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Jacques Castonguay Septentrion La Saga de la navigation à Québec et sur le Saint-Laurent Extrait de la publication

Jacques Castonguay La Saga…8 la saga de la navigation Tous ces navires, dont un certain nombre furent construits à Québec, ont laissé des souvenirs impérissables. Les documents

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Jacques Castonguay

S e p t e n t r i o n

La Sagade la

navigationà Québec et sur le Saint-Laurent

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LA SAGA DE LA NAVIGATION

À QUÉBEC ET SUR LE SAINT-LAURENT

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du même auteur

Psychologie de la mémoire, Éditions du Lévrier, 1964.

The Unknown Fort, Éditions du Lévrier, 1966.

Unsung Mission, Institut de pastorale, 1968.

Dictionnaire de la psychologie et des sciences connexes (français-anglais et anglais-français), Maloine S.A., Paris, 1972.

Les Bataillons et le dépôt du Royal 22e Régiment, 1945-1965, Régie du R.22eR., 1975.

Les Défis du fort Saint-Jean, Éditions du Richelieu, 1975.

La Seigneurie de Philippe Aubert de Gaspé, Saint-Jean-Port-Joli, 1977.

La Psychologie au secours du consommateur, Fides, 1978.

Histoire de la base des Forces canadiennes, Montréal, CFB Montréal, 1981.

Le Régiment de la Chaudière, Q.G. Le Régiment de la Chaudière, 1983.

Lady Stuart, Éditions du Méridien, 1986.

Les Voltigeurs de Québec, premier régiment canadien-français, Q.G. des Voltigeurs de Québec, 1987.

Le Collège militaire royal de Saint-Jean, Éditions du Méridien, 1989.

Philippe Aubert de Gaspé, seigneur et homme de lettres, Septentrion, 1991.

Le Collège militaire royal de Saint-Jean, une université à caractère différent, Septentrion, 1992.

Le 5e Régiment d’artillerie légère du Canada, BFC Valcartier, 1993.

La 16e Escadre Saint-Jean, ses antécédents et ses unités, La Beaucassière, 1994.

Les Casques bleus au Rwanda, L’Harmattan, Paris, 1998.

Les Voltigeurs de Québec, au service du Canada depuis 1862, Q.G. des Voltigeurs de Québec, 2002.

D’une seigneurie à l’autre, La Beaucassière, 2002.

C’était la guerre à Québec, 1939-1945, Art global, 2003.

Rwanda, souvenirs, témoignages et réflexions, Art global, 2005.

Pourquoi a-t-on fermé le Collège militaire royal de Saint-Jean ?, Art global, 2005.

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S E P T E N T R I O N

La Sagade la

navigationà Québec et sur le Saint-Laurent

Jacques Castonguay

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Illustration de la couverture : Le port de Québec. Pierre Coulombe

Révision : Solange Deschênes

Correction d’épreuves : France Brûlé Mise en pages et maquette de la couverture : Pierre-Louis Cauchon

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Dépôt légal : Ventes en Europe :Bibliothèque et Archives Distribution du Nouveau Mondenationales du Québec, 2007 30, rue Gay-LussacISBN 10 : 2-89448-526-3 75005 ParisISBN 13 : 978-2-89448-526-2

Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de dévelop pement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Pro gramme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

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Introduction

Il n’est pas nécessaire d’être un observateur averti pour voir combien importante est de nos jours l’activité maritime dans le Saint-Laurent

et le port de Québec. Les arrivées et les départs des navires marchands de toutes sortes et des bateaux de croisière se suivent à un rythme régulier chaque année du début du printemps à la fin de l’automne. Ce qui échappe généralement à plus d’un observateur, c’est tout ce que présuppose un tel déploiement d’énergie et d’activités. On est arrivé là à la suite d’invasions successives, d’affrontements armés, de naufrages dramatiques, d’idées géniales et d’initiatives peu communes, le tout constituant une histoire fantastique longue de plus d’un millénaire.

Bien avant qu’apparaissent les Français dans le Saint-Laurent au xvie siècle, les Amérindiens, des descendants d’Asiatiques mongoloïdes de la préhistoire, ont voyagé sur de longues distances en canot d’écorce dans ce fleuve. Les Inuits ont fait de même, mais eux en kayak, et ce, plus à l’est. On croit aussi qu’il n’est pas impossible que les Phéniciens aient également remonté le Saint-Laurent il y a environ 2 500 ans. Ce qui est certain, c’est que les Vikings le firent au tout début de l’an 1000. Quant à la venue des Français, on sait qu’elle débuta au xvie siècle, d’abord avec Jacques Cartier en 1535, puis avec Champlain et ses compagnons en 1608. On sait aussi que l’arrivée de ce dernier à Québec fut suivie de plusieurs affrontements armés dans le Saint-Laurent, tous consécutifs à des guerres européennes opposant les Anglais aux Français. L’invasion du Canada par les Américains en 1775 amena elle aussi une augmentation de navires à Québec et dans le fleuve, de même que la guerre de 1812. Beaucoup plus tard, les deux guerres mondiales eurent le même effet.

Par ailleurs, les Français comme les Anglais connurent d’abord la navigation à voiles dans le Saint-Laurent, puis, à compter de 1833, la navigation à vapeur. Au nombre de leurs navires figurèrent des vaisseaux de guerre, des navires marchands et, plus tard, des navires de croisière.

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8 la saga de la navigation

Tous ces navires, dont un certain nombre furent construits à Québec, ont laissé des souvenirs impérissables. Les documents rappellent entre autres qu’un nombre respectable de ces navires périrent dans le Saint-Laurent, les uns en raison de l’action de l’ennemi, beaucoup d’autres en raison des écueils nombreux dont regorgeait encore le fleuve il n’y a pas si longtemps. De nos jours, le fleuve est toutefois passablement sécurisé grâce à l’intro-duction du pilotage professionnel, une réglementation plus sévère de la navigation, l’usage de chenaux mieux définis, la construction de plusieurs phares et l’addition de nombreuses bouées. Ce sont non seulement les gros navires qui tirent profit de cet état de chose aujourd’hui, mais aussi de nombreux bateaux de plaisance.

C’est cette histoire longue et mouvementée que raconte le présent ouvrage. En bref, il présente succinctement les événements marquants relatifs à la navigation à Québec et sur le Saint-Laurent à compter du premier millénaire jusqu’à nos jours.

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Les autochtones, les premiers navigateurs du Saint-Laurent

Les origines lointaines de la navigation dans le monde

La navigation en général remonte très loin dans l’histoire de l’humanité et aussi relativement loin en ce qui a trait à la navigation

dans le Saint-Laurent, connu aussi des Français sous l’appellation de la « grande rivière de Canada ». Des archéologues affirment que, si l’on prend le terme navigation au sens strict ou dans son acception générale, il faut situer l’origine de la navigation à l’époque où l’homme, aux prises avec les inondations et autres cataclysmes de cette sorte, se hissa instinc-tivement sur un tronc d’arbre ou sur un banc de glace pour assurer sa survie. Avant de posséder toutefois une véritable embarcation, c’est-à-dire de disposer au moins d’une pirogue ou d’un tronc d’arbre creusé à la hache, l’homme dut apprendre à tailler et à polir la pierre. On parle donc ici de l’époque néolithique qui s’étend jusqu’au IIIe millénaire. À l’âge du bronze, l’architecture navale fit toutefois des progrès importants. Des traces de planche et de mature découvertes par des chercheurs permettent de l’affirmer.

Les Amérindiens et l’apparition de la navigation sur le Saint-Laurent

En Amérique du Nord, et au Canada en particulier, la navigation fit aussi son apparition relativement tôt. Les autochtones, venus de la Sibérie et de la Chine septentrionale par ce qui est de nos jours le détroit de Béring, arrivèrent en Amérique du Nord quelque vingt mille ans avant l’ère chrétienne. Par la suite, ils se dispersèrent en bandes sur l’immense territoire du Canada pour atteindre finalement l’est de ce pays et le littoral de l’Atlantique.

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10 la saga de la navigation

À l’arrivée des Vikings dans cette région et plus tard des explorateurs européens, les Amérindiens formaient déjà pour leur part plusieurs tribus de la grande famille algonquine. Vivant de chasse et de pêche, ainsi que de la cueillette de petits fruits, le printemps venu ils se rendaient volontiers dans le golfe et le fleuve Saint-Laurent pour se nourrir et faire des provi-sions. C’est ainsi qu’on y rencontrait des Micmacs, des Malécites et des Iroquois.

S’il est vrai que les Vikings naviguèrent tôt dans le golfe du Saint-Laurent et le fleuve de ce nom, on ne saurait donc oublier ici qu’ils ne furent pas les premiers à naviguer dans cette partie du monde. On sait que les Amérindiens ne voyageaient pas invariablement à pied. Ils se déplaçaient aussi volontiers en canots d’écorce, en particulier lorsqu’il s’agissait de franchir de bonnes distances. Jacques Cartier, dans le récit qu’il fit de son premier voyage en Amérique, raconte avoir ainsi rencontré le 16 juillet 1534 pas moins de « quarante ou cinquante barcques de sauvaiges » dans la région de la Conche Saint-Martin (Port-Daniel), là où passe la ligne de démarcation entre le Québec et le Labrador. Bien plus, il apprit plus tard, des fils du chef iroquois Donnacona qu’il amena en France, que ceux-ci provenaient de Stadaconé, où séjourna par la suite Jacques Cartier et où Champlain fonda Québec en 1608.

Canot amérindien conservé au Musée maritime du Québec, à L’Islet (Photo Jacques Castonguay).

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les autochtones 11

La structure des canots dont disposaient alors les Amérindiens était faite de bois de diverses essences, en particulier de sapin, qui était générale-ment recouvert d’écorce de bouleau. Ces canots, se terminant en pointe aux deux extrémités, étaient relativement légers et facilement maniables. On estime qu’ils pesaient généralement moins de 136 kilos lorsqu’ils étaient secs. Ils pouvaient toutefois transporter plusieurs fois leur poids et pouvaient être aisément « portagés » d’un point à un autre. On a retenu qu’ils étaient cependant fragiles, dans le sens qu’ils n’étaient pas à l’abri des perforations et qu’ils pouvaient aussi à l’occasion chavirer.

Il existait deux types de canots : le « canot de maître », également connu sous l’appellation de « canot de Montréal », et le « canot du Nord ». Le premier mesurait jusqu’à 10 ou 12 mètres, pesait environ 60 kilos et pouvait transporter plusieurs voyageurs. Quant au second, il mesurait entre 4 et 6 mètres et pesait entre 20 et 30 kilos.

Ces embarcations, bien qu’elles étaient conçues et construites par les Amérindiens, furent aussi abondamment utilisées par la suite par les explorateurs européens et canadiens, les marchands et les missionnaires. Le père Marquette et Louis Jolliet, par exemple, reconnurent le cours du Mississippi en canots d’écorce. Peter Kalm, l’illustre voyageur suédois, en fit aussi usage sur le lac Champlain et la rivière Richelieu. Cette façon de naviguer demeura à la mode jusqu’au milieu du xviiie siècle. Elle péri-clita au moment où le transport de marchandises lourdes et de grandes dimensions favorisa les embarcations de grand tonnage.

Les Inuits et la navigation le long du littoral du Labrador

Les Inuits que rencontrèrent les Basques espagnols le long du littoral du Labrador au xvie siècle, avant l’hiver et l’arrivée des glaces, avaient aussi leurs propres embarcations. Il en fut de même au xviie et au xviiie siècle lorsque les pêcheurs français établirent des postes le long du détroit de Belle Isle et à l’embouchure du Saint-Laurent. Chassant d’abord la baleine, puis le phoque et le petit gibier, les Inuits voyageaient normalement pour leur part en kayaks monoplaces ou en grandes barques aux membrures de bois ou en peau de phoque.

De nos jours, les kayaks des Inuits sont devenus des embarcations de sport en toile caoutchoutée à une ou deux places. Ils perpétuent ainsi à leur façon l’époque lointaine où ces embarcations assuraient exclusive-ment la subsistance des Inuits ou des Esquimaux.

* * *

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12 la saga de la navigation

Les Inuits et les Amérindiens utilisèrent ainsi, les uns après les autres, des embarcations plutôt légères mues à la pagaie ou à l’aviron. On sait par ailleurs qu’en Europe les Grecs et les Romains utilisèrent aussi longtemps des galères à rames. Il fallut en réalité attendre des siècles avant de voir ap-paraître de ce côté-ci de l’Atlantique les premières embarcations à voiles, même si elles virent le jour en Asie et au nord de l’Afrique avant l’ère chrétienne, vraisemblablement chez les Égyptiens et les Phéniciens. On en trouva par la suite chez les Grecs et les Romains, puis chez les habitants des pays scandinaves et nordiques.

Inuits en kayak chassant des oiseaux à Frobisher Bay (Hudson’s Bay Mission de Churchill (Manitoba) où se trouvent les père oblats [O.M.I.]).

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Les drakkars des Vikings également dans le Saint-Laurent

En 2004, débarquait à Saint-Roch-des-Aulnaies, là où se trouvait jadis un quai construit vers 1880, une équipe de cinéastes venue

tourner un film portant sur l’époque des Vikings. C’était là, dit-on, de la fiction, mais certainement pas de la pure fiction, puisqu’il est certain que les Vikings et même des explorateurs provenant du continent européen et de l’Afrique du Nord s’aventurèrent tôt sur l’Atlantique et connurent ainsi l’Amérique bien avant Christophe Colomb en 1492.

Les Phéniciens, les premiers navigateurs à traverser l’Atlantique

L’inconnu que représentait l’Atlantique avant l’ère chrétienne suscita la crainte, voire la peur, chez les habitants du littoral nordique et méditerra-néen. On croyait entre autres à la possibilité de plonger dans le vide une fois parvenu à son extrémité. Il semblerait que les Phéniciens furent les premiers à surmonter cet obstacle et à s’aventurer profondément dans cet océan considéré à l’époque comme la mer des Ténèbres. On attribue cette audace en particulier aux commerçants de la région de Tyr, lesquels possédaient des comptoirs sur la Méditerranée. C’est ainsi qu’ils auraient découvert l’Amérique du Nord vers le Ve siècle avant J.-C. On croit aussi qu’ils auraient remonté le Saint-Laurent à cette époque, sur des navires comparables à maints égards aux drakkars des Vikings.

On affirme par ailleurs que le navigateur et géographe marseillais Pythéas traversa lui aussi l’Atlantique environ 150 ans plus tard1, après avoir exploré la mer du Nord.

1. Rasmus B. Anderson, America not discovered by Columbus, Chicago, S.C. Griggs and Company, 1891, p. 47-48.

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Les Vikings s’attaquent aux îles situées au nord de l’Écosse

Pour plusieurs raisons, les Vikings originaires de la Norvège n’ont pas tardé eux non plus à s’aventurer sur l’Atlantique. Le caractère physique de leur pays fut, semble-t-il, déterminant ici. Sa proximité de la mer, ses fjords et ses voies d’eau nombreuses favorisèrent inéluctablement son développement, son peuplement et aussi son expansion. La pauvreté du pays, le désir de faire du commerce et aussi de faire fortune devinrent avec le temps des incitateurs puissants invitant quotidiennement ses habitants

Carte tracée par Sigurdus Stephanius (Atlas historique du Canada, D.G.G. Kerr).

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à aller plus loin et aussi à piller. Une fois leur crainte de l’inconnu vaincue et les connaissances nécessaires à la navigation loin des côtes acquises, ils s’attaquèrent d’abord aux îles situées au nord de l’Écosse, aux Shetlands et aux îles Féroé, puis aux îles Orcades et, plus à l’ouest, aux Hébrides. Ils en dévalisèrent les monastères. Grands et forts, et aussi avides de conquêtes, ils échouèrent rarement dans leurs entreprises.

Les drakkars : des navires rapides et capables

d’affronter la haute mer

On sait que les Vikings na-viguaient sur deux sortes de navires : des drakkars pour la guerre et le long cours et des knorrs pour le commerce. Les drakkars, des navires effilés, étaient des embarcations plus rapides que les navires utilisés pour le transport de la mar-chandise. Ils étaient aménagés pour recevoir aussi plusieurs

rameurs. Quant aux knorrs, ils étaient plutôt larges, partiellement pontés, et ne disposaient que de quelques rameurs à l’avant et à l’arrière. On a dit d’eux qu’ils rappelaient par leur forme les catamarans d’aujourd’hui. Ces navires étaient généralement ornés d’un dragon à la proue et parfois à la poupe. Ils étaient longs d’environ 20 à 30 mètres. Même s’ils étaient construits en chêne, ils étaient aussi facilement maniables, équipés qu’ils étaient d’une grande voile carrée et d’une pale servant de gouvernail. Leur équipage était naturellement proportionné à leur grandeur. Les plus longs pouvaient compter jusqu’à une soixantaine d’hommes, ce qui amena les Vikings à organiser des expéditions qui surpassèrent dans le temps et l’espace les expéditions des navigateurs du centre de l’Europe.

Erik le Rouge découvre le Groenland à la fin du ix e siècle

On raconte qu’Erik le Rouge, le plus célèbre des Vikings, reconnu coupable de meurtre, fut banni de son pays. Cherchant une terre d’exil, il s’élança alors dans l’Atlantique et découvrit le Groenland. Il semblerait que ce fut en 981 ou en 982. Trois ans plus tard, de retour dans son pays, il décida

Les îles du nord de l’Écosse visitées par les Vikings vers l’an 800 (Jacques

Castonguay).

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d’y retourner pour y fonder cette fois une colonie. Il ne réussit toutefois que partiel-lement cette entreprise. Des archéologues ont identifié en effet des ruines et des objets ayant appartenu à cette fondation qui fut éphémère. On croit qu’elle donna lieu à des affronte-ments avec les autochtones qui forcèrent ses initiateurs à se retirer. Erik le Rouge l’affirme dans sa saga. Les archéologues ont trouvé d’ailleurs dans cette île et dans l’île d’Ellesmire des vestiges des escarmouches de cette époque lointaine. Selon René Chartrand, un spécialiste du patrimoine militaire canadien, les Vikings possédaient des armes offensives et défen-sives. Ils étaient armés non seulement de haches et

d’épées, mais aussi de couteaux qu’ils portaient à la ceinture et également de javelots. « Tout guerrier possédait un bouclier, écrit-il. De forme circu-laire, en bois, il pouvait être recouvert de cuir peint en rouge et encerclé de métal. Au centre se trouvait l’ombon, sorte de bosse de fer destinée à protéger le poing. Il semble que la plupart des guerriers aient possédé aussi un casque. Habituellement très simple, de forme conique, il était souvent prolongé par une languette servant à couvrir le nez. » Bien qu’ils aient été relativement bien armés, les Vikings furent, semble-t-il, vaincus par le nombre au Groenland.

La venue d’Erik le Rouge au Groenland fut néanmoins suivie de près par une expédition dirigée par un commerçant du nom de Bjarni Herjolfsson. Ce dernier désirait rejoindre son père qui faisait partie de l’expédition d’Erik. Poussé par les vents et les courants, son drakkar dériva à l’ouest, si bien qu’après plusieurs jours de navigation il aperçut la terre,

Drakkar trouvé en 1903 dans un fjord de la Norvège (Collection privée).

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mais c’était une terre couverte d’arbres et aux montagnes douces qui ne pouvait être le Groenland. Il fit voile alors vers le nord, revit la terre à l’occasion, aperçut un jour au loin une région aux montagnes abruptes et recouvertes de neige. Il refusa là aussi de s’arrêter. Il navigua cette fois au contraire vers l’est, si bien qu’après quelques jours additionnels à la voile il aperçut au loin le Groenland qu’on lui avait décrit.

Pour Stephen Leacock2, à moins d’avoir des préjugés, on ne peut que conclure que le voyage de Bjarni le mena en Amérique, le long des côtes des provinces maritimes ou de Terre-Neuve et aussi du Labrador.

Leif Ericsson découvre l’Amérique vers l’an 1000

De retour en Norvège, Bjarni fit part de ses observations à ses compa-triotes. Ce qui ne manqua pas de soulever leur intérêt, en particulier chez Leif Ericsson, le fils d’Erik le Rouge. Voulant en savoir davantage, ce dernier décida de se rendre lui aussi au Groenland, où il acheta le navire de Bjarni, recruta un équipage de trente-cinq hommes et mit à son tour la voile vers l’ouest. Son expédition fut couronnée de succès. Il se retrouva

2. Stephen Leacock, The dawn of Canadian history, Toronto, Glasgow, Brook & Company, 1935, p. 56.

Un drakkar trouvé dans l’entrée d’un fjord de la Norvège en 1880 (Lt-col. Langlois, La découverte de l’Amérique par les Normands, vers l’an 1000).

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bientôt à l’île de Baffin et au nord du Labrador, qu’il baptisa Helluland, puis poursuivant son voyage il atteignit le sud du Labrador qu’il nomma Markland. Continuant son périple, il découvrit enfin ce que plusieurs historiens ont affirmé être la Nouvelle-Angleterre, c’est-à-dire les États-Unis d’aujourd’hui à partir de la ville de Boston jusqu’à la ville de New York. Fasciné par le climat et la végétation que Leif y trouva, en particulier du blé et de la vigne, il désigna ce territoire Vinland. Lui et ses hommes y passèrent l’hiver qui suivit leur arrivée de ce côté-ci de l’Atlantique. Dans la Saga d’Erik le Rouge, on lit entre autres le passage suivant relatif à cette expédition :

Leif mit le cap au large et il resta en mer depuis longtemps et rencontra des terres dont il n’avait pas jusqu’alors soupçonné l’existence. Il s’y trouvait des champs de blé sauvage et il y poussait des pieds de vigne. Il y avait des arbres que l’on nomme mösurr, ils conservèrent des échantillons de toutes ces plantes, quelques-uns de ces arbres étaient si grands qu’ils pouvaient servir pour la construction des maisons.

Peu après le retour de Leif Ericsson au Groenland, on organisa une seconde expédition pour obtenir plus de renseignements sur la terre nouvellement découverte. Plusieurs explorateurs en firent partie, dont un fils d’Erik le Rouge, nommé Thorvald, et un de ses gendres portant le même nom. Erik le Rouge dans sa saga parle aussi de cette expédition. On y lit ce qui suit :

Ils avaient le bateau avec lequel Thorbjörn était jadis venu au Groenland. Ils étaient en tout cent soixante hommes et ils mirent à la voile vers les Établissements de l’Ouest et de là vers l’Île de l’Ours. Après avoir quitté cette île, ils naviguèrent deux jours et deux nuits vers le sud. Alors ils aperçurent une terre, ils descendirent dans leur canot pour aller explorer le pays, ils y trouvèrent de grandes pierres plates, beaucoup d’entre elles étaient larges de douze aunes. On y rencontrait nombre de renards blancs. Ils donnèrent à cette terre le nom de Terre des Pierres plates. Partis de là ils naviguèrent encore deux jours et deux nuits, ils mirent le cap non plus au sud mais au sud-est, ils y tuèrent un ours et l’appelèrent ensuite Île de l’Ours et la Terre des Forêts. Ensuite ils naviguèrent vers le sud le long de la côte pendant longtemps et ils rencontrèrent un cap ; la terre s’étendait à tribord, bordée de plages et de bancs de sable. À la rame, ils se dirigèrent vers la côte et ils découvrirent sur la presqu’île la quille d’un navire et la nommèrent le « Cap de la Quille ». Ils nommèrent ce rivage « le Surprenant Rivage », parce que le navigateur pouvait le suivre pendant très longtemps, plus loin la côte était coupée de baies. Ils pénétrèrent avec leurs navires dans une de ces baies. Le roi Olaf, fils de Tryggvi, avait donné à Leif deux Écossais, l’homme s’appelait Haki, la femme Hekja, ils étaient sur le bateau de Harlsefni. Comme on naviguait au large du Surprenant rivage, on déposa les deux Écossais à terre et on les pria de

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marcher vers l’intérieur des terres en direction sud, pour voir ce que valait le sol, et de revenir au bout de trois jours au plus tard. […] Alors on les attendit sur place pendant quelque temps. Quand ils revinrent, l’un tenait en main une grappe de raisin, l’autre un épi de blé sauvage. […] Le pays était beau, ils n’avaient d’autre souci que d’explo-rer la contrée. Ils passèrent là l’hiver et ils n’avaient pas fait de provisions pendant l’été3.

Ce récit confirme-t-il l’opinion qui veut que le Vinland se trouvait dans les États de la Nouvelle-Angleterre ou bien au contraire l’opinion qui veut qu’il était situé à Terre-Neuve, peut-être dans l’anse aux Meadows qui se trouve à l’extrémité nord-est de l’île ? Des archéologues ont trouvé récemment des vestiges d’une occupation ancienne à cet endroit. Si l’on en croit la Saga d’Erik le Rouge et aussi le Récit des Groenlandais, qui contient également une relation détaillée des expéditions de Leif Ericsson, il n’est certainement pas facile de rejeter la thèse qui veut que le Vinland se trouvait quelque part sur la côte est des États-Unis. Erik le Rouge parle en effet « d’un beau pays » où croissaient « des champs de blé sauvage dans

Régions visitées par les Vikings vers l’an 1000 (carte adaptée par Jacques

Castonguay).

3. La Saga d’Erik le Rouge et Le Récit des Groenlandais, texte islandais avec introduction, traduction, notes et glossaire, par Maurice Gravier, Paris, Aubier, Éditions Montaigne, 1955, p. 82 et 84.

Extrait de la publication

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les régions basses et des vignes sur toutes les auteurs ». Il ajoute plus loin que les explorateurs « passèrent alors l’hiver en cet endroit » et qu’il « ne tomba pas de neige et que tout le bétail put se nourrir en plein air dans les pacages ». Dans le Récit des Groenlandais, on lit par ailleurs « qu’il y avait moins d’inégalité entre le jour et la nuit qu’au Groenland ou en Islande ; le soleil brillait à neuf heures du matin et à trois heures et demie aux jours les plus courts de l’hiver ». Il y est aussi question de beaux et de gros arbres pouvant servir à la construction d’habitations.

Les Vikings dans le Saint-Laurent vers l’an 1004

Leif Ericsson fut suivi en Amérique du Nord par un certain nombre d’explorateurs. On l’a vu. On a également retenu qu’un groupe de Vikings ou de colonisateurs normands, qui après avoir séjourné à Terre-Neuve remontèrent en direction nord-ouest, longèrent la côte nord du Québec actuel, passèrent à peu de distance de Natashquan et atteignirent Sept-Îles. On croit aussi qu’ils remontèrent probablement jusqu’à Baie-Comeau4 et

Les voyages vers le Vinland (Maurice Gravier, La Saga d’Erik le Rouge, Aubier, Éditions Montaigne, Paris, 1955).

4. Farley Mowat, « Expéditions Vikings » dans L’Encyclopédie du Canada, Montréal, Stanké, 1987, p. 710-711. Voir aussi sur ce sujet : Napoléon Martin, Des Vikings dans le Saint-Laurent, l’autre hypothèse, Baie-Comeau, Société historique de la Côte-Nord, 1995. L’auteur de ce livre affirme que le Viking islandais Thorfinn Karisefni a remonté le fleuve jusqu’à un endroit qu’il baptisa Hop qui correspond à Baie-Comeau.

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Page 21: Jacques Castonguay La Saga…8 la saga de la navigation Tous ces navires, dont un certain nombre furent construits à Québec, ont laissé des souvenirs impérissables. Les documents

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Page 22: Jacques Castonguay La Saga…8 la saga de la navigation Tous ces navires, dont un certain nombre furent construits à Québec, ont laissé des souvenirs impérissables. Les documents

cet ouvrage est composé en minion corps 10.8selon une maquette réalisée par pierre-louis cauchon

et achevé d’imprimer en juin 2007sur les presses de l’imprimerie marquis

à cap-saint-ignace, québecpour le compte de gilles herman

éditeur à l’enseigne du septentrion

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