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Kamel Gana M. Akremi L'échelle de Disposition à l'Ennui (EDE) : Adaptation française et validation du Boredom Proneness Scale(BP) In: L'année psychologique. 1998 vol. 98, n°3. pp. 429-450. Abstract Summary : French adaptation and validation of the Boredom Proneness Scale (BP). This research presents a validation of an adaptation in French of the Boredom Proneness Scale (BP) intitled «Echelle de disposition à l'ennui» (EDE). Three studies were conducted to evaluate psychometric properties, construct validity and structural validity. A first study with student participants demonstrated acceptable fidelity (test-retest reliability, internal consistency...) and validity indices. However a confirmatory factor analysis did not support the unidimensional structure ofthe Boredom Proneness Scale. The second study with a sample of drug addicts assessed the validity of the scale using the « Known-Groups» method. Results supported the construct validity of the scale. A third study examined elderly persons. Results of this study point to the reliability and validity of the French version of the Boredom Proneness Scale. Furthermore, a bidimensionality of the boredom construct was found through an exploratory factor analysis. Key words : boredom, Boredom Proneness, French adaptation, validation. Résumé Résumé Cette recherche présente la validation d'une adaptation française du Bore-dont Proneness Scale (BP) que l'on a intitulé « Échelle de Disposition à l'Ennui» (EDE). Les propriétés métrologiques, la validité de construit ainsi que la validité de structure de l'EDE furent évaluées dans le cadre de 3 études. Impli- quant des étudiants, la première a révêlé des indices de fidélité (cohérence interne, stabilité temporelle...) et de validité acceptables. La structure unidi-mensionnelle de l'échelle fut par contre infirmée par une analyse factorielle confirmatoire. Les résultats de la seconde étude obtenus auprès de patients toxicomanes, empruntant ainsi la méthode des «groupes connus», soutiennent la validité de construit de l'EDE. Les résultats de la dernière étude, impliquant des personnes âgées, ont plaidé aussi en faveur de la fidélité et la validité de l'EDE. Enfin, les résultats d'une analyse factorielle exploratoire ont conclu à la bidimensionnalité du construit. Mots-clés: ennui, Echelle de Disposition à l'Ennui, adaptation française, validation. Citer ce document / Cite this document : Gana Kamel, Akremi M. L'échelle de Disposition à l'Ennui (EDE) : Adaptation française et validation du Boredom Proneness Scale(BP). In: L'année psychologique. 1998 vol. 98, n°3. pp. 429-450. doi : 10.3406/psy.1998.28576 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1998_num_98_3_28576

L'échelle de Disposition à l'Ennui (EDE) : Adaptation ... · Scale), l'Echelle de solitude (UCLA Loneliness Scale), et une cor rélation négative avec l'Index de satisfaction de

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Kamel GanaM. Akremi

L'échelle de Disposition à l'Ennui (EDE) : Adaptation française etvalidation du Boredom Proneness Scale(BP)In: L'année psychologique. 1998 vol. 98, n°3. pp. 429-450.

AbstractSummary : French adaptation and validation of the Boredom Proneness Scale (BP).This research presents a validation of an adaptation in French of the Boredom Proneness Scale (BP) intitled «Echelle dedisposition à l'ennui» (EDE). Three studies were conducted to evaluate psychometric properties, construct validity and structuralvalidity. A first study with student participants demonstrated acceptable fidelity (test-retest reliability, internal consistency...) andvalidity indices. However a confirmatory factor analysis did not support the unidimensional structure ofthe Boredom PronenessScale. The second study with a sample of drug addicts assessed the validity of the scale using the « Known-Groups» method.Results supported the construct validity of the scale. A third study examined elderly persons. Results of this study point to thereliability and validity of the French version of the Boredom Proneness Scale. Furthermore, a bidimensionality of the boredomconstruct was found through an exploratory factor analysis.Key words : boredom, Boredom Proneness, French adaptation, validation.

RésuméRésuméCette recherche présente la validation d'une adaptation française du Bore-dont Proneness Scale (BP) que l'on a intitulé « Échellede Disposition à l'Ennui» (EDE). Les propriétés métrologiques, la validité de construit ainsi que la validité de structure de l'EDEfurent évaluées dans le cadre de 3 études. Impli- quant des étudiants, la première a révêlé des indices de fidélité (cohérenceinterne, stabilité temporelle...) et de validité acceptables. La structure unidi-mensionnelle de l'échelle fut par contre infirmée parune analyse factorielle confirmatoire. Les résultats de la seconde étude obtenus auprès de patients toxicomanes, empruntantainsi la méthode des «groupes connus», soutiennent la validité de construit de l'EDE. Les résultats de la dernière étude,impliquant des personnes âgées, ont plaidé aussi en faveur de la fidélité et la validité de l'EDE. Enfin, les résultats d'une analysefactorielle exploratoire ont conclu à la bidimensionnalité du construit.Mots-clés: ennui, Echelle de Disposition à l'Ennui, adaptation française, validation.

Citer ce document / Cite this document :

Gana Kamel, Akremi M. L'échelle de Disposition à l'Ennui (EDE) : Adaptation française et validation du Boredom PronenessScale(BP). In: L'année psychologique. 1998 vol. 98, n°3. pp. 429-450.

doi : 10.3406/psy.1998.28576

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1998_num_98_3_28576

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L'Année psychologique, 1998, 98, 429-450

Laboratoire de Psychologie expérimentale Université François-Rabelais*1

Centre hospitalier spécialisé de Pierrefeu, Service d'aide aux toxicomanes**2

L'ECHELLE DE DISPOSITION A L'ENNUI (EDE):

ADAPTATION FRANÇAISE ET VALIDATION

DU BOREDOM PRONENESS SCALE (BP)

par Kamel GANA* et Malek AkreMI* *

SUMMARY : French adaptation and validation of the Boredom Proneness Scale (BP).

This research presents a validation of an adaptation in French of the Boredom Proneness Scale (BP) intitled «Échelle de disposition à l'ennui» (EDE). Three studies were conducted to evaluate psychometric properties, construct validity and structural validity. A first study with student participants demonstrated acceptable fidelity (test-retest reliability, internal consistency...) and validity indices. However a confirmatory factor analysis did not support the unidimensional structure of the Boredom Proneness Scale. The second study with a sample of drug addicts assessed the validity of the scale using the « Known- Groups» method. Results supported the construct validity of the scale. A third study examined elderly persons. Results of this study point to the reliability and validity of the french version of the Boredom Proneness Scale. Furthermore, a bidimensionality of the boredom construct was found through an exploratory factor analysis.

Key words : boredom, Boredom Proneness, french adaptation, Validation.

Encore aujourd'hui, la recherche francophone observe une certaine méfiance à l'égard des instruments de mesure, alors que ceux-ci figurent dans une grande partie de la production des

1 . 3, rue des Tanneurs, 37041 Tours Cedex. 2. 1, rue Poniatowski, 83400 Hyères.

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connaissances certifiées en psychologie. Cette méfiance trouve sa justification dans la crainte de voir le concept mesuré se réduire à son instrument de mesure. Or, la recherche anglo-saxonne a permis non seulement de démentir ce risque, mais surtout d'acquérir, grâce au développement d'outils de mesure, des ouvertures théorico-empiriques novatrices dans différents secteurs de la psychologie. En effet, même si la mesure repose essentiellement sur une théorie définitoire, elle n'est pas pour autant un processus figé, car « les théories permettent d'améliorer les mesures qui, elles-mêmes, contribuent à enrichir les théories existantes » (Dickes, Tournois, Flieller et Kop, 1994, p. 51).

L'échelle que l'on s'est proposé ici de traduire et valider (Boredom Proneness Scale (BP)), a, elle aussi, suscité un certain regain d'intérêt pour un phénomène psychique assez particulier : l'ennui, qui a été, selon certains auteurs (Smith, 1981 ; Huguet, 1987), souvent méconnu et négligé par la psychologie. Fondamentalement, l'ennui exprime l'épreuve du temps qui n'en finit pas ainsi que l'expérience douloureuse du vide. Mikulas et Voda- novich (1993) le définissent comme un état d'insatisfaction et d'excitation ou d'éveil (arousal) relativement bas, imputable à une situation (interne ou externe) perçue comme étant insuffisamment stimulante. Mais la difficulté à le définir tient surtout à sa nature polymorphe et à son extrême perméabilité socioculturelle ainsi qu'à son omniprésence dans tous les états psychopathologiques et son enfermement, par la clinique, dans la Symptomatologie dépressive (Haynal, 1977 ; Tellenbach, 1979). En effet, l'approche phénoménologique de la dépression proposée par Digo (1971) repose sur le sentiment d'ennui et l'impression de répétition. Cet auteur distingue entre d'un côté l'ennui normal qui renvoie à l'objet qui manque et à l'envie d'avoir autre chose, et de l'autre côté l'ennui dépressif qui serait endogène et indifférent aux objets (voir Widlöcher, 1995). Sans pouvoir parfois s'affranchir complètement de la dépression, l'ennui s'en démarque, qualitativement et quantitativement, cependant. D'abord, une certaine clinique psychanalytique tend désormais à le considérer comme « une humeur organisée et défensive contre la dépression» (Haynal, 1977). Il a même, selon Huguet (1987), le statut de mécanisme de défense. Ensuite, l'ennui indique, selon Farmer et Sundberg (1986), la qualité de la perte d'intérêt alors que la dépression renvoie à la qualité et l'intensité de la tristesse (voir aussi Izard et Harris, 1995). Enfin, l'en-

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nui tire sa spécificité de sa composante cognitive et affective (Hill et Perkins, 1985 ; Perkins et Hill, 1985). La première renvoie à la perception d'une contribution insatisfaisante et monotone d'une conduite. En effet, l'expérience de l'ennui passe impérativement, selon Mikulas et Vodanovich (1993), par l'imputation de l'état d'insatisfaction et de faible niveau d'excitation, dans lequel se trouve une personne, à une situation insuffisamment stimulante, et ce indépendamment des causes réelles de cet état. Autrement dit, sans une telle attribution la personne serait incapable d'identifier l'ennui et de le reconnaître comme tel. La seconde insiste sur le rôle de la frustration qui est la résultante des contraintes, réelles ou perçues, susceptibles de limiter la disponibilité à vivre des expériences pleinement satisfaisantes. Est considérée comme ennuyeuse, selon Hill et Perkins (1985), toute posture perçue comme étant affectée à la fois d'un degré élevé de monotonie et de frustration.

Le Boredom Proneness Scale (BP) (Farmer et Sundberg, 1986), que l'on peut rendre en français par Échelle de disposition à l'ennui (EDE), est le seul instrument destiné, exclusivement, à l'évaluation de la tendance à s'ennuyer. L'ennui n'est pas considéré ici comme état réactionnel mais comme trait dont l'évaluation, on s'en doute bien, revêt une importance tant pour la recherche que pour la pratique psychologique. Il s'agit d'une tendance à éprouver un certain manque d'intérêt, d'enthousiasme et d'engagement personnel, et d'une tendance à entretenir une carence d'intérêt pour le monde environnant et l'avenir (Sundberg, Latkin, Farmer et Saoud, 1991). Longtemps et encore aujourd'hui, l'évaluation de ce trait se faisait par l'entremise de la sous-échelle « Susceptibilité à l'ennui » de l'Échelle de recherche de sensations (Forme V) de Zuckerman (Zuckerman, Eysenck et Eysenck, 1978 ; voir aussi Zuckerman, 1994). Pour construire leur échelle, Farmer et Sundberg (1986) ont commencé par générer 200 questions relatives à l'ennui à partir de la littérature psychologique, des enquêtes et des entretiens cliniques. Plusieurs études ont été nécessaires pour aboutir à la version définitive qui sera composée d'items ayant répondu à tous les critères suivants : a) obtenir une corrélation au moins égale à .20 avec le score total de la version testée ; b) être endossé dans le sens de l'ennui par au moins 10 % de l'échantillon ; c) disposer d'une corrélation test-retest d'une valeur au moins égale à .20 chez aussi bien les hommes que les femmes ; d) obte-

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nir une forte corrélation autant avec le score total de l'échelle définitive (28 items) qu'avec les scores obtenus au Beck Depression Scale (BDI) et au Center for Epidemiologie Studies -Depression Scale (CES-D). Par ailleurs, Farmer et Sundberg précisent que l'item 6 de leur échelle est une version légèrement modifiée de l'item 38 appartenant à la sous-échelle « Susceptibilité à l'ennui» de l'Echelle de recherche de sensations de Zuckerman (Zuckerman et al., 1978). L'Echelle de disposition à l'ennui se présente sous la forme d'un autoquestionnaire de 28 items binaires auxquels les sujets répondent par vrai ou faux selon qu'ils se reconnaissent ou non dans les caractéristiques proposées. Un score élevé signifie une forte inclination à l'ennui. Far- mer et Sundberg (1986) rapportent de très bonnes caractéristiques psychométriques de l'instrument, à savoir des niveaux élevés de cohérence interne (alpha = .79) et de fidélité test-retest (r = .83). Pour ce qui est de la validité de construit, le BP est cor- rélé positivement avec la « Susceptibilité à l'ennui ». De plus, l'échelle comporte des corrélations positives avec le Beck Depression Inventory, l'Échelle de désespoir (Hopelessness Scale), l'Echelle de solitude (UCLA Loneliness Scale), et une corrélation négative avec l'Index de satisfaction de vie (Life Satisfaction Index). Ces qualités psychométriques du BP ont été reproduites par plusieurs autres études. Les résultats obtenus, par exemple, par Ahmed (1990) auprès d'étudiants canadiens anglophones montrent un niveau de cohérence interne satisfaisant (alpha = .73) et une corrélation positive entre le BP et la sous-échelle de dépression du MMPI. En administrant le BP et le Hight School Personality Questionnaire de Cattell à des adolescents, McGiboney et Carter (1988) ont trouvé des corrélations significatives entre la disposition à l'ennui et l'inactivité, la dépendance sociale, le sentiment de culpabilité, et le manque d'enthousiasme. Ces auteurs rapportent une fiabilité test-retest du BP de .79. Watt et Davis (1991) ont proposé une version du BP destinée aux sourds profonds. Les coefficients alpha obtenus auprès d'adolescents entendants (.84) et d'adolescents sourds profonds (.80) démontrent la bonne homogénéité du test. En outre, une corrélation positive entre la version révisée du BP et la version du BDI destinée aux sourds (Leigh, Robins, Welkowitz et Bond, 1988) fut démontrée.

Outre le fait que le BP est l'unique échelle destinée exclusivement à évaluer la tendance à l'ennui, elle présente le double

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avantage de convenir à tout groupe d'âge et d'être facile à compléter. En effet, l'alternative du choix entre deux propositions, qui parfois ne sont pas en opposition, a fait l'objet de quelques critiques à l'adresse de l'Echelle de recherche de sensations de Zuckerman (en guise d'exemple l'item 12 : A : « J'aime bien sortir avec quelqu'un d'attrayant physiquement » ; B : « J'aime bien sortir avec quelqu'un qui partage mes valeurs »). Il convient aussi de reconnaître que le format binaire du BP n'est pas non plus exempt de limites.

En complément à la sous-échelle «Susceptibilité à l'ennui» de l'échelle de recherche de sensations dont une validation française a été réalisée par Carton (Carton, Lacour, Jouvent et Wid- löcher, 1990 ; Carton, Jouvent et Widlöcher, 1992 pour la version abrégée), et compte tenu de l'importance du concept d'ennui et de son étude, il nous a paru utile de proposer une validation du BP. En effet, l'évaluation de la disposition à l'ennui pourrait servir aussi bien pour la prévention (dépistage des états prédépressifs, de la vulnérabilité face à certains troubles psychologiques) que pour l'orientation professionnelle et l'industrie, ou encore en milieu scolaire. Elle pourrait être utile pour guider aussi bien les interventions psychothérapeutiques que le placement des sujets dans des structures collectives (centre de loisirs pour enfants et adolescents, maisons de retraite, hospices pour personnes âgées, etc.). En outre, il a été démontré qu'il existe une certaine implication de l'ennui dans : l'alcoolisme (Kilpatrick et al., 1982 ; Moloy, 1989), la toxicomanie (Paulson, Coombs et Richardson, 1990 ; Iso-Ahola et Crowley, 1991 ; Rahman, 1992 ; Gardner, 1994 ; Globetti, Lo et Globetti, 1994), le tabagisme (Rose, Ananda et Jarvik, 1983 ; Ho, 1989 ; Cronan, Conway et Kaszas, 1991 ; O'Connor et Langlois, 1991 ; Carton, Jouvent et Widlöcher, 1994), l'addiction aux jeux d'argent (Blaszczynski, McConaghy et Frankova, 1990), la violence (Homel, Tomsen et Thommeny, 1992), les pensées suicidaires chez les adolescents (Choquet, Kovess et Poutignat, 1993), le manque de créativité (Schubert, 1977), et dans certains désordres du comportement alimentaire (Abramson et Stinson, 1977).

Quant aux différences interindividuelles et interculturelles portant sur cette disposition à l'ennui, elles suscitent un réel débat, et nécessitent des explorations supplémentaires. Outre le fait qu'elle est associée au sentiment d'insécurité, à la suggesti- bilité (McGiboney et Carter, 1988), à l'extraversion (Smith,

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1981), et à l'impulsivité (Watt et Vodanovich, 1992), la disposition à l'ennui semble être plus prononcée chez les hommes que chez les femmes (Vodanovich et Kass, 1990; Sundberg et al., 1991), chez les jeunes que chez les vieux (Vodanovich et Kass, 1990), chez les sourds que chez les entendants (Watt et Davis, 1991), chez les Asiatiques et les Orientaux que chez les Américains et les Australiens (Sundberg et al., 1991).

Posséder une mesure valable pour poursuivre des travaux sur ce concept, tel était le but de l'adaptation en langue française et la validation du Boredom Proneness Scale. A cette fin, trois études ont été entreprises. La première a été réalisée auprès d'une population jeune composée d'étudiants en premier cycle de Lettres et Sciences humaines et sociales (Littérature, Sociologie, Histoire, Psychologie...). La seconde a été effectuée auprès d'un échantillon de patients toxicomanes. La dernière impliquait des personnes à la retraite. Ces trois études visaient à vérifier les propriétés métrologiques et la validité de construit de l'EDE.

ETUDE I

L'objectif de cette étude était d'élaborer une version française du Boredom Proneness Scale et de vérifier certaines propriétés psychométriques auprès d'un échantillon comparable à celui qui a servi à la construction de la version originale américaine : cohérence interne, stabilité temporelle, potentiel de differentiation, structure factorielle, validité de construit.

MÉTHODE

TRADUCTION DU BOREDOM PRONENESS SCALE (BP)

Pour traduire (et valider) cette échelle, nous nous sommes inspirés des principales procédures de validation transculturelles des questionnaires psychologiques, proposées par Vallerand (1989). La traduction du BP a été réalisée en trois étapes. En premier lieu, quatre traductions furent proposées par 4 personnes parfaitement bilingues. Ensuite, nous avons réuni 3 auteurs de ces traductions pour une confrontation afin d'élaborer une

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version unique. Celle-ci a été enfin, soumise à deux personnes parfaitement bilingues qui ont unanimement accepté la version retenue. Un prétest a été effectué auprès d'une vingtaine d'étudiants afin de s'assurer de la clarté des items. La version française de cette échelle est présentée en annexe.

SUJETS

Pareillement à l'échantillon qui a servi à l'élaboration de la version originale de l'échelle (Farmer et Sundberg, 1986), les sujets de cette étude étaient tous des étudiants des deux sexes (N = 169,55 % de filles) dont l'âge moyen était de 21,91 ans (ET = 2,18). Ils furent tous informés du caractère anonyme du questionnaire, mais afin de pouvoir jumeler leurs réponses au test et au retest (trois semaines plus tard, n — 39 étudiants en premier cycle de psychologie), on leur a demandé d'inscrire leur date de naissance et les quatre derniers chiffres de leur numéro de téléphone.

INSTRUMENTS DE MESURE

Lors de leurs cours, des étudiants de Lettres et de Sciences humaines et sociales furent invités à compléter, outre l'Echelle de disposition à l'ennui (EDE), deux questionnaires psychologiques :

Le court Index d'actualisation de soi (IAS) (Short Index of self-actualization) comprend 15 items sélectionnés, par Jones et Crandall (1986; Cran- dall et Jones, 1991), à partir du Personal Orientation Inventory (POl) de Shostrom (1964). Pour chaque énoncé, le sujet est invité à indiquer son degré d'accord ou de désaccord et ce, à l'aide d'une échelle en 6 points. Un score élevé indique une forte actualisation de soi. Celle-ci réfère à une «tendance actualisante» (Rogers, 1968), dont dispose tout être humain, qui le pousse à développer toutes ses potentialités en vue de favoriser sa conservation et son épanouissement. La traduction de ces 15 items s'est basée, avec quelques modifications, sur l'adaptation de la version complète du POI réalisée par Leclerc, Lefrançois et Poulain (1992). Un prétest a été effectué auprès d'une vingtaine d'étudiants afin de s'assurer de la clarté des items.

Le Questionnaire de dépression de Beck (QDB) (Beck depression Inventory (BDI)) contient, dans sa version abrégée, 13 items. Il s'agit d'une autoévaluation de l'intensité de la dépression. Celle-ci est indiquée par un score élevé, à savoir 0-4 = absence de dépression, 5-7 = dépression légère, 8-15 = dépression modérée et 16 et plus = dépression sévère. Nous avons utilisé la version validée par Bourque et Beaudette (1982). La formule abrégée a démontré des qualités psychométriques comparables à la version standard du BDI (Shaver et Brennan, 1991).

Ces deux échelles ont été administrées afin d'évaluer la validité conceptuelle de l'EDE. Si l'actualisation de soi renvoie à l'autonomie, à la

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manière de vivre pleinement le présent et de s'ouvrir complètement aux expériences personnelles (Shostrom et Knapp, 1966 ; Shostrom, Knapp et Knapp, 1976), elle devrait exprimer un lien négatif d'avec la disposition à s'ennuyer (McLeod et Vodanovich, 1991). Par contre, le lien entre cette disposition et l'intensité de la dépression devrait être positif.

RESULTATS

Statistiques descriptives : La principale analyse porte sur les moyennes et leurs différences en fonction du sexe. Les scores de disposition à l'ennui s'échelonnent de 1 à 24 et représentent une distribution normale (Chi2 = 10,66, ddl=l4, p = .71) avec des moyennes égales à 10,67 (ET = 4,47) pour les femmes et à 11,09 (ET = 4,77) pour les hommes. Cette différence ne s'est pas révélée statistiquement significative pour autant (f(167) = 0,58 ns). Ce résultat est conforme à celui obtenu par Farmer et al. (1986), mais pas à celui obtenu par Sundberg et al. (1991). On notera, cependant, que ces scores semblent relativement plus élevés que ceux obtenus par les femmes et les hommes de l'échantillon américain de Farmer et Sundberg (1986), respectivement 9,60 et 10,44. L'éventualité d'une certaine différence culturelle ne peut être écartée. Par ailleurs, pour ce qui est de la dépression et de l'actualisation de soi, les résultats ne dévoilent aucune différence statistiquement significative entre les hommes et les femmes (QDB *(167) = 1,04 ns ), (IAS ï(167) = 0,65 n s) (tableau I, p. 439).

Fidélité-homogénéité de l'EDE : Nous avons vérifié la cohérence interne de l'EDE par le calcul du coefficient de Kuder- Richardson formule 20 (KR-20). Le résultat obtenu, à savoir a = .77, est bien satisfaisant. Il avoisine celui obtenu par les auteurs de la version originale (a = .79).

Stabilité temporelle : Un test-retest, sur une période de trois semaines, a été effectué auprès d'un sous-échantillon de 39 étudiants. La corrélation a atteint .91. Elle avoisine avantageusement celle rapportée par les auteurs de la version originale (.83). La même satisfaisante stabilité a été observée pour le questionnaire de dépression (.80) et l'index d'actualisation de soi (.83).

Potentiel de différenciation : La capacité d'un test à permettre une différenciation assez fine des sujets peut être évaluée à l'aide

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de l'indice delta de Ferguson (1949) qui varie de .00 (lorsque obtenant le même score, les sujets ne peuvent être différenciés) à 1,00 (lorsqu'il y a un nombre égal de sujets obtenant chaque score possible au test). Avec un A =.90, cette échelle démontre un potentiel de différenciation très satisfaisant.

Validité de construit : Les corrélations (coefficients de Pearson) entre la disposition à l'ennui et la tendance dépressive d'un côté et l'actualisation de soi de l'autre, sont à même de nous fournir quelques sérieux indicateurs sur la validité de construit de l'EDE. Les résultats obtenus, à savoir une corrélation négative d'avec l'actualisation de soi (r — — .52, p < .000) et une autre positive avec la dépression (r = .63, p < .000), plaident en faveur de cette validité.

Validité de structure : Afin de vérifier la structure facto- rielle de l'EDE, en l'occurrence son unidimensionnalité, une analyse factorielle confirmatoire a été exécutée à l'aide de Lisrel7.2/Prelis 1.2 (Jöreskog et Sörbom, 1989). Ce programme fournit différents indices d'ajustement au modèle théorique (en l'occurrence une solution monofactorielle) dont on utilisera les plus connus : le x2, plus celui-ci est faible, meilleur est l'ajustement ; le GFI (goodness of fit index) et AGFI (ajusted goodness of fit index), dont les valeurs varient entre .00 (inadéquation totale) et 1,00 (adéquation parfaite), mesurent la proportion de variances et covariances dont rend compte le modèle. Compte tenu du nombre élevé et de la nature dichotomique de nos variables ainsi que de l'étroitesse de notre échantillon, la méthode d'estimation des moindres carrés pondérés en diagonal (Diagonally Weighted Least Squares (DWLS)), et ce conformément aux recommandations de Jöreskog et Sörbom (1989, p. 22), a été appliquée sur une matrice de corrélations polychoriques (en l'occurrence tétrachoriques) et leurs variances asymptotiques calculées par Prelis1. Les résultats obtenus vont dans le sens

1 . Il convient de préciser que l'utilisation de la méthode des moindres carrés pondérés (Weighted Least Squares), bien que plus appropriée aux variables dichotomiques (Jöreskog et Sörbom, 1989, p. 223) nécessite un très large échantillon (1200 sujets au moins pour 28 variables; Jöreskog et Sörbom (1989, p. 2-8 Prelis)). Tout en reconnaissant les difficultés à appliquer pratiquement cette méthode, ces auteurs conseillent le recours à la méthode des moindres carrés pondérés en diagonal (Diagonally Weighted Least Squares) en présence d'un petit échantillon ou d'un grand nombre de variables. Cette méthode est un compromis entre les moindres carrés non pondérés et les moindres carrés entièrement pondérés (Jöreskog et Sörbom, 1989, p. 22 Lisrel).

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d'une incompatibilité du modèle théorique monofactoriel avec nos données. Avec la méthode utilisée ici, le y? ne peut être retenu comme indice d'ajustement (Jöreskog et Sörbom, 1989, p. 25). Quant aux autres indices d'adéquation, ils ne sont pas suffisamment élevés, à savoir GFI = .85, AGFI = .82, pour prétendre conclure à une parfaite représentation du modèle par nos données. Il en ressort que la solution unidimensionnelle de l'EDE est rejetée au profit peut-être d'une structure multidimension- nelle qui reste à explorer.

ETUDE II

Le but de cette étude était de confirmer la validité conceptuelle de l'EDE à l'aide de la méthode des «groupes connus» ( Known- Group s Method) (Cronbach et Meehl, 1955 ; Hattie et Cooksey, 1984). Empruntant une démarche hypothético-déduc- tive, cette méthode prédit une différenciation entre deux groupes dont l'un est supposé être soit beaucoup plus soit beaucoup moins sensible que l'autre au critère mesuré. Pour cette étude, notre choix s'était porté vers les toxicomanes. Nombreux sont les travaux qui ont démontré que l'ennui était impliqué dans les conduites addictives (Jacobs, 1986 ; Johnston et O'Mal- ley, 1986 ; Brisson, 1994). Il fut même démontré qu'il était parmi les principales causes de rechute dans l'addiction (Marlatt et Gordon, 1985). Ainsi, l'on devrait donc s'attendre à ce que les toxicomanes manifestent une plus nette tendance à l'ennui que les étudiants de notre première étude.

METHODE

Le même questionnaire comprenant l'EDE, l'iAS et le QDB fut administré à 30 patients toxicomanes (10 femmes et 20 hommes), dont l'âge moyen était de 29,63 (ET = 5,49), recrutés dans un centre où ils suivaient, depuis six mois au moins, un traitement de substitution (Méthadone, Buprénorphine (Subutex, Temgesic)). Ils furent tous informés du caractère anonyme du questionnaire.

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L'Échelle de Disposition à l'Ennui (EDE) 439

RESULTATS

Statistiques descriptives : Les moyennes des scores obtenus à l'EDE sont de 15,00 (ET = 5,37) pour les femmes et de 14,80 (ET = 5,56) pour les hommes (tableau I). La différence n'est évidemment pas significative (t(28) = 0,09 ns). Il en va de même en ce qui concerne les différences portant sur la dépression et l'actualisation de soi (tableau I).

Comparaison patients toxicomanes/ étudiants : Dès lors qu'aucune différence selon le sexe n'a été relevée chez les deux groupes, la comparaison était effectuée sur les scores globaux de chaque groupe ; la moyenne (m.) obtenue par les étudiants étant de 10,86 (ET = 4,60), celle obtenue par les toxicomanes est de 14,86 (ET = 5,41) (tableau I). La différence entre ces deux groupes s'est

TABLEAU I. — Moyennes et écart types (ET) obtenus par les 3 échantillons aux différentes échelles administrées

Means and standard deviations (ET) on each scale for the three samples

Jeunes Femmes Hommes Pop totale

Retraités Femmes Hommes Pop totale

Toxicomanes Femmes Hommes Pop. totale

N

93 76 169

61 39 100

10 20 30

EDE* Moyenne

10,67 11,09 10,86

10,44 8,41 9,65

15,00 14,80 14,86

ET

4,47 4,77 4,60

5,27 3,70 4,80

5,37 5,56 5,41

QDB/EDG Moyenne

5,92 5,01 5,51

5,59 4,02 4,98

9,80 11,25 10,76

: ET

5,37 5,94 5,64

3,64 2,41 3,29

6,01 6,91 6,55

IAS Moyenne

57,38 58,21 57,75

57,91 57,43 57,73

58,90 56,60 57,36

ET

7,11 9,06 8,06

6,22 6,02 6,12

6,33 7,77 5,95

* EDE= Echelle de Disposition à l'Ennui QDB= Questionnaire de Dépression de Beck: utilisé auprès des jeunes et des toxicomanes EDG= Echelle de Dépression Gériatrique: utilisée auprès des sujets âgés IAS= Index d'Actualisation de Soi

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440 Kamel Gana et Malek Akremi

révélée statistiquement significative (j(197) = 4,27, p < .000). Ce résultat va dans le sens de nos attentes et plaide en faveur de la validité de construit de l'EDE. A noter également que la différence portant sur la dépression s'était révélée significative (m. toxico = 10,76 ; m. étud. = 5,51, «(197) = 4,58, p < .000), alors que celle concernant l'actualisation de soi ne l'était pas.

ETUDE III

Le but de cette étude était double. Tenter de confirmer les bonnes propriétés métrologiques de l'EDE auprès des étudiants avec une population différente, en l'occurrence des personnes âgées. Et vérifier les résultats montrant une plus forte tendance à s'ennuyer chez les jeunes que chez les aînés (Sundberg et al., 1991 ; Vodanovich et Kass, 1990).

METHODE

SUJETS ET PROCÉDURE

Sur notre demande, plusieurs étudiants, ignorant tout de notre recherche, ont accepté de proposer à leurs parents et proches retraités un questionnaire que nous leur avions confié avec une enveloppe. Nous pensons que cette procédure permet de toucher une population âgée plus diversifiée que celle que l'on rencontre dans les maisons de retraite. Tous les sujets furent informés du caractère anonyme du questionnaire, et invités à le mettre sous enveloppe bien collée avant de le remettre à la personne qui les a contactés. Sur 200 questionnaires distribués, nous en avions reçu 120 dont 20 étaient inexploitables (incomplets). L'échantillon retenu se compose de 100 (61 femmes et 39 hommes) retraités (depuis 9,84 ans en moyenne, ET = 7,32) âgés de 58 à 87 ans (moyenne d'âge = 69,75 ans, ET = 6,94).

INSTRUMENTS DE MESURE

Outre l'EDE et l'iAS, les sujets ont été invités à remplir les échelles suivantes :

L'Echelle de dépression gériatrique (EDG) : nous avons utilisé l'adaptation française du Geriatrie Depression Scale qui a été validée par Bourque,

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L'Échelle de Disposition à l'Ennui (EDE) 441

Blanchard et Vezina (1990). De plus, nous avons opté pour la formule abrégée tant elle offre les mêmes garanties psychométriques que la version standard (Sheikh et Yesavage, 1986; Alden, Austin et Sturgeon, 1989; Burke, Roccaforte et Wengel, 1991). Elle contient 15 items binaires auxquels les sujets doivent répondre par oui ou par non. Un score élevé révèle un état dépressif, plus précisément 0-4 = absence de dépression, 5-9 = dépression légère, et 10-15 = état allant de modérément à gravement dépressif. Pourquoi avons-nous recouru à l'EDG à la place du QDB utilisé dans les études précédentes ? A cela trois raisons : d'abord, il nous semble que, vu son format binaire, l'EDG est plus accessible aux personnes âgées que le QDB, ensuite la possibilité d'utiliser ce dernier auprès des aînés ne fait pas l'unanimité des spécialistes (Gallagher, 1986), et enfin, le but de cette étude n'était pas de procéder à une comparaison entre jeunes et aînés concernant l'intensité de l'état dépressif, mais de déterminer le lien entre ce dernier et l'inclination à l'ennui en vue d'évaluer la validité de construit de l'EDE. Et l'on prédit ici aussi, un lien positif entre l'état dépressif et la tendance à l'ennui.

L'Échelle de motivation pour les personnes âgées (EMPA) de Vallerand et O'Connor (1991) se propose d'évaluer le degré de motivation des aînés à l'égard des principales occupations de leur vie. Cette échelle mesure 4 motivations (formant un continuum allant de la motivation intrinsèque jusqu'à l'amotivation, en passant par la motivation extrinsèque autodéterminée, et la motivation extrinsèque non autodéterminée) envers 6 domaines de vie (la santé, la religion, les informations, les loisirs, les relations interpersonnelles, les besoins biologiques) (voir Guay, Vallerand et Losier, 1995). Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes contentés de 3 domaines (informations, loisirs et relations interpersonnelles), et ce, en vue d'évaluer la validité de construit de l'EDE. Si les 4 types de motivations forment un continuum, l'on devrait s'attendre à ce que le pôle positif, à savoir la motivation intrinsèque qui réfère à l'accomplissement d'une activité pour elle-même et pour le plaisir qui lui est inhérent, soit négativement corrélé à la tendance à s'ennuyer. Autrement dit, une personne âgée, dont les rapports à soi et aux autres sont sous-tendus par une motivation intrinsèque, risque moins que les autres d'entretenir une inclination à l'ennui. Quant au pôle négatif, en l'occurrence l'amotivation qui est l'absence de toute forme de motivation intrinsèque ou extrinsèque, elle devrait établir une corrélation positive avec l'inclination à l'ennui.

RESULTATS

Statistiques descriptives : Les moyennes de l'EDE étaient de 8,41 (ET = 3,70) pour les hommes et de 10,44 (ET = 5,27) pour les femmes. La différence est statistiquement significative

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442 Kamel Gana et Malek Akremi

(t(98) = 2,09, p < .03). Il en va de même concernant les scores de dépression (m. fern. = 5,59 ; m. hom. = 4,02 ; t(98) — 2,36, p < .01), mais pas en ce qui concerne l'actualisation de soi (tableau I). De nos résultats ressort, en outre, un lien positif entre l'âge et la tendance à l'ennui chez les femmes (N = 61, r = .34, p < .007), mais pas chez les hommes (N = 39, r = .06 ns).

Fidélité-homogénéité de I'EDE: Le coefficient KR-20 ayant pour valeur .76, la cohérence interitems de I'EDE est satisfaisante. Ce niveau élevé d'homogénéité reproduit ceux obtenus avec les étudiants américains de la version originale et les étudiants français de notre première étude.

Potentiel de différenciation de I'EDE : Le delta de Ferguson a atteint .90 démontrant ainsi l'excellent potentiel différenciateur de I'EDE auprès des personnes âgées.

La validité de construit : Des corrélations furent effectuées entre le score de I'EDE et chacune des autres échelles administrées. Comme on pouvait s'y attendre, I'EDE était corrélée négativement avec l'actualisation de soi (r = — .28, p < .004) et positivement avec la dépression (r = .65, p < .000). Sans doute, ces résultats soutiennent-ils la validité de construit de I'EDE. Par ailleurs, nous avons voulu compléter cette validation en effectuant une corrélation entre le score de I'EDE et chaque item de l'EDG. Nous faisions l'hypothèse que la plus forte corrélation s'observerait entre le score de l'ennui et l'item 4 ( « Vous ennuyez-vous souvent ? » ) de l'EDG. Le résultat obtenu va dans le sens de nos attentes. En effet, la plus forte corrélation liait le score de l'ennui à l'item 4 (r = .53) suivie du lien entre le score de I'EDE et l'item 1 ( « Êtes-vous fondamentalement satisfait de votre vie ? » ) de l'EDG (r = .47). On ajoutera aussi que les sujets qui agréent l'item 4 de l'EDG obtiennent des scores significativement plus élevés à I'EDE que les sujets qui y répondent par la négative (t(98) = 6,57, p < .000). Qu'en est- il maintenant de l'ennui et du continuum de motivation ? Nos résultats montrent que I'EDE est associée négativement avec la motivation intrinsèque (n = 65, r = — .32, p < .002) et positivement, par une tendance à la significativité, avec l'amotivation (n = 65, r = .22, p < .07). Tous ces résultats confirment la validité de construit de I'EDE.

Comparaison étudiants/ âgés : Une analyse de variance a été exécutée afin de déterminer l'effet de l'âge et du sexe sur la tendance à l'ennui. Le sexe s'est révélé sans effet aucun sur le score de I'ede (F(l,265) = 1,83 ns). Par contre, l'âge (F(l,265) = 5,95,

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L'Échelle de Disposition à l'Ennui (EDE) 443

p < .01) ainsi que l'interaction âge-sexe (F(l,265) = 4,18, p < .04) ont montré des effets significatifs. Comme on peut l'apercevoir sur le tableau I, les jeunes se montrent plus disposés à l'ennui que leurs aînés. Ce résultat corrobore ceux obtenus auprès de sujets américains (Sundberg et al., 1991 ; Vodanovich et Kass, 1990). On notera par ailleurs que les différentes comparaisons statistiques entre les groupes nous révèlent que les jeunes garçons obtiennent les scores les plus élevés, et les hommes âgés les scores les plus bas.

Structure factorielle de l'EDE : L'analyse factorielle confirma- toire (étude I) ayant infirmé la structure unidimensionnelle de l'EDE, il nous a semblé utile de réaliser une analyse factorielle exploratoire sur les réponses obtenues auprès des étudiants et des personnes âgées (N — 270). Une analyse en facteurs principaux (méthode de l'axe principal) avec rotation oblique a permis d'extraire 2 facteurs, dont les valeurs propres sont supérieures à 1, expliquant 18,17 % de l'inertie totale. Le premier facteur est déterminé par 14 items (1, 3, 4, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 18, 22, 23) qui renvoient au sentiment de vide ainsi qu'au plaisir que procurent les activités auxquelles on s'adonne et à la créativité et l'aptitude à s'occuper et se distraire. Ce facteur pourrait représenter la stimulation interne. Le second facteur est déterminé par 12 items (2, 6, 9, 15, 17, 19, 20, 21, 25, 26, 27, 28) qui évoquent l'attente ainsi que les stimulations de la vie, le besoin de diversité et de changement. Ce facteur pourrait désigner la stimulation externe. La corrélation entre ces deux facteurs est de .47.

Seuls les items 5 et 24 n'ont pas trouvé d'affectation dans cette structure factorielle. Il convient de noter que l'élimination de ces deux items modifie légèrement la cohérence interne du questionnaire (N — 270, a — .78 avec et .77 sans ces items). Dès lors que la structure factorielle de la version originale n'est pas encore établie, toute comparaison avec celle de l'EDE s'avère impossible. Ainsi, la stabilité factorielle reste à démontrer.

CONCLUSION

Comme nous le rappellent Dickes et ses collaborateurs (1994), la validité étant toujours provisoire, le processus de validation s'annonce donc comme une entreprise perpétuelle (p. 46).

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444 Kamel Gana et Malek Akremi

L'Echelle de disposition à l'ennui, dont l'adaptation fait le corps de la présente recherche, n'y échappera pas. Mais d'ores et déjà, cette première validation offre des arguments assez robustes et convaincants qui plaident en faveur de ses qualités psychométriques. A travers sa cohérence interne, sa stabilité temporelle et son potentiel de différenciation, la fidélité de l'EDE s'est révélée assez satisfaisante dans les populations jeune et âgée. En ce qui regarde la validité de construit, les résultats nous ont dévoilé un lien négatif entre la disposition à l'ennui et l'actualisation de soi d'une part et la disposition à l'ennui et la motivation intrinsèque (chez les personnes âgées) d'autre part. Quant à la corrélation positive observée entre l'ennui et la dépression, autant elle soutient la validité de l'EDE, autant elle renforce au contraire l'idée de leur extrême parité (Digo, 1971). Or, de tous les items de l'échelle de dépression (EDG), c'est celui évaluant explicitement l'ennui (item 4) qui a affiché la plus forte corrélation avec le score à l'EDE. A quoi s'ajoute que les autres corrélations sont tellement modérées qu'une telle présomption perd quelque peu de sa pertinence. Bien que proches l'un de l'autre, l'ennui et la dépression ne peuvent être réductibles l'un à l'autre. Sans doute l'investigation du sens de causalité entre ces variables permettrait-elle de mieux délimiter le statut de l'ennui ; à cet égard l'utilisation des modèles d'équations structurales, et plus particulièrement les modèles en pistes causales, tels que LISREL, ouvre des perspectives novatrices et fort instructives (voir Bacher, 1989 ; Byrne, 1989). En outre, les résultats obtenus par les toxicomanes, groupe cliniquement connu comme étant sujet à l'ennui, renforcent la validité de construit de l'EDE.

Par ailleurs, la présente recherche contribue de plusieurs façons à alimenter les différents débats sur le concept d'ennui et son échelle de mesure. D'abord, le débat portant sur la validité de structure de l'EDE : l'unidimensionnalité de cette échelle fut rejetée par une analyse factorielle confirmatoire. Les résultats d'une analyse factorielle exploratoire plaideraient plutôt en faveur de sa bidimensionnalité. Ensuite, celui portant sur la prévalence de l'ennui en fonction du sexe : ici les résultats ne sont pas unanimes. Mais lorsque des différences sont relevées, elles vont toujours dans le sens d'une plus forte tendance à l'ennui chez les hommes. Non seulement nos résultats auprès des jeunes ne vont pas dans ce sens, mais c'est la tendance inverse que l'on observe chez les personnes âgées. D'ailleurs, chez ces dernières,

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L'Échelle de Disposition à l'Ennui (ede) 445

plus les femmes sont âgées, et plus leur tendance à l'ennui est forte. L'âge pèse indéniablement sur l'expérience de l'ennui. Mais, paradoxalement, les jeunes expriment une plus forte disposition à l'ennui que les aînés. Nos résultats confirment cette unanimité qui s'est faite autour de ce constat. L'impact de l'âge pose des questions de développement «vie entière» (life-span) de la disposition à l'ennui. Ces questions ne manquent pas ici : la différence provient-elle du fait que les personnes âgées ont appris à contrôler leurs émotions, à mieux gérer l'usage de leur temps, et à relativiser les choses, par le mécanisme de la comparaison sociale, en abaissant leurs niveaux d'aspiration et d'exigence pour mieux composer avec les contingences de la vie, ou bien du fait que les jeunes s'ennuient beaucoup plus parce qu'ils ne trouvent pas de loisirs à la hauteur de leurs attentes ou les moyens de les réaliser ? Quelle est la nature du lien entre la prévalence de la dépression, désormais prouvée (Atchley, 1976 ; Feinson, 1987 ; Moami, 1988), et celle de l'ennui chez la femme âgée ? Quelles sont les stratégies utilisées par les jeunes et les personnes âgées pour faire face (coping) à cette tendance à l'ennui ?

Enfin, il serait prématuré d'imputer l'absence d'un effet de sexe sur les résultats obtenus par les étudiants français, contrairement aux étudiants américains, à une quelconque différence culturelle, même si la perméabilité culturelle de l'ennui semble évidente. Il est loisible de croire que l'échelle que nous venons de valider concourrait à apporter quelques éléments de réponses à toutes ces questions et à bien d'autres encore.

Échelle de Disposition à l'Ennui (ede)

1. Il m'est facile de me concentrer sur mes activités (F) 2. Il m'arrive souvent d'être préoccupé par autres choses lorsque je tra

vaille (V) 3. J'ai toujours l'impression que le temps passe lentement (V) 4. Je me sens souvent désœuvré ne sachant quoi faire (V) 5. Je me fais souvent piéger dans des situations où je dois faire des

choses qui n'ont pas de sens (V) 6. Avoir à regarder, chez quelqu'un, des films de famille ou des diaposi

tives de vacances m'ennuie terriblement (V)

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446 Kamel Gana et Malek Akremi

7. J'ai, tout le temps, dans ma tête des projets et des choses à faire (F) 8. Je n'ai pas de difficultés à me distraire (F) 9. Beaucoup de choses que je fais sont répétitives et monotones (V)

10. J'ai besoin d'être plus stimulé que les autres pour bouger (V) 11. La plupart des choses que je fais me procurent un certain plaisir (F) 12. Je suis rarement enthousiasmé par ce que j'entreprends (V) 13. Quelle que soit la situation, je trouve toujours quelque chose d'intéres

sant à faire ou à voir (F) 14. La plupart du temps, je ne fais que traînasser (V) 15. Je suis particulièrement patient quand j'attends (F) 16. Je me trouve souvent sans rien à faire, avec du temps devant moi (V) 17. Dans des situations durant lesquelles je dois attendre, comme dans

une queue, je deviens très impatient (V) 18. Je me réveille souvent avec une nouvelle idée en tête (F) 19. J'aurais beaucoup de mal à trouver un travail* suffisamment intéres

sant (V) 20. J'aimerais faire davantage de choses stimulantes dans la vie (V) 21. La plupart du temps, j'ai l'impression de travailler en dessous de mes

capacités (V) 22. Beaucoup diraient que je suis quelqu'un de créatif et d'imaginatif (F) 23. Je m'intéresse à tellement de choses que je n'ai pas le temps de tout

faire (F) 24. De tous mes amis, je suis le plus persévérant (F) 25. A moins de faire quelque chose d'excitant, voire même dangereux, je

me sens plus mort que vif, et déprimé (V) 26. J'ai besoin de beaucoup de changement et de diversité pour continuer

à être vraiment heureux (V) 27. On dirait que l'on passe toujours les mêmes choses à la télé ou au

cinéma, ça devient lassant (V) 28. Lorsque j'étais jeune, je me retrouvais souvent dans des situations

monotones et ennuyeuses (V)

Note. La clé de cotation de chaque item est donnée entre parenthèses : (V) = vrai, (F) = faux. Elle ne doit pas apparaître sur la version utilisée pour fins d'administration. Toute réponse qui va dans la même direction que l'instruction donnée par la clé indique une prédisposition à l'ennui obtenant ainsi 1 point.

* Nous avons remplacé le vocable « travail » (traduction de job) par « activité » dans la version proposée aux retraités.

RÉSUMÉ

Cette recherche présente la validation d'une adaptation française du Boredom Proneness Scale (BP) que l'on a intitulé « Échelle de Disposition à l'Ennui» (EDE). Les propriétés métrologiques, la validité de construit ainsi que la validité de structure de l 'EDE furent évaluées dans le cadre de 3 études. Impli-

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L'Échelle de Disposition à l'Ennui (EDE) 447

quant des étudiants, la première a révêlé des indices de fidélité (cohérence interne, stabilité temporelle...) et de validité acceptables. La structure unidi- mensionnelle de l'échelle fut par contre infirmée par une analyse factorielle confirmatoire. Les résultats de la seconde étude obtenus auprès de patients toxicomanes, empruntant ainsi la méthode des «groupes connus», soutiennent la validité de construit de l'EDE. Les résultats de la dernière étude, impliquant des personnes âgées, ont plaidé aussi en faveur de la fidélité et la validité de l'EDE. Enfin, les résultats d'une analyse factorielle exploratoire ont conclu à la bidimensionnalité du construit.

Mots-clés: ennui, Echelle de Disposition à l'Ennui, adaptation française, validation.

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