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CEDAPAS 40 avenue Roger Salengro 62223 Saint Laurent Blangy Tél: 03 21 24 31 54 mail: [email protected] site : www.cedapas-npdc.org L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais enjeux, état des lieux, propositions concrètes Résultats de l’étude sur la viabilité et le devenir des petes et moyennes fermes dans la région Nord Pas de Calais réalisée entre 2007 et 2010 par le CEDAPAS

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CEDAPAS 40 avenue Roger Salengro 62223 Saint Laurent Blangy Tél: 03 21 24 31 54 mail: [email protected] site : www.cedapas-npdc.org

L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais

enjeux, état des lieux, propositions concrètes

Résultats de l’étude sur la viabilité et le devenir des petites et moyennes fermes dans la région Nord Pas de Calais réalisée entre 2007 et 2010 par le CEDAPAS

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Ce document a été publié en septembre 2011

Centre d’Etudes pour le Développement d’un Agriculture Plus Autonome et Solidaire 40 avenue Roger Salengro 62223 Saint Laurent Blangy

Tél: 03 21 24 31 54 — mail: [email protected] — site: www.cedapas-npdc.org

Le CEDAPAS est une association de paysans qui, depuis plus de 20 ans, mène une réflexion sur un développement agricole durable, en faisant la promotion d’une Agriculture Paysanne.

Les actions principales sont l’accompagnement individuel et collectif de paysans souhaitant faire évoluer leur ferme, la sensibilisation à l'agriculture paysanne vers un public divers (agriculteurs mais aussi grand public, jeunes en formations …), et l’apport d’expériences concrètes et d’éléments de réflexion pour faire évoluer le cadre politique.

Publications et supports d’actions

« Parcours de fermes en Agriculture Paysanne et Durable » : une vingtaine de paysans présentent leur activité, leurs projets et les méthodes pour y parvenir. Les parcours renseignent également sur la viabilité de cette Agriculture Paysanne. Des fiches, plus récentes, complètent cette présentation et sont téléchargeables sur le site internet du CEDAPAS.

Le film « Chemins d’hommes. L’agriculture paysanne en Nord-Pas de Calais » comporte neuf témoignages de paysans qui illustrent le projet d’agriculture paysanne : la recherche d’autonomie, de valeur ajoutée, la création d’emplois, la préservation des ressources, les liens avec les citoyens. Disponible en DVD.

Le Réseau de fermes de démonstration en agriculture paysanne et durable: 12 fermes pour découvrir l'agriculture paysanne à partir d'expériences de paysans de la région. Si vous souhaitez visiter une des fermes de ce réseau, ou d'autres, que vous soyez agriculteurs, enseignants, techniciens…n’hésitez pas à contacter le CEDAPAS pour demander la plaquette ou prendre un rendez-vous.

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Pourquoi s’intéresser à la viabilité et à la pérennité des petites fermes?

Entre 2000 et 2007, la taille des exploitations agricoles dans la Région Nord Pas de Calaison a augmenté de 28%, et le nombre d’exploitations a chuté de 23% (source: Agreste).

Le CEDAPAS s’intéresse aux fermes qui n’entrent pas dans cette logique de concentration, et a mené une étude pour comprendre les motivations de ces paysannes et paysans et le fonctionnement de leur système.

Ce travail avait pour objectif de permettre ensuite des actions de sensibilisation, voire d’accompagnement, sur la viabilité de petites fermes, ainsi que sur la transmission et l’installation.

Malgré l’intérêt que représente le maintien de petites fermes, nous constatons que celles-ci subissent de nombreuses discriminations.

Elles sont globalement peu reconnues et souffrent d’une image qui ne correspond pas à la réalité. Les politiques agricoles actuelles sont encore majoritairement orientées vers le soutien aux grosses structures et à leur développement. C’est en partie le mode de calcul du revenu et les critères sur lesquels s’appuient ces politiques qui ne sont pas adaptés puisqu’ils ne permettent pas de soutenir les structures qui représentent le plus d’intérêt pour la société. La formation agricole est quasiment exclusivement orientée vers des exploitations de taille importante, véritables usines de production. La gestion du foncier agricole favorise l’agrandissement des fermes, de part les critères de choix, et de par son coût difficilement accessible aux plus petites fermes, et encore moins aux candidats à l’installation. Les organismes de conseil technique et de développement agricole proposent des services qui ne sont pas adaptés aux petites structures. Enfin, les organismes de gestion et les organismes financiers opèrent de fortes incitations à la course à l’investissement et à l’endettement .

La taille excessive des fermes conduit souvent à la spécialisation, au détriment de la biodiversité et de la protection de l’environnement en général. Ce mode de développement conduit également à une plus grande vulnérabilité des systèmes sur le plan financier. Et c’est enfin une aberration en matière d’emploi et de justice sociale!

Par des pratiques économes, autonomes et solidaires, des paysannes et paysans « résistent » sur de petites fermes. Ce sont ces modèles de développement qu’il faut encourager pour relocaliser l’économie agricole, faire vivre les territoires dans l’intérêt de tous.

François Théry, Président du CEDAPAS

L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais

La difficile définition d’une « petite ferme »

Comment définir une « petite ferme »? Sur quels critères se baser? Surface, main d'œuvre, dimension économique, chiffre d'affaire, revenu…? Comparer la taille de structures différentes est compliqué, l'exemple le plus flagrant étant celui des fermes maraîchères par rapport aux systèmes classiques de grandes cultures ou d'élevage. L'appréciation de la taille est aussi très liée au territoire, voire au voisinage proche de la ferme, ainsi qu’au ressenti de l'agriculteur. Une multitude de définitions et de seuils existent, définis par différentes structures en fonction de leurs critères propres et adaptés à leurs objectifs (la SMI

1 pour l'installation, les plafonds du

schéma directeur départemental des structures agricoles, les seuils de revenus pour les aides à l’investissement...). Pour le CEDAPAS il est surtout important de prendre en compte des fermes qui ne sont pas dans une logique d’agrandissement. La Charte de l’Agriculture Paysanne, qui sert de référence à notre travail, aborde cette question par le potentiel de revenu. Elle définit un seuil au-delà duquel les fermes ne sont plus prioritaires pour l’agrandissement. Ces seuils sont définis localement et en fonction des productions. 1SMI: Surface Minimum pour l’Installation

Et en Nord Pas

de Calais?

Les fermes de taille modeste sont loin d'être négligeables dans le paysage agricole régional.

En 2007,

51% ont moins de 50ha

28% ont moins de 25ha

(source: Agreste).

L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais— CEDAPAS 2011

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L’étude menée par le CEDAPAS a mis en avant un fort sentiment de manque de reconnaissance des paysans interrogés vis à vis des organismes du monde agricole (conseillers techniques, banques, coopératives, lycées agricoles...) mais également de la part des institutions et du grand public en général. L’image véhiculée des petites fermes est souvent un peu vieillotte et nostalgique, celle de fermes inadaptées et vouées à disparaître. Nous reprenons ici 4 idées reçues largement répandues que nous avons souhaité revisiter.

Les citations qui illustrent ces 4 thèmes sont issues de l’étude menée entre 2007 et 2010.

"Quand je dis que

je vis sur 24

hectares, on ne

me prend pas au

sérieux"

L’impossibilité de dissocier viabilité et vivabilité

Le revenu comptable est bien entendu le premier critère de la viabilité.

Il n’est en revanche ni satisfaisant ni suffisant. Il est souvent le résultat de stratégies comptables et fiscales et reflète peu la réalité du revenu disponible. L’étude du CEDAPAS a montré que d’autres facteurs contribuent à faire vivre une ferme de manière durable. La participation de l’activité agricole au niveau de vie global ou l’atteinte des objectifs propres à l’agriculteur sont des critères de réussite qui participent à la viabilité de la ferme. Les éléments liés au travail (pénibilité, temps de travail, qualité du travail) sont également des facteurs importants de vivabilité donc de viabilité. Le fait de pouvoir se libérer du temps, par exemple, va favoriser l’équilibre personnel et familial, mais va aussi permettre une ouverture sociale et professionnelle à travers des engagements extérieurs, la participation à une formation, etc. Enfin, l’autonomie, qu’elle soit de décision, mais également technique et financière, est mise en avant par les paysans comme facteur à prendre en compte quand on aborde le thème de la viabilité de leur ferme.

La crise laitière de 2009 est un exemple intéressant parce qu’elle montre que ce ne sont pas les fermes les plus grosses qui ont été les moins touchées. Les fermes plus petites, plus autonomes financièrement et techniquement sont finalement moins fragiles et plus résilientes.

L’étude du CEDAPAS a fait ressortir l’importance de redéfinir les critères de viabilité d’une ferme, et notamment en partant des paysans eux-mêmes.

Image des petites fermes …

...et réalités des paysans

Idée reçue n°1: « Les petites fermes

ne sont pas viables »

« On a du temps pour nous, pour faire autre chose, ... on a des engagements extérieurs ...ça me gênerait beaucoup si je ne pouvais pas faire autre chose. »

L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais— CEDAPAS 2011

« Je cherche toujours à récupérer de l’autonomie […], à avoir un maximum de libertés par rapport à tout ce qui est autour de nous et ne pas être lié à un fournisseur qui oblige à acheter ça, à produire de telle façon… »

« Le but, c'était de pouvoir permettre

aux enfants d’aller là où ils voulaient aller, donc ils ont fait des

études supérieures, ils ont réussi.

L'objectif est atteint. L'objectif matériel, c'est pareil, on a une

maison, on a ce qu'il faut »

crédit photo: CEDAPAS

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Le revenu extérieur est-il une spécificité des petites fermes? Quel est le lien entre revenu de la ferme et revenu extérieur (conjoint ou double activité) ?

Lors de nos entretiens, la majorité des fermes ayant répondu avait un revenu extérieur. Elle sont plus nombreuses parmi les fermes percevant plus d’un SMIC de revenu agricole (80% de celles-ci) et représentent uniquement la moitié de celles percevant moins d’un SMIC.

L’activité qui y contribue peut être choisie (choix du conjoint ou activité pré-existante du chef d’exploitation lors de son installation) ou forcée (pour permettre au ménage de vivre, pour rembourser les emprunts de la ferme). D’après un article INRA / INSEE de 2006

1, un agriculteur sur trois en France

perçoit un revenu d'activité non agricole supérieur à un demi-SMIC net annuel (exploitations professionnelles uniquement). Cette donnée est difficilement comparable puisque notre étude ne nous a pas permis de connaître avec précision le montant du revenu extérieur. Toutefois, elle montre que l’activité extérieure est plutôt courante parmi les ménages agricoles français de manière générale. S’il n’a pas de lien direct (ne contribue pas directement au revenu de la ferme), le revenu extérieur apporte néanmoins une sécurité en facilitant les investissements (nombreux cas d’autofinancement), en sécurisant la trésorerie de la ferme, et en permettant de faire face aux périodes creuses.

Le revenu extérieur est donc un élément courant permettant à de nombreuses fermes, de toutes tailles, de continuer à exister.

C’est un fait, qu’il ne faut pas négliger, mais qui ne remet pas en question l’intérêt des petites fermes et leur viabilité.

Il est intéressant par contre de comprendre pourquoi ce revenu extérieur participe à l’équilibre de la ferme (financier, économique, mais également social et familial), et de mettre en place des mécanismes pour limiter la dépendance lorsqu'elle existe, et limiter les situations tendues du fait d’une activité extérieure forcée, notamment en terme de charge de travail.

1Site web de l’INSEE, Tableaux de l’Economie Française - Edition 2008, source des tableaux : service de la

statistique et de la prospective (SSP), recensements agricoles et enquêtes Structure.

Idée reçue n°2: « Les petites fermes ne sont pas profes-

sionnelles car elles ne subsistent que grâce à un revenu extérieur »

« Si ma femme n'avait pas travaillé à l'extérieur, c'est bien

possible que je n'aurais pas pris

ce risque »

« Y’a un salaire extérieur mais il

n’y a pas de main d’œuvre de ce

côté-là non plus. Tout seul, tout

passe par une paire de mains, les tâches d’élevage, l’entretien, la

culture, la comptabilité… Ceux

qui sont en couple, c’est réparti. C’est vrai que si dans une

famille, il y a deux sources de

revenus, c’est plus facile de vivre que si il y en a qu’un seul. »

L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais— CEDAPAS 2011

« Quand tu as repris, j’ai été

obligé de rester travailler à l’ex-

térieur car il y avait des emprunts à rembourser….C’était un choix

de nous deux. »

« Au niveau main d’œuvre, j’étais limité car [mon épouse]

continuait à travailler pour

rembourser les emprunts. »

crédit photo: CEDAPAS

crédit photo: CEDAPAS

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Innovations et choix stratégiques

Cette idée reçue résulte de l’image « vieillotte » et passéiste répandue sur les petites fermes. L’étude menée par le CEDAPAS fait ressortir, au contraire, que les petites fermes sont potentiellement source d’innovation pour s’adapter à leur taille. Elle a montré une grande diversité parmi les petites fermes enquêtées, en terme de système de production (lait, viande, maraîchage, polyculture…), et de tous les types de filières de commercialisation (longue, courte, vente directe, mixte). Il n’y a donc pas un unique modèle de petite ferme, mais plutôt un état d’esprit et une identité commune, liée notamment aux notions d’autonomie, de maîtrise des choix, et de qualité de vie.

Le développement de nouveaux systèmes, et notamment de valorisation (transformation, circuits courts, etc.) vient en partie des stratégies d’adaptation de petites fermes.

Il est intéressant de noter que 55% des fermes enquêtées avaient une démarche de valorisation des produits (dont 10 sur 16 exclusivement), la plupart liée à une démarche de qualité (agriculture biologique essentiellement).

La recherche d’autonomie technique et alimentaire ainsi que la volonté de respecter l’environnement a en outre poussé une partie de ces fermes à expérimenter de nouvelles pratiques telles que les systèmes laitiers herbagers et l’agriculture biologique. A ce niveau les fermes enquêtées ont exprimé une inadéquation entre leurs besoins et le conseil technique existant.

Enfin, au-delà de l’innovation technique et économique, certaines fermes ont également développé des stratégies innovantes de financement, basées sur un engagement citoyen local.

Idée reçue n°3: « Les petites

fermes ne sont pas innovantes »

« J’innove, j’élargis ma gamme de

produits, j’étends la période de

production des légumes et ça, ça me motive car le métier n’est pas fini, il y a

toujours du nouveau dans le métier. »

« Faire de l’herbe, c’est pas si simple

que ça. C’est vrai qu’on a besoin de

références… A mon avis, c’est plus technique, enfin plus pointu que faire

du maïs. »

« J'ai réduit la production, j'ai réduit la

surface. Je suis parti vendre moi-même sur le marché. Je me suis rendu compte

qu'il fallait faire autre chose, que le

consommateur demandait autre chose. »

« J’ai un fonctionnement un peu bizarre… quand on a démarré, la

banque ne nous a pas prêté un

franc un centime… on a eu l'aide de 24 familles qui nous ont donné

de l'argent, un peu comme une

cigale mais pas organisé… On leur a rendu au bout de 7 ans et avec un

remboursement comme à la Caisse

d'Epargne… […] ça nous a permis de démarrer… Depuis, je suis très

frileux pour m'endetter… »

Image des petites fermes...et réalités des paysans: 4 idées reçues revisitées

crédit photo: Jean-Charles GUTNER

crédit photo: CEDAPAS

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L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais— CEDAPAS 2011

L’avenir des petites fermes renvoie aux questions de l’installation et de la

transmission, mais il est également un choix de société

Transmission

Les petites fermes sont, par leur taille, généralement plus facilement transmissibles grâce à un coût de reprise moindre. A cela s’ajoute souvent une forte volonté de transmettre un outil de travail et des savoir-faire. Au-delà de cela, les petites fermes ont un fort potentiel de transformation.

Force est de constater, cependant, que la grande majorité des fermes, petites ou grandes, ne sont pas transmises. Parmi les agriculteurs enquêtés, les trois quarts n’avaient aucune certitude quant à l’avenir de leur ferme à moins de 10 ans de la retraite. Un manque d’accompagnement, et plus généralement une attitude passive dans la démarche de transmission expliquent que ces agriculteurs n’abordent pas les questions essentielles à la transmission, et qu’ils n’arrivent finalement pas à transmettre leur ferme.

Il est important de noter enfin qu’il existe différentes manières de transmettre, au sein ou en-dehors du cadre familial. Les démarches de transmission progressive sont notamment des initiatives intéressantes qui peuvent permettre de transmettre une ferme.

Installation

Les candidats à l’installation, issus ou non du milieu agricole, existent. Ceux-ci ont des projets variés, allant de systèmes classiques de type élevage laitier ou grandes cultures, à des systèmes plus complexes alliant production, transformation, commercialisation et/ou proposition d’autres types de services sur la ferme (accueil, gîte, etc.).

Les obstacles se situent plus au niveau de l’accès au foncier, de l’ouverture locale à l’installation et du cadre réglementaire — notamment hors cadre familial — pour permettre à ceux qui le souhaitent de trouver une place dans le

paysage agricole.

Attentes de la société

Les attentes de la société vis-à-vis de l’agriculture et du milieu rural sont diverses (alimentation, tourisme, environnement, etc) et de plus en plus exigeantes, notamment en terme de qualité sanitaire et environnementale. A cela s’ajoute le souhait d’un monde rural vivant, créateur d’emplois. Le maintien de petites fermes peut répondre à ces attentes.

Idée reçue n°4: « Les petites

fermes n’ont pas d’avenir »

« Ça fait un petit moment que

j'y réfléchis… il a fallu faire la

part des choses entre un idéal, une utopie et la réalité… Il y a

toujours eu un mélange entre

la vie familiale et l'exploitation, il faut faire le

tri, faire des choix… »

« Aujourd’hui, l’objectif, c’est de céder la ferme, mais on ne

sait pas trop où on va. »

« On a acheté une maison

pour libérer ici à la

transmission… La maison doit tenir avec l’exploitation, c’est

important pour nous. »

« Le coût de la transmission,

je ne sais comment et combien l’évaluer. »

« Quand je lui [à mon neveu]

ai demandé il y a 2 ans environ, il ne m’a pas répondu

et j’en dormais plus… Depuis

qu’il a dit que ça l’intéressait, je redors ! »

« Depuis quelques années on

est même sorti de ce système d‘agriculture. On a même

cédé une parcelle. On a eu des

reproches de la part de certains qui nous avaient cédé

quand on a cédé 1 hectare à

un petit. »

crédit photo: CEDAPAS

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Permettre le maintien des petites fermes Pour un développement agricole plus durable, il faut remettre les petites fermes au centre de la politique agricole. Cela passe notamment par un changement de vision de la viabilité d’une ferme.

Compléter l’évaluation de la viabilité économique des fermes pour changer les critères d’orientation des aides publiques.

Ces critères doivent tenir compte à la fois de l’efficacité économique et de l’autonomie : revenu disponible, taux d’endettement, dépendance vis-à-vis des filières et des marchés, etc.

Supprimer les seuils planchers d’attribution des aides La suppression de ces seuils planchers serait une reconnaissance de l’existence économique et sociale des petites structures.

Mettre en place une aide au revenu des petites fermes

Aider la mise en place de formes collectives d’emploi au niveau local par une sécurisation du débouché

L’accompagnement à la création d’organisations collectives sur des travaux tels que le conditionnement et la vente permet de favoriser l’accès à la vente en circuits courts et à la restauration collective pour les petites fermes. La sécurisation des débouchés par la contractualisation renforce ces formes d’organisation.

Soutenir l’expérimentation de formes innovantes d’emploi agricole

Les collectivités doivent apporter un soutien à la fois technique et financier à ces initiatives.

Instaurer une offre de formation diversifiée, accessible et adaptée aux petites structures

L’offre proposée actuellement est peu adaptée aux petites fermes et ne permet pas une remise en cause des pratiques. De plus, les paysans ont des difficultés à se libérer du temps pour se former.

Il faut donc réorienter l’offre et la mise à disposition de moyens humains sur le terrain (animateurs, conseillers...). Il faut également instaurer des mécanismes permettant réellement aux agriculteurs de se libérer du temps tous les ans pour se former, techniquement et humainement (crédit temps de formation, crédit d’impôt remplacement…).

Viabilité et revenu

Viabilité et travail

L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais— CEDAPAS 2011

Comment favoriser le maintien des petites fermes? Quelles actions politiques?

Les propositions issues de l’étude

crédit photo: AMAP d’Angres et environs crédit photo: CEDAPAS

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L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais— CEDAPAS 2011

Impulser des programmes pédagogiques qui permettent de comprendre la diversité des types de ferme, d’en connaître les intérêts et limites (d’un point de vue individuel et sociétal)

Les organismes responsables des programmes pédagogiques de l’enseignement agricole doivent veiller à ce que ceux-ci reflètent la réalité du monde agricole, non pas dans sa représentation statistique mais dans sa diversité. Les agriculteurs de demain doivent être en mesure de choisir les pratiques qui leur semblent les plus cohérentes et avoir les outils pour les interroger. Les agriculteurs de demain n’étant pas tous issus du milieu agricole, la formation générale doit également sensibiliser les élèves aux problématiques agricoles et les informer sur la diversité des types de ferme.

Un engagement des collectivités territoriales dans le cadre de leurs politiques d’aménagement du territoire

Les collectivités territoriales ont un grand nombre d’outils à leur disposition pour favoriser le maintien des petites fermes : la mise à disposition de terres pour permettre l’installation, le choix d’un approvisionnement pour la restauration collective auprès de petites structures du territoire, le choix des critères de redistribution des terres en réserve, l’investissement dans du patrimoine agricole (foncier, corps de ferme)...

Rôle des collectivités

vision de l’agriculture dans la formation

Adapter les normes règlementaires

Les différentes normes actuelles (sanitaires, de conditionnement, d’approvisionnement de la restauration collective…), calquées sur la production industrielle, ne sont ni justifiées ni souhaitables pour des productions de petits volumes et excluent de fait les petites fermes de certains marchés. Il y faut les revoir, en partant d’expériences sur le terrain.

Revoir la fiscalité agricole pour décourager la sur-capitalisation et l’agrandissement des fermes

Cette mesure passe en outre par la limitation de la possibilité de déduction des amortissements et des intérêts d’emprunts dans le calcul des revenus. En effet, le système de calcul actuel instaure une distorsion favorable au sur-investissement au détriment des systèmes autonomes de petite taille.

Instaurer des cotisations sociales justes, progressives et proportionnelles à la valeur ajoutée

Aujourd’hui ces cotisations sont basées sur le revenu professionnel (réel ou forfaitaire). Le revenu réel est alors artificialisé pour baisser les prélèvements sociaux par le biais de conseils fiscaux. Ces techniques ne sont pas rentables pour les petites fermes et, associées à l’existence de seuils et de plafonds de cotisation, elles rendent les cotisations sociales inéquitables.

Règlementation, fiscalité et cotisations sociales

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L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais— CEDAPAS 2011

Favoriser la transmission des petites fermes. La transmission des petites fermes est largement négligée par les structures en charge de cette mission d’intérêt public, il y a urgence à porter le débat au niveau des territoires, et également à proposer un accompagnement complet aux cédants.

Développer une animation sur les territoires pour parler de transmission : cédants, propriétaires, repreneurs, citoyens

Cette animation est aujourd’hui peu existante et participe au maintien de tabous et de pratiques contre-productives. Une sensibilisation systématique voire obligatoire des futurs cédants (vers 55 ans) et des propriétaires devrait être développée.

Cette animation doit permettre de créer des lieux de rencontres entre cédants et repreneurs sans que ces moments aient un enjeu direct pour les projets de chacun. Ces lieux peuvent être les lieux de formation agricole, sur les fermes des cédants, ...

Assurer un accès au foncier transparent et possible pour les petites structures et personnes souhaitant s'installer, notamment via des mécanismes pour arrêter les prix exorbitants pratiqués sur le foncier agricole

Limiter le droit du propriétaire sur la cession du bail

En effet, des projets de transmission hors cadre familial tout à fait viable ont des difficultés à aboutir par refus des propriétaires.

Renforcer le rôle du contrôle des structures, notamment sur le droit au bail

Etendre le droit de cession du bail à une première installation hors cadre familial

Améliorer le fonctionnement des SAFER, et notamment que les critères d’attribution des petites parcelles permettent des installations sur des petites structures

Animation sur les territoires

Transmission du foncier

Comment favoriser la transmission des petites fermes?

Les propositions issues de l’étude

crédit photo: Jean-Charles GUTNER crédit photo: Jean-Charles GUTNER

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Promouvoir et accompagner des formes de transmission innovantes bien en amont de la retraite

La transmission d’une ferme ne se fait ni forcément d’un seul tenant, ni obligatoirement au seul moment de la retraite du cédant. Il est nécessaire de sortir des cadres préconçus et de permettre au cédant de construire son propre projet de transmission. Des cas de transmissions innovantes existent, il faut les faire connaître. La transmission progressive et différentes formes de parrainage doivent notamment être développés, avec un appui financier et technique, mais aussi juridique.

Développer un vrai parcours à la transmission, avec un cadre administratif, sans négliger les aspects humains

Les cédants doivent pouvoir bénéficier de services d’accompagnement à la transmission pour leur permettre d’aborder et approfondir les différents facteurs de blocage potentiels, sans négliger les aspects humains. Cet accompagnement doit être modulable et proposé sous différentes formes : communication-information, diagnostic individuel, formations…. Il doit porter notamment sur les thèmes suivants : le projet de retraite, le patrimoine à céder (foncier, bâtiments, maison…), la famille du cédant et ses droits, le repreneur et son projet...

Mettre en place un service d’assistance juridique indépendant pour les cédants

La transmission pose des questions juridiques fondamentales, tout cédant doit pouvoir accéder à un service juridique indépendant ayant pour objectif la transmission

Accompagnement des cédants

L’Agriculture Paysanne pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais— CEDAPAS 2011

crédit photo: CEDAPAS

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Quels enjeux pour la société à maintenir des petites fermes?

Au niveau économique et social, plus de fermes permet plus d'emplois, directement (plus de paysans) et indirectement (besoin accru de services en milieu rural). Cette plus forte présence entraîne également plus de lien social et une dynamique rurale entretenue. Une partie des petites fermes est orientée vers la vente directe, ce qui participe également à faire vivre le territoire et à renforcer le lien ville-campagne et le dialogue producteur-consommateur. Au niveau environnemental, la présence de parcelles de petite taille et une plus grande diversité de cultures ont un impact positif contre l’érosion et pour la biodiversité. Les agriculteurs travaillant sur de petites fermes développent des savoir-faire particuliers adaptés à leur situation et sont source d’innovation. Enfin, étant moins dépendantes des aides publiques—et souvent des banques — , les fermes de taille modeste ont plus de souplesse dans leurs choix et méthodes de production.

Pour plus d’informations sur l’étude réalisée par le CEDAPAS ou sur des pratiques d’Agriculture Paysanne et Durable:

Centre d’Etudes pour le Développement d’un Agriculture Plus Autonome et Solidaire 40 avenue Roger Salengro 62223 Saint Laurent Blangy Tél: 03 21 24 31 54 mail: [email protected]

site: cedapas-npdc.org

Ce document, issu de l’étude menée par le CEDAPAS entre 2007 et 2010 revisite 4 idées reçues sur la viabilité et le devenir des petites fermes à travers des témoignages recueillis dans le Nord Pas de Calais et propose des pistes d’action pour favoriser le maintien des petites fermes sur les territoires.

« Les petites fermes ne sont pas viables »

« Les petites fermes ne sont pas professionnelles

car elle dépendent d’un revenu extérieur»

« Les petites fermes ne sont

pas innovantes »

« Les petites fermes sont vouées

à disparaître »

Installation

Transmission

Enjeu de société

Revenu

Travail

Autonomie

Revenu extérieur

Équilibre

Dépendances

Pratiques économes

Valorisation des produits

Famille

Inadéquation du conseil existant

« La viabilité, c’est une question de conditions de travail. Si on a un

EBE de 50 000 euros, mais que pour ça on travaille sept jours par

semaine quatorze heures… C’est des conditions impossibles, plus de

vie familiale et de vie sociale, on détruit aussi toute sa santé. C’est des

éléments aussi importants que le revenu. »

Jean, éleveur laitier avec un quota 200 000l sur 24ha en système herbager

4 idées reçues revisitées

« On connaissait des gens qui voulaient faire du ma-

raîchage bio. Moi je ne voyais pas trop de succession

du coté des enfants et j’avais une parcelle de 1ha28

bien protégée pour faire du maraîchage bio. Je me suis

senti interpellé et partant pour leur céder. »

Daniel, polyculture et élevage porcin sur 32ha.

« si ma femme n'avait pas travaillé à l'extérieur, c'est bien possible que

je n'aurais pas pris ce risque »

Maurice, maraîcher et éleveur de volailles sur 5,3ha depuis plus de 20 ans, en

démarche de transmission de sa ferme

« La ferme est très petite en dimension,

mais en utilité sociale, c’est au moins aussi

important qu’une ferme de 100 ha ! »

Christian, maraîcher sur 2,5ha en circuit court

« Pour résister, pour durer, les petites fermes il faut

qu'elles trouvent une valorisation des produits supérieure à

celle des filières longues. Ça passe par la vente directe . »

Denis, arboriculteur et éleveur de bovins sur 46ha, plusieurs circuits

de vente directe, en projet de transmission familiale

Ce travail a été réalisée avec le soutien de:

L’Agriculture Paysanne

pour maintenir les petites fermes dans le Nord Pas de Calais