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La coopération internationale contre · La coopération internationale peut aider les pays à pallier ce manque de volonté et de moyens, comme on le verra dans le pré-sent article,

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La coopération internationale contre

la corruptionLa lutte contre lu corruptionest une entreprise si dàficileet qui doit être menée sur unterrain si mouvant &e denombreux dirigeants poli-tiques nat2onaux, favorablesà ces effkts en principe,hésitent à descendre o?unsl’arène. Comment lu coopéra-tion internutionule peut-ellecontribue9- à une mobilisationcontre la corruption?

D RESQUE TOUTES les formes de

1corruption étant interdites dans laquasi-totalité des pays, pourquoine s’efforcent-ils pas davantage de

réduire ce mal? S’ils éprouvent des diffi-cultes à le combattre, c’est peut-être fauted’une volonté ou de capacités locales suffi-santes, notamment le manque de stratégieset de structures (y compris d’incitations)adéquates. Dans certains cas, les raisonsen sont des contraintes de coûts, dansd’autres un déficit de savoir-faire, ou en-core une préparation insuffisante des stra-tégies de répression.

ROBERT KLIT-GAARD

La coopération internationale peut aiderles pays à pallier ce manque de volonté etde moyens, comme on le verra dans le pré-sent article, grâce à plusieurs initiativesnouvelles où la coopkation internationalepourrait être décisive dans la lutte contre lacorruption. Il s’agit, par exemple, du par-rainage de «diagnostics» régionaux : lespays se répartiraient I’organisation et le fi-nancement d’études du secteur privé por-tant sur la corruption systématique dansplusieurs domaines (passation des mar-chés, soins de santé, justice), puis en échan-geraient les résultats. Ces études aideraientà identifier des améliorations méthodiqueset des mesures pour les pérenniser aumoyen d’un suivi.

Un «concours>) pourrait être organiséentre les pays en développement afin deconnaître les meilleures stratégies natio-nales pour réduire la corruption. Des sé-minaires régionaux pourraient commencerà définir une stratégie nationale de luttecontre la corruption, en illustrant sa miseen oeuvre par des exemples, et les États dé-sireux de concourir pourraient bénéficierd’une assistance technique pour élaborerleurs propositions. Les gagnants (peut-êtreun ou deux pays par continent) seraientrécompensés par sept années d’aide sou-tenue et additionnelle. Le reste du mondes’inspirerait des bonnes idées issues du con-cours, dont un grand nombre pourraientêtre appliquées même en l’absence d’uneaide internationale extraordinaire.

L’universalité de la corruptionEn Belgique et au Royaume-Uni, au Ja-

pon et en Italie, en Russie et en Espagnecomme dans d’autres pays, les allégationsde corruption occupent le devant de lascène politique plus qu’à toute époque derécente mémoire. Ce mal est loin d’êtrel’apanage des pays en développement ou entransition. Au Venezuela, un dictionnaire dela corruption a été publié en deux volumesen 1989 (Diccionario de la compcibn enVenezuela), et un auteur français a réaliséun livre semblable portant sur son pays(Gaetner, 1991). Chaque pays pourrait pro-bablement publier un ouvrage similaire.

Il est devenu banal d’affirmer l’impor-tance du rôle des pays industrialisés dansbeaucoup de cas de corruption observesdans les pays en développement. L’ONGTransparency International, qui enquêtesur la corruption dans les «opérations com-merciales internationales», signale que denombreux pots-de-vin verses dans le tiersmonde proviennent des pays riches. Il estprobable que l’Organisation mondiale ducommerce constatera la place prépondé-rante occupée par ce problème.

Il est salutaire de se rappeler que la cor-ruption existe partout, dans les secteursprivé ou public, et dans les pays riches oupauvres, car ce rappel nous aide à éviter lesidées préconçues. Cependant, situer le dé-bat dans son contexte ne veut pas dire leclore. En fait, à noter que la corruption estgénéralisée, on risque de transmettre un

Robert Klitgaard,a’e nationalité américaine, est doyen et professeur fi(Ford Dktinguishedu) de sécurité et ak développement international à la RAND Graduate School,Santa Monica, Californie.

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message subliminal négatif, en faisant parexemple croire que toutes les formes et tousles cas de corruption sont également nui-sibles. Plus pernicieusement encore, ce dis-cours risque d’amener les auditeurs ou leslecteurs moins avertis à penser que, la cor-ruption étant omniprésente, rien ne peutêtre entrepris contre elle dans leur proprepays. Considérons les analogies avec la pol-lution ou la maladie. Bien qu’observablespartout, ces deux phénomènes diffèrent ra-dicalement par leur portée et leur incidenceselon les régions du monde, les pays et leslocalités. Les questions de degré et de na-ture des phénomènes sont essentielles - lacorruption ne fait pas exception à la règle.Nul ne conclurait, par exemple, que, sousprétexte que la pollution de l’eau et le sidaexistent partout, rien ne peut ni ne doit êtrefait pour les combattre.

La corruption en tantque système

On peut exprimer la corruption par la for-mule C = M + P - R, M étant le monopole,P le pouvoir discrétionnaire et R la respon-sabilité. Que l’activité porte sur des entitéspubliques, privées ou sans but lucratif,qu’elle se déroule à Washington ou à Oua-gadougou, la corruption tendra à se mani-fester lorsqu’une personne physique ou mo-rale a le monopole d’un bien ou d’un service,tout pouvoir pour décider qui l’obtiendra, eten quelle quantité, et n’a de compte à rendreà personne.

Le terme corruption recouvre beaucoupde choses. Il convient donc, tout d’abord,d’isoler et d’analyser ces multiples compo-santes. Au sens le plus général, la corrup-tion est l’abus d’un pouvoir public à desfins privées. Nous mentionnerons - la listen’est pas limitative - les pots-de-vin, l’ex-torsion, le trafic d’influente, le népotisme,la fraude, les enveloppes qui sont remises àdes fonctionnaires pour accélérer le traite-ment d’un dossier relevant de leur compé-tence et le détournement de fonds. On y voitassez souvent un péché du secteur public,

. mais la corruption se rencontre aussi dansle secteur privé. De fait, celui-ci est impli-qué dans la plupart des cas de corrup-tion de l’État.

La corruption est un crime délibéré, etnon passionnel. Certes, il existe à la fois dessaints qui résistent à toutes les tentationset des fonctionnaires honnêtes qui le font leplus souvent. Toutefois, si les dessous-de-table sont élevés, la probabilité de se faireprendre faible et les sanctions mineures, denombreux fonctionnaires succomberont.

La lutte contre la corruption commencedonc par l’amélioration des systèmes : ilfaut réduire les monopoles ou les réglemen-ter soigneusement, délimiter les pouvoirsdiscrétionnaires et accroître la transparenceet la probabilité d’être arrêté, de même queles sanctions frappant la corruption (pourles donneurs et les receveurs).

Les effets de la corruptionQuand elle sape les règles du jeu, par

exemple le système judiciaire, les droits depropriété, ou encore les activités bancaireset le crédit, la corruption anéantit le déve-loppement économique et politique. Quandelle permet aux pollueurs de souiller les ri-vières ou les hôpitaux, d’extorquer auxpatients des paiements exorbitants ou illi-cites, elle peut provoquer des ravages éco-logiques et sociaux. Par contre, les enve-loppes destinées à accélérer l’accès auxservices publics et les petites irrégularitésportant sur le financement d’élections sontmoins nocives.

Chacune de ces recommandations ouvreun vaste dossier. On notera toutefois qu’au-cune ne cite d’emblée ce qui vient le plussouvent à I’esprit - nouvelles lois, renfor-cement des contrôles, changement de men-talité ou révolution morale. Les lois et lescontrôles se révèlent insuffisants en l’ab-sence de moyens d’application. La moralepublique peut être ranimée, mais rarementpar décret ministériel. Nous ne pouvons pasfaçonner des fonctionnaires et des citoyensincorruptibles, mais nous pouvons favori-ser la concurrence, modifier les incitationset accroître la responsabilité - bref, élimi-ner les germes de corruption.

La stratégie anticorruptionUn système perverti pose un problème

difficile. Pourtant, on relève des exemplesde réussite, qui présentent certaines carac-téristiques communes.

Faire un exemple. Les stratégies qui

Bien entendu, l’étendue de la corruptioncompte aussi. La plupart des organismespeuvent résister à une certaine dose, et il estpossible qu’elle améliore quelques systèmesvraiment mauvais. Toutefois, lorsque la cor-ruption devient la norme, ses effets sont pa-ralysants. En présence de ce mal systéma-tique, il devient impossible d’établir et deconserver des règles du jeu acceptables auniveau international, une des principales rai-sons pour lesquelles les régions du mondeles moins développées le demeurent.

réussissent commencent par la capture dequelques «gros gibiers». Lorsque l’impunitédes actes de corruption ne fait plus aucundoute, la seule solution est de commencerpar condamner un certain nombre de hautspersonnages corrompus. Les pouvoirs pu-blics doivent rapidement identifier quelques«reauins» de la fraude fiscale. des verse-ments occultes et de la prévarication. Puis-qu’une campagne anticorruption risquetrop souvent de s’en prendre à l’opposition,le premier coup de filet devrait s’effectuerdans les eaux du pouvoir.

Faire participer la population àla détection de la corruption. Lescampagnes réussies font intervenir les ci-toyens. En effet, si on leur donne voix auchapitre, ceux-ci peuvent fournir des ren-seignements précieux sur les sources decorruption. Les consultations peuvent sefaire par enquêtes systématiques auprèsdes clients, par le biais de comités chargésde surveiller les services publics, d’organi-sations professionnelles, de conseils muni-cipaux, de lignes téléphoniques gratuites etconfidentielles, démissions de radio diffu-sant les appels d’auditeurs et démissionséducatives. Les hommes d’affaires et leursassociations devraient participer sous cou-vert d’anonymat à des études sur la passa-tion des marchés, l’adjudication des con-trats, etc., qui mettraient I’accent sur lessystèmes, et non sur les individus.

Priorité à la prévention : assai-nir les systèmes. Les efforts fructueuxpassent par un nettoyage systématique,s’appuyant sur la formule C = A4 + P - R etdes «analyses de vulnérabilité» des institu-tions publiques et privées. Comme les meil-leures campagnes de santé publique, ils in-sistent sur la prévention.

On ne saurait se contenter de réduire lacorruption. Si sa répression mobilisait desressources financières et administrativestelles que les coûts et les pertes d’efficacitél’emportaient de loin sur les avantages ob-tenus, les efforts iraient à l’encontre dubut recherché. Divers moyens permettent deformuler des stratégies anticorruption effi-CaCeS : les pays peuvent remplacer les«agents» exerçant des fonctions publiques,modifier leurs incitations et celles des ci-toyens, recueillir des informations afin d’ac-croître la probabilité de détection et de sanc-tion de la corruption, réinventer la relationentre les agents et les citoyens, et alourdir lessanctions collectives à l’encontre de la cor-ruption. Dans chaque cas, il faut agir en te-nant compte des avantages supputes et desnombreux coûts possibles de la répression.

Réformer les incitations. Dans denombreux pays, les fonctionnaires, trop malpayés, ne peuvent subvenir aux besoins deleur famille. En outre, les moyens d’évaluerles résultats faisant souvent défaut, la ré-munération des fonctionnaires n’est pasliée à ce qu’ils produisent. On ne s’étonnerapas que la corruption s’épanouisse dans detelles conditions.

Heureusement, dans le monde entier, desexpériences menées dans les secteurs pu-blic et privé privilégient l’évaluation des ré-sultats et la refonte des grilles de rémuné-ration. La lutte contre la corruption n’estque l’un des volets de la restructurationsystématique de l’information et des incita-tions dans les institutions publiques et pri-vées (Klitgaard, 1995).

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4 Finances & Développement /Mars 1998

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La volonté politique«Voilà qui est bien beau», sera-t-on tenté

de rétorquer, «mais qu’arrive-t-il si la cor-ruption règne dans les hautes sphères dupouvoir? Si les hommes d’affaires interna-tionaux et les groupes d’intérêts commer-ciaux locaux sont fortement motivés à cor-rompre? Si les hauts dirigeants des secteurspublic et privé en bénéficient, les réformescitées auront-elles une chance de durer?»

Il est à craindre que les dirigeants cor-rompus, en situation de monopole, refusentde sacrifier leurs rentes et que les hommesd’affaires internationaux et locaux soientconfrontés à un dilemme moral épineux, oùla stratégie dominante consiste à verser desfonds occultes. Un équilibre reposant sur lacorruption s’établit au profit du pouvoir, dehauts fonctionnaires et de cer-taines entreprises privées, et au

Il est vrai aussi toutefois que, dans beau-coup de pays, les dirigeants sont souventpartagés. Ils peuvent connaître et dénoncerles coûts de la corruption systématique,mais ils reconnaissent les avantages du sys-tème en place, pour eux-mêmes et pour leurparti. Pour qu’ils puissent mieux adopterune stratégie à long terme, plusieurs condi-tions doivent être remplies.

Premièrement, les dirigeants doivent enêtre convaincus : on peut améliorer un sys-tème sans risque de suicide politique. Uneassistance technique et des conseils bienconçus peuvent les aider à s’inspirer desefforts déployés ailleurs, à adopter une ap-proche globale et à analyser, à titre confi-dentiel, les nombreuses catégories d’avan-tages et de coûts politiques.

peuvent y contribuer (et le font déjà), en sou-tenant les réformes démocratiques et l’amé-lioration de la compétitivité économique etde la gestion des affaires publiques. Il fauttoutefois cibler davantage les efforts pourcombattre systématiquement cette corrup-tion systématique.

Trois initiatives internationales seraientsusceptibles de galvaniser le mouvementinternational qui s’amorce.

Diagnostics régionauxObjectif : Encourager l’adoption par les

secteurs public et privé de mesures systé-matiques destinées à réduire la corruptiondans une région (par exemple l’Amériquelatine ou l’Afrique francophone).

Principe de base : Chaque pays inviteraitle secteur privé à réaliser des en-quêtes diagnostiques confiden-

tLes dirigeants doivent en êtreconvaincus : on peut améliorer

détiment de la société.Que faire dans une telle situa-

tion? Rien, répondra-t-on machi-nalement. Mais, alors, commentespérer que des dirigeants natio-naux, conscients de leur propreintérêt, s’engagent sur la voiedu marché, privatisent, adoptentdes politiques du même ordre, sacrifiantainsi leur mainmise sur I’économie? Or,ces vagues de reformes ont déferlé sur lemonde entier, comme l’a fait de manière re-marquable une «troisième vague» dite desréformes démocratiques.

un système sans risque

tielles sur trois ou quatre acti-vités ou domaines prédisposés àla corruption, comme la passa-tion des marches publics, les tri-

de suicide politique.))

Deuxièmement, lorsqu’ils définissent leurstratégie, les dirigeants doivent reconnaîtrequ’ils ne peuvent pas tout faire à la fois. Illeur faut entreprendre à huis clos une sorted’analyse coûts-avantages, en déterminantles formes de corruption responsables descoûts économiques les plus élevés (parexemple celles qui faussent les politiques,et non celles dont dépend l’adjudication

Troisièmement, les dirigeants ont besoinde mener ces efforts à l’abri des pressionspolitiques. La collaboration internationale

d’un contrat précis), tout en cherchant à

peut contribuer au huis clos, qui permet aux

maximiser leurs efforts. Ceux-ci peuvent

pays d’avouer un problème commun (<monparti, mon administration ou moi-même ne

porter d’abord sur les problèmes que le pu-

sommes pas les seuls aux prises avec la cor-ruptiomj) et d’agir de concert pour le régler.De fait, la conditionnalité internationale qui

blic juge les plus pressants. Pour être cré-

s’applique à de nombreux pays pourrait ai-der un dirigeant national à justifier des me-

dible, une campagne anticorruption doit

sures anticorruption.

remporter des succès tangibles au bout desix mois.

bunaux, les hôpitaux et le fisc.

trement dit de préciser où se situeraient,

Qn demanderait aux hommesd’affaires, à titre confidentiel,

dans les systèmes actuels, les failles, les

d’indiquer certaines filières, au-

faiblesses et les abus. On chercherait à ana-lyser les systèmes, plutôt qu’à identifier despersonnes publiques ou privées. L’objectifn’est pas tant une étude théorique qu’uneévaluation rapide permettant de formulerun plan d’action. Des données pertinentestirées d’un petit échantillon (40 hommesd’affaires) pourraient fort bien suffire pourpréparer un rapport utile. Une fois lesétudes diagnostiques terminées, une confé-rence internationale permettrait de compa-rer leurs résultats et d’analyser les mesuresde redressement, y compris une éventuelleaction internationale concertée.

Certains gouvernements se montrent,bien sûr, réticents à instaurer une bonnegestion des affaires publiques. Au cours desdix prochaines années, toutefois, l’enjeu vi-tal ne sera pas d’amener les pouvoirs pu-blics à lutter contre la corruption, mais plu-tôt de les aider à décider des actions et deleurs modalités. Grâce aux réformes dé-mocratiques, les nouveaux dirigeants, bienrésolus à combattre la corruption et à amé-liorer l’administration publique, ne sont ja-mais arrives au pouvoir en aussi grandnombre qu’à l’heure actuelle. DuNicaraguaau Pakistan, les campagnes électorales fontune grande place à la corruption. Et passeulement dans les pays en développement,comme l’indique le tollé qu’ont soulevé cer-taines pratiques de campagne électoraleen Italie et en Espagne et les contributionsélectorales aux États-Unis. Beaucoup denouveaux dirigeants souhaiteraient amélio-rer les administrations douanière et fiscale,assainir le financement des campagnes etles élections, réduire la corruption et l’inti-midation dans les systèmes juridiques etdans la police et, d’une manière générale,créer dans le secteur public des systèmesd’information et des incitations qui favo-risent l’efficacité et réduisent les abus. Plu-tôt que la volonté politique, c’est le savoir-faire qui fait défaut.

Les initiatives internationalesLa coopération internationale peut aussi

faciliter l’apparition d’une volonté de luttercontre la corruption et aider à réunir lesmoyens d’agir. Malgré la nature évidem-ment délicate de la définition et de l’applica-tion de stratégies visant la corruption sys-tématique, les organisations internationales

Avantages politiques : Par son caractèreinternational, une telle étude montreraitsans ambiguïté que la corruption n’est passeulement le fait d’un pays X, mais un fléauinternational qui exige des solutions mon-diales. Elle soulignerait aussi que ce malne relève pas uniquement de l’État (ni del’équipe au pouvoir) et que, le secteur privéétant une composante du problème, il sedoit de contribuer à sa solution. Les diri-geants politiques pourraient ainsi mieuxfaire passer le message, peut-être en affii-mant que l’enquête diagnostique englobetout le continent et en évoquant, parexemple, les dimensions internationalesde la corruption ainsi que les difficultéspropres à leur pays. Ils pourraient signalerque l’étude est réalisée par le secteur privé,dont les membres sont souvent complicesde la corruption, et par le secteur public,tous deux visés par l’enquête.

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Un concours anticorruptionObjectif : Sélectionner, par concours, les

meilleurs programmes nationaux de luttecontre la corruption pour aider à diffuserl’idée qu’un pays peut se doter dune stra-tégie efficace. Ce concours internationalfrapperait l’imagination de la populationdu monde entier.

Principe de base : Une aide internationalespéciale serait allouée - par les organisa-tions internationales et les organismesd’aide bilatéraux - aux pays disposes àentreprendre des réformes pour s’attaquerà la corruption systématique. Supposonsque soit créé, grâce à la coopération inter-nationale, un programme promettant septannées’ d’appui spécial considérable auxtrois pays en développement qui propose-raient les meilleures stratégies nationalesanticorruption. Afin d’éveiller l’intérêt pource concours, les donateurs pourraient fi-nancer des ateliers internationaux et lo-caux. Ensuite, des études transnationalesfaisant intervenir le secteur privé et l’Etatpourraient se concentrer sur des domainesessentiels tels que la mobilisation des re-cettes, la passation des marches et les tra-vaux publics, ainsi que la justice. (Ce projets’articule évidemment avec les études régio-nales proposées.) On s’intéresserait, en par-ticulier, aux facteurs qui exposent les sys-tèmes à la corruption, plutôt qu’à tel ou telindividu. Les pays participants se commu-niqueraient les résultats, et des mesuresnationales et internationales seraient en-,suite formulées pour corriger les défi-ciences structurelles. À ce stade, les paysintéressés établiraient leur stratégie natio-nale anticorruption. Les trois meilleuresstratégies - l’Afrique, l’Asie et l’Amériquelatine seraient peut-être les trois «lauréats»- bénéficieraient de fonds exceptionnels.Les stratégies d’autres pays ou certains deleurs éléments pourraient être appuyés pard’autres bailleurs de fonds et, naturelle-ment, par les pays participants.

Avantages politiques : Ce concours inci-terait les pays à manifester leur volonté decombattre la corruption, et ils bénéficie-raient d’un appui pour s’y préparer : ainsi,on pourrait les aider (y compris au moyendéchanges mutuels) à se familiariser avecles éléments éventuels d’une stratégiecontre la corruption. Ces derniers, qui va-rieraient selon le contexte national, compor-teraient souvent :

l des réformes administratives dési-gnant l’objectif prioritaire, tout en facilitantla coordination entre les organismes;

l des moyens permettant d’améliorer laresponsabilité, surtout grâce à la participa-tion des entreprises et des citoyens;

l des mesures visant à renforcer les ca-pacités d’enquête et de poursuite et à amé-liorer l’efficacité des tribunaux;

l une réforme expérimentale des incita-tions dans le secteur public;

l une réforme juridique destinée à em-pêcher les irrégularités dans le financementdes campagnes, à prévenir les gains illiciteset à modifier la réglementation et le droitadministratif pour moins prêter le flanc àla corruption.

Une telle initiative contribuerait égale-ment à montrer que les organisations in-ternationales prennent la corruption ausérieux. Elle leur donnerait l’occasion d’in-tégrer diverses initiatives de développe-ment - réforme de la fonction publique,renforcement des institutions, etc. - à unnouveau cadre dynamique occupant le de-vant de la scène politique.

La «panoplie» à constituerObjectif : Il est manifestement nécessaire

de recenser et de diffuser les moyens opti-mums de combattre la corruption, classéspar fonction, secteur, niveau d’administra-tion et autres facteurs pertinents.

Princ$e de base : La coopération inter-nationale pourrait contribuer à répertorieret à diffuser des exemples de pratiquesoptimales, ainsi que des cadres d’analysepratique. Les pays pourraient utiliser cesoutils dans le domaine du recouvrementdes recettes, notamment fiscales et doua-nières, de la justice, de la santé (des hôpi-taux à l’importation et à la distribution deproduits pharmaceutiques) et de la passa-tion des marchés publics, de la délivrancedes permis ainsi que des contrats. Beau-coup de pays industrialisés seraient sus-ceptibles de réaliser des progrès consi-dérables sur les plans où se rencontrentl’argent et la politique (contributions auxactivités politiques, financement des partiset des campagnes, etc.).

Missions : Dans chaque domaine choisi,les organisations internationales constitue-raient des panoplies réunissant les outilssuivants :

l Des instruments d’analyse pour déce-ler et traiter les cas de corruption. Ils se-raient de portée générale ou s’applique-raient à des secteurs précis, comme lesadministrations fiscale et douanière, la po-lice, le parquet, les juges, la passation desmarchés et les contrats.

l Des études de cas consacrées aux pra-tiques optimales et aux succès remportésdans la lutte contre la corruption, à diversniveaux administratifs et dans différentssecteurs et domaines.

l Des pédagogies participatives - unensemble de moyens permettant aux ci-toyens, aux entreprises, aux ONG, aux mé-dias et aux fonctionnaires de se documenter,ainsi que de s’informer mutuellement, surles systèmes corrompus et les mesuresqu’ils appellent.

ConclusionFace à une corruption systématique, on

ne saurait se contenter d’appliquer des poli-tiques économiques libérales, d’améliorer lalégislation, de réduire le nombre et la com-plexité des règlements, ni d’accroître la for-mation, si utiles ces mesures soient-elles.Pour lutter contre I’ennemi, il faut lui porterle coup qui le mettra à terre. Diverses me-sures sont à envisager :

l former une instance nationale de coor-dination chargée de définir une stratégie etd’en assurer le suivi, ainsi qu’un conseil desurveillance composé de citoyens;

l choisir les quelques organismes oudomaines essentiels sur lesquels porteral’effort anticorruption dès la première an-née, pour que certains succès puissent créerun effet d’entraînement;

l renforcer les capacités des principauxministères, en prenant au sérieux le pro-blème des incitations (y compris en lesréformant) et de l’information;

l identifier quelques cas de grandecorruption dont les protagonistes serontpoursuivis en justice.

La lutte contre la corruption doit se con-centrer sur la réforme des systèmes. Elleexige une approche économique, associéeà une grande sensibilité politique. Les me-sures évoquées ci-avant doivent évidem-ment être adaptées à la situation de chaquepays, mais, dans le même temps, la coopé-ration internationale peut jouer un rôle im-portant. Elle peut parfois consister en uneassistance technique spécialisée, portant,par exemple, sur l’organisation d’ateliersanticorruption de haut niveau ou de con-sultations stratégiques, ou sur le recrute-ment d’enquêteurs internationaux chargesde retracer les gains mal acquis déposes àl’étranger. Elle peut aider les dirigeants na-tionaux à acqutkir une volonté politique.Enfin, elle peut diffuser une vérité utile : leproblème de la corruption nous concernetous, et c’est tous ensemble que nous devonslui apporter des solutions. IF&DI

Lectures recommandées :Diccionario de la corruption en Venezuela,

1989, 2 volumes (Caracas, Ediciones &priles).Gilles Gaetner, 1991, L’Argent facile :

dictionnaire de la corruption en France(Paris, Stock).

Robert Klitgaard, 1988, Controlling Corrup-tion (Berkeley et Los Angeles, Univers@ ofGdifornia Press).

-, 1995, &stitutional Adjustmentand Adjusting to Institutions~~, document desynthèse no 303 & la Banque mondiale(Washington).

Robert Klitgaard, Ronald MacLean-Abaroaet H. Lindsey Parris, Corrupt Cities (à paraître).

6 Finances & Développement /Mars 1998

Page 6: La coopération internationale contre · La coopération internationale peut aider les pays à pallier ce manque de volonté et de moyens, comme on le verra dans le pré-sent article,

corruption et développementCHERYL W.GRAY ET DANIEL KAUFMANN

Quelles sont les causes delu corruption? Quel en est lecoût? Comment lutter efficace-ment contre ce mal dans leséconomies en développementet en transition.?

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N ENTEND souvent dire de la cor-ruption dans les pays en dévelop-pement qu’elle peut avoir des ef-fets positifs, qu’elle est endémique,

qu’il coûte trop cher de la combattre et qu’ilvaut mieux employer les maigres ressourcesdisponibles à doter les organes publics desurveillance des moyens de faire respecterla loi. Mais, en fait, plusieurs certitudess’imposent : le coût économique de la cor-ruption est colossal; l’étendue du mal esttrès variable selon les pays en développe-ment; il y a moyen de la juguler et, pour cefaire, il faut porter plus d’attention à sescauses profondes ainsi qu’au rôle des incita-tions, de la prévention et des réformes éco-nomiques et institutionnelles précises.

Depuis quelques années, le problème dela corruption est en ligne de mire : il a étéexpose par le Président de la Banque mon-diale, M. James Wolfensohn, et le Directeurgénéral du FMI, M. Michel Camdessus,dans leurs allocutions à l’Assemblée an-nuelle; le Rapport SUY le développement

dans le monde y consacrait de longs pas-sages en 1996 et en 1997; des groupesd’étude y travaillent à la Banque mondialeet au FMI (ils ont soumis des rapports àleurs conseils d’administration respectifsainsi qu’au Comité du développement). No-tons aussi l’influence croissante d’une ONG,Transparency International, la récente réso-lution - qui fera date - de l’OCDE qui faitdu versement de pots-de-vin à l’étranger undélit, et le foisonnement d’études théoriqueset empiriques sur la corruption et ses ré-percussions économiques. Autre signe destemps, nombre de responsables gouverne-mentaux des pays émergents dénoncent ou-vertement les ravages qu’y cause ce mal.Lors d’un récent sondage auprès de plus de150 hauts fonctionnaires et dirigeants de lasociété civile dans une soixantaine de paysen développement, la corruption dans lesecteur public a été citée comme le plusgrave obstacle au développement et à lacroissance de leur pays.

Les nombreux visagesde la corruption

Au sens général, la corruption consiste àutiliser une charge publique pour son profitpersonnel. Cela comprend les pots-de-vinet I’extorsion, qui font nécessairement in-tervenir au moins deux parties, ainsi qued’autres types d’abus qu’un fonctionnairepeut commettre par lui-même, notammentla fraude et les malversations. L’appropria-tion du patrimoine national pour un usageprivé et le détournement de fonds publics

par les politiciens et les hauts fonctionnaires (ma,nifestations de la «grande» cor-ruption dans différents pays, dont certainssont livrés à la cleptocratie) ont des effets sidirects et patents sur le développementéconomique du pays qu’il est inutile des’étendre sur leur coût. Par contre, il estplus difficile d’analyser la corruption defonctionnaires par des particuliers et, sur-tout, son effet sur le développement du sec-teur privé. Pour démêler un tel écheveau, ilimporte de considérer ce que des particu-liers peuvent «acheter» à un politicien ou àun fonctionnaire :

l Marchés publics : les pots-de-vin peuventinfluencer le choix des fournisseurs de bienset de services à l'État, et avoir une incidencesur les modalités exactes de ces contratsd’approvisionnement et leur renouvellementau cours de l’exécution des projets,

l Avantages accordés par Z’Etat : lespots-de-vin peuvent influencer l’attributiond’avantages monétaires (fraude fiscale, sub-ventions, pensions ou assurance-chômage)ou d’avantages en nature (accés à des écolesprivilégiées, soins médicaux, logement etimmobilier, ou intérêts dans des entreprisesen voie de privatisation).

l Recettes publiques : les pots-de-vinpeuvent servir à réduire le montant des im-p?ts ou d’autres redevances prélevées parl’Etat sur des particuliers.

9 Économies de temps et contournementa!e la réglementation : les pots-de-vin peuventpermettre d’obtenir plus vite l’autorisationde pratiquer des activités légales.

Cheryl W. Gray, Daniel Kaufmann,de nationalité! américaine, est Directrice par intérim, Secteur public, Réseau de nationalité chilienne, est économiste principal au Groupe de la recherchepour la lutte contre la pauvreté et la gestion économique, Banque mondiale sur le développement, Banque mondiale

Finances &Développement /Mars 1998 7

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l Altération des résultats du processusjuridique et réglementaire : les pots-de-vinpeuvent inciter les pouvoirs publics à nepas réprimer les activités illégales (trafic dedrogue ou pollution), ou à favoriser indû-ment une partie au détriment de l’autre,dans le cadre de procès ou d’autres actionsen justice.

Le degré de corruption est très variableselon les sociétés; elle peut être rare, gé-néralisée, ou même systémique. Rare, ellepeut être assez facile à détecter, sanctionneret isoler. Systémique, elle devient plus diffi-cile à déceler et à punir, et les incitations às’y livrer davantage se multiplient. Le coûtdes actes de corruption, initialement crois-sant, devient ensuite décroissant, ce quipeut donner lieu à des équilibres différentsselon que la société est relativement épar-gnée par la corruption, ou qu’elle y est en-démique. Le passage du deuxième état aupremier risque d’être plus difficile que la ré-pression de ces abus lorsqu’ils sont répan-dus, sans être encore systémiques. Lorsquece dernier stade est atteint, les institutions,les règles et les normes de comportementse sont déjà adaptées à un mode de fonc-tionnement corrompu, où les fonctionnaireset les autres agents suivent souvent lesexemples prédateurs, ou même les instruc-tions, de la classe politique qu’ils servent.

Les coûts économiquesde la corruption

Les études théoriques et empiriques quitraitent objectivement de l’incidence éco-nomique de la corruption se sont multi-pliées au cours des dernières années. Ellesaboutissent, en général, aux conclusionssuivantes :

l La corruption est répandue, mais à desdegrés varies selon les pays et les régions.Par exemple, le Botswana et le Chili sontmoins touchés que beaucoup de pays plei-nement industrialisés.

l La corruption augmente les coûts detransaction ainsi que l’incertitude.

l Elle conduit en général à des résultatséconomiques inefficients. Elle nuit à l’inves-tissement étranger et intérieur à long terme,entraîne une mauvaise répartition des ta-lents en faveur des activités de recherchede rentes, et fausse les priorités sectoriellesde même que les choix technologiques (lesmarchés publics pour de vastes projets dedéfense prenant le pas sur la constructionde dispensaires en milieu rural spécialisésdans les soins préventifs). Elle entraîne lesentreprises dans I’économie souterraine, cequi amoindrit les recettes publiques, desorte que des impôts de plus en plus lourdsfrappent un nombre de contribuables deplus en plus restreint. L%tat est alors inca-pable de fournir des biens collectifs essen-tiels, notamment d’assurer la primauté du

8 Finances & Développement /Mars 1998

Graphique 1 .

(pourcentagede temps

trës éteve)3

Plus la corruption est répandue, plus les responsablesd’entreprise passent de temps à traiter avec les fonctionnaires

(pourcentaeede tempstrès faible) Faible corruption Indice de corruption (Transparency International, 1997) Forte corruption

ARG =Argentine CHN = Chine FRA = France ISR = Israël NOR = Norvège THA = ThaïlandeAUS = Australie COL = Colombie GBR = Royaume-Uni ITA = Italie NZL = Nlle-ZBlande TUR = TurquieAUT = Autriche CRI = Costa Rica GRC = GrBce JPN = Japon PHL = Philippines TWN = TaiwanBEL = Belgique CZE = RBp. tchbque HKG = Hong Kong (RAS) KOR = Cor& POL = Pologne (province chinoise)BRA = Brésil OEU = Allemagne HUN = Hongrie LUX = Luxembourg PRT = Portugal USA = Etats-UnisCAN = Canada DNK = Danemark IDN = Indonésie MEX = Mexioue RUS = Russie VEN = VenezuelaCHE = SuisseCHL = Chili

ESP = EspagneFIN = Finlande

IND = IndeIRL = Irlande

MYS = Malaisie SGP = Singapour VNM = VietnamNLD = Pays-Bas SWE = Subde ZAF = Zambie

Source : Daniel Kaufmann et ShawJin Wei, 1998, ([Does ‘Grease Money’ Speed Up the Wheels of Commerce?)>, communicationprésent6e lors de I’assemblee annuelle de I’American Economie Association (Chicago, janvier)

Note : L’utilisation des indices du sondage mondial sur la comp6titivit6 et de Transparency International ne signifie en aucune mani$reque la Banque mondiale reconnalt officiellement le classement des pays.’ Sondage mondial sur la comp8titivitb. 1997.

droit. Il peut en résulter un cercle vicieux decorruption croissante et d’activités écono-miques clandestines.

l La corruption est injuste. Elle imposeun impôt régressif qui pèse particulière-ment lourd sur les activités de commerce etservices des petites entreprises.

l La corruption porte atteinte à la légi-timité de l’Éta.t.

Nombre d’observateurs soutiennent queles pots-de-vin peuvent avoir des effets po-sitifs, dans certaines circonstances, en pro-curant aux entreprises et aux individus unmoyen d’éviter une réglementation pesanteet un système juridique inefficace. Mais cetargument méconnaît la discrétion considé-rable laissée à de nombreux politiciens etfonctionnaires (en particulier au sein dessociétés corrompues) pour la création etl’interprétation de règlements allant à l’en-contre du but recherché. Au lieu de lubrifierles «rouages grinçants» d’une administra-tion rigide, la corruption cause un foisonnement de réglementations excessives etarbitraires. Autre argument spécieux : elleaméliorerait l’efficacité en accélérant la déli-vrance de permis. C’est sans doute la pos-sibilité de corruption qui ralentit d’embléele processus.

Les données empiriques disponibles ré-futent les arguments de la lubrification desrouages ou de la réduction des délais enmontrant une relation positive entre I’éten-due de la corruption et le temps consacré

par les responsables d’entreprise aux rela-tions avec les fonctionnaires. Les réponsesdonnées par plus de 3.000 entreprises de59 pays, dans le cadre du sondage mondialsur la compétitivité du World EconomieForum pour 1997, indiquent que les entitéssignalant une forte incidence de la corruption sont aussi celles où les cadres diri-geants passent plus de temps à négocierlicences, permis, signatures et impôts avecles fonctionnaires (graphique 1). Les faitstendent aussi à indiquer que le coût du ca-pital pour les entreprises est d’autant plusélevé que la corruption est répandue. Enoutre, rien n’indique que «la situation estdifférente en Asie de l’Est», contrairement àce que disaient certains, pendant ses annéesde forte croissance : on y constate le mêmerapport entre la corruption et le surcroît detemps que les chefs d’entreprise passentavec les fonctionnaires.

Dans toute société, il devrait aussi exis-ter un noyau de lois et de règlements quiremplissent des objectifs sociaux produc-tifs, notamment des codes du bâtiment,une réglementation environnementale etdes règles prudentielles pour le secteurbancaire. L’argument de la lubrification desrouages est particulièrement gênant dansce contexte, car les pots-de-vin peuvent an-nuler ces règlements et nuire gravement àla société (abattage illégal de forêts tropi-cales ou inobservation des codes du bâti-ment destinés à assurer la sécurité pu-

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I blique). La corruption peut aussi permettred’acquérir le monopole de certains mar-chés, comme dans le secteur de l’énergiede pays anciennement communistes, où desdessous-de-table sans précédent étayent degigantesques structures monopolistiques.Enfin, les obscures opérations de prêtsprivilégies et les montages financiers frau-duleux échafaudés dans les systèmes malcontrôlés ont contribué aux crises macro-économiques en Albanie, en Bulgarie et,tout récemment, dans certains pays d’Asiede l’Est.

1 Les causes complexes/ de la corruptionI

La corruption est répandue dans lesl pays en développement et en transition,

non parce qu’ils sont différents des autres,, mais parce que les conditions s’y prêtent.

L’appât du gain est extrêmement fort etexacerbé par la pauvreté, d’autant que lestraitements des fonctionnaires, déjà faibles,sont en baisse. En outre, les risques en tousgenres (maladie, accidents et chômage) sontélevés dans ces pays, souvent dépourvusdes nombreux mécanismes d’étalement desrisques (assurances et marché du travailbien développé) dont disposent les paysplus riches.

Non seulement la motivation est forte,mais les occasions de corruption abondent.Les rentes tirées des monopoles peuventêtre fort élevées dans les économies trèsréglementées et, comme on l’a déjà noté, lacorruption engendre une demande de régle-mentation accrue. De plus, dans les écono-mies en transition, les rentes économiquessont particulièrement importantes en rai-son du montant des actifs, autrefois pu-blics, jetés en pâture au plus offrant. Lepouvoir discrétionnaire de nombreux fonc-

I tionnaires est aussi vaste dans les paysI en développement et en transition, cette ca-l rente systémique étant exacerbée par uneI réglementation plutôt vague, en perpétuel

1

changement et mal diffusée.La responsabilisation est en général

faible, la concurrence politique et les liber-tes civiles souvent restreintes. Les lois etles principes moraux dans la conduite desaffaires publiques sont peu développes, sitant est qu’ils existent, et les instances ju-ridiques chargées de les faire respectermal préparées à cette tâche complexe. Lescontre-pouvoirs qui fournissent des rensei-gnements sur lesquels se fondent la détec-tion et l’application de la loi - tels les en-quêteurs, les comptables et la presse -sont souvent faibles. Pourtant, de solidespouvoirs d’investigation sont indispen-sables; comme les deux parties à la corrup-tion en retirent souvent un profit mutuel, cephénomène peut être extrêmement difficileà déceler. Même si la détection est possible,

les sanctions risquent d’être légères lorsquela corruption est systémique - il est diffi-cile de punir sévèrement un individu alorsque tant d’autres (y compris souvent lesautorités) sont probablement aussi cou-pables. Et la menace de renvoi de la fonc-tion publique n’a qu’un effet dissuasif limitélorsque les traitements sont faibles.

Enfin, certains facteurs propres auxpays, notamment la taille de la populationet les richesses naturelles, semblent aussicorrélés de façon positive avec l’omnipré-sence de la corruption.

L’éclosion d’une volontépolitique

Il est capital pour la lutte contre la cor-ruption de comprendre ce qui amène leshommes politiques puissants à agir commeils le font et quels intérêts ils représentent.Il importe au plus haut point de trouverdes alliés politiques; même dans les payssouffrant d’une corruption endémique, ilexiste probablement certains décideurs ré-formistes qui seront soutenus par leurs par-tisans afin de promouvoir l’intérêt généraldu pays. Certaines occasions peuvent seprésenter, à la faveur d’un changement derégime ou de chef politique, ou en cas decrise. En l’absence de ces circonstancesparticulières, toutefois, il reste possible defaire éclore la volonté politique nécessaire,quoique plus lentement, par des effortspour sensibiliser davantage la population etmobiliser des groupes de la société civile àl’appui de la lutte contre la corruption.

Sans être décisives, les pressions cons-tructives et l’aide de l’étranger ne sont pas ànégliger. Les organisations internationaleset les groupes de donateurs peuvent con-tribuer à focaliser l’attention des pays surla corruption et, plus généralement, à sou-tenir les réformistes au sein du gouverne-ment et de la société civile. En outre, du faitde l’intégration de l’économie mondiale quicaractérise l’après-guerre froide, de nom-breux pays sont soumis à une surveillanceinternationale accrue. Ils rivalisent à la foispour les investissements directs étrangers&DE) et les investissements de portefeuilleinternationaux. Or, les investisseurs étran-gers attachent du prix à la stabilité, à laprévisibilité et à l’honnêteté des autorités.Il s’avère que la corruption «taxe» considé-rablement I’IDE dans toutes les régions dumonde, y compris l’Asie de l’Est.

Vaincre l’hydreBien qu’ils reconnaissent bon nombre

des coûts de la corruption, les sceptiques sedemandent si la lutte vaut la peine d’êtreentreprise. Le camp des «fatalistes» rap-pelle les piètres succès des efforts de répres-sion, en notant qu’il a fallu plus d’un siècleà l’Angleterre pour vaincre l’hydre. Mais la

Région administrative spéciale (RAS) deHong Kong et Singapour, par exemple, sontpassées assez vite de la grande corruptionà un relatif assainissement. Le Botswanaest un modèle de probité depuis des décen-nies. Le Chili s’est bien comporté pendantde nombreuses années, et la Pologne etl’Ouganda ont récemment fait quelquesprogrès dans la maîtrise de la corruption.

Quels sont les éléments communs à cesréussites? Des organes de surveillance, telsque la Commission indépendante contre lacorruption à Hong Kong ainsi que de petites associations qui la combattent auBotswana, au Chili, en Malaisie et à Singa-pour, sont souvent crédités d’une grandepartie des progrès. En revanche, les méritesdes vastes réformes économiques et insti-tutionnelles engagées simultanément n’ontpas été assez reconnus. Le gouvernementarrivé au pouvoir en Ouganda en 1986 a en-trepris de réformer et déréglementer l’éco-nomie, ainsi que de réformer la fonctionpublique et de renforcer le Bureau du vérifi-cateur général; il a nommé un inspecteurgénéral de. bonne réputation et l’a chargéd’enquêter sur la corruption et de la répri-mer, et lancé une campagne de sensibilisa-tion aux méfaits de ce fléau. Le Botswanaest un exemple de pays où la saine gestionde l’économie et du secteur public, une foisétablie, s’est d’emblée traduite par unebonne conduite des affaires publiques; laréussite de ce pays n’a pas tenu principale-ment à la création plus récente de son ser-vice de répression de la corruption.

Les sondages réalisés auprès des fonc-tionnaires et des membres de la sociétécivile dans les pays émergents peuvent làaussi apporter un éclairage utile : la plupartdes répondants n’ont pas une grande es-time pour les organes de surveillance de lacorruption, plaçant leur action au plus basde la liste des mesures de répression pos-sibles (graphique 2). Selon eux, pour êtrecrédibles, ces instances doivent être crééesdans un environnement politique caracté-risé par l’honnêteté des dirigeants, la pro-tection des fonctionnaires contre les ingé-rences politiques et la restructuration desincitations afin de décourager la corrup-tion. Sinon, elles risqueraient d’être aisé-ment muselées ou, pis encore, détournéesde leur but à des fins politiciennes. Les ré-pondants insistent sur l’importance de lalibéralisation économique et des réformesbudgétaires, fiscales et réglementaires, reje-tant avec sagesse l’idée que de telles me-sures alimentent la corruption.

En fait, les répondants confortent l’idéeque la corruption et le manque de réformesde l’économie et du secteur public vont depair, avec un lien de causalité réciproque.Ils estiment que leurs pays auraient dû pro-gresser davantage dans l’application de

Finances & Développement /Mars 1998 9

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Graphique 2

Comment réagir face à la corruption : pourcentage de répondantsattribuant une note élevée aux diverses solutions nationales

Établir un @former RBduire AccMrer Promouvoir Rbformer Accroître la Poursuivre Revaloriser Strictes Exemplel’adjudication I’iflflatiOn

oai%%e des contratsles les institutions la transparence la dMgle- les salaires sanctions doon par

privatisations d&nn$a- fiscalité budghtaire mentationl du secteur pour la le dirigeantsurveillance de de défense/ libéralisation public corruptionla corruption les dépenses de I’bconomie publique

Source : Daniel Kaufmann, 1997, “Corruption: The Facts,), Foreign Policy, no 107 @té), pages 114-311 Rkpondants de la soci6t6 civile et fonctionnaires.*Entrepreneurs privk, membres d’ONG et parlementaires

vastes réformes, et indiquent que la corrup-tion et les intérêts financiers en place ex-pliquent principalement la lenteur de leursprogrès. Ils signalent aussi le problème liéaux origines internationales d’une partie dela corruption dont souffrent de nombreuxpays. s’ils insistent avant tout sur lescauses intérieures, ils sont nombreux àpenser que les actes de corruption commispar des entreprises étrangères jouent unrôle significatif. Ils estiment que les Etatsmembres de I’OCDE doivent faire appliquerla législation anticorruption à I’étranger etque les institutions internationales ont ledevoir de faire de ce dossier une prioritélorsqu’elles fournissent une assistance àleurs pays membres.

En bref, la corruption représente lesymptôme de causes économiques, poli-tiques et institutionnelles fondamentales.Pour ia combattre avec efficacité, il faut s’at-taquer à ces causes sous-jacentes. L’effortdoit porter principalement sur la préven-tion, c’est-à-dire la réforme des politiqueséconomiques, des institutions et des inci-tations, faute de quoi toute tentative pouraméliorer l’application de la législation anti-corruption en recourant à la police, aux ins-titutions gardiennes de la déontologie ou àdes organes de surveillance spéciaux ausein de l’État serait vouée à l’échec.

Voici quelques-unes des principales ré-formes de politique économique qui rédui-ront sans ambiguïté les occasions de cor-ruption : abaissement des droits de douaneet autres barrières au commerce interna-tional; unification des taux de change etd’intérêt déterminés par le marché; élimi-nation des subventions aux entreprises; ré-duction de la réglementation, des obliga-tions de licence et des autres obstaclesà rentrée d’entreprises et d’investisseursnouveaux; démantèlement des monopoles

et privatisation des actifs publics; et appli-cation transparente de la réglementationbancaire ainsi que des normes de vérifi-cation et de comptabilité. La réforme desinstitutions d’État peut comprendre larestructuration de la fonction publique,l’amélioration de la budgétisation, de lagestion financière et de l’administration fis-cale, ainsi que le renforcement des sys-tèmes juridique et judiciaire. Ces réformesdoivent modifier les structures et les procé-dures de l’État, en promouvant la concur-rence et les incitations internes dans lesecteur public, et en renforçant les poids etcontrepoids internes et externes. Pour com-pléter ces grands chantiers, l’applicationscrupuleuse et transparente de la loi, parexemple la poursuite en justice de certainsgrands personnages corrompus, peut aussiêtre utile.

La liste des mesures anticorruption pos-sibles ne s’arrête pas là. Il convient de choi-sir les principales dispositions à mettre enoeuvre, compte tenu des capacités d’exécu-tion du pays, au début d’une campagne delutte et par la suite. Du fait que la corrup-tion systémique est par définition profon-dément enracinée, il faut agir énergique-ment - une démarche gradualiste nedonnerait rien. Puisque l’occasion de luttercontre la corruption se présente depuis peudans de nombreux pays, il importe que lesréformistes dépassent sans tarder les pre-miers principes généraux habituellementénoncés dans les écrits sur ce fléau et ré-clament au contraire des avis pratiquesadaptés à leur cas. Après une évaluationminutieuse de la situation du pays, il fau-dra formuler des conseils précis sur lespolitiques à suivre et les institutions à ri+-former. Par exemple, les technocrates com-mencent à se rendre compte que différentesméthodes de privatisation créent plus ou

moins d’occasions de corruption, qu’ilest crucial de renforcer la réglementa-tion bancaire en tenant compte de ce quia été appris à propos des influencespolitiques nocives, et qu’il y a moyend’enrayer le mal grâce à des innovationsprécises apportées aux méthodes depassation des marchés et de soumission.

Enfin, élément peut-être fondamentalpour la prochaine étape des études surla corruption et de sa répression, lesspécialistes doivent rechercher les mé-thodes de collecte et de diffusion del’information susceptibles de produireles effets les plus rapides et les plusdirects. La méthode des cartes de nota-tion utilisée par une ONG de Bangalore(Inde), qui a demandé aux usagers denoter les organismes locaux de presta-tion des services, a déjà débouché sur lerenvoi de fonctionnaires, l’améliorationde la prestation des services et le recul

de la corruption. La collecte et la diffusionde données sur les coûts extrêmement,va-riés des repas de midi fournis par l’Etatdans les écoles de diverses localités, dansun même pays, ont entraîné des réformesnon seulement dans ces localités, maisaussi dans d’autres. L’existence d’unepresse libre revêt une importance capitale.L’établissement et le maintien de lois res-trictives sur la diffamation protégeant lespolitiques et les fonctionnaires doivent êtrecombattus pour préserver la libre expres-sion et l’information des citoyens. De fait,si difficiles et imparfaites que soient et res-teront la collecte de données sur la corruption et la diffusion des résultats obtenus, onne saurait trop insister sur l’importance detelles activités. Le secret a aidé les éliteset les politiciens à conserver la corruptionsous le boisseau dans de nombreux pays.L’analyse, la présentation et la diffusionméthodiques de données peuvent contri-buer efficacement à sensibiliser la popula-tion, à créer une dynamique en faveur desréformes et à élargir notre compréhensionlimitée des réussites et des échecs de lalutte contre la corruption. 1F&DI

Références :Banque mondiale, Réseau pour la lutte contre

la pauvreté et la gestion économique, 1997, ’«Helping Countri~s Combat Corruption:The Role of the World Bank)) (Washington).

Daniel Kaufmann, 1997, nCorruption:The Factsjj, Foreign Policy, n ’ 107 (été),pages 114-31.- et Shan-Jin Wei, 1998, «Does ‘Grease

Money’ Speed Up the Wheels of Commerce$communication présentée lors de l’assembléeannuelle de l’American Economie Association(Chicago, janvier).

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10 Finances & Développement /Mars 1998

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La corruption : causes, conséquenceset voies à explorer

Que savonsnous de lu corruptien? D’où viennent nos infor-mations? Comment améliorer

notre compréhension de cetUau et aider l’État à mieuxle réprimer?

DlEPUIS QUELQUES années, lacorruption - l’abus d’une chargepublique aux fins de profit person-nel - suscite un regain d’intérêt

parmi les universitaires et les pouvoirspublics. Cette attention s’explique par di-verses raisons. De retentissantes affaires decorruption ont provoqué la chute de gou-vernements dans de grands pays industria-lises et des pays en développement. Dansles pays en transition, l’abandon de la dic-tature économique au profit du marché acréé de vastes possibilités d’appropriationde rentes (c’est-à-dire de bénéfices exces-sifs) et s’est souvent accompagné du pas-sage d’un système de corruption bien orga-nisé à une situation plus incohérente et plusnéfaste. Avec la fin de la guerre froide, lespays donateurs cherchent moins à répartirleur aide au développement en fonction deconsidérations politiques et ils s’intéressentdavantage à la mésaffectation de fonds audétriment des pauvres. En outre, la crois-sance économique persiste à un faible ni-veau dans de nombreux pays dont les insti-

PAOLO MAURO

tutions fonctionnent mal. Un tel regain d’in-térêt s’est traduit par une nouvelle séried’études empiriques sur les tenants et lesaboutissants de la corruption.

Les économistes sont loin de mal con-naître ses causes et ses conséquences. Desconnaissances importantes ont été réuniesgrâce aux études théoriques des années 70,dont celles de Jagdish Bhagwati, AnneKrueger et Susan Rose-Ackerman (Maure,1996), qui montrent notamment que la cor-ruption peut survenir s’il existe une rente,due en général à la réglementation publique,et que des fonctionnaires ont tout loisir pouren répartir les bénéfices. L’exemple clas-sique d’une restriction imposée par I’État etcréant une telle situation, puis son exploita-tion, est celui des contingents d’importationet des licences correspondantes attribuéespar un fonctionnaire aux entrepreneurs dis-poses à le stipendier.

Plus récemment, des chercheurs ont en-trepris de vérifier certaines de ces hypo-thèses traditionnelles au moyen de nou-velles données transnationales. Dans leursindices, les agences de notation privéesclassent les pays selon leur niveau de cor-ruption, généralement à partir de réponsesaux questionnaires normalisés que dif-fusent des consultants vivant dans cespays. Celles-ci sont subjectives, mais la cor-rélation entre les indices des différentesagences est très forte, ce qui laisse entendreque la plupart des observateurs s’accordentplus ou moins sur le degré de corruptionapparente des pays. Les tarifs élevés quepratiquent ces agences (leurs clients sont en

général des sociétés multinationales et desbanques internationales) constituent unepreuve indirecte de la valeur des donnéesfournies. Quoique imparfaits en raison deleur nature subjective, ces indices n’en sontpas moins révélateurs.

Les causes de la corruptionPuisque la cause ultime de la ~ech~clze

de rentes est l’existence de telles opportu-nités, la corruption risque fort d’apparaîtrelorsque des restrictions et l’intervention del’État aboutissent à la présence de ces pro-fits excessifs. On relève notamment les res-trictions commerciales (dont les droits dedouane et les contingents d’importation),les politiques industrielles entachées defavoritisme (subventions et déductions fis-cales, par exemple), le contrôle des prix, lespratiques de taux de change multiples etles systèmes d’allocation de devises, ainsique la distribution du crédit par l’Etat. Cer-taines rentes peuvent naître en l’absenced’intervention étatique, comme dans le casde ressources naturelles telles que le pé-trole, dont l’offre est limitée par la nature etle coût d’extraction est inférieur de loin auprix du marché. Puisque l’exploitation desgisements dégage des bénéfices anormale-ment élevés, certains seront tentés de sou-doyer les fonctionnaires charges d’attribuerles permis d’extraction. Enfin, il est à pré-voir que des fonctionnaires très mal payesdevront souvent avoir recours aux dessous-de-table pour nourrir leur famille.

Bien que toutes les hypothèses exposéesci-dessus puissent être verifiées par l’expé-

Paolo Mauro,de nationalité italienne, est économiste au Département Europe I du FMI.

Finances & Développement /Mars 1998 11

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rience, car des données ont été réunies àcette fin, seules quelques-unes I’ont été véri-tablement. Les études empiriques ont con-firmé certaines hypothèses : la corruptionest moindre si les restrictions commercialessont moins nombreuses, si la politique in-dustrielle ne favorise personne et si les res-sources naturelles sont plus abondantes;de même, la corruption se rencontre un peumoins si les fonctionnaires sont mieuxpayés que des travailleurs du secteur privéaux qualifications semblables (Van Rijc-keghem et Weder, 1997).

Lesconséquencesde la corruption

D’après la théorie économique, la corrup-tion devrait réduire la croissance du faitqu’elle diminue les incitations à l’investisse-ment (à la fois pour les entrepreneurs dupays et de l’étranger). Lorsque ces dernierssont priés de verser des pots-de-vin avantde pouvoir créer leur entreprise, ou que desfonctionnaires véreux réclament ensuiteune part du produit des investissements,la corruption joue le rôle d’un impôt, maisce prélèvement est particulièrement perni-cieux, car le secret est nécessaire et I’onignore si le stipendié tiendra sa parole. Onpourrait penser aussi que la corruption varéduire la croissance en abaissant la qualitédes infrastructures et des services publics,en diminuant les recettes fiscales, en ame-nant les individus doues à se livrer à larecherche de rentes plutôt qu’à des activitésproductives et en faussant la compositiondes dépenses publiques (voir plus loin). Ce-pendant, d’autres arguments jouent en senscontraire. Par exemple, il a été avancé que,si on laisse des fonctionnaires soutirer despots-de-vin, ils travailleront peut-être plusdur et que la corruption peut aider lesentrepreneurs à contourner les obstaclesbureaucratiques.

Si la corruption est susceptible de nuire àla performance économique, c’est en raisond’un effet bien déterminé : la distorsion dela composition des dépenses publiques. Despoliticiens corrompus risquent fort d’affec-ter davantage de ressources publiques àune activité qui se prête mieux aux exac-tions les plus lucratives et au secret, et quiest liée, par exemple, à des biens produitsdans des conditions de faible concurrenceet dont la valeur est difficile à contrôler. Lesmêmes politiciens risquent donc d’être plusenclins à financer des avions de combatet des projets d’investissement à grandeéchelle que des manuels scolaires et les trai-tements des enseignants, bien que ceux-cifavorisent sans doute davantage la crois-sance économique que ceux-là.

Des données empiriques issues de com-paraisons entre pays semblent en effet in-diquer que la corruption nuit beaucoup à

I’investissement privé et à la croissance éco-nomique. Une analyse de régression montrequ’un pays qui réduit la corruption et passede 6 à 8 sur un indice allant de 0 à 10 voitaugmenter de 4 points de pourcentage sontaux d’investissement et d’un demi-point depourcentage la croissance annuelle de sonPIB par habitant (Maure, 1996). Des effetsaussi marques laissent entendre que despolitiques de répression pourraient avoirdes retombées significatives. Le lien entrela corruption et la faible croissance écono-mique n’est guère différent lorsque l’estima-tion porte sur des pays aux fortes pesan-teurs administratives. Par conséquent, rienne prouve que la corruption soit bénéfiqueen présence de lenteurs bureaucratiques.C’est surtout par l’intermédiaire de l’inves-tissement privé qu’elle réduit la croissanceéconomique, et cet impact représente aumoins un tiers de son effet négatif global, lereste s’exerçant nécessairement par d’autrescanaux, y compris ceux déjà cités. Bien qu’ilsoit difficile d’isoler ces autres canaux, l’ob-servation tendrait à prouver que I’un d’entreeux - la distorsion des dépenses publiques-joue un rôle significatif.

Des comparaisons entre pays semblentmontrer que la corruption modifie la com-position des dépenses publiques et qu’enparticulier les pouvoirs publics corrompusconsacrent moins de dépenses à l’éducation,voire à la santé, et probablement davantageà l’investissement public. Une analyse derégression indique qu’un pays qui passe de6 à 8 dans l’indice de corruption susmen-tionné augmente en général les crédits del’éducation nationale de ‘/z % du PIB, ce quireprésente une variation des plus considé-rables. Ce résultat donne à penser, car il estde plus en plus prouvé que la réussite sco-laire favorise la croissance économique.

Il convient bien entendu d’user d’unegrande prudence vis-à-vis de résultats em-piriques relatifs à un phénomène intrin-sèquement difficile à quantifier. Dans cecontexte, deux questions méritent une atten-tion particulière : le rapport de cause à effetet le rôle éventuel d’autres formes d’inef-ficience institutionnelle.

Pourquoi les pays considérés commecorrompus connaissent-ils une faible crois-sance économique? La corruption nuit-elle àla croissance, ou une faible croissance con-duit-elle simplement les consultants à malnoter un pays? Pour résoudre cette doublequestion, on peut prendre des variables(le passé colonial d’un pays ou I’ampleurde ses divisions ethnolinguistiques) qui setrouvent être corrélées avec la corruption,mais n’influent pas sur la croissance éco-nomique ni sur les dépenses publiquesautrement que par l’intermédiaire de l’effi-cience institutionnelle, et les utiliser commevariables opérationnelles dans l’analyse de

régression. Grâce à cet artifice statistique, ilest possible de contourner les problèmesque soulève la subjectivité des indices decorruption et de montrer que la corruptionentrazne une faible croissance économique.

La corruption se manifeste le plus enprésence d’autres formes d’inefficience ins-titutionnelle comme l’instabilité politique,les pesanteurs administratives, ou des sys-tèmes législatif et judiciaire faibles. Est-ilpossible de démontrer qu’elle seule, plutôtque d’autres facteurs avec lesquels elle estcorrélée, explique la faiblesse de la crois-sance économique? Une analyse de régres-sion établit en partie qu’après neutralisationdes autres formes d’inefficience institution-nelle telle l’instabilité politique, on peutencore démontrer que la corruption réduitla croissance. Néanmoins, il est difficile demontrer de façon concluante que la causeunique du problème est la corruption, plutôtque les carences institutionnelles qui luisont étroitement associées. En fait, il estprobable que ces faiblesses sont indisso-ciables puisqu’elles se renforcent mutuelle-ment (par exemple, les lourdeurs adminis-tratives rendent la corruption possible, etles fonctionnaires véreux peuvent accroîtreles formalités administratives afin dextor-quer des fonds occultes supplémentaires)et que l’éradication du mal aide un paysà remédier à d’autres faiblesses institution-nelles, tout comme la réduction de ces ca-rences l’aide à enrayer la corruption.

Quelques voies à explorerEn dépit d’un ensemble de connaissances

théoriques bien établies, ainsi que de con-clusions préliminaires sur les causes et lesconséquences de la corruption, plusieursautres points doivent être élucidés si l’onveut que l’État puisse se doter de moyensde répression efficaces.

Si les coûts de la corruption sontaussi élevés, pourquoi les pouvoirspublics ne l’éliminent-ils pas? Onpeut avancer qu’une fois qu’un système cor-rompu se trouve en place et qu’une majoritéd’individus y évoluent, ils n’ont aucune rai-son de chercher à le modifier ni de s’abs-tenir d’y participer, ,quand bien même toutle monde gagnerait à ce qu’il disparaisse.Prenons les exemples suivants :

l Vous vivez dans une société où tout lemonde vole. Allez-vous voler aussi? La pro-babilité de vous faire prendre est faible,car la police est très occupée à rechercherd’autres voleurs, et même si vous étiez ar-rêté, vous ne risqueriez guère d’encourirune peine sévère pour un crime aussirépandu. Donc, vous volez aussi. En re-vanche, si vous vivez dans une société où levol est rare, la probabilité d’être arrêté etsanctionné est forte, aussi vous choisissezde vous abstenir.

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l Vous êtes un jeune fonctionnaire su-balterne dans une administration où tout lemonde, y compris vos supérieurs, est trèscorrompu. Quelqu’un vous propose un pot-de-vin pour l’aider à éluder l’impôt. Vousdéclinez. cette offre. Quelques heures plustard, vous recevez un appel téléphonique devotre chef, qui aurait souhaité une part devos gains illicites. Il laisse entendre que, sivous êtes aimable avec un ami (en accep-tant le pot-de-vin), vous aurez une chanced’obtenir une promotion, tandis que, dansle cas contraire, vous serez muté dans unbureau provincial éloigné. Vous acceptezalors I’enveloppe et la partagez avec votresupérieur et vos collègues. Si, à l’inverse,l’administration dans laquelle vous travail-lez est tres honnête, il est probable que vousvous comporterez honnêtement pour éviterle risque d’être renvoyé.

l Les individus A et B sont membres dumême gouvernement. Supposons,d’une part, que A, très corrompu, aétabli un réseau souterrain à sonprofit. La nécessité de verser d’im-portants dessous-de-table décou-rage les investisseur-s et impose unelourde charge à la croissance éco-nomique. Les citoyens se rendentcompte que la corruption publiquenuit à la croissance économique,mais ils voient mal qui sollicite ces verse-ments occultes. Ils décident donc de ne pasréélire le gouvernement. Les perspectivesde B s’en trouvant réduites, il est plus tentéde détourner une grande partie de la pro-duction actuelle, sans se soucier des effetsnéfastes sur la production future. Autre-ment dit, B tentera d’obtenir une plus largepart du gâteau aujourd’hui, puisqu’il saitque le gouvernement auquel il appartientsera bientôt chassé du pouvoir. Par contre,d’après le même raisonnement, si A neperçoit pas de pots-de-vin, B y renonceraalors aussi.

Ce dernier exemple peut expliquer nonseulement la persistance de la corruption,mais aussi une observation empirique :en moyenne, les pays les plus corrompustendent à être les plus instables sur le planpolitique. Il semble aussi indiquer que lacorruption et l’instabilité politique résultentpeut-être d’un manque de coordination entreles membres d’un même gouvernement oude l’élite dirigeante. En ce sens, il se peutque corruption et instabilité politique soientles deux faces de la même médaille. Cetexemple pourrait s’appliquer aux pays enproie à de fréquents coups d’Etat, où lesrégimes corrompus se succèdent. En re-vanche, il n’explique pas un certain nombred’autres cas pertinents - dictateurs restésau pouvoir pendant de nombreuses annéesen laissant leurs partisans effectuer delourdes ponctions, gouvernements formés

de personnes fiint les pots-de-vin à unniveau juste assez élevé pour qu’elles neperdent pas le pouvoir.

Les exemples ci-dessus indiquent qu’unefois la corruption enracinée, il est très diffi-cile de l’éradiquer. Elle tend donc à persis-ter, ainsi que ses conséquences fâcheuses.D’où cette importante conclusion pratique,qui va dans le sens de l’expérience interna-tionale des dernières décennies : les effortsfaits pour éradiquer la corruption ont ten-dance à réussir lorsque les réformes, me-nées de manière très rapide et vigoureuse,sont soutenues au sommet de l’État. On doitaussi se demander quelles caractéristiquesrisquent davantage de faire tomber un paysdans le piège de la corruption généralisée etde la faible croissance.

La corruption engendre la pau-vreté, mais la réciproque est-ellevraie? Il est frappant d’observer que les

oll se peut quecorruption et instabilitépolitique soient les deux

faces de la nhwe

pays les plus pauvres sont en général con-sidérés comme les plus corrompus. Cetteobservation doit être traitée avec prudence,car elle peut être influencée par les senti-ments des observateurs. Toutefois, si I’onsuppose un instant qu’elle reflète une véri-table corrélation, il serait bon d’en étudierles sources. Nous avons relevé des preuvesque la corruption réduit la croissance éco-nomique, engendrant ainsi la pauvreté àlong terme. Dans le même temps, il est pos-sible que la pauvreté entraîne elle-mêmela corruption, peut-être parce que les payspauvres ne peuvent consacrer suffisammentde ressources à la création et à l’applicationd’un cadre juridique efficace, ou que les indi-vidus dans le besoin sont plus susceptiblesd’abandonner leurs principes moraux. Deschercheurs ont entrepris d’analyser le lienentre les traitements des fonctionnaires etl’étendue de la corruption. Il a été avancéque des traitements raisonnables sont unecondition nécessaire, mais non suffisante,pour éviter la corruption.

Quelles sont les pires formes decowuption?Les indices de corruption dis-ponibles ne permettent pas de distinguer laconcussion de haut vol (un ministre de ladéfense reçoit une enveloppe en échange del’achat par son pays d’un coûteux avion decombat) de la petite corruption (un fonction-naire subalterne reçoit une somme modiquepour accélérer la délivrance d’un permis deconduire). Ces indices ne différencient pas

non plus la corruption organisée de la cor-ruption anarchique. (Lorsque la corruptionest bien organisée, le montant exigé et ledestinataire approprié d’une enveloppe sontconnus, et le paiement garantit la faveursouhaitée.) Par conséquent, nous ne savonspas encore quels types de corruption sontles plus néfastes et devraient être combattusen priorité. Des éléments anecdotiques etdes études portant sur tel ou tel payslaissent supposer que la concussion de hautvol et la petite corruption tendent à coexis-ter en se renforçant mutuellement. Il se peutdonc qu’une telle distinction n’ait pas lieud’être. En revanche, la différence entre lacorruption bien organisée et la corruptionanarchique est sans doute plus pertinente,car des arguments théoriques assez con-vaincants montrent que la seconde a deseffets plus graves que la première.

Si la corruption est bien organisée, lesentrepreneurs savent qui ils doiventacheter et à quel prix, et ils pour-ront compter obtenir les permis ne-cessaires. Il a aussi été affirmé quela corruption bien organisée estmoins nuisible, car, dans ce sys-tème, un fonctionnaire corrompuprélèvera un pourcentage déter-miné des bénéfices de l’entreprise,et il aura donc intérêt à ce que

celle-ci prospère. En revanche, si la corruption est anarchique, les entrepreneurs de-vront peut-être acheter plusieurs fonction-naires, sans garantie qu’on n’exigera pasd’autres versements illicites, ni que les per-mis demandes seront bel et bien délivres.En outre, si plusieurs agents demandentau même entrepreneur des dessous-de-tabledifférents, leurs exigences risquent de deve-nir excessives, ce qui met fin à l’activité del’entrepreneur. Cependant, il existe actuel-lement peu de données empiriques per-mettant de vérifier que la corruption anar-chique est la plus néfaste des deux.

Que fait-on à l’heure actuelle etque pourrait-on faire de plus? Ungrand nombre de pays et d’institutions ac-cordent une attention croissante au pro-blème de la corruption, et le débat sur lesstratégies possibles se poursuit. Dans leursdécisions d’allocation d’aide, certains paysdonateurs attachent à présent une impor-tance accrue aux efforts anticorruption despays bénéficiaires. Les Etats membres del’Organisation de coopération et de dévelop-pement économiques ont pris des mesurespour criminaliser la corruption de fonction-naires étrangers. Les institutions interna-tionales, qui jouent depuis toujours un rôleimportant dans le combat engagé pourréduire les possibilités de corruption, ac-cordent maintenant une plus grande place àce dossier. Par exemple, le FMI a toujoursencouragé les pays à libéraliser leur écono-

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mie (notamment en supprimant les en-traves au commerce), à éliminer les opéra-tions extrabudgétaires et à assurer la trans-parence du budget. Les directives sur labonne gestion des affaires publiques adopt&s par son Conseil d’administration enaoût 1997 officialisent l’engagement desw-vices du FMI dans ce domaine.

Un défi d relever. Comment empêcherla corruption de fausser les dépenses pu-bliques? Il s’agit d’une question importantequi est à l’origine des craintes des donateursde voir les fonds d’aide détournés. Or, il estdifficile de s’assurer du bon emploi de res-sources fongibles. Par exemple, un donateurverse à un pays des fonds d’aide pour bâtirune école, qui est bien construite, mais lepays peut tirer parti des économies ainsiréalisées pour acheter des armes sophis-tiquées, dont l’acquisition risque de se prê-ter davantage à la concussion que la cons-truction d’une école. Comment remédier à ceproblème? De toute évidence, les pays dona-teurs doivent s’intéresser à la compositionglobale des dépenses publiques, et non pasuniquement à l’affectation de leurs dons,mais beaucoup n’ont pas les moyens de lefaire. Il a été envisagé qu’une institutioninternationale surveille la composition glo-

don et à la communauté des donateurs.L’application de cette proposition serait tou-tefois délicate. Les pays bénéficiaires résis-teraient probablement aux tentatives dureste du monde d’intervenir dans la répar-tition de leurs dépenses publiques. En outre,concrètement, il risque d’être difficile des’assurer que les crédits budgétaires ne se-ront pas simplement rebaptisés, sans au-cune amélioration réelle de la compositiondes dépenses publiques.

Comment évaluer l’efficacité despouvoirs publics au COUYS de la pro-chaine décennie? Nous comprenons as-sez bien les causes et les conséquences de lacorruption, et nous avons commencé à en-trevoir l’étendue de ces liens à travers desétudes empiriques. Un consensus se dégagesur la gravité de ce fléau, que plusieursinstances internationales ont entrepris d’en-rayer. Sur le plan pratique, bien que nosconnaissances soient encore acquises partâtonnements, des actions sont amorcées. Ilfaut que dans dix ans nous puissions dres-ser un bilan de notre lutte actuelle et en con-clure que des résultats tangibles ont étéobtenus. À cette fin, il conviendrait que lesorganismes qui se mobilisent contre la cor-ruption définissent des critères pour éva-

mètres afin de pouvoir mesurer l’efficacitéde ses moyens de façon exacte et équitableau cours des dix prochaines années.

La définition de «résultats concrets» risqued’être une tâche fort complexe dans un do-maine où la quantification est difficile. Pourcommencer, toutefois, on pourrait tirer partide la masse de connaissances fiables qui aété rassemblée sur les causes de la corrup-tion. Par exemple, les efforts anticorruptionpourraient être évalués en fonction de leurcapacité à entraîner l’application de me-sures dont l’efficacité est prouvée, telle l’éli-mination des restrictions publiques généra-trices de rentes. IF&DI

Lectures recommandées :Paolo Maure, 1996, oThe Effects of Corruption

on Growth, Investment, and Government E@en-ditures document de travail n ’ 96/98 du FMI(Washington, Fonds monétaire international).

Vito Tanzi et Hamid Davoodi, 1997,«Corruption, Public Investment, and Growth)),document de travail n ’ 97139 du FMI(Washington, Fonds monétaire international).

Caroline Vàn Rijckeghem et Beatrice Weo!er,1997, c~Corruptim2 and the Rate of Tempta-tion: Do Low Wages in the Civil Service CauseCorrufition?~~, document de travail n ’ 97/73

bale des dépenses publiques, à titre de ser- luer leurs politiques. Chaque entité devrait du FA& (Washington, Fonds monétairevice rendu aux citoyens du pays recevant le dès maintenant établir ses propres para- international).

La Banque mondiale appelle à la lutte contre le sida- Tbe Daib TelegraphLe sida va s’étendre rapidement en Chine, en Inde eten Europe orientale - Tbe New York TimesDe très nombreux autres journaux du monde entier ont titré sur la parution de

la plus grande étude que la Banque mondiale ait jamais consacrée à la montée de

la crise mondiale du sida. Son rapport, Faire face au sida : les priorités de

l’action publique face à une épidémie mondiale, analyse cette maladie dévas-tatrice en se plaçant dans l’optique des dirigeants - en dehors des responsables

du secteur de la santé - qui, dans les pays en dkveloppement, définissent et fi-

nancent l’effort national de lutte contre l’épidémie.

Faire face au sic& traite d’une question qui domine tout le débat : I’État ne

disposant que de moyens limités dans un pays en développement, à quelles mesures doit-il donner la priorité

pour faire face à l’épidémie.? Fruit de dix-huit mois de recherches, qui ont bénéficié d’un soutien considérable

d’ONUSIDA et de la Commission européenne, ce rapport est une mine de renseignements et de statistiques absolu-

ment indispensables. Faire face au sia% peut être obtenu pour 30 $ seulement, envoi non compris, en s’adressant

directement à la Banque mondiale. Voir ci-dessous pour plus de détails.

Aux États-Unis, contactez : The World Bank, P.O. Box 7247-8619, Philadelphia, PA 19170-8619. T&phone :(703) 661-1580. Télécopie : (703) 661-1501. Frais d’envoi : 5 $. Envoi par avion à I’etirieur des États-Unis : 13 $pour un seul exemplaire et 6 $ pour chaque exemplaire supplémentaire. Paiement par chèque en dollars EU. tir6sur une banque des États-Unis, ?i l’ordre de World Bank, ou par carte VISA, Mastetid ou American Express. Horsdes États-Unis, prière d’entrer en contact avec le distributeur des publications de la Banque mondiale.

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