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N° Ordre : 2009-ISAL-0032 Année 2009 INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES - LYON Laboratoire Vibrations Acoustique ECOLE DOCTORALE MEGA Département Génie Mécanique Conception THESE pour l’obtention du grade de Docteur présentée et soutenue publiquement le 30 avril 2009 par François MONTIGNIES Ingénieur diplomé de l’Université de Technologie de Compiègne La perception sonore dans un processus de conception centrée sur l’homme Application aux bruits de tapotements de planches de bord automobiles par les clients JURY M.G. GUYADER Dr, Renault S.A.S Examinateur M.D. NESA Dr, Renault S.A.S Tuteur industriel M.V. NOSULENKO D.R., Académie des Sciences de Moscou Examinateur M.E. PARIZET Pr., INSA de Lyon Directeur de thèse M. J.F. PETIOT Pr., Ecole Centrale de Nantes Rapporteur M. P. SUSINI C.R., IRCAM Paris Examinateur Mme.I. URDAPILLETA Pr., Université Paris VIII Rapporteur

La perception sonore dans un processus de conception ...docinsa.insa-lyon.fr/these/2009/montignies/these.pdf · M.E. PARIZET Pr., INSA de ... MICROBIOLOGIE, MODELISATION ... Nombreux

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N° Ordre : 2009-ISAL-0032 Année 2009

INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES - LYON

Laboratoire Vibrations Acoustique

ECOLE DOCTORALE MEGA

Département Génie Mécanique Conception

THESE

pour l’obtention du grade de Docteur

présentée et soutenue publiquement le 30 avril 2009 par

François MONTIGNIES Ingénieur diplomé de l’Université de Technologie de Compiègne

La perception sonore dans un processus de conception centrée

sur l’homme

Application aux bruits de tapotements de planches de bord

automobiles par les clients

JURY

M.G. GUYADER Dr, Renault S.A.S Examinateur

M.D. NESA Dr, Renault S.A.S Tuteur industriel

M.V. NOSULENKO D.R., Académie des Sciences de Moscou Examinateur

M.E. PARIZET Pr., INSA de Lyon Directeur de thèse

M. J.F. PETIOT Pr., Ecole Centrale de Nantes Rapporteur

M. P. SUSINI C.R., IRCAM Paris Examinateur

Mme.I. URDAPILLETA Pr., Université Paris VIII Rapporteur

INSA Direction de la Recherche - Ecoles Doctorales Quadriennal 2007-2010

SIGLE ECOLE DOCTORALE NOM ET COORDONNEES DU RESPONSABLE

CHIMIE

CHIMIE DE LYON http://sakura.cpe.fr/ED206 M. Jean Marc LANCELIN

Insa : R. GOURDON

M. Jean Marc LANCELIN Université Claude Bernard Lyon 1 Bât CPE 43 bd du 11 novembre 1918 69622 VILLEURBANNE Cedex Tél : 04.72.43 13 95 Fax : [email protected]

E.E.A.

ELECTRONIQUE, ELECTROTECHNIQUE, AUTOMATIQUE http://www.insa-lyon.fr/eea M. Alain NICOLAS Insa : C. PLOSSU [email protected] Secrétariat : M. LABOUNE AM. 64.43 – Fax : 64.54

M. Alain NICOLAS Ecole Centrale de Lyon Bâtiment H9 36 avenue Guy de Collongue 69134 ECULLY Tél : 04.72.18 60 97 Fax : 04 78 43 37 17 [email protected] Secrétariat : M.C. HAVGOUDOUKIAN

E2M2

EVOLUTION, ECOSYSTEME, MICROBIOLOGIE, MODELISATION http://biomserv.univ-lyon1.fr/E2M2 M. Jean-Pierre FLANDROIS Insa : H. CHARLES

M. Jean-Pierre FLANDROIS CNRS UMR 5558 Université Claude Bernard Lyon 1 Bât G. Mendel 43 bd du 11 novembre 1918 69622 VILLEURBANNE Cédex Tél : 04.26 23 59 50 Fax 04 26 23 59 49 06 07 53 89 13 [email protected]

EDISS

INTERDISCIPLINAIRE SCIENCES-SANTE Sec : Safia Boudjema M. Didier REVEL Insa : M. LAGARDE

M. Didier REVEL Hôpital Cardiologique de Lyon Bâtiment Central 28 Avenue Doyen Lépine 69500 BRON Tél : 04.72.68 49 09 Fax :04 72 35 49 16 [email protected]

INFOMATHS

INFORMATIQUE ET MATHEMATIQUES http://infomaths.univ-lyon1.fr M. Alain MILLE Secrétariat : C. DAYEYAN

M. Alain MILLE Université Claude Bernard Lyon 1 LIRIS - INFOMATHS Bâtiment Nautibus 43 bd du 11 novembre 1918 69622 VILLEURBANNE Cedex Tél : 04.72. 44 82 94 Fax 04 72 43 13 10 [email protected] - [email protected]

Matériaux

MATERIAUX DE LYON M. Jean Marc PELLETIER Secrétariat : C. BERNAVON 83.85

M. Jean Marc PELLETIER INSA de Lyon MATEIS Bâtiment Blaise Pascal 7 avenue Jean Capelle 69621 VILLEURBANNE Cédex Tél : 04.72.43 83 18 Fax 04 72 43 85 28 [email protected]

MEGA

MECANIQUE, ENERGETIQUE, GENIE CIVIL, ACOUSTIQUE M. Jean Louis GUYADER Secrétariat : M. LABOUNE PM : 71.70 –Fax : 87.12

M. Jean Louis GUYADER INSA de Lyon Laboratoire de Vibrations et Acoustique Bâtiment Antoine de Saint Exupéry 25 bis avenue Jean Capelle 69621 VILLEURBANNE Cedex Tél :04.72.18.71.70 Fax : 04 72 43 72 37 [email protected]

ScSo

ScSo* M. OBADIA Lionel Insa : J.Y. TOUSSAINT

M. OBADIA Lionel Université Lyon 2 86 rue Pasteur 69365 LYON Cedex 07 Tél : 04.78.69.72.76 Fax : 04.37.28.04.48 [email protected]

*ScSo : Histoire, Geographie, Aménagement, Urbanisme, Archéologie, Science politique, Sociologie, Anthropologie

2

Remerciements

Ce travail est le fruit d’un contrat CIFRE. Il n’aurait pas pu voir le jour sans la participation de Renault S.A.S, de l’Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT), et du Laboratoire Vibrations Acoustique de l’INSA de Lyon.

Nombreux sont ceux qui ont participé de près ou de loin, ici ou ailleurs, par leur aide, leur soutien ou simplement leur présence, à ce que ce travail de thèse voit le jour. Ils se répartissent parmi l’entourage professionnel, familial ou amical et j’espère qu’ils se reconnaîtront. J’en citerais tout de même quelques uns…

Je tiens avant tout à remercier Daniel Nesa pour m’avoir proposé cette thèse. Parti d’un petit rien, le sujet s’est avéré extrêmement riche et m’a permis d’aborder toutes les disciplines qui me passionnent. D. Nesa a également œuvré et manœuvré pour faire le lien entre la dynamique parfois très personnelle d’un travail de thèse et celle d’une grande machine telle que Renault.

Bien sûr, je remercie grandement Etienne Parizet de m’avoir encadré au sein du LVA. Il a su être patient, attentif, ouvert et toujours de bon conseil. Il m’a laissé l’agréable liberté d’explorer des pistes variées, tout en m’orientant vers le bon chemin aux moments adéquats.

Merci également à V. Nosulenko et sa famille de m’avoir accueilli dans sa datcha pour dix jours de travail intense et d’échanges enrichissants.

Je suis également très reconnaissant envers tout le jury, et particulièrement les rapporteurs, Isabel Urdapilleta et Jean-François Petitot, pour le temps consacré à la relecture de mon manuscrit et leurs remarques avisées.

J’ai apprécié de croiser d’autres thésards tout au long de ce chemin : ceux avec qui j’ai partagé le bureau (Jean-Daniel et Matthieu), les précédents made in Parizet (Vincent et Emilie), les compagnons de promo (Laurent et Ludovic) et tout ceux passés par le laboratoire (Simon, Jeremy, Olivier, Cédric, Dorian, Vincent, Husnein). Je me souviendrais aussi de l’accueil de toute l’équipe du LVA : Céline, Meriem, Nathalie, Corinne, Nacer, Goran, Gugu (le chef), Charles (caféinomane), Bernard et Erald (supporters des Dogues), Nicolas et Quentin (MCs de choc), Daniel…

Merci à Morgan, Romain, Marion, Gab, Sergio et Dim d’avoir partagé une part de vie

lyonnaise avec moi. Merci à tous les amis de mon Nord natal, toujours présents malgré le temps qui passe ou la distance qui s’accroît. Merci aux meltingpotes de l’UTC, qui s’éparpillent mais restent soudés. Merci aux gones qui m’ont plus récemment adopté, et donné envie de revenir bientôt dans la capitale des Gaules. Mention spéciale à Julien MC Matador et Xavier Dj Vax pour être passés aussi souvent.

Merci encore à toute ma famille, parents, frères, belle-sœur, nièce et filleule, de

m’avoir soutenu et de m’avoir rendu visite à Lyon.

Une pensée toute particulière pour Elisa, qui a survécu à la puissance du port du Havre pour mieux m’accompagner dans les derniers mois de cette aventure et dans celle qui nous attend prochainement ! Merci pour ton aide, ton soutien, ton affection et ta présence.

Et en vrac : la Clio de Renbo, le maca de Larousso, le houra de MacioMan, la pensée

du jour de Vico, les crêpes de Picsou, la team travian, les micro-billes de J.D. Makoun, le pot de Chez Mounier, les havaianas de Rebecca, le dub lyonnais …

3

Pour Shicha

4

Table des matières INTRODUCTION GÉNÉRALE .......................................................................................... 13

PROBLEMATIQUE : LA CONCEPTION CENTRÉE SUR LA PERCEPTION.......... 15 1. CADRE INDUSTRIEL : LA CONCEPTION ........................................................................... 16

1.1. Le client dans la conception technocentrée ......................................................... 16

1.1.1. Identification du besoin................................................................................ 16

1.1.2. La satisfaction client normalisée .................................................................. 16

1.1.3. Limites.......................................................................................................... 17

1.2. La conception centrée sur le client ...................................................................... 17

1.2.1. Objectifs ....................................................................................................... 17

1.2.2. Des approches spécifiques ........................................................................... 18

1.2.3. Des démarches globales ............................................................................... 19

1.2.4. Conclusion.................................................................................................... 20

2. CADRE PSYCHOLOGIQUE : LA PERCEPTION.................................................................... 22

2.1. Des hypothèses constructivistes ........................................................................... 22

2.1.1. Limites des approches classiques................................................................. 22

2.1.2. La perception en action ................................................................................ 22

2.1.3. A la croisée du subjectif et de l’objectif....................................................... 23

2.1.4. Le contexte écologique................................................................................. 23

2.2. Les données de la perception ............................................................................... 24

2.2.1. Configurations sensorielles .......................................................................... 24

2.2.2. Schèmes cognitifs......................................................................................... 24

2.3. La dynamique perceptive ..................................................................................... 25

2.3.1. La projection cognitive................................................................................. 25

2.3.2. L’intégration sensorielle............................................................................... 26

2.3.3. Conclusion.................................................................................................... 27

2.4. Qualité(s) de l’objet perçu ................................................................................... 27

2.4.1. Les qualités évaluatives................................................................................ 28

2.4.2. Les qualités descriptives............................................................................... 29

2.4.3. Les caractéristiques physiques ..................................................................... 30

2.4.4. Synthèse ....................................................................................................... 30

5

3. LA CONCEPTION CENTREE SUR LA PERCEPTION ............................................................. 32

3.1. Analogies des processus de perception et de conception..................................... 32

3.1.1. Activité et développement............................................................................ 32

3.1.2. Objet perçu et objet conçu............................................................................ 32

3.2. Déploiement de la conception centrée sur la perception..................................... 34

3.2.1. Les phases opérationnelles ........................................................................... 34

3.2.2. Le système à résoudre .................................................................................. 35

4. APPLICATION A NOTRE OBJET D’ETUDE ......................................................................... 38

4.1. La perception sonore............................................................................................ 38

4.1.1. Le phénomène sonore................................................................................... 38

4.1.2. Les qualités évaluatives................................................................................ 40

4.1.3. Les qualités descriptives............................................................................... 40

4.2. Quelques études sur les bruits d’impact ............................................................. 41

4.2.1. Les qualités évaluatives................................................................................ 41

4.2.2. Les qualités descriptives............................................................................... 42

4.2.3. Discussion .................................................................................................... 44

4.3. Démarche de conception centrée sur la perception sonore appliquée aux

tapotements....................................................................................................................... 45

PARTIE 1 : OBSERVATION EN SITUATION RÉALISTE, POUR UNE ÉTUDE ÉCOLOGIQUE DU PHÉNOMÈNE DE TAPOTEMENT ................................................ 47

5. METHODOLOGIE DE RECUEIL DES DONNEES .................................................................. 49

5.1. Méthodologies existantes ..................................................................................... 49

5.1.1. « Focus group » ............................................................................................ 49

5.1.2. Les entretiens................................................................................................ 49

5.1.3. Test en laboratoire........................................................................................ 50

5.1.4. Observation en situation............................................................................... 50

5.1.5. Psychologie de l’ingénierie et évaluation de la Qualité Perçue ................... 51

5.1.6. Synthèse ....................................................................................................... 51

5.2. Méthodologie adoptée .......................................................................................... 52

5.2.1. Principe méthodologique.............................................................................. 52

5.2.2. Consignes ..................................................................................................... 54

5.2.3. Préparation des données brutes .................................................................... 54

6

6. METHODOLOGIE DE TRAITEMENT DES DONNEES ........................................................... 57

6.1. Traitement qualitatif des données préparées ....................................................... 57

6.1.1. Problématique............................................................................................... 57

6.1.2. Choix méthodologique ................................................................................. 58

6.1.3. Codage de base............................................................................................. 59

6.1.4. Codage ontologique...................................................................................... 59

6.2. Traitement quantitatif des données qualitatives................................................... 60

6.2.1. Indicateurs pour les opérations..................................................................... 60

6.2.2. Indicateurs pour les verbalisations ............................................................... 61

6.3. Analyse croisée..................................................................................................... 62

7. RECUEIL DES DONNEES.................................................................................................. 63

7.1. Terrain empirique ................................................................................................ 63

7.1.1. Les véhicules ................................................................................................ 63

7.1.2. Les sujets ...................................................................................................... 63

7.1.3. Configuration ............................................................................................... 64

7.2. Protocole .............................................................................................................. 64

7.2.1. Expression des attentes................................................................................. 65

7.2.2. Activité commentée...................................................................................... 65

7.2.3. Prise de décision........................................................................................... 66

7.3. Données brutes..................................................................................................... 66

7.3.1. Les sujets ...................................................................................................... 66

7.3.2. Opérations : enregistrement vidéo................................................................ 67

7.3.3. Verbalisations : enregistrement audio et retranscriptions ............................ 67

7.3.4. Préparation des données ............................................................................... 67

7.4. Conclusion............................................................................................................ 67

8. ANALYSE QUALITATIVE DES DONNEES .......................................................................... 68

8.1. Les objets visés ..................................................................................................... 68

8.1.1. Codage de base............................................................................................. 68

8.1.2. Codage ontologique...................................................................................... 69

8.2. Les opérations ...................................................................................................... 70

8.2.1. Codage de base............................................................................................. 70

8.2.2. Codage ontologique...................................................................................... 71

8.3. Les verbalisations................................................................................................. 72

8.3.1. Codage de base............................................................................................. 72

7

8.3.2. Codage ontologique...................................................................................... 76

8.4. Conclusion............................................................................................................ 79

9. ANALYSE QUANTITATIVE DES DONNEES QUALITATIVES ................................................ 80

9.1. La dynamique perceptive de l'exploration d'un véhicule statique ....................... 80

9.1.1. Activité globale ............................................................................................ 80

9.1.2. Discours global............................................................................................. 80

9.1.3. Selon l'espace véhicule................................................................................. 81

9.1.4. Les modalités sensorielles évoquées ............................................................ 83

9.1.5. Profil perceptif des véhicules selon la préférence des sujets ....................... 83

9.1.6. L’effet de la première impression ................................................................ 85

9.2. Le tapotement de planche de bord ....................................................................... 85

9.2.1. Objets visés par la dimension auditive......................................................... 85

9.2.2. Opérations sur la planche de bord ................................................................ 86

9.2.3. Qualités perçues de la planche de bord ........................................................ 87

9.2.4. Qualités perçues de la planche de bord liées à la dimension auditive.......... 87

9.2.5. Lien entre opération et évaluation................................................................ 88

9.2.6. Synthèse ....................................................................................................... 90

10. CONCLUSION................................................................................................................. 91

PARTIE 2 : EXPÉRIENCE SUBJECTIVE BASÉE SUR LA CATÉGORISATION POUR UNE ÉTUDE PERCEPTIVE DES BRUITS DE TAPOTEMENT....................... 93

11. METHODOLOGIES POUR LA CONSTRUCTION D’ESPACES PERCEPTIFS.............................. 95

11.1. Épreuves descriptives....................................................................................... 95

11.1.1. Échelles catégorielles ................................................................................... 95

11.1.2. Échelles continues ........................................................................................ 96

11.1.3. Profil sensoriel.............................................................................................. 96

11.1.4. Verbatims ..................................................................................................... 97

11.2. Epreuves de similarité...................................................................................... 97

11.2.1. Comparaison par paire ................................................................................. 97

11.2.2. Classement ................................................................................................... 98

11.3. Épreuves d’évaluation subjective..................................................................... 99

11.3.1. Échelle continue ........................................................................................... 99

11.3.2. Échelle catégorielle ...................................................................................... 99

11.3.3. Comparaison par paire ............................................................................... 100

8

11.4. Application aux bruits de tapotement de planche de bord............................. 100

11.5. Synthèse.......................................................................................................... 100

11.6. Choix méthodologique.................................................................................... 101

12. METHODOLOGIE ADOPTEE........................................................................................... 102

12.1. Principe méthodologique : La catégorisation................................................ 102

12.2. Méthodologie de recueil................................................................................. 103

12.2.1. Tâches psychologiques............................................................................... 103

12.2.2. Conditions du protocole ............................................................................. 104

12.2.3. Synthèse ..................................................................................................... 106

12.3. Méthodologie de traitement ........................................................................... 106

12.3.1. Analyse descriptive .................................................................................... 107

12.3.2. Cartographie de la perception .................................................................... 108

13. RECUEIL DES DONNEES................................................................................................ 112

13.1. Terrain empirique sonore............................................................................... 112

13.1.1. Choix de l’impact ....................................................................................... 112

13.1.2. Échantillonnage de la banque sonore ......................................................... 113

13.1.3. Réduction du nombre d’échantillons sonores ............................................ 114

13.2. Protocole de recueil ....................................................................................... 116

13.2.1. Les sujets .................................................................................................... 116

13.2.2. Les épreuves............................................................................................... 116

13.3. Données.......................................................................................................... 119

14. ANALYSE DESCRIPTIVE ............................................................................................... 121

14.1. L’épreuve de classement ................................................................................ 121

14.1.1. Partitions individuelles............................................................................... 121

14.1.2. Classification ascendante hiérarchique des sons........................................ 124

14.2. L’épreuve de verbalisation............................................................................. 125

14.2.1. Production verbale des sujets ..................................................................... 125

14.2.2. Catégories verbales retenues ...................................................................... 126

14.2.3. Description des catégories verbales retenues ............................................. 127

14.2.4. Création des Profils verbaux ...................................................................... 128

14.2.5. Discussion .................................................................................................. 137

14.3. Les données sur les sons typiques .................................................................. 138

14.4. L’épreuve d’évaluation .................................................................................. 139

14.4.1. Test de validation des scores d’évaluation................................................. 139

9

14.4.2. Scores moyens des 47 sons ........................................................................ 141

14.4.3. Scores moyens des classes CAH................................................................ 142

15. CARTOGRAPHIE DE LA PERCEPTION SONORE ............................................................... 144

15.1. Représentations des dissimilarités ................................................................. 144

15.1.1. Positionnement multidimensionnel ............................................................ 144

15.1.2. Espace perceptif de base ............................................................................ 146

15.2. Projection des qualités sonores descriptives (tendances verbales) ............... 148

15.2.1. Plan (X1,X2) .............................................................................................. 148

15.2.2. Plan (X1,X3) .............................................................................................. 150

15.2.3. Synthèse ..................................................................................................... 151

15.3. Cartographie de la Qualité Perçue................................................................ 151

15.3.1. Corrélation entre Qualité Perçue et axes perceptifs ................................... 151

15.3.2. Modèles de régression entre Qualité Perçue et axes perceptifs ................. 152

15.3.3. Interprétation .............................................................................................. 156

16. CONCLUSION............................................................................................................... 157

16.1. Méthodologie.................................................................................................. 157

16.2. Application ..................................................................................................... 158

PARTIE 3 : OBJECTIVATION ACOUSTIQUE DE LA PERCEPTION..................... 159 17. MÉTRIQUES POUR LA PERCEPTION DES BRUITS D’IMPACT............................................ 161

17.1. La portière...................................................................................................... 161

17.2. Le bruit de toqué ............................................................................................ 162

17.3. La balle de Golf.............................................................................................. 162

17.4. Le rattle .......................................................................................................... 162

18. RECHERCHE DE MÉTRIQUES SONORES ADAPTÉES ........................................................ 163

18.1. Métrique représentant l’axe 1 (M1)............................................................... 163

18.2. Métrique représentant l’axe 2 (M2)............................................................... 170

18.3. Conclusion...................................................................................................... 171

19. MODELES DE PREDICTION DE LA QUALITE PERÇUE ..................................................... 172

19.1. Prédiction du score d’évaluation ................................................................... 172

19.1.1. Méthode...................................................................................................... 172

19.1.2. Application aux scores moyens.................................................................. 172

19.2. Prédiction de la catégorie évaluative............................................................. 174

19.2.1. Méthode...................................................................................................... 175

10

19.2.2. Application aux catégories évaluatives ...................................................... 175

19.3. Stabilité des modèles pour une mesure sur impact manuel ........................... 178

19.3.1. Prédiction du score d’évaluation ................................................................ 178

19.3.2. Prédiction de la catégorie évaluative.......................................................... 179

20. CONCLUSION............................................................................................................... 180

20.1. Application ..................................................................................................... 180

20.2. Méthodologie.................................................................................................. 181

PARTIE 4 : IDENTIFICATION DES VARIABLES TECHNOLOGIQUES DÉTERMINANTES............................................................................................................. 183

21. METHODOLOGIE.......................................................................................................... 185

22. FACTEURS TECHNOLOGIQUES...................................................................................... 186

22.1. Bruits et facteurs technologiques ................................................................... 186

22.2. Classes perceptives et facteurs technologiques ............................................. 188

22.2.1. Classes épouvantails................................................................................... 188

22.2.2. Classe « tonale »........................................................................................ 189

22.2.3. Classes acceptables .................................................................................... 189

22.2.4. Classe cible................................................................................................. 189

22.3. Espace perceptif et facteurs technologiques .................................................. 189

22.3.1. Pièces.......................................................................................................... 190

22.3.2. Matériau ..................................................................................................... 191

22.3.3. Volume intérieur ........................................................................................ 191

22.4. Qualité perçue et facteurs technologiques ..................................................... 192

23. VARIABLES MATERIAUX.............................................................................................. 193

23.1. Synthèse par modèle physique........................................................................ 193

23.1.1. Modèle physique ........................................................................................ 193

23.1.2. Plan d’expérience ....................................................................................... 195

23.2. Influence des variables matériaux sur l’indicateur........................................ 197

24. CONCLUSION............................................................................................................... 199

CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................. 201

25. METHODOLOGIE.......................................................................................................... 201

25.1. Démarche de conception centrée sur la perception sonore........................... 201

25.2. Observation en situation de la dynamique perceptive ................................... 201

11

25.3. Test perceptif basé sur la catégorisation ....................................................... 202

26. APPLICATION............................................................................................................... 203

26.1. Attentes perceptives du client ......................................................................... 203

26.2. Qualités sonores déterminantes pour la perception du client........................ 205

26.3. Indicateurs sonores pour le contrôle de la Qualité Perçue .......................... 206

26.4. Règles de conception pour la maîtrise de la Qualité Perçue......................... 206

BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................... 209

12

Introduction générale

La présente thèse a pour origine l’observation d’un comportement a priori étonnant chez certaines personnes explorant des véhicules exposés chez les concessionnaires ou dans les salons automobiles : le tapotement de la planche de bord. L’industriel automobile Renault, préoccupé par l’impact subjectif que ce phénomène pouvait avoir sur un client potentiel, a alors jugé qu’il lui serait profitable de creuser cette problématique. L’objet central d’étude est ici rapidement identifié, il s’agit de la perception issue des bruits produits par le tapotement.

Si la perception sonore est l’objet privilégié de la psychoacoustique, sa maîtrise dans un contexte industriel s’insère dans une problématique plus large de conception centrée sur l’homme. En effet, la perception issue du bruit d’un produit peut parfois être un facteur humain primordial lorsqu’on veut proposer un objet qui corresponde aux attentes du client. Le parallèle le plus évident est le bruit de fermeture de portière, étudié par de nombreux constructeurs afin de maîtriser, par l’ajustement de solutions techniques, l’impression subjective qu’il suscite chez le client, telle que l’image de marque, la solidité ou la sécurité.

A la croisée du subjectif et de l'objectif, le travail entrepris ici est en fait le prétexte à une multitude de questionnements. Comme le préconisait Deleuze, c'est pour nous l'occasion de « prendre les choses par le milieu», c'est-à-dire d'étudier un phénomène singulier, ancré dans le réel, qui pourrait paraître anecdotique au premier abord, mais dont le traitement nous renvoie aussi bien à des considérations fondamentales qu'à des objectifs plus opérationnels. En effet, le sujet de cette thèse nous amène à considérer de manière systémique les problématiques de la conception et de la perception. Il implique également une approche transversale des disciplines, depuis la psychologie jusqu'à la physique du phénomène sonore.

En premier lieu, il nous paraît ainsi nécessaire de recadrer la problématique globale dans laquelle notre sujet s'insère, notamment afin de construire une démarche cohérente guidant les différentes phases d’un travail de design sonore (Problématique). Cette démarche est alors mise en application sur le tapotement de planche de bord. Nous partons de l’observation du phénomène en situation (Partie 1), pour ensuite relier progressivement la perception des bruits (Partie 2) à des caractéristiques objectives du signal acoustique (Partie 3), puis à des facteurs physiques de la planche de bord (Partie 4).

Pour que l’industriel exploite nos résultats, il faut lui fournir certains éléments concrets : la spécification du critère perceptif, un indicateur mesurable pour le contrôle de ce critère, des règles de conception assurant une perception optimale du client. Cependant, chaque étape est parfois l’occasion de mener une réflexion théorique, de tester des méthodologies originales, ou plus simplement de poser de nouvelles questions.

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Problématique

La conception centrée sur la perception

La conception vise à donner corps à un concept d'objet qui saura trouver sa place dans l'environnement quotidien des individus d'une société. C'est à dire que les concepteurs ont beau anticiper de nouvelles fonctionnalités, trouver des solutions technologiquement élaborées, l'objet sera accepté, mais tout d'abord acheté, par des individus qui y perçoivent un gain dans l'interaction qu'ils peuvent opérer avec l'objet. Ainsi, plus le consensus d'individus sera large et rapide, plus la réussite industrielle de l'objet sera assurée. Cette remarque communément admise met l'accent sur l'importance de prendre en compte la réception par le client dans la conception d'un objet pensé dans des bureaux d'études. Cependant qu’en est-il de la réalité ? C’est-à-dire comment le concepteur s'organise-t-il pour essayer de répondre à ce qui constitue le cœur du développement d'un produit : proposer un produit qui sera adapté pour et adopté par les individus auxquels il se destine.

Dans un premier temps, nous exposons ainsi le point de vue du concepteur, par l’exposé des principales méthodologies qui lui sont offertes pour prendre en compte les facteurs humains lors du développement d'un produit.

Puis, nous nous intéressons plus en détail au point de vue du client, par une étude théorique de la perception, processus qui résulte de l’interaction entre un sujet et un objet.

Il sera ensuite possible de faire converger les deux points de vue dans une approche anthropocentrée de la conception, où l’ensemble des facteurs humains sont abordés par le biais de critères perceptifs.

En appliquant notre base théorique à la dimension sonore, nous identifions alors les étapes importantes d’un travail de design sonore, permettant de réunir toutes les données indispensables à la résolution du problème concret de conception qui nous est soumis.

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Problématique – Cadre industriel : la conception

1. Cadre industriel : la conception

Nous commençons par exposer sommairement comment le client est considéré dans la démarche classique de développement aujourd'hui implémentée dans la plupart des entreprises. Ces dernières s'appuient encore principalement sur les compétences techniques des métiers engagés dans les projets industriels, ainsi que sur les normes Qualité.

Puis nous insistons un peu plus sur une tendance méthodologique répondant à un besoin fondamental : se recentrer sur le point de vue du client pour prendre en compte des critères lui appartenant, tout au long de la conception d'un produit. Nous présentons ainsi différentes approches ou disciplines qui sont mises à profit par l’industrie pour insérer les facteurs humains au cœur des projets de conception. Ces approches sont illustrées autant que possible par des applications spécifiquement liées à la dimension sonore.

1.1. Le client dans la conception technocentrée

1.1.1. Identification du besoin

Dans toute entreprise de conception, il faut s’attacher à identifier les besoins du consommateur potentiel. Il s’agit soit d’améliorer un produit existant, en proposant des plus-values qui le démarqueraient du marché actuel, soit de créer un nouvel objet, dont le besoin même n’existe parfois pas encore. Différentes méthodes sont utilisées, le plus souvent lors de la phase dite « marketing ». Pour l’amélioration, il y a les enquêtes consommateurs ou les focus groups, alors que pour l’innovation les entreprises font souvent appel au brainstrorming ou essayent simplement de socialiser une découverte technologique de pointe. La place du marketing par rapport à la conception, ainsi que des méthodes rationnelles de conception (algorithmique ou analyse fonctionnelle) sont bien exposées dans la thèse d’E. Poirson (2005). A partir des informations apportées par la phase marketing, les besoins des consommateurs sont traduits dans un cahier des charges qui sert à l’ingénierie lors de la phase de conception.

1.1.2. La satisfaction client normalisée

Un concepteur s'est souvent contenté de l'intention de bien faire, en élaborant un objet technique en accord avec l'expression d'un besoin, et ensuite d'attendre les résultats des ventes ou les enquêtes de satisfaction client pour savoir si l'objectif de réussite économique et sociale était atteint. Les retours d'informations sur une réelle satisfaction client ne peuvent en effet se mesurer que sur le long terme, en phase d'usage du produit fini et commercialisé.

Or, s'il est toujours possible de faire évoluer un produit déjà industrialisé, c'est un coût supplémentaire en temps et en argent pour rectifier la trajectoire d'un lancement déjà compromis. De plus, lorsque le produit de première génération souffre de défauts clairement perçus, il devient difficile de se défaire de la mauvaise image acquise aux yeux de l'opinion publique.

Un des moyens de minimiser de tels risques est le suivi des normes Qualité, destinées à formaliser en interne une méthodologie de conception et de production efficace, et ainsi à assurer à ses clients la qualité de ses produits. Elles étaient encore récemment uniquement

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Problématique – Cadre industriel : la conception

centrées sur des indicateurs objectifs de performance (ISO 9000:1994) mais ont depuis évolué autour de la quête de la satisfaction client (ISO 9000:2000).

1.1.3. Limites

Un des réels défauts des entreprises peut être l’utilisation d'outils d'évaluation et d'indicateurs de décision peu pertinents au regard du processus perceptif du client. A partir d’études clients parfois trop sommaires, les entreprises exploitent une liste grossièrement hiérarchisée des items importants à considérer, sans connaître la manière dont ils se déclinent en situation réelle et donc leur incidence concrète sur la satisfaction à l’usage ou l'acte d'achat.

Un produit adapté ?

Si les objectifs sont clarifiés et orientés vers le client en phase de pré-projet, avec des études marketing et d'identification du besoin, l'expression subjective des clients potentiels est rapidement traduite dans un cahier des charges fonctionnelles au langage purement technique. Le cycle d'amélioration continue appliqué au processus de développement du produit se limite ainsi à ajuster spécifications techniques et solutions techniques au regard d'indicateurs n'ayant plus aucun lien direct avec les attentes du client, avec le risque que le produit soit mal réceptionné par l'utilisateur.

Un produit attractif ?

De plus, dans une société de marché où les progrès technologiques ont rempli la plupart des besoins matériels, les plus-values des produits, et donc les facteurs de succès face à la concurrence, se basent de plus en plus sur des valeurs de séduction appelant à considérer et maîtriser le point de vue subjectif des clients (impressions sensorielles, image de marque...). Ainsi les critères d’achat ne sont pas forcément raisonnés. Ils n’ont souvent pas de rapport avec les qualités techniques ou fonctionnelles intrinsèques du produit, celles qui sont classiquement contrôlées par le biais des spécifications.

1.2. La conception centrée sur le client

1.2.1. Objectifs

Un concepteur doit assurer un produit adapté à l'utilisateur et séduisant pour le consommateur. Deux situations distinctes sont donc visées.

Phase d’usage

C’est la phase évidemment fondamentale, puisqu’elle correspond à la situation normale dans laquelle un individu est confronté au produit, et donc pour laquelle le produit est spécifiquement conçu. C’est au cours ou à l’issue de cette phase qu’il est possible de juger de la satisfaction du client.

Phase de séduction

Un acte d'achat se décide aujourd'hui en un temps éclair en rapport au temps d'usage d'un produit. L'évaluation initiale du produit par le potentiel client est ainsi déterminante pour sa réussite commerciale. Cette phase de découverte, d'exploration courte et décisive, doit permettre au sujet d'anticiper l'intérêt qu'il pourrait retirer d'un usage futur du produit. Il fonde ainsi l'image perceptive du produit pour décider de sa qualité présumée en rapport aux offres

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Problématique – Cadre industriel : la conception

concurrentes. Une entreprise a donc tout intérêt à mettre en valeur son travail sur les qualités du produit censées répondre aux attentes des clients.

Aujourd’hui, l’insertion de spécifications explicitement centrées sur le client, répondant aux deux situations précitées, est de plus en plus fréquente dans le processus de conception et d'industrialisation du produit. Pour exposer les différentes stratégies employées, il est nécessaire de se référer à diverses disciplines ou méthodologies qui couvrent chacune un aspect particulier des facteurs humains en conception.

1.2.2. Des approches spécifiques

Ergonomie

La maîtrise des qualités d'usage, regroupant principalement fonctionnalité et praticité du produit, impose l'utilisation de l'ergonomie. Cette discipline tend à redonner au client, ici abordé en tant qu’utilisateur, la place qui lui revient dans le processus de conception. Elle mobilise des théories de l’action. Parmi les plus connues, on pourra citer celle de D. Norman (1986), qui modélise l’accomplissement d’une tâche en 7 étapes, depuis le but jusqu’à l’évaluation de l’objet de l’interaction par rapport à ce but. P. Rabardel (1995) propose quant à lui une théorie instrumentale qui qualifie les relations entre l’opérateur, l’instrument et l’objet vers lequel l’action est dirigée. Il aborde l’utilisation de l’instrument par le biais des schèmes d’usages.

Dans le domaine sonore, on pourra citer la thèse de C. Suied (2007) sur les sons IHM (Interface Homme-Machine) dans l’automobile, plus spécifiquement centrée sur l’urgence perçue et le temps de réaction du conducteur. Dans la thèse de J. Tardieu (2006), c’est l’apport des signaux sonores à l’ergonomie des espaces dans les gares qui est étudié. Dans ces applications, la signification du son doit être aisément comprise par l’utilisateur et lui apporter des informations importantes pour son interaction avec l’objet conçu.

Dans une certaine mesure, la réduction du bruit sur les lieux de travail peut également s’assimiler à un travail d’ergonomie, par la préoccupation d’éviter la fatigue physiologique des ouvriers et de conserver des conditions acceptables pour leur activité.

Design sensoriel

On peut tout d’abord assimiler cette appellation à toutes les études de conception qui utilisent les méthodes de l’évaluation sensorielle (Urdapilleta et al., 2001) pour contrôler et élaborer le plaisir ou le confort procuré par un produit par le biais d’un stimulus. Dans l’industrie, cette notion de plaisir par les sens est surtout développée dans l’agroalimentaire pour optimiser le goût des produits. Cependant, elle peut s’étendre à toutes les dimensions sensorielles. Il peut par exemple s’agir du choix des matières assurant le confort d'assise ou un toucher agréable.

Dans de nombreux cas, le design sensoriel vise la séduction du client et s’assimile alors à une démarche de marketing sensoriel (Giboreau et Body, 2007). L’entreprise peut aller jusqu’à réfléchir aux espaces de vente, et par exemple élaborer des ambiances sonores en fonction du ressenti attendu chez le client. Par ailleurs, le travail des ambiances en général, sans objectif explicitement mercantile, peut s’assimiler à un travail de design sensoriel. Il peut viser le confort visuel, thermique et même sonore, comme dans le cas de la réduction du bruit urbain pour les habitants.

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Problématique – Cadre industriel : la conception

Le terme design sensoriel peut également s’employer à propos d’études qui se basent sur des méthodes psychophysiques plus classiques, comme c’est souvent le cas dans le domaine sonore. On peut par exemple chercher à assurer la qualité des signaux audio, musicaux ou de parole, malgré la perte d’information sensorielle conséquente à la numérisation ou la compression du signal.

Design émotionnel

Le design émotionnel est le sujet d’un livre de D. Norman (2004). Ce dernier exploite des observations issues des sciences cognitives pour insister sur le rôle conjoint du réflexif, de l’affect (viscéral) et du comportemental (behavioral) dans l’émergence des émotions que provoque un objet conçu sur un utilisateur. Ces émotions sont décisives pour l’attribution d’un jugement de valeur à l’objet, car elles nous permettent de guider notre attitude selon les bénéfices ou désavantages qu’apporte l’interaction avec lui. De plus elles influencent nos capacités motrices et cognitives.

Norman donne l’exemple des signaux sonores dans une centrale nucléaire. Ces derniers doivent indéniablement comporter une part fonctionnelle, mais cette dernière ne peut se concevoir sans l’influence déterminante des émotions sur les temps de réaction et la performance cognitive. En cas d’urgence, le son doit être suffisamment alertant mais doit toutefois éviter de plonger l’opérateur dans un état de peur qui le rendrait inapte à prendre les bonnes décisions et à agir en conséquence.

1.2.3. Des démarches globales

Méthode QFD

La méthode Quality Function Deployment traduit les besoins des consommateurs, toujours issus le plus souvent de la phase marketing, mais cherche à les relier aux différentes étapes de développement du produit. L. Chan et M. Wu (2002) présentent l’historique de la méthode ainsi qu’une bibliographie conséquente de la littérature qui traite de la QFD, dans divers domaines d’application.

La QFD s’emploie tout d’abord à analyser les qualités attendues par le client afin de les reformuler dans le langage des concepteurs. La QFD implique tous les acteurs de l’entreprise qui sont concernés par le processus de déploiement de ces qualités au cours de la vie du produit. Ainsi, elle utilise des outils de gestion qui permettent aux différents métiers de communiquer. Le plus célèbre de ces outils est une matrice appelée « the House of Quality » , qui relie différents types de données : exigences clients, contraintes techniques, priorités, positionnement par rapport à la concurrence…

Les outils développés par le QFD peuvent être opérationnellement très utiles pour synthétiser les données et pour mettre en correspondance les différents acteurs du développement d’un produit. Le problème de cette démarche est qu’elle est très dépendante de la qualité et de la quantité des informations récoltées (consommateurs, concepteurs, producteurs…), qui déterminent la priorité des diverses qualités et donc les actions à mener. De plus, le lien entre les différents domaines, spécialement entre perception et solutions techniques est souvent défini de manière grossière.

Kansei Engineering

L’ingéniérie Kansei est une méthode de conception qui a pour but de relier les impressions de l’utilisateur (la traduction du terme japonais Kansei regroupe émotions,

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ressenti, affectivité...) à des paramètres physiques du produit. Son historique, ses déclinaisons spécifiques et certains outils utilisés sont présentés de manière synthétique par P. Levy (2008).

La définition du kansei consiste en premier lieu à rechercher dans des enquêtes consommateurs ou dans des magazines les termes subjectifs exprimés à propos du type de produit de l’étude. Après l’analyse de ces termes, on forme alors une liste de différentiels sémantiques que des sujets naïfs évalueront sur un groupe de produits. En parallèle, la définition des paramètres de conception cherche à décrire les produits évalués par des caractéristiques physiques, soit par des mesures physiques a posteriori, soit par un paramétrage a priori, par prototypage réel ou virtuel. Le traitement des données vise à rechercher des règles reliant les données subjectives (kansei) aux paramètres de conception et à construire ainsi une base de données que l’on pourra actualiser par d’autres tests consommateurs/produits.

L’ingéniérie kansei se décline en plusieurs types de procédure (nommés de I à VI). Selon sa complexité, elle peut aller jusqu’à utiliser des outils mathématiques et informatiques très puissants pour inférer, à partir de bases de données, des configurations de paramètres physiques selon le kansei visé par le concepteur. Elle comporte cependant certains défauts, spécifiquement dans les méthodes utilisées pour définir et évaluer les impressions subjectives du consommateur.

La démarche Qualité Perçue en entreprise

Récemment, une nouvelle approche prenant en compte le point de vue du client a vu le jour. Elle est décrite par J.L. Giordano (2006). La qualité Perçue telle qu’elle est pratiquée en France dans certaines entreprises, principalement l’automobile, consiste à introduire au cycle de conception des exigences sur la « lisibilité » de la qualité de leur produit. Il faut s'assurer que les qualités de l'objet soient directement perceptibles par la population ciblée, en soulignant ses points forts et en gommant ses défauts. Elle met ainsi un accent prononcé sur la phase de séduction du consommateur, bien qu’elle ne peut en aucun cas risquer de négliger la phase d’usage. J.L.Giordano sous-titre ainsi son ouvrage sur la démarche Qualité Perçue : "une méthode pour concevoir, fabriquer et vendre des produits". A toutes les phases de développement, la Qualité Perçue introduit des spécifications pour assurer la maîtrise de la perception du client potentiel confronté au produit. Outre des spécifications émanant des démarches en ergonomie et en design sensoriel, elle introduit également des critères assurant la perception de qualités matérielles jusque là toujours abordées de manière objective, comme la qualité et la fiabilité industrielle du produit.

Cette démarche a donc pour ambition d’aborder la subjectivité d’une manière globale et synthétique, mais en pratique elle reste une approche opérationnelle. Elle se base souvent sur des spécifications perceptives suggérées par des enquêtes marketing ou les intuitions d’« experts » internes à l’entreprise. Elle ne développe par ailleurs pas ses propres outils mais essaye de mettre à profit l’ensemble des méthodes exposées jusqu’ici.

1.2.4. Conclusion

Les entreprises qui exploitent des spécifications centrées sur le client se basent souvent sur des outils qui doivent être immédiatement opérationnels, afin d'être efficaces et de mener à bien les projets dans le temps qui leur est imparti. Cela laisse peu de temps aux tâtonnements méthodologiques et au développement d’une approche synthétique et globale des facteurs humains en conception. De manière symétrique, certaines méthodologies pourtant élaborées ou étudiées dans des laboratoires de recherche, restent cloisonnées à

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Problématique – Cadre industriel : la conception

certaines applications spécifiques, de part leur histoire scientifique ou leurs liens privilégiés avec certains secteurs industriels. Elles gagneraient pourtant à s’inspirer les unes des autres et à s’inclure dans une problématique plus globale.

Si on prend l’exemple du bruit d’un moteur, on peut s’apercevoir qu’il est abordé ou abordable par toutes les méthodologies précitées.

En ergonomie, le son du moteur est important, car il donne des informations sur son fonctionnement au conducteur. Mais il informe également le cycliste ou le piéton sur la position et la vitesse de la voiture qui arrive derrière lui.

Si on l’étudie par le filtre du design sensoriel, on s’aperçoit que l’écoute d’un son de moteur peut être un réel plaisir pour certains conducteurs, alors que d’autres le préfèrent silencieux. Il doit également répondre à d’autres attentes, comme celles d’individus qui veulent profiter d’un environnement sans pollution sonore.

En utilisant le design émotionnel, certains constructeurs cherchent parfois à parler au côté viscéral des conducteurs, par le biais d’un bruit de moteur à l’énergie agressive. Ils peuvent aussi mobiliser le réflexif, en fixant une signature sonore inséparable de l’image de marque du produit, comme le bruit de moteur de la Harley Davidson.

Enfin, pour illustrer l’aspect fiabilité perçue abordé par la démarche de Qualité Perçue en entreprise, on peut imaginer que certains clients vont jusqu’à écouter le bruit du moteur pour évaluer son bon fonctionnement.

Ainsi, on se rend ainsi compte que toutes ces approches abordent une facette du point

de vue subjectif, une partie des facteurs humains. Nous pensons qu’elles peuvent être avantageusement unifiées autour du pivot qu’est selon nous la perception et qu’il faut fonder la conception sur la/les qualité(s) perçue(s) d’un objet. C’est également la volonté des méthodes globales qui ont été présentées (QFD, kansei, Qualité Perçue) mais nous désirons apporter une base théorique qui légitimerait cette ambition.

Dans la suite de cette partie, nous voulons ainsi interroger le système global sujet/objet, perception/conception. Nous désirons notamment rapprocher le processus de conception du processus de perception et montrer que l’objet perçu synthétise à lui seul les données comportementales, cognitives, émotionnelles et sensorielles.

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Problématique – Cadre psychologique : la perception

2. Cadre psychologique : la perception

Nous définissons la perception comme l’acte de prendre conscience de ce qui nous entoure, dans le but de pouvoir se situer et évoluer au sein d’un environnement dans lequel nous engageons une activité.

Pour décrire ce phénomène où objectif et subjectif se rencontrent, nous adoptons donc une perspective qui nous semble particulièrement adaptée, le constructivisme, dont nous commençons par exposer quelques principes.

Nous présentons ensuite les données de la perception, objectives par la transduction des stimuli que nous offre l’environnement matériel, et subjectives par la mobilisation des connaissances individuelles, concepts ou schèmes cognitifs.

Il sera alors possible d’expliciter la dynamique perceptive, modélisée comme un processus complexe de projection de schèmes cognitifs et d’ajustement continu, par l’intégration des données sensorielles.

Pour finir, nous essayons de décrire les différentes composantes de l’objet perçu, les différentes natures de qualités perçues, synthèses en mouvement des données subjectives et objectives, et déterminées par l’activité entreprise par le sujet.

2.1. Des hypothèses constructivistes

Bien que le constructivisme soit un paradigme en constante construction lui-même, qui peut prendre des définitions plus ou moins radicales dans les sciences cognitives occidentales, nous pensons que notre réflexion doit se relier à cette perspective. Parfois au prix de légers ajustements ou réinterprétations, nous nous inspirons ici de l’épistémologie génétique (Piaget J., 1970), de la phénoménologie (Husserl, 1907 ; Merleau-Ponty, 1945), de l’écologie de la perception (Gibson, 1979) ou encore du concept d’énaction (Varela et al., 1993 ; Noé, 2004) et des théories russes de l’activité (Nosulenko, 2008).

2.1.1. Limites des approches classiques

Les approches classiques en sciences cognitives modélisent la perception comme une réaction comportementale (behavioriste) ou un traitement symbolique (cognitiviste) résultant d’une simple lecture des stimuli, passivement captés par nos récepteurs sensoriels. Si ces théories éclairent des aspects importants du processus perceptif, elles nous semblent insuffisantes pour saisir la complexité du fonctionnement humain en situation réelle, et faillissent notamment à expliquer l’évolution de l’individu et de l’espèce, ou encore le rôle des représentations mentales.

2.1.2. La perception en action

"Perception is not something that happens to us, or in us, " écrit A. Noé (2004), "it is something we do." Dans les concepts d’énaction et de boucle sensori-motrice, l’action est considérée comme fondatrice pour la perception. La perception est le résultat d'une construction active de la part de l'individu sensible et cultivé en interaction avec un environnement rempli de stimuli matériels. La cognition est quant à elle intrinsèquement incarnée.

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Problématique – Cadre psychologique : la perception

2.1.3. A la croisée du subjectif et de l’objectif

Le paradigme constructiviste permet de réexaminer l’articulation entre objectif et subjectif. L’objectivisme est refusé. Le monde que nous percevons n’est en effet pas indépendant du sujet qui le perçoit. Chaque individu évolue dans son monde propre. Le constructivisme ne tombe pas pour autant dans l’idéalisme : la réalité objective et matérielle n’est pas une pure illusion. L’individu a bien accès à cette réalité par les sensations, réponses aux stimuli produit par son environnement. Le constructivisme réfute également la pensée réaliste, qui prétend que tout est donné dans les stimuli, qu’il suffit d’y lire directement l’information sur l’organisation d’un monde donné d’avance. Cette dernière remarque mérite d’être développée, afin de nuancer la notion de validité écologique communément employée.

2.1.4. Le contexte écologique

Le concept de validité écologique de la perception est souvent relié aux travaux de J.J Gibson (1979), qui pensait à juste titre la perception directe comme l’extraction d’invariants dans l’environnement, mais qui assimilait ces invariants à de l’information directement et totalement contenue dans les stimuli matériels. La perception écologique, c’est-à-dire correspondante à celle d’un individu en interaction avec son environnement, serait alors uniquement conditionnée au réalisme des stimuli, par opposition aux études en laboratoire qui utilisent des stimuli artificiels, comme en psychoacoustique classique.

Si nous admettons qu’une des composantes essentielles à la perception en situation est bien le stimulus naturel, la perspective constructiviste implique de considérer le rôle des connaissances dans la construction d’une image perçue de l’environnement et de ses objets. En effet, il est évident que l'individu n'a jamais accès à toute la structure de son environnement. S’il peut discriminer d’emblée une forme et reconnaître directement un objet à partir d’esquisses incomplètes, c’est qu’il puise dans sa mémoire, afin de restructurer la cohérence du monde extérieur au filtre de ses propres connaissances, formées à la fois à partir d’expériences passées individuelles et par la transmission d’une culture partagée.

Ainsi, le contexte écologique est constitué du cadre matériel en présence, base qui assure le lien à une réalité extérieure qui est bien là devant nous, mais il doit également considérer le cadre psychologique. Ce dernier correspond à toutes les composantes subjectives déterminantes pour la perception, notamment la culture du sujet et ses intentions particulières à un moment donné, qui déterminent le type d’activité engagée et les attentes perceptives mobilisées, elles-mêmes déterminantes vis-à-vis des connaissances utilisées pour interpréter les sensations provoquées par les stimuli matériels de l’environnement.

Le concept méthodologique de validité écologique devrait idéalement être poussé jusqu’au perfectionnisme, et ainsi correspondre à l’observation non-intrusive d’une situation naturelle d’interaction entre un suejt et son environnement. Cependant, dans la suite de cette thèse, nous parlerons de données écologiquement valides non pas strictement lorsqu’elles sont recueillies en situation naturelle, mais plus modestement lorsqu’elles reflètent la situation réelle. Elles peuvent être liées à une expérience en situation, mais aussi en laboratoire, pourvu que l’on assure le cadre minimum, subjectif et objectif, dans lequel doit émerger le phénomène que l’ont veut étudier.

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Problématique – Cadre psychologique : la perception

2.2. Les données de la perception

Partant de ces hypothèses, il faut donc accepter le rôle conjoint des connaissances et des sensations dans le processus perceptif. Il s’agit alors dans un premier temps de définir ce que nous entendons par sensations et connaissances, que nous dénommons plus précisément configurations sensorielles et schèmes cognitifs.

2.2.1. Configurations sensorielles

Le système sensoriel permet d’accéder à la réalité matérielle de l’environnement par le biais de stimuli qui viennent impressionner nos sens. Nous choisissons d’appeler cette composante de la perception, l’accès à la réalité matérielle de l’environnement, perception de base ou perception formelle.

Comme la phénoménologie de M. Merleau-Ponty (1945) nous l’enseigne, c’est le rapport du corps avec le monde qui organise le champ perceptif. Ainsi, du point de vue du sujet percevant, les sensations dont nous parlons ici ne sont pas les simples impressions sensorielles réceptionnées par les sens. Ce sont plutôt des organisations de formes extraites à partir de ce qu’il y a d’invariant dans plusieurs esquisses sensorielles, accessibles grâce aux différentes perspectives qu’offre le corps ou l’environnement. Un volume n’est par exemple jamais directement et totalement contenu dans un stimulus. Ce sont les différents points de vue, appelés esquisses en terme phénoménomogique (Merleau-Ponty M., 1945), à commencer par ceux des deux yeux mais surtout ceux offerts par le mouvement du corps, qui permettent de percevoir sa forme. De même, une surface colorée présentera un stimulus visuel objectivement différent si les conditions d’éclairage changent, mais la conscience prend en compte les variations environnementales pour y percevoir la même couleur. La perception de base est donc intrinsèquement liée à la compréhension des lois de contingence sensori-motrice et sensori-environnementale. C’est cette compréhension qui permet la détection de formes de stimulus perçues comme objectivement invariantes, au sein des différentes configurations sensorielles subjectivement variantes offertes par la dynamique du sujet et de son environnement.

Au cours d’une même expérience, l’invariant permet avant tout de discriminer les unités formelles de l’environnement, c’est-à-dire ses objets, avant toute dénomination signifiante. Le sujet actif perçoit en effet des continuités et des discontinuités dans l’organisation de la matière. En se déplaçant dans l’espace, on peut ainsi comprendre que les évolutions respectives des tailles apparentes d’un objet proche ou lointain ne répondent pas à la même loi et ainsi les percevoir comme deux objets distincts. Par la même occasion, on comprend directement qu’ils gardent bien les mêmes caractéristiques formelles et que c’est ce propre mouvement d’approche qui fait varier leur taille apparente.

Les caractères formels de l’objet perçu, qui correspondent aux qualités descriptives que l’on définit en 2.3.2, sont issus de l’abstraction de structures se retrouvant dans plusieurs expériences sensorielles, plusieurs objets discriminés. Ce qu’il y a de commun dans la vision du sang et d’une tomate est l’expérience de la couleur, qui devient ainsi un caractère formel correspondant à la couleur rouge, avant même qu’on sache le nommer.

2.2.2. Schèmes cognitifs

Les connaissances sont des schèmes signifiants qu’a intégrés le sujet au cours d’un processus d’apprentissage et qu’il continue d’enrichir tout au long de sa vie, en décelant ce qu’il y a de commun, d’invariant, au cours de ses diverses expériences. La notion de schème

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Problématique – Cadre psychologique : la perception

peut être reliée à celle avancée par J. Piaget (1970) car, la cognition étant intrinsèquement incarnée, ces connaissances sont avant tout les composants d’une intelligence pratique et correspondent donc aux connaissances sur les actions potentielles que nous offrent une configuration particulière de l’environnement et de ses objets. Les connaissances liées aux schèmes permettent de projeter les actions à effectuer pour parvenir à ses fins.

Les actions potentiellement offertes par un objet de l’environnement, ses affordances en terme gibsonien (Gibson J.J, 1986), sont cependant conditionnées par la configuration formelle et objective (au sens de matérielle) de l’objet. Ainsi, la projection d’un schème mobilise aussi des connaissances sur les caractères formels de l’environnement qui sont adaptés à l’action envisagée.

Le langage permet à l’homme d’améliorer son interaction avec d’autres individus. La mémoire sémantique est le corrélat de l’utilisation du langage. Elle permet de nommer les objets de l’environnement en les associant implicitement aux schèmes et aux caractères formels qu’ils offrent à l’individu. Cela coïncide en partie avec l’abstraction de catégories d’objets qui correspondent aux mêmes schèmes ou partagent les mêmes caractères formels.

Par exemple, de par l’invariance contenue dans diverses expériences, le concept de tomate est relié au schème d’objet qui se mange et au caractère formel correspondant à la couleur rouge. Mais il peut aussi s’agir de connaissances plus abstraites, uniquement reliées aux caractères formels, comme le concept de rouge, ou aux schèmes, comme le concept de nourriture. Combiné à une capacité mnésique particulièrement importante, l’usage du langage est intimement lié au pouvoir d’abstraction et permet ainsi d’extraire toujours plus finement les invariants entre diverses expériences, objets ou même divers schèmes préalablement mémorisés. Il structure l’organisation des connaissances sur l’environnement sous la forme d’une mémoire sémantique mentalement manipulable par l’intelligence réflexive.

2.3. La dynamique perceptive

Comme nous l’évoquions, le constructivisme ne conçoit pas la perception comme le traitement linéaire des informations sensorielles (input), qui donnerait lieu à des images mentales représentant le monde et à partir desquelles nous raisonnerions en interne avant d’opter pour une action dans notre environnement (output).

La perception se construit et prend forme directement sur la base matérielle à laquelle nous avons accès par la convergence entre des schémas mentaux déjà assimilés et notre expérience actuelle lors d’une interaction particulière. C’est la synthèse de deux processus déterminés et conditionnés par l’activité du sujet percevant : la projection de connaissances, et l’intégration de données sensorielles.

2.3.1. La projection cognitive

Pour un individu, la perception sert avant tout à déceler et évaluer les interactions potentielles liées à son activité particulière dans un environnement particulier. Selon les théories russes sur l’activité (Nosulenko, 2008), à une nécessité correspond le motif d’une activité. Et ce motif détermine le but à atteindre. Ce vecteur motif-but peut être relié à la notion d’intentionnalité que l’on retrouve en phénoménologie (Husserl, 1913). L’intentionnalité détermine la projection (par la noèse) d’une idéalité (le noème), tout comme le vecteur motif-but détermine le contenu projectif de l’image mentale.

La projection cognitive, ou projection de connaissances, est donc directement liée aux attentes spécifiques du sujet dans une situation donnée, et celles-ci sont en premier lieu

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Problématique – Cadre psychologique : la perception

subordonnées à l’action. Le motif d’une activité dans l’environnement détermine les configurations pratiques (schèmes) « espérées », que l’individu recherche dans l’environnement car ils sont utiles à sa compréhension du contexte et des interactions qu’il pourra y opérer. L’environnement devient signifiant au filtre de l’activité engagée.

Par la même occasion, cette visée intentionnelle détermine l’attention perceptive du sujet, c’est à dire les configurations sensorielles dont l’individu se prépare à faire l’expérience et donc auxquelles il sera particulièrement sensible. C’est ainsi que la projection de configurations « attendues » assure l’unité de plusieurs esquisses sensorielles. Comme E. Husserl (1913), nous pouvons prendre l’exemple des objets temporels, tels que la musique pour laquelle une note suffit parfois à anticiper la suivante (résolution) ou à reconnaître le morceau dans son ensemble. C’est également la projection qui explique le phénomène de l’illusion, que nous percevons comme réelle jusqu’à ce qu’une nouvelle esquisse, issue de l’expérience sensorielle, infirme la première projection et fasse soudainement basculer la perception vers un objet perçu totalement différent du précédent.

2.3.2. L’intégration sensorielle

Dans la vision héliomorphique de E. Husserl (1913, cité par V. Havelange, 2003), les données sensorielles sont le contenu concret des formes abstraites tirées de la mémoire individuelle et projetées sur l’environnement. Pour essayer de nuancer cette approche, ce que Husserl fera lui-même dans des écrits suivants (Havelange, 2003 ) nous dirons en fait que la projection de schèmes détermine l’attention particulière à certains caractères formels et donc certaines configurations sensorielles. Si elles sont disponibles, le sujet les intègre afin de les confronter aux configurations initialement attendues et ainsi donner corps à l’objet perçu. L’objet perçu est la synthèse des schèmes projetés et des configurations formelles assimilées. L’objet perçu, à l’origine projeté de manière abstraite, s’enrichit des nouvelles esquisses qui s’offrent au sujet lorsqu’il explore son environnement et intègre de nouvelles données sensorielles. Si une table n’est visible qu’en partie car elle est cachée par un pan de mur, cela ne m’empêche pas de percevoir la table dans son ensemble; car même si je n’ai pas d’idée précise de son apparence formelle, je projette des connaissances correspondant au concept de table. En m’approchant et en faisant varier mes points de vue je perçois de nouvelles configurations formelles qui viennent affiner l’image perçue de l’objet, ainsi plus fidèle à cette expérience particulière d’une table particulière.

Mais les configurations sensorielles font également office d’amorce perceptive. C’est-à-dire qu’elles servent de base inconsciente à l’activation de connaissances qui pourront éventuellement reconfigurer la projection suivante. Ainsi, s’ils sont dans le champ d’attention du sujet, ils participent à la détection de nouveaux objets et peuvent ainsi réorienter la dynamique perceptive, en déterminant la projection d’autres connaissances liées à cet objet nouvellement perçu.

Par ailleurs, il arrive que les données de l’expérience ne coïncident plus avec ce que l’esprit avait anticipé, qu’une nouvelle configuration ne correspond plus à l’image que l’on projetait. Deux solutions s’offrent alors : soit il s’agit d’une illusion et il faut projeter d’autres schèmes cognitifs plus appropriés, soit le concept d’objet est le bon mais il se présente à l’expérience sous un mode inédit pour l’individu, qui devra alors faire évoluer le schème cognitif en mémoire.

Ainsi, l’intégration des données sensorielles peut s’apparenter à l’équilibration et aux concepts d’assimilation et d’accomodation proposés par J. Piaget (1970). Elle consiste en effet à préciser et ajuster l'image mentale, (assimilation des informations locales) mais peut, lorsque le schème projeté n'est pas adapté à la réalité alors accessible par les sens, conduire le

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Problématique – Cadre psychologique : la perception

sujet à modifier le schème projeté (accommodation), autorisant cette fois la convergence des attentes perceptives et de la réalité matérielle de l'environnement. L’expérience concrète de la relation entre configurations et schèmes cognitifs peut également transformer de manière durable les concepts abstraits correspondant aux schèmes cognitifs (équlibration majorante).

2.3.3. Conclusion

La dynamique perceptive est donc la convergence entre projection de connaissances et intégration de sensation. Elle permet de donner du sens à l'environnement dans lequel nous évoluons, en remplissant deux fonctions : premièrement, coordonner dans une situation donnée l'activité du sujet au sein de l'environnement (activité pratique et mentale) ; deuxièmement, se confronter à l'environnement matériel pour s'ajuster à l'information locale et objective perceptible par les sens.

Le corrélat immédiat de cette dynamique est l’objet perçu, que nous entendons dans une notion proche du terme russe predmet, tel que le décrit V. Nosulenko1, en tant qu’objet perçu reflétant le couple sujet-objet.

L’auteur explique que l’étymologie du terme « predmet » est basée sur la combinaison de deux mots abrégés : « pred-met ». Le premier signifie « pered », c’est-à-dire, « devant (soi) » ; le deuxième (« met ») a comme origine « metit’ », c’est-à-dire « viser, marquer ». Predmet signifie donc directement « viser ce qui est devant soi». Ainsi, le predmet se différencie de l’objet matériel par un contenu déterminé par la projection d’éléments subjectifs. Ces derniers sont reliés au contexte et à l’activité engagée par le sujet. Lorsqu’il s’agit d’une problématique ergonomique, on peut relier le predmet à la notion d’ « instrument » de P. Rabardel (1995) qui n’est pas un simple artefact matériel, mais un artefact et des schèmes d’actions associés.

De manière plus globale, l’auteur écrit que le predmet, ou objet perçu, « incorpore les expériences vécues par le sujet au cours de son histoire et évolue en fonction de ces expériences (une stabilité dynamique). Il peut aussi incorporer les acquis de l’histoire culturelle. Il a une dynamique circonstancielle, en ce sens qu’il évolue au fur et à mesure de l’activité. »

2.4. Qualité(s) de l’objet perçu

Appuyée par une étude psycholinguistique sur le cas concret de la perception de l’environnement sonore urbain, une réflexion épistémologique sur qualité(s) et objet perçu a été menée par F. Montignies (2005). Nous proposons ici d’en faire une synthèse, tout en la réactualisant, notamment grâce à l’apport de la réflexion menée précédemment sur la dynamique perceptive.

L’objet perçu peut faire écho à la notion d’image mentale des théories russes de l’activité. V. Nosulenko explique que « La principale caractéristique de l’image mentale est son entité déterminée par les phénomènes externes et aussi internes d’interaction entre le sujet et son monde environnant. La notion de « predmet » est la notion explicative principale caractérisant cette relation de l’image à l’objet et au sujet à la fois : l’image « de quelque chose » qui appartient « à quelqu’un ».

Parlant de qualité, nous ne l’utilisons pas tout à fait comme V. Nosulenko dans sa théorie de La qualité Perçue. En langage courant, la notion de qualité employée au singulier

1 Communication personnelle

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Problématique – Cadre psychologique : la perception

est en effet souvent réduite au simple jugement de valeur subjectif (bon ou mauvais, j'aime ou je n’aime pas) d’un objet du monde. Ce jugement est en fait la face émergeante de la perception, une évaluation subjective globale issue de la synthèse des significations portées par l’objet considéré dans un contexte écologique particulier. Nous distinguons donc « la » qualité des « qualités », décrivant cette fois les attributs ou propriétés qui définissent l’identité d'un objet perçu. Ces qualités peuvent toutefois se relier à l’image mentale car celle-ci est constituée « d’éléments et de propriétés interdépendants qui caractérisent l’objet ou l’événement comme système » .

Selon nous, différents types de qualités peuvent être attribués à un objet perçu : les qualités évaluatives, qui correspondent à une partie des schèmes (au contenu orienté sujet de l’image mentale), et les qualités descriptives, qui reflètent les configurations sensorielles (et le contenu orienté objet de l’image mentale).

2.4.1. Les qualités évaluatives

On peut interpréter la nature de ce type de qualité en fonction du contenu orienté sujet de l’image mentale. V. Nosulenko dit : « Une caractéristique importante de la relation à l’objet (predmet) de l’image consiste dans le fait que les objets et événements sont perçus (…) comme objets ou événements qui jouent un rôle dans la vie du sujet, qui ont une importance biologique pour l’homme. Cette signification biologique détermine l’adéquation de perception et les propriétés de l’image mentale en tant que régulateur de l’activité ».

En effet, la première fonction assurée par la dynamique perceptive, par la projection cognitive, est de guider l’activité concrète du sujet. Le sujet vise telle ou telle potentialité donnée par tel ou tel objet du monde, potentialité dont il veut tirer profit pour mener à bien ses opérations et atteindre l'objectif déterminé par l'activité entreprise. A cette fonction correspond ainsi un premier type de signification apparaissant directement à la conscience d'un sujet en activité dans un contexte donné, et constituant ce que nous appellerons les « qualités évaluatives » de l'objet perçu, désignant les potentialités d'interactions de l'homme avec un objet qu'il aura discriminé dans son environnement. Ces attributs portent en eux une valence plus ou moins implicite, positive, négative ou neutre, en fonction de leur intérêt dans un contexte écologique particulier. Elles se rapportent à l'effet sur le sujet percevant ou l'objet visé. Un son est perçu comme gênant parce qu’il perturbe une activité cognitive, un objet est résistant car je peux le soumettre à des efforts importants, et inversement un son est agréable car il m’apaise. En tant que jugement de valeur, la notion d’évaluation tel que nous l’utilisons se rapproche plus du terme anglais appraisal.

Si on se réfère à D.A. Norman (2004), l’évaluation résulte de plusieurs aspects : comportemental, viscéral et réflexif. Ils interviennent souvent de concert, s’influençant mutuellement, mais il est tout de même possible de définir schématiquement leur dynamique propre. Nous proposons ici notre interprétation personnelle de l’influence de ces dynamiques dans la perception des qualités évaluatives.

Avant tout, nous évaluons instantanément notre expérience pratique par rapport à la configuration entre notre corps et les objets de l’environnement. Cette perception directe des interactions potentielles que nous offre un objet peut se relier à la perception d’affordances, concept énoncé par J.J. Gibson (1979, 1986). Ce concept est ici relié au niveau comportemental. Dans un contexte particulier, impliquant une activité spécifique, nous pouvons percevoir cette chaise comme sit-able de par la configuration matérielle qu’elle offre à notre corps. Mais nous pouvons aussi l’utiliser ponctuellement pour atteindre quelque chose en haut de l’armoire car nous comprenons alors qu’il est possible de s’y tenir debout. Dans le cadre des qualités perçues, la définition des affordances est peut-être plus proche de celle

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Problématique – Cadre psychologique : la perception

utilisée par D.A. Norman (1988) que par J.J Gibson (1986). Ce dernier parle en effet des affordances d’un objet comme de l’infinité de toutes les potentialités d’action offertes par un objet et non pas comme Norman de celles que l’on perçoit spécifiquement dans une situation donnée.

Ensuite, il est important de souligner le rôle du viscéral, qui se rapporte dans une certaine mesure aux états émotionnels instinctivement provoqués par certaines configurations sensorielles. Il pourrait s’agir d’une sorte de mémoire corporelle, résidu de l’évolution et héritage de l’état animal. Cela correspond à la voie courte (vers le système limbique) de l’évaluation perceptive. La réaction viscérale permet d’orienter instantanément la cognition vers une évaluation positive ou négative, selon les bénéfices ou les risques qu’apporte une interaction particulière. Ainsi, l’odeur de pourriture est viscéralement inscrite afin de susciter le sentiment de dégoût et d’éviter la consommation d’aliments porteurs de risques pour la santé. Si elle ne la détermine pas, la réaction viscérale oriente l’état cognitif et donc l’évaluation réflexive.

En effet, il est également possible de mobiliser la réflexion. Ici, nous entendons le terme réflexif dans un sens plus général que Norman, en le reliant au fait que la perception de l’objet renvoie le sujet à la mobilisation de sa mémoire cognitive. Ainsi, comme Norman le souligne, l’objet peut-être le support pour la réminiscence d’un souvenir particulier, ou être le porteur de symboles auxquels sera sensible le sujet. Mais il est également porteur de significations au sens large du terme, et est ainsi le support de réflexion d’une intelligence rationnelle. Cette dernière participe activement à l’évaluation des qualités d’un objet, et peut même parfois dépasser ce que l’intelligence pratique ou sa mémoire viscérale l’incite à penser (au sens large de cognition incarnée), bien qu’elle ne puisse s’en passer. Par exemple, l’utilisation de cet appareil technologique n’est pas instinctive mais je peux lire la notice pour comprendre ce que je peux en faire. Ce fruit est rouge, m’orientant viscéralement vers la notion de danger, mais je reconnais par ailleurs que c’est une pomme et je sais que je peux la manger.

2.4.2. Les qualités descriptives

Si on se réfère au contenu relié à l’objet de l’image mentale, V. Nosulenko écrit qu’il doit être interprété « selon son sens concret, c’est-à-dire, comme image d’un objet, chose ou événement qui existe indépendamment, isolé dans l’espace extérieur. Le monde environnant n’est pas statique ; ses composantes évoluent en permanence ; à chaque moment, elles se présentent par des propriétés spécifiques. »

En effet, la seconde fonction de la projection directe est de préparer le sujet à accepter l'information portée localement par l'environnement et accessible par le biais d'impressions sensorielles. Comme expliqué précédemment, ces informations sont incorporées, la plupart du temps inconsciemment, au cycle perceptif par le sujet, par le biais d’esquisses successives (Merleau-Ponty, 1945) construites sur la base des configurations sensorielles immédiatement accessibles. Le sujet peut ainsi discriminer la présence des entités matérielles présentes ici et maintenant, bien que leur perception soit toujours subordonnée à la projection de schèmes utiles à l'achèvement de son action. Le sujet ajuste ainsi les schèmes projetés à la situation locale.

En retour de l’expérience, les configurations sensorielles sont ici extériorisées et perçues comme des qualités de l'objet et non des stimulations nerveuses à l'interface des sens. Elles deviennent dès lors des propriétés locales que l'on pense objectives, en tant qu'attributs formels de l’objet matériel (petit/grand, dur/mou), indépendants du sujet. On parle alors de caractéristiques descriptives, car dénuées de jugement de valeur. Ainsi, pour une conscience

29

Problématique – Cadre psychologique : la perception

en acte, ce sont déjà des percepts à part entière et non des sensations. Les qualités descriptives comportent donc un coté intentionnel, puisqu’elles mobilisent la projection de connaissances.

Elles restent cependant en étroite corrélation avec les qualités physiques de l’objet car elles sont directement issues des configurations sensorielles, informations de base décrivant la partie non-intentionnelle de la perception en action.

2.4.3. Les caractéristiques physiques

Quant on se rapporte à un objet perçu, il faut considérer ses conditions matérielles d’existence et d’émergence à la conscience. Nous avons vu que le lien, l’interface, avec la réalité matérielle de l’objet est l’ensemble des configurations sensorielles perçues lors d’une interaction particulière, car elles permettent la perception de caractères formels de l’objet. Or, ces configurations sont provoquées par les stimuli physiques de l’environnement, eux-mêmes directement liés aux caractéristiques physique de l’objet, cette fois classiquement théorisé comme s’opposant au sujet.

Les caractéristiques physiques de l’objet sont les attributs, dits objectifs, d’une chose du monde, dite matérielle. Elles existent sans la présence d’un sujet percevant, font l’objet d’une description toujours plus fine par les sciences physiques et sont quantifiables par des instruments de mesure. Il ne faut pourtant pas oublier que ces qualités sont issues de modèles et de formalisations, approchant la réalité mais dépendant de nos capacités cognitives, que ce soit pour leur perception ou leur compréhension. Sans sujet, on ne peut parler d’objet.

2.4.4. Synthèse

Il a été proposé ici une réflexion théorique sur la dynamique perceptive et l’objet perçu. Dans le cadre d’une thèse dont la spécialité n’est pas la psychologie il n’a pas été possible de développer plus ce travail ni de couvrir toutes les références utiles. Nous sommes ainsi conscient que l’aspect synthétique de la réflexion pourra la faire paraître comme simpliste ou trop personnelle pour certains spécialistes. Nous pensons cependant avoir défini un cadre et des concepts suffisamment cohérents avec la problématique de cette thèse et suffisants pour être monopolisés dans le reste du travail entrepris, de nature plus opérationnelle.

Sous une forme encore plus synthétique nous pouvons résumer comme suit notre réflexion sur la perception. La perception en situation naturelle est d’emblée la perception de quelque chose. Elle est une identification, par le croisement des données sensorielles et cognitives. Un objet perçu est une unité discriminée comme telle dans l’environnement matériel et porteuse de significations diverses, potentiellement utiles à l’évolution du sujet au sein de ce même environnement. Ses qualités correspondent nécessairement aux deux fonctions assurées par la dynamique perceptive. L’objet perçu est ainsi constitué de qualités descriptives qui définissent sa forme comme objet matériel présent dans l’environnement et de qualités évaluatives qui reflètent les interactions potentielles qu’il offre à l’individu percevant dans un contexte écologique spécifique. Il peut par ailleurs être décrit par l’objectivité toute relative de la science, par le biais des caractéristiques physiques, qui déterminent en partie les stimuli qu’il présente au système sensoriel de l’individu.

Dans la figure 1, un schéma, forcément réducteur, essaye de rendre compte de la dynamique perceptive et de la construction d’un objet perçu.

30

Problématique – Cadre psychologique : la perception

SUJETIntention et Mémoire

OBJETCaractéristiques physiques

Actions

Stimuli sensoriels

Intégration sensorielle

Projection cognitive

Qualités évaluatives

OBJET PERÇU

Qualités descriptives

SUJETIntention et Mémoire

OBJETCaractéristiques physiques

Actions

Stimuli sensoriels

Intégration sensorielle

Projection cognitive

Qualités évaluatives

OBJET PERÇU

Qualités descriptives

Figure 1. Dynamique perceptive et objet perçu

31

Problématique – La conception centrée sur la perception

3. La conception centrée sur la perception

Ce modèle synthétique du couplage entre un sujet et un objet de l'environnement met en évidence des traits communs entre le processus de conception et la dynamique de la perception. Une démarche de conception centrée sur la perception gagnerait selon nous à étudier plus en détail cette analogie, éventuellement à s'en inspirer. Nous pouvons ainsi décrire les étapes importantes de ce que constituerait une approche anthropocentrée, répondant à la fois à la réalité écologique d'un sujet en interaction avec un objet technique et à un schéma global de développement déjà bien rodé à l'échelle de l'entreprise.

3.1. Analogies des processus de perception et de conception

3.1.1. Activité et développement

Un premier rapprochement est déjà possible entre les théories de l'activité et la démarche d'amélioration continue maintenant classique en entreprise.

L’amélioration continue consiste à guider et ajuster les actions de l'entreprise pour qu'elles mènent à l'objectif prévu. Ainsi, pour un cycle de développement, on peut discrétiser 4 étapes importantes : Planifier, Faire, Vérifier, Corriger. En premier lieu, il s'agit de planifier des objectifs à partir du cahier des charges de la phase considérée, c'est-à-dire définir des cibles à atteindre pour des indicateurs correspondant aux spécifications retenues. Ensuite, il faut élaborer les solutions répondant à ces spécifications. Alors au regard des indicateurs précédemment définis, il est possible de vérifier la validité de ces solutions. Si un écart est constaté, il est nécessaire de mettre en œuvre des actions correctives et de relancer le cycle jusqu'à atteinte des objectifs, permettant alors de passer à la phase suivante de développement.

Cette dynamique, en se basant sur la boucle Plan Do Check Act, est très similaire au comportement psychologique d'un individu en activité tel qu’il est modélisé par les théories russes de l’activité (Nosulenko, 2008). Ayant des buts à atteindre, l’individu planifie une action, l'exécute par le biais d’opérations contraintes par l’environnement. Il perçoit simultanément les variations de son environnement induites par ses opérations, et ajuste ainsi constamment ses gestes pour atteindre au plus près l'objectif planifié. Dans la théorie russe de l’activité, c’est l’image mentale qui réalise « la fonction de régulation des actions reliées à l’objet (predmet) et assure leur adéquation à l’objet, aux moyens et aux conditions. » (Nosulenko V, 2008). Alors que ce processus psychologique se produit en un instant chez l'individu, le management de la qualité l'a séquentialisé en l'installant à l'échelle temporelle de l'activité d'une entreprise, pour chacune des phases de développement du produit.

3.1.2. Objet perçu et objet conçu

Cette analogie peut être prolongée en considérant d'une part la perception en action du sujet résultant dans la construction de l'image perceptive d’un objet, et d'autre part l'activité de l'entreprise dans le processus de création d’un produit.

En effet, la dynamique d'un sujet percevant confronté à un objet correspond à la construction de l'image perceptive de l'objet. La dynamique de l'entreprise en phase de conception correspond quant à elle à la construction d'un produit. Les schémas de la figure 2 représentent cette boucle constructiviste, respectivement du point de vue du sujet percevant et

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Problématique – La conception centrée sur la perception

de l'entreprise concevant, ceci sous la forme d'un processus d'amélioration continue. Alors que le sujet ajuste et précise constamment l'image perceptive d'un objet en faisant converger ses attentes projetées à la réalité actuelle, l'entreprise s'efforce, depuis le concept jusqu'au produit fini, à faire converger les spécifications de chacune des phases aux solutions techniques élaborées. La phase d'ajustement de chacun des processus vise ainsi l'objet de chacune des constructions, c'est-à-dire l'image perceptive d'une part, le produit d'autre part.

Dans les deux cas, il s’agit de faire le lien entre le subjectif et l’objectif. L’image perceptive, ou objet perçu, constitue la réelle interface entre le monde subjectif de l’individu et la réalité matérielle de l’environnement, alors que le produit, ou objet conçu, n’est ni plus ni moins qu’un objet matériel destiné à être perçu. Dans la perception, la réalité matérielle est indépendante de l'acteur du processus, c'est donc bien l'image perceptive qui évolue pour tendre vers une structure aussi cohérente que possible avec l'environnement en présence. Dans la démarche de conception anthropocentrée, nous pensons que le même processus est à l'œuvre, bien que sa dynamique soit inversée. En effet, ce n'est plus l'image perceptive qui s'ajuste pour approcher la réalité matérielle, c'est la configuration matérielle qu'il faut ajuster pour répondre aux attentes perceptives des clients. L'entreprise, en tant qu'acteur du processus, veut atteindre une image perceptive cible, définie a priori par une analyse des besoins. Ce sont donc bien les solutions techniques qui doivent être l'objet d'actions correctives jusqu'à l'atteinte de la cible.

Attentes « client »

Produit fini

Ajuster

Projeter

Vérifier

Faire

Détection des écarts entre

attentes et expérience

Sélection des attentes perceptives

Orientation des

actions

Intégration des invariants

sensoriels

Image perceptive

Ajuster

Projeter

Vérifier

Détection des écarts entre

spécifications et mesures

Définition des

spécifications

Orientation des

solutions

Mesures

physiques

Concevoir

Produit Attentes

« client »Produit fini

Ajuster

Projeter

Vérifier

Faire

Détection des écarts entre

attentes et expérience

Sélection des attentes perceptives

Orientation des

actions

Intégration des invariants

sensoriels

Image perceptive

Ajuster

Projeter

Vérifier

Détection des écarts entre

spécifications et mesures

Définition des

spécifications

Orientation des

solutions

Mesures

physiques

Concevoir

Produit

Objet perçu

Ajuster

Projeter

Vérifier

Faire

Détection des écarts entre

attentes et expérience

Sélection des attentes perceptives

Orientation des

actions

Intégration des invariants

sensoriels

Image perceptive

Ajuster

Projeter

Vérifier

Agir

Détection des écarts entre

attentes et expérience

Sélection des attentes perceptives

Orientation des

actions

Retours

sensoriels

Image perceptive

Contexte

Culture

Intention

Objet perçu

Ajuster

Projeter

Vérifier

Faire

Détection des écarts entre

attentes et expérience

Sélection des attentes perceptives

Orientation des

actions

Intégration des invariants

sensoriels

Image perceptive

Ajuster

Projeter

Vérifier

Agir

Détection des écarts entre

attentes et expérience

Sélection des attentes perceptives

Orientation des

actions

Retours

sensoriels

Image perceptive

Contexte

Culture

Intention

Ajuster

Projeter

Vérifier

Faire

Détection des écarts entre

attentes et expérience

Sélection des attentes perceptives

Orientation des

actions

Intégration des invariants

sensoriels

Image perceptive

Ajuster

Projeter

Vérifier

Agir

Détection des écarts entre

attentes et expérience

Sélection des attentes perceptives

Orientation des

actions

Retours

sensoriels

Image perceptive

Contexte

Culture

Intention

Figure 2. Amélioration continue : analogie des processus de conception et de perception

33

Problématique – La conception centrée sur la perception

Dès lors, il nous apparaît intéressant de développer chaque phase du processus en rapport avec des critères centrés sur la perception, et de définir ainsi une démarche de conception anthropocentrée qui permette au produit de correspondre de manière optimale aux attentes du client.

3.2. Déploiement de la conception centrée sur la perception

La qualité perçue d'un objet est l'évaluation de l'intérêt global que perçoit le sujet à agir ou interagir avec un objet. Ce dernier est porteur d'une infinité de qualités écologiques, mais seules les plus pertinentes au vu du contexte et du profil du sujet seront émergentes à une perception dite directe et située. Ce sont elles qui, en situation, viendront fonder l'image perceptive de l'objet et, implicitement, de sa qualité globale. Le processus de conception centrée sur la perception consiste donc à traduire ces qualités évaluatives par des critères perceptifs dans un cahier des charges, afin de pouvoir vérifier et ajuster les solutions matérielles proposées par les acteurs de la conception.

3.2.1. Les phases opérationnelles

La figure 3 représente le processus détaillé de convergence entre cible perceptive et produit fini. Les principales phases opérationnelles sont explicitées dans le texte qui suit.

Plannifier : Formalisation des critères perceptifs à maîtriser

La définition de la cible client répond à la question "qui suis-je", même si dans une visée industrielle de série le "je" désigne ici un groupe d'individus plutôt qu'un individu. En identifiant la cible client, l’entreprise peut déterminer ses besoins, ses attentes de qualités concrètes et les traduire dans le cahier des charges. Elle fonde ainsi l'identité du produit comme une cohérence complexe au sein d'un objet attendu.

La première étape d'une démarche de conception centrée sur la perception est bien d'identifier l'image perceptive cible de manière la plus complète possible. Les spécifications qui en découlent doivent refléter de manière exhaustive les interactions potentiellement entreprises par un futur usager, c'est-à-dire correspondre aux qualités écologiques potentiellement attendues par le client. Elles doivent être reliées à l’objet et aux stimuli appropriés, et se décliner selon différentes modalités sensorielles. Elles viendront constituer le premier cahier des charges et l'entrée du processus de conception.

Elaborer : Matérialisation du produit

Les équipes de Design s’appuient sur les attentes du client identifiées par la direction du Produit afin de proposer les premières ébauches formelles du produit, maquette ou prototype, virtuel ou réel. Certaines spécifications centrées sur la perception peuvent d’ailleurs déjà y être concrétisées. Cependant, la base matérielle du produit est rapidement dictée par d’autres spécifications prioritaires, liées à des contraintes techniques, économiques ou réglementaires. Ce sont les équipes projet qui, travaillant chacune sur un organe de l'objet complexe, doivent proposer des solutions qui répondent aux cahiers des charges. Sur la base de ces spécifications de base, l’entreprise conceptrice construit ainsi peu à peu le produit, des prototypes au produit industrialisé, afin que ce dernier, conçu techniquement et réalisé matériellement coïncide au mieux avec l'objectif du projet.

34

Problématique – La conception centrée sur la perception

Vérifier : Elaboration d’indicateurs de contrôle centrés sur la perception

L’étape de contrôle vise à s'assurer que les formes matérielles proposées lors des différentes étapes de définition, d'industrialisation et de production du produit révèlent sensiblement et immédiatement les significations attendues. Le moyen de vérifier que les cibles perceptives sont respectées est la mesure, tout au long du processus de développement, d’indicateurs de contrôle spécifiquement reliés aux spécifications centrées sur la perception. En confrontant cette image perceptive "planifiée" aux solutions concrètes élaborées tout au long du projet, les indicateurs orientent les ajustements techniques.

Ajuster : Proposition de règles de conception centrées sur la perception

Si les spécifications centrées sur la perception sont des contraintes supplémentaires, elles sont toutefois essentielles pour la réussite d’un produit. C’est au sein du champ de liberté défini par les spécifications de bases qu’il est possible de proposer des solutions ou des ajustements qui permettent d’atteindre les cibles perceptives définies, au regard des indicateurs élaborés. On peut ainsi appliquer des règles de conception qui maximisent la plus-value perceptive et constituent un compromis efficace avec les autres spécifications.

Lettre d’intention Produit intégrant le positionnement Qualité Perçue

Production en série du véhicule

Corriger

Planifier

Vérifier

ElaborerIdentification des cibles perceptives

Etudes Produit/Process

Evaluations

Définition détaillée

Validation sur supports design

Industrialisation

Contrôle sur véhicule

Adaptation des cibles aux réalités économiques, techniques et industrielles

Actions correctives pour faire converger cibles perceptives et solutions matérielles

Lettre d’intention Produit intégrant le positionnement Qualité Perçue

Production en série du véhicule

Corriger

Planifier

Vérifier

ElaborerIdentification des cibles perceptives

Etudes Produit/Process

Evaluations

Définition détaillée

Validation sur supports design

Industrialisation

Contrôle sur véhicule

Adaptation des cibles aux réalités économiques, techniques et industrielles

Actions correctives pour faire converger cibles perceptives et solutions matérielles

Figure 3. Processus détaillé pour la convergence entre cible perceptive et produit fini

3.2.2. Le système à résoudre

Comme explicité ci-dessus, pour la plupart des produits, les critères perceptifs ne peuvent pas dicter la phase d’élaboration du produit. Par contre, les trois autres phases (Planifier, Vérifier, Ajuster) correspondent à des objectifs particuliers mais complémentaires qui forment ensemble le système industriel à résoudre dans tout processus de conception centré sur la perception.

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Problématique – La conception centrée sur la perception

Identifier les attentes perceptives en contexte écologique

La formalisation des critères perceptifs à maîtriser est rendue possible par l’identification des phénomènes perceptifs et des qualités évaluatives déterminants pour le client, c’est-à-dire ceux qui pourront influencer son jugement du produit en situation réelle.

La définition du contexte écologique consiste à identifier le cadre psychologique et matériel dans lequel des phénomènes perceptifs sont susceptibles d’émerger. Idéalement, il faut observer des sujets ayant un profil individuel, donc une culture et des motivations, semblable aux clients visés. Il faut les observer en situation d’interaction avec le produit à évaluer ou concevoir. Cette situation peut correspondre à la phase de séduction, où le sujet projette un achat éventuel mais cherche à se forger un avis sur le produit, ou à la phase d’usage, où le client utilise normalement le produit et doit en être satisfait. Il faut également s’assurer que la situation observée se fasse en environnement réel, ou corresponde à une configuration matérielle la plus proche possible de la réalité. L’activité observée se déroule par la confrontation des individus aux objets réels, afin de ne pas réduire au préalable les stimuli potentiellement importants pour la perception.

L’objectif d’une telle observation consiste à identifier les phénomènes perceptifs importants en situation pour le sujet et que le concepteur doit donc maîtriser. Premièrement il s’agit d’identifier sur quels objets ou partie de l’objet peut porter la perception. Ensuite, il faut déterminer quels stimuli sensoriels sont utilisés par le sujet pour construire sa perception. Enfin, il faut définir quelle qualité évaluative émerge de l’interaction. On saura alors sur quel objet travailler, et quelle évaluation subjective il faut assurer, via quels stimuli sensoriel.

Relier les qualités évaluatives aux caractéristiques physiques du stimuli

La détermination d’un indicateur de contrôle relié à un phénomène perceptif particulier correspond à un travail d’objectivation de la perception. Il faut créer un modèle qui reflète le mieux la perception d’une population de sujets particuliers. Il s’agit de pouvoir prédire le jugement de valeur associé à une qualité évaluative précédemment identifiée, par une mesure sur l’objet de la conception (du prototype au produit fini), et plus spécifiquement sur le ou les stimuli déterminants pour sa perception.

Pour la création d’un modèle solide d’un point de vue statistique, nous avons besoin de données d’entrées en nombre suffisant. Les données d’entrées sont ici les mesures physiques sur un ensemble de stimuli qui représentent alors au mieux la diversité des matérialisations potentielles du produit, conçu ou à concevoir. La donnée de sortie est le jugement de valeur moyen (quantitatif ou qualitatif) associé à une qualité évaluative spécifique, obtenue statistiquement à partir d’un échantillon de population. Plusieurs stratégies sont envisageables.

Il est tout d’abord possible de rechercher directement dans le stimulus physique les facteurs qui déterminent la qualité évaluative étudiée. Cela peut être efficace pour des cas peu complexes, pour lesquels la description physique du stimulus est constitutivement limitée, ou du moins si ses variations physiques sont déjà bien identifiées. Mais la plupart du temps il n’existe pas de mesures physiques qui décrivent trivialement la perception du stimuli associé. Deux alternatives s’offrent alors.

Il est possible de s’affranchir du problème en adoptant la stratégie de l’analyse sensorielle. Celle-ci utilise des experts pour une quantification reproductible et répétable des sensations provoquées par le stimuli. Un modèle relie alors l’évaluation subjective des clients à la description sensorielle quantifiée des experts. Cependant, la formation, l’entretien et l’utilisation de ce moyen de mesure sont coûteux en temps.

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Problématique – La conception centrée sur la perception

On peut également choisir de relever le défi de l’objectivation physique de la perception en résolvant le système complet, pas à pas, de l’évaluation subjective à la description physique du stimulus. Une étape intermédiaire sur la perception formelle des stimuli, c’est-à-dire les qualités descriptives, peut en effet aider à s’orienter sur des mesures physiques pertinentes pour l’élaboration d’un indicateur de contrôle directement mesurable sur le stimulus. Par un processus descendant dont l’entrée est de nature psychologique, on réduit ainsi la complexité du problème. C’est l’approche qui sera suivie dans cette thèse.

Relier les qualités évaluatives aux caractéristiques techniques du produit

La proposition de règles de conception permettant d’assurer ou d’améliorer une qualité évaluative particulière revient à déterminer les caractéristiques physiques qui impactent de manière significative l’évaluation subjective des clients. Cette dernière peut être prédite par l’indicateur de contrôle précédemment élaboré, calculé grâce à des mesures sur le stimulus. Elle a également pu être décrite par une étude perceptive intermédiaire. Il s’agit alors d’étudier les variations de l’évaluation subjective, dans le modèle interprétatif de la perception ou le modèle de prédiction par mesures physiques, en fonction des variations observées ou contrôlées des caractéristiques physiques de l’objet. Ces dernières peuvent être abordées de manière qualitative ou quantitative.

Si on étudie un ensemble de configurations qui se différencient par des solutions techniques clairement discriminables et identifiables, il est possible de rechercher celles qui, qualitativement, donnent les meilleures chances d’un jugement de valeur positif à la réception par le client.

Pour un domaine de solutions techniques spécifiques, il est possible d’affiner les règles de conception. A partir d’échantillons qui couvrent le domaine physique de certaines caractéristiques quantifiables de l’objet, il s’agit cette fois encore de déterminer une configuration optimale des différents paramètres observés, cette fois-ci par des valeurs numériques ou un domaine de valeurs.

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4. Application à notre objet d’étude

4.1. La perception sonore

4.1.1. Le phénomène sonore

L’onde acoustique

L’étude physique du son a généré une discipline scientifique spécifique : l’acoustique. Cette dernière permet de décrire objectivement les caractéristiques physiques du stimulus sonore, alors étudié comme variation de pression et mesuré sous forme de signal.

L’acoustique reste directement reliée à d’autres disciplines des sciences physiques quand elle considère les conditions d’apparition des sons et donc les caractéristiques physiques de la source. Lorsqu’il s’agit du son émanant d’un objet, le phénomène sonore est plus spécifiquement dû à un rayonnement de la source et est lié à des phénomènes vibratoires. Une étude physique complète du phénomène acoustique implique alors d’explorer la mécanique de la source.

La sensation sonore

Le système auditif ne nous donne pas directement accès à l’onde sonore telle qu’elle apparaît dans l’environnement. Il agit comme un transducteur qui transforme le signal physique d’origine. La psychoacoustique classique cherche justement à comprendre les transformations et sélections opérées par le système auditif. Elle recherche notamment des lois psychophysiques qui lient la variation d’un stimulus sonore simple (bruit blanc, son pur, etc..) à la variation d’une sensation (intensité perçue, hauteur perçue etc…). L’ouvrage de E. Zwicker et H. Fastl (1999) présente un exposé détaillé de ces travaux.

L’approche des sensations sonores par les invariants sensoriels et la sensori-motricité n’est quant à elle pas très répandue. Elle est pourtant implicitement contenue dans le fait admis que ce sont les deux « points de vue » qu’offrent les deux oreilles qui permettent de localiser la source du son, et que les mouvements de tête ou du corps permettent d’accroître la précision de la perception sonore. Cela revient à souligner l’importance des informations sur la contingence sensori-motrice dans la perception sonore. Il est ainsi possible d’interpréter l’ « analyse des scènes auditives » proposée par A. Bregman (1990; cité par McAdams, 1994) selon les mêmes idées. Si un individu parvient très bien à isoler et à identifier différentes sources présentes dans l’environnement sonore à partir d’un ensemble de sons qui arrivent ensemble (événements auditifs) ou successivement (flux auditifs) à l’oreille, c’est que le système auditif s’appuie sur des similitudes ou sur des différences acoustiques. La perception extrait ces dernières à partir des différentes esquisses sonores qu’offrent les deux oreilles, mais aussi à partir du déroulement du son dans le temps et du déplacement de l’auditeur dans l’espace. Dans la théorie des scènes auditives, ce processus de groupement auditif précède généralement l’extraction des qualités descriptives ou attributs perceptifs sonores dans la structure ainsi discriminée (invariants de timbre, de forme, etc…), indépendamment de toute projection signifiante.

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La perception sonore

L’identification d’un événement ou d’un flux auditif, est dépendante des processus attentionnels de la conscience. Les attentes, et donc les projections cognitives, dépendent du contexte, des connaissances de l’auditeur et de son intention dans une situation particulière. Elles peuvent également être orientées par les attributs perceptifs des événement ou des flux auditif eux-même.

D’un point de vue subjectif, les sons peuvent parfois être perçus indépendamment de leur source, comme des objets à part entière. P. Schaeffer (1979) les appelle alors objets sonores, et les associe à une écoute réduite qui s’arrêterait à la matière sonore en tant qu’objet perçu, alors détaché d’une quelconque source et des significations qui seraient associées à cette source. Schaeffer pensait alors surtout aux sons musicaux. Mais certains sons non-musicaux n’existent que par eux même, comme le klaxon par exemple. La source et le son sont ici confondus. Il faut des conditions particulières pour que la conscience s’intéresse à l’objet matériel qui est physiquement la source. Ainsi, si on élargit le concept d’objets sonores et que l’on considère que ce sont des objets perçus à part entière, ils véhiculent malgré tout des significations qui leur sont propres et qu’il est possible d’identifier. A l’inverse, il existe des situations écologiques particulières où des sons ne sont perçus que pour eux-même car la conscience n’extériorise pas la source dont ils sont issus, comme lorsque l’on parle du bruit (et non d’un bruit de). Ainsi se pose parfois le problème de la non-identification de la source.

Malgré tout, en situation naturelle, le son n’est la plupart du temps qu’un stimulus sensoriel parmi d’autres. Il constitue un des modes d’apparition de sa source, soit une esquisse sensorielle. Lorsque l’on perçoit le bruit de quelque chose, la conscience vise ce « quelque chose » au travers du bruit. Cela est possible car le son porte en lui des indices formels sur son mode de production. En effet, l’onde acoustique est physiquement liée à un événement énergétique de la source, qu’il soit transitoire ou stationnaire. Ainsi, le son peut s’intégrer à d’autres stimuli sensoriels, ou parfois être le seul support, pour la perception de certains caractères formels d’un objet. Ces derniers peuvent orienter la perception sur des schèmes cognitifs se rattachant à l’objet source ou à l’évènement particulier ayant produit le son, comme un grincement ou une fermeture, voir même à une activité, comme la circulation ou une conversation.

Pour aborder la question du phénomène sonore perçu, il est également utile de s’intéresser aux études psycholinguistiques consacrées à la perception sonore (Guyot, 1996 ; Maffiolo, 1999 ; Faure, 2000 ; Guastavino, 2003 ; Montignies, 2005). Les représentations langagières peuvent en effet nous éclairer sur les modes selon lesquels les évènements sonores apparaissent à la conscience. Danièle Dubois (2000) identifie deux types de verbalisations sur le phénomène sonore, qu’elle nomme «sons» et « bruit ». Par « sons », elle fait référence à une description des caractéristiques formelles du stimulus sonore et donc aux significations représentant les attributs acoustiques du son, alors que par « bruit » elle désigne les phénomènes sonores décrits par des significations faisant référence à une source, un événement ou un effet.

Globalement, toutes ces remarques nous obligent à des considérations d’ordre phénoménologique sur le son, la source et leurs qualités respectives. Il apparaît alors impératif d’aborder la question des qualités perçues (évaluatives et descriptives) selon deux plans : celui du son, objet sonore perçu, et celui de la source, objet perçu au travers du son.

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4.1.2. Les qualités évaluatives

Les qualités évaluatives liées aux phénomènes sonores sont principalement abordées par les études que l’on pourrait prudemment regroupées sous le terme de « qualité sonore ». On s’intéresse alors, soit à l’évaluation du son, soit à l’évaluation d’un objet par le biais du son qu’il produit. Il s’agit alors de relier les caractéristiques physiques aux qualités évaluatives spécifiquement étudiées.

Le son

L’évaluation du son comme objet sonore est principalement liée à l’esthétique, dans le cadre de l’écoute musicale du matériau sonore, ou à la qualité des sons reproduits par un système de restitution, comme la qualité vocale transmise par un réseau téléphonique ou la qualité des sons provenant d’un signal numérique compressé.

Le comportemental est également souvent le moyen privilégié d’évaluation des sons. C’est le cas pour les sons artificiels tels que les alarmes. Le son est ici un objet clairement indépendant, qui a un rôle fonctionnel. Le travail de création sonore inclut alors des considérations ergonomiques. Le phénomène de gêne sonore est également souvent lié au comportemental : directement lorsque le son est un obstacle à une activité, comme le bruit qui empêche de tenir une discussion intelligible ; ou plus indirectement lorsqu’il provoque une fatigue physiologique, sur les lieux de travail par exemple, ayant des effets à plus long terme sur l’activité du sujet percevant.

La source

Hormis si on évalue un objet dont la fonction première est de produire du son, comme une enceinte acoustique, le lien entre la qualité évaluative de la source et le phénomène sonore n’est plus direct. Il faut soit considérer le phénomène sonore comme une information supplémentaire dans des schèmes sensoriels multimodaux et forcément complexes, soit admettre que le sujet fait des inférences, ou analogies, et on entre alors dans le domaine du sémantique, du réflexif et du rationnel. Dans ce dernier cas, la reconnaissance d’une source, processus cognitif, permet en retour l’intervention des processus comportemental et viscéral.

D’un point de vue plus opérationnel, les études de qualité sonore qui étudient la face émergente de l’évaluation subjective des sources portent la plupart du temps sur des objets industriels et cherche à assurer, par le biais du son, une qualité positive du produit source (Parizet, 2006).

4.1.3. Les qualités descriptives

La recherche des relations entre qualités descriptives perçues et caractéristiques physiques est principalement l’objet des recherche en psychophysique. Dans le domaine sonore, on parle de psychoacoustique, qui est avant tout centrée sur le son mais peut également s’intéresser à la source.

Le son

Dans le cadre de la perception visuelle ou tactile, les qualités descriptives, ou formelles, sont souvent directement confondues avec les qualités formelles du stimulus, souvent inconsciemment incorporées sous formes de schèmes sensoriels. Ainsi la sensation de rouge équivaut à percevoir l’objet perçu comme possédant la qualité de rouge. Par contre, pour les phénomènes sonores, il n’en est pas de même. Ainsi, la perception d’un son aigu ne

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correspond pas à un objet aigu. C’est le son qui possède la qualité formelle d’aigu, de fort ou de feutré, en provoquant la sensation correspondante.

L’étude de la perception des qualités formelles du son est le travail entrepris par la psychoacoustique lorsqu’elle cherche à relier les caractéristiques physiques du son aux caractéristiques élémentaires du son perçu, tel le niveau perçu ou la hauteur perçue, ou plus complexe comme le timbre.

La source

Un auditeur peut essayer d’extraire les invariants spécifiquement liés à la source du son. Cependant, la perception de caractéristiques formelles de la source sonore implique un rôle important de la projection de connaissances. Celles-ci peuvent être issues de la mémorisation des liens entre configurations sensorielles sonores et caractéristiques de la source, mais elles peuvent aussi être de pures hypothèses issues d’un processus d’abstraction qui croit reconnaître dans le son des indices formels sur la source. Bien que la perception des qualités de la source se base forcément sur les qualités formelles du son, c’est donc indirectement qu’il est cette fois possible de percevoir la source comme grande, molle, métallique.

C’est au sein des études que certains appellent maintenant psychomécaniques (McAdams et al., 2004) que l’on cherche à relier la perception des qualités formelles de la source sonore aux caractéristiques physiques du son et de la source. Il est possible de demander directement aux auditeurs d’évaluer une qualité descriptive de la source à partir du son. Cependant, la psychomécanique traite régulièrement cette problématique en terme de reconnaissance des sources. Il s’agit alors de reconnaître l’identité physique d’une source dans un son, sans qu’on puisse obligatoirement la nommer. L’auditeur peut en effet toujours détecter des qualités descriptives qu’il croit, à tort ou à raison, liées des sources simplement perçues comme identiques ou différentes.

4.2. Quelques études sur les bruits d’impact

L’objectif des différentes études présentées est de relier le subjectif à l’objectif, en étudiant une qualité perçue, du son ou de la source, évaluative ou descriptive, pour ensuite la relier à des caractéristiques physiques du bruit d’impact ou de la source impactée.

4.2.1. Les qualités évaluatives

Le son

L’étude de la qualité du bruit d’impact considéré comme objet de la perception est par exemple abordée dans le travail de L. Brancheriau et al. (2006) sur les sons de xylophone. Les différents articles publiés à ce sujet émergent d’un projet visant à trouver une variété de bois qui puisse donner un son musical de qualité, en alternative aux variétés de bois rares communément utilisées, mais dont les espèces sont maintenant protégées. La face perceptive du problème est étudiée depuis l’écoute subjective mais experte d’un luthier de xylophones. L’objectif est alors d’identifier, outre une variété spécifique, les caractéristiques acoustiques et mécaniques du bois qui sont déterminantes pour la facture d’un instrument au rendu sonore de bonne qualité.

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La source

L’étude du bruit d’impact comme stimulus permettant l’évaluation subjective de la qualité de la source est abordée dans les études de design sonore sur les objets industriels produisant ce type de bruit, principalement automobile. L’exemple le plus évident est l’étude du bruit de portière automobile, qui doit communiquer la qualité de la portière elle-même, voire du véhicule dans son ensemble. Ces études ont déjà suscité un bon nombre de publications. On pourra citer les travaux de E. Parizet et al. (2006) et la thèse de M-C. Bézat (2007). Cette dernière applique d’ailleurs aux bruits d’impacts dans l’habitacle automobile (planche de bord ou panneau de portes) la méthode qu’elle a mise au point pour les bruits de portières. Diverses méthodologies peuvent être employées mais l’objectif final de ces travaux est de trouver un indicateur de la qualité perçue qui soit directement mesurable sur le signal et si possible de remonter jusqu’aux règles de conception.

D’autres applications du même type sont envisageables, de nombreuses personnes utilisant l’écoute subjective du bruit d’impact pour évaluer par exemple la maturité d’une pastèque ou encore, dans un domaine plus expert, la santé de certains arbres. Il s’agirait alors de modéliser une écoute experte afin d’assurer la transmission d’une connaissance empirique.

4.2.2. Les qualités descriptives

Le son

La perception des qualités descriptives sonores des bruits d’impact a notamment été abordée par les études déjà citées à propos des bruits de portières. E. Parizet et V. Nosulenko (2006) ont utilisé une méthode exploitant la verbalisation libre des sujets décrivant les différences et similitudes entre chaque paire de sons. La majorité des catégories verbales (plus de 60%) étaient de nature descriptive orientée sur le son. M-C. Bézat (2007) a quant à elle choisi d’utiliser l’analyse sensorielle, les sons étant décrits par un jury spécialement formé et entraîné dans le cadre de son étude. Les descripteurs analytiques retenus étaient soit des adjectifs tel que long ou intense, soit des onomatopées, représentant alors indirectement des qualités descriptives plus complexes, par le biais de sons caricaturaux.

Dans ces études, l’ identification de ces qualités sonores descriptives permet d’interpréter les différences perçues entre différents sons et ainsi de rechercher dans le signal les variables qui ont une influence sur la perception.

La source

Comme évoqué précédemment, la perception des qualités descriptives de la source est l’objet des études se réclamant de la psychomécanique (McAdams et al., 2004) ou de l’écologie de la perception sonore (Gaver, 1997). Le bruit d’impact en est un des objets d’étude privilégié. Les auditeurs procèdent souvent à des tâches directement orientées sur une qualité descriptive particulière.

D.J. Freed (1990) s’est intéressé à la perception d’une qualité descriptive de l’excitateur, en l’occurrence la dureté d’un maillet impactant une casserole. Il utilise les bruits de quatre casseroles de tailles différentes impactées par quatre maillets de matériaux différents (qu’il assimile donc à une dureté différente). Neuf auditeurs ont alors évalué la dureté du maillet sur une échelle continue. Les résultats semblent montrer que les auditeurs ordonnent correctement la dureté des maillets, indépendamment de la taille de la casserole.

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D’autres chercheurs se sont intéressés à la reconnaissance auditive des propriétés des plaques impactées. S. Tucker et G.J. Brown (2002) ont ainsi enregistré des sons de plaques de différentes formes (circulaire, triangulaire, carré) et différents matériaux (bois, plastique, métal). Les sujets procédaient à des tâches de classification à choix forcé, orientée sur le matériau ou sur la forme. Les auteurs de l’étude ont observé une bonne discrimination des plaques métalliques et une confusion des plaques bois et plastiques. Par contre, la reconnaissance des formes s’est avérée mauvaise, excepté pour le cas de la plaque circulaire en métal.

Dans la même étude, ces auteurs ont étudié le bruit d’impact de plaques carrées de différentes tailles (25cm, 50cm, 100cm). Les sujets devaient évaluer la taille relative des plaques d’après les sons présentés par paires. Quel que soit le matériau, les résultats ont montré que les sujets ordonnaient correctement les rapports de tailles entre les plaques, bien qu’ils les sous-estimaient.

S. McAdams, A. Chaigne et V. Roussarie (2004) ont procédé à un test de dissemblance sonore sur des bruits de barres impactées, synthétisés suivant un modèle physique. Dans une première expérience, ils ont fait varier la densité et l’amortissement, dans la seconde la géométrie et l’amortissement. Les dimensions des espaces perceptifs déduits des résultats semblent ici déterminées par les propriétés formelles contrôlées dans la synthèse. Ces propriétés mécaniques de la source ont par ailleurs été corrélées à des mesures physiques sur le signal acoustique. Puisque les sujets sont interrogés sur la dissemblance sonore, cette étude ne nous apprend en réalité pas beaucoup sur la perception de la source, mais elle montre que les variations sonores spécifiques introduites par les paramètres contrôlés du modèle physique peuvent être perçus. Or la densité et la longueur des barres influent toutes les deux sur le même aspect sonore. Il serait donc intéressant de les faire varier dans une même étude, afin de déterminer si les sujets savent isoler chaque propriété à partir de la simple perception sonore.

L’étude de O. Houix, S. Mc Adams et R. Caussé (1999) utilise quant à elle un test de classification libre de trente bruits provenant de six barres, de même matériau (métal) mais de dimensions variables, et impactées à cinq endroits différents. Outre la capacité à reconnaître les sons comme provenant de la même barre, les auteurs voulaient également étudier l’influence de la consigne. Ils demandent donc deux classifications aux sujets : la première orientée sur la similarité sonore et la seconde orientée sur la source, en précisant que des barres identiques ont été impactées à différents endroits. Les deux classifications se sont révélées semblables. Les résultats montrent finalement que les sons ne sont pas regroupés suivant la barre source, mais uniquement suivant des qualités descriptives sonores, principalement la fréquence. Les deux paramètres de variations introduits interagissent pour influer sur la même dimension sonore : la hauteur du son. Ainsi, les sujets ne pouvaient probablement pas extraire les invariants spécifiquement liés aux dimensions de chacune des barres, critère qui définissait leur identité dans ce corpus.

Dans l’étude de B.H. Repp (1987), une des consignes demandait à des auditeurs de reconnaître le sexe (masculin/féminin) d’une personne d’après son bruit d’applaudissement. Le taux de reconnaissance étant très mauvais, il s’est avéré que les auditeurs en étaient incapables. Les schèmes cognitifs nécessairement mobilisés pour inférer la réponse à partir d’informations sensorielles, et donc descriptives, incomplètes étaient donc inappropriés. Cependant, malgré leurs erreurs, les sujets étaient plutôt cohérents entre eux. Ils ont classé les applaudissements plutôt aigus, rapides et à faible intensité comme provenant de femmes. Il y a donc de fortes chances que les sujets aient utilisé les mêmes schèmes cognitifs, les empruntant à une représentation partagée et stéréotypée de la différence entre sexe. De leur côtés X. Li, R.J. Logan et R.E. Pastore (1991) ont par contre démontré que les auditeurs reconnaissaient avec réussite l’identité masculine ou féminine d’un individu d’après l’écoute

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de ses bruits de pas. Dans ce cas, l’influence du sexe sur la forme du son était donc en accord avec les hypothèses posées par les auditeurs. Cependant, ces dernières sont principalement liées à la reconnaissance des chaussures à talons et à l’association faite avec le sexe féminin.

4.2.3. Discussion

Notre étude porte sur la perception des bruits de planche de bord et la maîtrise de leur impact sur le client. Si influence réelle en situation il y a, elle portera sur une qualité évaluative, qu’il faudra alors relier à des caractéristiques physiques du son et de la source. Mis à part le cas des objets sonores n’existant que par eux-même, la perception de cette qualité évaluative se base implicitement sur la perception de qualités descriptives de la source, elle-même perçues au travers de qualités descriptives sonores. Il est donc intéressant d’avoir une discussion critique sur ce que peuvent nous apporter les deux types de qualités descriptives, de la source ou du son, pour notre problème concret de conception.

Les quelques études présentées montrent bien la différence phénoménologique entre la perception directe des qualités du stimulus, par l’identification des qualités sonores descriptives, et la perception indirecte des propriétés de la source.

Dans ce dernier cas, les sujets doivent poser des hypothèses, inférer des qualités qui en situation écologique se construisent normalement avec l’aide de différentes modalités. Ils projettent donc des schèmes cognitifs qui peuvent parfois être inappropriés ou imprécis, et qui ne peuvent pas être corrigés ou ajustés par l’intégration de schèmes sensoriels provenant d’autres modalités, comme la vue ou le toucher. De plus, puisque le processus de projection cognitive a ici un impact prépondérant sur les réponses de sujets, ces dernières sont inévitablement liées aux conditions expérimentales et spécialement au lien entre la tâche imposée et la nature des sons présentés. Il est ainsi possible de citer plusieurs situations à risques dans les études sur la perception des qualités descriptives de la source.

Premièrement, il arrive que la variation de la qualité physique de la source, qu’on cherche à percevoir par le biais du son, n’ait en réalité aucune influence sur la forme physique du son. L’auditeur n’a alors tout simplement pas accès à une matière sonore portant en elle l’information nécessaire à la perception de la qualité descriptive de la source. La conscience est alors obligée d’inférer des liens son/source imaginatifs pour projeter des schèmes cognitifs. C’était le cas dans l’étude de B.H. Repp (1987) qui a observé un problème de reconnaissance du sexe au travers des bruits d’applaudissement.

Deuxièmement, il est possible que la variation de la qualité physique de la source, qu’on cherche à percevoir par le biais du son, ait bien un impact sur la forme physique du son, mais que d’autres variables physiques de la source fassent covarier le même aspect sonore. Il est alors impossible pour la perception d’extraire spécifiquement telle qualité descriptive de la source plutôt qu’une autre. C’était certainement le cas dans l’étude de Houix et al. (1999) où les sujets n’arrivaient pas percevoir la variation de la taille de la plaque indépendamment de la variation du point d’impact du maillet.

Enfin, il se peut que la variation de la qualité physique de la source, qu’on cherche à percevoir par le biais du son, ait un impact physique sur la forme du son, mais que l’individu ne possède pas le degré d’expertise suffisant pour faire le lien et projeter des schèmes cognitifs appropriés, du moins pas à des niveaux de précision satisfaisants. C’est peut-être une explication possible des observations émises dans l’étude de S. Tucker et G.J. Brown (2002), où les auditeurs n’arrivaient pas à deviner la forme de la plaque, hormis dans le cas de la plaque circulaire en métal, peut-être plus facilement identifiable par des sujets naïfs car il

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existe des objets de la vie quotidienne qui présentent ces caractéristiques physiques (couvercle de casserole, cymbales etc…).

Ainsi, nous éviterons d’interroger les sujets sur la perception de ces qualités. L’étude des qualités descriptives de la source est utile lors de la modélisation de savoir expert, c’est-à-dire de la perception de sujets connaissant sans ambiguïté un lien existant entre le son et la source, de par leur expérience particulière de ce type de bruit. Pour la modélisation de la perception de sujets naïfs, tels que les clients, cela ne nous paraît en revanche pas pertinent. En effet, savoir qu’au travers du son, les sujets s’imaginent la planche de bord possédant telle ou telle caractéristique physique ne nous assure en aucun cas que la source est conforme à leur description, et cela ne pourra donc pas nous guider de manière fiable à des règles de conception.

Il apparaît par contre plus intéressant de se pencher sur les qualités descriptives sonores, puisqu’elles reflètent véritablement la perception directe de la matière sonore. Il y a donc un lien avéré, qu’il reste à déterminer, entre ces qualités sonores perçues et des qualités physiques du son. C’est seulement dans un second temps qu’on essayera de relier la perception du son à des caractéristiques physiques bien réelles, et non perçues, de la source.

4.3. Démarche de conception centrée sur la perception sonore

appliquée aux tapotements

Les objectifs de notre étude sur les bruits de tapotement de planche de bord peuvent maintenant être clairement définis. Ils correspondent aux phases principales du travail à fournir pour espérer résoudre l’ensemble du système de conception centré sur la perception décrit en 3.2.2 de cette partie. Par la même occasion, ils constituent le cœur de chacune des différentes parties présentées dans ce manuscrit. Le logigramme de la figure 4 synthétise graphiquement le processus entrepris.

• Objectif 1 : Identification de la cible perceptive liée au bruits de tapotements Premièrement, il faut vérifier plus particulièrement si la planche de bord, le tapotement

et la dimension auditive constituent ensemble un phénomène perceptif déterminant en situation. Si c’est le cas, on formalisera une cible perceptive en identifiant la qualité évaluative qui est impactée par le bruit de tapotement de planche de bord.

> Partie 1 : Etude écologique du tapotement par une observation en situation

• Objectif 2 : Identification des qualités sonores déterminantes pour la cible perceptive

Si la pertinence de l’objet d’étude est validée, il faut alors élaborer un indicateur de contrôle à partir de mesures sur le signal acoustique. Ces dernières seront plus facilement identifiées à l’aide d’une étude reliant l’évaluation subjective aux qualités descriptives du son perçu.

> Partie 2 : Etude de l’espace perceptif des stimuli par un test en laboratoire

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• Objectif 3 : Elaboration d’un indicateur pour le contrôle de la cible perceptive Après avoir identifié les qualités descriptives sonores pertinentes, il s’agit alors de

trouver leurs corrélats directement dans le signal acoustique. A partir de ces mesures, il sera possible de rechercher un indicateur de contrôle prédisant la qualité évaluative perçue.

> Partie 3 : Objectivation sonore par modèle prédictif à partir de mesures sur le signal

• Objectif 4 : Règles de conception pour la maîtrise de la cible perceptive Pour une maîtrise complète du phénomène, l’idéal serait de pouvoir préconiser des solutions techniques permettant d’atteindre la cible perceptive.

> Partie 4 : Identification des variables technologiques déterminantes

Règles de conception

Perception de bas-niveauIntégration des

données sensorielles(« fort », « aigu »,

« étouffé »…)

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Stimulus matérielDimension physique

accessible au sens(intensité, temps,

fréquence)

Objet matérielConstruction de caractéristiques

physiques(solutions

techniques)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situationAttentes perceptives reliées à la dimension sonore

2. Étude de l’espace perceptif des stimuliTest en laboratoire

Qualités sonores perçues déterminantes pour l’évaluation subjective

3. Objectivation sonore de la perceptionRecherche de modèle prédictif à partir de mesures sur le signal sonore

Indicateur de la perception mesurable sur le signal sonore

4. Identification des variables technologiques déterminantesRecherche des liens entre variables physiques et perception sonore Règles de conception

Perception de bas-niveauIntégration des

données sensorielles(« fort », « aigu »,

« étouffé »…)

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Stimulus matérielDimension physique

accessible au sens(intensité, temps,

fréquence)

Objet matérielConstruction de caractéristiques

physiques(solutions

techniques)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situationAttentes perceptives reliées à la dimension sonore

2. Étude de l’espace perceptif des stimuliTest en laboratoire

Qualités sonores perçues déterminantes pour l’évaluation subjective

3. Objectivation sonore de la perceptionRecherche de modèle prédictif à partir de mesures sur le signal sonore

Indicateur de la perception mesurable sur le signal sonore

4. Identification des variables technologiques déterminantesRecherche des liens entre variables physiques et perception sonore

Perception de bas-niveauIntégration des

données sensorielles(« fort », « aigu »,

« étouffé »…)

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Stimulus matérielDimension physique

accessible au sens(intensité, temps,

fréquence)

Objet matérielConstruction de caractéristiques

physiques(solutions

techniques)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situationAttentes perceptives reliées à la dimension sonore

2. Étude de l’espace perceptif des stimuliTest en laboratoire

Qualités sonores perçues déterminantes pour l’évaluation subjective

3. Objectivation sonore de la perceptionRecherche de modèle prédictif à partir de mesures sur le signal sonore

Indicateur de la perception mesurable sur le signal sonore

4. Identification des variables technologiques déterminantesRecherche des liens entre variables physiques et perception sonore

Figure 4. Système à résoudre et planification des objectifs intermédiaires

46

Partie 1

Observation en situation réaliste, pour une étude écologique du phénomène de tapotement

Cette première étude doit permettre de répondre à trois questions principales : Les sujets font-ils spontanément l’opération de tapotement ? Quelle est la nature de la qualité perçue que le client cherche à évaluer sur la planche de bord? Le bruit produit par le tapotement a-t-il une influence déterminante dans l’évaluation de cette qualité ?

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situationAttentes perceptives reliées à la dimension sonore

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situationAttentes perceptives reliées à la dimension sonore

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situationAttentes perceptives reliées à la dimension sonore

Figure 5. Objectif de la Partie 1 dans le système à résoudre

Pour obtenir des réponses, nous avons choisi de procéder à une observation globale de la dynamique perceptive de l'exploration d'un véhicule par le client. Cette expérience a permis d’obtenir une base de données complète retranscrivant les actions et les perceptions du client, ainsi que les objets précisément visés par l’exploration. Une étude qualitative a alors conduit à la création d’une grille de lecture hiérarchique des données, révélant différentes catégories d’opérations et de perceptions. L’apport de traitements quantitatifs et statistiques a ensuite permis d’esquisser la dynamique perceptive type d’un client élaborant son image subjective d’un véhicule. Ainsi, en focalisant notre analyse sur la planche de bord, nous avons pu déterminer l’influence perceptive du tapotement.

Les deux premiers chapitres de cette partie sont dédiés à l’exposition des choix méthodologiques pour le recueil et le traitement des données. Les chapitres suivants s’organisent selon les étapes principales de l’étude, telles qu’elles sont schématisées dans la figure 6.

47

Recueil des données

(Chapitre 7)

Analyse qualitative

(Chapitre 8)

Analyse quantitative(Chapitre 9)

ExpérienceComparaison de 2 véhicules statiques librement explorés

Acquisition des données brutesPerception :Enregistrement audio des verbalisations libres

Activité : Enregistrement vidéo des actions

Préparation des données brutesRecensement des unités verbales, des opérations et des

objets visés pour chaque sujet

Codage de base des données préparéesCréation des catégories de base pour les unités verbales, les

opérations et les objets visés

Calcul d’indicateurs sur la dynamique perceptive Perception :Occurrence verbale et tendance verbale des

catégories verbales selon l’objet viséActivité : Occurrence et durée des catégories d’opérations

selon l’objet visé

Codage ontologique des catégories de baseCréation de catégories hiérarchiquement organisées pour les

unités verbales, les opérations et les objets visés

Focus sur le phénomène de tapotementPerception :Occurrence verbale et tendance verbale des

catégories verbales associées à la planche de bordActivité : Occurrence et durée des catégories d’opérations

effectuées sur la planche de bordSynthèse : Lien entre opération de tapotement et verbalisation des qualités perçues de la planche

Recueil des données

(Chapitre 7)

Analyse qualitative

(Chapitre 8)

Analyse quantitative(Chapitre 9)

ExpérienceComparaison de 2 véhicules statiques librement explorés

Acquisition des données brutesPerception :Enregistrement audio des verbalisations libres

Activité : Enregistrement vidéo des actions

Préparation des données brutesRecensement des unités verbales, des opérations et des

objets visés pour chaque sujet

Codage de base des données préparéesCréation des catégories de base pour les unités verbales, les

opérations et les objets visés

Calcul d’indicateurs sur la dynamique perceptive Perception :Occurrence verbale et tendance verbale des

catégories verbales selon l’objet viséActivité : Occurrence et durée des catégories d’opérations

selon l’objet visé

Codage ontologique des catégories de baseCréation de catégories hiérarchiquement organisées pour les

unités verbales, les opérations et les objets visés

Focus sur le phénomène de tapotementPerception :Occurrence verbale et tendance verbale des

catégories verbales associées à la planche de bordActivité : Occurrence et durée des catégories d’opérations

effectuées sur la planche de bordSynthèse : Lien entre opération de tapotement et verbalisation des qualités perçues de la planche

Figure 6. Phases principales de l’observation en situation

48

Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de recueil

5. Méthodologie de recueil des données

Avant d’exposer la méthodologie que nous avons adoptée pour notre application, il est proposé un survol non-exhaustif des méthodologies qualitatives destinées à identifier les attentes des consommateurs ou des utilisateurs vis-à-vis d’un produit ou d’un objet.

5.1. Méthodologies existantes

Les informations ici présentées sont principalement tirées de la thèse de G. Clouet (2005). Il y est fait un examen approfondi des méthodologies visant à identifier les facteurs humains décisifs pour la conception, surtout employées dans les problématiques d’ergonomie. Dans cette thèse, nous nous contentons d’exposer quelques méthodes représentatives qui peuvent être utilisées par les entreprises ou les chercheurs pour recueillir des données qualitatives chez les clients ou utilisateurs, dans le but d’améliorer ou de concevoir des produits.

5.1.1. « Focus group »

Cette méthode d’évaluation qualitative est plus particulièrement utilisée en marketing et en sciences sociales appliquées.

Le focus group consiste à constituer un groupe de personnes (5 à 10 participants) afin d’entamer une discussion qui fera émerger des informations pertinentes vis-à-vis de l’objet d’étude. La discussion est modérée par un animateur qui doit avoir une bonne connaissance de l’objet d’étude (thème à explorer ou produit à concevoir) et qui doit de préférence maîtriser la technique d’entretien de groupe, pour pouvoir gérer les individualités et orienter la discussion (to focus) sans l’influencer. Pour l’évaluation de produits, on convoque des utilisateurs potentiels. L’objectif étant d’obtenir une large variété de points de vue, il faut souvent constituer autant de groupes que de populations de sujets étudiées.

La durée d’une séance peut varier d’une à plusieurs heures et se déroule généralement en plusieurs étapes: l’échauffement pendant laquelle les sujets font connaissance ; l’affrontement pendant laquelle les sujets s’opposent sur leurs opinions respectives ; la politesse pendant laquelle les sujets exposent leur vécu respectif et sont amenés à accepter l’autre ; la résolution pendant laquelle les sujets poursuivent l’exposition de leurs opinions mais ne s’affrontent plus ; le deuil pendant laquelle on demande aux participants si ils ont pu exprimer tout ce qu’ils voulaient.

Les résultats obtenus par le biais d’un focus group dépendent directement de l’objectif de la discussion, qui peut être simplement de relater son expérience, d’imaginer un produit idéal ou encore d’évaluer des prototypes.

5.1.2. Les entretiens

Les entretiens proviennent de la psychologie clinique ou sociale. Ils permettent de recueillir diverses informations sur une population de consommateurs ou d’utilisateurs potentiels. Il existe plusieurs types d’entretiens. Les entretiens directifs sont constitués d’une liste de questions fermées, c’est-à-dire à choix forcé entre plusieurs réponses prédéfinies. Les entretiens semi-directifs ou structurés ont une liste de thèmes prédéfinis orientés par l’intervieweur, mais ils laissent l’interviewé libre de ses réponses. Ces deux types d’entretiens

49

Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de recueil

peuvent parfois se confondre avec la technique des questionnaires, dont la passation peut se faire sans la présence d’un intervieweur, par courrier ou par internet. Enfin les entretiens non-directifs, dits aussi libres ou approfondis, partent d’un thème de départ et installent une discussion où le sujet est entièrement libre et où l’intervieweur n’intervient que pour relancer le sujet ou le recentrer sur l’objet de l’étude.

Les entretiens peuvent être utilisés seuls mais ont plus de puissance lorsqu’ils complètent l’observation d’une situation d’usage, en laboratoire ou en situation, techniques toutes deux détaillées ci-dessous. Ainsi, lorsque les entretiens sont effectués en contexte, le sujet peut se référer aisément à la situation réelle et se souvenir plus facilement de son usage réel. Les entretiens peuvent également utiliser des traces telles que les enregistrements d’une observation (vidéo ou audio), toujours avec l’objectif que le sujet puisse se projeter dans la situation d’interaction réelle. On parle alors d’entretien d’auto-confrontation.

5.1.3. Test en laboratoire

Ce type de méthodologie trouve ses origines dans la psychologie expérimentale qui cherche à observer comment une variable dépendante (mesurée) est liée à des variables indépendantes, manipulées sous conditions contrôlées. Le test en laboratoire permet donc de procéder à des observations contrôlées sur l’interaction d’un sujet avec un objet.

Lorsqu’il est centré sur l’usage, on parle de test utilisateur. Il s’agit alors de faire varier des caractéristiques de l’objet et de mesurer des indicateurs de performance tels que l’efficacité (nombres d’erreurs/buts atteints) et l’efficience (temps de réalisation de la tâche). On procède également souvent à une mesure subjective de la satisfaction, par le recueil de la préférence de l’utilisateur. Efficacité, efficience et satisfaction définissent d’ailleurs l’usability selon la norme ISO 9241(1998).

Il est également possible de mesurer d’autres indicateurs comportementaux, en s’aidant de dispositifs vidéo ou de eye-tracker (suivi des mouvements oculaires). Certaines études complètent même par le recueil des données subjectives, souvent par le biais de protocoles verbaux. Il est par exemple possible de recueillir la verbalisation simultanée à l’action, par verbalisations libres à haute voix, ou consécutive à l’utilisation, par différents types d’entretiens, tels que ceux exposés ci-dessus.

5.1.4. Observation en situation

Cette approche est inspirée des techniques de l’ethnologie. L’enquête en situation consiste à observer les utilisateurs dans leur activité réelle en situation naturelle, ou les clients dans les lieux de ventes. On distingue deux catégories principales d’observation, l’observation simple et l’observation participante, choisie en fonction des objectifs poursuivis par l’entreprise ou le chercheur.

Dans l’observation simple, le sujet n’est pas mis au courant de l’expérience. Des caméras cachées sont alors disposées sur les lieux de l’activité. Dans l’observation participante, le sujet est directement impliqué dans la récolte des informations. Un ethnographe accompagne l’observation. Il peut ainsi filmer l’activité ou interrompre ponctuellement l’activité du sujet pour lui poser des questions. L’ethnographe peut également procéder à des entretiens consécutifs, avec ou sans l’aide de traces. Des données peuvent également être recueillies simultanément à l’activité, par le biais de verbalisations à haute voix (activité commentée) ou encore par des dispositifs plus lourds tel que l’équipement du sujet par une caméra simple ou un eye-tracker.

50

Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de recueil

5.1.5. Psychologie de l’ingénierie et évaluation de la Qualité Perçue

L’école russe n’a jamais désolidarisé les problématiques de conception et de psychologie. Elle travaille ainsi dans le cadre de ce que l’on appelle en Russie la psychologie de l’ingénierie. Celle-ci s’articule, entre autre, autour du concept de predmet et des théories de l’activité (Nosulenko, 1998), déjà évoqué dans la problématique (chapitre 2)..

La psychologie de l'ingénierie a été mobilisé dans des programmes de recherche cherchant à évaluer des artefacts technologiques par l'étude de l'activité des sujets qui y sont confrontés (Lahlou, Nosulenko et Samoylenko., 2002).

V. Nosulenko et E. Samoylenko ont également élaboré une méthodologie intitulée Evaluation de la Qualité Perçue (nommée ainsi indépendamment de la notion industrielle), qui se fonde sur la perception afin d’identifier les caractéristiques subjectives importantes pour l’utilisateur. Ils utilisent principalement les verbalisations, en s’appuyant sur une base théorique intitulée l'approche systémique de la cognition et de la communication (ACC), et détaillée dans (Nosulenko et Samoylenko, 1997). La plupart de leurs travaux publiés portent ainsi sur l'évaluation de la perception d'objets par le biais de portraits verbaux. Ils traitent ainsi d’environnements (Nosulenko, 1991), de timbres musicaux (Samoylenko, McAdams et Nosulenko, 1996), ou encore de bruits de moteurs diesel (Nosulenko, Parizet et Samoylenko, 1998).

Ces travaux sont par ailleurs souvent complétés par une approche psychophysique, afin de définir les caractéristiques physiques permettant d’améliorer ou de concevoir un objet d’interaction.

5.1.6. Synthèse

Les méthodes présentées, inspirées par diverses disciplines des sciences humaines, ont surtout été utilisées par l’ergonomie, discipline la plus avancée dans l’étude des facteurs humains impliqués dans la conception. Elles sont donc souvent dédiées aux recueils de données comportementales, quelques fois accompagnées d’une mesure subjective de la satisfaction. Elles peuvent par ailleurs être utilisées de manière complémentaire sur le même objet d’étude.

Pour notre part, nous devons nous en inspirer pour toutefois adopter un angle sensiblement différent, qui nous permette de révéler l’interaction comme dynamique perceptive (construction d’une image perceptive).

V. Nosulenko et E. Saymolenko ont mis au point des outils méthodologiques pour le recueil et le traitement de données révélant à la fois l'activité et la perception d'un sujet en interaction avec un objet. Cette approche apparaissant particulièrement adaptée à notre problématique, il a donc été décidé de les inviter à partager la réflexion pour cette phase de la thèse.

51

Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de recueil

5.2. Méthodologie adoptée

5.2.1. Principe méthodologique

Avec le concours de V. Nosulenko et E. Saymolenko, il a donc été entrepris de mettre au point une expérience permettant de recueillir des données sur deux aspects importants de l'interaction sujet/objet, les opérations et les perceptions, lors d’une activité bien identifiée.

Deux hypothèses principales guident notre travail pour le recueil de données pertinentes.

• La validité du contexte écologique assure la validité écologique de l'activité observée Le contexte écologique est constitué des conditions matérielles ou objectives, mais

également des conditions subjectives cadrant l'activité du sujet, c'est-à-dire son profil et le motif de son activité.

L'idéal est bien sûr de procéder à une observation in situ sans aucune intervention du chercheur. S. Lahlou S., V. Nosulenko et E. Samoylenko (2002) ont pu approcher cet idéal de réalité expérimentale pour l'étude de l'activité d'une équipe de chercheurs confrontés à un bâtiment équipé d’objets techniques innovants. Ceci fut possible grâce à d'importants moyens matériels, de nombreuses caméras enregistrant en continu l'activité dans le bâtiment, et au consentement des sujets. Ces derniers étant eux-mêmes pour la plupart les chercheurs étudiant l'influence des nouveaux artefacts dans leur activité de travail quotidien, il est toutefois possible qu’il y ait eu un biais d’échantillonnage.

Pour notre étude, il parait difficile de procéder à une observation en situation réelle chez un concessionnaire. Outre le manque de moyens, il serait compliqué d'obtenir le consentement des clients et nous perturberions l'activité commerciale de la concession. Il s’agit donc de reproduire les conditions essentielles autorisant une simulation du contexte écologique de l’activité.

Concrètement, il faut confronter les sujets à des véhicules réels et surtout, par la consigne de l'expérience, les mettre en condition de se projeter dans la situation réelle : explorer un véhicule pour se faire une idée des qualités qu’il possède. Pour assurer ce dernier point, nous avons décidé de conditionner au préalable les sujets en suscitant leurs attentes quant au véhicule qu'ils seraient susceptibles d'acheter. Ensuite, le jour de l'expérience, il faut les laisser libres d'explorer l'objet, avec cependant un objectif bien défini : celui de fonder leur virtuelle décision d'achat.

Dans ces conditions d’activité simulée, à mi-chemin entre le test en laboratoire et l’observation en situation, nous pouvons faire l'hypothèse que l'activité du sujet sera conforme à celle qu'il aurait pu avoir en situation réelle. En effet, bien que nous ne pouvons nier l’influence du dispositif expérimental (humain et technique), nous esperons assurer les conditions minimales pour l’émergence d'une activité écologiquement valide.

• Lors d'une comparaison, les verbalisations sont des indices pertinents de la perception S’il est vrai que l'activité et la perception sont systématiquement liées, et que nous

pouvons observer une activité écologiquement valide, nous ne pouvons cependant pas nous contenter d'une approche comportementale pour révéler la dynamique perceptive du sujet. Il nous faut des indices sur les états mentaux du sujet et, conformément à l'approche systémique

52

Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de recueil

cognition communication élaborée par V. Nosulenko et E. Salmoyenko (1997), nous irons les chercher du côté des verbalisations.

Si l'observation de l'activité des sujets nous révèle quels sont les objets visés par ces derniers, par le biais des opérations qu'ils effectuent sur divers sous-éléments, l'image perceptive qui se construit dans la conscience du sujet en situation réelle reste la plupart du temps privée, c'est-à-dire inaccessible pour le chercheur. Sans renier le caractère privé des états mentaux, les travaux de l’institut de psychologie de Moscou ont pu appuyer le fait que la communication et la perception sont liées dans la systémique cognitive. D’après ces études, V. Nosulenko et S. Samoylenko (1997) peuvent faire l'hypothèse que, par la communication, le sujet nous renvoie une image verbale fidèle de l’objet perçu, bien que ce dernier soit médiatisée par des mots.

Cependant, ils insistent également sur le fait qu’il faille intégrer l’opération de comparaison pour obtenir un protocole expérimental qui révèle de manière pertinente la dynamique perceptive d’un sujet. Selon eux, la comparaison est une opération cognitive qui « intègre les processus sensoriels et intellectuels » et « constitue une forme supérieure de la perception et un élément de base de la pensée ». « L'opération de comparaison représente une condition indispensable à tout processus subjectif de mesure, de catégorisation et d'identification des objets et évènements ».

En effet, la perception se forge globalement dans les écarts entre l'image conceptuelle anticipée et la réalité concrète accessible au sujet, et se construit localement dans la détection du variable et de l'invariant dans les esquisses sensorielles successives (cf Problématique 2.2). La perception est histoire de différence et de similitude. Ainsi nous pensons, conformément aux hypothèses de V. Nosulenko et E. Saymolenko, qu'une situation de comparaison entre plusieurs objets concrets, permet de rendre saillantes à la conscience les qualités déterminantes pour la discrimination et l’identification des objets. La situation de comparaison est un facteur qui s’intègre à la systémique cognition-communication et qui permet ainsi au sujet de cristalliser, conjointement dans le discours et dans la conscience, les traits relatifs des objets forgeant leurs identités respectives.

Abordant l’aspect méthodologique, V. Nosulenko et E. Samoylenko (1997) proposent également de demander au sujet d’évaluer quantitativement la dissemblance entre les deux objets comparés, afin d’assurer la verbalisation des qualités déterminantes pour leur différenciation. Cependant, dans une situation écologique, la différenciation d’identités particulières n’est pas le facteur central de la discrimination, ce dernier dépendant en fait de l'activité à accomplir. Dans le cas d’évaluation de produits ou de services, le sujet ne doit pas simplement identifier les caractéristiques qui différencient les objets perçus, il doit choisir son objet préféré. C'est relativement à cet objectif que sont plus spécifiquement perçus les traits de l’identité qui présentent des potentialités intéressantes pour le sujet dans l’interaction envisagée avec l’objet. Le choix préférentiel permet l'émergence des qualités perçues saillantes et déterminantes pour la prise de décision du sujet dans le contexte considéré.

Ainsi, nous pouvons définir deux aspects décisifs du protocole concernant les tâches que le sujet aura à accomplir : la comparaison de véhicules, et le choix du véhicule préféré pour un acte d’achat potentiel. Sans pouvoir quantifier dans l'absolu telle ou telle qualité pour tel ou tel véhicule, nous pensons que les verbalisations relevées dans le discours libre du sujet révéleront alors la nature des qualités perçues discriminantes dans l’activité observée.

53

Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de recueil

5.2.2. Consignes

Nous pouvons donc discriminer 3 phases principales pour notre expérimentation : le conditionnement par le biais d'une enquête préliminaire, l'observation en situation de la libre exploration librement commentée, et enfin la prise de décision par l'expression de la préférence éventuellement argumentée.

Expression des attentes

Quelque temps avant l’expérience, les sujets seront conditionnés par le biais d’une enquête préliminaire, leur demandant d’exprimer leurs attentes vis-à-vis du véhicule qu’ils désireraient acheter. Cette pré-enquête sera surtout l'occasion de préparer mentalement les sujets. L’exécution de la tâche les force à se projeter dans la situation, et ainsi ils ne découvrent pas le contexte de l’activité le jour de l’expérience.

Activité commentée

Lors de l’expérience à proprement parler, il faut préciser aux sujets qu’ils doivent choisir leur véhicule préféré pour un hypothétique achat mais qu’ils sont libres de leur activité. Ils seront invités à commenter librement leur exploration. L’ensemble de l’expérience sera enregistré par un dispositif audiovisuel.

Prise de décision

Lorsque le sujet, de lui-même, estime avoir assez d'éléments pour prononcer sa préférence, il choisira le véhicule et l'expérience s'arrêtera pour lui.

5.2.3. Préparation des données brutes

La préparation des données brutes qui sont disponibles, verbalisations et opérations enregistrées, doit nous permettre de discriminer les unités constituant l’ensemble des observations à analyser. Ces unités d’information sont incluses dans des bases de données qui doivent nous permettre la mise en relation de variables décrivant les sujets, les objets visés, les opérations effectuées et les verbalisations exprimées. Il sera construit deux bases de données intermédiaires indexées sur les sujets, concernant respectivement les opérations et les verbalisations.

Nous appelons opérations les segments minimaux constituant l'activité du sujet et unités verbales les unités d'information extraites à partir du discours global. Chaque opération et chaque unité verbale sera décrite par un ensemble de variables et occupera une ligne dans la base de données. Dans la suite du document, nous utiliserons un système de notation permettant de distinguer les variables initiales (champs de codage) ou observées, notées <variable>, des modalités qu'elles peuvent prendre, notées <modalité>.

La base des données est construite à partir d'un outil informatique élaboré par V. Nosulenko : une interface Visual Basic, constituée d'un formulaire avec tous les champs nécessaires au codage de chaque unité d'information, et stockant les données dans une feuille Excel.

L’indexation par le sujet

Cette étape code des informations sur les conditions de l’expérience initiale, mais permet surtout de relier une observation à un sujet, décrit par un numéro et un profil

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Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de recueil

utilisateur (sexe, âge, etc.). L’indexation par le sujet facilitera la mise en relation des différentes informations, en liant un sujet à son profil, ses opérations et ses verbalisations.

Les variables décrivant le sujet sont :

• < Sb >, un numéro identifiant chaque sujet et correspondant à son ordre de passage lors de l'expérimentation ;

• < sexe >, masculin <M> ou féminin <F> ;

• < choix >, l’indice du véhicule qu'il aura finalement choisi (<V1> ou <V2>).

Discrimination des unités d'opération

Une première base de données portant exclusivement sur les opérations doit être créée. L’analyse des vidéos en unités d’observation consiste à repérer les séquences permettant d’identifier une opération concrète dans l’exploration d’un objet (élément) concret de la voiture (par exemple, taper sur un objet, ouvrir la porte, manipuler la poignée, etc.). Il s’agit ensuite d’associer à ce segment des informations sur le type de l’opération et la cible visée. L’expert analysant les vidéos dispose d’un outil informatique par le biais d’une interface lui permettant de remplir dans un formulaire toutes les informations nécessaires à l’indexation et au codage d’une opération identifiée comme telle lors du visionnage.

Lors du visionnage de la vidéo, l’expert doit être méticuleux et discriminer chaque opération singulière composant au final la totalité de l’activité du sujet. Pour chacune des opérations identifiées consécutivement, il doit remplir le formulaire de l’outil de codage.

Les six premiers champs d’indexation sont enregistrés automatiquement à partir du formulaire préparé à l’avance. Le système permet notamment de sélectionner le sujet concerné à partir de ce formulaire. Dans cette base, l’indexation d’une opération comporte un champ particulièrement important, destiné à lui associer une durée : < Début de la séquence >. Il indique le moment du début de chaque opération identifiée dans l’enregistrement vidéo, avec la précision d’une seconde.

Cette étape d’indexation nécessite une attention particulière de l’expert qui doit bien identifier le moment qui correspondra à la fin de l’opération. Généralement, elle est liée au début de l’opération suivante. Dans le cas où le participant exécute l’opération très rapidement (la différence entre le début de l’opération en cours et le début de l’opération suivante est moins d’une seconde) la durée de l’opération est considérée comme une seconde. Le respect de ces règles permet d’avoir des informations précises sur la durée de l’opération identifiée. La durée de chaque opération est calculée automatiquement comme la différence entre le début de l’opération en cours et le début de l’opération suivante (tn et tn+1) ; le système recalcule aussi l’heure locale pour chaque nouvel enregistrement.

Discriminations des unités verbales

A partir du discours libre des sujets retranscrit sous forme textuelle, il faut construire une base de données pour les verbalisations. Conformément au principe d'évaluation, nous devons extraire les unités verbales qui constitueront nos données et les coder par un ensemble de critères qui autoriseront ensuite un traitement détaillé selon les catégories d'analyse répondant à notre objectif scientifique. Comme pour les opérations, l’expert analysant les verbalisations dispose d’un outil informatique, par le biais d’une interface permettant d’indexer et de coder les verbalisations.

55

Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de recueil

Il est important de fournir au lecteur des indications sur ce qui guide nos choix dans la sélection des unités verbales au sein d'un discours complexe et varié. Voulant analyser l'image perceptive du sujet sur l'objet concret, nous extrayons toutes les formes linguistiques décrivant le véhicule ou un de ses sous-éléments, laissant de côté les autres verbalisations, comme les anecdotes personnelles ou les comparaisons avec le véhicule personnel des sujets. Toutefois, l'ensemble du discours restant à notre disposition dans des fichiers texte, ces derniers peuvent nous aider lors de la phase de codage, afin de cerner le contexte global dans lequel s'insère l'unité verbale.

Les unités verbales sélectionnées pour la base de données sont les caractéristiques subjectives ou objectives attribuées à l'objet visé. Les unités verbales constituant la base de données sont donc des prédicats sur l'objet réel. Elles répondent à la structure profonde des formes superficielles énoncées. Ainsi, la proposition « ce bouton blanc n'est pas très beau » occupera deux lignes dans la base de données, afin de révéler respectivement les deux informations qu'il contient : « le bouton est blanc » et « le bouton n'est pas beau ». De même deux propositions liées peuvent parfois révéler une seule information. Par exemple la phrase « A l’œil, je trouve la planche de bord assez bof, pas très cossue quoi » n'occupera qu'une seule ligne car elle révèle l’évaluation négative : « l'apparence de la planche de bord n'est pas cossue ».

Dans la base de données, les unités verbales discriminées occupent logiquement la colonne intitulée <Unités verbales>. Comme pour la phase de codage des opérations, les unités verbales sont principalement indexées par le numéro du sujet les ayant produit <Sb>, afin de pouvoir lui attribuer ensuite des données de différentes natures (profil du sujet/ opérations/ verbalisations).

56

Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de traitement

6. Méthodologie de traitement des données

Nous avons choisi de combiner deux aspects complémentaires du traitement des données en sciences humaines : le traitement qualitatif et le traitement quantitatif. En effet, comme nous avons laissé les sujets libres dans leur activité et leur expression orale, les informations recueillies doivent être mises en forme afin de pouvoir envisager un travail interprétatif et une description quantifiée des phénomènes qui nous intéressent.

Le traitement qualitatif est une étape cruciale de l'exploitation de nos données brutes et constitue déjà une analyse en soit. Il répond au principe d'évaluation utilisé en sciences humaines, tel qu'il est rappelé par (Cicourel, 2002) comme renvoyant « à l’emploi de procédures analytiques qui, en transformant telle ou telle information en un ensemble de segments ou d’unités catégorisées, permettent de la rendre accessible au lecteur ». Par ailleurs, le principe de codage que nous avons adopté ne s'arrête pas à la discrimination de segments unitaires de base mais vise à construire un modèle plus complexe nous permettant de lire les données à différents niveaux d'abstraction. C'est l'objectif de la seconde phase de codage, appelée ontologique car elle met en relation les catégories de base dans un ensemble structuré de concepts.

Si le traitement qualitatif nous donne la grille de lecture d'un phénomène, il n'est pas suffisant pour décrire précisément l'état du phénomène. Le traitement quantitatif doit ainsi nous permettre d'établir le poids des différentes catégories d'analyse par le biais d'indicateurs pertinents. Grâce au calcul de ces indicateurs pour différentes configurations d'analyse et à divers traitements statistiques, nous pouvons alors explorer les données, dégager et comparer des profils, pointer des ressemblances et des dissemblances, distinguer des spécificités, ou encore trouver des liens entre différents critères d'analyse.

6.1. Traitement qualitatif des données préparées

Nous ne partons pas d'une grille d'analyse prédéfinie mais construisons nos catégories de codage sur la base du terrain empirique. Deux grilles d'analyse sont construites : pour les opérations et pour les verbalisations. Le traitement qualitatif des attentes adopte la grille de lecture créée à partir des verbalisations. Nous avons construit nos catégories d'analyse des unités de base en deux étapes de codage ouvert.

6.1.1. Problématique

Un portrait verbal construit par les descripteurs de base attribués à l'objet est parfois suffisant, spécialement dans l'étude d'objets bien ciblés dans un contexte de laboratoire, car le champ lexical ainsi relevé est assez étroit. On peut par exemple le vérifier dans l’étude de E. Saymolenko, V. Nosulenko et S. MacAdams (1996) sur la description du timbre. Dans ce cas, le champ lexical était principalement composé de termes décrivant objectivement l'objet sonore indépendamment du contexte environnant et de l'activité engagée, c'est à dire d'un vocabulaire consensuel se rapportant dans sa totalité au même objet, par des qualités analytiques, au mieux expressives.

Cependant, les études qualitatives fondées sur le texte ou les verbalisations ne peuvent la plupart du temps pas se contenter d'un regroupement de formes verbales synonymes de même niveau. Il faut un aller-retour constant entre le matériau verbal empirique et le cadre

57

Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de traitement

théorique de la recherche afin d’organiser les descripteurs de base au sein d’une hiérarchie de catégories d’ordre supérieur, venant éclairer le phénomène sous un angle conceptuel particulier.

Ces regroupements constituent déjà une première étape de l'analyse interprétative, et une argumentation fondée doit justifier chaque concept employé. En effet, une fois sorties du niveau de base, les catégories formées répondent à des définitions forcément dépendantes de l’interprétation de l’opérateur du regroupement, qui gagne donc à appuyer ses observations empiriques par des éléments théoriques.

Pour notre part, nous cherchons à révéler la nature des qualités fondant l'image perceptive. C'est pourquoi il nous semble nécessaire de mobiliser la théorie de la perception issue des sciences cognitives dont nous avons fait l’exposé lors de la partie dédiée à la problématique. Une catégorie verbale issue de l'analyse thématique aura alors le mérite de signifier ce dont on peut être sûr à propos du sens visé par les sujets en contexte, tout en s'inscrivant dans le cadre de notre modèle théorique de la perception.

6.1.2. Choix méthodologique

Toute la phase de codage peut se rapprocher d'une démarche connue sous le nom de Grounded theory, dont une traduction pourrait être Théorie ancrée dans le terrain. Cette méthodologie, développée à l'origine par B. Glaser et A. Strauss (1967), met en pratique la vision épistémologique de la sociologie interactionniste. Concrètement, elle vise à construire un modèle interprétatif à partir de données empiriques qui n'ont pas été recueillies sur la base d'une grille de catégories prédéfinies. Les catégories d'analyse doivent alors être construites a posteriori. Pour ce faire, la Grounded theory identifie trois phases principales : le codage ouvert, description de base des unités d'information discriminées; le codage axial, destiné à mettre en relation les catégories de base dans un ensemble structuré de concepts; et le codage sélectif, visant à centrer la théorie ancrée sur une catégorie centrale pour l'interprétation. S'inspirant de cette méthodologie sans l'appliquer strictement, nous nous permettrons d'articuler notre travail autour de deux phases correspondantes à notre approche théorique particulière, c’est-à-dire une fois encore constructiviste.

En effet, comme pour la perception et la conception, nous avons ici affaire à un processus de construction conceptuelle visant à modéliser efficacement la réalité en fonction du contexte. Pour la perception, la construction vise un ensemble structuré de qualités perçues définissant l'objet, et le contexte est l'activité engagée par un sujet particulier à un moment et un endroit particuliers. Pour la conception, la construction vise un ensemble structuré de spécifications techniques définissant l'objet matériel, et le contexte est celui dans lequel doit s'insérer le produit (besoins et cible client, faisabilité technique et économique). Pour le modèle interprétatif, la construction vise cette fois un ensemble structuré de catégories d'analyse qui définissent la grille de lecture permettant d'interpréter les données empiriques, et le contexte est celui de nos objectifs de recherche.

Ainsi on peut faire correspondre les deux phases de codage aux deux mouvements de la boucle constructiviste. Le codage de base correspond à la détection locale d'invariants parmi les différentes esquisses que nous présente la réalité, alors que le codage axial s'opère par la projection de connaissances adaptées au contexte de la modélisation.

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Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de traitement

6.1.3. Codage de base

Cette phase correspond à la discrétisation d'un ensemble de données empiriques se présentant sous des formes particulières variées. Pour des formes concrètes a priori toutes différentes, il s'agira donc d'identifier les invariants permettant de les regrouper en plusieurs groupes de données. Les unités attribuées à un groupe sont alors considérées comme des manifestations particulières d'une même catégorie de base. Dans la suite de ce document cette phase sera donc appelée codage de base.

6.1.4. Codage ontologique

Cette seconde phase pourrait correspondre au codage sémantique utilisé par E. Samoylenko et V. Nosulenko (1997) pour coder les significations de bases des unités verbales sous des concepts abstraits et globaux. Tout en nous reconnaissant dans cette démarche, nous abordons également cette phase dans la logique de la Grounded Theory, c'est-à-dire comme l'organisation des catégories de base entre elles, formant ainsi une théorie ancrée sur nos données.

A partir de la Grounded theory originelle (Glaser B. et Strauss A., 1967), deux branches distinctes se sont développées, abordant différemment la mise en relation des catégories de bases. U. Kelle (2005) présente dans un article le débat méthodologique entre ces deux approches, l’une ne s’appuyant que sur des catégories qui émergeraient elles-mêmes des données alors que l’autre utilise un modèle de codage prédéfini.

Dans la première approche, soutenue par B. Glaser (1992), le chercheur ne doit idéalement pas avoir de connaissances particulières sur le phénomène étudié. Il est au contraire préférable qu'il l'aborde naïvement, sans a priori théoriques. Cependant, en accord avec certains arguments avancés par U. Kelle (2005), nous pensons que quelque soit l'effort entrepris, il est impossible de s’abstraire de ses connaissances. Toute construction de modèle, conformément à la logique constructiviste évoquée ci-dessus, contient forcément des concepts projetés par l'auteur de la construction. Selon nous, mieux vaut alors éclairer consciemment les données sous des hypothèses réfléchies que de les modéliser en étant guidé inconsciemment par des croyances folkloriques ou des concepts inadaptés.

La seconde branche de la Grounded theory, portée par A. Strauss et J. Corbin (1990), soutient quant à elle que le chercheur doit profiter de toutes sortes des connaissances théoriques ou empiriques du phénomène pour pouvoir interpréter les données au filtre de ses hypothèses. Elle propose alors un modèle de codage, par le biais d’une grille de relations génériques prétendument adaptée à la description des liens entre les codes de base (catégories et propriétés). En fait, cette grille ne s'adapte pas à tous les types de données car elle est centrée sur la description de phénomènes sociaux, qui plus est sous l’angle particulier de la micro-sociologie. Nous pensons que le chercheur peut en fait construire librement sa propre grille de lecture. Il s'agit pour lui de répondre efficacement au contexte du phénomène étudié dans son propre domaine de recherche.

Nous insistons sur la double démarche d'induction/déduction. Notre recherche étant destinée à l'étude de la perception en situation, notre codage monopolisera des hypothèses issues de notre étude théorique sur la dynamique perceptive, telle qu'elle est développée au chapitre 1. Il sera également possible de s’appuyer sur des connaissances issues d’autres recherches empiriques que l’on a menées, spécifiquement dans le traitement de verbalisations ayant traits à la perception sonore (Montignies, 2005). Nous utiliserons ainsi une sémantique adaptée pour révéler, au sein d'une boucle d'amélioration continue, un modèle interprétatif

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Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de traitement

ancré sur nos données empiriques. Ces dernières seront lues au filtre de nos connaissances et viendront en retour ajuster nos hypothèses théoriques.

Nous pensons par ailleurs que le terme ontologie s'applique parfaitement à cette deuxième phase de codage, en tant que formalisation des données à un certain niveau d'abstraction et dans un contexte particulier. Une ontologie est en effet définie comme un ensemble structuré de concepts permettant de donner un sens aux informations. Une ontologie est tout d'abord un choix quant à la manière de décrire un domaine. C'est par ailleurs la description formelle de ce choix conceptuel. Dans la suite de ce document cette phase sera donc appelée codage ontologique.

6.2. Traitement quantitatif des données qualitatives

6.2.1. Indicateurs pour les opérations

Le traitement des données sur les opérations consiste à calculer les occurrences et les durées de différentes opérations qui ont été repérées au cours de la visualisation de l’enregistrement vidéo.

L’outil de calcul pour des données d’observation

L’outil d’analyse a été développé par V. Nosulenko pour opérationnaliser le traitement des informations intégrées dans la base de données. Il configure les requêtes de la base de données et facilite son analyse statistique. Tout comme l’outil de codage, l’outil d’analyse représente un programme au langage VBA qui est intégré dans le tableau Excel regroupant les informations recueillies au cours des tests.

Les principes de calcul

Deux indices principaux sont calculés. Il s'agit du nombre d'occurrence des opérations et leur durée moyenne. Nous rappelons que lors du codage, la durée de chaque opération a été calculée automatiquement comme la différence entre le début de l’opération en cours et le début de l’opération suivante (tn et tn+1).

La feuille de résultats

Le programme effectue et affiche le calcul des données de chaque participant séparément mais également pour le groupe formé sur la base des critères sélectionnés dans l'interface de traitement (sexe, voiture, espace, position, cible, détails, action).

Pour chaque sujet, nous avons accès aux données suivantes :

• le numéro du sujet auquel sont associées les données calculées;

• le nombre total d'opérations associées au sujet considéré;

• la durée totale de l'observation pour le sujet considéré;

• le nombre d'opérations de la catégorie sélectionnée et associées au sujet considéré, actualisé pour chaque requête consécutive;

• la durée moyenne d'opérations de la catégorie sélectionnée et associées au sujet considéré, actualisée pour chaque requête consécutive.

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Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de traitement

Pour chaque requête consécutive sur un groupe de sujets, les données de l'analyse sont placées dans une feuille Result et occupent une ligne (<Test N°>). Chaque ligne comprend les critères sélectionnés pour la requête (sexe, voiture, espace, position, cible, détails, action) et les résultats de calcul suivants :

• <Durée>, la somme des durées des séquences répondant à la requête;

• <Nombre >, le nombre total des séquences répondant à la requête;

• < DuréeMoy >, la durée moyenne des séquences répondant à la requête;

• < NombreMoy >, le nombre moyen des séquences répondant à la requête.

6.2.2. Indicateurs pour les verbalisations

Le traitement des données provenant des verbalisations (les unités verbales codées) consiste à calculer le nombre d'occurrences de chaque type de descripteur, ainsi que sa tendance. Ces données d'analyse peuvent être calculées pour chacun des véhicules et pour les différents objets (ou ses éléments) qui ont été associés au descripteur du codage des unités verbales. Cette analyse se réalise à l’aide d’un outil informatique spécifique.

L’outil de calcul pour des données d’observation

Tout comme pour le traitement des données sur les opérations, l’outil d’analyse a été développé pour opérationnaliser le traitement des informations intégrées dans la base de données sous Excel. Implémenté en VBA, il configure les requêtes de la base de données et facilite son analyse statistique.

Les principes de calcul

Deux indices peuvent être calculés. Dans le cas de l'analyse <simple>, l’indice calculé est le nombre d'occurrences du descripteur sélectionné. Afin de pouvoir comparer différentes catégories verbales, le nombre d’occurrences est normalisé par rapport à la production moyenne d’unités verbales produites par chaque sujet.

Pour l'analyse <portrait verbal>, il s'agit d'un calcul plus complexe révélant la tendance du descripteur. Le calcul de cet indice a été élaboré par V. Nosulenko et E. Saymolenko (1996) pour quantifier la valence (positif/négatif) du signifié dans les verbalisations analysées.

Pour une catégorie verbale donnée, soit (Np) le nombre normalisé d’occurrences des unités verbales de valence affirmative <oui> (ex : « robuste ») et (Nn) le nombre normalisé d’occurrences des unités verbales de valence négative <non> (ex: «fragile»), alors :

- ∆ est la différence de valence dans l’ensemble des unités verbales exprimant cette catégorie : p nN N−∆ =

- k est le poids de cette différence dans l’ensemble des unités verbales exprimant cette

catégorie : p n

kN N+

∆=

- T est la tendance de cette catégorie verbale : T k= × ∆

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Partie 1. Observation en situation – Méthodologie de traitement

La feuille de résultats

Le programme effectue et affiche le calcul des données de chaque participant séparément mais également pour le groupe formé sur la base des critères sélectionnés dans l'interface de traitement. Pour chaque sujet, actualisé pour chaque requête consécutive, nous avons accès à ces données :

• <Sb>, le numéro du sujet auquel sont associées les données calculées;

• <Nuv>, le nombre total d'unités verbales associées au sujet;

• <Kss>, le facteur de correction utilisé pour normaliser les calculs associés au sujet;

• <oui>, le nombre normalisé d'unités verbales de tendance affirmative associées au descripteur sélectionné et au sujet,;

• <non>, le nombre normalisé d'unités verbales de tendance négative associées au descripteur sélectionné et au sujet;

• <Fi>, l'indice de calcul sélectionné (nombre d'unités verbales ou tendance) associé au descripteur sélectionné et au sujet.

Pour chaque requête consécutive sur un groupe de sujets, les données de l'analyse sont placées dans une feuille Result et occupent une ligne (<Test N°>). Chaque ligne comprend les critères sélectionnés pour la requête (sexe, forme logique, objet visé, descripteur, modalité, aspect) et le résultat moyen du calcul (nombre d'unités verbales ou fréquence polaire) associé à un écart-type, dans les colonnes <Moy> et <Etype>.

6.3. Analyse croisée

A partir des données codées dans les deux bases, activité et perception, il est possible de calculer nos indicateurs pour les catégories de différents niveaux de codage. On croise ainsi les données dans des tableaux d’analyse où les individus statistiques sont les sujets, décrits par des variables qui caractérisent son profil, ses opérations et ses verbalisations.

• Le profil des sujets est décrit par 2 variables : <sexe> et <choix> de véhicule.

• L'image perceptive du sujet est décrite par le nombre normalisé d'unités verbales et la tendance pour chacune des catégories d'analyse. Chaque unité verbales est reliée à un objet visé et un véhicule.

• L’activité du sujet est décrite par la durée et le nombre d’occurrence normalisé des opérations pour chacune des catégorie d’analyse. Chaque opération est reliée à un objet visé et un véhicule.

L’expérience présente un plan mixte comportant des variables inter-groupe et intra groupe. Il apparaît donc approprié de procéder à des analyses de variances dites ANOVA, car elles permettent dans un même traitement d'obtenir les statistiques descriptives, les données sur les effets des variables intra-groupes et les effets des variables inter-groupes.

L’analyse devant révéler des différences pour des mêmes variables calculées pour différents objets, nous devrons la plupart du temps opter pour la fonction mesures répétées.

Bien que pour les études de type consommateur il est toléré un intervalle de confiance à 90% voir moins, nous avons préféré adopter le risque de 5% utilisé en psychologie, c’est-à-dire un intervalle à 95%. Le logiciel utilisé dans cette partie est SPPS, un outil complet de traitements statistiques.

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Partie 1. Observation en situation – Recueil des données

7. Recueil des données

7.1. Terrain empirique

Le principe de notre expérience correspond à notre volonté d’observer le phénomène sous les conditions précédemment explicitées. Nous avons donc sélectionné deux véhicules à comparer, puis un ensemble de sujets répondant aux données statistiques du profil client cible (âge, sexe) du type de véhicule sélectionné. Pour des raisons pratiques, que ce soit les moyens engagés ou le temps de montage de l’expérience, nous avons réalisé notre dispositif expérimental en interne. Nous avons choisi des véhicules qui étaient à disposition au centre d’analyse de la concurrence de Renault, et convoqué des sujets qui étaient des membres du personnel Renault, répertoriés dans une base de données pour les études clients.

7.1.1. Les véhicules

Il était essentiel de choisir deux voitures comparables par un sujet désirant choisir un produit correspondant à ses attentes.

Afin de cibler les attentes des sujets et la population à échantillonner, nous avons décidé de confronter les sujets à plusieurs véhicules a priori équivalents, c'est-à-dire conçus pour un usage et une clientèle similaire. De plus, il fallait que l’investissement financier ne soit pas le critère d’achat déterminant. Nous avons donc sélectionné deux voitures de même segment et de prix équivalent parmi les véhicules disponibles à la période où nous avions programmé l’expérience.

Pour que l’expérience ne soit pas biaisée par le sentiment d’appartenance des sujets, il fallait selectionner des véhicules de marques concurrentes à Renault. Par ailleurs, même si l’effet de l’image de marque n’est certainement pas négligeable dans la décision d’achat, nous devions choisir deux marques différentes. Nous espérons avoir réduit le biais introduit en sélectionnant deux marques d’un même pays d’origine.

Concrètement les véhicules explorés par les sujets sont deux petites citadines d’un prix avoisinant les 10 000 euros : une Toyota Yaris (<Véhicule 1>) et une Nissan Micra (<Véhicule 2>).

7.1.2. Les sujets

Dans la base de données des volontaires aux études clients, nous avons convoqué 70 sujets, sélectionnés à l'origine selon des critères de sexe et d’âge répondant aux données statistiques établies par la direction du produit pour le segment de véhicule sélectionné (51 % de femmes et moyenne d’âge de 48 ans).

Il est à noter que nous avons évité tant que possible, c’est-à-dire dans la limite des informations qui étaient à notre disposition, de convoquer des sujets ayant un métier en rapport au produit global et à sa perception, c’est-à-dire les designers, les ergonomes, ou les personnes de la Direction de la Qualité Perçue.

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Partie 1. Observation en situation – Recueil des données

7.1.3. Configuration

La figure 7 représente une vue de dessus du dispositif expérimental, avec les positions des véhicules, ainsi que les 2 étapes précédant l'exploration à proprement parler. Tout au long de l’observation les véhicules restaient statiques, sans possibilité d’allumer le moteur, comme en show-room.

Figure 7. Configuration de l’expérience d’observation

Les véhicules ont été disposés tête-bêche afin de faciliter le passage du sujet d'un poste conducteur à l'autre. Ainsi, il fallait vérifier si les sujets étaient ainsi implicitement incités à commencer ou à s'attarder sur le véhicule 1, dont la face est directement visible au début de l'exploration. Aucune corrélation n’a été trouvée à partir de l'ordre d'exploration ou de verbalisation des deux véhicules, ni avec le volume de verbalisations, ni avec le véhicule finalement choisi. La disposition des véhicules n'a donc apparemment pas entraîné d'effet d'ordre.

7.2. Protocole

Le schéma suivant, figure 8, présente les différentes phases de l’expérience. Les consignes telles qu’elles ont été présentées au sujet, sont données en figures 9 et 10.

Observation en situation réalisteComparaison libre de 2 véhicules

Action : Opérations (vidéo)

Perception : Verbalisations (audio)

Enquête préliminaireAttentes : Classement hiérarchisé

Recueil de la préférencePrise de décision : Choix du véhicule

Observation en situation réalisteComparaison libre de 2 véhicules

Action : Opérations (vidéo)

Perception : Verbalisations (audio)

Enquête préliminaireAttentes : Classement hiérarchisé

Recueil de la préférencePrise de décision : Choix du véhicule

Enquête préliminaireAttentes : Classement hiérarchisé

Recueil de la préférencePrise de décision : Choix du véhicule

Figure 8. Protocole de l’expérience

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Partie 1. Observation en situation – Recueil des données

7.2.1. Expression des attentes

Quelques semaines avant l'expérience, nous avons envoyé aux sujets un mail (figure 9) leur demandant quelles seraient les qualités, par ordre d'importance, qui pourraient motiver leur décision d'achat pour le type de véhicule sélectionné, une petite citadine.

Si nous récoltons également des informations nous permettant d'analyser a posteriori les attentes des clients, elles ne nous intéresseront pas dans le cadre de cette thèse.

(envoyée par mail aux sujets deux semaines avant l'observation)

Merci d’accepter notre proposition. Voici une question préliminaire que nous voulons vous poser avant de procéder concrètement à la comparaison de véhicules lors du test. Imaginez que vous voulez acheter une voiture et qu’on vous propose de choisir entre deux voitures de même segment : petite citadine 3 portes. Notez bien que leurs caractéristiques générales : prix, équipements, options, motorisation, etc., sont équivalentes. Imaginez que vous explorez les véhicules en situation statique (moteur arrêté) chez un concessionnaire. Indiquez, s’il vous plaît, quelles sont les caractéristiques / qualités particulières de ces voitures qui vous paraissent alors les plus déterminantes pour motiver votre choix de préférence. Placez les dans l’ordre décroissant d’importance (la première dans la liste est la caractéristique la plus importante, la dernière – la moins importante). Vous êtes absolument libre dans le nombre de caractéristiques et dans la manière de les exprimer.

Figure 9. Consigne pour l’expression des attentes

7.2.2. Activité commentée

Avant le début de l'exploration réelle des véhicules, les sujets devaient lire une consigne (figure 10) les incitant à explorer librement les véhicules comme s'ils étaient chez un concessionnaire. Il leur était précisé qu’ils devaient choisir leur véhicule préféré pour un hypothétique achat. Nous les invitions également à commenter à haute voix leur exploration si cela leur était possible.

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Partie 1. Observation en situation – Recueil des données

(donnée aux sujets lors de l'observation en situation)

Avis aux participants

Le but de l’expérience à laquelle vous avez accepté de participer est de comparer deux voitures en situation statique, comme chez un concessionnaire, afin de déterminer votre modèle préféré. Nous voulons apprécier, à partir de vos réactions et de vos commentaires, les caractéristiques les plus importantes pour motiver votre choix. Vous disposez de deux voitures de même segment, équipées de la même manière et d’une différence de prix négligeable. Vous devez choisir laquelle vous désireriez acquérir. Pour ce faire, vous êtes libre d’explorer les véhicules, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur, autant de fois que vous le souhaitez. Au cours de vos manipulations, vous pouvez vous exprimer à haute voix. Après avoir évalué les voitures, nous vous demanderons d’établir votre choix de préférence. Nous allons filmer vos manipulations et enregistrer vos commentaires sur magnétophone.

Merci de votre participation.

Figure 10. Consigne principale pour l’exploration libre

7.2.3. Prise de décision

Lorsque le sujet, de lui-même, estimait avoir assez d'éléments pour prononcer sa préférence, il choisissait le véhicule et l'expérience s'arrêtait pour lui.

7.3. Données brutes

L'expérimentation s'est déroulée sur deux semaines par la convocation d'un sujet par heure. Le recueil audiovisuel des données nous permet de relever de manière exhaustive toutes les opérations et toutes les verbalisations du sujet au cours de l'exploration comparative des véhicules, afin de pouvoir ensuite extraire les données qui intéressent spécifiquement notre étude.

7.3.1. Les sujets

Au final, seul 57 sujets sur les 70 convoqués se sont présentés. Ensuite, nous en avons éliminés 5 pour notre étude. En effet, quelques enregistrements étaient de trop mauvaise qualité pour être analysés, car le micro était mal placé ou que la personne parlait à un volume très bas. Pour d’autres, c’est le comportement des sujets qui ne correspondait pas à la tâche demandée. Certains adoptaient par exemple un comportement clairement expert et faisait référence à leur métier chez Renault dans leur discours.

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Partie 1. Observation en situation – Recueil des données

Du fait des désistements et des sujets éliminés, les critères de la cible client correspondant au segment des véhicules utilisés n’ont pu être strictement respectés. Nous obtenons 40% de femmes au lieu des 51 % espérés et un âge moyen de 38 ans au lieu des 48 espérés.

7.3.2. Opérations : enregistrement vidéo

Lors de son exploration, le sujet était suivi par un expérimentateur équipé d’une caméra numérique. Cette dernière filmait l'ensemble de l’activité du sujet, afin de pouvoir identifier a posteriori toutes les opérations effectuées.

7.3.3. Verbalisations : enregistrement audio et retranscriptions

L'expérimentateur n'étant pas toujours à une distance suffisamment proche du sujet, le micro incorporé à la caméra ne suffisait pas à récolter des échantillons audio exploitables. Lors de son passage, nous avons donc équipé le sujet d'un micro-cravate relié à un enregistreur numérique miniature, qu'il pouvait glisser dans sa poche.

La transcription textuelle des données verbales enregistrées en audio est une étape longue et éprouvante, mais elle est essentielle si l'on veut avoir à notre disposition un matériau verbal manipulable et analysable. Ainsi, il faut tout réécrire, ne rien omettre, pas même ce qui nous semble insignifiant pour notre étude, car toute unité verbale susceptible de nous intéresser s'inscrit dans un discours global. Il est souvent nécessaire d'avoir le contexte de la verbalisation pour procéder à une analyse rigoureuse, c'est-à-dire pour ne pas attribuer de manière hasardeuse une signification à une unité verbale. Nous pourrons ainsi procéder aux analyses prévues et laisser la porte ouverte à d'éventuels échantillonnages arrières.

7.3.4. Préparation des données

La préparation de la base de données répertoriant les opérations de tous les sujets a été réalisée par V. Nosulenko lui-même. Au final, pour l'ensemble des sujets, 9995 unités d'opérations ont été discriminées. La préparation de la base de données répertoriant les unités verbales de tous les sujets a été effectuée par F. Montignies. Au final, pour l'ensemble des sujets, 5899 unités verbales ont été discriminées.

7.4. Conclusion

La méthodologie adoptée nous a permis de recueillir une quantité abondante de données sous la forme d'enregistrements vidéos et de retranscriptions textuelles d'enregistrements audios. Nous disposons maintenant de données brutes exhaustives, c'est-à-dire non échantillonnées sur la base d'une grille de mesures prédéfinies. Il est alors possible de les exploiter afin de mieux comprendre l'activité du sujet, par l'analyse et le codage de ses opérations, et l'image perceptive qu’il construit au cours de cette activité, par l'analyse et le codage des verbalisations pertinentes.

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Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

8. Analyse qualitative des données

A partir des unités d'informations extraites des données audiovisuelles, c'est-à-dire les opérations et les unités verbales, nous devons procéder à un codage qualitatif nous permettant d'interpréter les données empiriques à la lueur de nos objectifs de recherche. Nous appliquons ici la méthodologie décrite dans la partie précédente, à savoir un codage ouvert comportant deux phases : le codage de base et le codage ontologique. Après la construction de catégories de base permettant de regrouper horizontalement les données de natures similaires, nous procédons ainsi à la construction de méta-catégories d'analyse répondant au besoin de relier nos catégories de base, empiriques, à nos hypothèses théoriques sur la perception, exposées au début de cette thèse dans la problématique.

Si la perception et l'activité pourront ainsi être modélisées, nous ne devons pas oublier le codage des différentes cibles visées, c'est-à-dire le véhicule et ses éléments particuliers.

Après avoir créée une organologie du véhicule lors du codage des objets visés, nous nous intéressons donc aux opérations, indices de la dynamique perceptive, pour lesquelles nous distinguerons simplement deux attitudes comportementales. Nous étudions ensuite plus spécifiquement les verbalisations, indices de l'objet perçu, où une deuxième phase de groupement des descripteurs paraît particulièrement nécessaire.

8.1. Les objets visés

Le véhicule est un objet complexe que le sujet peut considérer comme une unité perçue mais il vise la plupart du temps des sous-éléments, les faisant objets de la perception. Lors de la phase de codage ontologique, nous avons donc construit une organologie du véhicule à trois niveaux.

8.1.1. Codage de base

Le véhicule

Une unité verbale ou une opération doit avant tout être associée au véhicule auquel elle se rapporte. Un champ de codage dédié (< Voiture >) a donc été inséré aux deux bases. Trois catégories ont été utilisées pour ce champ : < Véhicule 1 >, <Véhicule 2 > et < \ > (aucune).

L'objet

Les objets visés par le discours ou l'activité étaient de niveaux variés (par exemple <voiture>, <coffre>, <tapis de coffre>...). Lors d'une première série de codage, d'environ 10 sujets, nous avons codé sans souci d'organisation hiérarchique, dans un champ <objet> parfois commenté par un champ supplémentaire de <détails>. Ayant vérifié que la variété d'objets relevés n'évoluait plus beaucoup nous avons alors procédé à la modélisation ontologique du véhicule détaillé ensuite.

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Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

8.1.2. Codage ontologique

Nous avons choisi de modéliser une organologie à trois niveaux, nous permettant d'indiquer l'<ensemble> visé, l'<objet> ciblé en particulier et éventuellement le <détail> sur l'objet. Nous avons choisi comme niveau de base <objet> celui qui correspondait au niveau d'abstraction utilisé dans le plus grand nombre d'unités verbales. Certains objets initialement disposés dans le champ <objet> lors du codage de base ont donc été réorganisés. Nous avons également ajouté un champ de codage nous permettant de préciser des informations sur la localisation spatiale de l'objet, lorsque cela était utile pour le discriminer des autres. Pour détailler concrètement notre codage, nous explicitons les champs précisément utilisés :

• Champ <Ensemble>

Ce champ permet de coder le grand ensemble du véhicule auquel se rapporte l'unité verbale ou l'opération. Tous les objets observés ont été regroupés dans 4 catégories principales qui sont ensuite détaillées dans les champs < Objet > et <Détail >. Il s'agit de <extérieur>, <habitacle>, <coffre>, <moteur> et < / > (le véhicule de manière globale).

• Champ < Espace >

Ce champ permet de préciser la partie des ensembles codés au champ précédent. Les codes peuvent être attribués à différents objets car ils désignent une indication spatiale : <arrière>, <avant>, <plancher>, <côtés> ou une interface entre l'habitacle et l'extérieur : <porte>, <toit>.

• Champ <Objet >

Ce champ nous a servi à coder l’élément spécifiquement visé par l'unité verbale, spécialement pour la catégorie <habitacle> qui comporte une grande variété d'objets.

Catégorie <Ensemble> Habitacle Extérieur Coffre Moteur Habitacle ou

Extérieur

Objets <Objet >

boîte à fusibles casquette ceinture frein à main haut-parleur interrupteur lumière levier pare-soleil/miroir ouvre-capot ouvre-trappe pédale planche de bord rangement siège tableau de bord volant

antenne carrosserie trappe roues pare-choc phares

boîte cric tapis plage arrière roue de secours

capot béquille

vitres essuie-glaces pare-brise rétroviseur poignée

Table 1. Répartition des objets cibles par ensemble du véhicule

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Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

• Champ <Détail>

Ce dernier champ de détail sur l'objet visé nous a permis de coder encore plus précisément la cible de l'unité verbale ou de l'opération pour certains éléments en particulier.

Catégorie <Objet > Rangement Tableau de bord Volant Siège

Objets <Détail >

gants cendrier vide-poches-1 vide-poches-2

bouche d'aération climatisation radio indicateur

commodo klaxon clignotants

appui-tête commandes

Table 2. Répartition des objets détaillés par objet cible

8.2. Les opérations

8.2.1. Codage de base

Après l’indexation, les séquences identifiées doivent être codées. A chaque séquence, il faut associer les informations concernant les conditions de l’exécution d’une opération, le type de l’opération observée ainsi que les informations sur l’objet que l’opération concerne. Dans le cadre de cette étude, nous avons utilisé les champs de codage suivants :

• Champ < Localisation >

Ce champ permet au besoin de préciser approximativement la localisation de l'opération sur l'objet cible : < arrière > < bas > ; <centre > <droit > < gauche > ; < haut >.

• Champ < Opération >

Les codes de ce champ correspondent au type de l’opération réalisée par le participant. Toutes les opérations observées ont été regroupées dans 12 catégories principales :

< ajuster > ; < manipuler >; <descendre>; <entrer >; < ouvrir >; < fermer >; <s’asseoir > ; < s’installer > ; <taper > ; < toucher > ; < vérifier fermeture >; < observer >.

Dans le cas où la vidéo ne permet pas d’identifier une opération ou lorsque le participant observe quelque chose sans rien faire , on codera ainsi l'opération par <observer>. Cependant, il y a des périodes où le sujet interrompt son exploration, c'est-à-dire qu'il est sans attention particulière pour une voiture ou un élément de voiture et adresse simplement à l’expérimentateur ses impressions. La séquence doit être indexée en tant que l’unité de comportement < \ >. Ces options de codage comportent forcément une part d’incertitude, qui ne pourrait être levée qu’avec un dispositif technique plus lourd, tel que le eye tracker, qui permet d’identifier les zones d’attention visuelle d’un sujet.

Les deux autres champs (< Réaction > et < Commentaires >) permettent d’insérer les informations sur la réaction de l’objet (par exemple, < bruit >, < claquement >, < ne s’ouvre pas >, etc.), les commentaires du participant ou de l’expérimentateur qui peuvent être utilisés pour l’analyse ultérieure.

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Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

8.2.2. Codage ontologique

D'un point de vue ontologique, les données empiriques ont fait émerger deux types d'opérations au regard de nos hypothèses théoriques sur l'activité. L'exploration semble bien une forme de projection du sujet sur les potentielles situations d'usage qui retiennent son attention. Nous avons identifié deux stratégies adoptées par le sujet, selon qu'il focalise sa conscience sur une partie ou l'autre de la boucle action/perception.

• Catégorie <Usage> :

Le sujet simule des situations d'usage et l'interaction lui retournera « accidentellement » des informations, par le biais des sens, permettant l'émergence de qualités particulières de l'objet. Par exemple, si le sujet se met en position de conduite, mains sur le volant, il a alors accès aux sensations tactiles que lui renvoient la texture du volant et celles-ci peuvent être la base d’une prise de conscience, et donc parfois d’une verbalisation, sur cette qualité particulière.

• Catégorie <Contrôle> :

Le sujet se met volontairement en situation de contrôle. Sans perdre de vue la projection d'une situation d'usage plus ou moins concrète, il inspectera, examinera par les sens un aspect particulier de l'objet afin d'affiner sa perception d'une qualité particulière. C’est le cas lorsque le sujet caresse le siège afin d’évaluer la qualité du tissu. Ce genre d’opération ne correspond pas à une situation d’usage normale.

Le tableau ci-dessous récapitule la répartition des opérations de base selon ces deux catégories.

Catégorie d'analyse Usage Contrôle

<opération>

ajuster descendre entrer fermer manipuler ouvrir s’asseoir

observer taper toucher vérifier fermeture s’installer

Table 3. Répartition des opérations de base par catégorie d'analyse

De manière générale, les opérations d’usage peuvent s’assimiler à une attitude de contrôle, mais ce sont là des situations d’utilisation normale qui sont vérifiées. Dans la catégorie contrôle, nous classons exclusivement les opérations qui ont pour but de récolter des informations sensorielles.

Par ailleurs, nous n'avons pu insérer dans la catégorie <Contrôle> l'opération <fermer>*<portière>. Cette dernière peut pourtant manifestement constituer une opération de contrôle dans le cas particulier où certains sujets désirent écouter le bruit de la portière. Ne l'ayant pas suffisamment anticipé dans notre démarche de codage, nous n'avons pas pu discriminer les sujets qui procédaient au test portière, et qui mobiliseraient donc une visée attentionnelle sur le bruit, de ceux qui la fermaient naturellement.

De plus, tant qu'il a les yeux ouverts le sujet voit ! Il peut observer tout en manipulant ou touchant. Mais notre codage ne prend pas en compte la possibilité d'une superposition des opérations. Bien que cela puisse être discuté, par postulat et commodité de codage, nous

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Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

avons considéré que lorsque le sujet manipulait, les retours sensoriels tel que le toucher ou l’observation faisaient bien entendu partie de la dynamique perceptive mais n'étaient pas l'objet intentionnel d'un contrôle.

Remarque sur les indices de calcul

Nos catégories d'analyse pour les opérations font émerger des points durs quant à la pertinence et l'interprétation des indices de calcul initialement prévus. La durée paraît peut-être la mieux indiquée pour refléter les données de contrôle, qui ne sont pas des évènements réellement dénombrables quantitativement, au contraire de la plupart des manipulations effectuées dans la catégorie <usage>, qui peuvent s'analyser en séquences bien définies et se décriraient mieux par le nombre d'opérations. La réalité des données est en fait plus compliquée.

Privilégier le nombre ou la durée d'opérations pour l’aspect <contrôle> semble par exemple difficile à justifier. Les données de l'inspection dans l'habitacle sont en partie composées par l'opération <toucher>, qui est par nature intermittente et ainsi plus facilement discrétisable en un nombre fini d'opérations. Mais le nombre d’opérations de toucher, et même de tapotements, ne reflète peut être en rien la quantité d'informations réellement acquises par le sujet par le biais de cette inspection.

Même en se restreignant à la durée des opérations, il est difficile de réellement comparer des opérations de contrôle qui ne sont pas de même nature selon la cible qu'elle vise. Il est par exemple difficile de quantifier la durée des phases d'observation visuelle à l'intérieur du véhicule. Notre dispositif technique pour l'enregistrement vidéo n'était pas assez élaboré pour obtenir un point de vue en première personne. Ainsi, il était compliqué de pouvoir déterminer les cibles visuelles et de comptabiliser précisément le temps d'observation.

De plus, la tâche de verbalisation simultanée à l’activité peut ponctuellement introduire des distorsions par rapport à la durée normal d’exécution d’une opération.

Nous resterons donc prudents en présentant les indices de calculs des opérations. Nous pensons au moins pouvoir énoncer des tendances sur la distribution globale des deux types d'opérations. Cependant, lorsqu'il s'agira de s'intéresser aux différences selon les cibles visées dans le véhicule, la comparaison deviendra plus ardue, car biaisée par la différence de nature et de réalisation des différentes opérations.

8.3. Les verbalisations

8.3.1. Codage de base

Comme les opérations, les unités verbales identifiées doivent être codées. Comme pour les opérations, il faut tout d'abord associer à chacune d'entre elles le véhicule décrit, ainsi que des détails sur l'élément du véhicule spécifiquement visé. Ensuite, le codage doit pouvoir révéler l'information sous-jacente exprimée par l'unité verbale à propos de l'image perceptive du sujet. Pour cela, conformément au traitement des verbalisations proposé par V. Nosulenko et E. Samoylenko (1997), nous devons lui associer des données sur la forme logique utilisée, ainsi que sur la signification qu'elle communique à propos de l’image perceptive du sujet.

Forme logique

Les champs de codage de la forme logique sont ceux proposés par les auteurs dans l’exposé original de leur méthode.

72

Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

• Champ <sim/dif>

Ce champ nous permet d'indiquer si, dans la situation de comparaison des deux véhicules, l'unité verbale exprime une similitude <sim>, comme dans l'expression « ces voitures sont de mauvaise qualité », ou une différence <dif>, comme dans l'expression « cette voiture est de moins bonne qualité ». Notre hypothèse sur la situation de comparaison implique que les qualités exprimées sont celles qui sont saillantes à la conscience dans l'expérience relative des deux objets en présence. Nous considérons donc que la nature différentielle d'une expression comme « cette voiture est de bonne qualité » est implicite et en conséquence on la codera également par <dif>. Le champ suivant nous permettra cependant de distinguer les différentes formes logiques de différence.

• Champ <cla/gra>

En effet, ce champ nous permet de spécifier la nature de la différence observée par le sujet. Elle peut être classificatoire <cla> comme dans l'expression « cette voiture est belle alors que l'autre est carrément moche » ou graduelle <gra> comme dans l'expression « cette voiture est plus belle que l'autre ». Une troisième modalité </> indique que la différence n'est pas directement exprimée, bien qu'on la considère implicite. L'unité verbale est alors de type classificatoire mais ne désigne en fait qu'un attribut spécifique d'une voiture en particulier comme dans « je trouve cette voiture jolie ».

Remarque

Le codage de la forme logique employée révèle en partie la structure profonde de l'unité verbale. Ainsi, une similitude codée <sim> et une différence graduelle codée <dif>/<gra> apporte des informations sur chacun des deux véhicules. En conséquence, la macro associée à la base de données double automatiquement l'unité verbale dans ces deux cas, en permutant la voiture désignée dans le champs <voiture>, et en inversant la polarité (voir ci-dessous le champ <oui/non>) de l'unité verbale dans le cas plus spécifique de la différence graduelle. L'expression « les deux voitures sont de bonne qualité » apparaîtra donc sur deux lignes successives pour révéler les deux informations « la voiture 1 est de bonne qualité »et « la voiture 2 est de bonne qualité ». Quant à l'expression « la voiture 1 est plus belle », son double portera l'information « la voiture 2 est moins belle ».

Certains pourront remarquer que doubler, dans le cas explicité ci-dessus, le nombre d'unités verbales conduit à surestimer la quantité d'unités verbales effectivement énoncées. Cependant ce sont bien les significations profondes qui nous intéressent et non les formes linguistiques superficielles. En assumant qu'une unique forme superficielle peut révéler plusieurs éléments de signification profonde, nous quantifierons bien la quantité d'informations exprimées et non la quantité de formes linguistiques énoncées.

Signification

A ce stade du traitement, le codage de la signification consiste en fait au codage sémantique de base, celui qui sera ensuite organisé conceptuellement lors du codage ontologique.

• Champ <descripteur>

La performance et le style linguistique des sujets sont variables et nous nous confrontons régulièrement à des hapax, c'est-à-dire des formes verbales spécifiques ne comptant qu'une seule occurrence parmi l'ensemble des verbalisations relevées. Pour s'en

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Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

affranchir et espérer pouvoir traiter statistiquement les verbalisations, il faut opérer un premier groupement d'après la signification des formes verbales relevées, et ainsi constituer notre niveau de base du codage sémantique des unités verbales. Le type de test employé, c’est-à-dire le recueil de verbalisations libres, nous oblige à positionner l’analyse du côté de la linguistique pragmatique. En situation naturelle, un mot n’est pas une étiquette, au sens du veridical label théorisé dans la linguistique classique, mais il dépend bien du système de connaissances et du contexte d’énonciation. Bien sûr, le langage s’inscrit dans un système culturel partagé et chaque utilisation d’un mot se rapporte à un noyau sémantique que d’autres peuvent et doivent comprendre si nous voulons communiquer efficacement. Mais il s’agit alors de se positionner au niveau du signifié et non pas de la forme du signifiant. Chaque usage d’un mot est singulier mais peut être rapproché d’autres formulations par l’étude du champ lexical local, basée sur le terrain empirique. C'est là la première étape du codage de la signification des verbalisations : établir des groupements de signifiants se rapportant au même signifié, chacun codé par un descripteur dont la forme est choisie par le chercheur.

Pour ce faire, F. Montignies et V. Nosulenko ont codé en parallèle les 5 premiers sujets avant de comparer les groupements et de converger vers une liste qui reflétait déjà presque exhaustivement le champ lexical utilisé. Cette démarche peut s'assimiler au principe de codage inductif de la Grounded Theory, visant à élaborer un premier champ de catégories d'analyse après l'étude d'un nombre limité d'observations. Notre liste de descripteurs s'est avérée robuste lorsque nous avons considéré l'ensemble des données empiriques. Peu de nouveaux signifiés ont en effet émergé de la suite du codage et peu d'ajustements ont ainsi été nécessaires.

Dans le champ <descripteur>, nous avons ainsi discriminé 32 groupements, mais nous ne présentons ici que les 18 descripteurs les plus exprimés, pour lesquels le nombre d'occurrences cumulées dépasse 95% du nombre total d'unités verbales relevées. Les autres descripteurs représentent ainsi le bruit de fond de nos verbalisations lorsque nous décrivons les données au global. Ils sont toutefois conservés dans le codage afin de pouvoir éventuellement les évaluer lorsque nous nous focaliserons sur un détail particulier du véhicule, et pour lequel ils pourraient devenir significatifs.

Remarque sur la phase de codage des données.

Dans une démarche d’analyse qualitative, bien qu’il soit préférable de relier le matériau empirique aux hypothèses théoriques le plus tard possible dans la phase d'analyse, il faut toujours avoir à l'esprit les objectifs de recherche et les hypothèses théoriques que l'on veut mobiliser. Ainsi, après le codage des dix premiers sujets, nous avons choisi de faire l'économie de quelques descripteurs de base éloignés de nos objectifs de recherche ou dont la spécificité pouvait se révéler autrement dans le codage.

Dans cet esprit, le descripteur <pratique> correspond plutôt à une méta-catégorie d'analyse reflétant les qualités d'usage en général, et regroupe ainsi sans distinction les verbalisations telles que « utile », « pratique », « facile à utiliser », « ergonomique ». Chacune aurait pourtant pu constituer un descripteur de base. Le nombre important d'occurrences associées au descripteur <pratique> reflète ce meta-groupement.

L'utilisation de nos hypothèses sur les qualités constituant l'image perceptive d'un objet nous a également conduits à coder toutes les qualités évaluatives se rapportant aux impressions sensorielles par le descripteur <agréable>. La distinction entre les différentes modalités sensorielles visées (« beau », « confortable », « toucher agréable » etc...) était en effet réalisable par la combinaison du descripteur <agréable> avec le champ de codage <modalité> , que nous avions déjà prévu d'utiliser pour des raisons explicitées ci-dessous.

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Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

Encore une fois, on peut remarquer que cette catégorie de descripteur récolte un nombre important d'occurrences.

<Descripteur> Champ sémantique Nombre d'unités verbales

Exemple d'unité verbale

pratique Qualité d'usage : praticité, utilité, ergonomie... 1810 l’accès aux places arrières ce n’est vraiment pas terrible

agréable Qualité des impressions sensorielles : agréabilité, hédonisme... 1267 Les rondeurs de ce véhicule,

c' est joli bien Jugement non argumenté 390 le levier de vitesse il est bien.

de qualité Qualité matérielle non précisée 264 Ca fait plus quincaille

standard Cohérence par rapport au standard de base du marché : originalité ou attendu 248 Des compteurs standards.

évolué Cohérence temporelle par rapport aux évolutions du produit : modernité, technologies... 243 On faisait la même chose il y

a dix ans

fini Qualité de fabrication : réalisation, finition... 213 c’est assez mal fait ça déborde sur certains endroits

grand Impression de la dimension : taille, volume... 186 c'est un petit véhicule aussi

robuste Qualité matérielle concrète : robustesse, fiabilité, durabilité... 161 Ca bouge de tous les cotés, je

trouve pas ça robuste.

homogène Cohérence locale de la partie avec le tout auquel elle appartient 126 moins de formes qui sortent.

C'est plus harmonieux

imposant Saillance de la perception 117 ça ressort beaucoup visuellement

cossu Valeur socio-culturelle : standing, niveau de gamme apparent, coût des matériaux... 104 celle-ci fait plus cossue

clair Impression de luminosité d'une couleur ou d'une ambiance 83 dans l’ambiance générale qui

est plutôt sombre,

mou Impression de rigidité d'un objet ou matériau 68 J'aime pas trop les plastiques durs comme ça,

insonorisé Qualité du traitement acoustique, bruyance potentielle 64 au niveau du bruit c'est bien

mieux insonorisé

haut Position spatiale 63 La planche de bord est placée plus haute

doux Impression de douceur 63 mais c'est pas tellement doux au toucher

sobre Impression d'expressivité 62 avec cet habillage des sièges qui est assez sobre

Table 4. Liste des descripteurs associés à leur champ sémantique, leur occurrence et à un exemple d'unité verbale

• Champ <modalité>

Nous voulons, dans la mesure du possible, identifier l'apport de la dimension sonore dans la construction de l'image perceptive du véhicule évalué. Nous avons donc créé ce champ, afin de pouvoir coder la modalité sensorielle explicitement utilisée dans une unité verbale et ainsi désignée par le sujet comme fondatrice de la qualité exprimée. « le toucher des sièges est agréable » par modalité : <toucher>/<agréable>, ou encore « la boîte à gant sonne comme de la quincaillerie » par <auditif>/<de qualité>. Nous avons discriminé 5 catégories pour ce champs, les explicites <visuel>, <toucher>, <auditif>, mais également <haptique>, correspondant au retour d'effort lors de manipulation, et <assise>, correspondant essentiellement au confort d'assise et nous permettant ainsi de le distinguer de <toucher>/<agréable>. La catégorie <olfactif> était initialement créée mais cette modalité

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Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

n'apparaîtra pas dans l'analyse car son nombre d'occurrences était très faible (3 unités verbales sur les 5900 codées).

• Champ <oui/non>

Ce champ a pour objectif de coder la tendance du descripteur, selon que l'objet visé est décrit comme portant ou non la caractéristique exprimée par le descripteur. Dans le cas de qualités évaluatives, la tendance sera assimilable à la valence positive ou négative de l'évaluation. Ainsi, l'expression « ce coffre est pratique » sera codée par <pratique>/<oui> alors que son contraire « ce coffre n'est pas pratique » sera codé <pratique>/<non>.

• Champ <Aspect>

Conformément à notre hypothèse, nous désirions identifier si les qualités exprimées par le sujet visent un constituant particulier de l'objet, spécialement le matériau utilisé. En l'occurrence, un objet est une matière étendue, qui a donc une forme contenante et une substance matérielle. Nous avons ainsi créé ce champ pour indiquer si l'unité verbale était associée à l'objet de manière globale ou indéfinie <objet>, ou si elle était explicitement associée à certaines de ses caractéristiques concrètes, c’est-à-dire , à notre niveau d’analyse, la forme de l'objet <forme> ou à la matière le constituant <matière>.

8.3.2. Codage ontologique

Hypothèses sur la description de phénomène perçu

La verbalisation de l'image mentale guidant l'activité et ajustée par les impressions sensorielles est une nouvelle transduction de la conscience aux mots, qui nous conduit à rendre compte de notre expérience de manière discrète et synthétique, selon des degrés d’objectivité plus ou moins abstraits et détachés du sujet. Chaque verbalisation ne constitue qu’un éclairage particulier du complexe système cognitif à l’œuvre dans la construction d'une image mentale du phénomène ou objet perçu.

L’utilisation de concepts émanant des théories de la perception ne vise pas à plaquer une théorie sur un corpus particulier, mais au contraire de partir du point de vue du sujet pour déterminer les différentes formes de verbalisations et mettre celles-ci en rapport avec les qualités constituant l’objet perçu, évoquées lors de la problématique (2.3).

La signification des descripteurs nous mène principalement aux deux catégories que nous avions identifiées lors de la problématique, à savoir les qualités descriptives (<description>) et les qualités évaluatives (<évaluation>). Ces deux catégories sont le reflet de deux stratégies descriptives exprimant différentes facettes du phénomène perceptif, mais pouvant se renvoyer l'une à l'autre car étroitement liées dans la construction subjective de l’objet perçu. Cependant, nous avons également créé une troisième catégorie, qui a principalement émergé à partir de l'observation des données empiriques. Elle regroupe les descripteurs qui nous semblaient évaluer la perception elle-même en rapport aux attentes du sujet, dans des termes évoquant la cohérence ou la détection d'écarts, par rapport aux attentes, locales ou globales, du sujet. Elle révèle une sorte de réduction phénoménologique, ou epoké (Husserl, 1913), où le sujet observe son propre processus perceptif.

76

Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

Verbalisation des qualités descriptives

Dans la phase de verbalisation, différents niveaux d’analyse peuvent être engagés par le sujet, selon qu’il s’arrête à la description des impressions produites par le stimulus, dans des termes dédiés à une modalité sensorielle particulière ou par analogie avec d’autres expériences perceptives, ou qu’il cherche à objectiver sa perception, en mobilisant des connaissances sur les qualités premières de la chose. Ainsi, elles peuvent soit décrire la perception d’une caractéristique physique particulière, que nous appellerons qualité descriptive élémentaire, soit décrire la perception d’une forme plus complexe composée par diverses qualités premières, que nous appellerons qualité descriptive expressive.

En situation, il n'est d'ailleurs pas naturel de les verbaliser car elles sont la plupart du temps dissimulées derrière les percepts écologiques qu’elles supportent, c'est-à-dire les qualités de l'objet qui évaluent les potentiels que ce dernier offre au sujet pour mener à bien l'activité entreprise dans une situation particulière. Un retour réflexif et analytique sur l’expérience peut les révéler à la conscience en acte, c’est-à-dire au sujet actif en contexte, mais leur verbalisation en situation, comme lors de notre expérience, reste régulièrement associée à une qualité évaluative. Elle indique ainsi la nature précise d’une évaluation qui n’est pas explicitement donnée par sa seule forme linguistique. Par exemple pour « j’aime pas ce rangement, il est trop petit », nous sommes en présence de deux propositions, l’une d’ordre purement évaluative et l’autre descriptive. Leur association nous donne deux informations sur la signification profonde de la verbalisation. La première a été codée par l’unité verbale <rangement>/<grand>/<non>, qui sera donc catégorisée comme une quantité descriptive. La seconde fonde une qualité évaluative, codée par la seconde unité verbale, <rangement>/<pratique>/<non>. Cette dernière représente la synthèse sémantique des deux propositions, toujours en relation avec le contexte globale de l'énonciation.

Ex : chaud (tactile), fort (sonore), bleu (visuel)

Verbalisation des qualités évaluatives

La perception de la signification pragmatique prend ici le dessus sur la description de la sensation d’une forme. Les qualités évaluatives, parce qu’elles évaluent l’interaction potentielle entre le sujet percevant et l’objet de sa perception, sont souvent exprimées par des propositions ou des dérivés provenant de verbes, exprimant ainsi l’action de l’objet sur le sujet (stressant, gênant, plaisant…) ou l’action du sujet sur l’objet (cassable, maniable…). Elles peuvent, le cas échéant, être reliées à un synonyme ayant lui-même cette forme.

Ex : brûlant (tactile), gênant (sonore), beau (visuel)

Si l'interaction est le processus d'actions réciproques ou combinées entre deux entités, la perception est intéressée dans la détection de ces potentielles interactions :

• potentialités d'action au travers de l'objet, usage offert au sujet;

• potentialité d'affection du sujet par l'objet en réponse de l'usage ;

• potentialité d'affection de l'objet par le sujet en réponse de l'usage. Les types d'interactions déterminent les types d'attentes correspondantes et donc leur

évaluation directe sous forme de significations situées lors du processus de perception. Ces significations sont des qualités immanentes à l'identification de l'objet dans une situation donnée. Dans tous les cas, il faut assumer les influences conjointes du comportemental, du

77

Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

viscéral et du réflexif (Norman, 2004), dans l’instinct ou le jugement des bénéfices/déficits lié à l’interaction avec le produit. Parmi les qualités évaluatives on peut donc distinguer :

• les qualités d'usage ; Elles évaluent les fonctionnalités offertes par l'objet à son utilisateur en situation; ce

sont celles qui intéressent en particulier les ergonomes.

• les qualités hédoniques ; Elles sont l’expression de l’impact sensible de l’objet sur le sujet. Nous les appelons

ici hédoniques car la majorité des verbalisations relevées se rapporte au plaisir sensoriel, mais dans d’autres études elles mériteraient certainement d’être étendues à la notion plus générale de qualités affectives, incluant la variété des émotions (« ça me fait peur ») et même des affections physiologiques (ex : « je risque de me blesser »)

• les qualités matérielles. Elles évaluent la réponse physique présumée de l'objet aux sollicitations d'usage, aux

contraintes potentiellement imposées par l'activité du sujet. Elles se différencient des qualités descriptives car elles assument un jugement de valeur implicite. Il faut préciser qu’à l’ère industrielle, le réflexif a pris de l’importance dans ce type d’évaluation. Les clients s’appuient en effet de plus en plus sur des schèmes cognitifs tels que l’image de marque d’un produit ou d’un matériau.

Nous avons donc divisé la catégorie des qualités évaluatives en en trois sous-catégories, en discriminant celles qui se rapportaient à la fonctionnalité, au confort sensoriel, et à la fiabilité industrielle du produit, c'est à dire les qualités d’<usage>, <hédoniques>, et <matérielles>.

Verbalisation de la cohérence perceptive

Cette catégorie d'analyse est directement issue des données empiriques mais peut être rapprochée d'un élément du système perceptif : l'ajustement entre expérience et attente perceptive. Nous avons appelé cette catégorie <cohérence perceptive>.

Cette catégorie peut être analysée en cohérence < locale > et cohérence < globale > selon que les attentes mobilisées soient locales, c'est-à-dire issues de l'expérience en cours, ou globales, c'est-à-dire issues de la culture et des expériences passées du sujet. Non majoritaire dans le discours, cette catégorie ne sera pas développée dans ce document mais mériterait qu’on s’y intéresse car elle pourrait être décisive dans l’évaluation globale de la voiture.

Le tableau ci-dessous récapitule la répartition des descripteurs de base selon les différentes catégories d'analyse.

Qualités descriptives Qualités évaluatives Cohérence perceptive Elémentaire Expressive Non précisé Hédonique Matériel Usage Locale Globale grand clair mou haut

doux sobre

bien agréable (modulé par <modalité> : <visuel>, <tactile>, <haptique>, <assise>, <espace>)

qualité fini robuste cossu amorti

Pratique (compression de FonctionnelUtile Facile)

homogène saillant

standard évolué

Table 5. Répartition des descripteurs de base selon les catégories d'analyse

78

Partie 1. Observation en situation – Analyse qualitative

8.4. Conclusion

Il devient important de fixer ici le sens que nous entendons lorsque nous serons amenés à utiliser le terme « évaluation ». Il ne faudra pas confondre notre usage linguistique avec celui qui peut parfois en être fait dans un cadre méthodologique, où la notion d’évaluation est exclusivement liée à la forme des données. Elle correspond alors au fait de donner une valeur quantifiée à une caractéristique quelconque (qu’elle soit de nature objective ou subjective, et dans ce dernier cas, qu’elle soit évaluative ou descriptive). Dans cette thèse, la notion d’évaluation sera par contre liée à la nature psychologique des données. Elle permettra alors de distinguer les données qui expriment un jugement de valeur, à la différence des données de nature descriptive.

A partir d’une observation en situation réaliste, nous avons pu créer une ontologie de terrain, qui répond à nos hypothèses théoriques sur la perception tout en représentant nos données empiriques. En fonction des centres d'intérêt de l'étude, prédéfinis ou émergeant au cours de l'analyse, il sera toujours possible de revenir aux données brutes afin d'affiner ou de redéfinir le principe de codage, ceci pour une analyse de phénomènes particuliers ou une focalisation sur certains aspects spécifiques.

La notion clé et synthétique du phénomène psychologique étudié est l'évaluation des potentiels d'interaction. En effet, l'activité d'exploration ne correspond pas à une situation d'usage en particulier. Elle se voudrait toujours la plus exhaustive possible par rapport aux attentes d’un sujet qui se projette alors successivement dans diverses situations d'usage, tout en réservant une importante partie de son activité intentionnelle à la réception de stimuli, par les opérations, conscientes ou non, de contrôle. L'objectif de ces projections est bien d'évaluer les avantages et désavantages que pourrait présenter le véhicule dans une interaction quotidienne. Les qualités ainsi perçues sont en grande partie de nature évaluative et reflètent les différentes composantes de l'interaction sujet/objet.

Or, dans les démarches psychophysiques, l'évaluation subjective que l'on cherche à objectiver reste souvent de l'ordre de la simple préférence, sans pouvoir contrôler si le sujet va fonder son choix sur des qualités d'usage, affectives ou matérielles. La méthodologie d'analyse sensorielle est, quant à elle, importée de l'agroalimentaire, et c'est presque toujours la dimension hédoniste, c'est-à-dire une qualité d’évaluation révélant le plaisir sensoriel, qui est explicitement ou implicitement visée. Nous pensons qu'avec une expérience d’observation de ce type, il est possible d'identifier précisément quelles sont les qualités qui sont évaluées en situation et ainsi construire des tests perceptifs écologiquement valides, c'est-à-dire utilisant des consignes adaptées, centrant l'évaluation subjective non plus sur une simple préférence mais sur une qualité hédonique, matérielle ou même d’usage, en fonction du stimulus présenté et du contexte étudié.

79

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

9. Analyse quantitative des données qualitatives

Les données ont tout d’abord été analysées de manière globale, afin de pouvoir esquisser quelques tendances dans la dynamique perceptive d’un client en phase d’exploration statique d’un véhicule. Nous focalisons la suite de notre étude sur la planche de bord et l’influence que peut avoir le bruit de tapotement sur la perception.

Tous les facteurs discriminants et différences significatives présentés dans ce document sont observés avec un risque à 5%.

9.1. La dynamique perceptive de l'exploration d'un véhicule statique

9.1.1. Activité globale

L'activité totale d'exploration, incluant les deux véhicules, dure en moyenne 18min 07s pour 181 opérations. Il est possible d’observer des différences significatives, observées pour les facteurs <véhicule>, <sexe> et <nature de l'opération>.

L’exploration du véhicule 1 dure plus longtemps (9 min 35s) que celle du véhicule 2 (8 min 32s) (p=0,042). Ainsi, elle suscite en moyenne plus d’opérations (96) que le véhicule 2 (85) (p=0,038). Ces différences prennent leur source dans la catégorie <usage>. Nous pensons que cette tendance est ici directement dépendante du nombre de rangements dans l'habitacle avant, plus important dans le véhicule 1.

Les hommes explorent plus longtemps (p=0,028) les véhicules (11 min 37 s) que les femmes (7 min 06s). Ainsi, ils produisent en moyenne plus d’opérations (p=0,005) sur chacun des véhicules (113) que les femmes (68).

En moyenne sur chacun des véhicules, les sujets passent plus de temps (p<0,001) à effectuer des opérations de contrôle (5 min 50s) que des opérations d’usage (3 min 10s). Le nombre moyen d’opérations par véhicule de chacune de ces catégories est par contre identique (45).

9.1.2. Discours global

Une différence significative (p=0,006) est observée entre la production de verbalisations des hommes, en moyenne 134 unités verbales, et des femmes, en moyenne 82 unités verbales.

La moyenne sur l’ensemble des sujets est de 112 unités verbales. Cette moyenne sert donc de référence pour la normalisation des nombres d’unités verbales (UVs) et des pourcentages exprimés dans la suite de l’étude.

Une différence significative (p =0,001) est trouvée selon le facteur <véhicule>, avec 62 UVs pour le véhicule 1 et 50 UVs pour le véhicule 2.

La figure 11 représente la répartition moyenne des unités verbales selon la nature des qualités perçues exprimées. On peut y remarquer les qualités d'<évaluation> sont significativement majoritaires.

80

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

72%

15%

13%

Evaluation Description Cohérence

Figure 11. Répartition moyenne des différents types de qualités perçues au sein du discours

d'un sujet

Parmi les verbalisations de nature évaluative, 22% ne communiquent pas le critère utilisé pour le jugement de valeur (ex : « ça, j’aime bien »). Concernant les qualités évaluatives clairement exprimées, les sujets parlent en moyenne, par ordre d'importance décroissant, de qualités d'<usage> (43,8%), de qualités <hédoniques> (36,6%), puis de qualités d'ordre <matériel>(19,6%).

Nous trouvons quelques différences significatives au sein de cette catégorie, selon les facteurs <véhicule> et < sexe>. La différence de volume totale entre les deux véhicules est ainsi du à la différence observée pour les qualités d’<usage> (p<0,001), le véhicule 1 récoltant 19 UVs, contre 14 UVs pour le véhicule 2. Les femmes s’expriment plus (p=0,036) sur les qualités <hédoniques>, avec 15 UVs par véhicule contre 11 UVs pour les hommes. Cette différence est entièrement fondée sur l’esthétique <visuelle> (p=0,002). Ainsi, on peut y observer 10 UVs par véhicule pour les femmes contre 6 pour les hommes. L’esthétique est par ailleurs la qualité <hédonique> significativement majoritaire dans le discours (p<0,001 pour l’ensemble des comparaisons multiples du test de Duncan).

La qualité <matérielle> est la qualité évaluative pour laquelle les sujets entrent le moins dans les détails, et est ainsi le plus souvent exprimée de façon globale (« quincaillerie », « ça va pas dans le sens de la qualité »).

9.1.3. Selon l'espace véhicule

Comme on peut le voir sur la figure 12, l’habitacle intérieur concentre près de la moitié des opérations. Il focalise logiquement la plupart des opérations d'<usage> mais également une part importante des opérations de <contrôle>. L'habitacle concentre près de 70% des qualités évaluatives. Les 3 types d'évaluation y sont bien représentés. L'extérieur du véhicule est presque exclusivement exploré par le <contrôle>, essentiellement par le biais de l'<observation> visuelle. Il est principalement évalué par le biais de la qualité hédonique <esthétique>. Le coffre et le moteur sont logiquement reliés à des qualités d'<usage>. Pour le coffre, ces dernières semblent principalement déduites d’opérations d’<usage>. Par contre, le sujet se contente d’inspecter visuellement le moteur (<contrôle>) pour s’exprimer sur ses qualités d’<usage>.

81

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

Extérieur Intérieur Coffre Moteur

HédoniqueMatérielUsage

Pro

porti

on(%

)

020

4060

80

Extérieur Intérieur Coffre Moteur

ContrôleUsage

Pro

porti

on(%

)

020

4060

80

Figure 12. Répartition de la durée des opérations (en bas) et des unités verbales évaluatives

(en haut) selon leur nature et l’espace véhicule ciblé

82

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

9.1.4. Les modalités sensorielles évoquées

La majorité des unités verbales se rapporte à des qualités synthétiques, c'est-à-dire n'exprimant explicitement aucune modalité sensorielle en particulier. Cela semble plutôt aller dans le sens d'une synthèse a priori des stimuli sensoriels pour une perception globale de l'objet et non une analyse consciente, modalité par modalité.

Les qualités d'évaluation reliées à une seule modalité sensorielle appartiennent à la catégorie d'évaluation <hédonique>, car cette catégorie correspond justement au plaisir procuré par une impression sensorielle particulière. C'est alors la modalité visuelle, exprimée par le biais de l'esthétique, qui s'impose dans le discours global.

Si nous voulons étendre la méthodologie d'objectivation sensorielle aux qualités d'usage ou aux qualités matérielles, il semble que dans l’idéal nous devrions adopter une approche multimodale. Il faudrait alors établir le poids des différentes modalités sensorielles dans l'évaluation subjective pour ensuite relier cette dernière à des descriptions multi-sensorielles du stimulus.

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

4000

Qualités synthétiques Qualité unimodales

Nom

bre

d'un

ités

verb

ales

HaptiqueAuditifAssiseToucherVisuel

Figure 13. Distribution des unités verbales selon la modalité sensorielle évoquée

9.1.5. Profil perceptif des véhicules selon la préférence des sujets

Dans l’hypothèse d’un acte d’achat, les sujets seraient 60 % à choisir le véhicule 1, contre 40% pour le véhicule 2. Sur la figure 14 sont représentés les profils verbaux des véhicules, selon les deux groupes de sujets classés en fonction de leur <choix> du véhicule préféré. L’interaction entre le facteur intra-sujet <vehicule> et le facteur inter-sujet <choix> résulte en des différences significatives sur les tendances verbales de chacunes des catégories évaluatives ( p(usage)<0,001 ; p(materiel)=0,009 ; p(hedonique)<0,001). En analysant l’influence du facteur <choix> indépendament pour chaque véhicule, les différences de tendance sont significatives pour la plupart des catégories d’analyse, exepté pour la qualité <matérielle> du véhicule <V1>, qui n’est pas évaluée différament d’un groupe de préférence à l’autre (p=0,065).

83

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

Usage Matériel Hédonique

V1V2

Tend

ance

ver

bale

-50

5

Usage Matériel Hédonique

V1V2

Tend

ance

ver

bale

-50

5

Figure 14. Portraits verbaux des véhicules selon le <choix> de préférence (<véhicule 1> en haut, <véhicule 2> en bas)

84

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

Il est également possible d’analyser ces qualités perçues à un niveau d’analyse inférieur. Sans entrer dans les détails, nous présentons quelques différences significatives.

Par exemple, dans la catégorie des qualités hédoniques, on observe que la qualité esthétique (<hédonique>*<visuelle>) reste à l'avantage du véhicule 1 quel que soit le choix des sujets (p=0,001), malgré un écart plus réduit pour ceux qui ont choisi la voiture 2. En ce qui concerne les autres types de qualités discriminantes, comme le <confort d'assise> et l'impression d'<espace>, elles sont toujours de valence positive pour le véhicule préféré et négative pour l'autre. Dans la catégorie des qualités matérielles, le jugement de la qualité <globale> est positif pour le véhicule choisi et inversement. La qualité du <matériau> est toujours jugée moins bonne dans le véhicule 1, quelle que soit la préférence finale du sujet (p=0,004) .

Bien sûr, selon les objectifs de l’étude, la base de données offre également la possibilité d’investiguer les qualités évaluatives liées à l’usage.

9.1.6. L’effet de la première impression

Nous avons trouvé une correspondance significative entre le véhicule jugé positivement lors de la première comparaison évaluative et le véhicule finalement choisi par le sujet. Le test du 2χ nous donne en effet une probabilité proche de 0,01 sur l’hypothèse d’indépendance. L’adage de « la première impression est toujours la bonne » semble ici se vérifier. Le tableau de contingence est donné ci-dessous.

<Première

comparaison>

<V1> <V2> Total <V1> 24 7 31

<Choix> <V2> 8 13 21Total 32 20 52

Table 6. Tableau de contingence entre le véhicule choisi par le sujet et celui avantagé par la première comparaison du même sujet

9.2. Le tapotement de planche de bord

Après avoir donné un aperçu des analyses rendues possibles par la base de données recueillies lors de l’observation, il est ici entrepris une analyse spécifique du tapotement de planche de bord et de sa perception par le biais de la dimension sonore.

9.2.1. Objets visés par la dimension auditive

Un nombre limité d'objets suscite une référence verbale à la sonorité. Trois objets se distinguent des autres : la <portière>, la <planche de bord> et les <rangements>, tous trois dans des proportions qui ne sont pas significativement différentes, que ce soit en nombre de sujets ou en nombre d’unités verbales. La planche de bord fait donc bien partie des cibles privilégiées de la dimension auditive. Il est intéressant de remarquer que la portière, que tous les sujets ont forcément manipulée pour entrer dans les véhicules, ne recueille pas plus de verbalisations.

85

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

Portière Poignée.portière Porte.coffre Ceinture Levier.vitesse Planche.bord Boîtes.rangement Boutons

Unités verbalesSujets

010

2030

4050

60

Figure 15. Distribution des unités verbales liées à la dimension auditive et du nombre de sujets les énonçant, en fonction de l’objet visé

On peut légitimement s’interroger sur le fait que certains sujets pourraient être plus sensibles à la dimension sonore et auraient donc produit la majorité de verbalisations s’y rapportant. Cependant, lorsqu’on fait l’examen particulier des données, on se rend compte que les unités verbales indiquées sur la figure 15 ont été produites par 25 sujets différents. Seul 3 sujets sont communs aux groupes ayant verbalisé à propos de la planche de bord et de la portière. De même, seul 2 sujets se sont à la fois exprimé sur le bruit des rangements et sur le bruit de la planche de bord.

9.2.2. Opérations sur la planche de bord

Les espaces de rangement étant traités séparément, la planche de bord suscite exclusivement des opérations appartenant à la catégorie du contrôle : <observer>, <toucher> et <tapoter>. Comme on peut l’observer sur la figure 16, l’opération de tapotement de la planche de bord n'est pas anecdotique. Nous dénombrons que 20 % des sujets ont au moins tapoté une fois la planche de bord du véhicule 2 et observons même jusqu’à 27 % pour le véhicule 1. Ces proportions sont comparables à celles des sujets n'ayant ni touché, ni tapoté. La majorité des sujets s'est arrêtée au <toucher> de la planche de bord. Ceux qui ont tapoté la voiture 1 n'ont pas forcément tapoté la voiture 2, et inversement. Ainsi, sur 52 sujets, un total de 19, soit près de 36% des sujets, a tapoté sur l'un ou l'autre des véhicules, alors que seuls 6 sujets, soit 12%, ont tapoté les deux véhicules.

Observe Observe.Touche Observe.Touche.Tapote

V1V2

010

2030

4050

60

Figure 16. Distribution des sujets selon les opérations de contrôle sur la planche de bord de chacun des véhicules

86

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

La figure 17 nous indique que le tapotement est plus longuement opéré sur les zones

du côté conducteur ou du centre de la planche de bord, certainement du fait que le sujet s’installe le plus souvent à la place du conducteur.

9 sujets50 s

7 sujets39 s

5 sujets20 s

Zone conducteur Centre Zone passager

Figure 17. Répartition du temps de tapotement selon les zones de planche de bord

9.2.3. Qualités perçues de la planche de bord

Les sujets ont en moyenne énoncé 6,1 unités verbales sur la planche de bord de chacun des véhicules. Comme dans le cas du véhicule considéré globalement, on s'aperçoit que ce sont les qualités d'évaluation qui sont les plus utilisées pour qualifier la planche de bord, dans une proportion significativement différente (p=0,000) des deux autres natures de qualité.

Les qualités matérielles y sont majoritaires (2,8 UVs), devant le nombre de qualités hédoniques (1,5 UVs). Le nombre de qualité d'usage est quasi nul (0,1 UVs), ce qui semble logique du fait que les boîtes de rangements ont été traitées séparément. Cependant, quelques sujets ont tout de même énoncé un intérêt pour le rangement de papiers sur le corps de planche, ce qui explique que ce ne soit pas strictement nul.

Les qualités matérielles attribuées à la planche de bord sont principalement évaluées par le biais de la dimension visuelle, par les descripteurs « cossu » ou « fini ». Sur ce point les deux véhicules ne se démarquent pas. Par contre la différence d'évaluation matérielle, toujours révélée par le biais de la tendance verbale associée, se révèle significative pour l'ensemble des sujets entre les deux véhicules lorsque que l’on s’intéresse spécifiquement à l’aspect <matériau> (p=0,002). Le matériau du véhicule 1 est jugé de moins bonne qualité (-1,7) que celui du véhicule 2 (0,2). Il est ici possible que la dimension auditive ait joué un rôle.

Ce n’est probablement pas le cas pour les qualité évaluatives, qui sont principalement liées à la modalité visuelle, et dans un second ordre, à la dimension tactile.

9.2.4. Qualités perçues de la planche de bord liées à la dimension auditive

Lorsqu’on étudie spécifiquement les verbalisations explicitement liées à la dimension auditive, on s’aperçoit que la catégorie évaluative est uniquement représentée par la qualité matérielle. Cette dernière est évoquée soit de manière non précisée dans le discours (« Au bruit, ça fait vraiment plastoque ! ») et regroupée sous le descripteur <De qualité>, soit par

87

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

des unités verbales révélant la bruyance potentielle du matériau, (« Ca va faire des drôles de bruit en roulant, ce plastique. » ; « On entend qu’ils ont oublié de mettre du caoutchouc, c’est pas terrible ça ») et regroupées sous le descripteur <Traitement acoustique>. On s’aperçoit bien que c’est l’aspect <matériau> qui est toujours visé, à quelques incertitudes sémantiques près : « Ca fait pas qualité le bruit ».

Les deux autres qualités identifiées appartiennent à la catégorie descriptive et elles atteignent donc des caractéristiques physiques de la planche de bord : son caractère creux et mou.

Evaluation Description

0

5

10

15

20

25

Mauvaise qualité Mal traitéacoustiquement

Creux Dur

Uni

tés

Ver

bale

s

Figure 18. Distribution du nombre d'unités verbales selon les descripteurs de la planche de

bord associés à la dimension auditive

9.2.5. Lien entre opération et évaluation

Nous avons voulu savoir si l’opération de tapotement, qui rend le bruit accessible au client, avait une influence sur la qualité évaluative principalement associée à la planche de bord, à savoir la qualité matérielle du matériau.

La figure 19 représente la tendance verbale de la catégorie <évaluation> du <matériau>, en fonction des différents groupes de comportement et pour chacune des voitures. Sur le véhicule 1, la qualité perçue du matériau de planche de bord subit un effet significatif de la variable <comportement> (p=0,02). Les sujets ayant tapoté la planche de bord ont un jugement très dégradé par rapport à ceux ne l’ayant qu’observée (p=0,006). Sur le véhicule 2, l'évaluation ne se dégrade pas de manière significative. L'opération de tapotement est discriminante car elle accentue la différence d'évaluation, qui devient très significative entre les deux véhicules (p<0,01).Ainsi le groupe ayant tapoté la planche de bord du véhicule 1 émet un jugement qui se différencie significativement à la fois des autres groupes de comportement et de l'autre véhicule. L'opération de tapotement est donc discriminante car elle dégrade significativement l’évaluation sur un des véhicules et fait émerger une différence d'évaluation significative entre les deux véhicules.

88

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

Observer Observer+Toucher Observer+Toucher+Tapoter

V1V2

Tend

ance

ver

bale

-4-2

02

4

Figure 19. Evaluation de la Qualité Perçue (QP) du matériau de planche de bord de chaque véhicule selon trois groupes de comportement

Interprétation

Il est ici difficile de réellement rendre compte de l'influence absolue de la sonorité. Les sujets ont eu un comportement différent selon le véhicule, tapotant plus sur le véhicule 1. Cela suggère que la dynamique de l'exploration les a particulièrement conduits à l'opération de tapotement dans ce véhicule, où la qualité du matériau est par ailleurs moins bien jugée. Il est donc possible que certains sujets aient voulu ajuster une image perceptive fondée sur le visuel et le toucher, qui était déjà négative et qui n'a en fait pas évolué avec la dimension auditive, cette dernière venant simplement confirmer leurs soupçons. La différence de valeur attribuée à la tendance proviendrait alors du fait que ceux qui vont jusqu'à tapoter volontairement sont déjà les sujets les plus critiques sur cet aspect particulier de la qualité matérielle de la planche de bord. Pourtant, sur l’autre véhicule, le groupe sujet ayant tapoté n’est pas aussi négatif. La différence d’évaluation ne peut donc pas provenir exclusivement d’une différence de sensibilité des sujets, la réalité matérielle accessible par les sens a son rôle à jouer.

On peut ainsi envisager que l'accès à la dimension auditive apporte de nouvelles informations locales aggravant le jugement des sujets. Dans ce cas, les sujets ayant tapoté, sans appréhension particulière sur la qualité, ont eu accès aux stimuli nécessaires à l'évaluation globale de la qualité du matériau, multimodale et synthétique, et ont corrigé l'image perceptive initialement construite à partir des données sensorielles issues de la vision et du toucher.

Finalement, ces deux facteurs, sensibilité du sujet et informations sensorielles, cohabitent dans notre modèle théorique de la dynamique perceptive. Cette dernière permet la construction d’une image perceptive, a priori projetée par le sujet mais continuellement ajustée, par sa confirmation ou sa correction, grâce à l'intégration de nouvelles données sensorielles.

89

Partie 1. Observation en situation – Analyse quantitative

9.2.6. Synthèse

L'étude nous donne des résultats satisfaisants, dans la mesure où nous avons pu vérifier la pertinence écologique de notre objet d'étude, le tapotement de planche de bord, et même identifier dans la construction de quelle qualité perçue il prenait part : la qualité du matériau.

Tout d'abord, il est maintenant avéré qu'en situation, une part non-négligeable de sujets produit spontanément l'opération de tapotement, jusqu'alors juste repérée par des observations de la Direction de la Qualité Perçue de Renault.

Nous avons également pu vérifier que la dimension sonore était particulièrement bien représentée dans les verbalisations sur la planche de bord, qui est du même coup un des éléments du véhicule les plus décrits en association à sa sonorité. Cela valide notre intérêt pour l'aspect sonore résultant du tapotement.

Ensuite, il a été possible d'identifier la nature des qualités effectivement perçues par le biais de la dimension auditive, à savoir la qualité matérielle du matériau de planche de bord.

Enfin, nous avons pu identifier sur un véhicule un lien manifeste entre l'opération de tapotement et la valeur du jugement associée à la qualité du matériau de planche de bord

Cela nous permet de suggérer que la sonorité apporte bien dans certains cas de nouvelles informations sur la qualité du matériau, sans pouvoir toutefois déterminer ni la nature de son influence, la confirmation ou la correction de l'image perceptive, ni son influence relative par rapport aux autres modalités toujours explorées avant la sonorité, à savoir l'aspect visuel et le toucher de la planche de bord.

90

10. Conclusion

Nous avons réalisé une observation en situation réaliste nous permettant de récolter une quantité abondante de données sur la dynamique perceptive à l’œuvre lors de l'exploration statique d'un véhicule. Par l'étude des conditions subjectives de cette activité et de la prise de décision qui en résulte, notre méthodologie a permis de relever des données écologiquement valides autorisant des traitements et des interprétations sur divers aspects du comportement client. Outre un aperçu global du comportement du client, il est possible d’affiner l’analyse de phénomènes perceptifs particuliers, en fonction de centres d'intérêt particuliers issus d’hypothèses préalables ou suggérés par les données elles-mêmes. Dans le cas présent, nous nous sommes focalisés sur le tapotement de planche de bord, dont l'impact sur la perception était pressenti mais non démontré.

L'étude entreprise a atteint son objectif principal, à savoir valider l'intérêt pour un constructeur automobile de travailler à une maîtrise des bruits issus du tapotement de planche de bord. En effet, nous avons pu vérifier que lors de l'exploration statique de véhicule, un nombre important de sujets effectue spontanément l'opération de tapotement. L'occurrence de ce phénomène chez un concessionnaire ou en show-room semble donc inévitable.

Ensuite, nous avons pu identifier la nature de la qualité perçue au travers de la sonorité de la planche de bord : la qualité du matériau de planche de bord. Ce n'est pas le plaisir sonore qui entre en jeu dans la perception mais bien l'évaluation matérielle, bien que subjective, de la fiabilité du matériau constituant la planche de bord.

Cette qualité est, par ailleurs, perceptible par la synthèse de plusieurs modalités sensorielles [visuel, tactile, auditif] correspondant aux opérations successives [observer, toucher, tapoter]. Nous avons pu déterminer qu'au sein de cette dynamique perceptive, la modalité sonore pouvait avoir un effet significatif, en dégradant l'évaluation de la planche de bord.

En évitant de centrer notre observation sur le phénomène de tapotement, nous avons donc simulé une activité écologiquement valide qui nous renseigne sur des tendances globales et sur la pertinence de notre phénomène en situation naturelle. Mais cette démarche restreint du même coup le volume de données spécifiquement liées à notre objet d'étude et laisse ainsi quelques zones d'ombre. Ainsi, nous n'avons pu déterminer avec certitude l'impact réel de la sonorité par rapport aux autres modalités sensorielles.

91

92

Partie 2

Expérience subjective basée sur la catégorisation pour une étude perceptive des bruits de tapotement

Cette phase fait office d’étape préliminaire à la démarche d’objectivation acoustique de la perception sonore. Elle doit permettre de nous orienter vers les caractéristiques sonores déterminantes pour la perception des bruits étudiés, provenant dans notre cas de tapotements de planche de bord, et nous permettre d’identifier plus spécifiquement la nature de celles qui influent sur l’évaluation subjective de la source, ici le jugement de la qualité matérielle de la planche de bord.

Perception de bas-niveauIntégration des

données sensorielles(« fort », « aigu »,

« étouffé »…)

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situation

2. Étude de l’espace perceptif des stimuliTest en laboratoire

Qualités sonores perçues déterminantes pour l’évaluation subjective

Perception de bas-niveauIntégration des

données sensorielles(« fort », « aigu »,

« étouffé »…)

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situation

2. Étude de l’espace perceptif des stimuliTest en laboratoire

Qualités sonores perçues déterminantes pour l’évaluation subjective

Figure 20. Objectif de la Partie 2 dans le système à résoudre

Nous en profitons pour expérimenter une méthodologie globale, basée sur la catégorisation perceptive, qui permet d’analyser le lien entre l’espace perceptif des stimuli (perception de base), et l’évaluation des bruits en contexte (perception en situation). Après avoir exposé les méthodologies de recueil et de traitement des données, nous les appliquons sur un ensemble de 47 sons enregistrés sur véhicule.

Le recueil de toutes les données perceptives (similarité/description/évaluation) s’effectue par un seul test en laboratoire sur des sujets naïfs par le biais d’une classification, de verbalisations libres, et de l’évaluation d’un son typique pour chaque classe formée par le sujet. Nous procédons alors à une analyse descriptive des données en déterminant les classes perceptives moyennes, le profil verbal des sons et des classes, ainsi que les évaluations moyennes des sons et des classes. Pour finir, nous construisons un espace perceptif synthétisant graphiquement l’ensemble des données. Nous constituons ainsi un outil qui, par l’interprétation croisée des distances perçues, des qualités sonores descriptives et de

93

l’évaluation moyenne des sons, permettra d’orienter la suite de la démarche de conception centrée sur la perception sonore. Les étapes principales de l’étude sont schématisées dans la figure 21.

Recueil des données

(Chapitre 13)

Analyse descriptive

(Chapitre 14)

Espace perceptif

(Chapitre 15)

ÉchantillonnageEnregistrements de sons sur des planches de bord de

véhicules réels

Réduction du nombre d’échantillonsÉpreuve préliminaire de classification sur similarité sonore

Test perceptif sur sujets naïfs1. Distance perçue, par classification sur similarité sonore2. Qualités descriptives sonores, par verbalisations libres3. Qualité Perçue évoquée, par évaluation du son typique

de chaque classe

Classification perceptive Classification Ascendante Hiérarchique sur la matrice

moyenne des distances perçues et détermination des classes perceptives moyennes

Évaluation subjectiveMoyennes des évaluations pour les sons et les classes

perceptives

Description verbaleAnalyse sémantique et création de profils verbaux pour les

sons et les classes perceptives

Représentation des distances perçuesPositionnement multidimensionnel (MDS) des sons sur un

nombre réduit de dimensions

Projection des qualités sonores descriptivesRégression des tendances verbales sur les plans de l’espace

et représentation vectorielle

Projection de la Qualité PerçueRégression des évaluations moyennes sur les plans de

l’espace et représentation par courbes d’iso-appréciation

Recueil des données

(Chapitre 13)

Analyse descriptive

(Chapitre 14)

Espace perceptif

(Chapitre 15)

ÉchantillonnageEnregistrements de sons sur des planches de bord de

véhicules réels

Réduction du nombre d’échantillonsÉpreuve préliminaire de classification sur similarité sonore

Test perceptif sur sujets naïfs1. Distance perçue, par classification sur similarité sonore2. Qualités descriptives sonores, par verbalisations libres3. Qualité Perçue évoquée, par évaluation du son typique

de chaque classe

Classification perceptive Classification Ascendante Hiérarchique sur la matrice

moyenne des distances perçues et détermination des classes perceptives moyennes

Évaluation subjectiveMoyennes des évaluations pour les sons et les classes

perceptives

Description verbaleAnalyse sémantique et création de profils verbaux pour les

sons et les classes perceptives

Représentation des distances perçuesPositionnement multidimensionnel (MDS) des sons sur un

nombre réduit de dimensions

Projection des qualités sonores descriptivesRégression des tendances verbales sur les plans de l’espace

et représentation vectorielle

Projection de la Qualité PerçueRégression des évaluations moyennes sur les plans de

l’espace et représentation par courbes d’iso-appréciation Figure 21. Etapes principales de l’étude perceptive

94

Partie 2. Etude perceptive – Méthodologies existantes

11. Méthodologies pour la construction d’espaces

perceptifs

Différentes méthodologies de test cherchent à obtenir des données leur permettant de construire un espace perceptif. Elles proviennent du champ de l’analyse sensorielle, de la psychophysique, des sciences cognitives ou même du marketing. Malgré les spécificités de chaque domaine scientifique, elles ont ici le même objectif. Elles cherchent toutes à représenter les différences perçues entre différents stimuli et à interpréter les dimensions qui fondent ces différences. Il n’est donc pas étonnant qu’une solution développée plus spécifiquement dans un des domaines se trouve réutilisée, voir réinterprétée dans un des autres. Nous proposons d’exposer dans ce chapitre les principales stratégies de test en laboratoire aujourd’hui utilisées. En complément, quelques exemples sont donnés, quand cela est possible reliés au domaine sonore. Nous distinguons ici les épreuves selon la nature psychologique des données qu’elles récoltent, selon qu’elles visent des qualités descriptives précises, la similarité perçue entre deux stimuli ou l’évaluation subjective des objets perçus.

Une fois encore (cf. Partie 1, 8.4) , rappelons que dans cette thèse, notre utilisation du terme « évaluation » subjective a un cadre psychologique et se réfère au jugement de valeur. Elle se distingue donc du langage purement méthodologique, qui désigne par « évaluation » le protocole consistant à recueillir une donnée subjective quantifiée, avec ou sans jugement de valeur.

11.1. Épreuves descriptives

Les méthodologies que nous classons dans cette catégorie construisent l’espace perceptif à partir d’un ensemble de dimensions appelées descripteurs sémantiques ou sensoriels. A partir de l’évaluation des objets suivant ces dimensions perçues, elles cherchent à réduire le nombre de dimensions à celles expliquant le mieux les différences perçues entre les objets. Si la plupart de ces épreuves utilisent des descripteurs prédéfinis, il est également possible de laisser la liberté aux sujets de décrire librement les objets, pour procéder ensuite à une analyse des verbalisations.

11.1.1. Échelles catégorielles

Une des principales techniques de cotation subjective sur échelle catégorielle est le différentiel sémantique. Cette technique est souvent citée en référence à C. Osgood (1957). Celui-ci propose de faire évaluer la signification attribuée des objets sur une série d’échelles bornées par des adjectifs antithétiques (ex : fort/faible, triste/joyeux etc…). Ces échelles présentent des grades sémantiques, de cinq ou sept verbatims. Il est également possible de ne se référer qu’à un seul adjectif et d’évaluer son intensité perçue, toujours sur des échelles à cinq points (très, beaucoup, moyennement, peu, très peu) ou à sept points. On parle dans ce cas d’échelle de Likert. Dans les deux cas, il est alors possible de procéder à une analyse factorielle afin d’identifier les facteurs principaux impliqués dans la variance des données.

Dans le domaine de la perception sonore, nous pouvons prendre l’exemple de Bjork (1983, cité par Bézat, 2008), qui utilise le différentiel sémantique sur des bruits de différentes natures provenant de l’environnement et qui réduit vingt-quatre couples sémantiques à cinq facteurs principaux.

95

Partie 2. Etude perceptive – Méthodologies existantes

11.1.2. Échelles continues

Il est possible d’utiliser des échelles continues pour les épreuves descriptives. La procédure est globalement la même que pour les échelles catégorielles. On fait évaluer un ensemble de descripteurs prédéfinis, mais du fait de la nature des données, on procède plutôt à une Analyse en Composantes Principales. Le principe est, là encore, identique : réduire le nombre initial de descripteurs à un nombre réduit de composantes principales expliquant au mieux la variance des données. Pour chaque composante, il est possible d’identifier la contribution des différents descripteurs. De même, la contribution de chaque composante à chacun des objets est déterminée et constitue la coordonnée de l’objet sur cette dimension synthétique. Il est alors possible de représenter les objets dans différents plans et d’y projeter les descripteurs originels sous forme de vecteurs explicatifs.

On trouve de nombreux exemples de l’utilisation d’un tel protocole dans des études psychoacoustiques dans les transports, bien que les auteurs, tels que R. Bisping (1997) ou A. Sköld et al. (2005), mélangent souvent dans un même test des qualités sonores de type évaluatives (plaisant, qualité) avec des qualités purement descriptives (niveau perçu, contenu tonal).

11.1.3. Profil sensoriel

Pour l’élaboration de profils sensoriels, l’analyse sensorielle se base en grande partie sur ce principe d’évaluation de descripteurs prédéfinis sur des échelles continues. La spécificité est ici l’utilisation d’experts sensoriels, spécialement et longuement entraînés pour faire office d’instrument de mesure humain répétable et reproductible. Sur un groupe de produits, ils sont chargés de l’évaluation de descripteurs ici appelés « sensoriels ». C’est l’épreuve descriptive, standardisée car souvent employée en industrie, principalement agroalimentaire. Par ailleurs, l’analyse sensorielle récolte toujours le score de préférence, recueilli auprès d’un échantillon de population représentatif de la clientèle cible, dans une épreuve dite « hédonique ». La projection des données de préférence sur l’espace perceptif créé à partir de l’épreuve descriptive est appelée cartographie externe des préférences (Schlich, 1992).

Ce n’est que récemment que les techniques de l’analyse sensorielle, nées avec l’agroalimentaire, ont étendu leur domaine au-delà de la dimension gustative. Dans la communauté des acousticiens, G. V. Civille et J. Seltsam (2003) ont proposé de les appliquer au domaine de la qualité sonore. Auparavant, A. Bardot et al. (2002) avaient déjà utilisé l’analyse sensorielle pour des bruits enregistrés dans des habitacles automobiles en condition de roulage. D.L. Bowen et R.H. Lyon (2005) ont introduit le profil sensoriel acoustique (ASP : Acoustic Sensory Profile) en l’illustrant par une étude sur les bruits d’aspirateurs. Dans le domaine des bruits d’impact, M.C. Bézat (2007) a procédé à l’analyse sensorielle de bruits de fermetures de porte. Au final, il reste que peu d’études d’analyse sensorielle ont été conduites dans le domaine sonore en comparaison aux autres modalités sensorielles. Ainsi, s’il existe aujourd’hui des banques de descripteurs standardisés pour ces dernières, il n’en existe pas encore pour le son. Les études citées ont donc construit leur propre corpus de descripteurs.

Il est ainsi intéressant d’expliquer l’origine des descripteurs sensoriels. Une des solutions employées est la réunion d’un groupe de sujets exerçant un métier lié à la dimension sensorielle étudiée. Une ou plusieurs séances conduisent à la proposition d’une liste de descripteurs adaptés à l’espace des stimuli spécifiquement étudiés. Il est alors possible de commencer la formation d’un panel d’experts sur cette liste de descripteurs. Pour des études

96

Partie 2. Etude perceptive – Méthodologies existantes

bien spécifiques et exploratoires, une solution plus récente propose une simplification pratique de l’épreuve descriptive de l’analyse sensorielle. Dans la méthode du Profil Flash (Sieffermann, 2000, Dairou et Sieffermann, 2002), il n’y a pas de séance d’entraînement à l’expertise sensorielle. Les sujets ayant participé à l’élaboration des descripteurs procèdent à leur évaluation, ne choisissant que ceux qu’ils trouvent pertinents. Seuls les descripteurs pour lesquels les pseudo-experts sont consensuels sont conservés pour la construction de l’espace sensoriel.

11.1.4. Verbatims

Des données linguistiques peuvent parfois servir de base à la construction d’espace décrivant les différences entre plusieurs objets. Soit on relève l’occurrence de certains mots associés aux objets de l’étude dans diverses sources écrites, soit des sujets sont incités à s’exprimer librement sur divers objets. Il s’agit en général d’analyser au préalable les verbatims afin de créer des catégories sémantiques. On compte ensuite l’occurrence de termes de chaque catégorie pour chaque objet. Il est alors possible de procéder au même type d’analyse que sur les données d’autres épreuves descriptives, à savoir une analyse factorielle ou en composantes principales, pour une représentation des objets dans un nombre réduit de dimensions. Cette méthode est utilisée dans divers domaines des sciences humaines. On citera comme exemple la représentation langagière lors de la description d’itinéraires, présentée sous la forme d’ un espace linguistique par M. Wolf et W. Visser (2005).

Pour des applications plus proches de notre domaine, certains chercheurs proposent d’utiliser les verbalisations pour des démarches d’analyse sensorielle entièrement basées sur le consommateur. Dans une étude sur des mayonnaises, F. Kleij et P.A.D. Muster (2001) comparent un profil sensoriel obtenu par un panel expert et un profil perceptif obtenu par analyse des verbalisations de consommateurs. Pointant la difficulté et la subjectivité de l’analyse sémantique, ils parviennent cependant à des espaces très similaires. Ils soulignent par ailleurs que l’avantage de la méthode est de pouvoir interpréter l’espace avec des mots qui appartiennent au langage des consommateurs.

11.2. Epreuves de similarité

Dans cette catégorie, les espaces perceptifs sont construits à partir de données sur la similarité perçue entre les objets. La similarité est ici une notion globale, c’est-à-dire non reliée à des caractéristiques particulières. Il s’agit de quantifier à quel point les différents objets sont différents les uns des autres, de traduire ces valeurs en distances perçues, et de chercher à représenter au mieux ces dernières dans un espace géométrique. Dans ce cas, des épreuves descriptives complémentaires sont exploitées afin d’interpréter a posteriori les dimensions de l’espace perceptif.

11.2.1. Comparaison par paire

La psychologie aborde régulièrement la perception en termes de similarité (Sloman et Rips, 1998). Dans les tests perceptifs qui exploitent ce processus, des sujets naïfs sont chargés d’évaluer la différence perçue entre chaque paire de stimuli, sans la relier à un descripteur particulier.

Par une transformation des données par paire, on peut obtenir une matrice de dissimilarités entre objets perçus, qui peut alors être représentée dans un espace multidimensionnel grâce à une technique de positionnement multidimmensionnel (Cox et Cox, 1994). Le problème rencontré alors est que, pour un même sujet, on n’a pas forcément

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Partie 2. Etude perceptive – Méthodologies existantes

de structure monodimensionnelle dans les données originales (Parizet, 2004). La transformation peut donc faire perdre de l’information. Une solution serait de faire évaluer chaque paire plusieurs fois par chaque sujet, afin d’opérer ensuite des traitements statistiques. Cependant, cette solution alourdit une technique de recueil déjà coûteuse en temps.

Cette technique a toutefois été reprise par la psychoacoustique. Cette dernière s’est, par exemple, trouvée confrontée à la complexité d’un attribut particulier, le timbre, qui ne peut se définir comme une simple transduction d’une caractéristique acoustique élémentaire. Afin de pouvoir approcher cet attribut par des critères sonores connus (sonie, acuité, centre de gravité spectrale…), il fallait identifier les qualités descriptives perceptivement discriminantes. La psychoacoustique a compris que l’épreuve de similarité de comparaison par paire pouvait l’aider à déceler ces dernières, par l’interprétation de l’espace multidimensionnel obtenu. A. Minard et al. (2008) proposent notamment une revue de différents espaces perceptifs obtenus par diverses études utilisant cette approche pour des sons environnementaux. Cette technique est souvent utilisée dans les études de qualité sonore des objets industriels, comme celle exposé dans l’article de P. Susini et al. (2004), qui procèdent à la construction et l’analuyse de l’espace perceptif des bruits d’air conditionnés en vue de l’identification de métriques sonores pouvant objectiver la perception du client.

L’identification des qualités descriptives qui différencie les stimuli s’opère alors souvent par l’interprétation empirique des axes de l’espace perceptif mais peut parfois mettre à profit une épreuve descriptive annexe afin d’émettre des hypothèses basées sur la perception des sujets. Sur un ensemble de bruits de portières, E. Parizet et al. (2006) utilisent les verbalisations libres des les sujets. Dans une étude sur la perception des voitures, J.F. Petiot et S. Grognet (2002) complètent la comparaison par paire par une évaluation continue sur une liste de descripteurs sémantiques prédéfinis. L’espace perceptif de base est construit grâce aux données de similarités et devient interprétable par la projection des descripteurs sémantiques sous forme de vecteurs. Afin d’obtenir un espace perceptif complet, liant similarité, description et évaluation subjective, il y est également proposé une méthode de projection des données d’un test de préférence hédonique.

Nous ne l’avons pas développée dans ce manuscrit, mais il faut par ailleurs remarquer que la méthode de recueil de comparaison par paire peut également être utilisée pour des épreuves descriptives, lorsque la tâche est orientée sur la différence perçue pour un attribut spécifique des objets. Cependant, pour la construction d’espace perceptif, on cherche à représenter la perception globale des objets, déterminée par diverses dimensions descriptives. Il faudrait donc faire un test de comparaison par paire pour chacun des descripteurs préalablement choisis. La combinatoire fait vite exploser le nombre de paires à évaluer et cette approche est donc peu conseillée pour l’étude d’un espace perceptif.

11.2.2. Classement

Un des aspects fondamentaux de la perception, la catégorisation (Harnard, 2005), est de plus en plus régulièrement exploité dans l’objectif de représenter l’espace d’objets perçus. Nous reviendrons plus tard sur les nuances à considérer selon les objectifs de recherche propres à chaque étude, que l’on s’intéresse à l’organisation perceptive structurée par les connaissances et concepts (distance sémantique) ou structurée par les formes sensorielles (distance sensorielle). Mais ce qui nous intéresse en premier lieu est la possibilité de représenter les données d’une épreuve de classement dans un espace multidimensionnel.

Dans le contexte global de la conception centrée sur l’homme, on citera le travail de J.F. Petiot et B. Yannou (2003), dans lequel un espace perceptif de différents verres de table est construit grâce à une épreuve de classement, complétée par une épreuve descriptive sur

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Partie 2. Etude perceptive – Méthodologies existantes

échelle de Likert. P. Faye et al. (2006) proposent également une épreuve de classement, cette fois accompagnée d’un recueil de verbalisations libres, comme alternative à l’épreuve descriptive traditionnellement utilisée pour la cartographie des préférence. Le livre de A. Giboreau (2007) sur le Marketing Sensoriel identifie même le « tri libre » comme une des techniques de l’analyse sensorielle. Il y est ainsi relaté le travail de Nestlé sur des céréales (N. Martin dans Giboreau, 2007).

Le principal attrait de cette méthode est son économie pratique puisqu’il n’est dès lors plus nécessaire d’évaluer indépendamment chaque descripteur pour chaque stimulus ou la différence entre chaque paire de stimuli. Chaque sujet construit des groupes de stimuli sur la base de leur similarité. Le nombre de fois où deux stimuli ont été classés dans le même groupe représente alors leur degré de similitude. Une matrice carrée de similitude entre sons est transformée en matrice de dissimilarités, qui possède les mêmes propriétés qu’une matrice de distance. Il est alors possible d’effectuer la construction d’un espace perceptif par le biais d’une technique MDS.

11.3. Épreuves d’évaluation subjective

La plupart des méthodologies présentées ci-dessus sont souvent exploitées dans les démarches de design sensoriel, où le but est de relier les qualités descriptives du stimulus au jugement de valeur ou préférence du sujet ou du client. En général, un second test en laboratoire est donc mis en œuvre afin de récolter des données sur l’évaluation subjective des stimuli, que ce soit la préférence, la gêne ou encore l’agréabilité, et le relier a posteriori à l’espace perceptif. Cependant, il est également possible d’utiliser directement les données d’évaluation subjective pour la construction d’un espace perceptif. Les techniques de recueil utilisées empruntent aux différents types d’épreuves décrites ci-dessus.

11.3.1. Échelle continue

Avec une évaluation subjective sur échelle continue, il est possible de considérer chaque sujet comme une variable explicative des stimuli. Les différents scores de préférence attribués aux stimuli constituent alors les différentes valeurs que prend cette variable pour les différents stimuli. Une ACP permet ensuite de déterminer le nombre de dimensions nécessaires à une représentation suffisante de la variance. On obtient alors bien un espace multidimensionnel dans lequel les stimuli possèdent des coordonnées. Dans le domaine de l’analyse sensorielle, c’est une stratégie méthodologique standardisée et appelée cartographie interne des préférences. A l’inverse de la cartographie externe, les données descriptives sont projetées a posteriori sur cet espace (Schlich, 1992).

11.3.2. Échelle catégorielle

C. Osgood (1957) définit différentes natures de couples sémantiques utilisés dans le différentiel sémantique. Il identifie notamment l’ "évaluation », composée des termes opposés de type mauvais/bon. Cette dernière catégorie désigne donc les adjectifs exprimant l’évaluation subjective, au sens de jugement de valeur, de l’objet considéré. Ainsi, si la plupart des études ne traitent pas indépendamment les couples de différentes natures, il serait cependant avantageux de faire la part des choses. Il serait par exemple possible de n’utiliser dans un premier temps que les données du couple « évaluation » afin de construire l’espace perceptif. Les autres couples sémantiques de nature clairement descriptive serviraient de variables supplémentaires et l’approche serait alors semblable à celle de la cartographie interne des préférences.

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Partie 2. Etude perceptive – Méthodologies existantes

11.3.3. Comparaison par paire

Si l’épreuve de similarité est non plus centrée sur la similarité formelle des stimuli mais sur une notion valuée, comme la gêne, nous sommes bien en présence d’une épreuve d’évaluation subjective. L’espace perceptif peut une fois encore s’obtenir par un traitement MDS, bien qu’il faille au préalable transformer les valeurs par paire en valeurs par stimulus pour chacun des sujets. (cf 11.2.1, Parizet, 2004).

11.4. Application aux bruits de tapotement de planche de bord

Il paraît utile de citer ici l’étude annexe de M.C. Bézat (2007) sur les bruits d’impacts de planche de bord et de panneau de porte. Pour créer l’espace perceptif des sons, elle a choisi d’utiliser les techniques classiques de l’analyse sensorielle. Elle doit donc procéder à deux tests différents : une épreuve hédonique, pour récolter des scores d’évaluation subjective, et une épreuve descriptive, afin de créer des profils sensoriels.

Pour l’épreuve hédonique, 70 sujets ont évalué la qualité évoquée par les sons, sur une échelle continue allant de 0 (très mauvaise qualité) à 10 (très bonne qualité). La méthode employée est monadique, les sons étant évalués un par un, présentés dans un ordre aléatoire de type carré latin. Son corpus est constitué de 31 bruits. Le temps nécessaire à cette épreuve n’est pas indiqué dans la thèse.

Pour l’épreuve descriptive, l’analyse est effectuée sur 20 bruits sélectionnés après des écoutes parmi les 31, dans un souci de représentativité de l’ensemble des sons. Le panel est constitué de 9 juges de sexe féminin. Pour mener à bien l’analyse, chaque juge a participé à 8 séances de 2 h. Le protocole se divise en 4 phases : l’apprentissage sémantique, pendant lequel une liste de descripteurs est établie ; l’apprentissage sensoriel, destiné à améliorer l’acuité sensorielle des sujets pour ces descripteurs ; l’apprentissage métrique, consistant à se familiariser avec l’échelle de notation ; et enfin l’évaluation sensorielle des 20 sons sélectionnés.

Finalement deux espaces perceptifs sont construits. Le premier est un espace perceptif de base, établi à partir d’une ACP sur les propriétés sensorielles suivantes : Hauteur, Détonant, Proximité, Attaquant, Intensité, Longueur de toc et Résonant. Le second est un espace perceptif complet, sous forme de cartographie interne des préférences, donc établi à partir d’une ACP sur les évaluations subjectives, sur laquelle sont projetées les propriétés analytiques. M-C. Bézat conclut ainsi que l’évaluation de la qualité est déterminée par la perception de 3 propriétés sensorielles : Hauteur, Attaquant et Détonant. Dans la suite de l’étude elle cherche donc à objectiver ces qualités sonores descriptives.

11.5. Synthèse

Tout est histoire de compromis. Si l’analyse sensorielle se doit de décrire précisément les objets par des descripteurs, c’est qu’elle les utilise comme des métriques dans des modèles de prédiction des préférences. Le panel est l’instrument de mesure, utilisé pour contrôler les produits et évaluer les prototypes. Cependant, la précision a un prix, et les protocoles classiques de l’analyse sensorielle sont particulièrement gourmands en temps.

Lorsque le test subjectif est simplement destiné à mieux comprendre l’espace perceptif, on peut faire l’économie de l’épreuve descriptive et se contenter d’interpréter empiriquement les axes de l’espace perceptif construit sur la base d’une épreuve de similarité. Dans cette démarche, c’est l’épreuve de comparaison par paire qui est la plus précise.

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Partie 2. Etude perceptive – Méthodologies existantes

Cependant, elle requiert un nombre important de cotations, relativement au nombre de stimuli. Une solution économique, bien que certainement moins précise dans la représentation des distances perçues, est la tâche de classement.

Dans les deux cas, on peut éventuellement s’aider d’une épreuve de verbalisations libres pour s’orienter vers les caractéristiques expliquant les différences perçues. Cette dernière approche semble par ailleurs mieux à même de déceler les caractéristiques particulièrement déterminantes du point de vue du sujet, plutôt qu’une liste de descripteurs prédéfinie, comme c’est le cas dans les épreuves descriptives classiques.

Lorsque l’objectif final de l’étude est d’expliquer un jugement de valeur subjectif, la solution la plus économique est de se passer à la fois de l’épreuve descriptive et de l’épreuve de similarité, en utilisant directement les données d’un test d’évaluation subjective pour construire l’espace perceptif. Mais cette technique peut être dangereuse, au sens où plusieurs objets évalués de la même manière se retrouveront confondus dans l’espace perceptif, alors même qu’ils peuvent présenter des particularités sensorielles très différentes.

11.6. Choix méthodologique

L’analyse sensorielle classique nous apparaît surdimensionnée pour notre application, alors qu’une simple évaluation subjective serait au contraire trop imprécise pour établir l’espace perceptif de base. Les solutions basées sur la similarité nous semblent être les mieux indiquées, bien que la comparaison par paire peut rapidement devenir un protocole assez lourd lorsqu’on veut étudier un grand nombre d’objet. Finalement, prenant en compte toutes ses considérations, nous avons choisi d’utiliser la catégorisation comme base de notre test. Ce choix nous apparaît comme le meilleur compromis vis-à-vis des objectifs de notre étude.

L’économie perceptive apportée par la catégorisation devrait se traduire par une économie pratique lors du protocole de test. Par l’épreuve de classement, elle permet de conserver un large éventail d’échantillons sonores, ce qui nous semble important lorsque l’on désire couvrir aussi exhaustivement que possible l’espace actuel du produit étudié. Les verbalisations libres nous semblent être un bon complément de cette approche si nous nous contentons d’une interprétation qualitative des données descriptives.

Nous voulons par ailleurs pousser un plus loin l’exploitation du processus perceptif de catégorisation. Nous pensons pouvoir mettre à profit les différentes facettes de ce processus psychologique pour mettre en œuvre un test complet qui nous permettra d’obtenir des données complémentaires sur la perception sonore (similarité/description/évaluation). Nous voulons récolter toutes ces données au cours d’une seule session en laboratoire effectuée par des sujets naïfs.

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Partie 2. Etude perceptive – Méthodologie adoptée

12. Méthodologie adoptée

Dans ce chapitre, nous exposons le principe méthodologique adopté, basé sur l’hypothèse de la catégorisation perceptive. Conformément à cette dernière, nous expliquons comment nous comptons recueillir au cours d’un même test des données complémentaires sur la perception sonore. Puis, nous présentons plus concrètement le terrain empirique sur lequel nous effectuons l’étude, ainsi que le protocole de recueil des données. Enfin, nous explicitons les techniques d’analyse exploitées pour le traitement des données. Outre une analyse descriptive des différentes tâches psychologiques effectuées par les sujets, nous expliquons comment nous comptons relier des données de différentes natures psychologiques au sein d’une même représentation synthétique. L’idée est d’obtenir un outil graphique facilement interprétable qui nous servira de support lors de la recherche de métriques sonores directement mesurables sur le signal et corrélées aux dimensions perceptives de l’espace représenté.

12.1. Principe méthodologique : La catégorisation

« To cognize is to categorize ». Tel que le propose S. Harnad (2005), la catégorisation intervient à tous les nouveaux de la cognition, de la différenciation sensorielle à l’organisation des connaissances abstraites. Entre ces deux composantes extrêmes de la perception, l’esprit utilise constamment l’économie cognitive et la puissance combinatoire apportées par le processus de catégorisation.

Pour notre part, nous utiliserons la catégorisation pour construire et décrire l’espace perceptif des stimuli. Il faut ici prendre garde à ne pas associer cette démarche avec d’autres études de classement perceptif dans lequel le champs des stimuli étudiés provient de sources de natures différentes (transport, animaux, environnement, différents objets industriels). Même si un traitement des données similaire peut être effectué, les données sont d’une autre nature car le sujet procèdera dans ce cas à une catégorisation structurée par la signification des objets, mobilisant seulement à un second degré de détail les différences formelles fines entre les stimuli. L’espace perceptif obtenu portera logiquement en lui un effet important de compression des distances entre objets de même nature et de distorsion entre objets de natures différentes. L’interprétation nécessitera alors en grande partie la mobilisation d’hypothèses empruntées à la sémantique.

Ce qui nous intéresse en premier lieu dans cette étude est bien l’espace perceptif de base, avant tout structuré par les données sensorielles, et représentant donc les similitudes et différences formelles des stimuli. Dans un second temps seulement, nous cherchons à le relier à la perception en situation. Cette dernière correspond à la projection de significations pertientes vis-à-vis du contexte et permet l’évaluation subjective des bénéfices et déficits qu’apporte l’interaction avec l’objet dont provient les stimuli.

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Partie 2. Etude perceptive – Méthodologie adoptée

12.2. Méthodologie de recueil

12.2.1. Tâches psychologiques

Perception des qualités descriptives

L’interaction individu/environnement fait émerger à la conscience des configurations d’invariants sensoriels qui fondent la discrimination réciproque du sujet et des objets du monde. La conscience peut mobiliser différents niveaux d’abstraction, identifier des qualités descriptives qui sont communes à différents objets (invariants) et peut ainsi potentiellement classer des stimuli dans des catégories rassemblant les formes semblables (configuration). S Harnad (2005) explique que « Every category has both an "extension" (the set of things that are members of that category) and an "intention" (the features that make things members of that category rather than another). »

Deux types de données sont donc nécessaires dans l’optique d’établir l’espace perceptif de bas niveau :

1. le classement des sons (extension), que nous obtiendrons par une épreuve de classement orienté sur la similarité sonore.

2. les qualités descriptives des classes (intention), que nous récupérerons par une épreuve de verbalisations orientées sur la forme sonore.

Par ailleurs, pour profiter pleinement de l’économie cognitive et pratique de la catégorisation, nous désirons en exploiter un autre aspect : la typicité d’un objet. La typicité, qui traduit le degré de représentativité d’un objet en rapport à une catégorie, dépend de la proximité d’un exemplaire d’une catégorie avec tous les membres de cette catégorie. Nous sommes ici dans le cas de la perception de formes de stimuli, déscriptibles par le biais de configurations sensorielles. Dans ce cadre, l’objet typique est alors représentatif de la catégorie formelle discriminée par un individu, relativement à l’ensemble des objets formels concrètement disponibles. Il est censé supporter, dans sa forme actuelle, des configurations sensorielles que l’on retrouve invariablement dans les différents exemplaires de la famille à laquelle il a été attribué. Il ne porte pas forcément toutes les caractéristiques qui peuvent décrire la famille mais présente au minimum une typicité flagrante, c’est-à-dire qu’on y perçoit les caractéristiques saillantes qui définissent le mieux la famille.

Toujours selon le principe de la catégorisation, un dernier type de données est donc recueilli pour chaque sujet, et servira de lien pour la seconde étape du test :

3. la sélection d’un son typique, pour chacune des classes individuelles précédemment formées par le sujet

Evaluation subjective

La seconde étape vise à reconstituer un espace perceptif complet en recueillant des données sur la perception en situation qui puissent être reliées à l’espace perceptif de base décrivant les formes sonores. En l’occurrence, nous sommes intéressés par l’évaluation subjective de la source sonore. Il s’agira d’attribuer une valeur subjective à chacun des sons, selon l’évaluation de la source qu’ils induisent.

Le concept évalué implique la projection de connaissances par l’individu en contexte, mais il reste fondé sur une base concrète et matérielle : la configuration formelle du stimulus

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Partie 2. Etude perceptive – Méthodologie adoptée

sensoriel. Or, dans le même contexte, si on ne perçoit pas de différence formelle entre deux identités sensorielles, on ne peut pas leur attribuer deux significations différentes. Dans le cadre moins strict du similaire et non plus de l’identique, la même catégorie de perception formelle induit idéalement le même type de signification et donc d’évaluation subjective. L’inverse n’est pas vrai car deux formes sensorielles différentes peuvent, ou non, appartenir à la même catégorie sémantique et véhiculer, ou non, une signification similaire.

Ainsi nous faisons le pari d’utiliser le son typique, choisi individuellement par chaque sujet, et d'étendre son évaluation à tous les sons de la classe perceptive individuelle concernée. Il s’agit de la dernière tâche à accomplir par le sujet :

4. la qualité perçue évoquée par chaque son typique, par une épreuve d’évaluation subjective

Nous avons conscience qu’il s’agit là d’une approximation, car les classes perceptives varient d’un individu à l’autre. Cependant, les différents classements formels obtenus représentent ici les différents niveaux d’abstraction qu’une même personne pourrait potentiellement mobiliser et non pas l’état de l’organisation conceptuelle propre à chaque sujet. Ainsi, ce sont les données sur l’ensemble des sujets qui sont censées traduire la perception d’un individu moyen. Nous pensons ainsi que la moyenne des scores des sons, évalués indirectement par le biais des sons typiques individuels, sera représentative du score moyen qu’il aurait obtenu par évaluation directe.

Pour notre application, il s’agit de faire évaluer, sur les sons, la qualité perçue du matériau, car c’est celle que nous avons identifiée lors de l’observation en situation développée en Partie 1. Pour faciliter les traitements ultérieurs, nous avons choisi un protocole d’évaluation continue, ici quantifiée sur une échelle de 0 à 1. Le jugement de valeur conservera un aspect catégoriel par le biais de labels verbaux associés à l’échelle (très mauvaise qualité/ mauvaise qualité/ acceptable/ bonne qualité/ très bonne qualité ).

12.2.2. Conditions du protocole

Encore une fois, il faut se poser la question de la validité écologique de notre test, c’est-à-dire quelles sont les conditions physiques et psychologiques qu'il faut maîtriser pour obtenir des données interprétables dans la suite de l’étude. Comme toujours, ces deux dimensions sont interdépendantes. Il faut maîtriser le contexte de l’expérience, c’est-à-dire choisir le champ objectif des stimuli et le cadre subjectif des consignes de telle sorte que puissent émerger les processus psychologiques qui nous intéressent.

Cadre matériel

Le son

Conformément à notre remarque sur la distinction entre la catégorisation sémantique et sensorielle, tous les stimuli que nous utilisons doivent être de même nature ontologique.

Si nous mélangions nos sons avec des sons d’animaux, ou même simplement avec des sons de portière, on ne pourrait plus considérer l’espace étudié comme formellement homogène. Il y transparaîtrait alors l’organisation des connaissances des sujets. Plus précisément, cela conduirait à des phénomènes de compression et de distorsion dus aux catégories sémantiques des sons.

Ainsi, nous posons la condition pour l’obtention d’un espace perceptif structuré par la forme sonore via un test en laboratoire : tous les sons doivent provenir d’une catégorie

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Partie 2. Etude perceptive – Méthodologie adoptée

formelle homogène. Nous n’étudierons, pour notre part, que des sons provenant de planche de bord, esperant ainsi assurer un espace de stimuli homogène.

La source Il faut garder à l’esprit que nous avons pour objectif de relier la perception sonore à la

perception de la source. Du côté subjectif, on veut la relier à la perception de la qualité du matériau de planche de bord, alors que d’un point de vue objectif on veut le relier à des caractéristiques de conception de la source : la planche de bord. Nous désirons donc nous assurer que ce lien, où la variation physique du son entraîne la variation des résultats perceptifs ne soit pas pollué par la variation de l’impact et ne dépende, dans l’idéal, que de la source impactée.

En situation, un sujet produit lui-même l’impact. Faisant l’expérience répétée de l’impact et du résultat sonore, il peut naturellement extraire les invariants sonores qui semblent spécifiquement dépendants de la planche, par une sorte de déconvolution perceptive entre l’impact et la source. Lors de notre test, il ne produira pas lui-même l’impact mais jugera la totalité du son, résultat final de la convolution d’un impact et des propriétés de la planche. Si l’impact source varie, on ne pourra pas savoir si c’est l’impact ou la planche qui oriente les différences ou similitudes perçues entre les sons. Il faut donc contrôler la manière dont nous allons obtenir les sons et plus spécialement l’impact. Dans une même session, tous nos sons doivent donc idéalement provenir d’un impact de même type.

Cadre psychologique

Nous avons identifié deux phases du test pour lesquelles le processus psychologique est de nature différente. Les conditions subjectives mises en œuvre doivent également être distinguées.

Le son Dans un premier temps, nous cherchons à élaborer l’espace perceptif de base, structuré

par les différences formelles entre les stimuli. On cherche avant tout à observer comment les sons sont perçus en tant que stimuli : quel est leur degré de similarité et quels sont les invariants sensoriels qui les distinguent ou les rapprochent. Idéalement, dans la première phase, les sujets ne doivent donc pas se projeter dans le contexte d’apparition du stimulus. Identifier les sons risque d’induire une projection du contexte chez les sujets, et donc une influence accrue des schèmes cognitifs. On pourra citer l’étude sur les bruits de fermetures de portière de E. Parizet et al. (2006). Au cours de la verbalisation des similitudes et différences, une catégorie sémantique importante était apparue dans le discours : « porte mal-fermée » et n’était pas directement interprétable en terme de qualité descriptive sonore. Celle-ci était bien une qualité écologique, directement reliée à la source, qui plus est de nature évaluative. Dans notre expérience, nous présenterons les stimuli comme de simples sons d’impact afin d’éviter au maximum ce genre de données et de concentrer la tâche sur le stimulus sensoriel. Cependant, ceci est possible car des simples sons d’impacts comme les nôtres peuvent difficilement être spontanément reliés à la planche de bord, alors que dans le cas des bruits de fermeture de portière, l’origine du bruit est facilement identifiable, même si elle n’est pas explicitement indiquée au sujet.

Cette condition reste toutefois un idéal que l’on ne pourra qu’approcher, car certains sujets peuvent être au courant de l’objet de la recherche, qu’ils soient informés par d’autres sujets ayant déjà passé le test ou qu’ils soient des proches du laboratoire ou de l’expérimentateur.

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Partie 2. Etude perceptive – Méthodologie adoptée

La source Dans un deuxième temps, nous voulons au contraire que les sujets évaluent une qualité

liée à la source et à une situation particulière. Nous devons les conditionner psychologiquement pour qu’ils se projettent dans le contexte réel d’apparition des sons. Nous présenterons donc la situation, la découverte d’un véhicule statique chez un concessionnaire, et leur demanderons d’imaginer qu’ils désirent évaluer la qualité du matériau de la planche de bord. Nous expliciterons également le type d’impact. En effet, s’ils s’imaginent en train de tapoter eux-même la planche, il ne faudrait pas que les sujets projettent différents gestes (plat de la main, poing fermé ou autres). Cette remarque rejoint celle concernant les conditions matérielles d’enregistrement des sons d’impact. Tous les sujets doivent comparer des sons provenant d’un impact similaire, aussi bien concrètement que mentalement.

12.2.3. Synthèse

Nous avons choisi de nous baser sur l’hypothèse psychologique de la catégorisation afin d’élaborer un protocole de test original pour lequel nous avons fixé les conditions matérielles et psychologiques à mettre en oeuvre.

Dans les études de qualité sonore, l’épreuve de classementn est le plus souvent utilisée comme une étape préliminaire permettant de réduire le nombre de sons à utiliser dans les tests perceptifs principaux, comme c’est le cas dans l’étude de E. Parizet et al. (2006) sur les portières.

Pour des bruits d’aspirateurs, F. Guyot (1996) utilise un classement libre puis demande une description des familles et le choix du son typique. Cependant, la tâche est directement orientée sur le degré de confort évoqué par le bruit, et les données sur l’évaluation subjective du confort sont ainsi recherchées dans les verbalisations. L’analyse du lien entre catégorie d’évaluation et qualités sonores descriptives consiste donc entièrement en une analyse qualitative des verbalisations et non pas en une construction d’un espace perceptif. Par ailleurs, les données sur le son typique ne sont pas exploitées.

Certains chercheurs utilisent une méthode plus similaire à la nôtre, en créant directement des espaces perceptifs pour tous les objets d’un classement, mais ils recourent à des tests complémentaires pour la description (Petiot et al., 2003) ou l’évaluation subjective (Faye et al., 2006).

Ici, nous avons l’ambition de mettre à profit la multiplicité des facettes du processus perceptif que recouvre la catégorisation, afin de recueillir en une seule session les différents types de données qui nous intéressent. La principale nouveauté expérimentée ici est l’évaluation indirecte par le biais des sons typiques des classes individuelles.

12.3. Méthodologie de traitement

Dans ce paragraphe, nous présentons tout d’abord les techniques employées pour une analyse descriptive des données obtenues par chacune des tâches du test perceptif. Nous voulons ensuite construire un outil graphique d’orientation dans l’espace perceptif des sons. Nous exposons ainsi le principe transversal qui gouverne notre traitement, et qui consiste à lier successivement des données psychologiques complémentaires. Pour arriver à nos fins, nous mettons à profit diverses techniques d’analyse multidimensionnelle, dont certaines ont déjà été utilisées par des approches présentées en 1.1.

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Partie 2. Etude perceptive – Méthodologie adoptée

12.3.1. Analyse descriptive

Classification

Avant toute chose, nous analysons les données de l’épreuve de classement. Nous voulons ainsi observer les réponses des sujets et les différents niveaux d’abstraction engagés pour classer les sons. Outre de simples statistiques descriptives, nous utilisons principalement la Classification Ascendante Hiérarchique (C.A.H.).

Classification moyenne La C.A.H. permet de construire un arbre représentant la classification moyenne pour

tous les sujets. Elle utilise comme entrée une matrice de distances entre les objets à classer. L’algorithme agglomère successivement les objets selon un critère prédéfini. A chaque étape, on observe le critère d’agglomération. Sa valeur minimum est recherchée et détermine les objets ou classes précédemment formées qui seront agglomérées. Différents critères de distance existent. Pour un groupement par liens simples, on observe les distances entre les objets deux à deux et on agglomère les classes dans lesquelles se trouvent les objets présentant la distance minimum. Pour un groupement par liens moyens, on observe la distance moyenne des classes deux à deux. Pour un groupement par liens complets, on considère la valeur maximale de distance entre les objets des différentes classes. Enfin, il existe un critère plus complexe, le critère de Ward. Il a pour objectif d’avoir la plus forte inertie interclasse possible, et cherche ainsi à minimiser la baisse d’inertie lorsqu’il fusionne deux classes.

Il est défini comme suit :

Soit n le nombre d’objets dans la classe C et g le centre de gravité de la classe C alors, ( ) ( ) ( )2, ,i j

Ward i j i ji j

n nD C C d g gn n

×= ×

+

Dans notre étude, nous utiliserons ce critère car il est plus à même de détecter un saut remarquable dans les niveaux d'agrégation des classes d'objets et offre en général une meilleure séparabilité des classes.

Détermination des classes perceptives Pour déterminer une partition moyenne des sons, il s’agit de choisir un niveau de

coupure sur l’arbre hiérarchique. Pour cette étape, nous utilisons la méthode adoptée dans sa thèse par V. Koehl (2005). Il utilise l’indice de Rand corrigé (Youness et Saporta, 2004), qui permet de mesurer l’accord entre deux partitions.

Pour chaque niveau de coupure, on compare la partition ainsi produite à chacune des partitions élaborées par les sujets. Il faut donc calculer autant de valeurs de l’indice de Rand corrigé qu’il y a de sujets. On en déduit un indice de Rand corrigé moyen pour chaque niveau de coupure, associé à un intervalle de confiance obtenu par bootstrap. La coupure optimale correspond alors au niveau pour lequel l’indice moyen est maximal.

107

Partie 2. Etude perceptive – Méthodologie adoptée

Verbalisations

Codage sémantique Comme lors du traitement des verbalisations recueillies lors de l’étude en situation, il

faut construire des catégories d’analyse nous permettant d’analyser les verbalisations. La première étape est donc le regroupement des verbalisations exprimant la même qualité sonore. Au sein de ces catégories, nous distinguerons la polarité sémantique des expressions utilisées.

Tendances verbales globales Afin de quantifier la valence des catégories sémantiques pour chacun des sons. Une

fois encore, nous utiliserons les tendances verbales (cf. Partie A, 6.2.2). Cependant chaque tendance sera cette fois calculée sur l’ensemble des sujets, constituant ainsi des tendances verbales globales des sons. Ils sera ensuite possible de calculer les tendances verbales moyennes pour chacune des classes perceptives déduites de la coupure de l’arbre obtenu par C.A.H.

Évaluation

A partir de l’évaluation d’un son typique par un sujet, nous attribuons son score à tous les sons de la classe perceptive qu’il est censé représenter. Il sera alors possible de calculer la moyenne pour chacun des sons, ainsi que la moyenne pour chacune des classes perceptives.

12.3.2. Cartographie de la perception

Dans cette phase importante du traitement, nous procédons à la création d’un espace perceptif synthétique, représentant des informations complémentaires sur la perception des sons. Pour ce faire, nous relions successivement nos données. Dans un premier temps, il s’agit de représenter les sons dans un espace multidimensionnel réduit, afin de pouvoir visualiser les distances entre sons et notamment les groupes de sons similaires. Les deux étapes suivantes sont de l’ordre de la projection de données. Un de nos objectifs est d’interpréter l’espace, et donc les différences entre sons, au moyen des caractéristiques sonores perçues. Nous voulons donc compléter l’espace perceptif en y projetant les données verbales descriptives. Pour finir, c’est au tour des données évaluatives de venir compléter l’espace, afin de faciliter l’identification des zones de l’espace qui sont plus ou moins appréciées.

Le principe est le même que celui de la cartographie externe des préférences qui construit un espace perceptif de base par ACP sur les données de l’épreuve descriptive, et projette ensuite les données évaluatives de l’épreuve hédonique. Cependant, dans notre cas, nous ne construisons pas la structure de l’espace perceptif à partir d’une épreuve descriptive, mais à partir d’une épreuve de similarité. Le traitement des données se rapproche donc de l’étude de P. Faye (2006), qui utilise comme base une configuration MDS pour ensuite y projeter des données descriptives, puis évaluatives. La seule différence importante que nous pouvons relever par rapport à notre travail n’est pas dans le traitement des données, si ce n’est sur des détails dans la quantification des verbalisations ou la méthode de projection employée. Elle se trouve dans l’obtention des données évaluatives, puisque P. Faye utilise une épreuve hédonique complémentaire par évaluation directe des objets.

108

Partie 2. Etude perceptive – Méthodologie adoptée

Représentation des distances perceptives

L’analyse connue sous le nom de positionnement multidimensionnel permet la représentation d’objets dans un espace, à partir de données quantifiées sur la proximité entre chaque couple d’objet. Elle est souvent citée par son nom anglais Multidimensional Scaling (MDS). On la nomme aussi parfois Analyse Factorielle sur Tableau de Distances (AFTD). Il existe de nombreux algorithmes MDS, qui cherchent tous à approcher les dissimilarités originales par une configuration des objets dans un espace à n dimensions. Le choix d’une configuration optimale est toujours un compromis. Tout en privilégiant un nombre réduit de dimensions, on cherche en général à minimiser l’erreur entre les distances représentées, notées d, et les valeurs (originales ou transformées) des dissimilarités mesurées, notées δ.

MDS métrique classique L’algorithme MDSCAL est le modèle de base de la technique MDS. Il est de nature

métrique. Développé par Torgeson (1952) (cité par Cox T. et Cox M., 1994), il assimile les dissimilarités originales ijδ à des mesures euclidiennes et cherche ainsi à les approcher par :

( )122

1

R

ij ir jr

r

d X X−

=

⎡ ⎤= ⎢ ⎥⎣ ⎦∑

où est la distance entre les objets i et j, ijd irX et jrX sont les coordonnées de ces objets sur la dimension r. Par convention, l’espace est centré sur l’origine et l’orientation des axes coïncide avec les directions de variance maximale grâce à une analyse en composante principale (ACP).

Le choix d’une configuration optimale suit le même principe que pour l’ACP, à savoir que l’on utilise comme critère le cumul de variance expliquée pour n valeurs singulières, soit n dimensions.

Certains auteurs utilisent également une valeur de stress dit métrique qui quantifie la déformation induite par la projection des données dans un espace au nombre de dimensions réduit. Il peut se formuler ainsi :

( )2

2

ij ij

ij

dstress

dδ −

= ∑∑

Appliquer une MDS métrique classique sur des données de dissimilarités implique donc d’assumer que celles-ci se comportent comme de réelles mesures de distances. L’avantage de cet algorithme est qu’il existe une solution analytique qui ne nécessite pas de processus itératif.

Il est par ailleurs possible de procéder à des analyses MDS métriques en transformant au préalable les dissimilarités originales ou en se basant sur des mesures de distances non-euclidiennes. Elles ne sont pas présentées ici (voir Cox et Cox, 1994) mais peuvent s’avérer utiles pour des types de données ou des objectifs de recherche bien spécifiques. Lorsque la transformation est monotone, on sort du champs de la MDS métrique pour entrer dans celui de la MDS non-métrique.

MDS non-métrique

L’assimilation de dissimilarités à des distances peut parfois être trop restrictive lorsqu’il s’agit de données sur la perception. R. Shepard (1962) et J. Kruskal (1964) (cités par Cox et Cox, 1994) ont ainsi développé une méthode appelée MDS non-métrique (NMDS), qui

109

Partie 2. Etude perceptive – Méthodologie adoptée

se base sur l’information ordinale des dissimilarités originales pour construire une configuration. En pratique, l’algorithme MDS non-métrique consiste en un processus d’optimisation en deux phases. Tout d’abord, la transformation monotone optimale f des proximités originales ijδ doit être trouvée. Ensuite, les points de la configuration doivent être arrangés de telle sorte que les distances représentées soient les plus proches possibles des distances transformées, ou disparités,

ijd( )ijf δ . Le critère d’optimisation est le stress appliqué

ici aux données transformées. De nombreuses variantes de stress existent mais son expression communément employée est la suivante :

( )( )2

21ij ij

ij

f dstress

dδ −

= ∑∑

La qualité de la configuration est, en général, évaluée par cette même valeur de stress non-métrique, se rapportant ainsi aux disparités plutôt qu’aux dissimilarités originales. Cela revient à considérer que les données originales que l’on cherche à représenter se résument à l’ordination entre les distances des paires d’objets.

Pour choisir une configuration, il est conseillé d’observer les graphiques telles que le scree plot ou le diagramme de Shepard. Le scree plot représente le stress en fonction du nombre de dimensions. Il est alors possible d’identifier le légendaire coude statistique, point d’inflexion de la courbe. Celui-ci indique en général un bon compromis car il indique qu’un nombre de dimensions supérieur n’améliore pas le modèle de manière significative. Parfois, il est malgré tout difficile d’identifier un coude. Le diagramme de Shepard s’apparente, lui, à un diagramme de dispersion. Il représente à la fois, par une ligne, la transformation monotone des dissimilarités et, par des points, les distances représentées en fonction des dissimilarités. Pour une bonne solution NMDS, les points sont peu dispersés et sont proches de la ligne monotone ascendante.

Sur le stress Il faut souligner que se baser sur une valeur absolue du stress n’a pas vraiment de

sens. En effet, elle dépend autant du nombre d’objets et du bruit de mesure (composante aléatoire des données) que d’une réelle adéquation de la représentation aux dissimilarités originales. De plus, plus le nombre de dimensions d’une configuration MDS augmente (métrique ou non-métrique), plus le stress correspondant diminue. Comme évoqué par I.Borg et P.J.F. Groenen (2005), il est donc parfois conseillé de comparer la valeur de stress obtenue avec celle calculée d’après un modèle qui évalue la composante aléatoire du jeu de données.

Projection des tendances verbales

Nous traitons les données comme des variables supplémentaires à représenter sous forme de vecteurs. Pour chaque plan de l’espace MDS sur lequel on veut projeter les attributs, on procède à une régression linéaire multiple. Cette technique, évoquée par T. Cox et M. Cox (1994), est parfois nommée PROFIT pour PROperty FITting (citée dans Petiot J.F. et Yannou P., 2003). Nous l’avons utilisée de la façon suivante :

Calcul Chaque attribut, ici tendance verbale, est la variable à expliquer par une régression

linéaire qui utilise les coordonnées des sons dans le plan comme variables prédictives.

Le coefficient de détermination (R²), ou le coefficient de corrélation (R), nous indique à quel point la tendance verbale est liée à l’espace considéré.

110

Partie 2. Etude perceptive – Méthodologie adoptée

A partir des coefficient de la régression sur chacun des axes, on calcule les cosinus de direction, qui nous donnent la contribution de chaque axe à la prédiction de la tendance verbale.

Représentation Nous avons identifié deux stratégies potentielles pour la représentation des attributs

sous forme de vecteurs, d’après les données de la régression multiple.

1. Pour représenter les vecteurs, on utilise les cosinus de direction comme coordonnées de l’attribut dans l’espace, en normalisant le vecteur par rapport au coefficient de corrélation (ou de détermination) entre la tendance verbale et le plan considéré. On trace ensuite le vecteur depuis le centre de l’espace MDS jusqu’à ce point. La direction du vecteur indique la direction dans laquelle la tendance verbale croît, alors que sa longueur correspond à la qualité de représentation de la tendance verbale dans l’espace considéré.

2. Pour représenter les vecteurs, on utilise les coefficients de la régression comme coordonnées de l’attribut dans l’espace, en normalisant le vecteur par rapport à l’étendue du plan. On trace ensuite le vecteur depuis le centre de l’espace MDS jusqu’à ce point. La direction du vecteur indique toujours la direction dans laquelle la tendance verbale croît, mais cette fois sa longueur correspond à la proportion de variation de la tendance verbale dans l’espace considéré.

Nous avons choisi la première solution, car la proportion de variation ne nous intéresse pas en soi. Il s’agit bien pour nous de procéder à une interprétation qualitative de l’espace perceptif. Nous n’utilisons pas d’échelle prédéfinie pour la cotation des attributs. Le volume de chaque catégorie verbale et la proportion de variation des tendances verbales dépend ainsi de la compétence linguistique des auditeurs, certains termes étant plus facilement utilisés que d’autres. Dans la seconde solution, un attribut souvent cité par les sujets mais qui présente une faible qualité de détermination sur le plan pourrait avoir une longueur plus importante qu’un attribut mois verbalisé ayant pourtant un pouvoir explicatif plus important. L’interprétation de l’espace s’en trouverait ainsi plus difficile.

Projection des données évaluatives

Nous proposons de transférer ici le traitement parfois utilisé dans le cadre de la cartographie des préférences, qui consiste à projeter des iso-courbes d’appréciation sur le plan représentant le mieux les données. Ces courbes peuvent être obtenues à partir des régressions qui utilisent en entrée les coordonnées de l’objet perçu dans l’espace et en sortie un indicateur du score d’évaluation de l’objet perçu (score moyen, pourcentage d’acceptabilité…).

Résultat attendu

Le résultat final du traitement, que nous pouvons appeler « cartographie de la perception », en référence à la « cartographie des préférences » dont il s’inspire, se matérialise par un ou plusieurs plans assimilables à des cartes topographiques. Les points représentent les sons, la boussole est constituée par les vecteurs de qualités descriptives, et le tracé d’iso-courbes indique le niveau de qualité perçue.

111

Partie 2. Etude perceptive – Recueil des données

13. Recueil des données

13.1. Terrain empirique sonore

13.1.1. Choix de l’impact

Nous avons indiqué vouloir le même type d’impact lors des enregistrements. Nous avons pensé un temps rechercher une solution automatisée. Ainsi, dans les études sur les bruits de portières, certains chercheurs optent pour une vitesse de fermeture contrôlée.

Cependant, toujours dans une logique de conception centrée sur l’homme, nous avons estimé qu’il n’était pas raisonnable de se lancer dans l’élaboration d’une solution technique sans s’interroger sur la dynamique du geste opéré par les sujets en situation réelle.

En contexte écologique, les opérations de l’homme ne sont pas automatisées. Il ne répète pas un geste identique du point de vue cinématique, pour ensuite récolter la réponse de l’environnement et l’analyser. L’activité et la perception coémergent dans une boucle-sensori-motrice. Dans la forme sensorielle d’un phénomène, le sujet discrimine naturellement la dynamique externe, celle de l’environnement, de la dynamique interne, celle de son corps propre. C’est le principe même de la perception guidée par invariants sensori-moteurs.

En tapotant la planche de bord, le sujet cherche à extraire du son des informations sur le matériau, spécifiquement sa qualité. En plus du son qu’il entend, le sujet perçoit l’effort lors du contact, et même la kinesthésie dans ses muscles. Il a accès à toutes les données qui covarient et c’est grâce à elles qu’il peut extraire des informations sur le comportement du matériau. Si le sujet peut évaluer la réponse de la planche en fonction de son opération, peu importe le geste qu’il produit. Entre deux planches, l’opération ne sera donc certainement pas identique. Il est probable qu’il cherche avant tout à exciter suffisamment la structure pour générer un son qui rendra saillantes les qualités du matériau. En suivant cette logique, sur une planche plus molle, le sujet taperait plus fort pour générer un son suffisamment rayonnant .Pour une même planche, il aura même intérêt à faire varier lui-même l’opération pour affûter sa perception, comme on améliore la perception visuelle d’un volume en variant les points de vue. Toutes ces remarques soulignent la difficulté de reproduire une expérience perceptive naturelle en laboratoire.

Dans le cas des enregistrements sonores, le sujet n’a accès qu’au son et se projettera mentalement en train de tapoter. Ainsi, les limites du test perceptif seront en partie celles de la capacité des sujets à imaginer ce geste, et devraient par la même occasion déterminer les contraintes à respecter lors du choix de l’impact utilisé lors des enregistrements sonores. Entre deux sons, le sujet jugera-t-il la nature du matériau sans aucune projection de l’énergie nécessaire à produire le son ou de la nature du contact ? Ainsi, faudrait-il alors des sons générés avec un effort constant ou une vitesse constante ? Dans le cas d’un impacteur mécanique, faut-il s’assurer que les caractéristiques physiques de la surface de contact soient similaires à celles d’un doigt ?

Toutes ces questions mériteraient une étude approfondie de l’opération elle-même, chose que nous n’avons pu accomplir dans le cadre de la thèse. La validité écologique n’est ici pas à notre portée. Des choix sont nécessaires, menant à des simplifications et limitant par la même occasion la portée de certaines conclusions. Nous avons opté pour un unique

112

Partie 2. Etude perceptive – Recueil des données

opérateur manuel, qui procèdera à l’impact sur l’ensemble des configurations d’enregistrement. Nous mesurerons chaque configuration sur le type d’impact principal identifié lors de l’observation en situation, à savoir la main ouverte (contact des doigts sur les premières phalanges). Ainsi, si nous pourrons élaborer avec assurance des hypothèses liées à la matière sonore disponible pour les sujets lors du test en laboratoire, il faudra par contre être plus prudent vis-à-vis des relations implicites avec la nature de la planche.

13.1.2. Échantillonnage de la banque sonore

Les véhicules

Nous avons eu accès à 25 véhicules destinés à l’analyse de la concurrence au Technocentre de Renault Guyancourt. Les marques, segments et gammes sont variables. Nous avons notamment une bonne représentation des deux technologies de matériaux classiquement utilisées : simple plastique injecté / plastique injecté recouvert de mousse.

Configuration d’enregistrement

La configuration de l’enregistrement (voir figure 22) comprend un microphone B&K ½ pouce en position tête du conducteur. Le logiciel d’acquisition Sound Quality (MTS System) a été utilisé, avec un échantillonnage numérique de 48000 Hz pour 16 bits en mono. Nous avons choisi d’enregistrer avec un seul microphone, considérant que l’apport de la binauralité (localisation, distance) était négligeable pour notre étude (champ proche, auditeur statique) par rapport à la simplification de la manipulation (coût du matériel, déplacement, traitement des signaux).

Figure 22. Position du microphone pour les mesures acoustiques

Les sons

Nous avons enregistré le bruit d’impact (main ouverte) à trois localisations différentes sur la planche (conducteur, centre, passager). L’impact était manuel. Nous avons enregistré une série d’une vingtaine d’impacts pour chaque couple impact/localisation, afin de laisser le temps à l’opérateur de s’adapter et de stabiliser un impact « type ». Nous avons pu vérifier que l’opérateur était répétable par la production de sons dont le niveau sonore maximum, pour une même planche, avait un écart-type moyen de moins de 2 dB(A). Pour illustrer cette observation, nous représentons en figure 23 les niveaux maximum moyens des 47 séries de mesures correspondantes aux 47 sons qui seront sélectionnés par la suite (voir au paragraphe suivant), accompagnés de leur écart-type.

113

Partie 2. Etude perceptive – Recueil des données

40

45

50

55

60

65

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47

Planche de bord tapotée

Niv

eau

so

no

re m

oye

n (

dB

A)

sur

20 e

ssai

s

Figure 23. Moyenne et écart-type du niveau sonore maximum (dB(A), intégration 125 ms) sur 20 tapotements manuels effectués sur 47 planches de bord

Traitement des données

Pour chaque doublet véhicule/localisation, nous avons sélectionné un son au signal exempt de bruit de fond ayant un niveau sonore maximum proche de la moyenne obtenue pour sa série. Au total, nous avions donc 75 sons.

13.1.3. Réduction du nombre d’échantillons sonores

Problématique

Le test perceptif a été construit pour répondre au principe méthodologique exposé ci-dessus (2.1). Pour s’assurer que tous les sons soient de même nature, nous avons sélectionné un seul type d’impact : la main ouverte. Cependant, nous avons pensé qu’il pouvait être difficile pour un sujet naïf de se concentrer sur une classification de 75 sons, et qu’il risquait ainsi de répondre de manière plus aléatoire. Il fallait donc encore réduire le nombre de sons, cette fois pour ménager la tâche de l’auditeur et assurer ainsi une plus grande fiabilité des données.

Méthodologie

Il a été décidé d’utiliser l’épreuve de classement dans son utilisation la plus classique, c’est-à-dire pour créer un dendrogramme et y identifier les sons qui pouvaient être éliminés de par leur proximité avec d’autres échantillons.

Terrain empirique

Nous avons choisi 5 membres du laboratoire vibration acoustique, accoutumés au passage de tests perceptifs. Ces derniers ont effectué l’épreuve de classement sur la totalité des 75 sons.

114

Partie 2. Etude perceptive – Recueil des données

Configuration

L’expérience s’est déroulée au Laboratoire Vibration Acoustique de l’INSA de Lyon. La chaîne de reproduction sonore est constituée d’un PC, d’une carte son Gina et d’un système casque et amplificateur Stax. Le signal mono étant reproduit sur les deux oreilles, l’écoute est dite diotique. Les sons étaient diffusés au niveau réel.

Consigne

« Voici 75 sons d’impact. Je vous demande de former des familles de sons sur la base de leur similarité sonore. Vous êtes libres dans le nombre de familles et pouvez laisser des sons seuls si vous estimez qu’ils ne ressemblent à aucun autre. »

Résultats

A partir des classements individuels, nous avons construit une matrice d’appartenance entre les sons et procédé à une classification ascendante hiérarchique avec un critère d’agrégation de liens moyens. Nous avons sélectionné un son par niveau de coupure correspondant à « au moins 4 sujets ont classé les sons dans la même famille ». Nous avons ainsi conservé 47 sons qui proviennent finalement de 22 véhicules.

Figure 24. Dendrogramme des 75 sons et niveau de coupure pour la réduction du nombre d’échantillons

115

Partie 2. Etude perceptive – Recueil des données

13.2. Protocole de recueil

Dans ce chapitre, nous détaillons le protocole de recueil des données utilisé pour l’expérience principale. Nous présentons tout d’abord l’échantillon de population sur lequel nous avons procédé au test en laboratoire. Nous précisons ensuite les consignes auxquelles ils ont dû répondre. La chaîne de reproduction sonore employée est identique à celle du test de réduction des échantillons, décrite en 2.2.3 de cette partie.

13.2.1. Les sujets

Nous avons deux catégories de sujets :

• 20 membres du Laboratoire Vibrations Acoustique, participation gracieuse (professeurs, maîtres de conférence, thésards, secrétaires, techniciens, ingénieurs acoustiques)

• 38 étudiants de premier et deuxième cycle à l’INSA, participation rémunérée de 8 euros (français et étrangers, 1er et 2nd cycle ingénieur).

Cette distinction est nécessaire car certains membres du laboratoire avaient connaissance du thème de notre recherche. Il faudra ainsi vérifier que cela n’influence pas la première phase du test où les sons doivent être décrits hors contexte. On peut pourtant espérer qu’ils soient suffisamment entraînés à subir des tests perceptifs pour se concentrer sur la consigne qui leur est donnée.

Le nombre de sujets correspond simplement au maximum de participants qui ont répondu à notre appel pourle test perceptif. Ce nombre nous a semblé ici suffisant pour opérer des traitements statistiques et éventuellement discriminer des groupes différents dans la suite de l’étude.

13.2.2. Les épreuves

Les 58 sujets ont été convoqués pour le test au Laboratoire Vibrations Acoustique de l’INSA de Lyon, à raison d’un sujet par heure. La plupart des sujets ont passé moins d’une heure dans la salle d’écoute, mais nous n’avons malheureusement pas relevé les temps de passage individuel. Ils ont tous effectué les différentes tâches décrites ci-dessous.

Classement orienté sur la similarité sonore

Consigne : « Voici 47 sons d’impact. Je vous demande de former des familles de sons sur la base de leur similarité sonore. Vous êtes libres dans le nombre de familles et pouvez laisser des sons seuls si vous estimez qu’ils ne ressemblent à aucun autre. »

La technique de recueil employée est une interface programmée sous Delphi par E. Parizet. Les sujets ont accès à 47 étiquettes représentant les sons, numérotées de manière aléatoire. Un simple click sur l’étiquette leur permet d’écouter le son correspondant. Les sujets peuvent écouter les sons autant de fois qu’ils le désirent et doivent regrouper les étiquettes sur l’espace de travail, avec leur propre stratégie, sous la seule condition que l’on puisse discriminer visuellement les différentes familles qu’ils ont construites. La figure 25 présente deux exemples de l’espace de travail au terme de l’épreuve de classement.

116

Partie 2. Etude perceptive – Recueil des données

Figure 25. Deux exemples d’espace de travail après l’épreuve de classement

Description verbale orientée sur la forme sonore

Consigne : « Décrivez chacune des familles avec vos propres mots. Citez de préférence les caractéristiques sonores qui définissent le mieux la famille, c’est-à-dire les attributs sonores que tous les sons d’une famille partagent et qui les différencient des autres familles. »

Le recueil a consisté à un entretien semi-directif avec l’expérimentateur, F. Montignies. Le sujet verbalisait à haute voix ses descriptions, qui étaient retranscrites à l’écrit. On peut ici remarquer a posteriori qu’il aurait été préférable d’enregistrer les verbalisations (Blanchet et Gotman, 1992). S’il est illusoire de penser gommer toute influence de l’expérimentateur, cette dernière est ici plus prononcée. Une selection inconsciente des données saillantes pour l’experimentateur est certainement à l’œuvre. Cependant, cette influence vis-à-vis des résultats de cette étude en particulier doit être relativisée. Il faut en

117

Partie 2. Etude perceptive – Recueil des données

effet insister sur le fait que l’objectif de l’expérience n’est pas d’analyser le discours général des sujets mais bien de récupérer les verbalisations spécifiquement orientées sur la description sonore.

Sélection des sons typiques

Consigne : « Choisissez un son représentant chaque famille, c’est-à-dire un des sons qui correspond le mieux à la description que vous m’avez donnée »

Pour chacun des sujets, les sons typiques étaient saisis informatiquement par l’expérimentateur dans l’espace de travail Matlab, afin d’être utilisés comme données d’entrée pour l’étape suivante.

Évaluation des sons typiques

Consigne : « Les sons présentés sont, en fait, issus de planches de bord de différentes voitures. En effet, de nombreuses personnes tapotent spontanément la planche de bord chez les concessionnaires, ceci afin de se faire une idée de la qualité matérielle de la planche de bord et spécialement du matériau qui la compose. Imaginez maintenant que vous ayez toujours effectué le même geste de tapotement sur différentes planches de bord (NB : l’expérimentateur illustre en effectuant le geste). Je vous demande d’évaluer la qualité du matériau, perçue au travers des différents sons ainsi produits. »

La technique de recueil utilisée est ici la méthode mixte, qui présente l’avantage d’offrir un bon compromis précision/temps comparativement à l’évaluation par comparaison par paire (la différence entre chaque paire est évaluée) ou l’évaluation monadique (chaque son est évalué l’un après l’autre) (Parizet et al., 2004).

Figure 26. Interface JuryTesting pour l’évaluation subjective

118

Partie 2. Etude perceptive – Recueil des données

Le programme fournissant l’interface de recueil est Jury Testing, developpé par 01dB en collaboration avec le Laboratoire Vibrations Acoustique de l’INSA de Lyon. Les sons à évaluer n’étant pas les mêmes d’un sujet à l’autre, selon le nombre de familles formées et le choix individuels des sons typiques, un programme Matlab reconfigurait automatiquement un fichier source destiné à générer l’interface de test.

13.3. Données

Classement des sons

• Données brutes : N partitions individuelles des sons

Pour chaque sujet n, la répartition des sons dans un nombre variable de classes k(n) est recueilli.

• Données transformées : Matrice des dissimilarités

Une matrice d’appartenance [ ]m est construite pour chaque sujet n.

1 si le son et le son sont dans la même classe( , )

0 sinoni j

m i j ⎧= ⎨

Les matrices individuelles d’appartenance sont normalisées par rapport à la somme de leurs valeurs pour obtenir une matrice individuelle de similarité.

[ ] [ ]( , )

simm

mm i j

=∑

Cette solution a été choisie afin de ne pas donner plus de poids aux sujets qui ont fait plus de classes. Sans cela, plus le nombre de classes augmenterait, plus l’espace perceptif individuel serait étendu. D’un point de vue psychologique, nous pensons plutôt que c’est un espace de même taille qui est découpé plus finement.

Toutes les matrices normalisées [ ]( )sim nm sont ensuite sommées afin d’obtenir une matrice de similarité globale.

[ ] [ ]( )sim sim nM m= ∑

Cette matrice est transformée en matrice de dissimilarité.

[ ] [ ]max( ( , ))dis sim simM M i j= − M

Description verbale

• Données brutes : k(n) listes de descripteurs verbaux pour chaque sujet

Une liste de termes est recueillie pour chacune des classes formée par chacun des sujets.

• Données transformées : occurrences des qualités descriptives pour chaque son

Pour chaque son, on comptabilise le nombre d’occurrences de chaque qualité descriptive parmi l’ensemble des termes relevés. Une qualité descriptive est une catégorie

119

Partie 2. Etude perceptive – Recueil des données

sémantique qui peut regrouper plusieurs formes linguistiques signifiant la même caractéristique perçue. La méthode de regroupement est similaire à la phase de codage de base décrite en 6.1.3 de la partie 1.

Sélection des sons typiques

• Données brutes : k(n) sons pour chaque sujet n

Pour chaque sujet un nombre variable de sons typiques est recueilli, en correspondance avec les classes qu’il a formées.

Évaluation des sons typiques

• Données brutes : k(n) notes entre 0 et 1 pour k(n) familles de chaque sujet n

Pour chacun des sujets, le score de chaque son typique est recueilli.

• Données transformées : N scores pour chaque son

Pour chaque sujet, le score du son typique est étendu à tous les sons de la classe qu’il représente.

120

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

14. Analyse descriptive

Remarque : tous les intervalles de confiance sont donnés pour un risque de 5%.

14.1. L’épreuve de classement

14.1.1. Partitions individuelles

Nous avons recueilli les partitions individuelles des 58 sujets. La moyenne générale des partitions est constituée de 8,7 classes pour un intervalle de confiance entre 7,6 et 9,9.

Les membres du laboratoire ont formé 8 familles en moyenne, pour un intervalle de confiance entre 6,3 et 9,8. Les étudiants ont formé 9 familles pour un intervalle de confiance entre 7,6 et 10,7. Ainsi, si on considère les deux groupes de sujets a priori de natures différentes (membres du laboratoire/étudiants extérieurs), les test de Student ou Wilcoxon ne sont pas significatifs. De même, le test exact de Fisher mené sur ces deux distributions, par l’intermédiaire d’un tableau (groupe)*(nombre de catégories), nous indique que le déséquilibre n’est pas significatif. Il est donc probable que le fait d’appartenir au laboratoire ou d’être étudiant n’ait pas d’effet sur le nombre de classes formées.

Distributions du nombre de catégories sonores pour deux classes de sujets

0

2

4

6

8

10

12

14

16

2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18

% d

e l'e

ffect

if

Laboratory Team

Naive students Membres du laboratoire Etudiants

Figure 27. Distribution des 58 sujets selon le nombre de familles formées

Pour rappel, c’est bien l’espace perceptif obtenu à partir de l’ensemble des classements des sujets qui doit refléter l’organisation moyenne des stimuli perçus. Chaque classification individuelle ne représente qu’un niveau d’abstraction particulier de cette organisation. La répétitivité ou la reproductibilité des sujets n’est pas recherchée. Il est ici plus intéressant d’obtenir des nombres variables de classes afin de pouvoir obtenir par le traitement une structure classificatoire hiérarchique qui représente différents niveaux d’abstraction au sein d’une structure moyenne.

121

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

Cependant, encore faut-il s’assurer que cette différence de nombre n’indique pas que les sujets ont basé leur classification sur des critères différents. Pour nous donner une idée de cela, l’indice de Rand corrigé a été calculé pour chaque paire de partitions individuelles. Rappelons qu’une valeur de –1 indique un désaccord total entre deux partitions alors que si l’indice prend une valeur de 1 les partitions sont identiques. Cet indice est sensible à la différence du nombre de classes, cependant des valeurs négatives devraient tout de même nous suggérer que les auditeurs ont effectué des classifications de nature différente.

En figure 28, nous avons représenté par un histogramme la répartition des valeurs ainsi calculées. Il s’avère que les valeurs sont strictement contenues entre –0,05 et 0,45, indiquant ainsi que si aucun des sujets n’est en accord total avec un autre, il n’y a pas de couple de partitions individuelles qui puissent être considérées comme disjointes.

Indice de Rand Corrigé

Fréq

uenc

e

-1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0

010

020

030

040

050

0

Figure 28. Histogramme des valeurs de l’indice de Rand corrigé comparant les partitions des

sujets 2 à 2

Afin d’affiner nos observations, nous avons voulu observer la répartition de l’indice de Rand corrigé pour des données aléatoires. Dans un premier temps, le logiciel SPSS a été utilisé dans le but de trouver une distribution théorique qui puisse représenter nos données sur le nombre de classes formées lors de l’épreuve subjective de classification. Une distribution du 2χ semble bien fonctionner. Nous avons pris 8,7 degrés de liberté, le nombre moyen de classes formées par les sujets, car pour une loi du 2χ , l’espérance correspond au nombre de degrés de liberté. La figure 29 met en rapport la probabilité cumulée théorique avec la probabilité cumulée observée. Par ailleurs le calcul du 2χ comparant la distribution théorique avec la distribution observée nous donne une valeur de 25, inférieure à la limite qui est ici de 40. Il semble donc que nous puissions considérer que nos données sont issues d’une population qui suit une loi du 2χ à 8,7ddl.

Cette loi de distribution a été utilisé pour déterminer le nombre de classes dans lesquelles sont rangés aléatoirement 47 sons. La figure 30 représente la distribution de la moyenne des indices de Rand corrigés pour 1000 tirages aléatoires. Ces indices correspondent à l’accord pour 1000 paires de sujets rangeant aléatoirement les 47 sons dans un nombre de classe déterminé par la loi du 2χ à 8,7ddl . On observe que cette distribution est centrée sur 0.

122

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

En la comparant à la distribution de la figure 28, on peut déduire que nos données ne sont pas aléatoires.

Figure 29. Comparaison de la probabilité cumulée de la distribution observée du nombre de classes avec la probabilité cumulée d’une distribution du 2χ à 8.7 ddl

Indice de Rand Corrigé

Fréq

uenc

e

-1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0

010

020

030

040

0

Figure 30. Histogramme des valeurs de l’indice de Rand corrigé comparant 1000 paires de partitions aléatoires réparties selon une loi du 2χ à 8.7 ddl

A la suite de ces trois observations (le nombres de classes formées, l’accord entre les partitions individuelles, et la comparaison avec des données aléatoires), nous pouvons seulement dire que les sujets n’ont pas classé les sons au hasard et qu’il n’existe pas de désaccord flagrant entre les partitions individuelles. Cependant, il a été posé l’hypothèse que, globalement, les sujets avaient effectué le même type de classification à des niveaux d’abstraction différents. Il a ainsi été décidé de considérer l'ensemble des auditeurs comme un groupe homogène dans la suite de l’étude.

123

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

1936

17 3520

37 15 1647 13 45

6 2310 11

7 8 12 46 14 4427

18 4024

28 302

2638 1 39 29 41 34

32 25 335

42 3 4 31 9 4321 220.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

Cluster Dendrogram

hclust (*, "ward")di ts

Hei

ght

14.1.2. Classification ascendante hiérarchique des sons

A partir de la matrice des dissimilarités entre les sons, on procède à une CAH avec le critère d’agrégation de Ward. Le dendrogramme obtenu est présenté en figure 31.

Figure 31. Dendrogramme des 47 sons obtenus par Classification Ascendante Hiérarchique

Chaque niveau de coupure correspond à une partition particulière et à un nombre de classes. On peut alors calculer les indices de Rand corrigés comparant chaque partition individuelle avec différents niveaux de coupure de l’arbre. Nous présentons dans la figure 32 les moyennes de l’indice, accompagnées de leur intervalle de confiance à 95%, pour un nombre croissant de classes déterminées par la CAH.

0.08

0.10

0.12

0.14

0.16

0.18

0.20

2 4 6 8 10 12 14

Adj

uste

d_R

and_

Inde

x

Number_of_clusters

Figure 32. Moyenne de l’indice de Rand corrigé pour différents niveaux de coupure du dendrogramme

Nombre de classes

124

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

On trouve un maximum à 4 classes. Nous considérons que cela correspond à la partition optimale. Cependant, on trouve également un maximum local pour la partition à 7 classes. Il peut correspondre à un autre niveau d’abstraction qui mérite d’être examiné en détail.

D’après ces observations, nous choisissons d’étudier 7 classes, soit les 4 classes principales dont 3 sont divisibles en 2 sous-classes. Les nœuds discriminants correspondant aux niveaux de coupure retenus sont représentés sur le dendrogramme (figure 31).

Le tableau 7 récapitule les classes ainsi déterminées.

Classes CAH 1 2a 2b 3a 3b 4a 4b

Sons

S13, S15, S16, S17, S19, S20, S35, S36, S37, S45,

S47

S6, S23 S7, S8, S10,

S11, S12, S46

S14, S18, S27, S40,

S44

S1, S2, S24, S26, S28, S30, S38,

S39

S25, S29, S32, S33, S34, S41

S3, S4, S5, S9, S21,

S22, S31, S42, S43

Table 7. Répartition des sons parmi les différentes classes perceptives déterminées par la CAH

14.2. L’épreuve de verbalisation

Nous proposons ici d’exposer le traitement préliminaire des verbalisations, qui consiste à former des catégories sémantiques afin de quantifier par la suite leurs occurrences dans le discours pour chacun des sons.

14.2.1. Production verbale des sujets

Avant toute chose, nous avons volontairement rejeté les verbalisations reliées à des évocations de source (« comme un son de tambour », « quand on tape sur une vitre »). Ces formes linguistiques, qu’on peut relier à l’analogie ou à la métaphore, peuvent être intéressantes à analyser lorsque l’on s’interesse aux mécanismes de la perception, de la pensée et du langage. Cependant, elles ne nous semblent pas pertinentes vis-à-vis de nos objectifs spécifiques, qui sont ici d’obtenir des indications sur les caractéristiques du signal sonore à considérer prioritairement pour l’élaboration d’une métrique. Nous avons par ailleurs discuté du risque d’illusion perceptive pouvant intervenir lorsque qu’un sujet cherche à percevoir des qualités de la source à partir de la simple écoute sonore, c’est-à-dire d’informations sensorielles incomplètes (voir 4.3.3). Savoir qu’un sujet s’imagine la source du son de tel ou tel manière, ou qu’il y a quelque chose de commun (non explicité) entre l’expérience sonore de tel son et celui qui nous intéresse, ne nous donnerais aucune indication directe et triviale sur les caractéristiques physiques du son ou de la source à considerer dans notre problématique industrielle. Ce choix est possible car le vocabulaire permettant de décrire directement le son nous semble suffisant. Une telle posture n’aurait pu être tenable pour d’autres modalités sensorielles, tel que l’odorat, qui se décrit principalement par des analogies ou des références à la source (David, 1997).

Si certains sujets n’ont pu s’empêcher de chercher à identifier la source, tous ont bien répondu à la tâche qui les orientait avant tout sur une description analytique des qualités

125

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

sonores descriptives. Les sujets se sont donc principalement exprimés par le biais d’adjectifs qualificatifs, constituant ainsi d’emblée les unités verbales que nous devons traiter. Cependant, parmi celles-ci, nous avons remarqué que la diversité des termes relevés était assez limitée. Le nombre maximum de qualités pour décrire une classe s’étend entre 1 et 6, pour une moyenne de 3. Le nombre de qualités descriptives différentes utilisées par les sujets (nous différencions les différentes natures de qualités ainsi que leurs différents degrés : « un peu », « très »…) pour décrire le corpus s’étend entre 2 et 18, pour une moyenne à 10.

Deux hypothèses peuvent ici être avancées. Premièrement, il est possible que les sujets, considérés comme naïfs dans leur expression des sensations sonores, aient monopolisé tout leur éventail de mots appartenant au champ sémantique du son, mais que celui-ci était tout simplement limité. L’expression analytique des sensations n’est effectivement pas une attitude naturelle. Dans l’autre hypothèse, nous invoquons la nature de la tâche psychologique imposée aux sujets, qui aurait conduit à une réduction spontanée du corpus verbal utilisé. En effet, les sujets avaient à décrire un ensemble de sons de nature homogène, qui plus est, en isolant spécifiquement les qualités sonores qui définissaient les familles relativement aux autres. Il est alors possible que parmi tous les mots de vocabulaire connus par les sujets, seuls ceux exprimant les qualités particulièrement saillantes et utiles à la différenciation des sons ont émergé dans le discours.

On pouvait par ailleurs penser que plus le sujet forme de classes, plus il a besoin de qualités descriptives pour différencier celles-ci. Cependant, il n’y a pas d’effet du nombre de classes formées, ni sur le nombre maximum de qualités exprimées pour décrire une classe, ni sur le nombre de qualités différentes exprimées. Le lien est par contre significatif (p = 0,00) entre le nombre de qualités différentes exprimées et le nombre maximum de qualités par classe.

14.2.2. Catégories verbales retenues

A partir des verbalisations de chaque sujet sur chacune des familles de sons qu’il avait formé nous avons procédé à la formation de catégories sémantiques regroupant les unités verbales exprimant sans équivoque la même signification. A défaut d’avoir pu les regrouper avec une autre catégorie, nous avons décidé de ne pas prendre en compte les catégories verbales présentant des occurrences trop faibles ( large bande, clair, rebond, lointain).

Voici la liste des 10 catégories verbales retenues : Fréquence, Intensité, Durée, Sec, Net, Étouffé, Attaque, Parasites, Résonant, Tonal. Elles représentent au total plus de 90% des verbalisations.

Si la description verbale formulée par les sujets portait sur les familles de sons qu’ils avaient précédemment formées, nous pouvons faire l’hypothèse qu’ils aient mentionné des caractéristiques communes à tous les sons de la famille. Les verbalisations de chaque classe individuelle sont donc attribuées à chacun des sons de la famille considérée. Nous avons ainsi pu comptabiliser le volume verbal de chacune des catégories pour les 47 sons. La figure 33 expose le volume total des verbalisations pour les catégories sémantiques retenues.

126

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

0

200

400

600

800

1000

1200

Attaqu

eSec Net

Niveau

Parasit

eTon

al

Nom

bre

d'un

ités

verb

ales

Figure 33. Volume total des principaux descripteurs verbaux utilisés par les sujets

On remarque que les qualités sonores les plus employées dans la description des 47 sons correspondent au caractère résonant, étouffé et fréquence.

14.2.3. Description des catégories verbales retenues

Il est possible que certaines catégories aient mérité d’être regroupées alors que d’autres aurait pu être divisées en plusieurs catégories indépendantes. Cependant, sans pouvoir définir avec certitude les intentions verbales des sujets, nous avons dû opérer des groupements que nous détaillons succinctement.

Qualités descriptives élémentaires

Nous pouvons discriminer les qualités élémentaires du phénomène acoustique, celles qui définissent la base de la description d'un objet sonore car elles ne peuvent être décrites elles-mêmes par une composition d’autres caractéristiques perçues. Les caractéristiques élémentaires expriment la perception de l’intensité, de la hauteur ou de la durée des sons.

1. Fréquence ( « basses », « grave » ,« aigu », « fréquence élevée », « plus d’aigu »…)

2. Intensité ( « faible », « moins fort » , « fort », « niveau intense »…)

3. Durée ( « long », « court », « qui dure », « bref » )

Caractéristiques descriptives globales

L’objet sonore se présente à nous sous une forme complexe qui est une composition des caractéristiques intensité/temps/fréquence. Cette identité sonore globale est parfois reliée à la notion de timbre. Lorsque l’on décrit le timbre d’un son, on se réfère souvent à des qualités qui ne sont pas réductibles à une seule des qualités élémentaires en particulier. Les mots sur la forme globale du son sont ainsi plus difficiles à interpréter que ceux sur les qualités élémentaires, car ils ont une signification profonde complexe. Pour ce type de qualité descriptive, il aurait été intéressant que l’expérimentateur relance le sujet, en lui demandant de détailler plus finement la signification qu’il voulait transmettre, peut-être même en l’invitant à s’exprimer par le biais des qualités descriptives élémentaires qui peuvent participer à la composition d’une qualité descriptive complexe.

127

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

Certaines de ces qualités sont clairement exprimées par des mots reliés à un aspect particulier de la forme, plus facilement attribuables à une réalité objective du son :

4. Parasites (« propre », « bruité », « vibration secondaires s’ajoutent au son »…)

5. Tonal (« comme une note », « composante tonale » …)

6. Résonance (« pas résonant » « une résonance », « un peu résonant »…)

La tâche de description ici suscitée induit de trouver des attributs au son, c’est-à-dire des caractéristiques qui sont pensées comme intrinsèques au stimulus. Cependant, les sujets ne trouvent pas forcément les descripteurs clairement dédiés à l’expérience perceptive sonore parmi les connaissances objectives qu’ils possèdent. Ils peuvent alors essayer d’approcher leurs impressions en exprimant ce qu’elles ont de commun avec d’autres expériences perceptives ou même des concepts abstraits, souvent par le biais d’analogies.

Les ambivalences concernent 4 catégories verbales Etouffé, Attaque, Sec et Net. Pour chacune de ces catégories, les sujets n’adoptent pas toujours la même stratégie descriptive et utilisent différents mots. Cependant, ils se rapportent selon nous à la même réalité matérielle. Nous sommes conscients qu’en les regroupant nous perdons là les subtilités et spécificités d’usage des différents termes, mais nous pensons que la catégorie ainsi formée constitue une zone de recouvrement sémantique, c’est-à-dire qu’elle retranscrit ce qu’il y a de commun dans ce que les sujets ont voulu exprimer.

7. Etouffé ( « étouffé », « sourd », « amorti », « mat » …)

Cette catégorie peut comporter l’aspect amorti de l’attaque ou une atténuation globale du son, de même qu’il peut révéler un aspect basses fréquences .

8. Attaque ( « attaque sèche », « attaque amortie »… )

Cette catégorie a été traitée indépendamment des verbalisations se rapportant au caractère « amorti » ou « sec » des sons car cette fois les sujets indiquent clairement que c’est la dynamique temporelle d’émergence du son qui est visée, dans deux expressions qui s’opposent sémantiquement. L’attaque sèche correspondrait à un impact qui atteint rapidement son maximum, au contraire d’une attaque amortie.

9. Sec ( « sec »… )

« sec » pourrait parfois être relié à « attaque sèche », d’autres fois à « durée courte ». Sans pouvoir trancher avec certitude sur la ou les significations visées par les sujets, on fait finalement l’hypothèse que la description verbale d’un bruit sec est en étroit lien avec la perception de la dynamique du son, c’est-à-dire de sa durée mais également de son attaque.

10. Net ( « net »… )

Nous pensons que « net » pourrait signifier « durée courte » pour certains ou « absence de parasites » pour d’autres. Nous interprétons cette signification comme la propreté du contenu, c’est-à-dire sans parasite, sans résonance ou les deux à la fois. Il est également possible qu’elle exprime l’absence d’obstacle à l’émission, donc un rapport à l’attaque, pour une signification cette fois proche des catégorie Sec ou Attaque.

14.2.4. Création des Profils verbaux

Les occurrences ne suffisent pas pour établir le portrait verbal d’un son. Pour caractériser les sons par les qualités sonores, nous calculons la tendance pour chaque catégorie verbale. Dans un premier temps ces tendances verbales permettent de créer des

128

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

profils verbaux pour chacun des sons ainsi que des portraits verbaux moyens pour chacune des classes perceptives.

Quantification graduelle

Pour exprimer les différences entre des stimuli, le sujet ne possède pas d'échelle absolue indépendante du contexte en présence. Il faut ainsi garder à l’esprit qu’une qualité est toute relative au corpus global de sons écoutés. Ainsi, on pourra dire que tel son tend plutôt vers le grave, tel autre est, par contre, plus aigu, les uns par rapport aux autres. Le sujet peut donc parfois évoquer des différences de manière graduelle. Cela se traduit en général par des différences d’intensité d’une qualité sonore particulière ( « Cette famille comporte des sons très sourds, alors que dans celle-ci, ils sont juste un peu sourds » ). Nous avons conservé trois niveaux graduels et appliquons en fonction une pondération de l’occurrence du descripteur concerné. Ainsi « un peu » se voit attribuer la pondération de 0,5 et « très » de 1,5. Le niveau intermédiaire ou le verbatim exprimé de manière classificatoire conserve un poids unitaire.

Polarité sémantique

Une distinction, présente dans le discours, est faite selon la polarité sémantique (-)/(+) des expressions employées. Celle-ci se matérialise de deux manières, selon le type de catégorie. Elle peut être exprimée par la présence ou l’absence d’un caractère, ou par des expressions antithétiques. Le volume verbal de chacune de ces polarités est calculé indépendamment.

Le tableau suivant détaille les polarités sémantiques pour chacune des catégories. Polarité de la tendance verbale Catégorie sémantique + -

Tonal Oui Non Attaque Sèche Amortie Etouffé Oui Non Niveau Fort Faible Parasite Présence Absence Durée Long Court

Résonant Oui Non Sec Oui Non Net Oui Non

Fréquence Aigu Grave

Table 8. Polarités sémantiques pour chaque tendance verbale

Quantification de la tendance verbale

La somme des unités verbales pondérée a été calculée pour chaque polarité sémantique de chacune des catégories sémantiques. La formulation de la tendance verbale, telle qu’elle est détaillée en 6.2.2, a alors été appliquée pour les 10 catégories sémantiques.

Corrélation entre tendances verbales

Afin de se faire une idée des liens qu’il peut exister entre les diverses tendances, le tableau suivant présente les coefficients de corrélation supérieurs à 0,5 entre chaque paire de tendance verbale.

129

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

tonal

0,67- 0,860,66 fréquence

net - 0,58- 0,720,59net sec - 0,53 - 0,8- 0,61sec

résonance 0,62résonance durée0,67durée

parasiteparasite niveau- 0,780,6 niveau

étouffé- 0,72 étouffé attaque attaque

R significatifs entre les tendances verbalestonal

0,67- 0,860,66 fréquence

net - 0,58- 0,720,59net sec - 0,53 - 0,8- 0,61sec

résonance 0,62résonance durée0,67durée

parasiteparasite niveau- 0,780,6 niveau

étouffé- 0,72 étouffé attaque attaque

Corrélations significatives entre les tendances verbales ( |R| > 0,5 )

Table 9. Corrélations entre les tendances verbales

On observe des corrélations pouvant révéler deux types de liens. Bien qu’il faille rester prudent, il peut parfois s’agir de catégories verbales représentant la même dimension sémantique, et qui aurait du être regroupées. Cela peut être le cas des tendances Attaque et Etouffé, qui sont anti-corrélées et signifieraient alors chacune une polarité de la même catégorie. Cependant, la plupart du temps, les tendances fortement corrélées expriment des qualités réellement différentes. Certaines apparaissent de concert car elles sont physiquement liées. Ainsi, un son étouffé verra son niveau amoindri, ainsi que son contenu haute-fréquences. Un son résonant aura une durée plus longue, de même qu’un son présentant des bruits parasites.

Classification hiérarchique des classes selon leurs tendances verbales

Pour chacune des sept classes déduites du deuxième niveau de coupure de la CAH (cf. 14.1.2), un profil verbal moyen, composé de la valeur moyenne de la tendance verbale pour chacune des catégories sémantiques, a été créé. Une classification hiérarchique ascendante a alors été effectuée (critère de Ward) afin de pouvoir observer la proximité des classes entre elles d’après leur profil verbal. L’arbre ainsi construit est présenté en figure 34.

On peut y observer que toutes les sous-classes sont bien discriminées. Les classes supérieures 3 et 4 se retrouvent par la proximité respectives des sous-classes 3a/3b et 4a/4b. Par contre, on remarque que la classe 2b paraît plus proche de la classe 1 que de la classe 2a. Cela incite à penser que le deuxième niveau de coupure sur l’arbre de la première classification (14.1.2) est bien le plus approprié, car c’est celui qui permet de discriminer la classe 2a. La classification moyenne en 7 classes semble robuste.

Pour cette classification moyenne, les données transformées de la classification libre par similarité sonore, ayant servi à construire le premier arbre, et celles des verbalisations, ayant servi à construire l’arbre de la figure 34, sont cohérentes entre elles. Les données brutes sont issues d’une structure originale commune, puisque les sujets ont verbalisé à propos des classes qu’ils avaient précédemment formées. Cependant, on peut être rassuré par le fait que l’ensemble des transformations opérées sur les deux types de données ont conservé cette structure sous-jacente.

130

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

4a 4b

3a 3b

2a

1 2b

1015

2025

3035

4045

Figure 34. Classification ascendante hiérarchique des classes d’après leurs tendances verbales

Comparaison des profils verbaux des classes

Les figures suivantes (figure 35 à 41) représentent les profils verbaux des sept classes avec l’intervalle de confiance pour chacune des moyennes calculées. Il est ici particulièrement intéressant de comparer comment les sous-classes qui sont proches sur l’arbre de la figure 34 se différencient. Toutes les différences mentionnées dans ce paragraphe sont statistiquement significatives au risque de 5%.

Tonal Attaque Etouffé Intensité Parasites Durée Résonance Sec Net Fréquence

Classe 1

negative

neutre

positive

Figure 35. Profil verbal de la classe 1

131

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

Tonal Attaque Etouffé Intensité Parasites Durée Résonance Sec Net Fréquence

Classe 2a

negative

neutre

positive

Figure 36. Profil verbal de la classe 2a

Tonal Attaque Etouffé Intensité Parasites Durée Résonance Sec Net Fréquence

Classe 2b

negative

neutre

positive

Figure 37. Profil verbal de la classe 2b

La classe 2a se différencie à la fois des classes 2b et 1 par son aspect plus résonant et tonal. De plus, les sons des classes 1 et 2b sont perçus comme plus secs et avec une attaque plus sèche et de fréquences moins aiguës. La classe 1 se différencie de la classe 2b seulement par un aspect encore plus sec.

Tonal Attaque Etouffé Intensité Parasites Durée Résonance Sec Net Fréquence

Classe 3a

negative

neutre

positive

Figure 38. Profil verbal de la classe 3a

132

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

Tonal Attaque Etouffé Intensité Parasites Durée Résonance Sec Net Fréquence

Classe 3b

negative

neutre

positive

Figure 39. Profil verbal de la classe 3b

Les deux sous-classes de la classe 3 se différencient surtout sur l’aspect fréquence et étouffé. La classe 3b est composée de sons perçus comme plus graves et plus étouffés et d’intensité moins élevée.

Tonal Attaque Etouffé Intensité Parasites Durée Résonance Sec Net Fréquence

Classe 4a

negative

neutre

positive

Figure 40. Profil verbal de la classe 4a

133

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

Tonal Attaque Etouffé Intensité Parasites Durée Résonance Sec Net Fréquence

Classe 4b

negative

neutre

positive

Figure 41. Profil verbal de la classe 4b

On peut voir ici que les deux sous-classes de la classe perceptive 4 ne se différencient significativement que sur l’aspect sec des sons.

Différences par tendances verbales

Pour observer plus finement les différences de profil entre les différentes classes perceptives, on représente sur les figures suivantes (42 et 43) chacune des tendances verbales indépendamment, en identifiant les groupes homogènes de Duncan.

134

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

1 2b 3a 3b 4b 4a 2a

Tonal

neutre

positive

4b 2a 4a 3b 2b 1 3a

Attaque

negative

neutre

positive

3a 1 2a 2b 3b 4b 4a

Etouffé

neutre

positive

4a 4b 2a 1 2b 3b 3a

Intensité

negative

neutre

positive

2a 1 2b 4a 4b 3b 3a

Parasites

negative

neutre

positive

Figure 42. Comparaison des tendances verbales Tonal, Attaque, Etouffé, Intensité et Parasites pour les différentes classes perceptives avec groupes homogènes de Duncan

135

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

1 2b 4a 2a 3b 3a 4b

Durée

negative

neutre

3a 3b 2a 2b 1 4b 4a

Net

negative

neutre

positive

1 4a 3a 2b 4b 3b 2a

Résonance

negative

neutre

positive

4b 3a 3b 2a 4a 2b 1

Sec

neutre

positive

4b 4a 3b 1 2b 2a 3a

Fréquence

negative

neutre

positive

Figure 43. Comparaison des tendances verbales Durée, Résonance, Sec, Net et Fréquence pour les différentes classes perceptives avec groupes homogènes de Duncan

136

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

Synthèse des portraits verbaux des classes perceptives

Le tableau 10 suivant propose un récapitulatif des différences significatives entre les classes perceptives, observées sur les tendances verbales.

Classes perceptives déduites de la classification ascendante hiérarchique 1 2a 2b 3a 3b 4a 4b

Moins de parasites Plus net

Plus de parasites Moins net

Moins de parasites Plus net

Moins étouffé Plus d’aigu

Plus étouffé Moins d’aigu

Attaque plus

sèche

Attaque plus

amortie Attaque plus sèche Attaque plus amortie

Qualités sonores discriminantes

Plus sec Pus tonal

Plus résonant

Plus fort

Table 10. Différences perceptives significatives entre les portraits verbaux des classes

14.2.5. Discussion

Dans cette étude, deux aspects du traitement des verbalisations méritent d’être discutés : le côté quantitatif et qualitatif, plus spécifiquement en les comparant avec l’épreuve descriptive utilisée en analyse sensorielle.

Quantitatif

La quantification des qualités descriptives obtenues par le biais des verbalisations ne peut être qu’une mesure indicative, comme la tendance que nous calculons dans cette étude, et ne peut en aucun cas être assimilée à un indicateur aussi reproductible et répétable que ceux produits par un panel d’experts sensoriels. Il faut cependant rappeler que si l’analyse sensorielle a pour objectif d’obtenir des indicateurs descriptifs d’une qualité aussi précise, c’est qu’elle se base sur ces mesures pour différencier quantitativement les échantillons et que ce sont également ces mesures qu’elle cherche par la suite à objectiver. Dans notre cas, les données permettant de différencier quantitativement les sons sont obtenues par un autre biais, et la description est plus modestement destinée à une interprétation qualitative de l’espace des similarités.

Qualitatif

Concernant l’aspect qualitatif, comme cette étude l’illustre, le traitement des verbalisations implique un travail d’interprétation qui laisse parfois des zones d’ombres sur ce qu’ont voulu communiquer certains auditeurs. L’analyse sensorielle contourne ce problème en élaborant une liste de descripteurs avant l’épreuve et en formant le jury par le biais d’une phase d’apprentissage sémantique. Cependant, elle risque ainsi de passer à côté de certaines qualités sonores qui peuvent être importantes du point de vue de l’auditeur naïf, celui qui percevra le bruit en situation.

Dans le cas de notre étude sur les bruits de tapotement, on peut par exemple comparer le corpus de descripteurs utilisés par M.C. Bézat (2007) (Hauteur, Détonant, Proximité, Attaquant, Intensité, Longueur de toc, Résonant) aux catégories sémantiques que nous

137

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

avons pu relever (Fréquence, Intensité, Durée, Sec, Net, Étouffé, Attaque, Parasites, Résonant, Tonal). La thèse de M.C. Bézat ne comporte qu’une courte définition des descripteurs sensoriels. Nous n’avons pas de détails concernant l’élaboration des descripteurs et ne pouvons donc pas saisir toutes les subtilités qui les définissent.

On peut toutefois identifier 5 termes équivalents à nos catégories descriptives parmi les 7 descripteurs sensoriels : Hauteur/Fréquence, Intensité/Intensité, Attaquant/Attaque, Longueur de toc/Durée, Résonant/Résonant. Il reste alors un terme, Proximité, que nous pouvons assimiler à une catégorie que nous avons abandonnée du fait de son trop faible nombre d’occurrences dans le discours des auditeurs : Lointain. Nous ne trouvons pas d’équivalence triviale pour le dernier descripteur sensoriel, Détonant, que M.C. Bézat définit comme « l’importance du niveau de détonation ». Nous avons d’ailleurs du mal à saisir la différence qu’il peut y avoir avec le descripteur Attaquant. Peut être est-ce le même genre de subtilité que nous avons choisi de conserver entre nos catégories sémantiques Sec, Attaque, Net et Etouffé. Ces deux derniers termes, ainsi que Parasites sont par ailleurs des catégories sémantiques particulièrement discriminantes dans notre étude. Si on peut trouver dans Proximité et Détonant des zones de recouvrement sémantique avec Etouffé, voir avec Net, la notion de Parasites est par contre clairement absente de l’étude de M.C. Bézat (2007). Il en est de même pour la catégorie Tonal, qui semble cependant moins déterminante pour différencier l’ensemble des sons.

Perspective

D’un point de vue plus fondamental, une perspective intéressante serait de procéder à une étude à mi-chemin entre la psycholinguistique et la psychophysique, afin de mieux cerner quelle réalité physique se cache derrière les mots utilisés par les auditeurs. En contrôlant des paramètres sonores a priori, on pourrait créer des échantillons pour lesquels des sujets naïfs évalueraient des attributs que nous avons ici extraits, et qui apparaissent fréquemment dans le discours à propos des sons. En reliant les variations des réponses aux variations des paramètres acoustiques, il serait alors possible d’identifier les différences acoustiques subtiles qui peuvent se cacher derrière des termes tels que Sec, Net, Attaquant, Etouffé, Sourd, Amorti….

14.3. Les données sur les sons typiques

La figure 44 présente le nombre de fois que chaque son a été choisi comme son typique. Il est logique que plus la famille est petite, plus les sons qui la composent ont de chance d’être choisis. Les S6 et S23 semblent vérifier cette hypothèse. Ils constituent en effet à eux seuls la sous-classe 2a, la plus petite obtenue par CAH, et sont plus fréquemment choisis que les autres sons. Par ailleurs, aucun des deux ne se démarque de l’autre.

Pour les autres familles, nous avons procédé à un test du 2χ de conformité, destiné à comparer une distribution observée à une distribution théorique. Dans notre cas, nous voulions savoir si les sons typiques pouvaient avoir été choisis de manière aléatoire, avec équiprobabilité pour chaque son. Sur toutes les classes, seules deux ont montré avoir une distribution déséquilibrée dans le choix du prototype, il s’agit de la classe 3a (p<0,001) et de la classe 4a (p<0,005). Dans les autres classes CAH, aucun son ne semble donc plus représentatif qu’un autre.

Pour la classe 3a, c’est le son S27 qui se démarque (résidu( 2χ )=5,8). Il présente certainement une particularité qui incite les sujets à le choisir. Après l’avoir écouté, nous pensons que ce son, plus qu’une typicité de type « moyenne », présente une typicité de type

138

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

« caricaturale » (ou archétype). Pour la classe 4a, la même hypothèse peut être émise mais la typicité est partagée par les sons S33 (résidu( 2χ 2χ)=1,4) et S34 (résidu(

0

10

20

30

40

50

S13

S15

S16

S17

S19

S20

S35

S36

S37

S45

S47 S6

S23 S7

S8

S10

S11

S12

S46

S14

S18

S27

S40

S44 S1

S2

S24

S26

S28

S30

S38

S39

S25

S29

S32

S33

S34

S41 S3

S4

S5

S9

S21

S22

S31

S42

S43

Son

No

mb

re d

e su

jet

1 2a 2b 3a 3b 4b 4a

)=2,5), provenant d’ailleurs du même véhicule.

Figure 44. Pour chaque classe CAH, nombre de sujets ayant choisi chacun des sons comme prototype de sa famille

14.4. L’épreuve d’évaluation

14.4.1. Test de validation des scores d’évaluation

Problématique

Lors de l’expérience, nous avons obtenu des scores d’évaluation pour chacun des sons. Cependant, ces derniers ne sont pas évalués directement mais par le biais du son typique représentant, pour chacun des sujets, la famille à laquelle ils étaient attribués. En étendant le score des sons typiques choisis par chaque sujet à tous les sons qu’ils représentent pour ce même sujet, nous faisions le pari d’obtenir, pour chaque son, une note moyenne représentative d’une évaluation classique. Cette tactique méthodologique nous a permis une économie pratique énorme dans le cadre de l’étude perceptive. Cependant, il est possible que cette réduction amène un manque de précision sur les scores moyens des sons, ce qui pourrait s’avérer problématique pour la suite de l’étude, spécialement pour la phase d’objectivation.

Objectif

Il s’agit surtout de déterminer si il est possible d’utiliser comme données quantitatives les scores moyens obtenus lors du test subjectif basé sur la perception catégorielle, processus mental qui mêle quantitatif et qualitatif. Dans le cas contraire, il serait alors nécessaire d’inclure dans notre processus méthodologique un deuxième test spécifiquement consacré à l’évaluation directe de tous les sons. Nous avons donc décidé de procéder à un test

139

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

complémentaire de validation sur un nombre réduit de sons, qui seront cette fois ci directement évalués.

Terrain empirique

Nous avons extrait 12 sons, parmi les 45 sons dont nous voulons objectiver l’évaluation subjective, afin de les faire évaluer directement par des auditeurs. Les 12 sons extraits ont été choisis afin de représenter les 6 principales familles perceptives (la classe 2a, particulière, a été écartée). Pour chacune d’entre elles, nous avons sélectionné le son le plus souvent choisi comme son typique, qui a donc récolté le plus d’évaluations directes, et le son le moins souvent choisi comme son typique, qui a donc récolté le moins d’évaluations directes.

Protocole

Trente sujets ont alors procédé à l’évaluation directe des sons par méthode mixte, grâce au logiciel JuryTesting de 01dB. Environ un tiers des sujets avaient participé à l’expérience complète basée sur la catégorisation, cependant le délai entre les deux tests est de plus de six mois.

La tâche précise était d’évaluer la qualité du matériau évoqué par les sons. Les sujets étaient, une fois encore, mis en situation par l’explicitation de l’intention (achat potentiel), du contexte (véhicule statique chez le concessionnaire), de la source sonore ( la planche de bord) et du geste producteur du son ( tapotement avec le plat de la main).

Résultats

La figure 45 confronte l’évaluation moyenne de la qualité du matériau évoquée par ces 12 sons, obtenue par le biais des sons typiques, ou directement lors du test de validation.

Nous pouvons observer qu’un seul son présente une différence d’évaluation significative : le son 46. Ainsi, nous avons considéré que l’approche des scores moyens par l’évaluation du son typique était satisfaisante. Nous avons donc conservé ces scores, afin de profiter de l’insertion de 45 valeurs dans un modèle de régression qui s’avérera d’autant plus représentatif des sons étudiés.

140

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

Material quality evoked by dasboard tapping sounds

S17 S37 S46 S8 S14 S27 S26 S30 S25 S34 S3 S4

Prototype evaluationirect evaluationD

very.bad

d

ceptable

od

ery.goodv

go

ac

ba

Evaluation par sons typiques Evaluation directe

Très bonne

Bonne

Acceptable

Mauvaise

Très mauvaise

Figure 45. Comparaison des scores moyens d’évaluation obtenus par méthode indirecte (sons

typiques des classes) et directe

Conclusion

Ces résultats, certes sommaires, tendent à donner un argument supplémentaire pour notre méthodologie de test basée sur la catégorisation. Un seul test s’avèrerait ainsi suffisant pour l’obtention de données subjectives qui sont exploitables à la fois pour l’obtention de l’espace perceptif et pour l’objectivation de la qualité perçue.

Il serait cependant utile de procéder à d’autres tests de validation, spécifiquement centrés sur la problématique de l’évaluation indirecte par sons typiques. Il serait par exemple profitable de fixer un nombre optimal de sons à utiliser lors de la tâche de classification libre, afin que leur évaluation indirecte soit la plus représentative possible de leur évaluation directe. D’un point de vue plus fondamental, il y a là une piste intéressante pour l’exploration du processus de catégorisation et spécialement du lien entre l’évaluation subjective d’un objet et l’évaluation subjective de la catégorie formelle à laquelle il appartient.

14.4.2. Scores moyens des 47 sons

La figure 46 représente l’évaluation moyenne mesurée lors du test perceptif pour les 47 sons, ordonnés de manière croissante. L’intervalle de confiance au risque de 5% est également représenté, ainsi que les groupes déduits d’une comparaison multiple de Duncan.

Les scores s’étalent sur une dynamique réduite, allant de 0,16 à 0,68. Par ailleurs la figure 47 représente l’histogramme des scores. On remarque qu’aucun son n’évoque une « très bonne » qualité de matériau. Pour comparaison, M-C. Bezat (2007) dans son étude annexe des bruits de tapotement, obtenait une dynamique des réponses encore plus réduite, entre 0,27 et 0,61 sur 31 sons.

Ces observations sont à rapprocher de la nature de l’évaluation, matérielle. En effet, ce type de qualité perçue fait plutôt partie des attentes de base des clients et présente ainsi un risque important de moins-value lorsque la qualité espérée n’est pas au rendez-vous. Dans le

141

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

s2 s s4 s s 8 s2 s s3 s s2 s3 s 1 s3 s s s s1 s s3 s s s s s s2 s s3 s4 s s4 s s s3 s s s47 s s3 s s1 s s7 s 5 s4 s s s7 40 4 1 1 8 26 0 14 9 2 6 19 24 38 0 23 5 9 11 31 6 20 2 12 3 29 6 8 17 3 4 41 37 2 16 3 5 1 2 25 34 45very.bad

very.good

cas contraire, les clients auront plutôt tendance à juger la qualité normale, ou acceptable plutôt que d’y percevoir une plus-value.

Très bonne

Acceptable

s27 s40 s44 s1 s18 s28 s26 s30 s14 s2 s39 s21 s36 s19 s24 s38 s10 s23 s35 s9 s11 s31 s6 s20 s22 s12 s3 s43 s29 s46 s8 s17 s33 s4 s41 s47 s37 s32 s16 s13 s5 s7 s15 s42 s25 s34 s45

Très mauvaise

Figure 46. Evaluation de la qualité perçue évoquée par les 47 sons, groupes homogènes de Duncan

Qualité Perçue mesurée

Fréq

uenc

e

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

02

46

810

12

Figure 47. Histogramme des scores d’évaluation moyens obtenu lors du test perceptif

14.4.3. Scores moyens des classes CAH

Sur la figure 48 est représentée l’évaluation moyenne de chacune des classe perceptives accompagnées de l’intervalle de confiance et des groupes homogènes de Duncan , pour un risque de 5%.

142

Partie 2. Etude perceptive – Analyse descriptive

143

Figure 48. Qualité perçue évoquée par les 7 classes CAH, groupes homogènes de Duncan

Il est cette fois possible de bien discriminer différents groupes d’évaluation. Aux extrêmes, on retrouve la classe 3a, jugée négativement et la classe 4a, jugée légèrement mieux qu’acceptable. On remarquera que c’est dans ces classes que l’on retrouve des prototypes individuels qui se dégagent particulièrement. Le meilleur représentant d’un mauvais son est donc le son 27, issu de la classe 3a. Les meilleurs représentants d’un « bon » son, sont les sons 33 et 34, issus de la classe 4a.

On peut remarquer que les sons de la classe 3 (3a+3b) sont clairement différenciés de la classe 4 (4a+4b) en terme d’évaluation. L’arbre hiérarchique présenté en figure 31 montre pourtant une proximité plus importante entre la classe 4 et la classe 3 qu’entre la classe 4 et les autres classes. Cette proximité est toutefois relative puisque les feuilles représentant ces 2 classes se rejoignent pour une valeur élevée du critère d’agrégation. On peut en effet observer sur l’arbre figure 34, obtenu avec les données sur les tendances verbales, que la classe 3 est cette fois plus proche de la classe 2 que de la classe 4.

D’un point de vue plus général, la comparaison de l’évaluation moyenne des sous-classes montre que des sons formellement perçus comme proches (3a et 3b par exemple) peuvent susciter une évaluation très différente. La projection de la situation et la nature de la qualité évaluative rendent saillantes les qualités descriptives déterminantes dans un contexte particulier. Une différence de ces qualités, même à peine sensible a donc un impact sur l’évaluation.

3a 3b 2a 2b 4b 1 4a

very.goodTrès bonne

very.bad

Acceptable

Très mauvaise

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

15. Cartographie de la perception sonore

15.1. Représentations des dissimilarités

Une MDS est un traitement multidimensionnel qui cherche à représenter les distances entre différents objets, contenues dans une matrice, dans un espace à dimension réduite. Nous avons testé différents types d’algorithme MDS pour différentes dimensionnalités. Le meilleur compromis entre un espace à dimension réduite et une distorsion minimum des distances originelles apparaît avec un modèle non métrique dans un espace à 3 dimensions.

15.1.1. Positionnement multidimensionnel

Un traitement métrique (MDS classique) avec constante d’ajustement (solution analytique de Cailliez), implémenté dans le logiciel R, a été effectué sur la matrice de distances des sons. On remarque qu’il faut plus de 10 dimensions pour représenter 70% de la variance, ce qui ne nous convient pas dans une optique de représentation sur un nombre réduit de dimensions.

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46

Nombre de dimension (metric MDS)

Cu

mu

l d

e la

var

ian

ce r

epré

sen

tée

(%)

Figure 49. Qualité d’ajustement de la configuration MDS métrique

Nous avons donc décidé d’adopter un traitement non-métrique (MDS Kruskal), toujours avec le logiciel R. Le stress, mesure de la distorsion entre les disparités et les distances représentées par la solution MDS, est présenté dans la figure 50 pour un nombre croissant de dimensions. Dans la littérature, Kruskal (1964), cité par divers auteurs dont Cox et Cox (1994) considère que la solution est passable pour un stress inférieur à 20%, et qu’elle est devient bonne pour un stress inférieur à 10%. Dans notre cas une représentation en deux dimensions serait correcte (18%) mais on préférerait la solution à trois dimensions (11%) car elle s’approche des 10% souhaités. Cependant, ces seuils absolus sont relativisés par I. Borg et P. J.F. Groenen (2002). Il y est rapporté une étude de Spence et Ogilvie (1973) sur des matrices de distances aléatoires. Elle indique une tendance claire : plus le nombre de points à représenter augmente plus le stress calculé sera élevé. Ainsi, on préférera s’appuyer sur le meilleur compromis relatif à nos données, qui représente ces dernières dans une dimensionnalité réduite.

144

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

0

10

20

30

40

50

60

1 2 3 4 5

Nombre de dimensions (MDS non-metrique)

Stre

ss n

on-m

étriq

ue (%

)

Stress à partir des dissimilarités originales entre les 47 sonsStress moyen à partir de proximités aléatoires parmi 48 objets (Spence & Ogilvie, 1973)

0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

1.4

Real distances

Rep

rese

nted

dis

tanc

esD

ista

nces

repr

ésen

tées

Distances réelles

Figure 50. Stress de la configuration MDS non-métrique

Dans notre cas, on remarque que trois dimensions est une bonne solution puisque ensuite le stress ne diminue plus de manière significative (méthode du coude). De plus, l’écart le plus important entre le stress pour des données aléatoires, représenté en figure 50, et celle pour nos propres données correspond également aux dimensionnalités 2 ou 3. Finalement, la solution MDS non-métrique pour trois dimensions est donc retenue.

Le diagramme de Shepard (figure 51) représente la fonction de transformation monotone des proximités originales en disparités, par une courbe en escalier, ainsi que le nuage de points des distances représentées en fonction des pseudo-distances originales. Il permet de se rendre compte des effets de compression ou dilatation induits par la transformation monotone propre à une MDS non-métrique, ainsi que de visualiser la dispersion entre les distances représentées et les distances que l’algorithme cherche à approcher. Ces considérations sont importantes car, même si nous adoptons une MDS non-métrique, nous interpréterons bien des coordonnées de points dans un espace.

Figure 51. Diagramme de Shepard pour la configuration MDS non-métrique

145

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

Globalement, la transformation monotone distend les distances puisque qu’elle cherche à approcher des distances originales comprises entre 0.3 et 1 par des distances transformées comprises entres 0.05 et 1.3. Nous remarquons plus particulièrement une forme exponentielle pour les distances importantes. Les distances originales supérieures à 0.9 se trouvent d’autant plus distendues par la transformation monotone. En observant certains crans très marqués sur la courbe en escalier, nous pouvons également noter une représentation moins fine des différences pour les petites distances originales (inférieures à 0.4).

15.1.2. Espace perceptif de base

Les résultats du positionnement multidimensionnel sont les coordonnées de 47 points représentants les sons dans les trois dimensions (X1,X2,X3). La figure 52 présente cet espace, la couleur des points correspondant à chacune des classes perceptives l’ellipsoïde de concentration des points. On remarque qu’en considérant les trois dimensions, les sept classes sont bien discriminées les unes des autres dans l’espace.

2b

3a

1 3b

2a

4b

4a

Figure 52. Espace perceptif en trois dimensions avec représentation des classes perceptives

146

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

147

En s’aidant des projections des points sur les plans (X1,X2) et (X1,X3), respectivement représentés en figures 53 et 54, il est possible d’identifier plus finement les axes qui séparent les différentes classes.

Sur le plan (X1,X2), on peut ainsi associer les zones à des classes distinctes de sons. La première zone (A) comprend la classe 3 (3a+3b), représentée par les points de couleurs orangées. La deuxième zone (B) comprend les classes 1 et 2, représentées par les points de couleurs bleues. La troisième zone (C) comprend la classe 4 (4a+4b), représentée par les points de couleurs vertes. C’est l’axe X2 qui sépare les zones A et B de la zone C, alors que l’axe X1 sépare les zones A et B. Comme on peut l’observer sur le plan (X1,X3), l’axe X3 permet quant à lui de clairement discriminer la classe 2a, constituée de 2 sons apparemment bien particuliers.

-0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6

-0.6

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

X1

X2

1

2

34

42

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

1516

17

18 19 20

21

22

23

24

25

2627

28

29

30

31

32

33

34

35

36

3738

3940

43

44

45

46

47

41

Table 11. Légende des couleurs attribuées aux classes perceptives

Classes perceptives déduites de la classification ascendante hiérarchique 1 2a 2b 3a 3b 4a 4b

B A

C

Figure 53. Projections des sons sur le plan (1,2) de la configuration MDS et représentation des classes CAH

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

148

-0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6

-0.8

-0.6

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

X1

X3 1

2

3

4 5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

1516

1718

19

20

21 22

23

24

25

26

27

28

29

30

31

32

33

34

35

36

37

38

39

40

41

42

43

44

4546

47

Figure 54. Projection des sons sur le plan (1,3) de la configuration MDS et représentation des classes CAH

15.2. Projection des qualités sonores descriptives (tendances verbales)

Après avoir quantifié les tendances verbales pour chacun des sons, nous avons opéré une régression multiple sur chacun des plans de l’espace et représenté les qualités descriptives sonores sous forme de vecteurs. Nous ne représentons les vecteurs obtenus que pour une corrélation globale supérieure à 0,5. Par ailleurs, la longueur du vecteur est normalisée par rapport à cette qualité de représentation. Les couleurs des points correspondent aux classes décrites dans le tableau 7.

15.2.1. Plan (X1,X2)

Le tableau ci-dessous présente les coefficients de régression standardisés indiquant la contribution des qualités sonores descriptives pour les axes utilisés comme entrées de la régression, ici X1 et X2.

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

Cosinus de direction Catégorie sémantique (X1) (X2)

Coefficient de corrélation

R pval

tonal 0,385 -0,923 0,200 0,422 attaque 0,091 0,996 0,703 0,001 étouffé 0,031 -1,000 0,895 0,001 niveau -0,424 0,906 0,809 0,001 parasite -0,998 0,068 0,849 0,001 durée -0,931 -0,365 0,854 0,001 résonance -0,984 -0,180 0,476 0,004 sec 0,825 0,566 0,887 0,001 net 0,725 -0,689 0,865 0,001 fréquence -0,062 0,998 0,803 0,001

-0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6

-0.6

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

Table 12. Indicateurs de qualité pour la projection vectorielle des tendances verbales sur (X1,X2)

X2

1

2

34

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

1516

17

18 19 20

21

22

23

24

25

2627

28

29

30

31

32

33

34

35

36

3738

3940

41

42

43

44

45

46

47

attaque

étouffé

niveau

parasite

durée

sec

net

fréquence

X1

Figure 55. Projection des tendances verbales sur le plan (1,2) de la configuration MDS

L’axe X1 est bien corrélé avec la tendance verbale Parasite. L’axe X2 peut être associé à plusieurs tendances verbales : notamment Etouffé, qui s’oppose aux tendances Fréquence et Attaque.

149

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

15.2.2. Plan (X1,X3)

Le tableau ci-dessous présente les coefficients de régression standardisés indiquant la contribution des qualités sonores descriptives pour les axes utilisés comme entrées de la régression, ici X1 et X3.

Cosinus de direction Catégorie sémantique (X1) (X3)

Coefficient de corrélation

R pval

tonal 0,128 -0,992 0,557 0,002 attaque 0,026 1,000 0,381 0,033 étouffé 0,941 -0,337 0,096 0,825 niveau -0,999 -0,034 0,413 0,014 parasite -0,998 0,064 0,848 0,001 durée -0,970 -0,245 0,815 0,001 résonance -0,413 -0,911 0,822 0,001 sec 0,827 0,561 0,819 0,001 net 0,997 0,079 0,675 0,001 fréquence -0,050 0,999 0,015 0,996

-0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6

-0.8

-0.6

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

X1

X3 1

2

3

4 5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

1516

1718

19

20

21 22

23

24

25

26

27

28

29

30

31

32

33

34

35

36

37

38

39

40

41

42

43

44

4546

47

tonal

parasite

durée

résonance

sec

net

Table 13. Indicateurs de qualité pour la projection vectorielle des tendances verbales sur (X1,X3)

Figure 56. Projection des tendances verbales sur le plan (1,3) de la configuration MDS

150

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

L’observation du plan (X1,X3) nous apporte de nouvelles informations pour la description de la perception des sons. La tendance verbale Résonance n’apparaît significativement que sur ce plan et permet de discriminer plus finement les différentes classes de sons. Nous voyons également apparaître la tendance Tonal, surtout supportée par les sons de la classe 2a et en particulier le son 23.

15.2.3. Synthèse

Les classes identifiées par la classification ascendante hiérarchique (CAH) des sons sont correctement discriminables par l’observation des plans (X1,X2) et (X1,X3). Si nous avions pu associer des tendances verbales à chacune des classes de sons par une simple étude descriptive (voir plus haut), nous pouvons cette fois les associer aux axes d’un espace perceptif, soit grâce aux vecteurs qui sont clairement corrélés à un axe en particulier, soit par des descripteurs plus complexes, représentés par des vecteurs composés par plusieurs axes.

Classe/Axe 1 2a 2b 3a 3b 4a 4b

X1 Peu de parasites Parasites Peu de parasite

Un peu de parasite

X2 Aigu, avec de l’attaque Etouffé, grave X1*X2 Court, sec Long, plus fort Net

X3 Tonal

X1*X3

Plus résonant, plus long Plus sec,

moins long

Plus résonant, plus long

Table 14. Interprétation des axes de l’espace perceptif pour le description des classes

15.3. Cartographie de la Qualité Perçue

Une classification hiérarchique ascendante sur les évaluations individuelles des sujets n’a pas mis à jour des classes d’auditeurs significativement différentes. La recherche d’un modèle liant espace perceptif de base (discrimination des stimuli sonores) et perception en situation (évaluation de la qualité perçue) a donc été effectuée à partir de l’évaluation moyenne de chaque son, noté QP (Qualité Perçue) et comprise entre 0 (« très mauvaise qualité ») et 1 (« très bonne qualité »). Différents modèles ont été testés. Les données brutes utilisées pour construire les variables explicatives sont les coordonnées sur les axes X1, X2 et X3. Afin de pouvoir éventuellement prendre en compte les différentes interactions ou les valeurs au carré, nous avons préalablement translaté les coordonnées pour qu’elles soient toutes de valeurs positives.

Nous présentons tout d’abord les corrélations simples obtenues entre les scores de Qualités perçues et les coordonnées des sons sur X1, X2 et X3. Ensuite, nous exposons des modèles dont deux, par régression linéaire multiple, obtiennent une bonne qualité et pour lesquelles nous construisons une cartographie de la Qualité Perçue.

15.3.1. Corrélation entre Qualité Perçue et axes perceptifs

Il s’avère que les coordonnées des sons sur un seul axes ne peuvent pas expliquer correctement le score moyen de Qualité Perçue des sons. Les coefficients de corrélation peuvent toutefois nous donner des indications sur l’influence respective des différents axes lorsqu’ils sont considéré seuls. On identifie que le meilleur pouvoir explicatif revient à l’axe

151

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

X1, avec un coefficient de corrélation de 0,78. L’axe X2 pourrait expliquer en partie la variation du score de Qualité perçue (R = -0,5), mais il est clairement insuffisant pour constituer à lui seul un modèle. Pris indépendamment, l’axe X3 semble n’avoir aucune influence sur le score de Qualité Perçue. Il présente en effet un coefficient de corrélation proche de 0.

15.3.2. Modèles de régression entre Qualité Perçue et axes perceptifs

Modèle avec X1

Le modèle de régression simple obtenu avec X1 donne une qualité à peine satisfaisante, avec un R² ajusté de 0,6 et une erreur standard de 0,08.

Coefficient non standardisé Erreur standard Valeur t Signification (valeur p) constante 0,29675 0,02846 10,427 1,38e-13 X1 0,29458 0,03496 8,425 8,35e-11

Table 15. Détails du modèle de régression (QP expliquée par X1)

Degrés de liberté 45 Erreur résiduelle standard 0,08043 R² 0,612 R² ajusté 0,6034 F 70,99 Signification (valeur p) 8,354e-11

Table 16. Qualité du modèle de régression (QP expliquée par X1)

Il semble nécessaire de rechercher un modèle plus complexe incluant notamment les coordonnées des sons sur X2.

Modèle avec X1 et X2

En introduisant en entrées X1 et X2, un modèle économique de qualité a été trouvé :

0,39 0,28 X1 0,19 X2QP = + × − ×

Il donne un R² ajusté de 0,8 et une erreur standard est de 0,006. Coefficient non standardisé Erreur standard Valeur t Signification (valeur p) constante 0,39258 0,02488 15,779 < 2e-16 X1 0,28280 0,02501 11,309 1,31e-14 X2 -0,18560 0,02785 -6,664 3,56e-08

Table 17. Détails du modèle de régression (QP expliquée par X1 et X2)

Degrés de liberté 44 Erreur résiduelle standard 0,05738 R² 0,8069 R² ajusté 0,7981 F 91,94 Signification (valeur p) < 2,2e-16

Table 18. Qualité du modèle de régression (QP expliquée par X1 et X2)

Toutefois, il a été décidé de rechercher si l’introduction des interactions et des valeurs au carrés des axes, pour les trois dimensions X1, X2 et X3, pouvait améliorer le modèle.

152

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

Modèle avec X1, X2 et X1²

L’introduction des interactions et des valeurs au carré fait ressortir une seule nouvelle variable explicative : X1². Cette dernière permet d’obtenir un modèle plus fin que le précédent :

20, 27 0,67 X1 0,17 X2 0,27 X1QP = + × − × − ×

Il donne un R² ajusté de 0,86 et une erreur standard est de 0,005.

Coefficient non standardisé Erreur standard Valeur t Signification (valeur p)constante 0,27412 0,03502 7,828 8,32e-10 X1 0,67135 0,09401 7,141 8,05e-09 X2 -0,16722 0,02405 -6,954 1,50e-08 X1² -0,26911 0,06343 -4,243 0,000115

Table 19. Détails du modèle de régression (QP expliquée par X1, X2 et X1²)

Degrés de liberté 43 Erreur résiduelle standard 0,04873 R² 0,8639 R² ajusté 0,8544 F 90,98 Signification (valeur p) < 2,2e-16

Table 20. Qualité du modèle de régression (QP expliquée par X1, X2 et X1²)

Comparaison des modèles de regréssion linéaire multiple

Sur la figure 57, il est possible de comparer les valeurs observées et les valeurs prédites par les deux modèles de régression linéaire multiple.

L’évaluation d’un son est particulièrement mal prédite par les deux modèles, c’est celle du son 6. Le premier donne une erreur de 0,2 et le second une erreur de 0,14. Cela est certainement dû au fait que ce son appartient à la classe 2a, qui est surtout discriminable sur l’axe X3, dimension qui n’intervient pas dans les modèles de régression. L’autre son de la classe, le son 23, voit son score d’évaluation correctement prédit.

Sur le premier modèle, un autre son est mal prédit. Il s’agit du son 27, avec une erreur de 0,14. Sa particularité est d’avoir obtenu, lors du test subjectif, un mauvais score de qualité perçue, assez éloigné de l’évaluation des autres sons. Sur le deuxième modèle, le score du son 27 est bien prédit, mais on peut craindre qu’à lui seul il contribue fortement à la qualité du modèle. Cependant, si on le retire du jeu de données, le modèle a un coefficient de détermination supérieur à 0,8 et conserve donc une très bonne qualité.

153

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0

Qualité Perçue mesuré

Qua

lité

perç

ue p

rédi

te

Modèle 1 (X1 et X2) Modèle 2 (X1, X2 et X1²)

Figure 57. Corrélation entre la Qualité Perçue mesurémodèles de régression multiple sur les a

Cartographies obtenues par les modèles de régression li

A partir des modèles de régression multiple, deuont été construites. Cela a été possible car les deux modce plan, des courbes d’iso-appréciation des valeurs prcouleur correspondant à une régression de surface estfigure 58, deux représentations synthétiques de nodescription et évaluation. La seconde cartographie est uncorrespond au modèle de meilleure qualité, incluant X1²

154

6

27

27

6

,5 0,6 0,7 0,8

e

e et la Qualité Perçue prédite par les xes de l’espace perceptif

néaire multiple

x cartographies de la Qualité Perçue èles se résument au plan (X1,X2). Sur édites sont tracées et un dégradé de projeté. Nous obtenons ainsi, sur la s données perceptives : similarité, e représentation plus fine puisqu’elle

.

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

X1

X2

1

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niveau

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fréquence

Figure 58. Cartographies de la Qualité Perçue, expliquée par X1 et X2 (en haut) et par X1, X2 et X1² (en bas)

155

Partie 2. Etude perceptive – Cartographie de la perception sonore

15.3.3. Interprétation

Si trois axes sont nécessaires pour décrire la discrimination des stimuli sonores, les deux premiers axes suffisent pour expliquer la qualité perçue. Les composantes spécifiques au plan (X1,X3), Résonance et Tonal, ne semblent ici pas importantes pour l’évaluation de la qualité du matériau de planche de bord. Cependant, cette observation est à modérer. Comme deux sons seulement possèdent ces qualités, ces dernières ne peuvent en effet pas ressortir dans le modèle élaboré à partir des 47 sons.

Sonorité épouvantail

Le modèle de régression suggère une influence majeure de l’axe X1 lié à la composante perçue « parasites ». Plus les sons sont exempts de parasites, plus ils suggèrent une bonne qualité du matériau. Ainsi, seuls les sons de la classe 3 sont tous jugés comme évoquant une qualité de matériau inférieure à la moyenne. Nous pouvons plus spécifiquement identifier les sons de la classe 3a comme les sons à éviter. Le son 27 semble le prototype de cette sonorité épouvantail, puisqu’il a clairement été choisi comme le meilleur représentant de la classe 3a.

Sonorité cible

Dans un second temps, afin de décrire plus finement la zone cible, il nous faut considérer le rôle de l’axe 2. Ce dernier est corrélé aux tendances verbales Fréquence, Etouffé et Attaque. Pour un même niveau de parasites, plus le son est perçu comme étouffé et plus la qualité du matériau est jugée bonne. Ce sont les sons de la classe 4a, décrit comme « sans parasite, étouffé, grave et net » qui constituent donc la cible sonore idéale. Le sons 34 et 33, les plus fréquemment choisis comme prototypes par les sujets, sont les meilleurs représentants de cette cible.

156

Partie 2. Etude perceptive – Conclusion

16. Conclusion

16.1. Méthodologie Grâce à l’économie pratique apportée par le principe de perception catégorielle, nous

avons pu mener une étude perceptive complète qui permet de conserver un maximum d’échantillons pour une représentation la plus exhaustive possible de l’espace actuel des produits. De plus, la méthodologie autorise le recueil et la mise en rapport de données de différentes natures psychologiques sur un même échantillon de sujets naïfs. Une seule session a ainsi suffi pour obtenir un outil graphique de type cartographie des préférences sur 47 échantillons sonores.

Nous avons notamment pu valider, par un test perceptif complémentaire, que nous pouvions utiliser les scores moyens des évaluations subjectives récoltées lors du test perceptif principal, basé sur le principe de perception catégorielle. Nous avons vérifié que cette approche nous donnait des scores moyens comparables à ceux obtenus par évaluation directe des sons. Il serait évidemment profitable de mener une série de tests perceptifs permettant de fixer plus précisément les limites d’utilisation de ce protocole. Malgré tout, la légère perte de précision que peut induire ce nouveau protocole d’évaluation subjective, comparée à l’économie pratique qu’il apporte, semble négligeable.

Si on totalise le temps passé par tous les auditeurs, il nous a en effet suffit moins de 58h de test (nous comptons ici 1h de test par sujet alors que les temps de passages s’étalaient de 30 min à 1h), contre au moins 144 h dans l’étude de M.C. Bézat (le temps de l’épreuve hédonique n’étant pas communiqué nous ne le comptabilisons pas ici). De plus, nous représentons les données perceptives de 47 sons contre 20 dans l’étude de M. C. Bézat (2007). Cette économie pratique compense largement le temps mobilisé pour le traitement des verbalisations.

Cependant, nous devons avertir que les résultats obtenus ne sont pas strictement comparables avec ceux qu’aurait fournis une classique étude d’analyse sensorielle. Nous ne cherchons pas ici dans les réponses des sujets des mesures sensorielles reproductibles et répétables qui puissent être objectivées. Dans la méthodologie que nous avons élaborée, les tendances verbales font ici office d’orientation pour l’interprétation des axes de l’espace perceptif, et ce sont les coordonnées des sons sur ces axes qu’une démarche psychoacoustique cherchera à objectiver par des indicateurs sonores.

Par ailleurs, il a été mis en valeur l’importance d’une qualité sonore descriptive ( Parasites ) extraite des verbalisations libres, qui était absente des descripteurs sensoriels utilisés par M. C. Bézat (2007). Cette différence peut être déterminante sur les résultats finaux d’une telle étude. Elle peut être dû au fait que le corpus de sons étudiés, ne comportant pas de sons avec des parasites, n’était pas assez représentatif de l’espace des produits. Il est également possible que les experts aient implicitement exprimé cette qualité descriptive par un autre descripteur, ne correspondant pas au vocabulaire utilisé par des sujets naïfs. Cependant nous aurions du mal à identifier lequel (Longueur de toc ? Résonant ?) sans avoir plus d’informations sur la signification profonde de ces descripteurs. D’ailleurs, la thèse étant financée par un groupe industriel, PSA, elle comporte certainement des aspects confidentiels.

157

Partie 2. Etude perceptive – Conclusion

16.2. Application

Les résultats nous orientent sur la nature des métriques sonores adaptées, dans l’optique de l’élaboration d’un indicateur de contrôle reliant le signal acoustique à l’évaluation des bruits de tapotement de planche de bord en contexte, c’est-à-dire l’évaluation de la qualité du matériau. Nous chercherons en priorité une métrique corrélée à l’axe X1 de notre espace perceptif, représentant la composante Parasite du signal sonore. Ensuite nous chercherons une seconde métrique, cette fois corrélée à l’axe X2, représentant le caractère Fréquence (grave/aigu) ou Etouffé du son.

158

Partie 3

Objectivation acoustique de la perception

La détermination de l’espace perceptif lié aux bruits de tapotement de planche de bord consiste en une étape préliminaire qui doit maintenant nous guider efficacement lors de la recherche d’un indicateur global, directement mesurable sur le signal, et qui soit représentatif de la perception des sujets en situation.

Perception de bas-niveauIntégration des

données sensorielles(« fort », « aigu »,

« étouffé »…)

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Stimulus matérielDimension physique

accessible au sens(intensité, temps,

fréquence)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situation

2. Étude de l’espace perceptif des stimuliTest en laboratoire

3. Objectivation sonore de la perceptionRecherche de modèle prédictif à partir de mesures sur le signal sonore

Indicateur de la perception mesurable sur le signal sonore

Perception de bas-niveauIntégration des

données sensorielles(« fort », « aigu »,

« étouffé »…)

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Stimulus matérielDimension physique

accessible au sens(intensité, temps,

fréquence)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situation

2. Étude de l’espace perceptif des stimuliTest en laboratoire

3. Objectivation sonore de la perceptionRecherche de modèle prédictif à partir de mesures sur le signal sonore

Indicateur de la perception mesurable sur le signal sonore

Figure 59. Objectif de la Partie 3 dans le système à résoudre

En préambule, il est donné un aperçu des quelques descripteurs sonores qui ont été utilisés dans d’autres études d’objectivation de qualités évaluatives liées à des bruits d’impacts.

Pour la démarche d’objectivation proprement dite, nous procédons en deux temps. Tout d’abord, il s’agit de trouver des métriques sonores qui sont corrélées aux axes de l’espace perceptif identifiés comme déterminants pour l’évaluation subjective de la qualité du matériau. Afin de faciliter cette recherche, on s’aide de l’interprétation des axes par leurs liens avec des tendances verbales particulières, à savoir Parasite et Etouffé / Fréquence.

Ensuite, à partir de ces métriques, différents modèles de prédiction, par score ou par classe de qualité perçue, sont recherchés, constituant ainsi des potentiels indicateurs de contrôle directement mesurable.

159

Métriques sonores

(Chapitre 18)

Indicateurs pour la Qualité Perçue

(Chapitre 19)

Recherche de métriques corrélées à l’espace perceptifTest/Élaboration de métriques représentant les tendances

verbales liées aux axes, et donnant les meilleures corrélations avec les coordonnées des sons sur les axes

Prédiction quantitativeRecherche de modèle de régression linéaire des scores

moyens à partir des métriques sonores retenues

Prédiction qualitativeRecherche de modèle par arbre de régression des catégories

évaluatives opérationnelles (« à rejeter », « acceptable », «cible atteinte »), à partir des métriques sonores retenues

Métriques sonores

(Chapitre 18)

Indicateurs pour la Qualité Perçue

(Chapitre 19)

Recherche de métriques corrélées à l’espace perceptifTest/Élaboration de métriques représentant les tendances

verbales liées aux axes, et donnant les meilleures corrélations avec les coordonnées des sons sur les axes

Prédiction quantitativeRecherche de modèle de régression linéaire des scores

moyens à partir des métriques sonores retenues

Prédiction qualitativeRecherche de modèle par arbre de régression des catégories

évaluatives opérationnelles (« à rejeter », « acceptable », «cible atteinte »), à partir des métriques sonores retenues

Figure 60. Etapes principales de l’objectivation acoustique

160

Partie 3. Objectivation acoustique– Métriques pour la perception des bruits d’imapct

17. Métriques pour la perception des bruits d’impact

L’acoustique physique permet de représenter les sons à partir de l’onde de pression acoustique. Divers descripteurs acoustiques peuvent en être extraits, souvent par traitements statistiques simples tel que le niveau moyen, la fréquence maximale etc… Il est possible de chercher à objectiver la perception à partir de ces descripteurs, puisque c’est bien cette matière sonore que supportent les structures utiles à la perception. Cependant, la sensation sonore n’est pas l’onde acoustique. Cette dernière subit une transformation opérée par le système auditif. Ainsi, à partir de modèles psychoacoustiques appliqués au signal sonore, d’autres types de descripteurs peuvent être extraits et avantageusement utilisés lors d’une démarche d’objectivation de la perception.

Dans ce chapitre, il est tout d’abord présenté quelques études de bruits d’impact, afin d’identifier les descripteurs qui y sont utilisés pour expliquer la perception sonore. Ces études ont des problématiques qui peuvent se rapprocher de la nôtre, par le type de qualité évaluative ou le type de source.

17.1. La portière

Dans l’application sur les bruits de claquement de portière, E. Parizet et al. (2008), ont identifié deux dimensions liées au timbre : la première se rapporte à l’ équilibre fréquentiel, et la seconde à la « propreté » du son. Lors de la phase d’objectivation de ces dimensions sur des signaux réels, ils ont pu extraire deux métriques représentant la première dimension : l’acuité et le centre de gravité spectral. Pour la deuxième dimension, ils ont construit leur propre métrique, dérivée de l’évolution temporelle de la sonie instantanée. A partir de la description de douzes sons par ces métriques, un modèle prédictif pour la qualité évoquée par le bruit a ensuite été trouvé.

Dans la thèse de M.C. Bézat (2007), l’objectivation de la perception est effectuée à partir d’un ensemble de mesures acoustiques obtenues par un modèle d’analyse-synthèse. Grâce à une EMD (Empirical Mode Decomposition), des signaux réels sont décomposés en une série de composantes oscillantes extraites directement du signal de manière adaptative. Ces composantes (ou IMF pour Intrinsic Mode Functions) s'interprètent comme des formes d'ondes non stationnaires, c’est-à-dire modulées en amplitude et en fréquence. Elles sont ensuite recombinées en deux signaux censés représenter la partie « bruit de serrure » et « bruit de fermeture », eux-mêmes analysés d’après un modèle temps-fréquence (Equivalent Rectangular Bandwith) du système auditif. Chacune des deux parties du signal est décrite selon des paramètres divers, qui peuvent ensuite être contrôlés pour une resynthèse de signaux. Pour identifier les paramètres de synthèse réellement déterminants pour la perception, M-C. Bézat procède dans un premier temps à l’objectivation de 26 signaux réels, décrits par 15 des paramètres de synthèse issus de l’analyse, et 13 descripteurs physiques mesurés. Elle identifie ainsi les paramètres déterminants pour les descripteurs sensoriels évalués dans l’étude, ainsi que pour diverses qualités descriptives ou évaluatives de la source (énergie de fermeture, poids de la porte, solidité, qualité). Cependant, lorsqu’elle resynthétise les vingt-six sons puis compare leurs évaluations sensorielles et perceptives avec celle des signaux originaux, certaines qualités perçues sont mal conservées (qualité évoquée, poids de la porte…). Elle décide toutefois de poursuivre l’étude, pour affiner les modèles d’objectivation, avec des sons de synthèse obtenus par son modèle, réduit aux dix paramètres les plus influents.

161

Partie 3. Objectivation acoustique– Métriques pour la perception des bruits d’imapct

17.2. Le bruit de toqué

Dans sa thèse, M. C. Bézat (2007) a appliqué la méthodologie développée pour les bruits de portières aux bruits de tapotement sur des pièces de l’habitacle (planche de bord, panneau de porte). Le modèle d’analyse-synthèse pour les bruits de portière a été adapté et est contrôlable par l’intermédiaire de 5 descripteurs acoustiques indexés sur des paramètres de contrôle plus élémentaires. Elle vérifie sur 11 sons de resynthèse que la perception de la qualité évoquée est approximativement conservée. Elle établit ensuite les liens entre ces 5 descripteurs acoustiques et les propriétés sensorielles qu’elle avait précédemment identifiées comme déterminantes pour la qualité perçue, à savoir Détonant , Hauteur et Attaquant.

17.3. La balle de Golf

Dans l’étude de Roberts et al. (2005), c’est plutôt le ressenti du shot qui est étudié, suivant une qualité évaluative (« plaisant »), et d’autres qualités perçues descriptives plus ou moins complexes (« niveau », « acuité », « vivant »…) . Ils ont ensuite recherché des métriques présentant une bonne corrélation avec les scores subjectifs de ces différentes qualités perçues. Ils ont trouvé des métriques usuelles qui correspondaient bien aux différentes qualités descriptives (temps de décroissance, niveau SPL en dB(A), sonie de Zwicker, CGS, acuité) mais ont obtenu des corrélations plus faibles pour la qualité évaluative. Cependant, ils n’ont étudié que les simples corrélations et n’ont pas exploré de modèle complexe (par régression multiple par exemple) impliquant plusieurs métriques, comme c’est souvent le cas pour la prédiction des qualités évaluatives.

17.4. Le rattle

Le « rattle » est un bruit qui survient dans l’habitacle intérieur d’un véhicule lorsqu’il est soumis à des vibrations, typiquement en situation de roulage. Ce bruit résulte plus particulièrement des impacts multiples entre différentes pièces plastiques, comme la planche de bord. A. Coulon, L. desvard et N. Hamzaoui (2007) ont élaboré un modèle d’indicateur de gêne à partir de 6 sons. Toutes les métriques disponibles dans les logiciels d’analyse du laboratoire (01dB et SoundQuality) ont été calculées, et une routine sélectionnant le meilleur modèle a été lancée. Lors de la modélisation par régression, deux métriques ont ainsi été retenues : la sonie de Zwicker, et l’Indice d’Articulation.

162

Partie 3. Objectivation acoustique– Recherche de métriques sonores adaptées

18. Recherche de métriques sonores adaptées

La cartographie perceptive créée explique au mieux les variations de perception dans la banque de sons dont nous disposons. Cependant, les deux sons de la classe 2a ont une identité trop anecdotique comparée aux autres sons. Leur spécificité et les percepts sonores qui les décrivent sont finalement mal représentés sur le plan (X1,X2). Nous avons donc décidé de les écarter pour cette partie.

L’interprétation de l’espace perceptif et du modèle de régression liant l’évaluation subjective aux axes de cet espace ont permis d’identifier une contribution majeure de l’axe 1 et une contribution seconde de l’axe 2. Pour chacun de ces axes une métrique particulière est recherchée.

18.1. Métrique représentant l’axe 1 (M1)

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20

30

40

50

60

70

80

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2

Coordonnée sur l'axe X1

T60

(mill

isec

onde

s)

Linéaire (R = -0,83)

27

M1 3

45

14

Figure 64. Corrélation entre M1 et les coordonnées des sons sur l’axe perceptif X1

La figure 64 présente la corrélation entre M1 et les coordonnées des sons sur l’axe perceptif X1. On peut observer que quatre sons semblent moins bien représentés que les autres : s27, s14, s3 et s45. Il faudra plus particulièrement faire attention à ces sons lors de l’élaboration des modèles de prédiction.

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Partie 3. Objectivation acoustique– Recherche de métriques sonores adaptées

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Partie 3. Objectivation acoustique– Recherche de métriques sonores adaptées

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18.2. Métrique représentant l’axe 2 (M2)

La métrique ainsi élaborée, notée par la suite M2 nous donne un excellent coefficient de corrélation de 0,91. Les quatres sons les moins bien représentés sont s1, s2, s26 et s45. Ce dernier son avait déjà obtenu une mauvaise corrélation avec la métrique M1.

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70

75

80

85

90

95

100

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1

Coordonnée sur l'axe X2

Npb

(dB

)

Linéaire (R = 0,91)

45

M2 26 1

2

Figure 66. Corrélation entre M2 et les coordonnées des sons sur l’axe perceptif X2

170

Partie 3. Objectivation acoustique– Recherche de métriques sonores adaptées

18.3. Conclusion

Grâce à l’interprétation de l’espace perceptif des sons de tapotement de planche de bord, nous avons pu orienter la recherche de métriques sonores pertinentes d’un point de vue perceptif. Pour chacun des axes perceptifs, une métrique explicative a ainsi été trouvée.

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Partie 3. Objectivation acoustique de la perception – Modèles de prédiction

19. Modéles de prédiction de la Qualité Perçue

A partir de métriques représentant les dissimilarités sonores déterminantes, il est maintenant possible de finaliser l’objectivation. Nous avons choisi de construire deux modèles : l’un prédisant les scores numériques des évaluations moyennes de la qualité du matériau de planche de bord sur une échelle de 0 (très mauvaise qualité) à 1 (très bonne qualité) ; et un second prédisant cette fois la catégorie d’évaluation, selon une échelle catégorielle inspirée de celle utilisée par Renault pour la cotation subjective des prestations.

19.1. Prédiction du score d’évaluation

19.1.1. Méthode

Les métriques sonores reliées à chacun des axes ont été testées dans des modèles de régression linéaire en utilisant le logiciel SPSS. Comme lors du modèle élaboré dans la partie 2 sur les données perceptives, le terme linéaire concerne ici les opérations entre les différentes variables explicatives incluses dans le modèle. Cette fois encore, pour laisser plus de possibilités de composition avec les deux métriques, les variables explicatives incluaient en réalité non seulement les valeurs des métriques mais également des valeurs transformées : les termes élevés au carré ainsi que les différentes interactions des termes deux à deux. Si on se réfère aux valeurs brutes des métriques, certaines des variables explicatives sont en fait le résultat de transformation non-linéaires.

19.1.2. Application aux scores moyens

Modèle avec M1 et M2

Dans un premier temps, un modèle linéaire multiple incluant simplement les deux métriques M1 et M2. Un résultat satisfaisant a été obtenu. Il nous donne un coefficient de détermination ajusté R² de 0,78 avec une erreur résiduelle de 0,06.

Voici sa formulation : 3 3

1 22 11,5 10 11,4 10préditeQP M M− −= − × × − × ×

Coefficient non standardisé Erreur standard Valeur t Signification (valeur p) constante 2,0159 0,143346 14,063 < 2e-16 M1 -0,011483 0,001449 -11,328 2,39e-14 M2 -0,011413 0,001014 -7,874 8,40e-10

Table 21. Détails du modèle de régression multiple (QP expliquée par M1 et M2)

Degrés de liberté 42 Erreur résiduelle standard 0,06087 R² 0,7909 R² ajusté 0,7809 F 79,43 Signification (valeur p) 5,341e-15

Table 22. Qualité du modèle de régression (QP expliquée par M1 et M2)

172

Partie 3. Objectivation acoustique de la perception – Modèles de prédiction

Modèle avec M2² et M1 X M2

Dans un deuxième temps, un modèle plus complexe a été recherché, incluant les valeurs transformées des métriques (interaction et valeurs au carrés). Un modèle de qualité a été obtenu avec M2² et M1 X M2. Il nous donne un coefficient de détermination ajusté R² de 0,79 avec une erreur résiduelle de 0,06. Voici sa formulation :

24 51 2 21,3 1,3 10 3,2 10préditeQP M M M− −= − × × × − × ×

Coefficient non standardisé Erreur standard Valeur t Signification (valeur p) constante 1.262 7.027e-02 17.953 < 2e-16 M1 X M2 -3.238e-05 8.018e-06 -4.039 0.000223 M2² -1.304e-04 1.120e-05 -11.638 1.00e-14

Table 23. Détails du modèle de régression multiple (QP expliquée par M2² et M1 X M2)

Degrés de liberté 42 Erreur résiduelle standard 0.05945 R² 0.8005 R² ajusté 0.791 F 84.28 Signification (valeur p) 1.983e-15

Table 24. Qualité du modèle de régression (QP expliquée par M2² et M1 X M2)

Comparaison des modèles

On peut remarquer sur la figure 67 que le son S45 est mal prédit par les deux modèles, avec une erreur de 0,19. Cette observation n’est pas étonnante lorsqu’on se rappelle que ce son était mal représenté par chacune des deux métriques.

Par ailleurs, si on retire le son S27, qui récolte un score extrême par rapport aux autres, la qualité du modèle avec M2² et M1 X M2 reste satisfaisante avec un R² ajusté de 0,73 sur 44 sons. La qualité du second modèle diminue toutefois moins, avec avec un R² ajusté de 0,75 sur 44 sons.

Pour un modèle fiable, il est cependant important de conserver toute la dynamique des valeurs mesurées, bien qu’il soit toujours préférable d’avoir une bonne répartition des entrées de la régression sur cette dynamique. On pourra donc regretter de n’avoir qu’un seul son aussi mal perçu dans notre corpus. Le risque est ici que, pour de nouveaux échantillons mesurés qui seraient dans le domaine des sons très mal évalués subjectivement, la prédiction donne des valeurs qui sortent de l’échelle [0,1], c’est-à-dire des valeurs négatives.

173

Partie 3. Objectivation acoustique de la perception – Modèles de prédiction

0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8

QP mesurée

QP

pré

dite

Modèle avec Npb² et Npb*T60 Modèle avec T60 et Npb

45

Modèle avec M1 et M2 Modèle avec M2² et M1 X M2

Figure 67. Corrélation entre la Qualité Perçue mesurée et la Qualité Perçue prédite

par les modèles utilisant les métriques

19.2. Prédiction de la catégorie évaluative

Le tableau suivant présente quelques éléments de l’échelle utilisée en interne par Renault pour la cotation subjective des prestations. Celle-ci est souvent effectuée par des « experts » qui sont censés bien connaître le client. Ici, nous avons traduit cette échelle par trois catégories à prédire qui correspondent aux trois grandes zones utilisées par Renault.

Zone des refus Zone critique Zone des contrats

Cotation standard 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

EC

HE

LL

E

Correspondance avec le score subjectif QP

[0; 0,1] ]0,1; 0,2] ]0,2; 0,3] ]0,3; 0,4] ]0,4; 0,5] ]0,5; 0,6] ]0,6; 0,7] ]0,7; 0,8] ]0,8; 0,9] ]0,9; 1]

Réaction du client Refuse Se plaint Accepte

INT

ER

PRE

TA

TIO

N

Action de conception à mettre en oeuvre

Remise en

question totale

Intervention immédiate Nécessite amélioration O.K. Economie

envisageable

Catégorie à prédire Négative Acceptable Positive

Perçoit la qualité particulière de la

prestation

Table 25. Version allégée du standard Renault de cotation subjective

174

Partie 3. Objectivation acoustique de la perception – Modèles de prédiction

19.2.1. Méthode

Pour la prédiction des catégories évaluatives, nous avons utilisé la fonction ctree du package party sous le logiciel libre R. La base théorique de la méthode est décrite dans T. Hothorn et al. (2006). Pour résumer, il s’agit d’un algorithme d’arbre de régression par partitionnement binaire récursif, avec pour originalité l’utilisation de procédures d’inférence conditionnelle.

Au départ tous les exemples d’apprentissage sont à la racine, décrits par des variables indépendantes et une réponse (qui peut éventuellement être multivariée). Puisque dans notre cas la sortie est de nature catégorielle, il s’agit ici d’un arbre de classification qui donne comme résultat la répartition des échantillons pour chaque nœud terminal.

L’algorithme fonctionne ensuite comme suit :

1. Il teste l’hypothèse nulle de l’indépendance globale entre les variables d’entrées et la réponse. Il s’arrête si l’hypothèse ne peut être rejetée. Dans le cas contraire, il sélectionne la variable d’entrée avec la plus forte association avec la réponse. Cette association est estimée par une p-value correspondante à un test de l’hypothèse nulle d’indépendance partielle entre l’unique variable d’entrée et la réponse ;

2. Il implémente un partitionnement binaire pour la variable d’entrée sélectionnée ;

3. Il répète récursivement les étapes 1 et 2.

19.2.2. Application aux catégories évaluatives

On associe à chacun des sons une classe d’évaluation parmi (négative , acceptable , positive), d’après l’échelle de cotation représentée en table 13. C’est cette catégorie évaluative qu’on cherche ici à prédire par le biais des métriques.

Modèle avec M1 et M2

Dans un premier temps, les 45 sons sont uniquement décrits par les métriques représentant respectivement l’axe X1 (Parasite) et l’axe X2 (Etouffé). La figure 68 représente l’arbre de classification lié au modèle.

On peut résumer ainsi les règles de décision qu’implique ce modèle :

- Si alors : 1 44,71M ≤

- Si alors le son évoque une qualité de matériau positive et le produit atteint sa cible ;

2 90,71 M ≤

- Si alors le son évoque une qualité acceptable mais le produit nécessite une amélioration pour l’atteinte de la cible ;

2 >90,71M

- Si alors le son évoque une qualité négative et le produit nécessite une amélioration significative pour l’atteinte de la cible.

1 44,71M >

175

Partie 3. Objectivation acoustique de la perception – Modèles de prédiction

T60p < 0.001

1

≤ 44.71 > 44.71

Epbp = 0.039

2

≤ 90.71 > 90.71

Node 3 (n = 16)

Acc Neg Pos0

0.2

0.4

0.6

0.8

1Node 4 (n = 14)

Acc Neg Pos0

0.2

0.4

0.6

0.8

1Node 5 (n = 15)

Acc Neg Pos0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

n = 3

n = 13 n = 11

n = 3

n = 7 n = 8

Cible atteinte Acceptable A rejeter

M1

M2

Figure 61. Arbre de classification pour la prédiction des classes d’évaluation de la qualité perçue à partir de M1 et M2

Pour déterminer la qualité du modèle il faut observer la répartition des sons, étiquetés selon leur catégorie d’origine, dans les catégories prédites. Au global, 71% des sons sont bien classés. Si on regarde chaque catégorie indépendamment, on voit que les sons qui évoquent une qualité négative (neg) sont tous bien classés, de même pour 81% des sons perçus comme positifs (pos). Par contre, seul 52 % des sons perçus comme acceptables (acc) sont prédit dans la bonne catégorie.

Il y a plus particulièrement 7 sons acceptables qui sont prédits comme ayant une qualité négative. Dans les deux cas, une amélioration de conception est préconisée. Ainsi, pour les projets de véhicules haut de gamme, l’ implication opérationnelle de l’erreur de prédiction est limitée. On cherchera presque toujours à atteindre une qualité positive. Mais il existe un risque sur d’autres projets, comme dans les gammes low-cost, pour lesquelles le constructeur peut parfois se contenter d’une qualité acceptable sur les aspects perceptifs. Avec ce modèle, la priorité des actions d’amélioration peut être mal appréciée.

D’un point vue plus général, le problème d’un modèle catégoriel est que les échantillons subjectivement évalués proches des valeurs de seuil discriminant les catégories (ici 0,4 et 0,6) peuvent passer d’une catégorie évaluative prédite à l’autre pour de très légères variations du son. Elles sont ainsi plus dépendantes de la répétitivité et de la reproductibilité de la mesure acoustique.

176

Partie 3. Objectivation acoustique de la perception – Modèles de prédiction

Modèle avec M1 X M2

Dans un deuxième temps, nous avons voulu tester un modèle plus complexe incluant l’interaction entre les métriques, ainsi que leur valeur au carré. Finalement, la meilleure solution pour l’arbre de régression ne retient que l’interaction des deux métriques : M1 X M2. La figure 69 représente l’arbre de classification lié au modèle.

On peut résumer ainsi les règles de décision qu’implique ce modèle :

- Si alors le son évoque une qualité de matériau positive et le produit atteint sa cible ;

1 2 3326,38M M× ≤

- Si alors le son évoque une qualité acceptable mais le produit nécessite une amélioration pour l’atteinte de la cible ;

1 23326,38 4320,55M M< × ≤

- Si alors le son évoque une qualité négative et le produit nécessite une amélioration significative pour l’atteinte de la cible.

1 2 4320,55M M× >

T60_Epbp < 0.001

1

≤ 4320.55 > 4320.55

T60_Epbp = 0.004

2

≤ 3326.38 > 3326.38

Node 3 (n = 13)

Acc Neg Pos0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

Node 4 (n = 21)

Acc Neg Pos0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

Node 5 (n = 11)

Acc Neg Pos0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

n = 1

n = 12 n = 17

n = 4 n = 3

n = 8

Cible atteinte Acceptable A rejeter

M1 X M2

M1 X M2

Figure 62. Arbre de classification pour la prédiction des classes d’évaluation de la qualité perçue

Par ce modèle, 82% des sons sont bien classés. C’est un meilleur score que le modèle précédent. Les sons qui évoquent une qualité négative (neg) sont encore une fois tous bien classés. Cette fois, la catégorie acceptable est bien prédite avec 81 % des sons bien classés. Concernant la catégorie correspondant à une qualité perçue positive, la prédiction est légèrement moins bonne, avec 75% des sons bien classés. Cependant, le modèle reste de qualité, puisque le plus important est que des sons présentant un profil épouvantail soient rejetés. La bonne prédiction des sons subjectivement jugés acceptables, mais malheureusement classés ici dans la catégorie négative par la prédiction, produiraient le même effet : une action corrective. Le seul risque est en fait de ne pas mener d’actions correctives sur certains sons acceptables qui se trouvent improprement classés dans la catégorie positive.

177

Partie 3. Objectivation acoustique de la perception – Modèles de prédiction

19.3. Stabilité des modèles pour une mesure sur impact manuel

Dans le cadre de cette thèse, il n’a pas été possible de conduire une étude suffisamment poussée pour la détermination et la préconisation d’un impact type à utiliser par l’industriel pour la mesure des indicateurs. Il apparaît donc nécessaire d’étudier comment varient nos modèles pour de simples impacts manuels. Pour mener notre étude perceptive et d’objectivation, nous avions à l’origine extrait un seul signal pour chaque échantillon de planche de bord, parmi une série de 20 impacts manuels. Il est ainsi possible de calculer deux indicateurs, quantitatif par le meilleur modèle de régression linéaire et qualitatif par le meilleur modèle de prédiction catégorielle, pour chacun des 20 impacts. Pour être représentatif des différents types d’évaluation, nous avons choisi une planche pour chaque catégorie évaluative : S27 pour à rejeter, S11 pour acceptable, et S34 pour cible atteinte.

19.3.1. Prédiction du score d’évaluation

La Qualité Perçue prédite par le modèle quantitatif avec M2² et M1 X M2 pour 20 impacts manuels est représentée dans la figure 70. Les résultats nous donnent un écart-type de 0,03 pour S27 et S34, et de 0,05 pour S11. Cet écart est plus faible que l’erreur de prédiction. Ainsi, la mesure de l’indicateur de Qualité Perçue est considérée comme répétable à partir d’impacts manuels.

On observe que les moyennes sont légèrement différentes du score prédit à partir de l’impact simple utilisé dans l’étude, avec un écart entre 0,05 et 0,07. Il semble ainsi que les sons extraits parmi les 20 impacts n’étaient pas des représentants moyens de la planche. Pour une utilisation du modèle dans un contrôle du critère perceptif, en phase de conception ou d’industrialisation, il est donc vivement conseillé de calculer la moyenne de sur une série d’impact, afin d’obtenir un score prédit réellement représentatif.

60T

On observe également le phénomène dont nous avions évoqué la possibilité : le modèle peut donner des valeurs négatives. L’échantillon de la planche 27, le plus mauvais dans notre étude et qui a donc servi de référence basse pour les sujets et pour la régression, était en réalité un des meilleurs de la série d’impacts effectués sur cette planche.

-0,1

0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Répétition d'impacts manuels

Qua

lité

Per

çue

préd

ite

S27 S11 S34

Figure 63. Stabilité de la prédiction sur une série d’impacts manuels

178

Partie 3. Objectivation acoustique de la perception – Modèles de prédiction

19.3.2. Prédiction de la catégorie évaluative

Concernant le modèle catégoriel obtenu avec M1 X M2, tous les impacts des planches « à rejeter » et « cible atteinte » sont bien classés (100%), alors que pour la planche « acceptable » on en trouve 80 %. Ce dernier chiffre rejoint la remarque effectuée ci-dessus à propos des planches évaluées proche des valeurs de seuil. Ici l’évaluation subjective est entre les deux seuils et cela paraît donc normal que la variabilité entre les différents impacts, même très faible, puisse amener quelques sons à être prédits dans une des catégories voisines. Ici encore, bien que ce modèle s’avère très stable, on conseillera d’utiliser la valeur moyenne de M1 sur la série d’impacts afin de s’affranchir de cet effet.

179

Partie 3. Objectivation acoustique de la perception – Modèles de prédiction

20. Conclusion

20.1. Application

Nous proposons deux principaux modèles prédictifs, constituant ainsi deux indicateurs de la qualité du matériau perçue par le biais des sons de tapotement de planche de bord.

Le premier est un indicateur quantitatif qui permet de prédire le score de la qualité perçue sur une échelle de 0 à 1. En pratique, les scores ainsi prédits doivent toujours être interprétés, en les reliant par la suite à l’échelle de cotation utilisée par l’entreprise.

Le second constitue quant à lui un arbre de décision et permet de classer les sons en trois catégories évaluatives (négative, acceptable, positive) qui sont directement interprétables opérationnellement, lors du contrôle des spécifications ( rejeté , acceptable, cible atteinte). Bien qu’il soit plus approximatif, il faut garder à l’esprit que la prédiction concerne un jugement de valeur, et que la catégorisation et l’approximation sont de toute façon inhérentes à la réalité subjective de l’auditeur.

Les limites d’application de ces indicateurs sont liées aux conditions de la mesure du son sur planche de bord en contexte industriel.

Premièrement, il n’a pas été possible, dans le cadre de cette thèse, de définir le type d’impact qui pourrait être utilisé lors de l’enregistrement sonore des planches à contrôler. Comme nous l’avons déjà évoqué, il s’agirait de conduire une étude complète sur le geste produit en situation par les clients. Idéalement il faudrait déterminer les liens qui peuvent exister entre vitesse du bras, énergie à l’impact, niveau sonore du bruit résultant, dureté du matériau impacté, dureté de l’impacteur, ceci afin de fixer des invariants permettant de définir un impact type.

Cependant, il semble que la production des sons par impact manuel puisse être suffisante d’un point de vue pratique. En effet, en calculant l’indicateur de qualité perçue pour une série de 20 impacts sur un exemplaire de planche de chaque catégorie évaluative (à rejeter, acceptable, cible atteinte), l’écart type de la valeur prédite est toujours inférieur à l’erreur de prédiction. De plus, tous les bruits d’impact de la planche à rejeter et de la planche cible atteinte sont prédits dans la bonne catégorie par le modèle de prédiction catégorielle. Toutefois, pour un contrôle du critère perceptif représentatif de l’évaluation de la planche par le client, nous préconisons de prendre la valeur moyenne de la métrique M1 sur une série d’impacts manuels, pour l’inclure dans un des deux modèles prédictifs.

Par ailleurs, des entretiens avec l’équipe du Technocentre Renault chargée de contrôler diverses caractéristiques des planches de bord nous a permis d’identifier les conditions dans lesquelles serait mesuré l’indicateur de Qualité Perçue. Il s’avère que pour les mesures effectuées jusqu’à ce jour, pour des essais de fatigue par exemple, les planches sont montées sur des bâtis spécifiques, hors véhicule et sans la charge de toutes les pièces annexes ensuite fixées lors du montage du véhicule (ventilation, tableau de bord etc…). Il faudrait ainsi s’assurer que ces conditions de mesures donnent des sons comparables à ceux qui sont produits dans un véhicule complet.

180

Partie 3. Objectivation acoustique de la perception – Conclusion

20.2. Méthodologie

En conservant 45 sons pour l’objectivation, là où la plupart des études se contentent d’une dizaine, nous savions qu’il serait plus difficile d’obtenir de bonnes corrélations entre des métriques sonores et notre espace perceptif. Dans un premier temps, nous avons tout de même voulu tester les métriques qui ressortent classiquement dans les modèles d’objectivation, qui sont normées et implantées dans la plupart des logiciels d’analyse sonore (sonie, acuité, rugosité, TNR, etc…). Aucune ne s’est révélée être utile pour notre problème. Il a fallu que nous élaborions nos propres métriques, spécialement adaptées à notre problématique. C’est ainsi que le test perceptif de l’étape précédente a pu démontrer toute son utilité. L’espace perceptif s’est en effet avéré être un outil décisif, nous orientant rapidement sur les dimensions sonores déterminantes. Une mise au point de métriques « à l’aveugle » aurait certainement été laborieuse et beaucoup plus coûteuse en temps.

Il est notamment intéressant de remarquer qu’aucun indicateur de niveau ne ressort, bien qu’aucune égalisation en sonie n’ait été mise en œuvre. En effet, le niveau perçu écrase souvent les autres dimensions sonores dans les problématiques d’évaluation subjective des sons. Cette observation va dans le sens des résultats de E. Parizet (2006) sur les bruits de portière. C’est certainement le type de qualité évaluative sur laquelle les sujets sont interrogés dans ces deux études, la qualité matérielle, qui donne ce type de résultats. Cela appuie l’importance qu’il faut donner à la formulation de la consigne dans les épreuves d’évaluations. Simplement interroger les sujets en laboratoire sur une qualité mal définie de type (j’aime/j’aime pas), ou même (agréable/désagréable), lorsque le contexte est mal présenté, est malvenu. Le risque est de voir les auditeurs utiliser par défaut le niveau comme base de l’évaluation. Cela implique donc de centrer l’épreuve sur des qualités évaluatives précises, ayant si possible été identifiées comme perçues en situation réelle.

Grâce aux métriques que nous avons définies, nous avons pu procéder à la recherche de modèles de régression objectivant la qualité du matériau de planche de bord évoquée par les bruits de tapotement. L’utilisation de modèle d’arbre de régression a notamment été mise en avant, dans la perspective de prédire des catégories d’évaluation plutôt que des scores numériques.

181

182

Partie 4

Identification des variables technologiques déterminantes

Cette partie constitue la dernière étape d’une démarche d’objectivation de la perception. Ici, elle a pour objectif de proposer ou préconiser des solutions techniques qui puissent assurer ou optimiser la perception sonore de la qualité matérielle de la planche de bord.

Règles de conception

Perception de bas-niveauIntégration des

données sensorielles(« fort », « aigu »,

« étouffé »…)

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Stimulus matérielDimension physique

accessible au sens(intensité, temps,

fréquence)

Objet matérielConstruction de caractéristiques

physiques(solutions

techniques)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situation

2. Étude de l’espace perceptif des stimuliTest en laboratoire

3. Objectivation sonore de la perceptionRecherche de modèle prédictif à partir de mesures sur le signal sonore

4. Identification des variables technologiques déterminantesRecherche des liens entre variables physiques et perception sonore Règles de conception

Perception de bas-niveauIntégration des

données sensorielles(« fort », « aigu »,

« étouffé »…)

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Stimulus matérielDimension physique

accessible au sens(intensité, temps,

fréquence)

Objet matérielConstruction de caractéristiques

physiques(solutions

techniques)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situation

2. Étude de l’espace perceptif des stimuliTest en laboratoire

3. Objectivation sonore de la perceptionRecherche de modèle prédictif à partir de mesures sur le signal sonore

4. Identification des variables technologiques déterminantesRecherche des liens entre variables physiques et perception sonore

Perception de bas-niveauIntégration des

données sensorielles(« fort », « aigu »,

« étouffé »…)

Perception de haut-niveauEvaluation des

interactions potentielles(« agréable », « utile »,

« de qualité »)

Stimulus matérielDimension physique

accessible au sens(intensité, temps,

fréquence)

Objet matérielConstruction de caractéristiques

physiques(solutions

techniques)

Évaluation subjectiveAgrément du client

StimulusSon

Cause objectiveProduit

1. Étude écologiqueObservation en

situation

2. Étude de l’espace perceptif des stimuliTest en laboratoire

3. Objectivation sonore de la perceptionRecherche de modèle prédictif à partir de mesures sur le signal sonore

4. Identification des variables technologiques déterminantesRecherche des liens entre variables physiques et perception sonore

Figure 64. Objectif de la Partie 4 dans le système à résoudre

Pour pouvoir formuler des premières réponses, ou au moins des hypothèses, sur le lien entre des facteurs technologiques et la perception sonore de la qualité de la planche de bord, nous procédons en deux temps. Tout d’abord, en indexant au préalable les sons par des données techniques grossières dont nous disposons, nous réexaminons les données perceptives. Il s’agit là de pouvoir identifier les facteurs technologiques qui constituent l’identité des classes perceptives et qui déterminent la répartition des sons dans l’espace perceptif. Ensuite, pour déterminer des effets plus spécifiques de certaines variables, nous utilisons un modèle physique simplifié qui nous permet de créer des signaux de synthèse, en faisant varier des paramètres matériaux prédéfinis. Nous observons alors la sensibilité des modèles prédictifs de Qualité Perçue à ces variables physiques.

183

Facteurs technologiques(Chapitre 22)

Variables matériaux

(Chapitre 23)

Indexation des sons selon des facteurs technologiquesA partir des informations techniques sur les véhicules

sources, attribution des sons de l’étude à certaines catégories pour différents facteurs technologiques

Réinterprétation des classes perceptivesIdentification d’invariants technologiques parmi les sons

appartenant à la même classe perceptiveMise en relation avec l’évaluation moyenne de la classe

Réinterprétation de l’espace perceptifObservation de la répartition des facteurs technologiques

dans l’espace perceptif des sons (bas-niveau et haut-niveau)

Synthèse par modèle physiqueChoix d’un modèle simplifié et des variables matériaux à faire varier, pour l’obtention d’un ensemble de signaux de

synthèse

Étude de sensibilité des indicateurs de Qualité PerçueObservation des variations de prédiction en fonction des

variations de paramètres matériaux

Facteurs technologiques(Chapitre 22)

Variables matériaux

(Chapitre 23)

Indexation des sons selon des facteurs technologiquesA partir des informations techniques sur les véhicules

sources, attribution des sons de l’étude à certaines catégories pour différents facteurs technologiques

Réinterprétation des classes perceptivesIdentification d’invariants technologiques parmi les sons

appartenant à la même classe perceptiveMise en relation avec l’évaluation moyenne de la classe

Réinterprétation de l’espace perceptifObservation de la répartition des facteurs technologiques

dans l’espace perceptif des sons (bas-niveau et haut-niveau)

Synthèse par modèle physiqueChoix d’un modèle simplifié et des variables matériaux à faire varier, pour l’obtention d’un ensemble de signaux de

synthèse

Étude de sensibilité des indicateurs de Qualité PerçueObservation des variations de prédiction en fonction des

variations de paramètres matériaux Figure 65. Etape principale de la recherche des facteurs technologiques déterminants

184

Partie 4. Identification des variables technologiques - Méthodologie

21. Méthodologie

Dans le cadre de la conception centrée sur la perception, la démarche inductive consiste à utiliser les données d’un ensemble d’échantillons réels, dont nous ne contrôlons pas les variables mais qui est représentatif de l’espace produit, afin d’y extraire a posteriori les variables physiques qui influent la perception. C’est cette approche qui a prévalu tout au long du document. Cependant, chacun des 22 véhicules adopte une solution technologique particulière et nous n’avons pas accès aux nomenclatures de la plupart d’entre eux, puisqu’ils proviennent de 12 constructeurs différents. Ainsi, nous savons d’emblée qu’une approche inductive sera grossière et limitée.

Dans une application comme la nôtre, l’approche déductive peut parfois intervenir efficacement, en complément de l’approche inductive. La démarche déductive consiste à étudier des échantillons produits construits selon des paramètres prédéfinis et contrôlés , afin de pouvoir en observer les effets sur la perception. Pour nous, l’idéal serait alors de faire construire des vrais prototypes de planches de bord, selon des paramètres de conception laissés libres par le cahier des charges. Mais pour tester toutes les configurations de paramètres, le coût économique est d’emblée rédhibitoire. Il faut alors créer des sons artificiels, dits de synthèse, qui correspondent à des paramètres réels de la source. On utilise pour cela la synthèse sonore par modèle physique. Cependant, ces modèles sont souvent développés pour des cas académiques simples (poutre, plaque) et ne peuvent pas prendre en compte toutes les variables physiques d’un objet industriel complexe.

Ainsi, nous savons a priori que l’étude présentée n’apportera que des conclusions à la portée limitée. On commencera par rechercher « grossièrement », par induction, les variables technologiques qui semblent déterminantes au sein de notre corpus de sons. Dans un second temps, il sera alors envisageable d’exploiter une stratégie déductive afin d’affiner nos conclusions, en créant des sons de synthèse sur modèle physique pour étudier l’influence de certaines variables plus spécifiques.

185

Partie 4. identification des variables technologiques – Facteurs technologiques

22. Facteurs technologiques

Pour une première approche des variables technologiques déterminantes pour la perception sonore de la qualité matérielle de la planche de bord, nous utilisons directement les sons qui ont été étudiés lors de l’expérience subjective décrite dans la partie 3. En les décrivant selon certains facteurs technologiques, il est en effet possible de réinterpréter les données perceptives récoltées.

22.1. Bruits et facteurs technologiques

Nous connaissons la source des sons par le biais des véhicules dans lesquels nous avons effectué les enregistrements, et nous pouvons ainsi indexer les sons par des facteurs technologiques qualitatifs. La variabilité des paramètres de conception des planches de bord, et des véhicules en général, est trop grande pour que l’on puisse utiliser des valeurs quantifiées. De plus, nous n’avons pas accès à toutes les nomenclatures des planches de bord puisqu’elles sont issues de marques variées, pour la plupart appartenant à la concurrence.

En plus de la <Marque> et du <Modèle> codifiés, nous avons retenu les facteurs <Pièce > de planche , type de <Matériau> et <Taille> approximative de l’habitacle.

Pour le facteur <Matériau>, nous avons discriminé les modalités :

• <Injecté>, lorsque la partie de planche est en plastique injecté ;

• <Moussé>, lorsque qu’une peau associée à une épaisseur de mousse variable est ajoutée sur la base en plastique injecté.

• Pour le facteur <Taille>, nous avons discriminé les modalités :

• S, pour les petits véhicules citadins ;

• M, pour les segments moyens ;

• L, pour les véhicules monospaces, 4x4 ou break présentant de grands volumes intérieurs.

• Pour le facteur <Pièce>, nous avons discriminé les modalités :

• <corps de planche>, la partie directement liée au bâti du véhicule et qui présente la surface la plus étendue.

• <autres pièces>, toutes les pièces qui sont rajoutées sur le corps de planche, et parmi lesquelles on peut distinguer :

• <casquette>, la partie courbe, encastrée sur le corps de planche, la plupart du temps située côté conducteur au-dessus du tableau de bord ;

• <airbag>, la trappe qui dissimule l’airbag et qui elle-même peut parfois être dissimulée sous la peau de la planche de bord ;

• <boîte>, la porte d’une boîte de rangement qui peut être située sur le corps de planche de certains véhicules.

186

Partie 4. identification des variables technologiques – Facteurs technologiques

Le tableau 26 indique les facteurs retenus et les valeurs simplifiées qu’ils prennent pour chaque son.

Table 26. Indexation empirique des sons par facteurs technologiques

Son Marque Modèle Pièce Matériau Taille Classe perceptive13 A A1 corps Injecté S 1 15 B B1 casquette Injecté S 1 16 B B1 corps Injecté S 1 17 B B1 airbag Injecté S 1 19 C C1 airbag Injecté M 1 20 C C1 corps Injecté M 1 35 D D1 casquette Moussé S 1 36 D D2 boite Injecté S 1 37 D D2 corps Injecté S 1 45 E E1 corps Injecté S 1 47 E E2 airbag Moussé S 1 6 F F1 airbag Moussé M 2a

23 G G1 airbag Moussé M 2a 7 H H1 corps Injecté S 2b 8 H H1 corps Injecté S 2b

10 I I1 casquette Injecté S 2b 11 I I1 corps Injecté S 2b 12 A A1 casquette Injecté S 2b 46 E E1 airbag Injecté S 2b 14 J J1 corps Injecté M 3a 18 C C1 casquette Injecté M 3a 27 K K1 boite Injecté L 3a 40 L L1 boite Injecté M 3a 44 E E1 casquette Injecté S 3a 1 M M1 corps Moussé L 3b 2 M M1 airbag Moussé L 3b

26 K K1 airbag Injecté L 3b 28 N N1 casquette Moussé L 3b 30 N N1 corps Moussé L 3b 38 L L1 casquette Injecté M 3b 39 L L1 airbag Injecté M 3b 25 G G2 airbag Moussé L 4a 24 G G2 casquette Moussé L 4a 29 N N1 casquette Moussé L 4a 32 O O1 corps Moussé M 4a 33 O O2 corps Moussé L 4a 34 D D1 airbag Moussé S 4a 41 L L2 casquette Moussé L 4a 3 N N2 casquette Moussé M 4b 4 N N2 airbag Moussé M 4b 5 F F1 corps Moussé M 4b 9 A A2 corps Moussé M 4b

21 G G1 casquette Moussé M 4b 22 G G1 corps Moussé M 4b 31 O O1 casquette Moussé M 4b 42 L L2 corps Moussé L 4b 43 L L2 airbag Moussé L 4b

187

Partie 4. identification des variables technologiques – Facteurs technologiques

22.2. Classes perceptives et facteurs technologiques

Pour une première revue des données perceptives au filtre des facteurs technologiques, il est possible de rechercher, au sein de chaque classe perceptive, la modalité d’un facteur qui est clairement majoritaire. Ainsi, on pose l’hypothèse de l’influence de ce facteur sur un invariant sonore qui aurait incité les sujets à classer les sons ensemble.

Dans le tableau 27, les classes perceptives sont présentées par évaluation moyenne croissante. Elles sont décrites par des observations sur la technologie des planches, par leur profil sonore ainsi que par des hypothèses sur l’influence des facteurs technologiques.

Table 27. Classes perceptives et facteurs technologiques

Classe perceptive

3a

3b

2a

2b

4b

1

4a

Nombre de sons 5 7 2 6 9 11 7

<matériau> 5/5 <injecté> / 2/2

<moussé> 6/6

<injecté> 9/9

<moussé> 9/11

<injecté> 7/7

<moussé>

<pièce>

4/5 <autres pièces>

(2 <boites>, 2 <casquettes>)

5/7 <autres pièces>

(3 <airbag>, 2 <casquettes>)

2/2

<airbag >

/ / 9/11 <corps>

5/7 <autres pièces> (2 <airbag>, 3 <casquettes>)

<taille> / 5/7 <L>

2/2 <M>

6/6 <S>

7/9 <M>

9/11 <S>

5/7 <L>

Qualité sonore Parasites Parasites Tonal Sec Etouffé Sec Etouffé

Hypothèse

Multicontacts entre pièces

Multicontacts entre pièces

Note due au renfort

métallique de l’airbag

Invariant lié au

matériau

Invariant lié au

matériau

Invariant lié au

matériau

Invariant lié au matériau

Qualité Perçue

moyenne 0,28 0,4 0,49 0,56 0,56 0,58 0,63

Groupe de Duncan 1 2 3 4 5

22.2.1. Classes épouvantails

On peut observer que la classe la moins appréciée (3a) est majoritairement composée de pièces injectées ajoutées sur le corps de planche. Si on croise cette observation avec un profil sonore caractérisé par la présence de parasites, ou vibrations secondaires, l’hypothèse qui nous vient à l’esprit est l’apparition de chocs multiples entre la pièce impactée qui vibre, et le corps sur lequel l’encastrement ne serait pas assez efficace. Cette problématique se rapprocherait ainsi du phénomènes de rattle, observé pour un véhicule en phase de roulage.

188

Partie 4. identification des variables technologiques – Facteurs technologiques

La seconde classe jugée négativement présente le même profil sonore mais est composée de pièces et de matériaux variés. Il pourrait donc également s’agir de problème d’encastrement mais à une échelle plus réduite, car le montage a laissé moins de jeux, ou parce que les parasites sont en partie amortis par le matériau moussé.

Ainsi, pour ces classes, il est possible que lors de l’évaluation subjective de la qualité matérielle de la planche de bord, les sujets se soient projetés dans la situation d’usage (le roulage), anticipant le problème du rattle. Cette hypothèse peut être illustrée par un verbatim extrait du discours d’un des sujets lors de la phase d’observation en situation (Partie 1) : « C’est pas terrible comme plastique, ça va faire du bruit en roulant ».

22.2.2. Classe « tonale »

La classe <2a> est une classe bien particulière. Elle est en moyenne jugée comme évoquant une qualité juste acceptable. Elle n’est composée que de deux sons, provenant tous les deux du tapotement sur une trappe à airbag en matériau moussé, sur des véhicules haut de gamme. Nous pensons que l’aspect tonal résonant qui les caractérise provient du renfort métallique d’airbag que l’on trouve régulièrement dans les nomenclatures de planche de bord de ces marques de voiture.

22.2.3. Classes acceptables

Les trois classes suivantes évoquent une qualité équivalente. Elles sont toutes clairement identifiables par leur matériau source. 2b et 1 sont composées de planches injectées et 4b de planche moussées, ce qui correspondrait à leur profil sonore respectivement sec ou étouffé. Ici le facteur matériau ne semble donc pas déterminant pour l’évaluation.

22.2.4. Classe cible

La classe 4a se distingue de la classe 1, par une qualité perçue moyenne qui est évaluée comme supérieure. Ici, la seule différence technologique qui permet d’expliquer cette distinction est le facteur matériau <moussé> correspondant à la dimension sonore étouffé.

22.3. Espace perceptif et facteurs technologiques

Il existe une autre manière d’éclairer les données perceptives au filtre des facteurs technologiques. A partir de l’espace perceptif construit dans la partie 2 de cette thèse, il est en effet possible d’indexer les points représentant les sons par les facteurs technologiques repérés a priori sur la planche de bord source. Ainsi, nous pouvons observer si l’une ou l’autre des dimensions, ou même une zone réduite de l’espace perceptif, permet de discriminer ces facteurs. Cette nouvelle représentation de l’espace perceptif est proposée en figure 73.

189

Partie 4. identification des variables technologiques – Facteurs technologiques

0

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

X2

M1

M1

N2N2

F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

J1

B1B1

B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

O2

D1

D1

D2

D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

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M1

N2N2

F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

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B1B1

B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

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D1

D1

D2

D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

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M1

M1

N2N2

F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

J1

B1B1

B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

O2

D1

D1

D2

D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

E2

M1

M1

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F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

J1

B1B1

B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

O2

D1

D1

D2

D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

E2

M1

M1

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F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

J1

B1B1

B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

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D1

D1

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D2L1

L1L1

L2

L2

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E1

E1

E1

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F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

J1

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B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

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D1

D1

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D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

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M1

M1

N2N2

F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

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B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

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K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

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D2L1

L1L1

L2

L2

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E1

E1

E1

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M1

M1

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F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

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B1B1

B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

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N1

N1

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D2L1

L1L1

L2

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E1

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H1

H1

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I1

I1

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B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

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N1

N1

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D2

D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

E2

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M1

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F1

F1

H1

H1

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I1

I1

A1

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B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

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D1

D2

D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

E2

M1

M1

N2N2

F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

J1

B1B1

B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

O2

D1

D1

D2

D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

E2

M1

M1

N2N2

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F1

H1

H1

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I1

I1

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A1

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B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

O2

D1

D1

D2

D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

E2

M1

M1

N2N2

F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

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B1B1

B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

O2

D1

D1

D2

D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

E2

M1

M1

N2N2

F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

J1

B1B1

B1

C1 C1 C1

G1

G1

G1

G2

G2

K1K1

N1

N1

N1

O1

O1

O2

D1

D1

D2

D2L1

L1L1

L2

L2

L2

E1

E1

E1

E2

M1

M1

N2N2

F1

F1

H1

H1

A2

I1

I1

A1

A1

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B1B1

B1

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D2L1

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L2

L2

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E1

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E2

Figure 66.

22.3.1. Pièces

Similarité

Sur la figud’<autres pièces>identifier de zoneCependant, en obsdéceler une tendanplanche se regrouppeu de parasites da

Cette remarclasses perceptivedirectement encastsecondaires, donc mle son. Quant aux ala qualité de l’encnature et se retrouqui sont théoriquesujettes à d’éventu

Moussé

Injecté

Corps de planche

Autres pièces

.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2

X1

Espace perceptif des sons indexés selon des facteurs technologiques

re 73, les sons provenant de <corps> de planche et ceux provenant sont représentés par des symboles différents. Nous ne pouvons pas de séparation claire entre les différentes parties de planche de bord. ervant attentivement la répartition de ce facteur sur l’axe X1, on peut ce intéressante. A l’exception des sons des voitures M1 et N1, les corps de ent plutôt à l’extrémité de l’axe perceptif correspondant à une zone avec ns le son, alors que les autres pièces sont reparties tout au long de l’axe.

que va dans le sens des hypothèses émises lors de la mise en rapport des s et des facteurs technologiques. En effet, les corps de planche étant rés sur le bâti, on peut s’attendre à ce qu’ils produisent moins de vibrations

oins de chocs multiples entre différentes pièces et moins de parasites dans utres pièces, la présence de parasites dans le son serait plus dépendante de astrement. Les portes de boites de rangement ne sont pas encastrées par vent logiquement à l’extrémité parasitée de l’axe, comme d’autres pièces ment encastrées mais peuvent parfois être simplement clipsées et alors els problèmes de jeux. Les autres pièces se retrouvant vers l’extrémité non-

190

Partie 4. identification des variables technologiques – Facteurs technologiques

parasitée de l’axe correspondraient alors à des solutions techniques ou des montages assurant un encastrement de meilleure qualité.

Evaluation subjective

L’axe X1 est de premier ordre pour l’évaluation de la qualité du matériau de planche de bord, représentée sur l’espace perceptif par des courbes d’iso-appréciation. Les hypothèses concernant l’apparition de parasites dans le son s’appliquent donc également à l’évocation d’une mauvaise qualité du matériau. Les problèmes d’encastrement semblent donc être une dimension technologique à étudier en particulier, et à corriger prioritairement.

22.3.2. Matériau

Similarité

Nous avons représenté les planches <moussées> et les planches <injectées> par deux couleurs différentes. On peut ainsi remarquer que l’axe X2 sépare globalement les planches selon le facteur <matériau>. On peut l’expliquer de façon logique. L’amortissement apporté par la mousse implique une diminution du rayonnement et le son est ainsi perçu comme plus étouffé. En étant plus attentif aux points individuels, on peut en fait identifier une zone limite, ou de transition, dans laquelle se mêlent des sons provenant des deux types de matériau. Seul un point est clairement situé dans la zone adverse. Il s’agit du son provenant de la casquette du véhicule D1. La planche est moussée mais le son est perçu comme similaire aux sons des planches injectées.

Evaluation subjective

Si on observe les courbes d’iso-appréciation, indiquant l’évaluation de la qualité matérielle de la planche de bord évoquée par les sons, on se rappelle que l’axe X2 n’apporte qu’une contribution seconde. Ainsi, le facteur matériau n’est pas décisif, il apparaît comme une plus-value pour les sons sans parasites. Il est toutefois intéressant de voir que les sons des corps de planche des véhicules A1 et E1, en matériau injecté, sont dans la zone d’évaluation maximale. Cela laisse suggérer que, sous certaines conditions qui restent à définir, des planches injectées peuvent transmettre une aussi bonne impression que des planches moussées.

22.3.3. Volume intérieur

Concernant le volume de l’habitacle des véhicules, facteur que nous n’avons pas représenté sur l’espace perceptif de la figure 73, l’interprétation peut être trompeuse. En effet, si l’axe X2 semblait séparer grossièrement les petits gabarits des gros, il faut garder à l’esprit que l’on privilégie l’injecté dans les petits segments au contraire des grands gabarits, plus chers, plus luxueux, et qui comportent donc souvent une planche moussée. Ainsi, nous avons estimé ne pas avoir assez d’éléments pour nous prononcer sur cette aspect spécifique. Le volume aurait pu avoir une influence sur une qualité sonore telle que la résonance, mais cette dernière a été reliée à l’axe X3 de l’espace perceptif, dimension non-déterminante pour l’évaluation subjective de la qualité du matériau de planche de bord.

191

Partie 4. identification des variables technologiques – Facteurs technologiques

22.4. Qualité perçue et facteurs technologiques

Les discussions précédentes, l’étude des classes perceptives et de l’espace perceptif, ont fait ressortir les mêmes remarques, tout en apportant chacune quelques éléments de détails particuliers. Si on synthétise, il en ressort deux observations principales, qui constituent les premières hypothèses sur les variables technologiques décisives pour la phase de conception.

La nature des parasites, de premier ordre pour l’évaluation de la qualité du matériau, pourrait être similaire à celle du phénomène de rattle. Il s’agirait de micro-contacts multiples entre les différentes pièces constituant la planche de bord, ici causés par la mise en vibration de la pièce impactée alors qu’ils sont dus au roulage dans le cas du rattle. L’origine technologique pourrait alors être des problèmes de jeux lors du montage ou plus globalement de mauvaises solutions techniques pour l’encastrement. Ce facteur technologique serait alors essentiel à la maîtrise sonore de la qualité perçue de la planche de bord. En effet, supprimer les parasites assure une qualité perçue acceptable quelque soit la nature du matériau.

La dimension étouffée du son, de deuxième ordre pour l’évaluation de la qualité du matériau, semble clairement reliée au caractère moussé ou injecté du matériau impacté. Ce facteur technologique sert de variable d’ajustement et apporte une plus-value sonore à la qualité perçue de la planche de bord. En effet, pour le même niveau de parasite, le son d’une planche de bord moussée sera généralement mieux perçu que celui d’une planche de bord simplement injectée. Cependant, il serait possible de trouver une configuration de planche en injecté qui suscite la même qualité perçue que les planches moussées. Afin de trouver un compromis économique pour la sonorité des planches de bord, une étude plus spécifique sur l’influence des variables physiques du plastique injecté est ainsi envisageable.

192

Partie 4. identification des variables technologiques – Variables matériaux

23. Variables matériaux

Il est ici proposé d’évaluer l’influence de variables matériaux sur la qualité perçue, par le biais du calcul de prédiction à partir de sons de synthèse sur modèle physique, dont il est possible de contrôler a priori différentes facteurs. Cependant, il est d’ores et déjà possible de remarquer une limite à notre approche. En effet, les modèles physiques dont nous disposons ne permettent pas de prendre en compte notre hypothèse sur l’origine des parasites : des chocs secondaires entre pièces. Il est également compliqué de trouver un modèle simple qui puisse modéliser des matériaux multicouches contenant de la mousse. Malgré tout, cette étude sera surtout l’occasion d’évaluer si des variables matériaux appartenant au champ des plastiques durs peuvent avoir une influence décisive sur la Qualité Perçue évoquée par des sons a priori exempts de parasites.

Concrètement, un programme Matlab pour la modélisation physique du bruit d’impact est emprunté à L. Desvard (2008). A l’origine utilisé pour le bruit de rattle, il a ici été mis a profit pour la création de signaux de synthèse représentant des tapotements simples sur des plaques. Deux caractéristiques du matériau, élasticité et densité, sont variées afin de pouvoir évaluer leur influence sur la Qualité Perçue.

23.1. Synthèse par modèle physique

Il a été décidé d’opter pour une résolution temporelle du modèle de bruit d’impact, dont le mécanisme de génération est de nature transitoire. Si nous avons introduit pour notre part un impact expérimental correspondant à notre objet d’étude, nous avons en revanche réutilisé la formulation de la réponse vibratoire en fonction des caractéristiques de la plaque, ainsi que celle du rayonnement acoustique, telles qu’elles sont exposées par A. Miloudi (2005).

23.1.1. Modèle physique

Formulation de la réponse vibratoire

Il faut en premier lieu poser l’hypothèse que la pression acoustique rayonnée est due à l’accélération transverse de la plaque. L’énergie rotationnelle est ici négligée. Ainsi, l’équation de mouvement pour une plaque en flexion soumise à une force est la suivante :

( , ,F x y t )

( ) ( ) ( ) (2

42

, , , ,. . . , , , ,

p pp

w x y t w x y th D w x y t F x y t

t tρ

∂ ∂+ + ∇ =

∂ ∂) (1)

Avec :

• 4 4

44 2 22.

4

4x x y y∂ ∂

∇ = + +∂ ∂ ∂ ∂

∂ ;

• ρ est la densité de la plaque ;

• est l’épaisseur de la plaque ; h

• λ est l’amortissement visqueux généralisé ;

193

Partie 4. identification des variables technologiques – Variables matériaux

• ( )

3

2

.12 1

p

p

E hDυ

=−

est la rigidité en flexion ;

• est le module de Young de la plaque ; pE

• pυ est le coefficient de Poisson de la plaque.

Pour une résolution analytique, il faut fixer des conditions aux limites correspondant à une plaque en appui sur ses quatre bords.

Alors les déplacements sur le contour de la plaque de dimensions (Lx,Ly) sont nuls :

pw

( ),pw x y = 0 , pour ,x y ∈Γ , périmètre de la plaque.

Les moments autour des quatre bords sont également nuls :

• 2 2

2 2 0p pp

w wDx y

υ⎛ ⎞∂ ∂

+ =⎜ ⎟∂ ∂⎝ ⎠, , pour 0 et x y y∀ = Ly= ;

• 2 2

2 2 0p pp

w wDy x

υ⎛ ⎞∂ ∂

+ =⎜ ⎟∂ ∂⎝ ⎠, . , pour 0 et y x x∀ = = Lx

Ainsi, le principe de superposition modale est utilisé pour la résolution de l’équation (1). L’équation modale pour une plaque appuyée est la suivante :

( ) ( ) ( ) ( )( )

2. . .2.

mnmn mn mn mn mn mn

mn

F ta t a t a t

M tε ω ω+ + = (2)

Avec pour le mode (m,n) :

• .2.

mnmn

mn mnMλε

ω= , le coefficient d’amortissement ;

• mnλ , l’amortissement visqueux modal de la masse généralisée ;

• mnM , la masse généralisée ;

• mnω , la fréquence du mode (m,n).

J.L. Guyader (2002) note que ce coefficient mnε varie peu selon les modes, au contraire de l’amortissement visqueux, et qu’il est donc possible de simplifier l’équation en utilisant un amortissement constant ε .

Pour résoudre l’équation différentielle (2) dans le domaine temporel, A. Miloudi (2005) choisit d’utiliser le schéma de Newmark basé sur les développements de Taylor.

Formulation de la pression acoustique rayonnée

Pour calculer la pression acoustique rayonnée à un point d’écoute P, on utilise l’intégrale de Rayleigh. Il est ainsi fait l’hypothèse que la plaque est bafflée et qu’elle rayonne en champ libre. L’équation est la suivante :

20

2

1 , ,2

M

S

w rP x y tr t c

ρπ

− ∂ ⎛ ⎞= −⎜ ⎟∂ ⎝ ⎠∫ dS

194

Partie 4. identification des variables technologiques – Variables matériaux

Avec :

• 0ρ , la densité de l’air ;

• S, la surface de la plaque ;

• r, la distance entre le point d’écoute et la plaque ;

• C, la célérité du son.

Synthèse

La résolution de ces équations est assurée par un programme Matlab de L. Desvard, qu’il avait initialement conçu pour une modélisation du bruit de rattle par impacts multiples (Desvard L., 2008). En introduisant un simple choc, il permet également de synthétiser des sons de plaques impactées. Nous assumons le fait que le modèle est simple (plaque rectangulaire) et qu’il comporte des hypothèses discutables (conditions aux limites d’une plaque appuyée, champ libre) par rapport à l’objet réel sur lequel nous travaillons. Cependant, il s’agit seulement ici de donner une idée de ce qu’il est possible de faire avec les modèles par synthèse physique, c’est-à-dire choisir des paramètres physiques à faire varier a priori, afin d’observer leur effet sur un indicateur.

23.1.2. Plan d’expérience

Nous avons donc choisi de faire varier des paramètres matériau dans le domaine des plastiques durs, afin d’éventuellement identifier des tendances qui optimiseraient la qualité perçue.

La dimension de la plaque est fixée pour une surface totale et une épaisseur équivalente à celle trouvée dans la nomenclature d’un véhicule réel, que nous dénommerons véhicule V, et dont le son de tapotement a été mesuré et utilisé dans toute l’étude :

• Lx = 0,95 m ;

• Ly = 0,40 m ;

• h =0,005 m.

Les coefficients d’amortissement et de Poisson sont fixés d’après les valeurs originales du matériau de ce même véhicule V :

• ε = 0,06 ;

• pυ = 0,4.

La densité et le module de Young sont choisis comme variables. Les dynamiques de variation de ces facteurs ont été définies d’après les caractéristiques moyennes des principales familles de matériau plastique (table 30).

195

Partie 4. identification des variables technologiques – Variables matériaux

Type plastique Densité (g/cm3) E (GPa)

ABS 1,06-1,12 2,5 PA-6 1,13 1

PA-6,6 1,14 1,5 PC 1,20 2,4

PET amorphe 1,30 2,7 PET cristallin 1,40 4,1

PMMA 1,18 3 PP 0,91 1,3

PS cristal 1,05 3,2 PVC rigide 1,38 2,4

Table 28. Valeurs moyennes d’élasticité et de densité des principales familles de plastique

En observant la figure 74, qui représente par des points les différentes familles de plastiques en fonction de leur élasticité et leur densité, on peut s’apercevoir que ces deux caractéristiques varient de manière indépendante dans le domaine étudié.

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

4,5

0,8 1 1,2 1,4 1,6

Densité (g/cm3)

Elas

ticité

(GPa

)

Figure 67. Elasticité en fonction de la densité pour les principales familles de plastique

Nous avons alors choisi cinq valeurs à intervalles réguliers dans la plage de variation légèrement étendue de chacun des deux paramètres. Le tableau 29 présente les valeurs des paramètres matériaux qui nous permettent de créer 25 combinaisons et donc 25 signaux temporels.

196

Partie 4. identification des variables technologiques – Variables matériaux

Module de Young (GPa)

Densité (g/cm3)

1,5 0,71 2,4 0,89 3,3 1,07 4,2 1,25 5,1 1,43

Table 29. Valeurs d’élasticité et de densité utilisées pour la synthèse de signaux sur modèle physique

Etant donné que nos métriques étaient déterminées par une bande de fréquence réduite, nous avons choisi de synthétiser les signaux avec 1000 modes, ce qui correspond à des fréquences supérieures à 6000 Hz pour l’ensemble des signaux et convient donc à notre indicateur, défini par des calculs sur la bande 1600 Hz-5400Hz.

101 102 103-40

-20

0

20

40

60

80

Fréquence (Hz)

Niv

eau

(dB

)

Modeling

Figure 68. Exemple de réponse en fréquence obtenue par synthèse sonore

L’impact introduit est le signal d’effort mesuré d’un marteau de choc sur un plastique injecté. Il a été calibré sur le signal de synthèse produit avec la configuration matériau du véhicule V, afin de produire un niveau sonore du même ordre que le signal réel mesuré sur véhicule.

Le point d’impact est défini à x = 0,4 m et y = 0,25 m.

Le point d’écoute est défini à x = 0,4 m, y = 0,3 m et z = 1 m.

23.2. Influence des variables matériaux sur l’indicateur

Il est possible de procéder à des ANOVA à un facteur pour chacun des deux paramètres du matériau : la <densité> et l’<élasticité>. Au final seul le facteur <densité> est significatif au risque de 5%, sur l’ensemble des métriques composants le modèle de prédiction et donc sur la Qualité Perçue prédite. Le test de Duncan nous donne trois groupes homogènes distincts selon le facteur <densité>.

197

Partie 4. identification des variables technologiques – Variables matériaux

Dans les figures suivantes, pour chacun des signaux de synthèse, la Qualité Perçue prédite par le modèle utilisant M2² et M1 X M2 est représentée. On peut observer que toutes les valeurs de Qualité Perçue correspondent à la même catégorie évaluative : une bonne qualité de matériau.

Cela apparaît finalement trivial puisque les parasites ne sont pas modélisés. De même, l’effet sur la métrique M2, qui représente l’aspect étouffé des sons et est donc relié à des variables matériaux, est qualitativement négligeable. Cela est certainement dû au fait que nous avons créé des sons qui appartiennent tous à la même catégorie technologique : les plastiques durs. Par ailleurs, si les écarts des scores se sont montrés significatifs par tests statistiques, il faut les relativiser par rapport à la précision du modèle. Quand on se rappelle que l’erreur de prédiction est proche de 0,07, il devient difficile de pouvoir considérer que la densité à une réelle influence sur la Qualité Perçue.

0,78

0,8

0,82

0,84

0,86

0,88

0,9

0,92

0,94

0,71 0,89 1,07 1,25 1,43

Densité (g/cm3)

Qua

mité

Per

çue

préd

ite

E = 1,5 GPaE = 2,4 GPaE = 3,3 GPaE = 4,2 GPaE = 5,1 GPa

Figure 69. Qualité Perçue prédite en fonction de la densité, pour différentes valeurs

d’élasticité

0.71 0.89 1.07 1.25 1.43

Densité (g/cm3)

Qua

lité

Per

çue

préd

ite

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Figure 70. Qualité Perçue prédite moyenne selon le facteur densité avec indication des groupes homogènes de Duncan

198

Partie 4. identification des variables technologiques – Conclusion

24. Conclusion

L’identification des variables technologiques déterminantes pour la perception sonore de la qualité des planches de bord a été divisée en deux phases bien distinctes. La première a consisté à réinterpréter les données perceptives obtenues dans l’étude décrite dans la partie 2.

En indexant les sons par des facteurs technologiques assez grossiers, nous avons posé des hypothèses sur les invariants technologiques qui nous semblaient définir les classes perceptives et expliquer l’espace perceptif des sons. Il s’agirait principalement des conditions de fixation des pièces, liées à la qualité sonore descriptive « parasite » et à l’axe X1 de l’espace perceptif, et du caractère injecté ou moussé du plastique, lié aux qualités sonores descriptives « étouffé » et « fréquence » et à l’axe 2 de l’espace perceptif.

La règle de conception d’ordre 1 ne peut ici être formulée que sous la forme d’une hypothèse qualitative qu’il reste à vérifier : des conditions optimales d’encastrement assureraient la disparition des parasites et donc une qualité perçue positive.

La règle de conception d’ordre 2 concerne un facteur technologique à choix binaire : par rapport au plastique injecté le matériau moussé apporte une plus-value à la qualité perçue de la planche de bord.

La cible idéale serait donc une planche à la fois bien encastrée et moussée.

Ce dernier facteur étant cependant secondaire dans la détermination de la qualité des planches de bord évoquée par les bruits de tapotement, un matériau injecté peut parfois évoquer une aussi bonne qualité de planche qu’un matériau moussé, pourvu que le bruit soit exempt de parasites.

Cette remarque a été vérifiée en calculant la Qualité Perçue prédite sur des sons synthétisés par un modèle physique simple qui ne peut pas prendre en compte de chocs secondaires multiples ni les matériaux moussés. En faisant varier deux paramètres du matériau (élasticité et densité) dans le domaine des plastiques injectés, tous les sons sont en effet prédits comme évoquant une bonne qualité de matériau.

Nous avons trouvé une influence statistique de la densité, mais négligeable d’un point de vue pratique. La variation de la qualité perçue prédite est en effet plus petite que l’erreur de prédiction du modèle. Cette étude nous informe donc tout au plus que les variables matériaux testées dans le modèle n’ont que peu d’influence sur la Qualité Perçue de la planche de bord. Cela nous incite par ailleurs un peu plus à considérer l’hypothèse des chocs secondaires comme origine essentiel d’une perception négative.

199

200

Conclusion générale

Conclusion Générale

Cette thèse était l’occasion de mener un travail transversal inhérent à toute problématique de conception centrée sur les facteurs humains. Diverses disciplines scientifiques ont été mobilisées afin de proposer des méthodologies utiles à la résolution d’un problème industriel concret, et ici appliquées à la perception des bruits de tapotement de planche de bord. A chacune des étapes, des résultats intéressants ont pu être apportés, aussi bien méthodologiques qu’opérationnels. Cependant, la transversalité et l’ancrage industriel du travail impliquent également que nous n’ayons pu totalement approfondir chaque élément du système à résoudre. De nombreuses perspectives sont ainsi ouvertes.

25. Méthodologie 25.1. Démarche de conception centrée sur la perception sonore

L’étude théorique a permis d’identifier les phases essentielles devant guider une démarche de conception centrée sur la perception, qui vise à relier le point de vue subjectif du client à des critères objectifs que le concepteur peut en partie maîtriser.

Nous avons plus particulièrement décliné cette démarche en relation avec la dimension sonore et avons identifié quatre phases principales correspondant aux quatre parties principales de cette thèse. Tout d’abord, il s’agit d’identifier les attentes perceptives des clients en situation, plus spécifiquement reliées à des phénomènes sonores, afin de proposer des spécifications centrées sur la perception sonore. Il faut ensuite se focaliser sur un phénomène sonore identifié comme pertinent et procéder à une étude en laboratoire qui permet d’identifier les qualités descriptives sonores déterminantes pour l’évaluation subjective du client. Ces qualités descriptives perçues doivent alors être reliées à des métriques directement mesurables sur le signal. Ces dernières peuvent ainsi être utilisées pour l’élaboration d’un modèle de prédiction de la perception client, faisant alors office d’indicateur de contrôle pour des solutions de conception (prototype ou produit fini). Enfin, l’achèvement complet de la démarche se finalise par la proposition de règles de conception qui permettent d’optimiser la solution technique pour assurer l’atteinte de la cible perceptive.

Au sein de cette démarche, différentes étapes ont été mises à profit pour tester des méthodologies en partie originales. Les apports méthodologiques concerne principalement les phases correspondant à l’étude de la perception : en situation, par l’observation d’un sujet en interaction avec un objet ; et en laboratoire, par la mise en relation de l’évaluation subjective avec des qualités perçues descriptives du son.

25.2. Observation en situation de la dynamique perceptive

Grâce aux apports essentiels des précédents travaux de V. Nosulenko et E. Samoylenko pour l’analyse de l’activité et de la perception, une méthodologie complète d’observation en situation, du recueil au traitement des données, a été construite. En se basant sur les indicateurs que sont les opérations et les verbalisations, elle a ici permis d’étudier la dynamique perceptive d’un client confronté à l’artefact complexe qu’est la voiture, plus spécifiquement lors de la découverte du véhicule statique telle qu’elle peut se faire en show-room ou chez un concessionnaire.

201

Conclusion générale

Cette méthodologie pourrait avantageusement s’appliquer à diverses situation d’interaction entre un sujet et un objet ou système complexe. Une étude de ce type donne des fondements solides à toute démarche de conception centrée sur l’homme car elle permet d’identifier les phénomènes pertinents du point de vue du client et ainsi de proposer des spécifications pertinentes centrées sur la perception.

Le codage des verbalisations a été par ailleurs l’occasion de proposer des catégories d’analyse qui, dans la logique de la Grounded Theory, peuvent être exploitées dans d’autres études axées sur la perception. Si la catégorie ayant trait à la cohérence perceptive mériterait d’être approfondi et enrichi par d’autres données, l’ontologie des qualités évaluatives semble déjà applicable en l’état à tout type d’objets perçus. Nous identifions trois types d’évaluation portant chacune sur un aspect particulier de l’interaction sujet/objet : les qualités d’usage, les qualités hédoniques (ou affectives), et les qualités matérielles.

Par ailleurs, dans une démarche globale de conception centrée sur l’homme, l’identification précise de la nature de l’évaluation en situation permet de mener des tests subjectifs en laboratoire qui sont plus précisément ciblés et qui ne se contentent pas d’interroger les sujets sur une appréciation vague de type j’aime/j’aime pas ou gênant/pas gênant. Les consignes du test en laboratoire peuvent ainsi être adaptées à la situation réelle observée afin que les sujets se projettent plus facilement dans le contexte réel de l’interaction avec l’objet.

Des progrès restent cependant à faire sur l’analyse des opérations. Il est apparu tout particulièrement difficile de pouvoir décrire finement l’activité sans un dispositif de capture vidéo offrant le point de vue du sujet, spécialement pour l’opération « observer ». Diverses techniques issus des études ergonomiques sont envisageables. Bien que l’aspect comportemental implique une part importante d’inconscient, une des solutions serait de procéder à des entretiens d’auto-confrontation. Il s’agirait alors d’inviter le sujet à se rappeler et à s’exprimer, en le confrontant à la trace vidéo de son activité.

25.3. Test perceptif basé sur la catégorisation

En utilisant les principes du processus psychologique de catégorisation, une méthodologie de test économique et synthétique a été mise au point. Elle se base en grande partie sur des épreuves qui avaient déjà été utilisées par des travaux antérieurs (classification, verbalisations, évaluation subjective) mais les réunit en un seul test grâce à l’introduction d’une tâche intermédiaire : la sélection par le sujet des sons typiques de chacune des classes qu’il a formées. Ainsi, à la fin du test, le sujet évalue seulement les sons typiques, et les scores de ces derniers sont étendus à tous les sons des classes qu’ils représentent. L’économie pratique apportée par les différentes tâches liées à la catégorisation se traduit par une seule session en laboratoire, n’excédant pas une heure, sur une population de sujets naïfs et un nombre conséquent d’échantillons (ici 47 sons). Au final, l’application de techniques d’analyses multidimensionnelles permet de construire un espace perceptif qui relie les qualités perçues descriptives des sons à une qualité évaluative évoquée par ces sons.

Cette méthodologie n’est pas strictement comparable aux méthodes employées par l’analyse sensorielle car elle n’a pas le même objectif. La construction de l’espace perceptif fait office d’outil qualitatif intermédiaire pour la démarche d’objectivation de la perception sonore, qui s’effectue à partir de mesures sur le signal. Un panel d’experts sensoriels peut quant à lui être directement considéré comme un instrument de mesure de la sensation objectivant l’appréciation du client.

202

Conclusion générale

Les perspectives d’utilisation de cette méthodologie semblent toutefois intéressantes. Il serait notamment possible de l’utiliser pour d’autres modalités sensorielles (vision, goût, odorat, toucher). Dans le cadre plus élargi du design, l’étape de classification pourrait également être orientée sur d’autres caractéristiques que des qualités descriptives purement formelles. On peut par exemple imaginer la classification visuelle du style d’un objet selon des qualités plus expressives (agressive, ludique) ou selon les émotions qu’il provoque (envie, peur). L’espace perceptif ainsi construit pourrait toujours être relié à l’appréciation des sujets par l’évaluation subjective d’objets typiques.

Afin d’exploiter cette méthodologie pour d’autres applications, il serait cependant intéressant de procéder auparavant à diverses expériences permettant de fixer ses limites de validité.

Il faudrait notamment déterminer un nombre maximum d’objets à catégoriser pour que les résultats soient suffisamment robustes et puissent être exploités. Il existe forcément des considérations pratiques. Dans le domaine sonore, ce nombre est en grande partie lié à la durée des sons. Dans notre application, la brièveté des sons a par exemple rendu possible l’utilisation d’un grand nombre d’échantillons. Pour d’autres dimensions, c’est la nature même de la modalité sensorielle qui peut être limitant. Il est par exemple difficilement imaginable de catégoriser autant d’échantillons d’après leur goût ou leur odeur, alors que la dimension visuelle se prête certainement plus à un large corpus d’objets.

La description des stimuli par le biais de verbalisations libres est elle aussi dépendante de la modalité sensorielle. S. David (1997) a par exemple montré une capacité moindre à verbaliser les odeurs.

Pour vérifier l’étape de construction de l’espace descriptif (recueil par classification et traitement MDS), on pourrait mener plusieurs expériences sur des nombres variables d’échantillons provenant d’un même corpus d’objets. Il serait alors possible de comparer les espaces obtenus entre eux et avec ceux obtenus par des méthodes connues comme robustes (comparaison par paire, analyse sensorielle).

Le nombre d’échantillons détermine également certainement la validité de la principale originalité de cette méthode : l’évaluation indirecte par le biais des sons typiques. Encore une fois il faudrait comparer les scores d’évaluation subjective obtenus à partir d’un nombre variable d’échantillons, entre eux et avec les résultats d’une évaluation directe.

26. Application 26.1. Attentes perceptives du client

Nous avons tout d’abord observé le comportement du client dans une situation réaliste, afin de pouvoir évaluer si le tapotement était un phénomène naturel et s’il avait un impact sur la perception du véhicule par le client. Nous avons pu vérifier qu’un nombre non-négligeable de sujets effectuaient l’opération de tapotement et que cette dernière avait une influence sur la perception de la qualité matérielle de la planche de bord. L’observation en situation a donc permis de valider l’intérêt pour Renault de travailler sur la perception des bruits issus du tapotement de planche de bord.

Nous devons cependant insister sur le fait que la maîtrise de la perception sonore ne permet pas d’assurer la perception globale de la qualité de la planche de bord. En effet, la perception n'est pas une analyse indépendante des stimuli de chaque sens, c'est une synthèse directe qui intègre les différentes modalités pour la construction de la qualité d'un objet

203

Conclusion générale

matériel. D’après l’observation en situation, il existe manifestement une séquence d'opérations de contrôle successives : observation, toucher, tapotement, qui ajuste l'image perceptive de la planche de bord. Le bruit est une donnée supplémentaire que le client intègre dans une logique polysensorielle, après la vision et le toucher.

Il serait ainsi intéressant de pouvoir évaluer l'état de la qualité perçue entre chaque opération, avant la réception de nouvelles informations locales par une nouvelle modalité sensorielle. Nous pourrions alors étudier l'influence relative des différentes modalités sur le jugement final et, en particulier, mieux comprendre comment s'intègre la dimension sonore dans le processus complexe et global représenté en figure 78.

Observer Toucher Tapoter

QP visuelle QP tactile QP sonore

QP 1 QP 2 QP 3

Observer Toucher Tapoter

QP visuelle QP tactile QP sonore

QP 1 QP 2 QP 3

Figure 71. Dynamique de la qualité perçue (QP) du matériau de planche de bord

En outre, en situation réelle, le sujet produit lui-même le geste de tapotement. L’évaluation subjective qui en découle est en fait directement la synthèse de la perception sonore, de la perception du contact, voire de la proprioception liée au geste effectué. L’idéal serait donc de mettre en place un test perceptif sur des bruits d’impacts directement produits par le sujet. Il serait notamment possible de mesurer diverses caractéristiques objectives et subjectives (effort de contact, vitesse du bras, métriques acoustiques, qualités sonores descriptives, évaluation subjective) afin de décrire le système complet et complexe qui lie action, perception et stimuli. La concrétisation pratique d’un tel test reste cependant à imaginer et risque de se heurter à de nombreux problèmes de réalisation.

Ainsi, si nous avons bien identifié que la maîtrise du bruit de la planche de bord est essentielle pour s'assurer que le client aura une perception optimale de la planche de bord, la maîtrise globale de la perception de la planche de bord devra idéalement passer par un travail de synthèse multimodale, couplé à une étude fine du lien entre l’action et la perception.

Si on réfléchit à l’influence que peut avoir la perception de la planche de bord par rapport à la perception globale du véhicule, un autre aspect apparaît important à considérer : la cohérence perceptive. Nous avons identifié cette dimension lors de l’analyse des verbalisations en y associant deux volets distincts : la cohérence locale et globale.

La cohérence locale peut se relier au rapport de la partie au tout. Elle traduit le fait que, lors de la construction de l’image perceptive du véhicule, la perception d’un élément particulier peut paraître plus ou moins en accord avec le reste. Cela perturbe l’unité perçue lorsque l’écart est flagrant. Ainsi, la mauvaise qualité perçue d’une seule pièce telle que la planche de bord, même si d’autres éléments du véhicule sont bien perçus, peut être suffisamment décalée pour impacter négativement la perception globale du véhicule.

La cohérence globale s’applique quant à elle à des attentes perceptives à plus long terme. Les attentes initiales du client lors de sa première confrontation avec le véhicule sont dictées par une image mentale encore floue. Cette dernière n’est pas déterminée par l’expérience immédiate mais par les caractéristiques que le client désire et qu’il s’attend à faire l’expérience concrète. Il est ainsi possible d’imaginer les implications de facteur

204

Conclusion générale

perceptif sur notre cas appliqué. Nous avons vérifié lors de l’observation en situation que la qualité de la planche de bord pouvait être examinée et négativement jugée sur des véhicules citadins de gamme modeste. Mais on peut s’attendre à ce que le jugement soit encore plus sévère sur des véhicules haut de gamme, pour lesquelles l’exigence de qualité matérielle se situe à un niveau supérieur.

Selon nous, la cohérence globale devrait également se relier à une dynamique perceptive étendue dans le temps, qui met en rapport la perception initiale avec les expériences perceptives suivantes. Dans le cas du véhicule, nous avons étudié la phase de séduction, pour laquelle le constructeur peut se contenter d’une démarche de marketing sensorielle destinée à flatter le client à court terme. Cependant, les qualité évaluatives perçues par le client lors de cette phase doivent se vérifier dans la phase d’usage à plus long terme. Un risque important est que la qualité perçue lors de l’exploration initiale du véhicule se révèle trompeuse, ou que le client perçoit que celle-ci se dégrade lors de la vie du produit. Le décalage perçue et la déception qu’elle implique peut faire naître une baisse de confiance durable du client vis-à-vis du travail du constructeur. Dans le cas de la qualité perçue matérielle, il apparaît ainsi essentiel de ne pas travailler que sur le paraître immédiat mais d’assurer également que les solutions techniques assureront concrètement une bonne qualité matérielle.

26.2. Qualités sonores déterminantes pour la perception du client

Nous avons ensuite mené une étude perceptive en laboratoire qui a permis de relier l’évaluation subjective de la qualité matérielle à des qualités descriptives des sons perçues. La présence de parasites dans le son est l’élément fondamental dégradant la qualité perçue. L’aspect étouffé des sons, relié à la perception du contenu fréquentiel, intervient en complément pour ajuster cette perception. Les sons perçus comme plus graves et non parasités présentent ainsi le profil sonore cible pour l’évocation d’une qualité optimale.

Nous avons conservé 47 sons pour l’analyse perceptive, et pouvons donc raisonnablement espérer que nos résultats soient globalement représentatifs de la perception des bruits de tapotement de planche de bord en général. Seul un profil perceptif est apparu comme trop anecdotique pour réellement conclure sur l’évaluation subjective qu’il provoque. Il est représenté par deux sons perceptivement discriminés par les aspects tonal et résonant. Il serait donc envisageable de mener une étude perceptive comportant un plus grand nombre de sons correspondants à ce profil.

Une perspective intéressante serait ici de mener une étude plus spécifique sur les qualités descriptives sonores déduites des verbalisations des sujets. Nous avons vu qu’il fallait poser des hypothèses sur la signification profonde de diverses formes linguistiques afin de les regrouper au sein d’une même catégorie. Cela implique une part non-négligeable d’interprétation de la part du chercheur. Une étude psychoacoustique, dans laquelle on interrogerait les sujets sur certaines des qualités sonores prêtant à confusion (par exemple : étouffé, sourd, amorti, mat..), permettrait peut-être de saisir les fines différences que peuvent sous-entendre les sujets par leur usage linguistique. En utilisant des sons de synthèse, pour lesquels on ferait varier des caractéristiques sonores dont nous soupçonnons l’influence (attaque, niveau, fréquences…), il serait également possible d’identifier les variables acoustiques qui déterminent ces différences.

205

Conclusion générale

26.3. Indicateurs sonores pour le contrôle de la Qualité Perçue

Grâce à cette étude perceptive, nous avons été en mesure de rechercher dans le signal des métriques explicatives pour chacune des qualités descriptives déterminantes identifiées. Les métriques sonores ou psychoacoustiques classiques ne fonctionnant pas, nous avons élaboré nos propres métriques.

Pour la métrique représentant la perception de parasites, nous avons proposé une approche analytique permettant de simplement donner une idée de sa sensibilité2. Il serait cependant utile de pouvoir déterminer, pour les deux métriques, le seuil de discrimination (ou Just Noticeable Difference) par un test psychophysique classique.

Les métriques élaborées ont pu être utilisées dans la recherche d’un indicateur de la Qualité Perçue mesurable sur la signal sonore. Deux modèles prédictifs sont proposés. Le premier, grâce à une régression linéaire, permet d’anticiper la perception du client en attribuant un score aux sons. Le second, par un arbre de décision, classe les sons en trois catégories évaluatives (négative/acceptable/positive) directement interprétable en action de conception (à rejeter/à corriger/cible atteinte).

L’utilisation de 45 sons dans l’élaboration des modèles permet d’être relativement confiant sur leur validité. En effet, la plupart des travaux d’objectivation de la perception sonore se basent sur un nombre d’échantillons bien moins conséquent pour procéder à des régressions et proposer des indicateurs. Cependant, la prudence implique de simplement considérer ces sons comme une base d’apprentissage. Les modèles gagneraient à être vérifiés, voir affinés, sur d’autres échantillons sonores.

Pour mesurer cet indicateur en contexte industriel, il semble qu’un impacteur automatique ne soit pas essentiel. Un opérateur manuel avec la simple intention d’être répétable produit en effet des sons d’impact pour lesquels la Qualité Perçue prédite varie dans une plage inférieure à l’erreur de prédiction du modèle. Nous préconisons ainsi simplement de mesurer la moyenne des métriques sur une série d’impacts afin que la prédiction soit représentative de la planche impactée. Si la répétitivité et la reproductibilité mécanique d’un impacteur automatique peut rassurer les métiers techniques et opérationnels, la mise au point d’un tel appareil nécessiterait une étude approfondie de la gestuelle du tapotement. Cette remarque rejoint ainsi en partie les observations émises ci-dessus sur le rapport en geste/perception/évaluation.

26.4. Règles de conception pour la maîtrise de la Qualité Perçue

Pour finir, nous avons essayé de déterminer des règles de conception qui permettraient de maîtriser, voir d’optimiser la perception du client. Un réexamen des données perceptives au filtre de facteurs technologiques associés aux sons de l’étude a permis de dégager quelques hypothèses. Le contenu parasité des sons, de premier ordre, semble lié à des chocs multiples entre pièces, probablement eux-mêmes reliés aux conditions de fixations de certaines pièces de la planche de bord. L’origine technologique des parasites issus d’un tapotement manuel serait alors le même que dans la problématique du rattle, dont l’impact perceptif négatif survient en conditions de roulage. Le deuxième paramètre, clairement identifié, est un facteur matériau : la discrimination entre les plastiques durs et les plastiques moussés. Ces derniers améliorent la perception, pourvu toutefois que les sons soient exempts de parasites.

2 Etude de sensibilité confidentielle dans la chapitre 18

206

Conclusion générale

Afin d’affiner nos hypothèses, nous avons voulu tester une approche déductive, en travaillant sur un modèle physique simplifié permettant de créer des sons de synthèse dont pour lesquels nous avons fait varier a priori deux variables matériau : la densité et l’élasticité. Notre modèle ne pouvant prendre en compte ni notre hypothèse sur l’origine des parasites (les chocs secondaires multiples), ni les matériaux de type moussé, nous avons logiquement trouvé que la variation des deux paramètres matériaux dans le domaine des plastique durs n’impactaient pas la Qualité perçue prédite. Il semble cependant valider qu’un son exempt de parasites, même provenant d’un plastique dur, peut évoquer une bonne qualité de matériau.

Pour confirmer l’hypothèse que nous avons formulée à propos du caractère parasité des bruits, il faudrait développer un modèle plus complexe qui permettrait de prendre en compte des contacts secondaires entre pièces. Avant de penser à un modèle complexe résolvable numériquement, il semble difficile de se passer d’une étude de cas physiques simples. La résolution temporelle analytique nous limite alors à des conditions aux limites correspondant à des appuis simples. La possibilité d’un contact secondaire créant des parasites pourrait être modélisé en insérant un point de bloquage potentiel quelque part sur la surface de la pièce. La figure 79 schématise le type de configuration qui correspondrait à ce modèle. Dans le modèle, la pièce secondaire et la plaque pourraient alors entrer en contact selon l’amplitude de mouvement de la plaque, mise en vibrations par un simple impact initial. Pour influer sur le contact, il serait alors possible de faire varier le jeu et l’amortissement entre la plaque et cette seconde pièce. La variation du type de contact potentiel, linéique ou ponctuel, devrait également influer sur les modes de la plaque et donc sur le spectre des parasites.

ImpactImpact

Figure 72. Schéma du modèle physique à développer pour inclure les chocs secondaires

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FOLIO ADMINISTRATIF

THESE SOUTENUE DEVANT L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES DE LYON

NOM : MONTIGNIES DATE de SOUTENANCE : 30/04/2009 Prénoms : François, Emile TITRE : La perception sonore dans un processus de conception centrée sur l’homme, Application aux bruits de tapotements de planches de bord automobile par les clients NATURE : Doctorat Numéro d'ordre : 05 ISAL Ecole doctorale : MEGA Spécialité : Acoustique Cote B.I.U. - Lyon : T 50/210/19 / et bis CLASSE :

RESUME : Cette thèse est consacrée au bruit produit par un tapotement de planche de bord automobile, et à son influence sur la qualité perçue de la planche de bord. Elle est menée dans une démarche globale de conception centrée sur l'homme, dont l'objectif final est de considérer l'interaction entre l'utilisateur et le produit tout au long du processus de création ou d'amélioration d'un objet industriel.

Dans un premier temps, une observation des actions et des perceptions du client en situation réaliste a été menée. Par l'étude des opérations effectuées et des verbalisations librement exprimées, il a été possible de proposer des catégories d'analyse pertinentes et de dresser un aperçu de la dynamique perceptive du client. En analysant plus finement les données reliées à la planche de bord, l'intérêt de travailler sur le bruit issu du tapotement a été démontré. Cette première phase a par ailleurs permis d'identifier la nature de l'évaluation subjective suscitée chez les clients par l'intermédiaire de ce bruit.

Une deuxième expérience subjective a été réalisée, cette fois ci en laboratoire. Son objectif était de relier l'évaluation subjective à des qualités descriptives du son. Cela a été l'occasion de tester une méthodologie originale, basée sur le processus psychologique de catégorisation. Cette méthodologie a permis de décrire un vaste ensemble d'échantillons produits à partir d'une seule session de test sur un échantillon de sujets naïfs. Le traitement des données a notamment abouti à la création d'un espace perceptif qui synthétise les données complémentaires sur la perception sonore et constitue un outil graphique de type "cartographie des préférences".

La recherche d'un indicateur de la qualité perçue mesurable sur le signal a alors été initiée. Tout d'abord, des métriques sonores corrélées aux coordonnées des sons pour chacun des axes de l'espace perceptif ont été proposées. La nature de ces métriques a été orientée par l'identification des qualités sonores descriptives représentant au mieux les axes perceptifs. A partir des métriques retenues, des modèles de régression ont alors été recherchés. Un modèle linéaire prédisant le score de qualité perçue est proposé. Un second modèle, obtenu par arbre de régression, prédit une catégorie évaluative directement associée à une action de conception. Pour finir, nous avons recherché les caractéristiques physiques déterminantes pour le critère perceptif identifié. Dans un premier temps, grâce à un réexamen des données perceptives, des facteurs technologiques ont été identifiés. Ensuite, nous avons voulu étudier l'influence de variables du matériau. Des sons de synthèse par un modèle physique simple de plaque ont donc été créés et évalués par le biais des modèles de prédiction de la qualité perçue.

MOTS-CLES : perception sonore, conception, qualité perçue, catégorisation, verbalisation, objectivation Laboratoire de recherche : Laboratoire Vibrations Acoustique, Institut National des Sciences Appliquées, Lyon Directeur de thèse: Etienne PARIZET Président de jury : Composition du jury :

M.G. GUYADER Dr, Renault S.A.S Examinateur M.D. NESA Dr, Renault S.A.S Tuteur industriel M.V. NOSULENKO D.R., Institut de Psychologie de Moscou Examinateur M.E. PARIZET Pr., INSA de Lyon Directeur de thèse M. J.F. PETIOT Pr., Ecole Centrale de Nantes Rapporteur M. P. SUSINI C.R., IRCAM Paris Examinateur Mme.I. URDAPILLETA Pr., Université Paris VIII Rapporteur

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