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La protection des créations générées par intelligence artificielle par le droit d'auteur canadien Mémoire Maîtrise en droit Sandy Caron Université Laval Québec, Canada Maître en droit (LL.M.) et Université Paris-Sud Orsay, France Master 2 (M2) © Sandy Caron, 2018

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La protection des créations générées par intelligence

artificielle par le droit d'auteur canadien

Mémoire

Maîtrise en droit

Sandy Caron

Université Laval

Québec, Canada

Maître en droit (LL.M.)

et

Université Paris-Sud

Orsay, France

Master 2 (M2)

© Sandy Caron, 2018

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ii

RÉSUMÉ

L'émergence des programmes d'intelligence artificielle capable de générer des oeuvres

artistiques, musicales et littéraires soulève plusieurs enjeux notamment au niveau du droit

d'auteur puisqu'il devient de plus en plus difficile de faire la distinction entre les créations

réalisées par un humain et celles réalisées par une intelligence artificielle. Si ces créations

peuvent désormais être confondues, il est alors pertinent de s'interroger sur le régime

juridique qui leur est applicable. Il n'y a de cela pas si longtemps, les questions entourant les

droits sur les oeuvres créées par un programme informatique ne provoquaient pas de débat

puisque ce programme n'était considéré que comme un simple outil mis à la disposition de

l'auteur. Toutefois, les développements récents des programmes d'intelligence artificielle

démontrent que leur implication dans le processus créatif va bien au-delà de la simple

assistance. Par conséquent, il devient nécessaire de se questionner sur l'identité de l'auteur

de ces créations, le titulaire des droits d'auteur et l'opportunité de reconnaitre une

personnalité juridique à l'intelligence artificielle.

The emergence of artificial intelligence programs capable of generating artistic works,

musical works and literary works raises many stakes, especially in copyright since it

becomes harder to notice the difference between creations made by a human and creations

made by artificial intelligence. If these creations can nowadays be mistaken, then it is

relevant to question ourselves about the legal system that is applicable to them. Not long

ago, questions about copyright on work created by computer programs didn’t create debates

since programs were only considered as a tool for the author’s use. However, the recent

progress of artificial intelligence programs shows that their implication in the process of

creation goes beyond simple assistance. Therefore, it becomes necessary to question

ourselves on the identity of the work’s author, the copyright ownership and the opportunity

of recognizing a juridical personality to the artificial intelligence.

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iii

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ............................................................................................................................ ii

TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................. iii

LISTE DES ABRÉVIATIONS .......................................................................................... iv

REMERCIEMENTS ........................................................................................................... v

INTRODUCTION ............................................................................................................... 1

1. L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE PEUT-ELLE ÊTRE L'AUTEURE D'UNE

ŒUVRE ? .......................................................................................................................... 15 1.1. Les critères à la protection du droit d'auteur ....................................................... 16

1.1.1. La notion d'auteur au sens de la Loi sur le droit d'auteur ......................... 19 1.1.2. La notion d'œuvre au sens de la Loi sur le droit d'auteur ......................... 22 1.1.3. La détermination du critère d'originalité ................................................... 26

1.2. La détermination de l'auteur des créations générées par intelligence artificielle 30 1.2.1. L'utilisateur de l'intelligence artificielle .................................................... 30 1.2.2. Le programmeur de l'intelligence artificielle ............................................ 35 1.2.3. Le propriétaire de l'intelligence artificielle ............................................... 39 1.2.4. L'intelligence artificielle en tant qu'auteure .............................................. 42 1.2.5. La possibilité des coauteurs ....................................................................... 51

2. LA DÉTERMINATION DU TITULAIRE DES DROITS DES CRÉATIONS

GÉNÉRÉES PAR INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ..................................................... 54 2.1. Les alternatives juridiques ................................................................................... 54

2.1.1. La reconnaissance d'une personnalité juridique à l'intelligence artificielle55 2.1.2. Le domaine public comme solution au défaut d'auteur ............................. 66

2.2. Les titulaires des droits envisageables dans l'hypothèse où l'intelligence artificielle

est l'auteure ................................................................................................................. 70 2.2.1. L'auteur premier titulaire des droits .......................................................... 70 2.2.2. L'utilisateur de l'intelligence artificielle .................................................... 72 2.2.3. Le programmeur de l'intelligence artificielle ............................................ 74 2.2.4. Le propriétaire de l'intelligence artificielle ............................................... 76

CONCLUSION ................................................................................................................. 78

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 86

ANNEXE 1 ...................................................................................................................... 101 ANNEXE 2 ...................................................................................................................... 102 ANNEXE 3 ...................................................................................................................... 104 ANNEXE 4 ...................................................................................................................... 106 ANNEXE 5 ...................................................................................................................... 107

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iv

LISTE DES ABRÉVIATIONS

3D

ALENA

Trois dimensions

Accord de libre-échange nord-américain

CCQ

CNIL

Code civil du Québec

Commission nationale de l'informatique et des libertés

CONTU National Commission on New Technological Uses of

Copyrighted Works

FLAC

IA

Fédération luxembourgeoise des auteurs et compositeurs

Intelligence artificielle

LDA Loi sur le droit d'auteur

PETA

SACEM

People for the Ethical Treatment of Animals

Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique

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REMERCIEMENTS

Je tiens d'abord à exprimer toute ma reconnaissance envers mes directeurs de mémoire

Monsieur Georges Azzaria et Madame Alexandra Bensamoun de m'avoir aidé et conseillé

tout au long de la réalisation de ce travail. Leur écoute, leur disponibilité, leur expertise et

leurs conseils ont été d'une grande aide dans la rédaction de ce mémoire.

Je remercie également ma famille et toutes les personnes qui m'ont encouragée, soutenue et

conseillée dans l'écriture de ce mémoire.

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1

INTRODUCTION

La science-fiction existe maintenant depuis des décennies. Les oeuvres de ce genre narratif

permettent de créer des histoires en s'appuyant notamment sur des anticipations de progrès

technologiques qui sont ou ne seront jamais réalisables. Or, il arrive que les idées évoquées

dans la science-fiction deviennent réalité. Pour ne citer que quelques exemples, il y a la

visiophonie, la reconnaissance vocale, les montres intelligentes, la réalité augmentée, les

voitures autonomes et les robots humanoïdes. Au niveau cinématographique, les films

mettant en vedette des robots dotés d'intelligence artificielle sont assez fréquents. Qui n'a

jamais entendu parler du film Ex machina ? Sorti en 2015, ce film met de l'avant une

intelligence artificielle nommée Ava. Cette dernière ressemble à un humain. Elle est étudiée

par le biais de discussion avec un programmeur afin de déterminer si celle-ci a une

conscience. Ce film pousse évidemment la réalité un cran plus loin, mais les questions

soulevées ne relèvent plus forcément que de la fiction. L'intelligence artificielle fait

désormais partie de notre réalité.

L'intelligence est un concept suffisamment complexe en soi. Alors, lorsqu'il vient le temps

de discuter d'intelligence artificielle (IA), il est extrêmement difficile de s'arrêter sur une

définition exacte qui s'adapte aux avancées technologiques.

Initialement, l'IA était définie comme une « construction de programmes informatiques qui

s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par

des êtres humains, car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que

l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critique »1.

Le dictionnaire Larousse définit quant à lui l'intelligence artificielle comme étant un

« ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines

capables de simuler l'intelligence humaine »2. Selon John McCarthy, un des instigateurs de

1 FUTURA, « Qui sont les pionniers de l’intelligence artificielle ? », Futura, en ligne : <https://www.futura-

sciences.com/tech/questions-reponses/intelligence-artificielle-sont-pionniers-intelligence-artificielle-4907/>. 2 DICTIONNAIRE LAROUSSE, « Intelligence Artificielle », en ligne :

<http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/intelligence_artificielle/187257>.

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ce champ de recherche, une machine peut simuler toute activité intellectuelle à condition

qu'elle soit décrite avec suffisamment de précision3.

Dans le rapport de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) de

décembre 2017, l'intelligence artificielle a été décrite comme étant :

Une nouvelle classe d’algorithmes, paramétrés à partir de techniques dites

d’apprentissage : les instructions à exécuter ne sont plus programmées

explicitement par un développeur humain, elles sont en fait générées par la

machine elle-même, qui ''apprend'' à partir des données qui lui sont fournies.

Ces algorithmes d’apprentissage peuvent accomplir des tâches dont sont

incapables les algorithmes classiques (reconnaître un objet donné sur de très

vastes corpus d’images, par exemple).4

Le milieu scientifique s'entend généralement pour diviser l'intelligence artificielle en deux

catégories. Il s'agit de l'IA faible et de l'IA forte5. L'IA dite faible, « capable de simuler

l’intelligence humaine pour une tâche bien déterminée »6, vise davantage des tâches

spécifiques de résolution de problèmes « tels que la reconnaissance d’images, la

compréhension du langage naturel ou la pratique de jeux (jeu de dames, échecs, jeu de go

[…] »7. Cette catégorie se subdivise en deux sous-catégories. En premier lieu, il y a la sous-

catégorie qui est nommée purely reactive8. Il s'agit de l'IA la plus rudimentaire. Celle-ci ne

connait pas le concept du passé. Elle ne peut ni emmagasiner des souvenirs ni apprendre de

ses expériences passées afin d'influencer ses décisions. C'est pour cette raison qu'elle

obtiendra exactement le même résultat chaque fois qu'une situation identique se présentera9.

Puis, elle va se concentrer sur un champ d'activité bien spécifique. Par exemple, dans cette

catégorie d'IA faible, il y a le programme AlphaGo, développé par Google, qui a battu un

3 Ibid. 4 COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS, Comment permettre à l'homme de garder la main ? Les

enjeux éthiques des algorithmes et de l'intelligence artificielle, Synthèse du débat public animé par la CNIL dans le cadre

de la mission de réflexion éthique confiée par la Loi pour une république numérique, France, 2017, p. 5. 5 Georgie COURTOIS, « Robots intelligents et responsabilité : quels régimes, quelles perspectives ? », D. 2016.287; Marion

BARBEZIEUX, « Quel droit pour l'Intelligence Artificielle ? », Le Monde du Droit, 20 février 2018, en ligne :

<https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/56320-quel-droit-intelligence-artificielle.html>. 6 COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS, Comment permettre à l'homme de garder la main ? Les

enjeux éthiques des algorithmes et de l'intelligence artificielle, Synthèse du débat public animé par la CNIL dans le cadre

de la mission de réflexion éthique confiée par la Loi pour une république numérique, France, 2017, p. 75. 7 Ibid, p. 18. 8 FUTURISM, « Types of AI : From Reactive to Self-Aware », Futurism, 13 décembre 2016, en ligne :

<https://futurism.com/images/types-of-ai-from-reactive-to-self-aware-infographic/>. 9 Arend HINTZE, « From Reactive Robots to Sentient Machines : The 4 Types of AI », Live Science, 14 novembre 2016,

en ligne : <https://www.livescience.com/56858-4-types-artificial-intelligence.html>.

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3

joueur professionnel au jeu Go10

. La deuxième sous-catégorie d'IA faible est celle ayant une

limited memory11

. Contrairement à la première, celle-ci enregistre les expériences

antérieures. Elle a suffisamment de mémoire pour apprendre du passé et ainsi, prendre des

décisions plus appropriées. Les assistants personnels comme Siri et Cortana en sont des

exemples. La très grande majorité des programmes d'IA actuels correspondent à cette sous-

catégorie. Quant à l'IA dite forte, celle-ci fait référence à de l'intelligence artificielle

« générique et autonome qui pourrait appliquer ses capacités à n’importe quel problème,

répliquant en cela une caractéristique forte de l’intelligence humaine, soit une forme de

''conscience'' de la machine) »12

. Elle vise donc « des systèmes susceptibles de devenir

complètement autonomes »13

. L'IA forte se scinde également en deux sous-catégories. La

première est appelée theory of mind14

. Ce sont les prochains programmes qui seront

fortement développés. Ils ont la capacité de comprendre les émotions, les sentiments, les

intentions, les motifs et les pensées. La deuxième sous-catégorie est quant à elle appelée

self-awareness15

. Il s'agit du type d'IA le plus avancé. Par contre, il n'est pas près d'exister

puisque les scientifiques devront d'abord comprendre la nature de la conscience avant d'être

en mesure de construire des programmes capables d'en faire preuve. Suivant cela, l'IA

pourra démontrer certains désirs et reconnaître ses propres sentiments.

Avec cette présentation des différents types d'intelligence artificielle et de leurs

fonctionnalités, il est aisé d'imaginer que l'IA se retrouve dans plusieurs domaines

d'application. En effet, elle permet la démonstration automatique de théorèmes16

, de

10 FUTURISM, supra, note 8. 11 FUTURISM, supra, note 8; Arend HINTZE, supra, note 9; Kayla MATTHEWS, « The 4 types of AI and where you

encounter them », IT Pro Portal, en ligne : <https://www.itproportal.com/features/the-4-types-of-ai-and-where-you-

encounter-them/>; Arif Mahmud RIAD, « Types of AI : Reactive to self-aware beings », FinTech, en ligne :

<http://www.fintechbd.com/types-of-ai-reactive-to-self-aware-beings/>; Amity MOIS, « Types of Artificial Intelligence

(from Reactive to Self-aware) », Steemit, 1 décembre 2017, en ligne : <https://steemit.com/technology/@amity123/types-

of-ai-from-reactive-to-self-aware>. 12 COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS, supra, note 6. 13 Ibid, p. 21. 14 Arend HINTZE, supra, note 9; Kayla MATTHEWS, supra, note 11; FUTURISM, supra, note 8; Amity MOIS, supra, note 11;

Arif Mahmud RIAD, supra, note 11. 15 Ibid. 16 Lise VERBEKE, « Aux origines de l'Intelligence artificielle », France Culture, 31 mars 2018, en ligne :

<https://www.franceculture.fr/numerique/aux-origines-de-lintelligence-artificielle>; Nicolas ROUGIER, « L'intelligence

artificielle, mythes et réalités », Interstices, 15 juin 2015, en ligne : <https://interstices.info/lintelligence-artificielle-

mythes-et-realites/>; Martine QUENILLET, « Droit et intelligence artificielle : mythes, limites et réalités » (1994) 66 Les

Petites affiches 11.

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4

s'adresser par écrit et en langage naturel à une machine (ex: la traduction)17

, le traitement

automatique de la parole, de se faire comprendre par la machine et de la faire parler18

. De

plus, elle permet l'interprétation d'images et la vision par ordinateur19

, l'automatisation de

tâches20

et la création de systèmes experts qui « sont capables d'atteindre les performances

d'experts humains pour divers types de tâches (diagnostic, conseil, planification,

conception) »21

. Le domaine des jeux est également visé par l'intelligence artificielle tels

que les échecs, les dames et le jeu Go22

.

Si certains peuvent penser que l'intelligence artificielle est une évolution technologique du

XXIe siècle, la réalité en est tout autre. Même si à l'époque cette expression n'était pas

employée, Warren McCulloch, logicien et neuropsychiatre23

, et Walter Pitts,

mathématicien24

, sont reconnus comme étant les premiers à avoir effectué des travaux

appartenant à l'intelligence artificielle en 194325

.

En 1946, il y a eu les premières tentatives de traduction automatique26

. En 1950, le

mathématicien Alan Turing, connu pour ses travaux avec les premiers ordinateurs,27

a

proposé le célèbre Test de Turing dans son article intitulé Computing Machinery and

Intelligence28

. Il s'agit d'un test d'intelligence pour les machines29

. Il avait comme objectif

17 Boi FALTINGS et Michael SCHUMACHER, L’intelligence artificielle par la pratique, Lausanne, PPUR, 2009, p. 10. 18 Jean-Paul HATON et Marie-Christine HATON, L’intelligence artificielle, Paris, Presses universitaires de France, 1993,

p. 10. 19 MCCARTHY TETRAULT, « From chatbots to self-driving cars », Guides, manuals, etc., McCarthy Tetrault, septembre

2017, en ligne : <https://unik.caij.qc.ca/permalien/PC-a102354>; Arnaud TOUATI, « Il n'existe pas de régime adapté pour

gérer les dommages causés par des robots » (2017) Revue Lamy droit civil; Jean-Paul HATON et Marie-Christine HATON,

L’intelligence artificielle, Paris, Presses universitaires de France, 1993, p. 11. 20 Boi FALTINGS et Michael SCHUMACHER, supra, note 17. 21 Jean-Paul HATON et Marie-Christine HATON, L’intelligence artificielle, Paris, Presses universitaires de France, 1993,

p. 13; Boi FALTINGS et Michael SCHUMACHER, L’intelligence artificielle par la pratique, Lausanne, PPUR, 2009, p. 77 à

79; Jean-Sébastien DESROCHES, et Shan JIANG, « Intelligence artificielle : la délicate interaction entre les défis juridiques et

technologiques », Le Droit de savoir, Lavery, avril 2017, en ligne : <https://unik.caij.qc.ca/permalien/PC-a99716>. 22 Sébastien GAVOIS, « Des échecs au jeu de Go : quand l'intelligence artificielle dépasse l'homme », Next Inpact, 21 mars

2016, en ligne : <https://www.nextinpact.com/news/99021-des-echecs-au-jeu-go-quand-intelligence-artificielle-depasse-

homme.htm>. 23 Jean-Gabriel GANASCIA, L’intelligence artificielle: science & techniques, coll. Idées reçues, n°138, Paris, Le Cavalier

Bleu, 2007, p. 27. 24 Ibid. 25 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, Intelligence artificielle ; avec plus de 500 exercices, 3e éd., Paris, Pearson, 2010,

p. 17. 26 Jean-Paul HATON et Marie-Christine HATON, L’intelligence artificielle, Paris, Presses universitaires de France, 1993,

p. 85. 27 Ibid, p. 5. 28 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, Intelligence artificielle ; avec plus de 500 exercices, 3e éd., Paris, Pearson, 2010,

p. 18.

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5

de « fournir une définition satisfaisante et opérationnelle de l'intelligence »30

. Pour faire ce

test, un humain est mis en confrontation verbale et à l'aveugle, pendant cinq minutes, à un

autre humain et à un ordinateur31

. S'il est incapable de déterminer si les réponses

proviennent de l'humain ou de l'ordinateur, la machine passe le test32

. Elle n'a pas

forcément besoin de fournir une réponse parfaite, il suffit que la réponse soit humaine. Bien

que Turing ne soit pas à l'origine de l'intelligence artificielle, il fut « le précurseur le plus

influent »33

.

L'année 1956 fut importante. Au courant de l'été, un séminaire a été organisé à Dartmouth

aux États-Unis34

réunissant de grands scientifiques35

. John McCarthy, l'organisateur de ce

séminaire, proposait d'entreprendre une étude sur l'intelligence artificielle. C'était la

première fois qu'il employait ces mots36

. Cette expression fut acceptée au cours du

séminaire pour désigner cette nouvelle discipline37

. Parmi les chercheurs présents, deux se

sont démarqués par la présentation du premier programme d'intelligence artificielle nommé

Logic Theorist38

. Il s'agit d'Allen Newell et d'Herbert Simon. Leur programme était capable

de démontrer des théorèmes mathématiques39

.

Dans les années qui suivent, plusieurs succès prometteurs des systèmes d'intelligence

artificielle ont provoqué un grand enthousiasme autour de l'IA40

. Par exemple, en 1952,

Arthur Samuel a commencé à écrire une série de programmes permettant de jouer aux

dames41

. En 195942

, il y a eu le Geometry Theorem Prover d'Herbert Gelernter qui

29 Jean-Gabriel GANASCIA, L’intelligence artificielle : science & techniques, coll. Idées reçues, n°138, Paris, Le Cavalier

Bleu, 2007, p. 17; Stéphane LARRIÈRE, « Confier le droit à l'intelligence artificielle, le droit dans le mur ? » (2017) 134

Revue Lamy droit de l'immatériel 38. 30 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, Intelligence artificielle ; avec plus de 500 exercices, 3e éd., Paris, Pearson, 2010,

p. 3. 31 Ibid, p. 1076. 32 Ibid, p. 3. 33 Jean-Gabriel GANASCIA, supra, note 29. 34 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, supra, note 28. 35 Il y avait notamment John McCarthy, Marvin Minsky, Claude Shannon, Allen Newell et Herbert Simon; Claire

WAGNER-RÉMY, L’intelligence artificielle, Paris, Dunod, 1994, p. 27. 36 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, supra, note 28. 37 Jacques PITRAT et al., La Recherche en intelligence artificielle, coll. Points. Sciences, n°S52, Paris, Seuil : La

Recherche, 1987, p. 32. 38 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, supra, note 28. 39 Ibid; Boi Faltings et Michael Schumacher, L’intelligence artificielle par la pratique, Lausanne, PPUR, 2009, p. 6. 40 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, Intelligence artificielle ; avec plus de 500 exercices, 3e éd., Paris, Pearson, 2010,

p. 19. 41 Ibid.

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6

démontrait des théorèmes considérés difficiles par des étudiants43

et le programme General

Problem Solver (GPS) imitant la démarche humaine pour résoudre des problèmes44

d'Allen

Newell et d'Herbert Simon. En 1963, il y a eu le programme Saint de James Slagle qui

résolvait des problèmes d'intégration en forme close45

. En 1966, il y a eu le programme

Eliza de Joe Weizenbaum qui simulait de manière convaincante la conversation d'un

psychologique avec son patient46

. En 1967, il y a eu le programme Student de Daniel

Bobrow qui résolvait des problèmes d'algèbre élémentaires47

. En 1968, il y a eu le

programme Analogy de Tom Evans qui résolvait des problèmes d'analogies géométriques48

.

En 1972, il y a eu le programme Shrdlu de Terry Winograd qui permettait « une

conversation, raisonnait lui-même et planifiait des actions dans un monde simulé de

blocs »49

.

Par contre, après cette période de rayonnement, l'IA a connu une période de déception.

Lorsque ces systèmes « ont été confrontés à des problèmes de plus grandes envergures ou

plus complexes »50

, ils ont presque tous échoué51

. Une des premières raisons des difficultés

rencontrées par l'IA était qu'elle n'avait pas de connaissance sur le problème qu'elle devait

résoudre. Par exemple, avec les travaux sur la traduction automatique, les chercheurs ont

réalisé qu'il n'était pas suffisant de faire de simples transformations syntaxiques fondées sur

la grammaire et de remplacer les mots à l'aide de dictionnaires électroniques pour obtenir

une traduction fidèle. Une véritable connaissance du sujet est nécessaire pour comprendre

le sens des phrases et d'élucider les ambigüités linguistiques52

. Puis, une autre difficulté

était due à la méthode de résolution de problèmes. Les programmes d'IA réussissaient à

résoudre les problèmes en essayant plusieurs combinaisons jusqu'à ce qu'ils trouvent la

42 Jean-Paul HATON et Marie-Christine HATON, L’intelligence artificielle, Paris, Presses universitaires de France, 1993,

p. 17. 43 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, supra, note 40. 44 Ibid. 45 Ibid, p. 20. 46 Boi FALTINGS et Michael SCHUMACHER, supra, note 39. 47 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, Intelligence artificielle ; avec plus de 500 exercices, 3e éd., Paris, Pearson, 2010,

p. 20. 48 Ibid. 49 Ibid, p. 21; Boi FALTINGS et Michael SCHUMACHER, L’intelligence artificielle par la pratique, Lausanne, PPUR, 2009,

p. 7. 50 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, Intelligence artificielle ; avec plus de 500 exercices, 3e éd., Paris, Pearson, 2010,

p. 22. 51 Ibid. 52 Ibid.

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7

bonne. Or, si cette stratégie fonctionnait à petite échelle, dès qu'il y avait plusieurs

alternatives, les programmes n'y arrivaient plus53

.

Les années 70 ont été marquées par une période d'explosion « de travaux qui permettent de

poser les bases de l'IA actuelle en ce qui concerne la représentation des connaissances et le

raisonnement, les systèmes experts, la compréhension du langage naturel ou la robotique

avancée »54

. Les connaissances utilisées par les systèmes experts étaient « acquises au

préalable auprès d'experts, formalisées et introduites dans une base de connaissances »55

et

permettaient d'atteindre les performances d'un expert humain pour une tâche précise56

. Il y

a notamment le programme Dendral, créé en 1965 par Ed Feigenbaum, Bruce Buchanan et

Joshua Lederrberg, qui appliquait cette approche de connaissances57

. Il permettait

d'identifier « des molécules chimiques avec la même précision qu'un spécialiste humain et

donc automatiser une tâche qui jusque-là nécessitait de très hautes qualifications »58

.

Ensuite, en 1972, il y a eu le programme Mycin qui commençait à se développer59

. À terme,

il permettait de « diagnostiquer des affections sanguines »60

avec autant de succès sinon

plus que des médecins grâce à la combinaison des connaissances d'un grand nombre

d'experts61

. En 1982, il y a eu le programme R1 développé chez Digital Equipment

Corporation par John McDermott qui permettait de configurer des ordinateurs62

.

Durant les années 80, l'industrie de l'intelligence artificielle s'est développée et de

nombreuses entreprises « vendaient des systèmes experts, des systèmes de vision artificielle

et des robots »63

. Il y avait encore beaucoup d'attentes que l'industrie n'arrivait pas à

combler. Par conséquent, de la fin des années 80 jusqu'en 1995, l'intelligence artificielle

53 Ibid. 54 Jean-Paul HATON et Marie-Christine HATON, L’intelligence artificielle, Paris, Presses universitaires de France, 1993,

p. 6. 55 Ibid, p. 13. 56 Ibid, p. 69. 57 Boi FALTINGS et Michael SCHUMACHER, L’intelligence artificielle par la pratique, Lausanne, PPUR, 2009, p. 8; Stuart

J. RUSSELL et Peter NORVIG, Intelligence artificielle ; avec plus de 500 exercices, 3e éd., Paris, Pearson, 2010, p. 23. 58 Boi FALTINGS et Michael SCHUMACHER, supra, note 57. 59 Ibid. 60 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, Intelligence artificielle ; avec plus de 500 exercices, 3e éd., Paris, Pearson, 2010,

p. 24. 61 Ibid; Boi FALTINGS et Michael SCHUMACHER, supra, note 57. 62 Ibid. 63 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, Intelligence artificielle ; avec plus de 500 exercices, 3e éd., Paris, Pearson, 2010,

p. 25‑26.

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8

connue une « période de stagnation, dite ''l'hiver de l'IA'', au cours de laquelle de

nombreuses entreprises ont abandonné à cause de leur incapacité à tenir des promesses

extravagantes »64

.

Ce sont les développements « de la technique du machine learning (apprentissage

automatique) »65

qui ont contribué aux progrès de l'intelligence artificielle puisqu'elle peut

désormais accomplir des tâches plus complexes qu'un simple algorithme66

. Cette technique

vise à alimenter l'IA « avec des exemples de la tâche que l’on se propose de lui faire

accomplir. Le programmeur entraîne ainsi le système en lui fournissant des données à partir

desquelles l'IA va apprendre et déterminer elle-même les opérations à effectuer pour

accomplir la tâche en question »67

. Il n'est plus nécessaire de programmer l'IA pour tous les

détails d'une tâche puisqu'elle va apprendre et évoluer grâce aux données fournies68

. Le

travail du programmeur sera, par la suite, davantage axé sur l'entretien et la mise à jour du

programme d'IA. Au niveau de la création d'oeuvres littéraires, musicales ou artistiques, les

algorithmes d'apprentissage automatique vont également apprendre grâce aux données que

les programmeurs vont leur fournir69

. Ainsi, ces algorithmes « s’appuient sur ces données

pour créer une nouvelle œuvre et prennent des décisions en toute autonomie, tout au long

du processus de création, pour établir à quoi ressemblera le résultat final »70

.

La méthode du deep learning (apprentissage profond) est une récente évolution de

l'apprentissage automatique71

principalement mise en place depuis les années 201072

. Cette

méthode permet de simuler le fonctionnement du cerveau d'un être humain en superposant

64 Ibid, p. 26. 65 COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS, Comment permettre à l'homme de garder la main ? Les

enjeux éthiques des algorithmes et de l'intelligence artificielle, Synthèse du débat public animé par la CNIL dans le cadre

de la mission de réflexion éthique confiée par la Loi pour une république numérique, France, 2017, p. 16. 66 Ibid. 67 Ibid. 68 Ibid. 69 Andres GUADAMUZ, « L'intelligence artificielle et le droit d'auteur », OMPI | Magazine, octobre 2017, en ligne :

<http://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2017/05/article_0003.html>. 70 Ibid. 71 COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS, supra, note 65; Serge MIGAYRON, « Pratique

contentieuse. Intelligence artificielle : qui sera responsable ? » (2018) 4 Comm. com. électr. prat. 7. 72 Pierre ROPERT, « Intelligence artificielle : et si la machine remplaçait l'artiste ? », France Culture, 6 avril 2018, en

ligne : <https://www.franceculture.fr/sciences/intelligence-artificielle-et-si-la-machine-remplacait-lartiste>; Guillaume

RENOUARD, « L'intelligence artificielle, un partenaire de discussion comme les autres ? », Julie Desk, 22 mars 2018, en

ligne : <https://www.juliedesk.com/fr/blog/intelligence-artificielle-partenaire-discussion/>.

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9

plusieurs couches de neurones73

. En effet, « pour qu’un système soit vraiment intelligent, il

ne doit pas être programmé pour réaliser une tâche, mais plutôt pour apprendre à réaliser

cette tâche. D’où la nécessité du deep learning, qui s’inspire du fonctionnement de nos

neurones et de leurs réseaux, et permet au système de trouver des motifs répétés dans les

données qui lui sont fournies, pour apprendre une tâche »74

. Beaucoup d'IA utilisent

désormais cette méthode pour générer des créations puisqu'elle améliore grandement leur

intelligence75

. Grâce à l'absorption massive de données76

et la grande puissance de calcul77

,

cette technique d'apprentissage permet à l'intelligence artificielle de notamment

« comprendre un langage ou de reconnaître une image grâce aux données avec lesquelles

on l'alimente »78

, de s'auto-entrainer, d'établir une nouvelle stratégie et de « gérer des

imprévus en temps réel »79

. Bref, elle permet à l'IA d'apprendre et d'évoluer grâce à sa

propre expérience80

.

Aujourd'hui, les développements de l'intelligence artificielle touchent tous les domaines.

Les exemples sont nombreux parmi les avancées technologiques des dernières années. Par

exemple, une équipe de Google a développé Google Deep Dream. Il s'agit d'une

intelligence artificielle capable de créer des œuvres d'art81

. « Google Deep Dream a appris à

identifier des objets en scannant des millions de photos pixel après pixel »82

. Il a appris à

distinguer les couleurs et leurs nuances, à identifier les bordures entre les objets, à séparer

73 Bastien CUEFF, « L'intelligence artificielle bouleverse le statut d'auteur », Contrepoints, 14 décembre 2016, en ligne :

<https://www.contrepoints.org/2016/12/14/274982-lintelligence-artificielle-bouleverse-statut-dauteur>; Bartu KALEAGASI,

« A New AI Can Write Music as Well as a Human Composer », Futurism, 9 mars 2017, en ligne :

<https://futurism.com/a-new-ai-can-write-music-as-well-as-a-human-composer/>. 74 Terence TSE, Kariappa BHEEMAIAH et Mark ESPOSITO, « Deep learning, des réseaux de neurones

pour traiter l’information », The Conversation, 2 mai 2017, en ligne : <https://theconversation.com/deep-learning-des-

reseaux-de-neurones-pour-traiter-linformation-76055>. 75 Ibid. 76 Alexandre LOURIÉ et Alexis AULAGNIER, « Création artistique et intelligence artificielle : de l’art ou du cochon ? »,

Medium, 19 novembre 2017, en ligne : <https://medium.com/@louriealexandre/cr%C3%A9ation-artistique-et-

intelligence-artificielle-de-lart-ou-du-cochon-728e28402b03>. 77 Terence TSE, Kariappa BHEEMAIAH et Mark ESPOSITO, supra, note 74. 78 Arnaud TOUATI, supra, note 19. 79 Terence TSE, Kariappa BHEEMAIAH et Mark ESPOSITO, supra, note 74. 80 Samir MERABET, « Intelligence artificielle » (2016) 142 Revue Lamy Droit civil. 81 Voir annexe 1 pour des exemples de ses créations. Bastien L., « Google Deep Dream – Une IA capable de créer des

œuvres d’art », Artificiel.net, 3 avril 2017, en ligne : <http://www.artificiel.net/google-deep-dream-0304>. 82 Bastien L., supra, note 81; GUS, « L'intelligence artificielle remplacera-t-elle bientôt les auteurs de jeux ? », Gus and

Co, 7 février 2018, en ligne : <https://gusandco.net/2018/02/07/jeux-intelligence-artificielle-technologie/>.

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un objet d’un autre, à arranger et catégoriser les objets similaires et à recréer des

composantes aléatoires avec ces derniers83

.

En 2016, une association de musées, des chercheurs des Pays-Bas et Microsoft ont

développé une IA capable de peindre comme le célèbre Rembrandt. Pour que ce soit

possible, des scanneurs 3D et la méthode du deep learning ont été employés. L'IA a analysé

346 tableaux du peintre afin de faire ressortir des caractéristiques précises84

. Puis, une

imprimante 3D a été utilisée pour reproduire un véritable tableau. « Formé de 148 millions

de pixels, le portrait a été réalisé à partir de 168 263 fragments tirés de travaux de l’artiste

et conservés dans une base de données conçue à cet effet »85

. Le résultat est assez

prometteur86

.

Dans le domaine musical, en février 2016, AIVA (Artificial Intelligence Virtual Artist) est

créée et offrait déjà une première composition au piano. Il s'agit d'une intelligence

artificielle basée sur des algorithmes de deep learning87

« capable de composer de la

musique symphonique et émotionnelle »88

. Pour se faire, elle « a développé l’art de la

composition grâce à l’apprentissage d’un très grand nombre de partitions de musique [...]

afin d’élaborer son modèle à la fois mathématique et intuitif de la musique »89

. En mai

2016, AIVA est devenue la première intelligence artificielle à être reconnue comme

compositrice par la SACEM, une société française de gestion des droits d'auteur. Cela lui

permet de voir ses œuvres protégées90

. En septembre 2016, son premier album, nommé

83 Bastien L., supra, note 81. 84 Andres GUADAMUZ, supra, note 69. 85 Ibid. 86 Grégory ROZIÈRES, « VIDÉO. Un ordinateur a peint un “nouveau Rembrandt” après avoir analysé le style de l’artiste »,

Le Huffington Post, 7 avril 2016, en ligne : <https://www.huffingtonpost.fr/2016/04/07/nouveau-rembrandt-ordinateur-

video-oeuvres-maitre-peinture_n_9631424.html>; Grégory ROZIÈRES, « 5 exemples qui montrent que les robots sont en

train de se mettre à l’art », Le Huffington Post, 11 juin 2016, en ligne : <https://www.huffingtonpost.fr/2016/06/10/robots-

art-intelligence-artificielle_n_10395534.html>; Alexandre LOURIÉ et Alexis AULAGNIER, supra, note 76. 87 Bartu KALEAGASI, supra, note 73. 88 AIVA TECHNOLOGIES, « About », Aiva Technologies, en ligne : <http://www.aiva.ai/about>. 89 Ibid. 90 Bartu KALEAGASI, supra, note 73; AIVA TECHNOLOGIES, supra, note 88; Pierre BARREAU, « Composing the music of the

future », Medium, 24 septembre 2016, en ligne : <https://medium.com/@aivatech/composing-the-music-of-the-future-

4af560603988>.

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Genesis, a été lancé91

. Maintenant, ses œuvres sont utilisées par des agences de publicité,

des studios de jeux vidéos et comme bandes sonores pour des films92

.

Toujours en 2016, « les chercheurs des Sony Computer Science Laboratories ont [créé] le

logiciel IA Flow Machines »93

. Cette IA qui collabore avec des musiciens94

avait analysé

13 000 partitions de différents genres musicaux. Puis, une fois qu'elle avait acquis les

connaissances musicales nécessaires, elle a créé la partition d'une chanson pop, Daddy's,

car, selon le style qui lui avait été demandé par le musicien95

. Cette chanson rappelait le

style des Beatles.

D'autre part, Google a « lancé Magenta, un projet de recherche destiné à repousser les

limites de ce que l’IA peut accomplir dans le domaine des arts »96

et de la musique97

. Avec

ce projet, Google veut développer de nouveaux algorithmes d'apprentissage profond et

d'apprentissage par renforcement98

afin de notamment créer des chansons, des images et

des dessins99

. Une première mélodie d'une durée d'une minute et vingt-trois secondes a été

réalisée100

.

De son côté, la société IBM travaille aussi sur l'intelligence artificielle dans le domaine

musical101

. Un des programmes se nomme Watson Beat. Il « compose de la musique en

''écoutant'' au moins 20 secondes de musique et crée de nouvelles mélodies, des sons

91 AIVA TECHNOLOGIES, supra, note 88. 92 Bartu KALEAGASI, supra, note 73; AIVA TECHNOLOGIES, supra, note 88. 93 Voir annexe 2 pour lire les paroles de la chanson. Christopher TAYLOR, « La musique et l’intelligence artificielle »,

Magazine SOCAN - Paroles & Musique, 7 novembre 2017, en ligne : <https://www.magazinesocan.ca/features/la-

musique-et-lintelligence-artificielle/>. 94 FLOW MACHINES BY SONY CSL, « Flow Machines : AI music-making », Flow Machines, en ligne : <http://www.flow-

machines.com/>. 95 James VINCENT, « This AI-written pop song is almost certainly a dire warning for humanity », The Verge, 26 septembre

2016, en ligne : <https://www.theverge.com/2016/9/26/13055938/ai-pop-song-daddys-car-sony>. 96 Christopher TAYLOR, supra, note 93. 97 MAGENTA, « Make Music and Art Using Machine Learning », Magenta, en ligne : <https://magenta.tensorflow.org/>. 98 Ibid; Bartu KALEAGASI, supra, note 73 : Reinforcement learning is a machine learning technique which teaches a

software agent (AI) to decide what action to take next in order to reach certain objectives by maximizing its “cumulative

reward.” Unlike supervised learning, reinforcement learning does not require labelled inputs and outputs of data. This

allows the AI to “find its own way” around the data and improve its performance without being given any explicit

instructions, which makes it easier to capture the diversity and variation found in creative arts like music. 99 MAGENTA, supra, note 97. 100 Morgane TUAL, « Une intelligence artificielle écrit le scénario d’un court-métrage », Le Monde, en ligne :

<http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/06/10/une-intelligence-artificielle-ecrit-le-scenario-d-un-court-

metrage_4947819_4408996.html>. 101 IBM, « IBM Watson Music », IBM, 10 octobre 2016, en ligne : <http://www.ibm.com/watson/music/>.

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ambiants et des rythmes en se fondant sur ce qu’il a appris de l’échantillon de départ — que

ce soit une création de l’utilisateur ou d’autres échantillons ou chansons »102

.

Dans le domaine du cinéma, l'IA nommée Benjamin impressionne également. Ce

programme a été développé par le réalisateur Oscar Sharp et le chercheur en intelligence

artificielle, Ross Goodwin. À l'aide d'analyse d'une dizaine de films et de séries de science-

fiction, Benjamin s'en est inspiré pour écrire son propre scénario afin de réaliser un court-

métrage de neuf minutes intitulé Sunspring103

.

Au Japon, depuis 2015, l’agence McCANN Millennials travaille sur une intelligence

artificielle capable de penser comme un directeur créatif afin de réaliser des publicités. L'IA

« est fondée sur une base de données constituée des publicités de tous les gagnants des

grands prix japonais depuis 10 ans. Elle est donc capable de savoir ce qui marche et ce qui

plaît auprès du grand public »104

. Elle a été mise en compétition avec un véritable directeur

créatif afin de réaliser une publicité et elle a remporté la majorité des votes105

.

Les programmes d'IA mentionnés ci-dessus ne sont que des exemples de créations qui

peuvent être générées par intelligence artificielle. L'émergence de ces programmes soulève

plusieurs enjeux, dont la responsabilité civile, l'éthique et la propriété intellectuelle106

.

D'ailleurs, lorsque le gouvernement du Luxembourg avait commandé auprès de l'intelligence

artificielle AIVA la composition d'une œuvre musicale dans le cadre de la fête nationale de

2017, de nombreuses critiques ont surgi dans le milieu artistique. La Fédération

luxembourgeoise des auteurs et compositeurs (FLAC) s’est adressée au ministre de la

Culture au sujet de cette commande et a fortement exprimé sa colère107

. « Les auteurs-

compositeurs considèrent la démarche comme ''un affront'' vis-à-vis d’eux, ''une claque en

102 Christopher TAYLOR, supra, note 93. 103 Morgane TUAL, supra, note 100; Arnaud TOUATI, « IA et propriété intellectuelle, un enjeux clef du 21ème siècle »,

Journal du Net, 20 décembre 2016, en ligne : <https://www.journaldunet.com/economie/expert/65903/ia-et-propriete-

intellectuelle--un-enjeux-clef-du-21eme-siecle.shtml>. 104 CREAPILLS, « Cette agence a créé une intelligence artificielle qui pense comme un directeur créatif », Creapills, 22

mars 2017, en ligne : <https://creapills.com/intelligence-artificielle-dc-20170322>. 105 Ibid. 106 Viviane GELLES, « Les enjeux juridiques de l’Intelligence Artificielle », Jurisexpert cabinet d’avocats, 19 juillet 2017,

en ligne : <https://www.jurisexpert.net/les-enjeux-juridiques-lintelligence-artificielle/>. 107 Geneviève MONTAIGU, « Polémique : un robot joue le trouble-fête… nationale », Le Quotidien, 16 mai 2017, en ligne :

<http://www.lequotidien.lu/politique-et-societe/polemique-un-robot-joue-le-trouble-fete-nationale/>.

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plein visage de tous les créateurs et créatrices dans tous les domaines artistiques'' »108

. Le

droit d'auteur est évidemment affecté puisque nous pouvons constater que « la création

artistique semble, plus que jamais, à portée de programmes informatiques »109

et il devient

de plus en plus difficile de faire la distinction entre les créations humaines et celles réalisées

par une intelligence artificielle110

. Si ces créations peuvent être confondues, est-ce qu'elles

reçoivent juridiquement la même protection? Est-ce que la Loi sur le droit d'auteur111

permet de protéger les créations générées par intelligence artificielle? Il n'y a pas encore si

longtemps, les questions entourant les droits sur les oeuvres créées par un ordinateur ne

provoquaient aucun débat puisque le « programme informatique était un simple outil mis au

service du processus créatif, comme le seraient un stylo et une feuille de papier »112

. Par

contre, les développements récents des programmes d'IA démontrent que ceux-ci ne servent

plus forcément que de simple outil. Ils peuvent être en grande partie responsables « des

décisions liées au processus créatif »113

et ne plus avoir besoin d'une intervention humaine.

Ainsi, ce mémoire a comme objectif de répondre aux deux principales questions que les

créations générées par intelligence artificielle soulèvent en droit d'auteur : Qui peut détenir

la qualité d'auteur? Et qui peut être le titulaire des droits d'auteur?

Pour répondre à ces questions, une étude approfondie du droit d'auteur canadien sera

nécessaire afin de trouver des réponses qui s'inscrivent avec la volonté du législateur. Bien

que l'IA provoque plusieurs enjeux dans différents domaines juridiques, ce mémoire

s'intéressera exclusivement à l'encadrement juridique par le droit d'auteur canadien des

créations générées par intelligence artificielle. La littérature canadienne sur ce sujet est pour

l'instant très peu abondante, ce qui justifiera les quelques incursions en droit étranger afin

d'inspirer des pistes de réflexion. La solution à ce nouvel enjeu n'est pour l'instant pas

tranchée puisque ces créations vont au-delà de la simple création assistée par un ordinateur.

« Lorsque les changements technologiques affectent les règles juridiques, le système

juridique peut réagir en essayant de gérer la nouvelle technologie en vertu des règles

108 Ibid. 109 Alexandre LOURIÉ et Alexis AULAGNIER, supra, note 76. 110 Ibid. 111 Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, c. C-42, ci-après : « Loi » ou « LDA ». 112 Andres GUADAMUZ, supra, note 69. 113 Ibid.

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existantes, en créant de nouvelles règles ou en modifiant les anciennes pour qu’elles

correspondent à la nouvelle technologie »114

. Ainsi, ce mémoire comparera dans un premier

temps, les différentes solutions envisageables d'auteur conformément au droit en vigueur et

déterminera si l'intelligence artificielle peut être l'auteure de son œuvre. Dans un second

temps, il analysera l'opportunité d'accorder une personnalité juridique à l'intelligence

artificielle et dans l'éventualité où cette dernière puisse être l'auteure, il déterminera qui

peut être le titulaire des droits de ces créations.

À ce stade-ci des recherches, il est possible de présumer que le critère d'originalité présent

dans la Loi sur le droit d'auteur semble suffisamment large pour envisager qu'une

intelligence artificielle puisse faire preuve d'originalité. De plus, l'absence de définition de

la notion d'auteur dans la Loi ne semble pas rendre impossible la possibilité de reconnaitre

l'intelligence artificielle comme l'auteure de ses propres oeuvres. Enfin, dans l'hypothèse où

l'intelligence artificielle puisse être l'auteure, la titularité des droits pourrait possiblement

être accordée au programmeur puisqu'il semble être la personne physique ayant pris les

moyens nécessaires pour rendre la création possible.

114 Traduction libre de l'auteure : When technological change affects legal rules, the legal system can respond by trying to

deal with the new technology under existing rules, by creating new rules, or by modifying old ones to fit the new

technology. David FRIEDMAN, « Does Technology Require New Law? » 25 Harvard Journal of Law & Public Policy 71,

p. 73.

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1. L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE PEUT-ELLE ÊTRE

L'AUTEURE D'UNE ŒUVRE ?

À l'heure actuelle, il n'existe pas de cadre juridique spécifique pour régler les différents

enjeux qu'engendre l'intelligence artificielle115

. Les créations générées par intelligence

artificielle « soulèv[ent] d'importantes questions auxquelles le droit canadien ne s'est pas

encore attardé »116

.

Nous l'avons vu avec les exemples cités en introduction, l'intelligence artificielle est

désormais capable de peindre, dessiner, réaliser des publicités et composer de la musique.

Ignorer l'enjeu juridique que suscitent ces créations n'est pas une position réaliste. Leurs

créations contribuent « à augmenter le fonds de l'humanité »117

. Puis, les sociétés qui

investissent dans le développement de ces technologies doivent pouvoir profiter, d'une

certaine manière, de leurs retombées économiques118

. Autrement, ils n'auraient aucun

intérêt à propager leurs idées, ce qui n'est pas un résultat souhaitable. Non seulement les

créateurs ne pourraient pas en tirer profit via une exploitation commerciale, mais le public

ne pourrait pas faire évoluer ces idées en créant d'autres oeuvres puisqu'il n’en aurait tout

simplement pas connaissance119

.

Puisque les programmes d'intelligence artificielle sont « capable[s] d'apprentissage et

d'autonomie décisionnelle »120

, il y a lieu de s'interroger sur l'identité de l'auteur de ces

créations et comment le droit peut s'adapter à celles-ci. « Pour appréhender ce nouvel objet,

la solution n'est sans doute pas à rechercher dans une réinvention totale du droit, qui

imposerait de faire table rase et de construire ex nihilo de nouvelles règles. Le droit en

vigueur trouve naturellement à s'appliquer, sans doute complété de réponses nouvelles et

spécifiques du législateur, soit par la création de règles idoines, soit par l'assouplissement,

115 Arnaud TOUATI, supra, note 19; Arnaud TOUATI, supra, note 103. 116 Camille AUBIN et Justin FREEDIN, « Vue d'ensemble de l'intelligence artificielle au Canada » (2017) 20 Bulletin Robic

1. 117 Alexandra BENSAMOUN et Grégoire LOISEAU, « L'intégration de l'intelligence artificielle dans certains droits

spéciaux », D. 2017.295. 118 Éric LAVALLÉE, « La propriété intellectuelle de l'intelligence artificielle », Le Droit de savoir, Lavery, septembre 2017,

en ligne : <https://unik.caij.qc.ca/permalien/PC-a101834>. 119 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Le droit de la propriété intellectuelle, Cowansville, Québec, Thomson

Carswell ; Éditions Y. Blais, 2006, p. 3. 120 Alexandra BENSAMOUN, « Des robots et du droit… », D. 2016.281.

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la modulation, des règles positives » 121

. Ainsi, dans cette première partie, les critères de

protection du droit d'auteur seront d'abord abordés (1.1) pour ensuite laisser place à une

analyse approfondie des différents intervenants susceptibles de revendiquer la qualité

d'auteur des créations générées par intelligence artificielle (1.2).

1.1. Les critères à la protection du droit d'auteur

Le droit d'auteur est « un droit purement statutaire, ce qui signifie que tout droit que

possède un auteur (ou un autre titulaire de droit d'auteur) sur une œuvre provient

exclusivement de la Loi sur le droit d'auteur »122

. À cet effet, dans la décision Compo Co c.

Blue Crest Music, il est expliqué que « la loi concernant le droit d’auteur crée simplement

des droits et obligations selon certaines conditions et circonstances établies dans le texte.

[…] La loi parle d’elle-même et c’est en fonction de ses dispositions que doivent être

analysés les actes de l’appelante »123

. La Loi codifie d'ailleurs cette règle à l'article 89 en

stipulant que pour revendiquer un droit d'auteur, il faut appliquer la présente loi.

Le droit d'auteur protège les expressions et non les idées124

. Les idées font partie du

domaine public afin d'en favoriser la diffusion125

. Par exemple, dans la décision de 1950,

Moreau c. St. Vincent126

, le demandeur avait créé un nouveau système de distribution de

réglettes. Or, la cour a refusé d'accorder un droit d'auteur sur ce système puisqu'un

« principe fondamental du droit d'auteur veut que l'auteur n'ait pas un droit sur une idée,

mais seulement sur son expression. Le droit d'auteur ne lui accorde aucun monopole sur

l'utilisation de l'idée en cause ni aucun droit de propriété sur elle »127

. Le droit du

demandeur était dans l'œuvre littéraire et non « dans le système décrit par l'œuvre

littéraire »128

. Les livres de recettes sont un autre exemple. La recette est protégée à titre

121 Ibid. 122 Madeleine LAMOTHE-SAMSON, « Les conditions d'existence du droit d'auteur : n'oublions pas l'auteur et sa créativité »

(2002) 15 C.P.I. 619, p. 621. 123 Compo Co. Ltd. c. Blue Crest Music et autres, [1980] 1 RCS 357, p. 372. 124 CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, par. 8, ci-après : « CCH »; Teresa SCASSA,

« Originality and Utilitarian Works : The Uneasy Relationship between Copyright Law and Unfair Competition » (2003-

2004) 1 U. Ottawa L. & Tech. J. 51, p. 64. 125 Madeleine LAMOTHE-SAMSON, « Les conditions d'existence du droit d'auteur : n'oublions pas l'auteur et sa créativité »

(2002) 15 C.P.I. 619, p. 633. 126 Moreau c. St. Vincent, [1950] R.C.É. 198. 127 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Le droit de la propriété intellectuelle, Cowansville, Québec, Thomson

Carswell ; Éditions Y. Blais, 2006, p. 15. 128 Ibid.

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d'œuvre littéraire par le droit d'auteur. L'idée d'utiliser certains ingrédients plutôt que

d'autres ne fait pas l'objet de la protection129

.

Le droit d'auteur nait dès qu'une œuvre, respectant les critères de protection, est créée130

. De

cette façon, dans l'interprétation de la Loi, les tribunaux n'ont pas le rôle de « déterminer si

une œuvre était ou non suffisamment pourvue de qualités esthétiques, littéraires, artistiques

ou autres afin de ''mériter'' d'être protégée par le droit d'auteur »131

. Ils doivent plutôt

analyser si les critères de protection sont rencontrés. Parmi ceux-ci, nous verrons plus loin,

dans de plus amples détails, qu'il doit s'agir d'une œuvre visée par les catégories que la Loi

protège. Ensuite, cette œuvre doit être protégeable au Canada132

, ce qui signifie que l'auteur

doit être « à la date de la création de l'œuvre, citoyen, sujet ou résident habituel du Canada

ou d'un autre pays signataire. Un pays signataire est défini en tant que pays signataire de la

Convention de Berne, [de] la Convention universelle sur le droit d'auteur ou membre de

l'Organisation mondiale du commerce [OMC] »133

. D'autre part, puisque l'idée n'est pas

protégée, c'est la forme sous laquelle cette « idée est exprimée qui pourra être protégée par

le droit d'auteur »134

. L'expression se traduit par la fixation de l'œuvre sous une forme

quelconque135

. La fixation est donc également une condition à la protection. Par contre, ce

critère général n'apparait pas explicitement dans la Loi136

. D'ailleurs, certains auteurs

plaident qu'il ne s'agit pas d'une véritable condition préalable137

. Cependant, les tribunaux

ont reconnu à plusieurs reprises la nécessité d'une fixation. Dès 1954, la cour écrivait que

129 Ibid, p. 16. 130 Sébastien PIGEON, « Droit d'auteur et droit des technologies », dans Service de la formation continue, Barreau du

Québec, Congrès annuel du Barreau du Québec (2008), Cowansville, Éditions Yvon Blais, en ligne :

<https://unik.caij.qc.ca/permalien/congres_du_barreau/2008/447>. 131 Stéphane GILKER, « Principes généraux du droit d'auteur », dans Service de la formation continue, Barreau du Québec,

Congrès annuel du Barreau du Québec (2009), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 50. 132 Madeleine LAMOTHE-SAMSON, « Les conditions d'existence du droit d'auteur : n'oublions pas l'auteur et sa créativité »

(2002) 15 C.P.I. 619, p. 622. 133 GOUVERNEMENT DU CANADA, « Le guide du droit d’auteur », Office de la propriété intellectuelle du Canada, 15

novembre 2016, en ligne : <https://www.ic.gc.ca/eic/site/cipointernet-internetopic.nsf/fra/h_wr02281.html>; Article 5

LDA. 134 Marc BARIBEAU, Principes généraux de la Loi sur le droit d’auteur, Québec, Les Publications du Québec, 2007, p. 2. 135 Ibid; Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Le droit de la propriété intellectuelle, Cowansville, Québec, Thomson

Carswell ; Éditions Y. Blais, 2006, p. 13; Martin P. J. KRATZ, Canada’s intellectual property law in a nutshell, 2e éd.,

Toronto, Carswell, 2010, p. 58; Mistrale GOUDREAU, Intellectual property law in Canada, Alphen Aan Den Rijn, Wolters

Kluwer Law & Bus, 2013, p. 13; Glen Gould Estate v. Stoddart Publishing Co. Ltd., (1998) 39 OR (3d) 545; Canadian

Admiral Corporation Ltd. c. Rediffusion, Inc., [1954] R.C.É. 382, p. 394; Madeleine LAMOTHE-SAMSON, « Les conditions

d'existence du droit d'auteur : n'oublions pas l'auteur et sa créativité » (2002) 15 C.P.I. 619, p. 628; CCH, par. 8. 136 Mistrale GOUDREAU, Intellectual property law in Canada, Alphen Aan Den Rijn, Wolters Kluwer Law & Bus, 2013,

p. 30. 137 Ibid.

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18

« pour que le droit d'auteur subsiste dans une ''œuvre'', il doit s'exprimer dans une certaine

mesure au moins sous une forme matérielle, capable d'identification et ayant une durée plus

ou moins permanente »138

. En 1998, la Cour d'appel de l'Ontario a refusé d'appliquer le

droit d'auteur aux déclarations orales puisqu'elles n'étaient pas fixées139

. Dans cette affaire,

le pianiste de concert et d’enregistrement, Glenn Gould, avait été interviewé par Jock

Carroll en 1956, pour un article dans le Weekend Magazine. Largement inspiré par les notes

prises lors des rencontres et des enregistrements audio, Carroll a écrit un livre sur Gould qui

a été publié en 1995, soit treize ans après la mort du pianiste. La succession de Gould

poursuivait pour violation du droit d'auteur. Or, la cour rejette leur demande puisque Gould

n’avait pas de droit d’auteur sur ses déclarations orales ni sur les transcriptions de celles-ci.

Le pianiste faisait des commentaires spontanés qu'il savait qu'ils étaient susceptibles de se

retrouver dans le domaine public140

. Dans la décision Théberge c. Galerie d'Art du Petit

Champlain Inc.141

, la Cour suprême du Canada a déclaré que « la ''fixation'' a un sens

relativement bien établi plutôt différent en matière de droit d’auteur. Cette notion sert à

distinguer les œuvres susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur des idées générales

qui sont la ''propriété'' intellectuelle de tous : […] Un droit d’auteur prend donc naissance

dès que l’œuvre est écrite ou autrement attestée sous une forme raisonnablement

permanente (''fixée'') »142

. Plus loin dans la décision, il est précisé que « la fixation à un

support matériel constitue une condition sine qua non de la production d’une

œuvre »143

. Enfin, dans l'arrêt CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada 144

, il est

réitéré que « l’œuvre doit être fixée sous une forme matérielle pour bénéficier » de la

protection du droit d'auteur. Suivant cette jurisprudence, il est difficile de contester la

validité de cette condition préalable. Enfin, les « deux conditions de protection les plus

fondamentales : l'existence d'un auteur et le caractère ''original'' de l'œuvre »145

seront

étudiées en profondeur dans les sous-sections suivantes.

138 Libre traduction de l'auteure : For copyright to subsist in a 'work' it must be expressed to some extent at least in some

material form, capable of identification and having a more or less permanent endurance. Canadian Admiral Corp. v.

Rediffusion, Inc., [1954] Ex. C.R. 382, p. 394. 139 Glen Gould Estate v. Stoddart Publishing Co. Ltd., (1998) 39 OR (3d) 545; Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS,

supra, note 135; Mistrale GOUDREAU, supra, note 136. 140 Glen Gould Estate v. Stoddart Publishing Co. Ltd., (1998) 39 OR (3d) 545, par. 27. 141 Théberge c. Galerie d'Art du Petit Champlain Inc., 2002 CSC 34. 142 Ibid, par. 25. 143 Ibid, par. 145. 144 CCH, par.8. 145 Madeleine LAMOTHE-SAMSON, supra, note 122.

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19

1.1.1. La notion d'auteur au sens de la Loi sur le droit d'auteur

« L'existence d'un auteur est une condition essentielle de la protection. En fait, cette

condition est inhérente à la nature même de la protection »146

. À cet effet, il y a dans la Loi

des indices permettant de conclure à la nécessité d'un auteur. Premièrement, l'article 13 de

la Loi prévoit que « sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l’auteur d’une

oeuvre est le premier titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre ». Selon l'auteure Lamothe-

Samson, il ressort ainsi de cet article que pour qu'une œuvre puisse exister, elle doit

provenir d'un auteur sinon le législateur aurait expressément prévu un titulaire des droits

pour chaque type d'oeuvres147

. Le second indice relève de la durée du droit d'auteur.

L'article 6 de la Loi prévoit comme règle générale que « le droit d’auteur subsiste pendant

la vie de l’auteur, puis jusqu’à la fin de la cinquantième année suivant celle de son décès ».

Par conséquent, puisque la durée de la vie de l'auteur est le principe de base, « il est logique

de conclure que la Loi est essentiellement destinée à protéger les oeuvres créées par des

êtres humains »148

. Le troisième indice est libellé à l'article 5 de la Loi. En effet, celui-ci

prévoit qu'à la date de la création de l'œuvre, l’auteur doit être citoyen, sujet ou résident

habituel d’un pays signataire149

. Ainsi, cette exigence s'adresse tout particulièrement à une

personne physique. Enfin, le quatrième indice est la reconnaissance des droits moraux150

,

non seulement dans les dispositions de la Loi elle-même, mais également dans la

philosophie de la conception du droit d'auteur selon laquelle les droits d'auteur sont « des

droits naturels qui naissent de la relation personnelle du créateur avec l'idée et qui ne

peuvent pas être aliénés sans la permission du créateur »151

. Ces droits moraux se divisent

en deux catégories. Il y a le droit à l'intégrité de l'oeuvre qui permet à l'auteur de s'opposer à

toute modification de son oeuvre152

et le droit d'attribution qui s'agit du droit de se voir

associer à sa création, même sous un pseudonyme, ou de demeurer anonyme153

. Ces droits

146 Ibid, p. 636. 147 Ibid, p. 637. 148 Ibid. 149 Christie BATES, « Who can create copyrightable work in Canada ? Musings on a monkey's selfie », Intellectual

property bulletin, McMillan, octobre 2017, en ligne : <https://unik.caij.qc.ca/permalien/PC-a101773>. 150 Madeleine LAMOTHE-SAMSON, « Les conditions d'existence du droit d'auteur : n'oublions pas l'auteur et sa créativité »

(2002) 15 C.P.I. 619, p. 638. 151 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Le droit de la propriété intellectuelle, Cowansville, Québec, Thomson

Carswell ; Éditions Y. Blais, 2006, p. 5. 152 Snow c. The Eaton Centre Ltd., (1982) 70 C.P.R. (2d) 105; Vaillancourt c. Carbone 14, [1999] R.J.Q. 490; Prise de

parole Inc. c. Guérin, éditeur Ltée, (1995) 66 C.P.R. (3d) 257; Marc BARIBEAU, Principes généraux de la Loi sur le droit

d’auteur, Québec, Les Publications du Québec, 2007, p. 24. 153 Article 14.1 (1) LDA.

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appartiennent exclusivement à l'auteur. L'absence d'auteur viderait les dispositions de leur

sens.

Jusqu'à la fin du XXe siècle, la place de l'auteur au sein du droit d'auteur canadien était

centrale. La Loi gravitait autour de lui et lui permettait de tirer profit de l'exploitation de

son œuvre154

. Dans l'arrêt Bishop c. Stevens155

de 1990, la Cour suprême écrivait d'ailleurs

que la Loi « a un but unique et a été adoptée au seul profit des auteurs de toutes sortes ».

Par contre, avec les modifications législatives de 1988 et de 1997, la Loi sur le droit

d'auteur commençait graduellement à prendre un autre tournant et à affaiblir ce principe156

.

D'ailleurs, la liste d'exceptions de violation du droit d'auteur s'allongeait. Ce sont les

modifications apportées à la Loi en 2012 qui confirment le tournant dans la conception du

droit d'auteur. Ces modifications se sont inspirées de la jurisprudence. Alors que l'auteur

occupait jusqu'à maintenant une place centrale dans le droit d'auteur, le plus haut tribunal

du pays a décidé de voir le droit d'un œil différent via différentes décisions157

.

D'abord, en 2002, il conclut que la Loi permet d'assurer « un équilibre entre, d’une part, la

promotion, dans l’intérêt du public, de la création et de la diffusion des œuvres artistiques

et intellectuelles et, d’autre part, l’obtention d’une juste récompense pour le créateur (ou,

plus précisément, l’assurance que personne d’autre que le créateur ne pourra s’approprier

les bénéfices qui pourraient être générés) »158

. Une trop grande rétribution pour les auteurs

tout comme une trop faible rétribution serait inefficace et ne permettrait pas d'atteindre les

objectifs de la Loi159

. De plus, les exceptions à la violation du droit d'auteur créées dans la

Loi permettent d'éviter que les titulaires des droits d'auteurs160

contrôlent de manière

excessive l'accès et l'usage légitime de leurs oeuvres161

. « Un contrôle excessif de la part

des titulaires du droit d’auteur et d’autres formes de propriété intellectuelle pourrait

restreindre indûment la capacité du domaine public d’intégrer et d’embellir l’innovation

créative dans l’intérêt à long terme de l’ensemble de la société, ou créer des obstacles

154 Georges AZZARIA, « Un tournant pour le droit canadien » (2013) 25 C.P.I. 885, p. 892. 155 Bishop c. Stevens, [1990] 2 R.C.S. 467. 156 Madeleine LAMOTHE-SAMSON, supra, note 147. 157 Georges AZZARIA, supra, note 154. 158 Théberge c. Galerie d'Art du Petit Champlain inc., 2002 CSC 34, par. 30. 159 Ibid, par. 31. 160 La notion de titularité sera abordée dans la deuxième section de ce mémoire. 161 Théberge c. Galerie d'Art du Petit Champlain inc., 2002 CSC 34, par. 32.

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d’ordre pratique à son utilisation légitime »162

. Ainsi, l'auteur n'est plus la seule priorité de

la Loi. « Dans la transformation du droit d'auteur canadien auquel on assiste depuis le début

du XXIe siècle, le rôle des auteurs se trouve minimisé dans la seule loi conçue pour

reconnaitre la valeur économique de leur travail »163

.

Puis, en 2004, la Cour suprême conclut expressément qu'il existe un droit des utilisateurs,

« au même titre que le droit des auteurs »164

. En fait, ce droit prend sa source dans les

exceptions d'utilisation équitable reconnues aux articles 29 à 29.2 de la Loi. La

reconnaissance de ce droit a pour effet d'accorder autant d'importance aux exceptions dont

bénéficient les utilisateurs qu'aux droits exclusifs des auteurs165

. Leurs droits sont

désormais mis sur un même pied d'égalité166

. La cour écrit que « pour maintenir un juste

équilibre entre les droits des titulaires du droit d’auteur et les intérêts des utilisateurs, il ne

faut pas […] interpréter restrictivement »167

les exceptions d'utilisation équitable. Ainsi, cet

arrêt démontre encore une fois que l'auteur n'est plus la seule priorité de la Loi. Comme

l'écrivait l'auteur De Saint-Exupéry, « la consécration du droit des utilisateurs au même titre

que celui des auteurs est une première. C'est un tournant dans la philosophie du droit

d'auteur en rééquilibrant deux intérêts qui peuvent paraitre contradictoires, mais qui sont

pourtant fondamentaux »168

.

Le professeur Azzaria considère qu'il :

Se profile un clivage entre deux visions du droit d'auteur. […] Le droit

canadien passe définitivement d'un modèle basé sur la prééminence de l'auteur

à un modèle où la circulation de l'œuvre devient un enjeu central. Du coup,

s'estompe le fondement d'un droit d'auteur pensé comme un droit naturel, c'est-

à-dire comme un droit qui revient, par essence, à la personne de l'auteur. Il n'est

pas dit que le droit canadien ait déjà été un droit totalement centré sur l'auteur

comme peuvent l'être plusieurs législations européennes. Néanmoins, les

empreintes de ce type de droit ont jadis été assez fortes pour en faire un droit

de filiation anglo-saxonne dans lequel le civiliste québécois pouvait se

retrouver.169

162 Ibid. 163 Georges AZZARIA, « Un tournant pour le droit canadien » (2013) 25 C.P.I. 885, p. 902. 164 Gilles DE SAINT EXUPÉRY, « Droit des utilisateurs en droit d'auteur canadien » (2010) 22 C.P.I. 777, p. 787. 165 Ibid, p. 788. 166 Ibid. 167 CCH, par. 48. 168 Gilles DE SAINT EXUPÉRY, « Droit des utilisateurs en droit d'auteur canadien » (2010) 22 C.P.I. 777, p. 790. 169 Georges AZZARIA, « Un tournant pour le droit canadien » (2013) 25 C.P.I. 885, p. 894.

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La tradition civiliste qui sert en partie de fondement au droit d'auteur canadien a été très

influant dans la conception du droit. La reconnaissance des droits moraux en est un bon

exemple. Cette tradition prône la théorie de la personne. Celle-ci « considère les idées et

leur expression comme intrinsèques à l'identité du créateur et essentielles au développement

de la personne »170

. Or, avec les années, il est possible de constater une diminution de

l'importance de la place de l'auteur dans la Loi. Il n'est plus forcément le sujet central de la

Loi. Le droit canadien se détache de la vision personnaliste du droit d'auteur. Ainsi, il n'est

pas inconcevable de penser que la notion d'auteur pourrait connaitre des changements. Par

exemple, un élargissement, un assouplissement ou une nouvelle interprétation de cette

notion pourrait être envisagé. Ceci permettrait d'inclure davantage de personnes à titre

d'auteur plutôt que de limiter cela qu'aux créateurs humains.

D'autant plus, la Loi sur le droit d'auteur ne fournit pas de définition précise sur la qualité

d'auteur171

. Dans son guide du droit d'auteur, l'Office de la propriété intellectuelle du

Canada se contente de préciser que l'auteur est « la personne qui a créé l'œuvre »172

, qui

l'exprime et qui fournit un effort de création173

. Si une personne ne fait que fournir des

idées, celle-ci ne peut prétendre détenir la qualité d'auteur174

. Ainsi, l'absence de définition

dans la Loi laisse davantage de place à une interprétation large de cette notion.

1.1.2. La notion d'œuvre au sens de la Loi sur le droit d'auteur

La notion d'œuvre est le second concept fondamental du droit d'auteur. L'article 2 de la Loi

en fournit une certaine définition175

. Or, cette disposition extrêmement limitative indique

seulement la possibilité que le titre d'une œuvre soit lui-même assimilé à une œuvre à

condition qu'il soit original et distinctif. Sans fournir de définition précise sur la notion

d'œuvre, ce même article décrit, un peu plus loin, chacun des types d'œuvres que la Loi

couvre. De cette façon, il est possible de délimiter les contours de la protection.

170 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, supra, note 151. 171 Christie BATES, supra, note 149. 172 GOUVERNEMENT DU CANADA, « Le guide du droit d’auteur », Office de la propriété intellectuelle du Canada, 15

novembre 2016, en ligne : <https://www.ic.gc.ca/eic/site/cipointernet-internetopic.nsf/fra/h_wr02281.html>. 173 Normand TAMARO, Loi sur le droit d’auteur : texte annoté, 10e éd., Toronto, Carswell, 2015, p. 414 et 420. 174 Ibid, p. 419. 175 « Est assimilé à une oeuvre le titre de l’oeuvre lorsque celui-ci est original et distinctif ».

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Les types d'oeuvres protégées sont regroupés en quatre grandes catégories. La Loi vise

d'abord les œuvres artistiques. Elles comprennent notamment « les peintures, dessins,

sculptures, oeuvres architecturales, gravures ou photographies, les oeuvres artistiques dues

à des artisans ainsi que les graphiques, cartes, plans et compilations d’oeuvres

artistiques »176

. Cette liste n'est toutefois pas exhaustive.

Ensuite, la Loi protège les œuvres dramatiques. Celles-ci visent « les pièces pouvant être

récitées, les oeuvres chorégraphiques ou les pantomimes dont l’arrangement scénique ou la

mise en scène est fixé par écrit ou autrement, les oeuvres cinématographiques et les

compilations d’oeuvres dramatiques »177

. Ce sont donc essentiellement les oeuvres des arts

de la scène et de l'écran étant interprétées par des artistes devant un public qui font partie de

cette catégorie178

. Par exemple, la danse, le théâtre, l'opéra, les productions télévisuelles,

cinématographiques ou vidéos sont inclus179

.

Les œuvres littéraires sont également visées par la Loi. Elles comprennent toutes les formes

d'écrits180

. Les romans, les poèmes, les lettres, les rapports, les textes scientifiques, « les

tableaux, les programmes d’ordinateur et les compilations d’oeuvres littéraires »181

font

notamment partie de cette catégorie. Cette énumération n'est pas exhaustive. Ainsi, tant des

écrits relevant de la fiction que des écrits techniques ou pédagogiques peuvent faire l'objet

de la protection182

. De plus, le mérite de l'écrit ou de tout autre type d'oeuvre n'a pas

d'importance183

, c'est son originalité qui importe.

Enfin, la Loi protège les œuvres musicales. Elles visent « toute oeuvre ou toute composition

musicale — avec ou sans paroles — et toute compilation de celles-ci »184

. Une œuvre

176 Article 2 LDA. 177 Article 2 LDA. 178 Stéphane GILKER, « Principes généraux du droit d'auteur », dans Service de la formation continue, Barreau du Québec,

Congrès annuel du Barreau du Québec (2009), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 13. 179 Ibid. 180 Ibid, p. 12. 181 Article 2 LDA. 182 Stéphane GILKER, supra, note 178. 183 Madeleine LAMOTHE-SAMSON, « Les conditions d'existence du droit d'auteur : n'oublions pas l'auteur et sa créativité »

(2002) 15 C.P.I. 619, p. 623. 184 Article 2 LDA.

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musicale correspond généralement à au « moins une des trois composantes suivantes :

mélodie, harmonie et rythme »185

.

Au-delà des types d'oeuvres susceptibles de recevoir la protection, il existe des oeuvres où

il intervient plus d'un auteur. Il s'agit des oeuvres créées en collaboration et des oeuvres

collectives.

L'œuvre de collaboration est définie à l'article 2 de la Loi comme étant une « oeuvre

exécutée par la collaboration de deux ou plusieurs auteurs, et dans laquelle la part créée par

l’un n’est pas distincte de celle créée par l’autre ou les autres ». Par exemple, suggérer des

idées, des phrases ou effectuer de la simple correction de ponctuation, de grammaire ou de

syntaxe n'est pas suffisant pour donner lieu à une œuvre créée en collaboration186

. D'autre

part, la contribution individuelle d'un des coauteurs n'a pas nécessairement besoin d'être

originale en elle-même, il suffit que l'œuvre finale satisfasse le critère d'originalité187

. Aux

deux critères établis par la Loi, il y a un courant jurisprudentiel selon lequel il s'ajouterait

un troisième critère188

. Il s'agit de l'intention commune de créer une œuvre en collaboration.

Ce critère, qui prend sa source dans le copyright américain189

, a été confirmé dans la

décision canadienne Neudorf c. Nettwerk Productions190

en 1999. Depuis, il a été repris à

plusieurs reprises191

.

Une décision de la Cour supérieure du Québec datant de 2015192

résume bien les principes

déterminant si une œuvre est créée en collaboration :

une œuvre conjointe est ainsi qualifiée à la lumière de la loi et des faits;

l’apport des coauteurs n’a pas besoin d’être équivalent, mais

l’apport de chacun doit être substantiel193

;

185 Stéphane GILKER, supra, note 178. 186 David VAVER, Intellectual property law : copyright, patents, trade-marks, 2e éd., coll. Essentials of Canadian law,

Toronto, Irwin Law, 2011, p. 120. 187 Ibid. 188 Mistrale GOUDREAU, Intellectual property law in Canada, Alphen Aan Den Rijn, Wolters Kluwer Law & Bus, 2013,

p. 33. 189 Article 101 Copyright Law of the United States, 17 U.S.C. 190 Neudorf v. Nettwerk Productions Ltd., 1999 CanLII 5293. 191 Voir par exemple : Drapeau c. Carbone 14, [2000] RJQ 1525, par. 58 (confirmé en appel : Drapeau c. François

Girard, [2003] RJQ 2539); Wall v. Horn Abbot Ltd., 2007 NSSC 197, par 498 à 506; Neugebauer c. Labieniec, 2009 CF

666 (appel rejeté : Neugebauer c. Labieniec, 2010 CAF 229); Atlantic Canada Regional Council of

Carpenters,Millwrights, and Allied Workers v. Maritime Environmental Training Institute Ltd., 2014 NSSC 64. 192 Seggie c. Roofdog Games Inc., 2015 QCCS 6462.

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une certaine collaboration doit s’établir entre les coauteurs dans la poursuite

d’un dessein commun;

il faut prouver plus que des idées et des suggestions;

une certaine jurisprudence considère également pertinente

l’intention commune des parties de créer ou non une œuvre en

collaboration.194

Au final, dans cette décision, la juge a également tenu compte du critère de l'intention des

parties195

. Ce courant jurisprudentiel en faveur de ce troisième critère tend vers une

interprétation de la Loi « bien au-delà de la lettre »196

. Cela a pour conséquence de faire

passer « l'exigence de prouver que les coauteurs souhaitaient fondre leurs contributions

dans un dessein commun, à celle de démontrer que l'intention initiale des coauteurs était de

se considérer mutuellement coauteurs »197

. Enfin, les coauteurs d'une œuvre créée en

collaboration sont propriétaires de l'œuvre à parts égales. Leurs droits sur l'œuvre sont

indivisibles198

. Cela signifie que tous les coauteurs doivent consentir à accorder une licence

ou une cession.

Tandis que l'œuvre collective correspond à une œuvre où les contributions apportées par les

auteurs sont distinctes les unes des autres199

. Chaque coauteur détient respectivement un

droit d'auteur sur sa propre contribution200

à condition qu'elle soit originale201

. Par contre, le

droit d'auteur sur l'œuvre collective est rattaché à la création du recueil, « indépendamment

des différents droits susceptibles d'être rattachés aux apports réunis dans le recueil »202

.

Ainsi, l'auteur du recueil est celui qui réunit les différentes contributions203

. Ce recueil est

également assujetti au critère d'originalité. L'auteur doit être original dans la manière de 193 Atlantic Canada Regional Council of Carpenters, Millwrights, and Allied Workers v. Maritime Environmental

Training Institute Ltd., 2014 NSSC 64 , par. 23; Thibault c. Turcot (1926) 34 R.L. 415; Johanne DANIEL, « Je crée, tu

crées, nous créons - L'oeuvre de collaboration, une question de fait ou d'intention ? », dans Service de la formation

continue, Barreau du Québec, Développements récents en droit de la propriété intellectuelle (2016), Cowansville,

Éditions Yvon Blais, p. 262. 194 Seggie c. Roofdog Games Inc., 2015 QCCS 6462, par. 59. 195 Johanne DANIEL, « Je crée, tu crées, nous créons - L'oeuvre de collaboration, une question de fait ou d'intention ? »,

dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, Développements récents en droit de la propriété intellectuelle

(2016), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 268. 196 Ibid. 197 Ibid. 198 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Le droit de la propriété intellectuelle, Cowansville, Québec, Thomson

Carswell ; Éditions Y. Blais, 2006, p. 43-44; Forget c. Specialty Tools of Canada Inc.,(1995) 62 C.P.R. (3d) 537. 199 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, supra, note 198; Article 2 LDA. 200 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, supra, note 198. 201 Mistrale GOUDREAU, supra, note 188. 202 Normand TAMARO, Loi sur le droit d’auteur : texte annoté, 10e éd., Toronto, Carswell, 2015, p. 174. 203 Ibid.

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26

sélectionner et d'agencer les oeuvres204

. Par recueil, il est notamment visé des

encyclopédies, dictionnaires, annuaires, journaux, revues, magazines ou autres publications

périodiques205

. Le titulaire du droit d'auteur de l'œuvre collective peut reproduire l'ensemble

de l'œuvre sans porter atteinte au droit d'auteur des différents auteurs. Toutefois, il ne

détient pas de droit sur les parties individuelles de l'œuvre collective, ce qui signifie qu'il ne

pourrait pas les reproduire séparément206

.

1.1.3. La détermination du critère d'originalité

La condition d'originalité est primordiale pour qu'une œuvre puisse bénéficier de la

protection de la Loi207

. L'article 5 de la Loi précise d'ailleurs que le droit d'auteur existe

« sur toute oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale ». Il s'agit du

« concept fondamental qui définit la relation entre un auteur et son oeuvre, car le droit

d'auteur sur une œuvre prend naissance au moment où un auteur produit une expression

originale fixée »208

. Or, définir les contours de ce critère s'avère beaucoup plus difficile qu'il

en a l'air209

. En effet, malgré son importance, celui-ci n'est pas défini dans la Loi210

, ce qui a

eu pour effet de susciter beaucoup de controverses. La jurisprudence a longtemps été

contradictoire sur la définition à donner à la notion d'originalité211

. Il y avait principalement

deux positions qui s'opposaient212

. D'abord, il y avait ceux213

qui soutenaient que

204 Madeleine LAMOTHE-SAMSON, « Les conditions d'existence du droit d'auteur : n'oublions pas l'auteur et sa créativité »

(2002) 15 C.P.I. 619, p. 643. 205 Article 2 LDA. 206 Mistrale GOUDREAU, supra, note 188; Robertson c. Thomson Corp., 2006 CSC 43. 207 Carys J. CRAIG, « The Evolution of Originality in Canadian Copyright Law : Authorship, Reward and the Public

Interest » (2005) 2 U. Ottawa L.& Tech. J. 425, p. 427. 208 Traduction libre de l'auteure : Further, originality is the foundational concept that defines the relationship between an

“author” and her “work”, for copyright in a work comes into existence at the moment when an author produces fixed

original expression. Carys J. CRAIG, supra, note 207; Normand TAMARO, « Droit d'auteur et avancement des

connaissances : notes sur la perspective judiciaire contemporaine de la notion d'originalité », dans Service de la formation

continue, Barreau du Québec, Développements récents en droit du divertissement (2000), Cowansville, Éditions Yvon

Blais, p. 3. 209 Carys J. CRAIG, « Resisting Sweat and Refusing Feist : Rethinking Originality after CCH » (2007) 40 U.B.C.L. Rev.

69, p. 69. 210 Maxime RIVOIRE et E. Richard GOLD, « Propriété intellectuelle, Cour suprême du Canada et droit civil » (2015) 60:3

McGill Law Journal 381, p. 396. 211 CCH, par.15. 212 Carys J. CRAIG, supra, note 207; Elizabeth F. JUDGE et Daniel GERVAIS, « Of Silos and Constellations: Comparing

Notions of Originality in Copyright Law » (2009) 27 Cardozo Arts & Ent. L.J. 375, p. 391; Abraham DRASSINOWER,

« Sweat of the Brow, Creativity, and Authorship : On Originality in Canadian Copyright Law » (2003-2004) 1 U. Ottawa

L. & Tech. J. 105, p. 107. 213 Voir par exemple : Garland c. Gemmill, [1987] 14 R.C.S. 321; Underwriters Survey Bureau Ltd. c. American Home

Fire Assurance Co., [1939] 4 D.L.R. 89; U&R Tax Services Ltd. c. H&R Block Canada Inc., (1995) 62 C.P.R. (3d) 257.

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27

l'originalité correspondait à l'idée d'effort ou de labeur (sweat of the brow)214

. Il s'agissait

d'un critère peu rigoureux215

. Cette position tient sa source d'un arrêt britannique de

1916216

. Dans cette décision, il est reconnu que l'originalité ne nécessite pas une forme

originale ou nouvelle. En effet, la créativité n'est pas exigée217

. Le simple fait « qu’une

œuvre émane d’un auteur et soit davantage qu’une simple copie d’une autre œuvre suffit à

faire naître le droit d’auteur »218

. Selon cette position, l'emphase est davantage mise sur le

fait qu'une œuvre doit avoir été réalisée par l'auteur lui-même, sans copier le travail d'une

autre personne, plutôt que d'être originale ou nouvelle219

. Alors que la deuxième position

soutenait, quant à elle, que l'originalité exigeait « un minimum de créativité »220

. Il s'agit

d'ailleurs du critère utilisé aux États-Unis pour définir l'originalité221

. Il consiste à étudier la

possibilité pour l'auteur de faire des choix créatifs222

. Si une autre personne avait pu créer la

même œuvre, dans le même contexte de création, l'œuvre ne peut être originale, car il n'y a

pas de place aux choix créatifs223

. Les décisions canadiennes Télé-Direct224

et Édutile225

rejettent la position de l'effort où le seul travail permet de conclure qu'il y a originalité226

.

214 CCH, par.15 ; Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Loi sur le droit d’auteur : texte annoté, 10e éd., Toronto,

Carswell, 2015, p. 16; Carys J. CRAIG, supra, note 207. 215 CCH, par. 21. 216 University of London Press Ltd. c. Universal Tutorial Press Ltd., [1916] 2 Ch. 601; Benoît CLERMONT, « Les

compilations et la Loi sur le droit d'auteur : leur protection et leur création » (2006) 18 C.P.I. 219, p. 227; Katherine L.

MCDANIEL et James JUO., « A Quantum of Originality in Copyright » (2008) 8 Chicago-Kent Journal of Intellectual

Property 169, p. 170; Krishna HARIANI et Anirudh HARIANI, « Analyzing Originality in Copyright Law: Transcending

Jurisdictional Disparity » (2011) 51 IDEA 491, p. 493. 217 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, supra, note 214. 218 CCH, par. 15. 219 Kantel c. Grant, [1993] R.C.É. 84, p. 95 ; Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Loi sur le droit d’auteur : texte

annoté, 10e éd., Toronto, Carswell, 2015, p. 17. 220 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, supra, note 219; Abraham DRASSINOWER, « Sweat of the Brow, Creativity,

and Authorship : On Originality in Canadian Copyright Law » (2003-2004) 1 U. Ottawa L. & Tech. J. 105, p. 108. 221 Feist Publications Inc. c. Rural Telephone Service Co., 499 U.S. 340 (1991) : Cette décision rejette l'idée de l'effort

pour définir l'originalité puisqu'elle apparait incompatible avec le droit d'auteur. The "sweat of the brow" doctrine had

many flaws, the most glaring being that it extended copyright protection - a compilation of original contributions - to the

facts themselves. Under the doctrine, the only defense to infringement was independent creation. A later compiler was

"not necessarily a source of information", "but rather had to" independently work out the matter for itself, so to arrive at

the same result from the same common sources of information. " id., at 88-89 (internal quotations omitted). "sweat of the

brow" is one of the most fundamental axioms of copyright law. See miller c. Universal city studios, inc., 650 f. 2d, at 1372

(criticizing "sweat of the brow" short because "making sure that the writers get the facts independently" is precisely the

scope of protection given. The law is clear that facts are not entitled to such protection "); Howard B. ABRAMS,

« Originality and Creativity in Copyright Law » (1992) 55 Law & Contemporary Problems 3, p. 5; Jane C. GINSBURG,

« The Concept of Authorship in Comparative Copyright Law » (2003) 52 DePaul L. Rev. 1063, p. 1078. 222 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Loi sur le droit d’auteur : texte annoté, 10e éd., Toronto, Carswell, 2015,

p. 22. 223 Ibid. 224 Télé-Direct (Publications) Inc. c. American Business Information, Inc., [1998] 2 CF 22, par. 28, 29 et 32; Daniel J.

GERVAIS, « Feist goes global : A comparative analysis of the notion or originality in copyright law » (2002) 49 Journal of

the Copyright Society of the U.S.A. 949, p. 961. 225 Édutile Inc. c. Asso. pour la protection des automobilistes, [2000] 4 C.F. 195, par. 8. 226 CCH, par. 21.

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Le juge Décary explique dans Télé-Québec que cette position « est incompatible avec les

normes d’apport intellectuel et créatif expressément prévues par l’ALENA, puis confirmées

par les modifications apportées à la Loi sur le droit d’auteur en 1993, et déjà reconnues par

le droit anglo-canadien »227

.

C'est en 2004, avec le célèbre arrêt CCH228

, que la norme d'originalité s'est officiellement

précisée229

. La Cour suprême a choisi un critère se situant entre les deux pôles, c'est-à-dire

l'exercice du talent et du jugement :

J’entends par talent le recours aux connaissances personnelles, à une aptitude

acquise ou à une compétence issue de l’expérience pour produire l’œuvre.

J’entends par jugement la faculté de discernement ou la capacité de se faire une

opinion ou de procéder à une évaluation en comparant différentes options

possibles pour produire l’œuvre. Cet exercice du talent et du jugement

implique nécessairement un effort intellectuel. L’exercice du talent et du

jugement que requiert la production de l’œuvre ne doit pas être négligeable au

point de pouvoir être assimilé à une entreprise purement mécanique. Par

exemple, tout talent ou jugement que pourrait requérir la seule modification de

la police de caractères d’une œuvre pour en créer une ''autre'' serait trop

négligeable pour justifier la protection que le droit d’auteur accorde à une

œuvre ''originale''.230

Elle a rejeté l'idée d'effort ou de labeur comme critère d’originalité puisqu'il n'est pas assez

exigeant et « favorise les droits de l’auteur ou du créateur au détriment de l’intérêt qu’a la

société à conserver un domaine public solide susceptible de favoriser l’innovation créative

à l’avenir »231

. Elle a également rejeté le « critère d’originalité fondé sur la créativité »,232

car il « est trop rigoureux. La créativité implique qu’une chose doit être nouvelle et non

évidente — des notions que l’on associe à plus juste titre au brevet qu’au droit

d’auteur »233

.

227 CCH, par. 21; Édutile Inc. c. Asso. pour la protection des automobilistes, [2000] 4 C.F. 195, par. 8. 228 CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13. 229 Teresa SCASSA, « Original Facts : Skill, Judgment, and the Public Domain » (2005) 51 McGill L.J. 253, p. 255; Simon

STERN, « Copyright Originality and Judicial Originality » (2013) 63 U. Toronto L.J. 385, p. 387. 230 CCH, par.16. 231 CCH, par. 23 et 24; Carys J. CRAIG, « Resisting Sweat and Refusing Feist : Rethinking Originality after CCH » (2007)

40 U.B.C.L. Rev. 69, p. 86. 232 CCH, par. 24. 233 Ibid.

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29

Ainsi, le critère retenu par le tribunal « selon lequel une œuvre originale doit résulter de

l’exercice du talent et du jugement est à la fois fonctionnel et équitable »234

. Il permet un

juste équilibre entre les droits de l'auteur et l'intérêt public235

. En effet, il assure que l'auteur

ne reçoit pas de « rétribution excessive pour son œuvre »236

et favorise « l’épanouissement

du domaine public »237

en permettant à plusieurs personnes « de créer de nouvelles œuvres

à partir des idées et de l’information contenues dans les œuvres existantes »238

. La

nouveauté, l'innovation, l'esprit inventif, le mérite et la qualité esthétique ne sont donc pas

des critères d'appréciation239

. Dans CCH, la Cour suprême conclut en écrivant que « bien

qu’une œuvre créative soit par définition ''originale'' et protégée par le droit d’auteur, la

créativité n’est pas essentielle à l’originalité »240

.

Le critère d'originalité actuellement en vigueur au Canada n'est donc pas très exigeant241

.

Par exemple, de simples « résumés ou sommaires jurisprudentiels reprenant de façon

succincte les éléments essentiels des décisions judiciaires auxquelles elles se rapportent »242

et des relevés de paie243

ont été considérés comme originaux244

. En somme, pour être

originale, l'œuvre doit émaner d'un auteur, ne pas être une copie totale ou partielle d'une

œuvre existante auquel l'auteur a eu accès et l'auteur doit faire preuve de talent et de

jugement245

« ayant nécessité un certain effort intellectuel qui n'est pas négligeable au point

de pouvoir être assimilé à une entreprise purement mécanique »246

.

234 Ibid. 235 Carys J. CRAIG, « The Evolution of Originality in Canadian Copyright Law : Authorship, Reward and the Public

Interest » (2005) 2 U. Ottawa L.& Tech. J. 425, p. 430. 236 CCH, par. 23. 237 CCH, par. 23. 238 Ibid. 239 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Loi sur le droit d’auteur : texte annoté, 10e éd., Toronto, Carswell, 2015,

p. 25; Madeleine LAMOTHE-SAMSON, « Les conditions d'existence du droit d'auteur : n'oublions pas l'auteur et sa

créativité » (2002) 15 C.P.I. 619, p. 642. 240 CCH, par. 25. 241 Stéphane GILKER, « Principes généraux du droit d'auteur », dans Service de la formation continue, Barreau du Québec,

Congrès annuel du Barreau du Québec (2009), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 52. 242 Ibid. 243 Bonnette c. Dominion Blueline Inc., 2005 QCCA 342; Benoît CLERMONT, « Les compilations et la Loi sur le droit

d'auteur : leur protection et leur création » (2006) 18 C.P.I. 219, p. 235. 244 CCH. 245 Ibid, par. 25. 246 Stéphane GILKER, supra, note 241.

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1.2. La détermination de l'auteur des créations générées par intelligence

artificielle

« L'extrême tension que l'on relève dans la littérature se situe entre le fait de considérer le

système informatique comme un simple outil de l'auteur humain, et celui de considérer

l'ordinateur comme le véritable auteur de l'œuvre, sans l'intervention d'un auteur

humain »247

. Nous verrons que les options envisageables d'auteur sont nombreuses. Par

contre, le droit n'offre actuellement pas de solutions idéales. Bien qu'une personne puisse à

la fois être l'utilisateur, le programmeur et le propriétaire, ces différents rôles seront étudiés

séparément dans les sous-sections suivantes.

1.2.1. L'utilisateur de l'intelligence artificielle

Dans certaines situations, reconnaitre la qualité d'auteur à l'utilisateur de l'intelligence

artificielle n'est pas complètement dépourvu de sens. Toutefois, nous verrons que dès que

l'intelligence artificielle devient moindrement autonome, il ne s'agit plus forcément de la

meilleure alternative.

Si nous prenons l'exemple de Photoshop, un logiciel de traitement et de retouche de photos

et d'images développé par Adobe, les utilisateurs peuvent « effectuer des retouches simples

ou des transformations radicales »248

. Ce logiciel permet notamment d'ajuster, de

supprimer, de recadrer et de retoucher des éléments et de modifier les couleurs et les effets

d'une photographie ou d'une image249

. Les outils offerts par ce logiciel permettent de

littéralement transformer une simple photo en une œuvre complètement différente250

ou

même de créer une toute nouvelle image. Ainsi, dans la situation où une image est

entièrement réalisée grâce à l'usage de Photoshop, une œuvre artistique est créée. La

question de déterminer qui est l'auteur sera plutôt simple. Ce sera la personne qui a créé

l'image comme le veut l'application générale du droit d'auteur. Bien que ce soit le logiciel

qui lui ait donné les moyens technologiques de réaliser son image, la recherche de l'idée,

l'agencement des formes et des couleurs, le choix des proportions, de la typographie et des

247 Denis N. MAGNUSSON, « La protection du droit d'auteur pour les oeuvre produites par ordinateur : y a-t-il du neuf

depuis qu'Arthur Miller nous a dit qu'il n'y avait rien de nouveau depuis le rapport final de la CONTU ? » (2001) 13 C.P.I.

695, p. 701. 248 ADOBE, « Adobe Photoshop CC », en ligne : <https://www.adobe.com/ca_fr/products/photoshop.html#x>. 249 Ibid. 250 Ibid.

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éléments graphiques sont tous des éléments qui relèvent des choix de l'utilisateur. Le

logiciel « n'est qu'un outil pour l'artiste, un instrument qui lui permet de réaliser son chef-

d'œuvre. Il ne faut pas confondre l'outil avec le résultat qu'il permet d'obtenir […]

[L'œuvre] est parfaitement autonome par rapport au logiciel qui a permis son

élaboration »251

. C'est l'utilisateur qui fait preuve de talent et de jugement252

. L'effort

intellectuel qu'il a mis dans la création de l'œuvre va bien au-delà d'un acte purement

mécanique. Les personnes ayant contribué à la conception du logiciel, tel que le

programmeur, ne seront pas considérées comme les auteurs ou coauteurs puisqu'ils n'ont

pas participé à la création de l'œuvre elle-même253

. Leur travail est en amont. La même

situation se présente avec Microsoft Word, un logiciel de traitement de texte. En aucun

temps, le programmeur ou le propriétaire de ce logiciel ne peut prétendre avoir la qualité

d'auteur sur l'écrit original d'une autre personne. Dès que l'utilisateur du logiciel fait preuve

de talent et de jugement « ayant nécessité un certain effort intellectuel qui n'est pas

négligeable au point de pouvoir être assimilé à une entreprise purement mécanique »254

, il

sera l'auteur du contenu puisque Microsoft Word est simplement utilisé comme outil. À titre

d'analogie, « cela reviendrait à se demander si une protection par le droit d’auteur doit être

conférée au fabricant du stylo ou à l’écrivain »255

. Ainsi, dans ces situations, la réponse à la

question d'auteur est claire et ne suscite pas de débat.

Lorsqu'il s'agit « de création assistée par ordinateur, où le programme n’est qu’un simple

outil à disposition de l’artiste humain »256

, tout comme le serait un pinceau, un crayon ou

un appareil photo257

, il ne fait pas de doute que les droits d'auteur reviennent à l'utilisateur

puisqu'il « est celui dont les choix déterminent le caractère original »258

de l'oeuvre. « Ce

point de vue est illustré par la CONTU259

, pour qui les ordinateurs étaient simplement des

instruments qui amplifiaient considérablement le pouvoir qu’ont les humains de calculer, de

251 Yves GAUBIAC, « Oeuvres créées avec un ordinateur » (2014) 392 LexisNexis. 252 CCH, par.16. 253 Yves GAUBIAC, supra, note 251. 254 Stéphane GILKER, supra, note 241. 255 Andres GUADAMUZ, supra, note 69. 256 Pauline PEREZ, « Intelligence artificielle et droit d’auteur : une protection envisageable pour les œuvres créées par les

machines ? », Blog Master 1 IP/IT, 6 mars 2018, en ligne : <http://master-ip-it-leblog.fr/intelligence-artificielle-et-droit-

dauteur-une-protection-envisageable-pour-les-oeuvres-creees-par-les-machines/>. 257 Andres GUADAMUZ, supra, note 69. 258 Denis N. MAGNUSSON, supra, note 247. 259 Il s'agit de l'abréviation pour National Commission on New Technological Uses of Copyrighted Works.

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choisir, de réorganiser, de présenter, de concevoir et de prendre d’autres mesures qui

entrent en jeu dans la création d’une œuvre »260

. Ainsi, l'utilisation d'un outil n'est pas un

frein à la protection. En utilisant un appareil photo, le photographe demeure l'auteur même

s'il a eu recours à un instrument technologique puisqu'il est celui qui fait preuve de talent et

de jugement261

. Le compositeur de musique, Arne Eigenfeldt, utilise d'ailleurs l'intelligence

artificielle depuis maintenant 10 ans pour la majorité de ses créations musicales262

.

Pourtant, il demeure l'auteur de ses créations. Il défend l'idée que l'intelligence artificielle

ne remplacera pas la création humaine, elle permet plutôt de stimuler la créativité263

. Il

précise que :

Les ordinateurs sont des outils pour les artistes, ils […] permettent de faire les

choses bien plus simplement qu’auparavant. Des logiciels plus puissants

installés sur ces machines […] permettront de faire les choses beaucoup plus

rapidement, mais également de manière novatrice. Avant d’explorer l’IA dans

la création musicale, [il avait] l’impression de tourner en rond, créativement,

utilisant les mêmes façons de travailler depuis des années. Maintenant, [son]

logiciel est un partenaire de création qui [lui] permet de penser à la création

musicale d’une manière [qu'il n'aurait] jamais pu imaginer.264

Par contre, lorsque l'IA devient plus autonome, il n'est plus aussi évident que l'utilisateur

devrait être l'auteur. Les robots dotés d'une intelligence artificielle ayant pour fonction la

reproduction des objets placés devant eux265

en sont un bon exemple. Parmi ceux-ci, il

existe le robot e-David qui est capable de peindre sur des toiles266

. Il a été développé par

une équipe de chercheurs de l’Université allemande de Constance267

. Par contre, ce type de

robot dont e-David fait parti « n’est pas doué de volonté propre et il ne peut pas créer de

toutes pièces ses œuvres, il lui faut donc des modèles »268

. C'est à ce moment que

l'utilisateur peut intervenir. Dans un premier temps, l'utilisateur du robot doit choisir le sujet

ou les sujets qu'il aimerait que le robot reproduise. Ensuite, afin d'assurer une reproduction

260 Denis N. MAGNUSSON, supra, note 247. 261 CCH, par.16. 262 Christopher TAYLOR, supra, note 93. 263 Ibid. 264 Ibid. 265 Claudia GESTIN-VILION, La protection par le droit d'auteur des créations générées par intelligence artificielle,

Mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de droit, Université Laval et Université Paris-Sud, 2017, p. 42. 266 Voir annexe 3 pour des illustrations du robot et de ses créations. 267 NEWSROOM, « e-David, le robot qui a une vrai fibre artistique », Humanoides magazine, 8 août 2013, en ligne :

<https://humanoides.fr/e-david-le-robot-qui-a-une-vraie-fibre-artistique/>. 268 Axel CERELOZ, « e-David, robot artiste peintre », Presse citron, 15 juillet 2013, en ligne : <https://www.presse-

citron.net/e-david-robot-artiste-peintre-video/>.

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d'une meilleure qualité, l'utilisateur doit placer le ou les sujets « dans des conditions

appropriées de luminosité et d'éclairage »269

. Enfin, l'utilisateur doit choisir les couleurs

avec lesquelles il souhaite que le robot travaille, le type d'outil pour exécuter le travail et le

type de support270

. Les choix de crayons, de pinceaux, de plumes, de papiers, de toiles sont

énormes. Ainsi, tous ces choix créatifs préliminaires reviennent à celui qui utilise le robot.

Lorsque tous ces éléments sont choisis, il peut démarrer le robot, « de la même façon qu'un

photographe appuierait sur l'obturateur de l'appareil photo »271

après avoir préparé

l'environnement pour sa photo. Puis, en court de création, rien n'empêche l'utilisateur

d'apporter des changements à ses choix. Il peut très bien modifier les couleurs mises à la

disposition du robot, changer d'outil, ajuster la luminosité, etc.272

.

Une des positions qui peut être soutenue quant à ce type d'intelligence artificielle est qu'il

s'agit encore d'un outil pour l'artiste, même s'il est très perfectionné, car l'utilisateur a

encore un large éventail de choix créatifs à faire. Suivant ce raisonnement, l'utilisateur de

cet outil serait l'auteur. Par contre, tous les choix qui ont été mentionnés dans l'exemple

précédent pourraient simplement être vus comme des contraintes. Par exemple, même si

une personne physique se fait imposer des choix de sujet, d'outil, de couleurs ou de support,

celle-ci demeurera l'auteure de son travail. Pourquoi la qualité d'auteur devrait-elle revenir à

l'utilisateur simplement parce que le robot n'est pas une personne physique? Ce n'est plus

l'utilisateur qui crée l'œuvre. Il ne fait qu'imposer des contraintes à l'intelligence artificielle,

il n'a pas investi du talent et du jugement.

D'autre part, dans le cas où l'intelligence artificielle crée entièrement l'œuvre par elle-

même, est-il encore possible de prétendre que l'utilisateur peut être l'auteur? Une réponse

affirmative serait difficilement justifiable. En effet, lorsque l'intelligence artificielle crée de

manière autonome, quel est le rôle de l'utilisateur, si ce n'est que de mettre en marche l'IA

et lui demander de réaliser une oeuvre273

? Son apport est si minime qu'il ne peut être

envisageable de lui accorder la qualité d'auteur. D'ailleurs dans l'arrêt CCH, la cour

269 Claudia GESTIN-VILION, supra, note 265. 270 Ibid. 271 Ibid. 272 Ibid. 273 Andres GUADAMUZ, supra, note 69.

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confirme que « l’exercice du talent et du jugement que requiert la production de l’œuvre ne

doit pas être négligeable au point de pouvoir être assimilé à une entreprise purement

mécanique »274

.

Pour illustrer le propos, prenons l'exemple du projet The Next Rembrandt. Ce projet,

développé par des historiens de l’art, des développeurs et des scientifiques en association

avec Microsoft et la banque néerlandaise ING275

, avait comme objectif de créer,

avec l’intelligence artificielle et l’impression 3D, un nouveau tableau fidèle au style du

peintre Rembrandt276

. Pour arriver au résultat final277

, 346 tableaux du célèbre peintre ont

été numérisés en 3D et en haute définition, pour ensuite être analysés par un programme

développé en collaboration avec Microsoft278

. L'analyse s'est par la suite restreinte au

portrait, car il s'agissait du type de tableau que Rembrandt peignait le plus. Puis, par l'étude

des données, ils ont pu arriver à un profil de tableau : un portrait d'un homme caucasien,

ayant une barbe, âgé entre trente et quarante ans, portant des vêtements noirs avec un col

blanc et un chapeau et regardant vers la droite279

. La création du tableau a été rendue

possible grâce au programme d'IA. Cette fois-ci, le travail va bien au-delà de la simple

reproduction d'un tableau, il était question d'en créer un complètement nouveau dans le

style du peintre. La personne qui a mis en marche l'ordinateur ne peut être reconnue comme

l'auteure de ce travail puisque son implication consiste principalement à ouvrir la

technologie et lui faire une commande. Il n'est pas possible de justifier que cette personne a

fait preuve de talent et de jugement. Son apport est beaucoup trop négligeable et

mécanique280

. Par exemple, si une personne commande à un artiste peintre un tableau en lui

donnant certaines indications, celle-ci ne pourra tout de même pas prétendre détenir la

274 CCH, par.16. 275 Adèle PILLON, « The Next Rembrandt : quand un algorithme imite un grand maître », Numerama, 10 avril 2016, en

ligne : <https://www.numerama.com/pop-culture/161274-the-next-rembrandt-quand-un-algorithme-imite-un-grand-

maitre.html>. 276 Valérie BRUNO, « The Next Rembrandt », Digital Marketing & Business MBA Spécialisé, 22 octobre 2017, en ligne :

<http://www.mbadmb.com/2017/10/22/the-next-rembrandt-lia-et-lart/>; Adèle PILLON, supra, note 275; Tim NUDD,

« Inside 'The Next Rembrandt : How JWT Got a Computer to Paint Like the Old Master », Adweek, 27 juin 2016, en

ligne : <https://www.adweek.com/brand-marketing/inside-next-rembrandt-how-jwt-got-computer-paint-old-master-

172257/>. 277 Voir annexe 4 pour avoir une image du tableau qui a été créé. 278 Dominique DESAUNAY, « The Next Rembrandt, l'impression 3D de vraies fausses toiles de maîtres », RFI, 10 avril

2016, en ligne : <http://www.rfi.fr/emission/20160410-the-next-rembrandt-impression-3d-vraies-fausses-toiles-maitres>. 279 ING, « The Next Rembrandt », en ligne : <https://www.nextrembrandt.com/>. 280 CCH, par.16.

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qualité d'auteur. Ce principe doit également s'appliquer pour l'utilisateur de l'intelligence

artificielle.

Dans les cas comme ceux précédemment mentionnés, si l'utilisateur ne peut être l'auteur, la

réponse à la question de l'autorat se trouve peut-être au niveau du programmeur qui est

celui qui fournit à l'intelligence artificielle les données permettant de créer des oeuvres.

1.2.2. Le programmeur de l'intelligence artificielle

Selon l'Office québécois de la langue française, un programmeur est un « spécialiste qui

traduit les opérations que l'ordinateur doit effectuer en une instruction que ce dernier peut

comprendre »281

. C'est l'auteur des lignes de code qui sont à l'origine des actions de

l'intelligence artificielle.

En l'espèce, la question qui se pose est de savoir si le programmeur peut être l'auteur des

créations générées par intelligence artificielle. C'est notamment la solution que

l'Angleterre282

, la Nouvelle-Zélande283

et l'Irlande284

semblent retenir285

. En effet, ces États

reconnaissent que dans le cas d'une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique

générée par ordinateur, l'auteur est la personne qui a pris les dispositions nécessaires à la

création de l'œuvre. Or, cette solution n'est pas sans faille et reçoit également des critiques

« selon lesquelles la fiction juridique proposée fait fit des complexités liées à la création

d'un programme informatique »286

. En effet, la distance entre ce que le programmeur a codé

et le résultat de l'œuvre créée peut être importante287

. Il est également possible que

l'intelligence artificielle crée une œuvre « complètement inattendu[e] et non souhaité[e] par

281 OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE, « Fiche terminologique : programmeur », en ligne :

<http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8392362>. 282 Article 9 (3) Copyright, Designs and Patents Act, 1988, c. 48 : In the case of a literary, dramatic, musical or artistic

work which is computer-generated, the author shall be taken to be the person by whom the arrangements necessary for

the creation of the work are undertaken. 283 Article 5(2) a) Copyright Act, 1994 : For the purposes of subsection (1), the person who creates a work shall be taken

to be,— (a) in the case of a literary, dramatic, musical, or artistic work that is computer-generated, the person by whom

the arrangements necessary for the creation of the work are undertaken.

284 Article 21 (f) Copyright and Related Rights Act, 2000 (No. 28/2000): In this Act, "author" means the person who

creates a work and includes : (f) in the case of a work which is computer-generated, the person by whom the

arrangements necessary for the creation of the work are undertaken. 285 Andrée-Anne PERRAS-FORTIN, « Ars Ex Machina : l'intelligence artificielle, cette artiste », Le Droit de savoir, Lavery,

mai 2018, en ligne : <https://unik.caij.qc.ca/permalien/PC-a106516>. 286 Ibid. 287 Ibid.

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la personne à l'origine de la programmation »288

. Lorsque cette dernière hypothèse se

produit, comment est-il possible d'attribuer la qualité d'auteur au programmeur?

Au Canada, il n'y a pas de réponse précise dans la Loi. Accorder la qualité d'auteur au

programmeur de l'intelligence artificielle ne semble pas injustifiable. La Loi protège déjà

les programmes d'ordinateur par le biais des oeuvres littéraires289

. L'auteur est

incontestablement le programmeur. En l'espèce, il s'agit plutôt de reconnaitre le

programmeur auteur de l'œuvre créée grâce à son programme d'intelligence artificielle.

Sans son travail, l'œuvre n'aurait jamais pu être créée. Il programme des paramètres

permettant d'influencer le résultat final de l'œuvre générée par l'IA. Ces paramètres peuvent

être très précis ou très généraux, ce qui laisse une plus grande autonomie à l'IA . C'est celui

qui dit quoi apprendre à l'IA, qui lui donne des instructions et qui lui impose des limites.

Après avoir créé l'intelligence artificielle, il peut devoir l'entrainer. Pour ce faire, il doit

d'abord rassembler une grande quantité de données pertinentes pour créer une base de

données avec les informations qui permettront d'entrainer l'intelligence artificielle. Il est

primordial que les données choisies par le programmeur soient reliées à sa fonction et d'une

grande qualité afin d'augmenter l'efficacité de l'IA

290. Par la suite, le programmeur doit

transformer ces données en une représentation numérique que l'ordinateur peut

comprendre291

. C'est à l'étape d'entrainement que le programmeur doit montrer à l'IA ce qui

est bon et ce qui ne l'est pas. « Pour qu’un programme apprenne à reconnaître une voiture,

par exemple, on le nourrit de dizaines de milliers d’images de voitures, étiquetées comme

telles. Un entraînement qui nécessite des heures, voire des jours, avant que le programme

puisse en repérer sur de nouvelles images »292

. Après avoir entrainé l'IA, le programmeur

doit, par la suite, créer une seconde base de données avec de nouvelles données afin de la

tester293

. Tout ce travail fastidieux effectué par le programmeur lui permet de laisser

l'empreinte de sa personnalité au travers de l'intelligence artificielle. En effet, si par

288 Ibid. 289 Article 2 LDA. Les programmes d'ordinateur ont été ajoutés à la liste des définitions de l'article 2 en 1988, de simples

adaptations à la Loi ont été nécessaires pour inclure ces œuvres. 290 SKYMIND, « Datasets and Machine Learning », en ligne : <https://skymind.ai/wiki/datasets-ml>. 291 Ibid. 292 Morgane TUAL, « Apprentissage : l'intelligence artificielle, une élève de plus en plus douée », Le Monde, 22 décembre

2015, en ligne : <https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/12/22/apprentissage-l-intelligence-artificielle-une-eleve-de-

plus-en-plus-douee_4836339_4408996.html>. 293 SKYMIND, supra, note 290.

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exemple, le programmeur veut créer une intelligence artificielle capable de composer de la

musique classique, il n'est pas obligé de lui montrer tout ce qu'il existe. Il pourrait très bien

choisir d'exclure un ou plusieurs artistes. Il peut aussi choisir de redéfinir le sens des mots

selon sa propre conception. Au départ, l'IA n'a pas de référence ni de connaissance, elle doit

tout se faire expliquer, ce qui laisse une grande discrétion au programmeur. Enfin, le

comportement de l'IA peut être complètement changé par une simple ligne de code que le

programmeur peut ajouter, modifier ou retirer. Il a donc beaucoup de contrôle sur ce qu'elle

fait. Considérant toute l'implication, l'influence et le contrôle qu'a le programmeur sur

l'intelligence artificielle, il est envisageable de considérer le programmeur comme l'auteur.

Il fait potentiellement preuve de talent et de jugement294

.

Jusqu'à maintenant, parmi les options envisageables d'auteur présentées, celle du

programmeur semble la plus conforme au droit en vigueur. Par contre, cette option n'est pas

sans faille. Elle accroche également dès que l'intelligence artificielle démontre davantage

d'autonomie puisque la création ne dépend plus forcément de l'apport créatif du

programmeur295

.

Premièrement, si nous reprenons l'exemple du robot e-David, il est vrai que ce n'est pas lui

qui décide de reproduire un élément en particulier et qu'il a besoin d'un modèle296

.

Toutefois, il est doté d'une fonction appelée « optimisation visuelle »297

. « Celle-ci consiste

à faire réfléchir le robot après chaque coup de pinceau. À chaque fois qu’il effectue une

opération sur son dessin, le robot prend une photo. À partir de celle-ci, il va calculer les

endroits où sa peinture a besoin d’être plus claire ou plus sombre. Il va mettre son prochain

coup de pinceau en fonction de ce calcul et ainsi de suite »298

. Il « se détache alors de la

programmation humaine pour réaliser des créations picturales qui lui sont propres »299

. E-

294 CCH, par.16. 295 Andres GUADAMUZ, supra, note 69. 296 Axel CERELOZ, supra, note 268. 297 Ibid. 298 Ibid. 299 Marie SOULEZ, « Le droit de la propriété intellectuelle à l'épreuve des technologies robotiques » (2016) 37 JCP G 972;

Marie SOULEZ, « Questions juridiques au sujet de l'intelligence artificielle » (2018) 1 Enjeux numériques 81, en ligne :

<http://www.annales.org/enjeux-numeriques/2018/en-2018-01/EN-2018-03-15.pdf>.

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David n'est pas le seul exemple300

. Il y a également le robot Paul301

. Celui-ci, « à l’aide

d’une caméra et d’un stylo, […] identifie les traits d’un visage en une fraction de seconde,

et utilise son bras robotisé pour les redessiner sur une feuille en papier »302

. Pour Jacques

Larrieu, professeur en droit français, ce robot ne se contente pas de « reproduire

servilement »303

ce qu'il voit, il l'interprète304

. Le programmeur n'a pas codé des instructions

sur la manière de reproduire exactement chaque sujet, ce sont plutôt des instructions

générales pour guider l'IA à prendre des décisions. Il lui donne la capacité de réaliser ces

oeuvres305

. Le programmeur n'a pas besoin de préciser pour chaque nouveau sujet comment

le reproduire, l'intelligence artificielle le fait par elle-même grâce aux connaissances qu'elle

a acquises. « Ces réalisations sont rendues possibles par la capacité du robot à prendre des

décisions de manière libre grâce au cumul de son autonomie et de sa capacité

d'apprentissage. Cette autonomie lui permet de réaliser une création artistique, qui lui est

propre, voire personnelle. […] l'homme ne joue plus un rôle d'auteur […], mais se

positionne comme un assistant qui fournit les éléments nécessaires à la mise en œuvre de

l'activité créatrice »306

. De plus, le programmeur peut difficilement prédire de quoi aura l'air

l'œuvre créée par l'IA.

Ce que le programmeur a enseigné à l'IA pourrait être assimilé à des cours qu'un artiste

prend pour peaufiner son art. Le professeur lui apprend de nouvelles techniques de travail,

comment utiliser certains outils, comment manier les ombrages, etc. Puis, avec ces

informations, l'élève est en mesure de réaliser un meilleur travail. C'est similaire avec l'IA.

Le programmeur apprend, en quelque sorte à la machine qui, par la suite, est capable de

faire ce qu'on lui commande. Les instructions que le programmeur code peuvent être

300 Il existe notamment les deux robots CloudPainter and BitPaintr créés par Pindar Van Arman qui réalisent des portraits

à la peinture (Nadja SAYEJ, « Vincent van Bot : the robots turning their hand to art », The Guardian, 19 avril 2016, en

ligne : <https://www.theguardian.com/artanddesign/2016/apr/19/robot-art-competition-e-david-cloudpainter-bitpaintr>),

le robot Picassnake qui peint selon le rythme de la musique et le robot NoRAA capable de peindre. Ces deux derniers

robots génèrent des images basées sur des paramètres aléatoires qu'ils reçoivent du monde physique et non d'un être

humain (MIX, « The world's next grat artist might be a robot », The next web, 22 avril 2016, en ligne :

<https://thenextweb.com/insider/2016/04/22/worlds-next-great-artist-might-robot/>; ROBOT ART, « RobotArt - the

$100,000 Robot Art competition! », en ligne : <https://robotart.org/>). 301 Voir annexe 5 pour des illustrations du robot et de ses créations. 302 NEWSROOM, « Le robot Paul vous tire le portrait », Humanoides magazine, 28 octobre 2012, en ligne :

<https://humanoides.fr/le-robot-paul-vous-tire-le-portrait/>. 303 Jacques LARRIEU, « Les robots et la propriété intellectuelle » (2013) 2 Propr. industr. étude 1. 304 Ibid. 305 Jacques LARRIEU, « Robot et propriété intellectuelle », D. 2016.291. 306 Marie SOULEZ, « Le droit de la propriété intellectuelle à l'épreuve des technologies robotiques » (2016) 37 JCP G 972.

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assimilées à des restrictions qu'on imposerait encore une fois à cet élève. Le professeur ne

peut prétendre détenir quelconque droit sur l'œuvre de son étudiant. Pourquoi cela devrait-il

être différent pour le programmeur? Pourquoi pourrait-il revendiquer des droits sur les

créations générées par intelligence artificielle? Il ne peut pas savoir exactement de quoi

aura l'air le résultat final de l'oeuvre en la programmant, et ce même si les restrictions sont

très précises. Ce n'est pas un travail réalisé par lui-même, qui vient de sa main. Il rend la

création possible, mais il ne peut pleinement la revendiquer.

Si la meilleure réponse à la question de l'autorat n'est pas au niveau de l'utilisateur ni du

programmeur, peut-être qu'il est possible de s'inspirer de l'ancien régime de la photographie

pour identifier l'auteur de ces créations.

1.2.3. Le propriétaire de l'intelligence artificielle

Les questions qui se posent actuellement quant au régime applicable aux créations générées

par intelligence artificielle ne sont pas complètement nouvelles. En effet, il est possible de

faire une analogie avec l'évolution du régime de la photographie. Dans les deux cas, il s'agit

d'une technologie qui rend possible la création d'une œuvre.

Depuis l'Acte concernant la propriété littéraire et artistique307

de 1868, la photographie est

protégée au Canada. Aujourd'hui et ce, depuis la première version de la Loi sur le droit

d'auteur308

, elle fait partie de l'énumération des oeuvres artistiques. Par ailleurs, la Loi

précise qu'il est possible d'assimiler à une photographie « les photolithographies et toute

oeuvre exprimée par un procédé analogue à la photographie »309

.

Depuis l'adoption de la Loi sur le droit d'auteur de 1921 jusqu'à la version de 2012, la

photographie, bien qu'elle fût protégée, échappait au régime général du droit d'auteur310

. En

effet, la qualité d'auteur de la photographie n'était pas reconnue à celui qui appuyait sur

307 Acte concernant la propriété littéraire et artistique, 1868, 31 Vic., c. 54. 308 Il s'agit de la version de la Loi adoptée en 1921. 309 Article 2 LDA. 310 Vivianne DE KINDER, « La protection des photographies suite aux modifications de 2012 à la Loi sur le droit d'auteur »

(2013) 25 C.P.I. 951, p. 953; Margaret Ann WILKINSON et Tierney G. B. DELUZIO, « The term of copyright protection in

photographs » (2015) 31 R.C.P.I. 95, p. 97.

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l'obturateur de l'appareil photo, autrement dit celui qui créait l'oeuvre311

. La Loi prévoyait

plutôt que c'était le propriétaire du support ou de l'élément technique312

, sur lequel était

prise la photo, qui était l'auteur313

. Cette disposition était contestée, car elle avait « pour

effet d'accorder le droit moral au propriétaire du support, au détriment de l'auteur

véritable »314

.

Un problème similaire aux questions entourant l'intelligence artificielle apparaissait déjà au

XXe siècle. Qu'en était-il lorsque les photographies étaient prises sans l'intervention

humaine? C'est exactement ce qu'il s'était passé dans l'affaire Fetherling c. Boughner315

.

Cette action en contrefaçon de photographie impliquait une cabine automatique de

photographies. En l'espèce, le demandeur avait convié plusieurs personnes à aller prendre

des clichés dans une cabine de photographies. Lors de la prise de ces photos, le demandeur

était absent. Il a ensuite utilisé ces photos dans un article qui a été publié dans le numéro du

12 juin 1976 d'un magazine. La défenderesse avait acheté trente exemplaires de ce

magazine et avait procédé à un transfert des photographies, par un processus de transfert

d'encre, sur d'autres feuilles de papier. Il ne s'agissait pas de copie puisqu'après le transfert,

la photo n'était plus dans le magazine. Un seul transfert pouvait donc être effectué à partir

de chaque magazine. Puis, la défenderesse a vendu certains de ces transferts. Dans cette

affaire, il n'était pas contesté que le demandeur avait un droit d'auteur sur l'ensemble de

l'article dans le magazine. Ce qui posait problème était de déterminer s'il avait un droit

d'auteur sur les photos prises séparément de l'article. Malheureusement, la cour conclut

simplement que le demandeur n'a pas réussi à prouver qu'il était l'auteur de ces

photographies, sans s'interroger davantage sur ces cabines automatiques.

311 Ysolde GENDREAU, « Flash sur la photo » (1999) 11 C.P.I. 689, p. 1; Ghislan ROUSSEL, Le droit d'auteur, les

photographes et les photographies, Québec, Service gouvernemental de la propriété intellectuelle - Ministère des Affaires

culturelles, 1982, p. 10; Ysolde GENDREAU, Axel NORDEMANN et Rainer OESCH, Copyright and photographs : an

international survey, coll. Information law series, n°7, London ; Boston, Kluwer Law International, 1999, p. 103-104. 312 Vivianne DE KINDER, supra, note 310. 313 Article 10 (2) LDA de la version en vigueur du 12-12-2005 au 11-06-2012 : Le propriétaire, au moment de la

confection du cliché initial ou de la planche ou, lorsqu’il n’y a pas de cliché ou de planche, de l’original est considéré

comme l’auteur de la photographie, et si ce propriétaire est une personne morale, celle-ci est réputée, pour l’application

de la présente loi, être un résident habituel d’un pays signataire, si elle y a fondé un établissement commercial. 314 Ysolde GENDREAU, La protection des photographies en droit d’auteur français, américain, britannique et canadien,

coll. Bibliothèque de droit privé, Paris, L.G.D.J, 1994, p. 100. 315 Fetherling c. Boughner, (1978) 40 C.P.R. (2d) 253, p. 255.

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En 2012, la Loi sur le droit d'auteur a été modernisée316

. Parmi les modifications apportées,

il y a eu l'abrogation de l'article 10 (2) qui prévoyait que « le propriétaire, au moment de la

confection du cliché initial ou de la planche ou, lorsqu’il n’y a pas de cliché ou de planche,

de l’original est considéré comme l’auteur de la photographie ». Désormais, c'est la

personne ayant pris la photographie originale qui détient la qualité d'auteur suivant ainsi le

régime général de droit d'auteur.

Si par le passé il était possible de déroger au régime général du droit d'auteur pour accorder

la qualité d'auteur à une personne distincte de celle qui créait réellement l'œuvre, peut être

que c'est la solution pour l'intelligence artificielle. Puisque l'utilisateur et le programmeur

ne sont pas forcément les meilleures options d'auteur, créer une exception où le propriétaire

de l'intelligence artificielle serait l'auteur, faute d'avoir une option pleinement compatible,

pourrait être envisageable. Cependant, nous l'avons vu avec le régime de la photographie,

cette option comporte plusieurs critiques et n'est certainement plus d'actualité. Déjà à

l'époque, les tribunaux étaient réticents à appliquer la règle. Certains allaient même jusqu'à

l'ignorer317

. Il serait dérisoire de créer un régime distinct pour l'intelligence artificielle, non

conforme avec le droit en vigueur et reconnu comme caduc depuis plusieurs années, tout

simplement pour reconnaitre, à tout prix, une personne physique comme auteure. D'autant

plus, nous avons vu précédemment que la condition d'originalité est indispensable pour

qu'une œuvre soit protégée par la Loi318

. Il s'agit du « concept fondamental qui définit la

relation entre un auteur et son œuvre » 319

. Par conséquent, reconnaitre le propriétaire de

l'IA comme l'auteur de l'œuvre simplement parce qu'il possède le programme serait en

contradiction avec la Loi. Il y a une absence totale de talent et de jugement puisque l'œuvre

n'émane aucunement de lui. Il ne fait qu'avoir un droit de propriété sur le programme

d'intelligence artificielle.

Visiblement, la question de l'autorat ne trouve pas de réponse adéquate avec l'intervention

de l'utilisateur, du programmeur ou du propriétaire de l'intelligence artificielle. Ainsi, peut-

316 Ysolde GENDREAU, « Aspects internationaux de la Loi sur la modernisation du droit d'auteur du Canada » (2013) 25

C.P.I. 1027, p. 1029; Loi sur la modernisation du droit d'auteur, L.C. 2012, c. 20. 317 Ysolde GENDREAU, Axel NORDEMANN et Rainer OESCH, supra, note 311. 318 Carys J. CRAIG, supra, note 207. 319 Traduction libre de l'auteure : Further, originality is the foundational concept that defines the relationship between an

“author” and her “work” [...]. Carys J. CRAIG, supra, note 207; Normand TAMARO, supra, note 208.

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être que les alternatives plus classiques qui envisagent la personne physique comme auteur

ne sont pas la solution.

1.2.4. L'intelligence artificielle en tant qu'auteure

Alors que pour certains320

, reconnaitre l'intelligence artificielle comme auteure n'est pas

souhaitable, pour d'autres321

, cette proposition n'est pas insensée. Nous l'avons vu, il n'y a

pas de solution idéale. Chacune des options envisageables présente son lot de difficultés.

Puisque le processus créatif n'émane pas forcément d'une personne humaine, le droit

n'arrive pas à bien appréhender cette situation. Il n'est pas nouveau que lorsqu'une nouvelle

technologie voit le jour, le droit est en retard et peine à s'y adapter322

.

Le concept d'intelligence peut avoir plusieurs définitions qui n'abondent pas forcément dans

la même direction. Certains réservent « cette qualité aux êtres humains, d'autres

revendiqu[e]nt la possibilité de simuler cette capacité humaine dans des artefacts, tandis

que d'autres encore considèrent que les animaux, voire la nature, en sont dotés »323

. Dès les

débuts de l'intelligence artificielle, Marvin Minsky, un des cofondateurs de ce champ de

recherche, définissait l'IA comme « la science qui fait faire aux machines des choses qui

nécessiteraient de faire preuve d'intelligence si elles étaient faites par des hommes »324

.

Déjà, à l'époque, il était reconnu que l'IA était minimalement capable de simuler

l'intelligence puisqu'elle pouvait reproduire des comportements intelligents325

. L'Office

québécois de la langue française fournit maintenant cinq définitions à l'intelligence, dont

une qui est particulièrement intéressante. Il s'agit de la « capacité d'un équipement

320 Par exemple : Magali BOUTEILLE-BRIGANT, « Intelligence artificielle et droit : entre tentation d'une personne juridique

du troisième type et avènement d'un ''transjuridisme'' » (2018) 062 Les Petites affiches 7; Grégoire LOISEAU, « La

personnalité juridique des robots : une monstruosité juridique - Libres propos » (2018) 22 JCP G 597; Grégoire LOISEAU,

« Des robots et des hommes », D. 2015.2369; Alexandra MENDOZA-CAMINADE, « Le droit confronté à l'intelligence

artificielle des robots : vers l'émergence de nouveaux concepts juridiques ? », D. 2016.445; Alexandra BENSAMOUN,

« Création et données : différence de notions = différence de régime ? », D. 2018.85. 321 James WAGNER, « Rise of the Artificial Intelligence Author » (2017) 75 Advocate (Vancouver) 527; Arnaud TOUATI,

supra, note 19; Thierry DAUPS, « Le robot, bien ou personne ? Un enjeu de civilisation ? » (2017) 094 Les Petites affiches

7. 322 Lucia SILLIG, « Donnons des droits aux robots », Le Monde, 17 février 2013, en ligne :

<https://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/02/17/donnons-des-droits-aux-robots_1832927_1650684.html>. 323 Sonia DESMOULIN-CANSELIER, « Les intelligences non humaines et le droit. Observations à partir de l'intelligence

animale et de l'intelligence artificielle » (2012) 55 Le droit et les sciences de l'esprit 65, p. 2. 324 Ibid, p. 3. 325 Ibid.

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informatique à traiter de l'information de façon autonome »326

. Ainsi, il ne s'agit plus d'une

qualité exclusivement reconnue à l'être humain. D'autre part, dans le milieu artistique et

musical, il ne fait plus de doute que l'IA a passé le fameux Test de Turing permettant de

déterminer si une machine est intelligente327

. En effet, il n'est plus toujours possible de

différencier les oeuvres réalisées par l'IA et celles réalisées par un humain, car elles

provoquent la même émotion328

. Par exemple, des spécialistes ont déclaré que s'ils avaient

vu le tableau The Next Rembrandt dans un musée, ils auraient cru qu'il s'agissait d'un

véritable tableau réalisé par le célèbre peintre329

.

Ainsi, est-ce que l'intelligence artificielle peut être l'auteure de ses oeuvres en vertu de la

Loi sur le droit d'auteur330

? Pour certaines législations, la réponse est plus évidente, car

elles ne sont pas disposées à protéger les créations par intelligence artificielle. Par exemple,

aux États-Unis, dans l'affaire Feist Publications c. Rural Telephone Service Company, Inc.,

la cour a conclu que le droit d'auteur protégeait « uniquement le fruit d’un travail

intellectuel fondé sur le pouvoir créateur de l’esprit »331

. Suivant cela, « le bureau national

du droit d’auteur a déclaré que seules des œuvres originales créées par un être humain

pourraient prétendre à une protection par le droit d’auteur »332

. En Australie, une question

similaire a été présentée en février 2010333

. Il s'agissait d'un ordinateur qui avait créé une

base de données sans l'intervention d'un humain. La cour a refusé d'accorder la protection à

cette base de données puisqu'elle n'avait pas été créée par une personne physique334

. Puis,

dans une autre affaire en mars 2012335

, la Cour fédérale de l'Australie « a déclaré qu’une

œuvre créée au moyen d’un ordinateur ne pouvait faire l’objet d’une protection par le droit

326 OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE, « Fiche terminologique : intelligence », en ligne :

<http://www.granddictionnaire.com/Resultat.aspx>. 327 Jean-Gabriel GANASCIA, L’intelligence artificielle : science & techniques, coll. Idées reçues, n°138, Paris, Le Cavalier

Bleu, 2007, p. 17; Stéphane LARRIÈRE, supra, note 29. 328 Guillem QUERZOLA, « AIVA, premier compositeur de musique artificiel(le) ? » (2017) 139 Revue Lamy Droit de

l'Immatériel; Juliette REDIVO, « Oeuvre créée par intelligence artificielle : des droits d'auteur pour les robots », L'express

L'expansion, 23 août 2017, en ligne : <https://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/oeuvre-creee-par-intelligence-artificielle-

des-droits-d-auteur-pour-les-robots_1937095.html>. 329 ING, « The Next Rembrandt », en ligne : <https://www.nextrembrandt.com/>. 330 Camille AUBIN et Justin FREEDIN, supra, note 116. 331 Andres GUADAMUZ, supra, note 69. 332 Ibid. 333 Telstra Corporation Limited v. Phone Directories Company Pty Ltd [2010] FCAFC 149; Marie SOULEZ, « Le droit de

la propriété intellectuelle à l'épreuve des technologies robotiques » (2016) 37 JCP G 972; Barry SOOKMAN, « Is there

copyright in a directory produced by a computer ? The Telstra case », Barry Sookman, 15 décembre 2010, en ligne :

<http://www.barrysookman.com/2010/12/15/is-there-copyright-in-a-directory-produced-by-a-computer-the-telstra-case/>. 334 Marie SOULEZ, « Le droit de la propriété intellectuelle à l'épreuve des technologies robotiques » (2016) 37 JCP G 972. 335 Acohs Pty Ltd v. Ucorp Pty Ltd [2012] FCAFC 16.

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44

d’auteur, car elle n’avait pas été réalisée par un humain »336

. Au niveau européen, la Cour

de justice de l'Union européenne est d'avis que le droit d'auteur ne s'applique « qu’à des

œuvres originales et que l’originalité [va] de pair avec ''une création intellectuelle propre à

son auteur''. Cette décision est généralement interprétée comme signifiant qu’une œuvre

originale doit être le reflet de la personnalité de son auteur, ce qui signifie qu’une

intervention humaine est indispensable pour qu’une œuvre puisse être protégée par le droit

d’auteur »337

. Enfin, la France soutient la même position, seule une personne physique peut

être considérée comme un auteur338

.

D'autre part, « un enjeu comparable a récemment été considéré aux États-Unis, où [the 9th

U.S. Circuit Court of Appeals] a déterminé qu’une photographie prise par un singe ne peut

être protégée par le droit d’auteur, […] que la loi américaine sur le droit d’auteur

n’applique pas le concept d’auteur ou de statut légal aux animaux, et que par conséquent,

les œuvres créées par des animaux ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur »339

.

À titre de rappel, dans cette affaire remontant à 2011, le photographe qui était en voyage en

Indonésie s'était fait dérober son appareil photo par un macaque noir, connu sous le nom de

Naruto340

. En faisant face à l'objectif, Naruto s'était pris en photo à plusieurs reprise341

. Par

la suite, le photographe avait publié ces photographies, ce qui a déclenché une saga

judiciaire l'opposant à l'organisation People for the Ethical Treatment of Animals

(PETA)342

. PETA plaidait qu'il y avait violation au droit d'auteur et souhaitait que Naruto

soit l'auteur des photos343

. Les conclusions de la Cour de première instance et de la Cour

d'appel ne leur ont toutefois pas donné raison. Cette affaire démontre une fois de plus que

les États-Unis sont fermés à l'élargissement de la notion d'auteur. Celle-ci se limite aux

personnes physiques.

336 Andres GUADAMUZ, supra, note 69. 337 Ibid. 338 Civ. 1re, 15 janv. 2015, n° 13-23.566 : JurisData n° 2015-000315; Marie SOULEZ, « Le droit de la propriété

intellectuelle à l'épreuve des technologies robotiques » (2016) 37 JCP G 972. 339 Camille AUBIN et Justin FREEDIN, supra, note 116; Brett MOLINA, « A monkey took a selfie, went to court - and lost the

appeal », USA Today, 24 avril 2018, en ligne : <https://www.usatoday.com/story/news/nation-now/2018/04/24/monkey-

selfie-copyright-case-naruto-crested-macaque/545166002/>; Naruto v. Slater, No. 16-15469 (9th Cir. 2018). 340 Christian LE STANC, « Droit d'auteur - Les selfies de Naruto » (2018) 6 Propr. industr. repère 6. 341 Ibid. 342 Ibid. 343 Ibid.

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Cependant, ces comparaisons ne devraient pas forcément servir de lignes directrices pour le

Canada. En effet, « la Loi sur le droit d'auteur est l'unique source de droit d'auteur au

Canada, les jugements étrangers doivent être utilisés avec prudence pour l'interpréter, y

compris ceux des États-Unis »344

. Bien qu'il existe des similitudes entre les lois sur le droit

d'auteur du Canada et des États-Unis :

La jurisprudence américaine doit […] être analysée avec prudence même si elle

porte sur des faits semblables, car la loi américaine repose sur des conceptions

du droit d’auteur fondamentalement différentes des nôtres. Les lois américaines

ne s’inspirent pas des traités internationaux sur le droit d’auteur passés aux dix-

neuvième et vingtième siècles, à savoir la Convention de Berne de 1886 et la

Convention de Rome sur le droit d’auteur de 1928, les États-Unis n’ayant pas

adhéré à ces traités.345

D'autre part, même si le Canada a adhéré à la Convention de Berne pour la protection des

œuvres littéraires et artistiques et d'autres traités internationaux346

et qu'il est « souhaitable,

dans les limites permises par nos propres lois, d’harmoniser notre interprétation de la

protection du droit d’auteur avec celle adoptée par d’autres ressorts guidés par une

philosophie analogue à celle du Canada. […] Il subsiste certaines différences conceptuelles

entre le droit d’auteur de la tradition civiliste continentale et le copyright de la tradition

anglaise ». En effet, les deux courants justifient la propriété intellectuelle de manière

différente :

D'un côté, si la propriété intellectuelle est considérée comme le produit du

travail, les créateurs sont récompensés de leur propre travail et ont le droit

naturel de l'exploiter. Les lois qui protègent la propriété intellectuelle servent

donc à la fois d'incitatif et de récompense pour ce type particulier de travail. La

théorie du travail a eu une incidence importante dans les ressorts de la common

law. De l'autre côté, si la propriété intellectuelle est considérée comme une

extension de la personnalité du créateur, la protection juridique reconnait '' des

droits naturels qui naissent de la relation personnelle du créateur avec l'idée et

qui ne peuvent pas être aliénés sans la permission du créateur''. La théorie

personnaliste considère les idées et leur expression comme intrinsèques à

l'identité du créateur et essentielles au développement de la personne. Ces deux

théories de la propriété intellectuelle s'expriment au Canada dans les influences

française et britannique qui ont marqué l'évolution du droit canadien.347

344 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Le droit de la propriété intellectuelle, Cowansville, Québec, Thomson

Carswell ; Éditions Y. Blais, 2006, p. 9. 345 Compo Co. Ltd. c. Blue Crest Music et autres, [1980] 1 R.C.S. 357, p. 367. 346 Par exemple : La Convention universelle sur le droit d'auteur, 1952. 347 Lise BACON, « L'évolution de la législation sur le droit d'auteur et la situation de l'artiste au Canada » (2008) 20 C.P.I.

623, p. 625.

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46

Ainsi, par ce mélange des deux traditions au sein de la législation canadienne, le Canada ne

devrait pas nécessairement suivre exactement ce qui se fait à l'étranger puisqu'il se

différencie par son modèle distinct. De plus, la volonté d'harmonisation n'est qu'un idéal,

les États n'y sont pas contraints. Par exemple, le gouvernement de l'Estonie « évalue la

création d'un statut juridique pour l'IA et les robots »348

malgré la position de la Cour de

justice de l'Union européenne.

Actuellement, le matériel généré par des programmes informatiques est généralement

considéré comme étant créé par le programmeur ou par l'utilisateur du programme349

.

Cependant, avec les progrès que connaît l'intelligence artificielle, il n'est plus impossible

d'envisager qu'une intelligence artificielle puisse avoir son propre droit d'auteur350

. En effet,

les programmes d'intelligence artificielle « apprennent désormais de leur propre expérience,

en tirent des conclusions, s'adaptent »351

. Ils sont capables de reproduire « le processus

créatif humain d'une façon confondante »352

. Les recherches entourant l'IA ne cessent de se

développer. Des chercheurs « tentent déjà de donner à ces intelligences une conscience

artificielle, au moyen d'algorithmes capables de développer une pensée autonome »353

.

Ainsi, l'IA ne peut plus simplement être considérée comme un outil à la création, il est

maintenant temps de lui considérer une place particulière dans la sphère juridique354

.

À titre de rappel, pour qu'une œuvre puisse être protégée par le droit d'auteur, elle doit être

originale. Dans CCH, la Cour suprême a choisi le critère de l'exercice du talent et du

jugement355

. Ainsi, pour qu'il soit envisageable de reconnaitre l'intelligence artificielle

comme auteure, elle doit être capable de réaliser une œuvre originale. Par conséquent, il

faut déterminer si elle peut faire preuve de talent et de jugement.

348 Emmanuel GARESSUS, « L’Estonie se prépare à légiférer pour donner un statut unique aux robots », Le Devoir, 20

novembre 2017, en ligne : <https://www.ledevoir.com/societe/science/513420/l-estonie-se-prepare-a-legiferer-pour-

donner-un-statut-unique-aux-robots>; Emmanuel GARESSUS, « Les robots obtiendront leur propre statut juridique », Le

Temps, 16 octobre 2017, en ligne : <https://www.letemps.ch/economie/robots-obtiendront-propre-statut-juridique>;

Arnaud TOUATI et Gary COHEN, « Personnalité ou statut juridique pour les robots : La voie de l'Estonie », Wolters Kluwer,

1 novembre 2017, en ligne : <https://www.actualitesdudroit.fr/browse/tech-droit/intelligence-

artificielle/9883/personnalite-ou-statut-juridique-pour-les-robots-la-voie-de-l-estonie>. 349 James WAGNER, « Rise of the Artificial Intelligence Author » (2017) 75 Advocate (Vancouver) 527, p. 527. 350 Ibid. 351 Arnaud TOUATI, supra, note 19. 352 Guillem QUERZOLA, supra, note 328. 353 Arnaud TOUATI, supra, note 19. 354 Guillem QUERZOLA, supra, note 328. 355 CCH, par.16.

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Les programmes d'intelligence artificielle qui sont capables d'apprentissage automatique et

d'apprentissage profond vont être en mesure de générer un résultat selon les informations

initialement programmées356

. « Ils s’appuient sur ces données pour créer une nouvelle

œuvre et prennent des décisions en toute autonomie, tout au long du processus de

création »357

. Le programmeur ne connait pas le résultat d'avance, puisque ce sont

seulement des instructions générales qui sont programmées et non une commande exacte.

« Les programmes d'apprentissage automatique ont la possibilité de modifier ou d'adapter

leur propre programmation en fonction des nouvelles données présentées au programme ou

découvertes par le programme lui-même (par le biais de recherches sur le Web, de saisie

vidéo, etc.) »358

. Ils s'améliorent avec le temps, ils « construisent leur savoir en s'entrainant

et en répétant des tâches, s'émancipant ainsi de leur programmation initiale »359

.

Ces programmes d'apprentissage automatique permettent de laisser une plus grande

autonomie à l'intelligence artificielle. Elle suggère des solutions et prend des décisions

selon certains critères360

. Elle est capable de « générer des associations inédites d'éléments,

de combiner les enseignements de disciplines scientifiques différentes, de produire, sans

intervention humaine, des constructions intellectuelles »361

. Elle « se distingue de la

mécanique en ce qu'elle n'est pas seulement là pour répondre à un ordre en vue de

l'obtention d'un résultat donné. Le recours à l'intelligence artificielle s'inscrit bien dans une

prise en main du sujet grâce au jeu de ses codes et algorithmes en vue de fournir, en toute

autonomie, une réponse que l'homme n'a pas et dont il ne maîtrise pas la teneur »362

. Elle

peut créer quelque chose de totalement inattendu pour le programmeur et ne plus nécessiter

d'implication humaine supplémentaire363

. Par exemple, AIVA, une intelligence artificielle

« capable de composer de la musique symphonique et émotionnelle »364

a été en mesure de

développer « l’art de la composition grâce à l’apprentissage d’un très grand nombre de

356 James WAGNER, « Rise of the Artificial Intelligence Author » (2017) 75 Advocate (Vancouver) 527, p. 530. 357 Andres GUADAMUZ, supra, note 69. 358 Traduction libre de l'auteure : Machine learning programs have the ability to change or adapt their own programming

based on new data as it is presented to the program, or discovered by the program itself (through web searches, camera

input, etc.).James WAGNER, supra, note 356. 359 Jacques LARRIEU, supra, note 305. 360 Stéphane LARRIÈRE, supra, note 29. 361 Jacques LARRIEU, supra, note 305. 362 Stéphane LARRIÈRE, supra, note 29. 363 James WAGNER, supra, note 356. 364 AIVA TECHNOLOGIES, supra, note 88.

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partitions de musique [...] afin d’élaborer son modèle à la fois mathématique et intuitif de la

musique »365

. Le programmeur n'a plus besoin d'intervenir pour qu'AIVA crée et s'améliore

étant donné qu'elle le fait par elle-même. Elle s'inspire des oeuvres qui lui ont été montrées

« mais y ajoute une part d'imprévu (d' ''intuition'' revendiquent ses créateurs) »366

. Ceci n'est

pas si différent de l'artiste qui s'inspire, consciemment ou non367

, de son expérience, de ce

qui l'entoure ou de photographies. « Toute création s'inspire de quelque chose »368

. D'autre

part, la SACEM reconnait d'ailleurs AIVA comme étant une compositrice369

. Le

programmeur a programmé des instructions générales tel que l'IA ne doit pas reprendre à

l'identique une partie importante d'une œuvre préexistante lorsque l'utilisateur lui demande,

par exemple, de composer une musique avec un piano370

. Cela est assimilable à une

personne qui imposerait des contraintes à un auteur. Puis, même s'il est demandé de

composer un type de musique selon les mêmes prérequis, AIVA « ne composera jamais

deux fois la même œuvre, en raison de l'aléa qui la gouverne et de son apprentissage

permanent »371

. Dans cet exemple, le programmeur a fait preuve de talent et de jugement en

créant le programme d'IA, mais il n'est pas l'auteur de ce qui a pu être créé par la suite.

Toujours dans le cas d'AIVA, avant d'arriver à un résultat final d'une musique, elle a fait

plusieurs combinaisons réussies par essais et erreurs pour produire le résultat final. Elle a

appliqué des compétences qu'elle possède au développement de la musique. « En effet, le

programme d'IA peut avoir traversé et testé plusieurs milliers de variantes […] avant de se

fixer sur une version finale »372

. Ainsi, la condition de talent semble rencontrée puisqu'elle

a recours à ses connaissances personnelles, à une aptitude acquise ou à une compétence

issue de son expérience pour produire l’œuvre373

. D'autre part, l'IA peut faire preuve de

jugement. Par exemple, lorsqu'AIVA crée une nouvelle musique, elle a plusieurs

possibilités. Par contre, elle choisit celle qui est le plus susceptible de réussir ou de

365 Ibid. 366 Guillem QUERZOLA, supra, note 328. 367 Danièle BOURCIER et Primavera DE FILIPPI, « Les robots seront-ils les artistes de demain ? », La Tribune, 2 mars 2018,

en ligne : <https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/les-robots-seront-ils-les-artistes-de-demain-770046.html>. 368 GUS, supra, note 82. 369 Bartu KALEAGASI, supra, note 73; AIVA TECHNOLOGIES, supra, note 88; Pierre BARREAU, supra, note 90. 370 Guillem QUERZOLA, supra, note 328. 371 Ibid. 372 Traduction libre de l'auteure : James WAGNER, « Rise of the Artificial Intelligence Author » (2017) 75 Advocate

(Vancouver) 527, p. 531. 373 CCH, par.16.

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plaire374

. Puis, dans CCH, la cour précise que le jugement correspond à « la faculté de

discernement ou la capacité de se faire une opinion ou de procéder à une évaluation en

comparant différentes options possibles pour produire l’œuvre »375

. En somme, l'IA qui est

minimalement dotée d'un système d'apprentissage automatique remplit le critère

d'originalité. Elle est capable de prendre des décisions qui ne sont pas automatiques et

d'acquérir de l'expérience personnelle, ce qui « permet de distinguer la machine intelligente

de la simple programmation initiale »376

. En conséquence, elle pourrait être l'auteure de son

œuvre.

Certains arguments peuvent être réfutés à cette position. Le principal étant que le droit

d'auteur attribue la qualité d'auteur à une personne physique377

. Il est vrai que la Loi donne

des indices nécessitant la présence d'une personne physique378

. Or, le libellé de la Loi ne

précise pas formellement que l'auteur doit être un humain ni les textes internationaux379

. À

l'époque, le droit d'auteur a été pensé pour une personne physique puisqu'il n'était pas

envisageable que d'autres entités puissent créer. Par contre, les temps changent et la société

évolue. Le droit est évolutif, il change et s'adapte aux mutations380

. L'absence de définition

d'auteur dans la Loi laisse place à une interprétation large de cette notion qui ne se limite

pas forcément qu'aux personnes physiques.

Ensuite, un autre de ces arguments est que l'IA ne comprend pas ce qu'elle crée, car elle n'a

pas la capacité d'attribuer des valeurs ou un jugement aux symboles qu'elle traite381

. Par

exemple, si elle crée un poème, elle va être capable d'évaluer pourquoi celui-ci est plus

susceptible d'avoir du succès qu'un autre, mais elle ne comprendra pas la signification des

mots382

. De plus, elle ne serait pas créative, car elle ne fait que calculer pour obtenir un

374 James WAGNER, supra, note 373. 375 CCH, par.16. 376 Alain BENSOUSSAN, « La personne robot », D. 2017.2044. 377 Éric LAVALLÉE, supra, note 118. 378 Voir la section 1.1.1. pour lire certains de ces indices. 379 Guillem QUERZOLA, supra, note 328. 380 Par exemple, en 1988, les programmes d'ordinateur ont été ajoutés à l'article 2 de la Loi sur le droit d'auteur. Pour

adapter la loi à ces créations électroniques, des ajustements ont été nécessaires. Toutefois, cela ne nécessitait pas de

réécrire la loi. (Pierre-Emmanuel MOYSE, « La Loi canadienne sur le droit d'auteur doit-elle être repansée ? » (2002)

14 C.P.I. 695, p. 697); Grégoire LOISEAU et Mathieu BOURGEOIS, « Du robot en droit à un droit des robots » (2014) 48

JCP G 1231. 381 James WAGNER, supra, note 373. 382 Ibid.

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50

résultat383

. Elle serait donc simplement capable de simuler la créativité. Dans son livre sur

l'intelligence artificielle, le chercheur en informatique, Jean-Gabriel Ganascia, mentionne

au contraire qu'un « certain nombre de programmes sont déjà capables de se montrer

créatifs dans le domaine artistique, en faisant appel à une forme d'imagination. ''Toute

imagination est vue comme la recombinaison d'élément de mémoire préexistants'' »384

. Pour

bien comprendre son argument, il donne l'exemple de la licorne. Celle-ci a été imaginée par

l'homme en combinant le cheval et le narval. Ainsi, il explique que la créativité des robots

fonctionne généralement selon ce principe. Ils combinent « des éléments déjà enregistrés

pour en créer de nouveaux »385

. Tel que vu dans l'arrêt CCH, pour faire preuve d'originalité,

l'auteur n'a pas besoin d'être créatif, ce critère a été rejeté par la Cour suprême386

. Ainsi, que

l'IA soit capable d'être créative ou non n'est pas pertinent. L'innovation artistique et l'unicité

ne sont pas des critères de protection387

. Ce qui importe est la démonstration de talent et le

jugement. Puis, tel qu'explicité dans le paragraphe précédent, l'IA a les aptitudes

nécessaires, car elle est capable d'utiliser ses connaissances et de faire des choix. La

compréhension du sens des mots et la conscience ne sont pas des critères à l'originalité.

D'ailleurs, un « nombre d'artistes contemporains admet qu'ils n'ont pas toujours une

conscience précise du résultat de leur action. Des artistes ont créé des oeuvres remarquables

alors que leur discernement pouvait être altéré par l'alcool, la drogue ou des troubles

psychiatriques »388

. Pourtant, leur qualité d'auteur ne sera jamais remise en question

simplement parce qu'ils sont des personnes physiques.

« L'impossibilité d'attribuer des droits d'auteur à un robot tient au fait qu'il n'a pas de

personnalité juridique »389

. Afin de clarifier la situation des créations générées par

intelligence artificielle, le droit pourrait être modifié afin de créer un régime spécial pour

ces robots. Ainsi, lorsque l'intelligence artificielle ferait preuve d'une certaine autonomie,

qui sera détaillée dans la seconde partie de ce mémoire, elle pourrait être considérée comme

383 Pauline PEREZ, supra, note 256. 384 Morgane TUAL, « Intelligence artificielle : quand la machine imite l'artiste », Le Monde, 8 septembre 2015, en ligne :

<https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/09/08/intelligence-artificielle-les-machines-peuvent-elles-etre-

creatives_4749254_4408996.html>. 385 Ibid. 386 CCH, par. 24; Andrée-Anne PERRAS-FORTIN, supra, note 285. 387 Andrée-Anne PERRAS-FORTIN, supra, note 285. 388 Jacques LARRIEU, supra, note 305. 389 Guillem QUERZOLA, supra, note 328.

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l'auteure de ses créations. Ces oeuvres resteraient soumises aux mêmes conditions

préliminaires de protection. Cela serait un véritable défi et nécessiterait quelques

adaptations au droit, mais ce n'est pas impossible.

Attribuer la qualité d'auteur à l'intelligence artificielle elle-même est une solution assez

novatrice qui présente son lot de difficultés. Bien que cette option ne soit pas exempte de

reproches, elle semble, malgré tout, être la plus appropriée jusqu'à maintenant. Toutefois,

une dernière possibilité reste à être étudiée. Peut-être que la solution idéale se trouve au

niveau des coauteurs.

1.2.5. La possibilité des coauteurs

Nous avons vu qu'individuellement, l'apport créatif du programmeur et de l'utilisateur

n'arrivent pas réellement à remplir la condition d'originalité. Ainsi, la combinaison de leur

apport est peut-être une solution. Dans l'éventualité où la législation voudrait accorder la

qualité d'auteur à l'un de ces deux intervenants, et ce, malgré les difficultés possibles

illustrées précédemment, cela éviterait également d'avoir à choisir entre ces deux

personnes390

. Ainsi, envisager le programmeur et l'utilisateur comme les coauteurs des

oeuvres générées par IA n'est pas impossible puisqu'ils sont les deux personnes physiques

ayant une implication considérable au processus créatif. La CONTU avait d'ailleurs fait

allusion à cette solution391

.

Or, bien que cette possibilité semble intéressante en théorie, elle est difficilement applicable

en pratique. En effet, il pourrait difficilement s'agir d'une œuvre créée en collaboration en

raison des conditions d'application. L'article 2 de la Loi précise que les contributions des

coauteurs ne doivent pas être distinctes et un courant jurisprudentiel392

relativement

important exige une intention commune de créer une œuvre en collaboration. La

contribution du programmeur est technique, car il est celui qui crée l'IA par la

programmation. Tandis que l'utilisateur est littéralement celui qui s'en sert. Il est celui qui

va demander à l'IA de lui composer une musique de style rock, par exemple. Ainsi, il est

390 Pamela SAMUELSON, « Allocating Ownership Rights in Computer Generated Works » (1985) 47 U. Pitt. L. Rev. 1185,

p.1221. 391Ibid. 392 Mistrale GOUDREAU, supra, note 188.

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plutôt évident que les contributions de ces deux intervenants sont distinctes. D'autre part,

l'intention commune de collaborer est difficile à établir393

. L'utilisateur n'a pas besoin

d'avoir de relation avec le programmeur pour générer l'œuvre. Une fois que le programme

est créé, l'utilisateur ne fait que l'utiliser. À ce stade, le programmeur n'est plus impliqué

dans le travail394

et n'a généralement pas connaissance de ce que l'utilisateur effectue. Par

ailleurs, l'utilisateur pourrait être tenté de nier la contribution du programme d'IA dans la

création de l'œuvre afin de prétendre être le seul auteur395

. En somme, rien ne semble

permettre la possibilité de reconnaitre une œuvre créée en collaboration par ces deux

intervenants.

L'œuvre collective ne semble pas non plus une possibilité puisque chacune des

contributions doit être originale396

. Or, lorsque le travail effectué par ces intervenants a été

analysé individuellement dans les sous-sections précédentes, il a été démontré que le critère

d'originalité était difficilement satisfait.

Enfin, les autres solutions de coauteurs possibles seraient soit le programmeur et

l'intelligence artificielle, l'utilisateur et l'intelligence artificielle ou bien le propriétaire et

l'intelligence artificielle. De cette façon, la difficulté concernant l'attribution des droits

moraux pour les créations générées par intelligence artificielle pourrait possiblement être

palliée par cette alternative puisqu'il y aurait une personne physique pour en assurer le

respect. Or, dans ces trois cas, les mêmes problèmes sont rencontrés. D'abord, l'œuvre

collective exige que chacune des contributions soit originale. En l'espèce, la contribution

des personnes physiques n'atteint pas le seuil établi par l'arrêt CCH tel que démontré dans

les sous-sections précédentes. De plus, suivant cette hypothèse, une personnalité juridique

devrait également être reconnue à l'IA pour qu'elle puisse être une coauteure. D'autre part,

le critère libellé à l'article 2 de la Loi selon lequel la part créée par l’un des coauteurs ne

doit pas être distincte de celle créée par l’autre n'est pas rencontré. En effet, le

programmeur a créé l'IA, mais il n'est pas intervenu dans la création de l'œuvre réalisée par

393 Pamela SAMUELSON, « Allocating Ownership Rights in Computer Generated Works » (1985) 47 U. Pitt. L. Rev. 1185,

p.1222. 394 Ibid, p.1223. 395 Ibid. 396 Mistrale GOUDREAU, supra, note 188.

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l'IA. L'utilisateur a, pour sa part, demandé de créer une œuvre selon certains critères ou a

simplement mis en marche l'intelligence artificielle. C'est l'IA qui a fixé l'œuvre. Puis, le

propriétaire n'a, quant à lui, aucunement participé à la création de l'oeuvre.

En somme, aucune possibilité de coauteurs ne semble adéquate ni en conformité avec la

Loi. L'alternative reconnaissant la qualité d'auteur à l'intelligence artificielle est donc celle

qui doit être favorisée même si cela implique de créer un nouveau régime spécial leur

reconnaissant une personnalité juridique.

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2. LA DÉTERMINATION DU TITULAIRE DES DROITS DES

CRÉATIONS GÉNÉRÉES PAR INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Tel que vu dans la partie précédente, la possibilité que l'intelligence artificielle soit l'auteure

de ses propres créations ne semble pas incompatible avec le droit d'auteur canadien. Il a été

démontré qu'elle peut faire preuve de talent et de jugement. Elle est capable de prendre des

décisions qui ne sont pas automatiques en utilisant ses connaissances et peut acquérir de

l'expérience personnelle, ce qui « permet de distinguer la machine intelligente de la simple

programmation »397

.

L'intelligence artificielle « n'est plus seulement objet de droits […] »398

. Par ses créations,

elle contribue désormais à alimenter les connaissances de la société. Après avoir déterminé

que l'intelligence artificielle pouvait être l'auteure, il convient d'analyser les alternatives

juridiques (2.1) dont l'opportunité de lui accorder une personnalité juridique et de

déterminer qui peut revendiquer la titularité des droits d'auteur sur ces oeuvres (2.2).

2.1. Les alternatives juridiques

Tel qu'étudié dans la première partie de ce mémoire, l'utilisateur, le programmeur et le

propriétaire de l'intelligence artificielle ne sont pas réellement les auteurs les plus

appropriés. Nous l'avons vu, dès que l'IA devient le moindrement autonome, ces

propositions d'auteurs accrochent. En effet, accorder la qualité d'auteur à un de ces

intervenants399

irait à l'encontre du critère d'originalité puisqu'il est difficile de démontrer

leur effort intellectuel dans l'œuvre créée. S'ils ne peuvent prédire de quoi aura l'air l'œuvre

une fois qu'elle sera terminée, c'est forcément qu'ils n'ont pas de contrôle sur sa réalisation.

Ainsi, puisque la présence d'un auteur est une condition essentielle à la protection par la Loi

sur le droit d'auteur, une personnalité juridique pourrait être reconnue à l'intelligence

artificielle afin qu'elle puisse être l'auteure de ses propres créations. De cette façon, ses

397 Alain BENSOUSSAN, « La personne robot », D. 2017.2044. 398 Alexandra BENSAMOUN et Grégoire LOISEAU, supra, note 117. 399 L'utilisateur de l'IA, le programmeur de l'IA et le propriétaire de l'IA.

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oeuvres pourraient recevoir une protection plutôt que de tomber dans le domaine public

pour défaut d'un créateur.

2.1.1. La reconnaissance d'une personnalité juridique à l'intelligence

artificielle

À première vue, reconnaitre une personnalité juridique à des robots peut sembler choquant.

Pourtant, il s'agit d'une proposition soutenue par des personnes versées dans le milieu400

.

L'intelligence artificielle pourrait donc avoir des droits, des obligations, une certaine

identité par le biais d'un numéro d'immatriculation401

et/ou d'un nom et potentiellement un

patrimoine402

. D'autant plus, cette solution aurait pour effet d'assujettir les oeuvres générées

par intelligence artificielle à la Loi sur le droit d'auteur. Ainsi, dès que l'œuvre créée par

l'IA serait originale, elle recevrait la protection au même titre qu'une oeuvre originale créée

par une personne physique.

Si pour certains, cette proposition ne peut être prise au sérieux, le Parlement européen est

d'un autre avis. En effet, dans la Résolution du Parlement européen du 16 février 2017403

,

le Parlement européen « demande à la Commission, lorsqu’elle procèdera à l’analyse

d’impact de son futur instrument législatif, d’examiner, d’évaluer et de prendre en compte

les conséquences de toutes les solutions juridiques envisageables, telles que […] la

création, à terme, d’une personnalité juridique spécifique aux robots, pour qu’au moins les

robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes

électroniques responsables, tenues de réparer tout dommage causé à un tiers; il serait

envisageable de conférer la personnalité électronique à tout robot qui prend des décisions

400 Par exemple : Alain BENSOUSSAN, « Point de vue : Plaidoyer pour un droit des robots : de la ''personne morale'' à la

''personne robot'' » (2013) 1134 Lettre des Juristes d’affaires; Murielle CAHEN, « Le droit des robots », Avocats Murielle

Cahen, en ligne : <https://www.murielle-cahen.com/publications/robot.asp>; Marshal S. WILLICK (Danièle BOURCIER,

« De l'intelligence artificielle à la personne virtuelle : Émergence d'une entité juridique ? » (2001) 49 Droit et société 847;

Marshall S. WILLICK, « Artificial intelligence : Some legal approaches and implications » (1983) 4 AI Magazine 5, p.7);

Mady Delvaux (RAPPORT du 27 janvier 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de

droit civil sur la robotique (2015/2103(INL)); Pamela MCCORDUCK, Machines who think : a personal inquiry into the

history and prospects of artificial intelligence, 25th anniversary update, Natick, Mass, A.K. Peters, 2004, en ligne :

<https://monoskop.org/images/1/1e/McCorduck_Pamela_Machines_Who_Think_2nd_ed.pdf>, p. 238. 401 Alain BENSOUSSAN, « Le droit de la robotique : aux confins du droit des biens et du droit des personnes - ''Une

démarche éthique est indispensable dans la construction d'un droit de la robotique'' » (2015) 10 Revues des Juristes de

Sciences 106. 402 Alexandra MENDOZA-CAMINADE, supra, note 320; Laurent OLIER, « Intelligence Artificielle : L'interview de Stéphane

Mallard », Itesoft, 26 mai 2016, en ligne : <https://www.itesoft.com/fr/blog/intelligence-artificielle-stephane-mallard/>. 403 Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant

des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103(INL)).

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autonomes ou qui interagit de manière indépendante avec des tiers »404

. Il est vrai que cette

proposition s'adresse plus spécifiquement au régime de la responsabilité en cas de

dommages causés par un robot doté d'une intelligence artificielle. Cependant, « le fait de

doter celui-ci d'une personnalité juridique aura des répercussions dans d'autres domaines du

droit et pourra servir d'appui aux revendications de la doctrine favorable à la titularité de

droits d'auteur au profit de l'IA »405

.

D'un autre côté, l'avocat français, Alain Bensoussan, spécialisé en droit du numérique et des

technologies avancées, est connu comme un ardent défenseur de cette proposition406

.

D'abord, il défend l'idée que lorsqu'un robot est capable de réaliser des œuvres

« équivalentes aux humains en termes de pouvoir émotionnel à celles d’un humain »407

et

que nous ne sommes plus « capable[s] d’opérer la distinction entre deux œuvres qui

suscitent la même émotion de puissance émotionnelle »408

, il est temps de « doter les robots

d’une personnalité juridique propre »409

. De plus, puisque l'intelligence artificielle est de

plus en plus autonome et est capable « de réagir seul[e] à l'environnement et à un certain

degré d'imprévu […] il est temps de créer un droit des robots pour que demain, ils

deviennent des sujets de droit »410

. Bensoussan a donc développé le concept de personne

robot. Ainsi, il considère qu'il faut :

Créer un statut juridique adapté, en reconnaissant au robot une personnalité

propre et singulière, résultant de ses interactions avec l’humain. Tout comme a

été créée la notion de personne morale, considérée comme sujet de droit, il

devrait être possible de créer une personne robot afin de lui reconnaître des

droits et obligations qui la feront assimiler à une personne physique. Un statut

qui se justifie d’autant plus lorsque les robots acquièrent un degré de liberté de

plus en plus important par rapport à leur environnement.411

404 Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant

des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103(INL)), par. 59. 405 Claudia GESTIN-VILION, La protection par le droit d'auteur des créations générées par intelligence artificielle,

Mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de droit, Université Laval et Université Paris-Sud, 2017, p. 30. 406 Clémence JOST, « Intelligence artificielle : un avocat milite pour la notion de ''personnalité robot'' », Archimag, 28 avril

2016, en ligne : <http://www.archimag.com/vie-numerique/2016/04/28/intelligence-artificielle-droit-notion-personnalite-

robot>; Florence CREUX-THOMAS, « Le temps est venu de créer un droit des robots les dotant d'une personnalité et d'une

identité juridique - 3 questions à Alain Bensoussan, avocat à la cour » (2016) 51 JCP G 1403; Bérengère MARGARITELLI,

« Révolution des robots : quel cadre juridique pour l'intelligence artificielle ? » (2018) 41 Journal Spécial des Sociétés 6. 407 Alain BENSOUSSAN, « Le robot créateur peut-il être protégé par le droit d’auteur ? » (2016) 42 Planète Robots 16. 408 Ibid. 409 Ibid. 410 Alain BENSOUSSAN, supra, note 400. 411 Ibid.

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L'avocate en droit de l'informatique et des nouvelles technologies, Murielle Cahen, appuie

également la proposition en faveur d'une personnalité juridique à l'IA. Pour Cahen, avec les

développements constants de « ces robots autonomes et interactifs »412

, il semble nécessaire

« d'encadrer cette nouvelle technologie »413

. Elle soutient également que l'adoption d'un

« statut juridique adapté, comparable à celui de la personnalité morale »414

serait la

solution. Elle justifie la mise en place d'un régime spécifique à l'intelligence artificielle

puisque « les robots acquièrent un degré de liberté et d’autonomie de plus en plus important

par rapport à leur environnement et aux humains qui les utilisent […]. Même si la machine

a été programmée par un informaticien, construite par un roboticien et mise en route par

son utilisateur, il arrive qu’elle prenne des initiatives en s’adaptant à de nouveaux

environnements »415

. Par conséquent, leurs agissements ne dépendent plus forcément d'une

intervention humaine. Ainsi, en cas d'incident ou de violation des droits, il va être difficile

de retenir la responsabilité d'une personne physique. De là, l'intérêt de leur accorder une

personnalité juridique.

Un autre partisan de longue date de cette proposition est l'avocat américain, Marshall S.

Willick. Dès les années 80, il proposait de considérer les ordinateurs intelligents « au même

titre qu'une personne »416

. En d'autres mots, il était en faveur de reconnaitre les ordinateurs

en tant que personne417

. Dans son article daté de 1983, il a écrit que :

Les ordinateurs ressemblent de plus en plus à leurs créateurs humains. Plus

précisément, il devient de plus en plus difficile de distinguer certains

traitements informatiques effectués par un ordinateur de ceux de l'humain, à en

juger par le produit final. Les ordinateurs se sont révélés capables de bien plus

de fonctions ''humaines'' physiques et mentales que la plupart des gens

croyaient possibles. La similitude croissante entre les humains et les machines

pourraient éventuellement exiger la reconnaissance juridique des ordinateurs en

tant que ''personnes''.418

412 Murielle CAHEN, supra, note 400. 413 Ibid. 414 Ibid. 415 Ibid; Jacques LARRIEU, supra, note 303. 416 Danièle BOURCIER, « De l'intelligence artificielle à la personne virtuelle : Émergence d'une entité juridique ? » (2001)

49 Droit et société 847, p. 855. 417 Ibid. 418 Libre traduction de l'auteure : Computers increasingly resemble their human creators. More precisely, it is becoming

increasingly difficult to distinguish some computer information-processing from that of humans, judging from the final

product. Computers have proven capable of far more physical and mental “human” functions than most people believed

was possible. The increasing similarity between humans and machines might eventually require legal recognition of

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De plus, Willick soutient qu'il n'y a pas de raison de refuser d'accorder la même fiction

juridique à l'intelligence artificielle que celle dont bénéficient les personnes morales419

.

Dans son texte, il présente « trois facteurs essentiels déterminants si une société peut être

reconnue comme une personne morale : (1) l'entité doit exister comme un ensemble

organisé poursuivant un intérêt légal, (2) elle doit avoir un but précis et (3) la société doit

accorder suffisamment de valeur à l'objectif poursuivi pour justifier une protection

juridique »420

. Puis, il conclut en précisant qu'un ordinateur peut satisfaire ces trois facteurs.

Ainsi, l'IA devrait bénéficier d'une personnalité juridique. Enfin, Willick reprend également

l'argument de l'auteure, Pamela McCorduck, selon lequel refuser de reconnaitre une

personnalité juridique à l'intelligence artificielle parce qu'elle n'a pas de corps humain est

inapproprié. Selon elle, cet argument est similaire aux affirmations des médecins du XIXe

siècle selon lesquelles les femmes ne pouvaient pas penser parce qu'elles ont un corps

féminin421

.

Évidemment, il n'y a pas que des positions en faveur de la reconnaissance d'une

personnalité juridique à l'IA. En fait, les opinions contraires sont prédominantes422

. L'Office

parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et plusieurs autres

auteurs423

s'opposent à la création « d'un statut autonome du robot »424

, car ce « serait soit

computers as “persons”. Marshall S. WILLICK, « Artificial intelligence: Some legal approaches and implications » (1983)

4 AI Magazine 5, p. 5. 419 Ibid, p. 9. 420 Libre traduction de l'auteure : [...] three essential factors determining whether a corporation is recognized as a person:

the corporation must exist as an organized whole pursuing a legal interest; it must possess a definite aim (the writer

called this “intelligence”); and society must place enough value in the pursued aim to warrant legal protection. Marshall

S. WILLICK, « Artificial intelligence : Some legal approaches and implications » (1983) 4 AI Magazine 5, p. 9. 421 Marshall S. WILLICK, supra, note 400; Pamela MCCORDUCK, supra, note 400. 422 Par exemple : Audrey TABUTEAU, « Intelligence artificielle : des experts se mobilisent contre la création d’une

personnalité juridique pour les robots », Editions Francis Lefebvre, 18 avril 2018, en ligne :

<https://www.efl.fr/actualites/affaires/themes-divers/details.html?ref=r-1216c84f-c958-480d-b969-90f16e194df3>;

Emmanuelle RAGOT et Guillaume DALLY, « Émergence de l'intelligence artificielle : la responsabilité des entreprises »,

Wildgen, 15 décembre 2017, en ligne : <https://www.wildgen.lu/our-insights/article/emergence-de-lintelligence-

artificielle-la-responsabilite-des-entreprises>; Phane MONTET, « Une personnalité juridique pour les robots ? Plus de 220

experts sonnent l'alarme », Usbek & Rica, 20 avril 2018, en ligne : <https://usbeketrica.com/article/personnalite-juridique-

robots-220-experts-sonnent-alarme>; Alexandra MENDOZA-CAMINADE, supra, note 320; la chercheuse Laurence Devillers

(professeur à la Sorbonne, chercheuse au Limsi-CNRS), le professeur Serge Tisseron (psychiatre à l'Université Paris VII,

membre de l'Académie des technologiques et de l'Institut pour l'étude des interactions robot-machine); Anne MOREAUX,

« Des voix S'élèvent contre la responsabilité juridique des robots », Affiches Parisiennes, 24 avril 2018, en ligne :

<https://www.affiches-parisiennes.com/des-voix-s-elevent-contre-la-responsabilite-juridique-des-robots-7902.html>;

Sophie HENRY, Magalie DANSAC LE CLERC et Laurent SZUSKIN, « Intelligence artificielle : Ne bridons pas l'innovation ! »,

Legalis, 7 juillet 2017, en ligne : <https://www.legalis.net/legaltech/intelligence-artificielle/>. 423 Par exemple : Alexandra BENSAMOUN et Grégoire LOISEAU, « L'intelligence artificielle : faut-il légiférer ? », D.

2017.581; Alexandra MENDOZA-CAMINADE, supra, note 320.

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dépourvue de fondement, soit prématurée »425

. Le Conseil économique et social européen

va, quant à lui, plus loin dans son opposition en soulevant un « risque moral inacceptable

inhérent à une telle démarche »426

. Pour d'autres auteurs427

, cela serait hasardeux et

dangereux. Selon eux, cette démarche est dangereuse puisqu'elle implique de reconnaitre

une personnalité à un objet doté d'une intelligence programmée et artificielle. Plus loin, ils

déclarent que même si l'attribution d'une personnalité juridique n’était pas inenvisageable,

ils considèrent cela hasardeux puisqu'ils n'auraient pas de besoins sociaux à combler428

.

Bien qu'il s'agisse encore d'une opinion minoritaire, la position des partisans en faveur de la

reconnaissance d'une personnalité juridique devrait être privilégiée. Les arguments qui s'y

opposent ne sont pas suffisamment convaincants. Ils confirment plutôt que le milieu

juridique est conservateur et réfractaire aux changements429

. Le milieu juridique veut plus

difficilement tenir compte des évolutions technologiques lorsque cela chamboule les règles

juridiques bien établies en raison des appréhensions qu'elles suscitent, car il est plus

difficile d'en mesurer les impacts430

.

L'Estonie est un bon exemple de pays proactif qui n'a pas peur des changements

technologiques. Il s'agit d'un « pays précurseur en matière de nouvelles technologies avec

l’instauration notamment de la citoyenneté numérique ou e-residency qui vise à étendre les

services proposés par le pays à des entrepreneurs étrangers qui en feraient la demande par

exemple »431

, la carte d'identité numérique et le « vote par Internet à l’échelle

nationale »432

. Le pays va maintenant encore plus loin en envisageant une personnalité

juridique pour l'intelligence artificielle. « Il introduirait un statut intermédiaire entre celui

424 Anne-Sophie CHONÉ-GRIMALDI et Philippe GLASER, « Responsabilité civile du fait du robot doué d'intelligence

artificielle : faut-il créer une personnalité robotique ? » (2018) 1 Contrats, conc. consom. alerte 1. 425 Ibid. 426 Ibid; Antoine CHERON, « L'Europe défavorable à la création d'une personnalité juridique pour les robots dotés

d'intelligence artificielle », Village de la justice, 22 juin 2017, en ligne : <https://www.village-justice.com/articles/Europe-

defavorable-creation-une-personnalite-juridique-pour-les-robots-dotes,25283.html>. 427 Grégoire LOISEAU et Mathieu BOURGEOIS, supra, note 380. 428 Ibid. 429 Par exemple, il a également été difficile d'obtenir l’adoption d’un droit spécifique pour la radiodiffusion et pour la

mémoire cache. (Pierre-Emmanuel MOYSE, « La Loi canadienne sur le droit d'auteur doit-elle être repansée ? » (2002)

14 C.P.I. 695, p. 699). 430 René PÉPIN, « La Loi sur le droit d'auteur et les appareils de reproduction mécanique » (2011) 23 C.P.I. 955, p. 986. 431Clarisse BANULS, « Quel statut juridique pour l'intelligence artificielle ? », Izilaw, 24 avril 2018, en ligne :

<https://www.izilaw.fr/blog/statut-juridique-intelligence-artificielle/>. 432 Arnaud LEFEBVRE, « L'Estonie veut accorder un statut légal à l'intelligence artificielle », Express Business, 11 octobre

2017, en ligne : <https://fr.express.live/2017/10/11/lestonie-veut-accorder-statut-legal-a-lintelligence-artificielle/>.

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de la personne physique et de la personne morale. La mise en oeuvre serait une question de

quelques années »433

. Il ne s'agit pas du seul pays qui prend cette direction, le Japon et la

République de Corée envisagent également d'étendre les droits aux robots dotés d'une

intelligence artificielle434

.

Les arguments défavorables à la reconnaissance d'une personnalité juridique à l'intelligence

artificielle présentés précédemment peuvent être réfutés. D'abord, l'argument de l'Office

parlementaire selon lequel il serait prématuré ou sans fondement de reconnaitre une

personnalité juridique à l'IA n'est pas très persuasif. Il est vrai que le système juridique « est

plus évolutif que révolutionnaire »435

. Le droit a été jusqu'à présent plutôt réactif aux

réalités sociales, culturelles et économiques changeantes436

. Selon Willick, « les

changements dans la répartition des droits et obligations juridiques sont généralement le

résultat de pressions sociétales qui ne résultent pas d'une planification planifiée de la

société »437

. Puis, l'argument de l'Office parlementaire ne fait que renforcer ce constat. Or,

cela ne devrait pas servir d'argument pour refuser d'encadrer une nouvelle situation

juridique. Ce n'est pas parce que le droit tarde toujours à se moderniser lorsqu’une nouvelle

technologie voit le jour qu'il faut continuer de suivre cette tendance. Nous constatons les

enjeux juridiques que l'IA cause actuellement, et ce n'est qu'un début. Celle-ci va continuer

de se développer et repousser des limites. Pourquoi devrions-nous attendre ce moment pour

légiférer? Dans les prochaines années, des litiges vont forcément être présentés devant les

tribunaux. Une incertitude juridique persistera et provoquera des résultats potentiellement

indésirables si nous attendons que le problème se présente davantage en jurisprudence

avant de vouloir l'encadrer. Il n'est ni trop tôt ni injustifié puisque l'intelligence artificielle

est actuellement capable de générer des oeuvres. Les questions d'auteur et de titulaire des

433 Emmanuel GARESSUS, « L’Estonie se prépare à légiférer pour donner un statut unique aux robots », Le Devoir, 20

novembre 2017, en ligne : <https://www.ledevoir.com/societe/science/513420/l-estonie-se-prepare-a-legiferer-pour-

donner-un-statut-unique-aux-robots>; Emmanuel GARESSUS, « Les robots obtiendront leur propre statut juridique », Le

Temps, 16 octobre 2017, en ligne : <https://www.letemps.ch/economie/robots-obtiendront-propre-statut-juridique>;

Arnaud TOUATI et Gary COHEN, supra, note 348. 434 C. Andrew KEISNER, Julio RAFFO et Sacha WUNSCH-VINCENT, « Technologies révolutionnaires - robotique et propriété

intellectuelle », OMPI Magazine, décembre 2016, en ligne :

<http://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2016/06/article_0002.html>. 435 Marshall S. WILLICK, supra, note 418. 436 Ibid. 437 Libre traduction de l'auteure : Similarly, shifts in the allocation of legal rights and obligations are usually the result of

societal pressures that do not result from a dispassionate masterplanning of society. Marshall S. WILLICK, supra, note

418.

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droits se posent de plus en plus. Si la littérature est pour le moment plus active sur ces

questions, il ne tardera pas avant que les tribunaux canadiens s'en mêlent. L'IA aura une

place de plus en plus importante dans la société. Plutôt que d'attendre qu'une décision

judiciaire tranche en faveur de l'adoption d'une personnalité juridique pour l'IA, le

législateur pourrait faire preuve de proactivité et commencer à y réfléchir immédiatement.

D'autre part, les arguments d'immoralité, de dangerosité et de hasard soulevés par différents

auteurs438

ne peuvent qu'être contredits. D'abord, reconnaitre une personnalité juridique à

l'intelligence artificielle ne signifie pas que nous l'assimilons à une personne physique. En

aucun cas il ne s’agirait de lui accorder les mêmes droits qu'un être humain. Il s'agirait

davantage d'un régime similaire à celui de la personne morale avec les adaptations

nécessaires439

. « Le droit est habitué à la fiction juridique que représente la personne

morale, et cela ne poserait guère de difficulté technique d'admettre le robot au titre d'une

nouvelle fiction juridique pour le doter de droits et d'obligations »440

. Par exemple, au

Nevada, la loi prévoit que « le robot est doté des principaux attributs de la personne morale,

même s'il n'est pas explicitement qualifié ainsi. Il dispose d'un numéro et d'une assurance,

et il est répertorié dans un fichier »441

. Le régime de la personne robot n'aurait qu'à être tout

aussi bien encadré que celui de la personne morale. De plus, les personnes morales visent

des entités non humaines, ce qui n'est guère différent de l'IA. Si, à l'époque, le législateur a

pu créer une nouvelle fiction juridique pour les personnes morales, il a la liberté d'en créer

une nouvelle pour l'intelligence artificielle442

. Ainsi, ce ne serait pas immoral d'accorder un

régime spécifique et adapté à l'IA alors qu'elle est à l'origine de nombreuses réalisations

impressionnantes. Si nous reprenons les trois critères énoncés dans le texte de Willick

déterminant si une société peut bénéficier du statut de la personne morale, nous constatons

que l'IA peut très bien satisfaire ces critères. D'abord, son but est de créer des oeuvres.

Lorsque le programmeur crée un programme d'intelligence, celui-ci a une fonction précise.

Dans le cas qui nous intéresse, il s'agit d'intelligence artificielle capable de générer des

oeuvres. Ensuite, son intérêt légal est de voir ses oeuvres protégées par la Loi sur le droit

438 Anne-Sophie CHONÉ-GRIMALDI et Philippe GLASER, supra, note 424; Antoine CHERON, supra, note 426. 439 Alain BENSOUSSAN, « Les robots ont-ils une personnalité » (2013) 19 Planète Robots 92. 440 Alexandra MENDOZA-CAMINADE, supra, note 320. 441 Alain BENSOUSSAN, supra, note 401. 442 Magali BOUTEILLE-BRIGANT, supra, note 320.

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d'auteur. De cette façon, le titulaire des droits peut tirer profit de cette œuvre ou

simplement éviter qu'elle soit l'objet de contrefaçon. Enfin, l'objectif poursuivi par l'IA peut

aisément se voir accorder suffisamment de valeur justifiant une protection juridique

puisqu'un artiste ayant le même objectif se verrait reconnaitre cette valeur. Ainsi, par

analogie, il est justifiable d'accorder à l'IA une personnalité juridique. Par contre, ce ne

serait évidemment pas tous les types d'intelligences artificielles qui pourraient en

bénéficier.

Le Parlement européen offre une définition de robots autonomes et intelligents en énonçant

quatre critères. Le Canada pourrait certainement s'inspirer d'au moins trois d'entre eux afin

d'établir un seuil minimal d'autonomie pour déterminer quelles IA pourraient se voir

conférer une personnalité juridique. Ces critères consistent en « [1] la capacité d’acquisition

d’autonomie grâce à des capteurs et/ou à l’échange de données avec l’environnement

(interconnectivité) et l’analyse de données; [2] la capacité d’apprentissage à travers

l’expérience et l’interaction; [3] la forme de l’enveloppe physique du robot; [4] la capacité

d’adaptation de son comportement et de ses actes à son environnement »443

. Le seul critère

qui ne semble pas particulièrement pertinent est celui de l'enveloppe physique du robot.

Plusieurs IA sont de nature virtuelle et cette condition viendrait restreindre le champ

d'application de la personnalité juridique de manière injustifiée. Par exemple, « le robot

[virtuelle] Watson d'IBM connaît déjà des applications multiples, il intervient lors de

processus décisionnels […], il aide à développer des plans de traitements pour des patients

atteints du cancer, il est capable de distinguer des profils génétiques susceptibles de réagir

positivement à certains médicaments, il joue le rôle d'un agent de voyage personnel et a

collaboré avec des artistes […] pour l'élaboration de morceaux de musiques »444

. Ainsi,

exclure ce type de robot uniquement parce qu'il n'est pas tangible n'apparait pas comme un

critère pertinent. Par conséquent, considérant que le domaine de l'IA n'a pas fini de se

développer et que de grands progrès sont encore à venir, il est important d'établir des

conditions d'application minimales et flexibles afin que cette notion puisse s'adapter aux

évolutions. Cette notion doit permettre de déterminer à quel moment un programme

443 Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant

des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103(INL)). 444 Claudia GESTIN-VILION, La protection par le droit d'auteur des créations générées par intelligence artificielle,

Mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de droit, Université Laval et Université Paris-Sud, 2017, p. 35.

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d'intelligence artificielle est suffisamment intelligent pour recevoir la qualité juridique de

personne robot. Ainsi, seuls « les robots autonomes les plus sophistiqués »445

qui sont

minimalement capables d'apprentissage et de prendre des décisions autonomes adaptées à

leur environnement pourraient se voir conférer une personnalité juridique446

. En somme,

puisque la personnalité juridique de l'IA serait bien encadrée, au même titre que les

personnes morales, il est difficile d'imaginer que cette démarche puisse être dangereuse ou

hasardeuse. Elle serait au contraire réfléchie, planifiée et encadrée.

D'autre part, certains soulèvent des difficultés sur le plan du droit de la responsabilité du

fait des robots 447

. Considérant que cet aspect n'est pas l'objet de cette étude, il ne sera que

brièvement soulevé. Il est évident que conférer une personnalité à l'IA aurait pour effet de

lui accorder des droits et des responsabilités. En effet, les auteurs soulevant l'enjeu de la

responsabilité448

plaident que si celle-ci peut être retenue contre l'IA, cela aurait pour

conséquence de potentiellement décharger de leur responsabilité les utilisateurs, les

fabricants, les programmeurs, bref les divers intervenants449

. C'est d'ailleurs pour cette

raison que Georgie Courtois, avocat en droit des nouvelles technologies et de la propriété

intellectuelle, considère que « la création d'une telle personnalité ne semble pas nécessaire à

la mise en œuvre d'un système de responsabilité »450

. Il croit que cela aurait pour effet de

« déresponsabiliser les propriétaires en raison de l'existence d'un écran juridique à

l'engagement de leur responsabilité »451

. Encore une fois, cet avis n'est pas partagé. La

création des personnes morales n'a pas eu pour effet de déresponsabiliser les dirigeants

même s'ils n'étaient plus personnellement responsables des actions de la société. L'objectif

était plutôt de les protéger en créant une entité distincte de ces derniers. Pourquoi conclure

si facilement que la création d'une personne robot aurait forcément un effet négatif?

445 Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant

des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103(INL)). 446 Jean-René BINET, « Personnalité juridique des robots : une voie à ne pas suivre » (2017) 6 Dr. Famille repère 6. 447 Par exemple : Arnaud TOUATI, supra, note 19; Éric LAVALLÉE, « Intelligence artificielle : les obligations contractuelles

au-delà de l'expression à la mode », Le Droit de savoir, Lavery, mars 2017, en ligne :

<https://unik.caij.qc.ca/permalien/PC-a99259>; Jean-Sébastien DESROCHES, et Shan JIANG, supra, note 21; Thierry DAUPS,

supra, note 321. 448 Ibid. 449 Claudia GESTIN-VILION, La protection par le droit d'auteur des créations générées par intelligence artificielle,

Mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de droit, Université Laval et Université Paris-Sud, 2017, p. 36; Grégoire LOISEAU,

supra, note 320; Alexandra MENDOZA-CAMINADE, supra, note 320; Georgie COURTOIS, supra, note 5. 450 Georgie COURTOIS, supra, note 5. 451 Ibid.

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L’article 309 du Code civil du Québec prévoit que « les personnes morales sont distinctes

de leurs membres. Leurs actes n’engagent qu’elles-mêmes, sauf les exceptions prévues par

la loi ». Parmi ces exceptions, il existe l'article 317 du Code civil du Québec qui prévoit que

« la personnalité juridique d’une personne morale ne peut être invoquée à l’encontre d’une

personne de bonne foi, dès lors qu’on invoque cette personnalité juridique pour masquer la

fraude, l’abus de droit ou une contravention à une règle intéressant l’ordre public ». Pour

remédier à la crainte soulevée par les auteurs, des articles similaires pourraient être créés en

complément du régime de la personne robot.

Par conséquent, une personne robot devrait être créée afin que l'IA puisse être l'auteure de

ses oeuvres. Toutefois, la question de titularité demeure. Est-ce que la règle générale de la

Loi sur le droit d'auteur452

, selon laquelle l'auteur est le premier titulaire des droits, devrait

s'appliquer ? Dans ce cas-ci, une réponse négative s'impose. L'IA ne pourrait évidemment

pas elle-même contrôler ses droits patrimoniaux. Ainsi, une exception suivant le même

modèle de l'œuvre exécutée dans l’exercice d’un emploi devrait être ajoutée à l'article 13 de

la Loi afin de tenir compte de cette nouvelle situation. La question de la titularité des droits

sera davantage étudiée dans la sous-section 2.2.1.

Ensuite, l'épineuse question des droits moraux doit être traitée. D'abord, les droits moraux

« sont issus de la tradition civiliste. […] Ils traitent l’œuvre de l’artiste comme un

prolongement de sa personnalité et lui attribuent une dignité qui mérite d’être protégée. Ils

mettent l’accent sur le droit de l’artiste […] de protéger pendant la durée des droits

économiques (même lorsque ceux-ci ont été cédés à un tiers) l’intégrité de l’œuvre et sa

paternité (ou l’anonymat de l’artiste si c’est ce qu’il désire) »453

. Le Canada les reconnait

explicitement dans la Loi depuis 1931454

. Ces droits moraux se divisent en deux catégories.

D'abord, il y a le droit à l'intégrité de l'oeuvre qui permet à l'auteur de s'opposer à toute

modification de son oeuvre455

. Puis, la deuxième catégorie est le droit d'attribution. Il s'agit

452 Article 13 (1) LDA. 453 Théberge c. Galerie d'Art du Petit Champlain inc., 2002 CSC 34, par. 15. 454 Daniel PAYETTE, « Le droit moral et la renonciation de l'auteur à des composantes du droit moral », dans Service de la

formation continue, Barreau du Québec, Développements récents en droit du divertissement (2016), Cowansville, Éditions

Yvon Blais, p. 62; Pierre-Emmanuel MOYSE, « Le droit moral au Canada : facteur d'idées » (2013) 25 C.P.I. 141, p. 143. 455 Snow c. The Eaton Centre Ltd., (1982) 70 C.P.R. (2d) 105; Vaillancourt c. Carbone 14, [1999] R.J.Q. 490; Prise de

parole Inc. c. Guérin, éditeur Ltée, (1995) 66 C.P.R. (3d) 257; Marc BARIBEAU, supra, note 152.

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du droit de l'auteur de se voir associer à sa création, même sous un pseudonyme, ou de

demeurer anonyme456

. Ces droits appartiennent exclusivement à l'auteur, et ce, même si ce

dernier a accordé une licence ou a cédé ses droits patrimoniaux. Puis, ils perdurent pour la

même durée que les droits patrimoniaux457

. D'autre part, l'article 14.1 (2) de la Loi précise

qu'ils sont incessibles. Il n'est pas possible d'en « dépouiller complètement l'auteur, par

quelque moyen contractuel que ce soit »458

. Par contre, l'auteur peut y renoncer en tout ou

en partie459

. La solution au problème des droits moraux peut se trouver au niveau du droit

civil. En effet, la création d'une personne robot impliquerait la création de nouvelles

dispositions dans le Code civil du Québec suivant le modèle des personnes morales. Par

conséquent, la personne robot devrait notamment être représentée par une personne

physique au même titre que la personne morale460

. C'est ce représentant qui pourrait assurer

la pérennité des droits moraux. Dans le cadre de ses fonctions, il aurait deux options

possibles, soit il renonce aux droits moraux, soit il les revendique pour le compte de l'IA.

S'il ne renonce pas aux droits moraux, il serait d'abord responsable de s'assurer de l'intégrité

de l'œuvre. Ainsi, en cas de modification, déformation ou mutilation de l'œuvre pouvant

porter, d'une manière préjudiciable, atteinte à l’honneur ou à la réputation de l’auteur, le

représentant pourrait poursuivre pour violation des droits moraux de l'IA461

. Pour le droit

d'attribution, le représentant aurait les mêmes choix qu'un auteur. Il pourrait soit s'assurer

que le numéro d'identification de l'IA et son nom, le cas échant, soient associés à l'œuvre, il

pourrait soit utiliser un pseudonyme ou il pourrait préférer garder l'anonymat de

l'intelligence artificielle.

Enfin, pour la durée du droit d'auteur des créations générées par IA, un modèle suivant les

mêmes règles que les oeuvres cinématographiques apparait simple et logique à suivre.

Ainsi, le droit d'auteur sur l'œuvre persisterait « soit jusqu’à la fin de la cinquantième année

suivant celle de sa première publication […] soit jusqu’à la fin de la cinquantième année

suivant celle de sa création, dans le cas où elle n’a pas été publiée avant la fin de cette

456 Article 14.1 (1) LDA. 457 Article 14.2 (1) LDA. 458 Daniel PAYETTE, « Le droit moral et la renonciation de l'auteur à des composantes du droit moral », dans Service de la

formation continue, Barreau du Québec, Développements récents en droit du divertissement (2016), Cowansville, Éditions

Yvon Blais, p. 83. 459 Article 14.1 (2) LDA. 460 Article 312 Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, ci-après : « CCQ ». 461 Article 28.2 LDA.

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période »462

. Ce modèle permettrait d'éviter plusieurs questions entourant la durée de vie de

l'IA. De plus, il permettrait d'assurer une durée de protection raisonnable des oeuvres

générées par intelligence artificielle, car un programme d'IA ne meurt pas. Il pourrait

simplement cesser de fonctionner. Or, avant que cela n'arrive, de nombreuses décennies

peuvent passer et l'œuvre pourrait bénéficier d'une protection beaucoup trop longue par

rapport aux oeuvres créées par des personnes physiques. Ainsi, un souci d'équité justifie

également de suivre le modèle des oeuvres cinématographiques.

2.1.2. Le domaine public comme solution au défaut d'auteur

Le domaine public rassemble les créations qui appartiennent à toute la société. Cela signifie

qu'aucune autorisation n'est nécessaire de la part de l'auteur ou du titulaire des droits pour

utiliser les oeuvres. Toute personne peut librement les utiliser gratuitement. « L'idée qui

sous-tend le concept de domaine public est que l'accès à l'activité intellectuelle aide à

engendrer davantage d'activité intellectuelle »463

. Plusieurs raisons peuvent justifier qu'une

œuvre appartienne désormais au domaine public. « Par exemple, la durée du droit d'auteur

est expirée, l'œuvre n'était pas éligible à la protection du droit d'auteur ou le titulaire du

droit d'auteur a autorisé le public à utiliser son œuvre sans autorisation et sans

paiement »464

.

Dans l'éventualité où aucun auteur ne peut être reconnu aux créations générées par

intelligence artificielle, le domaine public serait une solution envisageable. Cette

proposition est d'ailleurs soutenue par certains auteurs465

.

Ralph D. Clifford, professeur en droit américain et consultant en logiciel informatique, est

l'un de ceux-ci. Il s'interrogeait d'abord à savoir « qui peut revendiquer un droit d'auteur sur

462 Article 11.1 LDA. 463 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Le droit de la propriété intellectuelle, Cowansville, Québec, Thomson

Carswell ; Éditions Y. Blais, 2006, p. 4. 464 GOUVERNEMENT DU CANADA, « À propos du droit d'auteur », Innovation, Sciences et Développement économique

Canada, 19 novembre 2013, en ligne : <https://www.ic.gc.ca/eic/site/icgc.nsf/fra/07415.html#p4.1>. 465 Par exemple : Ralph D. CLIFFORD, « Intellectual Property in the Era of the Creative Computer Program : Will the True

Creator Please Stand Up » (1997) 71 Tulane Law Rev. 1675, p. 1695; Mark PERRY et Thomas MARGONI, « From music

tracks to Google maps : Who owns computer-generated works? » (2010) 26 Computer Law & Security Review 621; Rex

M. SHOYAMA, « Intelligent agents : authors, makers, and owners of computer-generated works in Canadian copyright

law » (2005) 4 Can. J.L. & Tech. 129.

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les œuvres générées par la machine de créativité? »466

. Puis, il en est venu à la conclusion

suivante :

La revendication de l'utilisateur de la machine semble très douteuse.

L'utilisateur n'était pas l'auteur de ces oeuvres, car aucun effort de création

spécifique n'a été exercé par l'utilisateur. Par conséquent, une revendication de

la qualité d'auteur par l'utilisateur est insoutenable. De même, la machine

créativité elle-même n'est pas en mesure de revendiquer le droit d'auteur parce

que de telles revendications sont limitées à l'humain. La réponse à la question

finale est, par conséquent, ''personne''. Sans un demandeur, l'œuvre entre

vraisemblablement dans le domaine public.467

Mark Perry, professeur en droit canadien et en informatique, et Thomas Margoni,

professeur en droit canadien, ont proposé plusieurs solutions à l'épineuse question de la

titularité des droits des oeuvres générées par ordinateur. La dernière en liste s'est avérée être

le domaine public. Plus tôt dans ce mémoire, l'importance de tenir compte des créations

générées par intelligence artificielle a été soulevée puisqu'elles ont un impact tant au niveau

sociétal qu'économique468

. Dans leur texte, ces auteurs font d'ailleurs une analogie avec un

principe fondamental en économie. Il s'agit du principe selon lequel il faut allouer les

ressources rares d'une manière efficace afin qu'elles puissent produire le maximum

d'avantages pour l'ensemble de la société469

. En l'espèce, dans le cas où les ressources (les

oeuvres) ne peuvent être allouées d'une manière efficace de façon à produire un maximum

d'avantages (aucune personne ne peut pleinement revendiquer la qualité d'auteur et ainsi

l'exploiter), les auteurs s'interrogeaient à savoir si la qualité d'auteur devrait être accordée à

une personne de manière relativement hasardeuse juste pour que les droits soient accordés,

sans que cela soit réellement justifié470

. Ils sont arrivés à la conclusion qu'il est préférable

d'un point de vue économique, culturel et scientifique que l'œuvre tombe dans le domaine

public471

.

466 Libre traduction de l'auteure : Who can claim a copyright in the expressive works fixed by the Creativity Machine?

Ralph D. CLIFFORD, supra, note 465. 467 Libre traduction de l'auteure : The claim of the user of the machine seems highly dubious. The user was not the

originator of these expressions as no specific creative effort was exerted by the user. 5 Consequently, a claim of

authorship by the user is unsustainable. Similarly, the Creativity Machine itself is not able to claim the copyright because

such claims are limited to humans.1 26 The answer to the ultimate question, therefore, is "no one." Without a claimant,

the work presumably enters the public domain'. Ralph D. CLIFFORD, supra, note 465. 468 Alexandra BENSAMOUN et Grégoire LOISEAU, supra, note 117; Éric LAVALLÉE, supra, note 118. 469 Mark PERRY et Thomas MARGONI, « From music tracks to Google maps : Who owns computer-generated works? »

(2010) 26 Computer Law & Security Review 621, p. 10. 470 Ibid. 471 Alexandre de STREEL et Hervé JACQUEMIN, L’intelligence artificielle et le droit., coll. du CRIDS, Bruxelles, Larcier,

2017, par. 43.

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Rex M. Shoyama, avocat canadien en propriété intellectuelle, est du même avis. Il

considère qu'il « ne faut pas chercher à tout prix à accorder la titularité d'une telle œuvre à

la personne qui aurait la ''moins mauvaise'' légitimité. De fait, si aucune candidature à la

titularité ne s'avère satisfaisante, [il] propose de n'accorder la titularité des droits à

personne, et, partant, de faire tomber l'œuvre générée par ordinateur dans le domaine

public »472

. Ainsi, selon l'application traditionnelle du droit d'auteur, « s'il n'y a pas d'auteur

humain du travail généré par ordinateur, […] personne ne mérite d'être récompensé pour

cela »473

.

Cependant, tel qu'exprimé précédemment, ignorer la personnalité juridique à l'IA provoque

diverses conséquences. La Loi sur le droit d'auteur accorde des droits exclusifs aux auteurs

pour des périodes limitées afin de les récompenser et de les encourager à créer afin de

favoriser la diffusion des idées474

. Ainsi, leur créativité vient bonifier les connaissances de

la société475

. Par contre, développer un projet peut parfois demander beaucoup de temps et

d'argent. Par exemple, pour réaliser The Next Rembrandt, il a fallu plus d'un an et demi de

travail de « recherches menées par une équipe internationale d’historiens d’art, d’analystes,

de développeurs et d’ingénieurs »476

. De plus, pour qu'un programme d'IA « puisse devenir

performant, une entreprise pourrait se voir obliger de lui soumettre une grande quantité de

données et d'investir des ressources humaines ainsi que financières considérables pour

guider son apprentissage »477

. Si personne ne reçoit quelconques avantages économiques

tels que l'exploitation des droits patrimoniaux, quel serait l'intérêt pour les entreprises et les

professionnels d'investir autant de temps et d'argent dans le développement de tel projet478

?

Faire automatiquement tomber les oeuvres générées par intelligence artificielle dans le

domaine public serait un frein à la créativité et à l'innovation.

472 Ibid; Rex M. SHOYAMA, supra, note 465. 473 Libre traduction de l'auteure : If there is no human author of the computer-generated work, the intellectual property

system has assumed no one deserves to be rewarded for it. Pamela SAMUELSON, « Allocating Ownership Rights in

Computer Generated Works » (1985) 47 U. Pitt. L. Rev. 1185, p. 1224. 474 Margaret AnnWILKINSON, « Le droit d'auteur dans le contexte de la propriété intellectuelle : Une analyse des politiques

universitaires canadiennes » (1999) 12 C.P.I. 51. 475 Pamela SAMUELSON, supra, note 473. 476 Valérie BRUNO, supra, note 276. 477 Éric LAVALLÉE, supra, note 447. 478 Andres GUADAMUZ, supra, note 69.

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Certains pourraient y réfuter que des intervenants dans la création de l'intelligence

artificielle reçoivent une forme de récompense étant suffisante pour ne pas freiner la

création et l'innovation479

. Par exemple, le programmeur, bien qu'il n'ait pas de droit sur

l'œuvre créée par l'IA, demeure l'auteur du programme d'ordinateur en tant que tel480

. S'il en

est également le titulaire des droits, il peut bénéficier de la valeur commerciale du

programme grâce à la vente ou aux frais de licence pour son utilisation481

. S'il s'agit d'un

programme créé dans le cadre d'un emploi, l'employeur, qui est le propriétaire de l'IA, sera

le titulaire des droits d'auteur et bénéficiera alors de cette valeur. En effet, peut-être que ces

éléments peuvent servir d'incitatifs pour que les auteurs continuent de créer et d'innover.

Toutefois, il ne s'agirait que d'une solution temporaire et peu efficace puisque les autres

intervenants n'ont pas forcément de droit.

L'auteure, Pamela Samuelson, soulève un bon argument contre le domaine public :

La meilleure raison d'attribuer l'autorat à quelqu'un est peut-être que quelqu'un

doit être motivé, si ce n'est pas pour créer une oeuvre, ce sera pour la mettre en

circulation. Si une oeuvre impeccable a été créée par l'utilisation d'un

programme informatique, et que la loi juge que l'oeuvre ne peut y être

assujettie en l'absence d'un auteur humain, l'utilisateur qui a provoqué sa

création a peu d'intérêt à appliquer ce que la loi ordonne et de reconnaitre

qu'elle fait partie du domaine public. L'utilisateur est plus susceptible de le

refuser au public, ou de mentir à propos de qui a créé l'œuvre, ou d'y apporter

quelques changements (peut-être pas une amélioration) juste pour se

l'approprier.482

Il est dans l'intérêt de la société que les œuvres soient mises à la disposition du public483

.

Ainsi, si les oeuvres générées par IA tombent automatiquement dans le domaine public, la

personne ayant permis ces créations pourrait davantage être incitée à les garder secrètes, ce

qui ne favoriserait pas la diffusion des nouvelles créations artistiques. Elle pourrait aussi

479 Pamela SAMUELSON, « Allocating Ownership Rights in Computer Generated Works » (1985) 47 U. Pitt. L. Rev. 1185,

p. 1225. 480 Article 2 LDA. 481 Pamela SAMUELSON, supra, note 479. 482 Libre traduction de l'auteure : Perhaps the best reason to allocate ownership interests to someone, however, is that

someone must be motivated, if not to create the work, then to bring it into public circulation. If a flawless work has been

created by use of a computer program, and the law deems the work incapable of being owned because of the lack of a

human author, the user who proximately caused its creation has little incentive to go to the trouble of bringing forward

what the law says is in the public domain. The user is more likely to withhold it from the public, or to lie about who

created the work, or to make some little change in it (perhaps not an improvement) just to establish a stake in it. Pamela

SAMUELSON, « Allocating Ownership Rights in Computer Generated Works » (1985) 47 U. Pitt. L. Rev. 1185, p. 1226. 483 Ibid, p. 1227.

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indûment prétendre être l'auteure de ces créations. Pour toutes ces raisons, le domaine

public ne devrait pas être la solution privilégiée.

2.2. Les titulaires des droits envisageables dans l'hypothèse où l'intelligence

artificielle est l'auteure

La règle générale prévue par la Loi sur le droit d'auteur veut que sauf disposition contraire,

l’auteur d’une oeuvre soit « le premier titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre »484

.

Suivant cette règle, si nous tenons compte que l'IA est l'auteure de son œuvre, elle devrait

être celle qui puisse revendiquer la titularité des droits rattachés à son œuvre. Toutefois, il

ne s'agit pas forcément de la meilleure option. Ainsi, créer une exception supplémentaire

accordant la titularité à une personne physique ou morale comme celle de l'œuvre exécutée

dans l’exercice d’un emploi serait probablement une solution adéquate. Par contre, qui

pourrait revendiquer la titularité de ces droits ? « La complexité de ce problème tient

notamment au nombre d'acteurs qui interviennent sur la chaine de réalisation de l'ouvrage,

allant du [programmeur] du robot intelligent à l'utilisateur final de celui-ci, en passant par le

robot lui-même »485

. De ce fait, dans cette sous-section, nous analyserons les titulaires de

droit envisageables qui pourraient bénéficier de cette nouvelle exception.

2.2.1. L'auteur premier titulaire des droits

L'auteur et le titulaire des droits d'auteur ne sont pas forcément la même personne. Tel que

vu, l'auteur est la personne qui crée l'œuvre alors que le titulaire des droits d'auteur est la

personne qui détient les droits patrimoniaux486

. Le titulaire peut s'agir tant d'une personne

physique que morale487

.

La règle générale de titularité se retrouve à l'article 13 de la Loi : « Sous réserve des autres

dispositions de la présente loi, l’auteur d’une oeuvre est le premier titulaire du droit

d’auteur sur cette œuvre ». D'ailleurs, l'article 34.1 (1) b) de la Loi accorde une présomption

de titularité à l'auteur.

484 Article 13(1) LDA. 485 Claudia GESTIN-VILION, La protection par le droit d'auteur des créations générées par intelligence artificielle,

Mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de droit, Université Laval et Université Paris-Sud, 2017, p. 58. 486 Marc BARIBEAU, Principes généraux de la Loi sur le droit d’auteur, Québec, Les Publications du Québec, 2007, p. 33. 487 Ibid.

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Toutefois, il existe quelques exceptions à cette règle. Notamment, lorsqu'une œuvre est

exécutée dans l'exercice d'un emploi, en vertu d’un contrat de louage de service ou

d’apprentissage, l’employeur sera le premier titulaire du droit d’auteur, à moins de

stipulation contraire488

. Ensuite, « le titulaire du droit d’auteur sur une oeuvre peut céder ce

droit, en totalité ou en partie, d’une façon générale ou avec des restrictions relatives au

territoire, au support matériel, au secteur du marché ou à la portée de la cession, pour la

durée complète ou partielle de la protection; il peut également concéder, par une licence, un

intérêt quelconque dans ce droit »489

. Puis, lorsqu'il s'agit d'une œuvre créée en

collaboration, les coauteurs sont cotitulaires des droits d'auteur490

de manière indivisible491

et toutes les décisions doivent être prises à l'unanimité492

.

Les droits patrimoniaux, aussi appelés droits économiques, tirent leurs sources du copyright

anglais493

. Ils correspondent aux droits exclusifs qu'a le titulaire des droits d'auteur sur

l'œuvre. Ainsi, ce dernier peut autoriser et exclure les autres d'accomplir certaines activités

énumérées à l'article 3 de la Loi494

. Ces activités comprennent « le droit exclusif de produire

ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’oeuvre, sous une forme matérielle

quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public

et, si l’oeuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante ». En règle

générale, ces droits vont subsister « pendant la vie de l’auteur, puis jusqu’à la fin de la

cinquantième année suivant celle de son décès »495

.

À ce point, il est évident que ce mémoire est favorable à ce que l'intelligence artificielle soit

l'auteur de ses créations. Suivant la règle de droit d'auteur actuelle, elle devrait également

être titulaire des droits. Cependant, tel qu'il a été exprimé précédemment, l'IA ne devrait pas

être titulaire des droits. Cela est justifié par des raisons techniques. D'abord, si ses droits

d'auteur sont violés, l'intelligence artificielle ne le saura pas et ne sera pas en mesure

488 Article 13(3) LDA. 489 Article 13(4) LDA. 490 Marc BARIBEAU, Principes généraux de la Loi sur le droit d’auteur, Québec, Les Publications du Québec, 2007, p. 38. 491 Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, supra, note 198. 492 Ibid. 493 Mistrale GOUDREAU, « Les droits patrimoniaux des créateurs d'oeuvre - de certains développements récents », dans

Service de la formation continue, Barreau du Québec, Développements récents en droit de la propriété intellectuelle

(2014), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 124. 494 Martin P. J. KRATZ, Canada’s intellectual property law in a nutshell, 2e éd., Toronto, Carswell, 2010, p. 21. 495 Article 6 LDA.

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d'intenter une action pour les faire respecter496

par elle-même. Puis, l'IA pourra

difficilement conclure des ententes pour l'exploitation ou la cession de ses droits

patrimoniaux puisqu'elle n'a pas été créée pour cette fonction. « Même s'il était

conceptuellement possible pour les agents de conclure des accords de licence entre eux et

avec les humains et de négocier le transfert des droits, l'attribution du droit d'auteur doit

être faite par écrit au Canada »497

. L'intervention d'un représentant de l'intelligence

artificielle serait constamment nécessaire pour l'exploitation de ses droits. Par conséquent,

il vaut mieux attribuer légalement ces droits dans la Loi. Ainsi, une exception en faveur

d'un intervenant devrait être créée suivant le modèle de l'œuvre exécutée dans le cadre de

l'emploi.

2.2.2. L'utilisateur de l'intelligence artificielle

Tel qu'il a été explicité auparavant, il ne serait pas impossible d'envisager que l'utilisateur

soit l'auteur des créations générées par intelligence artificielle. Lorsque le programme

d'intelligence artificielle est davantage vu comme un outil mis à la disposition de

l'utilisateur, au même titre qu'un logiciel de traitement de texte ou de création d'images, sa

qualité d'auteur n'est pas remise en question. Ainsi, suivant la règle de l'article 13 de la Loi,

l'utilisateur serait le premier titulaire des droits.

Par contre, il a été démontré qu'il ne s'agissait pas forcément de la meilleure alternative. En

effet, si les choix créatifs que l'utilisateur fait, avant de mettre en marche l'intelligence

artificielle, sont simplement considérés comme des contraintes, il s'avère plus difficile de le

reconnaitre comme l'auteur puisqu'il ne fait pas preuve de talent et de jugement dans la

création de l'oeuvre.

Pour la même raison qu'il a été conclu qu'il ne devrait pas être considéré comme auteur de

l'œuvre, il pourrait être argumenté qu'il ne devrait pas pouvoir revendiquer la titularité des

droits. Son apport est trop minime dans le processus de création pour qu'il puisse détenir

496 Rex M. SHOYAMA, « Intelligent agents : authors, makers, and owners of computer-generated works in Canadian

copyright law » (2005) 4 Can. J.L. & Tech. 129, p. 135. 497 Traduction libre de l'auteure : Secondly, an intelligent agent is not capable of arrange transferring rights to others.

Even if it was conceptually possible for agents to enter into licensing agreements with each other and with humans, and to

negotiate for the transfer of rights, the assignment of copyright must be in writing in Canada. Rex M. SHOYAMA, supra,

note 496; Article 13 (4) LDA.

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des droits d'auteur. Son implication peut être comparée à celle d'un professeur qui donne

des instructions à ses élèves pour réaliser un projet. Ce professeur ne peut revendiquer

quelconques droits sur les oeuvres, même s'il a imposé des limites de créations.

Toutefois, l'utilisateur a tout de même un argument en sa faveur pour pouvoir la

revendiquer. En effet, « l'utilisateur s'entend de la personne qui a la maîtrise concrète du

robot (virtuel ou physique) ; il s'entend, de la même manière qu'en droit civil, de la

personne qui a la garde de la chose, à savoir, qui en a l'usage, la direction et le contrôle »498

.

Il est celui qui met en marche l'intelligence artificielle afin qu'elle puisse entamer son

processus de création. Son niveau d'implication dans la création dépendra du type d'IA. Par

exemple, si nous reprenons l'exemple des robots ayant pour fonction la reproduction des

objets placés devant eux, l'utilisateur choisit le sujet à reproduire et le positionne dans des

conditions propices à une bonne qualité de reproduction. Il choisit également les couleurs,

le type d'outil pour exécuter le travail et le type de support499

. Plus il contrôle de variables,

plus il a un impact sur le résultat final.

La Loi fait volontairement une distinction entre l'auteur et le titulaire des droits. Le titulaire

n'a pas besoin d'avoir une implication dans le processus de création pour pouvoir détenir les

droits d'auteur, sinon cette distinction établie par la Loi serait vide de sens. Nous pouvons

nous inspirer du modèle des articles de l'Angleterre500

, la Nouvelle-Zélande501

et

l'Irlande502

, selon lesquels la personne qui a pris les dispositions nécessaires à la création de

l'œuvre est l'auteur pour justifier que l'utilisateur puisse être le titulaire des droits. En

l'espèce, les choix effectués par l'utilisateur permettent de faire de lui la personne qui a

rendu la création possible. Par exemple, s'il s'agissait d'une IA capable de composer de la

musique, la simple demande à l'IA de composer une musique symphonique avec un

498 Claudia GESTIN-VILION, La protection par le droit d'auteur des créations générées par intelligence artificielle,

Mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de droit, Université Laval et Université Paris-Sud, 2017, p. 63. 499 Ibid, p. 42. 500 Article 9 (3) Copyright, Designs and Patents Act, 1988, c. 48 : In the case of a literary, dramatic, musical or artistic

work which is computer-generated, the author shall be taken to be the person by whom the arrangements necessary for

the creation of the work are undertaken. 501 Article 5(2) a) Copyright Act, 1994 : For the purposes of subsection (1), the person who creates a work shall be taken

to be,— (a) in the case of a literary, dramatic, musical, or artistic work that is computer-generated, the person by whom

the arrangements necessary for the creation of the work are undertaken. 502 Article 21 (f) Copyright and Related Rights Act, 2000 (No. 28/2000) : In this Act, "author" means the person who

creates a work and includes : (f) in the case of a work which is computer-generated, the person by whom the

arrangements necessary for the creation of the work are undertaken.

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instrument précis, un tempo et une durée503

va rendre la création de cette musique possible.

Pour cette raison, l'utilisateur devrait être la personne qui détient la titularité des droits. La

disposition qui attribuerait ces droits pourrait se retrouver à l'article 13 de la Loi et pourrait

se libeller comme suit : Lorsque l'auteur de l'œuvre est un programme d'intelligence

artificielle, l'utilisateur est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire du droit

d'auteur puisqu'il est considéré comme la personne ayant pris les dispositions nécessaires à

la création de l'œuvre. Par l'attribution des droits patrimoniaux dans la Loi, la question ne

poserait plus de difficulté et serait bien encadrée.

Même si la question de la titularité semble réglée, il demeure pertinent d'étudier la

possibilité d'attribuer les droits patrimoniaux à un autre intervenant.

2.2.3. Le programmeur de l'intelligence artificielle

Tel qu'illustré précédemment, il n'était pas impossible d'envisager le programmeur comme

l'auteur des créations générées par intelligence artificielle puisqu'il est à l'origine de

l'existence de l'IA. Il accomplit un travail important avant qu'elle soit capable de créer quoi

que ce soit. L'implication, l'influence et le contrôle qu'a le programmeur sur l'intelligence

artificielle permettaient d'envisager que ce dernier ait la qualité d'auteur.

Malgré ces éléments en faveur de sa paternité, il a été démontré qu'il ne s'agissait pas de la

meilleure solution puisqu'en fait, le talent et le jugement dont il fait preuve sont sur la

création du programme d'intelligence artificielle en lui-même. Puis, le droit d'auteur actuel

reconnait déjà sa qualité d'auteur sur ce programme informatique. Là où la frontière devient

de plus en plus floue est lorsque l'intelligence artificielle crée de manière autonome sans

que le programmeur n'ait codé des instructions précises sur quoi faire et sur comment le

réaliser. Lui-même ne peut prédire le résultat de l'œuvre. Dans ces situations, il s'avère

difficile de lui accorder la qualité d'auteur.

Par contre, qu'en est-il de la possibilité de lui accorder la titularité des droits ? Tel que

mentionné auparavant, le titulaire des droits est celui qui détient les droits patrimoniaux.

503 François LEMAY, « Intelligence artificielle : la fin du musicien ? », Ici Musique, 7 septembre 2017, en ligne :

<https://www.icimusique.ca/articles/19007/intelligence-artificielle-la-fin-du-musicien>.

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Malgré la règle générale504

, le premier titulaire des droits n'est pas forcément l'auteur.

Ainsi, le programmeur pourrait également se voir accorder la titularité des droits par la

création d'une exception supplémentaire en sa faveur. Bien que cela permettrait de le

récompenser à juste prix pour le travail colossal qu'il effectue pour créer le programme

d'intelligence artificielle, il ne s'agit pas de la meilleure alternative. Il est vrai qu'il est

probablement l'intervenant qui, par son travail, se rapproche le plus du créateur de l'œuvre.

Cependant, il ne faut pas accorder la titularité des droits à une personne, simplement parce

qu'elle semble être l'option la moins dérangeante. Nous sommes portés à vouloir lui

accorder la titularité pour les mêmes raisons qu'il peut être considéré comme un auteur

envisageable. Or, le travail qu'il effectue est déjà reconnu par le droit d'auteur. Son

programme est protégé en tant qu'œuvre littéraire.

Accorder la titularité des droits au profit du programmeur de l'intelligence artificielle

poserait plutôt des difficultés. Prenons, par exemple, la situation hypothétique où il crée une

IA capable de composer de la musique. Celle-ci est vendue en grand nombre sur le marché

et est à l'origine de plusieurs oeuvres musicales. Il va être extrêmement difficile, voire

impossible pour le programmeur de savoir si des oeuvres ont été créées, quand elles ont été

réalisées, à quels endroits elles ont été créées, etc. Il pourra très difficilement protéger et

faire valoir ses droits puisqu'il n'aura plus aucun contrôle sur les oeuvres.

Pour cette raison, le programmeur ne devrait pas être titulaire des droits. Le travail effectué

par le programmeur qui permet de donner vie à ces robots intelligents et qui rend l'IA

capable de créer des oeuvres est reconnu par le droit d'auteur avec justesse. Ce n'est pas

nécessaire ni justifié de lui accorder la titularité des droits sur les créations générées par IA

juste pour le récompenser davantage de son travail. Cette option rendrait l'application du

droit d'auteur difficile et donnerait la possibilité aux détenteurs des programmes

d'intelligence artificielle de profiter injustement de droits qu'ils ne doivent pas leur revenir.

504 Article 13 (1) LDA.

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2.2.4. Le propriétaire de l'intelligence artificielle

Encore une fois, il a été démontré dans la première partie de ce mémoire que le propriétaire

ne présentait pas réellement une option envisageable d'auteur. Une analogie était faite avec

l'ancien régime canadien de la photographie. En effet, avant la réforme de 2012, la Loi

considérait que l'auteur, et par le fait même le titulaire des droits de la photo, était le

propriétaire de l'appareil photo même s'il n'était pas celui qui avait pris le cliché. Plusieurs

années avant la modernisation de la Loi en 2012, cet article était déjà contesté. Les

tribunaux étaient réticents d'appliquer la règle. D'ailleurs, certains allaient même jusqu'à

ignorer cette disposition505

.

Par contre, il a été répété à plusieurs reprises que le titulaire des droits n'a pas forcément

besoin d'être intervenu dans le processus de création de l'œuvre pour qu'il puisse détenir les

droits. Ainsi, le propriétaire de l'intelligence artificielle pourrait-il être le premier titulaire

des droits d'auteur ?

Il s'agit d'une option envisageable dans la mesure où la création par une intelligence

artificielle peut être assimilable à une œuvre exécutée dans le cadre d'un emploi par un

employé. En vertu de l'article 13 (3) de la Loi, les droits d'auteur sur les oeuvres exécutées

dans le cadre d'un emploi appartiennent à l'employeur. Cette disposition est une exception

au principe général selon lequel, l'auteur est le premier titulaire des droits. « L'employeur

devient titulaire du droit d'auteur, car l'on s'attend dans un système capitaliste que les

matériaux produits par un employé reviennent à l'employeur. Sans l'emploi, il n'y aurait

vraisemblablement pas eu de production. Cette justification est conforme à la conception

selon laquelle l'employeur fournit généralement les matières premières ainsi que

l'infrastructure pour la création ou la production et qu'il rémunère l'employé pour ses

efforts »506

. L'œuvre exécutée dans le cadre de l'emploi couvre tant les situations où

l'employé reçoit des directives très précises sur l'œuvre qu'il doit réaliser et les situations où

il bénéficie d'une grande indépendance.

505 Ysolde GENDREAU, Axel NORDEMANN et Rainer OESCH, supra, note 311. 506 Davis LAMETTI, « Les auteurs sont-ils des employés ? Certaines réflexions sur la propriété des droits d'auteur dans le

contexte scolaire » (1999) 12 C.P.I. 11.

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Ainsi, l'œuvre exécutée par l'intelligence artificielle peut être assimilée à l'œuvre exécutée

par l'employé. Ce dernier est embauché pour créer quelque chose de particulier, que ce soit

une œuvre littéraire, artistique, musicale ou dramatique. Il doit répondre à la demande de

son employeur. C'est un peu le même principe pour l'IA, celle-ci a été créée pour accomplir

une ou des tâches précises. Dans les deux cas, l'employé ou l'IA vont généralement

répondre à une demande de service. Celle-ci peut être très précise comme elle peut être

laissée à la discrétion du créateur.

Par contre, une distinction entre deux situations doit être effectuée. Dans le cas où une

intelligence artificielle est utilisée dans le cadre de l'emploi, c'est l'employeur, qui est fort

probablement aussi le propriétaire de cette IA, qui devrait bénéficier de la titularité des

droits conformément à la Loi. L'exception de l'article 13 (3) de la Loi devrait s'appliquer de

la même manière qu'une œuvre réalisée par un employé. Il est celui qui fournit à

l'utilisateur de l'IA « les matières premières ainsi que l'infrastructure pour la création ou la

production » 507

. De plus, la rémunération que l'utilisateur de l'IA reçoit dans le cadre de son

travail permet de le récompenser pour ses efforts.

Cependant, dans le cas où une intelligence artificielle est utilisée dans un autre contexte que

l'emploi, le propriétaire de celle-ci ne devrait pas être celui qui bénéficie des droits.

Accorder la titularité à cette personne donne une impression de déjà vu avec l'ancien

régime de la photographie. En effet, si par exemple un membre de la famille du propriétaire

du programme d'IA décide de donner quelques instructions à l'IA pour créer une musique,

le propriétaire n'est aucunement intervenu dans ce processus. Il est vrai qu'il n'a pas besoin

de participer à la création pour être le titulaire des droits. Cependant, il semble plus logique

que celui qui a demandé à l'IA de créer quelque chose en bénéficie puisqu'il est celui qui a

pris les moyens nécessaires pour rendre cette création possible. Pour ces raisons,

l'utilisateur de l'IA est celui qui devrait bénéficier des droits.

507 Ibid.

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78

CONCLUSION

En conclusion, nous avons pu constater tout au long de ce mémoire que les créations

générées par intelligence artificielle alimentent plusieurs débats dans la littérature. Pour

certaines juridictions508

, les questions entourant ce type de créations se posent moins en

raison de leur législation plus tranchée. Alors que pour d'autres509

, une interprétation souple

du droit en vigueur ne permet pas d'exclure ces créations. La position du Canada sur ces

questions n'est pas encore connue puisque le pays ne s'y est toujours pas attardé510

.

L'absence de réponse claire du Canada a rendu la rédaction de ce mémoire possible. En

effet, celui-ci s'interrogeait sur le régime de droit d'auteur applicable aux créations générées

par intelligence artificielle. Plus précisément, il cherchait à mettre en lumière qui pourrait

être l'auteur et le titulaire des droits des créations générées par intelligence artificielle. Ces

questions de recherche étaient justifiées par les développements constants dans ce champ de

recherche.

Il est maintenant connu de tous que l'intelligence artificielle est capable de créer des œuvres

d'art. La qualité de leur travail atteint un niveau tel qu'il n'est plus possible de faire la

différence entre une création d'un robot et celle d'un humain. Il ne fait plus de doute que le

célèbre Test de Turing511

est réussi par ces robots. Ainsi, selon Alain Turing512

, nous

pouvons considérer ces machines comme étant intelligentes.

La première partie de ce mémoire visait à déterminer si l'intelligence artificielle pouvait

être l'auteure de ses propres créations. Par contre, avant d'arriver à cette conclusion, une

analyse approfondie des auteurs envisageables a été effectuée afin d'établir si un des

intervenants dans le processus de création par l'intelligence artificielle pouvait

conformément être l'auteur.

508 Par exemple : Les États-Unis, l'Australie et la France. 509 Par exemple : Le Canada. 510 Camille AUBIN et Justin FREEDIN, supra, note 116; Antoine GUILMAIN, Antoine AYLWIN et Karl DELWAIDE,

« Intelligence artificielle et protection des renseignements personnels au Canada : La priorité pour 2018 », Fasken, 16

janvier 2018, en ligne : <https://unik.caij.qc.ca/recherche#t=unik&sort=relevancy&m=detailed&unikid=PC-a103191>. 511 Stuart J. RUSSELL et Peter NORVIG, supra, note 28. 512 Jean-Paul HATON et Marie-Christine HATON, supra, note 27.

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79

L'utilisateur de l'intelligence artificielle a d'abord été envisagé comme l'auteur de ces

créations. Lorsque le programme d'IA est davantage considéré comme un outil utilisé par

l'artiste, tout comme le serait un pinceau, un crayon ou un appareil photo513

, il semble

évident que les droits d'auteur reviennent à l'utilisateur. Toutefois, ce mémoire vise

davantage les cas où l'intelligence artificielle est « capable d'apprentissage et d'autonomie

décisionnelle »514

. Ainsi, elle est capable de créer de manière autonome. Dans ces

situations, le rôle de l'utilisateur est grandement réduit. Il ne fait que mettre en marche l'IA

et lui imposer des conditions qui comme nous l'avons vu peuvent simplement être

assimilées à des contraintes qu'un employé ou un élève se verraient imposées. Cela n'est pas

suffisant pour satisfaire les critères de protection en droit d'auteur. Pour ces raisons, cette

option n'a pas été favorisée.

Le programmeur a été la deuxième personne envisagée, dans le cadre de cette étude. Cette

proposition est soutenue par plusieurs États515

qui considérèrent que l'auteur est la personne

qui a pris les dispositions nécessaires à la création des oeuvres générées par ordinateur. En

étant l'auteur des lignes de code à l'origine des actions de l'intelligence artificielle, nous

pouvons penser que le programmeur est cette personne. Cependant, la distance entre ce que

le programmeur a codé et le résultat de l'œuvre créée peut être importante516

. Il est possible

que l'intelligence artificielle crée une œuvre « complètement inattendu[e] et non souhaité[e]

par la personne à l'origine de la programmation »517

. Malgré l'important travail que le

programmeur doit effectuer pour réaliser l'IA et la rendre capable de créer de manière

autonome, il semble plus difficile de pouvoir accorder la qualité d'auteur à cette personne

lorsqu'il n'a aucun contrôle sur la création d'une œuvre. Par conséquent, le programmeur ne

devrait pas être l'auteur.

Le propriétaire de l'intelligence artificielle a aussi été proposé. Cette proposition s'inspirait

de l'ancien régime de la photographie selon lequel « le propriétaire, au moment de la

513 Andres GUADAMUZ, supra, note 69. 514 Alexandra BENSAMOUN, supra, note 120. 515 C'est notamment la solution que l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande et l'Irlande ont retenue : Article 9 (3)

Copyright, Designs and Patents Act, 1988, c. 48; Article 5(2) a) Copyright Act, 1994; Article 21 (f) Copyright and

Related Rights Act, 2000 (No. 28/2000). 516 Andrée-Anne PERRAS-FORTIN, supra, note 285. 517 Ibid.

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confection du cliché initial ou de la planche ou, lorsqu’il n’y a pas de cliché ou de planche,

de l’original est considéré comme l’auteur de la photographie »518

. Cependant, bien que

cette option soit envisageable, celle-ci n'est certainement pas la plus appropriée. Déjà à

l'époque, les tribunaux étaient réticents d'appliquer la disposition accordant l'autorat au

propriétaire de l'appareil photo. Certains allaient même jusqu'à l'ignorer519

. Il serait donc

dérisoire de créer un nouveau régime distinct pour l'intelligence artificielle qui se fonde sur

un modèle qui est reconnu comme dépassé depuis plusieurs années. De surcroît, il n'y a

aucune raison qui justifie d'ignorer le critère d'originalité pour accorder la protection.

Ces alternatives étaient étudiées afin de déterminer si une personne physique qui intervient

dans le processus de création pouvait être l'auteur de l'œuvre générée par intelligence

artificielle en vertu du droit en vigueur. Une réponse affirmative aurait fortement simplifié

l'enjeu juridique causé par ce type de création. Par contre, il n'y a pas de solutions idéales.

Puis, accorder l'autorat à une de ces personnes simplement parce qu'elle s'avère l'option la

moins choquante ne semble pas compatible avec l'objectif de la Loi. La meilleure solution

est de reconnaitre au créateur de l'œuvre la qualité d'auteur.

« L'humain conçoit le robot (virtuel ou physique), à des fins de création, mais une fois la

réalisation de celui-ci achevée, il lui échappe, et l'auteur perd le contrôle du processus

créatif »520

. L'intelligence artificielle devient donc à l'origine de la création de l'œuvre.

Puisque le processus créatif n'émane pas forcément d'une personne humaine, le droit

n'arrive pas à bien appréhender cette situation. D'ailleurs, reconnaitre l'IA comme l'auteur

est une alternative très mitigée. Le principal argument s'opposant à cette alternative est que

le droit d'auteur attribue la qualité d'auteur à une personne physique521

. Or, le libellé de la

Loi et des textes internationaux522

ne précisent pas formellement que l'auteur doit être un

humain.

518 Article 10 (2) LDA de la version en vigueur du 12-12-2005 au 11-06-2012. 519 Ysolde GENDREAU, Axel NORDEMANN et Rainer OESCH, supra, note 311. 520 Claudia GESTIN-VILION, La protection par le droit d'auteur des créations générées par intelligence artificielle,

Mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de droit, Université Laval et Université Paris-Sud, 2017, p. 92. 521 Éric LAVALLÉE, supra, note 118. 522 Guillem QUERZOLA, supra, note 328.

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Pour que l'IA puisse être l'auteure, il fallait avant tout faire la démonstration qu'elle peut

faire preuve de talent et de jugement. De cette façon, son œuvre peut être considérée

comme originale. Les programmes d'intelligence artificielle sont capables d'apprentissage

automatique et d'apprentissage profond. Ils s'améliorent avec le temps, ils « construisent

leur savoir en s'entrainant et en répétant des tâches, s'émancipant ainsi de leur

programmation initiale »523

. L'IA est capable de « générer des associations inédites

d'éléments, de combiner les enseignements de disciplines scientifiques différentes, de

produire, sans intervention humaine, des constructions intellectuelles »524

. Elle peut créer

quelque chose de totalement inattendu pour le programmeur et ne plus nécessiter

d'implication humaine supplémentaire525

. Elle s'inspire des oeuvres qui lui ont été montrées,

« mais y ajoute une part d'imprévu »526

. Ainsi, la condition de talent est rencontrée

puisqu'elle a recours à ses connaissances personnelles, à une aptitude acquise ou à une

compétence issue de son l’expérience pour produire l’œuvre527

. D'autre part, l'IA peut faire

preuve de jugement puisque pendant le processus de création, elle a un éventail de

possibilités. Par contre, elle choisit celle qui est plus susceptible de réussir ou de plaire528

.

En somme, l'IA peut être originale et donc pourrait être l'auteure, ce qui confirme

l'hypothèse établie en introduction.

Pour qu'elle puisse être légitimement l'auteure, l'intelligence artificielle devrait se voir

accorder une personnalité juridique. Cet enjeu soulève également plusieurs débats dans la

doctrine. Cette proposition n'est évidemment pas soutenue par la majorité. Pourtant,

l'intelligence artificielle est de plus en plus autonome et capable « de réagir seul[e] à

l'environnement et à un certain degré d'imprévu […] [ainsi] il est temps de créer un droit

des robots pour que demain, ils deviennent des sujets de droit »529

. Leurs agissements ne

dépendent plus forcément d'une intervention humaine d'où l'intérêt de leur accorder une

personnalité juridique suivant un modèle similaire à celui de la personne morale. D'autre

part, selon l'auteure, Pamela McCorduck, refuser de reconnaitre une personnalité juridique

523 Jacques LARRIEU, supra, note 305. 524 Ibid. 525 James WAGNER, supra, note 356. 526 Guillem QUERZOLA, supra, note 328. 527 CCH, par.16. 528 James WAGNER, supra, note 373. 529 Alain BENSOUSSAN, supra, note 400.

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à l'intelligence artificielle parce qu'elle n'a pas de corps humain est inapproprié. Elle

considère que cet argument est similaire aux affirmations des médecins du XIXe

siècle

selon lesquelles les femmes ne pouvaient pas penser parce qu'elles ont un corps féminin530

.

Les arguments qui s'opposaient à la reconnaissance d'une personnalité juridique à l'IA n'ont

pas été suffisamment convaincants. Par exemple, fonder son refus envers cette proposition

sur des arguments tels que la prématurité ou le manque de fondement juridique confirment

plutôt que le milieu juridique est conservateur, réfractaire aux changements et ne veut pas

tenir compte des évolutions technologiques lorsque cela chamboule des règles juridiques

bien établies.

Il a été démontré qu'il ne s'agit pas de tous les types d'intelligence artificielle qui pourraient

bénéficier de cette personnalité robot. Dans la définition sur les robots autonomes et

intelligents, le Parlement européen a énoncé quatre critères dont trois m'apparaissent

comme un bon modèle à suivre pour définir cette notion. Ces critères consistent en « [1] la

capacité d’acquisition d’autonomie grâce à des capteurs et/ou à l’échange de données avec

l’environnement (interconnectivité) et l’analyse de données; [2] la capacité d’apprentissage

à travers l’expérience et l’interaction; […] [et] [3] la capacité d’adaptation de son

comportement et de ses actes à son environnement »531

. Les recherches dans le domaine de

l'IA se poursuivent quotidiennement et de grands progrès sont encore à venir. Ainsi, il est

important d'établir des conditions d'application minimales et flexibles afin que cette notion

puisse s'adapter aux évolutions et qu'il soit possible de déterminer à quel moment un

programme d'intelligence artificielle est suffisamment intelligent pour recevoir la qualité

juridique de personne robot.

Malgré la position favorable à la reconnaissance d'une personnalité juridique à l'intelligence

artificielle, il est préférable qu'une exception en faveur d'un titulaire des droits distincts soit

établie par la Loi en raison des difficultés qu'impliquerait le fait d'accorder la titularité à

l'IA. En effet, l'IA pourrait difficilement, par elle-même, assurer le respect de ses droits et

conclure des ententes pour l'exploitation ou la cession de ses droits patrimoniaux

530 Marshall S. WILLICK, supra, note 400; Pamela MCCORDUCK, supra, note 400. 531 Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant

des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103(INL)).

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puisqu'elle n'est pas créée pour cette fonction. L'intervention d'un représentant serait

constamment nécessaire pour l'exploitation de ses droits. Par conséquent, il vaut mieux

attribuer légalement ces droits à une personne physique.

Ainsi, la possibilité d'accorder la titularité des droits a été étudiée pour les mêmes

intervenants. Le programmeur pourrait se voir accorder la titularité des droits par la

création d'une exception en sa faveur. Même si cela permettrait de le récompenser à juste

prix pour le travail colossal qu'il effectue pour créer le programme d'intelligence artificielle,

il a été démontré qu'il ne s'agit pas forcément de la meilleure alternative. L'hypothèse

envisagée en introduction doit donc être infirmée. En effet, dès que l'IA serait mise en vente

sur le marché, il serait extrêmement difficile, voire impossible pour le programmeur de

protéger et faire valoir ses droits puisqu'il n'aurait plus aucun contrôle sur les oeuvres. Cette

option aurait plutôt pour effet de rendre l'application du droit d'auteur difficile.

Ensuite, le propriétaire de l'IA a été envisagé. Cependant, cette possibilité a également été

exclue. Accorder la titularité à cet intervenant rappelle légèrement l'ancien régime de la

photographie. Cependant, il a été démontré qu'il apparait plus logique que la personne ayant

demandé à l'IA de créer quelque chose en bénéficie puisqu'elle est celle qui a pris les

moyens nécessaires pour rendre cette création possible.

Ainsi, l'utilisateur de l'intelligence artificielle devrait être celui qui bénéficie de la titularité

des droits. En s'inspirant du modèle des articles de l'Angleterre532

, la Nouvelle-Zélande533

et

l'Irlande534

, il est possible de conclure que les choix effectués par l'utilisateur permettent de

faire de lui la personne qui a rendu la création possible. Par conséquent, lui accorder la

titularité des droits semble approprié.

532 Article 9 (3) Copyright, Designs and Patents Act, 1988, c. 48 : In the case of a literary, dramatic, musical or artistic

work which is computer-generated, the author shall be taken to be the person by whom the arrangements necessary for

the creation of the work are undertaken. 533 Article 5(2) a) Copyright Act, 1994 : For the purposes of subsection (1), the person who creates a work shall be taken

to be,— (a) in the case of a literary, dramatic, musical, or artistic work that is computer-generated, the person by whom

the arrangements necessary for the creation of the work are undertaken.

534 Article 21 (f) Copyright and Related Rights Act, 2000 (No. 28/2000) : In this Act, "author" means the person who

creates a work and includes : (f) in the case of a work which is computer-generated, the person by whom the

arrangements necessary for the creation of the work are undertaken.

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84

En somme, reconnaitre une personnalité juridique à l'intelligence artificielle, la reconnaitre

comme l'auteure de ses oeuvres et attribuer la titularité des droits à l'utilisateur de l'IA

impliquent certes des ajustements relativement importants aux droits. Par exemple, le Code

civil du Québec devrait ajouter une nouvelle section sur la personne robot afin d'encadrer

spécifiquement cette personnalité. Cependant, ce régime serait fortement inspiré de celui de

la personne morale. D'autre part, la Loi sur le droit d'auteur devrait également connaitre

quelques modifications. Parmi ceux-ci, nous pouvons noter la possibilité pour la personne

robot d'être l'auteure de ses créations. Ensuite, il faudrait une nouvelle exception à

l'article 13 de la Loi suivant le même modèle de l'œuvre exécutée dans l’exercice d’un

emploi afin de tenir compte de cette nouvelle situation. Une exception quant à la durée du

droit d'auteur des créations générées par IA devrait également être ajoutée. Un article

suivant les mêmes règles que les oeuvres cinématographiques semblerait simple et logique

à suivre535

. Enfin, les règles entourant les droits moraux resteraient les mêmes. La seule

différence serait qu'ils seraient revendiqués par le représentant légal. L'objectif avec

l'intégration de ces créations dans la Loi n'est pas d'apporter d'importantes modifications au

droit en vigueur, mais plutôt de l'adapter à cette nouvelle réalité. Ces modifications ne sont

pas impossibles et ont pour la plupart une ou des dispositions servant de référence et de

modèle.

« Il appartiendra au législateur de prendre position : soit de légiférer pour tenir compte

d’une spécificité et créer des règles propres à la protection des créations réalisées par des

technologies robotiques, soit d’accepter l’idée d’une déperdition de valeur de ces créations

en courant le risque de les voir tomber instantanément dans le domaine public »536

. En

effet, le défaut d'auteur et de titulaire des droits aura pour effet de faire tomber ces créations

dans le domaine public. Cela n'est pas sans conséquence puisque si personne ne bénéficie

de quelconques avantages économiques tels que l'exploitation des droits patrimoniaux, quel

serait l'intérêt pour des professionnels et des entreprises de dépenser du temps et de l'argent

dans le développement de programmes sophistiqués d'IA. Il a été démontré que cela

535 Article 11.1 LDA. 536 Marie SOULEZ, « IA : un robot créateur est-il un auteur ? », Ina Global, 12 février 2018, en ligne :

<https://www.inaglobal.fr/numerique/article/ia-un-robot-createur-est-il-un-auteur-10086>.

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pourrait être un frein à la créativité et à l'innovation dont les grands perdants seraient la

société.

Enfin, ce mémoire s'intéressait précisément à l'enjeu du droit d'auteur. Cependant, croire

que les problématiques ne se limitent qu'à ce domaine serait illusoire. L'impact de

l'intelligence artificielle vise de nombreux domaines537

. Il est possible de penser au milieu

du travail qui est de plus en plus touché, le secteur de la santé, le service à la clientèle, le

secteur financier, les voitures autonomes, la responsabilité civile, les renseignements

personnels538

, les brevets, les questions d'éthique qui se posent539

, etc. L'IA intègre de plus

en plus toutes les sphères de notre société. Il n'est plus possible de simplement l'éviter

puisque de réelles conséquences juridiques peuvent en découler. Ce mémoire n'effleurait

qu'une petite partie des « défis potentiels auxquels le système juridique canadien devra faire

face »540

au courant des prochaines années. Chose certaine, un cadre légal devra faire l'objet

de réflexions au cours des prochaines années afin de minimalement « garantir une sécurité

juridique pour tous les intervenants (secteur public, secteur privé, citoyens), tout en

favorisant l'innovation et les investissements dans le domaine »541

.

537 Jean-Sébastien DESROCHES et Shan JIANG, supra, note 21; C. Andrew KEISNER, Julio RAFFO et Sacha WUNSCH-

VINCENT, supra, note 434. 538 Joanna GENOVESE, « Robotique : un encadrement de la législation souhaitable » (2018) 3 Comm. com. électr. étude 6. 539 Alain BENSOUSSAN, « Le droit des robots ; de l'éthique au droit », 24 Planète Robots 24. 540 Camille AUBIN et Justin FREEDIN, supra, note 116. 541 Antoine GUILMAIN, Antoine AYLWIN et Karl DELWAIDE, supra, note 510.

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douée », Le Monde, 22 décembre 2015, en ligne :

<https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/12/22/apprentissage-l-intelligence-

artificielle-une-eleve-de-plus-en-plus-douee_4836339_4408996.html>

TUAL, M., « Intelligence artificielle : quand la machine imite l'artiste », Le Monde, 8

septembre 2015, en ligne :

<https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/09/08/intelligence-artificielle-les-

machines-peuvent-elles-etre-creatives_4749254_4408996.html>

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100

TUAL, M., « Une intelligence artificielle écrit le scénario d’un court-métrage », Le

Monde, 10 juin 2016, en ligne :

<http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/06/10/une-intelligence-artificielle-ecrit-

le-scenario-d-un-court-metrage_4947819_4408996.html>

VERBEKE, L., « Aux origines de l'Intelligence artificielle », France Culture, 31 mars

2018, en ligne : <https://www.franceculture.fr/numerique/aux-origines-de-

lintelligence-artificielle>

VINCENT, J., « This AI-written pop song is almost certainly a dire warning for

humanity », The Verge, 26 septembre 2016, en ligne :

<https://www.theverge.com/2016/9/26/13055938/ai-pop-song-daddys-car-sony>

ZTÉLÉ, « 10 concepts/gadgets élaborés par la science-fiction devenus réalité »,

Ztélé, en ligne : <http://www.ztele.com/articles/10-concepts-gadgets-elabores-par-

la-science-fiction-devenus-realite-1.47961>

Rapports d'organismes

COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS, Comment permettre

à l'homme de garder la main ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de

l'intelligence artificielle, Synthèse du débat public animé par la CNIL dans le cadre

de la mission de réflexion éthique confiée par la Loi pour une république

numérique, France, 2017

Rapport du 27 janvier 2017 contenant des recommandations à la Commission

concernant des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103(INL))

Mémoire de maîtrise

GESTIN-VILION, C., La protection par le droit d'auteur des créations générées par

intelligence artificielle, Mémoire de maîtrise, Québec, Faculté de droit, Université

Laval et Université Paris-Sud, 2017

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101

ANNEXE 1542

542 Bastien L., « Google Deep Dream – Une IA capable de créer des œuvres d’art », Artificiel.net, 3 avril 2017, en ligne :

<http://www.artificiel.net/google-deep-dream-0304>.

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ANNEXE 2543

Daddy's, car - Benoît Carré ft. Flow Machines

Ahhhhhh ahhhhhh ahhhhhh

Ahhhhhh ahhhhhh ahhhhhh

Take me to the diamond sky (take me to the diamond sky)

Now I'm gonna figure out (Now I'm gonna figure out)

In daddy's car, it sounds so good

Like something new, it turns me on

Good day sunshine in the backseat car

I wish that road could never stop

Down on the ground

The rainbow led me to the sun

Please mother drive, and then play it again

The taxman unveiled tomorrow, never know

Now I see the other side

Take me to the diamond sky

Now I'm gonna figure out

Take me on a distant sky

Yks dnomaid a no em ekat (x2)

Every day I gotta work downtown

I'm drowning in, the traffic jam

Down on the ground

The taxi leads me to nowhere, man

Please mother drive me, play it again, in your car

There's nothing here, nothing there, and everywhere

Ahhhhhh

Ahhhhhh

Ahhhhhh

Now I see the other side

Take me to the diamond sky (take me to the diamond sky)

Now I'm gonna figure out (Now I'm gonna figure out)

543 GENIUS, « Benoît Carré (Ft. Flow Machines) – Daddy’s Car », Genius, en ligne : <https://genius.com/Benoit-carre-

daddys-car-lyrics>.

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Take me on the distant sky (Take me to the diaaaamond)

Sky-yyy-yyyyykS

(eht ot em ekaT) tnatsid a no em ekaT

Tuo erugif annog m'I woN

Tuo erugif annog m'I woN

Yks dnomaid eht ot em ekat

Yks dnomaid eht ot em ekat

Eht ot em ekat

Yks tnatsid a no em ekat

Tuo erugif annog m'I woH

Tuo erugif annog m'I woh...

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ANNEXE 3544

544 NEWSROOM, « e-David, le robot qui a une vrai fibre artistique », Humanoides magazine, 8 août 2013, en ligne :

<https://humanoides.fr/e-david-le-robot-qui-a-une-vraie-fibre-artistique/>; Axel CERELOZ, « e-David, robot artiste

peintre », Presse citron, 15 juillet 2013, en ligne : <https://www.presse-citron.net/e-david-robot-artiste-peintre-video/>.

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ANNEXE 4545

545 Dominique DESAUNAY, « The Next Rembrandt, l'impression 3D de vraies fausses toiles de maîtres », RFI, 10 avril

2016, en ligne : <http://www.rfi.fr/emission/20160410-the-next-rembrandt-impression-3d-vraies-fausses-toiles-maitres>.

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ANNEXE 5546

546 NEWSROOM, « Le robot Paul vous tire le portrait », Humanoides magazine, 28 octobre 2012, en ligne :

<https://humanoides.fr/le-robot-paul-vous-tire-le-portrait/>.

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