeta_03_09Date : 29/7/2009 9h59 Page 304/152

    dans lhorizon du dsir : cest pourquoi elle se reoit et se perd, donc elle sedsire, se laisse dsirer, et soffre comme dsirable sous la figure de la vieheureuse (p. 130).Nous sommes donc au-del de toute reprsentation cognitive : Le dsir de la

    vie heureuse, nous le savons sans le connatre ni le comprendre, car il nous habitecomme limmmorial, le plus proche et le plus lointain, en tant quil se fait parnous dsirer (p. 131). Puisque la vita beata se caractrise par luniversalitinconditionne du dsir, elle acquiert le statut de premier principe. Celui-ci, parson ambivalence irremplaable, dans laquelle fait signe la nature indispensable delamour, fait apercevoir la dimension pratique qui sidentifie chez Augustin avecla projection intentionnelle de la crature humaine. On comprend ds lors pour-quoi de manire cohrente le contraire de la vrit nest pas la fausset ou lerreur,mais le mensonge de mme que, sur un tout autre plan, pourquoi le contraire dubonheur nest pas la neutralisation du dsir, mais la tristesse pour une flicitmanque. Cet aspect de la pense augustinienne se pose comme une alternativeradicale lthique stocienne, et sa prtention dradiquer tout trouble passion-nel en se rfugiant dans une citadelle de lme fortifie et autosuffisante. Ilrevient Marion le mrite davoir soulign ce point, bien que la rfrence austocisme ne soit pas explicite.tant donn que le dsir simpose de manire inconditionne, le dsir de la

    vita beata nest pas affect par la contradiction thorique entre le dsir en soi etles conditions de sa ralisation ; il nest pas en effet le corollaire dune oprationcognitive prliminaire, la diffrence par exemple de la connaissance delessence ou de lexistence de Dieu. Comme le souligne Marion : Le dsir neprsuppose ici la connaissance de ce quil aime, mais la prcde, et il la prcdeparce quil lengendre (p. 156). On touche ici du doigt limmanence rciproquede lme, de la connaissance et de lamour dans laquelle fait signe limage de laTrinit. Marion reconnat chez Augustin un des thmes significatifs de sa proprerflexion, savoir la figure rotique de la vrit qui prvaut sur sa figure thor-tique. Puisque le rapport avec la vrit est soustrait ainsi toute forme dintel-lectualisme abstrait, lacte cognitif sinscrit dans lordre plus originaire etcomprhensif de lamour. Cela implique naturellement pour lamour le risque desexposer la contre-figure pathologique et idoltre de la haine, compris dansun sens phnomnologique avant mme que dans un sens moral dans lesformes graduelles du refus devant une vidence excessive et intolrable.En dfinissant la vrit comme une affaire damour , on accde la vrit

    du troisime ordre , selon les termes de Marion. Celle-ci est comprise comme lvnement dune vidence, qui ne se montre quautant que jen tolrelexcs (p. 195). Par rapport la signification traditionnelle de la veritascomme adaequatio ou de linterprtation heideggrienne de la veritas comme

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  • Dossier : puf306113_3b2 Document : RevueMeta_03_09Date : 29/7/2009 9h59 Page 305/152

    dvoilement, apparat chez Augustin une troisime figure o je ne dcideraispas de la vrit [] mais o je devrais moi-mme me dcider par rapport elle (187). Sur ce plan, la connaissance nclaire pas lamour, mais aucontraire lamour et la haine ont une fonction pistmologique et phnomnolo-gique, permettant de saisir avec justesse la manifestation dun phnomne ainsique ma rsistance lui. Car le phnomne satur rvle et surtout met lpreuve ma finitude. Comment peut-on rsister un excs dvidence intui-tive ? Quest-ce que signifie finalement rsister la saintet de Dieu, phnomnesatur par excellence ? Marion rpond que seul lamour permet de faire suffi-samment front face la pression aveuglante de la vrit, en fournissant de lasorte la condition pistmologique pour accder la vrit qui, en tant quobjetdamour, prend le nom de beaut. Dans cette perspective, Marion interprtelnonc non intratur in veritatem, nisi per caritatem, par lequel Augustin serfre au don de lEsprit-Saint, de mme que lamour de Dieu, infus dans noscurs (Rom., 5, 5), rend possible lintelligence des critures.Amour et haine, tentation et grce tmoignent de lambivalence dramatique

    de la voluntas. La douloureuse confrontation critique avec la gnose mani-chenne a conduit Augustin intrioriser le conflit, qui ne concerne pas deuxvolonts, mais le monstrum dune voluntas qui se ddouble, mais par division,plus exactement par dficit (p. 237). La volont humaine met en uvre lafacticit, se heurtant une exprience dimpossibilit radicale que le plagia-nisme ne peut pas concevoir et que Marion considre justement comme unenotion alternative la conception heideggrienne de possibilit, qui fonde ladcision anticipatrice.Une thse importante de Marion est que la perversit de la volont veut le mal

    pour le mal, attestant ainsi le primat de lamour. Celui-ci en fait nest pas chezAugustin une des possibilits du vouloir, mais la seule vraiment efficace. Lavolont ne soutient pas lamour : au contraire, lamour permet de vouloir demanire authentique. Selon Marion, pour Augustin vouloir, vouloir vraiment,que ce soit le bien ou le mal, signifie en dernire instance aimer (p. 249).Puisque Marion reconnat que lamour a une pertinence anthropologique plusoriginaire que la volont, il saisit un trait spcifique de la pense dAugustin, quilui permet de proposer une interprtation non extrieure de la doctrine de lagrce : Vouloir vraiment nadvient la volont que dans lavance, comme undon aimer ce qui se nomme aussi une grce (p. 256). la lumire delnigme dun don quil faut aimer (qui est aussi un amour donn), apparatlimage trinitaire dans larticulation des facults humaines. Il ne sagit pourtantpas dune identit substantielle, caractrise de manire positive par une ressem-blance, mais dune tension intentionnelle. Lhomme participe la communiontrinitaire en tant qu icne de linvisibilit de Dieu (p. 350). Misre et grandeur

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  • Dossier : puf306113_3b2 Document : RevueMeta_03_09Date : 29/7/2009 9h59 Page 306/152

    apparaissent troitement lies lnigme de la magna quaestio, que lon peutrduire l' indfinition de lhomme , o laporie et sa solution concident.Lamour a finalement une constitution intentionnelle, de sorte quil ne peut pas

    tre compris comme une simple option facultative et secondaire. Puisque Augus-tin lui attribue le caractre dun transcendantal absolu et inconditionn (p. 365), il ny a pas dalternatives lamour. Comme lcrit Augustin dans sonCommentaire aux Psaumes (en. Ps. 31, 2, 5) et le rappelle Marion : Ipsa dilectiovacare non potest. Cupiditas et caritas dfinissent les points extrmes du mmehorizon transcendantal, auquel ltre humain ne peut pas se soustraire. Marionparle cet gard dunivocit de lamour, non sans produire quelque quivoque,surtout lorsquil affirme que justement cette univocit permet lamourdadmettre, sans se disperser, la pluralit de ses sens et de ses modes (p. 379).Toutefois, on pourrait souligner quAugustin dveloppe sa grandiose phno-

    mnologie historique du De civitate Dei, faisant rfrence justement ce mouve-ment oscillatoire propre lamour humain. Ici la thorie des deux amours est enralit une tentative de retrouver la projection de lamour et de sa contre-figurepathologique dans lhistoire de lhumanit, qui se trouve constamment suspen-due entre la concors communio et la libido dominandi. Afin de confirmer linter-prtation de Marion, je voudrais souligner comment Augustin est dans le Decivitate Dei tellement tranger au dualisme manichen quil ne soustrait passeulement lamour de soi et lamour de Dieu toute forme de contrapositionsymtrique, mais aussi les deux formes dagrgation et de dsagrgation qui endrivent sur le plan de la civitas. De mme quil ny a pas deux natures, mais unenature et la corruptio de la voluntas, de mme il ny a pas pour Augustin danslabsolu deux cits, mais une seule cit, triomphant ternellement, et une defectiohistorique, qui sen loigne par la perversion de lamour. Non seulement, eneffet, lorigine on doit reconnatre une seule civitas (De caelo descendere istacivitas dicitur, quoniam caelestis est gratia, qua Deus eam fecit : civ. XX, 17),mais aussi la fin des temps il ny aura quune seule cit, lorsque la perversiongoste de lamour dispersera les cives dans la forme dune solitude ternelle etincommunicable : Terrena porro civitas, quae sempiterna non erit (neque enim,cum extremo supplicio damnata fuerit, iam civitas erit), hic habet bonum suum (civ. XV, 4).

    IV. LES CONVERSIONS D AUGUSTIN

    Le livre de Marion a le mrite de nous offrir une approche organique deluvre dAugustin, en se soustrayant au faux dilemme entre la rigueur critiqueet la passion spculative. Car sa perspective en saisit, mon avis, un noyau

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    originaire et spcifique de telle uvre. Bien quil sagisse explicitement dunelecture thorique, visant expliciter une ligne de continuit entre la structurespculative dAugustin et celle de Marion lui-mme, lequel projette de manireinvitable un lexique, une sensibilit et une dmarche phnomnologique propres son itinraire, cette tude dcouvre, dans la stratification de la recherche augus-tinienne, un noyau thorique de premire importance, permettant de lier demanire organique des uvres et des thmes diffrents. Un des mrites majeursde ce livre est davoir restitu sa dignit thorique la confessio, la dterminantcomme un lieu phnomnologique originaire. Ici se noue la relation entre moi etDieu, dont le caractre paradoxal, autrement insoutenable, est rsolu par le primatdu don et de lamour. On pourrait conforter de surcrot cette interprtation enconsidrant la doctrine trinitaire et la christologie, qui occupent une place cen-trale dans la maturation de la pense augustinienne.La rflexion sur le mystre trinitaire permet en particulier Augustin de

    saffranchir des sources noplatoniciennes. Tandis que les auteurs paens sint-ressent aux mots, les chrtiens sont attentifs aux res (c. Adim. 11) ; proprementdit, la Trinit divine est la summa res (doctr. chr. I, 5, 5). Le sens ultime de larvlation chrtienne, et partant la cime inatteignable dun amour oblatif absolu,se trouve dans la communion trinitaire. Le Saint-Esprit, pour Augustin, necPatris solius est, nec Filii solius, sed amborum : et ideo communem, qua invicemse diligunt Pater et Filius, nobis insinuat caritatem (trin. XV, 17, 27). Par cons-quent, ut ergo ex nomine quod utrique convenit utriusque communio significe-tur, vocatur donum amborum Spiritus Sanctus (trin. V, 11, 12). Cela signifieque comme la personnification de la saintet, lamour en tant que don qui noue lespersonnes, est elle-mme personne. Dans le mystre trinitaire, le don de la cra-tion (trin. IX, 1, 1), et le statut trinitaire de la crature humaine, laquelle mdiatisele processus dassimilation la sagesse divine (conf. XIII, 11, 12), trouvent unquilibre singulier, comme le souligne galement Marion.Dans cette perspective, la rflexion christologique devient un facteur dcisif

    pour comprendre la signification ultime de la conversion chez Augustin, qui setransforme graduellement dans un catalyseur thmatique qui donne unit saproduction, autrement fragmente par la diversit des formes littraires et desmotivations particulires, souvent occasionnelles et polmiques. Christ est pourAugustin le sacramentum authentique du salut et par l le point unifiant de toutesynthse possible entre la science et la sagesse (trin. XII, 1, 2). En tant que Paroleincarne, il est en mme temps objet de foi dans lordre des cratures et notre vritdans la dimension mondaine (manens id quod erat, factus quod non erat. Ipse estnobis fides in rebus ortis, qui est veritas in aeternis : cons. ev. I, 35, 53).Sur un plan thmatiquement plus circonscrit, la notion dintentio aussi occupe

    une centralit stratgique dans la rflexion dAugustin. Lanalyse approfondie

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    de cette notion pourrait confirmer linterprtation de Marion, notamment sonlaboration phnomnologique. Lintentio est une notion complexe qu'Augustindveloppe sur plusieurs niveaux. Dune part, elle exprime la forme propre durapport entre lme et le corps ; lme en fait vivifie le corps quadam inten-tione, non mole (Gn. litt. VIII, 21, 42). Dautre part, elle est la forme active dela perception et le processus do nat la parole intrieure et se configure lintel-ligence humaine (trin. XV, 23, 43). Lintentio se manifeste galement sur le plande lagir dans la forme dune synthse pratique : intentio ad agendum (imm.an. 3), intentio voluntatis (trin. X, 8, 11). Finalement, elle est, au niveausuprme, le vecteur spirituel qui est en mesure pour Augustin de viser la finultime qui dpend de la foi ( ea recta intentio est, quae proficiscitur a fide :trin. IX, 1, 1), en manifestant ainsi sa vocation christologique : Intentio ergodirigatur in finem, dirigatur in Christum (en. Ps. 54,1). Cette tangence para-doxale et irrductible entre le fini et linfini ncrase point, comme le soutientgalement Marion, lidentit personnelle, mais donne un dynamisme inpuisable la vie spirituelle. Sur ce point Goulven Madec serait aussi daccord, pour qui la notion augustinienne dintriorit peut tre dfinie partir de la formuleinterior intimo comme une tension, un mouvement, un esse ad et donc uneintentionnalit 15.Je voudrais maintenant, outre ces aspects qui peuvent renforcer linterprtation

    de Marion, discuter dautres points qui me semblent cet gard significatifs. Lepremier point concerne le caractre dynamique de la recherche augustinienne,qui est le fruit dun chemin progressif, pas toujours linaire, de maturation exis-tentielle, intellectuelle, religieuse. Il sagit dun parcours dautant plus significatifsi lon veut, juste titre, lier le plan de la rflexion philosophique avec le plan dela vie spirituelle.Ces dernires annes, une certaine tendance interprtative a soulign une

    csure profonde dans luvre augustinienne eu gard la prdestination. Cetournant aurait dj lieu dans luvre Ad Simplicianum, par le primat accord la gratia operans mme dans linitium fidei ainsi que par la gratuit absolue de

    15. G. MADEC, Conversion, intriorit, intentionnalit , in L. ALICI (ed.), Interiorit e intenzio-nalit in S. Agostino, Roma, Institutum Patristicum Augustinianum, 1990, p. 7. Parmi lesinitiatives qui ont marqu les premiers pas en Italie, au Centro di Studi Agostiniani di Perugia, uncycle de sminaires a t consacr justement au lien entre lintriorit et lintentionnalit ; cf., outre levolume cit ci-dessus, R. PICCOLOMINI (ed.), Interiorit e intenzionalit nel De civitate Dei diSantAgostino, Roma, Institutum Patristicum Augustinianum, 1991 ; L. ALICI, R. PICCOLOMINI,A. PIERETTI (ed.), Ripensare Agostino : interiorit e intenzionalit, Roma, Institutum PatristicumAugustinianum, 1993. Jai tent de distinguer le statut dynamique du paradigme augustinien parrapport au paradigme plus statique et essentialiste de la tradition platonicienne, en utilisant lamtaphore de lintriorit comme mouvement au lieu plus que comme tat de lieu ; cf.L. ALICI, Laltro nellio. In dialogo con Agostino, Roma, Citt Nuova, 1999, pp. 263-289.

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    la misricorde divine, par rapport au pch dAdam, qui transformerait toute sadescendance en une massa damnationis 16. Quoique je ne partage point (demme que la plupart des interprtes) cette emphase dualiste entre un premier et un second Augustin, il nen reste pas moins que sa pense est constam-ment en mouvement, aussi bien en surface quen profondeur. En surface, par lecaractre fortuit et extrinsque de certaines polmiques, quAugustin affronte visage dcouvert, sans jamais sy soustraire. En profondeur, ce qui est naturelle-ment bien plus significatif, en raison de son propre itinraire intrieur et person-nel que lvnement de la conversion inaugure plus que conclut.Un moment important est en particulier reprsent par la conversion pasto-

    rale , qui change radicalement la vie dAugustin, loignant sa rflexion du dan-ger de se refermer dans une atmosphre rarfie et aristocratique. Elle se situe,par contre, en contact direct avec les exigences les plus immdiates et lmen-taires dun peuple simple et dsorient, en proie des menaces extrieures etintrieures. Se confrontant, de manire inattendue, avec les responsabilits pasto-rales de lvanglisation, du catchisme, de la formation du clerg, et de surcrotdevant soccuper de ladministration de la justice et de la gestion de biens eccl-siastiques, Augustin chercha pniblement la synthse entre la regula fidei et lespraecepta vivendi. Sous la pression de ces tches, sa pense acquit une nouvelleforme plus concrte, en se faisant plus pessimiste, pousse par la recherche derponses simplifies et, comme on dirait aujourdhui, rudement identitaires .Dans lhomlie tenue Pavie (ville o se trouve la dpouille de saint Augustin)

    le 22 avril 2007, Benot XVI (toujours trs proche du grand saint dHippone) avoqu trois conversions dAugustin, qui ne doivent naturellement pas treconsidres comme des moments spars. La premire conversion conduit lejeune rhteur africain embrasser la foi et recevoir le baptme ; la deuximeconcide avec les nouvelles tches pastorales imposes par la conscration force,qui interrompt le rve dune vie contemplative. Cest pourquoi, comme lcritBenot XVI : La grande uvre philosophique de toute une vie, quil avait rve,demeura non crite. sa place, nous fut donn quelque chose de plus prcieux :lvangile traduit dans le langage de la vie quotidienne et de ses souffrances .On trouve les traces de la troisime tape du chemin de conversion dans lesRetractationes, o Augustin lui-mme critique lidal de perfection dcrit desannes avant dans ses homlies sur le Discours de la montagne, reconnaissantque seul Jsus-Christ est vraiment parfait. Comme lcrit encore Benot XVI,

    16. Cf. ce propos K. FLASCH, Logik des Schreckens. Augustins von Hippo De diversisquaestionibus ad Simplicianum I, 2, Mainz, Dieterich, 1990, 19952, et G. LETTIERI, Laltro Agostino.Ermeneutica e retorica della grazia dalla crisi alla metamorfosi del De doctrina christiana, Brescia,Morcelliana, 2001.

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    Augustin avait appris un dernier degr dhumilit non seulement lhumilitdinscrire sa grande pense dans lhumble foi de lglise, non seulement lhumi-lit de traduire ses grandes connaissances dans la simplicit de lannonce, maisgalement lhumilit de reconnatre qu lui-mme et toute lglise en pleri-nage, tait et demeure continuellement ncessaire la bont misricordieuse dunDieu qui pardonne chaque jour 17. Ces dveloppements du mme chemin consti-tuent chez Augustin le sens de lhistoire dune vie, engendrant ainsi l herm-neutique en mouvement de sa propre conversion, correspondant bien au plurieldes confessiones, qui peut dfinir de la sorte non seulement luvre homonyme,mais aussi sa production entire, du Contra Academicos aux Retractationes.On ne peut videmment pas prtendre que le livre de Marion rflchisse analy-

    tiquement la complexit problmatique dun tel cheminement. Toutefois, ilsemble difficile, notamment par rapport certains points fondamentaux de sonanalyse (par exemple les pages consacres la volont et la grce), de ne pasprendre en compte le contexte, dautant plus si lon se rfre des passagestextuels qui ne sont pas spars par une distance seulement chronologique. Lasignification dune uvre comme les Retractationes, rdige par Augustincomme une sorte de testament bibliographique, des fins la fois dautodfenseet dautocritique, va exactement dans ce mme sens. Marion dfend nergique-ment, juste titre, Augustin du poids dune tradition postrieure, qui a souventlabor des dispositifs catgoriaux diffrents, avec lesquels laugustinisme philo-sophique sest trouv contamin dans des formes plus ou moins conscientes.Toutefois, si lopration hermneutique, consistant distinguer le noyau plusoriginel de la pense augustinienne de sa tradition successive, est lgitime etopportune, on ne peut pas dire que lintention de la sparer de la tradition ant-rieure soit autant fructueuse, en la considrant comme un paradigme de pensecompact et atemporel18.

    17. Benot XVI, Homlie, Pavie, le 22 avril 2007.18. John M. Rist, sinterrogeant sur les conditions dAugustinus redivivus, souligne le danger

    dune lecture qui accroisse son isolement par rapport la tradition : One of the reasons for thesurviving historical influence of Augustine is that he escaped from his own philosophical past andbequeheated himself but only apparently without such a past, to his Western successors. But ifAugustines philosophical and theological strength derives in part from his comparative intellectualisolation, the isolation contributed in less happy way to the reception of his writings and to the natureof his influence, both before and after his death (J. M. RIST, Augustine. Ancient Thought Baptized,Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 290).

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    V. ONTOLOGIE SANS TRE, TRE SANS ONTOLOGIE

    Je voudrais maintenant discuter le dernier point. Le lecteur de Marion peut tresurpris que je naie jusquici pas abord un aspect fondamental de son approchehermneutique, savoir le refus de projeter rtrospectivement sur Augustinlacception postrieure de philosophie, comprise de manire quivoque commemetaphysica ds le Moyen ge, puis comme ontologie partir de la pensemoderne. Je peux avouer en fait avoir tent un exercice d hermneutique slec-tive sur ltude de Marion. Car jai voulu mettre lpreuve le parcours parlequel Marion sapproche dAugustin, cherchant mettre en sourdine la critiqueanti-ontologique et antimtaphysique, laquelle acquiert quelquefois une inutilepaisseur polmique. Je continue de penser que cette paisseur najoute pasgrand-chose ce processus de rapprochement avec le cur de la confessio augus-tinienne. Elle peut mme parfois le ralentir.Sans entrer dans le vif dun dbat riche et complexe, auquel Marion apporte

    une contribution originale et intressante, je voudrais souligner quAugustin asouvent souffert davoir t lu selon des perspectives extrieures, caractrisespar des problmes qui lui furent tout fait trangers. En paraphrasant un livreclbre dtienne Gilson, Mtamorphoses de la cit de Dieu, une histoire desmtamorphoses de laugustinisme devrait comporter beaucoup de chapitres,crits de surcrot quatre mains, en puisant de manire impartiale lhistoire dela philosophie et lhistoire de la thologie !Toutefois, lhistoire de la pense occidentale nous enseigne que ltre aussi

    peut se dire de plusieurs faons (et partant lontologie elle-mme, et plus encore me semble-t-il la mtaphysique). Le fait de renoncer une conception diffrentede la vocation mtaphysique de la philosophie, parce qu'on la considre commeirrmdiablement compromise avec une tradition philosophique dtermine, estsans doute un prix trop lev payer ainsi quune concession excessive cettetradition elle-mme. Il serait trop long dargumenter de manire plus dveloppece point. Si mon analyse de linterprtation deMarion n'est cependant jusquici nirductive ni pire dplace, cela pourrait dj valoir, me semble-t-il, comme unbon argument. Je me borne nanmoins signaler quelques aspects de la pensedAugustin, o la prise en compte de la notion desse, dans une significationmtaphysique, semble stratgique et difficilement vitable.Tout dabord, la diffrence entre le bien ontologique et le mal moral marque

    dans la maturation dAugustin son abandon du manichisme. La rvlation chr-tienne confre une positivit la cration, qui se qualifie justement dans lordrede ltre, entendu en un sens non essentialiste. Cest pourquoi toute grandeurcontraire est inconcevable, et partant toute forme de dualisme gnostique. Ltre a

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    comme contraire le non-tre, non une essence contraire ltre (imm. an. 12, 19 ;civ. 12, 2). Toute nature, qui a reu ltre par Dieu selon sa propre mesure, estbonne (nat. b. 19, 19), parce que tout bien, petit ou grand, existe seulement partir du bien suprme (nat. b. 12, 12) : omne bonum aut Deus, aut ex Deo est (vera rel. 18, 35).Augustin reconnat donc une diffrence irrductible entre lopposition onto-

    logique dtre et non-tre, et lopposition thique de bien et de mal. Aucunenature, mme pas celle du diable, nest en soi mauvaise (civ. 19, 13, 2). Il peut yavoir nature sans vitium, mais aucun vitium ne peut subsister en soi (c. Iul.imp. 3, 206). Toutes les natures, in quantum vitiosae sunt, malae sunt, inquantum autem naturae sunt, bonae sunt (civ. 12, 3). Si on le considre au senspropre, en tant que pch, le mal nest pas une substance (conf. 7, 12, 18), maisun usage mchant du bien (Malum est enim male uti bono : nat. b. 36). Ilnest pas une chute vers une nature mchante, mais laction mchante de chuter( deficitur enim non ad mala, sed male : civ. 12, 8).La rflexion sur la Gense sinscrit dans cette perspective, permettant Augus-

    tin de reconnatre dans lamour une puissance gnratrice qui investit la crationentire, qui se trouve de la sorte soustraite toute forme de drive spiritualiste.Du reste, seule la distinction entre lordre de ltre et lordre du connatre consentdarticuler lcart entre le vocabulaire liturgique de la confession et de lalouange dune part, et lapprofondissement mtaphysique dautre part, qui lielnigme de lorigine avec la gense du sens. Il est vrai que lide de crationtrouve son lieu propre dans lexprience de la confessio, ce qui a t historique-ment le cas pour le peuple dIsral, mditant sur le mystre de la Gense partirde la radicalisation dune exprience sotriologique. Toutefois, ce qui est premierdans lordre de la confessio nest pas ncessairement premier dans lordre deltre. Autrement, laffirmation selon laquelle la cration ne rend pas la confes-sio possible, comme le lieu ontique de son exercice, mais elle ne devient elle-mme possible qu partir de la confessio, son pralable liturgique (p. 325),encourt le risque de dclasser la cration une simple figure du croire, en esca-motant ainsi la diffrence entre la fides qua creditur et la fides quae creditur.Augustin naurait certainement pas accept une telle identification, qui rduiraitla figure de la confessio lacte de croire dans sa propre foi, ce qui est en soicontradictoire, mais propre tout fidisme autorfrentiel !Cette distinction est confirme par la conscience toujours vive dAugustin que

    laccs la vrit sotriologique est mdiatis. Lide dune saturation du champpistmologique me semble compltement trangre son univers conceptuel.La preuve phnomnologique dune exposition absolue de lego nest pas encontradiction avec un dispositif de participation, pas plus quavec un engage-ment hermneutique explicite. Mme le dbat historiographique sur la doctrine

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    de lillumination a dsormais renonc y voir une forme d ontologisme , quiserait le fruit dune connaissance immdiate de Dieu lui-mme et la condition depossibilit de toute autre connaissance. Le dispositif de recherche, au-del de sescaractres processuel et perfectible, tmoigne en Augustin du refus constant detoute vidence immdiate du mystre de la transcendance.Cela est dailleurs attest par le rle central sacramentel jou par la christologie

    augustinienne. En tant que verus mediator Dei et hominum, Christ se prsentecomme la patrie et la voie vers la patrie, rsolvant ainsi dfinitivement laporiedu noplatonisme, qui avait cru rapprocher lhomme du divin, en multipliant lesniveaux de mdiation. Le confirme galement laccs aux critures, qui mdia-tisent chez Augustin la rencontre avec Dieu travers un rseau complexe designifications, donnant de la sorte la recherche un pli hermneutique fondamen-tal, qui est toujours situ dans le sein de lglise. Les critures sont, dans leurprofondeur inpuisable, un crin prcieux, qui contient une multiplicit de signi-fications spirituelles. La vision sacramentale de la Bible suscite un dynamismehermneutique qui est ouvert de manire illimite et consent en mme temps combattre toute forme de littralisme, y compris celui des manichens. Un int-ressant document de telle enqute est fourni par le prologue du De doctrinachristiana, o Augustin dfend le droit dlaborer praecepta quaedam tractanda-rum Scripturarum. Car le refus de toute mdiation interprtative, au nom dunetransparence immdiatement sature du don de la Rvlation, aboutirait enralit pour Augustin une forme dautonomie charismatique orgueilleuse, quise soustrait par principe au lien de la communion ecclsiale.Un autre aspect spcifique, rvlateur chez Augustin de son attention non

    ontologique pour ltre, se situe sur le plan de larticulation trinitaire, partirde laquelle le statut anthropologique est pens nouveaux frais. Tandis que danslhomo exterior on ne peut que dceler un vestigium Trinitatis, de nature percep-tive et temporelle (res, visio, intentio ; memoria, interna visio, voluntas), danslintriorit spiritelle on trouve une imago trinitaire non adventicia, mais ineffa-able (esse, nosse, velle ; mens, notitia, amor ; memoria, intellegentia, voluntas,qui sont leur tour orients la fois vers la connaissance de soi et de Dieu).Tout en soulignant la signification de lanalogie trinitaire, Marion omet de men-tionner la triade qui apparat la plus suspecte du point de vue ontologique :esse, nosse, velle. Il sagit cependant dune polarit spcifique et indispensable,quil prend en compte dans dautres uvres (cf. ad es. civ. XI, 26-28) ; que loncite lun des passages les plus clbres des Confessiones : Dico autem haectria : esse, nosse, velle. Sum enim et scio et volo : sum sciens et volens et scioesse me et velle et volo esse et scire (XIII, 11, 12). Marion dfend juste titrela fonction centrale de la notion de vie, mais il fait peut-tre preuve danachro-nisme en affirmant quAugustin a voulu remplacer ltre par la vie (p. 129).

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    Marion lui-mme ne cite-t-il dailleurs pas (p. 402) le propos dAugustin selonlequel summe esse ac summe vivere idipsum est (conf. I, 6, 10) ? Nepourrait-on pas dire quAugustin a voulu accrditer bon droit la plnitude de lavie dans lordre de ltre, en refusant certainement de dfendre une conceptiontout fait vide et formelle de ltre ?La mme question se pose nouveau dans le cadre de linterprtation augus-

    tinienne du nom de Dieu. Marion revendique juste titre lorigine biblique de laformule idipsum, qui resterait enferme donc dans un silence apophantiqueindpassable. Cela ne conduit cependant pas Augustin renoncer de manireabsolue une articulation ontologique de la question. Si les traducteurs ontexagr, selon Marion, en rendant le syntagme idipsum par l tre mme , ilest nanmoins vrai quAugustin lui-mme est parfois responsable dune tellequation, sans la dissocier dailleurs du thme de lamour : Deum ergo diligeredebemus trinam quamdam unitatem, Patrem et Filium et Spiritum Sanctum,quod nihil aliud dicam esse nisi idipsum esse (mor. I, 14, 24).Que lon considre cet gard linterprtation dExode 3, 14. On ne peut

    certainement pas attribuer Augustin une exgse scripturale aplatie sur lonto-logie noplatonicienne. Toutefois, de mme que dans dautres cas, il tend rapprocher le noplatonisme du christianisme, en leur reconnaissant une formede compatibilit conceptuelle que nous modernes considrons suspecte, eu garden particulier certaines de ses issues postrieures. Sur ce point, on pourrait citerun sermon o Augustin interprte lego sum qui sum comme un nomen substan-tiae (voil laspect le plus controvers que Marion carte trop catgoriquement)ainsi que comme nomen misericordiae (avec un trait de gnialit inattendue,proprement augustinien) : Ergo misertus est Deus ; et ille qui est, et ille quidixit : Hoc dices filiis Israel : Qui est, misit me ad vos, dicto nomine substantiaesuae dicit postea nomen misericordiae suae. Quod nomen substantiae eius ? Egosum qui sum. Dices filiis Israel : Qui est, misit me ad vos [] continuo postnomen substantiae dixit nomen misericordiae. Tamquam diceret Moysi : Quoddixi : Ego sum qui sum, non capis ; non stat cor tuum, non es immutabilismecum, nec incommutabilis mens tua. Audisti quid sum ; audi quid capias, audiquid speres. Dixit iterum Deus ad Moysen : Ego sum Deus Abraham, et DeusIsaac, et Deus Iacob. Non potes capere nomen substantiae meae : cape nomenmisericordiae meae (s. 223, A, 5).La pense contemporaine ressent comme une tche particulirement urgente le

    devoir dviter tout mlange entre la smantique du nomen substantiae et lasmantique du nomen misericordiae, lui attribuant justement la cause de la ms-interprtation de loriginaire inspiration augustinienne, qui aurait abouti plom-ber les ailes de la confessio avec lontothologie. Toutefois, relue a parteAugustini, la tentative de minimiser sa smantisation de ltre, la dissociant

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    dune phnomnologie de lamour, risque de se retourner dans un excs delgitime dfense, dont la pense dAugustin lui-mme ne pourrait pas avoirbesoin.

    Luigi ALICIProfesseur de philosophie morale, universit de Macerata

    Texte traduit de litalien par Fosca MARIANI ZINI

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    ent tlcharg depuis www.cairn.info - - - 86.111.136.174 - 15/10/2014 20h01. Presses Universitaires de France