La Grammaticalisation

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    La grammaticalisation:Bilan des tudes et perspectives de recherche

    Grammaticalization:Overview and perspectives for research

    Lela Ben Hamad1

    Abstract: The aim of this paper is to provide a synthetic overviewof current studies on grammaticalization. It rst reconstructs thetheoretical assumptions of this model and then attempts to discernthe characteristics of the process of linguistic change which entersthis eld of study. It also discusses the types of changes assumed tocharacterize or at least to be associated with it. On the way, we pointout the issues that generate ongoing debate.

    Key words:grammaticalization, process, change, evolution, gradual-

    ness, gradience

    1. Introduction2

    1.1. La grammaticalisation: un concept mallable

    Comme lont soulign tous ceux qui lont tudie3, lagrammaticalisationest un concept mallable, difcile dnir, deux

    sicles de questionnement nayant pas permis de parvenir en fournirune dnition univoque, qui ne prte confusion.Le terme de grammaticalisation recouvre, de fait, des sens trs

    distincts4. On en dsigne deux processus diffrents. Dune part, on

    1 Universit de Sousse, LDC, Modyco ; [email protected] Nous remercions les relecteurs dont les commentaires dtaills nous ont permisdamliorer la version dnitive de cet article.3 Cf. notamment Lehmann (1995), Bat-Zeev Shyldkrot (2005) et Giacalone-Ramat &Hopper (1998), qui sattardent sur la polysmie rattache au terme de grammaticalisa-

    tion.4 Daprs Traugott & Heine (1991: 1): [This] diversity of perspectives is manifest in anumber of ways. () disagreement about how to approach the subject starts with di-sagreements about what to call it. Certains linguistes ont, en effet, introduit dautrestermes (tels que grammaticization(Hopper 1991, Bybee, Perkins & Pagliuca 1994, Pa-gliuca 1994, Bybee 2003) ou encore grammatization(cit par Traugott & Heine 1991),

    jugs plus adquats.

    Studii de lingvistic 2, 2012, 5 - 24

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    se rfre un processus dvolution dynamique au terme duquel desunits lexicales se convertissent en lments grammaticaux . Dautre

    part, on voque le phnomne qui en rsulte, qui entrane le gementdune structure linguistique, conformment aux rgles de grammairedune langue. Dans le premier cas, il sagit dun processus qui estsusceptible de crer de nouvelles formes, dintroduire de nouveauxparadigmes et mme daffecter le systme entier de la langue. Dans lesecond, en revanche, il est question de xer de faon permanente unecertaine unit ou structure linguistique5. Qui plus est, les dnitionsquon livre du premier processus ne font gure lunanimit. Ainsi, dunterme prcis qui se rfre un processus historique bien particulier, lagrammaticalisation peut devenir chez certains un terme gnral qui est

    susceptible de dsigner toutes sortes de changements historiques6.On nomme galement grammaticalisation lapproche qui

    traite du premier processus travers un modle thorique, un cadredanalyse et une srie de concepts qui permettent de le dcrire et delanalyser. Le concept de grammaticalisation dsigne ainsi, selon lescas, un type de phnomne linguistique suivant la faon dont on leconoit ou un modle thorique avec son outillage conceptuel et sesprocdures danalyse. Les dnitions quon en donne posent ainsi plusde questions quelles nen rsolvent7. Un tel dbat prouve la ncessit

    de bien circonscrire le concept de grammaticalisation.

    1.2. Mthode

    Nous essayerons de mettre le point sur lapproche dite de lagrammaticalisation. Nous nous emploierons en faire un tat des lieuxproblmatis, partant des observations de la plupart des auteurs quiuvrent sous sa bannire thorique8. Il sagira dabord de reconstituerles prsupposs thoriques de ce modle et den faire, dj, un brefhistorique. Nous nous attarderons particulirement sur les notionset concepts quon met en uvre pour en rendre compte et qui fontlobjet actuellement dune rexion en plein essor. En second lieu,nous tenterons de discerner les traits caractristiques du processusde changement linguistique qui entre dans ce domaine dtude9. Nous

    5 Les termes de phrase grammaticaleet de traits de grammaticalitdrivent de cetteseconde signication.6 Nous nous rfrons ici Giacalone-Ramat & Hopper (1998: 8), qui crivent: A nalpossibility concerning the limits of grammaticalization would be to understand gram-maticalization as a cover term for a wide range of phenomena having common historical

    processes whose outcomes are grammatical forms.7 Ce ottement explique en partie lusage parfois abusif du concept de grammatica-lisation.8 Nous adopterons ici un point de vue rsolument prsentiste . Nous ne nous situe-rons en aucun cas dans une perspective particulire.9 Mme si les points de vue descriptif et thorique sont lis plusieurs gards, il nousparat tout fait lgitime de les traiter sparment. Marchello-Nizia (2006 : 16) choisit

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    aborderons galement les types de changements supposs le caractriser ou du moins y tre associs. Nous essayerons de les prsenter, en

    perspective, dans leur complexit et leurs diffrents niveaux et,chemin faisant, nous soulignerons les points qui suscitent des dbatsconstants.

    2. La grammaticalisation: une nouvelle approche thorique

    2.1. Historique

    Ltude de la grammaticalisation dans le langage nestassurment pas une approche neuve en linguistique10. Le terme

    de grammaticalisation semble avoir t cr il y a prs dun sicle.On a coutume den attribuer la paternit au comparatiste AntoineMeillet (1912)11. Le phnomne quil dcrit avait, quant lui, djt identi et succinctement dcrit il y a plus de deux sicles parles no-grammairiens12, qui ont produit des travaux importants surla question, comme en tmoignent, entre autres, Traugott & Heine(1991: 12) : Although many examples were discussed by nineteenthcentury scholars (e.g. Bopp, 1816; Humboldt, 1825; Gabelentz,1891), the term was apparently rst used by Meillet (1912).

    Les linguistes nont en revanche commenc exploiterla notion de grammaticalisation que depuis un quart de sicle.Elle a t rintroduite par Kurylowicz (1965), puis rutilise etproblmatise par Givn (1971), Hagge (1975), entre autres, maissans lapparat thorique et la prcision quelle a acquis partir desannes 1980. Cette priode voit une vritable oraison des travauxsur la grammaticalisation, dont Lehmannn (1982, 1985), Traugott(1982), Heine & Reh (1984), Bybee & Pagliuca (1985) et Sweetser(1988), pour nen citer que quelques uns. Lintrt quon tmoigne cette approche saccrot davantage pendant les annes 1990, avecla parution de nombreux autres ouvrages comme Heine, Claudi &Hnnmeyer (1991), Traugott & Heine (1991), Hopper & Traugott(1993), Giacalone-Ramat & Hopper (1998), Boone & Pierrard(1998) et Bat-Zeev Shyldkrot (1999), entre autres. La thorie de la

    plutt daborder tour tour tous les aspects tant du processus que de la thorie .Cette position, sans doute la plus rpandue, ne nous semble pas, de fait, exempte dunecertaine ambigut.10Elle est mme fort ancienne selon Peyraube (2002: 50, note 5), qui soutient que leconcept de grammaticalisation, sinon le mot lui-mme, tait courant dans la tradition

    linguistique chinoise depuis prs de sept sicles.11 Le terme lui mme est mentionn deux fois dans un article intitul Lvolution desformes grammaticales , paru en 1912 dans la Rivista di scienzaet repris dans Linguis-tique historique et linguistique gnrale([1921] 1982 : 133 et 148).12 Ces derniers proposent, selon Lehmann (1995 :1), une thorie gnrale de lvolutionde la langue, connue sous lappellation de agglutinations theory, qui peut, son sens,tre considre comme un prcurseur de la thorie de la grammaticalisation.

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    grammaticalisation acquiert actuellement encore plus dimportance,comme le prouvent Klausenburger (2000), De Mulder & Vanderheyden

    (2001), Traugott & Dasher (2001), Wischer & Diewald (2002), Kriegel(2003), Combettes, Marchello-Nizia & Prvost (2003), Touratier(2003), Chaurand & Klinkenberg (2003), Fischer, Norde & Perridon(2004), Marchello-Nizia (2006) et plus dune centaine darticles, endiverses langues, traitant de points particuliers, sous la bannirethorique de la grammaticalisation13.

    Ltude de la grammaticalisation est donc une approche donton peut faire remonter les origines loin dans la culture occidentalemais qui ne fdre que depuis peu des recherches diverses.

    2.2. Prsupposs thoriques

    Un consensus nous semble ressortir, de faon explicite ouimplicite, des diffrents travaux portant sur la grammaticalisation.Il est communment admis quil existe deux types dunitslinguistiques: des units lexicales (substantifs, verbes et adjectifs)dune part, et des units grammaticales (prpositions, conjonctions,dterminants, adverbes et auxiliaires) de lautre. Cette distinction,issue de la grammaire traditionnelle, constitue le principe mme

    de la grammaticalisation: il sagit dunits voluant de faonconstante et graduelle du premier type au second. Selon ce principe,lappartenance des units linguistiques lun des deux types nestcependant pas absolue. Aussi est-il possible dtablir une hirarchieau sein de ces units qui permette de leur assigner le trait plusou moins grammatical 14. Telle quelle est dnie par Kurylowicz(1965: 69), la grammaticalisation constitue, de ce fait, un processusdvolution au cours duquel des units lexicales peuvent devenirgrammaticales et des units dj grammaticales peuvent segrammaticaliser davantage: Grammaticalization consists in theincrease of the range of a morpheme advancing from a lexical toa grammatical or from a less grammatical to a more grammaticalstatus.

    Cette dnition unanimement accepte15 prsupposemanifestement quil existe une tension dans le langage entre, dunepart, des expressions lexicales autonomes et, dautre part, un

    13 Grce ses russites indniables dans cette dernire dcennie, la grammaticalisationconstitue lobjet dun dictionnaire, reprant plus que quatre cents cas de grammatica-

    lisations dans prs de cinq cents langues du monde: () over 400 processes relatingto the evolution of grammatical categories are discussed, using data from roughly 500different languages (Heine & Kuteva 2002: 1).14 Voir ce propos Traugott & Trousdale (2010).15 Il est cependant noter que les variations autour de cette dnition ne manquentpas et que, par ailleurs, les mcanismes supposs y tre associs sont loin de fairelunanimit.

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    codage morphosyntaxique contraint. A la base de ce prsupposthorique, en outre, il y a un noyau conceptuel essentiel, prnant

    la relative non-dtermination dans la structuration langagire et lecaractre fondamentalement non discret ou continu des catgories16:The study of grammaticalization () high-lights the tension betweenrelatively unconstrained lexical expression and more constrainedmorphosyntactic coding, and points to relative indeterminacy inlanguage and to the basic non-discreteness of categories (Traugott& Heine 1991:1).

    Une autre caractristique de ce cadre thorique est la conceptiondu changement linguistique qui le sous-tend. On pose quil sagitdun processus qui, sans cesse luvre, renouvelle constamment

    le systme de la langue et on postule complmentairement que cestdans lusage mme de la langue que sinitie ce renouvellement, chaquelocuteur en tant partie prenante. Le changement linguistique sedroule dans la chane mais ses rsultats concernent le systme,de sorte quil transcende la sparation de ces deux axes, commele souligne fort justement Lichtenberk (1991: 76): () the relationbetween grammatical systems and language use is not one of strictopposition; rather it is a symbiotic relation.

    Il est une autre hypothse sur laquelle est fonde et btie la

    grammaticalisation. On postule que le langage est un phnomneprofondment dynamique et que donc toute variation synchroniqueest interprter comme une phase possible dune volutiondiachronique. Dans cette perspective, le temps ne peut plus treperu comme une somme dlments discrets correspondant dessynchronies distinctes mais, linstar des catgories, qui on lavu se lisent dans un continuum et non en oppositions discrtes, ilest, lui aussi, conu comme une continuit. Cette possibilit nouvellede penser le temps est le rsultat de la prise en compte de la naturecomplexe, stratie et htrogne du systme linguistique.

    Lapproche dite de la grammaticalisation repose donc surune conception nouvelle de la langue qui remet en cause celle surlaquelle est btie une partie de la linguistique des XIXme et XXmesicles. Cette contestation est, pour une part, une remise en causedes dichotomies saussuriennes (synchronie/diachronie et langue/parole)17. Ailleurs, cest surtout le principe de la diffrence radicale

    16 On peut penser que cest justement ce genre dattitude pistmologique qui a amenHopper (1991: 30) dvelopper lide de degr de catgorialit au lieu de celle de

    catgorie : The theoretical consequence of seeing categories in this way is to rela-tivize the notion of category and hence to see membership in a category as being notdetermined in advance for a form (); in other words, to replace the idea of categorywith one of degree of categoriality .17 Notons que loin dtre radicalement ignores, celles-ci continuent davoir une fonc-tion heuristique. Lapproche dite de la grammaticalisation ne sinscrit donc pas dansun rejet dogmatique de la pense saussurienne, bien au contraire.

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    de nature entre le lexical et le grammatical qui est directement battuen brche:

    Grammaticalization () focuses on the interdependence of langueandparole, of the categorial and less categorial, of the xed and the lessxed in language. Grammaticalization is the linguistic process, boththrough time and synchronically, of organization of categories and ofcoding. (Traugott & Heine 1991 I: 1)

    3. La grammaticalisation: un processus de changement

    linguistique

    3.1. Traits caractristiques18

    La grammaticalisation est consensuellement dnie comme unprocessus: What is common to all denitions of grammaticalizationis, rst, that it is conceived as a process. Although this process canbe interpreted synchronically as well () there is wide agreermentthat it forms essentially a diachronic phenomenon (Heine, Claudi &Hnnemeyer 1991: 149).

    On saccorde, de fait, afrmer que la grammaticalisation se

    droule de faon progressive et que donc, dans le passage du stadeinitial o lunit linguistique est lexicale au stade nal o elle sintgrepleinement au systme grammatical, il existe toujours une phaseintermdiaire (ou des phases) o le stade lexmatique19et le stadegrammaticalis coexistent20. Ce caractre progressif du processus degrammaticalisation, considr comme participant de sa dnition21,suppose la coexistence la mme poque et ventuellement chezle mme locuteur de deux variantes concurrentes, dont luneseulement subsistera dans bien des cas. Et cest justement lorsquecet tat de variation disparat, que lon peut dire que le processus degrammaticalisation est achev. Cest ce que souligne Heine (2002:83-86):

    (...) the process from A [a historically earlier form-meaning unit orconstruction] to B [a relater reex of it] is a continuous one, involvinga multitude of intermediate stages ():

    18 Des dbats pointilleux, prolixes, dune complication qui de la synthse portent,

    nous le verrons, sur ces traits que nous ne pouvons caractriser de spciques ou d-nitoires.19 Nous empruntons ce terme Hagge (2001).20 Cf. notamment Diewald (2002 et 2004).21 Comme le note Marchello-Nizia (2006: 31), la constatation empirique de cette pro-prit contredit une position gnrativiste selon laquelle le changement linguistique nepeut tre que catastrophique.

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    Stage ContextResultingmeaning

    I - Initial stage Unconstrained Source meaning

    II - Bridging contextThere is a specic context-giving rise to an inference in

    favor of a new meaning

    Target meaningforegrounded

    III - Switch contextThere is a new context which

    is incompatible with thesource meaning

    Source meaningbackgrounded

    IV - Conventionalization

    The target meaning no longerneeds to be supported by thecontext that gave rise to it, itmay be used in new contexts

    Target meaningonly

    un autre gard, la grammaticalisation est aussi communmentdnie comme un processus graduel. Lattention sest mme focalise,dans certains ouvrages fondateurs, sur la ncessit dtablir unechelle de grammaticalit (grammaticalization scale) allant dun ple plein un ple vide lide de base tant, on la vu, que le lexical devient grammatical et que le moins grammatical devient plusgrammatical . Lvolution linguistique sest trouve, de ce fait, symbolise

    par des parcours de grammaticalisation (cline, path, pathway,grammaticalizationchain, etc.) qui peuvent concerner tant les aspectsformels de la langue, les niveaux danalyse, les catgories que le sens etqui accdent au statut de modles du changement linguistique22.

    Toutefois, il convient de remarquer que ce trait de gradualitfait lobjet dune mise en question percutante, notamment sous laplume de Givn (1991: 122):

    Several earlier studies () suggested that grammaticalization was agradual process (). But there are reasons to suggesting the exactopposite perspective: that cognitively, grammaticalization is not agradual process, but rather an instantaneous one. It involves themental act of the mind recognizing a similarity relation and therebyexploiting it, putting an erstwhile lexical item into grammatical usein a novel context. The minute a lexical item is used in a frame thatintends it as grammatical marker, it is there by grammaticalized.

    Il est un autre trait dnitionnel, relativement consensuel.Cest lunidirectionnalit du processus de grammaticalisation.Comme le signalent Heine, Claudi & Hnnemeyer (1991b: 150), lagrammaticalisation dsigne, de fait, un mouvement qui est dirig dans

    22 Sur ce point, cf. notamment les modles universels de grammaticalisation que lap-proche typologique a identis, comme par exemple les chelles conduisant de nom adposition / afxe casuel (cf. Svorou 1994) ou de verbe auxiliaire/afxe temporel (cf.Kuteva 2001).

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    une seule direction: du moins grammatical au plus grammatical, et nonvice-versa: () grammaticalization is unidirectional, i.e. it leads from a

    less to a more grammatical unit but not vice versa. Hagge (2001: 1622)a aussi bien soulign limpossibilit dun retour en arrire pour un telprocessus, ce qui en explique, selon lui, le caractre unidirectionnel23:

    On ne connat pas dexemple par lequel une unit rsultant dunprocessus de grammaticalisation reviendrait au lexme quelletait, ou disparatrait en faveur des seuls emplois lexmatiquesquand ils se sont maintenus. Cest pourquoi, on peut considrer lagrammaticalisation comme unidirectionnelle.

    Ce caractre dnitoire est, par contre, sujet discussion24

    .La position des auteurs est cet gard assez complexe. On afrme, eneffet, quil existe des contre-exemples qui relvent bien dun mouvementinverse, allant du grammatical au lexical. Tabor & Traugott (1998: 229)formulent ainsi explicitement: Unidirectionality () is a tantalizingidea that has both substantial empirical plausibility and appealingtheoretical simplicity, but it lacks tooth in its current formulationbecause of a number of hard-to-dismiss counterexamples25. Onretrouve ce constat chez Heine (2002: 97): Grammaticalization isa unidirectional process, that is, it leads from less grammatical tomore grammatical forms and constructions. However, this processis not without exceptions: a number of examples contradicting theunidirectionality principle have been pointed out.

    Au regard dautres linguistes, les prtendus contre-exemplesnen sont pas ou sortent du champ de la grammaticalisation. On metainsi en avant des cas de d-grammaticalisation (cf.notamment Ramat1992 et Kiparsky 2005)26, de lexicalisation (cf. en particulier Moreno-Cabrera 1998 et Brinton & Traugott 2005), dexaptation (Lass 1990)ou encore de rtraction (Haspelmath 2004) admettant, dune certaine

    manire quil sagit de processus autres que la grammaticalisation27.Par ailleurs, on met en question le primat accord lunidirec-

    tionnalit comme trait dnitoire du processus de grammaticalisation.Et ds lors que ce trait est envisag comme dnissant le processus degrammaticalisation, on souligne quil nen est pas exclusif. Une ques-tion souvent confuse se pose ainsi propos du type dunidirection-nalit qui pourrait tre tenu pour typique du processus28. Do la nces-

    23 Dans ce mme ordre dides, Heine (2002) stipule que: no instances of a completereversal of grammaticalization have been discovered so far.24

    Il suscite des dbats et des travaux de plus en plus nombreux.25 On peut consulter Traugott (2001), qui dresse une liste de contre-exemples prsomptifs.26 Voir Norde (2009) pour une formalisation de la dgrammaticalisation.27 Notons, nanmoins, que la lexicalisation est considre par certains auteurs, dontHimmelmann (2004), comme un phnomne qui fait partie de la grammaticalisation etnon pas comme un phnomne oppos.28 Grammaticalization is the assumption of a cline of unidirectionality () the question

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    sit prouve de rednir le processus de grammaticalisation commecomposite et complexe, synthse de plusieurs micro-processus unidi-

    rectionnels: Unidirectionality may suggest a single path of evolution.However, approaches referring to multiple functional domains or to cor-related processes seem closer to reality (Traugott & Heine 1991: 6).

    La grammaticalisation correspond, de ce point de vue, unpiphnomne, dsignant un ensemble de phnomnes volutifs,qui vont, pour ainsi dire, dans le mme sens. La cline de lagrammaticalisation est prsente comme une voie que les unitslinguistiques parcourent dans un sens bien dni, aux divers planssmantique, syntaxique, morphologique et phonologique. Selon Bybee,Perkins & Pagliuca (1994: 4-5), cest larticulation intime de ces micro-

    processus, agissant aux divers niveaux de lanalyse linguistique, quifait la spcicit mme de la grammaticalisation: The events thatoccur during this process may be discussed under rubrics of semantic,functional, grammatical, and phonological changes, though we willargue that these processes are intimately connected with one other.

    Reste que la nature de ces micro-processus suscite, elle aussi,des divergences dopinion et des dbats constants. Heine & Reh (1984)en proposent, par exemple, un modle trinaire: semantic-pragmaticstatus, grammatical behavior and phonological substance. Lehmann

    (1985, 1995) en distingue deux catgories, selon quils oprent sur leplan syntagmatique ou paradigmatique. Daprs lui, les micro-processussyntagmatiques se laissent rassembler en trois rubriques: la coalescence,la xation de la position et la rduction de la porte. Les micro-processusparadigmatiques sont aussi en nombre de trois: lintgration dans unparadigme, lobligatorication et lrosion. Selon Tabor & Traugott,lunidirectionnalit du processus de grammaticalisation se situe cinq niveaux diffrents ((1) smantico-pragmatique, (2) smantique,(3) phontique, (4) statistique et (5) structural). Cinq types de micro-processus ont ainsi t reprs comme possibles:

    1. Grammatical change persistently involves a shift from morereferential to less referential meanings (semantics/ pragmatics),2. The meanings of grammatically metamorphosing elements tend tobecome more, rather than less, abstract (semantics),3. Their phonetic substance tends to be reduced (phonetic form),4. Their frequencies tend to increase (statistical form),5. Grammatical change proceeds across a cline of structural types(phrasal/morphemic from). (Tabor & Traugott 1998: 229)

    Lon sest ingni dmontrer que des phnomnes quiinterviennent dans ces micro-processus, il nen est aucun qui soitlapanage exclusif de la grammaticalisation, soit que lon ait observ

    is precisely what kinds of unidirectionality are necessary or at least typical of gramma-ticalization (Traugott & Heine 1991: 4).

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    quils ne correspondent qu des tendances de frquence et que lonpuisse trouver ainsi des contre-exemples la rgle nonce, soit que

    lon ait avanc que dautres types de changements prsentent lesmmes phnomnes29.

    3.2. Changements luvre aux diverses tapes de lagrammaticalisation

    Nous tenterons de prciser ici quels types de changements leprocessus de grammaticalisation suppose, de quelle nature ils sont et quels niveaux ils agissent. Nous nous attarderons particulirementsur la nature des rgularits qui les gouvernent et qui ont conduit

    la formulation de chanes de changements smantiques ou formels.Lon trouve on le verra des positions trs diverses en la matire.

    3.2.1. Changement smantique

    Selon Meillet, la grammaticalisation des units linguistiques enengendre un affaiblissement de sens continu, qui se traduit par unediminution de lexpressivit, consquence dune frquence demploiaccrue30: Si un groupement de mots devient frquent, sil est souvent

    rpt, il cesse dtre expressif, et il est reproduit de plus en plusautomatiquement par les sujets parlants (); ces mots saffaiblissent,se dgradent (), et ainsi sans n ([1912] 1982 : 135-141).

    Ce parti-pris est celui dun grand nombre de linguistes quirivalisent dinventivit pour dsigner cet affaiblissement du sens ,soutenu par Meillet31. Guillaume (1964) parle de subduction ,dnie comme lopration de dmatrialisation et de dsmantisationdes mots , Givn (1971) de semantic bleaching, Langacker (1977)de reduction et Lehmann (1982) de semantic depletion ou dedesemanticization. On trouve encore des termes comme weakening

    29 Melis & Desmet (1998: 13-26) lont bien montr, partant des micro-processus struc-turaux quavait dnis Lehmann (1985 et 1995).30 Parlant des conjonctions, Meillet prcise : Les origines des conjonctions sont dunediversit innie. Il ny a pas despce de mot qui ne puisse livrer des conjonctions ().Quel que soit le point de dpart, le trait commun tous ces dveloppements consisteen ce que, par leffet de la rptition qui en a attnu progressivement la valeur expres-sive et en a fait oublier la signication propre, llment qui gure la jonction de deuxphrases tend devenir un simple outil grammatical : il se grammaticalise pour ainsidire. ([1915] 1982: 169).31 Daprs Hopper & Traugott (1993), la reprsentation de la grammaticalisation comme

    une perte progressive de sens remonte au no-grammairien Gabelentz qui employaiten 1891 les verbes verblaen plir et verbleichenfaner, se dcolorer pour dcrire,dans une mtaphore un peu complique, selon eux, lvolution des mots vers le statutgrammatical. Selon Marchello-Nizia (2006), cest plutt le smanticien Bral qui avaitemploy, bien avant Meillet, les termes d affaiblissement , de dchance et de d-coloration du sens pour caractriser la modication smantique, marquant le passagedu sens lexical au sens grammatical.

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    of semantic content chez Bybee et Pagliuca (1985), eshing-outchez Sweetser (1988) et javellisation chez Peyraube (2002)32. Cette

    conception senracine dans une tradition tenace, qui prdit quil nexistede sens que lexical et que la grammaire est purement structurelle.Bon nombre dauteurs rejettent, par contre, cette faon de conce-

    voir la grammaticalisation, base de largument que laccroissement dela frquence demploi est d celui des possibilits de construction, quisont bien plus varies que ne ltaient celles de lunit dorigine. Aus-si, admet-on a priorique toutes les units linguistiques sont dotes desens. Dans cette perspective, il ne se produit donc pas une dsman-tisation mais un dplacement de sens33. Mais mme dans cette nou-velle optique, les analyses diffrent largement selon que lon conoit ce

    dplacement comme une simple redistribution du sens, tel que le penseSweester (1988: 392), par exemple34, ou plutt comme un enrichisse-ment smantique, ainsi que le soutiennent certains autres linguistesparlant dexpansion (Heine & Reh 1984), pragmatic strengthening(Knig & Traugott 1988), strengthening of informativeness (Traugott& Knig 1991), strengthening of speaker perspective (Traugott 1995)ou encore de semantic gain (Rubba 1994)35.

    Lon nassiste pas non plus un point de vue consensuel ausujet de la nature du dplacement de sens luvre dans le processus

    de grammaticalisation. Certains (Claudi & Heine 1986), Sweester(1982), Heine, Claudi & Hnnemeyer (1991), entre autres) y voientune mtaphorisation 36: () language as a whole is metaphoricallystructured () grammaticalization and grammaticalization processesare in no way exceptional (Heine etal.1991: 181)37. Dautres, comme

    Traugott & Knig (1991) et Traugott & Dasher (2002), inspirs par lapragmatique des prsuppositions, des implicatures et des infrencessuggres38, y peroivent plutt une mtonymisation 39: () it

    32 Cette liste est loin dtre exhaustive.33 In grammaticization studies, the semantic development of a grammaticizing ele-ment is often viewed as bleaching or loss exclusively, especially for those who believethat grammatical morphemes have little or no semantic content (). In other works, acommon view is that both lexical and grammatical items are meaningful, but that theyexpress different kinds of meaning. (Rubba 1994: 94).34 Daprs Sweester (1988: 398): We cannot be said to have merely lost meaning; wehave, rather, exchanged the embedding of this image-schema in a concrete domain ofmeaning for its embedding in a more abstract and possibly more subjective domain.35 Pour Rubba, le sens grammatical est souvent plus complexe que ne ltait le sens lexi-cal. Cest le cas, par exemple, des prpositions issues de noms dsignant des parties decorps: The semantics of the prepositions is more contentful then that of the relational

    nouns. (Rubba 1994 : 95).36 La mtaphorisation a longtemps t considre comme le facteur essentiel, voireunique, du changement smantique. Elle consiste dans un transfert de sens (dundomaine conceptuel un autre) par substitution analogique.37 Cette optique est celle de la linguistique cognitive (cf.Lakoff & Johnson 1980).38 Cf.notamment Levinson (1983) et Sperber & Wilson (1986).39 La mtonymisation relve dune stratgie de type associatif, consistant exprimer

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    [grammaticalization] is a kind of metonymic change () from less tomore informative, in the direction of explicit coding of relevance and

    informativeness that earlier was only covertly implied; in other words,it is a case of pragmatic inferencing and strengthening (Traugott &Knig 1991: 212). Mais ce dbat, si lon y regarde bien, apparat vitecomme un faux-dbat. Traugott & Knig (1991: 212-213) criventainsi:

    () semantic change () usually involves specication achievedthrough inferencing () of two kinds: metaphor and metonymy,which, as would be expected, are not totally inseparable, but whichshift to different types of grammatical function (). Therefore, it is not

    inconceivable that metonymy might operate in the domain typical ofmetaphor or vice versa.

    La subjectivation (ou la subjectication ) a aussi tcouramment mise en avant comme une autre modalit de changementsmantique40. Lon peroit ici aussi deux positions diffrentes. Defait, au sens o lentend Langacker, ce terme dsigne plutt le faitpour le locuteur dtre pos ou de se poser comme pivot rfrentieldans lexpression des relations spatiale, temporelle ou relationnelle.Il sagit, de ce point de vue, dune opration applique des termes

    qui, en soi, ne portaient pas de charge subjective41. Daprs Traugott(1989: 35), par contre: Subjectication refers to a pragmatic-semantic process whereby meanings become increasingly based in thespeakers subjective belief state attitude toward the proposition. Cetauteur admet que la grammaire, tout comme le lexique, sont sujets une subjectivation (subjectication is evidenced in lexical as well asgrammatical change (1995: 32)), qui simmisce, comme elle le prcise,sans cesse dans lusage de la langue et la modie de faon rcurrente.Ainsi, lon passe constamment dune conception primitivement

    objective dune entit (forme ou construction) une conception deplus en plus subjective:

    It [subjectication] is a gradient phenomenon, whereby forms andconstructions that at rst express primarily concrete, lexical, andobjective meanings come through repeated use in local syntacticcontexts to serve increasingly abstract, pragmatic, interpersonal, andspeaker-based functions. (1995: 32)42

    un concept au moyen dun terme dsignant un autre concept qui lui est uni par une

    relation ncessaire.40 Cf.en particulier Langacker (1990) et Traugott (1989, 1995).41 Comme lavaient soulign, bien avant lui, Benveniste (1958) et Culioli (1973).42 Traugott & Knig mettent au jour des tendances volutives:- Semantic-pragmatic Tendency I: Meanings based in the external described situation >meanings based in the internal (evaluative/perceptual/cognitive) situation ();- Semantic-pragmatic Tendency II: Meanings based in the described external or internal

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    Ces diffrentes approches ont conduit mettre en vidence deschanes smantiques directionnelles assez divergentes.

    3.2.2. Changement formel

    Tous les auteurs, depuis Meillet, saccordent, on la vu, sur lefait que lvolution du sens lexical au sens grammatical saccompagnedune volution concomitante au niveau formel: Laffaiblissement dusens et laffaiblissement de la forme vont de pair (Meillet [1912] 1982:139). Heine & Reh (1984: 15) dnissent aussi la grammaticalisationcomme: An evolution whereby linguistic units lose in semanticcomplexity, pragmatic signicance, syntactic freedom and phonetic

    substance, respectively. De ce point de vue, la grammaticalisation estune sorte dappauvrissement, un dcit, a process detracting fromthe integrity of a sign (Lehmann 1985: 307).

    - Changement syntaxique

    Au plan syntaxique, une xation squentielle progressiveaccompagne la grammaticalisation des mots. Plus un mot estgrammaticalis, plus il a tendance occuper une position syntaxique

    xe et perdre, pour ainsi dire, son autonomie originelle43

    . Sous leffetde cette xation syntaxique, le terme grammaticalis peut nalementdevenir un bouche-trou syntagmatique, selon les termes deLehmann (1985: 308). De fait, au fur et mesure que le terme estgrammaticalis, il sunit plus intimement aux autres termes, aveclesquels il entretient des relations syntagmatiques.

    Marchello-Nizia (2006: 40) discerne six tapes dans ceprocessus daugmentation de cohsion syntagmatique. Selon elle, onpasse progressivement:

    () de lautonomie syntaxique, mme limite, caractristique deslexmes, une contigut contrainte, la coalescence (perte duneou des deux frontires du mot-source), la cliticisation (perte delaccent propre et accrochage au mot voisin qui le gouverne), puis lagglutination, qui peut prendre la forme dune afxation oudune exion, et enn la fusion totale et souvent au cumul desmarques44.

    situation > meanings based in the textual situation ();

    - Semantic-pragmatic Tendency III: Meanings tend to become increasingly situated inthe speakers subjective belief-state / attitude toward the situation (1991: 208-209).43 Meillet considre cette perte dautonomie comme un trait caractristique de la gram-maticalisation. Ce phnomne a ceci de spcique quil repose sur lattribution ducaractre grammatical un mot jadis autonome. ([1912] 1982 : 131).44 Lauteur sinspire ici des travaux de Heine & Reh (1984) et de Lehmann (1985 et1995).

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    - Changement morpho-phonologique

    Quant au plan morphologique, la grammaticalisation impliqueune d-catgorisation45ou, pour calquer le terme de Lehmann (1995),une dgnrescence morphologique (morphologic degeneration), carcest un processus de changement unidirectionnel: ce sont des unitsde premier niveau (noms, adjectifs ou verbes) qui se transformentgraduellement en units de second niveau (adpositions, conjonctions,auxiliaires, afxes)46.

    Le processus de changement morphologique suit ainsi lechemin: Major category (>intermediate category>) minor category(daprs Hopper et Traugott 2003: 107)47. Les units originelles

    connaissent un affaiblissement progressif de leur capacit de slection.Les proprits qui en sont tenues pour essentielles disparaissent aussigraduellement, ce qui en fait des units hybrides , selon les termesde Traugott & Heine (1991 : 5):

    Morphems undergoing this process move away from cardinalcategoriality and in their late stages lose the ability to refer and toassociate with the inectional and derivational trappings of theirmorphosyntacic category. This leads to the emergence of linguistichybrids which show the properties of several morpheme classes.

    Un trait postrieur de cette volution est la paradigmatisation(paradigmatization,Lehmann 1985). Les nouvelles units sintgrentdans un paradigme et sy adaptent, modelant leur forme et leursproprits combinatoires de sorte quelles se confondent avec lesautres membres et quelles ne peuvent en tre diffrencies.

    Il se produit, corollairement, au plan phonologique, unerduction progressive de la consistance phontique et accentuelle desmots. Daprs Meillet:

    Les mots tendent () sabrger et changer de prononciation ()ils sont prononcs sans effort et entendus sans attention spciale, ils

    45 Pour Hopper (1991 : 22), la d-catgorisation (de-categorialization) est un traitcaractrisant la grammaticalisation, tout comme le sont la stratication ( layering),la diffrenciation (divergence), la spcialisation (specialization) et la persistance (persistence). Ce sont, selon lui, the ve principles of grammaticalization.46 Cette conception est gnralement admise. Ainsi, par exemple, Lehmann considreque les catgories lexicales sont majeures alors que les catgories grammaticales sontplutt mineures: A lexical item belongs, roughly, in one of the major classes of nouns,

    adjectives, numerals or verbs. The minor classes of grammatical items are essentiallyauxiliaries (and the like) adpositions and conjunctions.(Lehmann 1995: 133-134).47 Plusieurs chanes catgorielles ont, en ralit, t proposes. Concernant les auxiliaires,Lamiroy (1999: 35, note 6) propose la chane suivante: verbe lexical < aspect < m. dontiques> m. pistmiques > temps > afxe , qui synthtise comme il le prcise les rsultats deLamiroy (1987), Traugott (1989) et Kronning (1995). Pour les articles, Greenberg (1991)propose la chane: dmonstratif > article dni > marqueur de genre. Voir aussi la note 22.

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    sont ngligs, dnus dintensit, ils ne sont plus articuls qu demi() leurs lments constituants () sont exposs saffaiblir ou disparatre ([1912] 1982: 138).

    Les mots peuvent ainsi nir par sroder phonologiquement(Heine & Reh 1984 : 21)48 ou perdre leur substance phonologique(Lehmann 1995 : 126)49. la rigidication 50syntaxique succdentdonc une restriction morphologique et une rduction phonologique.

    Lvolution se fait ainsi selon un schma xe dont le pointde dpart est un signe autonome et le point darrive un marqueurmorphologique, absorb par une autre unit lexicale; partant du niveaudu discours, la cline aboutit au niveau infra-lexical: Discours>

    syntaxe > morphologie concatnative > morphologie par fusion (daprs Lehmann 1995; repris inMelis & Desmet 1998: 18).

    Au terme du processus, le rsultat peut mme tre la rductionde llment grammatical zro. Selon Givn (1979), la chane degrammaticalisation idale serait: Discourse Syntax Morphology Morphophonemics Zero (1979: 209)51.

    4. Conclusion

    Au terme de cette tude, nous avons pos les jalonsfondamentaux du modle de la grammaticalisation. Il a t montrque le fait de travailler dans ce cadre permet de penser dans la langueet travers la dynamique discursive les faisceaux de changementsimputables lvolution des langues.

    La thorisation de la grammaticalisation, si fructueuseen termes pistmologiques, semble visiblement inacheve. Lagrammaticalisation relve, de fait, dune dynamique propre la langue:elle est construite dans et par lusage. Ses processus sinscrivent dansdes jeux intersubjectifs dajustement et de rgulation qui naboutissent

    des points xes que provisoirement et localement.Nous voudrions suggrer, en guise de conclusion, de

    reconsidrer les outils conceptuels de la grammaticalisation via saconfrontation des donnes linguistiques et reprsentationnellesnouvelles. Il conviendrait de prendre en compte le changement et

    48 Heine & Reh parlent principalement drosion phonologique (1984: 21) mais aussidadaptation phonologique (1984: 17) qui, par assimilation ou dissimilation, augmentele degr dallomorphie dans la langue.49

    Cest ce dernier stade que Meillet dsigne comme une usure ([1915] 1982: 164),Lehmann nomme phonological attrition (1995: 126 ) et Heine et al.erosion (1984:21).50 Nous empruntons ce terme Croft (1990 : 233-234).51 Traugott (1996: 185) prfre la chane prototypique suivante: lexique > syntaxe >morphosyntaxe > morphophonologie > zro. Cest Marchello-Nizia (2006 : 53, note 40)qui le signale.

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    l inertie naturelle 52, au sein mme du systme de la langue53. Nousserions ainsi amens dnir la conception que cette approche suppose

    pour saisir lensemble des phnomnes langagiers dans leur diversit:lmergence des units, des notions, des catgories, leur disparition54mais aussi leur permanence55. Il nous faudrait aussi envisagerle rapport entre la grammaticalisation et les autres mcanismesdes changements linguistiques56, an de situer le mcanisme de lagrammaticalisation en leur sein et de mieux valuer leur rle danslvolution des langues57.

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    structure mme du systme grammatical.56 Lventail des recherches impliques dans les dbats sur les mcanismes de change-ment linguistique est trs large. Les rfrences qui parsment les travaux de Peyraube(2002) et Marchello-Nizia (2006) permettent den mesurer lampleur.57 Lenjeu nest pas de prsenter une liste close des types de mcanismes de change-ments que peuvent offrir les langues du monde mais de rchir sur leur interfrenceet interaction.

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    Lela Ben Hamad24

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