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58 Josiane Bertoncini Mehler J., Dupoux E., Segui J. (1990), Learning constraints on models of speech perception, in J. Altmann (Éd.), Cognitive Models of Speech Pro- cessing, Cambridge, Mass., MIT Press. Mehler J., Jusczyk P. W., Lambertz G., Halsted N., Bertoncini J. et Amiel- Tison, C. (1988), A precursor of language acquisition in young infants, Cognition, 29,143-178. Mehler J., Lambertz G., Jusczyk p. W., Amiel-Tison C. (1986), Discrimination de la langue maternelle par le nouveau-né, Comptes rendus de PAcadémie des Sciences de Paris, 303, série lu, 637-640. Miller J. L., Eimas P. D. (1983), Studies on the categorization of speech by infants, Cognition, 13, 135-165. Pisoni D. B., Luce P. A. (1987), Acoustic-Phonetic representation in word- recognition, in U. H. Frauenfelder et L. Komisarjevsky Tyler, Spoken Word Recognition, Cognition, 25, 21-52. Stevens K. N , Blumstein S. E. (1981), The search for invariant acoustic correlates of phonetic features, in P. D. Eimas et J. L. Miller (Eds), Perspectives on the study of speech, Hillsdale, NJ, Lawrence Erlbaum Associates. Streeter L. (1976), Language perception of 2-month-old infants shows effects of both innate mechanisms and experience, Nature, 259, 39-41. Vihman M. M. (1987), The interaction of production and perception in the transition to speech, Communication présentée à The Twelfth Annual Boston University Conference on Language Development, octobre. Vihman M. M., Miller R. (1988), Words and babble at the threshold of lan- guage acquisition, in M. D. Smith et J. L. Locke (Eds), The Emergent Lexicon : The Child's Development of a Linguistic Vocabulary, New York, Academic Press. Werker J. F., Gilbert J. H. V., Humphrey K„ Tees R. C. (1981), Developmental aspects of cross-language speech perception, Child Development, 52,349-355. Werker J. F., Lalonde C. E. (1988), Cross-language speech perception : Initial capabilities and developmental change, Developmental Psychology, 24, 672-683. Werker J- F., Tees R. C. (1984), Cross-language speech perception : Evidence for perceptual reorganization during the first year of life, Infant Behavior and Development, 7, 49-63. La reconnaissance des mots chez les adultes illettrés JOSÉ MORAIS SAO LUIS CASTRO RÉGINE KOLINSKY Université libre de Bruxelles et Université de Porto Dans ce chapitre nous examinons la possibilité que l'alphabé- tisation conduise, au travers du développement des capacités métaphonologiques qu'elle suscite, à l'élaboration de procédures servant dans la reconnaissance des mots parlés. Il est tout aussi important de spécifier les processus intervenant dans la perception de la parole et dans la reconnaissance des mots parlés qui ne sont pas affectés par l'alphabétisation. Notre proposition est que l'étude des effets de l'alphabétisation sur-la reconnaissance des mots parlés peut contribuer à une meilleure compréhension de l'architecture du système de traitement du langage en général, et de l'accès au lexique en particulier. De manière plus précise, des études comparant des auditeurs lettrés et illettrés sont suscep- tibles de nous informer sur les unités traitées, sur les stades éven- tuels de traitement, et sur les relations d'autonomie ou de dépen- dance entre différentes composantes du système de reconnaissance. UNITÉS ET STADES DANS LA RECONNAISSANCE DES MOTS PARLÉS Le postulat de base de l'approche cognitive de la reconnais- sance des mots parlés est que le signal de parole subit une série de transformations, ou active une série de représentations, avant XOUXSXY, MORAIS, SECUI - 3

La reconnaissance des mots chez les adultes illettrés

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58 Josiane Bertoncini

Mehler J., Dupoux E., Segui J. (1990), Learning constraints on models of speech perception, in J. Altmann (Éd.), Cognitive Models of Speech Pro­cessing, Cambridge, Mass., MIT Press.

Mehler J., Jusczyk P. W., Lambertz G., Halsted N., Bertoncini J. et Amiel-Tison, C. (1988), A precursor of language acquisition in young infants, Cognition, 29,143-178.

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Werker J- F., Tees R. C. (1984), Cross-language speech perception : Evidence for perceptual reorganization during the first year of life, Infant Behavior and Development, 7, 49-63.

La reconnaissance des mots chez les adultes illettrés

JOSÉ MORAIS

SAO LUIS CASTRO

R É G I N E KOLINSKY Université libre de Bruxelles et Université de Porto

Dans ce chapitre nous examinons la possibilité que l'alphabé­tisation conduise, au travers du développement des capacités métaphonologiques qu'elle suscite, à l'élaboration de procédures servant dans la reconnaissance des mots parlés. Il est tout aussi important de spécifier les processus intervenant dans la perception de la parole et dans la reconnaissance des mots parlés qui ne sont pas affectés par l'alphabétisation. Notre proposition est que l'étude des effets de l'alphabétisation sur-la reconnaissance des mots parlés peut contribuer à une meilleure compréhension de l'architecture du système de traitement du langage en général, et de l'accès au lexique en particulier. De manière plus précise, des études comparant des auditeurs lettrés et illettrés sont suscep­tibles de nous informer sur les unités traitées, sur les stades éven­tuels de traitement, et sur les relations d'autonomie ou de dépen­dance entre différentes composantes du système de reconnaissance.

UNITÉS ET STADES

DANS LA RECONNAISSANCE DES MOTS PARLÉS

Le postulat de base de l'approche cognitive de la reconnais­sance des mots parlés est que le signal de parole subit une série de transformations, ou active une série de représentations, avant

XOUXSXY, MORAIS, SECUI - 3

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60 José Morais, Sao Luis Castro, Régine Kolinsky

d'aboutir à la reconnaissance. La segmentation du signal apparaît comme une des opérations nécessaires, ne fût-ce que parce qu'il n'y a pas de séparation acoustique claire entre les mots dans la parole continue. Par ailleurs, le fait que, très souvent, des mots peuvent être reconnus bien avant que toute l'information acous­tique correspondante n'ait été présentée suggère que l'efficacité du système de reconnaissance peut être favorisée par une segmen­tation du signal dans des unités appropriées.

La plupart des modèles actuels de la reconnaissance des mots parlés admettent que l'accès au lexique est basé sur l'extraction préalable d'unités linguistiques sous-lexicales : traits phonétiques, phonèmes, attaque et rime, demi-syllabes, syllabes... Cette hypo­thèse est vraisemblable pour deux sortes de raisons. Premièrement, on peut supposer que, dans la mesure où les mots sont des objets phonologiques généralement complexes, l'extraction préalable de composantes phonologiques à un certain niveau d'information (par ex. le phonème, ou bien la syllabe), ou à plusieurs niveaux, constitue la voie de reconnaissance des mots la plus adaptée à la structure de la langue. Celle-ci comporte des régularités phonolo­giques, ce qui par conséquent permet d'exclure un grand nombre de possibilités combinatoires, et il serait étrange que ces régularités ne soient pas prises en considération par le système de reconnais­sance. Deuxièmement, les variations dans le signal dues au bruit, au locuteur, et au taux du débit de la parole, sont telles que l'on voit mal comment des patrons spectraux pourraient être associés direc­tement à des représentations des mots. Un mécanisme de recon­naissance qui prendrait comme unité de segmentation une unité phonologique sous-lexicale présente le désavantage de nécessiter une procédure de normalisation, mais il a en contrepartie l'énorme avantage de représenter chaque mot par une combinaison unique d'un nombre relativement petit d'unités plutôt que par un nombre pratiquement infini de formes spectrales. Par ailleurs, la procédure de normalisation supputée pourrait se baser sur la connaissance stockée des effets et invariants phonétiques : par exemple, connaissance de ce qui est bruit et de ce qui est phonétiquement pertinent, connaissance des relations invariantes entre les formants d'une même voyelle produite par des locuteurs différents, ou encore connaissance des relations entre l'augmentation du taux du débit et la réduction du temps d'attaque de la voix associé au trait de voisement.

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Les modèles ne sont pas unanimes quant à la nature des unités linguistiques sous-lexicales qui servent de code d'accès au lexique. En général, les auteurs ont tendance à privilégier un certain type d'unité (le trait phonétique : Stevens, 1986; le phonème : Pisoni et Luce, 1987; la demi-syllabe : Samuel, 1989; la syllabe : Mehler, 1981), qu'ils présentent comme l'unité primordiale.

En ce qui concerne la séquence des transformations percep­tives du signal de parole, les modèles actuels s'opposent sur une question centrale : celle de savoir jusqu'où, dans le sens de la périphérie du système de reconnaissance, peuvent aller les influences des étages supérieurs. En d'autres termes, une conception (dite modulariste) postule Fautonomie de certaines au moins des transformations perceptives, plus exactement des opérations de plus bas niveau par rapport aux influences de plus haut niveau, et la conception opposée (dite interactionniste) postule l'existence d'influences descendantes aussi bien qu'ascendantes à travers tous les étages du système. Il faut souligner que l'une comme l'autre de ces positions envisage l'extraction ou l'activation d'unités linguis­tiques sous-lexicales. Elles admettent donc l'existence de repré­sentations à différents niveaux d'information. Mais la description du décours temporel du traitement diffère d'une position à l'autre. La conception modulariste conduit à affirmer l'existence d'un stade précoce, la sortie de ce stade constituant l'entrée du stade de traitement suivant, tandis que pour la conception interaction­niste aucun traitement n'est définitif. Tant que le mot n'est pas reconnu, même les activations de traits phonétiques peuvent être modifiées.par des influences rétroactives. Ainsi, alors que pour la conception modulariste la détermination des unités de traitement doit être faite en rapport avec le moment du traitement, pour les modèles interactionnistes cette question est sans importance (en tout cas, dans la gamme des niveaux d'information considérés par le modèle). La question des unités pertinentes est, bien entendu, toute aussi importante dans le cadre des modèles interactionnistes que des modèles modularistes, et des raisons d'économie mènent à faire des choix. Le modèle TRACE (McClelland et Elman, 1986), par exemple, envisage l'existence d'un niveau de traits phoné­tiques et d'un niveau phonémique, mais pas d'un niveau syllabique.

Toujours au sujet de l'opposition entre les conceptions modu­lariste et interactionniste, il est important de bien distinguer les cadres fonctionnels dans lesquels ces conceptions sont envisagées.

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62 José Morals, Sao Luis Castro, Régine Kolinsky

Les appellations modulariste et interactionniste caractérisent géné­ralement des conceptions à propos du traitement du langage dans son ensemble, ce qui inclut non seulement l'accès lexical mais aussi les procédures de calcul syntaxique et d'intégration séman­tique (au niveau de la phrase et du discours). En fait, la conception modulariste du langage exclut rarement de manière absolue l'intervention d'interactions. Elle est modulariste en ce sens qu'elle attribue un caractère d'autonomie à au moins certaines parties de l'architecture globale. Ainsi, une conception qui présente les processus d'accès au lexique comme n'étant pas influencés par d'autres processus (calcul syntaxique, intégration sémantique) ou par des connaissances extrinsèques, est modulariste si le cadre fonctionnel envisagé est celui du traitement du langage, mais elle peut être interactionniste si le cadre fonctionnel par rapport auquel elle se définit est celui plus restreint de l'accès au lexique. Par exemple, la conception que Fodor (1983) présente du traitement du langage est modulariste, mais son approche de l'accès au lexique est interactionniste, en ce sens qu'il n'y distingue pas des composantes autonomes. Un modèle interactionniste comme TRACE n'est donc pas incompatible avec une conception modulariste du traitement du langage, mais il est par définition opposé à une conception modulariste de l'accès lexical.

LA NÉCESSITÉ DE DISTINGUER

ENTRE PROCESSUS PERCEPTIFS

ET PROCESSUS POSTPERCEPTIFS

L'ensemble des données empiriques qui, dans la littérature, sont considérées comme pertinentes pour la question des unités sous-lexicales intervenant dans la reconnaissance de la parole ont été obtenues à l'aide de tâches et procédures expérimentales assez diverses. Un problème majeur pour l'interprétation de ces don­nées vient du fait que certaines tâches incluent une composante postperceptive qui peut être déterminante des effets observés, ou qui peut en tout cas les influencer. C'est le cas de la tâche de reconnaissance de mots tronqués (situation de gating) et de la tâche de détection d'unités sous-lexicales (le plus souvent, pho-

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nème ou syllabe) (monitoring) dans des mots isolés ou dans des phrases. Dans la situation où l'auditeur est invité à reconnaître un mot après en avoir écouté juste une partie, il y a toute la place pour des opérations de recherche mentale consciente et même pour le devinement. En ce qui concerne la situation de détection d'unités sous-lexicales, on peut concevoir que les effets observés dans la performance ne reflètent pas seulement, ou même pas du tout, l'extraction ou l'activation de ces unités lors du processus qui mène à la reconnaissance du mot qui le contient, mais aussi, ou seulement, les opérations d'analyse postperceptive qui permettent de retrouver les unités dans la représentation phonologique du mot, une fois que celui-ci a déjà été accédé au niveau du lexique (pour une discussion de ce problème, voir Morais, 1985).

Un exemple extrême de situations dans lesquelles la composante postperceptive est déterminante des effets observés est fourni par les tâches dites métaphonologiques. Par exemple, la tâche qui consiste à soustraire le phonème initial d'une expression entendue comporte, bien entendu, un processus de reconnaissance de l'expression et un processus de manipulation mentale intentionnelle de la représentation phonologique de cette expression. Le premier est supposé être non pertinent pour des auditeurs sans déficience auditive et connaissant la langue, lorsque l'expression est pré­sentée dans de bonnes conditions acoustiques. La capacité ou l'incapacité à réaHser cette tâche va donc dépendre du second processus. C'est ainsi que des travaux effectués au Portugal sur des sujets adultes illettrés et des sujets alphabétisés à l'âge adulte (Morais, Cary, Alegria et Bertelson, 1979; Morais, Bertelson, Cary et Alegria, 1986) ont conduit à l'idée que l'habileté à ana­lyser intentionnellement la parole en phonèmes ne s'acquiert généralement pas indépendamment de l'acquisition'du code alpha­bétique (voir également Read, Zhang, Nie et Ding, 1986).

Evidemment, l'incapacité des adultes illettrés à réaliser des tâches impliquant une manipulation intentionnelle, consciente, de phonèmes (par ex., soustraire de « pak » le premier phonème, remplacer « p » par un autre phonème, ou inverser les phonèmes constituants) ne permet pas d'inférer quoi que ce soit quant à l'intervention ou non d'un traitement phonémique au cours du processus de perception de la parole. Le sujet incapable d'ana­lyser consciemment « pak » dans les trois phonèmes « p-a-k » a peut-être perçu l'expression « pak » à travers un processus

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inconscient de décodage du courant acoustique en phonèmes, suivi d'une intégration de ces phonèmes dans le percept global « pak ». Nous ne sommes pas en train de proposer que le processus se déroule de cette manière; nous voulons simplement souligner la possibilité qu'il en soit ainsi. En ce qui concerne les phonèmes, leur analyse consciente et leur analyse inconsciente n'ont peut-être en commun que le fait qu'elles se réfèrent à un même type d'information (et encore : les représentations cons­cientes de phonèmes ont subi des influences des connaissances orthographiques). Essentiellement, l'analyse consciente et l'ana­lyse inconsciente se distinguent à la fois par le niveau et par la fonction du traitement impliqué. L'analyse inconsciente précède la reconnaissance; l'analyse consciente suit éventuellement la reconnaissance afin de permettre une représentation écrite parti­culière de la langue ainsi qu'une description conceptuelle et forma­lisée de sa structure.

En rejetant l'idée qu'il est possible d'inférer les caractéristiques des traitements inconscients à partir de celles des traitements conscients, nous n'excluons pas pour autant la possibilité de rela­tions entre ces deux types de traitement. En ce qui concerne plus particuUèrement le traitement phonémique, nous pensons que des relations à double sens peuvent exister entre traitement conscient et inconscient. D'une part, les représentations conscientes de pho­nèmes peuvent être le produit d'une réélaboration de repré­sentations inconscientes des mêmes unités (cf. Morais, sous presse, a, b). D'autre part, la capacité à se représenter consciem­ment les phonèmes peut être à l'origine de procédures incons­cientes de traitement intervenant dans la reconnaissance de la parole. C'est cette dernière hypothèse qui constitue l'objet prin­cipal du présent chapitre.

L'idée que des représentations conscientes peuvent affecter des traitements inconscients peut paraître incongrue, si on estime que les premières ne sont que des épiphénomènes. A notre avis, il serait simpliste de considérer toute représentation consciente comme n'étant que l'aboutissement d'un processus inconscient de reconnaissance, c'est-à-dire comme totalement non pertinente pour le processus même de reconnaissance. Bien évidemment, cette position linéaire peut être justifiée si on examine chaque épisode de reconnaissance isolément, mais elle ne l'est proba-

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blement pas si on considère plutôt la genèse des mécanismes de reconnaissance. Examinons la question de plus près.

La reconnaissance d'une expression parlée, comme celle de n'importe quel objet, comporte l'intervention de dispositifs per­ceptifs qui sont biologiquement déterminés et opèrent de manière inconsciente, obligatoire et automatique. Le développement de ces dispositifs exige vraisemblablement des expériences critiques qui ont heu dans les conditions naturelles de la petite enfance. La connaissance propre à ces dispositifs peut porter soit sur des propriétés universelles du domaine perceptif concerné (par ex. toute production d'une consonne occlusive requiert la production d'une voyelle), soit sur des propriétés non universelles (en ce qui concerne la parole, c'est le cas pour l'existence même des fron­tières de traits phonétiques et pour leurs spécifications acous­tiques). Il est probable que la connaissance des propriétés non universelles se constitue de manière beaucoup moins rigide que celle des propriétés universelles. Ainsi, on pense actuellement que des mécanismes de focalisation inconsciente de l'attention contribuent à la détermination des frontières de la catégorisation phonétique. La catégorisation phonétique devient cependant rela­tivement obligatoire et automatique. Le point important, pour la présente question, est que la reconnaissance ne comporte pas que l'intervention de dispositifs biologiquement déterminés. Elle comporte également des processus qui, tout en étant inconscients, automatiques et dans doute obligatoires, semblent être sous la dépendance de formes explicites d'instruction et de phénomènes de prise de conscience. Dans le cas particulier de la reconnaissance des mots écrits, l'enseignement explicite du code alphabétique et la prise de conscience du niveau phonémique de structure de la parole semblent être indispensables à l'acquisition d'un méca­nisme d'accès au lexique, dit d'assemblage phonologique, qui au début exige un effort conscient mais par la suite opérerait de manière inconsciente et automatique. Si nous admettons une telle relation causale (et personne ne la conteste), alors nous pouvons tout aussi bien envisager la possibiHté que la conscience phoné­mique conduise également à l'élaboration de procédures inter­venant dans la reconnaissance de la parole. Ces nouvelles procé­dures, si eHes existent, interviendraient probablement de manière inconsciente.

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MOTIVATIONS DE L'ÉTUDE

DE LA RECONNAISSANCE DU LANGAGE PARLÉ

CHEZ LES ADULTES ILLETTRÉS

Nous ne pouvons pas manipuler la conscience phonémique directement. Néanmoins, nous pouvons comparer des populations dont nous avons des raisons sérieuses de penser qu'elles ont ou, au contraire, n'ont pas la conscience des phonèmes. En étudiant l'habileté d'analyse intentionnelle de la parole en phonèmes, nous avions conclu que les iUettrés ne la possèdent généralement pas. Nous avions inféré de cette observation qu'ils n'ont pas la conscience des phonèmes. Par contre, des ex-iUettrés, c'est-à-dire des personnes de même âge et de même origine sociale, dépourvus aussi d'un passé scolaire normal mais ayant appris à lire et à écrire à l'âge adulte, obtiennent une performance relativement bonne dans les tâches d'analyse phonémique intentionnelle (Morais et al., 1979, 1986) et peuvent donc vraisemblablement être crédités d'un niveau non négligeable de conscience des phonèmes.

Dans les études que nous avons réaUsées sur la reconnaisssance des mots, nous avons opté pour une autre comparaison qui nous donnait plus de chances de déceler des effets éventuels de la conscience phonémique. Il s'agit de la comparaison entre iUettrés et lecteurs avancés ayant une scolarité normale, appariés en âge. Il est en effet possible que seul un niveau très élevé de conscience phonémique et d'habileté d'analyse phonémique intentionneUe conduise au développement de nouvelles procédures de reconnais­sance. Afin d'obtenir quelques informations à ce sujet, nous avons inclus souvent un groupe intermédiaire de semi-lecteurs. Les semi-lecteurs sont des personnes qui n'ont eu pendant l'en­fance qu'un maximum de quatre ans de scolarité normale et qui ne pratiquent pas souvent la lecture et l'écriture, de teUe sorte que ces habiletés restent à un niveau élémentaire. Par aiUeurs, il est un fait que les lecteurs, semi-lecteurs et iUettrés diffèrent entre eux à beaucoup d'égards, et pas seulement par leurs habUetés phoné-miques. Ainsi, une interprétation des différences observées dans la reconnaissance qui ferait appel à la conscience phonémique doit être largement basée sur la plausibilité de la relation entre cette

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forme de conscience et la nature des représentations présumées (par ex., représentations des phonèmes plutôt que de la forme globale des mots). Tous les sujets testés étaient portugais, de langue maternelle portugaise, et tous les mots utiHsés comme stimuH étaient portugais.

E. est important de souligner que l'étude des effets de l'alpha­bétisation sur la reconnaissance des mots parlés peut avoir des imphcations théoriques en ce qui concerne l'opposition entre la conception modulariste et la conception interactionniste de l'accès au lexique. Prenons par exemple, à l'instar de TRACE, un modèle qui envisage trois niveaux d'information, à savoir les traits phonétiques, les phonèmes et les mots. Dans le cadre d'une conception entièrement interactionniste, où des influences activa-trices ont Heu entre ces trois niveaux, l'effet d'une variable comme l'alphabétisation doit soit s'exprimer sur tous lès trois niveaux, bien qu'à des degrés divers, soit ne pas se manifester du tout. Un effet sélectif de l'alphabétisation sur un ou deux des niveaux envisagés semble peu compatible avec une teUe conception. L'observation de ce type d'effet serait plus cohérente avec une conception modulariste de l'accès au lexique. L'étude des effets de l'alphabétisation sur la reconnaissance des mots parlés peut par conséquent contribuer à une meiUeure compréhension de l'architecture du système de traitement du langage.

Pour mémoire, il y a Heu de signaler ici une autre motivation de l'étude des effets de l'alphabétisation sur la reconnaissance des mots parlés. Cette étude peut contribuer à mieux spécifier les déterminants des troubles de l'acquisition des habiletés de lecture et de l'écriture. Certains travaux comparant des dyslexiques ou des mauvais lecteurs à des lecteurs normaux suggèrent l'existence d'anomaHes perceptives chez les premiers (cf. Brady, Shankweiler et Mann, 1983; Werker et Tees, 1987; et la discussion de Morais, . sous presse, a). Mais, comme il est bien connu, la simple obser­vation d'une corrélation ne permet pas.de préjuger du sens d'une éventueUe causaHté entre les deux termes. Les anomaHes cons­tatées chez les dyslexiques ou les mauvais lecteurs pourraient être dues à leur bas niveau de lecture et d'écriture, plutôt que d'en être j la cause. Cependant, si ces anomaHes ne sont pas constatées chez les iUettrés, qui par définition ont un niveau zéro de lecture et d'écriture, alors eUes peuvent bien être à l'origine des difficultés d'acquisition de ces habUetés.

.

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68 José Morais, Sao Luis Castro, Régine Kolinsky

LA RECONNAISSANCE DES MOTS CHEZ LES ENFANTS PRÉLECTEURS

Peu d'études ont examiné la possibiHté de différences quaH-tatives, c'est-à-dire au niveau de l'information traitée ou des processus utUisés, plutôt qu'au niveau du degré de précision, entre l'enfant prélecteur et le lecteur adulte dans la reconnaissance des mots. Cependant, plusieurs données expérimentales appuient l'idée que les enfants utiHsent moins que les adultes l'information acoustico-phonétique du début du mot pour accéder au lexique. Ainsi, Cole et Perfetti (1980) n'ont pas trouvé chez les enfants l'effet, typiquement observé chez les adultes, d'une meilleure performance de détection d'erreurs de prononciation lorsque l'erreur a Heu dans la première syUabe plutôt que dans la deuxième. Dans le même esprit, WaUey (1988), tout en observant que des enfants de cinq ans jugent comme moins clairs des mots où les phonèmes initiaux ont été dégradés ou supprimés que des mots où ces manipulations ont. été effectuées sur des phonèmes non initiaux, a constaté qu'un tel effet est plus faible chez les enfants que chez les adultes. Walley (1988) suggère qu'un traitement pri­vilégié de la partie initiale du mot peut être peu adapté à un lexique qui se trouve encore en expansion rapide. L'idée que l'expansion du lexique s'accompagne d'un passage de représen­tations lexicales relativement hoUstiques à des représentations structurées en termes de phonèmes a aussi été avancée par Studdert-Kennedy (1987), mais cet auteur situe ce passage bien avant l'âge habituel du début de l'acquisition de la lecture.

En ce qui concerne la production, on a trouvé que les effets du contexte vocaHque sur le bruit d'une fricative sont plus grands chez l'enfant, même de sept ans, que chez l'adulte (Nittrouer, Studdert-Kennedy et McGowan, 1988). Par aiUeurs, les erreurs de production qui consistent à permuter des pho­nèmes (par ex., GRAP-HOSSERS à la place de grass-hoppers) sont proportionneUement moins fréquentes chez l'enfant que chez l'adulte quand on les compare aux erreurs de permutation de traits phonétiques (GALL FOR PRISTMAS, à la place de bail for Christmas) (Stemberger, 1989).

La reconnaissance des mots chez les illettrés 69

Ainsi, en ce qui concerne la production comme la perception, une hypothèse envisageable est que la représentation phoné­mique inconsciente des mots ne soit pas encore complètement développée avant l'acquisition de la lecture et de l'écriture. Dès lors, la possibiHté que cette acquisition contribue, au travers de la prise de conscience des phonèmes, à parfaire un tel type de repré­sentation mérite d'être considérée.

L'ALPHABéTISATION ET LE NIVEAU DE TRAITEMENT PHONéTIQUE AUTOMATIQUE

L'extraction de traits phonétiques à partir du courant acous­tique de la parole est probablement une des premières opérations qui ont lieu dans la reconnaissance des mots parlés. Confor­mément à une conception modulariste de l'accès au lexique, nous avons fait l'hypothèse que ce type d'opérations précoces est insensible aux influences de plus haut niveau. Par conséquent, on peut en dériver la prédiction que des phénomènes reflétant ces opérations ne sont pas affectés par l'alphabétisation. Autrement dit, nous nous attendons à ce que des adultes iUettrés et des adultes lecteurs se comportent de manière similaire en ce qui concerne ces phénomènes.

Nous disposons pour l'instant de données concernant trois types de phénomènes qui tous reflètent le niveau de traitement phonétique automatique. Ces phénomènes sont le changement abrupt de la réponse d'identification, ou frontière phonétique, dans le continuum acoustique qui s'étend entre les deux valeurs opposées d'un trait (phénomène dit de perception catégorieUe); le phénomène d'intégration de l'information auditive et de l'infor­mation optique relative aux gestes articulatoires du locuteur (souvent appelé effet McGurk, d'après McGurk et McDonald, 1976); et le phénomène de fusion de traits phonétiques observé dans la situation d'écoute dichotique.

Castro et Morais (en préparation, a) ont réaUsé une expé­rience d'identification de mots différant par le voisement (les paires « bala-pala » et « gola-cola ») et dont la durée du prévoi-sement était variée peu à peu. Différentes durées de prévoisement

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étaient soit ajoutées à un stimulus non voisé, soit soustraites d'un stimulus voisé, de façon à obtenir les durées zéro, vingt, quarante, soixante, quatre-vingts et cent miUisecondes. La courbe typique d'une perception catégorieUe a généralement été observée, aussi bien pour les lecteurs que pour les iUettrés.

Au contraire de la situation précédente, notre étude de l'effet McGurk (Morais, De Gelder et Verhaeghe, en préparation) a uti­lisé un matériel constitué de syUabes (cv) sans signification, lequel a été aimablement fourni par D. Massaro. Des stimuH auditifs pris dans le continuum /ba-da/ étaient présentés soit seuls, soit simultanément avec le visage du locuteur sur un écran vidéo; dans ce dernier cas, les deux informations, auditive et optique, étaient soit concordantes soit discordantes. Dans la situation « information auditive seule », il n'y avait pas de différence signi­ficative entre lecteurs et iUettrés en ce qui concerne la pente de la courbe d'identification. Donc, on constate, pour le Heu d'arti­culation, et confirmant ce qui avait été observé dans l'expérience précédente pour la sonorité, que l'alphabétisation ne semble pas influencer le caractère catégoriel de la perception. Dans cette expérience, ce qui nous intéresse particulièrement est la situation audio-visueUe. Généralement, lorsque le sujet reçoit acousti-quement un /ba/ et voit 'un visage qui en fait articule süencieu-sement « da », il peut avoir l'impression d'entendre /da/ ou même /bda/. La perception de la consonne subit donc l'influence de l'information optique. Notre expérience a révélé une fois de plus cette influence. L'effet de déplacement de la courbe d'identification était en moyenne à peu près le même chez les lecteurs et les iUettrés (la différence entre les réponses /da/ avec un /da/ optique et un /ba/ optique était de .50 chez les lecteurs et de .54 chez les iUettrés). Par conséquent, les iUettrés sont sensibles à l'effet McGurk, ni plus ni moins que les lecteurs. Le fait qu'U n'y ait pas d'effet de l'alphabétisation sur ce phénomène est cohérent avec la proposition de Liberman et Mattingly (1985) qui attri­buent l'intégration auditivo-visueUe de l'information phonétique à un dispositif modulaire, programmé biologiquement.

L'extraction de traits phonétiques peut être inférée à partir de l'observation de certains types d'erreurs. Dans la situation d'écoute dichotique, où chaque oreiUe reçoit simultanément deux stimuli différents, on observe que la présentation de deux syl­labes cv différant à la fois par le voisement et par le Heu d'arti-

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culation, comme par exemple /ba-ta/, conduit à un nombre très fréquent d'identifications qui combinent la valeur de voisement du stimulus présenté à une oreifle avec le Heu d'articulation du stimulus présenté à l'autre oreiUe (/pa/ ou /da/) (Day, 1968; Cutting, 1976). Evidemment, on n'est en droit de présumer qu'il y a eu erreur de fusion de traits phonétiques, et par conséquent extraction préalable de ces traits, que si ces erreurs sont signifi­cativement plus fréquentes que les autres erreurs possibles qui respectent la manière d'articulation (à savoir /ga/ et /ka/). Nous appeUerons ces dernières erreurs « anormales ».

Dans notre expérience (Morais, Castro, ScHar-Cabral, Kolinsky et Content, 1987), nous avons présenté des paires de mots cvcv et nous avons demandé à l'auditeur d'identifier le mot présenté à une oreiUe particulière, spécifiée d'avance. La consonne initiale était toujours une explosive, et dans un tiers des essais les deux consonnes initiales différaient à la fois par le voisement et par le Heu d'articulation. Les résultats ont montré que les fusions de traits phonétiques étaient beaucoup plus fréquentes que les erreurs anor­males. De manière plus cruciale pour notre présent propos, le quotient entre le nombre de fusions et le nombre de fusions plus les erreurs anormales ne différait pas de manière significative entre les lecteurs, les semi-lecteurs et les iUettrés : .88, .88 et .93. Admettons, comme certains l'ont proposé (cf. Repp, 1977), que les erreurs dites de fusion de traits phonétiques ne résultent pas vraiment d'une extraction de traits phonétiques, suivie de leur fusion. Il n'en resterait pas moins qu'eUes reflètent des contraintes dans le traitement phonétique à partir de l'information acous­tique disponible. A ce niveau de traitement phonétique préattentif, l'alphabétisation ne joue aucun rôle.

Une autre observation intéressante provenant de la même expérience est le fait que, malgré les différences importantes de performance globale entre les groupes (de 44% de réponses correctes chez les iUettrés à 64 % chez les lecteurs), on n'observe dans aucun groupe de corrélation significative entre la performance globale et le nombre d'erreurs de fusion de traits phonétiques. Ceci suggère que les processus automatiques de traitement phoné­tique ne contribuent pas de manière importante aux différences individueUes de performance, ce qui est une caractéristique attendue d'un système modulaire supposé iiniversel.

L'ensemble des données que nous venons de passer en

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revue suggèrent que le traitement automatique, inconscient, de l'information phonétique n'est pas affecté par l'alphabé-

. tisation.

L'ALPHABÉTISATION ET LES STRATÉGIES D'ÉCOUTE

Certains modèles du traitement du langage parlé considèrent que l'auditeur peut focaliser son attention sur le niveau d'infor­mation le plus approprié à la tâche. Ainsi, Nusbaum, WaUey, CarreU et Ressler (1982) ont montré que l'auditeur peut échapper à l'iUusion de restauration phonémique en apprenant à focaUser son attention sur le traitement du patron phonétique des mots. II se peut cependant que ce traitement sélectif ne soit pas indé­pendant de la connaissance qu'a le sujet des propriétés lexicales du stimulus. En effet, Samuel et Ressler (1986) ont montré qu'un traitement sélectif du phonème critique est possible pour autant que l'identité lexicale du mot test aussi bien que l'identité et la position du phonème critique soient connues. Pour ces auteurs, l'attention se porte habituellement sur le niveau lexical et l'acti­vation à ce niveau a des effets automatiques sur le niveau phoné­mique; l'auditeur peut contrôler certains de ces effets en focaH-sant son attention sur le niveau phonémique, mais U n'accède à ce niveau qu'à travers le niveau lexical. L'interprétation de Samuel et Ressler (1986) fait donc appel à une hypothèse interactionniste dans laqueUe le traitement sélectif des phonèmes est dépendant du lexique.

Il faut remarquer que l'interprétation de Samuel et Ressler ne concerne qu'un traitement de type attentif, dont U n'est pas précisé s'il est conscient ou non. II est vraisemblable (mais il fau­drait encore le vérifier) que des adultes illettrés ne puissent pas inhiber l'effet de restauration phonémique, vu qu'ils sont inca­pables d'isoler intentionneUement, consciemment, un phonème particulier. Peut-être faut-il distinguer entre ce type de traitement des phonèmes, et un autre type de traitement de ces unités qui serait inconscient tout en présentant des caractéristiques d'option-naUté. Nous reviendrons plus loin sur cette question.

Nous avons étudié deux phénomènes qui ont Heu au cours du

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processus de reconnaissance des mots et qui refléteraient des trai­tements phonémiques. L'un comme l'autre concernent la nature des erreurs produites par l'auditeur. Comme on a pu déjà s'en aper­cevoir, notre stratégie poux mettre en évidence le rôle d'unités sous-lexicales dans l'accès au lexique consiste à examiner des erreurs portant sur ces unités alors qu'aucune instruction ou élément de la situation expérimentale ne pousse l'auditeur à en faire usage intentionneUement.

Dans l'expérience qui a servi à examiner l'occurrence de fusions de traits phonétiques (Morais et al, 1987), tous les segments des deux mots de chaque paire dichotique, à l'exception parfois du dernier segment, étaient différents, de teUe sorte qu'il était possible de comparer, d'une part, l'occurrence d'erreurs sur un seul segment, et, d'autre part, d'erreurs dites globales, c'est-à-dire portant au moins sur tous les segments d'une syUabe. Parmi les erreurs sur un seul segment, qu'on appeUera segmentales, seules ceUes qui concernent la consonne initiale étaient relativement fréquentes et ont par conséquent été prises en considération. En supposant que la conscience des phonèmes, qui accompagne l'alphabétisation, suscite le développement d'une procédure d'atten­tion à la structure phonémique de la parole, nous avons prédit que les lecteurs feraient proportionneUement plus d'erreurs segmen­tales que les iUettrés. C'est ce que nous avons observé : la propor­tion d'erreurs portant uniquement sur la consonne initiale dimi­nuait selon le niveau d'alphabétisation (.39, .29 et .24, chez les lecteurs, semi-lecteurs et illettrés, respectivement), alors que la proportion d'erreurs globales montrait la tendance opposée (.13, .19 et .23).

Cependant, un nombre plus élevé de réponses correctes, déno­tant une plus grande précision, s'accompagne généralement d'er­reurs moins grossières. Le résultat que nous venons de mentionner ne peut donc être considéré comme indicatif, de procédures d'écoute différentes que si on observe l'effet à même niveau de performance des groupes. Ce raisonnement nous a amenés à comparer les sept sujets lecteurs les plus mauvais avec les dix sujets ulettrés les meiUeurs, sous-groupes pour lesquels le pour­centage moyen de réponses correctes était équivalent. Il est apparu que la proportion d'erreurs segmentales restait significativement plus élevée dans le sous-groupe de lecteurs. Il semble, par consé-

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quent, qu'une procédure d'écoute portant sélectivement sur les phonèmes se développe avec l'alphabétisation.

, Il est probable qu'une teUe procédure soit utile lorsque lus conditions d'écoute rendent la reconnaissance difficUe. En utili­sant une situation où un seul mot était présenté à chaque essai, mais où le mot était masqué par du bruit pour rendre sa recon­naissance difficile, nous avons obtenu le même patron de résultats que dans la situation d'écoute dichotique, à savoir une proportion plus élevée d'erreurs segmentales chez les lecteurs que chez les illettrés, à même niveau de performance (Castro et Morais, en préparation, b). Nous n'avons pas pu vérifier si ce patron de résultats est aussi présent dans une situation de simple répétition de mots, car aucun lecteur n'a commis d'erreur. Des erreurs ont été observées dans les deux groupes pour la répétition de pseudo­mots, mais l'écart entre les groupes était tel qu'il n'a pas été possible de constituer des sous-groupes comparables en termes de pourcentage de réponses correctes1.

La procédure d'attention aux phonèmes aurait Ueu alors que, au contraire de la situation utiHsée par Samuel et Ressler (1986), rien ne pousse l'auditeur à orienter son attention vers le niveau phonémique. Néanmoins, cette procédure pourrait avoir un carac­tère stratégique. Afin d'étudier cette question, nous avons tenté de manipuler l'attention à la structure phonémique chez des sujets universitaires (Castro et Morais, en préparation, b). Nous avons comparé un groupe contrôle, à qui nous avons demandé simple­ment de reconnaître des mots masqués par du bruit, à un groupe expérimental à qui nous avons demandé de reconnaître les mêmes mots masqués en faisant attention à leurs phonèmes. Plus préci­sément, la consigne donnée aux auditeurs de ce dernier groupe était la suivante : « Tous les mots que vous aUez entendre sont des séquences de phonèmes cvcv; la première consonne fait partie de l'ensemble /b, d, g, p, t, k/; essayez de faire attention à la structure sonore du stimulus, à chacun des sons qui le composent et non au son global. » Les deux groupes ont obtenu le même niveau de performance. Cependant, il y avait une

1. De cette étude, faîte en collaboration avec L. Cary et R. Campbell, il faut retenir le fait que les illettrés sont clairement inférieurs aux lecteurs. Cette cons­tatation permet d'envisager la possibilité que les différences analogues obtenues dans la littérature entre dyslexiques et lecteurs normaux pour la répétition de pseudo-mots (cf. Snowling, 1981 ; Taylor, Lean, et Scbwartz, 1989) soient une conséquence plutôt qu'une cause du niveau de lecture.

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proportion d'erreurs globales plus faible dans le groupe expéri­mental que dans le groupe contrôle (.15 versus .22), et, inver­sement, une proportion d'erreurs sur la première consonne plus élevée dans le groupe expérimental (.32 versus .26). Cette inter­action entre groupe et type d'erreur était hautement significative. En outre, en groupant les erreurs intrasyUabiques, c'est-à-dire qui ne recouvrent pas toute une syUabe, nous avons observé une proportion de ces erreurs significativement plus élevée dans le groupe expérimental (.60 versus .44).

L'effet de consigne que nous avons observé démontre bien le caractère stratégique de la procédure d'attention aux phonèmes. Il est difficUe de savoir quel est le degré d'intentionnalité et de conscience de cette procédure chez les sujets lecteurs du groupe contrôle (ainsi que des expériences précédentes); mais il semble clair qu'eUe peut être utiHsée intentionneUement.

Le dernier phénomène auquel nous ferons référence est appelé fusion phonologique. Il s'agit d'une erreur qui est observée dans la situation d'écoute dichotique et qui consiste à combiner une consonne provenant d'un des stimuH avec une consonne prove­nant de l'autre stimulus : ainsi, par exemple, « banc » et « lent » peuvent donner lieu à la perception de « blanc ». Ce phénomène est peu affecté par des variables de type acoustique et fort affecté par des facteurs Unguistiques : U a notamment beaucoup plus de chances de se produire lorsque la combinaison forme un mot que lorsqu'elle forme un pseudo-mot (Cutting, 1975). Le fait que la fusion phonoîogique est dépendante de propriétés lexicales nous a fait envisager la possibiHté qu'eUe soit aussi influençable par les propriétés orthographiques des mots. La question de savoir si l'orthographe influence ou non la reconnaissance des mots peut être étudiée facilement en comparant des sujets lecteurs et iUet­trés puisque ces derniers, par définition, ne connaissent pas l'orthographe.

Dans une de nos expériences, nous avons utiusé des paires de mots où la fusion phonologique est soit cohérente soit non cohérente avec l'orthographe. Dans les cas cara-lara ou pena-lena, la fusion phonologique des consonnes initiales (clora et plena, respectivement) est cohérente avec l'orthographe. Dans ces cas, un pourcentage appréciable de fusions phonologiques (environ 60 % en moyenne) a été observé, et ce pourcentage était prati­quement le même chez les lecteurs et chez les iUettrés. Par contre,

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dans les cas liz-fiz ou par-lar, la fusion phonologique n'est pas cohérente avec l'orthographe, puisque le mot résultant de la combi­naison des consonnes initiales se prononce, en portugais du Por­tugal, /flijy et /plar/ mais s'écrit felis et pelai; respectivement, c'est-à-dire avec introduction de la voyeUe « e » entre les deux consonnes. Pour ces paires de mots, les fusions phonologiques observées chez les iUettrés atteignaient 55 %, autrement dit presque le même niveau que pour les fusions cohérentes avec l'ortho­graphe, mais celles observées chez les lecteurs étaient beaucoup moins fréquentes (17 %). Il semble, par conséquent, que la connais­sance de l'orthographe peut inhiber la fusion phonologique. Pour les auditeurs connaissant la représentation orthographique, la fusion est peu probable quand les consonnes ne sont pas adja­centes dans cette représentation.

L'existence d'une influence de l'orthographe sur le phénomène de fusion phonologique suscite deux commentaires. Tout d'abord, cette influence a Heu pendant l'accès lexical et en ceci notre résultat diffère de manière importante d'autres résultats de la littérature qui suggèrent également une influence de l'orthographe sur des traitements phonologiques. Ainsi, l'influence de l'ortho­graphe observée par Seidenberg et Tanenhaus (1979) dans une tâche de jugement de rime et celle observée par Taft et Hambly (1985) dans une tâche de détection d'une séquence de phonèmes concernent vraisemblablement des opérations intervenant après l'accès au lexique. En deuxième Heu, le fait que l'influence de l'orthographe peut avoir lieu pendant la reconnaissance suggère que le niveau supérieur' d'information dans un modèle de la reconnaissance des mots parlés isolés ne peut pas être seulement lexical ou morphophonémique, mais doit inclure aussi une repré­sentation de la structure orthographique.

En résumant les observations décrites dans cette section, on peut dire qu'à la fois la proportion d'erreurs segmentales et la fusion phonologique subissent l'effet de l'alphabétisation. A l'ori­gine immédiate de ces deux effets se trouvent vraisemblablement la conscience phonémique et la connaissance de l'orthographe, respectivement.

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CONCLUSIONS

L'ensemble des travaux que nous avons réaUsés jusqu'à pré­sent en ce qui concerne les effets de la compétence alphabétique sur la reconnaissance des mots fait apparaître une claire disso­ciation. D'une part, l'alphabétisation ne semble pas affecter les opérations de traitement phonétique, que ce soit l'extraction de traits phonétiques à partir du courant acoustique ou l'intégration de l'information auditive phonétiquement pertinente avec l'infor­mation optique sur l'articulation. D'autre part, l'alphabétisation semble affecter les stratégies d'écoute, contribuant au dévelop­pement d'une procédure d'attention aux phonèmes, ainsi que d'une procédure de traitement des séquences de phonèmes qui tient compte de l'orthographe des mots. Cette dissociation est incompatible avec un modèle entièrement interactionniste de la reconnaissance des mots. Le fait que l'alphabétisation n'affecte pas les traitements phonétiques mais bien certains traitements phonémiques suggère que les premiers sont de nature modulaire. Il est vraisemblable que l'extraction de l'information phonétique à partir du courant acoustique de la parole constitue un premier stade de traitement; et dans cette optique, il est raisonnable que l'alphabétisation ne l'influence pas. L'identification des phonèmes et leur intégration dans une séquence constituent des traitements plus tardifs. .

La question de savoir si l'identification et l'intégration des phonèmes correspondent à des stades de traitement différant entre eux par la nature des interactions possibles reste à examiner. D'une part, l'intégration des phonèmes semble dépendre de connaissances lexicales et orthographiques. D'autre part, nous ne disposons pas encore de données qui permettent de déterminer si la procédure d'attention aux phonèmes qui semble contribuer à leur identification est ou non sensible aux facteurs lexicaux.

Une autre question importante qui reste à traiter est ceUe de la relation entre la stratégie d'attention aux phonèmes et d'autres procédures, sans doute plus précoces, d'identification d'unités. Il est probable qu'une procédure inconsciente et automatique d'iden­tification des phonèmes (ou d'unités plus larges, demi-syUabes

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ou syllabes) ait Heu, indépendamment de l'alphabétisation. L'iden­tification de ces unités doit être suivie de leur intégration pour aboutir à la représentation phonologique consciente du mot. Les relations entre la procédure d'attention aux phonèmes, qui dépend de l'alphabétisation, et les procédures d'identification inconsciente et automatique des unités élémentaires peuvent prendre plusieurs formes. Une possibiHté est que les représentations mentales exph-cites des phonèmes deviennent utiHsables par les procédures inconscientes et automatiques d'identification d'unités. Une autre possibilité est que sur ces dernières procédures viennent se greffer des procédures optionneUes et intentionneUes. Le fait que la procédure d'attention aux phonèmes répond aux consignes appuie cette dernière possibilité mais ne permet pas d'exclure la première. Pour essayer d'éclaircir toutes ces questions, l'étude comparative de la reconnaissance des mots chez les lecteurs et les iUettrés adultes peut être de grande utilité. C'est maUieureusement une étude difiicile, de par la grande hétérogénéité des sujets iUettrés et de par les Hmitations qu'ils imposent au niveau des tâches et des situations expérimentales2.

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2. Le travail a bénéficié des credits de recherche suivants : Bourses de voyage de la Fondation C. Gulbenkian, Convention n« 2.4562.86 du « Fonds de la Recherche fondamentale collective », et Crédit do Recherche RFO/AI/23 du Pro­gramme national d'Impulsion à la Recherche fondamentale en Intelligence artifi­cielle, du ministère belge de la Politique scientifique. Nous remercions Paul Bertelson pour des commentaires judicieux sur une version antérieure.

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Le traitement séquentiel des mots

MONIQUE RADEAU Laboratoire de Psychologie expérimentale. Université libre de Bruxelles

La notion de séquentiaHté dans le traitement des mots fait référence à un processus qui opérerait en Hgne, pendant la récep­tion ou l'extraction du signal Hnguistique. Les modaHtés de pré­sentation de l'information Hnguistique auxqueUes un processus directionnel est le plus susceptible de s'appUquer sont évidemment ceUes dans lesqueUes le signal est distribué temporeUement : ainsi, la parole (en dépit d'une certaine part de transmission en paraHèle due à la coarticulation) et le signal tactile impHqué dans la lecture braüle chez l'aveugle. C'est donc par rapport au traitement des mots parlés et des mots écrits en braiUe que les modèles direc­tionnels sont les plus pertinents. Toutefois, dans la modaUté visueUe, bien qu'une grande partie de l'information soit extraite en paraUèle,'il semble qu'une analyse différentieUe des constituants soit aussi impHquée. La possibiHté d?un traitement séquentiel, ou tout au moins hiérarchique, serait donc présente, à des degrés pro­bablement divers, dans les trois modaHtés sensorieUes par les­queUes l'être humain peut capter l'information Hnguistique. Nous envisagerons ici les données relatives à la possibiHté de ce type de traitement dans les modaHtés auditive et visueUe. CeUes qui concernent la modaUté tactile font l'objet d'un chapitre séparé (Bertelson et Mousty, ce volume).