7/31/2019 L'amour la solitude

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tre seul, c'est tre soi, rien d'autre. Comment serait-on autre chose ? Personne ne peutvivre notre place ni mourir notre place, ni souffrir notre place, et c'est ce qu'onappelle la solitude : ce n'est qu'un autre nom pour l'effort d'exister. Personne ne viendraporter votre fardeau, personne. Si l'on peut parfois s'entraider (et bien sr qu'on lepeut!), cela suppose l'effort solitaire de chacun, et ne saurait - sauf illusions - en tenirlieu. La solitude n'est donc pas refus de l'autre, au contraire : accepter l'autre, c'estl'accepter comme autre (et non comme un appendice, un instrument ou un objet de soi!), et c'est en quoi l'amour, dans sa vrit, est solitude. Rilke a trouv les mots qu'ilfallait, pour dire cet amour dont nous avons besoin et dont nous ne sommes que sirarement capables : "Deux solitudes se protgeant, se compltant, se limitant, ets'inclinant l'une devant l'autre". . .

L'amour n'est pas le contraire de la solitude : c'est la solitude partage, habite,illumine - et assombrie parfois - par la solitude de l'autre. L'amour est solitude,toujours, non que toute solitude soit aimante, tant s'en faut, mais parce que tout amourest solitaire. Personne ne peut aimer notre place, ni en nous, ni comme nous. Ce dsert,autour de soi ou de l'objet aim, c'est l'amour mme.

Andr Comte-Sponville, L'amour la solitude, Paroles d'Aube 1992