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HAL Id: dumas-01872992 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01872992 Submitted on 12 Sep 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La prise en compte des inégalités environnementales, une réponse pour un développement urbain durable ? Le cas de l’opération de renouvellement urbain du quartier de Python-Duvernois à Paris Ivana Maudet To cite this version: Ivana Maudet. La prise en compte des inégalités environnementales, une réponse pour un développe- ment urbain durable ? Le cas de l’opération de renouvellement urbain du quartier de Python-Duvernois à Paris. Architecture, aménagement de l’espace. 2018. dumas-01872992

La prise en compte des inégalités environnementales, une

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Page 1: La prise en compte des inégalités environnementales, une

HAL Id: dumas-01872992https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01872992

Submitted on 12 Sep 2018

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

La prise en compte des inégalités environnementales,une réponse pour un développement urbain durable ? Lecas de l’opération de renouvellement urbain du quartier

de Python-Duvernois à ParisIvana Maudet

To cite this version:Ivana Maudet. La prise en compte des inégalités environnementales, une réponse pour un développe-ment urbain durable ? Le cas de l’opération de renouvellement urbain du quartier de Python-Duvernoisà Paris. Architecture, aménagement de l’espace. 2018. �dumas-01872992�

Page 2: La prise en compte des inégalités environnementales, une

[LAPRISEENCOMPTEDESINÉGALITÉSENVIRONNEMENTALES:UNERÉPONSEPOURUNDÉVELOPPEMENTURBAIN

DURABLE?]

Lecasdel’opérationderenouvellementurbainduquartierdePython-DuvernoisàParis

IvanaMAUDETSousladirectiond’AdrianaDIACONU

Master2UrbanismeetProjetUrbainInstitutd’UrbanismeetdeGéographieAlpineSeptembre2018

Page 3: La prise en compte des inégalités environnementales, une
Page 4: La prise en compte des inégalités environnementales, une

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Il y avait ainsi des êtres, dans la France du siècle numéro vingt-et-un, qui vivaient sur labanded'arrêtd'urgence.SylvainTesson,Surlescheminsnoirs.

Page 5: La prise en compte des inégalités environnementales, une

2

Page 6: La prise en compte des inégalités environnementales, une

3

NOTICEANALYTIQUE

ProjetdeFind’Études

Master2UrbanismeetProjetUrbain

+ NOMETPRÉNOMDEL’AUTEUR:

MAUDETIvana

+ TITREDUMÉMOIRE:

La prise en compte des inégalités

environnementales:uneréponsepourun

développementurbaindurable?Lecasde

l’opération de renouvellement urbain du

quartierdePython-DuvernoisàParis

+ DATEDESOUTENANCE:

7septembre2018

+ ORGANISMED’AFFILIATION:

Institut d’Urbanisme et de Géographie

Alpine

+ ORGANISMED’ACCUEIL

D’ALTERNANCE:

Direction de l’Urbanisme, Service de

l’Aménagement,MairiedeParis

+ DIRECTEUR DU PROJET DE FIN

D’ÉTUDES:

AdrianaDiaconu

+ COLLATION:

• Nombredepages:106

• Nombred’annexes:0

• Nombrederéférences

bibliographiques:59

+ MOTS-CLÉS:

Inégalités environnementales, Justice

environnementale, renouvellement

urbain, développement urbain durable,

santé

+ MOTS-CLÉSGÉOGRAPHIQUES:

Paris, 20e arrondissement, quartier

Python-Duvernois

Page 7: La prise en compte des inégalités environnementales, une

4

Page 8: La prise en compte des inégalités environnementales, une

5

RÉSUMÉ

À l’heure où la croissance des villes pose de sérieuses problématiques

environnementales, les politiques de renouvellement urbain apparaissent comme une

réponse à l’étalement urbain et à la consommation de ressources naturelles. Dans une

volontédedéveloppementdurableetderéductiondesinégalités,lapuissancepubliquemet

enplacedesactionspourunediscriminationpositivedesquartiersendifficulté.Cesactions

vers une démarche de durabilité sont-elles suffisantes? Peuvent-elles réellement être

opérationnelles? En nous tournant vers la notion d’inégalité environnementale, certaines

réponses peuvent être apportées. Avec l’essor de ce concept, de nouvelles priorités

semblent apparaître. Une ville plus juste ne serait-elle pas alors la réponse pour un

développementurbainquisoitplusdurable?

ABSTRACT

At a time when the growth of cities poses serious environmental issues, urban

renewal policies appear as a response to urban sprawl and the consumption of natural

resources. In a desire for sustainable development and the reduction of inequalities, the

public authorities implement actions for positive discrimination of neighborhoods in

difficulty.Aretheseactionstowardsasustainabilityapproachsufficient?Cantheyreallybe

operational? By turning to the notion of environmental inequality, some answers can be

found. With the rise of this concept, new priorities seem to appear. Would not a more

unprejudicedcitybeasolutionforamoresustainableurbandevelopment?

Page 9: La prise en compte des inégalités environnementales, une

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Page 10: La prise en compte des inégalités environnementales, une

7

REMERCIEMENTS

Ce travail, qui vientmarquer la findemoncursusuniversitaire, aeupourmoides

allures de défi que je pense avoir su relever. Je tire une grande satisfaction de cette

expérience enrichissante sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, et plus

globalementdecetteannéepasséeentrelaDirectiondel’UrbanismedelaVilledePariset

l’IUGA.Uneformulecomplètequim’apermisuneentréesereinedanslemondedutravail.

Jetienspourcelaàremerciermadirectricedemémoire,AdrianaDiaconu,pourses

conseils,letempsqu’ellem’aaccordé,etpours’êtrerendudisponiblepourmoi.

UnmercitoutparticulieràCarolineWajsfelner,unetutricegénéreuseetpédagogue

quim’afaitconfiance.Jelaremerciepoursonécoute,sapatience,etpourm’avoirtransmis

sesconnaissances.

Je remercie également les personnes qui se sont rendues disponibles et qui ont

acceptédeseprêteraujeudel’entretien.Mercidoncauxdeuxpersonnesquiontsouhaité

resteranonymesetàSergeBrunetpourletempsqu’ilsm’ontaccordé.

Jesouhaite,pourfinir,remercierlespersonnesdemonentouraged’avoircontribuéà

leur manière à ce mémoire. Merci donc à ma mère, Corinne, pour ses encouragements

réconfortants et son soutien sans faille. À Hervé, pour ses relectures attentives et ses

corrections.ÀBianca,poursonsoutien,mêmedepuisl’Australie.Etenfin,ungrandmercià

Mathieu,parfoisplusconfiantquemoi-même,pourm’avoiraccompagné,rassuré,supporté,

poursescorrectionsetsesconseilsprécieux.

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Page 12: La prise en compte des inégalités environnementales, une

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TABLEDESMATIÈRES

NOTICEANALYTIQUE.......................................................................................................................3

RÉSUMÉ..........................................................................................................................................5

REMERCIEMENTS............................................................................................................................7

TABLEDESMATIÈRES......................................................................................................................9

LISTEDESSIGLES...........................................................................................................................11

INTRODUCTION.............................................................................................................................13

CHAPITRE1LESINÉGALITÉSENVIRONNEMENTALES......................................................................23

PARTIE1:LESDIFFÉRENTESAPPROCHESDESINÉGALITÉSENVIRONNEMENTALESETDEL’ACTIONPUBLIQUE.......24

1. Delajusticeenvironnementaleauxinégalitésenvironnementales..................................24

a. LajusticeenvironnementaleauxÉtats-Unis…..............................................................................................24

b. …puisauRoyaume-Uni.................................................................................................................................26

2. L’approchefrançaisedesinégalitésenvironnementales...................................................28

a. Unenotionprotéiforme.................................................................................................................................28

b. Laterritorialisationdesinégalitéssocio-environnementales.......................................................................30

c. Uneévaluationdifficileduconceptd’inégalitéenvironnementale.............................................................33

3. Laconstructiond’uneactionpolitiquejuste.......................................................................35a. Lathéoriedelajusticefaceàl’environnement............................................................................................35

b. Construireuneéquitéenvironnementale.....................................................................................................38

PARTIE2:LEPROCESSUSD’INÉGALITÉENVIRONNEMENTALE:LECASDEPYTHON-DUVERNOIS........................41

1. Présentationduquartier.....................................................................................................41

a. Unquartierauxfortesbarrièresetrelégué..................................................................................................42

b. Unpasséindustrielquirenforcelesinégalitésterritoriales.........................................................................42

c. Unterritoiresourced’inégalité.....................................................................................................................44

2. Diagnosticenvironnemental...............................................................................................45

a. Unefragilisationsociale.................................................................................................................................45

b. Unfaibleaccèsauxaménitésurbaines.........................................................................................................48

c. Uneforteexpositionauxpollutionsetrisquesenvironnementaux.............................................................50

3. L’impactcumulatifdesinégalitésenvironnementales.......................................................51a. Uneffetdecumulrenforçantlavulnérabilitésociale…................................................................................51

b. …etdégradantlasantéhumaine..................................................................................................................53

CONCLUSION........................................................................................................................................57

Page 13: La prise en compte des inégalités environnementales, une

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CHAPITRE2APPRÉHENSIONDELANOTIOND'INÉGALITÉENVIRONNEMENTALEDANSLEPROJETDE

PYTHON-DUVERNOIS....................................................................................................................59

PARTIE1:UNPROJETDERENOUVELLEMENTURBAINQUIINTÈGRELESINÉGALITÉSENVIRONNEMENTALES........60

1. Laplaceoccupéeparlesinégalitésenvironnementalesdanslespolitiquespubliques....60

a. Lequartier:lanouvelleéchellepourlapolitiquedelaville........................................................................60

b. LesobjectifsduNPNRU2014-2024...............................................................................................................63

c. Lacontractualisationdesprojetsderenouvellementurbain.......................................................................65

2. Lescénariod’aménagementretenu...................................................................................67

a. Unquartier-parcvisantl’améliorationdelaqualitédevie..........................................................................67

b. Lastratégierésidentiellepourunquartiermixte.........................................................................................70

c. Renforcerl’ouvertureduquartierparunenouvelletrameviaire................................................................73

3. Lesoutilsmisenplacepourunetransversalitédel’actionpubliquelocale......................75

a. L’Étuded’ImpactEnvironnemental...............................................................................................................76

b. LaGestionUrbainedeProximité...................................................................................................................77

c. L’Évaluationd’ImpactsurlaSanté................................................................................................................79

PARTIE2:LESLIMITESDELAGOUVERNANCEDUPROJETDEPYTHON-DUVERNOIS..........................................82

1. Unedémarcheparticipativeinachevée..............................................................................82

a. LeprocessusparticipatifengagésurPython-Duvernois...............................................................................82

b. Desprioritésdivergentes...............................................................................................................................83

2. Lapolitiquedel’ANRUcréatricedenouvellesinégalités?................................................85

a. Lamixitésociale,unedémarcheinjuste?.....................................................................................................86

b. Unprincipedefinancementincitantladémolition......................................................................................88

c. Unepolitiqueproductricedegentrification..................................................................................................89

CONCLUSION........................................................................................................................................91

CONCLUSIONMÉTHODOLOGIEETSYNTHÈSEDUMÉMOIRE..........................................................93

BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................................99

TABLESDESTABLEAUX................................................................................................................105

TABLESDESFIGURES...................................................................................................................106

Page 14: La prise en compte des inégalités environnementales, une

11

LISTEDESSIGLES

AEU:Agenced’ÉcologieUrbaine

ANAH:AgenceNationaledel’Habitat

ANRU: Agence Nationale de Rénovation

Urbaine

APUR:AtelierParisiend’Urbanisme

DASES: Direction de l’Action Sociale de

l’EnfanceetdelaSanté

DDCT: Direction de la Démocratie des

Citoyen.ne.setdesTerritoires

EDL:ÉquipedeDéveloppementLocal

EIE:Étuded’impactenvironnemental

EIS:ÉtudeImpactSanté

EPA:EnvironmentalProtectionAgency

GPU:GrandProjetUrbain

GPV:GrandProjetdeVille

GUP:GestionUrbainedeProximité

HBM:HabitatàBonMarché

HCSP:HautConseildelaSantéPublique

HLM:HabitationàLoyerModéré

NPNRU:NouveauProgrammeNationalde

RenouvellementUrbain

OMS:OrganisationMondialedelaSanté

PNRU: Programme National pour la

RénovationUrbain

PNSE:PlanNationalSantéEnvironnement

PPSE:PlanParisSantéEnvironnement

PUCA: Plan Urbanisme Construction

Architecture

QPV:QuartierPrioritairedelaVille

RIVP: Régie Immobilière de la Ville de

Paris

RGA:RèglementGénéraldel’ANRU

SPSE: Service Parisien de Santé

Environnementale

SRU:SolidaritéetRenouvellementUrbain

ZAC:Zoned’AménagementConcerté

ZUS:ZoneUrbaineSensible

Page 15: La prise en compte des inégalités environnementales, une

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Page 16: La prise en compte des inégalités environnementales, une

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INTRODUCTION

Ledéveloppementdesvilless’estvuaccompagner,aufuretàmesure,d’importantes

problématiquesnotammentenvironnementales.Lacroissancedesairesurbainesestsource

de consommation intensive d’espaces naturels et de terres agricoles et forestières

entraînantunappauvrissementdelabiodiversitéetdesécosystèmes.Laréorganisationde

l’espaceet lamutationdespaysagesnaturelsenpaysagesurbainssontaccéléréespardes

phénomènes socio-économiques liés à la croissance démographique, à l’expansion des

unités résidentielles (i.e. construction de la maison individuelle en périurbain), à la

croissancedeszonesd’activitéscommerciales, industriellesetartisanalesaudétrimentdes

terres agricoles fertiles et des prairies. Ce bouleversement profond des paysages

principalementinduitparleprocessusd’urbanisationcroissantdesvillesamènelespouvoirs

publicsàs’interrogersurl’efficiencedecettecroissanceartificiellenonmaîtrisée.

Lamétropolisations’estgénéralementaccompagnéed’unétalementurbainquiapourcontrepointlesfrichesd’activités,lavacanceimmobilièreetlarelégationdecertainsquartiersetquicontribueàunefragmentationdel’espacephysiqueetsociald’airesurbainesdevenuespolycentriques.1

C’està ce titreque la loi SRUdu13décembre2000engageun tournantnouveaupour la

politiquepubliquederenouvellementurbain,permettantauxpouvoirspublicsdes’emparer

du problème et induit leur volonté de tendre vers la maîtrise de l’étalement urbain

permettantunecroissancedurabledesvilles.Cettecroissancepassealors,avant tout,par

uneurbanisationplusdenseetcompacteetnotammentparlarénovationdequartiersdéjà

existants.

Lapolitiquepubliquederenouvellementurbainestunedesprioritésdelapolitiquede

la ville. Elle a connu depuis le début des années1990 une succession d’évolutions des

dispositifs et outils, passant du «Grands Projets Urbains» (GPU) aux «Grands Projets de

Ville»(GPV),puisauprogrammenationalderénovationurbaineimpulséen2003parlaloi

1GOZEMaurice, «La stratégie territoriale de la loi S.R.U.»,Revue d’Économie Régionale&Urbaine2002/5(décembre),pp.761-776

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«d’orientationetdeprogrammationpourlavilleetlarénovationurbaine»,diteloiBorloo.

Depuis2014,lanouvellegénérationdeprojetsderenouvellementurbain,appeléeNouveau

Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU), dont la mise en œuvre et le

financementsontassurésparl’AgenceNationaledeRénovationUrbaine(ANRU),concentre

sesactionssurlesQuartiersPrioritairesdelaVille(QPV),anciennementZUS.Ainsi,

le programme national de rénovation urbaine vise à restructurer, dans unobjectif de mixité sociale et dedéveloppement durable, les quartiers classésenzone urbaine sensible [...]. Il comprend des opérations d’aménagementurbain, la réhabilitation, la résidentialisation, la démolition et la productiondelogements, la création, la réhabilitationet ladémolitiond’équipementspublicsoucollectifs,laréorganisationd’espacesd’activitééconomiqueetcommerciale,outoutautreinvestissementconcourantàlarénovationurbaine.2

Il s’agit donc, à travers ceprogrammeambitieux, d’apporter des transformationsdansun

quartier jugé prioritaire puisque cumulant un certain nombrede dysfonctionnements à la

fois sociaux, économiques, environnementaux, urbains. La volonté de transformer un

quartier d’habitat social défavorisé témoigne d’un désir de changement de la part des

politiques publiques. Ce changement permettrait, selon elles, de tendre vers une

amélioration des conditions de vie des habitants, une résolution d’importantes

problématiques et une adaptation de ces quartiers à de nouveaux besoins

(environnementaux,sociauxetéconomiques).Lapolitiquedelavillereposesurdesactions

menéespourunegéographieprioritaire impliquantd’agirpourunediscriminationpositive

déterminéeenfonctionduseulcritèredeconcentrationd’unepopulationpauvrecalculéeà

partir de leur niveau de revenus3, justifiant notamment une augmentation des moyens

accordés à l’action sociale. Le renouvellement urbain, face aux dégradations urbaines,

s’impose, par ses objectifs, dans une démarche de durabilité. Il s’agit en effet d’action

intervenant auprès de populations défavorisées dont le but est d’entamer une

transformationpourretrouveruneunitéetredonnerdel’attractivitéurbaineetéconomique

àunmorceaudeville,etdepermettreunretourversunéquilibreéconomique,spatialet

2Loin°2003-710du1eraoût2003d’orientationetdeprogrammationpourlavilleetlarénovationurbaine.3Loin°2014-173du21février2014deprogrammationpourlavilleetlacohésionurbaine.

Page 18: La prise en compte des inégalités environnementales, une

15

humain4. Ces objectifs sont communs à chacun des territoires soumis à une politique de

renouvellementurbain,maispossèdent,parailleurs,leurspropresspécificitésetnepeuvent

pas tous être appréhendés exactement de la même manière. Nous porterons, ici, notre

regardsurlequartierdePython-Duvernois,leseulquartierparisiend’intérêtnationalinscrit

auNouveauProgrammeNationaldeRenouvellementUrbaindel’ANRU.

Python-Duvernoisestunquartierd’habitatsocialmêlantHBM(construitsen1928)et

HLM(datantde1956et1990),dontlapopulationpauvrequiyrésidesubitunesituationde

relégationlaissantentrevoirdefortesdisparités.SelonRogerBrunet,unedisparitéestune

inégalité ressentie, c’est-à-dire unedifférencedeniveaudans les domaines économiques,

sociaux, culturelsperçueet vécuecomme injuste5. Ladéfinitionqu’il donnedes inégalités

permetdecomplétercelaenintégrantlanotiond’égalitédeschances.

Il existe des inégalités d’origine géographique, qui ne dépendent pasdirectement des revenus,mais des caractéristiques des lieux dans lesquels onvit: formation, information, soinsmal accessibles. Il se trouve néanmoins quecesdifférencesnesemarquentréellementquepourlesfamillesàbasrevenus,lesautresayanttoujourslesmoyensd’«égaliser»quelquepeulesconditions.6

Lesinégalitéssemesurentsouventparcomparaisonavecuneautresituation.Lesinégalités

subiesparunepopulation,quellequ’ensoitlanature,s’apprécientrelativementàuneautre

population.Encesens,lesinégalitésperçuesetvécuesparunepopulationdeviennentune

forme d’injustice. Mais, comme le précise Roger Brunet dans sa définition, toutes les

inégalitésne s’identifientpasde lamêmemanière et ne sontpas toutes aussi facilement

visibles,qualifiablesetquantifiables.Dansnotrecas, ilendécouledeuxidéesimportantes.

Tout d’abord, les populations subissant une forme d’inégalité n’en ont pas forcément

conscience ou ne savent pas toujours la nommer. Enfin, cela signifie que tous les types

d’inégalitésnes’étudientpasaussiaisément.Eneffet,lesétudiernécessitedelesidentifier,

et donc de les qualifier et les quantifier. Or, il apparaît assez clairement que s’il est

4SCARWELLHelga-Jane,ROUSSELIsabelle,«Ledéveloppementdurable,unréférentielpourl’actionpublique

entre attractivité et tensions», Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne],1|2006,misenlignele1erseptembre2010,consultéle08avril2018,pp.23-335BRUNETRoger,Lesmotsdelagéographie:dictionnairecritique,Reclus–LaDocumentationFrançaise,Paris,

1993,p.1626Ibid.p.276

Page 19: La prise en compte des inégalités environnementales, une

16

relativementsimpledequalifieretquantifierdesdisparitéséconomiques,celaestdéjàplus

compliquépourdesdisparitéssocialesouencoregéographiques.

Enparallèledespolitiquesde renouvellementurbain,unenouvellenotionapparaît

dans le paysage culturel amenant à un changement de paradigme. En effet, depuis les

années1970 l’environnement est apparu dans les discours et les actions politiques, reflet

d’une prise de conscience quant au réchauffement climatique et à une consommation

excessivedesressourcesnonrenouvelables.Lavilleestalorsaccuséedetouscesmaux7.Les

problématiques environnementales sont traitées du seul point de vue de la nature:

commentfairepour limiter les impactsanthropiquessur l’environnementnaturel?Laville

apparaîtainsi,àcetteépoque,commeétantàl’originedesdégradationsdel’environnement

et de son écosystème, et la source de pollutions8. Or l’environnement ne peut pas

s’appréhender uniquement à une échelle aussi large. Il ne s’agit pas seulement de traiter

«lesgrandséquilibresde laplanète»9,mais il sembleégalement importantdepenserces

questions à une échelle plus fine, celle de l’environnement vécu au quotidien par une

population. Par ailleurs, si l’on considère la notion d’environnement urbain dans sa

définitionlapluslarge,c’est-à-direqui«intègredefaitlesliensentrelemilieuconstruitetle

milieu naturel, les rapports des individus et des groupes à leur milieu construit et non

construitet,enfin, ladimensionsocialecommeunecomposanteàpartentière»10,alors il

n’est plus question exclusivement de protection de la biodiversité, mais de l’intégration

d’une vision de l’environnement urbain en tant que système dont les relations entre

«objet»et«sujet»sontindissociables11.

L’analyseduquartierdePython-Duvernois laisseapparaîtredesproblématiquesen

termesd’exposition,dedégradation,desanté,maisaussidanslapratiqueetl’usagequesa

7 LEVY Jean-Pierre. «Ville et environnement: pour un changement de paradigme»,in LEVY Jean-Pierre,

COUTARDOlivier(Dir.),Écologiesurbaines,Economica,Paris,2010,pp.3-148BLANCNathalie,Versuneesthétiqueenvironnementale,préfacedeMarcelJollivet,Paris,Ed.Quae,2008,p.

2259Ibid.10 LEVY Jean-Pierre, «Ville et environnement: pour un changement de paradigme», in LEVY Jean-Pierre,

COUTARDOlivier(Dir.),Écologiesurbaines,Economica,Paris,2010,pp.3-1411THEYSJacques,«Troisconceptionsirréductiblesdel’environnement»,inLEVYJean-Pierre,COUTARDOlivier

(Dir.),Écologiesurbaines,Economica,Paris,2010,pp.15-38

Page 20: La prise en compte des inégalités environnementales, une

17

populationadelaville.Leconstatrenvoiealors,semble-t-il,àlaprésencesurnotresecteur

d’étude,d’unepopulationsupportantuneformed’inégalité,encorepeuconnue,dansson

rapport à l’environnement urbain12. Cette différence de répartition de la charge

environnementale renvoie ainsi au fait que sa distribution se fait de manière inégale et

injuste13. L’évaluation du concept d’inégalité environnementale fera alors l’objet de la

première partie de ce mémoire, permettant d’en saisir tous les aspects, notamment à

l’échellepluslocaledenotrequartierprioritairedel’Estparisien.

C’est par ailleurs, à travers cette notion de justice que le thème d’inégalité

environnementale est apparu en France. Aux États-Unis, la justice environnementale

apparaît comme une revendication de la part de minorité ethnique face aux politiques

environnementales inégalitaires14. Ils’agitavanttoutd’uneréclamationde lasociétécivile

faisantréférenceàunenotiond’éthiqueetdedroitàlaville15.Ceconstatpourraalorsêtre

développé et fera l’objet d’une sous-partie afin d’étudier la notion d’inégalité

environnementaleàpartirdesonhéritageaméricain.

Àce titre, le conceptd’inégalitéenvironnementale sembleconcorderavecceluidu

développement durable qui «repose sur la mobilisation conjointe de trois piliers

(l’économique, l’écologique et le social)»16, permettant, comme l’expriment Helga-Jane

Scarwell et Isabelle Roussel, d’assurer «l’efficacité économique, l’équité sociale et la

protectiondel’environnement»avecunedoubletemporalité:présentetfuture.

Il est vrai que depuis plusieurs années maintenant le développement durable est

devenularéférenced’ungrandnombredepolitiquespubliquesjusqu’àparfoisenoublierle

sens réel et à en devenir quasiment un produit de marketing. Mais l’intégration de la

12 KOLB Virginia, Analyse géographique des inégalités environnementales et écologiques en milieu littoralurbain[thèse],Géographie,UniversitédeLaRochelle,2015,p.1013BRUNETRoger,Lesmotsdelagéographie:dictionnairecritique,Reclus–LaDocumentationFrançaise,Paris,

1993,p.51814GHORRA-GOBINCynthia.«JusticeenvironnementaleetintérêtgénéralauxÉtats-Unis.Deleurconvergence

àl’heuredel’intercommunalité»,LesAnnalesdelarechercheurbaine,n°99,2005,pp.14-19.15 LEVY Jean-Pierre. «Ville et environnement: pour un changement de paradigme»,in LEVY Jean-Pierre,

COUTARDOlivier(Dir.),Écologiesurbaines,Economica,Paris,2010pp.3-1416Ibid.p.9

Page 21: La prise en compte des inégalités environnementales, une

18

durabilité dans le développement d’une ville est aujourd’hui devenue essentielle et ce

d’autant plus pour une ville aussi importante que Paris qui se veut innovante dans ses

actionsaménagisteseturbanistiques,entreautres.Cesdémarchesreposentsurunevolonté

assumée de faire de la capitale une ville solidaire, inclusive et résiliente17. En ce sens, le

développement durable apparaît dans tous les documents et discours politiques comme

étantlaréférencepourledéveloppementurbaincontemporain.Onpeutsequestionner,à

ce sujet, sur la pertinence des échelles pour une bonne efficacité du développement

durable.

«Institutionnalisée au niveau international par le rapport Brundtland (1987)»18,

l’échelle du développement durable a d’abord été pensée de manière globale. Mais les

problématiquesde réchauffementclimatiqueoudeconsommationdes ressourcescomme

nous l’avons évoqué plus haut, semblent déconnectées des besoins des habitants d’un

quartierdéfavorisécommeceluidePython-Duvernois.CommeleditJean-LouisBorloo,ex-

ministredelaVille,«labonnesantéd’uneville,c’est lavitalitédesesquartiers.»Ilparaît

doncqueledéveloppementdurablepeutêtreviablequ’àtraversunearticulationd’échelles,

et ainsi pour qu’une ville soit durable il faut, d’abord que l’ensemble de ses quartiers le

soit19.

Un des questionnements qui sera abordé dans ce mémoire renvoie à la notion

d’opérationnalité du développement durable. S’agit-il d’une démarche suffisamment

complètepermettantd’agirconcrètementsurdesterritoireshétérogènes?Lapolitiquede

renouvellement urbain apparaît comme une réponse opérationnelle à l’application d’un

développement urbain durable d’autant plus que l’on parle de quartiers à forts enjeux

écologiques, sociaux et économiques. En effet, «le renouvellement urbain contribue à la

17Ils’agitd’unconstatquej’aipufairetoutaulongdemonapprentissageàlaVilledeParis,quel’onretrouve

dansungrandnombrededocumentsetdeplansmisenplace(planclimat,planbiodiversité,etc.).Cestermes

reviennentrégulièrementdanslesdiscoursjusqu’àsequestionnersurleurréelsens.18 LEVY Jean-Pierre, «Ville et environnement: pour un changement de paradigme»,in LEVY Jean-Pierre,

COUTARDOlivier(Dir.),Écologiesurbaines,Economica,Paris,2010pp.3-1419CHARLOT-VALDIEUCatherine,OUTREQUINPhilippe,Développementdurableetrenouvellementurbain:desoutilsopérationnelspouraméliorerlaqualitédeviedansnosquartiers,L’Harmattan,«Villesetentreprises»,

Paris,2006,p.17

Page 22: La prise en compte des inégalités environnementales, une

19

durabilitédanslamesureoùilréintègredesmorceauxdevilledévitalisésetstigmatisésdans

lefonctionnementurbain»20,ainsicesdeuxdémarchessemblentàprioricomplémentaires.

Toutefois, force est de constater que la démarche de développement durable

comportedeslacunesauregarddel’objectifaffichéd’unprojetderenouvellementurbain.

Eneffet,dans lecasde l’opérationderenouvellementurbainduquartierparisienPython-

Duvernois,l’undesenjeuxfortsidentifiésparlesacteursduprojetreposesurl’amélioration

ducadredeviedeshabitants.C’estd’ailleursvisibleàtraverslesdifférentesétudesmenées

sur le secteur, dans le cadre du protocole de préfiguration de l’ANRU, qui se propose

régulièrementdequestionnercecadredevie, l’habitabilitéduquartieret lebien-êtredes

résidents. Or d’aprèsManusset, Brodach etMarchais «la définition du “cadre de vie” se

pose à l’articulation entre “l’environnement avéré” et “l’environnement vécu”.»21

Autrementdit,cettenotionrelèvededeuxparamètres identifiés,commeétantd’uncôté,

relatif à «la dimension naturelle de l’Homme», ce qui renvoie sur notre secteur aux

nuisances,parexemplesonores,etauxrisquesliésàleurenvironnementurbain,commedes

épisodesdecanicule.Lesecondparamètrerenvoie,quantà lui,à«ladimensionculturelle

de l’Homme», soit à la manière dont on perçoit et pratique son environnement. Ce

paramètre est donc plus subjectif et propre à chaque quartier ou même à chacun des

habitantsd’unquartier,mêmes’ilestpossibledeproduiredescatégoriesàpartirdecritères

socio-culturels. On imagine bien que l’on peut retrouver des manières de pratiquer son

environnement plus oumoins proche au sein d’unemême classe d’âge, ou d’unemême

catégoriesocio-professionnelleparexemple.Cesdeuxélémentsdoiventainsiêtreprisdans

leurensembleparlesacteursdelavillepouratteindreunobjectifd’améliorationducadre

deviedesquartiers.

Il semblerait que le développement durable tende vers l’objectif de l’amélioration

d’unquartier,mais le lienentre«environnementavéré»et«environnementvécu»n’est

passuffisammentaboutipourtendreversuneréelleéquitésocialeàl’échelledesdifférents

20SCARWELLHelga-Jane,ROUSSELIsabelle,«Ledéveloppementdurable,unréférentielpourl’actionpublique

entre attractivité et tensions», Territoire enmouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne],

1|2006,misenlignele1erseptembre2010,consultéle08avril2018,pp.23-3321MANUSSETSandrine,BRODACHAri,MARCHAISLaurent,«Pouruneapprochedes inégalitésécologiquesàtravers les définitions de la“qualité du cadre de vie ‘», Développement durable et territoires [En ligne],Dossier9│2007,misenlignele04janvier2013,p.9

Page 23: La prise en compte des inégalités environnementales, une

20

quartiers d’une ville. Le développement durable s’attachant plus à la première catégorie

qu’àlaseconde.Pourleurpart,lesinégalitésenvironnementalesparaissentfonctionnerbien

plussurl’articulationentrelesdeuxnotions.Defait,leurtraitementpourraitconveniràun

apport bénéfique dans les politiques urbaines pour l’amélioration du cadre de vie des

quartierssensiblestelsquePython-Duvernois.

Dans ce mémoire, nous allons donc tenter de produire une étude des inégalités

environnementales au prisme de l’opération de renouvellement urbain du quartier de

Python-Duvernois.Ceci,car lacompréhensiondececonceptsemblepermettre l’apportde

nouveauxélémentssociaux,économiques,environnementauxetsanitairesdansunevision

large et imbriquée. Ainsi, nous tâcherons de saisir les interactions entre inégalités

environnementales et renouvellement urbain. Aussi, nous nous demanderons ce que le

conceptd’inégalitéenvironnementaleapportedeplusqueladémarchededéveloppement

durable, qui semble pourtant très proche. La prise en compte des inégalités

environnementales n’est elle pas un moyen de parfaire la définition du développement

durablepourenfaireunnouveaumodèlededéveloppementurbainopérationnelàl’échelle

d’un quartier existant fragilisé? Il s’agit ainsi de comprendre comment ce concept

d’inégalitéenvironnementalepeutchanger la façondemenerunprojeturbaind’unetelle

envergure.

Nous nous aiderons, pour la réalisation de ce travail, en plus des ouvrages

scientifiques et de la connaissance de ce territoire que j’ai développée cette année, des

entretiens semi-directifs que j’ai réalisés afin de recueillir des informations quant au

positionnementdespersonnes interrogées. Les entretiensont été réalisés auprèsde trois

acteursmajeursduprojet:SergeBrunetdel’agenceTétra,unechargéededéveloppement

local de Paris Habitat, et un ingénieur du Service Parisien de la Santé Environnementale

(DASES).Cesentretiensontétéeffectuésrespectivementle27février, le3et5avril2018.

Parailleurs,unepartiedesproposqui seront tenus toutau longdecemémoirepourront

être issus d’unedémarched’observation participante développée grâce àmapratiquedu

sited’étude,ainsiqu’auxdiversesréunionsdetravailauxquellesj’aiparticipé.

Ainsi,cetteanalyses’attacheraenpremierlieuàdéfinirplusprécisémentleconcept

d’inégalitéenvironnementaleàl’aidenotammentdelalittératurescientifiqueexistantesur

Page 24: La prise en compte des inégalités environnementales, une

21

cesujet.Uncertainnombred’ouvragesetd’articlesporteessentiellementsur ladéfinition

de ce concept, preuve de sa faible connaissance et compréhension par tous. Il est donc

avant tout intéressant de comprendre d’où ce concept provient. C’est pourquoi nous

porterons notre regard sur la justice environnementale aux États-Unis afin d’étudier la

notiond’inégalitéenvironnementaleautraversdecesorigines,enretracerl’histoire,etvoir

également lesmodificationsquis’ysontopéréesenarrivantenFrance.Ensuite,aprèsune

présentationdusecteurd’étude,noustenteronsdesaisircommentellessemanifestentsur

le quartier de Python-Duvernois au regard des définitions données,mais aussi avec l’aide

d’une analyse des différents éléments socio-économiques présents sur le secteur. Cette

partiepermettradoncdesaisir l’ensembledes formesqueprendce typed’inégalité,mais

égalementsescausesetconséquences.Nousétudieronsensuitelaplacequepeutprendre

leconceptd’inégalitéenvironnementaledanslesdiscourspolitiqueslocauxetnationaux.

Lasecondepartiedecemémoireporterasurlacompréhensionplusfineduprojetde

renouvellement urbain du quartier de Python-Duvernois. Cela nous permettra

d’appréhenderlamultiplicitédesacteursintervenantsurlesecteuretd’encomprendreleur

implicationet leurcompréhensiondecesujet.Nousnouspencheronsaussisur lesactions

menées sur cette opération pour saisir si elles tendent vers une prise en compte des

inégalitésenvironnementalesetdequellesmanières.Nousverronségalementcommentles

politiquesen lienavec le renouvellementurbainappréhendent ce concept. Eneffet, nous

nous attacherons à repérer les politiques mises en placepouvant répondre aux

problématiques d’inégalité environnementale. Il s’agira aussi de saisir les limites de ces

actions ou politiques et de voir si celles-ci sont réellement adaptées pour une réponse

positivedecesinégalitésenvironnementales.

Page 25: La prise en compte des inégalités environnementales, une

22

Page 26: La prise en compte des inégalités environnementales, une

23

CHAPITRE1

Lesinégalitésenvironnementales

Àuneépoqueoùlesréfugiésclimatiquesnesontplussirares,leconstatportantsur

l’idéequenousnesommespaségaux faceauxdégradationsde l’environnement22semble

judicieux. Et c’est,parailleurs, cettedéfinition, somme toute, assez sommairedu concept

d’inégalitéenvironnementalequinous serviradepointdedépartpourappréhender cette

notioncomplexe.Nousverronsquelesapprochesdececonceptissuesnotammentdespays

anglo-saxonsconstituentunapportintéressantpermettantd’éclairerlaconceptionfrançaise

desinégalitésenvironnementales.Unefoiscettenotiondéfinie,ils’agiradecomprendreses

causes et conséquences pour une identification active de ses mécanismes et plus

particulièrementsurlequartierdePython-Duvernois.

22LAURENTÉloi.«Écologieetinégalités»,Revuedel’OFCE,avril2009,p.26.

Page 27: La prise en compte des inégalités environnementales, une

24

Partie 1: Les différentes approches des inégalités

environnementalesetdel’actionpublique

1. Delajusticeenvironnementaleauxinégalitésenvironnementales

a. LajusticeenvironnementaleauxÉtats-Unis…

Le mouvement de la justice environnementale est né aux États-Unis, à la fin des

années1970 d’un constat relativement simple à première vue. Les populations les plus

défavorisées, et appartenant généralement à uneminorité ethnique, sont celles touchées

par des risques environnementaux liés à l’implantation d’une infrastructure polluante

proche de leur lieu de vie. L’approche nord-américaine se présente ainsi sur la base du

«mouvementpourlesdroitsciviquesetdelaluttecontrelesdiscriminations»23,avecl’idée

de dénoncer avant tout des inégalités raciales et ethniques dans l’exposition aux risques

environnementaux.Ils’agitd’unmouvementsocialetmilitantprovenantdepopulationsàla

foisdéfavoriséesetissuesdeminoritésracialesetplusspécifiquementlesAfro-américains,

lesHispaniquesetlesAmérindiens24.

Nouspouvonsdaterledébutdumouvementpourlajusticeenvironnementaleautourde

1982àtraversl’épisodequiaeulieudanslecomtédeWarren,enCarolineduNord,devenu

depuislemarqueurd’uneprisedeconsciencedespolitiquesenvironnementalesàl’échelle

nationale.Lorsque laconstructiond’unedéchargededéchets toxiquesàproximitédu lieu

d’habitation, une large contestation de la part des habitants, majoritairement afro-

américains, est née. À la suite de ces protestations, une enquête portant sur des cas

similairesprovenantd’autrescommunautésduSuddesÉtats-Unisaétédéclenchée.Celaa

conduitàlapublicationd’unrapportdelaUnitedChurchofChristen1987nommé«déchets

toxiquesetraceauxÉtats-Unis».Celui-ciexpliciteetdénoncelessituationsoùlesminorités

23FABURELGuillaume,«Débatssurlesinégalitésenvironnementales:uneautreapprochedel’environnement

urbain»,Justicespatiale|spatialjustice,n°02octobre2010,p.1624LAURENTÉloi, LECACHEUXJacques,Économiede l’environnementetéconomieécologique,ArmandColin,

2012,p.224

Page 28: La prise en compte des inégalités environnementales, une

25

raciales pauvres subissent un risque sanitaire et des disparités d’espérance de vie25, plus

important que les autres. Cette illustration de la justice environnementale aux États-Unis

permetainsideposerunepremièredéfinition.Ils’agitbiend’uneapprocherelevant«d’une

distributioninégalitaire,d’abordethnique(populationsàfortemajoriténoire,amérindienne

ou latine), puis aussi économique, des populations face à de grands équipements

structurants»26.

Les revendications citoyennes et les travaux de recherches qui en ont découlé, ont

permis une reconnaissance de la notion de justice environnementale dans un texte loi,

l’Executive Order12898 du 11 février 1994, voté sous l’administration Clinton. Cette loi

garantitl’intégrationdecettenotiondanslesmissionsdel’EnvironmentalProtectionAgency

(EPA),devantalorsêtreréaliséeen

identifiantetentraitantdemanièreappropriéeleseffetsenvironnementauxdeses programmes, politiques et activités ou ceux affectant de manièredisproportionnée et néfaste la santé humaine desminorités et des groupes àfaiblerevenusurleterritoireaméricain27.

Ce principe issu de l’EPA permet de préciser un peu plus la notion de justice

environnementale.Elle insiste,àtravers laEnvironmental JusticeStrategyqu’elleaconçue

en1995,surdeuxpoints.

Le premier vise à mettre en avant le fait qu’aucun groupe, que ce soit les personnes

appartenantàuneminoritéethniqueouàunecatégoriesocialementetéconomiquement

défavorisée, n’a à subir de manière démesurée les effets négatifs de l’environnement

générés par des activités industrielles,municipales ou commerciales, ou encore les effets

produits par une action ou une politique environnementale discriminante envers ces

populations.

Le deuxième point porte un regard sur l’idée d’implication réelle des populations aux

politiques environnementales. À travers cet aspect de la conception de la justice

25FABURELGuillaume,«Débatssurlesinégalitésenvironnementales:uneautreapprochedel’environnement

urbain»,Justicespatiale|spatialjustice,n°02octobre2010,p.1626Ibid.27LAURENTÉloi, LECACHEUXJacques,Économiede l’environnementetéconomieécologique,ArmandColin,

2012,p.224

Page 29: La prise en compte des inégalités environnementales, une

26

environnementale,l’EPAlaisselapossibilitéàtouteslespopulationsdepouvoirparticiperà

l’élaborationdespolitiquesenvironnementalesen les intégrantauxprocessusdedécision.

Le dernier point renvoie alors à l’idée du «pouvoir d’agir» développée par Thomas

Kirszbaum,quilaconfronteàlapolitiquedelaville.Cettequestiondu«pouvoird’agir»,ou

empowerment,joueeffectivementunrôleimportantetproduitunedifférenciationmajeure

danslamanièredeconstruiredespolitiquesterritoriales.

Le «pouvoir d’agir» permet l’intégrationde toutes les populationsdans la productionde

cespolitiquesetlaisseuneplaceimportanteàlamobilisationdelasociétécivile.Elleadece

fait, la possibilité d’agir pour protéger ses intérêts et ses ressources pour résoudre des

problématiquescommunes28.CettedémarchequiparaîtplusavancéeauxÉtats-Unisqu’en

France,semblealorsêtreuneplus-valuenonnégligeabledanslaréductiondesinégalitéset

desdiscriminations.

b. …puisauRoyaume-Uni

En Europe, le traitement de ce concept reste très timide. Le courant de la justice

environnementale connaît son prolongement essentiellement au Royaume-Uni dans les

années1990. Il s’y développe en se détachant de l’iniquité ethnique pour se saisir plus

généralementdes inégalitésetdesvulnérabilités sociales faceà l’environnementdupoint

devuedesexpositionsauxpollutionsetàlaqualitédel’air,mettant,làencore,l’accentsur

l’aspectépidémiologique29.Parailleurs, l’EnvironmentalAgencybritanniqueamontrédans

un rapport que les populations vivant dans les 10% des espaces les plus socialement

défavoriséssontceuxquionthuitfoisplusderisquesdevivredansdeszonesinondableset

oùlaqualitédel’airest laplusmauvaise30.Surcesterritoires, laconcentrationendioxyde

d’azote issue des transports et des activités industrielles est plus importante de 41% par

28KIRSZBAUMThomas,«Pourvoird’agiretpolitiquedelaville:uncoupleantagonique?»,Urbanisme,n°392,Printemps2014,pp.49-52.29FABURELGuillaume,«Débatssurlesinégalitésenvironnementales:uneautreapprochedel’environnement

urbain»,Justicespatiale|spatialjustice,n°02octobre2010,p.1630EnvironmentAgency,2007,AddressingEnvironmentalInequalities:floodrisk,wastemanagementandriverwaterqualityinWales,ScienceReport:SC020061/SR5,Bristol,TheEnvironmentAngecy

Page 30: La prise en compte des inégalités environnementales, une

27

rapportau10%desespaceslesplusprivilégiés31,montrantainsiunecorrélationspatialedes

inégalitésenvironnementales.

L’essor du mouvement de justice environnemental au Royaume-Uni se fait par le

biais de l’association «Friends of the Earth» qui incite l’Environmental Agency, par la

rédactionderapports,àmenerdestravauxderecherchesàcesujet.Ainsi,à l’inversedes

États-Unis, le concept de justice environnementale est d’abordporté par des acteurs non

gouvernementauxpuisgouvernementauxdel’environnement,etnonplusuniquementpar

les revendications issues de la population civile32. C’est en 2005 que l’État se saisit de la

question pour intégrer la justice environnementale dans la stratégie de développement

durable(NationalSustainableDevelopmentStrategy)etenfaitunedesespriorités.L’undes

objectifsalorsmisenavantpar cettenouvelle stratégieestd’«assurerunenvironnement

décentpourtous»33.Ici,letermed’environnementestàprendredanssonacceptionlaplus

large,laissantalorspenserquelesinégalitésenvironnementalesauRoyaume-Unirenvoient

«à ladistributionsocialement inégalitairedes risquesenvironnementauxetde l’accèsaux

biens et services»34. Ainsi, la conception britannique élargit la définition de la justice

environnementaleenprenantencompte l’accèsauxbienset services commeunélément

déterminantlaqualitéd’unenvironnement.

La conception européenne de justice environnementale est assez proche de celle

avancée aux États-Unis. Néanmoins, la définition des inégalités environnementales

commenceàs’élargirdavantageavecunevisionnonplusexclusivement tournéeversune

distribution inégaledesexpositionset risquesenvironnementaux,maiségalementouverte

surdesdifférencesderépartitionsdesaménitésurbainesetexternalitésenvironnementales.

L’approche par la justice environnementale marque la compréhension fine des inégalités

31LAURENTÉloi, LECACHEUXJacques,Économiede l’environnementetéconomieécologique,ArmandColin,

2012,p.22432 LAIGLE Lydie, Conceptionsdes inégalités écologiques: quelleplacedans lespolitiquesdedéveloppement

urbaindurable?,RapportfinalpourlePUCA–MEDD,décembre2009,p.13633LAURENTÉloi,«Pourunejusticeenvironnementaleeuropéenne.Lecasdelaprécaritéénergétique»,Revuedel’OFCE,2012/1(n°120),pp.99-120.34 LAIGLE Lydie, Conceptionsdes inégalités écologiques: quelleplacedans lespolitiquesdedéveloppement

urbaindurable?,RapportfinalpourlePUCA–MEDD,décembre2009,p.136

Page 31: La prise en compte des inégalités environnementales, une

28

environnementales, car elle met l’accent sur les liens socio-spatiaux des inégalités

d’exposition,derépartitionsetd’accèsauxressources.

2. L’approchefrançaisedesinégalitésenvironnementales

a. Unenotionprotéiforme

EnFrance,l’approchedesinégalitésenvironnementaless’estconstruiteens’inspirant

des différentes approches étrangères. Ces dernières ont alors permis d’impulser une

compréhension et une prise en compte de cette problématique, bien que la conception

française varie sur certains aspects.Ainsi nous allons voir que l’héritagepolitique français

façonne la manière dont sont perçues les inégalités environnementales et donc de sa

définition.

Nous avons déjà dit que toutes les inégalités ne sont pas aussi facilement visibles,

qualifiables et quantifiables. En ce qui concerne les inégalités environnementales, Alice

Canabaterelèvequecelles-cisontparticulièrementcomplexes.Eneffet,ceconceptfaitface

à«desobstacles[…]liésàladifficultédecaractérisationdecesinégalités»35.Àcepropos,la

qualificationscientifiquehésitantes’incarneàtraversplusieurscatégoriesd’interprétation.

La première, tout droit issu de la justice environnementale, porte sur «l’exposition des

populations modestes à des charges environnementales proportionnellement plus

importantes»36.CeconstatapermisauxÉtats-Unis,bienplus tôtqu’enFrance,demener

des actions. Toutefois, elle semble omettre des éléments en s’attachant seulement à la

dimensiond’expositiondespopulationsdéjàfragiles.

Ladeuxième,produiteparLydieLaigleetViolaOehler,vaplusloinetaposé,en2004,une

définitionquiaparfoisétéjugéecommeétantbientroplarge.Ils’agitalorspourcesdeux

auteures

35 CANABATE Alice, «Comment saisir les inégalités environnementales? Éléments de déchiffrage en Seine-

Saint-Denis.Lescatégoriesmisesàl’épreuvedesvécus»,RapportFondationdel’ÉcologiePolitique,Novembre

201736FABURELGuillaume,«Inégalitésetjusticeenvironnementale»,inLEVYJean-Pierre,COUTARDOlivier(Dir.),

Écologiesurbaines,Economica,Paris,2010p.214.

Page 32: La prise en compte des inégalités environnementales, une

29

[d’] inégalités d’exposition aux nuisances urbaines (bruits, pollutions…) et auxrisques (naturels, technologiques, industriels, sanitaires…), inégalités d’accès àl’urbanité et à un cadre de vie de qualité, inégalités liées à l’héritage et audéveloppement des territoires urbains, inégalités dans la capacité d’agir surl’environnement et d’interpeller la puissance publique pour améliorer le cadredevie37.

Ellesidentifientdoncquatretypesd’inégalitésenvironnementales.Lesdeuxdernièresétant

clairementinspiréesdelasituationnord-américainedelajusticeenvironnementale.

Unetroisièmequalificationduconceptd’inégalitéenvironnementaleaétéproposéeparPye

etal.commeétantune

inégalerépartitiondelaqualitéenvironnementale(avecvulnérabilitéssocialesetimpacts cumulatifs); inégal impact de l’environnement des différents groupessociaux; inégal impact des politiques environnementales sur ces mêmesgroupes38.

Nous remarquons que les deux dernières acceptions de ce concept insistent

particulièrement sur l’aspect cumulatif des inégalités environnementales et des inégalités

socialesetenglobentungrandnombredecaractéristiques.

Finalement,leComitéfrançaispourlesommetmondialdudéveloppementdurablede

Johannesburgen2002ainstituéunedéfinitionsemblable.Ils’agitdeladéfinitionréférente

pourlespolitiquespubliques,quiportesur

une différence de situation entre des individus ou des groupes sociaux quis’apprécie non seulement au regard de considérations «écologiques» au sensstrict (pollutions,hygiènepublique,milieuxnaturels,etc.),maisaussien termed’espace vital, de ressources renouvelables accessibles, de qualité desétablissements humains, de conditions de vie, de paysage, etc., que l’onconsidèrecommecontraireauxdroitsourespectsdelapersonnehumaine,etdesurcroit susceptible d’engendrer des déséquilibres préjudiciables au bonfonctionnementdelacollectivité.

37 LAIGLE Lydie, OEHLER Viola, «Les enjeux sociaux et environnementaux du développement urbain, la

questiondesinégalitésécologiques»,Rapportfinal,CSTB,Paris,2004.38FABURELGuillaume,«Inégalitésetjusticeenvironnementale»,inLEVYJean-Pierre,COUTARDOlivier(Dir.),

Écologiesurbaines,Economica,Paris,2010p.214.

Page 33: La prise en compte des inégalités environnementales, une

30

À travers cette approche, le champ des inégalités environnementales apparaît très

vasteetrecouvre,commepourL.LaigleetV.Oehler,etPyeetal.,à lafoisuneexposition

auxpollutionsetrisquesenvironnementaux,unedégradationdelaqualitédevieetunfaible

accès aux aménités et ressources urbaines. Ce concept vient ainsi faire référence à une

charge environnementale lourde touchant essentiellement des populations fragilisées

socialement et économiquement, et consolidant alors leur vulnérabilité face aux effets

sanitairesquidécoulentnotammentdelaforteexpositionauxnuisancesetauxpollutions39.

C’est finalement cette dynamique cumulative entre problématiques sociales et

environnementalesquidéfinitlemieuxlesinégalitésenvironnementales.Cecis’expliquepar

l’interrelation qui existe entre les disparités d’exposition aux risques et d’accès aux

ressources, et les autres formes d’inégalités sociales telles que celles liées au revenu, à

l’emploiouencoreàlaconsommation40.

b. Laterritorialisationdesinégalitéssocio-environnementales

D’ailleurs, l’expositionauxrisquesenvironnementauxet l’accèsauxressourcessont

évidemmentdesfacteurs,positifsounégatifs, liésàun lieu.Ainsi, leursrépartitions,et les

bénéfices ou risques qui en découlent, se traduisent nécessairement spatialement. Le

conceptd’inégalitéenvironnementalepermetdonc lapriseencomptedes relationsentre

environnement, disqualification sociale et ségrégation spatiale41. Il s’agit donc, à travers

cette notion, de mettre en évidence des corrélations entre les disparités sociales et les

disparitésterritoriales42.

EnFrance,lesZUSsontunebonneillustrationduprocessuscomplexedesinégalités

environnementales, car ce sont des territoires qui rassemblent des dysfonctionnements

économiques,sociauxetenvironnementaux.Entreautres,ellespermettentdeconstater la

39FABURELGuillaume,«Les inégalitésenvironnementalescommeinégalitésdemoyensdeshabitantsetdes

acteursterritoriaux»,Espacepopulationssociétés,2008/1,p.111-126.40THEYSJacques,EMELIANOFFCyria,«Lescontradictionsdelavilledurable»,LeDébat,vol.113,n°1,2001,

pp.122-13541Ibid.42 LAIGLE Lydie, Conceptionsdes inégalités écologiques: quelleplacedans lespolitiquesdedéveloppement

urbaindurable?,RapportfinalpourlePUCA–MEDD,décembre2009,p.29

Page 34: La prise en compte des inégalités environnementales, une

31

concentration spatiale des problématiques environnementales d’exposition et de leurs

effetssurlasantéhumaine43.

À ce titre, SandrineGueymard a produit une thèse dont le but était demettre en

lumière lesrelationsentre laqualitéenvironnementale,expriméeautraversdessituations

de risques, de handicaps ou de ressources, avec les spécificités territoriales et socio-

économiques propres à chaque individu. Nous nous appuierons donc sur son travail et

surtout lesdeuxtableauxsuivants,quiontétéréalisésà l’échelledes1300communesdu

territoirefrancilien.

Tableau1—Profilsocio-urbaindescommunesselonlaqualitédeleurenvironnement(%)

Profilsocio-urbain

Ensembleenvironnemental44 Aisé Moyen Modeste Total

Bon 45,53 31,49 22,98 100

Moyen 33,57 36,15 30,28 100

Mauvais 17,84 32,39 49,77 100

Total 33,15 34,69 32,15 100

Tableau2—ProportiondecommunesaccueillantdesZUSselonlaqualitédeleurenvironnement(%)

PrésencedeZUSsurleterritoirecommunal

Ensembleenvironnemental Non Oui Total

Bon 95,74 4,26 100

Moyen 92,96 7,04 100

Mauvais 73,71 26,29 100

Total 90,31 9,69 100

Source:SandrineGueymard,InégalitésenvironnementalesenrégionIle-de-France.Répartitionsocio-spatialedesressources,deshandicapsetsatisfactionenvironnementaledeshabitants,2012.

43LAURENTÉloi.«Écologieetinégalités»,Revuedel’OFCE,avril2009,p.17.44L’ensembleenvironnementalcomprenddansl’étudelesressources(ausenslarge),leshandicaps,lesrisques

etlasatisfactionenvironnementaledeshabitants.

Page 35: La prise en compte des inégalités environnementales, une

32

Cetravailpermet l’appréciationdescorrélationspouvantexisterentre leniveaude

dégradation de l’environnement et la composition sociale des ménages. En ce sens, le

premiertableaunouspermetdeconstaterque45,5%descommunesd’Ile-de-Franceayant

unebonnequalitéenvironnementale sontégalementcellesoù leprofil socio-urbainest le

plus favorisé. À l’inverse, près de la moitié des communes franciliennes présentant un

ensemble environnemental considéré comme mauvais sont les communes les plus

socialement défavorisées. Le second tableau témoigne quant à lui d’une connexion entre

qualité de l’environnement et présence d’une ZUS sur le territoire communal. Leur

représentationestalorsbienplusimportantelorsquel’onaàfaireàunterritoirefaiblement

dotésur leplanenvironnemental.Ceconstatentreenadéquationavec lesconclusionsdu

premier tableau puisque ces zones urbaines sont caractérisées par des problématiques

socialesimportantes.

Les données que Sandrine Gueymard met à notre disposition par cette étude

permettent de constater l’existence de différences entre les territoires et les populations

touchées par un environnement plus ou moins défavorisé. De plus, elles permettent de

révélerlesfacteurscumulatifsquisontàl’originedesinégalitésenvironnementales.Eneffet,

ces facteurs se distinguent sur plusieurs points. Le premier se situe dans l’idée que les

populationslesplussocialementprécariséessontcellesquidoiventfairefaceàunmauvais

ensemble environnemental. Le second aspect renvoie au fait que cet environnement

dégradé est localisé dans des espaces défavorisés démontrant donc l’existence de ce

triptyqueenvironnement,socialetterritorial,lesunsétantinfluencésparlesautres.

Onpenserad’abordqueleprocessus inégalitairerésultedecefaibleaccèsà l’urbanitéqui

contribueàunedévalorisation foncière, conduisantainsi lespopulationsmodestesàvenir

résiderdanscesespacesqui leur sontabordables,maisprésentantdes risques.Toutefois,

pourreprendrelesmotsd’AliceCanabate,

si, en effet, les zones les plus polluées ou les plus exposées aux risques sonthabitées par les populations les plus défavorisées, ce n’est pas seulement enraisond’unhabitatplus accessible,mais aussi, et surtoutparceque c’estdans

Page 36: La prise en compte des inégalités environnementales, une

33

cesterritoiresquel’onaimplanté,ouquel’onimplante,desactivitéspolluantesouàrisque45.

Au vudu lien fort entre inégalités environnementales, sociales et territoriales, ilme

semble qu’il serait important, pour défendre les premières auprès de l’action publique,

d’insister sur cette interrelation, «d’une part parce que beaucoup d’inégalités

environnementales peuvent être comprises comme des inscriptions spatiales d’inégalités

sociales, d’autre part parce que les politiques publiques doivent être conduites au plan

territorial»46. Cette «défense» étant à mes yeux nécessaires puisque les politiques

environnementalesactuellestraitenttropl’environnementcommeunélémentdéconnecté.

c. Uneévaluationdifficileduconceptd’inégalitéenvironnementale

Toutefois, si les inégalitésenvironnementales sontun conceptpermettantd’élargir

notre vision des processus inégalitaires, il reste soumis à des limites que nous allons

aborder.Eneffet,dans lecasde laFrance, laconceptiond’inégalitéenvironnementaleest

apparuebienplustardivementquedanslerestedel’Europeetaconnuundéficitimportant

duportagepolitique47.Cettenotionsemble,parailleurs,encoreflouepourungrandnombre

d’acteurs. En effet, si l’on compare au foisonnement d’articles et d’ouvrages scientifiques

qui ont été écrits sur le thème des inégalités sociales par exemple, la thématique des

inégalités environnementales fait encore l’objet d’une connaissance limitée rendant

l’appréciation,parungrandnombrededécideurspolitiques,difficile48.Lapriseencompte

ardue de cette notion par les politiques publiques au travers d’actions concrètes est la

résultantedeplusieursfacteurs.

45CANABATEAlice,«Commentsaisirlesinégalitésenvironnementales?ÉlémentsdedéchiffrageenSeine-

Saint-Denis.Lescatégoriesmisesàl’épreuvedesvécus»,RapportFondationdel’ÉcologiePolitique,Novembre

201746LAURENTÉloi,«LesinégalitésenvironnementalesenFrance,analyse,constat,action.»NotedelaFondationdel’ÉcologiePolitique,juin2014,p.12.47FABURELGuillaume,«Inégalitésetjusticeenvironnementale»,inLEVYJean-Pierre,COUTARDOlivier(Dir.),

Écologiesurbaines,Economica,Paris,2010,p.21448GUEYMARDSandrine.InégalitésenvironnementalesenrégionIle-de-France.Répartitionsocio-spatialesdes

ressourcesetsatisfactionenvironnementaledeshabitants,LesAnnalesde larechercheurbaine,n°107,2012.Lavilleenthèse,pp.112-122

Page 37: La prise en compte des inégalités environnementales, une

34

D’abord,ladiversitésémantiquequiexistefaceàceconceptentraîneinévitablement

une pluralité de son acceptation en fonction du champ disciplinaire que l’on choisit

d’adopter, que ce soit la géographie, l’économie, le droit, la sociologie ou encore

l’épidémiologie. Ainsi cette pluridisciplinarité dans l’analyse de cette problématique ne

permetpasdeconvenird’unedéfinitionquifasseconsensus.Ainsi,mêmesiunedéfinition

pourraprendreencompteplusieursdisciplines,ellenepourrajamaissesaisirtotalementde

l’entièreté des caractéristiques que chacune peut apporter. Sa définition sera proposée

selonuncontextebienspécifique.Néanmoins,elleest,encoreaujourd’hui,enperpétuelle

évolution,mouvanteetnesemblepasréussiràsestabiliser.

Le secondaspect,quidécouledirectementdupremier, consisteàmettreenavant

l’idée que la compréhension des inégalités environnementales fait l’objet, sur le point

théorique, de simples repérage, mesure et correction49. En effet, la grande majorité des

ouvragesetdesarticlesscientifiques,quisesonttoutefoismultipliéscesdernièresannées,

se limitentàdéfinir cettenotion.Cependant,auvudesdiversesqualificationsduconcept

que l’on a distingué précédemment, le constat fait par Guillaume Faburel est qu’elles

«n’abordent en fait que très partiellement les mécanismes et dynamiques à l’œuvre

derrière les faits inégalitaires dans le domaine environnemental».Même s’il est vrai que

l’iniquité sociale qui découle des inégalités environnementales paraît évidente, cette

premièreestencoretraitéedemanièreassezsommaire.Faceàcela,lespolitiquespubliques

peinent à engager des démarches permettant de rendre les inégalités environnementales

opérationnelles,danslechampdel’urbaintoutdumoins.

Enfin,ledernierpointportesurlefaitquelaFrance,contrairementauxÉtats-Unis,a

fait le choix de ne pas centrer le débat sur la justice ou l’injustice,mais bien plus sur la

question des inégalités. La notion d’inégalité environnementale a donc été préférée pour

illustrer la différence de situation et de condition de vie entre certaines populations. Ce

choixrésultedufaitque«l’actionpublique[renvoie]davantageà lavolontédeconstruire

unesociétéégalitaireà travers l’interventionétatiquequ’àunevolontéderéparation face

49 CANABATE Alice, «Comment saisir les inégalités environnementales? Éléments de déchiffrage en Seine-

Saint-Denis.Lescatégoriesmisesàl’épreuvedesvécus»,RapportFondationdel’ÉcologiePolitique,Novembre

2017,p.69

Page 38: La prise en compte des inégalités environnementales, une

35

aux situations d’injustices»50. Ainsi, les actions et politiques sur lesquelles la puissance

publiquefrançaisevasereposerpourtraiterdesinégalitésenvironnementalesvontdifférer

de celle du nord de l’Amérique. Ces différentes approches amènent donc différentes

conceptionsdelajusticequivontproduiredesactionsplusoumoinsjustesetefficaces.

3. Laconstructiond’uneactionpolitiquejuste

Le concept d’inégalité environnementale est fondé sur des conceptions

profondément liées à la justice, au droit et à l’environnement,mais également à celle de

l’Étatetdel’actionpublique51.Chaquepaysvagénéralement,enfonctiondesonhéritageet

desaculturepolitique,avoirsavisiondesthéoriesdelajusticeetdel’environnement,etde

cela il va en découler une différence dans leurmanière d’agir. Ainsi, la théorisation de la

justice va nous permettre ici de saisir plus facilement les différences de traitement des

politiquesliéesauxinégalitésenvironnementalesetplusparticulièrementenFrance.

a. Lathéoriedelajusticefaceàl’environnement

Uncertainnombred’auteurssesontintéressésàlanotiondejustice,etnotamment

JohnRawlsquienadéveloppéuneanalysedanslaThéoriedelajusticeen1971.Ilaspire,à

travers cet ouvrage, à la construction d’une théorie universelle de la justice et tente de

démontrer la distinction qui existe entre inégalité et injustice52. Les questions

environnementales sont très peu traitées par la théorie de la justice, néanmoins nous

pouvonspenserque l’applicationdesonanalysepeutêtreétendueà l’environnement.En

effet, la théorie de la justice de Rawls s’attache à définir les injustices sociales qui, nous

l’avonssouligné,sontunedescaractéristiquesdesinégalitésenvironnementales.

50DURANDMathieu, JAGLINSylvy.«Inégalitésenvironnementalesetécologiques:quellesapplicationsdans

lesterritoiresetlesservicesurbains?»Flux,vol.89-90,n°3,2012,pp.4-14.51 LAIGLE Lydie, TUALMélanie. «Conceptions des inégalités écologiques dans cinq pays européens: quelleplacedanslespolitiquesdedéveloppementdurable?»,Développementdurableetterritoires,Dossier9,2007,p.1952 BLANCHON David, MOREAU Sophie, VEYRET Yvette. «Comprendre et construire la justiceenvironnementale»,Annalesdegéographie,vol.665-666,n°1,2009,pp.35-60.

Page 39: La prise en compte des inégalités environnementales, une

36

Selon John Rawls une inégalité devient une injustice lorsqu’elle ne bénéficie pas à

tous. En d’autres termes, la condition pour qu’une inégalité soit juste et acceptable est

qu’elledoitpermettre«àunesociétédonnéedetirerverslehautceuxquiontlemoins»53.

L’idéequemetalorsenavantJohnRawlsrevientàdirequecenesontpaslesinégalitésen

tantquetelleslevéritableproblème,maisbienlaquestiond’injustice.Eneffet,lesinégalités

sont de fait présentes dans toutes les sociétés. Nous ne naissons pas tous dans un

environnement composé des mêmes caractéristiques. Toutefois, il existe pour Rawls des

inégalités injustes et des inégalités justes. Si l’on revient donc aux inégalités

environnementales, la question n’est pas tant de savoir si une situation est inégale par

rapportàuneautre,maisbiendesavoirsicettesituationestjusteouinjuste.

Cesontdoncsur les inégalitésproductricesd’injusticeque l’actionpubliquedevrait

agirenpriorité.Pourcela, ilestavanttoutimportantdesavoirdétermineràquelmoment

unesituationestinjusteounonpuisquec’estlà,qu’entantqu’acteur,nouspouvonsagiren

saisissantlesbonsleviers.Ainsi,lapriseencomptedelanotiond’injusticeparlesacteursde

l’aménagementetlesdécideurspolitiquesdoitpermettredemettreenplaceunepolitique

adéquate afin de rendre juste une situation injuste. Il s’agit donc davantage de penser à

réparerlesinjusticesvécuesparunepopulationquelesinégalités.CequenousditalorsJohn

Rawls, c’est qu’une situation dans laquelle une population doit faire face à des inégalités

injustespeutêtrerendueacceptablegrâceàdescompensations.

Cependant,cettenotiond’acceptationesttouterelativepuisqu’ellefaitréférenceauxvécus

etauxperceptionsdechacun.Cequivaêtreacceptablepourunepersonneneleserapas

forcémentpouruneautre,etdelamêmemanièreuneinjusticenevapasêtrevuecomme

telle par tout le monde selon sa capacité à compenser d’eux-mêmes une situation

désagréable.

Pourillustrercepropos,nouspouvonsprendrel’exempled’unepopulationvivantle

long d’une autoroute, les exposant à des nuisances et lesmettant dans une situation de

dangernotammentdupointdevuedelasantéhumaine.Cetyped’infrastructuresestainsi

générateurd’inégalités. Lesespacesquientourentuneautoroutesontalorsdes lieuxplus

53Ibid.

Page 40: La prise en compte des inégalités environnementales, une

37

inégauxqued’autresparlesnuisancesetrisquesqu’ellecrée.Cesinégalitéssontpropresà

ceterritoire.Deplus,ilestdifficiled’agirsurunetellestructurequiconstituegénéralement

uninvariantdansunprojeturbain.Eneffet,ilestdifficilementconcevabledeladéplaceret

mêmesicelaétaitpossible,celaauraitcommeeffetunsimpletransfertdecesinégalitéssur

uneautrepopulation.Certainesinégalitésnesontdoncpasmodifiablesensoi.Laquestion

alorsestplutôtdeprendreencomptelecaractèrejusteouinjustedesinégalitésgénérées

parcettesituation.Lerôlede l’actionpubliqueconsiste,encesens,àdéterminerdansun

premiertempsquellessontcesinjustices,puisàagirsurlamanièredelescompenserpour

fairedecesinégalitésinjustes,desinégalitésjustesetdoncacceptablesparlesrésidentsde

ceterritoire.Danscecasprécis,cescompensationspeuventfairel’objet,parexemple,d’une

installation de mur anti-bruit, d’une meilleure isolation phonique ou encore d’une aide

financière.

Parailleurs,danslecasdelatransformationd’unquartierinscritdansunepolitique

de renouvellement urbain, une attention particulière est à apporter sur la façon dont on

veutmodifiercetespace.Eneffet,ensouhaitantrésoudrecertainsdysfonctionnementssans

tenir compte du caractère injuste ou juste des inégalités, le risque est d’en produire de

nouvelles. Cette distinction est importante, car elle permet de se saisir différemment des

problématiques et donc de réfléchir à lameilleuremanière de créer des compensations.

C’estalorsuneréflexionquetouslesacteursduprojeturbaindoiventmenerpourl’intégrer

auprojet,parcequesilespopulationsdéfavoriséestouchéesparcesrisquesetnuisancesles

considèrent comme acceptables par les compensations apportées, celles-ci peuvent être

justes.Ils’agitalors,selonlathéorierawlsienne,deconstruireuneéquitéenvironnementale

afin de réparer et de transformer les inégalités injustes en inégalités justes. Cette

constructionpasse,commenousl’avonspréciséplushaut,pardespolitiquesadéquatesde

l’ordred’unejusticecompensatoire,procéduraleet/ouredistributive54.

54 BLANCHON David, MOREAU Sophie, VEYRET Yvette. «Comprendre et construire la justiceenvironnementale»,Annalesdegéographie,vol.665-666,n°1,2009,pp.35-60.

Page 41: La prise en compte des inégalités environnementales, une

38

b. Construireuneéquitéenvironnementale

Les visions de l’environnement, de la question sociale et de la justice seront

différentes selon les cultures sociopolitiques de chaque pays55. Les formes d’actions

politiques qui en découlent vont donc inévitablement différer. À ce sujet, l’Environmental

Agencybritannique identifie trois typesde justice renvoyant à trois approchesdifférentes

desinégalitésenvironnementalesqueLydieLaigleetMélanieTualnousdécriventdansleur

article:

L’approche fondée sur l’idée de justice environnementale; l’approche fondéesurl’idéed’uneactionpublique«corrective»desinégalitéssocialesd’accèsauxaménitésurbainesetenvironnementales;etl’approchefondéesurl’idéed’uneéquité compensant les atteintes portées à l’environnement et l’impact qui endécoulesurcertainsterritoiresetpopulations.

Lapremièreapproche,quiserapporteà l’idéede justiceenvironnementale,portesurune

justice distributive où les bénéfices et les risques environnementaux sont partagés de

manière équitable entre les groupes sociaux. La seconde approche renvoie à une justice

procédurale qui se concrétise par des actions correctives qui est bien plus centrée sur

l’implicationcitoyenne,etdonclacapacitéd’unindividuàsefaireentendreetàparticiper

«auprocessusdedécisionenmatièredepolitiqueenvironnementale»56.Enfin,ladernière

approchedesinégalitésenvironnementalescorrespondàuneformedejusticecherchantà

compenserdessituationsenvironnementalesnégativesautraversdespolitiquespubliques.

Onpeutdoncdistinguertroisconstructionsdelajusticeenvironnementalequi,selon

lacultureetl’héritagesociopolitiqued’unpays,peutvarier.Deplus,laconceptionqueces

paysvontavoirde l’environnementvaégalement jouerunrôle importantdans lacréation

d’une action politique. Pour ce qui est de la France, l’environnement est historiquement

«perçucommeuneentitépossédantunelogiqued’évolutionpropre,indépendammentde

55 LAIGLE Lydie, TUAL Mélanie, «Conception des inégalités écologiques dans cinq pays européens: quelleplacedanslespolitiquesdedéveloppementurbaindurable?»,Développementdurableetterritoires,Dossier9,2007,p.1956LAURENTÉloi,«LesinégalitésenvironnementalesenFrance,analyse,constat,action.»NotedelaFondationdel’ÉcologiePolitique,juin2014,p.12.

Page 42: La prise en compte des inégalités environnementales, une

39

l’action humaine»57. La France a pendant longtemps conçu une vision dans laquelle

l’Hommeétaittotalementextérieuràl’environnementetquifonctionnaitalorscommeune

entité à part entière. En ce sens, la France connaît une prise de conscience tardive «des

incidences des actions humaines sur les ressources naturelles»58. Cela peut expliquer en

partiepourquoielles’estessentiellementconcentréesurlesinégalitéssociales,mettantde

côté les questions environnementales et négligeant ainsi les liens entre social et

environnementdans ladémarchededéveloppementdurable.Laconstructiond’uneréelle

équitéenvironnementalesemblealorscompliquéeetn’estpascomplètementintégréedans

l’actionpublique.

La puissance publique française porte ses actions pour un accès aux aménités

urbainesetenvironnementales(soins,espacesverts,logements,éducation,etc.)parlamise

en place de principes et de règles communes rentrant dans une logique corrective et

redistributive de la justice environnementale et non pas réparatrice pour des inégalités

perçuescommeinjustes.Àl’inverse,lesÉtats-Unisontbienpluscentréleurspolitiquessur

desactionsprocéduralesetcompensatricesàuneéchellelocale.Iln’estpasquestionicide

juger laquelle est la meilleure, car le caractère complexe et protéiforme des inégalités

environnementalesrequiertdesactionsvariéesquinepeuventselimiteruniquementàune

seule forme de justice59. C’est en cela qu’il est intéressant de connaitre les différentes

formes de réponses, celles-ci pouvant répondre à des problèmes différents, voire se

compléter.

57 LAIGLE Lydie, TUAL Mélanie, «Conception des inégalités écologiques dans cinq pays européens: quelle

placedanslespolitiquesdedéveloppementurbaindurable?»,Développementdurableetterritoires,Dossier9,2007,p.1958Ibid.59GOBERTJulie,«Justiceenvironnementale,communitybenefitsetdroitàlaville:lecasdeDetroit»,Justicespatiale│spatialjustice,n°2octobre2010,p.17

Page 43: La prise en compte des inégalités environnementales, une

40

Tableau3–Motifspotentielsd’injusticeetlesméthodesderégulation

Motifsdesinégalités Modesderégulation

Les personnes défavorisées paient un tribut disproportionné

quantauximpactsnégatifsgénérésparlessitesindustrielsAction(re)distributive

Les populations défavorisées paient un tribut disproportionné

quant aux impacts négatifs générés par les sites industriels et

sontégalementlesplusvulnérablesàceseffetsdelapollution

Action(re)distributive

etprotection

Dans ces zones défavorisées, la pollution industrielle vient se

surajouteràd’autresinégalitésenvironnementaleset/ousociales

Action(re)distributive

etluttecontrelecumul

Le processus de localisation des sites classés se réalise ou s’est

effectuédemanièreinjusteActionprocédurale

Les populations défavorisées sont lesmoins capables de choisir

leurlieud’habitationetleurenvironnement.

Actionprocéduraleet

redistributive

Les populations qui subissent un poids environnemental

disproportionnénesontpascompenséespar lesbénéfices tirés

del’activitéindustrielleàlahauteurdupréjudicesubi

Actionredistributiveet

compensatrice

Source:traduitdeWalker(2005,12)

Ce tableau, élaboré par GordonWalker et al. dans le cadre de la recherche universitaire

britannique, montre que selon les situations inégalitaires, les actions à mener seront

différentes. Ainsi, la puissance publique ne peut se tenir à une action redistributive par

exemple,maisdoitpouvoir«donneruneréponseplurielleetcontextuelle»60.

60Ibid.

Page 44: La prise en compte des inégalités environnementales, une

41

Partie2:Leprocessusd’inégalitéenvironnementale:le

casdePython-Duvernois

Python-Duvernoisest lequartiersur lequel j’ai travaillétoutau longdemonannée

d’apprentissage réaliséeà laDirectionde l’Urbanisme,au servicede l’aménagementde la

VilledeParis.Cetteexpérienceaguidé,enpremierlieu,monchoixdetraiterdespolitiques

derenouvellementurbainet leurs relationsavec l’environnement.Danscecontexte, ilest

nécessairedeconvenird’unedescriptiondesdifférentescaractéristiquesdece territoireà

enjeux.Ils’agitdoncdedresserunétatdeslieuxdecequartierpournouspermettreensuite

d’observeretd’identifier les formesd’inégalitésenvironnementales à l’œuvre surPython-

Duvernois.

1. Présentationduquartier

Cequartiersesitueà l’estde

Paris, dans le 20e arrondissement,

entrelaPortedeBagnoletaunordet

la Porte de Montreuil au sud. Cet

arrondissement a connu, depuis

quelques années, d’importantes

mutations urbaines liées à la

rénovation urbaine desquelles

Python-Duvernois est, jusqu’à

présent, resté enmarge.Désormais,

ilfaitl’objetd’unprojeturbainàpart

entière, mais fait aussi partie d’une

réflexion d’ensemble avec le projet

delaPorteMontreuil,constituantàeuxdeuxleterritoiredes«Portesdu20e».Ainsi,même

si notre objet d’étude portera uniquement sur Python-Duvernois, les données chiffrées

utiliséesplusbascorrespondentàl’ensembledes«Portesdu20e».

Source:EvenConseil

Figure1Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure2Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure3Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure4Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure5Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure6Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure7Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure8Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure9Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure10Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure11Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure12Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Figure13Lesited’étudedanslaceintureverteparisienne

Page 45: La prise en compte des inégalités environnementales, une

42

a. Unquartierauxfortesbarrièresetrelégué

Caractérisépardefortescoupuresurbainesàlafoisphysiquesetvisuelles,cesecteur

est composé exclusivement d’habitat social, dont le parc est géré par la RIVP61. Il est

composéd’ilotsd’habitatsHLMdisparates,sanstrameurbainecohérente,etcomportedes

équipements,notammentsportifs,inadaptésoutroppeunombreuxetdesespacespublics

peu lisibles.Lasituationgéographiqueeturbainedans laquelle ilsetrouveest lacausede

l’enclavement du quartier. Il appartient à la séquence de la ceinture verte parisienne

délimitéepardesinfrastructuresroutièresetautoroutièreslourdes(boulevardpériphérique,

échangeur,boulevarddesMaréchaux),lesimmeublesd’habitation,quisontvenuss’ajouter

lelongdesgrandesvoiesroutières,ayantpourvocationdeprotégerleresteduquartierdes

nuisances sonores ne font, finalement, que renforcer ce sentiment d’enclavement et de

relégation.Lesnombreux indicateurs socio-économiquesqui serontprésentésunpeuplus

tardpermettentd’affirmeraisémentquenous sommesenprésenced’unquartierdont la

population résidente est située dans des franges socialement et économiquement

précarisées.

b. Unpasséindustrielquirenforcelesinégalitésterritoriales

Lapauvretédecequartierestprofondémentancréedans l’histoiredeParisquiest

marquée par un clivage entre l’Ouest «riche» et l’Est «pauvre» qui s’explique, entre

autres,parlefaitquel’Estparisien,etnotammentle20earrondissementaétéledernierà

êtrerattachéàlacapitale.Àcetteurbanisationtardives’ajoutel’idéequel’appropriationde

nouveauxquartiersparlesgrandsbourgeoisestdifficile,s’ilsnesontpascrééspoureux62.

Mais, Python-Duvernois cumuleun autrehéritage issude sonpassé industriel qui permet

égalementd’expliquerunepauvreté localiséeà cetendroit. L’haussmannisationdu centre

deParisaentaméunprocessusdegentrificationdespopulationsouvrièresversl’extérieur63.

61 Deuxième bailleur social parisien créé en 1923 à des fins de gestion, construction et réhabilitation de

logements sociaux, de résidences étudiantes et d’hôtels d’entreprises. Il possède l’entièreté du parc de

logements HLM du secteur Python-Duvernois. Logements les moins chers de Paris avec un prix moyen de

4,50€/m².62PINÇON-CHARLOTMonique,PINÇONMichel,Lesrichesàl’ouest,lespauvresàl’est,CNRS,200563CLERVALAnne,Parissanslepeuple:lagentrificationdelacapitale,LaDécouverte,Paris,2013,p.254

Page 46: La prise en compte des inégalités environnementales, une

43

De plus, les logements HBM de l’entre-

deux-guerresetlesHLMdel’après-guerre

qui composent encore aujourd’hui le

quartier ont été construits en périphérie

des anciennes fortifications de l’enceinte

défensivedeThiers.Lacroissanceurbaine

de Paris se trouve contrainte entre ces

murs alors qu’elle connaît, au même

moment, une croissance démographique

exceptionnelle issue de l’industrie, au

XIXe siècle. Le 20e arrondissement que

l’on connaît aujourd’hui faisait alors partie, à cette époque, des tissus faubouriens

périphériques qui seront annexés à l’intérieur de l’enceinte en 1870. L’arrière de ces

fortificationspluscommunémentappelées laZone,enréférenceàlazonenonaedificandi,

accueille une population miséreuse; et les bidonvilles viennent border la capitale64. Les

fortifications deviennent aussi, une fois les menaces de la guerre passées, «un lieu de

promenade extraordinairement populaire pour les Parisiens»65 et c’est dans ces fossés

qu’apparaissent lespremiersterrainsdefootballmarquantainsiprofondément lavocation

sportivedecetespace.Vocationde la ceintureverte,que l’on retrouveaujourd’hui sur le

quartier de Python-Duvernois, entre l’actuel boulevard des Maréchaux et le boulevard

périphérique,construitsurl’emplacementdelaZone.

L’histoire lente et compliquée de la croissance urbaine de Paris, érigée par une

successiond’enceintesdefortifications,permetd’éclairerlafracturesocialeetlesprocessus

ségrégatifsquiinterviennentsurdeuxéchelles:celledeParistouteentièreavecunevolonté

pleinementassuméede lapartde laVillede réaliserà l’ouestdes logementsde luxeetà

l’Est des habitats à bonmarché, et une seconde plus fine qui montre une exclusion des

64Ibid.65 COHEN Jean-Louis,Conférence «Les seuils de Paris: des fortifications au périphérique» [Vidéo en ligne],publié le 24 octobre 2003. URL: https://www.canal-

u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/les_seuils_de_paris_des_fortifications_au_peripherique.1363

Figure2 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure113 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure114 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure115 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure116 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure117 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure118 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure119 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure120 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure121 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure122 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure123 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure124 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure125 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure126 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure127 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure128 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Source:APUR

Figure33VueaériennedelaceintureHBMetdufuturemplacementduBoulevardPériphériqueen1943Source:APUR

Figure34 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure35VueaériennedelaceintureHBMetdufuturemplacementduBoulevardPériphériqueen1943Source:APUR

Figure36VueaériennedelaceintureHBMetdufuturemplacementduBoulevardPériphériqueen1943Source:APUR

Figure37 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure38 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure39 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure40VueaériennedelaceintureHBMetdufuturemplacementduBoulevardPériphériqueen1943Source:APUR

Figure41VueaériennedelaceintureHBMetdufuturemplacementduBoulevardPériphériqueen1943Source:APUR

Figure42 Vue aérienne de la ceinture HBM et du futuremplacementduBoulevardPériphériqueen1943

Figure43VueaériennedelaceintureHBMetdufuturemplacementduBoulevardPériphériqueen1943Source:APUR

Figure44VueaériennedelaceintureHBMetdufutur

Page 47: La prise en compte des inégalités environnementales, une

44

classespopulairesenlimitedeParis,loindesaménitésurbainesetnotammentdesstations

demétros,debusoudetramways66.

Le boulevard périphérique est aujourd’hui un symbole de rupture et de fracture urbaine,

séparant Paris et sa proche banlieue. Mais il s’agit également d’un marqueur d’inégalité

important,dumoinspourlesecteurquinousintéresseici.

c. Unterritoiresourced’inégalité

Comme nous l’avons déjà vu plus haut, les éléments qui composent un territoire

peuvent être producteurs d’inégalités. Dans le cas du quartier de Python-Duvernois, la

superstructureduboulevardpériphériqueestjustementundecesélémentsrévélateursde

fortesdisparités.Saprésence révèledeprofondes inégalités socio-spatiales; lapopulation

concentredesdifficultéssocialesetéconomiquesentraînantdesmouvementsdeprécarités

importants qui se traduisent spatialement. Les habitants de ce quartier cumulent des

difficultés liées au chômage, aux emplois

précaires, au décrochage scolaire, à des

difficultés d’alphabétisation, on trouve

également un fort taux de familles

monoparentales. Les dysfonctionnements

urbains en matière d’enclavement, de

dégradation du bâti (proche de l’insalubrité

pour certains), et des espaces publics, de

trames urbaines inadaptées ou encore de

déficit d’offre commerciale ou de services.

Ce sont autant de difficultés auxquelles les

habitants de Python-Duvernois doivent faire face, augmentant leur vulnérabilité et

renforçant leur fragilité. Ce cumul des difficultés vient corroborer des inégalités de toute

sorte,ceàquois’ajouteunesituationd’enclavementgénéréeparceséquipements lourds

duboulevardpériphériqueet de stigmatisation aux fortes répercussionsnotammentpour

uneéventuellerecherched’emploiparexemple.

66Ibid.

Figure3ConstructionduBPetdel’échangeurdelaPortedeBagnolet

Figure304Partdes jeunesde16-25ansnienemploi,nienétudeFigure305ConstructionduBPetde l’échangeurde laPortedeBagnolet

Figure306Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure307Partdes jeunesde16-25ansnienemploi,nienétudeFigure308ConstructionduBPetde l’échangeurde laPortedeBagnolet

Figure309Partdes jeunesde16-25ansnienemploi,nienétudeFigure310ConstructionduBPetde l’échangeurde laPortedeBagnolet

Figure311Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure312Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure313Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure314Partdes jeunesde16-25ansnienemploi,nienétudeFigure315ConstructionduBPetde l’échangeurde laPortedeBagnolet

Figure316Partdes jeunesde16-25ansnienemploi,nien

Source:APUR

Figure144ConstructionduBPetdel’échangeurdelaPortedeBagnoletSource:APUR

Figure145ConstructionduBPetdel’échangeurdelaPortedeBagnolet

Figure146Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétudeFigure147ConstructionduBPetdel’échangeurdelaPortedeBagnoletSource:APUR

Figure148ConstructionduBPetdel’échangeurdelaPortedeBagnoletSource:APUR

Figure149ConstructionduBPetdel’échangeurdelaPortedeBagnolet

Page 48: La prise en compte des inégalités environnementales, une

45

Cet équipement emblématique de la capitale parisienne est aussi une source

importantedenuisancesquiaffecte laqualitéet lecadredeviedeshabitants.Letronçon

situéauniveaudelaportedeBagnoletetdonclelongduquartiera,enplus,laparticularité

d’avoirladoublefonctiondeboulevardpériphériqueetdebretelled’accèsàl’autorouteA3

reliant Paris à l’aéroport Charles deGaulle, notamment. L’échangeur qui accueille un très

grandnombredevéhiculesparjoursetrouveàl’entréenordduquartierPython-Duvernois,

etvientaccentuersoncaractèreroutier.Ainsi,ilsprovoquentàpremièrevuedesnuisances

sonores et des pollutions atmosphériques importantes liées aux particules fines.Mais ces

nuisances sont seulement la partie visible de l’iceberg puisqu’elles provoquent des

dommagessurlasantéphysiqueetmoraledespopulationsprésentesquotidiennement.

2. Diagnosticenvironnemental

Ainsi, les habitants du quartier de Python-Duvernois font face à des problèmes

d’expositionsauxnuisancesetauxrisques,maiségalementàuneinégalitédansl’accèsaux

ressources environnementales et aux aménités urbaines. Nous allons donc dresser un

diagnostic environnemental de Python-Duvernois afin de saisir comment ces inégalités

environnementalesyprennentforme.

a. Unefragilisationsociale

Nous l’avonsévoquéprécédemment, lequartierdePython-Duvernoisest composé

d’une population socialement fragile. Par ailleurs, un ingénieur du génie sanitaire à la

DASES/SPSE de la Ville de Paris m’a dit lors d’un entretien que «des indicateurs socio-

économiquesmontrentquec’estunedespopulations lesplusdéfavoriséesdeParis».Ces

différents indicateurs témoignent alors d’une réalité sociale compliquée. En effet, il s’agit

d’unepopulationjeunedont33%ontmoinsde25ansetquiprésentedesdifficultésliéesà

l’emploi. 45% sont sans diplômes et parmi les actifs 30% des habitants du quartier sont

demandeursd’emploi.Deplus,lapartdes16-25ansquinesontnienétudenienemploia

largementaugmentépuisqu’elleestpasséede16à21%entre2009et2014.Parailleurs,le

Page 49: La prise en compte des inégalités environnementales, une

46

graphiqueci-dessouspermetd’observerégalementquecettepartestlargementsupérieure

àcelledu20earrondissementetencoreplusàcelledeParis,quielleestde9%.

Ilaaussiétéobservéunefaibleoffred’emploisurlesiteavecseulement80emplois

salariésparhectare.Ils’agitd’unquartierquiconcentreunegrandemajoritéd’employésou

d’ouvriers (67%) pour seulement 8% de cadres sur l’ensemble des actifs. Ainsi pour les

personnesoccupantunemploi,leniveaudevieestrelativementmodeste.Eneffet,ilaété

recenséqu’unménagesurtroisétaitunfoyeràbasrevenus.

Source:APUR

Figure446RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure447RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure448RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure449RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure450RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure451RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure452RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure453RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure454RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure455RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure456RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure457RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure458RépartitiondescommercesSource:APUR

Figure4Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure415Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure416Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure417Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure418Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure419Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure420Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure421Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure422Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure423Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure424Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure425Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure426Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure427Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure428Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure429Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure430Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure431Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure432Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure433Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Figure434Partdesjeunesde16-25ansnienemploi,nienétude

Page 50: La prise en compte des inégalités environnementales, une

47

Figure5Partdesemployésetouvriersdanslapopulationactiveâgéesdeplusde15ans,en2012

Source:APUR

D’autrepart,lacompositiondesménagesparticipeégalementàlaprécarisationdes

habitants du quartier. En effet, un ménage sur deux est composé d’une famille

monoparentale (48%). De plus, le parc social est surreprésenté (95% des résidences

principales) sur le quartier de Python-Duvernois. Même si ce sont des logements

majoritairementdegrande taille,uneproblématiquede sur-occupationdes logementsest

présente.

La sur-occupation des logements sociaux, ainsi que leur vétusté liée à la fois à

l’anciennetédeslogements,àleurdégradation,aumanqued’entretien,maiségalementàla

présence de rongeurs et de moisissures dans les immeubles67 participe aux mauvaises

conditionsd’occupationde l’habitat.Cetteprécaritésocialeestenplusaccentuéeparune

précarité économique et salariale qui se caractérise par une difficile insertion

professionnelle. Toutes ces caractéristiques font de Python-Duvernois un quartier où la

population est touchée par une vulnérabilité socio-économique ayant qui plus est des

67Touscesélémentsontnotammentétéidentifiéslorsdesateliersdeconcertationavecleshabitants,menés

danslecadreduprojetd’aménagementdePython-Duvernois.

Page 51: La prise en compte des inégalités environnementales, une

48

répercussions sur leur mobilité résidentielle, mais aussi quotidienne, renforçant un

sentimentfortderelégationurbaineetsociale.L’ingénieurdelaDASESajouteàcelaqu’«ily

a aussi un problème de fracture numérique, de difficulté avec la langue française pour

certains». Ainsi, selon lui, le «diagnostic socialmontre que [Python-Duvernois] fait partie

desplusvulnérables»etc’estcequi,pourlui,caractériseenpremierlieucequartier.

b. Unfaibleaccèsauxaménitésurbaines

Lesétudesfaitespar laVilleet lesdifférentsprestatairestravaillantsur leprojetde

Python-Duvernois montrent qu’un fort sentiment de relégation urbaine et sociale est

ressenti et vécu par les habitants. Ce sentiment est notamment issu de la situation

d’enclavementetd’isolementduquartierrenforcéeparsamiseàl’écartdesopérationsde

renouvellement urbain que la Ville de

Paris mène, depuis quelques années,

dansle20earrondissement.Deplus,ce

qui ressort de l’avis citoyen, constitué

d’environ 300 personnes qui ont été

rencontrées et entendues, est que

certains habitants se sentent piégés

dans ce quartier. À cela s’ajoute,

commenousl’avonsditau-dessus,une

difficultééconomiquelescontraignants

pour un certain nombre à rester sur

place, provoquant une impression

d’assignationàrésidence.

Mais ce qui fait de Python-

Duvernois un quartier relégué à

l’échellede laVilledeParis c’estaussi

son déficit d’aménité urbaine. Il s’agit

par ailleurs pour l’ingénieur de la

Source:APUR/EvenConseil

Figure6Répartitiondescommerces

Page 52: La prise en compte des inégalités environnementales, une

49

DASES d’un des types d’inégalités environnementales présents sur ce secteur: «tu as ce

qu’onappellelesaménités.[…]Undéficitdetoutcequiestpositifpourlasanté,lesespaces

verts,desendroitscalmes[…].Pourmoioui,inégalitéenvironnementale,çaévoquecela».

Ainsi, ce faible accès à l’urbanité fait parfaitement référenceàunedes formesd’inégalité

environnementalequemetenavantLydieLaigledanssadéfinitionprécédemmentévoquée.

Surnotresecteurd’étude,celaseconcrétiseparunnombredecommercesrelativementbas

avec 84 commerces pour 10000 habitants en 2017 alors qu’il est de 141 pour le 20e

arrondissement et de 282 à l’échelle de Paris. Parmi ces commerces implantés à Python-

Duvernois, 34% représentent des commerces alimentaires indiquant alors une faible

diversitédel’offrecommerciale.Cellequiexisten’estenpluspasdesplusqualitative.

Par ailleurs, il y a également un manque d’espace vert qui représente seulement

0,99m2parhabitant,alorsquecenombreestde2,26m2pourlerestedel’arrondissement.

CeconstatestassezparadoxalpuisquePython-Duvernoissetrouvedanslaceinturevertede

Paris.Ceparadoxes’explique,commeleprécisel’ingénieurdelaDASESpar«deschosestrès

clôturéespourl’instant. Ilyadespelousessynthétiquesaussi,çaparaîtvert,maiscen’est

pas du gazon». Ce quartier est, en effet, caractérisé par des équipements sportifs, mais

fermépardesbarrièresexcluantleshabitantsdetoutepratiquesportivesurcesterrains.

Cemanqued’urbanitéadesconséquencessocialesquipeuventêtreimportantes.En

effet, le quartier fait face à une absence totale d’équipement de santé (0 pour 10000

habitantsen2017).Danscetypedequartierdéjàsocialementdéfavorisé,cetteabsencede

professionnelsdesantécréeuneautre formede fragilitéet renforce lavulnérabilitéde la

population.Ils’agitd’unpointquel’ingénieurdelaDASESatrèsviteidentifié:

un problème qui a l’air un peu plus spécifique aussi autour de problèmes desantémentale chez les tout petits parce qu’il n’y a pas de professionnels quipermettent de bien prendre en charge tout ça. Les enfants, dans les autresarrondissements,sontdépistésettraitésassezvite.

Tous ces facteurs sont donc considérés comme des aménités urbaines c’est-à-dire

l’ensemble des éléments positifs d’un environnement urbain. Lemanque flagrant d’accès

auxressourcesurbainesetàunecadredeviedequalitéentravelebien-êtreetlasantédes

Page 53: La prise en compte des inégalités environnementales, une

50

habitants,alorsmêmequ’ilssontsoumisàdesnuisancesetexpositionsenvironnementales

fortes.

c. Uneforteexpositionauxpollutionsetrisquesenvironnementaux

Le quartier de Python-Duvernois est aussi affecté par une autre forme d’inégalité

environnementalequiestparailleurscertainementlaplusévidente:«celled’expositiondes

populations aux risques socio-sanitaires et environnementaux»68. Tous les acteurs

rencontrés sontunanimespourdirequ’il existedes inégalitésd’exposition sur ce secteur.

Ainsi,lequartierprésenteunvéritableenjeulié«auxnuisancesenvironnementales,lebruit,

la pollution de l’air, la pollution des sols» comme le précise l’ingénieur de la DASES. Le

territoire souffre donc de problématiques environnementales et énergétiques, de par la

proximité immédiate du boulevard périphérique et des grandes infrastructures de

circulationouenraisondelaconceptionancienneeténergivored’unegrandemajoritédu

patrimoinebâti69.

Les causes sont à chercher, d’une part, dans la situation d’enclavement entre des

axesroutiersetautoroutiersimportantsetplusparticulièrementleboulevardpériphérique.

CetteproximitéroutièrefaitduquartierdePython-Duvernoisunsecteurfortementexposé

auxpollutionsatmosphériquesetauxnuisancessonores.Ilaétéconstatégrâceàdesétudes

menées sur le site que le cœur du quartier est relativement calme, mais les franges du

quartiersontquantàellessoumisesàdesnuisancessonoresnonmodéréescaractérisantun

PointNoirdeBruit (supérieurà65dB(A)).Cesontenviron20%deshabitantsdePython-

Duvernoisquisontexposésàdesniveauxsonorestrèsélevésdejourcommedenuit.

D’autre part, cette omniprésence de la voiture provoque également de fortes pollutions

atmosphériques. Toutefois, et sans pour autant sous-estimer la situation de Python-

Duvernois, la Ville de Paris est incluse dans la Zone Sensible pour la qualité de l’air,

notammentenraisondesadensitédepopulationimportante.Ainsi,le20earrondissement

68 LAIGLE Lydie, Conceptionsdes inégalités écologiques: quelleplacedans lespolitiquesdedéveloppement

urbaindurable?,RapportfinalpourlePUCA–MEDD,décembre2009,p.7069MairiedeParis,«Étatd’avancementduprogrammede travailmenésur le secteurNPNRUdesPortesdu

20e»,NoteRTP,Mars2018

Page 54: La prise en compte des inégalités environnementales, une

51

subitdespollutionscomparablesauresteduterritoireparisien.Toutefois,lescomptageset

modélisations qui ont été effectués dans le cadre des études inscrites au protocole de

préfiguration de l’ANRU, montre qu’il y a une concentration d’oxyde d’azote (NO2)

largement supérieure à la valeur limite sur les grands axes (boulevard périphérique et

boulevarddesMaréchaux).Ainsi,leslogementsdontleschambresdonnentdirectementsur

le boulevard périphérique sont bien entendu les plus exposés, pouvant entraîner des

maladiesrespiratoiresgraves.

Le trafic routier constitue le deuxième secteur émetteur de polluants dans le 20e

arrondissement, lepremierrenvoieausecteurrésidentiel/tertiaire70.Eneffet, laqualitéde

l’airintérieurposeaussiproblème.Cependant,lanotionderisquesetd’expositionestliéeà

laprécaritéénergétique,auxmoisissures,àl’humiditéetladétériorationdeslogementsde

manièregénérale,participantàuncadredeviedégradéetimpactantlasantédeshabitants,

d’autantplusque,commeévoquéplushaut,cettepopulationn’apaslesressourcessociales

et financières pour compenser cette situation environnementale. Il y a alors un cumul de

difficultés liées à l’environnement des personnes résidentes sur le quartier renforçant le

sentimentd’inégalitésfaceàleurenvironnementdégradé.

3. L’impactcumulatifdesinégalitésenvironnementales

a. Uneffetdecumulrenforçantlavulnérabilitésociale…

À travers ce diagnostic environnemental, nous pouvons aisément distinguer qu’il

existe deux groupes de composantes environnementales: un négatif et un positif71. Les

composantesenvironnementalesnégativescorrespondentàcequeSandrineGueymardet

Nicolas Laruelle, auteurs de la noteInégalités environnementales et sociales sont

étroitementliéesenÎle-de-Francepourl’IAUîdF,appelle,la«multi-expositionauxnuisances,

risquesetpollutions».Ces territoiresmulti-exposéssontalors identifiéscommeétantdes

70AirParif,Bilandesémissionsdepolluantsatmosphériques,insited’AirParif71GUEYMARDSandrine,LARUELLENicolas,«Inégalitésenvironnementalesetsocialessontétroitement liées

enÎle-de-France»,Noterapidedel’institutd’aménagementetd’urbanisme–Île-de-France,n°749,Juin2017,p.6

Page 55: La prise en compte des inégalités environnementales, une

52

«points noirs environnementaux» à partir dumoment où ces zones géographiques sont

exposéesà,auminimum,deux formesdenuisancesetpollutions (pollutionde l’air,bruit,

pollution des sols, pollution de l’eau distribuée, pollutions chroniques diffuses liées à

l’activité industrielle). L’étude de l’IAU îdF montre que cette multi-exposition

environnementale touche8%duterritoire francilien.Cesmêmesespacessontaussi,nous

l’avonsdéjàévoqué,ceuxquiregroupent,entresautres,unepartimportantedesménages

dontlesrevenussontbas,venant«confirmerlaconjonctiond’inégalitésenvironnementales

etd’inégalitéssocialesenÎle-de-France»72.

De l’autre côté, nous avons les composantes environnementales positives définies

par les aménités vertes. Il s’agit là de «l’ensemble des facteurs environnementaux

susceptibles de procurer des agréments esthétiques, fonctionnels ou sensoriels»73 plus

précisément,celacorrespondàdesespacesvertsetboisés,deszonesdecalme,uneoffreen

végétation,àlaprésencedejardinscollectifsetrécréatifs.Cesaménitésreprésententdonc

toutcequiestpositifdansl’environnementetquipeutavoirunrôleindispensabledansla

création d’un cadre de vie de qualité.Mais cette composante positive peut être très peu

présente, voire tout à fait inexistante, dans un territoire. Ainsi, les inégalités

environnementales sont une conjonction de plusieurs éléments. À Python-Duvernois,

«globalement,c’estunesituationquin’estpasfavorablesurlequartier,maisenplustuas

desgensquicumulent»,nousfaitremarquerl’ingénieurdelaDASES.

Cet aspect cumulatif est finalement au centre de la définition des inégalités

environnementales puisque ces habitants connaissent alors un cumul de difficultés, de

nuisances et n’ont pas de ressources pour y faire face participant alors à la création

d’inégalités injustes. Ces ressources peuvent dans ce cas être des aménités vertes pour

compensercertainesnuisancesoucertainspolluants,maisellespeuventégalementêtrede

l’ordred’uneressourcefinancièreleurpermettantdesortirdeleurenvironnementnéfaste

etd’atténuerlesexternalitésnégativesdel’environnement.

72Ibid.73Ibid.

Page 56: La prise en compte des inégalités environnementales, une

53

L’exemple des ZUS avait été très parlant et confirmait ce cumul de difficultés

géographiquement concentré. «L’impact cumulatif entre inégalités environnementales et

sociales est évident»74 et sa résultante tout aussi évidente; le danger d’un tel cumul

subsiste à travers la dégradation de la santé des habitants du territoire et donc de la

précaritédeleurconditionsociale,ainsiquelavulnérabilitéphysiqueetmentale75.

b. …etdégradantlasantéhumaine

Aujourd’hui, il est admis que la santé d’une personne ne se caractérise plus

seulementpardesmaladiesoupathologieshéréditairesougénétiques.En1946,l’OMSaen

effetdéfinilasantécomme«unétatdecompletbien-êtrephysique,mentaletsocial,quine

consistepasseulementenuneabsencedemaladieoud’infirmité».Ainsi,«l’étatdesanté

d’une personne se caractérise par des interactions complexes entre facteurs individuels,

socio-environnementauxetéconomiques»76.L’ensembledecesinteractionsaétéreprispar

Whitehead et Dahlgren à travers le schéma suivant qui reprend tous les éléments

susceptiblesd’agirsurlasantéhumaine.

74LAURENTÉloi,«Écologieetinégalités»,Revuedel’OFCE,109,avril2009,p.2675Ibid.76SantépubliqueFrance,«Inégalitéssocialesdesanté.Qu’est-cequidéterminenotreétatdesanté»,Février2012,

Page 57: La prise en compte des inégalités environnementales, une

54

Lesystèmedesantéaujourd’huinecompteenfaitquepour20%surl’étatdesanté

d’unepopulation.Les80%restantssontinfluencésparcesfacteursetdéterminants.Ainsi,

lesnuisances, expositionset risques liés à l’environnementontbienévidemmentuneffet

négatif sur la santé, on pense d’ailleurs en premier lieu à des difficultés respiratoires par

exemple,mais ils’agitenfaitprincipalementdecetaspectdecumulquivientrenforcer la

vulnérabilitéd’un individuougrouped’individu.Lesproblèmesdesantévontdoncêtre la

résultantedesconditionsdevied’unepersonne.

LavulnérabilitéparticulièrementimportantedelapopulationdePython-Duvernoisa

desrépercussionssurlescapacitésdesrésidentsduquartier,etnotammentadaptativesaux

effets sanitaires issus de leur environnement quotidien77. Le manque de ressources

financières entrave leur capacité à se défendre face à un environnement dégradé et leur

77CROSEMARIEPierrette,«Réduirelesinégalitésenvironnementalesetsociales»,DossierDéveloppement

Durable,Homme&Libertén°170,juin2015,pp.42-45

Source:SantépubliqueFrance

Figure7LemodèledesdéterminantsdelasantédeWhiteheadetDahlgren(1991)

Page 58: La prise en compte des inégalités environnementales, une

55

capacitéd’actioncollective78.Ainsicettepopulationn’apas lesressourcespourfacilement

«se mobiliser, ne serait-ce que le problème de l’accès à l’écrit, le problème d’accès au

français»,commel’asoulignél’ingénieurdelaDASESlorsdenotreentretien.Dèslorsque

cespopulationssontfaceàuncumuldedifficultéssurleplansanitaire,leursvulnérabilités

seraaccrue,d’autantpluslorsqu’ellessubissentuneabsencedeprofessionnelsetd’offrede

santé79. De plus, leur manque de moyens financiers et donc leur vulnérabilité socio-

économiqueviennentconsoliderlesinégalitéssocialesdesantéetempêcherleurcapacitéà

se défaire d’eux-mêmes d’une situation négative pour leur bien-être. «En effet,même à

exposition équivalente, les populations socialement vulnérables ont une plus forte

probabilitédedévelopperdespathologies»80.Cettepopulationvaainsiavoirénormément

demalàs’extraired’unesituationnéfasteetanxiogène.

Le concept de santé environnementale, au-delà d’être une résultante de l’effet

cumulatifdesinégalitésenvironnementales,estunenotionquiapermisd’introduire,même

timidement, ce concept dans les politiques publiques. L’OMS reconnaît la santé

environnement en 1994 et «fait en 1999 de l’amélioration des conditions

environnementales“lacléd’unemeilleuresanté”»81.Lesquestionssanitairessontalorsun

pointd’entréepour lapriseencomptedes inégalitésenvironnementalesà travers lePlan

NationalSantéEnvironnementale(PNSE)quiintroduitceconcepten2009par«lapriseen

compte et la gestion des inégalités environnementales, c’est-à-dire la limitation des

nuisancesécologiquessusceptiblesd’induireouderenforcerdesinégalitésdesanté»82.La

versionduPNSEquiasuivis’estdonnél’ambitiondepoursuivrecetobjectif.Toutefois,cet

effortnes’estpassoldépar l’élaborationdepolitiquespubliquespermettantde répondre

auxenjeux fortsdes inégalitésenvironnementales.Àceconstat,nouspouvonsnéanmoins

amenerunenuance.Nousleverronsendeuxièmepartiedecemémoire,laVilledePariset

78Ibid.79GUEYMARDSandrine,«Inégalitésenvironnementales. Identificationdepointsnoirsenvironnementauxen

régionÎle-de-France»,Rapportd’étudedel’institutd’aménagementetd’urbanisme–Île-de-France,Mars2016,

p.3680Ibid.81LAURENTÉloi,«LesinégalitésenvironnementalesenFrance,analyse,constat,action.»NotedelaFondationdel’ÉcologiePolitique,juin2014,p.12.82DeuxièmePlanNationalSantéEnvironnement(PNSE2)2009-2013,prévupar la loidesantépubliquedu9

août2004,etleGrenelledel’environnement.

Page 59: La prise en compte des inégalités environnementales, une

56

plus particulièrement le SPSE a mis en place, depuis quelques années, un travail sur

l’Évaluationd’ImpactsurlaSanté(EIS)quiapourobjectifd’évalueretd’anticiperleseffets

directset indirectsd’unprojetoud’unepolitiquepubliquesur lasantéet lebien-êtredes

populations. LeprojetdePython-Duvernoisestparailleurs, lepremieràenbénéficier sur

l’ensembleduterritoireparisien.

Page 60: La prise en compte des inégalités environnementales, une

57

Conclusion

Leconceptd’inégalitéenvironnementaleasuscitéunintérêtdeschercheursdansles

années2000,prèsdevingtansaprès l’essorde la justiceenvironnementaleauxÉtats-Unis

qui,desoncôté,apresqueimmédiatementfaitl’objetdepolitiquespubliquesconcrèteset

applicables sur le territoire. Cette différence provient principalement du fait que les pays

anglo-saxonssesontemparésdusujetsousl’angledelajusticepermettantd’appliquerdes

actions politiques adaptées. La France, quant à elle, se saisit du problème au prisme des

inégalités,renvoyantàunevolontéanciennedeconstruireunesociétéégalitaireendroit.En

ce sens, les contextes socio-politiques des pays reflètent des visions de la justice et de

l’environnementdifférentes.Lesinégalitésenvironnementalespeuventfaireréférenceàun

cumul de discriminations sociales et environnementales, ainsi qu’à des «mécanismes

inégalitaires dans l’accès et dans la productiondu cadrede vie»83. Le concept d’inégalité

environnementalepermetainsidemettreenlumièreetdepenserlerapportdessociétésà

leur environnement de manière plus interactive. De plus, le traitement de ce type

d’inégalités implique «une action publique moins sectorisée, plus décentralisée et plus

ouvertesurlasociétécivile»84,pourundéveloppementurbainplusdurable.

83 LAIGLE Lydie, TUAL Mélanie, «Conception des inégalités écologiques dans cinq pays européens: quelle

placedanslespolitiquesdedéveloppementurbaindurable?»,Développementdurableetterritoires,Dossier9,2007,p.1984Ibid.

Page 61: La prise en compte des inégalités environnementales, une

58

Page 62: La prise en compte des inégalités environnementales, une

59

CHAPITRE2

Appréhensiondelanotiond’inégalité

environnementaledansleprojetde

Python-Duvernois

Aprèsavoirdéveloppéleconceptd’inégalitéenvironnementaledanstoussesaspects

permettantsacompréhensionfine,cesecondchapitreaurapourobjectifdelesaisirdansun

contexte bien particulier. Nous allons en effet voir quelle place prennent les inégalités

environnementalesdansleprocessusd’élaborationduprojetderenouvellementurbaindu

quartier de Python-Duvernois à Paris. Il s’agit d’appréhender la prise en compte des

inégalitésenvironnementalesdans lespolitiquespubliques locales,maiségalementpar les

acteurs du renouvellement urbain. Nous tâcherons demettre en lumière les apports des

inégalitésenvironnementalesdanslemontaged’uneopérationurbaineetdansunsecteurà

forts enjeux. Dans un premier temps, nous verrons en quoi la gouvernance de ce projet

laisseàpenseràunepriseencomptefavorabledesenjeuxdesinégalitésenvironnementales

pour un développement urbain durable. Dans un second temps, il s’agira de nuancer

certainspropospourdégagerleslimitesdecetteopérationderenouvellementurbainvuau

prismedesinégalitésenvironnementales.

Page 63: La prise en compte des inégalités environnementales, une

60

Partie 1: Un projet de renouvellement urbain qui

intègrelesinégalitésenvironnementales

1. Laplaceoccupéeparlesinégalitésenvironnementalesdanslespolitiques

publiques

a. Lequartier:lanouvelleéchellepourlapolitiquedelaville

Python-Duvernoisest,depuis2004, inscritdansunegéographieprioritaireimpulsée

par la politique de la ville. Depuis la loi de «programmation pour la ville et la cohésion

urbaine»de2014,diteloiLamy,cettegéographieprioritaireaétéredéfiniepourintervenir

désormaisàl’échelledequartiersjugésprioritaires.Cesontceuxdanslesquelslesinégalités

socio-économiquessontlesplusimportantesetsurlesquelslespartenairesconcentrentpar

conséquentdesmoyenshumainsetfinancierssupplémentaires.Ils’agitd’«unepolitiquede

cohésion urbaine et de solidarité, nationale et locale, envers les quartiers défavorisés et

leurshabitants»85.Ellereposesuruneconduitepartenariale,dansnotrecas,entre laVille

de Paris, la mairie du 20e arrondissement, l’État, la Région, les associations et des

organismes telsque, laCAFet lesbailleurssociaux.Touscesacteursse réunissentafinde

définirdesobjectifsetdesmoyensd’actioncommunequiseretrouventdansleContratde

Ville2015-2020.

Cettenouvellepolitiquede laville«viseà réduire lesécartsdedéveloppementau

seindesquartiers,àrestaurerl’égalitérépublicaineetàaméliorerlesconditionsdeviedes

habitants»86.Pourrépondreàcela, la loiLamyadéfinidixobjectifsquidoiventêtrevisés

«en tenant compte de la diversité des territoires et de leurs ressources»87. Ainsi, le

programmeducontratdevilleduterritoiredes«Portesdu20e»etdoncceluidePython-

Duvernois, vise en particulier les champs de l’emploi, l’insertion professionnelle et du

développement économique, du développement du lien social, l’accès aux droits et à la

85Loin°2014-173du21février2014deprogrammationpourlavilleetlacohésionurbaine,article186MinistèredelaCohésiondesterritoires,Géographieprioritairedelapolitiquedelaville,8septembre201787Loin°2014-173du21février2014deprogrammationpourlavilleetlacohésionurbaine,article1

Page 64: La prise en compte des inégalités environnementales, une

61

citoyenneté,del’améliorationdel’habitat,ducadredevieetdurenouvellementurbain,de

l’éducation,lajeunesseetlessports,delasanté,delapréventiondeladélinquanceetenfin

celuidelaculture.

Il s’agit là d’une politique globale et transversale cherchant, par le biais d’une

démarchedediscriminationpositive,àluttercontrelesexclusionssoustoutessesformes,à

réduire les inégalitésetà«répondreaucumuldedifficultésquerencontrent leshabitants

decesquartiersdéfavorisés»88.Ainsi,àPython-Duvernois,l’ÉquipedeDéveloppementLocal

(EDL),rattachéeauservicePolitiquedelavilledelaDirectiondelaDémocratie,desCitoyen.

ne. s et des Territoires (DDTC), qui est composée d’un chef de projet et de chargés de

développement,metenplacedesactionstrèsconcrètesàtravers,entreautres, laGestion

UrbainedeProximité(GUP).Ils’agitd’unoutilsurlequelnousreviendronsplusprécisément

parlasuite.

Nousl’avonsévoqué,lapolitiquedelavilleintervientàl’échelleduquartier.Celui-ci

estaucentredel’actionpubliqueetapparaîtainsicommeunterritoireprivilégiésurleplan

opérationnel.Eneffet,lequartierestun

terrain qui semble pertinent pour mettre à l’épreuve les processus dedéveloppementlocal,oùconvergentlespréoccupationsdegestionpubliquedesélusmunicipauxet lademandedequalitéducadredeviequotidien,de lapartdeshabitants.89

Pourautant,lagrandemajoritédespolitiquesurbainessontélaboréesetmisesenœuvreà

l’échelle nationale, communale, voire intercommunale, et peuvent sembler parfois

déconnectées de certaines réalités très locales. En effet, chaque quartier possède ses

propresspécificitésetleur«évolutiondépenddesonorganisationsocialeetdesarelation

avecl’ensembledelaville»90.Ilestimportantdegarderàl’espritqu’unquartierestunlieu

88MinistèredelaCohésiondesterritoires,Géographieprioritairedelapolitiquedelaville,8septembre201789 VALEGEAS François, Concevoir et habiter un quartier dit durable: injonctions écologiques et dynamiquescollectivesàBreauregard(Rennes)etLesBrichères(Auxerre)[Thèse],Architecture,aménagementdel’espace,

UniversitéParis-Est,2014,p.490.90CHARLOT-VALDIEUCatherine,OUTREQUINPhilippe,Développementdurableetrenouvellementurbain:desoutilsopérationnelspouraméliorerlaqualitédeviedansnosquartiers,L’Harmattan,«Villesetentreprises»,

Paris,2006,p.23

Page 65: La prise en compte des inégalités environnementales, une

62

de vie dans lequel les populations vont former une certaine unité et qui va être vécu et

fréquenté quotidiennement. En ce sens, l’échelle du quartier paraît pertinente avant tout

parce que c’est à ce niveau qu’une démarche participative est la plus efficace. Enfin, elle

permetaussid’interveniretdetraiterdesproblématiquesenvironnementalesousocialesau

plus près des réalités qui vont différer en fonction, par exemple, de la localisation d’un

quartier;qu’ilsoitenentréedeville,enbordured’uneinfrastructureroutièreouaucentre

d’uneville,lesenjeuxenvironnementauxousociauxneserontpaslesmêmes.

Le quartier doit ainsi «faire l’objet d’un aménagement propre ou d’une politique

particulière»91.C’estceque lapolitiquede lavillechercheà fairepardesobjectifsetdes

actions qui sont certes communs et globaux,mais qui laissent toutefois la possibilité aux

acteurslocauxdes’enemparerselonlesspécificitésetlesdifficultésquepeuventrencontrer

les habitants d’un quartier prioritaire. Ainsi, s’adapter aux attentes et aux besoins

significatifsdelapopulationestprimordialdansunquartiercommePython-Duvernoispour,

dans un premier temps, tenter de regagner la confiance de ses habitants trop longtemps

délaisséspar lapuissancepublique.Maiségalement,pourpouvoiragiretmettreenplace

desactionsjustes.

L’intentionet lesobjectifsdonnéspar lapolitiquede lavillesemblentdoncêtreen

adéquationavecladémarchedelajusticeenvironnementale,pourrépondreàlaplupartdes

enjeux émis par les inégalités environnementales. Bien que ce concept ne soit pas

explicitement exprimé, on retrouve dans cette politique globale et transversale, l’aspect

cumulatifdesdifficultésetdesdysfonctionnementsd’unespaceainsiquelavolontédelutte

contre les inégalités sociales et territoriales, qui comme nous l’avons vu, fait partie

intégrante de la notion d’inégalité environnementale. Les champs qui la constituent sont

couverts par la politique de la ville, excepté peut-être, le domaine environnemental à

proprement parlé. Nous verrons par la suite que cette dimension se retrouve davantage

danslapolitiquederenouvellementurbainmenéparl’ANRU.

91Ibid,p.19

Page 66: La prise en compte des inégalités environnementales, une

63

b. LesobjectifsduNPNRU2014-2024

L’undespiliersmajeursdelapolitiquedelavilleestceluidurenouvellementurbain.

Après le PNRU lancé en 2003 par Jean-Louis Borloo, c’est au tour du NPNRU de prendre

placedanslepaysagepolitiquesurlapériode2014-2024.Eneffet,legouvernementavoté

en2014laloide«programmationpourlavilleetlacohésionurbaine»,lançantparlamême

occasioncenouveauprogrammeportépar l’ANRUetfondésuruneapprocherenouvelée.

L’Étataalorsconfiéàl’ANRUuneenveloppefinancièrede5milliardsd’eurosdanslebutde

poursuivredesobjectifsambitieux.Ceprogrammeapourprincipalavantagelasimplification

desprocéduresliéesauxmontagesopérationnelsd’unprojeturbain.

Lechangementmajeurdecettenouvellegénérationdeprojetsderenouvellement

urbain porte sur une conception à l’échelle intercommunale et non plus au niveau de la

communeetduquartier92.Ils’inscritdansuncadrefixéparlescontratsdevilleets’applique

doncauxquartierspolitiquesde laville.Onpeutyvoir làunecertainecontradictionentre

cesdeuxpolitiques,pourtanttrèsliées,puisque,nousl’avonsévoquéplushaut,lapolitique

delavilleportesonactionessentiellementàl’échelleduquartier.Toutefois,cetteactionà

l’échelleintercommunaleaétépréféréepourunemeilleurepriseencomptedes«stratégies

globales de l’habitat sur l’ensemble d’un territoire»93. C’est également, de manière plus

générale,unefaçondepouvoirmobilisertouslesoutilsetacteursafindemettreenœuvre

une stratégie adaptée aux contextes locaux, ainsi que de repenser le quartier dans son

environnementlarge.Parconséquent,ils’agitderedonneràcequartieruneplacedansune

dynamiqueetunfonctionnementintercommunalpourleréintégrerdansl’agglomération.

Ce NPNRU vient alors incarner une nouvelle politique de la ville et renforcer

l’ambition du renouvellement urbain sur la mixité sociale, l’ouverture des QPV sur leur

environnement,ledéveloppementéconomiqueetcommercialetl’améliorationducadrede

vie des habitants. Cette ambition est résumée par Nicolas Grivel, Directeur général de

l’ANRU, de la manière suivante: «pour transformer en profondeur ces territoires, il est

92 Conseil desministres, «Lamise enœuvre du nouveau programmenational de renouvellement urbain»,Compterendu,24février201793Ibid.

Page 67: La prise en compte des inégalités environnementales, une

64

essentiel de favoriser la mixité sociale, le développement économique et l’attractivité

résidentielle des quartiers, tout en contribuant à l’émergence d’une ville durable et

solidaire.»94

En ce sens, cinq objectifs incontournables ont été identifiés. Le premier concerne

l’augmentationdeladiversitédel’habitatenconstruisantnotammentdeslogementsprivés

dans les quartiers; le second consiste à favoriser le développement du commerce de

proximitéetdeconsolider lepotentieldedéveloppementéconomique.Letroisièmeenjeu

estceluid’uneouvertureetundésenclavementrenforcéduquartieretde lamobilitédes

habitants. Il s’agit également de concevoir les quartiers en fonction des besoins des

habitantsetdeco-construire leprojetaveceux,grâcenotammentauxconseilscitoyenset

aux maisons de projets. Pour finir, un des objectifs relativement nouveaux dans cette

politiquederenouvellementestceluidudéveloppementdurabledontlebutvisel’efficacité

énergétiqueetlerespectdel’environnement95.L’ANRUsouhaite,parlebiaisdecesgrands

objectifs,refléterleurvolontéd’appréhenderlesprojetsderenouvellementurbainparune

approche intégrée de développement territorial96. Elle veut en effet, encourager les

collectivités à aborder les projets dans toutes leurs dimensions, notamment en termes

d’impactsenvironnementaux,sociauxetéconomiques,etégalementd’engagerunemiseen

commun des compétences favorisée par la pluralité d’acteurs travaillant sur un même

projet.

Par ailleurs, leNPNRU veut porter l’ambition forte d’une ville durable. En effet, le

concept même du renouvellement urbain est d’agir en profondeur sur un quartier en

déqualification vers sa mise en requalification urbaine. Cette inversion de tendance doit

avoirdesconséquencessurl’ensembledesdomainesetpermettrede«renforcerl’urbanité

94ANRU,NouveauProgrammeNationaldeRenouvellementUrbain.Élaborationdesprojetsderenouvellementurbaindanslecadredescontratsdeville,Février2015.95 ANRU, «Le nouveau programme national de renouvellement urbain 2014-2024»,Dossier de presse, 16décembre201496RenouvellementLedigiMAG,«L’approchesystémique,l’undesfondamentauxduNPNRU»,DossierspécialPIA.Innovatinetrenouvellementurbain,MAGn°7,Avril2017

Page 68: La prise en compte des inégalités environnementales, une

65

par la maîtrise des nuisances et la promotion des aménités urbaines»97. Par le

renouvellementetdoncparl’attractivitéentermesdequalitédel’image,l’intentionestde

faire coïncider qualité du cadre de vie et qualité de vie98. Comme nous l’avons dit en

introduction,lelienentrerenouvellementurbainetvilledurablesembleévident.Lesactions

etlesobjectifsmisenavantparl’ANRUetlapolitiquedelavilleportentlesidéesfortesdu

développement durable pour tenter aux mieux de répondre aux différentes formes

d’inégalités et de ségrégation urbaine. La transversalité entre les enjeux sociaux,

environnementaux,économiquesetspatiaux,ainsique lamultiplicitédesacteursprésents

semble pouvoir amorcer une réponse concernant notre problématique d’inégalité

environnementale. Une nuance sera toutefois à apporter plus tard, car nous verrons que

cettedurabilitéresteinachevéeparticulièrementsursonaspectsocial.

c. Lacontractualisationdesprojetsderenouvellementurbain

Aprèsque lesquartiersd’intérêtnationalet régionalontétéretenuspar l’ANRUet

ses partenaires (l’État, la Région, leDépartement,Action Logement, l’ANAH, la Caissedes

Dépôts et des Consignations, l’Union sociale pour l’habitat et les bailleurs) sur un certain

nombre de critères, l’ANRU lance la contractualisation des projets NPNRU. Une fois le

contrat de ville signé fixant le cadre de référence, la première étape de cette

contractualisationconcerneleprotocoledepréfiguration.Ilestapprouvéparl’ANRUetvise

àpréciseret à financerunprogrammed’étudeset lesmoyensd’ingénierie. Il s’agitd’une

phasederéflexionsurlesobjectifsduprojetetilchercheàs’assurerdelabonnearticulation

aveclastratégieinscritedanslecontratdeville99.

Le second temps de la contractualisation prévu par l’ANRU concerne la convention

pluriannuelle de renouvellement urbain qui détermine les projets opérationnels et les

conditionsdeleurmiseenœuvre.Cetteconventionprogrammelesconcoursfinanciersqui

sontaccordéssouslaformedesubventionsparl’ANRUetsespartenaires.

97SCARWELLHelga-Jane,ROUSSELIsabelle,«Ledéveloppementdurable,unréférentielpourl’actionpublique

entre attractivité et tensions», Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement [En ligne],1|2006,misenlignele1erseptembre201098Ibid.99ANRU,NouveauProgrammeNationaldeRenouvellementUrbain.Élaborationdesprojetsderenouvellementurbaindanslecadredescontratsdeville,Février2015

Page 69: La prise en compte des inégalités environnementales, une

66

LeprojetNPNRUdePython-Duvernoissesitueactuellementdanslapremièreétape

decettecontractualisation. Leprotocoledepréfigurationaété signépar l’État, l’ANRU, la

VilledeParis,laCaissedesDépôts,l’ANAH,lesorganismesHLMconcernésetleséventuels

co-financeurs,enavril2017pourunepériodede18mois.

Lesobjectifs identifiésdans leprotocoledepréfigurationà l’échelledes«Portesdu20e»

sontlessuivants:

Figure8Objectifsissusduprotocoledepréfiguration

Articulerleséchellesmétropolitaineetlocaleetrelierlesiteauxterritoiresvoisins

�Coconstruireunevisionstratégiquemétropolitaine

�Retisserlesterritoirespardesliensphysiques

Agirenfaveurd’unediversitésocialeetfonctionnelledansunenvironnementmisen

valeuretapaisé

�DévelopperlamixitésocialeetfonctionnelledanslesecteurPython-Duvernois

�TransformerlaPortedeMontreuilenplacemétropolitaine

�Apaiserlequartier

�Diversifierl’offredelogements

�Fairedel’écolelecreusetdelamixité

�Transformerlaceintureverteetdéployerl’identitéverteduquartier

Transformerlesiteenunterritoireattractif,générateurdedéveloppementéconomiqueet

d’emploi

�Préparerledéveloppementéconomiquedusecteur

�Renforcerlavitalitéetl’animationcommerciale

�L’économiecirculaire,levierdedéveloppement

�Renforcerl’efficacitédesmesuresd’insertionprofessionnelle

Améliorerlasantéetlaqualitéenvironnementalepourunmeilleurcadredevie

�Luttercontrelaprécaritéénergétiqueparlatransformationdubâti

�Développerl’excellenceenvironnementaledelagestiondesensemblesdelogements

Laparticipationdeshabitantsetl’actioncitoyenneauserviceduprojet

�Outilspourlaconcertation

�Destempsdediagnosticetdeconstructiondesprojets

Source:ProtocoledePréfiguration,VilledeParis

Ceprotocoleapermisde lancerungrandnombred’étudespré-opérationnelles,quenous

étudieronsplustard,permettantd’engageretdeconstruireunprojeturbainenrespectant

lesobjectifssuscités.Lesdeuxième,quatrième,etcinquièmeobjectifsmontrentd’ailleursla

volontéd’agirsurdesvoletssociauxetenvironnementauxpermettantainsiuneintégration

delanotiond’inégalitésenvironnementalesparleurarticulation.

Page 70: La prise en compte des inégalités environnementales, une

67

2. Lescénariod’aménagementretenu

Le projet de Python-Duvernois reprenddenombreuses caractéristiques communes

aux projets de renouvellement urbain menés dans le cadre du Nouveau Programme de

RenouvellementUrbainenFrance.Ilcherchenotammentàdésenclaverlequartierpourlui

redonner une place dans la ville, et à intégrer de la mixité sociale pour diversifier le

peuplement dans le but de parvenir à un certain équilibre social. Ce sont des objectifs

communs à tous les quartiers NPNRU puisqu’ils correspondent globalement à ceux de la

politiquederenouvellementurbain,qui«visel’améliorationdel’habitat,lapromotiondela

mixité sociale, le désenclavement et le développement économique des quartiers

populaires»100.

Toutefois,cenesontpaslesseulsobjectifsàsuivrepourmeneràbienleprojetdePython-

Duvernois.Cinqaxesmajeursderéflexionplusspécifiquesauxterritoiresontétéidentifiés:

L’intégrationdes infrastructuresroutièreset l’articulationdeséchelles localeetmétropolitaine, l’habitabilité des logements exposés aux nuisances et lesdémolitions envisageables, la réintégration de l’ensemble Python-Duvernoisdanslaville,l’améliorationdelatrameviaireetdelaqualitéd’usageetdemixitédesespacespublics,lavalorisationdupotentielpaysagerdelaceintureverteetaméliorationdel’offresportive.101

Ainsi, cette sous-partie sera l’occasion de présenter l’étude urbaine réalisée par l’équipe

d’architecte de l’Agence UP sur le quartier de Python-Duvernois,mais également de voir

comment ces différents objectifs sont retranscrits spatialement par des aménagements

physiques. Nous allons aussi pouvoir nous interroger sur les effets que peuvent avoir ces

aménagementssurlesinégalitésenvironnementales.

a. Unquartier-parcvisantl’améliorationdelaqualitédevie

Le quartier de Python-Duvernois est inséré dans la ceinture verte de Paris qui,

comme nous l’avons suggéré en introduction, est historiquement marqué par un usage

sportif. Bien que très peu fréquenté par les habitants, ce cœur de quartier constitue un

100MinistèredelaCohésiondesterritoires,Géographieprioritairedelapolitiquedelaville,8septembre2017101Protocoledepréfiguration,Directiondel’urbanisme,VilledeParis,18novembre2016

Page 71: La prise en compte des inégalités environnementales, une

68

atoutnonnégligeable.Cetespace«occupépardeséquipementssportifsoffredes“vides”

appréciéspar leshabitants»102. Lapremièreambitionde la transformationde cequartier

estd’agirsurceséquipements,aujourd’huiclôturésetpeuaccessibles,pourpermettrede

diversifier l’offre et d’ouvrir la ceinture verte et sportive à son environnement et à des

publicslarges,enprioritéàlapopulationrésidente.

Cetespacetransforméenungrandparcsportifetpaysagerdoitpermettred’ouvrir

les ensembles résidentiels HLM, situé à l’est, et les HBM à l’ouest, et de leur donner

l’occasiondedialogueravecl’espacepublic.Aveccettepropositiond’aménagement,lesilots

d’habitationsnesetrouventplusdansunesituationdereplisursoi,maissonttournésvers

lesespacespublicset leparcurbain.Celui-cidoitêtresupportderencontreetfaire le lien

entre ces deux unités d’habitations qui, pour lemoment, se tournent le dos, afin de leur

redonner de l’urbanité. L’ambition de cette proposition doit permettre de favoriser

l’ouverture du quartier pour en faire un parc habité et animé, et non plus des espaces

fermésetintrovertis.

L’ouverturephysiqueduparc,permisnotammentpar ladémolitiondecertains immeubles

d’habitationaunord,participeégalementà laconsolidationdescontinuitésetdes liaisons

vertes,sur leplanécologique. Il s’agitdereconnecter leparcdePython-Duvernoisavec le

squareSéverineaunord,engageantlàencoreundésenclavementduquartier.

Plus concrètement, la création de ce parc sportif amplifié passe par la

programmationd’unediversitéd’usage.Encesens,ceparcaétépenséparundécoupage

entroisséquencesmarquantuneprogrammationspécifiqueàlafois ludique,récréativeet

sportive,«formantalorsungradientd’activités»103.

102AgenceUP,Étudeurbainepourl’aménagementdusecteurPython-Duvernois,Mission1:miseaupointdu

projet,19avril2018103Ibid.

Page 72: La prise en compte des inégalités environnementales, une

69

Figure9Unparcsegmentableetprogressif

Lapremièreséquencecorrespondàcequel’AgenceUPaappelé«laterrassePython».Elle

constitue,enlienavecl’avenuedelaPortedeBagnolet,l’entréeduquartier.Cetteportion

répond à une fonction de sociabilité et de loisir, qui grâce à la topographie présente

naturellement, s’organise en terrasses engazonnées. Il s’agit d’un espace vert laissé

volontairement sanséquipement spécifiqueafinde laisser auxusagers lapossibilitéde se

l’approprierpleinement.

Lasecondeséquenceestcequ’onappelle«lepodiumDuvernois»ou«ClosDuvernois».Il

s’agitlàd’unespacedestinéauxjeuxrécréatifs.Situéaucœurduquartier,ilaunevocation

récréative où sont rassemblées des activités de détente et loisirs, ainsi que des activités

sportivesavecparexempledesterrainsdebasket-balldestablesdeping-pongoudesjeux

pourenfants.

Enfin, la dernière portion, nommée «plateau Lumière», vise à accueillir des activités

sportives avec notamment la présence d’un terrain de grands jeux. Ce demi-terrain de

footballavocationàêtreunespaceouvertàtousetenprioritéauxhabitantsduquartier.

Le réaménagement du cœur du quartier en un grand parc sportif et paysager

participecommenousl’avonsditaudésenclavementetàl’ouvertureduquartiersurlaville.

Ilfavoriseégalementlamiseenplaceduprincipedemixitésocialeparlavenuetemporaire

Source:AgenceUP

Page 73: La prise en compte des inégalités environnementales, une

70

d’une nouvelle population usager de ce parc. Il est ainsi vecteur de lien et de cohésion

sociale engageant unmeilleur cadre de vie. La présence de cet espace vert joue un rôle

importantdanscettequalitéurbaine,carilapportedesaménitésvertesfavorablesàlasanté

humaine.Eneffet,lavisiond’unespacevertdiminuelaperceptionanxiogènequepeuvent

avoir les habitants de leur quartier. Il a également un effet positif sur les nuisances et

pollutionsquisontrenduesplusacceptablesparlaprésenced’unpaysageplusapaisé.Ainsi

ceprogrammepermetderedistribuerlesqualitésurbainesetdecompensercertainsaspects

négatifsen tirantdesbénéficesde leurenvironnementàhauteurdeceque lapopulation

peutsubir.

b. Lastratégierésidentiellepourunquartiermixte

L’ambition de l’ANRU a toujours été portée principalement sur les questions de

logements et notamment des démolitions. En effet, la politique de l’ANRU porte sur un

changementd’imagedecesquartierspassantparunchangementd’imagedubâti.Ainsi la

question des démolitions est au cœur des problématiques de renouvellement urbain. Le

quartierdePython-Duvernoisn’échappepasàlarègle.Lavolontépremièredel’ANRUétait

d’engagerungrandnombrededémolitionsdupatrimoinebâti.Cependant,mêmesilaVille

étaitd’accordpourunerequalificationetunediversificationrésidentielle,ellenepartageait

paslemêmeavisconcernantunsigrandnombrededémolitions.Eneffet,commeleprécise

SergeBrunetlorsdenotreentretien:

nousavonseulesentimentquenousétionssurunterritoireoùcertesl’habitatétait dégradéetoùnous avionsbesoind’une requalification,maisnousétionsaussisurunterritoirequioffraitdansParisintramurosdulogementsocial.Cequiestloind’êtrenégligeable.

Deplus, lapositionde l’ANRUétaitégalementdequestionner l’habitabilitédecequartier.

Pour elle, il s’agit d’un quartier qui n’est pas vivable. Elle a donc demandé un projet

ambitieuxderefontetotaledecetespacepour luidonneruneautrefonctionquecellede

zonerésidentielle.

Page 74: La prise en compte des inégalités environnementales, une

71

Ainsi,à l’issuedeséchangesentrelesdifférentsacteursduprojet ilestressortiune

volontédetrouverunéquilibreentrelapréservationdelogementstrèssociauxdansPariset

la création d’une nouvelle forme d’habiter. Il a donc été proposé la démolition de 306

logementssurles628logementsexistants(sanscompterlesHBM).

Figure10Plandesdémolitionsproposées

Source:AgenceUP

Démolir les logements placés le long du boulevard périphérique permet de réduire le

nombre d’habitations en contact direct avec la pollution et les nuisances liées à cet

équipement.Cesdémolitionsdoiventaussiparticiperaudésenclavementduquartieret lui

donner un caractère d’entrée de ville afin qu’il soit visible de l’extérieur, mais aussi de

l’intérieur.Cedésenclavementdoitfavoriserl’ouverturedePython-Duvernoisàl’échelledu

quartier,delaville,maisaussiàuneéchellemétropolitaine.Lesdémolitionsdesbâtiments

aunorddusecteurviennentoffriruneouverturesurl’avenuedelaPortedeBagnolet.Celles

des logements situés à l’est permettent un désenclavement de la trame viaire et une

amélioration des traversées du quartier. Et enfin, les démolitions des bâtiments à l’ouest

offrentlapossibilitéd’ouvrirlequartierverslaprochebanlieue.

Toutefois,cesdémolitionsnesontpaslesseulesopérationsàêtremenées.LaVilleengage

égalementdesopérationsderéhabilitationpourlesimmeublesquidoiventêtreconservés,

et plus particulièrement les trois barres dites «Bagnolet Zone Vert», situées au nord du

secteur. Il s’agit d’une réhabilitation lourde devant engager des travaux de rénovation

Page 75: La prise en compte des inégalités environnementales, une

72

thermique et phonique, répondant aux nouvelles exigences réglementaires104. Cette

réhabilitationdoitaussioffrirdessurfacesdelogementsplusadaptéesauxbesoinsactuels

des habitants, en réponse entre autres aux problématiques de sur-occupation. Par cette

actionde réhabilitation, ladimension sociale et environnementale«sera considérée l’une

comme l’autre, etmêmevraisemblablement ensemble, autourdesquestionsdeprécarité

énergétique», comme nous le fait remarquer Serge Brunet, répondant à une forme

d’inégalité environnementale et d’exclusion sociale, ne serait-ce qu’en partie, au travers

d’actionsredistributivesetdeluttecontrelecumul.Deplus,cetteréhabilitationdoitavant

toutserviràpermettreàlapopulationquilesouhaitederestersurlequartieretdesevoir

offriruneaméliorationdeleurcadredevie.

L’enjeu demixité sociale est au cœur de l’opération de renouvellement urbain de

Python-Duvernois,maispourunerequalificationglobaledusecteur,l’accentestégalement

missurledéveloppementdelamixitéfonctionnelle.Surceplan,lapropositionfaiteestde

construirele longdupériphériquedesbâtimentsd’activitésfaisantofficed’écrancontrele

bruitetprotégeantégalementde lapollution.L’introductiondenouvellesfonctionssefait

aussi par des «boites» en partie vitrées, accueillants des sports privés et des activités

venant s’articuler avec les trois tours dites «Bagnolet Zone Vert», les mettant alors à

distanceetlesprotégeantdel’échangeuretduboulevardPériphériquesanspourautantles

replacerensituationd’enfermement.Deplus,untravailestmenésurl’occupationdespieds

d’immeublesafind’ymettredescommercesouactivitéstelsqu’unemaisondesanté.Cette

mixitéfonctionnelledoitpermettrederéinscrireceslogementssociauxdansunedynamique

territoriale dans le but de retrouver une attractivité économique, d’animer le quartier et

d’amenerdesaménitésàcequartierquienest,aujourd’hui,privé.Commenousl’avonsvu

danslepremierchapitre,lanotiond’inégalitéenvironnementaleestprotéiforme.Ainsi,ces

déficitsquesubit lapopulationdePython-Duvernois sontdesélémentsconstitutifsdeces

inégalités sur lequel le projet de renouvellement urbain doit agir si l’objectif est de les

réduire.

104

L’Exigenceréglementairedemandéeparl’ANRUcorrespondàlanormeBBC2009.

Page 76: La prise en compte des inégalités environnementales, une

73

Figure11PlanprogrammatiquedusecteurPython-Duvernois

Source:AgenceUP

c. Renforcerl’ouvertureduquartierparunenouvelletrameviaire

Le projet propose également de repenser le réseau viaire et plus globalement les

espaces publics du quartier. En effet, dans un quartier très circulé et où la voiture est

omniprésente, cette question devient importante. Ce travail doit permettre d’agir en

réponse, là encore, aux problématiques de désenclavement du quartier, d’ouverture sur

l’espace public, de protection contre les nuisances et pollutions, et de permettre une

meilleureintégrationurbaineduquartierdePython-Duvernois. Ilestcomposéd’unréseau

viaire peu lisible avec, à certains endroits, des voiries disproportionnées le mettant à

distancedesquartiers voisins, à l’ouest. Il s’agit doncdeproposerdenouveauxmodeset

sensdecirculationpourunquartierpluspaisible,moinsroutier.

Le secteur Python-Duvernois bénéficie de la proximité des arrêts de métro et de

tramway au niveau de la Porte de Bagnolet. La distance est relativement courte,mais la

desserte immédiate du quartier en transport en commun reste limitée. Il est proposé de

redéployerunelignedebusafindedesservirlecœurduquartier.Leréaménagementdela

trame viaire doit permettre également d’ouvrir le secteur et favoriser un changement de

perceptionvis-à-visdeladistanceàparcourirpourallerchercherlestransportsàl’ouest.

Page 77: La prise en compte des inégalités environnementales, une

74

À une échelle plus grande, l’avenue

Cartellier,quiestsituéederrièrelestroistours

etlelongduboulevardPériphérique,doitfaire

l’objet d’une requalification. Aujourd’hui,

l’articulation entre cette avenue et la bretelle

d’accèsaupériphérique laisse toute laplaceà

la circulation automobile105. À partir de ce

constat, le projet proposedeuxopérations. La

première est de reprendre l’accès et le

nivellementdelabretelled’accèsauboulevard

périphérique qui aujourd’hui démarre au pied

des immeubles d’habitations. L’objectif est

doncdelafairedémarrerquelquesmètresplus

bas, permettant la diminution des polluants

atmosphériques et des nuisances sonores.

Ajoutée à cela, la deuxième action consiste à

réaliserunecouverturelégèresurleboulevard

périphériqueàl’articulationentrel’avenueCartellieretlabretelled’accès.Cettecouverture

doitparticiperàlaprotectionduquartierfaceauxnuisancesroutièresetàrendrelestrois

tourshabitables.Elledoitpermettrederedonneruneplaceconfortableauxmodesdouxet

dereplacerlestoursdansunesituationurbainefavorableaveclapossibilitédeleurdonner

unadressagesurcetteavenueCartellier,ouvrantalorslequartierverslaprochebanlieue.

Ces différents aménagements répondent aux objectifs que nous avons cités plus

haut. On voit via ce scénario que chaque aménagement mené va avoir un impact sur

plusieurs pans, les voir de façon isolée serait uneerreur.Ainsi, intégrer et comprendre la

notion d’inégalité environnementale pourrait aider à une meilleure réponse aux

problématiquesprésentessurceterritoire.Cecigrâceà latransversalitédececonceptqui

metenrelationl’ensembledecesproblèmes.

105AgenceUP,«Étudeurbainepour l’aménagementdusecteurPython-Duvernois»,Rendude laMission1:miseaupointduprojet,19avril2018

Source:AgenceUP

Figure12Transformerlatrameviaireenespacespublicsdeproximité

Page 78: La prise en compte des inégalités environnementales, une

75

Figure13Vued’ensembleduscénariod’aménagementduquartierdePython-Duvernois

3. Lesoutilsmisenplacepourunetransversalitédel’actionpubliquelocale

L’aménagement physique du quartier permet de mettre en place des actions de

compensation ou de redistribution des bénéfices environnementaux. Néanmoins, ces

aménagementsnesontpaslesseulesactionsàêtremisenplace.Eneffet,ungrandnombre

d’études ont été lancées dans le cadre du protocole de préfiguration. Elles permettent

d’engager des démarches servant à identifier et à hiérarchiser des actions dans le but de

prendre en chargeoudemaîtriser les risquesou impacts environnementaux.106 Parmi les

outilsutiliséspourleprojetPython-Duvernois,nousallonsenprésentertroisquiontpermis

notamment de nourrir l’étude urbaine. L’Étude d’Impact Environnemental est tournée

106INERIS,«Lesinégalitésenvironnementalessurlesterritoires»,Référencesexpositionenvironnementaleetvulnérabilitédespopulations,octobre2014

Source:AgenceUP/VilleOuverte

Page 79: La prise en compte des inégalités environnementales, une

76

essentiellement surunaspectenvironnemental alorsque laGestionUrbainedeProximité

(GUP) est un outil social. L’Évaluation d’Impact sur la Santé est quant à lui un outil

transversal qui s’attache à prendre en compte l’ensemble des paramètres de

l’environnementurbain.

a. L’Étuded’ImpactEnvironnemental

ÀPython-Duvernoisl’Étuded’ImpactEnvironnemental(EIE)estobligatoirepuisquele

montageopérationnelduprojetdoitse fairesous la formed’uneZAC.Cetteétudeapour

objectifdemesurerleseffetsduprojetetdesconstructionssurl’environnement.Elleétudie

lesimpactsduprojetd’aménagementconçuparlamaîtrised’ouvragesurl’environnement,

principalementd’unpointdevueécologique.L’EIEdusecteurPython-Duvernoisréaliséepar

unprestataire externe à laVille de Paris,EvenConseil, est effectuée selonunedémarche

itérative,eninteractionaveclaVilleetl’équiped’architectespourpermettreunemeilleure

priseencomptedesenjeuxenvironnementauxaucoursdelaconceptionduprojeturbain.

L’EIE engage dans un premier temps une analyse de l’état initial du site et de son

environnementportantnotammentsur les richessesnaturellespouvantêtreaffectéespar

lesaménagementsdusecteur107.Ladeuxièmeétapeconsisteàanalyserleseffetsdirectset

indirects, temporaires et permanents, du projet sur l’environnement et plus

particulièrementsur

lafauneet laflore, lessitesetpaysages, lesol, l’eau, l’air, leclimat, lesmilieuxnaturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et dupatrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits,vibrations,odeurs,émissionslumineuses)ousurl’hygiène,lasanté,lasécuritéetlasalubritépublique».108

Ensuite,lesmesuresprisesparlemaîtred’ouvrageetlemaîtred’œuvresontévaluéespour

supprimer,limiterou,sipossible,compenserlesconséquencesdommageablesduprojetsur

l’environnementetlasanté.

107 Even Conseil, «Projet d’aménagement de Python-Duvernois»,Étude d’impact Environnemental, Ville deParis,Avril2018108Ibid.

Page 80: La prise en compte des inégalités environnementales, une

77

L’Étuded’ImpactEnvironnementalaaussipourobjectifd’informerlepublicetluidonnerles

moyens de prendre des décisions en citoyen averti et responsable vis-à-vis du projet, et

d’éclairerlesdécideurssurlanatureetlecontenuduprojet.

La réalisation de cette EIE a été, comme nous l’avons dit, réalisée de manière

itérative. Cela s’est traduit par la mise en place de réunions de travail entre plusieurs

prestataireset servicesde laVilledansunobjectifdeconceptiondurable. L’idéeétantde

travaillerensembleafindenourrirleprojet.Lesquestionsdepollutionsatmosphériqueset

denuisancessonoresétantdesproblématiquesassezcentrales,l’Agenced’ÉcologieUrbaine

(Direction des Espaces Verts et de l’Environnement de la Ville de Paris) a réalisé des

modélisations acoustiques et atmosphériques à partir du projet proposé par l’Agence UP

permettantàlafoisd’ajusterlescénariod’aménagementpouroptimiserlapriseencompte

desenjeuxenvironnementauxetd’alimenterl’EIE.

Defait,cetoutilpermetdeprendreencomptelamanièredontleprojetpeutimpacterou

nonl’environnementdusecteur,ainsiquedepouvoiragirenconnaissancedecauseetde

trouverlesmeilleuressolutionsafindesupprimer,réduireoumieuxencorecompenserdes

problématiques environnementales telles que la pollutionde l’air. Il s’agit doncd’unoutil

intéressant pour réduire les inégalités environnementales d’un point de vue écologique,

d’autantplusauregarddesnombreuxélémentsprisencompte.

b. LaGestionUrbainedeProximité

LaGestionUrbainedeProximitéestégalementunoutilimportantdanslagestionet

l’accompagnement du projet urbain de Python-Duvernois. Elle est, à l’inverse de l’EIE, à

vocation sociale. Il s’agit à Python-Duvernois d’un levier permettant à la fois de renforcer

l’organisationetlacoordinationdesacteurs,d’engagerdesactionsconcrètes,etmettreen

placeunegestionplusefficacedesespacescommunsetdeslogements.Cesdémarchesont

pour but de répondre aux attentes et aux difficultés du quotidien des habitants. Pour ce

faire, les objectifs et actions relevés dans le cadre de cette GUP ont été identifiés

notammentdanslecadredesateliersdeconcertation.

Page 81: La prise en compte des inégalités environnementales, une

78

De gros problèmes de gestion quotidienne se sont fait ressentir sur le quartier

participantàsamauvaiseimageetàuncadredeviedégradé.Certainsespacesn’étaientpas

oupeuentretenuspuisqueleurgestionn’étaitpasanticipée.C’estdanscetteoptiquequela

GUPaétémiseenplaceparlaVillepourrépondreauxdysfonctionnementsidentifiésparles

habitantsàtraverslaréalisationd’undiagnosticétabliparlebiaisdemarchesexploratoires.

CelaanotammentpermisdedéfinirtroisgrandesthématiquessurlesquelleslaGUPdevra

agir:l’embellissementetl’entretien,lapropretéetlelogement,etenfin,l’animationlocale.

Le comitéGUP, composédesdirectionsopérationnellesde laVille et de laRIVP, a

cherché à apporter des réponses spécifiques aux différentes difficultés identifiées. Les

servicestechniquesdelaVilleontainsiaugmentélafréquencedeleurs interventionspour

faire face aux enjeux d’entretien et de propreté. Parmi elles, des opérations ont été

organiséesafind’éradiquerlaprésencedenuisiblesdanslequartieretleslogements.

La GUP a également permis de favoriser l’animation locale. Pour cela, un local associatif

partagéaétélaisséàdispositionpourpermettredesoutenirlesinitiativesdeshabitantsde

Python-Duvenroispourdévelopperleliensocial.LaGUPaégalementpermisàl’association

LesCompagnonsBâtisseursdes’implanterauseinduquartier.Elleapourobjectiflamiseen

placed’atelierssolidairesdebricolageetl’interventiondansleslogementslesplusdégradés

pour des travaux spécifiques. On peut imaginer que ce type d’action permet, dans une

certaine mesure, de compenser les faibles revenus de la population en lui apportant de

nouvellesressources.Parleliensocialquiestfavorisé,amenantparexempleàdeséchanges

deservices,etparlatransmissiondecompétencespratiques.

Il s’agitd’unoutilmajeurpour lespolitiquesurbaines.C’esteneffetunedémarche

essentiellepourl’améliorationdelaqualitédeviedeshabitants.LaGUPestaussil’occasion

de favoriser ou demettre en place une réelle démarche partenariale entre les différents

acteurs,quecesoit lesélus, lesservicesdelaVilleoulebailleursocial,etainsidepouvoir

coordonnertouteslesactions.Cecifavorisantl’avancéeduprojet,etlamiseencommunde

différentescompétencesetexpertises. Laplus-valuedecetoutil se retrouveaussidans la

placeaccordéeauxhabitantsouleursreprésentants109.Ilyauneréellepriseencomptede

109L’ACSE,«Gestionurbaindeproximité.Évolutiondesenjeuxetdespratiquesd’acteurs»,Notedecadrage,mai2012.

Page 82: La prise en compte des inégalités environnementales, une

79

leurexpertiseetmaîtrised’usagequipermetalorsde«construireunprogrammed’actions

de gestion urbaine des quartiers, avec et pour les habitants»110. Si la GUP s’attache aux

aspectssociauxduprojet, làoù l’EIEestportéesur l’environnement, lesdeuxnesontpas

sansliens.Cesdeuxoutilssontdéveloppésenparallèleetsont,entreautres,utilisésparla

chef de projet qui va veiller à leur mise en relation en participant à la coordination des

acteurs.

c. L’Évaluationd’ImpactsurlaSanté

Letroisièmeoutilutilisédanslaconstructiondeceprojetderenouvellementurbain

estceluidel’Évaluationd’ImpactsurlaSanté(EIS).Ils’agitd’unedesprioritésduPlanParis

SantéEnvironnement(PPSE).Nousl’avonsdit,laquestiondesinégalitésenvironnementales

ressortenFrance,principalementauniveaudespolitiquespubliquesdesanté.Ladémarche

EISestainsirecommandéeparl’OMSetencouragéeparleHautConseildeSantéPublique

(HCSP)«pouranticiperlesimpactssurlasantéetlebien-êtred’unprojetaprioriéloignédu

champ sanitaire»111. L’EIS est un outil d’aide à la décision qui vise à identifier les

conséquences potentielles du projet urbain sur la santé et le bien-être des résidents ou

usagers du territoire. Cela permet demener une réflexion et de tenir compte des effets

bénéfiques sur la santé et le bien-être,mais aussi de limiter ou de compenser les effets

négatifspotentiels.

Sachantqu’ilestdésormaisavéréquelechoixdeplanificationetd’aménagementa

uneinfluencesurlasanté,lebien-êtreetlaqualitédeviedeshabitants.Tousleséléments

d’un projet urbain, que ce soit par exemple la qualité des logements, l’exposition aux

polluants ou aux nuisances, l’accès aux services, aux espaces verts sont de nature à

concourir de manière directe sur la santé et la qualité de vie des habitants. Les choix

politiqueseturbanistiquesagissentégalementsurlasanté,maisdemanièreplusindirecte,

etpeuventainsifavoriserounonleslienssociauxouencouragerlesmodesdeviesainspar

110Ibid.111 LEGOUT Céline, TRENDEL Estelle, «Évaluation des impacts sur la santé sur les portes du Vingtième».

Livrable intermédiaire n°1.Version Zéro – document de travail, non, public. SPSE/SDS/DASES/Ville de Paris,

Juin2018

Page 83: La prise en compte des inégalités environnementales, une

80

lapromotiondesmobilitésactivesparexemple.Lerôledel’EIS,lorsqu’elleestintégréeaux

processusd’élaborationd’unprojeturbain,estd’accompagnertouslesacteursetd’émettre

des recommandations dans le but d’agir et de permettre aux acteurs opérationnels de

construire un projet de renouvellement urbain dans lequel les effets directs ou indirects

serontmaîtrisés.

Encesens,lesdeuxgrandsobjectifsdel’EISdes«Portesdu20e»sontlessuivants:

1— Pour chacune des propositions d’aménagement urbain envisagé sur lessecteurs PortedeMontreuil et PortedeBagnolet, identifier et hiérarchiser lesimpactsattendussurlasantéetlaqualitédeviedespopulations.

2—Pourleschémad’aménagementretenu,co-construireavecleshabitantsdesrecommandations à l’adresse des décideurs et directions techniques, pouraugmenterlesimpactspositifsduprojetsurlasanté,pourdiminuerlespossiblesimpactsnégatifsduprojetsurlasanté,etpourréduirelesinégalitésdesanté.112

LadémarcheEIS fonctionnedoncdemanière très transversaleetcomme l’ingénieurde la

DASEStravaillantsurcetteEISl’aévoqué:«notreplus-valuec’estdefairelelien».Deplus,

l’équipe EIS entre en synergie avec, entre autres, l’équipe d’architecte, la Direction de

l’Urbanisme et la DDCT de la Ville de Paris ou le prestataire de l’Étude d’Impact

Environnemental,pourformulerdesrecommandationsetpour«quecelaapportequelque

chosedeplus,trèsconcrètement»,commelesoulignel’ingénieurdelaDASES.Pourcela,et

auvududiagnosticquiaétédressédanslecadredecetteEIS,troisaxesdetravailontété

retenus.

Lepremierestceluiquiaéténommé«Modesdeviesains».Ils’agitdetoutcequi

portesurlesfreinsàl’activitéphysique,auxdéplacementsactifsetàl’alimentationsaine.Le

deuxièmeaxeest,quantàlui,orientésurlecadredevieetl’aménagementurbain.Pourcet

axe,untravailestenvisagésurlaco-construction,avecleshabitants,desespacespublicset

de leurs usages,mais également sur l’accompagnement de la population tout au long du

programmederéhabilitationetderelogement.Enfin,ledernieraxeidentifiéparl’EIStourne

autour de la problématique de la protection des populations face aux expositions

112Ibid.

Page 84: La prise en compte des inégalités environnementales, une

81

environnementales, ainsi que sur la préservation des ressources. Ces trois axes ont donc

pour vocation d’agir pour réduire la vulnérabilité de la population du quartier Python-

Duvernois.

L’EISestainsiunedémarchebienplusglobalequed’autresoutilsmisenplacepourla

constructionduprojetPython-Duvernois.Ellevienttravailleretproposerdessolutionspour

luttercontrel’aspectdecumulquiestaucentredelacaractérisationdelanotiond’inégalité

environnementale. Elle prend en compte ce concept de façon cette fois explicite en

travaillant à la fois sur des recommandations touchant les nuisances et pollutions

environnementales, les problématiques sociales, les besoins en aménités urbaines. L’EIS

apportetouscesélémentssuffisammentenamontpourqu’ilspuissentêtreintégrés,voire

redessinés,lorsdel’élaborationduprojeturbainparlesurbanistesetarchitectesduprojet.

Elleseplacealorscommeunréelfilconducteurentrelesdifférentesétudesurbaines.

LeprojetderenouvellementurbainduquartierdePython-Duvernoisseconstruitsur

labasedesobjectifsencadrésparlespolitiquespubliques.Leursobjectifsinscritsdansune

démarchederéductiondesinégalitéssontapriorifavorablesàlaluttecontrelesinégalités

environnementales, bien qu’ils soient formulés de manière implicite dans les discours

politiques. Ces objectifs cadrent également la gouvernance et la construction du projet

urbain.Cettegouvernanceprend,parailleurs,partàcettevolontéderéduirelesinégalités

environnementales, notamment par lamise en place d’outils qui leur sont favorables.Un

projetd’unetelleenvergurenécessite l’implicationd’unegrandevariétéd’acteurs.Chacun

d’entreeuxapporte savisionet sonexpertiseafind’alimenter leprojet.Cettedynamique

apporte à son élaboration une vision transversale et globale de l’ensemble des

problématiquesetdysfonctionnementspropresàPython-Duvernoispermettant lapriseen

compte d’une grande partie des aspects qui caractérisent la notion d’inégalité

environnementale.Ainsi la recherched’une certaine justice sembleprendreplacepardes

actions essentiellement redistributives et compensatoires tendant ainsi à permettre à la

population de jouir des bénéfices environnementaux, mais également de compenser les

risquesnotammentpardesaménagementsphysiques.

Page 85: La prise en compte des inégalités environnementales, une

82

Partie 2: Les limites de la gouvernance du projet de

Python-Duvernois

Toutefois, certains aspects dans la gouvernance de ce projet urbain nécessitent

d’êtrenuancés.Eneffet,ilexisteégalementdeslimitespouraboutiràuneréductionréelle

et complète des inégalités environnementales. Cette conscience de la nécessité que peut

apporter la justice environnementale à un territoire souffrant de tels dysfonctionnements

n’estpaspartagéepartous.L’ANRUparsapolitiqueinterneetsonrèglement,nesemblepas

êtredanscettedémarche.C’estpourquoinousnousposerons laquestion,à travers cette

partie, si en voulant lutter contre les inégalités, essentiellement sociales, elle ne fait

finalementpasqu’encréerdenouvelles.

1. Unedémarcheparticipativeinachevée

a. LeprocessusparticipatifengagésurPython-Duvernois

Aujourd’hui, le processus de concertation est devenu un outil essentiel dans les

politiques publiques d’aménagement et d’urbanisme. Il est désormais devenu obligatoire

lorsque la maîtrise d’ouvrage choisit de créer une ZAC pour la réalisation de son projet

urbain.Laparticipationhabitanteestdeplusunaxemajeurpourundéveloppementurbain

durable. Un projet de renouvellement urbain intégrant le concept de développement

durable lors de sa conception présente une opportunité de renouveler également la

démocratielocale113.Lesdispositifsparticipatifsmisenplacedoiventpermettrelacréation

d’un projet correspondant au plus près aux attentes des habitants et ainsi d’améliorer sa

définition. Une meilleure appropriation du projet «éviterai[en]t l’exclusion et la

disqualification sociale de certaines populations, et affirmerai[en]t l’exigence de valeurs

113VALEGEAS François,Concevoir et habiter un quartier dit durable: injonctions écologiques et dynamiquescollectivesàBeauregard(Rennes)etLesBrichères(Auxerre) [Thèse],Architecture,aménagementde l’espace,

UniversitéParis-Est,2014,p.490

Page 86: La prise en compte des inégalités environnementales, une

83

telles que la citoyenneté ou de nouvelles solidarités urbaines sociales et

environnementales»114.

LeprocessusparticipatifduprojetdePython-Duvernoisadonnélieuàdenombreux

événementsafinderéussiràsolliciterleshabitantsetàsusciterleurintérêt.Surcequartier,

la mise en œuvre d’un dispositif participatif a été quelque peu compliquée. En effet, le

sentiment d’exclusion et d’abandon vis-à-vis de la puissance publique est toujours très

présent pour la population du quartier. Il a donc fallu dans un premier temps tenter de

regagner leurconfiance.Pourcela, leprestatairede laconcertation,VilleOuverte,amené

untravaildeparticipationrenforcéavecnotammentlamiseenplacederencontreavecles

habitantspar lebiaisd’unporte-à-portequiapermisderecueillir laparoledeplusde200

habitants. Des ateliers thématiques ont également été organisés afin de travailler sur la

définition des enjeux et besoins du territoire. Des réunions du «Café du projet» assez

fréquentesonteulieu,permettantdeprésenterchaqueétapeduprojetetd’échangeravec

la population. Cependant, les différents acteurs du projet restent inaudibles vis-à-vis des

habitants de Python-Duvernois. Le manque de confiance est, aujourd’hui, encore trop

présent.

b. Desprioritésdivergentes

Malgré leseffortsde laVillepourmenerunedémarchedeconcertationefficaceet

intégrer aumieux les habitants dans la transformation de leur quartier, cela semble être

encore insuffisant. Plusieurs raisons peuvent être avancées. La première réside dans le

décalage fort qui existe entre les priorités des habitants, des politiques ou encore des

techniciens.Laprioritédeshabitantsreposeprincipalementsur laquestiondes logements

(moisissures, fuites, nuisibles, etc.) puisqu’il s’agit en effet de ce qui les touche

quotidiennement et qui définit leur cadre de vie. Les priorités de cette population

défavorisée étant avant tout de réussir à subvenir à leur besoin de base, c’est-à-dire aux

besoins dits physiologiques (manger, boire, dormir, etc.) comme définis par la théorie de

Maslow. Ainsi, selon cette pyramide des besoins établie par Maslow, ceux-ci sont114

SCHAEFFER Verena, RUEGG Jean, LITZISTRORF-SPINA Natacha, « Quartiers durables en Europe : enjeux

sociauxetprocessuels»,Urbanisme,n°371,2010,pp.27-32.

Page 87: La prise en compte des inégalités environnementales, une

84

hiérarchiséset lesbesoinssupérieursnepeuventdevenirconscientsseulementlorsqueles

besoinsderanginférieursontsatisfaits.Ainsi,mobiliserréellementleshabitantssurd’autres

sujets, même ceux concourant aussi à l’amélioration du cadre de vie, devient compliqué

danscetypedequartier.Commelesoulignel’ingénieurdelaDASESlorsdenotreéchange:

«Est-ce que quand tu veux aller dans des démarches participatives avec des ateliers

pédagogiquessurlesdéchets,lespoubelles,etc.,nousrencontronsdusuccès?J’aienviede

dire,pasvraiment».Ilajouteàcelaque

cen’estpasparcequ’ilssontsilencieuxqu’ilsnedisentrien.Justement,onpeut

croirequ’iln’yapasdeproblème,maisaucontrairejepensequ’ilyauntelamas

dedifficultésquec’estunepopulationquin’apasnonplus lesressourcespour

facilement se mobiliser, ne serait-ce que par le problème de l’accès à l’écrit,

d’accèsaufrançais.

Ce constat nous amène alors à la deuxième raison de cette insuffisance du processus

participatif. La théorie de la justice développée lors du premier chapitre nous amène à

penser que la lutte contre les inégalités, notamment environnementales, permet de

diminuer la vulnérabilité des habitants en améliorant leurs capacités d’action face à leur

environnement direct115. Ce qui semblemanquer au processus participatifmis en place à

Python-Duvernois correspond à ce qu’on peut appeler la compensation territoriale. Ces

objectifscompensatoirespeuvents’opérer«enencourageant lespopulationsàs’exprimer

pardesstratégiesd’“empowerment”».Cettenotion,quenousavonsrapidementexpliquée

enpremièrepartiedecemémoire,peutêtredéfiniecomme«unprocessuspar lequelun

individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer sa capacité d’action, de

s’émanciper»116.Ils’agitd’unenotionquiserapprochefortementdelajusticeprocédurale

115GOBERTJulie,«Compensationterritoriale,justiceetinégalitésenvironnementalesauxÉtats-Unis»,Espace

populationssociétés,2008/1|2008,pp.71-82116 BACQUE Marie-Hélène, «L’intraduisible notion d’empowerment vu au fil des politiques urbaines

américaines»,Territoires,septembre2005,pp.32-35

Page 88: La prise en compte des inégalités environnementales, une

85

quipermetd’offrirauxhabitantslacapacitédesedéfendre,des’informer,maisaussideco-

définirlesmesuresenvironnementalesduprojeturbain117.

Cettecapacitédeshabitantsàinterpellerlapuissancepubliqueetàl’influencerreste

touterelativeetn’estgénéralementpasaboutie,c’estlecasàPython-Duvernois.Ilestvrai

que l’on cherche à écouter la population afin de s’assurer que les décisions prises soient

conformesàleursattentes,etainsiespéreruneréélection.Cependantladécisionfinaleest

conservée in fine par les élus, et malgré la loi pourla Ville et la Cohésion urbaine, le

processus participatif reste traditionnellement «octroyé[e] “d’en haut” au lieu d’être

construite“parlebas”augrédesmobilisationsdelasociétécivile»118.Lesassociationssont,

parexemple,éloignéesdescomitésdepilotage,instancesoùleschoixetdécisionssontpris.

Ainsilaparticipation,encadréeparlapolitiquedelaville,estréduiteàunprincipeetàdes

actions distributives et ne s’ouvre pas sur une justice procédurale. La justice

environnementale semble aussi être prioritaire sur ces questions participatives et

d’empowerment, car il s’agit d’un «outil de reconnaissance sociale des populations

impactées»119.

2. Lapolitiquedel’ANRUcréatricedenouvellesinégalités?

Lespolitiquesderenouvellementurbainsontcritiquablesdans lesobjectifsglobaux

desdifférentesopérations.L’ANRUfinancelesopérationsderenouvellementurbainentant

que «guichet unique». C’est donc elle qui, avec ses partenaires financiers, décide des

quartierséligiblesauNPNRUetpeutjugerdelaqualitéd’unprojetetdoncdufinancement

qu’ilsvontaccorderounonauxcollectivités.Pourcela, l’ANRUmetenavantuneambition

trèsfortesurcesterritoiresàenjeux.Cependant,àl’origine,laposturepolitiquedel’ANRU

est très claire et radicale: les quartiers sensibles doivent changer d’image par la

transformationde l’imagedubâti.Ainsi, lesactions sont centréesessentiellement surdes

117GOBERTJulie,«Compensationterritoriale,justiceetinégalitésenvironnementalesauxÉtats-Unis»,Espace

populationssociétés,2008/1|2008,pp.71-82118 KIRSZBAUM Thomas, «Pourvoir d’agir et politique de la ville: un couple antagonique?», Urbanisme,n°392,Printemps2014,pp.49-52.119GOBERTJulie,«Compensationterritoriale,justiceetinégalitésenvironnementalesauxÉtats-Unis»,Espace

populationssociétés,2008/1|2008,pp.71-82

Page 89: La prise en compte des inégalités environnementales, une

86

opérations de démolition/reconstruction des logements. Cette ambition est encore très

présente dans la réalité au risque de ne pas recevoir les financements de l’Agence. Le

discours a évolué avec le NPNRU prévu pour la période2014-2024, et notamment avec

l’évolutiondescontratsdeville.Désormais,leurobjectifpremierportesurlaluttecontreles

inégalitéssocialesetl’améliorationdelacohésionsociale.Nousverronsquecediscoursest,

enréalité,assezloind’unejusticeenvironnementale.

a. Lamixitésociale,unedémarcheinjuste?

Les politiques de développement urbain durablemettent aujourd’hui en avant de

nouvelles exigences sociales passant par la valorisation de l’environnement comme un

élémentdequalitéurbaine.L’ANRU,toutcommelespolitiquesurbaines,placeaucœurde

sa politique la démarche de mixité sociale comme critère essentiel d’un projet de

renouvellement urbain «puisqu’il conditionnerait la durabilité dite “sociale” de ces

quartiers»120. Ce terme se retrouve alors de manière récurrente dans les discours des

politiquesetdesconcepteursdeprojets.Ledictionnairedel’habitatetdulogementdéfinit

la mixité sociale comme étant un concept visant «par l’élaboration de programmes de

logements notamment, à faire coexister différentes classes sociales au sein d’une même

unité urbaine». Cette différenciation sociale doit avoir pour objectif de lutter contre la

ségrégation et la relégation. Les politiques de mixité sociale doivent ainsi permettre de

réduirelesinégalitéssocio-spatialesetd’assurerunecohésionsociale.

Lapolitiquedel’ANRUsebasedoncsurceprincipe.Nousl’avonsévoquéaucoursde

cemémoire, l’Agencede renouvellementurbain,dans son règlementgénéral, imposeaux

collectivités ladiversification résidentielleet la requalificationdecesquartiersprioritaires.

Selonl’ANRU,l’améliorationd’unquartierpasseparlechangementdel’imagedesonbâti,

ce qui sous-entend de procéder à des opérations de démolitions conséquentes. Ces

démolitions ont été d’autant plus demandées sur le quartier de Python-Duvernois que

l’ANRUaunepositionbienaffirméequiestcellededireque«cecoin-làn’estpasvivable.Il

120 VALEGEAS François,Concevoir et habiter un quartier dit durable: injonctions écologiques et dynamiquescollectivesàBeauregard(Rennes)etLesBrichères(Auxerre) [Thèse],Architecture,aménagementde l’espace,

UniversitéParis-Est,2014,p.490

Page 90: La prise en compte des inégalités environnementales, une

87

faut dégager cet habitat de là pour faire autre chose. Je le dis de manière un peu

caricaturale, mais c’est fondamentalement la position qui était tenue», souligne Serge

Brunet.LaVilledeParisnepartagepas,quantàelle,cetteposition,carils’agitd’unquartier

d’habitatsocialquipossèdelesloyerslesmoinschersdeParis,maisaussiparcequ’autantde

démolitionsimpliquentdedevoirrelogerleshabitants,maisàquelprix?

En effet, le RGA nous dit qu’en cas de démolition de logements sociaux, leur

reconstitution sur site n’est pas possible. Autrement dit, les logements sociaux démolis

doiventêtrereconstituésendehorsduquartierafindeconservertoutdemêmeuneoffre

en logements sociaux suffisante à l’échelle de la Ville. Toutefois, au sein du quartier ces

démolitions doivent donner lieu à la construction d’une nouvelle offre de logements en

accession libre afin justement de favoriser la mise en place d’une mixité sociale. Ce

processusmême s’il n’est pas explicite va entraîner inévitablement le déplacement de la

populationdePython-Duvernoisendehorsdesonquartier.Or,pour laVille, cette finalité

estinconcevable.SergeBrunetpartagecepointdevue.Pourlui,

c’estquandmêmeladoublepeinepourlesgens.Ilssontévacuésetilsn’ontpasde chance de s’installer ou de se réinstaller dans un quartier qui connaît unevraiedynamique.[…]J’aitoujoursconsidéréquecesopérationsétaientd’abordfaitespourrésoudrelasituationdedisqualificationdontétaitvictimesuncertainnombredepersonnes.

C’estpour cette raisonque laVilledeParisademandéà l’ANRU,pour le secteurPython-

Duvernois, une dérogation afin de pouvoir reconstruire 150 logements sociaux neufs sur

site.Dérogationquel’ANRUaacceptée.

L’ANRU, par ces règles strictes, prétend vouloir réduire les inégalités entre les

populations d’une ville par le biais d’une démarche de mixité sociale. Cependant, nous

verrons que ce principe semble finalement «participe[r] à accroître l’injustice

environnementaleenprovoquantunegentrificationindirecte»121.Ceconstatestégalement

121 BONARD Yves, THOMANN Marianne, «Requalification urbaine et justice environnementale: Quelle

compatibilité?DébatsautourdelamétamorphosedeLausanne»,VertigO–larevueélectroniqueensciences

del’environnement,Vol.9,n°2,2009

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88

visible à travers le principe de financement de l’ANRU qui contribue fortement à cette

dynamiquedemixitésocialeetd’injusticeenvironnementale.

b. Unprincipedefinancementincitantladémolition

Les règles de financement de l’ANRU jouent également un rôle important dans

l’incitation à créer de nouvelles inégalités en tentant d’en réduire d’autres. Ces règles

semblent avoir pour conséquence, à plus ou moins long terme, le déplacement de la

populationrésidentesurlesecteurNPNRU,enlesprivantainsideleurquartierquibénéficie

d’uncadredevieamélioré.

L’ANRU et ses partenaires sont les seuls financeurs des projets en renouvellement

urbain. Les règles de financements des opérations NPNRU se font selon des critères très

précis et illustrent, qui plus est, une volonté forte de démolitions. La convention de

financement répertorie une quinzaine de familles d’opérations et donne l’enveloppe

financière qui leur est allouée. Pour le projet Python-Duvernois, seul cinq de ces familles

nous intéressent; les opérations d’aménagement d’ensemble (traitement des espaces

publics)quisontfinancéesàhauteurde10%, lesopérationsdedémolitionsde logements

sociaux financées à hauteur de 70% des coûts de travaux. Ensuite, le financement de

programmeimmobiliertelquelarequalification,larésidentialisationetlareconstitutionde

l’offre sociale hors site est calculé selon une assiette forfaitaire allant de 10 à 20%. Les

opérationsàvocationéconomiquesont,elles,financéesàhauteurde10%,toutcommeles

équipementsscolaires,culturelsoudepetiteenfance.

Ces taux de financements nous montrent clairement que l’ANRU encourage

fortement la démolition. De plus, l’ANRU finance les opérations en tant que «guichet

unique». C’est donc elle, avec ces partenaires, qui a le plein pouvoir de décider si ces

différentes familles pourront bénéficier du financement. Ainsi, si la volonté de la Ville ne

correspondpasàcelledel’Agence,celle-cipeutêtreinfinecontrainteàsuivrel’ambitionde

l’ANRUaurisquedesevoirrefusertoutfinancement.Toutefois,ilarécemmentétéannoncé

quel’enveloppefinancièredel’ANRUdevaitpasserde5à10milliardsd’eurossurlesprojets

d’intérêt national tels que Python-Duvernois, offrant ainsi un financement plus élevé.

Page 92: La prise en compte des inégalités environnementales, une

89

Cependant, la situation parisienne est particulièrement compliquée puisque les

contrepartiesdéfiniesdansleRGAnesontpasavantageusespourlaVilledeParis.Eneffet,il

est demandéque30%de la surfacedeplancher constructible sur l’ensembledu site soit

remis à Action Logement afin d’être utilisés pour la construction de logements privés. À

Paris, cette contrepartie n’est pas favorable puisque le foncier parisien à une valeur

financière, même dans les zones peu attractives comme Python-Duvernois. Les

conséquences sur le bilan financier de l’opération sont importantes, faisant perdre une

sommeassezélevéeàl’opération.

Ledécalaged’ambitionentre laVilledePariset l’ANRUest très important. LaVille

met aujourd’hui un point d’honneur à mener cette opération de renouvellement urbain

pour leshabitantsduquartieret l’inversen’estpasconcevable.Ellen’estévidemmentpas

contre leprincipedediversification résidentielleetde requalificationduquartier,maisne

partagepasl’ambitiondel’ANRUquiestladémolitionpresquetotaledel’habitatsocialde

Python-Duvernois,engendrantinévitablementledéplacementdelapopulation.

c. Unepolitiqueproductricedegentrification

Laconséquencedelapolitiquedel’ANRUetdesonprincipedefinancementsemble

être, à terme, la gentrification de ces quartiers prioritaires. La gentrification, demanière

large,est«unprocessusparlequelleshabitantsd’unquartierpopulairesontremplacéspar

des groupes sociaux plus aisés»122. Les politiques de renouvellement urbain et de

développementdurable,ens’attachantparticulièrementauprincipedemixitésocialepour

la lutte contre les inégalités, entraînent finalement la création de nouvelles inégalités. En

effet, cette recherche demixité «donne lieu à desmobilités résidentielles sélectives»123,

entraînant une division sociale de l’espace et recréant finalement des inégalités socio-

spatiales, ailleurs. La réductiondes inégalités nepeut doncpas êtreobtenueuniquement

122BEALVincent,«Villedurableetjusticesociale.Cequeledéveloppementdurablenousditdelaproduction

del’urbain»,inBEALVincent,GAUTHIERMario,PINSONGilles(Dir.),Ledéveloppementdurablechangera-t-illaville?Leregarddessciencessociales,Publicationdel’UniversitédeSaint-Étienne,2011,pp.239-259123 BONARD Yves, THOMANN Marianne, «Requalification urbaine et justice environnementale: Quelle

compatibilité?DébatsautourdelamétamorphosedeLausanne»,VertigO–larevueélectroniqueensciences

del’environnement,Vol.9,n°2,2009

Page 93: La prise en compte des inégalités environnementales, une

90

par une intervention physique sur le bâti par le biais de démolitions. Ce type de

transformations sur un quartier comme Python-Duvernois et la recherche d’une certaine

attractivitéparlacréationd’activitésculturelles,sportives,économiques,etc.vaengendrer

unehaussedesprixdel’immobilieretattirerunepopulationplusaisée.

Enoutre,laréductiondesinégalitéssocio-spatialesnedoitpasêtre«recherchéepar

lemélangedespopulationssurleterritoire,maisautraversd’uneactionvisantàaméliorer

laqualitéducadredeviedemanièrepluséquitableautraversduterritoire»124.Encesens,

la politique de mixité sociale ne peut pas être compatible avec la mise enœuvre d’une

justiceenvironnementalepuisque,danscecas, la conception redistributiven’estpasprise

encompte;cen’estpaslapopulationrésidentequivabénéficierdel’améliorationducadre

devie.Lapolitiquedel’ANRUnesetrouvedoncpasdansunevolontéredistributiveentre

les bénéfices et les risques environnementaux, ni même dans une démarche de

compensation. En effet, une des limites du fonctionnement de l’ANRU c’est, comme le

souligneSergeBrunet,«sonrèglementtrèsnational».Àcela,ilajouteque«c’estunpeule

mauvaiscôtédel’ANRU,ellearriveavecdessolutionstoutesfaitesetsonguidedesbonnes

pratiques». En appliquant, aux projets de renouvellement urbain, des solutions

standardisées et non pas propres aux caractéristiques d’un territoire, la requalification va

participeràl’évictiondespopulationsdéfavorisées.Ainsi,sicetterequalificationurbainene

s’accompagne pas demesures adaptées et à destination de cette population fragile, elle

pourraitêtre«productriced’inégalitésterritoriales»125.

124Ibid.125Ibid.

Page 94: La prise en compte des inégalités environnementales, une

91

Conclusion

LeprojetderenouvellementurbainmenésurlequartierdePython-Duvernoisestun

projet complexe, sur lequel un grand nombre d’acteurs participe à son élaboration. La

politiquede l’ANRUetde lavillepermetd’engagerunréelchangementdecequartierqui

n’ajamaisfaitl’objetd’uneinterventionurbaineousociale.Cettemultiplicitéd’acteur,ainsi

quelegrandnombred’étudeslancédanslecadreduprotocoledepréfigurationapermisde

construire un projet dans lequel toutes les problématiques semblent être traitées de

manièresglobales, transversaleset itératives. Lavolontéde laVille,par sesactionset ses

choixsembleêtredansunedémarchedejusticeenvironnementaleencherchantàarticuler

au mieux les questions sociales et environnementales afin de lutter contre les inégalités

plurielles126.

LadémarchedelaVillesembletoutefoisfreinéeparlapolitiquenationaledel’ANRU.

Unde sesobjectifs estde lutter contre les inégalités.Néanmoins, cette luttepassepar la

volontéfortedecréerdelamixitésocialedanscesquartiers.Cettedémarchenesemblepas

opérationnelle ou, tout du moins, difficilement durable, et devrait entraîner, à terme,

l’évictiondelapopulationrésidentedéfavorisée.Lapolitiqueessentiellementportéesurle

logement favorise alors la gentrification allant à l’encontre d’une recherche de justice

environnementale.

126Ibid.

Page 95: La prise en compte des inégalités environnementales, une

92

Page 96: La prise en compte des inégalités environnementales, une

93

CONCLUSION

Méthodologieetsynthèsedu

mémoire

Pourmenercetravailàbien,j’aiutiliséplusieurstypesdesources;del’observation

participante,dessourcesécritesainsiquedesentretienssemi-directifs.Cesderniersm’ont

étéparticulièrementutiles.J’airéalisédeuxentretiensoraux.UnpremieravecSergeBrunet,

représentantdubureaud’étudeTétraàParisetacteurduprojetPython-Duvernois,quiaeu

lieule27février2018dansleslocauxdeTétra.Unsecondentretiens’estdérouléle5avril

2018avecuningénieurdelaDASESetavecquij’aiputravaillertoutaulongdecetteannée

danslecadredel’étudeEISdes«Portesdu20e».

J’aurais souhaité pouvoir m’entretenir avec deux autres personnes dont l’expertise et la

connaissanceduterritoireauraientététrèsenrichissantespourlaconstructiondecetravail.

Cependantparmanquedetempsetincompatibilitéd’agenda,celan’apaspuaboutir.Faceà

ces contraintes, j’ai tout de même tenté d’obtenir certaines réponses, en posant mes

questions à une urbaniste deParis Habitat par courriel. Toutefois, les réponses obtenues

étaienttropcourtesetévasivespourêtreexploitable.J’avaisbienconsciencequel’exercice

étaitquelquepeubiaisé,car jenepouvaispasêtredansunéchangedirectpermettantde

relancermon interlocutriceàpartirde ces réponses. Il aurait falluéchangerdenombreux

mails, ce qui aurait sûrement alourdi le processus et n’aurait pas permis d’obtenir des

réponsesdirectesmoinsréfléchies. J’aidoncpréférénepasutilisercetentretienetne l’ai

pascité.

Page 97: La prise en compte des inégalités environnementales, une

94

Ensuite,j’aiutilisédesinformationsrecueilliessurinternetouviadesdocumentsde

travailquiétaientàmadispositionsurmonlieud’apprentissage.J’aiutilisédestextesdeloi,

des dossiers de presse qui pouvait parler des politiques publiques en matière de

renouvellementurbainoudepolitiquedelaville.J’aiaussiutilisélesétudesréalisées,ouen

cours de réalisation, dans le cadre du protocole de préfiguration. Je me suis servie

notamment de l’Étude d’Impact Environnemental, le premier livrable de l’Évaluation

d’ImpactsurlaSanté,ainsiquel’étudeurbainedontlerendudelaMission1aeulieuilya

quelquesmois.Cesontdesdocumentsauxquelsj’aieufacilementaccèsparlebiaisdemon

travailquotidienetquim’ontpermisd’obtenirtouteslesinformationsnécessaires.

Pourfinir,laméthodedel’observationparticipanteestlasourcequej’aifinalement

principalementutilisée.J’aipul’employerquotidiennement,lorsderéunions,d’ateliers,ou

d’évènementsenlienavecmontravailàlaMairiedeParis.Cetypedesourceaénormément

enrichi mon travail, et a été d’une aide précieuse, me permettant d’analyser les jeux

d’acteurs et ainsi de me faire ma propre vision du projet de renouvellement urbain de

Python-Duvernois.

Lors de la collecte et l’analyse de ces sources, j’ai rencontré quelques difficultés

permettant d’identifier ce qui constitue les limites de ce mémoire. Une des premières

difficultésestliéeàlafaçondontj’aiabordélesentretiens.Ils’agitd’unexercicecompliqué

auquel je ne m’étais encore jamais prêtée. Bien que préparé, le premier entretien avec

SergeBrunetestarrivéasseztôtparrapportàmonprocessusderéflexion.Jemetrouvais

encore,àcemoment-là,dansunephasedelecturesd’articlesetd’ouvragesscientifiquesme

permettant, selon l’expression de Charles Ambrosino, de «phosphorer». Ainsi, je suis

parfoispasséeàcôtédecertainssujetsàaborderdontjen’avaispasencoreconscienceàcet

instant. J’ai tout demêmepu en tirer un grand nombre d’informations, car Serge Brunet

n’était pas avare d’explications. J’ai le sentiment d’avoirmieux réussi à diriger le second

entretien.Effectivement,j’aieuplusd’aisanceàguidermoninterlocuteurtoutenluilaissant

quand même suffisamment de liberté pour ne pas orienter son discours. Cet entretien,

arrivantprèsdedeuxmoisplus tard, était certainementmieuxpréparéetmon sujetplus

maîtrisé.L’aborddemonsujetd’étudeétaitaussiplussimplepuisqu’ilconstituaitlecœurdu

métierdel’ingénieurdelaDASES.

Page 98: La prise en compte des inégalités environnementales, une

95

À cela, j’ajoute aussi le manque de diversité des profils. Le manque de temps et

l’incompatibilité,parfois,desemploisdutempsdechacunnem’ontpaspermisd’allerà la

rencontre d’un plus grand nombre d’acteurs. J’ai donc réalisé à mon sens trop peu

d’entretiens avec des personnes ayant des points de vue trop similaires. Il aurait été

intéressantderencontrerdesacteursdontlesintérêtsetlesobjectifsliésàleurprofession

divergent.Toutefois,l’observationparticipanteapourcelaétéuneressourceprécieuse.J’ai

participéàungrandnombrederéunions,decomitésdepilotage,decomitéstechniquesou

encore d’ateliers thématiques qui m’ont permis d’obtenir et d’emmagasiner beaucoup

d’informations,etdecomprendrelesdifférentesvisionsqu’ont lesacteurssur leprojetde

renouvellement urbain Python-Duvernois. Pour l’analyse, le problème a parfois été de

quitterma posture d’apprentie chef de projet défendant le projet sur lequel j’ai travaillé

durant près d’un an. Pour finir, j’ajouterai que la collecte et l’analyse des données et du

projetontétéréaliséesdansuntempsrestreint,cequipourmoiconstituelalimitelaplus

importantedece travail.Eneffet,monanalyseduprojeturbainest limitée, car il s’inscrit

dans un temps bien plus long que le temps quim’était imparti pour la réalisation de ce

mémoire. Je n’ai pas suivi ce projet suffisamment longtemps et bien des étapes restent

encore à venir. De même, le projet a débuté bien avant mon arrivée à la Direction de

l’Urbanisme. J’ai doncmanquédes étapesde constructionqui aurait pu être intéressante

pourencomprendre les rouages.Ainsi, jene suispasenmesuredeproduireuneanalyse

approfondieetdétailléedeceprojetderenouvellementurbain.Ilmesembledoncquepour

produire un travail réellement complet sur ce type de projet, il faudrait s’inscrire dans le

mêmetempslong.Cecipourraitpermettredeformulerunecritiqueplusfournieduprojet

en présentant, entre autres, des alternatives aux actions mise en place pour qu’elles

intègrentaumieuxlesinégalitésenvironnementales.Toutefois,j’ailesentimentd’avoirsaisi

lesenjeuxqu’ilm’étaitdonnédecomprendredansletempsquim’étaitaccordé.

Danscemémoirenousavonsabordéleconceptdesinégalitésenvironnementalesau

prismede l’opérationde renouvellementurbaindePython-Duvernois. Il était questionde

comprendrecettenotiondanssaglobalitéetdesaisirlesinteractionsquiexistententreles

inégalitésenvironnementalesetlerenouvellementurbain.Commenousavonspuledire,les

inégalités environnementales sontun concept complexeet encorepeu connudes acteurs

institutionnels. Parties des États-Unis, puis du Royaume-Uni, les inégalités

Page 99: La prise en compte des inégalités environnementales, une

96

environnementales permettent la prise en compte d’un ensemble de paramètres pour

réduireoucompenserdessituations injustes. Il s’agitd’unenotionenglobantequimeten

relationlesdifférentstypesd’inégalités(sociales,territoriales,économiques)etquiapporte

unevisionplusactuelledecequ’est l’environnementurbain.Unenotionquidoitêtrevue

comme un système entre lemilieu construit et lemilieu naturel, et le rapport qu’ont les

individus à ces milieux. Cette vision est primordiale puisqu’elle permet d’intégrer la

dimension sociale à des politiques environnementales qui semblent occulter quelque peu

leursconséquencessociales.

La notion d’inégalité environnementale amène également à se questionner et à

réfléchirentermedejustice.Cettejusticepermetdecomprendreetdetraiterlesinégalités

quisontetserontinévitablementprésentessurunterritoire.Ententantdecomprendrece

quisepassaitderrièrelesnotionsdejustice,d’équitéetd’égalité,nousavonspuvoirqueles

inégalités n’étaient pas forcément traitées de la bonne manière au risque d’en créer de

nouvelles.Lajusticeapportedesclésdecompréhensions.Lesinégalitésnesontpastoujours

des points négatifs à combattre en tant que telles pour faire d’un territoire un espace

durable.Mais,ilestavanttoutimportantdecomprendresicetteinégalitéestacceptableet

peut être compensée par la population elle-même. À condition qu’on lui en donne les

moyens. Nous avons vu que cette notion reposait essentiellement sur un vécu et une

perception de ces problématiques potentielles. Si les inégalités paraissent injustes aux

habitantsd’unterritoire,ellesdoiventalorsfairel’objetd’actionsparticulières.C’estceque

nousditlathéoriedelajusticedéveloppéeparRawls.

Appréhendercelaàtraverslarecherched’unecertainejusticequiseconcrétisepar

des actions spécifiques en fonction des difficultés rencontrées par les habitants d’un

quartierpermet une prise en compte des caractéristiques propres à un espace et d’agir

localement.Celaestparticulièrementimportantlorsquel’onprojetted’agirsurunquartier

présentant de gros dysfonctionnements tant sociaux qu’urbains comme c’est le cas à

Python-Duvernois.C’estun territoireetunepopulation,dont lavulnérabilité, s’accroitpar

l’effetdecumuldesdifficultés.L’apportdesinégalitésenvironnementalesestdanscecas-là

particulièrement pertinent. La transversalité de cette notion permet de se saisir de

l’ensembledesparamètresquifavorisentceteffetcumulatif.

Page 100: La prise en compte des inégalités environnementales, une

97

Dans le deuxième chapitre de cemémoire nous avons tâché d’étudier si la notion

d’inégalitéenvironnementaleétaitounonpriseencomptedansl’actionpubliqueetdansle

projet urbain de Python-Duvernois. Cela nous a permis de saisir quelles étaient la

compréhension et l’implication des acteurs vis-à-vis de ces questions. Il s’est alors agi de

comprendrecommentcelaestappréhendéparlesacteursduprojetauxdifférentsniveaux

de décision. Nous avons vu que du côté de la Ville la grande majorité des personnes

impliquées tendaient vers la prise en compte de ces inégalités environnementales et des

actionsyrépondant,bienquecelasefassemajoritairementsansenavoirdeconnaissance

approfondie.Lespolitiquespubliquesenlienavecleprogrammederenouvellementurbain,

lesaménagementsphysiquesdessinéspar l’équiped’architecteet lesoutilsmisenœuvre

parlamaîtrised’ouvragesontclairementunatoutetapportentuneplus-valueàceprojetet

démontre une volonté d’agir globalement et de réparer l’aspect cumulatif des

problématiquesauxquelleslespopulationsdoiventfaireface,enpremierlieucellesliéesaux

pollutionsetauxnuisancesenvironnementales.

Toutefois,lesecondpointquenousavonsabordénousaamenésànuancercertains

aspects de la gouvernance de ce projet de renouvellement urbain. En effet, l’analyse du

fonctionnement de l’ANRU, nous a permis de constater que sa politiquene prendpas en

compte les caractéristiques locales ce qui amène à un traitement standardisé au niveau

national.Larègleestàlamixitésocialeetàlacréationdequartiersdurable,sansregarder

réellementlesspécificitésduterritoire.Cesdeuxdémarchesposentquestionsquantàleur

opérationnalité, et à leur maintien sur le long terme. On peut également se poser la

question de leur réelle volonté concernant le devenir des personnes habitants à Python-

Duvernois, qui selon moi, semble être celle de la gentrification, recréant inévitablement

d’autresformesd’inégalitésparlasuite.

La prise en compte des inégalités environnementales n’est pas encore unanime et

nécessiteuneplusgrandeattentiondelapartdesacteursduprojeturbain.Eneffet,auvu

du travail et de l’analyse qui a été faite sur ce projet complexe, nous avons compris que

cettenotionn’estpasàignorer.Eneffet,sonapportestbénéfiquenotammentàl’heureoù

l’intérêt de développer nos villes durablement se fait largement ressentir. La prise en

Page 101: La prise en compte des inégalités environnementales, une

98

comptede la justiceenvironnementale«estaxéesur la reconnaissancedesprocessusqui

peuvent amener à des situations d’inégalités territoriales»127. Cette justice

environnementale permet également l’appréhension de la dimension éthique du

développement durable. Cette dimension éthique se concrétise, selon Rawls par une

approche redistributive permettant aux populations les plus défavorisées de la société de

bénéficierd’unemeilleurequalitédevie.C’estparailleurscettedimensionquiestsouvent

oubliéedansladémarchededéveloppementdurable.«Ainsi,lesconditionspratiquesd’une

justiceenrelationavecundéveloppementdurablesemblentavoirétémoinsétudiéesquela

volontéderéconcilierécologieetéconomie»128.Lesdimensionsécologiquesetsocialessont

effectivementtrèssouventdissociées.Lesinégalitésenvironnementalesmontrentbienàce

sujetquel’unenevapassansl’autre.Cesdimensionsinteragissententreellesetc’estcequi

permet une action transversale et efficace. Pour cela, la justice environnementale, «dans

une perspective d’action […] incite à allouer prioritairement une aide aux espaces qui

cumulentdesdésavantages,àtrouverunmodederégulationdesinégalités»129.Encesens,

les inégalités environnementales semblent permettre l’articulation entre les différents

enjeuxdudéveloppementurbainet«inviteàpenserunnouvelagencementdesprioritésde

l’actionpubliquepourluttercontrelesinégalitésplurielles»130.

127 BONARD Yves, THOMANN Marianne, «Requalification urbaine et justice environnementale: Quelle

compatibilité?DébatsautourdelamétamorphosedeLausanne»,VertigO–larevueélectroniqueensciences

del’environnement,Vol.9,n°2,2009128 SCARWELL Helga-Jane, ROUSSEL Isabelle, «Le développement durable, un référentiel pour l’action

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TABLESDESTABLEAUX

TABLEAU1—PROFILSOCIO-URBAINDESCOMMUNESSELONLAQUALITEDELEURENVIRONNEMENT(%).......31TABLEAU2—PROPORTIONDECOMMUNESACCUEILLANTDESZUSSELONLAQUALITEDELEURENVIRONNEMENT

(%)...................................................................................................................................31TABLEAU3–MOTIFSPOTENTIELSD'INJUSTICEETLESMETHODESDEREGULATION.....................................40

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TABLESDESFIGURES

FIGURE1–LESITED'ETUDEDANSLACEINTUREVERTEPARISIENNE.........................................................41FIGURE2–VUEAERIENNEDELACEINTUREHBMETDUFUTUREEMPLACEMENTDUBOULEVARDPERIPHERIQUE

EN1943............................................................................................................................43FIGURE3–CONSTRUCTIONDUBPETDEL'ECHANGEURDELAPORTEDEBAGNOLET..................................44FIGURE4–PARTDESJEUNESDE16-25ANSNIENEMPLOI,NIENETUDE.................................................46FIGURE5–PARTDESEMPLOYESETOUVRIERSDANSLAPOPULATIONACTIVEAGEESDEPLUSDE15ANS,EN2012

.........................................................................................................................................47FIGURE6–REPARTITIONDESCOMMERCES........................................................................................48FIGURE7–LEMODELEDESDETERMINANTSDELASANTEDEWHITEHEADETDAHLGREN(1991)..................54FIGURE8–OBJECTIFSISSUSDUPROTOCOLEDEPREFIGURATION...........................................................66FIGURE9–UNPARCSEGMENTALBLEETPROGRESSIF...........................................................................69FIGURE10–PLANDESDEMOLITIONSPROPOSEES...............................................................................71FIGURE11–PLANPROGRAMMATIQUEDUSECTEURPYTHON-DUVERNOIS...............................................73FIGURE12–TRANSFORMERLATRAMEVIAIREENESPACESPUBLICSDEPROXIMITE.....................................74FIGURE13–VUED’ENSEMBLEDUSCENARIOD’AMENAGEMENTDUQUARTIERDEPYTHON-DUVERNOIS.........75