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LA MARTINIQUE CARREFOUR DU MONDE CARAÏBE

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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

LES CONQUES DE CRISTAL, poèmes, Editions de la Jeune Aca- démie, Paris, épuisé.

L'EMPIRE DES ROSES, poèmes, Editions du Courrier des Antilles, Fort-de-France (Martinique), épuisé.

DAMES DES ILES DU TEMPS JADIS, récits historiques, Nouvelles Editions Latines, Paris, épuisé.

BELAIN D'ESMAMBUC, biographie, Editions Bellenand, Paris, Grand Prix Littéraire des Antilles, 1950.

HÉROÏNES ET AVENTURIÈRES DE LA MER CARAÏBE, récits histo- riques, Editions des Horizons Caraïbes, Fort-de-France (Martinique).

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AUGUSTE JOYAU

LA MARTINIQUE CARREFOUR

DU MONDE CARAÏBE

ÉDITIONS DES HORIZONS CARAIBES

Fort-de-France (Martinique) 1967

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IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE

VINGT-CINQ EXEMPLAIRES SUR PUR

F I L N U M É R O T É S D E 1 A 2 5 ,

CONSTITUANT L 'ÉDITION ORIGINALE.

© EDITIONS DES HORIZONS CARAIBES Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction

réservés pour tous pays.

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I N T R O D U C T I O N

De tout temps, les îles ont exercé sur l'imagination des hom- mes une irrésistible magie : magie du mystère et de l'aventure lorsque ces terres lointaines étaient difficilement accessibles et que le fait de s'y rendre ou d'aller s'y fixer, même temporaire- ment, répondait à une vocation véritable et impliquait même une sorte de renoncement ; magie de l'éloignement et du dépayse- ment depuis que, en quelques heures de voyage, on peut désormais les atteindre, soit pour admirer leurs paysages idylli- ques ou jouir de leurs plages ensoleillées, soit pour y chercher, loin du bruit et des agitations quotidiennes, un peu de ce repos devenu indispensable pour rompre, pendant quelques semaines, voire même quelques jours, avec une existence de plus en plus désordonnée et trépidante.

Les îles, ce furent d'abord les épices. Les riches marchands de la République de Venise en faisaient, à la fin du Moyen Age et au début de la Renaissance, un trafic intense. Ils les impor- taient de l'Orient pour les revendre à prix d'or sur les marchés occidentaux, et les moindres cargaisons de ces précieuses denrées, quand elles parvenaient à bon port — car il y avait parfois des mécomptes — suffisaient à enrichir leurs bénéficiaires.

Plus tard, l'or supplanta les épices. Quand Christophe Colomb, pensant parvenir aux Indes, découvrit l'Amérique — qu'il baptisa d'ailleurs les Indes occidentales — ce furent les petites Antilles, alors dénommées les « îles du Pérou » qui servirent

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en quelque sorte d'antichambre aux riches conquêtes du conti- nent sud-américain. Ces îles étaient situées en effet sur le trajet qu'empruntaient les galions pour transporter vers l'Espagne le « fabuleux métal ». Or, c'est dans ces îles que se dissimulaient corsaires et flibustiers pour chercher à surprendre les opulents navires qui passaient à leur portée, et tenter ainsi, par une attaque inopinée, de s'emparer de leur inestimable trésor.

Les îles, ce fut ensuite le tabac, la fameuse « panacée antarctique » dont la renommée, au XVII siècle, dépassa tout ce qu'on pouvait imaginer. On fumait, on prisait surtout et l'usage du tabac se répandit bientôt dans toute l'Europe. Loin d'incri- miner, comme on le fait aujourd'hui, la « plante à Jean Nicot », pour employer l'expression populaire d'alors, on lui trouvait, au contraire, des propriétés miraculeuses. Quant aux vrais amateurs, les fumeurs de pipe en particulier, ils n'ignoraient pas que le meilleur tabac venait des îles, de la Martinique entre autres, et plus d'un s'enorgueillissait de pouvoir bourrer sa bouffarde de vrai « macouba » dont l'arôme subtil garantissait, à coup sûr, la provenance.

Les îles, ce fut aussi le café. Le caféier — il faut le recon- naître — n'est pas d'origine insulaire. Mais, c'est par le tru- chement des îles et grâce à Gabriel Desclieux, haut fonctionnaire à la Martinique, puis gouverneur de la Guadeloupe que cette denrée fut répandue en Europe. On crut d'abord que l'usage n'en serait que passager. On connaît la fameuse boutade de Mme de Sévigné à propos de Racine : « Il passera comme le café. » L'histoire s'est chargée de donner un démenti à la célèbre marquise : ni Racine, ni le café n'ont « passé ».

Les îles, ce fut enfin la canne à sucre, autrement dit le rhum et le sucre. Le rhum était, à l'origine, un alcool dérisoire, propre seulement, à l'époque, à panser les mulets. Le P. Labat, dont l'ingéniosité s'était déjà manifestée dans plus d'un domaine, inventa un appareil à distiller — qui porte d'ailleurs son nom et est encore en usage dans certaines campagnes antillaises — grâce à quoi le « tafia », comme on le dénommait alors, devint

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une boisson consommable. Ce fut grâce au rhum, s'il faut en croire l'illustre dominicain, que les marins de l'amiral Ruyter, de célèbre mémoire, furent battus à plate couture par cette poignée de braves que commandait, au Fort Royal, le chevalier de Sainte-Marthe. Le rhum — bien entendu — a encore d'autres lettres de noblesse. N'est-il pas, aujourd'hui, à la base du fameux punch des îles dont la réputation n'est plus à faire ?

Le sucre, quant à lui, fut, dans la seconde moitié du XVII siècle et au cours de tout le XVIII un facteur de prospérité considé- rable. Avant que des chimistes européens, contraints par le Blocus continental, aient eu l'idée d'extraire le sucre de la betterave, seule la canne à sucre était susceptible de produire, sur une grande échelle, cette denrée indispensable. Exporté tout d'abord à l'état brut, le sucre fut successivement « terré » puis « blanchi » et enfin raffiné. Dans le courant du XVIII siècle le Trésor royal retirait de son commerce avec les îles un profit tel que, à la signature du traité de Paris en 1763, lorsque la France, vaincue par l'Angleterre, eut à choisir entre ses modestes possessions insulaires de la mer Caraïbe et son vaste domaine de l'Amérique du Nord, le ministre Choiseul, conseillé en cela par Voltaire, homme d'affaires habile à ses heures, préféra délibérément les « îles à sucre » aux « arpents de neige du Canada ». Et c'est ainsi d'ailleurs que la Martinique et la Guadeloupe sont demeurées terres françaises.

Certains géologues pensent que l'archipel des Caraïbes, qui comprend les grandes et les petites Antilles, serait le résultat de la dislocation d'une vaste chaîne de montagnes, d'une sorte de cordillère qui, dans les temps préhistoriques, se serait étendue très loin dans l'Atlantique et aurait peut-être relié le continent africain au continent américain. D'autres soutiennent — et il semble que ceux-ci soient beaucoup plus près de la vérité — que, du moins en ce qui concerne les Petites Antilles, les îles composant cet archipel auraient surgi tardivement, au quaternaire, par suite d'une poussée des fonds marins et qu'il

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en serait bien résulté une cordillère, mais sous-marine, dont les Petites Antilles représenteraient les points culminants. Les tenants de cette dernière hypothèse basent leur opinion sur des fouilles récentes opérées dans des poches calcaires situées, l'une à Saint-Eustache, l'autre à Saint-Kitts, fouilles dont le résultat ne laisserait aucun doute quant à l'origine récente de la formation de ces poches. Ce qu'il y a de certain c'est que les différentes îles qui composent le groupe des Petites Antilles sont de sol essentiellement volcanique. Plusieurs de ces îles possèdent en effet des volcans qui ne sont pas tous éteints. C'est ainsi que l'un d'eux, celui de la Montagne Pelée, à la Martinique, qu'on croyait ne pas être plus menaçant pour la région que le Vésuve pour Naples, eut un brusque réveil, il y a un peu plus d'un demi-siècle et détruisit de fond en comble la ville de Saint-Pierre avec ses 30 000 habitants.

Les Petites Antilles étaient habitées, lorsque les Européens vinrent en prendre possession, par des peuplades indiennes, issues des Galibis du Brésil, qu'on désignait sous le nom de Caraïbes. Ces peuplades, qui occupaient les îles depuis plusieurs siècles, en avaient chassé les anciens habitants, les Arawaks, dont les vertus guerrières étaient loin d'égaler les leurs. Selon le R. P. Pinchon, qui a étudié tout particulièrement le problème archéologique des Antilles, à en juger par la technique de fabrication de leurs poteries, les Arawaks étaient un peuple beaucoup plus évolué que leurs conquérants ; ils faisaient preuve, en tout cas, d'un sens artistique infiniment plus développé. D'après l'importance des gisements qu'il a lui-même découverts, le savant archéologue pense qu'il faut faire remonter la première civilisation arawak tout au début de l'ère chrétienne, sinon même un peu avant le Christ, alors que l'arrivée des Caraïbes se situerait quatre ou cinq cents ans avant Christophe Colomb.

Tel qu'il se trouve situé à l'entrée du golfe du Mexique, aux portes même du canal de Panama, d'où il commande à deux océans : l'Atlantique et le Pacifique, l'archipel des Caraïbes constitue, au cœur de l'hémisphère américain, une véritable

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plaque tournante. Or, il suffit de jeter un coup d'œil sur l'éventail que forme cet archipel pour se rendre compte que la charnière en est l'île de la Martinique. Cette situation géogra- phique privilégiée n'avait échappé, à l'époque, ni à Louis XIV, ni au ministre avisé que fut Colbert, à telle enseigne que lorsque la Martinique, Sainte-Lucie et la Grenade, d'une part, et la Guadeloupe et ses dépendances d'autre part, après avoir appar- tenu à leurs gouverneurs respectifs, devinrent, dans la seconde moitié du XVII siècle, propriété de la couronne, et qu'il fallut grouper ces différents territoires sous un commandement unique, c'est la Martinique qui fut choisie pour siège du gouvernement général. Nous évoquons en l'occurrence un simple fait histo- rique. Loin de nous l'intention de chercher à ranimer ici une quelconque querelle de clocher. Le vieil antagonisme qui a longtemps opposé les îles sœurs de la Martinique et de la Guadeloupe tend de plus en plus à disparaître et nous nous en voudrions de le faire revivre par une polémique hors de saison. Mais nous pensons qu'en raison de sa situation géogra- phique particulière, la Martinique est appelée à jouer, dans un avenir plus ou moins proche, un rôle de tout premier plan dans l'évolution intellectuelle du monde caraïbe. Elle est mieux placée que toute autre, en effet, pour devenir le foyer par excellence de l'hémisphère, le point de convergence des diffé- rentes cultures. Il suffit, pour que son destin, sur ce point, s'accomplisse, qu'elle soit dotée des moyens propres à assumer sa tâche.

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ARCHIPEL DES PETITES ANTILLES

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CARTE DE LA MARTINIQUE

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L A M A R T I N I Q U E

Située dans le bassin Caraïbe, au milieu de l'arc de cercle formé par le groupe des Petites Antilles, la Martinique est bordée au nord par le canal de la Dominique, à l'est par l'Océan Atlantique, au sud par le canal de Sainte-Lucie et à l'ouest par la mer des Antilles ou mer des Caraïbes. Elle s'étend en latitude entre 14° 23' 28" et 14° 52' 42" nord, en longitude entre 60° 48' 45" et 61° 13' 53" ouest. L'île a une longueur totale de 70 kilomètres. Elle mesure environ 30 kilomètres dans sa plus grande largeur et 12 kilomètres dans sa partie la plus étroite. Sa superficie est voisine de 1 000 kilomètres carrés.

On raconte que l'amiral anglais Moore, interrogé après une campagne dans la Caraïbe, sur ce que représentait pour lui la Martinique, se contenta de froisser une feuille de papier qu'il avait à sa portée, la jeta sous le nez de son interlocuteur et dit simplement : « Voici la Martinique. » Le malheur veut qu'on prête la même anecdote à d'autres que l'amiral Moore et à propos d'autres îles que la Martinique. Il faut reconnaître d'ailleurs que si l'on compare la Martinique aux autres îles du même groupe (la Dominique ou Monserrat par exemple), elle est loin d'être, de toutes, la plus spécifiquement montagneuse. Elle présente néanmoins, dans son ensemble, un relief assez accidenté. Au nord, la Montagne Pelée, point culminant de l'île, atteint 1 430 mètres. A environ 12 kilomètres à vol d'oiseau s'élèvent les trois Pitons du Carbet dont le plus élevé avoisine

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1 200 mètres. Autour de ces sommets se dressent des crêtes dont certaines atteignent de 500 à 700 mètres. Une chaîne de « mornes », partant des Pitons, d'une altitude de 300 à 500 mètres, s'étend le long de la côte atlantique jusqu'au Marin. A partir de la Montagne du Vauclin, le plus haut sommet de cette chaîne (505 mètres), une ramification se prolonge vers l'ouest jusqu'au Diamant. Cette ramification a, pour plus haut sommet, le Morne du Diamant ou Morne Larcher (480 mètres). D'autres « mornes » comme le Morne la Plaine (300 mètres) composent cette chaîne secondaire.

La Martinique est arrosée par trois principales rivières : la Lézarde, la Rivière Blanche et la Capot. La plus importante des trois, la Lézarde, prend sa source aux Pitons du Carbet à environ 500 mètres d'altitude. Issue, elle aussi, des Pitons du Carbet, la Rivière Blanche, après avoir passé par l'Alma, le Gros Morne et Saint-Joseph, vient rejoindre, à l'habitation dite « Jonction », la Lézarde qui, ainsi grossie des eaux de la Rivière Blanche, traverse la plaine du Lamentin et va se jeter dans la mer des Antilles entre le Lareinty et la ville du Lamentin. La Capot prend sa source, comme les deux premières, aux Pitons du Carbet, mais sur le versant est. Elle traverse le Morne- Rouge et l'Ajoupa Bouillon et va se jeter dans l'Atlantique à la limite des communes de Basse-Pointe et du Lorrain.

Il existe à la Martinique deux saisons principales, l'une allant du 15 janvier au 15 avril et dite saison sèche ou carême, l'autre s'étendant du 15 juillet au 15 octobre et dite saison pluvieuse ou hivernage. Deux saisons intermédiaires viennent s'insérer entre celles-ci, l'une relativement fraîche et peu plu- vieuse allant du 15 octobre au 15 janvier, l'autre chaude et souvent pluvieuse s'étendant du 15 avril au 15 juillet. Cette délimitation, il va sans dire, n'est pas absolue. Il est à noter toutefois que c'est seulement pendant la période d'hivernage, c'est-à-dire du 15 juillet au 15 octobre, que se manifestent : les cyclones et les bourrasques.

La moyenne des températures minima à la Martinique, d'après

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les éléments recueillis à la station météorologique de Desaix, varie entre 21 °3 en février et 23°6 en septembre. Elle est de 22°7 pour l'année. La moyenne des températures maxima s'éche- lonne entre 26°7 en janvier et 29°2 en septembre. Elle est de 28° 1 pour l'année. Les valeurs extrêmes vont de 17°5 en décembre à 33° en août. Ces écarts de température sont dus à des causes multiples. Elles sont fonction des précipitations, de l'évaporation, de l'humidité relative, de la nébulosité, de l'inso- lation, des orages, du régime des vents.

Il tombe en moyenne 1,77 m d'eau par précipitation atmo- sphérique, la plus forte hauteur annuelle étant de 2,88 m et la plus faible de 1,28 m. Le plus grand nombre mensuel moyen de jours de pluie est de 26 jours en juillet, de 25 en août, de 23 en septembre, de 22 en décembre, janvier et juin. Le plus petit nombre mensuel moyen est de 16 jours en février. Le nombre moyen de jours de pluie annuel est de 255. L'insolation moyenne annuelle est de 2 550 heures.

La vitesse des vents est très variable suivant les mois de l'année, voire même suivant les heures du jour. Les vents généralement calmes pendant la période d'hivernage atteignent parfois, en période de cyclones, une vitesse très accrue.

Les différences de température plus ou moins accusées suivant qu'on est en hivernage ou en carême dépendent en grande partie de ce qu'il est convenu d'appeler la Zone Intertropicale de Convergence (Z.I.C.). Cette zone, qui s'éloigne des Petites Antilles à la mi-octobre, est remplacée, pendant la période de carême, par des invasions d' « air polaire continental » qui descendent de la Floride et rafraîchissent l'atmosphère. Ce phénomène tend à empêcher le développement des nuages de convection, d'où la raréfaction des jours de pluie.

D'où la Martinique tire-t-elle son nom ? On a cru longtemps que Christophe Colomb l'avait ainsi dénommée parce qu'il l'aurait découverte le jour de la Saint-Martin. Cette légende s'était d'autant plus facilement accréditée que de nombreux chroniqueurs s'en étaient faits l'écho. Or, il est impossible que

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Christophe Colomb ait débarqué à la Martinique le jour de la Saint-Martin puisqu'il ne découvrit l'île que le 15 juin 1502, au cours de son quatrième voyage, « à une époque, nous dit l'abbé Rennard, où aucun Martin ne figure dans le calendrier ». Il faut donc chercher ailleurs l'origine du nom de Martinique. La plupart des navigateurs la désignaient aux XV et XVI siècles, sous le nom de Martinino ou encore Mandinina ou Madinina. Ce dernier vocable signifierait, en langage caraïbe : l'île aux fleurs. Comment de ces différents noms est sorti celui de Martinique ? L'abbé Rennard en fournit une explication qui nous 'paraît un peu tirée par les cheveux. Nous la donnons néanmoins pour ce qu'elle vaut : « Elle (la Martinique) vit son nom se changer en Matinina puis en Matinite... enfin Martinique, grâce à l'in- fluence de sa voisine "La Dominique ". »

Selon Pierre Margry, Madinina ou Martinina ne signifierait pas, dans le langage caraïbe, l'île aux fleurs, mais l'île des femmes ou, plus précisément, l'île des guerrières. La Martinique passait effectivement, aux dires de très anciens chroniqueurs, pour une île qui n'était habitée que par des femmes « lesquelles, dit l'un d'entre eux, ne recevaient la visite des hommes qu'à des époques déterminées ». Ces femmes, selon la légende, ne seraient autres que les antiques amazones qui, ayant été bannies des îles, se seraient réfugiées sur les rives de l'Orénoque et du fleuve qui porte aujourd'hui leur nom. Il va sans dire que les vrais marins, par expérience, n'y croyaient pas. C'était le cas du fameux corsaire François Leclerc, dit « Jambe-de-Bois », qui, vers le milieu du XVI siècle, écrivait : « L'Ile Matelyne ou Martinino, laquelle aucuns veulent feindre avoir été le repaire des Amazones ou bien les femmes y avoir à leur exemple et des Lemniades, exterminé tous les mâles de leur île. Mais ils s'abusent d'autant qu'il y a pour le moins cent Indiens, braves tireurs de flèches et plus hardis que métier ne ferait pour mener leur vie carybienne. »

Cependant — tant sont tenaces les légendes — beaucoup continuaient à croire que l'île n'était effectivement habitée que par

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des femmes. A preuve ce témoignage de Jean Hugues de Linachot qui écrivait en 1619, dans son Histoire de la Navigation : « Plus outre gît Dominica. Là autour se trouve une autre île nommée Mandinina ou l'île des femmes à la manière des Amazones que les cannibales visitaient des fois et autres, et venant à naître des fils, les emmenaient avec eux, laissant les filles à leurs mères. »

Au XVI siècle, la Martinique était jugée par certains naviga- teurs d'un abord difficile. C'est ainsi qu'André Thévet, cosmo- graphe du roi, écrivait en 1555 que des îles comme la Grenade et la Martinique étaient peu accessibles « tant pour les battures dont elles sont entourées que pour n'y avoir aucun port. » Cette opinion n'était pas partagée par tous. Fernand Colomb, par exemple, qui s'était lui-même rendu aux Antilles en 1571 pour se documenter sur la découverte de son père, rapportait notamment ceci : « Nous nous trouvâmes en vue de l'île Marti- nino où, selon la coutume déjà établie, l'amiral jugea convenable que nous fissions relâche. »

Au début du XVII siècle, les explorateurs ne se contentaient pas de faire une courte escale dans les îles, ils y séjournaient par- fois assez longtemps. Selon Pierre Barrey, qui a publié des étu- des fort intéressante à ce sujet, « dès 1624, sans qu'on puisse prétendre qu'un courant prononcé d'émigration existait et depuis combien de temps, l'usage s'était établi d'aller résider quelques années aux Antilles pour commercer et cultiver le tabac ». C'est ainsi que Pierre Gourney, bourgeois du Havre, avait organisé, précisément en cette année 1624, une expédition « pour aller aux îles de la Martinique, Dominique et autres circonvoisines, auxquels lieux lui Pierre Gourney prétend faire résidence l'espace de trois ou quatre ans pour y naviguer et y trafiquer toutes sor- tes de marchandises, pour faire jardiner aux dits lieux pour y planter du pétun ». L'année d'avant, un navire français, la Levrette, était allé « robinsonner » à la Martinique. Ce « robin- sonnage » avait duré deux ans. Quoi qu'il en soit, il n'avait jamais été dans le dessein d'aucun de ces navigateurs ou explorateurs

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de prendre possession de l'une quelconque de ces îles au nom d'une autorité officielle. Ce fut le mérite de Belain d'Esnambuc d'y avoir pensé un des premiers. Dès l'année 1627 en effet, celui à qui l'on devait conférer le titre de « fondateur de la puis- sance française aux Antilles » créait, avec l'aide de Richelieu, un établissement dans l'île de Saint-Christophe, d'où il devait rayon- ner plus tard sur plusieurs autres îles de l'archipel.

Ce ne fut pourtant pas Belain d'Esnambuc qui prit, le pre- mier, possession à la Martinique. Liénard de l'Olive, son prin- cipal lieutenant, qu'il avait, en toute confiance, mis au courant de son projet, l'avait en effet, sans aucun scrupule, devancé dans l'exécution de celui-ci. Rentré en France à la fin de 1634, sous le prétexte qu'il avait à régler des affaires particulières, de l'Olive s'était abouché avec un ancien officier d'escadre, Jean du Plessis d'Ossonville, et avait formé avec ce dernier une asso- ciation en vue de l'exploitation de l'une ou plusieurs des Petites Antilles. La Compagnie des îles d'Amérique venant alors de se constituer, les deux associés avaient sollicité son appui et passé avec elle, le 14 février 1635, un contrat aux termes duquel ils avaient été autorisés à exploiter l'île qui leur paraîtrait la mieux appropriée à leurs desseins.

Parti de Dieppe le 23 mai 1635 avec 600 hommes, de l'Olive et du Plessis débarquèrent à la Martinique le 25 juillet sur l'ac- tuelle plage de Fonds Laillet. Mais, s'il faut en croire le P. Bre- ton, qui accompagnait l'expédition, ils trouvèrent l'île « bordée de précipices, montagneuse, peu propre à la culture ». Ils y ren- contrèrent, au surplus, une telle quantité de serpents qu'ils renon- cèrent, après deux jours, à s'y établir et aimèrent mieux mettre le cap sur la Guadeloupe, où ils débarquèrent effectivement le 28 juillet suivant. C'est alors que, craignant d'être « encore une fois supplanté », d'Esnambuc résolut d'aller prendre lui-même possession de la Martinique.

Accompagné de son fidèle lieutenant Jean du Pont, des sieurs de la Garenne, La Chesne, Le Vesque, Morin, Guillaume Le Fort, du Père Hyacinthe et de cent cinquante « vieux habitants

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de l'île de Saint-Christophe, tous gens d'élite accoutumés à l'air, au travail et à la fatigue du pays, et qui en un mot n'ignoraient rien de tout ce qu'il faut faire, pour défricher la terre, la bien cultiver, y planter des vivres et y entretenir des habitations » (c'est le P. du Tertre qui s'exprime ainsi), d'Esnambuc partit de Saint-Christophe à la fin du mois d'août 1635 à bord du navire du capitaine Drouault à destination de la Martinique. Après avoir longé l'île sur une distance de deux ou trois milles, le navire atteignit le fond d'un grand arc de cercle dont la courbe se prononçait sur de vastes étendues de terres couvertes de cultures abondantes. Au surplus, une rivière — la plus impor- tante qu'il eût rencontrée jusque-là — semblait arroser cette fertile vallée. D'Esnambuc décida de jeter l'ancre à cet endroit. Après avoir planté la croix et chanté le Te Deum suivant le cérémonial habituel, la petite expédition se mit tout de suite au travail pour la construction d'un fort que d'Esnambuc baptisa le Fort Saint-Pierre du nom de son saint patron. Puis il rega- gna Saint-Christophe, ayant confié le gouvernement de l'île à son premier lieutenant Jean du Pont.

Alors qu'ils avaient parfois entre eux des différends qu'ils réglaient d'une île à l'autre par des expéditions souvent sanglan- tes, les Caraïbes, lorsqu'il s'agissait de bouter dehors les étran- gers, et, en particulier, les Européens, oubliaient leurs querelles traditionnelles pour faire front contre ceux qu'ils considéraient comme leur ennemi commun. C'est ainsi que les Caraïbes de la Martinique, après le débarquement de d'Esnambuc, avaient alerté tous leurs congénères des îles voisines en vue de surprendre les Français pendant leur sommeil et de les exterminer jusqu'au der- nier. Un soir, en effet, par une nuit de pleine lune, alors que le calme le plus absolu semblait régner sur le fort Saint-Pierre, une nuée de pirogues de formes et de dimensions les plus variées surgit de tous les points de l'horizon. Du Pont avait eu soin de placer en permanence dans le fort une vingtaine de miliciens qui, par équipes de quatre, se relayaient toute la nuit. Dès que les hommes de garde virent poindre les pirogues, ils s'empressè-