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INTER-ACTION Développement durable Migrations & Développement au Maroc Bilan du Plan d’Action Concerté Taroudannt (PACT) 2001-2011 Perspectives 2012-2020 (document provisoire, en vue du Forum de Taroudannt des 17-18 et 19 mai 2012) Jean-Marie Collombon Migrations & Développement - Bilan du Plan d’Action Concerté 2001-2011 Inter-Action Avril 2012 1

INTRODUCTION · Web viewEn fin d’année, l’association villageoise dispose d’un pécule de 31 200 Dirhams (environ 3 000 euros). Ce pécule va lui permettre d’assurer sa part

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INTER-ACTION

Développement durable

Migrations & Développement au Maroc

Bilan du Plan d’Action Concerté Taroudannt (PACT)

2001-2011

Perspectives 2012-2020

(document provisoire, en vue du

Forum de Taroudannt des 17-18 et 19 mai 2012)

Jean-Marie Collombon

Avril 2012

SOMMAIRE

INTRODUCTION4

SIGLES ET ABREVIATIONS5

PREFACE7

I – SURVOL HISTORIQUE11

I - Une initiative d’émigrés marocains en France12

1 – Une démarche de codéveloppement avant la lettre12

1 - Une initiative originale de travailleurs migrants12

2 - Un monde rural marocain abandonné, des terres d’émigration12

3 - Les premiers investissements en infrastructures12

4 - L’appui à des associations locales qui se multiplient13

5 - La montée en puissance des Communes rurales14

2 – Le tournant de l’an 200015

1 - La « conscientisation » des Associations villageoises15

2 - Les rivalités entre Communes rurales et associations locales15

3 - La découverte des bienfaits de la synergie entre acteurs locaux16

4 - Quand le rural est enfin vu comme producteur de richesses17

5 - L’émergence des entrepreneurs ruraux de l’économie sociale17

6 - L’articulation entre tourisme rural et produits de terroir18

7 - Le nécessaire renforcement partenarial et l’ouverture internationale19

8 - La claire orientation vers l’économie sociale et solidaire19

3 – Une nouvelle dimension à gérer20

1 - Des responsabilités nouvelles dans le mouvement associatif marocain20

2 - Une démarche encore plus intégrée de développement territorial21

3 - Une politique et une stratégie d’innovation sociale22

4 – L’objectif, devenu central, de la diffusion de l’expérience22

II – Une association avec des moyens croissants23

1 – Moyens humains23

2 – Evolution du budget et de sa composition23

3 – Répartition des charges d’exploitation25

4 – Plus de 6,5 millions d’€ injectés dans le territoire d’intervention26

II – BILAN DES REALISATIONS27

I – Amélioration des infrastructures28

1 – L’électrification rurale décentralisée, premiers investissements locaux28

2 – L’accès à l’eau potable, une grande priorité30

3 – Des réseaux pionniers d’assainissement villageois32

4 – Des barrages collinaires pour alimenter les nappes phréatiques35

II – Développement des activités génératrices de revenus38

1 – La révolution des périmètres irrigués39

2 – Des prix tirés vers le haut par les coopératives41

3 – Le safran, une filière en expansion44

4 – L’oléiculture, une filière importante49

5 – L’argan, une filière au bénéfice des organisations de femmes53

6 – Des activités nouvelles dans le tourisme rural solidaire55

III – Appui à la gouvernance locale61

IV – Amélioration de l’environnement64

V - Education au développement, échanges, renforcement des capacités68

1. Les Ecoles Non Formelles (ENF)68

2. La lutte contre le travail des enfants69

3. Les chantiers d’échanges de jeunes70

4. Les démarches innovantes de renforcement des capacités75

VI – Genre et développement79

1. Les foyers féminins80

2. Les coopératives féminines81

VII – Accès aux droits des retraités84

VIII – Renforcement de la société civile86

1 – L’appui aux Associations villageoises86

2 – L’appui aux collectivités locales89

III – LA DEMARCHE METHODOLOGIQUE95

I – Les principes méthodologiques96

2 – La mise en application des principes99

3 – Exemples de démarches méthodologiques101

IV – Les limites104

V - En synthèse106

IV – APPRECIATION GLOBALE108

I - Le tournant réussi de 2001109

II – Principaux points positifs109

III – Difficultés et limites114

V – PERSPECTIVES 2020120

I – La zone d’intervention121

1 - Une des zones les plus pauvres du Maroc121

II – Eléments de diagnostic stratégique122

Forces122

Faiblesses123

Opportunités123

Menaces124

III - Stratégie d’intervention124

1- Une stratégie évolutive124

2 - Les nouveaux défis à relever125

IV – Axes stratégiques126

V - Objectifs126

VI – EBAUCHE DE PLAN D’ACTION CONCERTE128

2012-2020128

Composante 1 : Renforcement de la gouvernance des collectivités129

Composante 2 – Renforcement des capacités130

Composante 3 : Développement des filières agricoles131

Composante 4 – Développement du tourisme rural132

Composante 5 – Développement des activités économiques des femmes133

Composante 6 – Amélioration de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement133

Composante 7 – Préservation de l’environnement, utilisation des technologies appropriées134

Composante 8 – Renforcement des organisations de migrants135

Composante 9 – Capitalisation et diffusion des bonnes pratiques136

INTRODUCTION

En 1999, l’association Migrations & Développement (M&D), créée 12 ans plus tôt, a lancé, à la demande de l’Union Européenne, un appel d’offre pour l’évaluation de son action dans la province de Taroudannt, région Souss Massa Drâa au Maroc.

Le GRET a gagné cet appel d’offre et nous avons eu, avec Philippe Claessens et l’équipe de M&D, la chance de pouvoir réaliser cette étude dénommée « Evaluation et Capitalisation des Initiatives Locales de la province de Taroudannt (ECIL)».

Cette étude-action allait durer un an et mobiliser des dizaines de personnes, des agents de l’Administration, des responsables des Associations villageoises, des élus des Communes rurales. Peu à peu, se profilait l’idée, après la phase Bilan, de proposer la mise en place d’une démarche coordonnée associant les divers groupes d’acteurs locaux. Cela allait aboutir à la formulation du « Plan d’Action Concerté Taroudannt 2010 (PACT)».

Ce Plan d’Action a été présenté en novembre 2000 à Agadir à une assemblée de 360 acteurs locaux de la province de Taroudannt et de la région Souss Massa Drâa, qui avaient tous, à des degrés divers, été associés au processus évaluatif et à l’élaboration du Plan.

Le Wali de la région Souss Massa Drâa et le directeur de Migrations & Développement paraphaient, à cette occasion, la première. « Charte de développement durable » du Maroc.

C’est courant 2001 que les premières inflexions de l’action de M&D ont commencé à se traduire sur le terrain. Progressivement, avec difficulté, mais persévérance, M&D commençait à mettre en œuvre le Plan d’Action Concerté.

2011 - Dix ans plus tard, l’association m’a demandé de réaliser un exercice de capitalisation de cette démarche et de bilan des 10 années du PACT. Il n’est pas si fréquent d’avoir la chance de vérifier, une décennie après, si les hypothèses formulées à l’époque, les réorientations, les réorganisations, étaient pertinentes. L’enjeu est de mesurer les résultats, d’apprécier les méthodes, de tirer, autant que possible, quelques leçons de cette décennie placée sous le triple signe d’un développement partenarial, participatif et solidaire.

Mais l’enjeu est aussi de refaire en partie l’exercice de l’an 2000 afin de préparer un nouveau Plan d’Action Concerté à l’horizon 2020, le « PACT 2020 ».

Même si je n’ai jamais cessé, depuis 10 ans, de suivre de plus ou moins près, selon les périodes, les actions de M&D et son évolution, cet exercice m’a permis de me replonger dans le quotidien de l’association. Comme à chaque fois, j’ai apprécié son dynamisme, sa motivation, sa capacité à innover, son rôle de promoteur, sa fonction d’animateur, en bref son rôle complexe, difficile, souvent ingrat, de contributeur à l’avènement d’un monde plus juste et plus solidaire.

Qu’il me soit permis, pour terminer cette brève introduction, de remercier tous ceux qui ont contribué à ce travail, tout particulièrement les administrateurs, la direction et les salariés de M&D, mais aussi les bénévoles qui donnent de leur temps pour donner du sens à cette belle aventure.

Nous devrons maintenant, collectivement, mettre en œuvre le nouveau PACT, afin de repartir sur de bonnes bases pour la prochaine décennie.

JMC

SIGLES ET ABREVIATIONS

ACIAroma Concept International

ACSEAgence pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des chances

ADSAgence de Développement Social

AEPAdduction d’Eau Potable

AFDAgence Française de Développement

AGAssemblée Générale

AGRActivités Génératrices de Revenus

AHPAlpes de Haute Provence

ATESAssociation du Tourisme Equitable et Solidaire

ATESAssociation pour un Tourisme Equitable et Solidaire

AVAssociations villageoises

BOTBureau d’Orientation Touristique

BTPBâtiments et Travaux Publics

CAChiffre d’Affaire

CFACentre de Formation des Apprentis

CNEARC Centre National d’Etudes d’Agronomie des Régions Chaudes

CNSSCaisse Nationale de Sécurité Sociale

CORIAMCodéveloppement Rural Intégré dans l’Anti-Atlas Marocain

CRCommune Rurale

CRSMDConseil Régional Souss Massa Drâa

CTMCentro Tercio Mondo

DhDirham

ECILEvaluation et Capitalisation des Initiatives Locales

ECOCERTOrganisme de Contrôle et de Certification

ECOPTER Ecole Opérationnelle des Produits de Terroir

EDFElectricité de France

EPAEEau Potable et Assainissement Environnemental

ESDEnracinement Sans Déracinement

ESSEconomie Sociale et Solidaire

FAOFood and Agricultural Organization

FFRPFédération Française de Randonnée Pédestre

FILFédération des Initiatives Locales

FORIMForum des Organisations de Solidarité Internationale Issues de la Migration

GERESGroupe Energies Renouvelables, Environnement et Solidarité

GIEECGroupe Inter Gouvernemental d’Etude sur l’Evolution du Climat

GRETGroupe de Recherche et d’Echanges Technologiques

GTZGesellschaft für Technische Zusamenarbeit

IAMInstitut Agronomique Méditerranéen

IAV-H2Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II

INDHInitiative Nationale de Développement Humain

INRAInstitut National de la Recherche Agronomique

MAEEMinistère des Affaires Etrangères et Européennes

MDMigrations et Développement

MIIINDSMinistère de l’immigration, de l’Intégration, de l’Identité Nationale et du Développement Solidaire

MREMarocains Résidant à l’Etranger

ODECOOffice de Développement de la Coopération

OFPPTOffice de Formation Professionnelle et de la Promotion de l’Emploi

OITOrganisation Internationale du Travail

ONEOffice National de l’Electricité

ONEPOffice National de l’Eau Potable

ONGOrganisation Non Gouvernementale

ORMVAOOffice Régional de Mise en Valeur Agricole de Ouarzazate

PACAProvence Alpes Côte d’Azur

PACTPlan d’Action Concerté Taroudannt

PCMProgramme Concerté Maroc

PCMProgramme Concerté Maroc

PGAMProgramme Global d’Appui Maroc

PRAOSIMProgramme régional d’Appui aux Organisations de Solidarité Issues des Migrations

PS EauProgramme Solidarité Eau

PSEProgrammation Suivi Evaluation

SDOQSigne Distinctif d’Origine et de Qualité

TFDTourism For development

TRSTourisme Rural Solidaire

TRSTourisme Rural Solidaire

UEUnion Européenne

UNESCOOrganisation des Nations Unies pour l’Education et la Culture

PREFACE

Jacques Ould Aoudia, Président[footnoteRef:1] [1: Rédigée à l’occasion de l’atelier de Taliouine du Forum mondial Migrations et développement de septembre 2011]

L’intervention des migrants dans le développement de leur pays d’origine est une pratique sociale très diverse, ancienne et universelle. « Migrations & Développement » (M&D), association non gouvernementale créée en 1986 par des migrants marocains travaillant en France, participe de cette pratique sociale. Ouverte aux non migrants, M&D est une organisation enracinée dans son territoire, la région montagneuse du Souss Massa Draâ. Suivant une démarche participative, elle intervient maintenant dans toutes les dimensions du développement rural : infrastructures villageoises, économie, gouvernance locale. L’association ainsi a formalisé une pratique sociale basée sur la solidarité. Organisation transnationale, elle vise à renforcer les liens entre le pays d’accueil et le pays d’origine en soutenant la formation d’associations de migrants et en multipliant les échanges de jeunes et d’acteurs du développement local.

UNE PRATIQUE SOCIALE TRES DIVERSE

QUI PEUT ETRE SOUTENUE PAR DES POLITIQUES PUBLIQUES

L’intervention des migrants dans le développement de leur pays, de leur région d’origine, est avant tout une pratique sociale basée sur le maintien des liens de solidarité par-delà des mers. C’est une pratique ancienne : au XIX° siècle, les libanais de la diaspora finançaient l’imam ou le curé pour faire la classe aux enfants de leur village d’origine.

L’intervention des migrants dans le développement ne peut être ainsi confondue avec les politiques publiques qui peuvent la soutenir : par essence, les actions des migrants pour le développement de leur région d’origine sont à l’initiative des migrants. Ces actions sont aussi diverses qu’il y a de migrations : envois de fonds à la famille, investissement individuel dans l’achat d’une maison ou dans des activités économiques, mais aussi transferts de fonds vers des projets collectifs, portés par des groupements formels (associations) ou informels de migrants. Ils peuvent être ponctuels et sans prolongement (achat d’une ambulance pour le village d’origine). Ils peuvent se structurer sur le long terme, passant souvent d’actions de type humanitaire (envoi de vêtements, de fournitures scolaires) à des actions de développement (financement d’équipements collectifs). Ces projets peuvent porter sur le financement d’infrastructures, mais aussi sur le soutien à des activités économiques.

Ces actions des migrants pour le développement ont aussi un versant intégration dans le pays d’accueil : elles participent à la reconnaissance des immigrées dans leur prise de responsabilité pour le développement de leur pays d’origine. Souvent, elles mêlent nationaux et migrants dans des actions de solidarité internationale. Ceci est particulièrement vrai pour les jeunes issus des migrations, au côté de jeunes nationaux, qui cherchent de nouvelles formes de solidarité internationale vers les pays du Sud. Les Collectivités locales, au travers d’actions de coopération, peuvent s’appuyer sur les associations de migrants présentes sur leur territoire pour s’engager dans des projets de développement qui fassent sens ici et là-bas. Toutes ces actions procèdent ainsi au rapprochement des sociétés du Nord et du Sud au travers d’opérations de coopération concrètes, mobilisant avec les migrants des larges pans des populations des deux pays concernés.

Les politiques publiques peuvent soutenir ces interventions de migrants pour le développement, à de multiples niveaux, national et local. Elles nécessitent de construire, sur le long terme, des relations de confiance entre institutions publiques et associations de migrants[footnoteRef:2]. [2: Voir l’excellente étude de Hein de Haas : “Engaging Diasporas. How governments and development agencies can support diaspora involvement in the development of origin countries” June 2006 - IMI - University of Oxford - Oxfam Novib.]

L’action de l’association non gouvernementale « Migrations & Développement », menée par des migrants marocains vivant en France, s’inscrit dans cette démarche. Elle est parvenue à une formalisation de cette pratique sociale par la professionnalisation de son activité. Le soutien qui lui est apporté par les institutions françaises et marocaines est une illustration de politiques publiques de pays d’accueil et d’origine articulées venant renforcer l’implication des migrants dans le développement de leur pays d’origine.

MIGRATIONS & DEVELOPPEMENT  ŒUVRE DEPUIS 25 ANS

AU DEVELOPPEMENT DE LA REGION

ET AUX ECHANGES ENTRE NORD ET SUD DE LA MEDITERRANEE

L’association « Migrations & Développement » (M&D) a été créée en 1986 par des migrants marocains vivant en France. Originaires des régions de l’Atlas et de l’Anti-Atlas, ces jeunes hommes – ne parlant pas le français à leur arrivée, avec un niveau d’instruction faible – travaillaient dans la sidérurgie dans le Sud de la France. A la fermeture de leur usine et sous l’impulsion de l’un d’entre eux, Jamal Lahoussaine, ils se sont organisés autour du projet de lancer des actions concrètes de développement dans leurs villages d’origine[footnoteRef:3]. [3: Zakya Daoud, Marocains des deux rives, Paris, Éditions de l’Atelier, 1997 ; du même auteur, Marocains des deux rives : les immigrés marocains acteurs du développement durable, Casablanca, Éditions Paris-Méditerranée, Tarik Editions, 2005. Yves Bourron, Jamal : Un migrant acteur du développement, Editions PubliSud, 2011.]

Une région d’origine pauvre et affectée par la sécheresse

La région de montagne du Moyen Atlas et de l’Anti-Atlas, grande comme 2,5 fois la Belgique, est une zone pauvre, jusque-là délaissée par les autorités : pas d’électricité, peu de routes, d’écoles, de réseaux d’adduction d’eau, de structures de santé publique, elle a été marquée par une très forte émigration. Dans les années 1960, les autorités marocaines ont signé des accords migratoires avec certains pays européens pour répondre à leur demande de main-d’œuvre. D’importants recrutements de travailleurs de cette région montagneuse du Maroc, ont été opérés pour les secteurs industriels et miniers français et belges[footnoteRef:4]. À ces facteurs d’attraction (pull), se sont ajoutés des facteurs de départ (push) : une grave sécheresse récurrente affecte la région depuis le milieu des années 1970, provoquant un fort exode rural vers les villes du Maroc (85 %) et vers l’Europe. [4: Natasha Iskander, Innovating Government: Migration, Development, and the State in Morocco and Mexico, 1963-2005, Thèse de doctorat, MIT, Sloan School of Management, 2005. Thomas Lacroix, Les réseaux marocains du développement : géographie du transnational et politiques du territoire, Paris, Les Presses de Sciences-Po, 2005. Du même auteur: “Creative State : Forty Years of Migration and Development Policy in Morocco and Mexico”, ILR/Cornell Paperbacks, Cornell University Press, 2010.]

Lorsque, au milieu des années 1980, M&D a commencé son activité, il s’agissait d’organiser, sur un mode informel, des collectes de fonds auprès d’immigrés établis en France et d’investir ces fonds dans des infrastructures villageoises (électrification et petite hydraulique) puis dans la santé et l’éducation.

Une association ouverte, qui se professionnalise

et élargit ses sources de financement

Association de droit français bénéficiant d’un Accord de siège[footnoteRef:5] avec le Maroc, M&D s’est ouverte à tous ceux qui voulaient soutenir son action. Des ingénieurs bénévoles français ont ainsi apporté leurs compétences techniques et aidé à établir des liens entre l’ONG et la société civile française ainsi qu’avec les institutions publiques. Ces liens se sont consolidés et élargis au gré des nouveaux domaines d’intervention de M&D. L’association, portée par son objectif de développement, cherche en permanence à s’adapter pour répondre aux nouvelles attentes et, se faisant, progressivement, s’est professionnalisée et a recruté des salariés en France et au Maroc. [5: Signé entre le ministère des Affaires étrangères marocain et M&D, cet accord offre la possibilité d’agir sur le territoire marocain, tout en maintenant son statut juridique d’association française.]

Aux envois de fonds des migrants, se sont progressivement ajoutés ceux de bailleurs du Nord (ministères français, Agence française de développement [AFD], fonds européens, fondations privées, collectivités locales, ainsi que des fonds multilatéraux – FAO, Unicef) et du Maroc (ministères du Développement social, de l’Agriculture, de l’Intérieur, de l’Education Nationale, Agence de développement social [ADS], Régions, Provinces, Communes rurales). Du côté des migrants, M&D a élargi son audience, en recrutant d’une part des migrants solidement installés dans la société française (commerçants, entrepreneurs) originaires de l’Atlas et de l’Anti-Atlas, et des jeunes issus de la migration marocaine.

Des infrastructures aux activités économiques

puis à la gouvernance locale

L’action de M&D a évolué par étapes. Elle est aujourd’hui entrée dans une troisième phase :

1. Pendant ses 15 premières années d’existence, M&D a impulsé des projets d’infrastructures villageoises choisies par les villageois et les migrants. Les premières demandes des villageois ont porté sur l’amélioration des conditions de vie (électricité, eau, santé, écoles et goudron).

2. Mais très vite, c’est également le niveau de vie qu’il s’est agi d’augmenter. Au tournant des années 2000, M&D a lancé une large enquête-participative impliquant tous les acteurs locaux de la région du Souss Massa Draâ (Associations Villageoises, migrants, Communes rurales, administrations locales, opérateurs nationaux d’électricité et d’eau potable, universitaires), pour effectuer un diagnostic approfondi des ressources potentielles du territoire afin de développer les activités économiques.

3. Alors, le niveau du village s’est révélé trop étroit pour aborder ces questions. A la faveur du lancement des Plans Communaux de Développement (PCD) en 2009 décidé par le Roi sur tout le territoire marocain, M&D s’est lancée dans le soutien aux Communes rurales[footnoteRef:6] qui l’ont sollicitée pour une élaboration participative de ces PCD, en apportant ses principes d’action dans l’action sur la gouvernance locale. [6: Une Commune rurale regroupe de 20 à 30 villages.]

La formation à tous les niveaux des élus et acteurs locaux, des migrants, des jeunes est au cœur des interventions de M&D

M&D est ainsi une ONG de développement totalement liée à un territoire – celui des migrants qui l’animent –, où elle a vocation à intervenir sur l’ensemble des dimensions du développement rural pour offrir aux jeunes une alternative à la migration, pour renforcer l’attractivité du territoire d’abord pour sa population elle-même.

Une intervention solidement appuyée sur des principes

Progressivement, toujours à partir d’une démarche empirique, M&D a structuré une méthode d’intervention sur le territoire d’origine des migrants fondée sur trois principes d’action:

· Une démarche participative : ce sont les villageois et les migrants qui définissent les priorités et qui financent une partie des réalisations. Ils se constituent en « Association Villageoise » : M&D en fait une condition nécessaire. M&D joue le rôle de coordination auprès des autres partenaires (Communes rurales, administrations locales, bailleurs nationaux et internationaux), de médiation sociale au sein du village et entre les villages, transfère les compétences nécessaires et assure la formation des villageois. Ces derniers élaborent leurs institutions de gestion des équipements collectifs ainsi créés (ils ont une longue expérience dans la gestion de l’eau d’irrigation). Ils peuvent même surfacturer l’électricité, l’eau, afin de constituer une épargne (caisse villageoise de développement et de solidarité), embryon d’une fiscalité locale, dédiée à de nouveaux projets villageois.

· Un principe de solidarité : tous les services collectifs sont payants (électricité, eau, irrigation), mais l’accès aux services communs est assuré à tous les villageois, y compris aux personnes non solvables, par des systèmes d’entraide formels qui mobilisent les institutions traditionnelles de solidarité.

· Un partenariat avec les autorités locales : l’objectif de M&D n’est pas de se substituer aux actions de l’État sur le territoire. M&D n’en a ni l’intention ni les moyens. Dans le cadre des politiques publiques (comme l’Initiative nationale pour le développement humain –INDH-), le rôle de M&D est de soutenir les actions villageoises et de les articuler avec celles des autorités locales. À terme, l’objectif de M&D est de se retirer afin de laisser toute sa place à l’État, comme ce fut le cas pour l’électrification villageoise désormais assurée par l’opérateur national, l’Office national d’électricité.

L’application de ces principes d’action – et notamment celui de la participation – produit des résultats durables : les infrastructures construites avec le soutien de M&D demeurent en bon état de fonctionnement depuis leur création et, surtout, les institutions créées (Associations Villageoises, institutions de gestion des équipements) survivent après le soutien initial de l’ONG. Ces éléments constituent un indice de leur appropriation.

Elargir les passerelles entre Sud et Nord

Organisation transnationale entre France et Maroc, M&D mène des actions pour rapprocher les sociétés des deux rives.

M&D œuvre pour soutenir en Europe la formation d’associations de migrants tournés vers le développement de leur pays d’origine. Tout particulièrement, elle soutient les associations de jeunes issus de la migration marocaine qui cherchent par tâtonnement à élaborer leur propre mode d’intervention pour manifester, à leur façon, leur solidarité, leur attachement au pays d’origine de leurs parents. Ce travail a pris de l’ampleur en 2010, avec le soutien du Ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l’étranger, dans le cadre d’un programme visant à former des cadres associatifs marocains vivant en France afin de dynamiser les initiatives de la diaspora et d’améliorer son intégration dans le pays d’accueil tout en renforçant les liens avec le pays d’origine. Le ministère marocain a d’ailleurs baptisé ce programme « Enracinement sans Déracinement ».

Aux côtés de ce travail avec les migrants au Nord, M&D organise des échanges entre les deux rives de la Méditerranée et au-delà : échanges entre élus locaux (entre les régions montagneuses de Taliouine et Tiznit au Sud, des Alpes de Haute-Provence au Nord), entre chercheurs (Institut national de la recherche agronomique d’Agadir et Institut agronomique méditerranéen de Montpellier), entre ONG de solidarité internationale de France, du Mali, du Mexique et du Maroc, avec des ONG de commerce équitable (CTM-AltroMercato, Slow Food), au cours de voyages de « tourisme solidaire » avec des Comités d’entreprise. M&D organise également des Chantiers-échanges de jeunes, notamment de jeunes issus de la migration, qui viennent passer quelques semaines dans les villages de l’Atlas marocain pour une découverte et une meilleure compréhension mutuelle.

JOA

I – SURVOL HISTORIQUE

I - Une initiative d’émigrés marocains en France1 – Une démarche de codéveloppement avant la lettre1 - Une initiative originale de travailleurs migrants

En 1983, le groupe Péchiney prend la décision de fermeture progressive de son usine de traitement de l’aluminium de L’Argentière, dans les Hautes Alpes, dans la zone de montagnes de la région Provence Alpes Côte d’Azur.

En 1986, la fermeture est définitive. Un plan social est mis en place par Péchiney. Il permet des départs anticipés à la retraite et il offre aux 180 travailleurs émigrés de l’usine, la possibilité de toucher une prime de retour au pays.

Cette dernière proposition va être acceptée par 53 travailleurs maghrébins, dont 25 marocains. Parmi eux, une quinzaine est originaire de la région berbère de Taliouine dans l’Anti-Atlas. Ce sont ces ouvriers marocains, en particulier Lahoussain Jamal, délégué syndical CFDT, alliés à des syndicalistes français, qui décident de créer une association qu’ils dénomment « Retour & Développement ». L’association a pour objectif de contribuer au développement de la région d’origine des migrants. Son siège est fixé à L’Argentière.

En 1987, l’association « Retour & Développement » a été rebaptisée « Migrations & Développement » (M&D) pour rester à l’écart du débat que la politique d’aide au retour a amorcé sur la scène politique française. De par la culture syndicale qui anime ses fondateurs, l’association s’est ouverte dès sa création : elle regroupe, aux côtés des migrants, des personnes non migrantes qui apportent leur soutien et leur expertise.

2 - Un monde rural marocain abandonné, des terres d’émigration

L’association, dès 1986, fait le constat que le monde rural marocain est abandonné par l’Etat. C’est en particulier le cas de la zone de Taliouine, dans la province de Taroudannt.

La croissance démographique y est forte et les ressources rares. Les villages n’ont pas d’électricité et souvent pas d’eau potable. Le taux d’alphabétisation est très faible, en particulier pour les filles. La couverture de santé ne concerne que les plus grosses bourgades. Les routes sont rares et les pistes souvent impraticables, créant un fort isolement des villages. La sécheresse, endémique depuis les années 70, fait des ravages, décimant les troupeaux et rendant encore plus précaire la vie des humains. Les ruraux vivent en quasi auto-subsistance, consommant ce qu’ils produisent.

Le maigre surplus est vendu aux souks hebdomadaires à des intermédiaires des gros commerçants. Ce sont eux, aussi, qui achètent les tapis, le safran ou l’huile d’argan, revendus à Casablanca ou à Marrakech.

Les collectivités locales, pourtant officiellement créées en 1972, sont pratiquement inexistantes, de même que les organisations de la société civile. L’Administration concentre ses efforts sur les capitales provinciales et sur les riches plaines alluviales du Souss où se développe une agriculture agro-exportatrice d’agrumes et de légumes.

Ces territoires montagneux sont des terres d’émigration pour des jeunes, pauvres et analphabètes, qui n’ont aucune perspective d’avenir dans leur zone. D’abord sous l’effet des recrutements d’entreprises européennes, qui viennent chercher une main d’œuvre bon marché dans le cadre d’accords internationaux (effet pull), puis par effet de l’accroissement de la pauvreté quand la sécheresse s’installe à partir du milieu des années 70 (effet push).

3 - Les premiers investissements en infrastructures

M&D commence par agir. Après consultation, la demande des villageois se porte sur une action d’électrification. Avec l’appui technique et matériel de l’EDF, M&D se lance dans l’électrification du village d’Imgoun.

Les villageois créent une association et collectent des fonds, aidés par les émigrés. En 1989, les 130 familles d’Imgoun ont l’électricité fournie par un groupe électrogène.

L’information circule vite de village en village, et aussi au travers des migrants qui reviennent chaque été en vacances dans leur village d’origine. Ce premier projet va induire une forte demande de la part d’autres villages de la zone. Des émigrés prennent aussi contact avec l’association. Il s’agit de travailleurs basés en France et qui veulent aider leur village à avoir l’électricité, mais sans retourner eux-mêmes sur place. Ce sera le début de la relation privilégiée de M&D avec le réseau des émigrés marocains en France.

M&D leur propose de créer leur propre association villageoise et de collecter des fonds pour assurer leur part d’autofinancement fixée à 40% minimum du coût du projet. Alors que le projet d’électrification d’Imgoun est à peine terminé, ce sont 7 ou 8 associations villageoises qui voient le jour dans la zone avec la ferme intention de mener à bien un projet d’électrification villageoise.

Ces associations villageoises vont devenir les partenaires privilégiés de l’association haut-alpine.

Imgoun ou l’origine d’une démarche

C’est sur le terrain, à Imgoun, le douar d’origine de Lahoussain Jamal, que la philosophie de M&D va prendre corps dans une démarche marquée du sceau du pragmatisme.

La démarche se définit progressivement autour de trois principes : la participation (les villageois décident le contenu et les modalités techniques des projets. Ils en assurent systématiquement une partie du financement, puis la gestion) ; le partenariat avec les acteurs publics locaux (administrations et élus) et la solidarité (prise en charge des pauvres du village selon les modalités traditionnelles de solidarité).

Le premier groupe électrogène de la province y a été installé en 1986. Les 130 familles du douar paient chaque mois les frais de fonctionnement de l’unité (le combustible, l’entretien, le salaire du responsable) mais elles paient en plus une redevance de 20 Dh par famille et par mois. En fin d’année, l’association villageoise dispose d’un pécule de 31 200 Dirhams (environ 3 000 euros).

Ce pécule va lui permettre d’assurer sa part d’autofinancement pour un deuxième projet de rénovation de l’école (1990), puis un troisième projet de construction d’un dispensaire (1992). La dynamique de l’auto-développement est lancée. Elle ne s’arrêtera plus.

En moins de 5 ans, l’association villageoise, avec l’aide de ses seuls émigrés en France, a permis au village de se doter de l’électricité, d’une école rénovée et d’un dispensaire. La méthode fera tache d’huile dans toute la zone.

Durant cette période, M&D doit affronter deux difficultés : 1) assurer le suivi des associations villageoises déjà créées et soutenir les projets qu’elles induisent et 2) répondre aux nouvelles demandes qui ne cessent d’arriver.

Ces contraintes amènent l’association à se concentrer sur un territoire précis, déterminé, la zone de Taliouine, dans laquelle un processus de développement endogène a démarré, que l’association entend bien poursuivre.

4 - L’appui à des associations locales qui se multiplient

Installée à Marseille en 1995, après une longue itinérance en France (L’Argentière dans les Hautes-Alpes, Paris, puis Manosque dans les Alpes de Haute Provence, puis à nouveau L’Argentière) « Migrations & Développement » (M&D) va diversifier de plus en plus ses activités en réponse aux demandes des associations villageoises. Celles-ci se développent rapidement. C’est, en effet, dans les années 90 que l’Etat marocain ouvre assez largement la porte aux associations et facilite leur légalisation.

L’association a progressivement formalisé son activité. Elle mobilise désormais les bailleurs du Nord pour ajouter des financements de bailleurs publics (ministères, Union européenne, collectivités locales, agences, etc.) et privés (fondations, entreprises, etc.) aux transferts des migrants vers les projets de développement.

En 1996, M&D, association de droit français, obtient un accord de siège de la part des Autorités marocaines.

L’émigration, force de développement

L’article 2 des statuts de Migrations & Développement précise le rôle de l’association en appui aux dynamiques de l’émigration:

« L’association Migrations & Développement a pour but de regrouper, en France et hors de France, toute personne physique ou morale intéressée par l’organisation ou la participation à des actions de développement dans les zones d’origine de l’immigration permettant, entre autres objectifs, d’enrayer l’exode (…) et de mettre en valeur la dynamique de l’immigration comme force de développement entre les deux rives de la Méditerranée ».

Jusqu’en 1999, les projets que les associations villageoises conduisent avec M&D, concernent prioritairement les infrastructures collectives. Les villageois définissent comme priorités : l’accès à l’électricité, à l’eau potable, les écoles, les dispensaires, les foyers féminins. M&D travaille avec un nombre croissant d’associations villageoises. Elle est amenée à réaliser, progressivement, de plus en plus de formations afin d’avoir des interlocuteurs compétents dans les associations partenaires.

Elle entreprend également de diversifier ses activités pour répondre aux demandes locales. Elle se fait donner des ambulances et des véhicules d’occasion. Elle organise des chantiers-échanges dans les douars avec des jeunes de 2° génération issus des quartiers de Marseille et d’autres villes de France.

5 - La montée en puissance des Communes rurales

L’Etat marocain a officiellement créé les Communes 20 ans auparavant, en 1972, mais ces Communes n’ont pas encore de réalité. Pour la population, les Communes rurales n’ont aucune présence et elles n’ont aucune identité.

Elles couvrent un territoire immense. Elles n’ont pas de budget et pratiquement pas de personnel. Elles n’ont pas de bâtiment communal dans lequel peut siéger le président de la Commune et son conseil communal et où peuvent travailler les employés communaux. Le président de la Commune habite en ville et il ne vient que très sporadiquement dans sa Commune.

La réforme de 1992 va permettre la création de près de 3 600 Communes au Maroc. C’est ainsi que le cercle de Taliouine qui n’avait jusque-là que 2 Communes, va en avoir 14. En quelques années, le pouvoir central qui, jusqu’alors, n’avait pas délégué une seule parcelle de son pouvoir, va enfin commencer à donner du pouvoir à la société civile.

Désormais, la Commune rurale a un budget, de l’ordre de 1 million de Dh par Commune (environ 95 000 €) pour une moyenne de 15 à 20 000 habitants. Elle a un bâtiment de mairie, récemment construit et des fonctionnaires. Le président de la Commune (maire), comme ses fonctionnaires, sont identifiés par la population qui sait désormais où se rendre pour avoir un document ou formuler une requête. Le président de la Commune devient un intermédiaire entre le pouvoir central, jusque-là réputé inaccessible, et la population.

2 – Le tournant de l’an 20001 - La « conscientisation » des Associations villageoises

En 1999, lorsque débute le processus d’évaluation-capitalisation ECIL[footnoteRef:7], les Communes rurales existent. Les conseils communaux, mis en place lors des premières élections de 1994, sont à la fin de leur premier mandat. [7: « Evaluation Capitalisation des Initiatives Locales de développement de la province de Taroudannt » – Coordination J-M. Collombon GRET 2000]

Les Associations villageoises de la zone de travail de M&D, de leur côté, se sont renforcées, grâce, en particulier, au travail de terrain de l’association. Elles ont une base associative large, une réelle représentativité locale mais, surtout, elles ont un budget alimenté par les émigrés et par l’action de recherche de fonds auprès des bailleurs que mène M&D. Elles ont donc la capacité de réaliser des projets et elles sont autonomes.

Les villageois ont, pour la première fois, le pouvoir d’agir sur leur propre réalité pour la changer. Ils peuvent eux-mêmes contribuer à passer d’une situation statique néfaste (« on n’a pas d’eau, pas de route, pas d’école, pas de dispensaire, pas d’électricité ») à une dynamique de changement (« on peut avoir l’eau, l’électricité, l’école, le dispensaire etc. ») si on s’organise collectivement et si M&D nous aide. Les associations deviennent conscientes qu’elles peuvent passer du statut d’objet du développement, au statut de sujet de leur propre développement[footnoteRef:8]. [8: C’est ce processus que le sociologue brésilien Paolo Freire appelle la « conscientisation », la prise de conscience par le peuple de sa propre situation et de son pouvoir de la changer.]

Les migrants jouent un rôle décisif dans la prise de conscience progressive de cette capacité autonome d’intervention sur sa propre réalité[footnoteRef:9] qui représente un bouleversement socio-culturel profond. Il va induire un changement de comportement des responsables associatifs et, par voie de conséquence, un bouleversement des rapports sociaux au sein des territoires d’intervention de M&D. [9: Le slogan de la campagne publicitaire de Western Union : « les immigrés ne transfèrent pas que de l’argent ! » recouvre une réalité profonde : les émigrés transfèrent aussi des modes de vie (rapport à la santé, à l’éducation notamment des filles, jusqu’à la fécondité par la comparaison des tailles des familles entre celles qui reviennent en vacances chaque été et celles du village), des attitudes devant les autorités, etc…]

2 - Les rivalités entre Communes rurales et associations locales

Depuis leur création, les Communes rurales reçoivent une dotation infime de la part de l’Etat. Elles se révèlent incapables de résoudre les problèmes croissants d’une population en forte augmentation. Dans le même temps, les associations locales se perdent en rivalités.

Cette situation joue en faveur de l’Administration qui, à tous les niveaux, rechigne à céder du pouvoir. Elle permet de démontrer que seul le système pyramidal du « marzen », qui a toujours assuré la stabilité et la permanence du pouvoir, fonctionne avec efficacité.

La population fait davantage confiance aux associations villageoises qu’aux Communes pour apporter des solutions à ses problèmes. L’appui apporté par M&D aux associations va exacerber la rivalité entre un pouvoir communal qui se cherche et un pouvoir associatif en pleine émergence.

En 2000, une Commune comme Agadir-Melloul, proche de Taliouine, doit assurer un ensemble de fonctions pour les 55 villages qui se trouvent sur son territoire avec un budget moyen annuel de 1 Million de Dh (95 000 euros) apporté par l’Etat. La Commune en utilise la moitié pour son fonctionnement et pour assurer les salaires des fonctionnaires. Il ne lui reste, pour l’investissement, que l’équivalent de 900 euros par village et par an ! Et certains villages ont plus de 1000 habitants.

Dans le même temps, l’association villageoise de chacun de ces douars peut disposer, grâce au mécanisme mis en place par M&D avec l’appui des émigrés, de plus de 100 000 Dh (10 000 euros) pour réaliser un seul projet. Chaque président d’association d’Agadir-Melloul a, sur le terrain concret des réalisations, plus de pouvoir que le président de la Commune (le maire) et ils sont 55 présidents !

3 - La découverte des bienfaits de la synergie entre acteurs locaux

C’est à ce stade, et dans ce contexte précis, que se situe, à partir de l’année 2000, le principal infléchissement de la stratégie d’intervention de M&D. L’association est ancrée en France. Elle connait bien les acteurs du développement rural français et comme eux, elle est convaincue des vertus de l’approche du développement local qui y est mis en œuvre depuis des décennies.

L’argument-clé, qui est qu’un groupe d’acteurs locaux tout seul ne peut rien changer, ou presque, aux réalités d’un territoire, vaut aussi bien pour le Maroc rural que pour la France rurale. Le développement local ne peut résulter que de la mobilisation conjointe des forces du territoire, portées par les divers groupes d’acteurs locaux.

Il s’agit donc de faire travailler ensemble les collectivités territoriales aux divers niveaux, les associations qui représentent la société civile et l’Administration de l’Etat à travers ses services déconcentrés.

Cette mise en synergie se heurte au poids des traditions, aux pratiques paternalistes de l’Etat et de ses représentants, mais aussi aux oppositions et luttes de pouvoir entre les Communes et les associations.

Cette mobilisation conjointe des acteurs locaux est un axe essentiel du PACT, le Plan d’Action Concerté « Taroudannt 2010 » qui est mis en place fin 2000 à l’issue du processus d’évaluation-capitalisation ECIL mené sur un mode participatif avec les principaux acteurs locaux de la région du Souss Massa Drâa.

M&D va s’appuyer sur quelques rares Communes qui acceptent de jouer le jeu, plus par souci de plaire à M&D et à ses dirigeants, que par intime conviction et sur des associations villageoises, heureusement de plus en plus nombreuses, elles aussi soucieuses de progresser.

Il va falloir du temps à M&D pour voir les premiers résultats mais ceux-ci vont l’encourager à aller plus loin dans cette démarche.

La construction de la route d’Agadir-Melloul

La première action emblématique de la coopération entre l’Etat, une Commune rurale et des associations villageoises est celle de la construction de la route de desserte de la Commune d’Agadir-Melloul.

Les 55 douars que compte la Commune, regroupent environ 45 000 habitants. Ils sont desservis par une piste en très mauvais état. Il faut 3 h en hiver pour parcourir la cinquantaine de kilomètres de Tassousfi à Agadir-Melloul. Les villageois demandent depuis des années à l’Etat de construire une route goudronnée.

Las d’attendre, les associations villageoises décident de collecter de l’argent et de lancer la construction de la route. Son coût est évalué à 35 millions de Dh. Avec l’appui des émigrés, les associations vont collecter 1,5 million de Dh (143 000 €).

Cette somme est donnée, pour l’essentiel, par un peu plus de 300 émigrés qui vont apporter des contributions de l’ordre de 500 € chacun, ce qui représente une somme importante pour des travailleurs qui gagnent le salaire minimum et qui doivent envoyer de l’argent à leur famille restée au Maroc. La Commune rurale va apporter 2 millions de Dh et l’Etat va compléter les 90 % restant.

Cette démarche de concertation, inédite au Maroc, est soutenue par le député de la circonscription, Mohamed Sajid, devenu, par la suite, maire de Casablanca. Elle est exemplaire et fera des émules.

4 - Quand le rural est enfin vu comme producteur de richesses

La deuxième découverte importante, qui va donner au PACT 2000-2010 son deuxième axe prioritaire d’intervention, est que « le rural peut être producteur de richesses ».

Le PACT a renversé la vision traditionnelle du développement au Maroc. Les zones rurales y sont traditionnellement vues comme des territoires de production de biens d’autoconsommation permettant la survie des populations locales. Elles sont aussi vues comme des zones de production de matières premières vendues à bas prix aux intermédiaires locaux représentant les élites commerçantes des grandes villes. La valeur ajoutée produite par la transformation et la commercialisation de ces produits agricoles reste dans les zones urbaines. C’est le cas flagrant des tapis que tissent les femmes des villages autour de Tazenacht ou du safran que produisent les agriculteurs de la zone de Taliouine

La nouvelle vision que M&D va impulser dans le cadre du PACT est que la valeur ajoutée, non seulement « pourrait » rester dans les douars, mais qu’elle « doit y rester » et bénéficier directement aux populations productrices.

Mais cette nouvelle vision incorpore un autre élément fondamental : les zones rurales de montagne ne sont plus vues seulement comme le lieu où vivent les populations berbères en marge du développement, mais comme un territoire de grande qualité qui dispose d’une plus-value environnementale et humaine forte. La beauté et la diversité des paysages, la richesse du patrimoine et de la culture, la qualité de l’hospitalité traditionnelle, sont vues désormais comme des atouts importants. Ces atouts, mis en valeur par les populations locales, peuvent créer de nouvelles richesses par le biais du tourisme rural.

En 2001, le Maroc ne rêve que du développement du tourisme plage-soleil et recherche des investisseurs internationaux pour la construction des 6 stations balnéaires, qui vont permettre d’atteindre l’objectif mythique de « 10 millions de touristes en 2010 ».

Le choix de M&D sera de développer un autre tourisme, dont la France rurale est un peu la championne et qui commence à émerger dans les économies des pays du sud. Ce tourisme est ancré dans la démarche de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Il s’agit d’un tourisme de haute qualité humaine et environnementale, un tourisme de rencontres et d’échanges, maîtrisé par les populations locales, créateur d’emplois et de revenus en zones rurales.

Cette option donnera lieu à la mise en place du projet Tourisme Rural Solidaire (TRS) qui concerne 21 villages touristiques sur une vaste zone couvrant plusieurs provinces du sud, Taroudannt, mais aussi Tiznit, Tata, El Haouz.

5 - L’émergence des entrepreneurs ruraux de l’économie sociale

Le développement de cet axe d’intervention dans le domaine des activités génératrices de revenu (AGR) ne peut plus être porté par les seules associations villageoises, même alliées aux Communes rurales.

L’action économique requiert de pouvoir s’appuyer sur de véritables entreprises rurales. Le choix naturel de M&D est alors de susciter la création de coopératives et de groupements féminins, en particulier pour la transformation des noix d’argan, comme il en existe déjà sous l’impulsion de la GTZ et du Haut-Commissariat aux Eaux et Forêts du Maroc.

Ces structures collectives transforment les noix d’argan, les olives, le safran, et commercialisent en direct les produits transformés et conditionnés sur place. A partir de quelques unités pilotes comme la mini-huilerie moderne de Tassousfi, qui ont valeur d’exemple, le mouvement en faveur de ces mini-entreprises rurales va s’étendre dans toute la zone. II intéresse désormais toutes les associations villageoises, puisqu’elles sont constituées de producteurs agricoles et artisanaux.

En parallèle, l’investissement touristique est effectué par des émigrés en France qui vont investir dans la construction d’une vingtaine d’auberges rurales dans leurs douars d’origine, représentant un potentiel de près de 400 lits.

Ces infrastructures touristiques simples, mais conformes aux normes internationales, sont destinées à accueillir une clientèle de randonneurs européens et de migrants, en attendant que se développe un tourisme domestique encore balbutiant. Plusieurs agences associatives de tourisme de France et d’Italie[footnoteRef:10] se chargent de faire venir des touristes d’Europe. [10: Viaggi Solidali (Italie), Couleurs Sensations et Croq’Nature (France)]

Par la suite, M&D va appuyer la réalisation de maisons et de chambres d’hôte chez l’habitant afin de diversifier l’offre d’hébergement. Cette nouvelle offre se développe rapidement. Elle profite du fait que les maisons traditionnelles des villages, qui abritaient de très grandes familles, sont maintenant en grande partie inoccupées ou sous-occupées. La transformation d’une partie de ces maisons en chambres destinées aux touristes est assez facile.

6 - L’articulation entre tourisme rural et produits de terroir

Les voyages tests[footnoteRef:11] réalisés au moment du lancement du programme TRS ont convaincu M&D, comme les associations villageoises, que le tourisme local était encore le meilleur moyen de valoriser au mieux une production locale, à condition que le produit soit de bonne qualité et bien adapté à la clientèle. [11: Ces voyages-tests ont mobilisé 156 randonneurs-touristes en 15 groupes d’une dizaine de personnes chacun]

Quand les productrices d’huile d’argan, membres des coopératives féminines, ont constaté qu’elles pouvaient vendre de 50 à 100 Dh une jolie fiole de 10 cc d’huile d’argan et qu’elles valorisaient ainsi leur huile entre 500 et 1000 Dh (50 à 100 €) le litre, alors qu’elles la vendaient précédemment à 30 Dh (3 €) sur le marché local, elles ont définitivement compris tout l’intérêt d’articuler accueil touristique et production de terroir.

Ce sont ces coopératrices qui ont présenté le système au Premier Ministre marocain Driss Jétou à Bouznika, en 2005, lors d’une rencontre nationale des ONG organisée par l’Agence de Développement Social.

Le choix de M&D de réaliser des boutiques solidaires, comme celle qui a été mise en place dans la Commune d’Ammelne, n’est que la suite logique de cette démarche. Le concept de ces boutiques solidaires a été inspiré par les Maisons de produits de terroir qui se sont multipliées ces dernières années en Provence. Des élus, des agents territoriaux, des responsables associatifs, en visite en Provence dans le cadre d’échanges organisés par M&D ont pu apprécier la pertinence du concept et l’adapter à la réalité marocaine.

Elle obéit à un impératif de concertation et d’organisation mutuelle entre les diverses structures de production. Elle permet de proposer au client-touriste, en un lieu unique, facile d’accès, une gamme de produits locaux de bonne qualité.

7 - Le nécessaire renforcement partenarial et l’ouverture internationale

L’action de M&D s’est complexifiée au fur et à mesure que ses activités se diversifiaient et se mettaient à toucher des domaines nouveaux pour elle, comme le développement économique avec ses obligations de création d’emplois et de génération de revenus.

Le développement des entreprises artisanales, comme le développement touristique, requièrent des compétences spécifiques que M&D n’avait pas. Elle était traditionnellement plus à son aise pour soutenir le creusement d’un puits, la construction d’un barrage, l’organisation d’un foyer féminin, pour mettre en place une école non-formelle, voire pour organiser un chantier de jeunes, que pour monter une coopérative ou aider à commercialiser des filaments de safran.

M&D a dû faire appel à des compétences extérieures. Elle les a trouvées un peu au Maroc et beaucoup en France. Les intervenants extérieurs se sont multipliés, apportant avec eux leur expérience, mais aussi leur réseau.

La capacité de M&D à générer de l’innovation, tant technique que sociale ou économique, s’en est trouvée accrue.

En parallèle, le réseau des partenaires traditionnels s’est élargi pour inclure désormais des organisations autres que marocaines ou françaises, telles que Viaggi Solidali (tourisme solidaire) ou CTM-Altro Mercato (commerce équitable) en Italie ou l’Institut Agronomique Méditerranéen en France.

L’Etat a senti l’intérêt de cette démarche et s’est mobilisé pour récupérer à son profit une partie de la dynamique locale, comme cela s’est passé pour la filière safran.

Le Festival du safran de Taliouine

M&D a pris, dès 2003, l’initiative d’organiser à Taliouine, au cœur de la zone de production safranière, un I° Festival du safran, en soutien à la filière et à ses projets de développement. L’idée n’a pu se concrétiser qu’en 2007.

Ce festival est un temps fort de rencontre entre les partenaires du développement local, un lieu d’échanges entre producteurs, acheteurs et intervenants divers de la filière, chercheurs du Maroc et de France, un temps fort de valorisation de la culture locale, en même temps qu’une activité de tourisme solidaire et responsable.

Ce premier Festival du safran a été un succès national. L’Etat marocain, par l’intermédiaire du Ministère de l’Agriculture, a trouvé l’idée intéressante et a décidé de l’organiser lui-même. Le Festival a maintenant lieu chaque année au début novembre, au moment de la récolte du safran. La province de Taroudannt, la Commune urbaine de Taliouine et les coopératives de production du safran sont désormais les partenaires principaux du Festival.

Il a abouti à la proposition, faite par le Ministère de l’Agriculture marocain, de créer à Taliouine un Institut National du Safran. La Maison du Safran qui l’abrite, y a été construite grâce à des financements de l’Etat, de la Région Souss Massa Drâa et de la Province de Taroudant et des financements privés.

8 - La claire orientation vers l’économie sociale et solidaire

L’association est maintenant convaincue qu’elle doit aller le plus loin possible dans la démarche du développement local en lui donnant une claire orientation vers le durable et le solidaire.

Il ne s’agit pas seulement de surfer sur la mode et de profiter de l’engouement nouveau des consommateurs européens, pour des produits « certifiés bio », issus de l’agriculture familiale et des produits « certifiés équitables ». Il s’agit de pousser le plus loin possible la cohérence entre les convictions et les actions.

Pour l’association, cela s’est traduit par une priorité croissante donnée à la création et au renforcement des groupements d’hommes et de femmes, des associations et, plus encore, des coopératives de production (safran, argan, huile d’olive, plantes aromatiques) et de services.

Cela s’est également traduit par une priorité donnée au renforcement des capacités dans tous les domaines et à tous les niveaux.

La démarche de certification en agriculture biologique réussie par M&D pour le safran, combinée à l’ouverture d’un marché équitable en Italie avec CTM, a permis de passer d’un prix de 3 500 Dh par kg (environ 318 €) en 2000, lorsque le safran était vendu par le producteur aux intermédiaires, à 35 000 Dh par kg (3180 €), soit 10 fois plus, en 2010.

A titre d’exemple, l’action emblématique menée par M&D dans la filière safran, qui a vu le nombre de coopératives safranières passer de 1 à 24 en 10 ans, a eu un double impact, tout d’abord d’améliorer considérablement le revenu des producteurs de safran concernés, de plus en plus nombreux à s’organiser en coopératives, et donc créer une vraie dynamique économique locale, mais aussi de diminuer de manière corrélative le poids des intermédiaires.

Surtout, cela a entrainé une volonté d’étendre les surfaces cultivées en safran: sur des parcelles abandonnées du fait de la sécheresse depuis 20 à 30 ans, la hausse du prix de vente du safran a rendu rentable l’installation de systèmes d’irrigation. De nombreuses autres coopératives multi-produits agricoles se sont créées dans cet élan.

3 – Une nouvelle dimension à gérer1 - Des responsabilités nouvelles dans le mouvement associatif marocain

M&D est un membre actif du Programme Concerté Maroc (PCM) depuis les origines de ce programme impulsé par le ministère français des Affaires et européennes en 2002. L’association s’implique également fortement dans le Réseau Marocain de l’Economie Sociale et Solidaire (RMESS).

Dans la phase PCM 1 (2002-2005) la compréhension qu’avait M&D du Programme se limitait à y voir un guichet financier pour un projet proposé par son partenaire du Nord, le GRET. Cette expérience de partenariat Nord-Sud, principalement sa gestion des comptes rendus, a été jugée peu concluante par la coordination du programme.

Une deuxième étape, à partir de 2006, avec le choix de participer à sa gouvernance via son élection au comité de pilotage, puis après le choix de respecter un certain « turn-over » avant de revenir en 2008 dans le pilotage du PCM 2, a enrichi la compréhension qu’avait M&D des enjeux poursuivis par ce consortium maintenant riche d’une centaine d’associations.

Depuis 2008, M&D a pris une place déterminante dans le Programme à qui l’association a apporté son expérience, plus particulièrement dans deux directions :

· l’approche du développement local intégré, fruit de la concertation entre tous les acteurs. Le plan de concertation provincial de Tiznit, où M&D intervient depuis quelques années, est un chantier emblématique du programme ;

· la démarche de M&D visant à établir une étroite relation entre tourisme solidaire et produits de terroir est devenue l’axe de travail du pôle Economie Sociale et Solidaire du PCM où M&D prend une part active dans son plan d’action (visites croisées en Provence et Festival du safran).

M&D pèse maintenant dans l’élaboration de la stratégie du PCM 3. Les trois axes stratégiques retenus pour le PCM 3 sont en phase avec l’approche M&D :

· Renforcement du tissu associatif en appui à la jeunesse ;

· Renforcement de la gouvernance pluri-acteurs au niveau local en particulier dans l’élaboration des plans de concertation provinciaux et des plans de développement par les Communes ;

· Renforcement des capacités et de la représentativité des jeunes dans la société marocaine, via un Conseil National des Jeunes.

Ce lien avec le PCM est important pour M&D dont l’expérience est décisive pour l’évolution de la mouvance associative marocaine.

2 - Une démarche encore plus intégrée de développement territorial

L’appui global reçu par M&D, depuis quelques années, de la part du gouvernement français[footnoteRef:12], a permis à l’association de développer avec une assez grande autonomie son approche particulière, associant les migrants de France au développement de leur région d’origine. [12: Le MAEE puis le MIIINDS, puis le ministère de l’Intérieur]

Elle a ainsi pu mener de pair, tant au Maroc qu’en France, de 2008 à 2011 inclus, un programme triennal cohérent, intitulé Co-développement Rural Intégré dans l’Atlas Marocain (CORIAM) qui comprend une intervention sur les 6 volets articulés entre eux : 1) le renforcement des capacités des acteurs de terrain, 2) le développement d’activités économiques, 3) le développement des infrastructures, en donnant une priorité aux infrastructures stratégiques concernant, en particulier, l’eau (eau potable, eau d’irrigation), 4) la protection et la valorisation de l’environnement, 5) l’implication des émigrés dans la coopération Nord Sud et l’éducation au développement et 6) la capitalisation et la diffusion de l’expérience de l’association.

3 - Une politique et une stratégie d’innovation sociale

Les dernières orientations de M&D marquent une évolution nouvelle dans la politique et la stratégie de l’association.

Elles concernent le domaine du renforcement des capacités des acteurs de terrain et se traduisent par deux projets très novateurs :

Le projet Enracinement Sans Déracinement (ESD) est réalisé à l’initiative de l’Administration marocaine (MRE). Ce projet-pilote qui a pour cible les associations d’émigrés marocains en France. Il s’agit d’appuyer les associations qui oeuvrent pour une intégration en France des émigrés, sans perte du lien avec le pays d’origine.

· Le projet Ecole Opérationnelle des Produits de Terroir (ECOPTER) est réalisé à l’initiative de partenaires scientifiques et techniques français de M&D. Claire illustration de la philosophie de M&D, il vise à former de manière conjointe, par alternance entre la France et le Maroc, des jeunes français issus de la migration et des jeunes marocains. Ensemble, parce qu’à travers cette formation ils auront appris à se connaître et à travailler de manière concertée, ces jeunes vont commercialiser les produits des terroirs marocains.

Dans les deux cas, M&D a été choisie pour être le support de ces démarches innovantes. Son rôle s’en trouve infléchi. M&D n’est plus seulement un ensemblier et un opérateur de terrain, dont l’action est bien ancrée dans son territoire de prédilection. Elle devient un acteur stratégique dans la mise au point de nouvelles modalités de relation entre la rive Nord et la rive Sud de la Méditerranée, associant les migrants, acteurs transfrontaliers du développement.

4 – L’objectif, devenu central, de la diffusion de l’expérience

L’idée de mettre à profit la longue expérience de développement local accumulée par M&D dans la région Souss Massa Drâa depuis un quart de siècle, pour proposer des formations à des publics de la région, mais aussi à des publics extérieurs à la région, voire au pays, n’est pas nouvelle à M&D.

L’association est maintenant mûre pour que l’idée se concrétise et cette initiative va dans le sens de la préoccupation du Gouvernement marocain de former les responsables (élus, fonctionnaires, responsables associatifs) en charge des processus de développement local.

Il s’agirait de la création d’une « Ecole internationale du développement durable et du codéveloppement » en lien avec le milieu académique, ouverte aux acteurs du développement au niveau national marocain, mais aussi au niveau international : Algérie, Tunisie, Sénégal, Mali… Partout, la demande de qualification des acteurs est forte : élus, coopérateurs, animateurs d’associations de développement, fonctionnaires des administrations, migrants…

En outre, la période actuelle voit la fin du projet élaboré en 2000 par M&D sur un mode participatif qui traçait des perspectives pour les dix années à venir (projet intitulé « PACT 2010 - Plan d’Action Concerté Taroudannt 2010 »).

M&D compte faire, en 2012, le bilan de ce PACT et dessiner de nouvelles perspectives pour les dix années qui viennent. Ce projet d’Ecole internationale s’inscrit dans cette perspective.

II – Une association avec des moyens croissants

Note - Ce bref chapitre prend en compte les moyens dont a disposé l’association de 1992 à 2010 et, plus particulièrement l’évolution de ces moyens durant la période opérationnelle du PACT, de 2001 à 2011.

Ce chapitre permettra de regarder successivement 3 éléments :

· les moyens humains dont a disposé l’association durant la période, en particulier l’évolution du personnel en quantité et en qualité, mais aussi la composition du Conseil d’administration de M&D ;

· le budget global de l’association sur la période considérée, ainsi que l’évolution de la composition de son financement, en particulier la ventilation entre financements publics et financements privés et la ventilation entre la France et le Maroc ;

· la ventilation des dépenses par groupe d’activités.

1 – Moyens humains

Entre 2000 et 2011, le personnel salarié de M&D a cru de manière régulière. L’association a maintenant 17 salariés (février 2012).

Mais le changement, bien que progressif, a été multiforme :

· un changement d’abord quantitatif ;

· un changement qualitatif avec un nombre croissant de jeunes salariés issus de la région d’implantation traditionnelle de M&D, donc de culture berbère, et arrivant avec un diplôme universitaire en poche ;

· un ré-équilibrage entre le siège de Marseille et les bureaux de Taroudannt, puis de Taliouine lorsque le gros des troupes y a été déplacé ;

· et, désormais, un poids croissant accordé à la Délégation M&D du Maroc, avec une double direction, une Délégation et une Direction technique, le bureau de Marseille intervenant plutôt en cellule d’appui.

2 – Evolution du budget et de sa composition

Il est intéressant de voir comment le budget de M&D a évolué durant la période du PACT, mais aussi en référence aux périodes antérieures.

Un budget stable, en nette augmentation depuis 1995

En 1995, les recettes de M&D se sont élevées à 274 613 €. Elles étaient de 881 499 € en 2000 et elles ont été de 797 270 € en 2010. Sur la période 2000-2010, en 11 ans, l’association a encaissé, en moyenne, 826 983 € par an. Ce budget est relativement stable, mis à part un pic en 2008, où le budget s’est élevé à 1 166 178 €.

Un financement public qui reste très prépondérant

Sur l’ensemble de la période allant de 1992 à 2010, la part de financement public (ministères, collectivités locales, agence de développement) s’est élevée à 71 %. Avec 43% du total des recettes sur la période, le financement public français a été prépondérant. Le financement public marocain a représenté 9% et le financement public étranger 19%.

La part du financement privé n’a représenté que 19% sur l’ensemble de la période. Le financement privé marocain s’est élevé à 10% et le financement privé français à 9% des recettes.

Mais on constate une croissance régulière, entre 2000 et 2006, de la part des financements privés alors que la part des financements publics s’érode régulièrement. En 2006, la part des financements privés devient même brièvement supérieure à la part des financements publics. La cessation des financements de l’Union européenne durant la période du PACT est sans doute l’explication principale.

On note également une baisse parallèle des financements publics et privés sur 2008 et 2009 avec une remontée des financements publics en 2010.

Evolution des financements publics et privés de 1992 à 2010

Répartition des financements de l’association de 1992 à 2010

Un financement public à 68% sur la période du PACT

De 2001 à 2011, l’apport de financements publics, français, marocains et d’autres pays, s’est élevé à 5 951 869 € (68%) alors que l’apport privé (incluant l’apport des émigrés) s’est élevé à 2 517 882 €, le reste représentant 275 311 €.

Le total s’élève à 8 745 062 €, soit 795 000 € par an, en moyenne.

Type de financement

Provenance

Montants (€)

Public

France

3 989 982

Maroc

1 330 074

Autres

631 813

Privé

France

728 700

Maroc

1 789 182

Autres

275 311

Total

8 745 062

Un financement français à 72,9%

Si l’on totalise les apports publics et privés en provenance de France, on obtient 4 718 682 €, soit 72,9 % de l’apport total sur la période et 3 119 256 € pour le Maroc.

3 – Répartition des charges d’exploitation

Après avoir brièvement analysé la provenance des fonds, il convient de voir dans quels domaines ils ont été investis. On constate, ce qui est normal, que le Maroc a bien drainé la majeure partie des fonds.

Ces fonds ont été investis de la manière suivante :

· Le domaine « Infrastructures » et le domaine « Activités génératrices de revenu » ont été les deux domaines privilégiés avec respectivement 2 154 853 € et 2 493 756 € ;

· Le domaine « Implication des migrants/éducation au développement » vient en troisième position avec 1 675 725 € ;

· Il est suivi du domaine « Renforcement des capacités » qui a totalisé 1 371 395 € ;

· Puis le domaine « Capitalisation, diffusion, renforcement de M&D », qui a totalisé

1 281 326 € ;

· Enfin, le domaine « Environnement », qui reste le parent pauvre du programme, n’a totalisé que 175 060 €.

Note - Il convient cependant de noter que les travaux d’assainissement écologique des villages ont été comptabilisés dans la rubrique Infrastructures alors qu’ils auraient pu être pris en compte dans la rubrique Environnement.

4 – Plus de 6,5 millions d’€ injectés dans le territoire d’intervention

Durant la période du PACT, les activités développées par M&D ont permis d’injecter directement 4 821 518 € (53 MDh) dans la zone d’intervention.

A cette somme, qui a transité directement par M&D, il faut ajouter les sommes induites par les projets dont M&D a eu l’initiative, mais qui ne sont pas passées par son compte. Le chiffre obtenu est alors nettement plus élevé.

A titre d’exemple, le coût de la construction des seules auberges rurales du projet TRS, qui a permis d’amener une très forte contribution des émigrés, en complément de l’apport de l’AFD et de l’ADS a représenté 1,4 M d’€. On pourrait tenir le même raisonnement pour les projets induits par M&D et financés par l’INDH, l’ADS ou l’Entraide nationale, auprès des Communes, des associations et des coopératives.

Au total, il paraît réaliste de pense que plus de 6,5 millions d’€ (71 millions de Dh) ont été injectés dans la zone d’intervention de M&D durant le PACT, entre 2001 et 2011.

II – BILAN DES REALISATIONS

I – Amélioration des infrastructures

Note - Ce chapitre concerne les réalisations de M&D dans le domaine des infrastructures depuis sa création, mais il met plus particulièrement l’accent sur la période du PACT de 2001 à 2011.

Les différents domaines d’intervention de M&D seront passés en revue, en particulier, les domaines suivants :

· Electrification rurale (mini-réseaux autonomes)

· Accès à l’eau potable

· Accès à l’assainissement

· Construction de barrages et retenues

·

1 – L’électrification rurale décentralisée, premiers investissements locaux

Contexte

Lorsque M&D commence à intervenir dans la région en 1989, à peine 10% de la population rurale dispose de l’électricité. Historiquement, les premières réalisations de M&D au Maroc ont concerné la réalisation de réseaux électriques villageois dans le cercle de Taliouine car cela correspondait à la première demande des villageois. Le premier réseau a été installé dans le village d’Imgoun.

A la fin des années 90, au vu des réalisations menées par M&D, et afin de combler le retard pris par l’électrification en zones rurales, l’ONE décide de lancer le PERG, Programme d’Electrification Rurale Global. Ce programme, réalisé grâce à des financements nationaux et internationaux (Banque mondiale) est conduit en partenariat avec M&D, le Conseil provincial de Taroudannt et les Associations villageoises. L’une des conséquences en est que, progressivement, les douars équipés par M&D avec un groupe électrogène, sont reliés au réseau national d’électricité.

Suite à cette initiative et à partir de 2006, les actions de M&D dans le domaine de l’électrification ont essentiellement concerné la formation et le suivi du bon déroulement des opérations. Actuellement, M&D ne réalise plus d’électrification rurale.

Descriptif

Le support du projet d’électrification d’un village est l’Association villageoise (AV) qui, avec l’appui de M&D, réalise l’installation et gère le service par la suite.

L’installation type est constituée d’un groupe électrogène et de lignes électriques aériennes, supportées par des poteaux bois et desservant chaque habitation qui dispose d’un compteur. Le réseau dessert aussi l’école, le dispensaire ou tout autre bâtiment à usage collectif.

L’installation des mini-réseaux est réalisée par une petite équipe d’électriciens mise en place et formée par M&D, au départ avec l’appui de l’EDF.

Les familles se partagent chaque mois les frais du réseau au prorata de la consommation de chacune. Dans de nombreux villages, les familles versent, en plus, une redevance de 20 Dh par mois à l’Association villageoise. Un salarié de l’association gère le système.

Les familles les plus pauvres (veuves isolées, familles sans terre) ont droit à l’électricité, mais ne paient ni la consommation ni la redevance. C’est donc l’ensemble du village qui, par un principe de péréquation, prend en charge la fourniture du service électrique pour les familles qui ne peuvent pas se le payer.

ONE : norme nationale contre principe de solidarité

Lorsque l’ONE a entrepris de développer l’électrification rurale dans la province de Taroudannt, les associations qui géraient les mini-réseaux électriques installés par M&D, se sont opposées à l’ONE qui, au moment du branchement sur le réseau national, souhaitait installer un compteur pour chaque famille sans principe de solidarité : « Celui qui ne paie pas, n’a pas droit au service électrique°».

Le problème était que, depuis que les mini-réseaux avaient été installés, les villages avaient mis en place un principe de solidarité : les familles démunies bénéficiaient gratuitement du service parce que, du fait de la péréquation, d’autres familles payaient à leur place. Afin de pérenniser ce dispositif qui satisfaisait tout le monde et maintenait la solidarité au sein du douar, les associations et M&D ont proposé à l’ONE d’installer un compteur collectif par douar.

Elles s’engageaient à payer la facture globale du village à l’ONE et se chargeaient de collecter ensuite les contributions des familles, ce qui était facile puisque le système fonctionnait déjà comme cela. Le gros avantage était que les associations auraient ainsi pu maintenir le dispositif de péréquation en faveur des plus pauvres.

L’ONE n’a pas voulu de ce type d’arrangement qui signifiait une exception par rapport à la norme nationale. Les associations et M&D ont échoué dans la négociation.

Certaines familles et même certaines associations qui n’ont pas pu assumer le coût du branchement au réseau national sont « retombées dans le noir » après avoir connu l’électricité. Pour elles, la modernisation du réseau national a été une régression.

Points forts

· La perspective de pouvoir réaliser un réseau électrique a permis, au départ, de créer des Associations villageoises, puis de les renforcer ;

· Le programme, qui s’est étalé sur une quinzaine d’année, principalement de 1989 à 2000, puis dans une moindre mesure, de 1999 à 2006, a introduit la modernité dans des villages souvent très isolés ;

· L’application du principe de péréquation entre riches et pauvres a renforcé la cohésion sociale et a permis d’apporter une aide concrète aux familles les plus démunies ; 

· Les formations techniques initiales, réalisées avec l’appui de l’EDF, ont permis de former des jeunes engagés dans la réalisation des réseaux qui, ensuite, ont pu trouver du travail dans le BTP, voire créer leur propre entreprise pour certains d’entre eux ;

· L’arrivée de l’électricité a introduit un changement socio-culturel profond, allant du changement ergonomique (la femme qui travaillait courbée dans sa cuisine à la lumière d’un lumignon, peut désormais travailler debout à côté de son plan de travail) à l’introduction de la télévision, donc du monde extérieur, dans les foyers ;

· L’introduction de cuisinières et fours électriques dans certains foyers a aussi contribué à limiter la pression sur la ressource en bois de feu.

· Globalement, l’action d’électrification sur la zone a poussé l’opérateur national l’ONE, à intervenir plus rapidement et plus massivement sur les villages.

Contraintes et difficultés

· Malgré les promesses de l’ONE et les efforts consentis par les bailleurs de fonds internationaux, des villages isolés n’auront pas d’électricité avant plusieurs années ;

· Le recours aux énergies renouvelables (panneaux photovoltaïques, micro-turbines) ne semble pas pouvoir pallier ce déficit et M&D a beaucoup de mal à collecter des financements pour ce type de projet maintenant que l’électrification rurale avance rapidement ;

· L’accès à l’énergie a un coût direct (il faut payer les kilowatts consommés) mais aussi un coût indirect important (la famille achète une radio, un téléviseur, une cuisinière, voire un ventilateur) alors que le budget du ménage est resté stable, voire a régressé en période de sécheresse, comme en 2000-2002.

Electrification rurale

Au total, les réalisations de M&D, dans le domaine de l’électrification rurale, ont permis l’électrification de 106 villages regroupant une population de 40 000 habitants environ.

Durant la période du PACT, l’activité d’électrification rurale, qui avait été un axe essentiel du travail de M&D pendant 15 ans, s’est fortement réduite au fur et à mesure que l’Etat marocain prenait le relais et que M&D redéployait ses activités vers le secteur des activités génératrices de revenu.

Seulement 16 douars ont été électrifiés durant le Plan d’Action Concerté, bénéficiant à 6 810 habitants. Le programme d’électrification mené par M&D s’est arrêté définitivement en 2006.

2 – L’accès à l’eau potable, une grande priorité

Contexte

La demande des villageois s’est portée également sur l’accès à de l’eau potable. La région a, en effet, été affectée, à partir du milieu des années 70, par une sécheresse chronique. La question de l’eau est devenue cruciale, et les villageois ont de plus en plus porté leur demande sur ce point.

A la fin des années 90, M&D a engagé un nombre croissant d’actions dans la petite hydraulique : construction de retenues collinaires, de points d’eau potable collectifs, de systèmes d’irrigation, ou encore mobilisation des eaux de surface.

A partir des années 2000, les actions de l’association se sont intensifiées par la réalisation d’un ensemble de projets AEP (Assainissement Environnemental/Eau Potable)

La première priorité a été la fourniture d’eau potable par le biais d’un réseau. Or, dans le système traditionnel, l’eau est fournie par un puits et elle est peut-être rare mais elle est le plus souvent de bonne qualité. La réalisation d’un réseau, avec l’installation de réservoirs dans lesquelles l’eau séjourne à une température qui peut avoisiner les 50 ou 60°C, augmente les risques de prolifération microbienne.

Les maladies hydriques augmentent avec la modernisation. De plus, l’eau courante est facile à obtenir (il suffit d’ouvrir un robinet ce qui ne représente pas le même effort que d’aller chercher l’eau d’un puits situé à 1,5 km, de l’exhaure, puis de la ramener à la maison). Le réseau augmente donc la consommation et les gaspillages.

Il augmente aussi les risques de pollution. L’eau est plus abondante. Elle stagne en certains endroits, se perd dans le sol et entraîne au passage les matières fécales disséminées un peu partout.

Il faut donc que M&D accompagne son action d’un travail approfondi de sensibilisation et de formation de la population et de formation des cadres associatifs responsables de la gestion du réseau.

L’orientation actuelle qui consiste à mettre l’accent sur la gestion globale de la ressource en eau (eau potable, eau d’irrigation, recharge des nappes, assainissement liquide, impacts sur la santé) est très intéressante ;

Cette démarche suppose un fort input en actions de sensibilisation, de formation, d’animation et de mobilisation, en particulier de certains groupes cibles (les enfants, les femmes, les élus).

Dans le cadre du projet CORIAM et afin de mettre l’accent sur la gestion globale de la ressource en eau, M&D s’est engagée depuis 2009 à réaliser 12 réseaux d’adduction d’eau potable avec branchements individuels et 3 réseaux d’assainissement dans 13 villages des provinces de Tata et de Taroudannt.

Points forts

· La population a un meilleur accès à l’eau potable (surtout en quantité d’eau disponible par habitant) ;

· La sécurité de l’approvisionnement, surtout en période de sécheresse a été améliorée. Cela vaut pour les humains comme pour les animaux ;

· Actuellement, l’Etat marocain intervient fortement dans le domaine de l’eau potable et assure progressivement la couverture des besoins de tous les villages ;

· La nouvelle approche globale de M&D, qui consiste à travailler à une meilleure gestion d’ensemble, et sur le long terme de la ressource en eau, est très pertinente ;

· Elle correspond à l’approche des bailleurs, en particulier français (collectivités, agences de bassin, PS Eau etc.) ;

· La liste des bailleurs mobilisés par M&D s’est progressivement élargie et diversifiée avec l’arrivée de collectivités importantes comme le Grand Lyon, de fondations comme la Fondation Ensemble, de grandes entreprises comme Veolia.

Contraintes et difficultés

· Des problèmes de gestion des adductions d’eau se posent à des villages (suivi insuffisant, mauvais entretien des équipements) ;

· L’accès plus facile à l’eau potable augmente fortement le niveau de consommation qui passe de 10 l par habitant et par jour à plus de 50 l, ce qui pose des problèmes d’assainissement (eaux stagnantes dans les rues des villages) avec les risques sanitaires correspondants.

Projets AEP réalisés de 2005 à 2011

Nombre de réseaux

Nombre de Communes

Nombre de villages

Nombre de foyers

Population totale

24

24

40

1 732

15 003

Le tableau qui suit donne quelques exemples d’investissements dans 8 réseaux d’eau potable, construits sur les Communes rurales d’Agadir Melloul (5 réseaux), Imintayarte (1 réseau) et Assaïs (2 réseaux) qui ont permis d’apporter de l’eau potable à 40 douars.

Evaluation des coûts d’adduction d’eau potable en €

Timdghart

Izerzer

Tagourout

Anighd

Taltgmoute

Tawirt

Tislit

Tirsal

26 643

28 721

18 940

17 533

24 713

67 050

18 692

33 048

Avec un investissement total de 235 340 € pour les 8 réseaux, le coût moyen s’est élevé à 29 417 € par réseau.

Accès à l’eau potable

Entre 2005 et 2011 M&D a fait un effort très important en matière d’amélioration de l’accès de la population à l’eau potable.

24 réseaux AEP ont été réalisés, fournissant de l’eau potable à 1 732 foyers, soit plus de 15 000 habitants, répartis dans 40 villages des provinces de Taroudannt et de Tata.

Le cout total de 8 de ces réseaux s’est élevé à 235 340 €, ce qui représente un coût d’investissement par réseau de 29 417 €. Par extrapolation (en attendant des chiffres plus précis), on peut estimer l’investissement total pour les 24 réseaux à 706 000 € pour la desserte de 1 732 foyers (15 000 habitants), soit 407 € par foyer et 47 € par personne.

Depuis quelques années, la montée en puissance des interventions de l’Etat dans ce domaine a progressivement amené M&D à moins intervenir dans le « hard » pour la réalisation des investissements dans l’eau potable, et, davantage, dans le