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7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
1/41
LA CTE DAMAPA, DE LA BOUCHE DE
LAMAZONE A LA BAIE DOYAPOCK,
A TRAVERS LA TRADITION ORALE
PALIKUR*
Franoise Grenandu
Pierre Grenand
u*
R E S U MO .
Um a anlise eho-histrica d o passa do da Costa do Am ap
apre-
sentada aq ui como uma contribuio a o estudo d o pas sad o d as populaes indi-
genas da Amaznia. um a confrontao entre a tradio oral dos indios Palik ur,
os dado s dos arquivos, e os resultados d a pes quis a arqueolgica contempornea.
A
concluso
u m esboo de algun s pon tos forte s da pesqu isa eho-histrica.
SUM. n e analyse ethnohistorique d u pass de la Cdte dil m a pa estprsen-
te ici en ta nt que contribution Itude du pa ss des popu lations indignes de
lAmazonie. II sagit dune confrontation entre la trad ition orale des Pa liku r, les
donnes darchives, et les rsultats d e la recherche archologique contemporaine.
Quelques lignes directrices rur la recherche en ethnohistoire sont esquisses en
con clusion.
INTRODUCTION
La rgion de savannes et de forts inondes entrecoupes de lacs qui stale
* Ce travail est une reprise app rofondie dune co mm unication prsente au symposium sur lethno-
histoire de lAmazonie, durant le 45em e C ongres des Ame ricanistes,
tenu a Bogotti
(Colombie),
en Juillet 1985.
+*Ethnolinguiste, CN RS .
u*Anthropologue, ORST OM .
1
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
2/41
I
Bol.
M a s .
Par.
Emilio Goeldi.
.Cr. Antropol.. 3 (1).1987
de la bouche nord de lAmazone la baie dOyapock (l), forme un ensemble
nettement diffrenci des grandes tendues de fort dense de terre ferme qui com-
mencent immdiatement louest.
Aujourdhui, cette rgion nabrite plus dans sa partie septentrionale, que
trois groupes amrindiens diffrents, les Palikur, les Galibi de Uaa et les
Karipuna, totalisant 2624 personnes en 1982 (Povos Indgenasno Brasil, 1983),
alors qu linverse, les vidences archologiques (Meggers et Evans, 1957;
Hilbert, 1957) montrent que le peuplementy fut autrefois continu et relativement ,
important.
Cependant, de faon quelque peu contradictoire avec ces vidences de peu-
plement, cette rgion marcageuse fut ressentie parles voyageurs qui la longrent
ou la jkmtrrent, et ce jusqu aujourdhui, comme rbarbartive pour les tablis-
sements humains (2). De plus, enjeu colonial entre la France et le Portugal puis le
Brsil, elle demeura de facto un refuge pour es groupes indignes fugitifs usquh
la fin du
X V I I I e m e
sicle.
Pour ces raisons, en bonne partie, la cte dAmapa a toujours t prsente
par les auteurs anciens
ou
les anthropologues contemporains comme
un
em-
brouillamini ethnico-gographique dont peu de cohrence pouvait ressortir.
Toutes les tentatives, au reste superficielles, de rares exceptions prs, pourcom-
prendre le peuplement de la rgion, soit persistent dans cette impression de noeud
inextricable, soit procdent par classifications ou identifications htives reprises
ensuite sans examen critique. Dans nos travaux prcdents sur lhistoire des
Amrindiens de Guyane (Grenand, P., 1979 et surtout 1982),nous avions effleu-
r le sjet du peuplement de la rgion ctire en cdant aux mmes dmons.
Lexamen attentif, quoique non dfinitif (des sources nous manquent en-
core) des documents anciens et de la littrature moderne, en particulier arche@
logique, confront Ytude des traditions orales de la population survivante la
plus importante de la rgion, les Palikur, nous amne aujourdhui rexaminer ce
thme de recherche ethnohistorique. Nous esprons en cela rpondre modeste-
ment au. voeu mis par Betty MEGGERS et Clifford EVANS (1957): l f a r -
1 De 1978
a
1982,
nous
avons effectu plusieurs missions chez les Palikur de Guyane franaise,
totalisant environ six mois denqute sur le terrain chacun.
La premiere mission, de Juillet a Septembre 19 78, fut mene en coopration entre IORSTOM et les
E R A 4 3 1 et 715 du CNRS, avec la prsence de Mme. Simone Dreyfus-Gamelon
Toutes les autres missions ne comptaient plus que 1ORS TOM et lER4 431 du CNRS.
Nous
remercions particulierement M. Expedito Arnaud, du Museu Paraense Emilio Goeldi de
Belem, de nous avoir fourni agrable occasion, pend ant trois jours, de sejo ume r au grand village de
Ukumene,
sur
e
Rio
Urucaua.
Nou s remercion s galement M. Hugu es Petitjean-Roget, qui, au cours de la premiere mission, Facilita
grandement notre introduction au sein de plusieurs familles palikur.
2 Un texte anonymede 1652, c i t par Ar turen 1750, nous dit:Le buttaitdengagerles Arecarets a
quitter leurs terres, presque toutes noyes ... ce quils refusrent de faire.
2
Les Palikur et Ihintoire de 1Amapa
cheologists and ethnologists will develop an awareness of assistance, they can
render to each other, then the
only
result can beprofit to bo th specialties an d the
advuncement
o f
the general field
of
anthropology.
Quoique le prsent expos ne sintresse pas directement limpact des
conqurants europens, il est clair que celui-ci constitue
un
facteur dcisif
influant ngativement de faon permanente sur la nature et limportance des grou-
pes indignes de la rgion.
En
sens inverse, les migrations, conflits
ou
alliances
que cet impact a engendrs sont autant de rvlateurs permettant de dfinir lori-
gine et?mique, la culture et les stratgies politiques de ces groupes.
ANALYSE D E LA LZTTEXATURE ANTHROPOLOGIQUE ET ARCHEOLOGlQUE
Bien que nous ne possdions pas dcrit, pas mme extensif, de facture mo-
deme, sur la rgion qui nous intresse avant la monographie sur les Palikur de
Nimuendaju (1926), il est important de noter lintroduction dj ancienne de
deux erreurs essentielles qui grveront largement une bonne partie des crits ult-
rieurs.
La premire est celle de Ferreira Pena, qui, relevant Maraj, en 1881 , un
vocabulaire am (le meilleur que
lon
possde), dclare que cette langue, parle
.
par un peuple qui fut fort guemer, ne peut tre que karib*. Bien quelle eut t
classe ultrieurement, et juste raison, par Rivet (1924) comme arawak, ce qui
fut pleinement confirmpar la collecte dun second vocabulaire aru dans le nord
de 1Amapa par Nimuendaju lerreur fut reprise en 1957(3) sous la plume de
Meggers et Evans dans leur investigation archologique de lAmapa et du Bas-
Amazone.
La seconde erreur est beaucoup plus srieuse en ce sens quelle va perdurer,
implicitement
ou
explicitement, dans la quasi-totalit des crits voquant ou se
consacrant la classification ethno-linguistique de la rgion (Rivet, 1924;
Schmidt, 1926; Loukotka, 1935; Mason, 1950; Meggers et Evans, 1957; Noble,
1965; Dreyfus, 1981).
I1sagit de lidentification que firent Rivet e t Reinburg 1 921) des MARA-
WAN aux anciens MARAO N puis aux PALIKUR, identification qui fut ensuite
gauchie par les linguistes qui firent du MARAWAN- MARAON et du
PALI-
* Dan s ce travail , la graphie CAR IB sera util ise pour dsigner lethnie des Carib ctiers, OU Galibi
La reprise de cette erreur renferme pour le moins une ambigut, car, p. 249, B. Meggers et C.
Evans acceptent l es conclus ions de NIM UE ND AJU (1 26) e t les integrent a leur analyse, cepen-
dant que p. 581 , elles sont mises endoute. Ce changement dopinion est regrettable, dans la mesure
ou
la minutieuse analyse archologique des diverses zones occupes p ar les
ARUA
(Amap, Mexiana,
Caviana et Nord Maraj) leur permet de conclure a des traits communs en tre ARU et civilisations
archologiques a rawak de lOrnoque et des Antilles.
ou
Kalba.
La
graphie KARIB sera rserve
pour
a famille linguistique.
3
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3/41
Le
No
r d d e
D o n
4
L u diknr et
lhistoire da
1Aa;p.
KUR,
soit deux langues troitement apparentes, soit deux dialectes dune mme
langue.
La confusion part en fait de DEYROLLES (1916) qui signale limmigra-
tion dIndiens du temtoire contest
lest de lOyapock
auto urde la Crique
= rivire) Maraou ane, do le nom dlndiens de Maraouane ou simplement
MARAOUANES,
qui leur a rd donn.
RIVET et REINBURG (1921) feront
dune imprcision, une erreur, en ne se contentant pas dassimiler les Indiens de
Maraouane aux PAL IKUR mais ecL les considrant identiques aux MA-
RAONES (MARAON) dont parle la littrature sechelonnant du XVIme au
dbut du XXeme sicles.
.
MM UEN DAJ U en 19 26 a longuement montr que les MARAON appa-
raissent chez les auteurs anciens comme un groupe nettement diffrent des PA-
LIKUR, ce qui est entirement confrmC par les traditions orales de ces derniers.
En particulier, nous possdons de nombreuses vidences que leur langue tait dif-
ferente du Palikur (cf. Tableau 3). Les derniers MARA ON constituant des com-
munauts spcifiques, vcurent dans les bas-Oyapock (LEPRIEUR, 1831) et il
nest pas impossible quils aient entre autres rsid la mme crique Maraouane,
petit fluent de rive gauche du bas-Oyapock et constituant lcoulment naturel
dun
grand marais riche en gibier et en poisson. Cependant, la fin du XIXme
sicle, il ny avait plus dAmrindiens
clans
cette rgion hormis une population
mixte habitant les premiers sauts de 10,yapock. Cette population incluait certes
des lments MARAON (COUDREAU, 1892, cite dailleurs le cas prcis de
lpouse du chef Gnongnon) et ilestde mi)me certain que des lments MARAON
existaient parmi les trois populations du bassin de la Uaa. Tout concourt cepen-
dant afErmer, qu cette poque, cest ii dire peu de temps avant lclatement de
laffaire du Contest franco-brsilien
(1
899, les MARAON avaient cess
dexister en tant quethnie.
Le destin du groupe PALIKUR., nomm tort MARAOUANE (MARA-
WAN) par RIVET et REINBURG est de son ct bien connu. NIMUEN-
DA JU a bien montrson volution, en particulier le retour du plus grand nombre
des famillesUrucaua en Amapa vers 1920, tandis que dautres rencontres par
nous
tant
Petit Toucouchy (Riv. Ouanary) que Couman-couman et Trois Pal&
tuviers (bas-Oyapock) se considrent comme des descendants directs des mi-
grs de 1900 tout en se rattachant aux miJmes clans que les PALI KUR de lUru-
caua.
Le tort de la plupart des chercheurs qui suivirent RIVET et REINBURG,
ft davoir nglig NIMUENDAJU et davoir accord une valeur extrme au
travail de RIVET, alors scientifique de renomme internationale.
Ces malentendus limins, examinons les positions de
nos
principaux pr-
dcesseurs sur le peuplement ancien de 1Amapa:
5
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
4/41
Bdi.
Mus. Par. Emilio
Goeldi.
s i r .
Antropoi.,
3 (1). 1987
A la fin du XIXme sicle ce sont par des travaux archologiques que dbu-
te Itude de lanthropologie de 1Amapa avec les dcouvertes spectaculaires
faites par GOELDI en 1895
(1
900) et LIMA GUE DES (1897), respectivement
au sud et au centre-nord du territoire. Linterprtation de leurs fouilles sera effec-
tue soixante ans plus tard par MEGGERS et EVANS (1957).
En 1926, NIMUENDAJU, dans le cadre de sa monographie sur les Pali-
kur, publie un bon survol de lhistoire des ethnies de lAmapa et de la baie
dOyapock confrontant les sources anciennes aux traditions orales des Palikur
quil relve. Ces pages renferment, notre sens, les meilleures donnes actuel-
lement disponibles
sur
la question.
Entre autres apports, il est le premier mettre j ou r lexistence de clans
chez les Palikur-et montr er travers la tradition orale limportance des relations
interethniques en tant que dynamique rgionale. E n particulier, il fournit des l-
ments suggrant une ancienne territorialit des clans. I1pose par ailleurs le pro-
blme de lutilisation
de
termes gnriques comme celui de CARIPOU ou
KA-
RIPUNA comme gnrateur de confusions; dans le mme ordre dides, il montre
bien la complexit de la formation des deux groupes ethniques vivant actuel-
lement sur lUaa et le Curipi. Enfin, il signale la problmatique classification des
MARAON et les ressemblances entre les poteries issues des sites de la rgion de
Uaa et celles des PALIKUR. Nanmoins, il ne parvient pas tablir un suivi
cohrent de la localisation et de lidentification des groupes ethniques et en par-
ticulier des PALIKUR entre les XVIeme et
X V I I I e m e
sicles.
Cest l la seule faille dune publication base sur un travail de terrain, dont
certaines conclusions furent ngliges par plusieurs des auteurs postrieurs.
Loeuvre deME GGERS etEVANS (1957) surlarchologie dubas-A.ma-
zone et de 1Amapa pose un problme particulier. En effet, des dcouvertes ar-
chologiques fondamentales dont lanalyse constitue lessentiel de leur ouvrage,
ils ont ajout une br
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5/41
Bol. M a s . Par. Emilio Goeldl . .ir. Antropol.. 3 1). 1987
plement. Si, dans la suite de cet expos, nous nous servirons en partie de
ses
r-
sultats transposs la zone qui nous intresse, on ne peut que regretter quil nait
pas soulign loriginalit de la cte dAmap.
Nous ne serons pas assez aveugles pour occulter
nos
propres dfauts: dans
larticle de lAtlas de la Guyane consacr lhistoire des Amrindiens(P. re-
nand, 1979), nous avons largement conserv une approche conventionnelle du
peuplement de lAmap et de la baie dOyapock. Si
nous
avons bien postul deux
couches de peuplement arawak,
nous
navons pas clairement spar les ethnies
(Arawak proprement-dits, Palikur, Aru) et avons associ ce groupe, sans
analyse critique,- les
MARAON.
Par ailleurs, nous avons rapproch de manire quelque peu arbitraire, les
ethnies Itutan, Kusali, Yayo et Arakare du groupe galibi.
Enfin,
bien que nous
ayons insist sur le rle refuge de lAmap de la fin du
X V I I I e m e
au
X I X e m e
sicle,
nous
navons pas pour autant dmontr avec assez de puissance lorigina-
lit cologique de cette zone, qui,
bien
avant cette priode, en avait fait un pays
riche, convoit par les Amrindiens.
Enfin, il apparat indispensable de citer loeuvre de ARNAUD (1968,
1969, 1970, 1984) qui, quoiquayant peu tudi laspect historique du peuple-
ment indigne ancien de lAmap, constitue une source fondamentale pour la
connaissance des systmes sociaux de la rgion, et particulirement celui des
Palikur, dont il est actuellement le spcialiste. Pour ce qui nous intresse, nous
retiendrons particulirement la discussion quil introduit sur les clans actuels et
teints des Palikur, ainsi que sur la formation des ethnies Karipuna du Curipi et
Galibi de lUaa.
Dune faon gnrale, il accrdite - et nous rediscuterons de ce point
-
partir dune lecture des sources anciennes, le fait que lAmap tait une zone de
langues arawak sopposant une autre, de langues karib situe plus au nord.
Signalons enfin les travaux rcents de lAGAE (Association Guyanaise
dArchologie et dEthnographie), dont les dcouvertes, en partie publies et
interprtes, permettent tout particulirement de cerner avec prcision les limites
nord de laire culturelle envisage.
Les
rsultats de leur recherche seront discuts
dans le dernier chapitre.
DE
QU?XQUE CHA USSE-TRA PPES DEGUI SEES EN NOM S
DETHNIE: LE PROBLEME DES NOMS GENERIQUES
On
ne saurait commencer une identifcation des ethnies de
1
Amapa et de la
baie dOyapock, sans avoir au pralable tent de cerner le poids et suivi la fortune
de quelques termes gnriques qui ont beaucoup plus contribu obscurcir qu
eclaircir, ce quoi ils visaient pourtant, le panorama humain de la rgion.
8
Lee Pditar et
lhistoire
de I h a p a
KA.RIB
Leprincipal de ces termes fourre-tout est celui de KARIB. Cest en tout cas
celui qui a
COM U
les dformations les plus importantes et les usages les plus
varis, dpassant de beaucoup la rgion qui nous intresse (6).
Dans un article rcent sur le cannibalisme Carib, WHITEHEAD (1984),
montre quel point le terme dpasse, clans lhistoire des Antilles et du n o d de
lAmrique tropicale, le cadre des simples vritables Indiens Carib ctiers.
TAYLOR (1977) a montr quant
lui que le mot est
rattacher
larawak
KANIRIPHUNA, dsignant lennemi hrditaire, les Carib ctiers (Kalia) et
les Cardibes insulaires (Callinago).
En ce qui
nous
concerne, la lecture des rcits des premiers voyageurs nous
amne confirmer avec une quasi-certitude lassertion de Whitehead. En parti-
culier, il est intressant dexaminer avec attention la rcapitulation du peuple-
ment et sa localisation gkographique dans les Guyanes (de lAmazone
lOrnoque) propose par Keymis ds 1596 (1722).
On lit entre autres choses des noms dethnies tels que Coonoracki (Norak),
Arwaos (Am.)), Paranveas (Paragoto), Marowanas (Maraons) , Maworia
(Mauyune), etc... suivis entre parenthses de lindication CHARIBES, crite
quelquefois CHARIB. La lecture de son texte ou de ceux dautres voyageurs de la
mme poque, tel Harccout en 1613 (1926)
-
l crit CARIBES-
nous
amne
penser que le terme CHARIB est avant tout employ,
cette poque, comme
qualificatif, synomyme dIndiens hostiles. Cette notion dinimiti visant ini-
tialement les ennemis des Arawak, devient de plus en plus vasive, et finit rapi-
dement par dsigner ceux auxquels les premiers voyageurs et les Indiens avec qui
ils pactisaient, se heurtaient. On peut y voir comme preuve le fait que les peuples
avec qui Keymis, Harcourt et leurs successeurs eurent de bons contacts, en loc-
currence les Iaos (Yayo), les Arricarri (Arikare)
ou
les Arricoum (Palikur), ne
sont jamais qualifis de CHA RIBES.
I1 apparat donc certain qu cette ljpoque des premiers contacts, il ne faut
donner au mot CHARIB aucune connotation monoethnique, ni surtout mono-
linguistique, mais quau contraire le mot sapplique autant aux anc6tres des Carib
ctiers actuels (Kalifia) qu toute espce dennemi, partnt, tout tranger sup-
pos
hostile.
Sautant les sicles, on retrouve le mot dans des emplois contemporains.
Dans notre rgion, citons le cas des Palikur qui dsignent leurs voisins de Uaa et
de Curipi du terme de KARIPNA, qui na plus le sens dennemi, mais celui,
15Tout le monde connait le chemin que le mot KAIUB fit dans les
langues
euro@enes sous la forme
d e C A N N I B A LE.
9
,
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
6/41
Bol.
M a s . Pu. milio
G o e l d i .
ser.
Antropol., 3 I),1987
vaguement pjoratif, dethnie trangre: on les appelle comme aparce quil
sont mtisss de Brsiliens, nous dit-on.
Faisant fi des frontires linguistiques, le terme passe chez des populations
de langue... karib: les Wayana, dans leurs rcits historiques, nomment KALI-
PON 0 leurs (anciens) ennemis, rappelant le temps
o
ils pouvaient encore se
permettre de mener des guerres dans lintrieur du plateau des Guyanes.
Nous ninsisterons pas sur le cas des Kalia qui sont appeles officiellement
en Guyane Franaise, GALIBI e t Surinam CARIB, le premier des deux termes
drivant directement des appellations arawak telles quon les rencontre chez les
Palikur (KARIPNA), ou chez les Arawak proprement-dits (KALIPINA), le
second ntant quune des facettes du vieux mot des chroniqueurs, CHARIBE,
De Goeje (1928) et surtout Taylor (1977) ayant dfinitivement clairci ce pro-
blme.
Dans la rgion de lAmap et du bas Oyapock, lutilisation des termes
CHARIB-KARIPNA et de leurs drivs est plus dlicate suivre.
Jean Moquet (1617), &irme que le pays du bas-Oyapock est habit en
1604 par les CARIPOUS, commands par le chef Anakayouri. Or, tous les
voyageurs layant prcd ou suivi tels Keymis en 1596 (1722), Harcourt en
.1613 (1926) et Jesse de Forest en 1623 (E. Forest, 1914) voient surlOyapock
des Yayo, des Maraon et des Arawak confdrs sous les ordres du mmeAna-
kayouri contre les Galibi, leur ennemi commun, mais de CARIPOUS, point. I1
sagit notre sens, simplement dun nouveau bourgeon du vieux mot CHARIB-
KARIPNA employ l de manire gnrique. (7)
Hurault sest donc probablement tromp lorsquil a cru pouvoir identifier
ces CARJPOUS avec les actuels KARIPUN et en faire un sous-groupe des Pa-
likur. Arnaud (1 984) na fait que reprendre de bonne foi cette erreur, en citant son
auteur.
Vers le milieu du XVIIIeme sicle, aprs 150 ans dabsence dune quel-
conque tribu des CARIPOU S,
on
voit apparatre dans les sources franaises les
mots-de CALIPOURNES (Anonyme, 1760), GARIPONS (Aublet, 1775,
puis Leprieur, 183 ), ou CARIPO UNS (P. Lanoe, 1786), dsignant invariable-
ment ceux quAublet appelle des transfuges dune colonie portugaise tablie
au-dessus de lembouchure de la Rivire des Amazones. Les noms de plantes
recueillis par le mme Aublet auprs de ces rfugis, alors quil laborait la pre-
mire flore de la Guyane, nous ont fourni la preuve quils parlaient une langue
tupi, probablement la lingua geral. Un rapport de lordonnateur Lemoyne au
Ministre de la Marine, dat de 1753 montre par ailleurs quil sagissait de popu-
r
7 Une autre hypothese serait de faire venir Caripou de Carip, nom dune colline (aujourdhui
Montagne Bruyere),
ou
tait installe lune des principales comm unauts amrind iennes du bas
Oyapock,
au
dbut du XVIIemeiecle.
10
L e s Pdikar et lhistoire de 1A.l.p.
lations dj trs accultures, puisquil crit Ily apa rmi eux des chavent iers ,
des tisserans, des sapaters (sic) et des ouvriers deplusieu rs sortes.
Dailleurs, le
mot CAR IPOUN semblait bien, ds cette date, tre appliqu
des gens dethnie
dsormais indfinissable, les autres rfugis, tels les Ant ou les Maraon gardant
leur nom jusquau
XIXeme
sicle et ntant jamais confondus avec eux.
Les migrs ne devinrent des CARIPOU NS quune fois arrivs dans la baie
dOyapock, une altration du vieux mot arawak (ici sans doute palikur) servant
une fois de plus de nom de baptme, puisque du ct portugais, ils taient appels
TAPTJYA, son strict quivalent smantique dans les langues tupi (Verissimo,
1937 , par exemple). Ce dernier terme fut dailleurs un temps encore employ par
certains auteurs francophones pour dsigner ces migrs (Devilly, 1850; Reclus,
1895), qui finirent par se rsoudre, non seulement se laisser appeler du terme de
CARIPOUN, mais encore ladopter comme autodnomination.
Aujourdhui, les KARIPUNA (CARIPOUNES pour les Croles de
lOyapock) sont donc une population basiquement forme de rfugis amrin-
diens acculturs venus au XVIIIeme sicle sur la cte dAmap et la baie
dOyapock, renforce aprs 1830 par des rescaps de la rvolte des Cabanos,
auxquels sadjoinrent, comme nous le verrons, quelques dments dautres
ethnies amrindiennes.
Prcisons, cependant, que Karipuna ne sapplique comme auto-dnomi-
nation quaux habitants de Couripi, les habitants de Uaa ayant adopt depuis
une cinquantaine dannes, lappellation de GALIBI; les deux groupes sont
nomms collectivement KARIPNA par les Palikur, qui nanmoins introduisent
des nuances ethnonymiques pour les diffrencier puisquils nomment plus parti-
culirement PURUTI, les habitants du Rio Uaa.
Daprs des tmoignages rcents (Povos Indgenas do Brasil, 1983), les
Karipuna du Curipi gardent une conscience claire de leur origine principale, de
mme quils affirment avoir autrefois parl la lingua geral (ce quavait dj not
Nimuendaju en 1926 et que nous avons nous-mmes vrifi auprs dun vieil in-
formateur rsidant dsormais sur la rive franaise du bas Oyapock), mme si
aujourdhui leur langue maternelle est le crole guyanais. Ils ont aussi conscience
davoir hrit danciennes populations amrindiennes de la rgion, certains de
leurs traits culturels, comme la fte du tor, anime par un orchestre de clarinet-
tes, bien connue ailleurs (Beaudet, 1983) et qui appelerait ici une tude spciale.
ITUTAN
On
rencontre ce mot en galibi contemporain sous les formes I:TUDAN O,
habitant de la fort
(Kloos,
1971) ou ITO:TO, indiens des bois (Renault-
Lescure, 1981), faisant cho
des mots tels que INTONIAN (Ijzerman, 191 ),
ou ITOUR ANES (Barrre, 1743; Hartsinck, 1770) , dsignant les indiens des
I I
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Bol. M u s .
Par. Emilio
Goeldi.
&r.
Antropol.,
3 (1).1987
montagnes et des bois, marquant ainsi une opposition entre les indiens ctiers
(ici, essentiellement des Galibi) e t Iensemble des ethnies de lintrieur, montrant
par l-mme la coupure qui existait (et existe encore), de lAmapa au Surinam,
entre la cte et larrire-pays.
Alors pue le mot CARIB avait atteint une diffusion gigantesque, en propa-
geant lopposition entre bons et mchants indiens de lAmazone lOrno-
que, le terme dITUTAN, quoique portant en filigrane la mme ide dtranger
assirAzble ennemi, la restreint une oposition gens de la cte/gens de la foret,
et fait donc porter la distinction sur le terrain des diffrences cologiques.
Or, ctk du sens gnrique, apparait trs tt dans les archives le nom
CITOUTANES (avec les variantes ITOULANO et HITOUTOVES) pour
dsigner ce qui semble bien tre une ethnie particulire, bien localise temtoria-
lement. Aprs avoir t rencontrs entre 1675 et 1733 dans la rgion comprise en-
tre les actuels
Rio
Flecha1 et Cunani (Goupy des Marets, 1675-1690; Lefebvre
dAlbon,
1730;
Folio des Roses, 1733), les ITO UTA NES passent ensuite dans
le bassin du Uaa (Anonyme, 1760; Bertrand, 1786).
I1est intressant de noter que les archives, comme la tradition orale palikur
actuelle, indiquent que leur habitat tait la zone de contact savane-fort, ce qui
justifie pleinement leur sobriquet Sobriquet? Cest probable dans la mesure o
cette population, appartenant la nbuleuse ctire, a pu montrer une pdilec-
tior plus marque pour un habitat forestier, sans tre pour autant une population
de lhinterland guyanais.
Leur autodnomination et leur langue nous demeurent inconnues (8). On
sait simplement que les Palikur contemporains, nayant eux aussi gard pour les
nommer que le mot ITUTA N moins que lon puisse un jour tablir
un
lien entre
les ITUTAN et
un
des nombreux ethnonymes dont ils gardent le souvenir), pr-
cisent quils
neprla ientpaspa likur, mais une langue proche de celle desAru
-
ou
de celle des Maraon.
Leprieur, en 1831, est le dernier faire mention des ITOUTA NES: il en
rencontre quelques
uns dans le bassin de lUrucaua, mls aux Palikur. Les
Palikur contemporains estiment pour leur part que les derniers ITUTAN ind-
pendants se sont teints dans le bassin de IUaa.
PARAGOTO
Avec le mot PARAGOTO ,
nous
ne sommes peut-tre pas face un emploi
gnrique. Certes, les archives des
X V I I m e
et
X V I I I m e
sicles nous parlent
8 Si l e mot ITUTAN tait son utodnomination, i l y a de fortes chanc es pour que lethnie ait t
karib. Sinon, il ne fait quindiquer quil
y
eut dans la rgion une population karib pour lavoir ainsi
nomme.
12
L e s
Paliknr et lhistoire de
IAmapa
de PARA GOTO en divers points de la cte entre Amazone et Surinam, mais de
leur ctk, les Palikur nomment un de leurs clans PARA UYUNE. En dpit de leur
caractre tnu, il nous parait intressant de tenter quelques rapprochements entre
les deux faits.
PARAGOTO, en Carib ctier (kalia), comme PARAUYUNE, en pali-
kur, si&ient les gens de la mer, et un
tel
nom peut dvidence, avoir dsign
diverses ethnies voyageuses, voire une seule, le long de la grande faade
maritime.
Les PARAGOTO, sous la forme PAR AR WA S, sont signals pour la
premiere fois en 1596 par Keymis (172; ) lembouchure de IAraguari, et pour
la derniere fois en 1686 dans un document franais anonyme sous le nom de
PARACOSTES sur le bas Maroni. Entre-temps, on les signale le plus souvent
dana
cet temmergionduMaroni(Harcour t ,
1613, (1926); DeLaBarre, 1666),
ainsi
qu
Cayenne en 1573 et 1665 (Pirtur, 1750).
Les
documents les donnent soit allis, soit ennemis des Galibi, Keymis pr-
cisant de son ct quils partageaient avec les Arikari et les
Aru
une mme
langue tivitiva. Nous reviendrons plus loin sur le problme que pose lexistence
de langues vhiculaires entre populations diffrentes.
Que nous disent les Palikur sur leuis PARAUYU NE? Sils les considrent
aujourdhui comme un de leurs clans (teint pour les uns, survivant travers une
famille pour les autres (9) , la tradition orille
nous
prcise qu lorigine, ce sgens
n
taientpasdes Palikur. Ils neparla ientpas notre langue. Ils venaient du ond
de la m er [dune le ou d h ivage lointain?]etpor taient leurs cheveux rass
sur
le devant avec simplement u ne range demre [selon es uns1 et longs derrire
[selon es autres]. Cette tonsure insolite en Guyane nous rapproche non pas tant
des Tupinamba qui sont dcrits comme de pitres marins (J. de LERY, 1552) et
dont on ne connat aucune incursion sur la cte des Guyanes, mais plutt de ce
que HUMBOLDT (1 852-53) nous dit des Carib quil visita sur le bas Ornoque
la fin du
X V I I I m e
sicle.
I1
nous
parat donc plausible, sinon certain, faute de preuves dfinitives, que
les PARAGOTO aient pu tre un groupe trs proche des Carib occidentaux, qui,
Ces divergences pourraient sexpliquer de la manire suivante:
Le clan nayant plus quune femme comme demire reprsentante, certains lauraient considr
comme teint; dautres, plus soucieux de maintenir
un
clan en vie que respectueux des regles de la
patrilinarit, lauraient estim survivant.
I1
est en tous
c a s
intressant de noter quArnaud
1 984),
sest heurt au mme problme de
survi-
vance du clan.
I1
avance pour
sa
part que le clan des
Parauyune
ut une invention de chamane po ur
camoufler un mariage endogame entre des
Waywayene
et que ce pieux m ensonge nest plus au-
jourdhui quun secret de P olichinelle.
Seule une enqudte complementaire p eut
nous
permettre de reposer le problme e t de tenter dy voir
plus clair.
1
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
8/41
Bol. Mus. Par. Emilio Goeldi. r. Antropol.. 3
(1).
1987
une fois rduits dmographiquement lors de la pousse espagnole au X V I e m e
sicle, migrrent vers l'est, arrtant leur course dans le bas Maroni pour certains,
plus l'est encore pour d'autres qui finirent par se fondre parmi les Palikur, au
point d'tre considrs comme un de leurs clans sous le nom de PARAUYUNE
qui rappelait leur origine (10).
CLANS ET PEUPLES. L'UNIVERS SOCIOLOGIQUE ET
RELATIONNEL DE
L'AMAP
Le chapitre prcdent a montr la grande confusion rgnant dans la littra-
ture ancienne au sujet de l'identification des ethnies. Ce que l'on y trouve concer-
nant l'organisation sociale et le systme conomique en est dans le droit fil.
Nous ne nous hasarderons pas appliquer
a
la rgion de l'Amapa, comme
on a vuMeggers e t Evans le faire (1
57
, ce que les chroniqueurs
nous
disent des
Galibi (Boyer,
1654;
Laon,
1654;
La Barre,
1666),
et ce, pour plusieurs raisons
dj effleures:- a premire est que les groupes de l'Amapa, mme si certains
d'entre eux appartinrent
la famille linguistique karib, se ressentaient profon-
dment diffrents des Galibi.
- ensuite parce que l'archologie a rvl des
r i tes
mortuaires en partie dif-
frents de ceux des Galibi sur lesquels nous reviendrons.
-
parce que galement, Panthropophagie en tant que trait distinctif, es t pr-
sehte d'une part e t absente de l'autre; ainsi MOC QU ET
1617)
affirme: Les
Caribes mang ent les Caripous [ici espeu ples de la baie d e l 'Oyapock],mais les
Caripous ne m angen t pa s les autres.
- enfin, parge que l'cosystme tait bas su r l'exploitation d'un univers de
marcages et de forts inondables, et non de la fort de terre ferme. L seul
lment naturel commun aux deux ensembles culturels est l'ocan et sa cte
coverte de mangrove, dont nous ne devons pas bien sr minimiser l'importance,
en particulier son rle de route commerciale... et d'invasion.
Examinons plus attentivement les divers facteurs ayant faonn la rgion
tudie:
L'univers naturel de l'Amapa, compos pour une part dominante de vastes
zones inondables ou inondes (campos de vrzea, igap, mangroves ...)
o
l
alternance hautes eauxlbasses eaux modifie profondment le paysage, h pl i-
quant surtout des migrations saisonnires de poissons et d'oiseaux et pour une
10 Une variante est Panyune, avec la mme etymologie, puisque le m ot 'h e? ' est polymorphe en
palikur et peut aussi bien se dire parao, pawa que palawa.
14
L e s
Paliknr et l'histoire d e I'Amapa
autre part minoritaire, d'lets boiss (11), parfois levs dans la rgion centrale et
septentrionale, limitant considrablement les possibilits d'implantation humai-
ne, a ncessairement entrain une (ou plusieurs?) adaptation cologique originale
de la part des Amrindiens.
Celle-ci consiste principalement en une exploitation prudente des riches
ressources en protines, en basant les activits
non
pas directement sur la
variation du comportement des espces animales selon les saisons comme le font
les Amrindiens de l'intrieur des Guyanes, mais indirectement sur chacun des
milieux naturels disponibles, l'poque
o
la pche, la chasse, le ramassage et la
cueillette y sont le plus favorables.
Le
second impratif de cette adaptation semble avoir t anciennement
I'conomie des terres cultivables, une poque o le peuplement de la rgiontait
plus dense. La limitation des surfaces merges et la ncessit de conserver, en
particulier
des fins technologiques, un couvert arbor, entrana une valorisation
de l'agriculture au prix d'un travail plus intense (12). Ajoutons que dans chacun
des milieux voqus, les facteurs cologiques prsentent une grande unit, alors
qu'en fort de terre ferme, le relief, les sols et l'importance relative des cours d'eau
varient considrablement d'un point
un autre, induisant une variabilit leve,
en quantit et en qualit, de la faune et de la flore. Les ressources des communau-
ts indignes de l'Amap taient au contraire largement identiques partout
puisque la plupart des milieux exploits existent dans des proportions similaires,
de la baie de l'Oyapock
l'Amazone.
On
peut donc avancer l'hypothse que ce sont les riches et stables
ressources en protines, plus que la potentialit agricole, qui ont incit les
hommes se fixer en Amap. Notons que cette ide a dj
t
formule par
MEGG ERS et EVANS pour l'est de Maraj.
De fait, les adaptations prsentes ci-dessus devaient tre accompagnes
logiquement d'une concentration humaine suprieure aux zones de terre ferme et
une limitation importante des dplacements de villages.
E n ce qui concerne le peuplement, Denevan
(1
976), qui dclare avec une
grande honntet dans son travail sur la population de l'Amazonie, n'avoir
abord que marginalement le problme de l'Amap, indique qu'il vaut mieux
Ces lets, levs de
50 a 150 metres
au dessu s des savan es environnantes, sont des fragments du
massif ancien, isoles au milieu des plaines alluviales. La vgtation y est celle de la foret de terre
feime. Dans l 'ensemble de la rgion tudie, de l 'Oyapock l'Amazone, existent galement des ter-
rasses alluviales exondes en toutes saisons, couvertes de foret de vrzea haute galement et
favorables
I 'tablissement des communauts hum aines.
l2
C'est en tout cas ce qui ressort des tmoignages des Palikur concernant la technique ancienne de
culture sur butte
(P.
R E N A N D ,
I981),
et de la culture a ctuelle de clBnes de
manioc
htifs et bien
adapts aux inondations, varits typiques des civilisations de vrzea. L'agriculture contemporaine
des Palikur est cependan t beaucoup plus proche de celle des populations de terre ferme.
15
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
9/41
Bol.
M a s . Pu Emilio
Goeldi. sr.
Antropol.. 3 l), 987
adopter pour cette rgion la densit de 1,3 Wkmz (dja applique Maraj), plutt
que celle de
9,5
Wkm2 donne pour le littoral atlantique du Brsil, ce chiffre
restant au demeurant suprieur celui de la fort de terre ferme voisine
(0,33Nkm2)
(P. GRENA ND, 1982). Si
nous
appliquons cette prudente densit
aux zones inondables de lAmap et de la baie de lOyapock (environ
23 O00 kmz), nous obtenons le chiffre de 30 O00 au moment de la Conqute. En ,
comparaison avec le recensement par famille de Lefebvre dAlbon de 1729 (1730)
qui donne 5900 personnes (1 3) pour le centre et le nord de la rgion envisa-
ge (14), nous
nous
trouvons, 220 ans aprs le passage de Pinzon, face une
rduction des 4/5 , par excs, de la population, rduction (malheureusement)
standard compare celle dautres rgions du continent, et qui rend trs
raisonnable la base prcdemment calcule de 30 O personnes.
La consquence la plus tangible de ce peuplement relativement prospre fut
sans
doute une relle comptition. Avec qui?
Tout dabord avec certains groupes de pcheurs-cueilleurs, comme les
Maye, qui furent rejets dans lhabitat ingrat des mangroves o ils se marginali-
srent, ce dont tmoignent autant les archives (Jesse de Forest, en 1623 et 1624,
in E. Forest, 1914; Frolles, 1702-1704) que la tradition orale palikur.
En
dpit de ce climat dhostilit, la plupart de ces ethnies restaient
en
fait
incluses dans le systme de relations festives et commerciales qui concrtisait
lunit de la rgion, ce quattestent galement clairement les traditions orales.
En ralit, cest surtout avec les groupes de la fort de terre ferme situs plus
lest et au nord (du moins du
X W m e
au milieu du
X V I I e m e
sicle) que la com-
ptition transparait le plus clairement travers les crits de Mocquet, Harcourt,
Jesse de For est et dautres encore. I1est tout fait probable que ce soit cette com-
ptition qui ait progressivement entran un mouvement de relative unification
rgionale centre sur les Palikur.
Essayons den cerner les vidences culturelles. Les Palikur dfinissent
aujourdhui la totalit des groupes indignes de la rgion sous le nom de NAUE,
quils traduisent en crole par le joli mot de NATION, reprenant l le vieux
terme des voyageurs et des traiteurs franais des
X V I I e m e
et
X V I I I e m e
sicles.
Ce terme de NATION a une lourde val6ur smantique, puisqu ct des ethnies
trangres, il dsigne aussi chacun des clans exogames (15) qui composent le
13
Nous avons appliqu le coefficient
4,
convention gnralem ent admise par les historiens.
l4 Dans le sud de IAmapa, a cette date, ne d evaient dja plus survivre que quelques centaines
dAmrindiens, reliquat des d portations de la fin du
XVIIeme
iede.
l5 Nous verrons plus loin quil nestjustement pas toujours ais de tracer une frontiere entre clans
palihur et groupes trangers pour es temps anciens.
16
L e s Pdikar et lhistoire d e
1Aa.p.
peuple palikur et dont lorigine est supporte par un mythe (16).
Les
Palikur
ntablissent pas de distinction (en tous cas, pas au niveau linguistique) entre les
clans considrs, dans la mmoire collective, comme ayant toujours t palikur et
ceux dont
on
sait quils
y
furent autrefois nittachCs, comme les Parauyune, le
clan de la mer. En ses deux sens de clan et de nation trangre, le mot
NAU E soppose catgoriquement
celui de
XIYE,
qui dsigne lennemi h-
rditaire, les Galibi (Kalia).
Nous avons relev une tradition selon laquelle les clans taient autrefois en-
dogames. Que devons-nous en penser? Que les actuels clans palikur taient
initialement des groupes autonomes?Ou que: le changement radical dendogamie
en exogamie cherche
justifier a posteriori le thme de lalliance idalise
travers les rapports interclaniques?
En contrepoint des traditions orales insistant sur lunit culturelle de la
rgion,
nous
avons relev trois mythes qui illustrent magnifiquement les avatars
du mariage exogamique. Etant donne que les groupes voqus
dans
ces mythes
sont aussi bien des clans palikur que des groupes allognes comme les
AUN1
(ARu),
nous
pouvons nous demander si le passage de lendogamie
lexoga-
mie, na pas plutt t au
ZC V I I e m e
sicle ou au
X V I I I e m e .
celui de lexogamie
limite
quelques clans Palikur bien localiss, tel le groupe dur voqu dans le
Tableau 1, une exogamie gnralise mesure que se concrtisait lunit regio-
nale
acclre par la baisse dmographique.
Un second lment-cl militant en faveur dune unification rgionale est
lutilisation dune (ou plusieurs) langue vhiculaire crmonielle, ce dont nous
discuterons plus loin.
Un roisime point dj voqu, li au prcdent, est limportance des fes-
tivals interclaniques et interethniques (17) ainsi que limportance, travers la
mythologie, du thme de la diffusion culturel.le pourjustifier ladoption de traits
nouveaux. Les exemples abondent dans la tradition orale que nous avons recueil-
lie, et ils apparatront a et l travers la discussion portant sur les divers groupes.
Enfin, n
dernier lment fdrateur, et non des moindres, est constitu par
de fortes prsomptions concernant lexistencie
dune
grande chefferie ancienne.
Nous
avons dj fait allusion prcdemment
un
chef clbre, Anakayouri,
qui fut recontr par divers voyageurs europens au dbut du
X V I I e m e
sicle.
Nous connaissons au moins deux de ses rsidences successives, lune lactuelle
Montagne dArgent, dans la baie dOyapock, lautre la lagune de Mayacar, au
l6 NOUS
navons pu enco re recueill ir la totali t des mythes emergence. Cependang bon nombre de
clans ont une consistance bien reelle dans la mythologie palikur. Le matriau brut est present e n
annexe.
bassin de IUaa.
La f&e du tore aractrise aujourdhui encore la vie crmonielle des trois groupes indigenes du.
17
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
10/41
Bol.
Mna.
Par.
Emilio
Goeldi.
sr.
Antropol..
3
1).1987
sud du Rio Flechal. Appartenant au peuple yayo et ayant fu Trinidad devant les
Espagnols, il fdra, si lon se rfre au texte dHarcourt de 16 13 (1926), qui est
le plus dtaill, les graupes du bas Oyapock et du centre de lAmap
I
assage
o Moquet (1617) parle
son propos dune flotille de guerre de 35 pirogues por-
tant chacune 25 30 guerriers, voque bien une telle puissance. Harcourt nhsite
pas dire, contre toute vraissemblance, que lautoritk dAnakayouri allait de
lEssequibo lAmazone, alors quil tait prcisment le chef dune confdra-
tion dirige contre les Galibi qui dominaientde faon incontestabletoute a &te
lest de Cayenne.
Harcourt mentionne le nom
dun
autre grand chef, Ipero, chef des Ar-
racoories (que nous identifierons plus loin avec les Palikur), rputs pour tre en
bons temes (hold good quarter) mais non allis avec les groupes du bas
Oyapock (there is no hearty love andfriendship).
La dernire remarque tire des archives concernant la chefferie ancienne
nous provient du Pre Fauque (1 839) qui visita en 1736 le village de Youcara, sur
le Tapamuru (affluent de lUaa), considr alors c o m e e grand chef des Pa-
likur.
Les PALIKUR contemporains, de leur ct, distinguent aujourdhui par
deux mots diffrents, la chefferie des communauts actuelles (YAPTI, mot
proche du karib, YAPOTO
ou
YAPOTOLI), de celle, ancienne,
UTSIWARA,
qui recouvrait lensemble de lethnie. Ils voquent celle-ci sur un mode merveilleux
et une musique nostalgique, considrant quelle ntait lie aucune notion
dhrdit, mais seulement au mrite, propension qui a dailleurs tendance
se
maintenir de
nos
jours au niveau des communauts 18); cette chefferie,.lie une
geste hroque, englobait toutes les nations, tandis que celles-ci ne connais-
saient pas lautorit dun quelconque chef de clan: Autrefois, il
ny
ava it quun
seul chefpour th te s les nationspalikur, m ais aucune nation navait de chef
elle.
II ny
avait quun roi [sic] nral.
II
habitait Urucaua.
Paralllement, en cas de conflit extrieur, un chef de guerre, diffrent et
silrtout provisoire, tait ncmm.
Que penser de ce contraste entre absence dautorit villageoise ou clanique
et puissante chefferie macrotribale? La tradition orale palikur nous fournit peut-
tre un lment de rponse en ayant co ns ei certaines paroles dun de ces pres-
tigieux chefs:
Je nep eux pas aire la guerre: e suis si ort que egagnerais, et il
ny a urait vi teplu s dautres nations que la mienne,
[et nous ajoutons], donc,
plus dunion interclanique et/ou interethnique possible.
Chroniqueurs et Palikur confronts semblent biennous orienter vers uneou
des chefferies symboliques au rle fdrateur, essentiellement tournes vers une
Y
5
l8 Ceci favorisant singulierement le jeu dinfluence des administrations franaise et bresilienne et
des missionaires de tous poils.
18
Les
Pdikar
et lhistoire de h a p .
politique de paix,
tout le moins recourant
la diplomatie plutt qu la guerre,
cette dernire tant dvolue au chef de guerre. On peut dailleurs penser que le
rle conciliateur du chef de paix se maintint assez longtemps, en particulier face
la ncessit daccueillir groupes et groupuscules fuyant laire mridionale o
saccentuait la pression portugaise.
En dfinitive, les quelques arguments avancs concourent faire des ctes
de lAmap et de la baie dOyapock, une unit culturelle et politique plus
ou
moins homogne.
Un examen plus fin des composantes ethniques de la rgion va
nous
per-
mettre de temprer quelque peu cette proposition optimisante.
LES NATIONS ANCIENNES DE LAMAP ET DE LA BAIE DOYAPOCK:
CONFRONTATION DES ARCHIVES ET DE LA TRADITION ORALE PALIKUR
I1
est temps dessayer de tirer sur les fils de Ycheveau que forment, pour
un
Commenons par une approche quantitative.
Examinons tout dabord quelques rsultats chiffrs: Au fil des sicles, les
archivesnous ont conserv, quelquefois sous unnom, quelquefois sous plus de six
ou sept orthographes diffrentes, tantt en
un
ieu, tantt en plusieurs, les noms de
24 ethnies basiquement diffrentes.
E n regard, la tradition orale palikur contemporaine (19) nous restitue 16 de
ces 24 groupes, soit 67%, ce qui constitue pour le moinsun aux de recouvrement
excellent, si
lon
tient compte du fait que les premires pices darchives que nous
avons consultes datent, hormis quelques cartes du dbut du XVIeme sicle, de
1595, et schelonnent jusquau dbut du
XIXeme
sicle.
Les 8 ethnies non cites par les Palikur contemporains sont les suivantes:
-
4 groupes trs peu documents et dont nous ne pourrons dire plus dans
Ytat actuel de nos connaissances:
les ARIRIANES (1675-1690; 1733)
les OUARAMIOS (1733)
les ANOUYES (1675-1690)
les MAPROUANES (1596, 1674)
-
Deux groupes forestiers que
lon
retrouvera ensuite cits par les archives,
dans le haut Oyapock (P. Grenand, 1982, D. Tilkin-Gallois, 1980).
On
peut ne
pas stonner que deux ethnies nayant pas fait partie de lunivers relationnel des
Palikur et ayant trs tt quitt la rgion, ne soient pas conserves dans la mmoire
collective:
regard press, les nations ayant peupl la rgion qui nous occupe.
les MAKAPA
l9
Pour
la comparaison avec les archives, nous
nous
basons sur nos strictes donnees de terrain. Les
elements recueill is par Nimuendaju et Arnaud
seront
introduits si besoin e st
19
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
11/41
Bol. Mas. Par. Emilio
Gocldi.
. ir.
Antropol..
3
(1).
1987
les KUSARI
-2
groupes enfiin, qui posent problme et dont
nous
reparlerons plus loin:
o les ARAWAK [proprement-dits]
les ARAKARE
Interrogs sur leur pass et celui de leur rgion, les Palikur contemporains
nous donnent le nom de 36 NATIONS, Parmi ces 36 NATIONS, nous
retrouvons bien sr les 16 noms recoups par les archives, cependant que 20
noms sont prsents dans la seule mmoire palikur (20). Une telle inflation a de
prime .,tbord de quoi surprendre. Voyons de quoi elle est compose:
14 clans palikur
6 ethnies trangres
Ces dernires peuvent porterun autre nom dans les archives, navoir t que
des sous-groupes dautres ethnies, ou encore avoir t des groupes locaux dsig-
ns par leur lieu dhabitation et
non
de vritables ethnies dontnouspossederions le
nom par ailleurs.
I1
ne faudrait rien voir
18
dtonnant
sur
une periode aussi longue
et aussi mouvemente. La question mrite simplement dtre creuse.
Bien plus intressant est le premier chiffre: Les Palikur nomment en tout 18
NATIONS quils considrent comme formantou ayant form leur peuple; 4 seu-
lement sont connues des archives,
o
elles
nous
sont donnes pour des ethnies.
Sur ces quatre clans, les Palikur nomment
1 nation trangre, les PARAUYUNE-PARAGOTO, absorbe et
leve au rang de clan;
0 2 clans migrs du sud, les TUKUWEINE-TOCOYENNES et les
1 seul clan ressenti comme faisant partie du noyau dur desPalikur, les
Mais
les-14
autres clans palikur, teints
ou
survivants, sont totalement
ignors des archives.
Autant dire que les anciens voyageurs ne se sont pas du tout rendus compte
de la division clanique des Palikur. Peut- trs labsence de chef de clan dont nous
ont parl les Palikur y t-elle pour quelque chose. Le premier, en tous cas, avoir
prononc le mot d_e clan es t Nimuendaju en 1926, suivi de Fernandes en 1948 et
dArnaud en 1968.
Ainsi, si
lon
considre que les anciens voyageurs ont pens, et surtot vcu,
les Palikur comme
un tout,
l y
a
une trs bonne correspondance entre archives et
tradition orale palikur pour 12 noms qui semblent bien recouvrir des ethnies
autonomes qui peuplrent la rgion qui
nous
intresse. Lexistence de ces ethnies
semble bien relle, puisquaux 18 clans palikur, les archives nopposent quun
2o op pos es ici aux archives et non aux traditions orales des au bes groupes de la region.
-MAIKYUNE-MAIKA;
UWANYUJ4E-OURANANIOU.
20
Les Pdikur et lhistoire de 1Am.p.
compact peuple PALIKUR, plus 4 clans seulement prsents comme auto-
nomes.
Essayons maintenant davoir une a.pproche qualitative. Aprs avoir parl
chiffres, voyons comment se structuraient les clans palikur et comment se struc-
turaient les autres ethnies, partir des indications fournies tant par les Palikur
contemporains que par 1 cho que peuvent
nous
en donner les archives.
LES PAIdKUR
Comme lavait dj fait remarquer Nimuendaju en 1926, le nom des
PALIKUR apparat pour la premire fois sous la plume de Vincente Yanez
Pinzon en 1513,
sous
la forme PARICURA pour dsigner une province situe
au nord de lAmazone.
Ce nom sera ensuite reproduit,
peu de variantes prs, sur toutes les cartes
dressees entre 1515 et 1595. I ait est remarquable dans la mesure
o,
pour
toute la zone qui va de la pointe nord-est du.Brsi1aux bouches de lOrnoque, ces
premires cartes sont en gnral pauvres en noms indignes, tandis quelles
abondent en toponymes espagnols.
Ce nest qupartir des voyages de lbleig h (1593; 1596) et dautres
Hol-
landais, Franais et Anglais, que vont surgir des cartes riches en toponymes in-
dignes et en noms dethnies. Or, pendant toute la priode allant de 1595
1650,
lethnonyme PALIKUR napparatra plus dans sa puret originelle, ce qui ne
signifie pas pour autant, c o m e affirme NIMUENDAJU, que
lon
nentende
plus parler des Palikur avant 1652 (Pre Biet, 1664). Sil semble bien y avoir eu,
chez plusieurs voyageurs anciens, une certaine confusion tablie entre les PALI-
KUR et une autre ethnie, les ARIKARE,
il nous
parat cependant possible de
bien les distinguer
sur
deux paires de noms clairement attests et dont les mem-
bres sont dSrencis autant par leur orthographe que par leur localisation go-
graphique. Ces couples sont les suivants (21):
-dans Keymis, en 1596 (1722):
ARRICARRI ARRlCOURRI
sur le Maipari (plus tard Mayacar),
complexe de lagunes entre le bas Ara-
guary
et le
Rio
Flechal.
-dans
Harcourt,
en 1613 (1926):
sur le Caypurogh (actuel
Rio
Cassipor).
ARRACOORY
RRICARY
3 seigneureries entre YArrawary
(actuelle Araguary) et le Cassipurogh
(actuel
Rio
Cassipor).
eritre le Cassipurogh et
PArracow (actuel
Rio
Urucaua).
21 NOUSavons retenu ici que des tkmoins
occulaires
et
non
des compilateurs cartographes
ultrieurs.
21
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
12/41
Bol.
Mos. Par.
Emilio
Goeldi. .ir. Antropol.. 3 I),
1987
Jesse de Forest (E. Forest, 1914), quant lui, parle, en 1624, des
ARICOURS du
Rio
Cassipor, ennemis des Caribes et des Mays.
I1 nous semble tout fait pertinent de conclure que les ARRICOURRI -
ARRACOORY sont les PALIKUR, dont un groupe est dj localis sur la
rivire Urucaua, quils nomment eux-mmes Aukwa, et que
lon
trouve sous la
forme Arracow dans les vieux documents anglais, et Aroucaoua dans les d e
cuments franais du X V I I I e m e sicle.
A
partir de 1650 et jusqu nos jours, lethnonyme PALIKUR apparat
dans la quasi totalit des documents, renvoyant lautodnomination standard,
PARIKWENE (22).
Une fois clairement attest que les Palikur sont des occupants de lAmap
au moins depuis larrive des Europens, se pose le problme de leur territoire
prcis.
Induisons dentre de eu que la notion de territoire indigene, pour les Pali-
kur comme pour les autres ethnies de la rgion, a toujours donn aux voyageurs
une impression de complexit due au fait que ceux-ci recherchaient des groupes
territorialement bien dlimits, alors quils taient face des nbuleuses de com-
munauts, dethnies diffrentes, simbriquant les unes dans les autres, le tout
tant coiff par un rseau relationnel trs tendu.
Lorsque les Palikur actuels se rfrent leurs clans tels quils taient
an-
ciennement vcus, ils essaient dabord de les localiser. Cest dj cette tendance,
mme si elle aboutit parfois des contradictions entre nos donnes et les siennes,
quavait enregistr Nimuendaju en 1926.
Si lon se tourne, ct de cela, vers les donnes contenues dans les archi-
ves, se rfrant elles, la plupart du temps aux seuls Palikur et nallant pas jusqu
leurs clans, se dgage un habitat impliquant une vaste aire de dispersion. Dans les
documents qui schelonnent entre 1596 (Keymis) e t 1733 (Folio des Roses),
divers points habits par les Palikur sont signals entre les lagunes de Mayacar
et le Curipi actuels.
22
Lassertion de
S.
Dreyfus (1981), selon laquelle Ankwayene,gens de la riviere du milieu
(cest
a
dire habitants du
Rio
Urucaua) serait lautodnomination des P alikur, souleve une ques-
tion
nteressante. Comme Arnaud (1984), nous
pensons
que dans
son
tat actuel, ce nom recouvre
plus une.prcision gographique destine
opposer les habitants de lUrucaua, coeu r de lethnie
depuis 250 ans, aux au tres Palikur. En effet, les traditions orales recueillies, uti l isent PA N K W E N E
ds quil sagit de parler des P alikur et PA RIK WA KI, p our dsign er leur langue actuelle. I1 reste
cependant que
nos
informateurs ne dcomposent pas ces deux termes
a
la diffrence de AUK-
WA YEN E qui lui -mme renvoie cur ieusement au ARRA COOR Y de Harcour t .
On
eut donc se
d e m a n de r s i PA N K WE N E e t A U K WA Y EN E n e s o n t pa s b a si q u em e n t
un
eul et mme mot, le
premier tant le rsultat de lvolution du second
sous
le poids dinfluences linguistiques exterieures.
22
Les Paliknr et lhistoire de IAmap.
Douze des 18 clans palikur sont localiss par la tradition orale dans les
limites de cette mme zone, quoique toutes les localits indiques le soientdans la
partie septentrionale. Les pressions portugaises, bien attestes dans les archives
(Hurault, 1972), ont pu pousser les populations se tasser vers le nord sans pour
autant leur donner limpression dun vritable abandon de territoire. Les tradi-
tions orales se rfrant ces 12 clans nous donnent donc, sous leur teinture
danciennet grandissime, une image trs dix huitime sicle de la gographie
humaine des lieux.
En outre, sur des bases linguistiques, les Palikur reconnaissent un dcou-
page originel de leur ethnie en deux groupes: lun que nous qualifions de noyau
dur, form de six clans qui auraient t seuls parler la langue crmonielle ou
KIAPTNKA, et un noyau priphrique initialement form de trois clans
parlant une seconde langue crmonielle auxquels neuf autres se seraient ensuite
joints (cf. Tableau 1). Aussi dificile
interprter soit-elle
-
on trouve par exem-
ple des clans ayant migr de rgions loignes dans les deux noyaux - ette
dichotomie esquisse par les PALIKUR contemporains semble bien indiquer
lexistence ancienne de deux sous-groupes, gographiquements diffrencis.
Si lon admet cette hypothse, il nous faut ds lors examiner les Clments
historiques militant en faveur de lexistence ancienne de PALIKUR mri-
dionaux.
Certes, lunique mention, au milieu dun peuplement maraon, dun Rio
PARICORES, faite par Jesse de Forest en 1624-25 (E. FOREST, 1914) et
identifiable avec lactuel Rio Anauera-pucu prs de la ville actuelle de Macap,
peut paratre un peu mince pour conclure la prsence de PALIKUR au sud de
lAraguari (Nimuendaju, 1926); pourtant les traditions orales font venir de loin
vers le sud, de
(Uumeuni,
la rivire des canots), du Brsily,
quatre des dix-huit clans (23), et pas des moindres: lun, les Kawakukyene est
encore bien reprsent aujourdhui. Un autre, les Kamuyune, teint depuis
peu, na rien moins donn aux Palikur que leur langue actuelle et la rpe manioc
mtallique (24). Le troisime, les Maxamaine, aujourdhui teint, a apport
avec lui la culture du manioc. Ledernier, erd, les Tukuweine,galement teint,
23 Le
ort des deux autres clans immigrs ne sera pas exam ine ici.
Lun,
e s P A R A W U N E , g r ou p e
tranger palikurise a t vu plus haut.
Le
second, l es PA IM W M E, que cer ta ins nomment POE-
MYUNE, pose
un
problme didentification. Certaines traditions le localisent
sur
IUaa, dautres
sur la rive gauche de lOyapock.
I1
peut tout simplemen t sagir de deux clans distincts, aujourdhui
confondus. La prsence dun appendice de peuplemen t palikur sur lOyapock est par ail leurs bien
attestee:
nos
informateurs palikur, qu ant
eux, insistent sur le fait que cest sur cette tte de pont que
se greffa la migration vers la Guyane apres 1900, et d e fait , Brletout de Prefontaine, en 17 49,
recensa 47 Palikur dans lestuaire de lOyapock (rive gauche).
24
Eclats de fer ou de fonte enc hass s dans une plan che en bois. I1 sagit dune adap tation p0St-c-
lombienne de la rpe en bois ave c enchasseme nt dclat de pierre.
23
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
13/41
,
Tableau I
-
es clans Palikur actuels et anciens.
~~~~
teints
teints
recemment.
Nom dans la tradit ion orale No m dans les archives
Etymologie du
nom
Sta tu t ac tue l
1
Noyau durdes
clans
KA WAKUKY ENE ,
KAWAYLJNE
(KAWALPUKYENE,
Nimuendaju, 1926;
Amaud, 1968).
KAWAKUKYEN,
I;: K W I M W N E ,
KWEMYUNE
(KUEMYUN, Arnaud,
1968); le clan KWALYUU
de Nimuendaju est peut-
tre
identique.
UWANYUNE
W A K A P ~ Y E N E
(WAKAPTUENE,
Nimuendaju, 1926,
UAKAPUNI - IEN,
Fernandes, 1948,
WAKAPUNY NE, Arnaud,
1968)
Ourouraoura (1675-76)
Ouranarioux
(
1729)
Ouraroyou (1733)
De Kwawu
ananas sauvage
(Ananas ananassoides)
et Ka-
wakukifourminoire associee
cette plante; la premibre 6ty-
mologie correspond aux indica-
tions
de Nimuendaju et Arnaud.
De
Kwem, bambou G u a -
duo
sp) . Arnaud indique raa
de uma arvore?
Vivants
Eteints
De
uwan, paca
(Cuniculus
paca) .
Eteints
Dewmlupen
fourmi
qui vit SUT
larbre wakap (Vouacapoua
mericana). Nimuendaju les
fait descendre dun oiseau ma-
liki.
Vivants
Rem arques sur leur or igine
gographique
(tradit ion orale actuelle
indique en premier)
Emigres de lAmazone vers la
Pointe Moustique puis a lUru-
caua. Mme remarque chez Ni-
muendaju; pour Femandes
(1948) il sagit dun
groupe
de
Karipuna emigre de lAmazone,
guid par un jaguar, qui se fon-
dit plus tard avec les Palikur.
Originaires du haut Urucaua
(Crique Kwim pres du Mont
Wakairi ou du Mont K arupna).
Originaires de Urucaua. Les
source *anciennes les localisent
en divers points entre le Cap
Nord et lOyapock.
Originaires de C ouripi; sontpas-
ses ensuite
ii
Urucaua. Venaient
de la rivibre Wanatuliwa (non
localisbe) selon Nimuendaju.
(continua)
(continuatio)
Tableau I - Les clans Palikur actuels et anciens.
Nom dans
la
traditiono r d e
WAYWAYENE
ou
ITEYUNE
Nimuendaju, 1926;
UAIPRI-EN, Femandes,
1948; WAWI - YUN ,
Amaud, 1968).
2 Clans
pdriphdriques
AKAMAYNIYENE,
AKAMAYNE
K A M U W N E
(KAMOHIWNE, Nimu-
endaju, 1926; CAMUIU-
EN, Femandes, 1948;
KAMUYEN, Arnaud,
1968)
I W A I ~ R E Y E N E ,
VI
No m d ans les a rchives
Etymologie du nom Sta tu t
actuel
Le premier nom vient de way-
y a y marcher, arpenter, le
2eme de
itey,
chenille arpen-
teuse parasitant larbre
ite-
W a n (Himathantus arficu-
latus).
De
akam singe dcureuil
(Saimin sciureus)
De
kamu, soleil, parce que
leurs yeux brillaient comme des
soleils. .
Vivants
Remarques sur leur origine
gographique
(tradit ion orale actuelle
indique en premier)
Originaires de Urucaua. Nimu-
endaju en fait par erreur un grou-
pe spare des Ikyune. Fernan-
des considre, les Waywaycne
comme etant
une
scission des
Wakapyene.
f
z
Originaires de la source du Rio
Uaa.
Onginaires de la Uumeuni (A- E
mazone). Nimuendaju
les
fait
e
venirdu mont Maye(Rio Cuna- 3
ni): A lorigine ethnie etrange re;
c:
lunion dune femme kam uyene
E
avec
un
Palikur est lorigine du
clan du mme nom; Nimuenda ju
parle dune echangede s3eurs en-
tre un Kamuyune et un Waka-
pyene, le premier tant le fon-
dateur du clan.
B
;
p
continua)
8
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
14/41
(continuafio)
I
T a b l e a u
I -
Les clans Palikur actuels et ancierls.
Statut actuel
Remarques
sur
leur origine
geographique
(tradition orale actuelle
indiquee en premier)
Originaires de Urucaua.
Ce groupe semble tre passe,
dapres les archives, de lAra-
guari (Goupy des M arets,
1675-
76) IUrucaua (Anonyme,
1760).
N o m d an s les archives
Etymologie du nom
N o m
dans la
tradition orale
D e mabiki, mas
maycas (1675/76),
Maykas (1729),
Maicas (1760)...
MAIKYUNE
Eteints
Eteints
Probablement originaires du sud
de la rgion.
Sont
lorigine de
la culture du manioc.
Peut etre identiques aux
Wm-
sairuene de Nimuendaju,
Was ,
ignifiantabatts. plan-
tation. *
MAXAMAINE
De maxamxa tortue mata-
mata (Ch e l i s f imbr ia fu s )
De mayuy rale deau;
(La-
terallus sp.).
Selon
Arnaud
raa de um pssaro semelhan-
ie ao jaana.
Originaires dune crique U ume-
uni, aftluent du Cassipore [ne
doit pas tre confondue avec
lAmazone]. II existe une legere
confusion entre ce clan et les
Maye.
(continua)
I
MAYUYNE
Arnaud, 1968)
(MAYUYNOYEN,
Eteints
(continua8o)
T a b l e a u I-Le s clans Palikur actuels
et
anciens.
Nom dans
la
tradition orale
Nom dans les archives
Etymologie du nom Statut actuel
Remarques
sur
leur origine
geographi que
(tradition orale actuelle
indiquee en premier)
~
PAIMYUNE
(PALAIMIUNE,
Nimuendaju, 1926,
PARAMYUN, Arnaud,
1968). Le nom veritable
serait PWEMYUNE selon
certains Palikur.
1 ) D e Paimyu, silure cou-
man-
couman Anirs ouma).
2) D e Pwem, mle bois ca-
non (Cecmpiasciadophylla .
Originaire de Uaa [idem selon
Nimuendaju]; une autre version
les fait venir de lOyapock
vivants
Eteints
h
PAUYUNE(PAR4YUN,
Arnaud 1968)
p.
13
etnote 9
oir
TUKUWEINE,
TUKUWINE
Tocujos
(1
640)
Tocoyennes (1675-76)
Tocoyennes (1786)
De
tuku,
oiseau japu Os-
tinops decumanus).
Originaire du Bresil. Cest -
dire du sud de IAmapA, h i -
g re nt lOyapock, puis h Uru-
caua [pratiquement identique
selon les archives].
Originaires de la M ontagne Wa- 2
kairi
ou
mieux K arupna; seraient 2
les uniques su rvivaqts du D elu-
ge.
II
est interessant de remar-
f
quer que les inform ateurs de Ni-
muendaju les considerent com- a
me un melange de Palikur et de
Maraon donn es comme premiers
occupants de Couripi.
g
s
(continua)
WA YENE
(WASILIENE, Nimuen-
daju, 1926, WASNEN,
Arnaud, 1968).
De waf
i,
montagne, colline
(traduit par terre in Nimuen-
daju et Arnaud).
Vivants
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
15/41
Bol. Mols.
Par. Emilio
Goaldi .
sr. Antropol..
3 (1).1987
Les Pdiknr et lhistoire de
IAmapa
Q
M
O
.-
5
z1
est quant
lui un groupe individualis
sous
.le nom de TUC UJUS dans les archi-
ves portugaises et celui de TOCOYENNES dans les archives franaises.
Ils
y
sont localiss entre le fort de Macap e t lembouchure du Jari.
O n
les dit dabord
allis des Franais, puis perscuts et dports par les Portugais
ftn
du
XVIIeme
sicle), avant quenfin les survivants ne se rfugient dans le bas Oyapock, itin$
raire confirm par la tradition orale palikur, qui ajoute quune partie des rhgis
prit le chemin dUrucaua oh ils steignirent (probablement en fusionnant).
Ces mouvements brusques de populalion vers le nord sont corrobors par
les evidences archologiques montrant que cest sur la rive nord de lAmazone
que les civilisations prcolombiennes svanouirent le plus rapidement: 120 ans
aprs les dbuts de la Conqute, la civilisation de Mazago nexistait plus, con-
trairement ses voisines du nord de Maraj et des les voisines (Aru) ainsi que
de 1Amapa (Arist) qui perdurrent (Meggers et Evans, 1957).
Les recoupements prcis entre archologie, archives e t tradition orale con-
cernant le groupe des TOCOYENNES -TIJKUWE INE mritent
notre sens
que nous accordions crdit aux traditions palikur faisant venir quatre clans du
sud.
On
pourrait se poser la question ultime de savoir si ces clans taient dj
palikur ou sils ne se palikurisrent quaprs leur amve dans le nord de
IAmapa ainsi que
nous
lavons suggr
pour
les Paragoto venus de lOuest. Les
Palikur rpondent eux-mmes la question en
nous
disant que les Kamuyune
donnrent leur langue aux Palikur (et leiir langue nest autre quun dialecte
palikur, nous y reviendrons), cependant quils ajoutent que les Kawakukyene
appar tiennent au noyau dur des cinq clans palikur ayan t parl le mme dialec-
te.
I1
semble bien improbable que des groupes trangers, dans le contexte de
baisse dmographique rgnant alors, eussent pu parvenir aussi facilement un tel
S t a t u t .
Nous
nous trouvons donc, notr e sens, devant Ividence dun noyau mri-
dional de Palikur culturellement individualis6 qui aurait ensuite fusionn avec les
groupes du nord en raison de la pression portugaise, et non pas une arrire-garde
de migrants comme le croyait NIMU END,4 JU.
LANGUE PALIKUR
LANGU E VEHICXJLAIRE
II nous semble opportun daborder ici la question linguistique qui court en
filigrane dans tout notre propos.
Que parlent les Palikur? Quont jadis parl les Palikur? Quels rapports la
langue entretient-elle ou a-t-elle entretenu avec la division clanique de lethnie?
Autant de questions auxquelles il est difficile de rpondre rapidement, et
au
sujet
desquelles les Palikur contemporains sont dune prolixit remarquable.
29
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
16/41
Bol.
M a s .
Par. Emilio Goeldi. 8r. Antropol.. 3 (1).1987
Noble (1965) a propos de classer le palikur avec les langues arawak du
Xingu. Sur la foi de la liste des cent mots de Swadesh traite par la glottochre
nologie, il lui semble en effet que 44% des mots sont en commun entre le palikur et
le mehinaku. Outre le fait que le palikur comporte aussi 39% de mots en
commun avec le moxo (Bolivie), ce qui sur une liste arbitraire de cent mots
revient pratiquement au mme, outre aussi le fait quaucune des classifications
antrieures de la famille arawak ne classe le palikur de la mme manire que ses
voisines (Rivet, 1924 ; Schmidt, 1926; Loukotka, 1935; Mason, 1950; Green-
berg, 1956, toutes cites par Noble; D e Goeje, 1928) il ne nous parat pas que
lon puisse considrer c o m e dfinitif cet apparentement entre le palikur et les
langues arawak du Xingu, et encore moins parler dune sparation remontant
1900 ans.
Par ailleurs, une tentative plus rcente de classification par E. Matteson
(1972), rattache le palikur aux diverses langues arawak du haut
Rio
Negro
(baniva de lIana, kuripako, tariana etc..,) sous lappellation de sous-
grou pe newiki oriental.Ce classement qui ncessite confirmation, car le
palikur contient de nombreux traits spcifiques difficiles classer, nous semble
au regard du matriel comparatif dont nous disposons actuellement, plus solide
La position du palikur, qui, somme toute, apparat comme difficile
dterminer, tire tantt vers le groupe des langues pr-andines (Rivet, 1924),
tantt vers le groupe des langues du Xingu (Noble, 1965), tantt encore vers le
groupe des langues du Rio Negro (Matteson, 1972) , tantt enfin marginalise a
lintrieur du groupe des langues septentrionales (Loukotka, 1935), mrite tout
simplement que lon sy intresse de nouveau, sur la base cette fois des bons
vo-
cabu1aires;deplus en plus nombreux, dont on dispose un peu partout pour lAm-
rique Tropicde.
Ce qui ne fait aucun doute, cest que le palikur est -une langue arawak (25).
Voyons plutt ce qui est nouveau: Les Palikur contemporains
nous
disent ne pas
-toujours avoir parl cette langue. Nous avons vudans les pages prcdentes quils
afrment parler aujourdhui la langue que les Kamuyune, le clan du soleil de
nos
jours teint, apportrent avec eux lors de leur migration du sud vers le nord de
1Amapa.
La tradition orale palikur est sur ce point absolument affirmative: chaque
clan palikur parlait autrefois
son
propre dialecte: Ctaient les mmes langues
avec des petites dirrences: Le s langues des nations avaient chacune leur
accent diffrent: Aujourdhui, on aperdu toutes nos dirrentes langues,
on
ne
que celui de Noble.
* 5
Ceci
pos,
i l est important de signaler que le palikur est
truffe
demprunts evidents aux langues de
la famille karib, en particulier dan s les domaines de la technologie, de la faune et de l a
flore.
Un
examen minutieux p ermettra sa ns doute daffiner certains points historiques obscurs.
30
Les Pdikar e t lhistoire de Amapa
parle plus que le kamuyune. Ladoption du kamuyune et labandon
(progressif?) de tous les autres dialectes est nettement mis par
nos
informateurs,
et ce a juste titre, sur le mme plan que la dcroissance dmographique: on ne
peutpasparler une langue
h
quelques uns disent-ils. Sans doute le fait le plus
frappant pour eux est-il que ce fut la langue dun clan migr du sud e t de surcroit
de nos jours teint, qui supplanta les autres.
Comment stablissaient, anciennement, les contacts interclaniques, si
chaque clan parlait son propre dialecte? L encore, la tradition orale des Palikur
se montre trs riche. Nous pourrions mme dire sans exagration que nous tou-
chons l un des points sensibles de la conscience collective de lethnie.
Tous sont unanimes nous parler, en termes chargs dmotion et de d-
frence, de la KIAPT NKA, qui, du temps-de la splendeur des Palikur, leur
tenait lieu de langue vhiculaire dans les contacts interclaniques, et par voie de
consquence immdiate, de langue crmonielle, tant il est vrai que lesclans ne
se rencontraient que pour aire la fit e et jam ais pou r se battre.
Tous les chants des grands cycles danss que
nous
avons recueillis sont en
langue kiapthka.
Les
informations divergent sur le fait de savoir sil nexista quune kiap-
tnka
ou deux variantes trs proches: lune aurait servi aux Palikur septentrio-
naux, lautre aux Palikur mridionaux; ou bien lune aurait fdr le noyau dur
que formaient certains clans face aux autres, qui auraient utilis la seconde, mais
cette division prksente dans le Tableau I, ne cadre pas avec la division des clans
selon les cimetires donne par Nimuendaju (1926), Bref, un complment den-
qute savre indispensable etjusque l , nous continuerons, provisoirementpeut-
tre, ne parler que dune seule kiaptnka.
Ce qui est en revanche certain, cest que la kiaptQnka,paralllement
son rle fdrateur lintrieur du peuple palikur, servait aussi dans les rapports
interethniques. Toutes les informations concourent nous dire que les Pa-
rauyune, par exemple, avant de devenir un clan palikur, parlaient dj la kiap-
tiinka dans leurs rapports diplomatiques avec les Palikur, de mme que des
nations qui resteront trangres, comme les Mauyune,
ou
les Maye.
Les
premiers venaient lors de grandes ftes danser chez les Palikur qui leur
rendaient ensuite la politesse en
allant danser chez eux Cayenne
(26). Les
seconds, habitant la pointe du Cap dOrange, restent inscrits dans le souvenir des
Palikur pour leur avoir enseign une danse quils excutent toujours, mayapna,
dont les couplets chants sont en langue kiaptinka.
La dcroissance dmographique saccentuant, et nos informateurs estiment
pour leur part que les pidmies de malaria et de rougeole qui dcimrent lethnie
aprs 1900 ont port commeun coup de grce, les survivants des diffrents clans
26 Les
archives confirment la prsence de
Maworia
(Mauyune?) sur
IOyak
(Keymis,
1596).
31
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
17/41
Bol. Maa. Par.
E d 1 1 0
Gorldl.
mr. Antropol.. 3 1). 1987
durent abandonner toute de de territorialit et les diffrents dialectes palikur,
trop proches, sombrrent. Les ftes se rarfirent, la kiaptnka fut en pril.
Cest pour palier lventualit dune disparition qui leur et
t
insoutenable, que
la gnration des adultes daprs 1900 se mit parler la kiaptnka en dehors
des ftes pour en perptuer lusage: Mesparentspar laient la kiaptinka la
maison.
Ils nous
lenseignrent mes rres et moi, m ais entre
nous
comme
avec nos copains, nous parlions le kamuyune. (27).
Cest
ainsi
que certains vieillards, bercs par cette langue dans leur enfance,
ont tendance
la confondre avec un des dialectes claniques (en gnral, celui
quet d parler leur clan). Aujourdhui, la kiaptnka nest plus parle que
par les personnes ges des diffrentes communauts lorsquelles se rencontrent,
alors quil y a encore quinze ans (avan t la pression des missionnaires protestants),
son
usage tait indispensable lorsde la fte des
Morts
(28): Alors,pourfaire les
rponses en
kiaptnka,
puisquon navaitpas le droit demployer la langue
normale, si
on
ne savai tpas ,
on
demandait
un
oncle, par exemple, de parler
pour
nous. (29).
Ainsi, cette langue vhiculaire et crmonielle est aujourdhui quasiment
sacralise. Mais dj du temps de Barrre (1743), il semble bien que seuls les
gens adultes aient t autoriss lemployer (30): Pour moi, je crois quils ne
fo nt cela que pour se distinguer des eune s gens et afin de leur inspirer du respect
pour
ux
(31). Barrere ne croit pas si bien dire: le mot kiaptnkaveut dire la
parole respectueuse, venant des mots kiap, le respect, et a n k a , la par e
le; du mot kiap, drive dailleurs le mot kiauye,vieil homme, celui auquel
on
doit le respect.
La kiaptnka est aujourdhui pare de toutes les vertus: elle est la
langue fine, la langue grammaticale (32). De fait, la kiaptnka peut tre
considre comme un dialecte du palikur. Les emprunts extrieurs semblent ne
pas tre ngligeables, cependant que lun des modes de formation majeurs des
mots est la mtaphore. Son tude nest encore qu ltat desquisse, e t nous nous
contenterons de donner deux des plus beaux exemples parmi ceux que nous avons
27
Eugene
Martin,
du c lan des PAIMY UNE , es t n vers
1910
sur la rive franaise de lOyapock.
28 Les
clans tant exogames, une fte des Morts en rassemb lait toujours au moins deux.
29
Louis Nor ino, du c lan des WAYWAYENE, est ne vers
1946 sur
la riviere Urucaua.
30
Si cest bien
a
elle quil fait
allusion.
31 Cette sage reflexion vient dailleurs apres un assage ou lon voitBatrere, assistant des discours
diplomatiques entre nations etrangeres, co nstater quon diroit quils parlent une autre langue que la
leur.
32 Cette expression, qui confere
ii
la kiaptnka des rgles de grammaire bien polices, est dite en
crole. Elle est en contradiction avec les caractristiques que
lon
attribue classiquemen t aux langues
vehiculaires, mais elle traduit bien, encore une fois, le statut exceptionnel quelle ada ns laco nscienc e
collective.
32
Les
Pdikar
et lhistoire
de &api
recueillis: homme se dit
ubeibeyaptia,
flche, parce quun homme est
quelquun qui porte une flche et quune flche ne peut tre porte que par un
homme; femme
se
ditvnka, celle qui enfante, parce que la femme, cest
ia vie.
Comme oil comprend la nostalgie des Palikur
LES AUTRES NATIONS DE LAMAPA
Tant
travers les donnes fournies par les Palikur contemporains qu tra-
vers celles fournies par les archives,
nous
trouvons 17 groupes indignes, dont 12
recoups, qui demeurent indpendants des Palikur. Ils peuvent cependant leur
avoir souvent t lis par alliance e t mme parfois avoir apport du sang neuf qui
contribua la formation de lethnie contemporaine, quoique ce soient plut& les
actuels Karipuna et Galibi de U aa que lon puisse aujourdhui voir comme
leurs hritiers.
Afin dviter redites et longueurs, nous rsumerons dabord en deux ta-
bleaux
(n?
2 et n?3) les donnes majeures concemant ces populations, puis nous
discuterons des interrogations et des vidmces concernant la plupart dentre
elles, tant entendu que les regroupements que nous proposons restent pour
lheure des hypothses de recherche succeptibles de modifications ultrieures.
1.
les
MAUYUNE et les SAUYUNE
Ces deux groupes ont t placs dans une mme rubrique parce quils sont
les seuls avoir une origine septentrionale. Dans un travail prcdent (P. Gre-
nand, 1972), nous avions eu tendance considrer les MAUYUNEJMAOU-
RIOU comme un groupe strictement forestier que nous identifiions dj aux
EMERILLON (famille Tupi-Guarani). Le:; sources les plus anciennes les don-
nent proches du littoral, et ce nest qu la
fin
du
X V I I e m e
sicle quapparaissent
deux groupes spars. Or, les donnes ethnohistoriques rcemment releves par
Navet(com. pers.) chez les Emerillon de YOyapockfont tatde Cayenne comme
antique lieu dhabitation de leurs anctres. Si lon ajoute a cela le fait que les
Palikur considrent les MAUYUNE comme les gens du coton [et du
.
hamac] (33), il nous est possible daffermir rios hypothses:
A
la fin du
X V I I e m e
sicle, il y aurait eu une premire pousse tupi vers le nord, pousse bien atteste
par Harcourten 1613 (1926), Keymis en 1586 (1722), etc ..en particuliercelle
33 Ceci rend caduque notre premiere tymologie karib qui rattachait MAOURIOUamuriu, porc-
pic
(Coendu
prehensilis) en galibi. Par contre, sil sagit
dun groupe
upi,
on
omprend mieux la
seconde etymologie: en Guy ane, les Em erillon et les Wstypi (groupes tupi) sont les seuls
a
connatre
lusage
du
mtier
a
tisser.
33
7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur
18/41
Noms dans
la tradit ion
orale Palikur
N o m s dans les textes et
cartes
ancieng avec
r-
b r e n c e d a t e
Selon les Palikur: origi-
nairesdumcaua, chasses
vers les
mangroves.
Eteints
entre Uaa et Cassipore
ou
au Cap dOrange.
Fusionns avec les Pa-
likur.
Pa t -e t re sous-groupes
Maye; fusion nes avec les