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UNIVERSITE DE MONTPELLIER I CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE MASTER II RECHERCHE : DROIT DU MARCHE ANNEE UNIVERSITAIRE 2010-2011 LESTOPPEL EN DROIT DES CONTRATS Par : Grégoire MERCIER Directeur de recherche : Cathie-Sophie PINAT, Doctorante à la Faculté de droit de Montpellier. Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l’obtention de Master II Droit du Marché.

L’’EE SST TOOPPPP EELL EENN DDRROOIITT DDES …L’estoppel en droit des contrats 7 INTRODUCTION «Nous ne vivons que de contradictions et pour des contradictions, la vie est tragédie

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UNIVERSITE DE MONTPELLIER I

CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE

MASTER II RECHERCHE : DROIT DU MARCHE

ANNEE UNIVERSITAIRE 2010-2011

LL’’EESSTTOOPPPPEELL EENN DDRROOIITT DDEESS CCOONNTTRRAATTSS

Par :

Grégoire MERCIER

Directeur de recherche :

Cathie-Sophie PINAT, Doctorante à la Faculté de droit de Montpellier.

Mémoire présenté et soutenu dans le cadre de l’obtention de Master II Droit du Marché.

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L’estoppel en droit des contrats

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L’estoppel en droit des contrats

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La Faculté n’entend donner aucune approbation ni aucune improbation aux

opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme

propres à leur auteur.

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L’estoppel en droit des contrats

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REMERCIEMENTS

Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à :

Mademoiselle Cathie-Sophie Pinat, Doctorante à la Faculté de droit de Montpellier et

Directrice de cette étude, pour sa disponibilité, ses précieux conseils et ses

encouragements.

Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier et Directeur

du Master Recherche Droit du marché, pour m’avoir permis de réaliser cette étude dans

d’excellentes conditions.

Monsieur Malo Depincé, Maître de Conférences à la Faculté de droit de Montpellier et

co-directeur du Master Recherche Droit du marché, pour m’avoir encouragé dans mon

travail universitaire tout au long de l’année.

Et enfin, l’ensemble de l’équipe doctorale et les étudiants du Master Recherche Droit du

Marché de la promotion 20010/2011 qui m’ont aidé, d’une façon ou une autre, à

l’accomplissement de cette étude.

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L’estoppel en droit des contrats

5

SOMMAIRE

1ère

partie – Le glissement de l’estoppel vers le droit privé français : effectivité et

virtualité ........................................................................................................................ 13

Titre I – L’accueil exprès de l’estoppel dans le droit privé français ...................... 14

Chapitre I – Le processus de construction de la reconnaissance de l’estoppel .. 14

Chapitre II – Les limites de la reconnaissance du principe d’estoppel .............. 26

Titre II – De l’estoppel à une obscure interdiction de se contredire au détriment

d’autrui dans l’ensemble du droit privé français des contrats ................................ 37

Chapitre I – L’appréhension française du traitement de la confiance, la loyauté et

la cohérence ........................................................................................................ 38

Chapitre II - L’existence implicite d’une interdiction générale de se contredire

au détriment d’autrui dans la jurisprudence française du droit des contrats ...... 43

2ème

partie - L’estoppel en droit privé français des contrats, entre technique et

politique juridique .................................................................................................... 53

Titre I – Les imbrications techniques entre le principe d’estoppel et les concepts

fondateurs du droit contractuel français ................................................................. 54

Chapitre I - Les possibilités d’admission du principe d’estoppel à travers les

concepts connus du droit des contrats ................................................................ 55

Chapitre II - Les limites de l’épanouissement d’un principe d’estoppel dans le

cadre actuel du droit français des contrats : l’estoppel, un mécanisme en quête

d’identité conceptuelle ........................................................................................ 64

Titre II – L’introduction du principe d’estoppel dans le droit privé français des

contrats : la remise en cause d’un modèle .............................................................. 77

Chapitre I – Les influences de l’estoppel sur le rôle du juge ............................. 77

Chapitre II - La possible consécration d’un principe d’estoppel assumé dans le

droit français des contrats : la perspective d’une réforme .................................. 82

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L’estoppel en droit des contrats

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PRINCIPALES ABREVIATIONS

Art. Article

Bull., civ. Bulletin civil des arrêts de la Cour de cassation

CA Cour d’appel

Cass., civ, 1ère

Cour de cassation, première chambre civile

Cass., civ, 2ème

Cour de cassation, deuxième chambre civile

Cass., civ, 3ème

Cour de cassation, troisième chambre civile

Cass., com Cour de cassation, chambre commerciale

Contrats, conc., consom Contrats, Concurrence, Consommation

D. Recueil Dalloz

Defrénois Répertoire Defrénois

Dir. Sous la direction de

Dr. & patrimoine Droit et Patrimoine

Ed. Edition

Fasc. Fascicule

Gaz. Pal. Gazette du Palais

JDI Journal du droit international

JCP Semaine juridique édition Générale

Obs. Observations

Préc. Précité

RDC Revue de droit des contrats

Rev. arb. Revue de l’arbitrage

RTD civ Revue trimestrielle de droit civil

RTD com Revue trimestrielle de droit commercial

S. Sirey

Th. Thèse

vol. Volume

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L’estoppel en droit des contrats

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INTRODUCTION

«Nous ne vivons que de contradictions et pour des contradictions, la vie est tragédie et

lutte perpétuelle sans victoire et sans espoir de victoire ; elle est contradiction »1.

1- La contradiction que Unamuno considère comme inhérente à la vie elle-même, a

en effet un caractère omniprésent, et le droit n’échappe pas à ce constat. Aussi,

l’estoppel n’est pas toujours visible mais il semble être partout. Il est un principe aux

yeux de beaucoup2, tant il est répandu, diversifié, et reconnu comme tel par le droit

international public, comme le droit transnational privé, ainsi que de nombreux

systèmes juridiques nationaux. Pour d’autres il est encore une simple règle exotique,

contrainte à la singularité. On le désigne généralement en France comme « l’interdiction

de se contredire au détriment d’autrui ».

L’estoppel est un terme à l’étymologie latine. En effet, il a été relevé que « estop », puis

« estoppel » viennent du latin stuppa, ayant donné « étoupe », qui renvoie à l’idée de

colmater et par extension de bloquer. Plus encore, les origines romaines de l’estoppel ne

sont pas uniquement étymologiques et ne se limitent pas à une seule question de

sémantique.

En effet ce mécanisme se retrouve dans le Droit ayant donné naissance aux systèmes

juridiques allemand, français, espagnol et plus largement à tous les systèmes d’origine

romano-germanique. Dans le digeste de Justinien on trouvait déjà la règle venire contra

factum proprium nulli conceditur3, ainsi on retrouve en termes identiques dans les droits

espagnols et allemands cette interdiction existant sous l’empire de Justinien d’aller

contre son propre fait4.

1 M. de Unamuno, Du sentiment tragique de la vie, 1913, trad. par Marcel Faure Beaulieu.

2 E. Gaillard, « L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui comme principe général du

droit du commerce international », Rev. arb. 1989, p. 241 et s. 3 « Nul n’est admis à venir contre son propre fait ».

4 E. Agostini, « L’estoppel : Rendons à César », D. 2006, p1424.

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L’estoppel en droit des contrats

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2- L’incidence des origines latines doit tout de même être nuancée. En effet le

principe d’estoppel tel qu’on le connait aujourd’hui, parfois appelé « principe de

l’estoppel », se retrouve principalement dans les pays de Common Law comme dans le

droit international, et il est le fruit d’une construction jurisprudentielle minutieusement

élaborée.

Ce principe d’estoppel est donc anglo-saxon, imprégné du système juridique anglais, et

on y retrouve inévitablement les caractéristiques de tout mécanisme issu de ce Droit,

dans lequel la jurisprudence dégage des principes au fur et à mesure de l’accumulation

des décisions. Tous les principes du droit anglais émanent donc de la jurisprudence et se

forgent dans les précédents jurisprudentiels. C’est dans ce contexte qu’est apparu au

XIIe siècle, le principe d’estoppel anglais, celui dont l’évolution et l’influence nous

conduit aujourd’hui à nous questionner à son propos.

Il est en outre important de distinguer les différences d’appréhension de l’estoppel selon

que l’on se réfère au droit anglais, au droit américain, au droit australien ou encore au

droit du commerce international. En effet, tous se sont forgés dans le droit anglais, mais

se sont développés différemment au contact des spécificités de chaque système

juridique. En droit du commerce international, il s’agit d’un principe, consacré par les

Principes relatifs aux contrats du commerce international (Unidroit), tandis que dans le

droit anglais, l’estoppel est beaucoup plus encadré, mais aussi plus sectorisé qu’en droit

australien par exemple.

Ainsi, il n’existe non pas un principe d’estoppel universel, mais une multitude. Cette

multiplicité se manifeste à travers les nuances dans l’appréciation et l’application du

principe d’un système juridique à un autre, mais aussi au sein même d’un ordre

juridique. Les juristes anglais en distinguent différentes formes5 : estoppel by record ou

estoppel rem judicatam, estoppel by deed, estoppel by convention, estoppel by

representation, promissory estoppel, proprietary estoppel, etc. A. Leopold a pu en

dénombrer douze variétés6, mais de nouvelles distinctions ont été relevées depuis

7.

Cette distinction entre plusieurs estoppels en droit anglais s’explique par la nature

même du système judiciaire. En effet, on oppose souvent la logique ascendante du droit

5 B. Fauvarque-Cosson, « L'estoppel, concept étrange et pénétrant », RDC, 2006, p. 1279 et s.

6 A. Leopold, « Estoppel : a pratical appraisal of recent developments », 1991, 7 Aust. Bar Rev.

7 M. Spence, Protecting reliance : the emergent doctrine of equitable estoppel, 1999, Oxford –

Portland Oregon, Hart Publishing.

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L’estoppel en droit des contrats

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anglais de la logique descendante du droit français. Bien que la classification ne soit pas

une tradition du droit anglais, cette typologie est la conséquence de l’étude des faits.

C’est cette étude qui a donné naissance à plusieurs règles distinctes, et c’est la logique

commune de ces règles qui a permis de dégager un principe.

3- A travers l’influence du droit anglais sur les autres pays de Common Law et sur le

droit international, certains mécanismes vont jusqu’à influencer les systèmes civilistes,

l’estoppel en est l’illustration.

Le principe d’estoppel, traduit dans la mesure du possible par « l’interdiction de se

contredire au détriment d’autrui » n’a pas réellement de place en France et plus

généralement dans les systèmes civilistes. On ne le retrouve dans aucune disposition

codifiée puisqu’aucune loi n’y fait référence et la jurisprudence, consciente de son

efficacité en Angleterre, Australie ou ailleurs, y est longtemps restée hostile. Pourtant,

nous verrons que l’estoppel n’a pas échappé à l’influence des droits étrangers sur la

jurisprudence française, à tel point que la Cour de cassation reconnaitra expressément

« la règle de l’estoppel » le 6 juillet 2005 dans un arrêt Golshani8, relatif à une

procédure arbitrale. Finalement le 13 janvier 2011, un décret destiné à réformer le droit

de l’arbitrage consacre cette jurisprudence9 et l’application de la règle de l’estoppel dans

la procédure arbitrale.

4- La jurisprudence française n’est donc plus hostile à ce principe et l’applique dans

le domaine du droit de l’arbitrage. Pour autant, son application est encore aujourd’hui

limitée à ce domaine précis et ne s’est pas généralisée à l’ensemble du droit privé

français, il demeure un principe défensif à la mise en oeuvre limitée. Si une partie de la

doctrine s’étant manifestée pour l’accueil de l’estoppel en droit privé français bien avant

l’arret Golshani10

, peut se féliciter de cette avancée, il ne semble pas que leur souhait ait

été entièrement exaucé.

Une application du principe à l’ensemble du droit privé français peut paraitre difficile,

qu’elle soit souhaitable ou non, pourtant la question semble se poser. Alors que depuis

plusieurs années la nécessité de réformer le droit français des contrats est régulièrement

8 Clunet 2006. 608, note M. Behar-Touchais, Rev. arb. 2005.993, note Ph. Pinsolle ; D. 2005. JP.

3059, note Th. Clay ; JCP G. 2005.I.179, n°6, obs. J. Ortscheidt. 9 Décret n° 2011-48

10 H. Muir Watt, « Pour l’accueil de l’estoppel en droit international privé français », in

Mélanges Y. Loussouarm, Dalloz, 1994, p. 302 et s.

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L’estoppel en droit des contrats

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mise en lumière, la généralisation du principe d’estoppel à notre droit des contrats n’est

pas une idée si singulière.

Si la jurisprudence connait vis-à-vis de l’estoppel la prudence précitée, on trouve dans

l’ensemble des décisions relatives au droit français des contrats, une certaine tendance à

la sanction de la contradiction. Nous l’avons précisé, l’estoppel peut se traduire « par

l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui ». Comme la jurisprudence a pu

porter le « germe de l’estoppel » dans ses arrêts relatifs à l’arbitrage, on peut assimiler

bons nombre de décisions à la volonté de sanctionner la contradiction préjudiciable

d’une partie dans une convention.

On peut se situer à la formation du contrat, à son exécution ou à son extinction, très

souvent ce qui est sanctionné peut être rapproché de la contradiction. Comme nous le

verrons la notion « d’attente légitime » d’une partie au contrat est prépondérante dans de

nombreuses situations concernées par l’estoppel. Or dans les décisions de la Cour de

cassation, l’attente ou croyance légitime voire plus largement la confiance légitime,

provoquée par une partie et ayant généré un préjudice sera sanctionnée sous divers

fondement. Cela sera valable que la contradiction provienne d’un comportement ou de

la composition même d’un contrat.

5- Que l’on parle d’une nécessité de modernisation, de compétitivité ou encore

d’uniformisation, le principe d’estoppel peut être un outil voire un atout.

La question de l’introduction de l’estoppel dans le droit français des contrats implique

donc un certain nombre d’enjeux au niveau de la politique juridique qui eux-mêmes

supposent de nombreuses réflexions techniques. Ces réflexions techniques sont

gouvernées par la nette opposition entre la logique juridique civiliste et celle du système

de Common Law. La notion de fondement textuel absente dans le droit anglo-saxon fait

surgir un certain nombre d’incompatibilités.

Cependant même en faisant abstraction des hypothétiques réformes, on sait que la

jurisprudence française a en de nombreuses occurrences une fonction créatrice de droit.

Aussi, des notions telles que l’exigence de bonne foi contractuelle du code civil ouvre la

voie de l’extension et n’est pas sans provoquer des interrogations relatives à la possible

introduction de l’estoppel en droit privé français. Nous relèverons que la distinction

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L’estoppel en droit des contrats

11

entre estoppel et bonne foi semble acquise en droit du commerce international11

, pour

autant dans une perspective de droit interne la place de l’une et l’autre des deux notions

demeure une source de réflexion.

6- Les doctrines solidaristes et autonomistes génératrices de débats passionnés, sont

directement concernées par le sujet de notre étude. Le principe d’estoppel, si l’on se

place dans une logique d’introduction « intégrale » est un mécanisme à la fois défensif

et offensif, mais tel qu’il est envisagé par la jurisprudence française à l’image de l’arrêt

Golshani, celui-ci prend la forme d’une fin de non recevoir. En effet il permet

d’empêcher une partie ayant participé à une procédure arbitrale, de contester la validité

de celle-ci postérieurement, notamment à l’étape de l’exéquatur.

Limité à ce type de situation le principe est donc moins concerné par la doctrine

solidariste. Le solidarisme que l’on oppose à l’autonomisme s’intéresse à la relation

contractuelle et à l’engagement. La notion de bonne foi est au cœur des développements

de l’école solidariste mais au niveau de l’exécution du contrat, voire de sa formation12

.

Même dans l’hypothèse d’un rapprochement de l’estoppel observé dans l’arrêt Golshani

et de la bonne foi procédurale, la notion est hors de champ des déveeloppements liés au

solidarisme

Nous noterons que l’application du principe en droit américain et australien se distingue

du droit anglais, et que c’est notamment en Australie et aux Etats-Unis que l’estoppel

est un mécanisme offensif, tantôt fondé sur la notion de « reliance », tantôt sur celle de

« comportement sans conscience ». Partant de ces notions de mécanisme « offensif » et

« défensif », l’estoppel en droit français doit être rapproché des doctrines solidaristes et

autonomistes.

En effet, en développant les moyens d’une éventuelle irruption de l’estoppel en droit

français, et toujours dans une démarche comparatiste, nous verrons, qu’à travers

l’impératif de fondement textuel des civilistes, l’estoppel impliquera que soit évoquée la

place du juge et son intervention dans la relation contractuelle des parties.

11 Ph. Pinsolle, « Distinction entre le principe de l’estoppel et le principe de bonne foi dans le

droit du commerce international », JDI Clunet, 1998, p. 905 et s. 12

E. Savaux, « solidarisme contractuel et formation du contrat », in Le solidarisme contractuel –

mythe ou réalité?, dir. L. Grynbaum et M. Nicod, Economica, 2004, p. 43 et s.

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L’estoppel en droit des contrats

12

7- Etudié par un juriste français, l’estoppel suscite donc des interrogations relatives

à son apparition dans le droit positif français et ses perspectives d’avenir dans ce

contexte. Par conséquent est soulevé le débat relatif à son opportunité, on se demande

alors par quel biais celui-ci peut avoir vocation à se développer et dans quel but.

Ainsi nous verrons de quelle manière l’estoppel est arrivé dans le droit positif français

et comment il s’y manifeste implicitement (1ère

partie), avant de voir quelles peuvent

être, techniquement les perspectives d’avenir de ce principe dans le droit français des

contrats et quelles seraient les conséquences de cet avenir, notamment en matière de

politique juridique (2ème

partie).

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L’estoppel en droit des contrats

13

1ère

partie – Le glissement de l’estoppel vers le droit

privé français : effectivité et virtualité

8- Les instruments juridiques nationaux comme supranationaux ne manquent pas

d’influencer les ordres juridiques des différents pays concernés. Certains parlent même

d’un « processus d’acculturation, qui consiste en des transferts de droits d’un système

juridique à un autre »13

. C’est précisément dans ce processus que s’inscrivent

l’évolution et le développement du principe d’estoppel.

La France n’a pas échappé à cette dynamique et a donc subi l’influence du droit du

commerce international, lui-même forgé dans le droit anglais, conduisant à faire

apparaître l’estoppel dans son droit positif.

L’influence en question prend plusieurs formes selon le « niveau » atteint. En

effet, elle peut se manifester sous la forme de l’adoption par un système juridique d’un

instrument inconnu, mais bien souvent cette influence est dans un premier temps

implicite, on la décèle dans la jurisprudence bien qu’elle ne soit pas formelle, mais la

difficulté à la percevoir peut parfois la rendre presque « virtuelle »14

.

Ainsi, en droit privé français, si l’estoppel existe désormais en tant que tel (Titre I), il

existe plus largement, mais de façon implicite (Titre II)

13 E. Loquin, L. Ravillon, « La volonté des opérateurs vecteur d’un droit mondialisé », in E.

Loquin, C. Kessedjian, La mondialisation du droit, Litec, 2000, p. 91 et s. 14

D. Mazeaud, « La confiance légitime et l’estoppel : rapport français » in B. Fauvarque-Cosson,

« La confiance légitime et l’estoppel », Société de législation comparée, 2007, p. 265.

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L’estoppel en droit des contrats

14

Titre I – L’accueil exprès de l’estoppel dans le droit privé

français

9- A travers plusieurs étapes, le principe d’estoppel s’est fait une place dans le droit

positif français, d’abord comme « interdiction de se contredire au détriment d’autrui »,

puis sans spéculations possibles sous le nom de « règle de l’estoppel ». Cette place se

situe dans le droit de l’arbitrage, avec toutes les particularités qu’il comporte. Il faut

donc comprendre le processus qui a permis la reconnaissance de l’estoppel en droit

privé français (Chapitre I), pour en faire ressortir les limites, ouvrant ainsi la réflexion a

d’autres perspectives (Chapitre II).

Chapitre I – Le processus de construction de la reconnaissance

de l’estoppel

10- Avant de contribuer à l’enrichissement reconnu du droit français, on a ressentit

de la part de la jurisprudence une volonté de sanctionner la contradiction d’une partie se

faisant au détriment de son cocontractant ou ancien cocontractant dans la procédure

arbitrale (Section I). Cette volonté a par la suite donné lieu à une reconnaissance

expresse de l’estoppel en droit français de l’arbitrage, puis à un décret dans le même

sens (Section II).

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L’estoppel en droit des contrats

15

Section I – Un principe français d’estoppel en germe par

l’adoption de décisions liées au mécanisme

11- On peut parler de principe d’estoppel « en germe »15

dans la mesure où

l’influence du droit du commerce international se faisait ressentir quand bien même, le

principe d’estoppel n’était pas reconnu en France. Cette influence se manifestait donc

dans de nombreuses décisions (§ I), mais n’était pas sans poser de problèmes,

notamment concernant le fondement (§ II).

§ I – La multitude de décisions comportant les prémices de l’estoppel en

droit français

12- En étudiant les décisions permettant, sinon d’imaginer un éventuel accueil du

principe d’estoppel, de constater une sensibilité à ce dernier, on constate que

l’impulsion est donnée par les juges du fond et notamment la cour d’appel de Paris (I),

avant qu’ils ne soient « suivis » par la Cour de cassation (II).

I) Un processus lancé par les juges du fond

13- En dehors de tout débat sur l’opportunité de la façon dont sont élaborées les

décisions, l’intérêt des arrêts présentement étudiés réside dans leur référence à

l’estoppel, ou plus souvent à « l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui ».

L’une des premières avancées intéressantes du processus réside dans un arrêt ITM rendu

par la cour d’appel de Paris le 17 janvier 200216

. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que : « la

société ITM ne peut sans se contredire au détriment de M. François Gavaud, soutenir

qu’il ne pouvait ‘se prévaloir du contrat de franchise en vertu de l’article 1165 du code

civil et plus généralement de l’effet relatif des contrats’ ; qu’elle a en effet perdu le

15 Ph. Pinsolle, note sous arrêt Golshani, Rev. arb. 2005, n° 4, p. 995.

16 Paris, 1

re ch. C., 17 janv. 2002, ITM c/ Gavaud, somm. Rev. arb., 2002.205.

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L’estoppel en droit des contrats

16

droit d’invoquer tout grief tiré de l’absence comme de la nullité de la convention

d’arbitrage devant le juge de l’annulation ». La cour d’appel a ainsi refusé d’admettre

le moyen d’annulation.

En l’espèce, une des parties avait d’abord soulevé une exception d’incompétence devant

les tribunaux étatiques en application de la clause compromissoire présente dans le

contrat, pour soumettre le litige à un tribunal arbitral, avant d’en contester la validité

devant la cour d’appel de Paris. Cette même partie ayant participé sans réserve à la

procédure arbitrale qu’elle avait antérieurement revendiquée a vu son moyen rejeté pour

s’être « contredite au détriment » de la partie adverse. C’est donc en se référant à une

contradiction que la Cour a rendu une telle décision.

14- De façon plus implicite, le 18 novembre 2004, la cour d’appel de Paris sans se

fonder sur l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, rend une décision

portant également le « germe » de l’estoppel dans un arrêt Thalès Air Defence17

. En

l’espèce une partie attaquait une seconde sentence fixant le montant du dommage alors

que la première établissait le principe de sa responsabilité pour résiliation fautive d’un

contrat. Dans ce cas la partie défenderesse estimait que les critiques concernaient en

réalité la première sentence, qui n’avait pas été contestée en temps utile.

Face à cette situation particulière, la cour d’appel a considéré que « le moyen de

l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui relevé par Euromissile à titre de fin

de non-recevoir en ce que la société Thalès s’était toujours située dans l’optique d’une

exécution des contrats est également rejetée puisque l’étendue du contrôle

juridictionnel des règles impératives du droit communautaire ne doit pas être

conditionnée par l’attitude des parties ».

Il ne faut pas se méprendre face à cette décision rejetant le moyen du défendeur, car la

cour d’appel ne remet aucunement en cause l’existence d’un principe d’interdiction de

se contredire au détriment d’autrui. Le fait que la raison du rejet se situe ailleurs n’est

pas dû au hasard, et à défaut de reconnaissance expresse, la cour d’appel confirme

implicitement qu’il existe bien à ses yeux un tel principe.

17 Paris, 1

re ch. C., 18 nov. 2004, SA Thalès Air Defence c/ GIE Euromissile, Rev. arb.,

2005.715 ; JDI, 2005.357, note A. Mourre ; RTD com., 2005.263, obs. E. Loquin ; JCP, 2005 I.134, obs.

Ch. Seraglini ; JCP, 2005 II, 10038, note G. Chabot ; J. Intl. Arb., 2005.239, note D. Bensaude ; Rev.

Lamy de la conc., 2005.58, obs. E. Barbier de la Serre et Ch. Nourissat.

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L’estoppel en droit des contrats

17

15- Le 19 février18

et le 3 juin 200419

également, la cour d’appel de Paris avait déjà

rejeté un moyen, au motif qu’en demandant l’annulation d’une sentence après avoir

revendiqué la validité du recours à la procédure arbitrale et après y avoir participé, une

partie se contredisait nécessairement.

16- Enfin, la cour d’appel de Rouen nous fait sortir de la sphère virtuelle dans une

décision du 25 novembre 200420

. Pour la première fois une juridiction, va parler

d’estoppel, pour des faits similaires à ceux précédemment étudiés. Si dans la finalité, la

décision ne se détache pas des autres puisqu’il s’agit de considérer un moyen

irrecevable, il n’y a rien d’anodin dans le fait que le terme « estoppel » soit utilisé. Nous

le verrons, et les juges de la cour d’appel en sont parfaitement conscients, une référence

à l’estoppel est chargée de sens, bien plus que celle faite à une « interdiction de se

contredire au détriment d’autrui » qui serait reconnue dans le cadre strictement

procédural et dans le domaine de l’arbitrage.

En effet pour rejeter le moyen d’annulation invoqué, la cour d’appel de Rouen a

considéré qu’il « résulte du principe d’estoppel applicable à l’arbitrage international

que nul n’est admis à se prévaloir de l’existence de faits contraires à ses allégations

précédentes ».

Il est donc clair que les juges du fond, à l’image des Cours d’appel de Paris et de

Rouen se sont manifestés en faveur de l’application d’un principe d’interdiction de se

contredire au détriment d’autrui, voire d’un principe d’estoppel, au moins dans le cadre

de l’arbitrage international.

18 Paris, 1

re ch. C., 19 fév. 2004, Euton c/ Ural Hudson, Rev. arb., 2004.873, note L. Jaeger.

19 Paris, 1

re ch. C., 3 juin 2004, Exodis c/ Ricoh France, Rev. arb., 2004.683, note P. Callé.

20 Rouen, 2

e ch. C., 25 nov. 2004, Cogecot Cotton Company c/ Marlan’s Coton Industries, Gaz.

Pal., 28 avr. 2005, n°118, p. 32.

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L’estoppel en droit des contrats

18

II) Les premiers pas de la Cour de cassation

17- Pour parler de réception d’un principe, il est indispensable qu’au-delà des

décisions rendues en appel, la Cour de cassation se soit également prononcée. Ce sera

chose faite avec l’arrêt Golshani, mais avant lui, le germe de l’estoppel commençait

déjà à faire son apparition dans les arrêts de la Cour de cassation.

Plusieurs décisions vont dans le sens d’une volonté de réprimer la contradiction,

quelque soit le fondement ou le mécanisme en jeu dans la justification, cette question

étant abordée ultérieurement.

D’abord par le truchement de la renonciation, la Cour de cassation déclare irrecevable

un moyen invoqué en contradiction avec un comportement antérieur. Ces décisions sont

chargées de sens dans la mesure où il s’agit une nouvelle fois d’une question

d’irrecevabilité d’un moyen, bien que nous ne soyons plus dans le cadre d’une

procédure arbitrale.

La première, rendue le 30 novembre 2004 par la chambre commerciale21

, concerne une

situation dans laquelle des cédants d’actions, n’ayant pas réclamé l’exécution du contrat

dans son intégralité, se sont vus considérés comme ayant renoncé de façon non

équivoque à l’exécution intégrale d’une convention, pourtant valable.

Dans le deuxième arrêt datant du 1er

mars 200522

, la 1re

Chambre civile casse l’arrêt

d’appel qui avait rejeté une demande d’annulation de contrat de prêt lié à une vente

immobilière elle-même annulée dans les termes suivant : « sans relever d’acte positif de

nature à caractériser sans équivoque la volonté (…) de renoncer à se prévaloir de

l’interdépendance des contrats de vente et de prêt ». Notons qu’ici, la question du

double-emploi entre renonciation et estoppel peut être soulevée.

18- Enfin, ces « premiers pas » de la Cour de cassation, bien qu’ils se situent sur un

autre terrain que celui de l’arbitrage international, sont encore plus évidents dans un

arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 mars 200523

. La Cour a

considéré ici « qu’en dépit de la signature d’une convention d’unité de comptes, la

21 Cass. com., 30 nov. 2004, Bull. Joly, 2005.379, note P. Mousseron ; RTD civ., 2005.391, obs.

J. Mestre et B. Fages. 22

Cass. civ. 1re

, 1er

mars 2005, D., 2005.883, obs. X. Delpech ; RTD civ., 2005.391, obs. J.

Mestre et B. Fages. 23

Cass. com., 8 mars 2005 n° 02-15.783, RTD civ., 2005.391, obs. J. Mestre et B. Fages.

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L’estoppel en droit des contrats

19

banque qui en faisant fonctionner les comptes litigieux comme des comptes

indépendants, avait adopté un comportement incompatible avec l’application de la

convention litigieuse, dont elle a revendiqué ensuite le bénéfice, avait manqué à son

obligation de l’exécuter de bonne foi ».

Dans ce cas encore, la Cour se réfère à la bonne foi. Pour autant, il est évident que c’est

la contradiction dans le comportement incohérent de la banque, qui est directement

visée et sanctionnée. Nous le verrons24

, les arrêts de ce type sont nombreux et au-delà

d’un indice sur l’acceptation de ce principe ayant conduit à l’étape de l’arrêt Golshani,

ils laissent transparaitre une volonté de réprimer les actes incohérents, les contradictions

faisant naître une attente légitime et préjudiciable, sur l’ensemble du droit français des

contrats et pas seulement en matière d’arbitrage.

§ II - La complexité du fondement de la sanction d’une contradiction dans

la procédure arbitrale

19- Nous avons vu que la jurisprudence portait en elle des indications sur une

reconnaissance à venir, mais le fondement reste un « problème » majeur, et nous

sommes loin d’une position claire vis-à-vis de l’estoppel.

La contradiction s’est-elle faite au détriment de l’autre partie ? Découle-t-elle d’une

renonciation volontairement occultée pour des raisons d’opportunisme ? Le fait de

l’occulter constitue-t-il un manquement à l’obligation de loyauté et de bonne foi

procédurale ? Comment souhaite-ton sanctionner cette contradiction ? C’est l’ensemble

de ces questions qui pose un problème dans le traitement de la contradiction et dans la

lisibilité de la place de l’estoppel dans le seul cadre de la procédure arbitrale. C’est

également l’ensemble de ces questions qui démontre la difficulté à fonder la sanction de

la contradiction, et remet parfois en cause la raison d’être de l’estoppel en droit privé

français.

20- La jurisprudence a apporté plusieurs éléments de réponse par le biais de

nombreuses décisions, rendues notamment dans le cadre de l’arbitrage international.

24 V. supra, n° 60 et s. et n° 98 et s.

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L’estoppel en droit des contrats

20

En effet, le 12 septembre 200225

, la cour d’appel de Paris rend une décision intéressante.

A l’image des arrêts précédemment étudiés26

, la solution apportée rentre dans un

processus de reconnaissance progressive de l’estoppel, et met en évidence les difficultés

à fonder la sanction de comportements contradictoires s’inscrivant dans des faits

toujours sensiblement différents.

En l’espèce il s’agit une nouvelle fois d’une partie ayant contesté la compétence des

tribunaux étatiques au profit d’un arbitrage, puis, une fois devant l’arbitre avait contesté

sa compétence au profit d’une compétence judiciaire. La Cour d’appel de Paris a ici

considéré que cette partie avait manqué à son « devoir procédural de loyauté et de

bonne foi ».

Il a été relevé que la cour se réfère probablement ici au devoir procédural de loyauté

et de bonne foi dans le but de condamner une partie à des dommages et intérêts27

.

21- Que le but soit de rejeter un moyen d’annulation ou de condamner une partie au

versement d’une somme au titre de dommages et intérêts, le champ de la contradiction,

préjudiciable ou non, est si large qu’il est difficile d’en tracer les contours en droit

français.

Dans le manquement à l’obligation de bonne foi, il s’agira de rejeter une demande au

fond, alors que dans l’estoppel tel qu’il est envisagé dans les arrêts cités sous

l’appellation « interdiction de se contre dire au détriment d’autrui », il s’agit de

prononcer l’irrecevabilité d’un moyen. Ce qui signifierait que selon les circonstances, la

théorie de la bonne foi serait insuffisante pour sanctionner une partie incohérente et

ouvrirait donc la voie à une raison d’être de l’estoppel en droit français. Partant de ce

postulat, il est possible d’imaginer qu’il faudrait donc scinder les différents types de

contradictions : celles entrainant le rejet d’une demande au fond et celles conduisant à

l’irrecevabilité d’un moyen, ce qui ne rendrait pas plus aisée la difficile lecture de la

jurisprudence française, déjà stigmatisée28

.

25 Paris, 1

re ch. C., 12 sept. 2002, Macron et SARL International Display Design c/ société des

Cartonnages de Pamfou, Rev. arb., 2003.173, note M.-E. Boursier. 26

Cf. infra, n° 12 et s. 27

Ph. Pinsolle, note sous arrêt Golshani, Rev. arb. 2005, n° 4, p.1003. 28

Guy Canivet, « Il faut rendre notre jurisprudence plus lisible » in Les Echos, propos recueillis

par SENNEVILLE Valérie (de), 20 avril 2005.

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L’estoppel en droit des contrats

21

22- Par ailleurs, s’agissant de la déclaration d’une irrecevabilité, donc dans les

contradictions théoriquement hors du champ de la bonne foi, certaines peuvent être

envisagées presque indistinctement sous l’angle d’une renonciation et sous celui de

l’estoppel. Cette constatation est soulignée par Philippe Pinsolle lorsque ce dernier

affirme que « pris abstraitement, le domaine d’application des deux règles [la

renonciation et l’estoppel] est très largement commun »29

.

Une nuance est au centre de la distinction entre ces deux règles au domaine

d’application largement commun, c’est la notion de « confiance légitime » absente dans

le concept de renonciation30

. Malgré tout, il existe des cas, comme ceux évoqués

jusqu’ici, où cette distinction est discutée, elle l’a étée par exemple au niveau

international dans le cadre de l’affaire du Golfe du Maine, où la Cour internationale de

Justice s’est exprimée en ces termes : « La chambre constate en tout cas que les notions

d’acquiescement et d’estoppel, quel que soit le statut que leur réserve le droit

international, découlent toutes deux des principes fondamentaux de la bonne foi et de

l’équité. Elles procèdent cependant de raisonnements juridiques différents,

l’acquiescement à une reconnaissance tacite manifestée par un comportement

unilatéral que l’autre partie peut interpréter comme un consentement ; l’estoppel étant

par contre lié à l’idée de forclusion. D’après une certaine façon de voir la forclusion

serait d’ailleurs l’aspect procédural et l’estoppel l’aspect de fond du même principe.

[…] les mêmes faits étant pertinents aussi bien pour l’acquiescement que pour

l’estoppel, sauf pour ce qui est de l’existence d’un préjudice, la Chambre peut

considérer les deux notions comme des aspects distincts d’une même institution »31

.

La « confusion » existe donc et la référence faite par la Chambre aux « principes

fondamentaux de la bonne foi et de l’équité » desquels découleraient les deux notions,

ne va pas dans le sens d’une clarification, quand bien même les notions se manifestent

différemment en droit privé français.

23- Comme pour la bonne foi et l’estoppel, il peut être soutenu que non seulement la

renonciation ne peut être un outil sanctionnant l’ensemble des contradictions que

l’estoppel a vocation à sanctionner, notamment sous « sa forme Common Law » au sens

29 Ph. Pinsolle, note sous arrêt Golshani, Rev. arb. 2005, n° 4, p.1005.

30 Cf. n° 60 et s.

31 Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada c/ Etats-unis

d’Amérique), 12 octobre 1984, Rec. CIJ, 1984, § 130, p.305.

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L’estoppel en droit des contrats

22

large, puisque nous l’avons vu elle ne peut que conduire à une irrecevabilité, mais

l’estoppel avec ses condition d’applications ne pourrait pas non plus intervenir

justement en lieu et place de la renonciation. L’estoppel dans sa conception la plus

large, n’aurait donc pas un champ d’application plus étendu que la renonciation mais

tout simplement distinct.

Pour illustrer cela, Philippe Pinsolle appuie l’idée de prise en considération par une

partie du comportement de l’autre, faisant ainsi référence à la notion de confiance

légitime. En effet dans certain cas il sera impossible de caractériser cette prise en

considération, alors que dans d’autres hypothèses, on ne pourra caractériser une

renonciation alors qu’il sera possible de protéger la confiance accordée par une partie.

Ces développements impliquent une application très stricte des concepts en fonction des

faits. Une application distincte serait alors possible en fonction des opportunités

factuelles, pour un résultat qui serait en toute circonstance, la déclaration d’une

irrecevabilité.

Section II – La reconnaissance par la jurisprudence comme

impulsion d’une consécration textuelle

24- La jurisprudence s’est longtemps montrée prudente avec le principe d’estoppel

et nous le verrons elle l’est toujours sous bien des aspects. Pourtant, dans un domaine

propice, elle a accueilli l’estoppel de façon explicite (§ I) et cet accueil a donné lieu à

une avancée concrète et textuelle, par voie de décret (§ II).

§ I – L’utilisation du terme « estoppel » par la Cour de cassation

25- Les indices développés précédemment n’étaient donc pas trompeurs, la Cour de

cassation a souhaité démontrer dans l’arrêt Golshani du 6 juillet 2005, que l’estoppel

pouvait exister en droit français. Nous verrons que la Cour de cassation n’a pas prouvé

qu’une application intégrale de l’estoppel pouvait exister de façon cohérente en droit

français, mais dans une situation au moins, l’estoppel aurait une raison d’être.

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L’estoppel en droit des contrats

23

L’avancée est que cet arrêt consacre l’estoppel comme principe autonome, c’est en

vertu de ce principe que sera prononcée l’irrecevabilité d’un moyen.

Pourtant, nous l’avons vu, la Cour n’était pas dans l’obligation d’utiliser les termes, il

semble s’agir comme nous allons le voir, d’un choix manifestement délibéré, et c’est en

cela que la question d’une étendue de l’estoppel au droit des contrats en général,

inspirée d’un autre ordre juridique, trouve sa légitimité.

26- En reprenant les faits ayant conduit à cet arrêt Golshani en parallèle des

développements tenant à démontrer que le recours à l’estoppel et non à la bonne foi ou à

la renonciation est parfois justifié, nous verrons que l’utilisation par la Cour du terme

lui-même demeure chargée de sens.

Monsieur Golshani a saisi en 1982 le Tribunal arbitral pour le règlement des différends

irano-américain de la Haye, en vue d’obtenir une indemnisation d’un montant de 1,7

milliard de dollars en réparation du préjudice subi du fait de l’expropriation d’un certain

nombre de ses biens en Iran lors de la révolution iranienne de 1979. Une sentence

rendue en 1993 le déboute de ses demandes et le condamne au versement de 50 000

dollars au titre des frais d’avocats et dépens. Cette sentence devient définitive et le

Gouvernement Iranien en obtient l’exequatur en France dans le but de saisir des avoirs

appartenant à M. Golshani. Ce dernier fait appel de l’ordonnance d’exéquatur. Le 28

juin 2001, la Cour d’appel de Paris déboute M. Golshani qui invoquait l’absence de

convention d’arbitrage sur le fondement de l’article 1502-1° du nouveau code de

procédure civile, en précisant que « les personnes privées qui saisissent le Tribunal des

différends irano-américains adhèrent par là même à la convention d’arbitrage […]. M.

Abrahim Golshani, qui a saisi le 19 janvier 1982 le Tribunal des différents irano-

américains d’une demande d’indemnisation pour des faits d’expropriation est par suite

irrecevable à soutenir que le tribunal des différends irano-américain a statué sans

convention d’arbitrage ».

27- Ce qui est intéressant dans cette décision est la confusion relative au fondement

de la sanction. Cette décision venant sanctionner une contradiction parait justifiée et se

trouve dans la lignée des arrêts de cette même juridiction cités précédemment, mais ne

se prononce pas en faveur d’un fondement et se garde bien d’utiliser explicitement le

terme « estoppel ».

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L’estoppel en droit des contrats

24

C’est donc sur l’interrogation qui subsiste sur ce fondement, que la Cour de cassation

est amenée à s’exprimer.

L’étude des faits présentés dans le cas de l’affaire Golshani, semble à première vue

ouvrir la voie à une irrecevabilité pour renonciation ou par le biais de l’estoppel. Nous

avons vu que la différence entre les deux mécanismes résidait principalement dans la

prise en compte des comportements des deux parties pour l’estoppel et uniquement

d’une des deux pour la renonciation. On observe alors qu’en l’occurrence, la

contradiction se fait bien « au détriment » de l’Etat iranien du fait de sa participation à

un arbitrage lourd. Alors que la renonciation qui semblerait découler de l’adhésion

implicite de M. Golshani à la convention d’arbitrage semble également établie.

Cependant, la renonciation, qui ne se présume pas, ne semble pas réellement expresse

en l’occurrence et d’autre part les conditions d’application de l’estoppel peuvent être

remplies ou non selon l’appréhension de l’estoppel adoptée. En effet, dans la prise en

compte des comportements des deux parties pour l’appréciation de l’estoppel, non

seulement, la contradiction doit se faire « au détriment » de l’autre partie, mais le

comportement contradictoire doit faire naitre une confiance légitime qui a été prise en

compte par la partie lésée. Cette prise en compte dans la jurisprudence internationale

suppose qu’«une déclaration qu’une partie à faite à une autre partie ou une position

qu’elle a prise envers elle et le fait que cette autre partie s’appuie sur cette déclaration

ou position à son détriment ou à l’avantage de la partie qui l’a faite ou prise »32

.

En l’espèce, le caractère exprès de la renonciation, comme le fait que le comportement

contradictoire ait pu susciter une confiance légitime à protéger pour l’Etat iranien qui se

serait « appuyé à son détriment » sur celle-ci, peuvent être débattus.

C’est en raison de ce constat, que l’on peut penser que le recours à « la règle de

l’estoppel », est le fruit d’un choix délibéré, pour entériner l’existence de l’estoppel

dans le droit français de l’arbitrage international.

Ce choix de la Cour de cassation d’accueillir l’estoppel, en se référent dans un premier

temps à la vision du droit international, pour ce qui concerne la procédure arbitrale, peut

justifier que se pose la question d’un éventuel choix à venir de l’utiliser dans le droit des

contrats en s’inspirant d’un des estoppels de Common Law.

32 Cour internationale de Justice, 13 sept. 1990, Affaire du différend frontalier terrestre, insulaire

et maritime (El Salvador c/ Honduras), Requète du Nicaragua à fin d’intervention, Rec. CIJ, 1990, v.

spéc. § 63, p. 118.

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L’estoppel en droit des contrats

25

§ II – L’estoppel dans le décret du 14 janvier 2011

28- Il est important de préciser dans un premier temps que la conception d’estoppel

aux yeux de la Cour de cassation a connu une évolution entre l’arrêt Golshani dans

lequel elle y faisait référence pour la première fois et le décret du 14 janvier 2011, entré

en vigueur le 1er

mai33

.

En effet plusieurs arrêts ont fait référence à l’estoppel, dont un rendu le 3 février 2010,

dans lequel la Cour définit l’estoppel comme un « comportement procédural constitutif

d'un changement de position, en droit, de nature à induire en erreur sur ses

intentions »34

.

Le décret quant à lui, dans l’art. 1466, indique que « la partie qui, en connaissance de

cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant

le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir ».

29- On retrouve dans la disposition de l’art. 1466, les éléments de l’estoppel, à

savoir une contradiction, dans la mesure où l’irrégularité n’est pas invoquée en temps

utile, et une sanction par l’irrecevabilité. On notera cependant l’absence de référence à

la protection d’une confiance légitime, et de la nécessité d’une contradiction faite au

détriment de l’autre partie. Cela peut s’expliquer par le fait que l’irrégularité sera

toujours invoquée au détriment d’autrui. Par ailleurs, l’absence de référence à

l’observation des comportements des deux parties, et donc la confiance, s’explique

probablement par le fait que l’estoppel consacré par ce décret est un estoppel

uniquement procédural.

30- Nous sommes donc en présence d’une reconnaissance doublement limitée : cet

estoppel est réservé à la procédure, ne pouvant conduire qu’à l’irrecevabilité d’un

moyen et il ne concerne que la procédure arbitrale. Le décret, à l’image de la

jurisprudence de la Cour de cassation ne consacre pas l’accueil de l’estoppel tel qu’il est

appréhendé dans les systèmes de Common Law.

33 Décret n° 2011-48

34 Cass. civ. 1

re, 3 févr. 2010, Bull. civ. I, n° 25 ; D. 2010. AJ 448, obs. Delpech ; ibid. 2589, obs.

Clay.

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L’estoppel en droit des contrats

26

Chapitre II – Les limites de la reconnaissance du principe

d’estoppel

31- En étudiant le principe d’estoppel tel qu’il est appliqué en Angleterre et tel qu’il

a inspiré les autres pays de la Common Law tels que l’Australie ou les Etats-Unis, ou

encore le droit international, on observe un mécanisme bien plus étendu et complexe

que celui reconnu en France.

La règle d’estoppel en France ne constitue qu’un moyen de défense dans la

procédure arbitrale (section I), ce qui permet de considérer son application comme

restreinte au regard de la doctrine issue des pays de Common Law (section II).

Section I – Un simple moyen de défense en procédure arbitrale

32- Dans la façon dont l’estoppel a été accueilli par la première chambre civile de la

Cour de cassation, puis appuyé par la voie décrétale, deux limites peuvent être

soulignées. D’une part, l’estoppel est uniquement appliqué dans le cadre de la procédure

(§ I), conduisant à l’irrecevabilité d’un moyen, d’autre part, cette application n’a encore

été observée que dans le cadre de l’arbitrage international (§II).

§ I – Un estoppel au développement restreint par son application au seul

domaine procédural

33- La principale particularité qui justifie que l’on caractérise l’accueil de l’estoppel

en France de limité, réside dans les aspects « offensif » et « défensif » du mécanisme.

L’estoppel est un instrument de protection de la confiance accordée par chacune des

parties. Il impose une certaine cohérence aux parties et tient compte des attentes

légitimes d’un cocontractant, engendrées par le comportement de l’autre partie.

Ainsi, en traçant les contours de l’application en France du principe, la Cour de

cassation limite son accueil.

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L’estoppel en droit des contrats

27

Les notions d’estoppel « offensif » et « défensif », sont exprimées en anglais par

l’appréhension d’estoppel utilisé as a shield (comme un bouclier), ou as a sword

(comme une épée). En effet selon les cas, l’estoppel pourra être utilisé comme un

moyen d’action, le mécanisme pourra parfois donner lieu à l’octroi de dommages et

intérêts.

Cet aspect offensif est limité en droit anglais, ce qui nous le verrons suscite lé débat, et

conduit Bénédicte Fauvarque-Cosson à poser la question suivante : va-t-on « vers un

principe général d’estoppel en droit anglais ? »35

. Les systèmes australiens et

américains, inspirés par l’estoppel du droit anglais, ont adopté un principe général

d’estoppel et c’est principalement dans ces systèmes que l’estoppel peut avoir une

vocation offensive. L’exemple de la rupture brutale des pourparlers en droit australien

est un exemple intéressant. En effet, il est possible en Australie d’obtenir des dommages

et intérêts dans une telle situation sur le fondement de l’estoppel. La protection de la

confiance est donc plus aboutie. Ce type de situation se règlera en France par

l’intermédiaire de l’article 1382 du Code civil et le mécanisme de responsabilité

précontractuelle. Le caractère offensif va plus loin dans la mesure où une partie sera

parfois également indemnisée à travers la perte d’une chance.

34- La différence entre l’estoppel de la Common Law, malgré les nuances, et

l’estoppel reconnu en droit français réside donc dans cette étendue. Le premier est un

réel instrument du droit des contrats, un grand principe puisant nous le verrons sa source

dans les notions de « reliance » et de « comportement sans conscience », contrairement

au second plus pragmatique, réservé à la procédure arbitrale.

Cette différence s’explique probablement par un glissement du principe tel qu’il est

perçu par le droit international et non par le droit des pays de Common Law, notamment

l’Australie ou les Etats-Unis. En effet, il semblerait qu’il s’agisse d’un alignement du

droit interne français sur le droit international en matière d’arbitrage.

35 B. Fauvarque-Cosson, « L'estoppel, concept étrange et pénétrant », RDC, 2006, p. 1286 et s.

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L’estoppel en droit des contrats

28

§ II – L’enfermement du principe d’estoppel dans les particularités liées à

l’arbitrage international

35- Le droit du commerce international dispose aujourd’hui d’un fonctionnement

propre, il répond à une logique particulière et cette particularité n’échappe pas à

l’arbitrage commercial international.

Tout d’abord, il est établi que dans toutes les sentences rendues en arbitrage commercial

international, l’estoppel est envisagé à l’image du droit anglais (bien que cela soit

discuté outre-manche), comme un mécanisme défensif. Mais par ailleurs, l’estoppel du

droit international, bien que limité à son rôle de « bouclier », est plus flexible et « libéré

des particularismes et carcans du droit anglais »36

.

Une très ancienne décision anglaise, reprise dans une des premières sentences

arbitrales publiées recourant au mécanisme de l’estoppel37

, indique l’affirmation

suivante : « A man shall not be allowed to blow hot and cold – to affirm at one time and

deny at another »38

.

On observe le recours à la formule « ne doit pas être autorisé », qui confirme clairement

le fait qu’en termes d’arbitrage commercial international, l’estoppel conserve sa

vocation originelle qui consiste à bloquer, il engendre le plus souvent l’irrecevabilité

d’un moyen qui souffle le chaud après avoir soufflé le froid.

La manifestation du caractère défensif prend une autre forme dans la sentence rendue

dans l’affaire Woodward Clyde Consultants39

. En l’espèce, Woodward Clyde

Consultants a produit un certificat datant de l’époque des faits pour établir qu’il était à

jour de ses obligations de paiement. D’un autre coté un document dont l’authenticité

n’est pas non plus remise en cause mais établi durant la procédure, affirme le contraire.

Le tribunal face à cette contradiction relève tout d’abord qu’un document est

contemporain des faits, puis fait référence à « the general rule of evidence that

contradictory statements should be construed against that party »40

.

36 B. Fauvarque-Cosson, « L'estoppel, concept étrange et pénétrant », RDC, 2006, p. 1292.

37 Sentence CCI, affaire n° 1512 de 1970, Yearbook, 1980, p.174.

38 « Un homme ne doit pas être autorisé à souffler le chaud et le froid – à affirmer d’un coté et à

dénier d’un autre ». Cave v. Mills, 1862, Hurlstone & Norman, p. 913, spéc. p. 927. 39

Rev. arb., 1985, p. 272. 40

« Le principe général du droit de la preuve selon lequel le déclarations contradictoires d’une

partie intéressée doivent s’interpréter contre elle ».

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L’estoppel en droit des contrats

29

Ici, la contradiction est appréhendée en matière de preuve, toujours au stade de la

procédure et relève encore d’une logique défensive.

36- Concernant l’affirmation selon laquelle l’estoppel du droit international serait

libéré des contraintes du droit anglais, la première sentence rendue dans l’affaire

AMCO41

est une illustration claire. En l’espèce l’Etat indonésien soutient que la société

AMCO ne peut prétendre sans se contredire, que la société P.T Wisma et l’Etat

indonésien étaient, en réalité, les mêmes personnes, alors qu’elle a soutenu le contraire

devant les juridictions indonésiennes.

Les arbitres ont alors considéré qu’il fallait examiner le concept d’estoppel invoqué,

mais a surtout rappelé que la théorie de l’estoppel proprement dite, telle qu’elle s’est

développée dans les systèmes anglo-américains (nous avons vu à ce sujet qu’il n’existe

pas de théorie commune à ces systèmes), n’était pas d’application universelle. Le

tribunal en a conclu à juste titre qu’il lui appartient de dégager l’essence du concept42

.

De toute évidence, ces affirmations confirment celles de Bénédicte Fauvarque-Cosson

selon lesquelles, l’estoppel développé par le droit international est effectivement

indépendant de celui dont il est initialement inspiré.

Dans cette même sentence, le tribunal considère que « dans son applications aux

relations internationales, le concept est finalement caractérisé par l’exigence de bonne

foi »43

. La formule est intéressante puisque nous savons que le droit anglais refuse

l’application d’une exigence de bonne foi.

41 JDI 1986, p. 200, note E. Gaillard, spé. P. 250, § 47.

42 Ph. Pinsolle, « Distinction entre le principe de l’estoppel et le principe de bonne foi dans le

droit du commerce international », JDI Clunet, 1998, p. 921. 43

V. sur la distinction entre estoppel et bonne foi, Ph. Pinsolle, « Distinction entre le principe de

l’estoppel et le principe de bonne foi dans le droit du commerce international », JDI Clunet, 1998, p.905

et s., et supra. N° 80 et s.

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L’estoppel en droit des contrats

30

Section II – Une application restreinte au regard de la doctrine

issue des systèmes juridiques de Common Law

37- Pour comprendre de quelle manière a été accueilli le principe d’estoppel en

France, il faut saisir en quoi il découle de l’influence du droit international, lui-même

influencé par le droit anglais dont il s’est affranchi dans sa conception du principe.

Aussi, pour comprendre la différence entre l’estoppel des pays de Common Law,

l’estoppel tel qu’il existe aujourd’hui en France, et tel qu’il pourrait se développer, il

faut appréhender les différents estoppels de Common Law (§ I), pour arriver au constat

suivant : l’estoppel ne peut être retranscrit en France sans adaptation (§ II).

§ I – Les « différents estoppels » de Common Law

38- Pour aborder avec cohérence les « différents estoppels » de Common Law, il

faut distinguer d’une part la différence entre les estoppels du droit anglais (I) et d’autre

part la différence entre les estoppels anglais et ceux des droits australien et américain

(II).

I) Les différents estoppels dans le droit anglais

39- Les premiers estoppels sont apparus en Common Law dès le XIIe siècle. Certains

auteurs ont pu en dénombrer douze44

, puis plus encore45

, mais en observant la pratique,

il semble opportun de distinguer l’estoppel by convention, l’estoppel by representation,

le proprietary estoppel et le promissory estoppel.

L’estoppel by convention concerne les situations d’erreur commune aux

cocontractants, quant aux effets juridiques du contrat auquel elles sont parties, ou d’une

44 A. Leopold, « Estoppel : a pratical appraisal of recent developments », 1991, 7 Aust. Bar Rev.

45 M. Spence, « Protecting reliance : the emergent doctrine of equitable estoppels », 1999,

Oxford – Portland Oregon, Hart Publishing.

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L’estoppel en droit des contrats

31

de ses clauses. On considèrera alors que cette croyance commune fonde l’interdiction de

se prévaloir des effets ignorés du contrat, ceci étant contradictoire.

Il s’agit en réalité de rendre au contrat la signification qu’il avait initialement pour les

cocontractants, bien que la notion de consentement soit ignorée du droit anglais.

40- L’estoppel by representation est une autre forme d’estoppel, la representation

est en réalité le comportement qui engendre volontairement ou non, une croyance

légitime chez le cocontractant qui va agir en conséquence et à son détriment.

Ce mécanisme s’est développé dans la mesure où il s’encrait initialement dans un

simple débat de preuve, empêchant celui qui a généré la croyance légitime par sa

representation d’apporter des éléments de preuve qui contrediraient cette croyance due

à une situation de fait. Le droit anglais ne prenait pas en compte l’intention ou la

promesse du cocontractant. Originellement le mécanisme était donc sans réel lien avec

toute notion de bonne foi.

41- Une des déclinaisons de l’estoppel caractéristique du droit anglais est le

proprietary estoppel. Ici, le mécanisme sort de l’analyse d’une relation contractuelle, et

il faut intégralement occulter la logique civiliste pour en comprendre le fonctionnement.

Dés lors qu’une personne par son comportement, qu’il s’agisse d’une representation ou

d’une véritable promesse, a fait croire à une autre personne qu’elle bénéficierait d’un

intérêt ou d’un droit dans une propriété et que cette dernière a agit en conséquence, le

juge peut aller jusqu’à lui transférer ce droit.

Le juge bénéficie ici d’une marge de manœuvre importante, nous verrons que ce

mécanisme est impensable en droit français, même si certaines notions peuvent s’en

approcher, la logique contractuelle est telle que le mécanisme ne peut exister ainsi.

Enfin, le promissory estoppel s’est développé à partir de 194746

, sous l’impulsion de

Lord Denning et demeure la forme d’estoppel la plus moderne. L’arrêt Central London

Property Trust Ltd v. High Trees House Ltd, a donné lieu à une décision indiquant

que « si par ses paroles ou sa conduite, une personne fait une représentation non

ambiguë quant à sa future conduite, avec l’intention que cette représentation soit suivie,

sans que cela affecte les relations légales entre les parties, et que l’autre partie change sa

position sur la foi de celle-ci, celui qui fait la représentation ne peut plus agir de manière

inconsistante avec a représentation si, ce faisant, il cause un préjudice à l’autre ».

46 Central London Property Trust Ltd. v. High Trees House Ltd, High Court, 1947, 68 LQR, 283.

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L’estoppel en droit des contrats

32

On observe donc ici la nécessité d’une représentation ou promesse claire et sans

ambigüité, un agissement sur le fondement de cette représentation, et enfin la nécessité

que cet agissement lui cause un préjudice.

42- Ces distinctions sont aujourd’hui sujettes au débat, certains auteurs plaident en

faveur d’un principe général et unifié d’estoppel, ou une réorganisation du mécanisme

basée sur les modèles australien et américain.

II) Les différentes appréhensions du principe d’estoppel dans les

systèmes anglais, australien et américain

43- L’estoppel est utilisé par les juges américains, alors même qu’il n’est pas

mentionné par la loi, et qu’il semble même avoir vocation parfois à la contourner.

Bénédicte Fauvarque-Cosson ne manque pas de souligner cette contradiction, quand une

partie des juges américains se prononce en faveur du textualism et d’une interprétation

littérale des textes47

.

Dans l’utilisation de l’estoppel par les juges américains, on observe que c’est la notion

de reliance qui fonde le recours au mécanisme. En droit américain, on oppose l’échange

à la confiance. La relation contractuelle n’est pas fondée sur le consentement comme en

droit français, la notion de consideration que l’on pourrait rapprocher de la cause en

droit français est primordiale, c’est la contrepartie qui fonde la convention. La notion de

confiance, primordiale en droit anglais comme américain, va permettre de considérer

qu’en vertu de la reliance, le contrat né d’une consideration n’existe plus en tant que

tel. La contradiction ayant entrainé un comportement préjudiciable, fait échec à

l’application du contrat issu de la consideration, et c’est la croyance légitime, qui prend

le relai, ainsi le cocontractant se retrouve obligé par la reliance qu’il a suscité.

Le Second Restatement du droit des contrats inclut la notion d’estoppel en ces termes :

a promise which the promisor should reasonably expertto induce action or forbearance

on the part of the promisee or a third personand which does induce such action or

47 B. Fauvarque-Cosson, « L'estoppel, concept étrange et pénétrant », RDC, 2006, p. 1290.

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L’estoppel en droit des contrats

33

forbearance is binding if injustice can be avoided only by enforcement of the promise.

The remedy granted for breach may be limited as justice requires48

.

44- C’est donc la notion de reliance qui est primordiale en droit américain, tandis

qu’elle ne suffit pas en droit australien. L’estoppel dont les juges australiens font

application, implique que l’on s’intéresse au comportement de l’auteur de la

contradiction. En effet, les juges australiens vont s’interroger sur l’unconscionability.

Par la prise en compte de la représentation, ils vont se demander s’il est unconscionable

de permettre à l’auteur de celle-ci de revenir dessus. Le droit australien marque ici une

différence fondamentale par rapport au droit anglais, puisque cette notion proche de la

bonne foi n’est pas reconnue par les juges anglais.

Ainsi, la bonne foi existe aux Etats-Unis comme en Australie, alors que le droit anglais

continue de l’ignorer. L’existence d’une bonne foi qui doit gouverner les relations

contractuelles influence donc la manière dont est appliqué le principe d’estoppel.

§ II – L’impossible transcription de l’estoppel de Common Law sans

adaptation

45- On peut parler de transcription impossible, dans la mesure où non seulement il

n’existe pas un estoppel, mais plusieurs doctrines, mais surtout son fonctionnement

repose initialement sur un système qui appréhende le contrat d’une manière totalement

différente du droit français.

Comme nous l’avons évoqué, le droit anglais, comporte une spécificité qui est

l’exigence d’une consideration, la relation dépend de cette consideration et l’estoppel

est en quelques sortes une exception à la règle. On voit ici la difficulté à accueillir en

France l’exception à une règle qui n’existe pas.

La consideration est la chose de valeur donnée en contrepartie (logique d’échange plus

que de consentement), pour que le contrat soit enforceable. La valeur de la chose doit en

48 « Si le promettant doit raisonnablement envisager que sa promesse engendrera ou induira, chez

le bénéficiaire de la promesse ou chez un tiers, une action ou une abstention d’agir de caractère clair et

substantiel et que de fait, elle entraine une telle action ou abstention, le promettant se trouve obligé par sa

promesse si l’injustice ne peut être évitée autrement. Le remède accordé peut être limité dans la mesure

où la justice l’exige ». in B. Fauvarque-Cosson, « L'estoppel, concept étrange et pénétrant », RDC, 2006,

p. 1289.

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L’estoppel en droit des contrats

34

outre être, sufficient but not adequate. C’est toute la logique anglaise dans

l’appréhension du contrat qui rend son fonctionnement aux yeux du droit et donc la

doctrine de l’estoppel, ou des estoppels, difficilement lisible par le juriste français.

Le promissory estoppel, qui semble être la version la plus moderne et la plus utilisée de

l’estoppel en matière contractuelle constituera donc une exception à la règle de la

consideration.

Pour analyser en quoi le promissory estoppel est une exception, il faut tenir

compte du fait que le contrat est apprécié de façon stricte par les juges anglais.

L’interprétation d’un contrat écrit (le droit anglais reconnait l’existence de contrats

oraux) comme d’un texte légal (il y en a très peu), est toujours très étroite, et les juges

dans un contentieux relatif à un contrat ne chercheront pas la commune intention des

parties, ils appliqueront la lettre du contrat.

Les juges anglais en cas de contradiction ne chercheront pas la réalité de l’accord au-

delà de la lettre du contrat, ils ne chercheront pas non plus une quelconque mauvaise

foi, mais ils se réfèreront au promissory estoppel de la façon suivante : s’il y a une

relation contractuelle existante, qu’il y a eu une représentation, qui peut être une simple

promesse, et qu’elle a donné lieu à une reliance, alors il peut y avoir une réparation. Ce

qui signifie que bien que les parties soient tenues par la lettre du contrat, ce qui importe

bien plus que leur intention au moment de la formation, c’est ce qu’elles font du contrat

en pratique.

46- Ainsi, si la spécificité du droit anglais a conduit les droits américain, australien

puis international, à adapter l’appréhension et la mise en œuvre du principe d’estoppel à

leur ordre juridique. Il semble évident que cette adaptation est indispensable pour

reconnaitre un tel principe en France. Plus qu’une adaptation du mécanisme et de sa

logique, une adaptation de sa mise en œuvre parait être l’enjeu le plus important et le

plus complexe, dans la mesure où on estimerait souhaitable d’introduire un tel principe

dans le droit français des contrats.

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L’estoppel en droit des contrats

35

47- Le principe d’estoppel, n’est pas universel, il est multiple et représentatif de

l’influence que peuvent avoir un système juridique sur un autre. Il s’est développé

comme principe en Angleterre il y a plusieurs siècles, puis est apparu dans le droit

positif des Etats-Unis et de l’Australie, sous des formes sensiblement différentes bien

que comparables. Finalement le droit international ou plus précisément le droit du

commerce international qui possède une logique autonome et se détache des droits

nationaux auxquels il emprunte certains concept, s’est approprié là règle de l’estoppel,

jusqu’à en faire un principe dont l’application se différencie également de celle que l’on

observe dans le droit national anglais qui l’a influencé.

Depuis 2005, l’estoppel a fait son apparition dans le droit positif français, c’est la

« version officielle », celle dont on se satisfait, puisque pour la première fois, dans notre

système civiliste français, la Cour de cassation a utilisé expressément cette « règle de

l’estoppel ».

Pourtant, le recours exprès à cette règle bien connue n’est pas le fruit de la fantaisie et

du gout de l’inconnu des juges de la Cour de cassation. Il est le résultat d’une influence

grandissante que l’on pouvait observer depuis plusieurs années, du droit international

privé sur notre droit national privé. Ce recours s’est fait dans le cadre d’une question

relative à l’arbitrage international, domaine propice à l’application de l’estoppel.

48- On peut considérer que c’est l’estoppel tel qu’il est appréhendé par le droit

international privé qui a influencé la Cour de cassation, si l’on tient compte du domaine

dans lequel ce recours a eu lieu, et des spécificités de l’estoppel dans les pays de

Common Law. En effet cette spécificité connue des juges français ne permet que soit

faite application en France de l’estoppel tel qu’il existe dans ces pays.

Il est donc possible de parler d’une reconnaissance limitée, à la fois dans l’ampleur

de son application, puisque c’est un estoppel purement défensif auquel se réfère la Cour

de cassation, mais aussi limitée à un domaine précis, celui de l’arbitrage, et non pas à

l’ensemble du droit des contrats.

Nous allons voir que cette limite n’est pas une fatalité, elle a peut-être vocation à être

franchie, dans la mesure où le mécanisme de l’estoppel sous diverses formes n’est pas

totalement absent de notre droit des contrats. On peut déceler dans les décisions de la

Conclusion du Titre I

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L’estoppel en droit des contrats

36

Cour de cassation des indices indiquant qu’elle a une réelle volonté de sanctionner la

contradiction se faisant au détriment d’autrui, que l’on peut nommer comme une

interdiction implicite.

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L’estoppel en droit des contrats

37

Titre II – De l’estoppel à une obscure interdiction de se

contredire au détriment d’autrui dans l’ensemble du droit

privé français des contrats

49- Le Professeur Dimitri Houtcieff souligne avec justesse que « tout corps de règle

porte en lui la matrice d’une interdiction de se contredire »49

. Cette phrase résume assez

bien l’idée directrice du présent développement. En effet, quelque soit le concept ou la

notion traités dans notre étude, qu’il soit un principe, une règle, applicable ou non,

appliquée ou non, le dénominateur commun est la sanction de la contradiction. Avec des

conditions d’application de différente intensité, on trouve dans tout droit des contrats ou

du contrat, une volonté de sanctionner la contradiction.

C’est pourquoi, même si l’estoppel n’a pas trouvé la place pour s’épanouir pleinement

en droit français, l’objectif poursuivi par ce dernier préexiste dans le droit positif

français des contrats. La contradiction, selon sa manifestation, ses conséquences, son

environnement, est sanctionnée de différentes façons, et quelquefois les mécanismes ne

sont pas sans rappeler certaines méthodes de mise en œuvre de l’estoppel.

Pour étudier cette préexistence, nous allons voir de quelle manière sont traitées

les notions auxquelles renvoie le principe d’estoppel, comme la confiance légitime, la

loyauté ou la cohérence dans le droit français (Chapitre I), pour déceler dans les

décisions du droit français des contrats une implicite interdiction de se contredire au

détriment d’autrui (Chapitre II).

49 D. Houtcieff, « L’estoppel, cet obscur objet du désir », in « Essai de maïeutique juridique : la

mise au jour du principe de cohérence », La Semaine Juridique Edition Générale n° 47, 16 Novembre

2009, 463.

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L’estoppel en droit des contrats

38

Chapitre I – L’appréhension française du traitement de la

confiance, la loyauté et la cohérence

50- Les notions de confiance, loyauté ou cohérence gouvernent l’appréciation et

l’application du principe d’estoppel, quelque soit le contexte institutionnel dans lequel

on l’observe. C’est en vertu de la confiance donnée, des devoirs de loyauté et de

cohérence, que la contradiction qui se ferait au détriment d’autrui semble devoir être

sanctionnée. En étudiant la place occupée par de telles notions dans le droit français des

contrats, on étudie le caractère propice du terrain pour l’accueil de l’estoppel.

Cette étude permet donc de vérifier l’effectivité de l’affirmation de Dimitri

Houtcieff sur la « matrice de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui » dans

le droit français des contrats.

Pour se faire, on peut étudier la manière dont se manifestent ses notions sous-jacentes

(Section I) et donc comprendre l’articulation qui existe entre elles (Section II).

Section I – Le caractère sous-jacent des notions de confiance,

loyauté et cohérence

51- La première chose qui nous semble devoir être soulignée, est ce caractère

« sous-jacent » des notions en question. En effet, nous l’avons précisé, elles gouvernent

notre vision du droit des contrats. Elles existent dans la Common Law, mais aussi dans

le droit positif français, bien qu’elles n’apparaissent expressément dans aucune

disposition textuelle.

Une simple équation permet d’arriver à la conclusion d’une existence sous-

jacente mais une utilisation pas moins effective de ces notions. La cohérence et la

confiance sont directement concernées par le principe d’estoppel ou l’interdiction de se

contredire au détriment d’autrui, moins systématiquement celle de loyauté. Or, dés lors

qu’on se rallie à la position du Professeur Dimitri Houtcieff, on considère par voie de

conséquence que l’ensemble de ces notions a un impact sur l’élaboration de la loi

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L’estoppel en droit des contrats

39

encadrant le contrat, mais surtout sur son interprétation et son application, puisque la loi

porterait en elle la matrice d’une interdiction qui renvoie à ces notions.

52- La loyauté, la confiance ou la cohérence sont des notions difficiles à

appréhender dans la mesure où l’on ne sait pas exactement quelle importance et quel

impact elles ont dans notre droit. Le Professeur Hugues Kenfack s’est justement

demandé si la confiance ne constituait pas aujourd’hui en droit français le fondement de

la force obligatoire d’un contrat50

La question de leur impact permet d’apporter des

éléments de réponse aux questions qui entourent l’estoppel, puisque ce principe n’est

pas sans lien avec elles. En comprenant mieux leur place dans le droit positif français et

le raisonnement des juges, on comprend mieux quelle place tient la logique de

l’estoppel dans un ordre juridique différent de celui qui l’a vu s’épanouir.

Pour appréhender la place de ces notions, que nous considérons comme sous-jacentes, il

faudra se pencher sur la place du juge, dans la relation contractuelle. En effet, il serait

incorrect de soutenir dans un droit des contrats civiliste tel que le droit français, que des

notions qui ne sont pas expressément évoquées dans les textes gouvernent de façon

implicite une relation contractuelle sans considérer que le juge à travers son application

et son interprétation des textes, fait d’une certaine manière naitre des normes. Le

professeur Frédéric Rouvière utilise une formule constituant une synthèse pédagogique

de cette idée, en affirmant « qu’à propos de la remise en cause du contrat, nous avons

sans doute changé d’épouvantail. Hier c’était le législateur qui était censé remettre en

cause le concept de contrat51

et aujourd’hui, c’est le juge qui l’a relayé pour appuyer de

funestes prédictions de ruine52

»53

.

Si l’on ne s’accorde pas pour dire que le juge est aujourd’hui en France un élément clé

dans toute relation contractuelle, alors l’étude des notions sous-jacentes dont il est ici

question perd de son intérêt.

50 H. Kenfack, « La consécration de la confiance comme fondement de la force obligatoire du

contrat ? », in V.-L. Bénabou et M. Chagny (dir.), « La confiance en droit privé des contrats », Dalloz,

2008, p.117 et s. 51

Ph. Rémy, « Droit des contrats : questions, positions, propositions », in L. Cadiet (dir), « Le

droit contemporain des contrats », 1987, n° 4 p. 271 et s. 52

D. Mazeaud, « Le juge et le contrat. Variations sur un couple « illégitime » », Mélanges offerts

à J.-L. Aubert, Dalloz, 2005, p. 235 et s. 53

F. Rouvière, « La remise en cause du contrat par le juge », in G. Lareux (dir.), « L’efficacité

du contrat », Dalloz, 2011, p. 41.

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L’estoppel en droit des contrats

40

53- De telles notions, notamment la loyauté ne sont pas les moteurs de l’intervention

du juge uniquement dans le cadre de la sanction d’une contradiction, même au sens

large, mais cette interdiction est tout de même une bonne illustration. On peut

comprendre le terme « sous-jacent » à deux niveaux. D’abord parce que lorsqu’aucun

texte légal ni aucune convention ne l’indiquent, et que le juge parle pourtant d’un devoir

de loyauté ou de cohérence, dans un système où le modèle reste l’autonomie de la

volonté, le terme sous-jacent semble approprié. Le terme est également adéquat, mais à

un autre niveau lorsque le juge ne parle pas d’une notion, mais lorsque la cohérence des

décisions rendues tend à prouver qu’il cherche à faire respecter un devoir de cohérence,

par exemple.

C’est exactement le cas de la cohérence contractuelle, de la protection de la confiance

légitime ou du devoir de loyauté contractuelle. Ils sont présents dans le droit positif

français des contrats, mais pas de manière expresse. C’est pourquoi on peut considérer

que le droit français, sanctionne déjà d’une certaine manière la contradiction au

détriment d’autrui, sans faire application de l’estoppel. Il y a donc un champ

d’application et une logique différents, pour une tradition différente, mais des

similitudes incontestables. Nous le verrons, à travers différents fondement, les

raisonnements du juge conduisant à certaines sanctions sont gouvernés par ces notions

et se rapprochent donc de l’application sinon d’un estoppel à la française, d’une

implicite interdiction de se contredire au détriment d’autrui.

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L’estoppel en droit des contrats

41

Section II – Le dénominateur commun aux notions de

confiance, loyauté et cohérence

54- La confiance, la loyauté et la cohérence apparaissent presque « intuitivement »

comme étant liées. Nous verrons donc qu’elles peuvent être rapprochées d’une même

vision morale du droit des contrats (§ I) tout en étant dans certains cas compartimentées

dans leur influence sur les mécanismes de ce droit, notamment sur l’estoppel (§ II).

§ I – Un rapport commun à la morale

55- Horatia Muir Watt, qui qualifie l’estoppel de « mécanisme purement défensif

enraciné dans l’équité et tendant à la moralisation des comportements processuel »54

met en exergue un de ces dénominateurs communs. En effet c’est la référence à la

morale que nous retiendrons ici, étant entendu qu’il s’agit d’une référence à la morale

du droit des contrats tout entier, à la moralisation de ce droit, et non de ses références à

la morale des acteurs de la relation contractuelle et de sa manière de la traiter.

56- Le Professeur Gautier estime qu’il est possible de « mettre ensemble la

confiance et la loyauté » pour leur rapport aux qualités morales d’un cocontractant, alors

que la cohérence relèverait des qualités intellectuelles55

. Dans la recherche d’un

dénominateur commun entre ces notions gouvernant nos principes contractuels, il nous

semble qu’une telle affirmation doit être nuancée. Ce rapport aux qualités morales nous

parait concerner l’ensemble de ces notions et même être le grand dénominateur commun

aux trois.

En effet, il peut sembler difficile d’affirmer que l’incohérence est seulement liée aux

qualités intellectuelles d’un cocontractant alors même que ce qui va très souvent

54 H. Muir Watt, « Pour l’accueil de l’estoppel en droit international privé français », in

Mélanges Y. Loussouarm, Dalloz, 1994, p. 304. 55

P.-Y. Gautier, « Confiance légitime, obligation de loyauté et devoir de cohérence : iddentité ou

lien d’affiliation », in V.-L. Bénabou et M. Chagny (dir.), La confiance en droit privé des contrats,

colloque du 22 juin 2007 organisé par l’Université de droit et de science politique de Versailles-Saint-

Quentin-en-Yvelines, Dalloz 2008, p. 110.

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L’estoppel en droit des contrats

42

justifier la sanction d’une incohérence à travers divers fondements, sera la confiance

qu’elle a volontairement suscité et généralement la déloyauté.

Ainsi, ces notion sont intimement liées et difficilement détachables entre elles, en raison

de leur lien commun avec une certaine volonté de moraliser les rapports contractuels.

On peut trouver une logique dans cette démonstration en se référant au caractère

averti et au statut de professionnel des personnes qui rédigent généralement les contrats,

des conventions qui répondent exactement aux attentes des parties. La technique

contractuelle est souvent une stratégie, et les termes d’un contrat sont souvent en phase

avec la stratégie, en partie comportementale, des parties. Aussi, dire que l’incohérence

relèverait d’une simple défaillance intellectuelle sans tenir compte de l’intention, et

donc d’une certaine morale, semble devoir être nuancée.

Il existe certaines situation où cette affirmation du Professeur Gautier nous parait

vérifiée, ces situations, nous allons le voir, étant souvent liées à la théorie de l’estoppel

qui est la parfaite illustration.

§ II – Une absence d’autonomie conceptuelle

57- La référence aux seules qualités intellectuelles, bien qu’elle ne puisse être

généralisée, peut cependant être illustrée, mais hors du droit français des contrats

semble-t-il. En effet le droit anglais, contrairement au droit australien par exemple,

n’observera pas dans son appréciation du promissory estoppel, le comportement des

deux parties au contrat. Seule une représentation entrainant une confiance légitime et

donc un comportement adopté à son propre détriment justifiera une réparation, sans la

recherche d’une hypothétique intention.

Mais même dans cette situation, on pourra alors considérer que seule la loyauté fait

référence aux qualités morales aux yeux du droit, puisque la confiance entrainant un

préjudice, suscitée involontairement par l’incohérence, entraine réparation. La simple

existence d’une confiance provoquée pourvu qu’elle soit légitime suffira, ainsi, il

s’agira ici d’une notion de confiance sans aucun lien avec une quelconque morale,

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L’estoppel en droit des contrats

43

puisque c’est une situation de fait, sans référence à une pratique « immorale », qui

justifiera la réparation.

Cette démonstration ne peut cependant pas remettre en cause, les liens étroits entre ces

notions d’une part, et la morale d’autre part, puisque dans le droit français il n’existe pas

de cas où elles sont réellement détachées de toute référence à la morale.

58- Finalement, il semble que dans une appréciation française et civiliste du droit

des contrats, confiance, loyauté et cohérence sont intimement liées entre elles et elles-

mêmes gouvernée par une certaine vision de la morale.

Il est d’autant plus délicat de prouver que de telles notions ont une existence autonome,

qu’elles se situent initialement hors du droit et ont investi la relation contractuelle au fur

et à mesure que son encadrement par le droit, notamment en France, a connu des

évolutions.

Il est donc clair que l’estoppel, à travers son application, impose une certaine cohérence

et une loyauté d’une part, et qu’il a pour but de protéger un comportement favorisé par

la confiance légitime d’autre part. Ainsi à chaque étape de son appréciation et de son

interprétation, subsiste cette référence à des notions issues d’une conception de la

morale dans la relation contractuelle.

Chapitre II - L’existence implicite d’une interdiction générale

de se contredire au détriment d’autrui dans la jurisprudence

française du droit des contrats

59- La présence des notions sous-jacentes que nous avons évoquées dans le droit

positif français, se manifeste par l’existence implicite d’une interdiction de se contredire

au détriment d’autrui en droit français des contrats. Elle se manifeste sous diverses

formes, au niveau procédural bien entendu, dans l’arbitrage à travers l’application de la

règle d’estoppel, mais aussi au niveau de la relation contractuelle elle-même sous

différentes formes.

Bien que l’estoppel ne soit pas appliqué de manière générale en droit français, diverses

règles répondant à des logiques variées, des conditions d’applications différentes, et

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L’estoppel en droit des contrats

44

protégeant des intérêts également différents, stigmatisent et sanctionnent la

contradiction se faisant au détriment d’autrui.

Nous pouvons donc observer divers cas dans lesquels ces règles s’appliquent, au

stade de la formation du contrat (Section I), de son exécution (Section II) et de son

extinction (Section III).

Section I – A la formation du contrat

60- Il est possible de dissocier deux types de situation au stade de la formation du

contrat dans lesquelles on retrouvera une volonté des juges du fond de sanctionner une

contradiction ayant entrainé un préjudice.

Tout d’abord il s’agit du cas de la rupture brutale et imprévisible des négociations (§ I),

puis, plus marginal, le non respect d’un délai de maintien d’une offre de contracter (§

II).

§ I – La rupture brutale et imprévisible des négociations

61- Cette situation est celle classique d’une négociation de contrat qui dure. Les

enjeux et la complexité du futur contrat impliquent que les négociations soient

sérieuses, elles pourront nécessiter des investissements préalables, des expertises ou

l’intervention de tiers variés. Ces négociations seront donc parfois couteuses, à la fois

financièrement et en matière de temps.

Lorsque des dépenses sont engagées, pour préparer la future conclusion du contrat,

généralement les parties ont trouvé un accord de principe sur les « grandes lignes » du

contrat, qui sera rarement formalisé. Dés lors que les parties en sont au stade des

investissements, il semble légitime de penser que ces derniers ne sont nécessaires que

pour effectuer les ultimes réglages et mettre au point les dernières modalités. Pourtant,

aucun contrat n’est encore né aux yeux du droit français, puisque l’accord sur les termes

de celui-ci est encore incomplet. Ainsi, les hypothétiques parties se trouvent encore dans

la phase dite « précontractuelle ». Pourtant, La Cour de cassation a constaté à plusieurs

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L’estoppel en droit des contrats

45

reprises56

, que l’ensemble des dépenses engagées, ainsi que la durée des négociations

justifiaient que l’une des parties puisse légitimement s’attendre à l’aboutissement du

projet et à un accord.

On retrouve ici les éléments caractéristiques de l’estoppel, à savoir une représentation,

constituée par l’incitation à des dépenses de temps et d’argent, une confiance légitimée

par le comportement de l’autre partie aux négociations et donc une volonté de

sanctionner l’incohérence de la partie mettant fin aux pourparlers après tout ce temps et

causant ainsi un préjudice.

62- Il est à noter que les juges américains vont parfois dans des situations d’estoppel

de ce type jusqu’à compenser le gain manqué, tout comme les juges australiens, plus

favorables encore à utiliser l’estoppel as a shield57

, de manière offensive. En droit

français, dans une situation pareille, la Cour de cassation refuse d’indemniser la perte

d’une chance à l’image de la décision rendue en la matière le 28 juin 2006 : « une faute

commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels

n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains

espérés de la conclusion du contrat »58

.

63- Une parfaite illustration des parallèles entre les décisions de la Cour de cassation

relatives à ces situations et la théorie de l’estoppel, se trouve dans un arrêt récent, rendu

le 18 janvier 2011 par la chambre commerciale59

. Au-delà du fait qu’elle fait clairement

ressortir une stigmatisation de la contradiction elle fait apparaitre des conditions

d’application s’approchant de l’estoppel mais ancrées dans les mécanismes français. En

effet, la Cour précise que « la rupture des pourparlers n'engage la responsabilité de son

auteur que si elle est fautive et qu'elle ne repose pas sur un motif légitime », mettant par

là même en avant les notions de responsabilité fautive, mais aussi de contradiction avec

l’illégitimité du motif de la rupture. En indiquant que « les frais exposés dans le cadre

des pourparlers contractuels ne peuvent, en cas de rupture de ceux-ci, constituer un

56 Cass. com., 22 avr. 1997, D. 1998,45, note P. Chauvel ; D. 1998, p.45, note P. Chauvel ; RTD

civ. 1997, p.651, obs. J. Mestre ; Cass. com., 26 nov. 2003, RDC 2004, p. 257, obs. D. Mazeaud ; RTD

civ. 2004, p.80, obs. J.Mestre et B. Fages. 57

« Comme une épée », v. B. Fauvarque-Cosson, « L'estoppel, concept étrange et pénétrant »,

RDC, 2006, p. 1291. 58

Cass. com. 26 nov. 2003, Bull. civ. IV, n° 186 ; R., p. 391 ; D. 2004, 869, note 59

Cass. com., 18 janv. 2011, n° 09-14.617.

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L’estoppel en droit des contrats

46

préjudice réparable que s'ils sont la conséquence de la faute commise par l'auteur de la

rupture », elle confirme la non prise en compte de la perte d’une chance et met surtout

en avant la causalité, indiquant également que la faute est une condition tandis que dans

certaines appréciations de l’estoppel, une simple représentation peut suffire.

§ II – Le délai de retrait de l’offre

64- Dans la phase précontractuelle de négociation, le comportement de l’offrant

pourra être constitutif d’une contradiction qui entrainera sa responsabilité. En effet, plus

subtil que pour la rupture brutale de pourparlers largement avancés, la logique du

raisonnement est proche et peut encore une fois être rapprochée du principe d’estoppel,

par cette stigmatisation de la contradiction préjudiciable.

La contradiction est ici moins évidente, mais pourtant réelle. En effet, il s’agit du retrait

d’une offre pendant le délai express ou raisonnable d’acceptation. Dans l’hypothèse de

la rupture brutale des pourparlers, la constitution du préjudice va aller jusqu’à se

confondre avec la contradiction. En effet c’est parce qu’une personne à incité une autre

à engager des dépenses et laissé les négociations s’étaler dans le temps, que la rupture

des négociations est contradictoire, et c’est aussi cet ensemble de faits qui va constituer

un préjudice.

65- Dans le cas du retrait d’une offre, la contradiction sera claire si un délai est

prévu expressément et que l’offrant ne le respecte pas. Dans le cas du non respect d’un

délai raisonnable, la contradiction semble découler du simple fait que l’offre implique à

elle seule qu’un cocontractant potentiel puisse attendre légitimement qu’elle soit

maintenue durant un délai raisonnable. La situation se rapproche également du

mécanisme de l’estoppel, bien que dans une approche française qui ne compense pas la

perte d’une chance, la constatation d’un préjudice en dehors de toute hypothèse de gain

manqué semble ici plus difficile.

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L’estoppel en droit des contrats

47

Section II – Durant l’exécution du contrat

66- Un arrêt ancien rendu le 13 avril 198860

témoigne du fait que la contradiction est

clairement stigmatisée dans la jurisprudence française depuis longtemps, sans pour

autant recourir à la théorie de l’estoppel. En indiquant que « le sous-traitant ne peut à la

fois se prévaloir du contrat de sous-traitance pour obtenir le paiement de ses travaux et

le rejeter pour échapper à ses obligations contractuelles », la Cour nous rappelle la très

ancienne formule issue de la doctrine anglaise, consistant à dire qu’on ne peut pas

« souffler le chaud et le froid »61

.

67- Un autre exemple parlant au niveau de l’exécution d’un contrat concerne une

décision rendue le 14 novembre 2001, par la 1re

chambre civile de la Cour de cassation.

Il s’agit d’un emprunteur qui a conclu un contrat de prêt avec une banque pour financer

l’achat d’un bien déterminé. Le contrat prévoyait que les fonds devaient être versés au

vendeur sur présentation d’un certificat de livraison signé par l’emprunteur. La Cour a

logiquement décidé que « l’emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à verser

les fonds au vendeur au vu de la signature par lui du certificat de livraison du bien, n'est

pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui avait pas été

livré ».

On retrouve ici une irrecevabilité venant sanctionner une contradiction. Le mécanisme

de l’estoppel se retrouve d’une certaine manière, même si dans ce cas il ne s’agit pas

d’une représentation entrainant une confiance légitime, mais plutôt d’une stricte

exigence de cohérence. Il s’agit de la sanction d’une contradiction au moment de la

procédure comme nous avons pu le voir en arbitrage. Même si la Cour constate cette

contradiction au moment de se prononcer sur un arrêt sanctionnant une inexécution

contractuelle, et non pas un arrêt se prononçant sur une exéquatur.

Il s’agit donc d’une réelle contradiction en lien avec l’exécution du contrat, même si en

l’occurrence le mécanisme du promissory estoppel par exemple, est hors de propos.

60 Cass.

civ. 3

ème, 13 avr. 1988, RTD civ. 1989, p. 743, obs. J. Mestre.

61 « Un homme ne doit pas être autorisé à souffler le chaud et le froid – à affirmer d’un coté et à

dénier d’un autre ». Cave v. Mills, 1862, Hurlstone & Norman, p. 913, spéc. p. 927.

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L’estoppel en droit des contrats

48

68- Dans le domaine des contrats de distribution, l’intervention du juge intéresse les

observateurs et la sanction de comportements contradictoires dans l’exécution d’un

contrat est régulière. C’est le cas du concédant qui abuse de son pouvoir de fixer

unilatéralement les conditions de vente que doivent appliquer les concessionnaires.

Dans un arrêt du 15 janvier 2002, la Cour de cassation vient clairement sanctionner un

comportement contradictoire dans l’exécution du contrat62

. En faisant appel à la notion

d’abus, la Cour sanctionne une société concédante qui impose des conditions de vente si

draconiennes qu’elles mettent en danger l’activité des concessionnaires en raison d’une

conjoncture extrêmement difficile, mais d’un autre coté procède à une distribution de

dividendes à ses actionnaires.

Encore une fois, cette situation ne renvoie pas vraiment au concept de l’estoppel by

representation, la notion de représentation est inexistante dans cette situation, même le

promissory estoppel tel qu’il a été développé par Lord Denning et tel que nous l’avons

vu est loin d’un tel comportement. Il s’agit ici de sanctionner une incohérence

comportementale, une contradiction se faisant effectivement au détriment d’autrui mais

difficile à rapprocher de la notion d’estoppel. Denis Mazeaud citant cet arrêt dans le

contexte d’un rapport français sur « la confiance légitime et l’estoppel », ne se risque

d’ailleurs à aucun parallèle avec l’estoppel et met en exergue une « incohérence

contractuelle devant être sanctionnée »63

, elle l’est en effet au titre d’un abus.

69- Un autre exemple de sanction d’une contradiction en droit français, celle-ci

encore plus proche de l’estoppel est la situation que l’on pourrait résumer par

« l’exécution d’un contrat annulable ». Une partie qui bénéficierait de la part de son

cocontractant de l’exécution de ses obligations et qui viendrait ensuite contester la

validité du contrat en invoquant la nullité de ce dernier pour une fraude, à laquelle elle

s’est logiquement prêtée serait irrecevable. Comme le souligne le Professeur Denis

Mazeaud, on peut spontanément déceler ici une « volonté de sanctionner l’indignité du

contractant qui conclut délibérément un contrat atteint d’une clause de nullité, obtient le

paiement de sa créance, puis en demande l’anéantissement pour ne pas payer ses dettes

62 Cass. com., 15 janv. 2002, D. 2002, p.1974, note Ph. Stoffel-Munck et p. 2841, obs. D.

Mazeaud ; Contrats, Conc., consomm. 2002, comm. n°94 ; JCP 2002, 10157, obs. Ch. Jamin ; RTD civ.

2002, p. 294, obs. J. Mestre et Ch. Jamin. 63

D. Mazeaud, « La confiance légitime et l’estoppel : rapport français » in B. Fauvarque-Cosson

(dir.), « La confiance légitime et l’estoppel », Société de législation comparée, 2007, p.256.

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L’estoppel en droit des contrats

49

contractuelles»64

. Cependant, de tels faits renvoient à un raisonnement que nous avons

largement développé antérieurement. Plus qu’une « indignité », on peut voir ici le

comportement contradictoire sanctionné en se rapprochant du raisonnement de

l’estoppel. En effet, par son exécution d’un contrat annulable, le contractant provoque

chez l’autre une confiance légitime (représentation), qui l’incite à agir à son détriment

(paiement d’une créance), et une contradiction dans la mesure où il soulève une

exception de nullité pour un contrat dont il a bénéficié auparavant.

Section III – A l’extinction du contrat

70- L’extinction du contrat est une étape de la relation contractuelle au niveau de

laquelle on peut également constater une sensibilité de la jurisprudence à la possibilité

d’une règle d’interdiction de se contredire au détriment d’autrui.

La première illustration est celle du distributeur, responsable d’un réseau, qui

subordonne l’entrée ou le maintien dans son réseau à la réalisation d’importants

investissements. En passant par la notion de rupture déloyale, constituée par un abus du

droit de résiliation unilatérale ou de non renouvellement du contrat, la Cour de cassation

sanctionne d’une certaine façon l’incohérence d’un concédant qui incite, voire oblige

son distributeur à réaliser des investissements pour finalement résilier le contrat65

. En

effet, le comportement du concédant fait naitre chez son cocontractant une confiance

légitime. Le distributeur croyant logiquement et légitimement en un maintien du contrat

au moment de réaliser les investissements, le fait de résilier constitue une contradiction

qui se fait au détriment d’autrui.

Il est possible de considérer que nous sommes ici en présence d’une sanction qui est la

conséquence d’une interdiction de se contredire au détriment d’autrui qui n’avoue pas

son nom.

64 D. Mazeaud, « La confiance légitime et l’estoppel : rapport français » in B. Fauvarque-Cosson

(dir.), « La confiance légitime et l’estoppel », Société de législation comparée, 2007, p.259. 65

Cass. com., 20 janv. 1998, D. 1998, p. 413, note Ch. Jamin ; Contrats, conc., consomm. 1998,

comm. n° 56, obs L. Leveneur ; D. 1999, p. 114, obs. D. Mazeaud ; JCP 1999, II, 10085, obs. J.-P.

Chazal ; RTD civ. 1998, p.675, obs. J. Mestre.

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L’estoppel en droit des contrats

50

71- Dans une logique semblable à celle que nous venons d’évoquer, le

comportement contradictoire d’un concédant peut également engager sa responsabilité

si celui-ci exige du concessionnaire qu’il mette tout en œuvre pour rétablir une situation

commerciale défaillante. Si le concédant présente un calendrier pour mettre en œuvre un

plan d’action destiné à améliorer la situation, son comportement sera considéré comme

contradictoire s’il met fin au contrat alors même que le calendrier a été respecté.

Cette contradiction sanctionnée également par le biais du constat d’un abus, se

rapproche tout autant d’une logique d’estoppel. En effet le concessionnaire peut

légitimement croire que ce calendrier lui permettra de poursuivre l’exécution du contrat

s’il le respecte. Il agira alors à son détriment en engageant des dépenses qui ne lui

permettront finalement pas de poursuivre la relation contractuelle sur laquelle repose

son activité66

.

Ce type de situation analysée comme un abus du concédant dans l’exercice de

son droit de résiliation a pour effet de sanctionner ce dernier, pour avoir eu un

comportement contradictoire dans sa prise d’initiative pour l’extinction du contrat.

Bien entendu de manière encore plus claire, la solution sera similaire lorsqu’un

concédant mettra fin au contrat alors qu’il est resté silencieux face au concessionnaire

qui souhaitait être éclairé sur le maintien de son contrat.

66 Cass. com., 9 janv. 2001, inédit.

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L’estoppel en droit des contrats

51

72- Si l’estoppel n’existe pas en tant que principe applicable à l’ensemble du droit

des contrats aux yeux du droit français, comme on peut l’observer dans d’autres droits

nationaux avec des doctrines de l’estoppel très développées, l’interdiction de se

contredire au détriment d’autrui n’est pas totalement inexistante dans notre droit

national des contrats. Tout d’abord parce que des notions que l’on ne retrouve pas dans

les textes et rarement dans les décisions influencent immanquablement notre droit des

contrats. Ces notions telles que la loyauté, la confiance légitime ou la cohérence

contractuelle en font partie et elles sont étroitement liées, sinon à l’estoppel à

l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui.

73- On retrouve dans la jurisprudence française un certain nombre de décisions qui

sans jamais faire référence à l’estoppel ni à une interdiction de se contredire au

détriment d’autrui vont sanctionner une contradiction. Si ce que l’on sanctionne semble

être autre chose, comme un abus, on peut avoir une lecture différente de la décision et

considérer que l’abus consiste non pas en un excès mais en une contradiction et que

c’est elle qui justifie la sanction.

Conclusion du Titre II

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L’estoppel en droit des contrats

52

Conclusion de la 1ère

partie

74- Le développement de la doctrine dans le droit comparé permet de mieux

comprendre certains mécanismes, qui possèdent parfois une influence étrangère difficile

à percevoir.

Le principe d’estoppel qui s’est épanoui en Angleterre, puis en Australie et aux Etats-

Unis, ainsi que dans le droit international privé, est allé jusqu’à exercer son influence

sur le droit français, un système civiliste que l’on oppose traditionnellement à la

Common Law. A travers l’influence du droit du commerce international et de l’arbitrage

international, dont l’appréhension du principe d’estoppel s’est forgée dans le droit

anglais, l’estoppel est apparu en France en 2005 quand la Cour de cassation a appliqué

pour la première fois de manière expresse « la règle de l’estoppel ».

L’accueil de ce principe est le fruit d’un mouvement amorcé depuis longtemps par les

juges du fond, notamment dans le domaine de l’arbitrage international. L’utilisation de

cette règle par la Cour de cassation ne constitue donc pas une révolution, elle ne fait que

suivre ce mouvement dans un cadre qui s’y prête. Le décret du 14 janvier 2011 venant

réformer le droit français de l’arbitrage consacre d’ailleurs la règle telle qu’elle est

appréhendée dans l’arret Golshani.

75- L’estoppel a donc aujourd’hui une réelle place dans le droit positif français.

Pourtant l’étude du mécanisme tel qu’il est appliqué dans les autres systèmes nous

démontre que cette place est assez limitée. Tout d’abord l’étendue du principe inspirée

de ce qui se fait dans les pays de Common Law est impossible si l’on tient compte des

particularités du droit français des contrats. Par ailleurs, les différences entre ces mêmes

pays peuvent susciter l’interrogation et conduire à se demander ce que le principe a

vocation à devenir dans notre droit des contrats. D’autant plus que l’étude de la

jurisprudence nous conduit à observer une réelle tendance à sanctionner la contradiction

au détriment d’autrui tout au long de la relation contractuelle. Sans recourir à l’estoppel

et à travers des mécanismes divers, on constate que la Cour de cassation rend des

décisions pouvant être interprétées en ce sens.

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L’estoppel en droit des contrats

53

2ème

partie - L’estoppel en droit privé français des

contrats, entre technique et politique juridique

76- Le simple fait d’associer l’estoppel et tout ce que ce mot implique au droit

français des contrats suppose que l’on s’interroge sur plusieurs problématiques. Après

avoir abordé la question de ses origines et fait le constat de son glissement, réel mais

inabouti, vers notre droit positif, on peut l’étudier de manière plus opportuniste et dans

le but de dégager les perspectives d’une intégration plus probante. En effet, la première

question que l’on se pose spontanément est de savoir s’il est opportun d’accueillir

l’estoppel en droit français et c’est à travers cette question que l’on devra se pencher sur

la technique juridique et sur les enjeux politiques.

Le principe d’estoppel n’est pas totalement ignoré du droit français des contrats, et

certaines règles développées par la jurisprudence entretiennent des liens étroits avec ce

mécanisme. Ainsi, pour envisager l’estoppel dans le droit français des contrats, il faut

analyser les relations qu’il entretient avec lui et les opportunités de développement que

lui offre notre droit positif. Cette analyse permettra de voir les apports potentiels de

l’estoppel dans notre ordonnancement juridique, ce qui nous permettra de nous

interroger ensuite sur l’opportunité de créer un terrain propice à son développement à

travers une réforme du droit des contrats.

Nous verrons donc les imbrications techniques qui existent entre les concepts

fondateurs du droit contractuel français et le principe d’estoppel (Titre I), et les limites

de ces relations permettront d’envisager l’opportunité d’une évolution de ce droit

incorporant le principe d’estoppel et remettant ainsi en cause un modèle contractuel

« dépassé » (Titre II).

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L’estoppel en droit des contrats

54

Titre I – Les imbrications techniques entre le principe

d’estoppel et les concepts fondateurs du droit contractuel

français

77- Le droit français des contrats est reconnu par la majorité de la doctrine et des

praticiens comme complexe et difficilement lisible. Ainsi, le fait que l’on constate une

tendance de la jurisprudence à sanctionner à travers lui l’interdiction de se contredire au

détriment d’autrui, conduit à s’interroger sur les liens que ce droit entretient avec un

mécanisme tel que l’estoppel.

La jurisprudence française est volontiers reconnue aujourd’hui comme créatrice de droit

en matière contractuelle, notamment parce qu’elle intervient dans des situations

relatives aux contrats d’affaire modernes, qui étaient inexistants, lorsque le code civil a

été conçu. Bien qu’il ne soit plus aujourd’hui le seul support légal en matière

contractuelle, la création prétorienne est toujours en lien avec ses dispositions. Ainsi,

l’idée d’un accueil de l’estoppel étendu au droit des contrats peut se faire dans une

perspective jurisprudentielle en observant les dispositions légales et les règles qui ont

été révélées par les juges en vertu de ces dispositions.

On peut observer des similitudes entre l’estoppel et l’application de certaines

notions du droit français des contrats. Celles-ci font resurgir des possibilités

d’admission du principe d’estoppel à travers les concepts connus de notre droit des

contrats (Chapitre I). L’ensemble de ces observations conduit naturellement à mettre en

lumière les limites d’un potentiel épanouissement du principe d’estoppel dans le

contexte légal et jurisprudentiel actuel. L’estoppel est donc en quête d’identité

conceptuelle au sein du droit français des contrats (Chapitre II).

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L’estoppel en droit des contrats

55

Chapitre I - Les possibilités d’admission du principe d’estoppel

à travers les concepts connus du droit des contrats

78- Le droit positif n’ignore pas la sanction de la contradiction se faisant au

détriment d’autrui. Nous l’avons vu, indirectement, voire implicitement, de telles

sanctions existent. Une telle affirmation peut apparaitre comme un euphémisme aux

yeux du Professeur Dimitri Houtcieff qui considère comme nous l’avons souligné, que

« tout corps de règle porte en lui la matrice d’une interdiction de se contredire au

détriment d’autrui »67

.

Aussi, il ne s’agira pas de voir à ce stade de notre étude si une interdiction de se

contredire au détriment d’autrui existe dans le droit français, mais si les mécanismes

existants et appliqués permettent d’obtenir le même résultat que l’estoppel dans les pays

de Common Law.

Nous avons vu que l’estoppel tel qu’il existe et s’épanouit dans plusieurs ordres

juridiques ne peut être importé en France68

. Aussi il est intéressant de voir s’il est

opportun de l’importer, et si finalement, il a une raison d’être et permet de sanctionner

des comportements que le droit français sanctionne « mal » ou ne sanctionne pas. En

réalité on peut se demander si la complexité reconnue du Code civil français et de son

application ne justifie pas que l’estoppel vienne combler un « vide juridique », ou si

finalement un principe d’estoppel élargi dans le droit français des contrats ne ferait pas

double emploi avec les mécanismes existants.

Parmi les mécanismes évoqués qui permettent en France de sanctionner la contradiction

au détriment d’autrui, on peut distinguer la bonne foi, qui constitue un fondement

incomplet (section I), des autres mécanismes qui permettent également de dégager des

fondements potentiels (section II).

67 D. Houtcieff, « L’estoppel, cet obscur objet du désir », in « Essai de maïeutique juridique : la

mise au jour du principe de cohérence », La Semaine Juridique Edition Générale n° 47, 16 Novembre

2009, 463. 68

Cf. infra, n° 45 et s.

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L’estoppel en droit des contrats

56

Section I – La bonne foi : un fondement incomplet

79- Le rapprochement entre la théorie de l’estoppel et celle de la bonne foi a été

souvent abordé, majoritairement contesté, et il ne s’agit pas ici de voir quelles sont les

différences fondamentales entre ces deux notions, mais d’analyser l’intérêt que pourrait

avoir un principe d’estoppel large appliqué en France alors même que le principe de

bonne foi est reconnu, et consacré par le Code civil. Il est intéressant de voir dans quelle

mesure l’estoppel peut avoir une raison d’être au regard de l’application du principe de

bonne foi observable dans notre droit positif.

Pour se prononcer sur cette légitimité, il faut distinguer les estoppels offensif et

défensif, distinction largement influencée par la prise en compte de la bonne foi (§ I), ce

qui permettra de voir ensuite en quoi l’estoppel quelque soit la forme sous laquelle il est

adopté, ne peut être appliqué uniquement à travers le principe de bonne foi tel qu’il est

appréhendé par le code civil (§ II).

§ I – La bonne foi confrontée à la distinction entre estoppels offensif et

défensif

80- La distinction entre l’estoppel dit offensif et l’estoppel défensif semble devoir se

faire à la lumière des doctrines anglaise d’une part, puis américaine et surtout

australienne d’autre part. En effet, aucun principe de bonne foi n’est reconnu comme

applicable au droit des contrats en Angleterre. En droit anglais l’estoppel vient

« suppléer, lorsque cela est nécessaire, l’absence de droit à agir, pour défaut de

consideration »69

, il ne peut donc être un moyen d’action, car cet aspect offensif

ruinerait la doctrine de la consideration de toute sa logique. En droit australien, au

contraire, la théorie de l’estoppel peut constituer un moyen permettant d’agir de manière

offensive. Cela se justifierait par une prise en considération de la mauvaise foi d’une

partie contractante.

69 Ph. Pinsolle, « Distinction entre le principe de l’estoppel et le principe de bonne foi dans le

droit du commerce international », JDI Clunet, 1998, p. 913.

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L’estoppel en droit des contrats

57

Concrètement, il s’agit plus de savoir si l’on cherche à protéger la bonne foi d’une partie

ayant agi à son détriment ou sanctionner la mauvaise foi d’un contractant peu

scrupuleux. Dans la mesure où l’on se contentera avec l’application anglaise du principe

d’estoppel de protéger la bonne foi, il suffira d’empêcher celui qui a créé la confiance

légitime par son comportement contradictoire, actif ou passif, de se prévaloir de cette

contradiction. Jamais les juges anglais ne vont rechercher les motifs qui ont poussé

l’auteur de la contradiction à agir, une simple causalité entre la déclaration ou la

représentation, et un changement de comportement préjudiciable, suffira pour constater

que celui qui se contredit est estopped.

L’estoppel dans son application anglaise, comme mécanisme défensif, est donc

totalement étranger au droit français, tandis que l’estoppel dans son aspect offensif tel

qu’il est appliqué en Australie et faisant référence à la bonne foi se rapproche de la

logique du principe de bonne foi contractuelle que l’on retrouve à l’art. 1134 al. 3 du

code civil.

81- La doctrine de l’estoppel sous certains aspects semble donc se rapprocher du

principe de bonne foi contractuelle, et non procédurale où nous l’avons vu, l’estoppel tel

qu’il a été introduit pour la première fois avec l’arrêt Golshani a une raison d’être

indépendante. Pourtant, nous allons voir que dans le champ d’application, des nuances

existent, si bien que même une version envisageable d’estoppel français, différente de

toutes les doctrines que nous avons vues, ne semble pouvoir être appliquée sur le

fondement de la bonne foi contractuelle et ne peut être considérée comme faisant double

emploi avec cette dernière.

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L’estoppel en droit des contrats

58

§ II – Un fondement inapte au regard de sa fixité en droit contractuel

français

82- Le principal élément de distinction entre la bonne foi contractuelle et l’estoppel,

même offensif, semble être que la bonne foi de notre code civil repose sur un modèle où

le consentement est donné sur des termes précis (I), alors que l’estoppel protège la

confiance des parties qui peut évoluer tout au long de la relation dans un contrat à

exécution successive (II).

I) La bonne foi du code civil comme protection des parties dans une

situation « figée » dés sa formation

83- La question d’une réforme, du droit des contrats, et à travers elle, celle de

l’insertion de notions telles que la confiance à laquelle renvoie l’estoppel, tend à

démontrer que le code civil tel qu’il règlemente le droit des contrats, avec une

application complexe, ne permet pas de les appliquer en l’état. Si nous l’envisagerons à

travers l’ensemble des mécanismes existant, la bonne foi semble devoir faire l’objet

d’un développement séparé.

Dans un colloque dirigé par le Professeur Bénédicte Fauvarque-Cosson, intitulé

L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, cette dernière considère que

« l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui pourrait être un sous-principe du

principe de bonne foi ». Cette affirmation est nuancée lorsqu’elle indique justement à ce

propos en note de bas de page qu’« il faudrait peut-être plutôt dire principe de bonne foi

ou sanction de l’abus de droit, parce qu’en l’état de la jurisprudence actuelle il y a peut-

être quelque peine à les distinguer, la Cour de cassation visant parfois concomitamment

les deux fondements »70

.

70 M. Behar-Touchais (dir.), L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, Economica,

2001, p.95.

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L’estoppel en droit des contrats

59

84- L’estoppel, contrairement à la seule exigence de bonne foi, pourrait être en ce

qu’il consacrerait la protection de la confiance, un principe de régulation du

comportement des contractants71

.

Tout d’abord, la faute précontractuelle qui consiste à développer des pourparlers longs

et couteux pour ne pas aboutir à la conclusion du contrat, serait appréciée en fonction de

la confiance légitime observée à la lumière du comportement de l’autre personne en

négociation, et sanctionnée au titre de l’estoppel.

Au stade de l’exécution du contrat, sa force obligatoire ne serait pas issue de la parole

donnée, mais de la confiance en l’exécution du contrat qui a été suscitée. Ainsi, la bonne

foi qui vient « moraliser » l’exécution d’un contrat fondé sur la volonté de s’obliger, se

différencie de l’estoppel qui vient protéger cette confiance.

La logique de la bonne foi issue de l’art. 1134 du code civil repose sur le fait que

les parties s’engagent à exécuter un contrat dont le contenu est précis et figé.

L’évolution de leur relation, ne change en rien l’accord sur lequel est basé ce contrat.

Ainsi, l’exigence de bonne foi permet de nuancer le fait que les parties soient liées par

une convention qui avait vocation à évoluer. Au-delà de l’imprévision, la relation

contractuelle au sens strict voire intime du terme, peut évoluer en fonction de l’entente

entre les parties, pour autant, les termes du contrat et l’engagement restent figés.

L’exigence vient donc assurer une loyauté voire une coopération dans la relation

contractuelle fondée sur l’engagement tandis que l’estoppel protège la confiance donnée

au-delà des stipulations contractuelles. Le fait de rechercher l’intention des parties serait

suppléé par des considérations de fait.

71 V. à ce propos V. Edel, « Faut-il introduire un principe de confiance dans le Livre III du titre

III du code civil ? » in V.-L. Bénabou et M. Chagny (dir), « La confiance en droit privé des contrats »,

colloque du 22 juin 2007 organisé par l’Université de droit et de science politique de Versailles-Saint-

Quentin-en-Yvelines, Dalloz, 2008, p. 141 et V. Edel, La confiance en droit des contrats, Thèse

Montpellier, 2005.

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L’estoppel en droit des contrats

60

II) L’estoppel comme instrument de protection des parties dans une

relation contractuelle « évolutive »

85- L’estoppel se différencie vraisemblablement de la bonne foi du code civil telle

qu’elle est appréciée car il répond à une logique différente. En effet, il permet de

protéger la confiance d’une partie, suscitée par l’évolution de la relation contractuelle et

donc des comportements, sans pour autant que soit constatée la mauvaise foi d’une

partie qui revendique des stipulations contractuelles « obsolètes ».

On peut également imaginer que l’estoppel en France qui viendrait protéger une

confiance légitime, puisse être invoqué pour ce qui concerne une contradiction entre la

représentation sur les suites de la rupture et le comportement d’une partie, alors que la

bonne foi de l’article 1134 du code civil ne concerne que les obligations relatives à

l’exécution du contrat. En effet la 3e chambre civile de la Cour de cassation a précisé sur

ce point que « l’exigence de bonne foi n’a plus lieu d’être lorsque la relation

contractuelle a cessé ». Cependant, cette affirmation peu être nuancée, car il est reconnu

que l’exigence de bonne foi se manifeste également à la formation du contrat72

.

86- C’est surtout parce que la logique de l’estoppel ne renvoie pas à l’exécution

loyale d’un engagement basé sur le consentement, mais sur une loyauté dans l’exécution

d’un contrat reposant sur l’échange (consideration), que la bonne foi contractuelle

française et l’estoppel sont différents. C’est en cela qu’une application de l’estoppel qui

se ferait à travers l’exigence de bonne foi du Code civil n’est pas juste, la logique n’est

pas la même car le modèle contractuel sur lequel repose l’exigence de bonne foi est

différent.

Ainsi, même si l’on s’en tient à l’unique fonction de protection dans l’exécution d’un

contrat, -et non procédurale, relative à la revendication d’une clause compromissoire,

par exemple- la logique entre les deux mécanismes est trop différente pour que l’on

puisse considérer, à notre sens, que dans ce domaine l’estoppel viendrait remplir une

fonction déjà épousée par l’exigence de bonne foi.

72 V. sur ce point, E. Savaux, « solidarisme contractuel et formation du contrat », in Le

solidarisme contractuel – mythe ou réalité?, dir. L. Grynbaum et M. Nicod, Economica, 2004, p. 43 et s

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L’estoppel en droit des contrats

61

87- Plus encore, alors que Laura Weiller indique que « le concept de confiance73

ferait double emploi avec d’autres notions mieux éprouvées du droit français, comme la

bonne foi ou loyauté en particulier, mais aussi l’apparence, la croyance légitime ou

l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui qui peuvent leur être rattachées »74

,

nous allons voir que l’articulation entre les notions que l’on retrouve dans le code civil

ne permet pas d’exclure qu’une introduction de l’estoppel soit opportune, en ce qu’elle

insérerait un mécanisme différent, qui défendrait une vision du contrat renouvelée.

Finalement, malgré les distinctions soulignées entre bonne foi du code civil et

estoppel, nous verrons que l’hypothèse d’un développement de l’estoppel sur le

fondement de la bonne foi n’est pas à exclure puisque cette notion est propice à

l’interprétation et susceptible d’être développée. Pour reprendre un arrêt déjà cité, rendu

par la Cour de cassation le 8 mars 2005, un devoir de cohérence à tout de même été

exprimé sur le fondement de l’exigence de loyauté issue du 3ème

alinéa de l’article 1134

du code civil75

.

Section II – La combinaison des notions françaises du droit des

contrat : des fondements potentiels

88- Alors que nous avons vu qu’estoppel et protection de la confiance légitime ne

pouvaient se confondre pleinement avec l’exigence de bonne foi malgré des liens

étroits, nous allons voir comment se manifestent les analogies que l’on peut observer

entre l’estoppel et l’ensemble des notions du droit français des contrats à travers des

situations de contradiction traitées par la Cour de cassation. Il nous semble que

contrairement à l’exigence de bonne foi, des notions telles que la fraude ou l’abus par

exemple ne doivent pas être envisagées comme se rapprochant du fonctionnement de

73 Que nous considèrerons ici en ce qu’il est protégé par le mécanisme d’estoppel.

74 L. Weiller, « Faut-il introduire un principe de confiance dans le Livre III du titre III du code

civil ? » in V.-L. Bénabou et M. Chagny (dir), « La confiance en droit privé des contrats », colloque du 22

juin 2007 organisé par l’Université de droit et de science politique de Versailles-Saint-Quentin-en-

Yvelines, Dalloz, 2008, p. 143. 75

Cass. com., 8 mars 2005, D. 2005, p. 2843, obs. B. Fauvarque-Cosson ; RDC 2005, p. 1015,

obs. D. Mazeaud ; Rev. Lamy, Droit civil, juil./août, 2005 p.5, note D. Houtcieff ; RTD civ. 2005, p. 391,

obs. J. Mestre et B. Fages.

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L’estoppel en droit des contrats

62

l’estoppel mais plutôt dans le cadre de la question du fondement de l’estoppel dans un

droit civiliste, à savoir le droit français.

Aussi il nous a semblé opportun d’envisager la sanction de la contradiction à

travers les concepts de faute lourde et d’obligation essentielle (§ I), puis à travers la

cause conjuguée à l’obligation essentielle (§ II).

§ I – La faute lourde et l’obligation essentielle : sanction de la contradiction

inhérente à la substance du contrat

89- La Cour de cassation dégage à travers ces notions de faute lourde et d’obligation

essentielle une idée simple. Elle l’a fait en se prononçant sur le cas d’une clause

limitative de responsabilité. Dès lors qu’une inexécution contractuelle porte sur une

obligation essentielle76

, fondamentale77

ou substantielle78

du contrat, la clause est

considérée comme inefficace. La faute lourde qui résulterait d’une inexécution et

entrainerait une inefficacité de la clause peut être considérée comme sanctionnant une

contradiction entre la démarche même du contrat et cette clause, contradiction qui se fait

au détriment d’un cocontractant dont la confiance a été trompée. Plus qu’un

comportement contradictoire ici, c’est les termes de la convention qui sont en

contradiction avec le but présumé d’un contrat. Ainsi, il semble y avoir une volonté de

protéger la partie qui a pu croire que le contrat générerait un type d’engagement qui n’a

pas été respecté.

On peut donc imaginer ce type de situation sanctionnée par un estoppel défensif,

qui empêcherait simplement une partie de se prévaloir d’une clause limitant sa

responsabilité pour inexécution alors même qu’elle a laissé croire à son partenaire que

cette exécution était de l’essence même du contrat.

76 V. Cass. civ. 1

ère, 18 janv. 1984, RTD civ., 1984, 727, obs. J. Huet.

77 V. Cass. civ. 1

ère, 15 mars 1988, RTD civ. 1990, 666, obs. P. Jourdain.

78 V. Cass. com., 9 mai 1990, RTD civ. 1990, 667, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 1

ère, 2 déc. 1997,

D. 1998, 200, obs. D. Mazeaud ; JCP 1998, I, 144, obs. G. Viney.

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L’estoppel en droit des contrats

63

§ II – La cause et l’obligation essentielle : une protection de la confiance

légitime

90- Le célèbre arrêt « Chronopost »79

doit également être évoqué dans le cadre du

présent développement. Il concerne une clause limitative de réparation stipulée dans un

contrat de transport rapide conclu entre la société Chronopost et un de ses clients. Cette

clause a été réputée non écrite par la chambre commerciale de la Cour de cassation au

nom de la cause. La stipulation indiquait qu’en cas de retard dans la livraison du

courrier l’indemnisation serait limitée au montant du prix versé lors de la conclusion du

contrat, et ce sans prendre en compte le montant du préjudice subi en raison du retard.

La décision a pour effet de priver la société Chronopost du droit de se prévaloir de sa

propre contradiction. En effet, grâce à la théorie de la cause, la Cour met en avant le fait

que ce qui détermine le choix de contracter du client est justement la fiabilité quant à un

délai de livraison intéressant. Il y a donc une contradiction entre le discours de la société

et les termes du contrat, contradiction qui se fait au détriment du client dont la confiance

légitime a été trahie.

La théorie de la cause en droit français peut donc également être rapprochée de

l’estoppel.

S’il n’y a pas de comportement contradictoire, à proprement parler, la théorie de la

cause se rapproche tout de même de celle de l’estoppel dans la mesure où il y a une

representation dans la promesse faite au client d’un service fiable et rapide, laquelle

génère une confiance légitime qui doit être protégée.

La mise en parallèle de la théorie de la cause et celle de l’estoppel est très intéressante

dans la mesure où la cause est un élément qui se rapproche de la logique contractuelle

de Common Law et de la consideration.

91- Concernant l’économie générale du contrat, l’idée reste la même puisque par

une référence à cette notion, la Cour de cassation sanctionne une incohérence dans la

79 Cass. com., 22 oct. 1996, Contrats, conc., consommé. 1997, comm.. n° 24, obs. L. Leveneur ;

D. 1997, p.121, note A. Sériaux et p. 175, obs. P. Delebecque ; Defrénois 1997, p. 333, obs. D. Mazeaud ;

JCP 1997, I, 4002, obs. M. Fabre-Magnan et 40025, obs. G. Viney et II, 22881, obs. D. Cohen ; RTD civ.

1997, p. 418, obs. J. Mestre.

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L’estoppel en droit des contrats

64

composition du contrat, qui finalement, le vide de sens. Sans se décharger de son

obligation principale, essentielle ou encore substantielle, l’une des parties insère une

clause qui est en contradiction avec l’objectif même du contrat, son économie générale.

Un parfait exemple est l’arrêt rendu 15 février 2000 par la Chambre commerciale de la

Cour de cassation80

. Dans un contrat de crédit-bail conclu en vue de financer un contrat

de prestation d’images, une clause de divisibilité précisait que l’éventuel anéantissement

du contrat financé n’affectait pas l’efficacité du contrat de financement. La

contradiction parait ici évidente. La légitimité d’une confiance trompée peut par contre

être remise en cause, dans la perspective d’une analogie avec l’estoppel.

Chapitre II - Les limites de l’épanouissement d’un principe

d’estoppel dans le cadre actuel du droit français des contrats :

l’estoppel, un mécanisme en quête d’identité conceptuelle

92- Après avoir souligné que l’estoppel se différenciait non seulement des

mécanismes connus du droit des contrats dans sa logique mais aussi dans son étendue,

la question d’un estoppel face au droit des contrats suscite plusieurs réflexions. Tout

d’abord se pose la question de son fondement en droit français. L’hypothèse d’une

réforme du droit des contrats qui inclurait un principe d’estoppel doit être envisagée et

elle fera l’objet d’un développement ultérieur. Cependant, nous avons constaté que dans

de nombreuses décisions fondées sur des dispositions existantes du droit des contrats,

on pouvait relever des analogies avec le principe d’estoppel, sans pour autant considérer

que le but poursuivi par celui-ci soit réellement atteint. Alors la question d’une véritable

application du principe avec des nuances inspirées d’ordres juridiques étrangers au notre

peut se poser. Certains concepts considérés comme « malléables », tels que la bonne foi

bien entendu, laissent une ouverture à une incorporation de l’estoppel par la

jurisprudence.

80 Cass. com., 15 févr. 2000, D. 2000, p.365, obs. Ph. Delebecque ; RTD civ. 2000, p. 325, obs.

J. Mestre et B. Fages ; Defrénois 2000, p. 1118, obs. D. Mazeaud.

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L’estoppel en droit des contrats

65

Si l’on envisage un accueil du principe d’estoppel par l’élargissement de

l’interprétation de certaines dispositions légales, se pose le problème du choix de ces

dispositions. La question du fondement est alors complexe puisqu’un fondement unique

pour l’application du principe est inenvisageable.

Nous verrons donc comment se manifeste l’absence d’uniformité face à l’exigence

française d’un fondement (Section I), et en quoi cela donnerait naissance à une absence

d’uniformité dans le régime (Section II).

Section I – L’absence d’uniformité face à l’exigence française

de fondement

93- Le fait de vouloir appliquer le principe d’estoppel dans notre droit des contrats

se heurte à cette exigence de fondement. Un principe d’estoppel ne peut en l’état actuel

du droit s’appliquer à la relation contractuelle, de la négociation jusqu’à l’extinction et

au contentieux, ainsi qu’à la contradiction issue de la composition du contrat, à travers

un unique fondement. Dans les pays de Common Law plusieurs types d’estoppel

s’appliquent, celui-ci va même au-delà de la relation contractuelle avec le proprietary

estoppel, mais le problème du fondement ne se pose pas comme en France.

Les dispositions françaises ne s’opposant pas fondamentalement à une

interprétation qui permettrait d’appliquer un principe d’estoppel français, il va falloir

distinguer la pluralité de fondements pour la contradiction comportementale ou volte-

face (§ I), du fondement susceptible de sanctionner la contradiction des stipulations (§

II).

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L’estoppel en droit des contrats

66

§ I – La pluralité de fondements en cas de contradiction comportementale

ou volte-face

94- Bien que le système français ouvre la possibilité d’accueillir une interdiction de

se contredire au détriment d’autrui dans l’ensemble de son droit des contrats, la façon de

penser le contrat par le droit français ne permet de recourir à un fondement qui à lui tout

seul ouvrirait la voie de cet accueil à la jurisprudence.

C’est pour cette raison que nous envisagerons les fondements d’une interdiction de se

contredire au détriment d’autrui potentiellement plus expresse, au niveau précontractuel

(I), puis au niveau de l’exécution du contrat (II) et enfin au stade de son extinction (III).

I) La responsabilité délictuelle au service de la sanction des

contradictions précontractuelles

95- Lorsqu’une partie fait volte-face au stade de la négociation d’un contrat, il sera

généralement assez aisé d’établir l’existence d’une contradiction se faisant au détriment

d’autrui. Comme nous avons pu le souligner précédemment, lorsque deux parties sont

arrivées à un stade avancé de négociation, il est contradictoire d’y mettre fin sans qu’un

évènement ou une série d’évènement ne viennent légitimer cette rupture. Par ailleurs, la

situation aura pour de nombreux contrats condui l’une des parties potentielles à agir à

son détriment, en engageant un certain nombre de dépenses en temps et en argent pour

préparer la conclusion d’un contrat qui n’aboutira pas.

Le code civil permet de sanctionner une telle rupture en obligeant celui qui met fin aux

pourparlers « sans motif illégitime », à réparer le préjudice causé. Il s’agit de

l’engagement de sa responsabilité précontractuelle, donc délictuelle. Cette

responsabilité est une responsabilité pour faute, cette faute sera appréciée en fonction de

l’illégitimité des motifs de la rupture. Bien que la Cour de cassation sanctionne une

contradiction au détriment d’autrui, son raisonnement s’accorde mal avec la logique de

l’estoppel.

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L’estoppel en droit des contrats

67

96- Un raisonnement plus proche consisterait à engager la responsabilité délictuelle

de l’auteur de la contradiction, non pas en appréciant la faute en fonction des motifs de

la rupture, mais en fonction de la représentation faite.

La principale difficulté qui sépare le raisonnement de la Cour de cassation fondé sur

cette responsabilité et celui d’une juridiction qui appliquerait l’estoppel réside dans cette

appréciation de la légitimité de la rupture. Cependant la qualification de faute relève du

contrôle de la Cour de cassation comme le précise l’arrêt de la 2ème

chambre civile du 16

juillet 195381

. L’article 1383 indiquant que chacun est responsable du dommage qu’il a

causé « par sa négligence », permet de considérer que le simple fait de laisser croire à

une personne avec qui on négocie que le contrat sera conclu en l’incitant à engager des

dépenses engage la responsabilité. Ce type d’estoppel que l’on fonderait sur une faute

au niveau précontractuel n’est pas en contradiction avec la logique de l’estoppel. En

effet il s’agirait ici d’un estoppel offensif, à l’image de l’estoppel auquel on peut avoir

recours en Australie. Or, si le fait de prendre en compte le comportement de l’auteur de

la représentation n’est pas en accord avec le mécanisme d’estoppel anglais, il l’est tout à

fait avec l’estoppel utilisé as a shield en Australie.

Il ne s’agit pas ici de protéger la confiance en empêchant une partie de se prévaloir de sa

propre contradiction, sans même accorder d’intérêt à son comportement fautif ou

négligent.

Ainsi, au stade précontractuel, la sanction de la contradiction peut semble-t-il se faire

par l’engagement d’une responsabilité délictuelle, qui correspond à la logique de

l’estoppel offensif observé notamment en Australie.

81 Cass. civ. 2

e, 16 juill. 1953, JCP 1953, II, 7792, note R. Rodière.

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L’estoppel en droit des contrats

68

II) La pertinence de la bonne foi comme fondement de la sanction des

contradictions dans l’exécution du contrat

97- La distinction entre estoppel et bonne foi dans le droit du commerce

international n’est plus à démontrer82

, tout comme la nuance abordée précédemment

dans la logique même des deux concepts. Egalement, la différence entre l’application

actuelle de l’exigence de bonne foi dans l’exécution des contrats et ce que pourrait être

l’estoppel en droit français des contrats nous apparait, et nous l’avons développé,

comme incontestable.

98- Cependant, cela ne permet pas à notre sens d’en conclure que l’exigence de

bonne foi de l’article 1134 alinéa 3 du code civil, ayant généré un devoir de loyauté,

puis de cohérence, ne permette pas à la jurisprudence de faire application d’un principe

d’estoppel au niveau de l’exécution du contrat. Une application qui nous allons le voir

serait tout de même limitée à une « version » singulière d’estoppel.

En effet, l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui stigmatise la seule

contradiction de façon objective pour protéger la confiance légitime de celui qui a agit à

son détriment. Le droit anglais qui a développé la doctrine de l’estoppel tout en ignorant

la bonne foi en est une bonne illustration. Pour autant, cette distinction nous semble très

théorique et ne permet pas d’exclure qu’une interdiction de se contredire ou d’adopter

un comportement contradictoire dans l’exécution du contrat ne puisse être consacrée à

la lumière de la bonne foi. Il est difficile d’imaginer une situation où une personne

adopte un comportement tout à fait contradictoire, opère un changement de

comportement imprévisible causant un préjudice à une personne n’ayant pu

légitimement l’anticiper, en étant loyale et de bonne foi83

. C’est pourquoi le devoir de

cohérence déjà révélé par la jurisprudence à travers l’exigence de bonne foi nous semble

en accord avec cette idée selon laquelle l’interdiction de se contredire au détriment

d’autrui et même l’estoppel sont empreints de bonne foi.

82 Ph. Pinsolle, « Distinction entre le principe de l’estoppel et le principe de bonne foi dans le

droit du commerce international », JDI Clunet, 1998, p. 905 et s. 83

V. à ce propos D. Mazeaud, « La confiance légitime et l’estoppel : rapport français » in B.

Fauvarque-Cosson (dir.), « La confiance légitime et l’estoppel », Société de législation comparée, 2007,

p. 267.

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L’estoppel en droit des contrats

69

L’indifférence quant à la bonne ou mauvaise foi de l’auteur de la contradiction

présenterait tout de même un intérêt d’ordre probatoire, pour la partie lésée.

III) L’abus de droit comme fondement de la sanction des contradictions

se manifestant à l’exécution du contrat

99- La jurisprudence se réfère souvent à la notion d’abus pour le cas par exemple du

contrat de concession, lorsque le concédant rompt le contrat après avoir incité le

concessionnaire à engager des dépenses pour le maintien de celui-ci. Pourtant le lien

entre abus et bonne foi est si étroit qu’il est difficile de dire que la sanction de cette

contradiction ne repose pas sur une exigence de bonne foi. D’ailleurs, la Cour de

cassation a face à certains faits, estimé qu’une clause résolutoire pouvait être invoquée

de mauvaise foi84

. Elle se fonde alors sur une exécution de mauvaise foi du contrat,

puisque la partie sanctionnée se prévaut d’une clause, alors que l’abus semblerait plus

résider dans l’abus du droit de résilier à tout moment un contrat à durée indéterminée.

Pourtant la logique demeure la même, et les recours à l’abus et la bonne foi restent liés

car ils possèdent un lien étroit.

100- Par ailleurs, en vertu de cette même bonne foi, une représentation sur les

conséquences d’une rupture, et non sur l’hypothétique maintien du contrat lui-même qui

serait contredite par un comportement contradictoire avec celle-ci, même dans le respect

des stipulations contractuelles pourrait semble-t-il être sanctionnée si l’autre partie a agi

à son détriment.

84 Cass. Civ. 1

ère, 31 janv. 1995, D. 1995. Somm. p. 230, obs. D. Mazeaud ; Defrénois 1995,

p.749, obs. Delebecque ; RTD civ. 1995, p.623, obs. J. Mestre.

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L’estoppel en droit des contrats

70

§ II – La cause, un fondement pour la sanction des contradictions internes

observables dans le contrat

101- La contradiction au détriment d’autrui peut se manifester à travers la

composition même du contrat. Une clause, peut être en contradiction avec l’économie

générale du contrat, elle peut également avoir pour effet de tenir en échec une obligation

essentielle. La sanction de cette contradiction se fait de façon cohérente sur le

fondement de la cause (I), mais ce fondement peut malgré tout être discuté (II).

I) Un fondement en phase avec la notion de contradiction

102- Comme le souligne le Professeur Denis Mazeaud, tous les mécanismes allant

dans le sens d’une interdiction de se contredire au détriment d’autrui à travers la

composition du contrat relèvent de la théorie de la cause85

. Chaque décision dans

laquelle une clause a été réputée non écrite, pour avoir donné lieu à une incohérence

contractuelle, l’a été sur le fondement de la cause et au visa de l’art. 1131 du Code civil.

Dans une telle situation, le recours à la cause peut être mis en parallèle avec une

protection de la confiance légitime. Le professeur Hugues Kenfack a d’ailleurs mis en

évidence ce lien qui témoigne de la pertinence du recours à la cause pour sanctionner la

contradiction. En effet, ce dernier estime que « le concept de confiance -légitime- peut

être utilisé en droit positif pour éradiquer certaines clauses qui affectent le contrat en

permettant à un contractant, soit de se soustraire purement et simplement à ses

engagements, soit de neutraliser les conséquences d’une inexécution qui lui serait

imputable en éludant toute sanction ou en fixant un plafond de réparation dérisoire. […]

L’analyse de la jurisprudence montre qu’elle sanctionne une telle attitude non pas

directement par le recours à la notion de confiance, mais indirectement par des notions

comme l’obligation essentielle ou même l’économie générale du contrat ».

85 D. Mazeaud, « La confiance légitime et l’estoppel : rapport français » in B. Fauvarque-Cosson

(dir.), « La confiance légitime et l’estoppel », Société de législation comparée, 2007, p. 267.

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L’estoppel en droit des contrats

71

Ces développements démontrent bien que la cause est un fondement pertinent pour

sanctionner la contradiction interne au contrat, car il renvoie indirectement à la notion

de confiance légitime que protège l’estoppel.

II) Un fondement discutable

103- Le fait de recourir à la cause pour sanctionner une telle contradiction pose

difficulté quant à l’accueil de la théorie de l’estoppel pour de telles contradictions. Bien

que la cause permette ici de sanctionner une incohérence, l’estoppel viendrait protéger

la confiance du cocontractant en un hypothétique effet du contrat, effet contredit par une

clause le vidant de sens. L’estoppel semble donc recouvrir un champ plus large et il

serait difficile de venir justifier le recours à l’estoppel sur le fondement de la cause,

quand bien même celle-ci permet à la jurisprudence de sanctionner une incohérence.

En effet, l’estoppel empêche l’auteur de la contradiction de s’en prévaloir, notamment

pour bénéficier d’une clause limitative de responsabilité, quand la théorie de la cause

permet de réputer non écrite une clause qui limite la responsabilité de l’auteur d’un

manquement à une clause essentielle. Dans l’hypothèse où l’auteur d’une représentation

pourrait laisser croire à son cocontractant que le contrat aboutira à une situation en

contradiction avec les termes exacts, l’estoppel peut s’appliquer s’il y a un préjudice.

Alors même que cette clause serait sans lien avec une « obligation essentielle ».

L’estoppel se focalise sur la représentation et la contradiction, puis sur la confiance

suscitée, peu importe que la clause soit essentielle, qu’elle vide de sens un contrat ou

bouleverse son économie générale. Une clause contraire à ce qu’une partie pouvait

légitimement attendre du contrat au regard de la promesse ou représentation suffit.

Cependant le modèle contractuel français pose un problème à ce stade. En effet, il ne

s’agit pas d’une exécution de mauvaise foi d’un contrat, il s’agit de l’exécution d’une

clause contradictoire avec les attente légitimes provoquées, or le modèle contractuel

français ne permet pas de faire échec à une telle clause.

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L’estoppel en droit des contrats

72

Une application de l’estoppel à travers le droit français est donc difficile même

si certains mécanismes s’en rapprochent, ce qui donne lieu à un régime de l’interdiction

de se contredire au détriment d’autrui très complexe.

Section II – L’absence d’uniformité dans le régime

104- La difficulté à trouver un fondement permettant d’appliquer un principe

d’estoppel en France conduit à l’observation d’une réelle interdiction de se contredire au

détriment d’autrui mais qui manquerait d’autonomie et d’identité conceptuelle dans le

contexte français. Par conséquent le régime de cette interdiction est tout aussi disparate.

Le premier constat est qu’en France la sanction de la contradiction est conditionnée par

l’existence d’un préjudice, ce qui est handicapant pour dégager un régime uniforme (§

I), notamment parce que cela traduit une logique de réparation. Concernant ensuite la

sanction elle-même, on ne peut que constater son caractère plural en fonction du type de

contradiction (§ II).

§ I – Une condition handicapante pour l’uniformité du régime : la

constatation d’un préjudice subi

105- C’est la première exigence, qui apparait dans toutes les situations où la

jurisprudence sanctionne l’auteur d’une contradiction en droit français. Il en va de

même pour le régime de l’estoppel dans tous les ordres juridiques où il s’applique. C’est

pour cette raison que le principe d’estoppel est traduit en français comme l’interdiction

de se contredire « au détriment » d’autrui, la formule souligne l’exigence d’un

préjudice. La contradiction n’est donc pas condamnable en elle-même.

La croyance, confiance, ou même espérance légitime, ne mérite donc d’être protégée

que dans la mesure où elle a conduit une partie à agir en fonction d’elle et à son

détriment, créant de ce fait un préjudice au moment de la contradiction.

106- Nous avons relevé précédemment le cas de la rupture d’un contrat de

concession par le concédant, alors que le concessionnaire avait légitimement pu croire

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L’estoppel en droit des contrats

73

que le contrat serait maintenu en raison du comportement de son cocontractant. La Cour

de cassation a clairement démontré que dans ce type de situation, la sanction est

conditionnée par la constatation d’un préjudice, dans une décision rendue le 5 octobre

200486

. Alors que le concédant convie son concessionnaire à une réunion portant sur la

stratégie commerciale et l’organisation de la concession, le concessionnaire peut

légitimement croire au maintien de son contrat. Pourtant, le concédant décide de rompre

unilatéralement le contrat. Le concessionnaire considère alors la rupture comme

abusive, en raison du comportement déloyal du concédant87

. Pourtant la Cour de

cassation va considérer qu’en « se déterminant par ces motifs, alors que le concédant

était en droit de rompre un contrat, à tout moment, (…) la cour d’appel, qui n’a pas

constaté que le concédant avait fait croire au concessionnaire que le contrat serait

poursuivi pour l’inciter à procéder à des investissements, n’a pas donné de base légale à

sa décision ». On voit donc que l’abus n’est reconnu que dans la mesure où la

contradiction a provoqué un préjudice.

§ II – La pluralité de sanction selon la nature de la contradiction

107- Le caractère plural des sanctions traduit un manque d’uniformité mais répond à

une logique factuelle. Nous verrons que dans le cas des contradictions internes au

contrat, la clause à l’origine de la contradiction sera réputée non écrite (I), alors que

l’allocation de dommages-intérêts sera récurrente pour sanctionner la contradiction

comportementale.

86 Cass. com., 5 oct. 2004, Cont. conc. conso., 2005, comm. n° 1, obs. L. Leveneur ; JCP 2005, I,

p.114, obs. M. Chany ; RDC, 2005, p. 288, obs. P. Stoffel-Munck et p. 384, obs. M. Béhar-Touchais ;

Revue Lamy, Droit civil, janv. 2005, p. 5, note D. Mainguy et J.-L. Respaud ; RTD civ. 2005, p. 128, obs

J. Mestr et B. Fages. 87

Ces considérations ne manquent pas de mettre en avant le lien étroit entre les notions d’abus et

de bonne foi, V. à ce propos D. Mazeaud, « La confiance légitime et l’estoppel : rapport français » in B.

Fauvarque-Cosson (dir.), « La confiance légitime et l’estoppel », Société de législation comparée, 2007,

p. 267.

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L’estoppel en droit des contrats

74

I) La clause, source de la contradiction interne, reputée non écrite

108- Dans la totalité des cas où la contradiction émane des termes du contrat, il

s’agit d’une clause en contradiction avec l’esprit du contrat, le vidant de son sens ou

encore bouleversant son économie générale. Dans tous les arrêts envisagés

précédemment à ce propos, la clause à l’origine de cette contradiction a été réputée non

écrite sur le fondement de la cause.

La sanction est appropriée puisqu’elle permet de supprimer l’élément à l’origine de la

contradiction pour rendre sa cohérence au contrat. De ce fait, la contradiction ne pourra

produire d’effets au détriment d’autrui.

II) L’allocation de dommages-intérêts, sanction récurrente de la

contradiction dans une logique de réparation

109- La contradiction comportementale est traitée de façon beaucoup moins claire

par le droit français des contrats. Elle est représentative du manque d’autonomie de

l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui et de son régime disparate.

La sanction généralement reconnue est l’allocation de dommages-intérêts en réparation

du préjudice subi du fait de la contradiction.

110- L’estoppel, qui a initialement pour but de « stopper » l’auteur de la

contradiction, de l’empêcher de s’en prévaloir, suppose que l’on considère dans certains

cas des sanctions telles que la fin de non recevoir ou la déchéance du droit ou du

pouvoir88

acquis par le biais de la contradiction. Dans le cas de l’arrêt Golshani, la

contradiction a été sanctionnée par l’irrecevabilité du moyen invoqué.

Ces sanctions semblent adaptées, mais la déchéance, notamment, pose un problème

dans certaines hypothèses. En effet si dans l’exécution d’un contrat, une personne a par

son comportement fait une représentation contredite ensuite de façon imprévue, il

semble adapté de prononcer la déchéance du droit dont il se prévaut en vertu du contrat

ou d’une disposition légale. Cependant, la représentation cesse au moment où est

88 propos D. Mazeaud, « La confiance légitime et l’estoppel : rapport français » in B. Fauvarque-

Cosson (dir.), « La confiance légitime et l’estoppel », Société de législation comparée, 2007, p. 270.

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L’estoppel en droit des contrats

75

prononcée la déchéance, on peut alors se demander si l’auteur de la contradiction a

vocation à rester estopped, s’il faut l’empêcher de se prévaloir de son droit ou pouvoir,

pour une durée indéterminée.

Une sanction de ce type qui ne serait pas revêtue d’un caractère provisoire, serait

créatrice d’une situation de déséquilibre. On peut parler de déséquilibre dans la mesure

où l’auteur de la contradiction sera alors tenu par sa représentation, qui sera

généralement à l’avantage de son cocontractant, alors même qu’il n’a jamais souhaité

s’engager en ce sens. La victime de la contradiction verra alors une sanction qui ira plus

loin que la réparation de son préjudice.

111- Ces développements nous conduisent naturellement vers la question de

l’exécution forcée. Pour le concédant ayant fait croire au concessionnaire par son

comportement qu’il maintiendrait un contrat et se contredirait ensuite en en résiliant,

peut-il être contraint au maintien du lien contractuel en étant déchu de son droit de

résiliation ? La jurisprudence est encore très claire à ce sujet et refuse une telle sanction.

Par ailleurs, dans le cas des négociations ayant entrainé des dépenses importantes pour

l’une des parties au contrat potentiel, il est également difficile d’envisager de retirer à

l’auteur de la contradiction son droit de mettre fin aux négociations et de ne pas

contracter. Une conclusion forcée reste inenvisageable au regard du droit positif.

Le régime se limite donc à l’allocation de dommages-intérêts pour réparer le préjudice

subit en raison du comportement contradictoire, sur les divers fondements évoqués.

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L’estoppel en droit des contrats

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112- En France il n’existe pas de principe d’estoppel applicable au droit des contrats

de manière générale, nous l’avons vu l’estoppel dont il est fait application dans le cadre

de l’arrêt Golshani est limité en plusieurs occurrences.

Malgré tout, après avoir constaté que l’interdiction de se contredire au détriment

d’autrui se manifeste dans le droit français, on peut analyser l’absence d’application

d’une telle interdiction de manière claire.

L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui se développe à travers les

mécanismes du droit français et ne produit pas les mêmes effets que l’estoppel car ne

répond pas à la même logique. Cependant certains mécanismes de notre droit des

contrats seraient susceptibles de reconnaitre un principe d’estoppel. L’exigence de

bonne foi dans l’exécution du contrat, bien que ne se confondant pas avec l’estoppel

pourrait avec une appréciation large permettre d’appliquer sinon l’estoppel, une

protection de la confiance plus aboutie que le devoir de cohérence déjà dégagé de l’art.

1134 par la jurisprudence. La notion d’abus en ce qu’elle entretient un lien étroit avec la

bonne foi pourrait également répondre à la même démarche au stade de la négociation

du contrat. Enfin la théorie de la cause serait susceptible d’être le point de départ du

développement d’un estoppel sanctionnant la contradiction interne au contrat.

113- Les mécanismes du droit français laissant une ouverture au développement

d’une interdiction de se contredire au détriment d’autrui plus aboutie ne permettent tout

de même pas de considérer que le droit français des contrats est réellement propice à la

consécration de l’estoppel. S’il n’ignore pas les grandes lignes du principe relatives à la

confiance légitime, la contradiction ou encore la cohérence, le modèle contractuel

français n’est pas fondé sur ces dernières. L’étude du régime disparate des mécanismes

sanctionnant la contradiction au détriment d’autrui le démontre.

Conclusion du Titre I

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L’estoppel en droit des contrats

77

Titre II – L’introduction du principe d’estoppel dans le droit

privé français des contrats : la remise en cause d’un modèle

114- L’introduction de l’estoppel dans le droit français des contrats, quelque soit la

forme sous laquelle il se développe, est plus qu’une question d’opportunité et de

compatibilité, c’est une question de choix, d’orientation et de politique juridique. Dans

ce que le mécanisme apporterait de nouveau, il remettrait en cause un modèle

contractuel français basé sur l’autonomie de la volonté, bien que déjà nuancé par la

jurisprudence à travers certains concepts comme la bonne foi.

En envisageant l’estoppel dans notre droit des contrats, on envisage une nouvelle

façon de penser le contrat et le droit des contrats. L’estoppel en droit français des

contrats aurait pour effet de modifier le rôle du juge vis-à-vis de la relation contractuelle

(Chapitre I). Ce rôle du juge en évolution constante, a suscité depuis plusieurs années la

volonté de réformer le droit des contrats français, considérant que le code civil n’était

plus adapté à la modernité des relations d’affaires, ni à la dimension internationale de

ces relations. Dans une perspective de réforme, il semble donc que l’estoppel ait une

place dans les débats (Chapitre II).

Chapitre I – Les influences de l’estoppel sur le rôle du juge

115- Il y a incontestablement dans le mécanisme de l’estoppel lorsqu’il est appliqué

au droit des contrats un rôle important accordé au juge. Même si dans le droit anglais il

n’y a pas de d’appréciation de la bonne foi et si le mécanisme est théoriquement limité à

une fonction défensive, cette idée est remise en cause et l’estoppel dans les autres

systèmes juridiques et tel qu’il pourrait se développer en France, fait appel à une

appréciation et un contrôle étendus du juge.

Dans un système français, fondé sur la volonté de s’engager et dans lequel subsiste la

prééminence de l’autonomie de la volonté, de nombreuses notions qui apparaissent ou

ont vocation à apparaitre dans le droit des contrats, répondent à une logique différente

développée par la doctrine solidariste.

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L’estoppel en droit des contrats

78

Nous allons voir en quoi d’une certaine manière l’estoppel tel qu’il pourrait se

développer en France répond à cette logique (Section I) et en quoi ceci met en lumière

cette crainte de l’atteinte d’une « sécurité juridique » (Section II).

Section I – L’estoppel et la doctrine solidariste

116- L’école solidariste que l’on oppose généralement à l’autonomisme contractuel,

défend le recours à des notions « malléables » pour permettre de rétablir un certain

équilibre dans les relations contractuelles et pour canaliser la tournure que peut prendre

dans les faits, une relation contractuelle préétablie. En ce sens, l’estoppel se rapproche

de cette logique (§ I), mais nous verrons que le solidarisme ne remet pas en cause le fait

que la force obligatoire du contrat repose sur la volonté de s’engager et non sur une

notion d’échange et de confiance (§ II).

§ I – L’estoppel et le solidarisme : une dynamique commune

117- L’idée qui fonde le rapprochement entre estoppel et solidarisme contractuel est

que malgré les termes précis d’un contrat, si celui-ci est contradictoire dans sa

composition ou si un comportement est respectueux des stipulations mais rend leur mise

en œuvre contradictoire aux yeux du cocontractant, alors ces dispositions contractuelles

ne doivent pas demeurer « intouchables ».

Pour l’école solidariste, il doit exister entre deux personnes liées par un contrat, un

esprit de collaboration, prenant en compte les intérêts de chacun et servant l’objectif

commun qui est la réalisation de l’objet du contrat89

. Toute contradiction est donc

fondamentalement opposée aux idées défendues par le solidarisme contractuel.

Les solidaristes poussent loin ce raisonnement puisqu’ils conçoivent la relation

contractuelle comme la source d’un devoir de collaborer et donc dans certains cas, de

89 J. Cedras, « Liberté-Egalité-Contrat, le solidarisme contractuel en doctrine et devant le Cour

de cassation », lexinter.net.

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L’estoppel en droit des contrats

79

faire des sacrifices90

. Certains auteurs vont même jusqu’à parler de relation fraternelle

entre les parties91

.

Les idées se recoupent et on peut donc considérer que l’estoppel en France, au moins

dans le but poursuivi, se rapproche de l’école solidariste. Mais par conséquent, cette

concordance concerne également le rôle attribué au juge.

118- En prônant un recours dynamique aux notions de bonne foi voire d’équité issue

de l’art. 1135, même si cela concerne moins le mécanisme de l’estoppel, le solidarisme

entend modifier le rôle du juge. Celui-ci sans réellement s’immiscer dans la relation

contractuelle exerce un contrôle différent, puisqu’il ne se limite pas à contrôler la

validité de l’engagement et le respect des obligations découlant de celui-ci, il contrôle la

validité et la cohérence de l’exécution. Sans revenir sur l’absence de dimension

subjective, ou de bonne foi dans l’appréhension par les juges anglais de l’estoppel,

absence que nous considérons comme artificielle, il est incontestable que ce rôle est

attribué au juge dans l’appréciation d’une situation à laquelle s’applique le principe

d’estoppel.

Qu’il s’agisse de la légitimité de la confiance, ou encore du caractère contradictoire

avéré, le juge interprète une situation de fait pour contrôler les effets pervers provoqués

par un contrat. La démarche commune est d’autant plus importante lorsque le juge

apprécie le comportement des deux parties comme c’est le cas pour l’estoppel du droit

australien et comme ce serait le cas vraisemblablement dans l’hypothèse d’un accueil de

l’estoppel dans le droit français des contrats.

§ II – La source de la force obligatoire du contrat : le point de divergence

entre estoppel et solidarisme

119- Le solidarisme défendu par de nombreux auteurs en doctrine, ne remet pas en

cause le modèle contractuel de façon fondamentale dans la mesure où la volonté de

s’engager demeure la source de l’effet obligatoire de la convention. L’estoppel, qui

90 Ch. Jamin, « Plaidoyer pour le solidarisme contractuel », in « Le contrat au début du XXIème

siècle », Etudes offertes à J. Ghestin , L.G.D.J. 2001 91

D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité, fraternité, la nouvelle devise contractuelle ? », in « L'avenir

du droit », Mélanges en hommage à F. Terré, Dalloz, 1999.

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L’estoppel en droit des contrats

80

rentre dans le champ de la dynamique souhaitée par la doctrine solidariste, repose

pourtant sur un contrat dont la force obligatoire proviendrait plus de la confiance

donnée et de la contrepartie, force obligatoire remise en cause par la contradiction qui

trompe la confiance.

On retrouve donc une problématique déjà abordée qui est une volonté de défendre des

idées servies par le mécanisme de l’estoppel, mais dans un contexte ne pouvant

réellement l’intégrer, même à travers les notions sur lesquelles repose le solidarisme.

120- La volonté comme source de l’effet obligatoire s’accorde initialement avec le

modèle autonomiste. Pourtant le solidarisme nous semble plus en phase avec une vision

moderne du droit des contrats, c’est pourquoi il trouve sa place dans les différents

projets de réforme du droit des contrats, destinés à le moderniser et l’harmoniser.

L’estoppel participe donc de cette modernité.

Par droit des contrats, on peut aujourd’hui entendre droit des contrats d’affaires, tant la

technique contractuelle et le contentieux sont dirigés principalement vers ces derniers.

Aussi, la complexité de ces contrats, de leur négociation et de leur mise en œuvre,

implique un contrôle plus important du juge. Au-delà de l’image de fraternité proposée

justement et pédagogiquement, il y a une dimension de complexité. Le contrat est

devenu complexe, la technique contractuelle est aujourd’hui une stratégie, elle est aux

antipodes de la fraternité. Insérer une coopération dans le droit des contrats permet en

réalité de rendre à la convention le sens cohérent mais aussi souvent souhaité, par une

au moins des parties, et donc répondant à sa volonté. Ainsi, protéger la confiance,

revient à protéger la volonté, et c’est là que l’estoppel semble avoir un rôle à jouer. En

protégeant la confiance d’une partie au titre de la contradiction, il protège généralement

sa volonté, puisque celle-ci est difficilement lisible dans une convention conçue par des

professionnels de la technique contractuelle.

Généralement on assimile l’octroi de trop grands pouvoirs au juge à

« l’insécurité juridique ». Ainsi l’estoppel serait source d’insécurité juridique. Nous

allons voir que cette conception française de l’insécurité peut être discutée.

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L’estoppel en droit des contrats

81

Section II – L’estoppel et la notion de « sécurité juridique »

121- « Bonne foi et sécurité juridique, même combat »92

. C’est avec cette formule

que le Professeur Denis Mazeaud affiche clairement l’idée selon laquelle la bonne foi, et

à travers elle le solidarisme, ne sont pas vecteurs d’insécurité juridique.

Si l’on part du postulat que les acteurs du monde des affaires ne contrôlent pas

intégralement les effets des contrats en vertu desquels ils s’engagent, en raison d’une

technique contractuelle complexe et d’un droit des contrats difficilement lisible, alors

l’insécurité juridique pourrait provenir au contraire d’une intervention trop limitée du

juge. Non seulement l’estoppel en ce qu’il rejoint les objectifs de la doctrine solidariste,

protège la volonté des parties en même temps que la confiance légitime, mais il sécurise

les effets concrets de contrats complexes et mal maitrisés.

L’insécurité juridique que l’on peut attribuer à un recours important à l’abus de droit,

l’exigence de bonne foi et à travers elle le devoir de loyauté et de cohérence par

exemple, peut également permettre que le contrat reste « la chose des parties » en

maintenant les effets auxquels ils ont souhaité se soumettre ensemble.

122- On imagine aisément un acteur économique dont la situation a évolué et ne

souhaitant plus exécuter son contrat, du moins dans les conditions qui lui convenaient

jusqu’alors. Parfois un contrat « bien rédigé », lui permettra de se sortir de cette

situation en vertu de certaines stipulations. Dans la mesure où la revendication de ces

stipulations est contradictoire avec le comportement adopté depuis la conclusion du

contrat, l’estoppel permet de bloquer ce changement de position qui ne correspond pas à

la relation dans laquelle les parties se sont engagées.

92 D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité, fraternité… » in Etudes offertes à F. Terré, Dalloz, 1999, p.

629.

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L’estoppel en droit des contrats

82

Chapitre II - La possible consécration d’un principe d’estoppel

assumé dans le droit français des contrats : la perspective d’une

réforme

123- Le principe d’estoppel ne peut trouver une application aboutie dans le droit

français des contrats tel qu’il est actuellement, alors que d’une part, la jurisprudence et

la doctrine évoluent en partie vers des objectifs poursuivis par l’estoppel et d’autre part,

il n’est plus à prouver que le droit français des contrats avance vers une réforme que la

majorité considère comme nécessaire.

Il est donc légitime et opportun d’envisager la place que pourrait tenir l’estoppel dans

un droit des contrats réformé, et de se prononcer sur certaines caractéristiques de cette

réforme.

Face aux nécessités exprimées de modernisation du droit des contrats, il semble

que l’estoppel soit en phase avec cette modernité de la technique contractuelle, et qu’il

ne puisse s’épanouir que dans un droit conçu en fonction de cette modernité et adapté à

cette complexité (Section I). Par conséquent si l’on s’intéresse à la logique contractuelle

qui semble gouverner le fonctionnement de l’estoppel, on observe une place primordiale

accordée à la notion de confiance (Section II).

Section I – L’estoppel au service d’un droit adapté aux

montages contractuels des affaires

124- Le principe d’estoppel dans son rapport au droit des contrats renvoie presque

systématiquement à des notions propres aux contrats d’affaires modernes. Le

mécanisme a un fonctionnement qui permet d’appréhender la relation contractuelle en

fonction des comportements des acteurs économiques contemporains.

D’une part, la grande majorité des contrats qui génèrent du contentieux, sont des

contrats à exécution successive, et l’estoppel est un mécanisme adapté à cette donnée (§

I), d’autre part, il permet d’appréhender les situations des parties, avérées ou

potentielles, en tenant compte du fait que le contrat est aujourd’hui un véritable outil de

stratégie économique (§ II).

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L’estoppel en droit des contrats

83

§ I – Un mécanisme adapté aux contrats à exécution successive

125- La majorité des conventions génératrices de contentieux dans le monde des

affaires, sont aujourd’hui des contrats à exécution successive. Nous allons voir que c’est

en partie pour cette raison que le droit français des contrats est aujourd’hui considéré

comme trop complexe. En réalité les dispositions relatives au droit des contrats

présentes dans le Code civil sont considérées comme obsolètes, puisqu’elles font l’objet

d’une interprétation active et seule la création prétorienne permet de les adapter aux

réalités actuelles. Le droit des contrats français dans son ensemble est lui, plutôt

considéré comme illisible93

.

L’obsolescence en question est à l’origine, d’une part de cette volonté grandissante de

réformer le droit des contrats, d’autre part, de la difficulté à concevoir un

épanouissement de l’estoppel dans ce droit français94

. La question de la modernité

rapproche donc l’estoppel d’une hypothétique réforme du droit des contrats.

126- La priorité d’une réforme serait d’adapter le droit des contrats à ce facteur

temps de la relation contractuelle, ignoré des dispositions du code civil. Le professeur

Daniel Mainguy a mis en avant cette problématique en exposant que « le modèle

contractuel qui inspire le code civil est la vente, à l'image de l'ensemble de la structure

du code civil, tournée autour des différentes manières dont on acquiert la propriété,

adaptée aux projets et aux ambitions du législateur de 1804 pour le propriétaire terrien

héritier de la Révolution française, mais nettement moins à la société économique et

politique de 2008. Or, la vente est un contrat très singulier, translatif de propriété, sans

durée ou presque, aux obligations simples et bien définies, alors même que les contrats

d'affaires sont des contrats qui s'inscrivent dans la durée, avec toutes les conséquences

de la prise en compte de ce facteur temporel : la négociation, la circulation, l'adaptation,

la rupture inéluctable, etc. ».

Pour mettre en exergue cette réelle adaptation de l’estoppel au facteur temps des

relations contractuelles modernes, il suffit de se pencher à nouveau sur la logique qui le

fonde et ne lui permet pas de s’adapter aux concepts du droit français des contrats. Dans

93 D. Mainguy, « Défense, critique et illustration du projet de réforme du droit des contrats », D.

2009, Chr., p. 308 94

V. infra, n° 93 et s.

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L’estoppel en droit des contrats

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la mesure où il s’agit de protéger la confiance d’une personne, trompée par la

contradiction d’une autre, il n’y a pas de distinction pour un tel principe entre

négociation et exécution du contrat par exemple. Alors qu’en France il est difficile de

s’appuyer sur les textes du code civil pour démontrer que la bonne foi s’applique à

l’exécution du contrat mais aussi à sa formation95

, l’estoppel recouvre l’ensemble de la

relation contractuelle. Il y a donc une unité du principe qui s’applique à une relation

contractuelle envisagée comme un ensemble.

§ II – Un mécanisme adapté aux contrats conclus dans une démarche

stratégique

127- « En affaires,… trompe qui peut ! »96

. C’est en ces termes que le Professeur

Muriel Chagny a exposé son sentiment vis-à-vis du monde des affaires. Cette remarque

volontairement imagée et incisive est représentative de l’idée présentement développée.

Pour démontrer que l’estoppel est un mécanisme au service d’un droit moderne des

contrats voire d’un droit des contrats modernes, on peut considérer le fait que le concept

n’ignore pas l’aspect stratégique du contrat, qui est un véritable outil.

128- Sans revenir sur la nécessaire intervention d’appréciations subjectives lorsqu’il

s’agit de se prononcer sur une contradiction préjudiciable et une confiance légitime,

l’estoppel n’est pas opposé à l’idée de stratégie dans le contrat. En effet dans la mesure

où l’estoppel permet de protéger la confiance légitime trompée par le comportement

d’un cocontractant et ne vient pas sanctionner une mauvaise exécution, une faute, ou un

défaut de cause. Il s’agit simplement de considérer qu’il est envisageable que dans un

contrat, les parties ne soient pas toujours dans une démarche fraternelle, et que

l’évolution d’une situation ne doit tourner à l’avantage d’une partie simplement parce

qu’une clause a une rédaction particulière, si le comportement des parties jusqu’alors

95 V. à ce propos, E. Savaux, « solidarisme contractuel et formation du contrat », in Le

solidarisme contractuel – mythe ou réalité?, dir. L. Grynbaum et M. Nicod, Economica, 2004, p. 43 et s.

96

M. Chagny, « La confiance dans les relations d’affaires » in V.-L. Bénabou et M. Chagny

(dir), « La confiance en droit privé des contrats », colloque du 22 juin 2007 organisé par l’Université de

droit et de science politique de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Dalloz 2008.

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L’estoppel en droit des contrats

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permet de considérer que cette clause n’avait vocation à produire un autre effet. Ce

fonctionnement permet de prendre en compte la réalité des stratégies contractuelles pour

mieux les contrôler.

Ces idées n’occultent pas le fait qu’un contrat sera souvent conclu dans le cadre d’un

rapport de force. Ce n’est pas ce rapport de force qui est remis en cause. En effet, il ne

s’agit pas de chercher à établir un équilibre contractuel, mais d’empêcher que la relation

de confiance (même déséquilibrée) établie ne puisse engendrer un préjudice du fait

d’une contradiction validée par les termes d’un contrat.

Le développement d’un estoppel assumé remplissant la fonction précitée de

modernisation ne peut se faire que dans un droit qui envisage le contrat différemment du

droit français actuel, tout au moins du code civil. Il s’agira de consacrer la confiance

dans la relation contractuelle, puisque c’est elle que l’estoppel a vocation à protéger.

Section II – Un changement de logique contractuelle par la

consécration de la confiance

129- Selon le Professeur Terré, le contrat serait en réalité l’expression d’une

« confiance juridicisée »97

. Deux personnes pourraient donc se faire confiance parce

qu’elles se sont engagées en vertu d’un contrat. C’est sur cette idée qu’est fondée la

logique selon laquelle le contrat est basé sur la confiance et c’est cette dernière qui doit

guider le droit des contrats.

La volonté des parties exprimée dans un contrat n’a de raison d’être protégée que dans

la mesure où elle est le support de la confiance.

Il faut que le droit des contrats consacre la confiance légitime comme source de la force

obligatoire du contrat pour que l’estoppel puisse jouer le rôle modernisateur précité.

C’est parce que l’effet obligatoire reposera sur cette confiance légitime que l’estoppel

permettra de venir bloquer ou sanctionner la contradiction qui a trahi cette confiance et

généré un préjudice.

97 F. Terré, Le doute et le droit, Dalloz, 2004.

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L’estoppel en droit des contrats

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130- L’idée selon laquelle ce serait la confiance qui fonderait l’effet obligatoire du

contrat est défendue par plusieurs auteurs, ainsi une clarification législative de cette idée

est envisageable. En effet, Philippe Stoffel-Munck considère que « le fondement le plus

vraisemblable de la force obligatoire du contrat repose plutôt sur l’idée, assez

synthétique, de protection de la confiance légitime […] »98

.

Sans aller aussi loin dans ce raisonnement, le doyen Carbonnier avait déjà affirmé que

« ce qui fait la force obligatoire du contrat, c’est la confiance du créancier, non la

promesse du débiteur »99

. Cela mettait déjà en perspective l’importance que pouvait

jouer la confiance dans la relation contractuelle.

Vincent Edel indique, qu’à travers sa thèse, « l’objectif était de consacrer un principe de

confiance en tant que principe de régulation du comportement des contractants et

servant par là même de modèle explicatif du renouveau du droit des contrats »100

. Il

confirme ensuite que ce travail, volontiers prospectif, proposait que le principe de

confiance légitime serve de fondement à la force obligatoire du contrat. Pour lui, « ce

qui oblige le débiteur à s’exécuter, ce n’est pas le respect de la parole donnée du

débiteur ; c’est la confiance du créancier dans l’exécution du contrat conformément aux

engagements du débiteur, mais également au comportement qu’il peut afficher lors de

l’exécution du contrat »101

. Il s’agit là d’une conception du droit des contrats et d’une

vision de ce que doit incorporer une réforme, en phase avec la volonté d’intégrer

l’estoppel au droit français des contrats. On trouve un terrain propice à l’application

d’un estoppel relatif aux contradictions internes et comportementales, à travers un

régime unifié.

On retrouve dans les développements des différents auteurs présentés, les

fondations d’une construction du droit des contrats basé sur une logique permettant à

l’estoppel de jouer pleinement son rôle, de façon autonome, uniforme et efficace. Il

98 Ph. Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat, th. Univ. Aix-Marseille, 2000, n°2178.

99 J. Carbonnier, Droit civil, Les obligations, t. 4, 22

e éd., Puf, coll. « Thémis Droit privé », 2000,

n° 21. 100

V. Edel, « Faut-il introduire un principe de confiance dans le Livre III du titre III du Code

civil ? », in V.-L. Bénabou et M. Chagny (dir), « La confiance en droit privé des contrats », colloque du

22 juin 2007 organisé par l’Université de droit et de science politique de Versailles-Saint-Quentin-en-

Yvelines, Dalloz 2008, p. 141. 101

V. Edel, « Faut-il introduire un principe de confiance dans le Livre III du titre III du Code

civil ? » préc., p. 142.

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L’estoppel en droit des contrats

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deviendrait un outil pour le juge dont l’utilisation reposerait sur une législation qui

assume un principe en parfait accord avec elle.

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L’estoppel en droit des contrats

88

131- Une introduction parfaite du principe d’estoppel dans le droit français des

contrats remet en cause tout un modèle. Même à travers des notions que l’on qualifiera

volontiers de « souples », l’estoppel n’a pas vocation à être accueilli par la

jurisprudence au regard du droit applicable en France.

Le principe d’estoppel, à travers ses objectifs, rejoint d’une certaines manière la

doctrine solidariste. Cependant il reste fondamentalement opposé au modèle sur lequel a

été fondé le code civil, à sa voir l’autonomie de la volonté. Or le code civil demeure la

principale source législative du droit des contrats et ne permet pas à l’estoppel de

s’épanouir dans le droit français.

132- Dans la mesure où l’estoppel participe des impératifs reconnus de renouveau

dans le droit français des contrats, il est intéressant de penser aux alternatives permettant

son accueil. Par conséquent, l’opposition de l’estoppel au modèle contractuel sur lequel

repose encore le droit français, malgré les nuances apportées par le développement

d’une jurisprudence active, nous oblige à envisager son développement de manière

complète, uniquement à travers une réforme.

La réforme devra ainsi consacrer un modèle contractuel basé sur la notion de confiance.

Ce modèle qui reconnaitrait à la confiance légitime la nature de source de la force

obligatoire du contrat, permettrait que l’estoppel se développe. Ainsi le principe

trouverait un terrain propice à la sanction de la contradiction au détriment d’autrui sur

l’ensemble de la relation contractuelle et à travers un régime autonome et unifié.

Conclusion du Titre II

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L’estoppel en droit des contrats

89

Conclusion de la 2ème

partie

133- Après avoir observé qu’il y avait dans les décisions de la Cour de cassation de

ces dernières années une tendance à sanctionner la contradiction au détriment d’autrui,

il était nécessaire de se demander quels étaient réellement les rapports entre ce principe,

reconnu au niveau procédural et le complexe droit français des contrats.

Le premier constat est que le droit français et l’estoppel possèdent un certain

nombre d’imbrications techniques. En effet, on retrouve dans la jurisprudence

l’identification de d’un devoir de cohérence fondé sur l’exigence de bonne foi

contractuelle. On observe également des similitudes conceptuelles à travers les notions

de cause. Il est enfin possible de nuancer très largement l’absence d’influence de la

bonne foi sur le principe d’estoppel tel qu’il se développe dans plusieurs systèmes

juridiques étrangers, et par conséquent d’imaginer un développement de cette bonne foi

dans le sens du mécanisme d’estoppel.

134- Malgré toutes ces imbrications techniques, le second constat est le manque

d’autonomie conceptuelle de tous ces mécanismes français qui tendent vers une

interdiction de se contredire au détriment d’autrui. Le système français qui exige un

fondement à toute décision conduit à un régime disparate de cette interdiction de se

contredire au détriment d’autrui, protégeant la confiance. La diversité voire la confusion

sont indéniables au regard de la sanction de cette contradiction. Ainsi, on ne peut que

constater qu’il existe malgré toutes les imbrications conceptuelles une réelle

incompatibilité entre le droit français des contrats et le principe d’estoppel.

Cette incompatibilité peut tout d’abord être expliquée. Le principe d’estoppel repose sur

un modèle contractuel particulier. Le code civil qui demeure la principale source légale

du droit des contrats repose encore sur le modèle de l’autonomie de la volonté. Bien que

la doctrine solidariste combatte une vision radicale de ce modèle et puisse en ce sens

être rapprochée de l’estoppel, elle ne conteste pas pour autant que la volonté est la

source de la force obligatoire du contrat.

Par conséquent, pour envisager un épanouissement de l’estoppel en France, il faut

imaginer une réforme du droit des contrats se libérant du modèle incompatible avec

l’estoppel. Cette réforme considérée par la majorité comme souhaitable, pourrait

objectivement se faire dans une perspective propice à l’accueil de l’estoppel, puisque la

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L’estoppel en droit des contrats

90

confiance légitime est au cœur des débats relatifs au renouveau du droit des contrats. En

effet elle peut être analysée comme répondant aux impératifs de modernisation, de

compétitivité et d’harmonisation du droit des contrats.

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L’estoppel en droit des contrats

91

CONCLUSION GENERALE

135- L’estoppel est un mécanisme qui s’est d’abord développé en Angleterre. Il est

ensuite devenu un principe, observable dans l’ensemble des ordres juridiques de

Common Law, jusqu’à ce qu’il s’étende jusqu’au droit international. En tant que

principe reconnu du droit international, son influence a pu s’observer dans les ordres

juridiques dit civilistes, notamment en France.

L’intensité de cette influence s’est faite de plus en plus pressante et l’estoppel a

finalement été reconnu par la Cour de cassation. Cet accueil de « la règle de l’estoppel »

est intervenu dans le domaine de la procédure arbitrale, secteur reconnu volontiers

comme propice à une application du principe.

L’apparition d’un tel principe dans le droit positif français est le fruit d’une évolution

progressive de la jurisprudence. En effet la sensibilité des juges du fond au mécanisme a

été de plus en plus remarquable, jusqu’à l’accueil de la Cour de cassation intervenu en

2005 dans le fameux arrêt Golshani, lequel a été consacré textuellement par une

formulation de l’applicabilité du principe au domaine de l’arbitrage dans le décret du 13

janvier 2011, destiné à réformer le droit de l’arbitrage.

L’étude du mécanisme, suscitée par le recours de la Cour de cassation à ce

dernier, conduit à observer une présence implicitement plus étendue de ce principe

assimilé à une « interdiction de se contredire au détriment d’autrui » en France. En effet,

l’analyse de la jurisprudence conduit à constater une réelle tendance à sanctionner une

telle contradiction dans l’ensemble du droit des contrats, à travers différents

mécanismes.

Un regard attentif sur cette jurisprudence permet de faire le constat d’une

certaine imbrication technique entre les concepts connus du droit français des contrats et

l’estoppel, tel qu’il se développe dans différents ordres juridiques. Cette imbrication,

conjuguée à la tendance jurisprudentielle à sanctionner des comportements apparaissant

comme contradictoires, ainsi qu’au recours symbolique à « la règle de l’estoppel » par

la Cour de cassation, permet d’envisager un éventuel développement de l’estoppel dans

l’ensemble du droit des contrats.

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L’estoppel en droit des contrats

92

L’existence de dispositions légales accueillantes dans le droit français des contrats,

permet en effet d’étudier les potentialités d’une étendue de l’application du principe à

l’ensemble de ce dernier. Cette étude conduit à l’observation d’une réelle disparité dans

les perspectives d’application française du principe, ne permettant de considérer le droit

contractuel français comme propice au développement de l’estoppel, avec la logique du

concept construite dans un droit de Common Law. Ces difficultés sont semble-t-il dues à

l’opposition réelle entre la vision du contrat sur laquelle reposent les différents ordres

juridiques.

136- Le discours récurrent en France, consistant à présenter la réforme du droit des

contrats comme nécessaire, permet d’envisager la place que pourrait tenir l’estoppel au

sein d’une telle réforme. Cette tendance à mettre en exergue l’impératif de moderniser

et de rendre plus compétitif et efficace le droit français des contrats, doit être mise en

parallèle avec la progression du principe d’estoppel. Un concept reconnu par le droit

international, et l’ensemble des pays de Common Law, malgré certaines nuances semble

avoir sa place dans le débat relatif au renouveau du droit contractuel français. La plupart

des réformes envisagées et des orientations proposées pour les mettre en œuvre sont

finalement promptes à pallier cette incompatibilité entre notre droit des contrats et

l’estoppel.

Ainsi, à travers un renouveau du droit des contrats en France, qui replacerait par

exemple la confiance légitime au cœur de l’appréhension de la relation contractuelle,

apparaitrait le terrain d’accueil d’un estoppel assumé et au régime unifié, pour sa

consécration française au sein du droit des contrats.

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L’estoppel en droit des contrats

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2000, p. 91 et s.

- G. Lyon-Caen, « De l’évolution de la notion de bonne foi », RTD Civ., 1946,

p.75.

M

- D. Mainguy, « Défense, critique et illustration du projet de réforme du droit des

contrats », D. 2009, chr. P. 308.

- D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise contractuelle ?

», in Etudes offertes à F. Terré, Dalloz, 1999, p. 603 et s.

- D. Mazeaud, « Le juge et le contrat. Variations sur un couple « illégitime » »,

Mélanges offerts à J.-L. Aubert, Dalloz, 2005, p. 235 et s

- H. Muir Watt, « Pour l’accueil de l’estoppel en droit international privé

français », in Mélanges Y. Loussouarm, Dalloz, 1994, p. 304 et s.

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L’estoppel en droit des contrats

98

P

- Ph. Pinsolle, « Distinction entre le principe de l’estoppel et le principe de bonne

foi dans le droit du commerce international », JDI Clunet, 1998, p. 905 et s.

R

- Ph. Rémy, « Droit des contrats : questions, positions, propositions », in L.

Cadiet (dir), « Le droit contemporain des contrats », 1987, n° 4 p. 271 et s.

- F. Rouvière, « La remise en cause du contrat par le juge », in G. Lareux (dir.),

« L’efficacité du contrat », Dalloz, 2011, p. 41.

S

- E. Savaux, « solidarisme contractuel et formation du contrat », in Le

solidarisme contractuel – mythe ou réalité?, dir. L. Grynbaum et M. Nicod,

Economica, 2004, p. 43 et s.

- M. Spence, « Protecting reliance : the emergent doctrine of equitable estoppels

», 1999, Oxford – Portland Oregon, Hart Publishing

T

- F. Terré (dir.), Pour une réforme du droit des contrats, Dalloz, 2009

- F. Terré, Le doute et le droit, Dalloz, 2004.

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L’estoppel en droit des contrats

99

IV - Jurisprudence

A- Décisions fondées sur l’estoppel ou sanctionnant directement une

contradiction

1°- Décisions de la Cour de cassation

- Cass. Civ. 1ère

, 6 juill. 2005, arrêt Golshani, Clunet 2006. 608, note M. Behar-

Touchais, Rev. arb. 2005.993, note Ph. Pinsolle ; D. 2005. JP. 3059, note Th.

Clay ; JCP G. 2005.I.179, n°6, obs. J. Ortscheidt.

- Cass. civ. 1re

, 3 févr. 2010, Bull. civ. I, n° 25 ; D. 2010. AJ 448, obs. Delpech ;

ibid. 2589, obs. Clay.

2°- Décisions de cours d’appel

- Paris, 1re

ch. C., 17 janv. 2002, ITM c/ Gavaud, somm. Rev. arb., 2002.205.

- Paris, 1re

ch. C., 19 fév. 2004, Euton c/ Ural Hudson, Rev. arb., 2004.873, note

L. Jaeger.

- Paris, 1re

ch. C., 19 fév. 2004, Euton c/ Ural Hudson, Rev. arb., 2004.873, note

L. Jaeger.

- Paris, 1re

ch. C., 18 nov. 2004, SA Thalès Air Defence c/ GIE Euromissile, Rev.

arb., 2005.715 ; JDI, 2005.357, note A. Mourre ; RTD com., 2005.263, obs. E.

Loquin ; JCP, 2005 I.134, obs. Ch. Seraglini ; JCP, 2005 II, 10038, note G.

Chabot ; J. Intl. Arb., 2005.239, note D. Bensaude ; Rev. Lamy de la conc.,

2005.58, obs. E. Barbier de la Serre et Ch. Nourissat.

- Rouen, 2e ch. C., 25 nov. 2004, Cogecot Cotton Company c/ Marlan’s Coton

Industries, Gaz. Pal., 28 avr. 2005, n°118, p. 32.

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L’estoppel en droit des contrats

100

3°- Décisions de la Cour internationale de Justice

- 12 oct. 1984, Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du

Maine (Canada c/ Etats-unis d’Amérique), 12 octobre 1984, Rec. CIJ, 1984, §

130, p.305.

- 13 sept. 1990, Affaire du différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El

Salvador c/ Honduras), Requête du Nicaragua à fin d’intervention, Rec. CIJ,

1990, v. spéc. § 63, p. 118.

4°- The High Court of Justice

- High Court, 1947, Central London Property Trust Ltd. v. High Trees House

Ltd, 68 L.Q.R. 283.

B- Décisions sanctionnant indirectement une contradiction ou une

incohérence

1°- Dans le comportement du contractant

a- Négociation du contrat

- Cass. com., 22 avr. 1997, D. 1998, p.45, note P. Chauvel ; RTD civ. 1997,

p.651, obs. J. Mestre.

- Cass. com., 26 nov. 2003, RDC 2004, p. 257, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2004,

p.80, obs. J.Mestre et B. Fages.

- Cass. com., 18 janv. 2011, n° 09-14.61

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L’estoppel en droit des contrats

101

b- Exécution du contrat

- Cass. civ. 1ère

, 8 avr. 1987, RTD civ. 1988, p.122, obs. J. Mestre et p.146, obs.

Ph. Remy ; JCP 1988, II, 21037, obs. Y. Picod ; Defrénois 1988, p.375, obs. J.-

L. Aubert.

- Cass. civ. 3

ème, 13 avr. 1988, RTD civ. 1989, p. 743, obs. J. Mestre.

- Cass. civ. 1ère

, 16 févr. 1999, D. 2000, p. 360, obs. D. Mazeaud.

- Cass. com., 15 janv. 2002, D. 2002, p.1974, note Ph. Stoffel-Munck et p. 2841,

obs. D. Mazeaud ; Contrats, Conc., consomm. 2002, comm. n°94 ; JCP 2002,

10157, obs. Ch. Jamin ; RTD civ. 2002, p. 294, obs. J. Mestre et Ch. Jamin.

- Cass. com., 17 juil. 2002, RTD civ 2002, p. 93, obs. J. Mestre et B. Fages.

- Cass. com., 30 nov. 2004, Bull. Joly, 2005.379, note P. Mousseron ; RTD civ.,

2005.391, obs. J. Mestre et B. Fages

- Cass. civ. 1re

, 1er

mars 2005, D., 2005.883, obs. X. Delpech ; RTD civ.,

2005.391, obs. J. Mestre et B. Fages

- Cass. com., 8 mars 2005, D. 2005, p. 2843, obs. B. Fauvarque-Cosson ; RDC

2005, p. 1015, obs. D. Mazeaud ; Rev. Lamy, Droit civil, juil./août, 2005 p.5,

note D. Houtcieff ; RTD civ. 2005, p. 391, obs. J. Mestre et B. Fages.

c- Extinction du contrat

- Cass. com., 5 avr. 1994, Contrats, conc., consomm. 1994, comm. n° 159, obs.

L. Levneur ; D. 1995, p. 90, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 1994, p. 603, obs. J.

Mestre.

- Cass. com., 20 janv. 1998, D. 1998, p. 413, note Ch. Jamin ; Contrats, conc.,

consomm. 1998, comm. n° 56, obs L. Leveneur ; D. 1999, p. 114, obs. D.

Mazeaud ; JCP 1999, II, 10085, obs. J.-P. Chazal ; RTD civ. 1998, p.675, obs.

J. Mestre.

- Cass. com., 9 avr. 2002, RTD civ. 2002, p.811, obs. J. Mestre et B. Fages.

- Cass. com., 9 janv. 2001.

- Cass. com., 5 oct. 2004, Cont. conc. conso., 2005, comm. n° 1, obs. L.

Leveneur ; JCP 2005, I, p.114, obs. M. Chany ; RDC, 2005, p. 288, obs. P.

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L’estoppel en droit des contrats

102

Stoffel-Munck et p. 384, obs. M. Béhar-Touchais ; Revue Lamy, Droit civil,

janv. 2005, p. 5, note D. Mainguy et J.-L. Respaud ; RTD civ. 2005, p. 128, obs

J. Mestr et B. Fages.

- Paris, 1re

ch. C., 12 sept. 2002 (« Devoir procédural de bonne foi), Macron et

SARL International Display Design c/ société des Cartonnages de Pamfou, Rev.

arb., 2003.173, note M.-E. Boursier.

2°- Dans les termes du contrat

- Cass. civ. 1ère

, 18 janv. 1984, RTD civ. 1984, p. 727, obs. J. Huet.

- Cass. civ. 1ère

, 15 mars 1988, RTD civ. 1990, p. 666, obs. P. Jourdain.

- Cass. com., 9 mai 1990, RTD civ. 1990, p. 667, obs. P. Jourdain.

- Cass. civ., 1ère

, 23 févr. 1994, D. 1994, p. 214, obs N. Dion ; RTD civ. 1994,

p.616, obs. P. Jourdain.

- Cass. com., 22 oct. 1996, Contrats, conc., consommé. 1997, comm.. n° 24, obs.

L. Leveneur ; D. 1997, p.121, note A. Sériaux et p. 175, obs. P. Delebecque ;

Defrénois 1997, p. 333, obs. D. Mazeaud ; JCP 1997, I, 4002, obs. M. Fabre-

Magnan et 40025, obs. G. Viney et II, 22881, obs. D. Cohen ; RTD civ. 1997, p.

418, obs. J. Mestre.

- Cass. civ. 1ère

, 2 déc. 1997, D. 1998, p. 200, obs. D. Mazeaud ; JCP 1998, I,

144, obs. G. Viney.

- Cass. com., 15 févr. 2000, D. 2000, p.365, obs. Ph. Delebecque ; RTD civ.

2000, p. 325, obs. J. Mestre et B. Fages ; Defrénois 2000, p. 1118, obs. D.

Mazeaud.

- Cass. civ. 2ème

, 10 mars 2004, RDC 2004, p. 928, obs. Ph. Stoffel-Munck et p.

1080, obs. A. Debet ; RTD civ. 2005, p. 133, obs J. Mestre et B. Fages.

- Cass. civ. 1ère

, 22 juin. 2004, RDC 2005, p.270, obs. D. Mazeaud.

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L’estoppel en droit des contrats

103

C- Décisions rendues dans divers domaines

- Cass. civ. 2e, 16 juill. 1953, JCP 1953, II, 7792, note R. Rodière

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L’estoppel en droit des contrats

104

INDEX ALPHABETIQUE

A

Abus : n° 68 / 71 / 99 et s.

Arbitrage : n° 13 et s. / 35 et s.

Autonomie (de la volonté) : n° 116 et s.

B

Bonne foi : n° 18 / 21 / 79 et s.

C

Cause : n° 90 et s. / 101 et s.

Confiance : n° 22 / 27 / 50 et s. / 129 et

s.

Consideration : n° 43 et s. / 79 et s.

F

Faute : n° 63 / 89 et s.

G

Gain manqué : n° 33 / 65

Golshani (arrêt) : n° 25 et s. / 62

L

Loyauté : n° 20 / 50 et s.

O

Offre : n° 64 et s.

P

Préjudice : n° 105 et s.

R

Reliance : n° 34 / 43 et s.

Renonciation : n° 17 et s.

Représentation : n° 40 et s.

Rupture brutale : n° 33 / 61

S

Solidarisme : n° 116 et s.

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L’estoppel en droit des contrats

105

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ........................................................................................................ 4

SOMMAIRE ..................................................................................................................... 5

PRINCIPALES ABREVIATIONS .................................................................................. 6

INTRODUCTION ............................................................................................................ 7

1ère

partie – Le glissement de l’estoppel vers le droit privé français : effectivité et

virtualité .................................................................................................................... 13

Titre I – L’accueil exprès de l’estoppel dans le droit privé français ................ 14

Chapitre I – Le processus de construction de la reconnaissance de l’estoppel .. 14

Section I – Un principe français d’estoppel en germe par l’adoption de

décisions liées au mécanisme ......................................................................... 15

§ I – La multitude de décisions comportant les prémices de l’estoppel en

droit français ............................................................................................... 15

I) Un processus lancé par les juges du fond ......................................... 15

II) Les premiers pas de la Cour de cassation ....................................... 18

§ II - La complexité du fondement de la sanction d’une contradiction dans

la procédure arbitrale .................................................................................. 19

Section II – La reconnaissance par la jurisprudence comme impulsion d’une

consécration textuelle ..................................................................................... 22

§ I – L’utilisation du terme « estoppel » par la Cour de cassation ............. 22

§ II – L’estoppel dans le décret du 14 janvier 2011 ................................... 25

Chapitre II – Les limites de la reconnaissance du principe d’estoppel .............. 26

Section I – Un simple moyen de défense en procédure arbitrale ................... 26

§ I – Un estoppel au développement restreint par son application au seul

domaine procédural .................................................................................... 26

§ II – L’enfermement du principe d’estoppel dans les particularités liées à

l’arbitrage international .............................................................................. 28

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L’estoppel en droit des contrats

106

Section II – Une application restreinte au regard de la doctrine issue des

systèmes juridiques de Common Law ............................................................ 30

§ I – Les « différents estoppels » de Common Law ................................... 30

I) Les différents estoppels dans le droit anglais ................................... 30

II) Les différentes appréhensions du principe d’estoppel dans les

systèmes anglais, australien et américain ............................................... 32

§ II – L’impossible transcription de l’estoppel de Common Law sans

adaptation ................................................................................................... 33

Conclusion du Titre I .......................................................................................... 35

Titre II – De l’estoppel à une obscure interdiction de se contredire au

détriment d’autrui dans l’ensemble du droit privé français des contrats ....... 37

Chapitre I – L’appréhension française du traitement de la confiance, la loyauté et

la cohérence ........................................................................................................ 38

Section I – Le caractère sous-jacent des notions de confiance, loyauté et

cohérence ........................................................................................................ 38

Section II – Le dénominateur commun aux notions de confiance, loyauté et

cohérence ........................................................................................................ 41

§ I – Un rapport commun à la morale ......................................................... 41

§ II – Une absence d’autonomie conceptuelle ............................................ 42

Chapitre II - L’existence implicite d’une interdiction générale de se contredire

au détriment d’autrui dans la jurisprudence française du droit des contrats ...... 43

Section I – A la formation du contrat ............................................................. 44

§ I – La rupture brutale et imprévisible des négociations .......................... 44

§ II – Le délai de retrait de l’offre .............................................................. 46

Section II – Durant l’exécution du contrat ..................................................... 47

Section III – A l’extinction du contrat ............................................................ 49

Conclusion du Titre II ........................................................................................ 51

Conclusion de la 1ère

partie ............................................................................................. 52

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L’estoppel en droit des contrats

107

2ème

partie - L’estoppel en droit privé français des contrats, entre technique et

politique juridique .................................................................................................... 53

Titre I – Les imbrications techniques entre le principe d’estoppel et les

concepts fondateurs du droit contractuel français ............................................ 54

Chapitre I - Les possibilités d’admission du principe d’estoppel à travers les

concepts connus du droit des contrats ................................................................ 55

Section I – La bonne foi : un fondement incomplet ....................................... 56

§ I – La bonne foi confrontée à la distinction entre estoppels offensif et

défensif ....................................................................................................... 56

§ II – Un fondement inapte au regard de sa fixité en droit contractuel

français........................................................................................................ 58

I) La bonne foi du code civil comme protection des parties dans une

situation « figée » dés sa formation ........................................................ 58

II) L’estoppel comme instrument de protection des parties dans une

relation contractuelle « évolutive » ........................................................ 60

Section II – La combinaison des notions françaises du droit des contrat : des

fondements potentiels ..................................................................................... 61

§ I – La faute lourde et l’obligation essentielle : sanction de la contradiction

inhérente à la substance du contrat ............................................................. 62

§ II – La cause et l’obligation essentielle : une protection de la confiance

légitime ....................................................................................................... 63

Chapitre II - Les limites de l’épanouissement d’un principe d’estoppel dans le

cadre actuel du droit français des contrats : l’estoppel, un mécanisme en quête

d’identité conceptuelle ........................................................................................ 64

Section I – L’absence d’uniformité face à l’exigence française de fondement

........................................................................................................................ 65

§ I – La pluralité de fondements en cas de contradiction comportementale

ou volte-face ............................................................................................... 66

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L’estoppel en droit des contrats

108

I) La responsabilité délictuelle au service de la sanction des

contradictions précontractuelles ............................................................. 66

II) La pertinence de la bonne foi comme fondement de la sanction des

contradictions dans l’exécution du contrat ............................................. 68

III) L’abus de droit comme fondement de la sanction des contradictions

se manifestant à l’exécution du contrat .................................................. 69

§ II – La cause, un fondement pour la sanction des contradictions internes

observables dans le contrat ......................................................................... 70

I) Un fondement en phase avec la notion de contradiction .................. 70

II) Un fondement discutable ................................................................ 71

Section II – L’absence d’uniformité dans le régime....................................... 72

§ I – Une condition handicapante pour l’uniformité du régime : la

constatation d’un préjudice subi ................................................................. 72

§ II – La pluralité de sanction selon la nature de la contradiction .............. 73

I) La clause, source de la contradiction interne, reputée non écrite ..... 74

II) L’allocation de dommages-intérêts, sanction récurrente de la

contradiction dans une logique de réparation ......................................... 74

Conclusion du Titre I .......................................................................................... 76

Titre II – L’introduction du principe d’estoppel dans le droit privé français

des contrats : la remise en cause d’un modèle ................................................... 77

Chapitre I – Les influences de l’estoppel sur le rôle du juge ............................. 77

Section I – L’estoppel et la doctrine solidariste ............................................. 78

§ I – L’estoppel et le solidarisme : une dynamique commune ................... 78

§ II – La source de la force obligatoire du contrat : le point de divergence

entre estoppel et solidarisme....................................................................... 79

Section II – L’estoppel et la notion de « sécurité juridique » ......................... 81

Chapitre II - La possible consécration d’un principe d’estoppel assumé dans le

droit français des contrats : la perspective d’une réforme .................................. 82

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L’estoppel en droit des contrats

109

Section I – L’estoppel au service d’un droit adapté aux montages contractuels

des affaires ...................................................................................................... 82

§ I – Un mécanisme adapté aux contrats à exécution successive ............... 83

§ II – Un mécanisme adapté aux contrats conclus dans une démarche

stratégique ................................................................................................... 84

Section II – Un changement de logique contractuelle par la consécration de la

confiance ......................................................................................................... 85

Conclusion du Titre II ........................................................................................ 88

Conclusion de la 2ème

partie ............................................................................................ 89

CONCLUSION GENERALE ........................................................................................ 91

BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................... 93

INDEX ALPHABETIQUE .......................................................................................... 104

TABLE DES MATIERES ............................................................................................ 105