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JEAN-PIERRE LEVAIN LA RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS A LA FIN DU CYCLE PRIMAIRE SOLUTIONS TO MULTIPLYING PROBLEMS AT THE END OF THE PRIMARY CYCLE RESUME. Cet article se propose d'ttudier, dans une perspective d'evaluation, la resolution de problemes multiplicatifs chez des eleves de dix a onze ans, a la fin du cycle primaire. II s'agit de resoudreune serie de problemesd'arithmetique impliquant le calcul d'une inconnue. Ces problemes sont replaces dans le cadre des structures multiplicatives definies comme: "des relations, transformations,lois de composition ou operations qui impliquent une ou plusieurs multiplications ou divisions" (G. Vergnaud). Le cadrage experimental repose sur l'utilisation d'une typologie qui prend en compte trois types de facteurs: la structure du problime, les variables numeriques et le domaine de referencede l'enonce. Les donnees recueillies soulignent que les enfants disposent d'un repertoire plus riche que ce qui avait ete habituellement constate. Elles permettent de valider la primaute du facteur struc- ture dans l'explication de la variabiliteobserv6e.Nos resultatsvont dans le sens de l'impor- tance du role des apprentissages scolaires dans l'acquisition de modeles mathematiques specifiques. ABSTRACT. This article aims at studying how 10 to 11 years old pupils (end of the French primary school-cycle) resolve problems of multiplication within an assessment perspective. It is a matter of solving a series of arithmetic problems involving the computation of an unknown. These problems are put into the context of "multiplicative structures"de- fined as: "relations, transformations, laws of composition or operations involving one or several multiplications or divisions" (G. Vergnaud). The experimental background is based on the use of a typology which takes into account three types of factors: the struc- ture of the problem, numeric variables and the field of the referenceof the specific terms used for the problems. The collected data point out that children have at their disposal a richer repertoire than that which had generally been reported. These data allow for the validation of the primacy of the "structure" factor in the explanation of the observed variability. INTRODUCTION Cet article se propose d'explorer, dans une perspectived'evaluation, les competencesd'eleves de 10 et 11 ans a resoudre des problemesnumeriques qui necessitentl'utilisationd'une ou plusieurs multiplications ou divisions. Dans le contexte actuel, oui l'evaluation occupe une place croissante a l'interieurdu systeme educatif, nous avons utilise les apports de la psy- chologie cognitive pour construire une epreuve d'evaluation qui permette de faire avancer la recherche.Pour ce faire, nous nous appuyons sur des Educational Studies in Mathematics 23: 139-161, 1992. ( 1992 Kluwer AcademicPublishers. Printed in the Netherlands.

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JEAN-PIERRE LEVAIN

LA RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS A

LA FIN DU CYCLE PRIMAIRE

SOLUTIONS TO MULTIPLYING PROBLEMS AT THE END

OF THE PRIMARY CYCLE

RESUME. Cet article se propose d'ttudier, dans une perspective d'evaluation, la resolution de problemes multiplicatifs chez des eleves de dix a onze ans, a la fin du cycle primaire. II s'agit de resoudre une serie de problemes d'arithmetique impliquant le calcul d'une inconnue. Ces problemes sont replaces dans le cadre des structures multiplicatives definies comme: "des relations, transformations, lois de composition ou operations qui impliquent une ou

plusieurs multiplications ou divisions" (G. Vergnaud). Le cadrage experimental repose sur l'utilisation d'une typologie qui prend en compte trois types de facteurs: la structure du problime, les variables numeriques et le domaine de reference de l'enonce. Les donnees recueillies soulignent que les enfants disposent d'un repertoire plus riche que ce qui avait ete habituellement constate. Elles permettent de valider la primaute du facteur struc- ture dans l'explication de la variabilite observ6e. Nos resultats vont dans le sens de l'impor- tance du role des apprentissages scolaires dans l'acquisition de modeles mathematiques specifiques.

ABSTRACT. This article aims at studying how 10 to 11 years old pupils (end of the French primary school-cycle) resolve problems of multiplication within an assessment perspective. It is a matter of solving a series of arithmetic problems involving the computation of an unknown. These problems are put into the context of "multiplicative structures" de- fined as: "relations, transformations, laws of composition or operations involving one or several multiplications or divisions" (G. Vergnaud). The experimental background is based on the use of a typology which takes into account three types of factors: the struc- ture of the problem, numeric variables and the field of the reference of the specific terms used for the problems. The collected data point out that children have at their disposal a richer repertoire than that which had generally been reported. These data allow for the validation of the primacy of the "structure" factor in the explanation of the observed variability.

INTRODUCTION

Cet article se propose d'explorer, dans une perspective d'evaluation, les competences d'eleves de 10 et 11 ans a resoudre des problemes numeriques qui necessitent l'utilisation d'une ou plusieurs multiplications ou divisions. Dans le contexte actuel, oui l'evaluation occupe une place croissante a l'interieur du systeme educatif, nous avons utilise les apports de la psy- chologie cognitive pour construire une epreuve d'evaluation qui permette de faire avancer la recherche. Pour ce faire, nous nous appuyons sur des

Educational Studies in Mathematics 23: 139-161, 1992. ( 1992 Kluwer Academic Publishers. Printed in the Netherlands.

JEAN-PIERRE LEVAIN

travaux de psychologie concerant l'apprentissage des mathematiques; notamment ceux developpes par Gerard Vergnaud.

C'est parce que l'enfant est confronte a des situations nombreuses et variees qu'il integre progressivement de nouveaux savoirs et savoir-faire. Ces connaissances peuvent etre soit explicites et exprimees soit, le plus souvent, rester en grande partie implicites; l'enfant se bornant alors a utiliser les operations adequates (theoremes en acte). Dans une perspective d'elargissement et d'institutionnalisation des savoirs, il importe d'identifier les differentes relations mathematiques qui fondent les strategies de resolu- tion employees par les eleves.

Generalement les situations s'articulent les unes aux autres dans des ensembles qui, pour etre maitrises, necessitent l'utilisation de plusieurs concepts de nature diff6rente. II n'y a pas de relation univoque entre un concept et une situation. Un concept opere dans plusieurs situations et, inversement, plusieurs concepts agissent simultanement a l'int6rieur d'une meme situation; dans cette recherche par exemple, la resolution des prob- lemes multiplicatifs implique la maitrise de nombreux concepts: fonction lineaire, analyse dimensionnelle, fraction, rapport, taux, multiple, diviseur etc... Cette notion de champ conceptuel permet l'etude des representations et des conceptualisations construites par l'enfant sur une large periode de temps. Le champ conceptuel des structures multiplicatives concerne l'ensemble des problemes qui peuvent etre analyses dans le cadre d'une proportion simple ou multiple.

ETAT DE LA QUESTION

A l'heure actuelle, les psychologues utilisent principalement deux types de situations pour etudier le raisonnement proportionnel (Tourniaire et Pulos, 1986, 181-204):

- Les taches de comparaison, par exemple: comparaison des teneurs en jus d'orange de boissons preparees en melangeant une certaine quantite d'eau et de jus d'orange (Noelting, 1980) ou encore, comparaison des teneurs en sucre de boissons preparees en melangeant un certain nombre de cuillerees de sucre et de jus de citron (Karplus, 1983).

- Les problemes numeriques avec determination d'une inconnue (Fisch- bein, Greer, Vergnaud etc...).

C'est dans ce cadre que se situe notre recherche, les problemes presentes aux eleves sont assez proches de ceux qu'ils rencontrent habituellement a l'ecole.

140

RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS

La plupart des recherches sur la resolution de problemes multiplicatifs mettent l'accent sur le choix de la bonne operation aboutissant a la solution. Ce sont des epreuves du type papier-crayon qui consistent soit a resoudre le probleme, soit a choisir entre plusieurs reponses proposees (Bell et al., 1984; Fischbein et al., 1985; Vergnaud, 1983, 1988; Greer, 1987, etc...). L'echantillon est souvent constitue d'enfants de douze a quinze ans; des interviews de nature clinique suivent parfois les epreuves. Trois

principaux facteurs peuvent expliquer la difficult6 d'un probleme: sa struc-

ture, les variables numeriques impliquees dans sa resolution et la plus ou moins grande familiarite du domaine de reference de l'enonce.

II est actuellement assez bien etabli que la meme operation peut renvoyer a des problemes de structure bien diff6rente. Par exemple les problemes d'aire posent plus de difficultes aux eleves que ceux de simple proportion (Vergnaud, 1983; De Corte et al., 1988).

Dans le cadre de la structure de proportion simple (Vergnaud, 1983), considerons les deux problemes suivants:

(I) "Paul achete 7 petits pains pour 28F. Combien couite un petit pain?". (2) "Nicolas achete des tubes de colle pour 28F; chaque tube couzte 7F.

Combien de tubes a-t-il achete?".

La solution pour les deux problemes est: "28:7 = 4". Le ": 7" du premier probleme (Fig. 1) represente un rapport entre

grandeurs de meme nature c'est un operateur scalaire c'est a dire sans dimension ("sept fois moins" est l'inverse de "sept fois plus").

Par contre le ": 7" du deuxieme probleme (Fig. 2) n'est pas un scalaire, mais un operateur qui fait passer d'une categorie de mesure a l'autre. Ce

passage s'analyse en terme de fonction, il implique la notion de dimension

quotient (francs par tube de colle) et de fonction reciproque dont la maitrise est plus delicate.

La choix de la bonne operation depend egalement du type de nombre

implique; l'importance du facteur variable numerique est maintenant bien

tubes de colle I francs

petits pains francs 1

X-7 28 ) !028 Fi.1.Fg.2

141

Fig. 1. Fig. 2.

JEAN-PIERRE LEVAIN

validee (Vergnaud, 1983; Bell et al., 1984; Greer et Mangan, 1984; Fisch- bein et al., 1985; De Corte et al., 1985). Par exemple pour les problemes de multiplication les entiers sont mieux reussis que les decimaux su- perieurs a 1, eux-meme y mieux reussis que les decimaux inferieurs a 1 (Greer et Mangan, 1984).

En fait, malgre la commutativit6 de la multiplication, les eleves ne font pas jouer le meme role au multiplicateur et au multiplicande. Par exemple les eleves ont moins de difficult6s a resoudre un probleme de multiplication ouf il faut multiplier "0,6F par 38 crayons" (0,6 x 38), que s'il s'agit de multiplier "43F par 0,7 kg"' (43 x 0,7), cf. Table V, com- paraison 6 et 7.

Les eleves reussissent mieux les problemes de multiplication que ceux de division. Ils eprouvent des difficultes lorsque le diviseur est superieur au dividende. L'introduction d'un decimal inf6rieur a I est complexe a la fois pour les problemes de multiplication et de division (Bell et al., 1984; Greer, 1986).

Fischbein et al. (1985) ont introduit la th6orie d'un modele primitif et intuitif. Ce modele continuerait d'agir, meme lorsque les operations ont acquis un statut formel. L'addition it6ere constitue le modele implicite de la multiplication. Elle entraine de ce fait.les contraintes suivantes: le multipli- cateur doit etre un entier et le produit doit etre superieur au multiplicande. II existe de meme pour la division deux modeles implicites avec leurs contraintes specifiques.

Dans les divisions de type "partition" (recherche de la valeur uni- taire d'un "objet"), le diviseur represente le nombre "d'objets"; ce qui implique qu'il doit etre un entier et que le dividende doit etre superieur au diviseur (cette derniere idee n'est pas acceptable telle quelle; tout enfant sait bien par exemple, qu'il peut partager deux bananes en quatre parts).

Dans les divisions de type "quotition" (recherche de la quantite d'unites), le diviseur represente la valeur unitaire de "l'objet", il n'est donc plus aussi n6cessaire qu'il soit entier, le dividende doit etre simplement superieur au diviseur.

Kathleen Hart2 (1981) au cours d'une vaste enquete (500 eleves de 13, 14 et 15 ans) a abouti a hierarchiser cinq niveaux d'items. Elle souligne l'heterogeneite des performances a age constant, l'extreme lenteur des acquisitions, ainsi que la difficulte pour certains eleves ai depasser une strategie additive. Elle insiste egalement sur les conceptions implicites qui decoulent, pour la plupart, de generalisations tirees du domaine des en- tiers positifs; par exemple la multiplication rend "plus grand", la division

142

RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS

rend "plus petit", elle implique normalement un grand nombre divise par un plus petit etc...

Brian Greer (1988) etudie ces conceptions implicites dans une perspec- tive piagetienne de non-conservation des operations. II distingue quatre types d'eleves quant a l'acquisition de cette conservation et propose des situations et des elements necessaires a une eventuelle remediation.

Selon Pearla Nesher (1988), les eleves identifient les operations sur la base de traits de surface, plut6t qu'a partir d'une comprehension profonde du texte. A partir de taches de construction d'enconces et d'interviews, Nesher tente de cerner les connaissances implicites de modeles multiplica- tifs chez les enfants de 10 a 12 ans. Les donnees textuelles que l'enfant rencontre dans son contact avec l'enonce sont cruciales et lui fournissent des indices de resolution. Elle souligne le caractere epure et stereotype des textes de problemes, dont la fonction essentielle est d'exprimer les diffe- rentes applications d'une structure mathematique, plutot que de presenter des situations realistes de resolution de problemes.

Bell (1984) a montre que les eleves qui echouent peuvent a la fois se tromper d'operation tout en ayant une assez bonne approximation du resultat. "Simplement" ils ne peuvent pas coordonner cette approximation avec la mise en forme algorithmique du probleme. En fait, ces 6leves ne considerent pas que la structure est invariante, quelle que soit la taille des nombres.

CADRE CONCEPTUEL

Notre demarche experimentale s'appuie sur trois types de facteurs:

- La structure du probleme. - Les diff6rentes variables numeriques impliquees. - La plus ou moins grande familiarit6 du domaine de reference de

l'enonce.

Nous reprenons, en ce qui concerne les aspects structuraux, une typolo- gie des problemes multiplicatifs developpee par Gerard Vergnaud. Cette typologie nous permet de decrire les differentes conditions d'observation, elle respecte l'independance des trois facteurs consideres et facilite, a notre sens, le traitement statistique des donnees.

Cette typologie constitue l'ossature principale de notre plan d'experi- ence. Elle sera largement illustree dans la partie suivante (pour une analyse plus approfondie, se reporter aux deux articles: "Multiplicative structures" de Gerard Vergnaud de 1983 et 1988).

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JEAN-PIERRE LEVAIN

x f(x) x ft x')

Fig. 3.

La structure de proportion simple

Cette structure (Fig. 3) met en jeu quatre quantit6s appartenant i deux espaces de mesure diff6rents. Par exemple:

"4 gommes coaitent 6francs. Combien coa'tent 10 gommes?".

Ici la fonction permettant de passer d'un espace de mesure ' I'autre est y = 1,5x. Elle possede les proprints de l'isomorphisme de la fonction lineaire:

(1) f(x + x') =f(x) +f(x')

(2) f(kx) = kf(x).

Enfin en combinant 1 et 2:

(3) f(kx + k'x') = kf(x) + k'f(x').

Nous retrouvons ces proprietes dans les diff6rentes strategies de r&esolution mises en oeuvre par les e16ves, par exemple, lorsqu'ils utilisent un operateur scalaire (Fig. 4):

(a) L'&eeve peut tout d'abord rechercher k dans 1'expression:

f(kx) = kf(x), (ici k = 2,5).

f(2,5 x 4) = 2,5 xf(4).

2,5 x 6=15.

(b) 11 peut utiliser la premiere propriete de 1'isomorphisme (building-up):

f(x + x + x') =f(x) +f(x) +f(x').

Dans notre exemple:

f(4 + 4 + 2) =f(4) +f(4) +f(2) = 6 + 6 + 3 = 15.

gommes francs

4 64

Fig. 4.

144

RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS

gommes | francs

4' 6 10 I x !Mi M

1 f(1) x f(x)

Fig. 5. Fig. 6.

(c) Il peut utiliser en partie la troisieme propriete de l'isomorphisme:

f(2 x 4 + 1/2 x 4) = 2f(4) + 1/2f(4).

(2 x 6) +(1/2 x 6) = 12+3 = 15.

Certains eleves n'utilisent pas l'operateur scalaire; ils calculent directe- ment le coefficient de proportionnalite:

Cet operateur fonction fait apparaitre une difficult6 qui tient au r6le des unites de mesure: 1,5 francs/gomme (Fig. 5).

Pour notre exemple: x = 10 x 1,5 = 15.

Au cycle primaire et dans les problemes les plus simples, souvent, une de ces quatre quantites est egale a 1 (Fig. 6); par exemple:

"Un crayon coate 4 francs. Combien cottent 6 crayons?".

Cette structure reste fondamentalement une structure de proportion qui renvoie a un nombre important de situations a la fois quotidiennes et

techniques (distribution en parts egales, couts vitesse uniforme etc...). Elle definit trois grands types de problemes en fonction de la place

occupee par l'inconnue:

- Multiplication: trouver f(x). - Division de type 1: trouver f(l) (partition) - Division de type 2: trouver x (quotition).

La structure de proportion simple composee

Cette structure (Fig. 7) comporte trois espaces des mesure MI, M2 et M3 dans lesquels une fonction f permet de passer de Ml a M2 et une fonction f' de M2 a M3. II s'agit donc d'appliquer la fonction lineaire composee f of'. Nous retrouvons les trois types de problemes precedents (multiplica- tion, divisions de type 1 et de type 2):

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JEAN-PIERRE LEVAIN

Mt Ml 1 f(1)

1 f(1) x fof(x)

Fig. 7.

La structure du produit de mesure

Cette structure (Fig. 8) renvoie a la composition cartesienne de deux espaces de mesure M, et M2 en un troisieme M3 (aire, volume, produit cartesien). Comme trois variables sont impliquees, cette structure est repre- sentee par une table a double entree. Seulement deux types de problemes relevent de cette structure:

- Multiplication: trouver f(xI, x2). - Division de type 2: trouver x, connaissant x2, f(x1, x2).

Comme f(l, 1) = I (par exemple: Im x im = lm2); il n'existe pas de division de type 1.

M2 1 2 3 4 5 X2

1 - f(1,)) 1

Mi1 x, 2.

3-

Xi ' f(x,,X2)

M3

Fig. 8.

La structure de proportion double

Cette structure (Fig. 9) est proche du produit de mesure; un espace de mesure M3 est proportionnel a deux autres espaces de mesure Ml et M2 independants (par exemple la production de lait en fonction du nombre de vaches et du nombre de jours). Le temps est une variable frequemment utilisee dans ce type de structure (consommation, production, depense etc...).

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RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS

M2 2 3 4 5 X

1 f(I,l) k

M, 2.

3-

xi f(x,,x.)

M3

Fig. 9.

Trois types de problemes font partie de cette structure:

- Multiplication: trouver f(xl, x2). - Division de type 1: trouver f(l, 1). - Division de type 2: trouver x, ou x2 connaissant les autres variables.

PRESENTATION DE L'EXPERIENCE3

Nous avons presente 35 problemes a un echantillon compose de 46 eleves appartenent a trois classes de CM24 de Besangon. 21 eleves appartiennent a une classe du centre de la ville, 13 font partie d'une classe a double niveau (CM 1-CM2) de la peripherie, les 12 autres appartiennent egalement a une classe a double niveau, mais de secteur rural. Nous avons construit ces problemes en croisant les deux facteurs "structure" et "variable nu- merique" et en maintenant constant le domaine de reference.5 Les Tables I et II, a travers quelques exemples, montrent un echantillon de nos 35 problemes associ6 a la representation graphique de leur structure.

A travers ces quelques exemples, nous pouvons constater que les enonces sont, d'un point de vue linguistique, tres proches les uns des autres a l'interieur d'une meme structure, et le plus comparable possible d'une structure a l'autre. Nos comparaisons portent, d'une part sur l'influence des diff6rentes structures avec des nombres du meme ordre de grandeur, d'autre part sur le role des diff6rentes variables numeriques a l'interieur d'une meme structure (petits entiers, grands entiers, decimaux superieurs ou inf6rieurs a 1).

Dans la Table I (proportion simple), les trois premiers exemples sont des problemes de multiplication; le n? 1 implique uniquement des petits entiers, les numeros 6 et 7 introduisent un decimal inf6rieur a 1 soit au multipli- cande, soit au multiplicateur.

147

JEAN-PIERRE LEVAIN

TABLE I

Proportion simple: problemes n? 1 I 23

N? du Enonce Structure probleme

Multiplications: n? 1

n? 6

n? 7

Divisions de type n? 10

n? 11

Divisions de type n? 15

n? 18

Nicolas achete 16 albums de Mickey. Le prix d'un album est de 4 francs. Combien Nicolas doit-il payer? Un instituteur commande 38 crayons de papier. Le prix d'un crayon est de 0,6 franc. Combien l'instituteur doit-il payer? Une m6nagere achete 0,7 kilogramme de viande. 1 kilogramme de viande cofte 43 francs. Combien la menagere doit-elle payer?

1 (partition): Une ecole commande 47 livres de Fran9ais. Elle paye en tout 3196 francs. Quel est le prix d'un livre de Fran9ais? Une ecole commande 47 classeurs. Elle paye en tout 319,6 francs. Quel est le prix d'un classeur?

2 (quotition): Un 6elve achete des tubes de colle qui coiutent 24 francs. Un tube de colle coute 6 francs. Combien de tubes de colle a-t-il achete? St6phane achete des malabars qui coutent 24 francs. Un malabar cofite 0,6 francs. Combien St6phane a-t-il achet6 de malabars?

Quatrieme proportionnelle: n? 21 15 stylos couitent 45 francs.

Combien coutent 139 stylos? n? 23 25 livres coitent 68 francs.

Combien coutent 134 livres?

14 16 x

1 0,6 38 x

1 43

0,7x

1 x 47 3196

1 x 47 319,6

1 6 x 24

1 0,6 x 24

15 45 139 x 25 68

134x

Les numeros 21 et 23 traduisent une recherche de quatrieme proportion- nelle. Le n? 21 privilegie une strat6gie de type fonction, en effet la rapport scalaire est complexe alors que le rapport fonction est simple (1/3). Le n? 23 ne privilegie pas a priori de strategies car les deux types de rapport sont complexes.

Dans la Table II par exemple, les numeros 27 et 33 traduisent une structure de proportion double; pour le n? 27 une multiplication, et pour le n? 33 une division de type 1; dans les deux cas, les variables numeriques impliquees sont de grands entiers.

148

RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS

TABLE II

Proportion simple composee et proportion double. Problemes n? 24 a 35

N? du Enonce Structure pro- bleme

Proportion simple composee: Multiplication: n? 24 Une institutrice commande 4 boites de feutres. 1 8

Dans chaque boite il y a 8 feutres. 1 3 Un feutre coute 3 francs. 4 x Combien l'institutrice paye-t-elle en tout?

Division de type 1: n? 29 Pour les fetes de noel, une usine commande 57 cartons de ballons. 1 36

Dans chaque carton il y a 36 ballons. 1 x L'usine paye 59508 francs pour le tout. 57 59508 Quel est le prix d'un ballon?

Proportion double: Multiplication: n? 27 Un groupe de 79 personnes passe 12 nuits a l'hotel. 1 12

Le prix de la chambre est de 276 francs par personne et par jour. 1 p276 Combien le groupe doit-il payer pour les 12 nuits? 79 x

n? 33 Dans une colonie de vacances, 39 enfants font du camping. 1 39 Pour 46 jours de vacances, ils payent 48438 francs au camping. 1 x Quel est le prix du camping par jour et par enfant? 46 48438

Les Tables III et IV synthetisent, pour l'ensemble de nos problemes, les

representations graphiques des structures ainsi que les diff6rentes variables

numeriques utilisees.

Chaque ligne du tableau correspond a une meme structure. Par exemple la premiere ligne represente les variations numeriques a l'interieur de la

multiplication (petits entiers, grands entiers, decimaux superieurs et in- ferieurs a 1). Les structures de proportion simple composee et multiple (Table IV) sont plus complexes. De ce fait, nous n'avons pas utilise de decimaux mais uniquement des nombres entiers grands ou petits.

Chaque eleve re9oit un livret, a l'interieur duquel les 35 problemes sont presentes dans un ordre aleatoire. Tous les calculs sont realises a l'interieur du livret. Les 6leves ont la possibilite d'utiliser les tables de

multiplication, mais pas de calculatrice. Nous avons traite les donnees avec le programme P.A.C.6 Dans cette perspective, la mise a l'epreuve des

hypotheses se traduit par une s6rie de comparaisons a un degre de liberte.

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JEAN-PIERRE LEVAIN

TABLE III

Representation graphique des problemes de proportion simple

Multiplication:

n? 1 n? 2 n? 3 1 4 1 6 1 2586

16 x 2586 x 8 x

n? 4 1 6,25

67 x

n? 5 n? 6 n? 7 1 76 1 0,6 1 43

6,25 x 38 x 0,7 x

Division de type 1 (partition):

n? 8 n? 9 n? 10 n? 11 n? 12 n? 13 n? 14 1x 1 x I x 1 x 1 x 1x x 7 28 4 2304 47 3196 47 319,6 6,5 273 6 0,9 0,7 28

Division de type 2 (quotition):

n? 15 n? 16 n? 17 n? 18 1 6 1 39 1 6,5 1 0,6 x 24 x 2964 x 156 x 24

Quatrieme proportionnelle:

n? 19 n? 20 n? 21 n? 22 28 46 15145 15 139 6 x 6 x 139x 45 x

n? 23

134 x

TABLE IV

Representation graphique des problemes de proportion simple composee et de proportion double

Multiplication:

n? 24

1 3 1 4

8 x

n? 25

1 12 1 286

67 x

n? 26

81 4

3 x

n? 27

1 12 79 x

Division de type 1:

n? 28

1 8

I x 4 64

Division de type 2:

n? 30

1 3 1 6 x 36

n? 29

1 36 1 x

57 59508

n? 31

1 37 1 48 x 47952

n? 32

1 3

8 48

n? 34

1 3

J7 42 x 42

n? 33

1 39

46 1 48438

n? 35

1 37 1[297 x 27898

150

RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS

Nous presentons aux eleves une serie de problemes multiplicatifs; nous avons conscience que ce choix methodologique augmente assez sensible- ment la reussite a l'ensemble des items; neanmoins, nous centrons notre

analyse non pas sur une evaluation absolue, mais, tout particulierement, sur des comparaisons relatives entre series de problemes. Nous nous

appuyons pour cela sur un vaste travail d'evaluation nationale des compe- tences en mathematiques, conduit a I'IREM de Besangon, ou les items sont

regroupes, soit en un theme homogene, soit de maniere composite (1987, 1988).

Nous comparons successivement soit deux structures, soit deux types de variable numerique a l'interieur de la meme structure. Notre analyse statistique s'appuie sur l'inf6rence fiduciaire (Rouanet, 1977; Lecoutre, 1981; Hoc, 1983), cette demarche introduite par Rouanet et Lepine en 1975 se demarque de la methode classique du test de signification. Cette derniere conduit a juger de la compatibilite des donnees observees avec l'hypothese d'un effet parent nul en precisant un des risques relatif a l'etablissement de cette conclusion (seuil de signification). Du point de vue de l'utilisateur, cette conclusion n'est pas pleinement satisfaisante. Plutot qu'une interroga- tion en terme d'hypothese nulle (effet parent exactement nul ou non nul), c'est bien l'importance de l'ecart a cette hypothese qui est visee (effet parent notable ou negligeable). La methode d'inference fiduciaire permet, a partir du meme modele d'echantillonage, de conclure en termes d'importance des effets parents en les associant a une certaine garantie. Notre analyse nous

permet non seulement de dire qu'un effet existe, mais aussi de savoir s'il est notable ou negligeable au niveau de l'ensemble parent (notre seuil de confiance est de P = .90).

HYPOTHESES

Nos hypotheses se presentent sous la forme d'une serie de dix comparaisons que nous testons de maniere sequentielle.

En ce qui concerne le facteur structure:

(1) Les problemes necessitant une multiplication sont mieux reussis que ceux qui impliquent une division (Bell et al., 1984; Greer, 1987).

(2) Les eleves reussissent mieux les problemes impliquant une division de type 1 (partition), plutot que ceux necessitant une division de type 2

(quotition). Nous pensons en effet, que les strategies de type scalaire sont

plus aisees que les strategies de type fonction (ce point a deja ete developpe dans l'etat de la question).

151

JEAN-PIERRE LEVAIN

(3) Dans le cadre de la proportion simple (structure a quatre termes), les

problemes dont une des quatre quantites est egale a 1 sont les plus simples (Vergnaud, 1981, 1983).

(4) Les problemes de proportion simple composee sont plus difficiles a resoudre que ceux de simple proportion (composition de deux fonctions, traitement de six termes au lieu de quatre).

(5) Enfin, de tous les problemes proposes, ceux ayant une structure de double proportion sont les moins bien reussis (nous pensons que la maitrise de la fonction bilineaire necessite des operations de pensee plus complexe que pour la fonction lin6aire).

En ce qui concerne le facteur variable num6rique, l'introduction d'un decimal a deja fait l'objet de nombreux travaux (ce point est par ailleurs

developpe dans l'etat de la question). Nous insistons plus particulierement sur les hypotheses suivantes:

(6) L'introduction d'un decimal superieur a 1 posera plus de difficultes a l'eleve s'il est place au multiplicateur plutot qu'au multiplicande (l'eleve doit depasser la conceptualisation de la multiplication comme addition iteree et faire pleinement fonctionner le commutativite).

(7) L'introduction d'un decimal inf6rieur a 1 posera plus de difficultes a l'eleve s'il est place au multiplicateur plut6t qu'au multiplicande (a la difficulte de l'hypothese n0 6, s'ajoute ici le fait que le produit est "plus petit" que le multiplicande).

(8) L'introduction d'un decimal superieur a 1 au dividende ne pose pas de difficultes majeures (notre comparaison porte sur les problemes n? 10 et 11 qui sont tous les deux des problemes de division de type 1; le diviseur etant un entier, les difficult6s nous paraissent essentiellement liees au maniement de la technique operatoire).

(9) L'introduction d'un decimal inferieur a 1 au diviseur est une opera- tion complexe (le quotient est superieur au dividende); neanmoins nous pensons que le probleme de division de type I sera mieux reussi que celui de type 2. II sera interessant de mettre en rapport cette hypothese avec la n? 7 portant sur l'introduction d'un decimal inf6rieur a 1 au multiplicande ou au multiplicateur.

(10) Dans le cadre de problemes de quatrieme proportionnelle, nous pensons que les eleves utilisent plus aisement une procedure scalaire plutot qu'une procedure fonction. Pour le verifier, nous comparons les problemes n? 21 et 22 en faisant varier deux types de rapport. Le rapport externe est simple et le rapport interne complexe pour le n? 21; c'est l'inverse pour le n? 22.

152

RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS

ANALYSE DES RESULTATS

Les resultats, ainsi que les principales causes d'erreurs apparaissent dans les Tables V et VI. Les eleves sont motives et rapides; la plupart d'entre eux ont resolu 1'ensemble des problemes en deux sequences d'une heure trente (nos previsions etaient de trois ou quatre).

Bien que les items soient constitues uniquement de problemes multipli- catifs les performances nous ont paru particulieretient elevees: le taux general de reussite est en effet de .66. Si nous negligeons les erreurs de calcul (pas de calculatrice), le taux des bonnes strategies de resolution passe a .79.

TABLE V

Resultats des problemes n? 1 a 23

Prob Reponses Absence Erreurs Inversion Mauvais Strategie Autres n? correctes de de diviseur choix additive

et taux r6ponse calcul dividende d'operation

1 46 1 2 34 .74 10 2 3 42 .91 2 1 1 4 32 .70 11 3 5 32 .70 2 10 2 6 37 .80 7 2 7 22 .48 5 5 4 10 8 43 .93 1 1 1 9 39 .85 2 2 2 1

10 34 .74 11 1 11 33 .72 2 11 12 36 .78 7 1 2 13 29 .63 1 5 9 1 1 14 30 .65 3 2 4 1 6 15 46 1 16 31 .67 12 3 17 34 .74 8 3 1 18 33 .72 2 8 2 1

Prob R6ponses Pas de Erreurs Strat6gie Une seule Une seule Autres n? correctes r6ponse de additive division mult

et taux calcul

19 34 .74 6 6 20 28 .61 4 1 3 1 3 6 21 27 .59 1 6 1 1 9 1 22 25 .54 3 8 I 1 6 2 23 10 .22 3 20 2 2 6 3

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JEAN-PIERRE LEVAIN

TABLE VI

Resultats des problemes n? 24 a 35

Prob Reponses Pas de Erreurs Strategie Une seule Une seule Autres n? correctes reponse de additive division mult

et taux calcul

24 43 .93 2 1 25 27 .59 1 14 1 2 1 26 25 .54 1 9 4 2 5 27 13 .28 3 11 4 14 28 34 .74 3 6 1 2 29 25 .54 2 8 9 1 1 30 28 .61 2 1 1 13 1 31 23 .50 4 5 1 8 4 1 32 20 .43 2 22 2 33 21 .46 3 4 2 14 2 34 27 .59 18 1 35 17 .37 5 9 3 9 1 2

Les problemes de determination de quatrieme proportionelle sont bien reussis (.54), alors meme que cette structure n'a pas encore ete enseignee.

Cette maitrise est par ailleurs relativement peu sensible a la valeur des variables numeriques impliquees (petits entiers, grands entiers, rapports simples ou complexes). Le fait de passer a de grands entiers ou a des rapports plus complexes augmente le nombre des erreurs de calcul, mais n'affecte pas la strategie de resolution (taux de bonnes strategies: .68).

Une autre observation, dans le cadre de la proportion double, concerne les divisions de type 1 et 2 (comparaison 32, 33 et 34, 35). Pour ces problemes, deux strategies sont chaque fois possibles. Or nous constatons que pour resoudre les problemes de division de type 1, les 6elves utilisent massivement deux divisions successives par exemple pour le probleme: "3 freres reoivent chaque jour la meme somme d'argent de poche. Pour 8 jours, ils reEoivent en tout 48F. Combien chaque enfant refoit-il d'argent de poche par jour?"

Par contre pour les divisions de type 2, ils utilisent une multiplication puis une division par exemple pour le probleme:

"3freres regoivent chacun 7F d'argent de poche par jour. Ils veulent s'acheter un ballon qui coate 42F. Pendant combien de jours les trois freres doivent-ils economiser pour pouvoir s'acheter le ballon?".

154

RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS

Cette distinction, qui fonctionne aussi bien avec les petits entiers qu'avec les grands, renvoie selon nous au role joue par les unites de mesure (l'eleve acceptera de multiplier un prix par jour et par personne par trois person- nes, par contre il ne multipliera pas 3 freres par 8 jours).

Poursuivons notre analyse statistique; la Table VII resume les principales donnees concernant la validation de nos hypotheses.

Dans cette table, chaque ligne concerne la validation d'une hypothese et traduit une comparaison. La premiere colonne nous renseigne sur l'hy- pothese testee (1, 2, 3, etc...); la deuxieme nous indique quels sont les problemes qui font partie des deux termes de la comparaison.

Pour chacune de nos comparaisons (chaque comparaison traduit une hypothese), l'effet traduit la difference entre la moyenne des problemes du premier terme de la comparaison et celle du second. Comme les diff6rents problemes sont tous cotes 1 ou 0 (reussite = 1, echec =0), un effet de 0,3 traduit une difference moyenne de reussite de 0,3 point, c'est a dire de 30%, entre les deux series de problemes prises en compte; le signe plus ou moins traduit le sens de la comparaison. La conclusion d'effet notable ou neglige- able traduit l'inf6rence, elle nous renseigne sur la taille de cet effet au niveau de l'ensemble parent. Par exemple pour l'hypothese 1 (premiere ligne) nous concluons en terme d'effet negligeable car, au seuil P = .90, l'effet inf6re es toujours inferieur a 0,06 point. Les problemes qui necessi- tent une division (partition et quotition) sont aussi bien reussis que ceux necessitant une multiplication.

Au regard de la Table VII, nous constatons que parmi nos dix hypothe- ses, six sont generalisables en termes d'effet notable ou negligeable nean- moins, il existe parfois une zone d'indetermination oui l'effet inf6re, bien que non notable, ne puisse pas etre considere comme negligeable, quatre hypotheses sont dans ce cas (hypotheses n? 6, 8, 9 et 10). Nous dis- tinguerons donc les conclusions qui portent uniquement sur un effet observe sur l'6chantillon (analyse descriptive), et celles qui sont generalis- ables a l'ensemble parent (analyse inferentielle).

En ce qui concerne le facteur "structure", nos resultats sont bien valides au niveau de l'ensemble parent. Ils nous surprennent cependant sur deux points.

Nos hypothese n? 1 et 2 sont infirmees:

- Les problemes de division sont aussi bien reussis que les problemes de multiplication. Ce resultat peut paraitre quelque peu surprenant (Greer, 1987), neanmoins il est particulierement bien valide; la comparaison porte sur 18 problemes relevant du meme domaine de reference, les

155

156 JEAN-PIERRE LEVAIN

TABLE VII Validation des hypotheses au seuil P =.90

Hypothese: Comparaison Effet Ecart- Effet Effet Conclusion

impliquec type notable negligeable prob n? P = .90 P =.90

-0,0059 0,2466 <0,04137

-0,0054 0,1706

<0,06185 Effet

negligeable

< 0,02730 < 0,04321 Effet

negligeable

(3) DifficultC des

problimes de 4?

proportionnelle

(4) Problemes de

Prop S Comp plus difficiles que P.S

(5) Les problemes de Prop double sont les plus difficiles

(6) Intro d'un decimal sup i 1 au multiplicateur

(7) Intro d'un decimal inf a 1 au multiplicateur

(8) Intro d'un decimal sup a 1 au dividende

(9) Intro d'un decimal inf a 1 au diviseur

(10) Strategies scalaire ou fonc- tion dans 4? prop

1,2,3,8,9,10, 15,16 et

19,20,21,22,23

1,8,15 et

24,28,30

24,25,28,29 30,31 et

26,27,32,33, 34,35

4 et 5

6et 7

10 et 11

14 et 18

21 et 22

0,3168 0,2585 >0,26725 <0,36644 Effet notable

0,2174 0,2829 >0,16311 < 0.27167 Effet notable

0,2065 0,2814 >0,15253 <0,26051 Effet notable

0 0,6324 >-0,1213 <0,15664

0,3261 0,6685 >0,19787 <0,45429

0,0218 0,4939 > -0,0729 < 0,12746

-0,0652 0,4899

0,04347 0,5946

<0,02876 <0,15987

> -0,0705 < 0,16363

Effet indetermin6

Effet notable

Effet indetermine

Effet indetermin6

Effet indetermin6

(1) Multiplications plus faciles que divisions

(2) Divisions T1 plus faciles que divisions T2

1,2,3,4,5,6,7 et

8,9,10,11,12, 13,14,15,16, 17,18

8,10,12,14 et

15,16,17,18

RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS

nombres sont alternativement des petits ou des grands entiers, des decimaux superieurs ou inf6rieurs a 1. L'effet inf6re est toujours inf6rieur a .06 au seuil de P = .90.

- Les problemes de division de type 2 sont aussi bien reussis que ceux de type 1.

Selon Bell, Fischbein et Greer (1984), les problemes de type partition sont plus aises que ceux du type quotition; Greer en 1987 ne trouve plus de reelle difference. Notre resultat est ici encore bien valide (comparaison entre 8 problemes relevant du meme domaine de reference et utilisant des nombres varies). L'effet inf6re est toujours inf6rieur a .04. Il convient de prendre en compte, pour expliquer ces deux resultats, le fait que notre etude est centree sur un seul niveau d'age et agit a la maniere d'une coupe transversale. Si certaines observations ne sont plus constatees, elles peuvent tres bien rester pertinentes dans certains cas, par exemple nous pensons que l'hypothese des strategies "scalaire ou fonction" reste valide vis a vis d'un echantillon composee d'enfants plus jeunes ou d'un niveau moins eleve. Ce constat nous permet cependant de differencier des difficultes passageres des veritables obstacles epistemologiques qui seront beaucoup plus stables dans le temps.

Nos hypotheses n? 3, 4 et 5 sont validees:

- Les problemes de recherche de quatrieme proportionnelle sont globale- ment plus difficiles que les problemes impliquant soit une seule multipli- cation, soit une seule division; l'effet inf6re est superieur a .26. Tous ces problemes de simple proportion se caracterisent par leur structure a quatre termes, les plus simples, ceux dont un des termes est egal a 1, restent des cas particuliers des plus complexes (Vergnaud, 1981).

- Les problemes de proportion simple composee sont plus complexes que les problemes de simple proportion (determination de la fonction com- posee, prise en compte de six termes); l'effet inf6re est superieur a .16.

- De tous les problemes proposes, ceux ayant une structure de proportion double sont les plus complexes (la difficult6 est liee a la notion de fonction bilineaire et non au nombre de termes qui est le meme que pour la structure de proportion simple composee); l'effet inf6re est superieur a .15.

En ce qui concerne le facteur "variable numerique", seule l'hypothese n0 7 est statistiquement validee:

- L'introduction d'un decimal inferieur a 1 pose de grosses difficult6s aux eleves s'il est place au multiplicateur plut6t qu'au multiplicande. L'effet

157

JEAN-PIERRE LEVAIN

est massif, la reussite au probleme n? 6 est de .80, au n? 7, elle n'est plus que de .48; l'effet infere reste toujours superieur a .20.

Au niveau d'une analyse descriptive des donnees, nous pouvons faire plusieurs observations.

En ce qui concerne les problemes de multiplication:

L'introduction d'un grand nombre entier rend le probleme d'autant plus difficile qu'il est place au multiplicateur (probleme n? 2 et 3). L'introduc- tion d'un decimal superieur a 1 pose egalement des difficultes, neanmoins sa position semble moins importer (probleme n? 4 et 5); l'introduction d'un decimal inferieur a 1, place au multiplicateur, represente un obstacle difficile a surmonter.

En ce qui concerne les problemes de division:

Le passage des petits nombres entiers aux plus grands (problemes n? 8, 9 et 10; problemes n? 15 et 16) se traduit par de nombreuses erreurs dans le calcul de l'operation (difficulte de l'algorithme de la division).

Pour les problemes de division de type partition, l'introduction d'un decimal superieur a 1 au dividende ne semble pas poser de difficultes. Pour ces memes problemes, la position occupee par un decimal inferieur a 1 (diviseur ou dividende) ne semble pas avoir d'effet important (problemes n? 13 et 14); nous ne retrouvons pas l'effet massif constate pour la multiplica- tion (il convient sans doute de souligner, pour cette derniere, la pregnance du modele implicite de l'addition iteree).

Nous ne constatons qu'une tres legere difference, concernant l'introduc- tion d'un decimal inf6rieur a 1, entre les problemes de division de type 1 (partition) ou 2 (quotition) (problemes n? 14 et 18).

Enfin les problemes de quatrieme proportionelle qui favorisent l'utilisa- tion d'un rapport scalaire (probleme n? 22) ne sont pas mieux reussis que ceux favorisant une strategie de type fonction (probleme n? 21).

Les resultats de nos hypotheses n? 2 et 10 relativisent quelque peu l'importance des strategies de type scalaire ou fonction.

CONCLUSION

Notre experience valide tout particulierement le poids du facteur "structure" dans la variabilite des resultats. Nous observons trois obstacles majeurs:

- Le passage des problemes impliquant une seule multiplication ou divi- sion aux problemes de quatrieme proportionnelle.

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RESOLUTION DE PROBLEMES MULTIPLICATIFS

- Le passage de la proportion simple a la proportion simple composee. - Enfin le passage de la proportion simple composee a la double propor-

tion.

En ce qui concerne les problemes de simple proportion ou une des quatre quantites est egale a 1, nous ne trouvons pas de difference significative d'une part, entre les problemes de multiplication et de division, d'autre part entre ceux impliquant des divisions de type 1 ou 2. Nous parlerons dans ce cas, plus de difficultes que de veritables obstacles.

En accord avec Bell et al. (1984), Greer (1987) et De Corte et al. (1988), nos donnees soulignent largement la difficult6 liee a l'introduction d'un decimal inferieur a 1 au multiplicateur; cette variable numerique affecte la comprehension meme de la structure du probleme. De nombreux eleves ne comprennent plus qu'il s'agit d'une multiplication (probleme n? 7).

Une observation de meme nature peut etre effectuee avec les problemes de proportion double (comparaison 26 et 27), ofu le passage a de grands entiers influence la comprehension de la structure du probleme.

Nos donnees vont dans le sens d'une interaction entre les deux facteurs etudies: "structure" et "variable numerique". Notre plan experimental ne permet cependant pas de tester cette hypothese.

La passage des decimaux superieurs a 1 a ceux inferieurs a I est plus aise en ce qui concerne les problemes de division.

De maniere generale, nos donnees soulignent que les eleves de 10-11 ans disposent d'un repertoire plus riche que ce qui avait ete habituellement constate (par exemple en ce qui concerne la recherche de la quatrieme proportionnelle). Ils ont acquis a la fin du cycle primaire une assez bonne maitrise dans la resolution des problemes multiplicatifs.

Nos resultats relativisent a la fois l'analyse dimensionnelle (Vergnaud, 1983), du moins dans le cadre de la proportion simple et la theorie d'un modele primitif (Fischbein et al., 1985), ils soulignent plutot l'importance du role lie i l'apprentissage scolaire dans l'acquisition de modeles mathe- matiques specifiques.

Sur le plan pedagogique, il nous semble important de travailler systema- tiquement la commutativite de la multiplication tout au long du processus d'apprentissage (addition iteree, construction des tables, technique opera- toire, problemes multiplicatifs). II nous parait utile de proposer a l'eleve une presentation plus systematique des differentes structures de problemes en faisant varier tres largement les variables numeriques (petits et grands entiers, puis decimaux superieurs et inferieurs a 1). II nous semble egale- ment important de souligner la structure a quatre termes des problemes de

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JEAN-PIERRE LEVAIN

proportion simple; les plus simples (ceux dont une des quatre quantit6s est egale a 1) devenant, par la suite, cas particuliers des plus complexes (quatrieme proportionnelle). Les problemes proposes doivent etre diver- sifies et deboucher sur l'analyse d'une grande variete de procedures de solution. Tout ceci, afin de mettre davantage l'accent sur certaines invari- ances qui restent mal reconnues par les eleves.

NOTES

0,6F repr6sente le prix d'un crayon et 43F le prix d'un kilogramme de viande. 2 D'apr6s l'6tude de K. Hart, la plupart des 6elves echoue gravement quel que soit leur age. Ces resultats dcourageants nous semblent decouler d'un choix des items qui pousse souvent les eleves a ne pas effectuer de calcul et a essayer de trouver le r6sultat de tete. 3 L'experience s'est deroulee au mois de fevrier 1988, a un moment ofu les classes ont termin6 l'apprentissage de la multiplication et de la division des decimaux. Aucune classe n'a encore abord6 l'enseignement de la quatrieme proportionnelle. 4 Le CM2 est la dernire et cinquieme annee du cycle primaire avant l'entree au college; les eleves sont iags de 10 a 11 ans. 5 L'ensemble des problemes traite de l'achat et de la vente de marchandises; ce domaine est particulierement familier aux 6elves de CM2. 6 Programme d'analyse des comparaisons de Bruno Lecoutre et Jacques Poitevineau (Groupe Mathematiques et Psychologie CNRS URA 1201). 7 Chaque probleme a et soumis a la critique de deux instituteurs et propose en pre-test a une autre classe de CM2 afin de v6rifier la bonne comprehension des textes et la dur6e de passation.

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