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JEANPAUL LAFRANCE LA TÉLÉVISION À L’ÈRE D’INTERNET SEPTENTRION Extrait de la publication

JEAN PAUL LAFRANCE LA TÉLÉVISION… · Le commerce électronique : y a-t-il un modèle québécois (avec Pierre Brouillard), Sainte-Foy, PUQ, . L’Intranet par l’exemple

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JE AN ! PAUL L AFR ANCE

LA TÉLÉVISION À L’ÈRE

D’INTERNET

SEPTENTRIONExtrait de la publication

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LA TÉLÉVISIONÀ L’ÈRE

D’INTERNET

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DU MÊME AUTEUR

La bataille de l’imprimé, à l’ère du papier électronique (sous la direction d’Éric Leray et de J.-P. Lafrance), Montréal,

Les Presses de l’Université de Montréal, !""#.

Les jeux vidéo, à la recherche d’un monde meilleur, Paris et Londres, Hermès et Lavoisier, !""$.

Place et rôle de la communication dans le développement international

(en collaboration avec A. M. Laulan et Carmen Rico de Sotelo), Québec, PUQ, !""%.

Le commerce électronique : y a-t-il un modèle québécois (avec Pierre Brouillard),

Sainte-Foy, PUQ, !""!.

L’Intranet par l’exemple (avec Danielle Verville), Montréal, Éditions Isabelle Quentin,

coll. « Les communicateurs », &''#.

Intranet ilustada, Montevideo, Editiones TRILCE (traduction espagnole), &'''.

Le câble ou l’univers médiatique en mutation, Montréal, Québec Amérique, &'#' (prix Falardeau du

meilleur livre scientifique décerné par la Fédération des sciences sociales du Canada).

Les radios nouvelles à travers le monde, Paris, La Documentation française, &'#(.

La télévision payante ; jeux et enjeux, Montréal, éd. A. St-Martin, &'#!.

La télévision, un média en crise, Montréal, Québec Amérique, &'#!.

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LA TÉLÉVISION À L’ÈRE

D’INTERNET

Jean-Paul Lafrance

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Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de dévelop pement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Pro gramme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

L’auteur tient à remercier les Laboratoires universitaires Bell, la Chaire Unesco-Bell de l’UQAM et le Fonds de recherche sur la société et la culture (Québec) pour leur soutien.

Conseiller éditorial : François BabyCorrection d’épreuves : Céline ComtoisMise en pages et maquette de couverture : Pierre-Louis Cauchon

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRIONvous pouvez nous écrire par courrier,par courriel à [email protected],par télécopieur au 418 527-4978ou consulter notre catalogue sur Internet :www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion Di1usion au Canada : 1300, av. Maguire Di1usion DimediaQuébec (Québec) 539, boul. LebeauG1T 1Z3 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2Dépôt légal :Bibliothèque et Archives Ventes en Europe :nationales du Québec, 2009 Distribution du Nouveau MondeISBN papier : 978-2-89448-589-7 30, rue Gay-LussacISBN pdf : 978-2-89664-548-0 75005 Paris

Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres

Pour e1ectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous sur notre site Internet au www.septentrion.qc.ca

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INTRODUCTIONLa réalité à la télévision est-elle une téléréalité ?

C’était en 1954 ou 1955. Mon père, noble bourgeois et grand intellectuel, consentit à acheter un appareil de

télévision, sous la pression insistante de ma mère. Rappelons-nous que Radio-Canada avait commencé sa programmation le % septembre &'2! ; nous avions l’im-pression de marquer le pas vis-à-vis des voisins et des compagnons de jeu. On décida de le mettre dans le boudoir, réservant le salon à de plus nobles occupations, comme la lecture, la réception des amis et des parents ou la visite du curé. On mit le pied un peu plus avant dans la modernité en achetant un fauteuil bas et pivotant pour regarder cette étrange petite lucarne sur le monde. Je ne me rappelle plus qu’elle était l’émission, mais ce qui est resté dans ma mémoire d’adolescent, c’est le fait qu’à la fin de l’écoute mon père se leva pour fermer l’appareil ; pour lui, le spectacle était terminé. Il n’a jamais accepté la coutume actuelle de nombre de foyers québécois qui laissent le téléviseur ouvert toute la journée, même s’il n’y a devant qu’un chien qui dort ou qu’un bébé qui vagit… Pourquoi ? pour soutenir les cotes d’écoute, je suppose ! Pour lui la télévision n’était pas ce que plusieurs cher-cheurs appelleront par la suite un média de flux…

Maintenant la télévision est ouverte la journée entière, dans les gares d’autobus, la salle d’attente des hôpitaux, le métro, les aérogares, la chambre des malades, partout où il faut tuer le temps. Autres temps, autres mœurs ! Les

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!" L A T É L É V I S I O N À L’ È R E D ’ I N T E R N E T

jeunes d’aujourd’hui jettent un coup d’œil distrait aux images qui défilent sur l’écran, parce qu’ils sont plus occupés à clavarder, à répondre à leurs courriels ou à pianoter sur leur console de jeux vidéo. La télévision n’est plus le centre d’intérêt des &" à !" ans.

C’est un lieu commun de dire que la télévision a évolué ; les chercheurs parlent de l’« archéotélévision », de la « néotélévision » et de la « post-télévision » (cela constitue le propos du chapitre &) ou, pour parler simple-ment, il y a la télévision de grand-papa, celle de papa et celle du fiston.

La télévision des années &'%"-&'$" a été fort importante dans l’évolution des mentalités et on n’insistera pas assez pour dire qu’il s’agit là d’un des éléments marquants de la Révolution tranquille (autant que la mort de Duplessis, la mise sur pied du ministère de l’Éducation, la syndicalisation et la révolution sexuelle), car elle a permis de présenter la campagne (Un homme et son péché, par exemple) aux gens de la ville et les gens de la ville (Les Plou!e, autre téléroman d’importance) aux gens de la campagne ; au niveau linguis-tique, elle a gommé lentement les accents et les particula-rismes régionaux ; au niveau politique, elle a délié les bouches (révolution sociale et syndicale) et les cœurs (révolution sexuelle) ; sur le plan culturel, elle a mis sous les projecteurs les arts de la scène, la peinture et la chanson&. Qu’on se

&. Je ne voudrais pas prétendre que la modernité au Québec a commencé en &'2', à la mort de Duplessis ; il y eut bien des signes avant-coureurs du phénomène, dès la fin des années &'3", comme la poésie d’Anne Hébert ou les Demi-civilisés de Jean-Charles Harvey (&'3(), Le Refus global de Paul-Émile Borduas (&'(#), les chansons de Félix Leclerc, le théâtre des Compagnons de St-Laurent, les éditoriaux du Devoir ou les articles de Cité libre, la résistance de la CTCC (Confédération des travailleurs catholiques du Canada, ancêtre de la CSN). Mais il faut bien avouer que c’est l’ouverture de Radio-Canada, en septembre &'2!, qui présenta ces idées nouvelles au grand public.

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I N T R O D U C T I O N !!

rappelle comment les grands-mères ont pu être étonnées, sinon choquées, de voir s’embrasser à pleine bouche les acteurs et les actrices des téléromans ; ce fut comme ouvrir la lumière sur des scènes qui ne se passaient que dans les chambres à coucher. Quelle ne fut pas la surprise pour les gens de la télé communautaire de Saint-Félicien, en &'%", quand ils ont vu les images de la rue principale de leur village sur leur écran ; ils ne voyaient plus seulement la tour Ei1el ou la Maison-Blanche, ils étaient aussi du monde à voir et à aimer ; on leur a mis un miroir devant eux et ils se sont regardés…

La télévision des années &'#"-&''" fut surtout, selon la belle expression de Dominique Mehl, la télé de l’inti-mité et de la vie familiale ; elle a permis l’évolution des mœurs et le règlement « à l’amiable » de bien des conflits. Dans les téléromans de Janette Bertrand (Quelle famille, Grand-papa) ou de Lise Payette (La Bonne Aventure, Des dames de cœur, Les Machos), combien de drames ont été évités dans les relations enfants-parents, hommes-femmes (L’amour avec un grand A), la révolution féminine et féministe, l’homosexualité…

Dans son troisième âge, la télévision adopte une pers-pective plus mondialiste où les problèmes abordés sont la drogue, la prostitution, l’infidélité conjugale, la violence des gangs de rue, l’ethnicité ; le propos est beaucoup plus dur, l’action est plus rapide, à la façon du cinéma d’action : c’est Desperate Housewives ou Beautés désespérées (au Québec), Lost aux États-Unis ou Perdus chez nous, "# heures chrono, Fortier, etc.

La télévision a changé parce qu’elle a été soumise :

l’arrivée des réseaux comme Internet, la mobilité) – voir le chapitre ! – et à la réalisation du vieux rêve de l’interactivité – voir le chapitre &" ;

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culture de l’instantané) – voir le chapitre 3 –, à l’indivi-dualisme et à la prédominance du moi – voir le chapitre ( –, à la vitesse de l’espace-temps – voir le chapitre 2 ;

financement par l’arrivée des nouveaux médias et choc de la gratuité du Net) – voir le chapitre &&.

Dans les chapitres %, $, #, on me fera sûrement le reproche de donner autant d’espace au phénomène de la téléréalité et, surtout, d’en faire l’émission phare de la télévision du 44/e siècle. Je vais recevoir les fleurs et le pot de fleurs pour ne pas avoir balayé sous le tapis cette télévision poubelle, honte de notre culture médiatique. Mais ce n’est pas que j’aime ça, Dieu merci !

En !""(, j’ai passé un mois à Paris et, tous les soirs, j’écoutais à TF& La ferme des célébrités qui était une émission de téléréalité produite par Endemol France, présentée par Christophe Dechavanne. Quatorze célé-brités, dont la plupart sur le déclin, furent sélectionnées ; elles seront coupées du monde pendant dix semaines où elles séjourneront dans une ferme traditionnelle de la France profonde, sans eau courante, sans commodités modernes, en jouant à l’ouvrier ou à l’ouvrière agricole, sous les yeux éberlués du vrai fermier. La distribution artistique fut particulièrement réussie ; une ancienne présentatrice de télé qui joue la môman, un travesti habillé en poupoune à talons hauts et en robe gri1ée, un gros noir macho et ancien boxeur qui tape sur le précé-dent, une ex-Miss France, un mannequin, la compagne de Paul-Loup Sulitzer, l’ex de George Clooney et j’en passe et des meilleurs (comme disait Victor Hugo dans Ruy Blas). Je ne comprenais pas comment et pourquoi dix millions de Français pouvaient suivre fidèlement ce cirque invraisemblable, cette parodie de docudrame. Mon

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I N T R O D U C T I O N !$

instinct de sociologue me disait qu’il y avait bien là quelque chose de remarquable à analyser, la foule ne se trompant pas… Et, pendant ce temps-là, la rumeur faisait rage contre cette injure à la culture savante !

C’est un peu pour cette raison que je me suis lancé dans une étude sur le phénomène postmoderne de la téléréalité, en interrogeant d’une façon approfondie une vingtaine de producteurs, participants, téléspectateurs de toutes sortes des téléréalités québécoise, française, américaine, arabe, et cela, grâce aux ressources de la Chaire Unesco-Bell de l’UQAM!. Nos interviewés ont parlé, parlé, parlé de l’inter-activité, même s’ils ne votaient peu ou pas, même s’ils ne croyaient peu ou pas à l’impartialité des producteurs et à la sincérité des intervenants. La plupart ne savaient pas que ce jeu provenait de l’étranger ; ils avaient vraiment l’impression que l’émission était bien de chez eux. La téléréalité se répercutait sur tous les autres médias de l’environnement médiatique, Internet, les blogues, les SMS (short message service), le téléphone mobile, les journaux, les revues people, et faisait événement.

« Malgré tout le bruit entourant le phénomène, la téléréalité n’est pas tout à fait nouvelle. L’ironie, c’est qu’il y a peu de réalité dans la téléréalité. Le génie des grandes chaînes est d’avoir vendu ces émissions comme étant représentatives de la réalité, d’avoir vendu l’idée de la réalité aux téléspectateurs3. » La téléréalité illustre bien le débat actuel sur le vrai-faux ou le faux-vrai sentiment que nous avons de la réalité ; il nous plaît de participer sans cesse à ce jeu de rôle collectif qui nous fait croire que nous sommes dans la vraie vie.

!. Marie-Odile Groulx et Sahbi Nablia, mes deux doctorants, ont mené le travail de terrain. Qu’ils en soient remerciés.

3. Luc Dupont, Téléréalité : quand la réalité est un mensonge, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, !""$.

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CHAPITRE !Décidément, la télévision n’est plus ce qu’elle était !

Grosso modo, la télévision a cinquante ans. Nous en sommes au troisième palier de transformation.

Dans les années &'#", Umberto Eco définissait celle-ci comme paléotélévision! *, dix ans plus tard, Odin et Casetti parlaient de la néotélévision!, enfin Ignacio Ramonet emploie maintenant le terme de post-télévision3. En d’autres termes :

&. la paléotélévision, c’est la télévision première ou la télévision des origines, de &'%" à &'#" ;

!. la néotélévision, c’est-à-dire la télévision de l’intimité, est celle que nous nous préparons à quitter ;

3. enfin, la post-télévision, la dernière étape, c’est la sortie du système télévisuel actuel, que nous appellerons la télévision personnelle, celle du 44/e siècle.

Est-ce la fin de l’histoire télévisuelle, comme l’annonce Jean-Louis Missika, dans son essai au titre coup de

&. Le terme est d’Umberto Eco dans « TV : la transparence perdue » (&'#3), dans La guerre du faux, Paris, Grasset, &'#2.

* On trouvera à la fin du livre un index de mots souvent employés dans le texte et qui peuvent poser des problèmes de compréhension à certains lecteurs.

!. « De la paleo- à la néo-télévision », Communications, no 2&, Télévisions/mutations, Seuil, &''".

3. Ignacio Ramonet, « Big Brother », Le Monde diplomatique, juin !""(.

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!% L A T É L É V I S I O N À L’ È R E D ’ I N T E R N E T

poing( ? L’esprit humain aime bien les histoires en trois étapes (la naissance, la vie, la mort) ou, comme dans le système hégélien, thèse-anti-thèse-synthèse, préhistoire-histoire-fin de l’histoire. On a l’impression qu’il nous est agréable de régler le sort de la télévision, pour passer à autre chose, je suppose, à l’histoire d’Internet peut-être… Il nous faut bien être un peu plus mesuré ; on n’est sûre-ment pas à l’heure où la petite boîte à images va s’éteindre, dans nos foyers, comme une étoile qui meurt au firma-ment de l’univers médiatique.

Problématiques théoriques sur la télévision

On a beaucoup écrit sur la télévision, on l’a beaucoup dénoncée comme vulgaire, servile, aliénante, méprisante, futile, populaire (dans le sens de populace) et même aso-ciale2 ; Big Brother ou trash TV. C’est la « folle du logis », comme la désignaient déjà en &'#3 Missika et Wolton. La télévision est le poil à gratter des intellectuels, bien que tout le monde des lettres s’y presse pour plus de visibilité personnelle et… pour la dénoncer. Plus on en parle, plus on accumule les malentendus ; la télévision d’hier serait-elle meilleure que celle d’aujourd’hui ? Et, quand on en maîtrise les e1ets, elle nous échappe, elle n’est plus ce qu’elle était… Qu’on se rappelle tout le mal qu’ont dit,

(. Jean-Louis Missika, La $n de la télévision, Paris, Seuil, !""%. Par ailleurs, Jean-Marc Morandini, journaliste-commentateur à la télé française, prédit l’implosion de la télé en !"&! ! (« Télé : l’implosion, enquête sur un naufrage annoncé », L’Archipel, novembre !""$).

2. Citons le chapelet d’invectives qui se sont déversées dans les médias à propos de Lo% Story : « voyeurisme, poujadisme intellectuel, crise de la pensée, spectacle totalitaire, monde concentrationnaire, monde répressif, exhibitionnisme, violence, perversité » (Y. Jeanneret et V. Patrin-Leclère, « Lo5 Story & ou la critique prise au piège de l’audience », Hermès, 3$, !""(, p. &(#).

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D É C I D É M E N T, L A T É L É V I S I O N N ’ E S T P L U S C E Q U ’ E L L E É TA I T ! !&

dans les années &'3", Adorno et Horkheimer% de l’École de Francfort sur le jazz, musique vulgaire par excellence, alors qu’aujourd’hui cette musique est pour amateur averti, par opposition au rock, au reggae ou au rap, musique populaire !

Christian Metz disait que, « sans machine, on est sûr d’avance de ne rien voir ». Il voulait parler d’une machine théorique évidemment ; le penseur est donc un fabricant de machines à penser ; dans le cas qui nous occupe, il nous faut une sorte de lunette d’approche des phénomènes di6cilement visibles pour un œil non averti. Et les intel-lectuels sont trop occupés à lire, à aller au cinéma ou à écouter de la musique classique, ils regardent peu la télévision ! L’intelligentsia de la culture a fabriqué des modèles pour comprendre la télé. Se pourrait-il qu’elle se soit trompée ou qu’elle soit chaque fois en retard d’une lune ?

Mais les penseurs ne sont pas tous du même avis, peu s’en faut ! Entre les deux guerres, à la naissance des médias électroniques, deux types de problématique s’imposèrent :

-gonistes Benjamin, Adorno et Horkheimer de l’École de Francfort$ – pense la télévision dans la théorie plus générale de la culture de masse. Les Allemands, pro-fondément marqués par l’utilisation abusive faite par les Nazis des médias (et particulièrement de la radio

%. 7eodor W. Adorno et Max Horkheimer, « La production industrielle de biens culturels », dans La dialectique de la raison, Paris, Gallimard, &'$(.

$. Les deux textes fondamentaux sont : T. Adorno et Max Horkheimer, « La production industrielle de biens culturels », op. cit., et Walter Benjamin, “7e work of art in the era of mechanical reproduction”, Illuminations, éd. Hannah Arendt.

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!' L A T É L É V I S I O N À L’ È R E D ’ I N T E R N E T

et du cinéma à l’époque) pour l’idéologisation des masses, sont frappés par le phénomène de dégénéres-cence de l’art et par l’industrialisation de la culture. Habermas, de la deuxième vague de l’École de Francfort, n’aura de cesse de rechercher dans les médias (d’abord dans la presse populaire, dans les cafés littéraires et dans les pamphlets du 4/4e siècle) la place publique où « tous les hommes doués de raison discu-tent de la res publicae ». Après avoir tenté sans succès de la trouver, cette sphère publique, dans la télévision, on croit maintenant la chercher dans Internet, dans ce que l’on appelle maintenant les médias citoyens#.

', l’école des « Uses and Gratifications », s’interroge sur les e1ets des médias de masse, particulièrement en ce qui concerne l’influence de la propagande électorale dans les élections américaines et, à partir de &'2", l’impor-tance des débats radiophoniques et plus tard télévi-suels&". Deux courants s’a1rontent : celui qui croit à une

#. Nouveau thème à la mode dans le Sommet mondial de la Société de l’information (SMSI) de Genève (!""3) et de Tunis (!""2).

'. L’école fonctionnaliste (en sociologie avec Radcliffe-Brown et Malinowski) mit l’accent sur la notion de dynamisme de la culture, en la considérant comme une totalité organique dont les divers élé-ments s’expliquent par la fonction qu’ils y remplissent ; elle privilégia l’étude des mécanismes d’adaptation et d’intégration. En a6rmant que toutes les choses existent parce qu’elles remplissent une fonction dans la structure sociale globale, la théorie fonctionnaliste apparut souvent comme une défense systématique du statu quo. C’est la raison pour laquelle le fonctionnalisme fut l’objet de violentes critiques de la part des sociologues d’origine européenne dans les années &'%".

&". Les premiers et importants travaux de sociologie électorale furent e1ectués par Paul Lazarsfeld, sociologue américain d’origine autri-chienne, qui fut connu pour l’importance de ses travaux sur les e1ets des médias sur la société et pour l’utilisation de techniques d’enquêtes pour la collecte d’information. Voir entre autres : Elihu Katz, Personal

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D É C I D É M E N T, L A T É L É V I S I O N N ’ E S T P L U S C E Q U ’ E L L E É TA I T ! !(

influence directe des médias sur l’évolution des men-talités et répand l’idée de la toute-puissance des médias et l’autre qui prévoit des e1ets à long terme. Les médias agissent sur nous, mais par l’intermédiaire du réseau de nos proches parents, amis, compagnons et collègues (le fameux Two steps &ow of communication). Les médias ne sont-ils au mieux que le miroir de la société dans laquelle ils s’insèrent ?

Il nous faut revoir brièvement l ’histoire de la télévision.

"re période : la paléotélévision

La télévision n’était pas née que le malentendu a com-mencé ! La télévision, comme la radio, ne pouvait être qu’un canal de communication, qu’un instrument de dif-fusion, qu’un outil de propagation de la culture (de la Grande Culture, va sans dire), de l’éducation des masses, de la saine distraction des classes laborieuses après le tra-vail et l’accomplissement des tâches domestiques&&. Informer, éduquer, distraire, voilà la mission qui fut impartie à la télévision naissante ; mais cela sonne comme Nation, Travail, Famille. À l’origine, la télévision est plutôt vue comme un canal de di1usion du sport, de

in&uence. 'e part played by people in the &ow of mass communica-tions. A report of the Bureau of Applied Social Research, Columbia University, Glencoe, Ill., 7e Free Press, &'22.

&&. Rappelons-nous que, pour les marxistes (il en reste quelques-uns), la télévision est un appareil idéologique d’État (AIE), comme l’école et l’Église (voir Althusser, « Penser Marx »). Au Grand Soir (le soir de la Révolution), elle sera mise au service de la classe ouvrière et deviendra instrument de libération des masses. Entre la télévision média de masse et la télévision instrument de propagande des masses, il y avait risque de glissement qu’Habermas a tenté d’éviter en créant le concept de pragmatique intersubjective et d’espace public.

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#" L A T É L É V I S I O N À L’ È R E D ’ I N T E R N E T

l’information et de la fiction. La télévision a tenté de « mettre en images » ce qui se faisait à la radio en général et cela a bien pris dix à quinze ans avant qu’elle ne trouve sa spécificité. Par rapport au cinéma, elle fut considérée comme un art mineur ; on ne lui accorda rien d’original.

La paléotélévision se présentait fonctionnant comme un contrat de communication pédagogique, suivant la formule de Jean-Louis Missika et Dominique Wolton. « Trois traits caractérisent la communication pédago-gique : &) elle a comme objectif de transmettre le savoir, !) c’est une communication vectorisée avec tout ce que cela comporte de dirigisme, dans la façon d’interpeller son destinataire ; 3) c’est une communication fondée sur la séparation et la hiérarchisation des rôles (les détenteurs de pouvoir et ceux auxquels on cherche à communiquer)&! ». Cette télé fut aussi appelée la télé des réalisateurs ; on n’a qu’à voir le format des informations d’alors, où le lecteur de nouvelles (maintenant au Québec, ce sont des journa-listes qui mènent le téléjournal) placé face à la caméra, bien droit, froid et distant, présidait chaque soir la grand-messe des informations.

Pas surprenant non plus qu’à cette époque cette télé-vision fut de portée nationale&3, puisque tous convenaient d’en faire un lieu de rassemblement de l’ensemble du peuple autour de grands événements, comme les mani-festations sportives dont le but était de stimuler le senti-ment patriotique&(, les grands faits de la politique

&!. J.-L. Missika et D. Wolton, La folle du logis, Paris, Gallimard, &'#3.&3. Techniquement, la paléotélévision ne pouvait être que d’envergure

nationale, étant donné la lourdeur et le prix des équipements de télécommunications et de production de l’époque.

&(. Il est resté de ce temps la coutume de jouer l’hymne national avant les matches de hockey, de baseball ou de football et de jouer à fond sur l’idéologie nationaliste pendant les Jeux olympiques. Les derniers

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L’interaction du public &(2Le système de votation du public renforce-t-il

la solidarité avec les participants ? &('L’exclusion est un moteur important du jeu &2&

CHAPITRE !2La révolution technique de l’image : vers la télévision interactive, numérique et à haute dé*nition &22L’interactivité, quand tu nous tiens ! &22La télévision bidirectionnelle &%&

Le passé &%&Les systèmes de télévision payante

(appelés aussi PPV, de VOD ou de TVOD) &%3La télévision numérique &%$La haute définition &$&

CHAPITRE !!L’économie médiatique ou la misère des riches &$2Comment se financent les industries médiatiques ? &$'

La publicité &#&La part des distributeurs &#&La convergence &#!

Un exemple de convergence : le cas de Juste pour rire &#(

CONCLUSIONL’Homo telenautus &#'L’évolution du média et ses conséquences

économiques &'3Des utopies pour l’avenir &'(Le buzz &'#

PRINCIPAUX TERMES UTILISÉS !"3BIBLIOGRAPHIE !&&

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