La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

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  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

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    LA CTE DAMAPA, DE LA BOUCHE DE

    LAMAZONE A LA BAIE DOYAPOCK,

    A TRAVERS LA TRADITION ORALE

    PALIKUR*

    Franoise Grenandu

    Pierre Grenand

    u*

    R E S U MO .

    Um a anlise eho-histrica d o passa do da Costa do Am ap

    apre-

    sentada aq ui como uma contribuio a o estudo d o pas sad o d as populaes indi-

    genas da Amaznia. um a confrontao entre a tradio oral dos indios Palik ur,

    os dado s dos arquivos, e os resultados d a pes quis a arqueolgica contempornea.

    A

    concluso

    u m esboo de algun s pon tos forte s da pesqu isa eho-histrica.

    SUM. n e analyse ethnohistorique d u pass de la Cdte dil m a pa estprsen-

    te ici en ta nt que contribution Itude du pa ss des popu lations indignes de

    lAmazonie. II sagit dune confrontation entre la trad ition orale des Pa liku r, les

    donnes darchives, et les rsultats d e la recherche archologique contemporaine.

    Quelques lignes directrices rur la recherche en ethnohistoire sont esquisses en

    con clusion.

    INTRODUCTION

    La rgion de savannes et de forts inondes entrecoupes de lacs qui stale

    * Ce travail est une reprise app rofondie dune co mm unication prsente au symposium sur lethno-

    histoire de lAmazonie, durant le 45em e C ongres des Ame ricanistes,

    tenu a Bogotti

    (Colombie),

    en Juillet 1985.

    +*Ethnolinguiste, CN RS .

    u*Anthropologue, ORST OM .

    1

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    2/41

    I

    Bol.

    M a s .

    Par.

    Emilio Goeldi.

    .Cr. Antropol.. 3 (1).1987

    de la bouche nord de lAmazone la baie dOyapock (l), forme un ensemble

    nettement diffrenci des grandes tendues de fort dense de terre ferme qui com-

    mencent immdiatement louest.

    Aujourdhui, cette rgion nabrite plus dans sa partie septentrionale, que

    trois groupes amrindiens diffrents, les Palikur, les Galibi de Uaa et les

    Karipuna, totalisant 2624 personnes en 1982 (Povos Indgenasno Brasil, 1983),

    alors qu linverse, les vidences archologiques (Meggers et Evans, 1957;

    Hilbert, 1957) montrent que le peuplementy fut autrefois continu et relativement ,

    important.

    Cependant, de faon quelque peu contradictoire avec ces vidences de peu-

    plement, cette rgion marcageuse fut ressentie parles voyageurs qui la longrent

    ou la jkmtrrent, et ce jusqu aujourdhui, comme rbarbartive pour les tablis-

    sements humains (2). De plus, enjeu colonial entre la France et le Portugal puis le

    Brsil, elle demeura de facto un refuge pour es groupes indignes fugitifs usquh

    la fin du

    X V I I I e m e

    sicle.

    Pour ces raisons, en bonne partie, la cte dAmapa a toujours t prsente

    par les auteurs anciens

    ou

    les anthropologues contemporains comme

    un

    em-

    brouillamini ethnico-gographique dont peu de cohrence pouvait ressortir.

    Toutes les tentatives, au reste superficielles, de rares exceptions prs, pourcom-

    prendre le peuplement de la rgion, soit persistent dans cette impression de noeud

    inextricable, soit procdent par classifications ou identifications htives reprises

    ensuite sans examen critique. Dans nos travaux prcdents sur lhistoire des

    Amrindiens de Guyane (Grenand, P., 1979 et surtout 1982),nous avions effleu-

    r le sjet du peuplement de la rgion ctire en cdant aux mmes dmons.

    Lexamen attentif, quoique non dfinitif (des sources nous manquent en-

    core) des documents anciens et de la littrature moderne, en particulier arche@

    logique, confront Ytude des traditions orales de la population survivante la

    plus importante de la rgion, les Palikur, nous amne aujourdhui rexaminer ce

    thme de recherche ethnohistorique. Nous esprons en cela rpondre modeste-

    ment au. voeu mis par Betty MEGGERS et Clifford EVANS (1957): l f a r -

    1 De 1978

    a

    1982,

    nous

    avons effectu plusieurs missions chez les Palikur de Guyane franaise,

    totalisant environ six mois denqute sur le terrain chacun.

    La premiere mission, de Juillet a Septembre 19 78, fut mene en coopration entre IORSTOM et les

    E R A 4 3 1 et 715 du CNRS, avec la prsence de Mme. Simone Dreyfus-Gamelon

    Toutes les autres missions ne comptaient plus que 1ORS TOM et lER4 431 du CNRS.

    Nous

    remercions particulierement M. Expedito Arnaud, du Museu Paraense Emilio Goeldi de

    Belem, de nous avoir fourni agrable occasion, pend ant trois jours, de sejo ume r au grand village de

    Ukumene,

    sur

    e

    Rio

    Urucaua.

    Nou s remercion s galement M. Hugu es Petitjean-Roget, qui, au cours de la premiere mission, Facilita

    grandement notre introduction au sein de plusieurs familles palikur.

    2 Un texte anonymede 1652, c i t par Ar turen 1750, nous dit:Le buttaitdengagerles Arecarets a

    quitter leurs terres, presque toutes noyes ... ce quils refusrent de faire.

    2

    Les Palikur et Ihintoire de 1Amapa

    cheologists and ethnologists will develop an awareness of assistance, they can

    render to each other, then the

    only

    result can beprofit to bo th specialties an d the

    advuncement

    o f

    the general field

    of

    anthropology.

    Quoique le prsent expos ne sintresse pas directement limpact des

    conqurants europens, il est clair que celui-ci constitue

    un

    facteur dcisif

    influant ngativement de faon permanente sur la nature et limportance des grou-

    pes indignes de la rgion.

    En

    sens inverse, les migrations, conflits

    ou

    alliances

    que cet impact a engendrs sont autant de rvlateurs permettant de dfinir lori-

    gine et?mique, la culture et les stratgies politiques de ces groupes.

    ANALYSE D E LA LZTTEXATURE ANTHROPOLOGIQUE ET ARCHEOLOGlQUE

    Bien que nous ne possdions pas dcrit, pas mme extensif, de facture mo-

    deme, sur la rgion qui nous intresse avant la monographie sur les Palikur de

    Nimuendaju (1926), il est important de noter lintroduction dj ancienne de

    deux erreurs essentielles qui grveront largement une bonne partie des crits ult-

    rieurs.

    La premire est celle de Ferreira Pena, qui, relevant Maraj, en 1881 , un

    vocabulaire am (le meilleur que

    lon

    possde), dclare que cette langue, parle

    .

    par un peuple qui fut fort guemer, ne peut tre que karib*. Bien quelle eut t

    classe ultrieurement, et juste raison, par Rivet (1924) comme arawak, ce qui

    fut pleinement confirmpar la collecte dun second vocabulaire aru dans le nord

    de 1Amapa par Nimuendaju lerreur fut reprise en 1957(3) sous la plume de

    Meggers et Evans dans leur investigation archologique de lAmapa et du Bas-

    Amazone.

    La seconde erreur est beaucoup plus srieuse en ce sens quelle va perdurer,

    implicitement

    ou

    explicitement, dans la quasi-totalit des crits voquant ou se

    consacrant la classification ethno-linguistique de la rgion (Rivet, 1924;

    Schmidt, 1926; Loukotka, 1935; Mason, 1950; Meggers et Evans, 1957; Noble,

    1965; Dreyfus, 1981).

    I1sagit de lidentification que firent Rivet e t Reinburg 1 921) des MARA-

    WAN aux anciens MARAO N puis aux PALIKUR, identification qui fut ensuite

    gauchie par les linguistes qui firent du MARAWAN- MARAON et du

    PALI-

    * Dan s ce travail , la graphie CAR IB sera util ise pour dsigner lethnie des Carib ctiers, OU Galibi

    La reprise de cette erreur renferme pour le moins une ambigut, car, p. 249, B. Meggers et C.

    Evans acceptent l es conclus ions de NIM UE ND AJU (1 26) e t les integrent a leur analyse, cepen-

    dant que p. 581 , elles sont mises endoute. Ce changement dopinion est regrettable, dans la mesure

    ou

    la minutieuse analyse archologique des diverses zones occupes p ar les

    ARUA

    (Amap, Mexiana,

    Caviana et Nord Maraj) leur permet de conclure a des traits communs en tre ARU et civilisations

    archologiques a rawak de lOrnoque et des Antilles.

    ou

    Kalba.

    La

    graphie KARIB sera rserve

    pour

    a famille linguistique.

    3

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    Le

    No

    r d d e

    D o n

    4

    L u diknr et

    lhistoire da

    1Aa;p.

    KUR,

    soit deux langues troitement apparentes, soit deux dialectes dune mme

    langue.

    La confusion part en fait de DEYROLLES (1916) qui signale limmigra-

    tion dIndiens du temtoire contest

    lest de lOyapock

    auto urde la Crique

    = rivire) Maraou ane, do le nom dlndiens de Maraouane ou simplement

    MARAOUANES,

    qui leur a rd donn.

    RIVET et REINBURG (1921) feront

    dune imprcision, une erreur, en ne se contentant pas dassimiler les Indiens de

    Maraouane aux PAL IKUR mais ecL les considrant identiques aux MA-

    RAONES (MARAON) dont parle la littrature sechelonnant du XVIme au

    dbut du XXeme sicles.

    .

    MM UEN DAJ U en 19 26 a longuement montr que les MARAON appa-

    raissent chez les auteurs anciens comme un groupe nettement diffrent des PA-

    LIKUR, ce qui est entirement confrmC par les traditions orales de ces derniers.

    En particulier, nous possdons de nombreuses vidences que leur langue tait dif-

    ferente du Palikur (cf. Tableau 3). Les derniers MARA ON constituant des com-

    munauts spcifiques, vcurent dans les bas-Oyapock (LEPRIEUR, 1831) et il

    nest pas impossible quils aient entre autres rsid la mme crique Maraouane,

    petit fluent de rive gauche du bas-Oyapock et constituant lcoulment naturel

    dun

    grand marais riche en gibier et en poisson. Cependant, la fin du XIXme

    sicle, il ny avait plus dAmrindiens

    clans

    cette rgion hormis une population

    mixte habitant les premiers sauts de 10,yapock. Cette population incluait certes

    des lments MARAON (COUDREAU, 1892, cite dailleurs le cas prcis de

    lpouse du chef Gnongnon) et ilestde mi)me certain que des lments MARAON

    existaient parmi les trois populations du bassin de la Uaa. Tout concourt cepen-

    dant afErmer, qu cette poque, cest ii dire peu de temps avant lclatement de

    laffaire du Contest franco-brsilien

    (1

    899, les MARAON avaient cess

    dexister en tant quethnie.

    Le destin du groupe PALIKUR., nomm tort MARAOUANE (MARA-

    WAN) par RIVET et REINBURG est de son ct bien connu. NIMUEN-

    DA JU a bien montrson volution, en particulier le retour du plus grand nombre

    des famillesUrucaua en Amapa vers 1920, tandis que dautres rencontres par

    nous

    tant

    Petit Toucouchy (Riv. Ouanary) que Couman-couman et Trois Pal&

    tuviers (bas-Oyapock) se considrent comme des descendants directs des mi-

    grs de 1900 tout en se rattachant aux miJmes clans que les PALI KUR de lUru-

    caua.

    Le tort de la plupart des chercheurs qui suivirent RIVET et REINBURG,

    ft davoir nglig NIMUENDAJU et davoir accord une valeur extrme au

    travail de RIVET, alors scientifique de renomme internationale.

    Ces malentendus limins, examinons les positions de

    nos

    principaux pr-

    dcesseurs sur le peuplement ancien de 1Amapa:

    5

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    Bdi.

    Mus. Par. Emilio

    Goeldi.

    s i r .

    Antropoi.,

    3 (1). 1987

    A la fin du XIXme sicle ce sont par des travaux archologiques que dbu-

    te Itude de lanthropologie de 1Amapa avec les dcouvertes spectaculaires

    faites par GOELDI en 1895

    (1

    900) et LIMA GUE DES (1897), respectivement

    au sud et au centre-nord du territoire. Linterprtation de leurs fouilles sera effec-

    tue soixante ans plus tard par MEGGERS et EVANS (1957).

    En 1926, NIMUENDAJU, dans le cadre de sa monographie sur les Pali-

    kur, publie un bon survol de lhistoire des ethnies de lAmapa et de la baie

    dOyapock confrontant les sources anciennes aux traditions orales des Palikur

    quil relve. Ces pages renferment, notre sens, les meilleures donnes actuel-

    lement disponibles

    sur

    la question.

    Entre autres apports, il est le premier mettre j ou r lexistence de clans

    chez les Palikur-et montr er travers la tradition orale limportance des relations

    interethniques en tant que dynamique rgionale. E n particulier, il fournit des l-

    ments suggrant une ancienne territorialit des clans. I1pose par ailleurs le pro-

    blme de lutilisation

    de

    termes gnriques comme celui de CARIPOU ou

    KA-

    RIPUNA comme gnrateur de confusions; dans le mme ordre dides, il montre

    bien la complexit de la formation des deux groupes ethniques vivant actuel-

    lement sur lUaa et le Curipi. Enfin, il signale la problmatique classification des

    MARAON et les ressemblances entre les poteries issues des sites de la rgion de

    Uaa et celles des PALIKUR. Nanmoins, il ne parvient pas tablir un suivi

    cohrent de la localisation et de lidentification des groupes ethniques et en par-

    ticulier des PALIKUR entre les XVIeme et

    X V I I I e m e

    sicles.

    Cest l la seule faille dune publication base sur un travail de terrain, dont

    certaines conclusions furent ngliges par plusieurs des auteurs postrieurs.

    Loeuvre deME GGERS etEVANS (1957) surlarchologie dubas-A.ma-

    zone et de 1Amapa pose un problme particulier. En effet, des dcouvertes ar-

    chologiques fondamentales dont lanalyse constitue lessentiel de leur ouvrage,

    ils ont ajout une br

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    Bol. M a s . Par. Emilio Goeldl . .ir. Antropol.. 3 1). 1987

    plement. Si, dans la suite de cet expos, nous nous servirons en partie de

    ses

    r-

    sultats transposs la zone qui nous intresse, on ne peut que regretter quil nait

    pas soulign loriginalit de la cte dAmap.

    Nous ne serons pas assez aveugles pour occulter

    nos

    propres dfauts: dans

    larticle de lAtlas de la Guyane consacr lhistoire des Amrindiens(P. re-

    nand, 1979), nous avons largement conserv une approche conventionnelle du

    peuplement de lAmap et de la baie dOyapock. Si

    nous

    avons bien postul deux

    couches de peuplement arawak,

    nous

    navons pas clairement spar les ethnies

    (Arawak proprement-dits, Palikur, Aru) et avons associ ce groupe, sans

    analyse critique,- les

    MARAON.

    Par ailleurs, nous avons rapproch de manire quelque peu arbitraire, les

    ethnies Itutan, Kusali, Yayo et Arakare du groupe galibi.

    Enfin,

    bien que nous

    ayons insist sur le rle refuge de lAmap de la fin du

    X V I I I e m e

    au

    X I X e m e

    sicle,

    nous

    navons pas pour autant dmontr avec assez de puissance lorigina-

    lit cologique de cette zone, qui,

    bien

    avant cette priode, en avait fait un pays

    riche, convoit par les Amrindiens.

    Enfin, il apparat indispensable de citer loeuvre de ARNAUD (1968,

    1969, 1970, 1984) qui, quoiquayant peu tudi laspect historique du peuple-

    ment indigne ancien de lAmap, constitue une source fondamentale pour la

    connaissance des systmes sociaux de la rgion, et particulirement celui des

    Palikur, dont il est actuellement le spcialiste. Pour ce qui nous intresse, nous

    retiendrons particulirement la discussion quil introduit sur les clans actuels et

    teints des Palikur, ainsi que sur la formation des ethnies Karipuna du Curipi et

    Galibi de lUaa.

    Dune faon gnrale, il accrdite - et nous rediscuterons de ce point

    -

    partir dune lecture des sources anciennes, le fait que lAmap tait une zone de

    langues arawak sopposant une autre, de langues karib situe plus au nord.

    Signalons enfin les travaux rcents de lAGAE (Association Guyanaise

    dArchologie et dEthnographie), dont les dcouvertes, en partie publies et

    interprtes, permettent tout particulirement de cerner avec prcision les limites

    nord de laire culturelle envisage.

    Les

    rsultats de leur recherche seront discuts

    dans le dernier chapitre.

    DE

    QU?XQUE CHA USSE-TRA PPES DEGUI SEES EN NOM S

    DETHNIE: LE PROBLEME DES NOMS GENERIQUES

    On

    ne saurait commencer une identifcation des ethnies de

    1

    Amapa et de la

    baie dOyapock, sans avoir au pralable tent de cerner le poids et suivi la fortune

    de quelques termes gnriques qui ont beaucoup plus contribu obscurcir qu

    eclaircir, ce quoi ils visaient pourtant, le panorama humain de la rgion.

    8

    Lee Pditar et

    lhistoire

    de I h a p a

    KA.RIB

    Leprincipal de ces termes fourre-tout est celui de KARIB. Cest en tout cas

    celui qui a

    COM U

    les dformations les plus importantes et les usages les plus

    varis, dpassant de beaucoup la rgion qui nous intresse (6).

    Dans un article rcent sur le cannibalisme Carib, WHITEHEAD (1984),

    montre quel point le terme dpasse, clans lhistoire des Antilles et du n o d de

    lAmrique tropicale, le cadre des simples vritables Indiens Carib ctiers.

    TAYLOR (1977) a montr quant

    lui que le mot est

    rattacher

    larawak

    KANIRIPHUNA, dsignant lennemi hrditaire, les Carib ctiers (Kalia) et

    les Cardibes insulaires (Callinago).

    En ce qui

    nous

    concerne, la lecture des rcits des premiers voyageurs nous

    amne confirmer avec une quasi-certitude lassertion de Whitehead. En parti-

    culier, il est intressant dexaminer avec attention la rcapitulation du peuple-

    ment et sa localisation gkographique dans les Guyanes (de lAmazone

    lOrnoque) propose par Keymis ds 1596 (1722).

    On lit entre autres choses des noms dethnies tels que Coonoracki (Norak),

    Arwaos (Am.)), Paranveas (Paragoto), Marowanas (Maraons) , Maworia

    (Mauyune), etc... suivis entre parenthses de lindication CHARIBES, crite

    quelquefois CHARIB. La lecture de son texte ou de ceux dautres voyageurs de la

    mme poque, tel Harccout en 1613 (1926)

    -

    l crit CARIBES-

    nous

    amne

    penser que le terme CHARIB est avant tout employ,

    cette poque, comme

    qualificatif, synomyme dIndiens hostiles. Cette notion dinimiti visant ini-

    tialement les ennemis des Arawak, devient de plus en plus vasive, et finit rapi-

    dement par dsigner ceux auxquels les premiers voyageurs et les Indiens avec qui

    ils pactisaient, se heurtaient. On peut y voir comme preuve le fait que les peuples

    avec qui Keymis, Harcourt et leurs successeurs eurent de bons contacts, en loc-

    currence les Iaos (Yayo), les Arricarri (Arikare)

    ou

    les Arricoum (Palikur), ne

    sont jamais qualifis de CHA RIBES.

    I1 apparat donc certain qu cette ljpoque des premiers contacts, il ne faut

    donner au mot CHARIB aucune connotation monoethnique, ni surtout mono-

    linguistique, mais quau contraire le mot sapplique autant aux anc6tres des Carib

    ctiers actuels (Kalifia) qu toute espce dennemi, partnt, tout tranger sup-

    pos

    hostile.

    Sautant les sicles, on retrouve le mot dans des emplois contemporains.

    Dans notre rgion, citons le cas des Palikur qui dsignent leurs voisins de Uaa et

    de Curipi du terme de KARIPNA, qui na plus le sens dennemi, mais celui,

    15Tout le monde connait le chemin que le mot KAIUB fit dans les

    langues

    euro@enes sous la forme

    d e C A N N I B A LE.

    9

    ,

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    Bol.

    M a s . Pu. milio

    G o e l d i .

    ser.

    Antropol., 3 I),1987

    vaguement pjoratif, dethnie trangre: on les appelle comme aparce quil

    sont mtisss de Brsiliens, nous dit-on.

    Faisant fi des frontires linguistiques, le terme passe chez des populations

    de langue... karib: les Wayana, dans leurs rcits historiques, nomment KALI-

    PON 0 leurs (anciens) ennemis, rappelant le temps

    o

    ils pouvaient encore se

    permettre de mener des guerres dans lintrieur du plateau des Guyanes.

    Nous ninsisterons pas sur le cas des Kalia qui sont appeles officiellement

    en Guyane Franaise, GALIBI e t Surinam CARIB, le premier des deux termes

    drivant directement des appellations arawak telles quon les rencontre chez les

    Palikur (KARIPNA), ou chez les Arawak proprement-dits (KALIPINA), le

    second ntant quune des facettes du vieux mot des chroniqueurs, CHARIBE,

    De Goeje (1928) et surtout Taylor (1977) ayant dfinitivement clairci ce pro-

    blme.

    Dans la rgion de lAmap et du bas Oyapock, lutilisation des termes

    CHARIB-KARIPNA et de leurs drivs est plus dlicate suivre.

    Jean Moquet (1617), &irme que le pays du bas-Oyapock est habit en

    1604 par les CARIPOUS, commands par le chef Anakayouri. Or, tous les

    voyageurs layant prcd ou suivi tels Keymis en 1596 (1722), Harcourt en

    .1613 (1926) et Jesse de Forest en 1623 (E. Forest, 1914) voient surlOyapock

    des Yayo, des Maraon et des Arawak confdrs sous les ordres du mmeAna-

    kayouri contre les Galibi, leur ennemi commun, mais de CARIPOUS, point. I1

    sagit notre sens, simplement dun nouveau bourgeon du vieux mot CHARIB-

    KARIPNA employ l de manire gnrique. (7)

    Hurault sest donc probablement tromp lorsquil a cru pouvoir identifier

    ces CARJPOUS avec les actuels KARIPUN et en faire un sous-groupe des Pa-

    likur. Arnaud (1 984) na fait que reprendre de bonne foi cette erreur, en citant son

    auteur.

    Vers le milieu du XVIIIeme sicle, aprs 150 ans dabsence dune quel-

    conque tribu des CARIPOU S,

    on

    voit apparatre dans les sources franaises les

    mots-de CALIPOURNES (Anonyme, 1760), GARIPONS (Aublet, 1775,

    puis Leprieur, 183 ), ou CARIPO UNS (P. Lanoe, 1786), dsignant invariable-

    ment ceux quAublet appelle des transfuges dune colonie portugaise tablie

    au-dessus de lembouchure de la Rivire des Amazones. Les noms de plantes

    recueillis par le mme Aublet auprs de ces rfugis, alors quil laborait la pre-

    mire flore de la Guyane, nous ont fourni la preuve quils parlaient une langue

    tupi, probablement la lingua geral. Un rapport de lordonnateur Lemoyne au

    Ministre de la Marine, dat de 1753 montre par ailleurs quil sagissait de popu-

    r

    7 Une autre hypothese serait de faire venir Caripou de Carip, nom dune colline (aujourdhui

    Montagne Bruyere),

    ou

    tait installe lune des principales comm unauts amrind iennes du bas

    Oyapock,

    au

    dbut du XVIIemeiecle.

    10

    L e s Pdikar et lhistoire de 1A.l.p.

    lations dj trs accultures, puisquil crit Ily apa rmi eux des chavent iers ,

    des tisserans, des sapaters (sic) et des ouvriers deplusieu rs sortes.

    Dailleurs, le

    mot CAR IPOUN semblait bien, ds cette date, tre appliqu

    des gens dethnie

    dsormais indfinissable, les autres rfugis, tels les Ant ou les Maraon gardant

    leur nom jusquau

    XIXeme

    sicle et ntant jamais confondus avec eux.

    Les migrs ne devinrent des CARIPOU NS quune fois arrivs dans la baie

    dOyapock, une altration du vieux mot arawak (ici sans doute palikur) servant

    une fois de plus de nom de baptme, puisque du ct portugais, ils taient appels

    TAPTJYA, son strict quivalent smantique dans les langues tupi (Verissimo,

    1937 , par exemple). Ce dernier terme fut dailleurs un temps encore employ par

    certains auteurs francophones pour dsigner ces migrs (Devilly, 1850; Reclus,

    1895), qui finirent par se rsoudre, non seulement se laisser appeler du terme de

    CARIPOUN, mais encore ladopter comme autodnomination.

    Aujourdhui, les KARIPUNA (CARIPOUNES pour les Croles de

    lOyapock) sont donc une population basiquement forme de rfugis amrin-

    diens acculturs venus au XVIIIeme sicle sur la cte dAmap et la baie

    dOyapock, renforce aprs 1830 par des rescaps de la rvolte des Cabanos,

    auxquels sadjoinrent, comme nous le verrons, quelques dments dautres

    ethnies amrindiennes.

    Prcisons, cependant, que Karipuna ne sapplique comme auto-dnomi-

    nation quaux habitants de Couripi, les habitants de Uaa ayant adopt depuis

    une cinquantaine dannes, lappellation de GALIBI; les deux groupes sont

    nomms collectivement KARIPNA par les Palikur, qui nanmoins introduisent

    des nuances ethnonymiques pour les diffrencier puisquils nomment plus parti-

    culirement PURUTI, les habitants du Rio Uaa.

    Daprs des tmoignages rcents (Povos Indgenas do Brasil, 1983), les

    Karipuna du Curipi gardent une conscience claire de leur origine principale, de

    mme quils affirment avoir autrefois parl la lingua geral (ce quavait dj not

    Nimuendaju en 1926 et que nous avons nous-mmes vrifi auprs dun vieil in-

    formateur rsidant dsormais sur la rive franaise du bas Oyapock), mme si

    aujourdhui leur langue maternelle est le crole guyanais. Ils ont aussi conscience

    davoir hrit danciennes populations amrindiennes de la rgion, certains de

    leurs traits culturels, comme la fte du tor, anime par un orchestre de clarinet-

    tes, bien connue ailleurs (Beaudet, 1983) et qui appelerait ici une tude spciale.

    ITUTAN

    On

    rencontre ce mot en galibi contemporain sous les formes I:TUDAN O,

    habitant de la fort

    (Kloos,

    1971) ou ITO:TO, indiens des bois (Renault-

    Lescure, 1981), faisant cho

    des mots tels que INTONIAN (Ijzerman, 191 ),

    ou ITOUR ANES (Barrre, 1743; Hartsinck, 1770) , dsignant les indiens des

    I I

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    7/41

    Bol. M u s .

    Par. Emilio

    Goeldi.

    &r.

    Antropol.,

    3 (1).1987

    montagnes et des bois, marquant ainsi une opposition entre les indiens ctiers

    (ici, essentiellement des Galibi) e t Iensemble des ethnies de lintrieur, montrant

    par l-mme la coupure qui existait (et existe encore), de lAmapa au Surinam,

    entre la cte et larrire-pays.

    Alors pue le mot CARIB avait atteint une diffusion gigantesque, en propa-

    geant lopposition entre bons et mchants indiens de lAmazone lOrno-

    que, le terme dITUTAN, quoique portant en filigrane la mme ide dtranger

    assirAzble ennemi, la restreint une oposition gens de la cte/gens de la foret,

    et fait donc porter la distinction sur le terrain des diffrences cologiques.

    Or, ctk du sens gnrique, apparait trs tt dans les archives le nom

    CITOUTANES (avec les variantes ITOULANO et HITOUTOVES) pour

    dsigner ce qui semble bien tre une ethnie particulire, bien localise temtoria-

    lement. Aprs avoir t rencontrs entre 1675 et 1733 dans la rgion comprise en-

    tre les actuels

    Rio

    Flecha1 et Cunani (Goupy des Marets, 1675-1690; Lefebvre

    dAlbon,

    1730;

    Folio des Roses, 1733), les ITO UTA NES passent ensuite dans

    le bassin du Uaa (Anonyme, 1760; Bertrand, 1786).

    I1est intressant de noter que les archives, comme la tradition orale palikur

    actuelle, indiquent que leur habitat tait la zone de contact savane-fort, ce qui

    justifie pleinement leur sobriquet Sobriquet? Cest probable dans la mesure o

    cette population, appartenant la nbuleuse ctire, a pu montrer une pdilec-

    tior plus marque pour un habitat forestier, sans tre pour autant une population

    de lhinterland guyanais.

    Leur autodnomination et leur langue nous demeurent inconnues (8). On

    sait simplement que les Palikur contemporains, nayant eux aussi gard pour les

    nommer que le mot ITUTA N moins que lon puisse un jour tablir

    un

    lien entre

    les ITUTAN et

    un

    des nombreux ethnonymes dont ils gardent le souvenir), pr-

    cisent quils

    neprla ientpaspa likur, mais une langue proche de celle desAru

    -

    ou

    de celle des Maraon.

    Leprieur, en 1831, est le dernier faire mention des ITOUTA NES: il en

    rencontre quelques

    uns dans le bassin de lUrucaua, mls aux Palikur. Les

    Palikur contemporains estiment pour leur part que les derniers ITUTAN ind-

    pendants se sont teints dans le bassin de IUaa.

    PARAGOTO

    Avec le mot PARAGOTO ,

    nous

    ne sommes peut-tre pas face un emploi

    gnrique. Certes, les archives des

    X V I I m e

    et

    X V I I I m e

    sicles nous parlent

    8 Si l e mot ITUTAN tait son utodnomination, i l y a de fortes chanc es pour que lethnie ait t

    karib. Sinon, il ne fait quindiquer quil

    y

    eut dans la rgion une population karib pour lavoir ainsi

    nomme.

    12

    L e s

    Paliknr et lhistoire de

    IAmapa

    de PARA GOTO en divers points de la cte entre Amazone et Surinam, mais de

    leur ctk, les Palikur nomment un de leurs clans PARA UYUNE. En dpit de leur

    caractre tnu, il nous parait intressant de tenter quelques rapprochements entre

    les deux faits.

    PARAGOTO, en Carib ctier (kalia), comme PARAUYUNE, en pali-

    kur, si&ient les gens de la mer, et un

    tel

    nom peut dvidence, avoir dsign

    diverses ethnies voyageuses, voire une seule, le long de la grande faade

    maritime.

    Les PARAGOTO, sous la forme PAR AR WA S, sont signals pour la

    premiere fois en 1596 par Keymis (172; ) lembouchure de IAraguari, et pour

    la derniere fois en 1686 dans un document franais anonyme sous le nom de

    PARACOSTES sur le bas Maroni. Entre-temps, on les signale le plus souvent

    dana

    cet temmergionduMaroni(Harcour t ,

    1613, (1926); DeLaBarre, 1666),

    ainsi

    qu

    Cayenne en 1573 et 1665 (Pirtur, 1750).

    Les

    documents les donnent soit allis, soit ennemis des Galibi, Keymis pr-

    cisant de son ct quils partageaient avec les Arikari et les

    Aru

    une mme

    langue tivitiva. Nous reviendrons plus loin sur le problme que pose lexistence

    de langues vhiculaires entre populations diffrentes.

    Que nous disent les Palikur sur leuis PARAUYU NE? Sils les considrent

    aujourdhui comme un de leurs clans (teint pour les uns, survivant travers une

    famille pour les autres (9) , la tradition orille

    nous

    prcise qu lorigine, ce sgens

    n

    taientpasdes Palikur. Ils neparla ientpas notre langue. Ils venaient du ond

    de la m er [dune le ou d h ivage lointain?]etpor taient leurs cheveux rass

    sur

    le devant avec simplement u ne range demre [selon es uns1 et longs derrire

    [selon es autres]. Cette tonsure insolite en Guyane nous rapproche non pas tant

    des Tupinamba qui sont dcrits comme de pitres marins (J. de LERY, 1552) et

    dont on ne connat aucune incursion sur la cte des Guyanes, mais plutt de ce

    que HUMBOLDT (1 852-53) nous dit des Carib quil visita sur le bas Ornoque

    la fin du

    X V I I I m e

    sicle.

    I1

    nous

    parat donc plausible, sinon certain, faute de preuves dfinitives, que

    les PARAGOTO aient pu tre un groupe trs proche des Carib occidentaux, qui,

    Ces divergences pourraient sexpliquer de la manire suivante:

    Le clan nayant plus quune femme comme demire reprsentante, certains lauraient considr

    comme teint; dautres, plus soucieux de maintenir

    un

    clan en vie que respectueux des regles de la

    patrilinarit, lauraient estim survivant.

    I1

    est en tous

    c a s

    intressant de noter quArnaud

    1 984),

    sest heurt au mme problme de

    survi-

    vance du clan.

    I1

    avance pour

    sa

    part que le clan des

    Parauyune

    ut une invention de chamane po ur

    camoufler un mariage endogame entre des

    Waywayene

    et que ce pieux m ensonge nest plus au-

    jourdhui quun secret de P olichinelle.

    Seule une enqudte complementaire p eut

    nous

    permettre de reposer le problme e t de tenter dy voir

    plus clair.

    1

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    8/41

    Bol. Mus. Par. Emilio Goeldi. r. Antropol.. 3

    (1).

    1987

    une fois rduits dmographiquement lors de la pousse espagnole au X V I e m e

    sicle, migrrent vers l'est, arrtant leur course dans le bas Maroni pour certains,

    plus l'est encore pour d'autres qui finirent par se fondre parmi les Palikur, au

    point d'tre considrs comme un de leurs clans sous le nom de PARAUYUNE

    qui rappelait leur origine (10).

    CLANS ET PEUPLES. L'UNIVERS SOCIOLOGIQUE ET

    RELATIONNEL DE

    L'AMAP

    Le chapitre prcdent a montr la grande confusion rgnant dans la littra-

    ture ancienne au sujet de l'identification des ethnies. Ce que l'on y trouve concer-

    nant l'organisation sociale et le systme conomique en est dans le droit fil.

    Nous ne nous hasarderons pas appliquer

    a

    la rgion de l'Amapa, comme

    on a vuMeggers e t Evans le faire (1

    57

    , ce que les chroniqueurs

    nous

    disent des

    Galibi (Boyer,

    1654;

    Laon,

    1654;

    La Barre,

    1666),

    et ce, pour plusieurs raisons

    dj effleures:- a premire est que les groupes de l'Amapa, mme si certains

    d'entre eux appartinrent

    la famille linguistique karib, se ressentaient profon-

    dment diffrents des Galibi.

    - ensuite parce que l'archologie a rvl des

    r i tes

    mortuaires en partie dif-

    frents de ceux des Galibi sur lesquels nous reviendrons.

    -

    parce que galement, Panthropophagie en tant que trait distinctif, es t pr-

    sehte d'une part e t absente de l'autre; ainsi MOC QU ET

    1617)

    affirme: Les

    Caribes mang ent les Caripous [ici espeu ples de la baie d e l 'Oyapock],mais les

    Caripous ne m angen t pa s les autres.

    - enfin, parge que l'cosystme tait bas su r l'exploitation d'un univers de

    marcages et de forts inondables, et non de la fort de terre ferme. L seul

    lment naturel commun aux deux ensembles culturels est l'ocan et sa cte

    coverte de mangrove, dont nous ne devons pas bien sr minimiser l'importance,

    en particulier son rle de route commerciale... et d'invasion.

    Examinons plus attentivement les divers facteurs ayant faonn la rgion

    tudie:

    L'univers naturel de l'Amapa, compos pour une part dominante de vastes

    zones inondables ou inondes (campos de vrzea, igap, mangroves ...)

    o

    l

    alternance hautes eauxlbasses eaux modifie profondment le paysage, h pl i-

    quant surtout des migrations saisonnires de poissons et d'oiseaux et pour une

    10 Une variante est Panyune, avec la mme etymologie, puisque le m ot 'h e? ' est polymorphe en

    palikur et peut aussi bien se dire parao, pawa que palawa.

    14

    L e s

    Paliknr et l'histoire d e I'Amapa

    autre part minoritaire, d'lets boiss (11), parfois levs dans la rgion centrale et

    septentrionale, limitant considrablement les possibilits d'implantation humai-

    ne, a ncessairement entrain une (ou plusieurs?) adaptation cologique originale

    de la part des Amrindiens.

    Celle-ci consiste principalement en une exploitation prudente des riches

    ressources en protines, en basant les activits

    non

    pas directement sur la

    variation du comportement des espces animales selon les saisons comme le font

    les Amrindiens de l'intrieur des Guyanes, mais indirectement sur chacun des

    milieux naturels disponibles, l'poque

    o

    la pche, la chasse, le ramassage et la

    cueillette y sont le plus favorables.

    Le

    second impratif de cette adaptation semble avoir t anciennement

    I'conomie des terres cultivables, une poque o le peuplement de la rgiontait

    plus dense. La limitation des surfaces merges et la ncessit de conserver, en

    particulier

    des fins technologiques, un couvert arbor, entrana une valorisation

    de l'agriculture au prix d'un travail plus intense (12). Ajoutons que dans chacun

    des milieux voqus, les facteurs cologiques prsentent une grande unit, alors

    qu'en fort de terre ferme, le relief, les sols et l'importance relative des cours d'eau

    varient considrablement d'un point

    un autre, induisant une variabilit leve,

    en quantit et en qualit, de la faune et de la flore. Les ressources des communau-

    ts indignes de l'Amap taient au contraire largement identiques partout

    puisque la plupart des milieux exploits existent dans des proportions similaires,

    de la baie de l'Oyapock

    l'Amazone.

    On

    peut donc avancer l'hypothse que ce sont les riches et stables

    ressources en protines, plus que la potentialit agricole, qui ont incit les

    hommes se fixer en Amap. Notons que cette ide a dj

    t

    formule par

    MEGG ERS et EVANS pour l'est de Maraj.

    De fait, les adaptations prsentes ci-dessus devaient tre accompagnes

    logiquement d'une concentration humaine suprieure aux zones de terre ferme et

    une limitation importante des dplacements de villages.

    E n ce qui concerne le peuplement, Denevan

    (1

    976), qui dclare avec une

    grande honntet dans son travail sur la population de l'Amazonie, n'avoir

    abord que marginalement le problme de l'Amap, indique qu'il vaut mieux

    Ces lets, levs de

    50 a 150 metres

    au dessu s des savan es environnantes, sont des fragments du

    massif ancien, isoles au milieu des plaines alluviales. La vgtation y est celle de la foret de terre

    feime. Dans l 'ensemble de la rgion tudie, de l 'Oyapock l'Amazone, existent galement des ter-

    rasses alluviales exondes en toutes saisons, couvertes de foret de vrzea haute galement et

    favorables

    I 'tablissement des communauts hum aines.

    l2

    C'est en tout cas ce qui ressort des tmoignages des Palikur concernant la technique ancienne de

    culture sur butte

    (P.

    R E N A N D ,

    I981),

    et de la culture a ctuelle de clBnes de

    manioc

    htifs et bien

    adapts aux inondations, varits typiques des civilisations de vrzea. L'agriculture contemporaine

    des Palikur est cependan t beaucoup plus proche de celle des populations de terre ferme.

    15

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    9/41

    Bol.

    M a s . Pu Emilio

    Goeldi. sr.

    Antropol.. 3 l), 987

    adopter pour cette rgion la densit de 1,3 Wkmz (dja applique Maraj), plutt

    que celle de

    9,5

    Wkm2 donne pour le littoral atlantique du Brsil, ce chiffre

    restant au demeurant suprieur celui de la fort de terre ferme voisine

    (0,33Nkm2)

    (P. GRENA ND, 1982). Si

    nous

    appliquons cette prudente densit

    aux zones inondables de lAmap et de la baie de lOyapock (environ

    23 O00 kmz), nous obtenons le chiffre de 30 O00 au moment de la Conqute. En ,

    comparaison avec le recensement par famille de Lefebvre dAlbon de 1729 (1730)

    qui donne 5900 personnes (1 3) pour le centre et le nord de la rgion envisa-

    ge (14), nous

    nous

    trouvons, 220 ans aprs le passage de Pinzon, face une

    rduction des 4/5 , par excs, de la population, rduction (malheureusement)

    standard compare celle dautres rgions du continent, et qui rend trs

    raisonnable la base prcdemment calcule de 30 O personnes.

    La consquence la plus tangible de ce peuplement relativement prospre fut

    sans

    doute une relle comptition. Avec qui?

    Tout dabord avec certains groupes de pcheurs-cueilleurs, comme les

    Maye, qui furent rejets dans lhabitat ingrat des mangroves o ils se marginali-

    srent, ce dont tmoignent autant les archives (Jesse de Forest, en 1623 et 1624,

    in E. Forest, 1914; Frolles, 1702-1704) que la tradition orale palikur.

    En

    dpit de ce climat dhostilit, la plupart de ces ethnies restaient

    en

    fait

    incluses dans le systme de relations festives et commerciales qui concrtisait

    lunit de la rgion, ce quattestent galement clairement les traditions orales.

    En ralit, cest surtout avec les groupes de la fort de terre ferme situs plus

    lest et au nord (du moins du

    X W m e

    au milieu du

    X V I I e m e

    sicle) que la com-

    ptition transparait le plus clairement travers les crits de Mocquet, Harcourt,

    Jesse de For est et dautres encore. I1est tout fait probable que ce soit cette com-

    ptition qui ait progressivement entran un mouvement de relative unification

    rgionale centre sur les Palikur.

    Essayons den cerner les vidences culturelles. Les Palikur dfinissent

    aujourdhui la totalit des groupes indignes de la rgion sous le nom de NAUE,

    quils traduisent en crole par le joli mot de NATION, reprenant l le vieux

    terme des voyageurs et des traiteurs franais des

    X V I I e m e

    et

    X V I I I e m e

    sicles.

    Ce terme de NATION a une lourde val6ur smantique, puisqu ct des ethnies

    trangres, il dsigne aussi chacun des clans exogames (15) qui composent le

    13

    Nous avons appliqu le coefficient

    4,

    convention gnralem ent admise par les historiens.

    l4 Dans le sud de IAmapa, a cette date, ne d evaient dja plus survivre que quelques centaines

    dAmrindiens, reliquat des d portations de la fin du

    XVIIeme

    iede.

    l5 Nous verrons plus loin quil nestjustement pas toujours ais de tracer une frontiere entre clans

    palihur et groupes trangers pour es temps anciens.

    16

    L e s Pdikar et lhistoire d e

    1Aa.p.

    peuple palikur et dont lorigine est supporte par un mythe (16).

    Les

    Palikur

    ntablissent pas de distinction (en tous cas, pas au niveau linguistique) entre les

    clans considrs, dans la mmoire collective, comme ayant toujours t palikur et

    ceux dont

    on

    sait quils

    y

    furent autrefois nittachCs, comme les Parauyune, le

    clan de la mer. En ses deux sens de clan et de nation trangre, le mot

    NAU E soppose catgoriquement

    celui de

    XIYE,

    qui dsigne lennemi h-

    rditaire, les Galibi (Kalia).

    Nous avons relev une tradition selon laquelle les clans taient autrefois en-

    dogames. Que devons-nous en penser? Que les actuels clans palikur taient

    initialement des groupes autonomes?Ou que: le changement radical dendogamie

    en exogamie cherche

    justifier a posteriori le thme de lalliance idalise

    travers les rapports interclaniques?

    En contrepoint des traditions orales insistant sur lunit culturelle de la

    rgion,

    nous

    avons relev trois mythes qui illustrent magnifiquement les avatars

    du mariage exogamique. Etant donne que les groupes voqus

    dans

    ces mythes

    sont aussi bien des clans palikur que des groupes allognes comme les

    AUN1

    (ARu),

    nous

    pouvons nous demander si le passage de lendogamie

    lexoga-

    mie, na pas plutt t au

    ZC V I I e m e

    sicle ou au

    X V I I I e m e .

    celui de lexogamie

    limite

    quelques clans Palikur bien localiss, tel le groupe dur voqu dans le

    Tableau 1, une exogamie gnralise mesure que se concrtisait lunit regio-

    nale

    acclre par la baisse dmographique.

    Un second lment-cl militant en faveur dune unification rgionale est

    lutilisation dune (ou plusieurs) langue vhiculaire crmonielle, ce dont nous

    discuterons plus loin.

    Un roisime point dj voqu, li au prcdent, est limportance des fes-

    tivals interclaniques et interethniques (17) ainsi que limportance, travers la

    mythologie, du thme de la diffusion culturel.le pourjustifier ladoption de traits

    nouveaux. Les exemples abondent dans la tradition orale que nous avons recueil-

    lie, et ils apparatront a et l travers la discussion portant sur les divers groupes.

    Enfin, n

    dernier lment fdrateur, et non des moindres, est constitu par

    de fortes prsomptions concernant lexistencie

    dune

    grande chefferie ancienne.

    Nous

    avons dj fait allusion prcdemment

    un

    chef clbre, Anakayouri,

    qui fut recontr par divers voyageurs europens au dbut du

    X V I I e m e

    sicle.

    Nous connaissons au moins deux de ses rsidences successives, lune lactuelle

    Montagne dArgent, dans la baie dOyapock, lautre la lagune de Mayacar, au

    l6 NOUS

    navons pu enco re recueill ir la totali t des mythes emergence. Cependang bon nombre de

    clans ont une consistance bien reelle dans la mythologie palikur. Le matriau brut est present e n

    annexe.

    bassin de IUaa.

    La f&e du tore aractrise aujourdhui encore la vie crmonielle des trois groupes indigenes du.

    17

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    10/41

    Bol.

    Mna.

    Par.

    Emilio

    Goeldi.

    sr.

    Antropol..

    3

    1).1987

    sud du Rio Flechal. Appartenant au peuple yayo et ayant fu Trinidad devant les

    Espagnols, il fdra, si lon se rfre au texte dHarcourt de 16 13 (1926), qui est

    le plus dtaill, les graupes du bas Oyapock et du centre de lAmap

    I

    assage

    o Moquet (1617) parle

    son propos dune flotille de guerre de 35 pirogues por-

    tant chacune 25 30 guerriers, voque bien une telle puissance. Harcourt nhsite

    pas dire, contre toute vraissemblance, que lautoritk dAnakayouri allait de

    lEssequibo lAmazone, alors quil tait prcisment le chef dune confdra-

    tion dirige contre les Galibi qui dominaientde faon incontestabletoute a &te

    lest de Cayenne.

    Harcourt mentionne le nom

    dun

    autre grand chef, Ipero, chef des Ar-

    racoories (que nous identifierons plus loin avec les Palikur), rputs pour tre en

    bons temes (hold good quarter) mais non allis avec les groupes du bas

    Oyapock (there is no hearty love andfriendship).

    La dernire remarque tire des archives concernant la chefferie ancienne

    nous provient du Pre Fauque (1 839) qui visita en 1736 le village de Youcara, sur

    le Tapamuru (affluent de lUaa), considr alors c o m e e grand chef des Pa-

    likur.

    Les PALIKUR contemporains, de leur ct, distinguent aujourdhui par

    deux mots diffrents, la chefferie des communauts actuelles (YAPTI, mot

    proche du karib, YAPOTO

    ou

    YAPOTOLI), de celle, ancienne,

    UTSIWARA,

    qui recouvrait lensemble de lethnie. Ils voquent celle-ci sur un mode merveilleux

    et une musique nostalgique, considrant quelle ntait lie aucune notion

    dhrdit, mais seulement au mrite, propension qui a dailleurs tendance

    se

    maintenir de

    nos

    jours au niveau des communauts 18); cette chefferie,.lie une

    geste hroque, englobait toutes les nations, tandis que celles-ci ne connais-

    saient pas lautorit dun quelconque chef de clan: Autrefois, il

    ny

    ava it quun

    seul chefpour th te s les nationspalikur, m ais aucune nation navait de chef

    elle.

    II ny

    avait quun roi [sic] nral.

    II

    habitait Urucaua.

    Paralllement, en cas de conflit extrieur, un chef de guerre, diffrent et

    silrtout provisoire, tait ncmm.

    Que penser de ce contraste entre absence dautorit villageoise ou clanique

    et puissante chefferie macrotribale? La tradition orale palikur nous fournit peut-

    tre un lment de rponse en ayant co ns ei certaines paroles dun de ces pres-

    tigieux chefs:

    Je nep eux pas aire la guerre: e suis si ort que egagnerais, et il

    ny a urait vi teplu s dautres nations que la mienne,

    [et nous ajoutons], donc,

    plus dunion interclanique et/ou interethnique possible.

    Chroniqueurs et Palikur confronts semblent biennous orienter vers uneou

    des chefferies symboliques au rle fdrateur, essentiellement tournes vers une

    Y

    5

    l8 Ceci favorisant singulierement le jeu dinfluence des administrations franaise et bresilienne et

    des missionaires de tous poils.

    18

    Les

    Pdikar

    et lhistoire de h a p .

    politique de paix,

    tout le moins recourant

    la diplomatie plutt qu la guerre,

    cette dernire tant dvolue au chef de guerre. On peut dailleurs penser que le

    rle conciliateur du chef de paix se maintint assez longtemps, en particulier face

    la ncessit daccueillir groupes et groupuscules fuyant laire mridionale o

    saccentuait la pression portugaise.

    En dfinitive, les quelques arguments avancs concourent faire des ctes

    de lAmap et de la baie dOyapock, une unit culturelle et politique plus

    ou

    moins homogne.

    Un examen plus fin des composantes ethniques de la rgion va

    nous

    per-

    mettre de temprer quelque peu cette proposition optimisante.

    LES NATIONS ANCIENNES DE LAMAP ET DE LA BAIE DOYAPOCK:

    CONFRONTATION DES ARCHIVES ET DE LA TRADITION ORALE PALIKUR

    I1

    est temps dessayer de tirer sur les fils de Ycheveau que forment, pour

    un

    Commenons par une approche quantitative.

    Examinons tout dabord quelques rsultats chiffrs: Au fil des sicles, les

    archivesnous ont conserv, quelquefois sous unnom, quelquefois sous plus de six

    ou sept orthographes diffrentes, tantt en

    un

    ieu, tantt en plusieurs, les noms de

    24 ethnies basiquement diffrentes.

    E n regard, la tradition orale palikur contemporaine (19) nous restitue 16 de

    ces 24 groupes, soit 67%, ce qui constitue pour le moinsun aux de recouvrement

    excellent, si

    lon

    tient compte du fait que les premires pices darchives que nous

    avons consultes datent, hormis quelques cartes du dbut du XVIeme sicle, de

    1595, et schelonnent jusquau dbut du

    XIXeme

    sicle.

    Les 8 ethnies non cites par les Palikur contemporains sont les suivantes:

    -

    4 groupes trs peu documents et dont nous ne pourrons dire plus dans

    Ytat actuel de nos connaissances:

    les ARIRIANES (1675-1690; 1733)

    les OUARAMIOS (1733)

    les ANOUYES (1675-1690)

    les MAPROUANES (1596, 1674)

    -

    Deux groupes forestiers que

    lon

    retrouvera ensuite cits par les archives,

    dans le haut Oyapock (P. Grenand, 1982, D. Tilkin-Gallois, 1980).

    On

    peut ne

    pas stonner que deux ethnies nayant pas fait partie de lunivers relationnel des

    Palikur et ayant trs tt quitt la rgion, ne soient pas conserves dans la mmoire

    collective:

    regard press, les nations ayant peupl la rgion qui nous occupe.

    les MAKAPA

    l9

    Pour

    la comparaison avec les archives, nous

    nous

    basons sur nos strictes donnees de terrain. Les

    elements recueill is par Nimuendaju et Arnaud

    seront

    introduits si besoin e st

    19

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    11/41

    Bol. Mas. Par. Emilio

    Gocldi.

    . ir.

    Antropol..

    3

    (1).

    1987

    les KUSARI

    -2

    groupes enfiin, qui posent problme et dont

    nous

    reparlerons plus loin:

    o les ARAWAK [proprement-dits]

    les ARAKARE

    Interrogs sur leur pass et celui de leur rgion, les Palikur contemporains

    nous donnent le nom de 36 NATIONS, Parmi ces 36 NATIONS, nous

    retrouvons bien sr les 16 noms recoups par les archives, cependant que 20

    noms sont prsents dans la seule mmoire palikur (20). Une telle inflation a de

    prime .,tbord de quoi surprendre. Voyons de quoi elle est compose:

    14 clans palikur

    6 ethnies trangres

    Ces dernires peuvent porterun autre nom dans les archives, navoir t que

    des sous-groupes dautres ethnies, ou encore avoir t des groupes locaux dsig-

    ns par leur lieu dhabitation et

    non

    de vritables ethnies dontnouspossederions le

    nom par ailleurs.

    I1

    ne faudrait rien voir

    18

    dtonnant

    sur

    une periode aussi longue

    et aussi mouvemente. La question mrite simplement dtre creuse.

    Bien plus intressant est le premier chiffre: Les Palikur nomment en tout 18

    NATIONS quils considrent comme formantou ayant form leur peuple; 4 seu-

    lement sont connues des archives,

    o

    elles

    nous

    sont donnes pour des ethnies.

    Sur ces quatre clans, les Palikur nomment

    1 nation trangre, les PARAUYUNE-PARAGOTO, absorbe et

    leve au rang de clan;

    0 2 clans migrs du sud, les TUKUWEINE-TOCOYENNES et les

    1 seul clan ressenti comme faisant partie du noyau dur desPalikur, les

    Mais

    les-14

    autres clans palikur, teints

    ou

    survivants, sont totalement

    ignors des archives.

    Autant dire que les anciens voyageurs ne se sont pas du tout rendus compte

    de la division clanique des Palikur. Peut- trs labsence de chef de clan dont nous

    ont parl les Palikur y t-elle pour quelque chose. Le premier, en tous cas, avoir

    prononc le mot d_e clan es t Nimuendaju en 1926, suivi de Fernandes en 1948 et

    dArnaud en 1968.

    Ainsi, si

    lon

    considre que les anciens voyageurs ont pens, et surtot vcu,

    les Palikur comme

    un tout,

    l y

    a

    une trs bonne correspondance entre archives et

    tradition orale palikur pour 12 noms qui semblent bien recouvrir des ethnies

    autonomes qui peuplrent la rgion qui

    nous

    intresse. Lexistence de ces ethnies

    semble bien relle, puisquaux 18 clans palikur, les archives nopposent quun

    2o op pos es ici aux archives et non aux traditions orales des au bes groupes de la region.

    -MAIKYUNE-MAIKA;

    UWANYUJ4E-OURANANIOU.

    20

    Les Pdikur et lhistoire de 1Am.p.

    compact peuple PALIKUR, plus 4 clans seulement prsents comme auto-

    nomes.

    Essayons maintenant davoir une a.pproche qualitative. Aprs avoir parl

    chiffres, voyons comment se structuraient les clans palikur et comment se struc-

    turaient les autres ethnies, partir des indications fournies tant par les Palikur

    contemporains que par 1 cho que peuvent

    nous

    en donner les archives.

    LES PAIdKUR

    Comme lavait dj fait remarquer Nimuendaju en 1926, le nom des

    PALIKUR apparat pour la premire fois sous la plume de Vincente Yanez

    Pinzon en 1513,

    sous

    la forme PARICURA pour dsigner une province situe

    au nord de lAmazone.

    Ce nom sera ensuite reproduit,

    peu de variantes prs, sur toutes les cartes

    dressees entre 1515 et 1595. I ait est remarquable dans la mesure

    o,

    pour

    toute la zone qui va de la pointe nord-est du.Brsi1aux bouches de lOrnoque, ces

    premires cartes sont en gnral pauvres en noms indignes, tandis quelles

    abondent en toponymes espagnols.

    Ce nest qupartir des voyages de lbleig h (1593; 1596) et dautres

    Hol-

    landais, Franais et Anglais, que vont surgir des cartes riches en toponymes in-

    dignes et en noms dethnies. Or, pendant toute la priode allant de 1595

    1650,

    lethnonyme PALIKUR napparatra plus dans sa puret originelle, ce qui ne

    signifie pas pour autant, c o m e affirme NIMUENDAJU, que

    lon

    nentende

    plus parler des Palikur avant 1652 (Pre Biet, 1664). Sil semble bien y avoir eu,

    chez plusieurs voyageurs anciens, une certaine confusion tablie entre les PALI-

    KUR et une autre ethnie, les ARIKARE,

    il nous

    parat cependant possible de

    bien les distinguer

    sur

    deux paires de noms clairement attests et dont les mem-

    bres sont dSrencis autant par leur orthographe que par leur localisation go-

    graphique. Ces couples sont les suivants (21):

    -dans Keymis, en 1596 (1722):

    ARRICARRI ARRlCOURRI

    sur le Maipari (plus tard Mayacar),

    complexe de lagunes entre le bas Ara-

    guary

    et le

    Rio

    Flechal.

    -dans

    Harcourt,

    en 1613 (1926):

    sur le Caypurogh (actuel

    Rio

    Cassipor).

    ARRACOORY

    RRICARY

    3 seigneureries entre YArrawary

    (actuelle Araguary) et le Cassipurogh

    (actuel

    Rio

    Cassipor).

    eritre le Cassipurogh et

    PArracow (actuel

    Rio

    Urucaua).

    21 NOUSavons retenu ici que des tkmoins

    occulaires

    et

    non

    des compilateurs cartographes

    ultrieurs.

    21

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    12/41

    Bol.

    Mos. Par.

    Emilio

    Goeldi. .ir. Antropol.. 3 I),

    1987

    Jesse de Forest (E. Forest, 1914), quant lui, parle, en 1624, des

    ARICOURS du

    Rio

    Cassipor, ennemis des Caribes et des Mays.

    I1 nous semble tout fait pertinent de conclure que les ARRICOURRI -

    ARRACOORY sont les PALIKUR, dont un groupe est dj localis sur la

    rivire Urucaua, quils nomment eux-mmes Aukwa, et que

    lon

    trouve sous la

    forme Arracow dans les vieux documents anglais, et Aroucaoua dans les d e

    cuments franais du X V I I I e m e sicle.

    A

    partir de 1650 et jusqu nos jours, lethnonyme PALIKUR apparat

    dans la quasi totalit des documents, renvoyant lautodnomination standard,

    PARIKWENE (22).

    Une fois clairement attest que les Palikur sont des occupants de lAmap

    au moins depuis larrive des Europens, se pose le problme de leur territoire

    prcis.

    Induisons dentre de eu que la notion de territoire indigene, pour les Pali-

    kur comme pour les autres ethnies de la rgion, a toujours donn aux voyageurs

    une impression de complexit due au fait que ceux-ci recherchaient des groupes

    territorialement bien dlimits, alors quils taient face des nbuleuses de com-

    munauts, dethnies diffrentes, simbriquant les unes dans les autres, le tout

    tant coiff par un rseau relationnel trs tendu.

    Lorsque les Palikur actuels se rfrent leurs clans tels quils taient

    an-

    ciennement vcus, ils essaient dabord de les localiser. Cest dj cette tendance,

    mme si elle aboutit parfois des contradictions entre nos donnes et les siennes,

    quavait enregistr Nimuendaju en 1926.

    Si lon se tourne, ct de cela, vers les donnes contenues dans les archi-

    ves, se rfrant elles, la plupart du temps aux seuls Palikur et nallant pas jusqu

    leurs clans, se dgage un habitat impliquant une vaste aire de dispersion. Dans les

    documents qui schelonnent entre 1596 (Keymis) e t 1733 (Folio des Roses),

    divers points habits par les Palikur sont signals entre les lagunes de Mayacar

    et le Curipi actuels.

    22

    Lassertion de

    S.

    Dreyfus (1981), selon laquelle Ankwayene,gens de la riviere du milieu

    (cest

    a

    dire habitants du

    Rio

    Urucaua) serait lautodnomination des P alikur, souleve une ques-

    tion

    nteressante. Comme Arnaud (1984), nous

    pensons

    que dans

    son

    tat actuel, ce nom recouvre

    plus une.prcision gographique destine

    opposer les habitants de lUrucaua, coeu r de lethnie

    depuis 250 ans, aux au tres Palikur. En effet, les traditions orales recueillies, uti l isent PA N K W E N E

    ds quil sagit de parler des P alikur et PA RIK WA KI, p our dsign er leur langue actuelle. I1 reste

    cependant que

    nos

    informateurs ne dcomposent pas ces deux termes

    a

    la diffrence de AUK-

    WA YEN E qui lui -mme renvoie cur ieusement au ARRA COOR Y de Harcour t .

    On

    eut donc se

    d e m a n de r s i PA N K WE N E e t A U K WA Y EN E n e s o n t pa s b a si q u em e n t

    un

    eul et mme mot, le

    premier tant le rsultat de lvolution du second

    sous

    le poids dinfluences linguistiques exterieures.

    22

    Les Paliknr et lhistoire de IAmap.

    Douze des 18 clans palikur sont localiss par la tradition orale dans les

    limites de cette mme zone, quoique toutes les localits indiques le soientdans la

    partie septentrionale. Les pressions portugaises, bien attestes dans les archives

    (Hurault, 1972), ont pu pousser les populations se tasser vers le nord sans pour

    autant leur donner limpression dun vritable abandon de territoire. Les tradi-

    tions orales se rfrant ces 12 clans nous donnent donc, sous leur teinture

    danciennet grandissime, une image trs dix huitime sicle de la gographie

    humaine des lieux.

    En outre, sur des bases linguistiques, les Palikur reconnaissent un dcou-

    page originel de leur ethnie en deux groupes: lun que nous qualifions de noyau

    dur, form de six clans qui auraient t seuls parler la langue crmonielle ou

    KIAPTNKA, et un noyau priphrique initialement form de trois clans

    parlant une seconde langue crmonielle auxquels neuf autres se seraient ensuite

    joints (cf. Tableau 1). Aussi dificile

    interprter soit-elle

    -

    on trouve par exem-

    ple des clans ayant migr de rgions loignes dans les deux noyaux - ette

    dichotomie esquisse par les PALIKUR contemporains semble bien indiquer

    lexistence ancienne de deux sous-groupes, gographiquements diffrencis.

    Si lon admet cette hypothse, il nous faut ds lors examiner les Clments

    historiques militant en faveur de lexistence ancienne de PALIKUR mri-

    dionaux.

    Certes, lunique mention, au milieu dun peuplement maraon, dun Rio

    PARICORES, faite par Jesse de Forest en 1624-25 (E. FOREST, 1914) et

    identifiable avec lactuel Rio Anauera-pucu prs de la ville actuelle de Macap,

    peut paratre un peu mince pour conclure la prsence de PALIKUR au sud de

    lAraguari (Nimuendaju, 1926); pourtant les traditions orales font venir de loin

    vers le sud, de

    (Uumeuni,

    la rivire des canots), du Brsily,

    quatre des dix-huit clans (23), et pas des moindres: lun, les Kawakukyene est

    encore bien reprsent aujourdhui. Un autre, les Kamuyune, teint depuis

    peu, na rien moins donn aux Palikur que leur langue actuelle et la rpe manioc

    mtallique (24). Le troisime, les Maxamaine, aujourdhui teint, a apport

    avec lui la culture du manioc. Ledernier, erd, les Tukuweine,galement teint,

    23 Le

    ort des deux autres clans immigrs ne sera pas exam ine ici.

    Lun,

    e s P A R A W U N E , g r ou p e

    tranger palikurise a t vu plus haut.

    Le

    second, l es PA IM W M E, que cer ta ins nomment POE-

    MYUNE, pose

    un

    problme didentification. Certaines traditions le localisent

    sur

    IUaa, dautres

    sur la rive gauche de lOyapock.

    I1

    peut tout simplemen t sagir de deux clans distincts, aujourdhui

    confondus. La prsence dun appendice de peuplemen t palikur sur lOyapock est par ail leurs bien

    attestee:

    nos

    informateurs palikur, qu ant

    eux, insistent sur le fait que cest sur cette tte de pont que

    se greffa la migration vers la Guyane apres 1900, et d e fait , Brletout de Prefontaine, en 17 49,

    recensa 47 Palikur dans lestuaire de lOyapock (rive gauche).

    24

    Eclats de fer ou de fonte enc hass s dans une plan che en bois. I1 sagit dune adap tation p0St-c-

    lombienne de la rpe en bois ave c enchasseme nt dclat de pierre.

    23

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    13/41

    ,

    Tableau I

    -

    es clans Palikur actuels et anciens.

    ~~~~

    teints

    teints

    recemment.

    Nom dans la tradit ion orale No m dans les archives

    Etymologie du

    nom

    Sta tu t ac tue l

    1

    Noyau durdes

    clans

    KA WAKUKY ENE ,

    KAWAYLJNE

    (KAWALPUKYENE,

    Nimuendaju, 1926;

    Amaud, 1968).

    KAWAKUKYEN,

    I;: K W I M W N E ,

    KWEMYUNE

    (KUEMYUN, Arnaud,

    1968); le clan KWALYUU

    de Nimuendaju est peut-

    tre

    identique.

    UWANYUNE

    W A K A P ~ Y E N E

    (WAKAPTUENE,

    Nimuendaju, 1926,

    UAKAPUNI - IEN,

    Fernandes, 1948,

    WAKAPUNY NE, Arnaud,

    1968)

    Ourouraoura (1675-76)

    Ouranarioux

    (

    1729)

    Ouraroyou (1733)

    De Kwawu

    ananas sauvage

    (Ananas ananassoides)

    et Ka-

    wakukifourminoire associee

    cette plante; la premibre 6ty-

    mologie correspond aux indica-

    tions

    de Nimuendaju et Arnaud.

    De

    Kwem, bambou G u a -

    duo

    sp) . Arnaud indique raa

    de uma arvore?

    Vivants

    Eteints

    De

    uwan, paca

    (Cuniculus

    paca) .

    Eteints

    Dewmlupen

    fourmi

    qui vit SUT

    larbre wakap (Vouacapoua

    mericana). Nimuendaju les

    fait descendre dun oiseau ma-

    liki.

    Vivants

    Rem arques sur leur or igine

    gographique

    (tradit ion orale actuelle

    indique en premier)

    Emigres de lAmazone vers la

    Pointe Moustique puis a lUru-

    caua. Mme remarque chez Ni-

    muendaju; pour Femandes

    (1948) il sagit dun

    groupe

    de

    Karipuna emigre de lAmazone,

    guid par un jaguar, qui se fon-

    dit plus tard avec les Palikur.

    Originaires du haut Urucaua

    (Crique Kwim pres du Mont

    Wakairi ou du Mont K arupna).

    Originaires de Urucaua. Les

    source *anciennes les localisent

    en divers points entre le Cap

    Nord et lOyapock.

    Originaires de C ouripi; sontpas-

    ses ensuite

    ii

    Urucaua. Venaient

    de la rivibre Wanatuliwa (non

    localisbe) selon Nimuendaju.

    (continua)

    (continuatio)

    Tableau I - Les clans Palikur actuels et anciens.

    Nom dans

    la

    traditiono r d e

    WAYWAYENE

    ou

    ITEYUNE

    Nimuendaju, 1926;

    UAIPRI-EN, Femandes,

    1948; WAWI - YUN ,

    Amaud, 1968).

    2 Clans

    pdriphdriques

    AKAMAYNIYENE,

    AKAMAYNE

    K A M U W N E

    (KAMOHIWNE, Nimu-

    endaju, 1926; CAMUIU-

    EN, Femandes, 1948;

    KAMUYEN, Arnaud,

    1968)

    I W A I ~ R E Y E N E ,

    VI

    No m d ans les a rchives

    Etymologie du nom Sta tu t

    actuel

    Le premier nom vient de way-

    y a y marcher, arpenter, le

    2eme de

    itey,

    chenille arpen-

    teuse parasitant larbre

    ite-

    W a n (Himathantus arficu-

    latus).

    De

    akam singe dcureuil

    (Saimin sciureus)

    De

    kamu, soleil, parce que

    leurs yeux brillaient comme des

    soleils. .

    Vivants

    Remarques sur leur origine

    gographique

    (tradit ion orale actuelle

    indique en premier)

    Originaires de Urucaua. Nimu-

    endaju en fait par erreur un grou-

    pe spare des Ikyune. Fernan-

    des considre, les Waywaycne

    comme etant

    une

    scission des

    Wakapyene.

    f

    z

    Originaires de la source du Rio

    Uaa.

    Onginaires de la Uumeuni (A- E

    mazone). Nimuendaju

    les

    fait

    e

    venirdu mont Maye(Rio Cuna- 3

    ni): A lorigine ethnie etrange re;

    c:

    lunion dune femme kam uyene

    E

    avec

    un

    Palikur est lorigine du

    clan du mme nom; Nimuenda ju

    parle dune echangede s3eurs en-

    tre un Kamuyune et un Waka-

    pyene, le premier tant le fon-

    dateur du clan.

    B

    ;

    p

    continua)

    8

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    14/41

    (continuafio)

    I

    T a b l e a u

    I -

    Les clans Palikur actuels et ancierls.

    Statut actuel

    Remarques

    sur

    leur origine

    geographique

    (tradition orale actuelle

    indiquee en premier)

    Originaires de Urucaua.

    Ce groupe semble tre passe,

    dapres les archives, de lAra-

    guari (Goupy des M arets,

    1675-

    76) IUrucaua (Anonyme,

    1760).

    N o m d an s les archives

    Etymologie du nom

    N o m

    dans la

    tradition orale

    D e mabiki, mas

    maycas (1675/76),

    Maykas (1729),

    Maicas (1760)...

    MAIKYUNE

    Eteints

    Eteints

    Probablement originaires du sud

    de la rgion.

    Sont

    lorigine de

    la culture du manioc.

    Peut etre identiques aux

    Wm-

    sairuene de Nimuendaju,

    Was ,

    ignifiantabatts. plan-

    tation. *

    MAXAMAINE

    De maxamxa tortue mata-

    mata (Ch e l i s f imbr ia fu s )

    De mayuy rale deau;

    (La-

    terallus sp.).

    Selon

    Arnaud

    raa de um pssaro semelhan-

    ie ao jaana.

    Originaires dune crique U ume-

    uni, aftluent du Cassipore [ne

    doit pas tre confondue avec

    lAmazone]. II existe une legere

    confusion entre ce clan et les

    Maye.

    (continua)

    I

    MAYUYNE

    Arnaud, 1968)

    (MAYUYNOYEN,

    Eteints

    (continua8o)

    T a b l e a u I-Le s clans Palikur actuels

    et

    anciens.

    Nom dans

    la

    tradition orale

    Nom dans les archives

    Etymologie du nom Statut actuel

    Remarques

    sur

    leur origine

    geographi que

    (tradition orale actuelle

    indiquee en premier)

    ~

    PAIMYUNE

    (PALAIMIUNE,

    Nimuendaju, 1926,

    PARAMYUN, Arnaud,

    1968). Le nom veritable

    serait PWEMYUNE selon

    certains Palikur.

    1 ) D e Paimyu, silure cou-

    man-

    couman Anirs ouma).

    2) D e Pwem, mle bois ca-

    non (Cecmpiasciadophylla .

    Originaire de Uaa [idem selon

    Nimuendaju]; une autre version

    les fait venir de lOyapock

    vivants

    Eteints

    h

    PAUYUNE(PAR4YUN,

    Arnaud 1968)

    p.

    13

    etnote 9

    oir

    TUKUWEINE,

    TUKUWINE

    Tocujos

    (1

    640)

    Tocoyennes (1675-76)

    Tocoyennes (1786)

    De

    tuku,

    oiseau japu Os-

    tinops decumanus).

    Originaire du Bresil. Cest -

    dire du sud de IAmapA, h i -

    g re nt lOyapock, puis h Uru-

    caua [pratiquement identique

    selon les archives].

    Originaires de la M ontagne Wa- 2

    kairi

    ou

    mieux K arupna; seraient 2

    les uniques su rvivaqts du D elu-

    ge.

    II

    est interessant de remar-

    f

    quer que les inform ateurs de Ni-

    muendaju les considerent com- a

    me un melange de Palikur et de

    Maraon donn es comme premiers

    occupants de Couripi.

    g

    s

    (continua)

    WA YENE

    (WASILIENE, Nimuen-

    daju, 1926, WASNEN,

    Arnaud, 1968).

    De waf

    i,

    montagne, colline

    (traduit par terre in Nimuen-

    daju et Arnaud).

    Vivants

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    15/41

    Bol. Mols.

    Par. Emilio

    Goaldi .

    sr. Antropol..

    3 (1).1987

    Les Pdiknr et lhistoire de

    IAmapa

    Q

    M

    O

    .-

    5

    z1

    est quant

    lui un groupe individualis

    sous

    .le nom de TUC UJUS dans les archi-

    ves portugaises et celui de TOCOYENNES dans les archives franaises.

    Ils

    y

    sont localiss entre le fort de Macap e t lembouchure du Jari.

    O n

    les dit dabord

    allis des Franais, puis perscuts et dports par les Portugais

    ftn

    du

    XVIIeme

    sicle), avant quenfin les survivants ne se rfugient dans le bas Oyapock, itin$

    raire confirm par la tradition orale palikur, qui ajoute quune partie des rhgis

    prit le chemin dUrucaua oh ils steignirent (probablement en fusionnant).

    Ces mouvements brusques de populalion vers le nord sont corrobors par

    les evidences archologiques montrant que cest sur la rive nord de lAmazone

    que les civilisations prcolombiennes svanouirent le plus rapidement: 120 ans

    aprs les dbuts de la Conqute, la civilisation de Mazago nexistait plus, con-

    trairement ses voisines du nord de Maraj et des les voisines (Aru) ainsi que

    de 1Amapa (Arist) qui perdurrent (Meggers et Evans, 1957).

    Les recoupements prcis entre archologie, archives e t tradition orale con-

    cernant le groupe des TOCOYENNES -TIJKUWE INE mritent

    notre sens

    que nous accordions crdit aux traditions palikur faisant venir quatre clans du

    sud.

    On

    pourrait se poser la question ultime de savoir si ces clans taient dj

    palikur ou sils ne se palikurisrent quaprs leur amve dans le nord de

    IAmapa ainsi que

    nous

    lavons suggr

    pour

    les Paragoto venus de lOuest. Les

    Palikur rpondent eux-mmes la question en

    nous

    disant que les Kamuyune

    donnrent leur langue aux Palikur (et leiir langue nest autre quun dialecte

    palikur, nous y reviendrons), cependant quils ajoutent que les Kawakukyene

    appar tiennent au noyau dur des cinq clans palikur ayan t parl le mme dialec-

    te.

    I1

    semble bien improbable que des groupes trangers, dans le contexte de

    baisse dmographique rgnant alors, eussent pu parvenir aussi facilement un tel

    S t a t u t .

    Nous

    nous trouvons donc, notr e sens, devant Ividence dun noyau mri-

    dional de Palikur culturellement individualis6 qui aurait ensuite fusionn avec les

    groupes du nord en raison de la pression portugaise, et non pas une arrire-garde

    de migrants comme le croyait NIMU END,4 JU.

    LANGUE PALIKUR

    LANGU E VEHICXJLAIRE

    II nous semble opportun daborder ici la question linguistique qui court en

    filigrane dans tout notre propos.

    Que parlent les Palikur? Quont jadis parl les Palikur? Quels rapports la

    langue entretient-elle ou a-t-elle entretenu avec la division clanique de lethnie?

    Autant de questions auxquelles il est difficile de rpondre rapidement, et

    au

    sujet

    desquelles les Palikur contemporains sont dune prolixit remarquable.

    29

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    16/41

    Bol.

    M a s .

    Par. Emilio Goeldi. 8r. Antropol.. 3 (1).1987

    Noble (1965) a propos de classer le palikur avec les langues arawak du

    Xingu. Sur la foi de la liste des cent mots de Swadesh traite par la glottochre

    nologie, il lui semble en effet que 44% des mots sont en commun entre le palikur et

    le mehinaku. Outre le fait que le palikur comporte aussi 39% de mots en

    commun avec le moxo (Bolivie), ce qui sur une liste arbitraire de cent mots

    revient pratiquement au mme, outre aussi le fait quaucune des classifications

    antrieures de la famille arawak ne classe le palikur de la mme manire que ses

    voisines (Rivet, 1924 ; Schmidt, 1926; Loukotka, 1935; Mason, 1950; Green-

    berg, 1956, toutes cites par Noble; D e Goeje, 1928) il ne nous parat pas que

    lon puisse considrer c o m e dfinitif cet apparentement entre le palikur et les

    langues arawak du Xingu, et encore moins parler dune sparation remontant

    1900 ans.

    Par ailleurs, une tentative plus rcente de classification par E. Matteson

    (1972), rattache le palikur aux diverses langues arawak du haut

    Rio

    Negro

    (baniva de lIana, kuripako, tariana etc..,) sous lappellation de sous-

    grou pe newiki oriental.Ce classement qui ncessite confirmation, car le

    palikur contient de nombreux traits spcifiques difficiles classer, nous semble

    au regard du matriel comparatif dont nous disposons actuellement, plus solide

    La position du palikur, qui, somme toute, apparat comme difficile

    dterminer, tire tantt vers le groupe des langues pr-andines (Rivet, 1924),

    tantt vers le groupe des langues du Xingu (Noble, 1965), tantt encore vers le

    groupe des langues du Rio Negro (Matteson, 1972) , tantt enfin marginalise a

    lintrieur du groupe des langues septentrionales (Loukotka, 1935), mrite tout

    simplement que lon sy intresse de nouveau, sur la base cette fois des bons

    vo-

    cabu1aires;deplus en plus nombreux, dont on dispose un peu partout pour lAm-

    rique Tropicde.

    Ce qui ne fait aucun doute, cest que le palikur est -une langue arawak (25).

    Voyons plutt ce qui est nouveau: Les Palikur contemporains

    nous

    disent ne pas

    -toujours avoir parl cette langue. Nous avons vudans les pages prcdentes quils

    afrment parler aujourdhui la langue que les Kamuyune, le clan du soleil de

    nos

    jours teint, apportrent avec eux lors de leur migration du sud vers le nord de

    1Amapa.

    La tradition orale palikur est sur ce point absolument affirmative: chaque

    clan palikur parlait autrefois

    son

    propre dialecte: Ctaient les mmes langues

    avec des petites dirrences: Le s langues des nations avaient chacune leur

    accent diffrent: Aujourdhui, on aperdu toutes nos dirrentes langues,

    on

    ne

    que celui de Noble.

    * 5

    Ceci

    pos,

    i l est important de signaler que le palikur est

    truffe

    demprunts evidents aux langues de

    la famille karib, en particulier dan s les domaines de la technologie, de la faune et de l a

    flore.

    Un

    examen minutieux p ermettra sa ns doute daffiner certains points historiques obscurs.

    30

    Les Pdikar e t lhistoire de Amapa

    parle plus que le kamuyune. Ladoption du kamuyune et labandon

    (progressif?) de tous les autres dialectes est nettement mis par

    nos

    informateurs,

    et ce a juste titre, sur le mme plan que la dcroissance dmographique: on ne

    peutpasparler une langue

    h

    quelques uns disent-ils. Sans doute le fait le plus

    frappant pour eux est-il que ce fut la langue dun clan migr du sud e t de surcroit

    de nos jours teint, qui supplanta les autres.

    Comment stablissaient, anciennement, les contacts interclaniques, si

    chaque clan parlait son propre dialecte? L encore, la tradition orale des Palikur

    se montre trs riche. Nous pourrions mme dire sans exagration que nous tou-

    chons l un des points sensibles de la conscience collective de lethnie.

    Tous sont unanimes nous parler, en termes chargs dmotion et de d-

    frence, de la KIAPT NKA, qui, du temps-de la splendeur des Palikur, leur

    tenait lieu de langue vhiculaire dans les contacts interclaniques, et par voie de

    consquence immdiate, de langue crmonielle, tant il est vrai que lesclans ne

    se rencontraient que pour aire la fit e et jam ais pou r se battre.

    Tous les chants des grands cycles danss que

    nous

    avons recueillis sont en

    langue kiapthka.

    Les

    informations divergent sur le fait de savoir sil nexista quune kiap-

    tnka

    ou deux variantes trs proches: lune aurait servi aux Palikur septentrio-

    naux, lautre aux Palikur mridionaux; ou bien lune aurait fdr le noyau dur

    que formaient certains clans face aux autres, qui auraient utilis la seconde, mais

    cette division prksente dans le Tableau I, ne cadre pas avec la division des clans

    selon les cimetires donne par Nimuendaju (1926), Bref, un complment den-

    qute savre indispensable etjusque l , nous continuerons, provisoirementpeut-

    tre, ne parler que dune seule kiaptnka.

    Ce qui est en revanche certain, cest que la kiaptQnka,paralllement

    son rle fdrateur lintrieur du peuple palikur, servait aussi dans les rapports

    interethniques. Toutes les informations concourent nous dire que les Pa-

    rauyune, par exemple, avant de devenir un clan palikur, parlaient dj la kiap-

    tiinka dans leurs rapports diplomatiques avec les Palikur, de mme que des

    nations qui resteront trangres, comme les Mauyune,

    ou

    les Maye.

    Les

    premiers venaient lors de grandes ftes danser chez les Palikur qui leur

    rendaient ensuite la politesse en

    allant danser chez eux Cayenne

    (26). Les

    seconds, habitant la pointe du Cap dOrange, restent inscrits dans le souvenir des

    Palikur pour leur avoir enseign une danse quils excutent toujours, mayapna,

    dont les couplets chants sont en langue kiaptinka.

    La dcroissance dmographique saccentuant, et nos informateurs estiment

    pour leur part que les pidmies de malaria et de rougeole qui dcimrent lethnie

    aprs 1900 ont port commeun coup de grce, les survivants des diffrents clans

    26 Les

    archives confirment la prsence de

    Maworia

    (Mauyune?) sur

    IOyak

    (Keymis,

    1596).

    31

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    17/41

    Bol. Maa. Par.

    E d 1 1 0

    Gorldl.

    mr. Antropol.. 3 1). 1987

    durent abandonner toute de de territorialit et les diffrents dialectes palikur,

    trop proches, sombrrent. Les ftes se rarfirent, la kiaptnka fut en pril.

    Cest pour palier lventualit dune disparition qui leur et

    t

    insoutenable, que

    la gnration des adultes daprs 1900 se mit parler la kiaptnka en dehors

    des ftes pour en perptuer lusage: Mesparentspar laient la kiaptinka la

    maison.

    Ils nous

    lenseignrent mes rres et moi, m ais entre

    nous

    comme

    avec nos copains, nous parlions le kamuyune. (27).

    Cest

    ainsi

    que certains vieillards, bercs par cette langue dans leur enfance,

    ont tendance

    la confondre avec un des dialectes claniques (en gnral, celui

    quet d parler leur clan). Aujourdhui, la kiaptnka nest plus parle que

    par les personnes ges des diffrentes communauts lorsquelles se rencontrent,

    alors quil y a encore quinze ans (avan t la pression des missionnaires protestants),

    son

    usage tait indispensable lorsde la fte des

    Morts

    (28): Alors,pourfaire les

    rponses en

    kiaptnka,

    puisquon navaitpas le droit demployer la langue

    normale, si

    on

    ne savai tpas ,

    on

    demandait

    un

    oncle, par exemple, de parler

    pour

    nous. (29).

    Ainsi, cette langue vhiculaire et crmonielle est aujourdhui quasiment

    sacralise. Mais dj du temps de Barrre (1743), il semble bien que seuls les

    gens adultes aient t autoriss lemployer (30): Pour moi, je crois quils ne

    fo nt cela que pour se distinguer des eune s gens et afin de leur inspirer du respect

    pour

    ux

    (31). Barrere ne croit pas si bien dire: le mot kiaptnkaveut dire la

    parole respectueuse, venant des mots kiap, le respect, et a n k a , la par e

    le; du mot kiap, drive dailleurs le mot kiauye,vieil homme, celui auquel

    on

    doit le respect.

    La kiaptnka est aujourdhui pare de toutes les vertus: elle est la

    langue fine, la langue grammaticale (32). De fait, la kiaptnka peut tre

    considre comme un dialecte du palikur. Les emprunts extrieurs semblent ne

    pas tre ngligeables, cependant que lun des modes de formation majeurs des

    mots est la mtaphore. Son tude nest encore qu ltat desquisse, e t nous nous

    contenterons de donner deux des plus beaux exemples parmi ceux que nous avons

    27

    Eugene

    Martin,

    du c lan des PAIMY UNE , es t n vers

    1910

    sur la rive franaise de lOyapock.

    28 Les

    clans tant exogames, une fte des Morts en rassemb lait toujours au moins deux.

    29

    Louis Nor ino, du c lan des WAYWAYENE, est ne vers

    1946 sur

    la riviere Urucaua.

    30

    Si cest bien

    a

    elle quil fait

    allusion.

    31 Cette sage reflexion vient dailleurs apres un assage ou lon voitBatrere, assistant des discours

    diplomatiques entre nations etrangeres, co nstater quon diroit quils parlent une autre langue que la

    leur.

    32 Cette expression, qui confere

    ii

    la kiaptnka des rgles de grammaire bien polices, est dite en

    crole. Elle est en contradiction avec les caractristiques que

    lon

    attribue classiquemen t aux langues

    vehiculaires, mais elle traduit bien, encore une fois, le statut exceptionnel quelle ada ns laco nscienc e

    collective.

    32

    Les

    Pdikar

    et lhistoire

    de &api

    recueillis: homme se dit

    ubeibeyaptia,

    flche, parce quun homme est

    quelquun qui porte une flche et quune flche ne peut tre porte que par un

    homme; femme

    se

    ditvnka, celle qui enfante, parce que la femme, cest

    ia vie.

    Comme oil comprend la nostalgie des Palikur

    LES AUTRES NATIONS DE LAMAPA

    Tant

    travers les donnes fournies par les Palikur contemporains qu tra-

    vers celles fournies par les archives,

    nous

    trouvons 17 groupes indignes, dont 12

    recoups, qui demeurent indpendants des Palikur. Ils peuvent cependant leur

    avoir souvent t lis par alliance e t mme parfois avoir apport du sang neuf qui

    contribua la formation de lethnie contemporaine, quoique ce soient plut& les

    actuels Karipuna et Galibi de U aa que lon puisse aujourdhui voir comme

    leurs hritiers.

    Afin dviter redites et longueurs, nous rsumerons dabord en deux ta-

    bleaux

    (n?

    2 et n?3) les donnes majeures concemant ces populations, puis nous

    discuterons des interrogations et des vidmces concernant la plupart dentre

    elles, tant entendu que les regroupements que nous proposons restent pour

    lheure des hypothses de recherche succeptibles de modifications ultrieures.

    1.

    les

    MAUYUNE et les SAUYUNE

    Ces deux groupes ont t placs dans une mme rubrique parce quils sont

    les seuls avoir une origine septentrionale. Dans un travail prcdent (P. Gre-

    nand, 1972), nous avions eu tendance considrer les MAUYUNEJMAOU-

    RIOU comme un groupe strictement forestier que nous identifiions dj aux

    EMERILLON (famille Tupi-Guarani). Le:; sources les plus anciennes les don-

    nent proches du littoral, et ce nest qu la

    fin

    du

    X V I I e m e

    sicle quapparaissent

    deux groupes spars. Or, les donnes ethnohistoriques rcemment releves par

    Navet(com. pers.) chez les Emerillon de YOyapockfont tatde Cayenne comme

    antique lieu dhabitation de leurs anctres. Si lon ajoute a cela le fait que les

    Palikur considrent les MAUYUNE comme les gens du coton [et du

    .

    hamac] (33), il nous est possible daffermir rios hypothses:

    A

    la fin du

    X V I I e m e

    sicle, il y aurait eu une premire pousse tupi vers le nord, pousse bien atteste

    par Harcourten 1613 (1926), Keymis en 1586 (1722), etc ..en particuliercelle

    33 Ceci rend caduque notre premiere tymologie karib qui rattachait MAOURIOUamuriu, porc-

    pic

    (Coendu

    prehensilis) en galibi. Par contre, sil sagit

    dun groupe

    upi,

    on

    omprend mieux la

    seconde etymologie: en Guy ane, les Em erillon et les Wstypi (groupes tupi) sont les seuls

    a

    connatre

    lusage

    du

    mtier

    a

    tisser.

    33

  • 7/25/2019 La Cote d Amapa, de la Bouche de l Amazone a La Baie d Oyapock a Travers la Traditiion Orale Palikur

    18/41

    Noms dans

    la tradit ion

    orale Palikur

    N o m s dans les textes et

    cartes

    ancieng avec

    r-

    b r e n c e d a t e

    Selon les Palikur: origi-

    nairesdumcaua, chasses

    vers les

    mangroves.

    Eteints

    entre Uaa et Cassipore

    ou

    au Cap dOrange.

    Fusionns avec les Pa-

    likur.

    Pa t -e t re sous-groupes

    Maye; fusion nes avec les