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Classe : Terminale Spécialité SES Thème 2. Comment est structurée la société actuelle française ? Lycée Wittmer – Terminale – 2020/2021 – Spécialité « Sciences Economiques et Sociales » 1 Comment est structurée la société française actuelle ? - Savoir identifier les multiples facteurs de structuration et de hiérarchisation de l’espace social (catégorie socioprofessionnelle, revenu, diplôme, composition du ménage, position dans le cycle de vie, sexe, lieu de résidence). - Comprendre les principales évolutions de la structure socioprofessionnelle en France depuis la seconde moitié du XXe siècle (salarisation, tertiarisation, élévation du niveau de qualification, féminisation des emplois). - Connaître les théories des classes et de la stratification sociale dans la tradition sociologique (Marx, Weber) ; comprendre que la pertinence d’une approche en termes de classes sociales pour rendre compte de la société française fait l’objet de débats théoriques et statistiques : évolution des distances inter- et intra-classes, articulation avec les rapports sociaux de genre, identifications subjectives à un groupe social, multiplication des facteurs d’individualisation. Introduction. Ce thème doit nous amener à nous interroger sur la manière dont l’espace sociale d’une société est structurée. Pourquoi une telle question ? Tout d’abord parce que la structure sociale de la société est en permanente évolution et a beaucoup évolué depuis les années 1950 (Point 1 du thème). Quatre grandes thématiques caractérisent l’évolution de cette structure sociale : la salarisation, la tertiarisation, l’élévation du niveau de qualification et la féminisation des emplois. Ces évolutions dessinent un espace sociale multidimensionnel (Point 2 du thème). Parler d’espace sociale, cela revient à considérer que la société est constituée d’individus et de groupes sociaux qui se situent les uns par rapport aux autres. On dit qu’on est dans une approche relationnelle de la société. Les différentes dimensions de cet espace social hiérarchisent la société. Donc nous sommes dans une société hiérarchisée, résultat de l’action combinée des différentes dimensions de l’espace sociale. Cette hiérarchisation de la société fait apparaître des inégalités de faits, c’est-à-dire inégalités observées, mesurées. Ces inégalités sont des différences entre les individus ou les groupes sociaux qui se traduisent par des avantages ou désavantages et qui fondent donc une hiérarchie entre ces individus/groupes. Or, dans une société ou l’égalité de droit est affirmée, comment comprendre l’existence d’inégalités de faits ? Pour les sciences sociales, une société qui produirait des inégalités de faits (alors que l’égalité de droits est proclamée) serait une société de classes ! Qu’en est-il aujourd’hui en France sur ce point (au regard de ce qu’il en était hier) ? (Point 3 du thème)

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Thème 2. Comment est structurée la société actuelle française ?

Lycée Wittmer – Terminale – 2020/2021 – Spécialité « Sciences Economiques et Sociales » 1

Comment est structurée la société

française actuelle ? - Savoir identifier les multiples facteurs de structuration et de hiérarchisation de

l’espace social (catégorie socioprofessionnelle, revenu, diplôme, composition du ménage, position dans le cycle de vie, sexe, lieu de résidence).

- Comprendre les principales évolutions de la structure socioprofessionnelle en France depuis la seconde moitié du XXe siècle (salarisation, tertiarisation, élévation du niveau de qualification, féminisation des emplois).

- Connaître les théories des classes et de la stratification sociale dans la tradition

sociologique (Marx, Weber) ; comprendre que la pertinence d’une approche en

termes de classes sociales pour rendre compte de la société française fait l’objet de

débats théoriques et statistiques : évolution des distances inter- et intra-classes,

articulation avec les rapports sociaux de genre, identifications subjectives à un

groupe social, multiplication des facteurs d’individualisation.

Introduction. Ce thème doit nous amener à nous interroger sur la manière dont l’espace sociale d’une société est structurée. Pourquoi une telle question ? Tout d’abord parce que la structure sociale de la société est en permanente évolution et a beaucoup évolué depuis les années 1950 (Point 1 du thème). Quatre grandes thématiques caractérisent l’évolution de cette structure sociale : la salarisation, la tertiarisation, l’élévation du niveau de qualification et la féminisation des emplois. Ces évolutions dessinent un espace sociale multidimensionnel (Point 2 du thème). Parler d’espace sociale, cela revient à considérer que la société est constituée d’individus et de groupes sociaux qui se situent les uns par rapport aux autres. On dit qu’on est dans une approche relationnelle de la société. Les différentes dimensions de cet espace social hiérarchisent la société. Donc nous sommes dans une société hiérarchisée, résultat de l’action combinée des différentes dimensions de l’espace sociale. Cette hiérarchisation de la société fait apparaître des inégalités de faits, c’est-à-dire inégalités observées, mesurées. Ces inégalités sont des différences entre les individus ou les groupes sociaux qui se traduisent par des avantages ou désavantages et qui fondent donc une hiérarchie entre ces individus/groupes. Or, dans une société ou l’égalité de droit est affirmée, comment comprendre l’existence d’inégalités de faits ? Pour les sciences sociales, une société qui produirait des inégalités de faits (alors que l’égalité de droits est proclamée) serait une société de classes ! Qu’en est-il aujourd’hui en France sur ce point (au regard de ce qu’il en était hier) ? (Point 3 du thème)

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Thème 2. Comment est structurée la société actuelle française ?

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Point 1. Evolution de la structure socioprofessionnelle depuis 1950.

Insee Première, n°1312, Septembre 2010 50 ans de mutations de l’emploi Au cours de votre une lecture attentive du document, répondez aux questions suivantes :

1. Quantifiez et expliquez l’augmentation du taux de féminisation (graphique 1) 2. Quelles sont les principales caractéristiques de l’évolution de la structure socio-professionnelle (graphique 2) ? 3. Pourquoi la féminisation constatée à la question 1 explique une partie de l’évolution constatée à la question 2 ? 4. Quelles autres explications aux évolutions de la structure socio-professionnelle sont-elles avancées ? 5. Décrive l’évolution globale de la répartition de l’emploi par diplôme (graphique 3) 6. Quelles sont les principales explications de cette évolution ? 7. Qu’est-ce qui explique la tertiarisation de l’emploi ? 8. Pourquoi peut-on dire que la société française est devenue une « société salariale » au cours du XXème siècle ? 9. Cette évolution est-elle toujours valable depuis les années 2000 ?

Pour aller un peu plus loin… Robert Castel, penseur de la société salariale THIERRY PECH, 01/04/2013, ALTERNATIVES ECONOMIQUES N°323 Le sociologue Robert Castel est mort le 19 mars 2012 à l'âge de 79 ans. Il laisse une œuvre capitale pour qui veut comprendre la "société salariale" et les ressorts de son effritement actuel. Cette histoire du salariat plonge ses racines dans l’ancien temps : celui où les femmes et les hommes qui ne possédaient rien d’autre que leur force de travail vivaient "au jour la journée". L’insécurité était leur quotidien : au premier malheur - maladie, accident, vieillesse impécunieuse... -, ils basculaient dans la dépendance des proches ou de la famille, des œuvres de charité, voire plus souvent encore dans la misère. Essayer d’expliquer comment cette condition, synonyme de grande vulnérabilité, a pu être progressivement revêtue de droits et de protections qui en ont fait la pierre angulaire d’un Etat-providence facteur de confiance, c’est suivre, en même temps, la lente émergence de la citoyenneté sociale, la construction de l’Etat social et celle de l’individu moderne. Au total, l’entreprise revient à tenter de percer le mystère de ce qui fait la cohésion de sociétés réputées individualistes. Telle était l’ambition de Robert Castel. Le travail au cœur de la citoyenneté sociale Pour lui, la citoyenneté politique issue de la Révolution française n’avait en effet réalisé qu’une partie de la promesse démocratique d’une "société de semblables". Car les droits civils qui lui sont attachés demeurent abstraits. La citoyenneté sociale va permettre de compléter cet édifice en accordant des droits et des protections à ceux qui sont exclus du cercle de la propriété. Les combats dont elle naîtra sont en grande partie ceux du XIXe siècle et des Républicains, mais ils se poursuivront tout au long du XXe siècle. Ils impliquent la mise en place d’un Etat social qui ne se soucie pas seulement de la sécurité physique des biens et des personnes, mais aussi de protéger celles-ci contre la misère et la dépendance, et d’assurer ainsi la cohésion de la société. Au cœur de ce projet, le travail : c’est en effet à l’emploi que seront attachés à la fois des droits (règles du contrat de travail, conventions collectives, salaire minimum, etc.) et le bénéfice d’assurances sociales contre les grands risques de l’existence. Ces assurances, obligatoires et financées en très grande majorité par les revenus du travail, permettront aux salariés de disposer d’un revenu de remplacement en cas d’incapacités liées à la maladie, à un accident, à la vieillesse... Ce projet culminera après la Libération, avec la création de la Sécurité sociale telle que nous la connaissons. Il ne faut cependant pas se méprendre sur la philosophie qui sous-tend cet édifice : elle n’oppose pas la solidarité à l’individu, mais permet au contraire à ce dernier de s’épanouir. Robert Castel, qui avait coutume de dire qu’un "individu, ça ne tient pas debout tout seul", montre que l’indépendance n’est pas l’état naturel des personnes, mais le résultat d’une construction sociale. Ce sont en effet les bénéfices de l’Etat-providence qui permettent à chacun d’échapper aux dépendances et à l’insécurité de l’ancien temps en leur reconnaissant une "propriété sociale". Les fragilités de la société salariale Robert Castel n’idéalisait cependant pas cette société salariale. Il en connaissait et en explorait au contraire toutes les fragilités. C’est précisément au moment où elle commence à "s’effriter" - c’était son mot - qu’il entreprend d’en écrire l’histoire. Que se passe- t-il ? Selon lui, cet effritement est d’abord le fruit d’un changement de régime du capitalisme : contrairement au capitalisme industriel qui avait permis de consolider la société salariale, le nouveau capitalisme, fait de mondialisation, de concurrence exacerbée et de financiarisation, déstabilise le salariat par "la mise en mobilité du travail". Le statut de l’emploi est en effet progressivement fragilisé. Ce faisant, une masse croissante d’individus qui sortent de l’emploi stable sont du même coup soustraits aux "collectifs protecteurs" du travail et de nouveau confrontés à l’insécurité et à l’incertitude. Cette situation, Robert Castel lui donne le nom de "désaffiliation". Il sera également l’un des premiers à parler de "précariat" pour marquer son caractère durable pour toute une série de publics. Ce mécanisme d’effritement rejaillit à son tour sur les formes mêmes de l’individualisme. Aux côtés d’un individu "par excès" - celui des gagnants de la compétition sociale - émerge alors à ses yeux un individu "par défaut" : pénétré du désir d’indépendance et confronté à une injonction générale d’autonomie, mais tenu en lisière des garanties collectives qui pourraient lui donner les moyens de les réaliser.

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Point 2. Un espace social structuré et hiérarchisé.

Pierre BOURDIEU, une construction de l’Espace des Positions Sociales comme un espace hiérarchisé

C'est le sociologue Pierre BOURDIEU qui est à l'origine de cette distinction entre capital économique, capital social et capital culturel, L'idée est que l'individu ne possède pas et n'hérite pas seulement d'un capital matériel, mais aussi d'autres éléments tout aussi importants dont il peut tirer des avantages matériels ou symboliques.

• Le capital économique L'expression désigne non seulement ce que les économistes appellent en général le patrimoine (ensemble des biens matériels possédés par un individu, comme par exemple un logement, des bijoux, des actions ou des obligations, etc.), mais aussi les revenus (car ils permettent un certain niveau de vie et la constitution, ou pas, d'un patrimoine).

• Le capital social L'expression désigne le réseau de relations personnelles qu'un individu peut mobiliser quand il en a besoin. Ce réseau est en partie "hérité" (relations familiales, par exemple). Il peut concerner n'importe quel individu, pas seulement ceux qui sont issus de milieux favorisés et qui ont, comme on dit, "des relations". Toutes les relations ne se "valent" pas : certaines sont plus efficaces que d'autres, ce qui crée ici aussi des inégalités .

• Le capital culturel L'expression désigne l'ensemble des ressources culturelles dont dispose un individu (capacités de langage, maîtrise d'outils artistiques, etc.), le plus souvent attestées par des diplômes.

Ces trois formes de capital, l'individu en hérite pour une partie, les constitue au cours de sa vie pour l'autre, et essaie de les transmettre en héritage à ses enfants. C'est en ce sens que Bourdieu utilise le mot de "capital" pour les trois formes.

10. Comment peut-on décrire avec Bourdieu les positions respectives des catégories « Patrons de l’industrie » et « Exploitants agricoles ».

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11. Même question avec les catégories « Patrons de l’industrie » et « Professeurs du supérieur » Quelles sont les autres dimensions de l’espace social ?

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Les groupes sociaux, inégalement dotés en ressources économiques, culturelles et sociales (diplômes, revenus, etc.), se répartissent de façon inégale entre les quartiers d’une ville. Les espaces urbains eux-mêmes sont inégalement pourvus en ressources publiques et privées de toutes sortes (écoles, transports, équipements culturels et sportifs, sécurité, espaces verts, commerces, etc.). Il en découle une hiérarchie qui différencie les quartiers d’une ville et de sa banlieue à la fois sur la base du profil socio-économique, voire ethnique, des populations qui y résident, mais aussi en fonction de leurs équipements, de leurs infrastructures, et surtout de leur « qualité ». Cette relation est complexe, puisque, en se concentrant dans certains espaces, les groupes sociaux les plus favorisés y concentrent également une partie de leurs ressources, ce qui rejaillit sur le quartier lui-même. D’un autre côté, c’est aussi parce que certains espaces sont mieux dotés qu’ils sont attractifs, et donc choisis par les groupes sociaux favorisés. Leur forte présence contribue à maintenir, voire accentuer, leur entre-soi, et donc à creuser les inégalités urbaines.

Marco Oberti, Que faire contre les inégalités ? Observatoire des inégalités, 2016

12. Repérez les différents critères de stratification de la société qui sont évoqués dans les documents précédents. 13. Pour chacun de ces critères, montrez à partir des éléments présentés dans les documents en quoi ils hiérarchisent

la société. 14. Montrez, en prenant des exemples si cela vous semble nécessaire, que ces différentes dimensions de l’espace

social se cumulent et se renforcent

Point 3. Une société de classes sociales ?

Marx et Weber, deux conceptions fondatrices de l’analyse des classes sociales Les théories des classes sont une façon de penser ce qui fonde les inégalités dans les sociétés démocratiques, où les hommes naissent égaux en droit. Pour expliquer les inégalités de fait qui persistent en l’absence d’inégalités de droit, les sciences sociales s’intéressent à partir du XIXe siècle aux inégalités produites par la place occupée dans le système de production. Selon Marx, une classe sociale est un groupement d’individus occupant la même place dans le mode de production. Cette place est définie essentiellement par la possession ou la non-possession des moyens de production. Placés dans les mêmes conditions matérielles d’existence, les membres d’une classe développent une conscience de classe qui débouche sur la lutte des classes. Marx distingue alors : les classes en soi : celles qui existent de fait, mais sans que ses membres en aient conscience ; les classes pour soi : classes dont les membres ont conscience de former une classe et sont amenés à lutter contre les autres classes. C’est la conscience de classe qui va pousser la classe ouvrière à s’organiser et à lutter contre la bourgeoisie pour prendre le pouvoir politique. Dans le mode de production capitaliste il y a opposition entre la bourgeoisie, qui détient les moyens de production et le prolétariat, qui ne possède que sa force de travail qu’il est obligé de vendre pour vivre. Chez Marx, les conflits sont des conflits d’intérêts de classes entre ceux qui ont intérêts à ce que se perpétue une situation qui leur est profitable, et ceux qui ont intérêts à ce qu’elle change. Le conflit traduit donc une relation de domination ; il exprime la contestation d’un système de pouvoir. Ces conflits sont inéluctables et se font de manière rapide

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et violente (aspect « révolutionnaire »). Dans la société capitaliste, la lutte des classes est un conflit irréductible et permanent entre la bourgeoisie et le prolétariat ; il doit trouver son aboutissement dans la révolution sociale qui précipitera l’effondrement de la société capitaliste. Les conflits de classe chez Marx sont donc au cœur du changement social puisqu’ils conduisent à la révolution. « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours, c’est l’histoire de la lutte des classes » (cf Manifeste du parti communiste) M. Weber définit également les classes par la situation économique, mais la propriété n’en constitue qu’un aspect. Une classe est pour lui un ensemble d’individus partageant une même “situation de classe”, autrement dit des chances semblables de se procurer des biens. Weber identifie plus précisément deux dimensions : celle des “classes de possession” et celle des « classes de production ». Les classes de possession sont définies par la capacité à dégager des surplus. Les classes de possession privilégiées peuvent ainsi rassembler des individus dont l’origine des revenus est très différente : cadres dirigeants, professions libérales à hauts revenus, artistes à succès, footballeurs réputés... Les classes de production sont quant à elles plus proches de la perspective marxiste ; néanmoins M. Weber les définit par la direction, et non la possession, des moyens de production, qui donne le pouvoir d’influer sur les décisions à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’entreprise. Par ailleurs, pour M. Weber, les classes sociales ne constituent qu’un élément de la stratification sociale, auquel il ajoute deux dimensions importantes : celle des groupes de statut d’une part, des partis politiques d’autre part. Les groupes de statut sont définis par “un privilège positif ou négatif de considération sociale revendiqué de façon efficace, fondé sur le mode de vie, le type d’instruction formelle et la possession des formes de vie correspondante, le prestige de la naissance ou le prestige de la profession”. Classes sociales, groupes de statut et partis politiques sont alors liés : le militantisme politique permet notamment de faire valoir des intérêts de classe ou de statut. En résumé, Max Weber pense les processus d’accaparement d’opportunités qui donnent des avantages sur les marchés tandis que Karl Marx théorise l’exploitation du travail des autres. La structure sociale développée par Weber est, à la différence de celle de Marx, multidimensionnelle et moins centrée sur l’ordre économique. Cette analyse ne débouche pas non plus sur une polarisation ; en ce sens, elle est plus proche de la réalité́ de la société́ contemporaine, bien que l’on ne puisse mécaniquement superposer les catégories envisagées par Weber sur la réalité de la société d’aujourd’hui bien plus complexe encore. Ces deux analyses demeurent fondatrices en ce qu’elles posent les termes des débats contemporains autour de la structure sociale à travers l’opposition entre nominalisme et réalisme, la question de la place des conflits ou celle de la porosité des frontières de classes.

15. Quelle différence chez Marx entre classe en soi et classe pour soi ? Qu’est-ce qu’une classe sociale chez Marx ? 16. Chez Marx, sur quoi porte l’opposition entre bourgeoisie et prolétariat et de quoi se nourrit les conflits qui sont

donc inévitables ? 17. Comment Weber définit les classes sociales ? 18. Quels sont les principaux aspects qui différencient l’approche de Marx et celle de Weber sur le concept de classe

sociale ?

Les principales évolutions de la société française depuis les 30 glorieuses :

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La thèse de la « moyennisation » de la société française est avancée par des auteurs qui soulignent la perte d’emprise des milieux sociaux traditionnels, dotés d’une forte identification, comme la paysannerie ou la bourgeoisie au profit d’une classe moyenne de plus en plus étendue. Ce phénomène, généralement daté à partir de 1945, aurait pour cause principale la progression du pouvoir d’achat enregistré au cours des « Trente glorieuses », l’essor considérable des emplois de service qui conduirait à l’avènement d’une société postindustrielle, ainsi que l’homogénéisation progressive des modes de vie et des pratiques sociales. Henri Mendras, principal défenseur de cette thèse, met en lumière dans La seconde Révolution française (1988) l’apparition d’une constellation centrale, dont le groupe des cadres constituerait le symbole : l’une des nouveautés réside dans le fait que les normes sociales seraient désormais véhiculées par ce groupe majoritaire et non plus, comme traditionnellement, par les classes dirigeantes. Cela se vérifierait, par exemple, à travers la diffusion de styles de vie « transclassistes », partagés par divers milieux sociaux, et induisant un rapprochement objectif entre eux. Le nouveau rituel que constitue le barbecue, comme loisir et rassemblement convivial, entre amis ou membres de la famille en témoignerait (« du haut en bas de l’échelle sociale, le rite est le même : au bord de la piscine de la luxueuse villa de la Côte d’Azur comme dans le pavillon de banlieue, sur la pelouse de la résidence secondaire ou dans la cour de la ferme voisine » Mendras op.cit. pp.84-85)

Philippe Riutort, Précis de Sociologie, PUF coll. Précis, 2004, p. 423-424

19. Reprenez les éléments du premier schéma pour décrire l’essor des catégories intermédiaires (vous pouvez vous appuyez également sur les éléments étudiés ici dans le Point 1)

20. Comment toutes ces évolutions aboutissent progressivement à l’émergence d’une classe moyenne (seconde partie du schéma et texte de Philippe Riutord) ?

21. A votre avis, l’idée même de l’existence de cette classe moyenne, qui rassemblerait progressivement la majorité des individus, est-elle compatible avec la définition même d’une « classe sociale » ?

La dynamique des classes sociales : disparition ou réapparition de la logique de classes sociales ? Le constat majeur auquel nous parvenons à l’issue de ce panorama est le suivant : la théorie de la fin des classes sociales s’est le plus souvent fondée sur le constat de l’effondrement de la conscience de classes (ou de leur identité collective) pour en inférer la disparition des inégalités objectives qui la sous-tend, alors que ces deux dimensions sont sinon indépendantes l’une de l’autre, en tout cas liées d’une façon non mécanique. Une autre erreur manifeste de la théorie de la fin des classes est de croire en la linéarité de l’histoire sociale : parce qu’une tendance a été vraie lors des Trente glorieuses, beaucoup pensent qu’elle doit se prolonger encore 30 ans après, au même rythme. Il s’agit là d’une des plus grandes sources d’erreurs dans les diagnostics sociologiques. L’histoire du XXe siècle est celle des fluctuations respectives de la facette objective (les inégalités structurées) et subjective (les identités collectives) des classes sociales. Pour sortir de cette vision, une lecture du long terme, fondée sur l’analyse des évolutions les plus fortes et en négligeant les aspérités du court terme, pourrait être la suivante. On peut représenter horizontalement l’intensité des inégalités et verticalement celle des identités. Plus une société se trouve à droite, plus elle correspond à une structure inégalitaire, et plus elle est en haut, plus elle correspond à une forte identité collective des classes sociales. Directionnellement, nous avons ainsi quatre types repérables. En haut à droite, nous avons une situation marquée par des inégalités fortes, mobilisées par une conscience de classe marquée : on est en présence d’un système de classes « en soi et pour soi ». En haut à gauche, les inégalités sont faibles, mais la conscience de classe forte ; on peut faire l’hypothèse que cette situation ne peut se constituer sans une histoire préalable de revendications abouties. En bas à droite, c’est la situation inverse, où les inégalités font exister des conditions de classes fortement opposées, sans que la conscience de ces classes n’existe ; il s’agit typiquement d’une situation d’aliénation du prolétariat. En bas à gauche, il s’agit plutôt (directionnellement et à la limite) de la situation d’une société sans classe : sans inégalité ni identité.

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Si nous considérons par exemple la France (F) et les États-Unis (EU) au cours du (ou des) siècle(s) passé(s), l’impression est qu’une partie de la boucle a été parcourue. Il est possible de partir du cas de la France préindustrielle de 1830, marquée par des inégalités économiques très fortes, mais où l’identité du prolétariat est encore loin d’être constituée. La suite du siècle fut bien la montée en puissance de cette identité ouvrière et l’entrée dans le jeu politique du marxisme. A partir des Trente glorieuses et de l’édification d’un système social-démocrate, les inégalités ont été fortement régulées, sans que la conscience de classe ne se soit dissoute pour autant. En définitive, il faut attendre le ralentissement économique des années 1970 et 1980 pour voir s’atténuer la conscience de classe, alors que les inégalités ont cessé de diminuer. Comme Ulysse et les siens repris par la tempête devant Ithaque, c’est là que s’éloigne le rêve de la société sans classes, parce que le discours égalitariste perd de ses soutiens, et le discours inverse marque des points dans le débat public. La reconstitution d’inégalités plus fortes est alors en route.

Louis Chauvel, Le retour des classes sociales ? Revue de l’OFCE, 2001

22. En vous appuyant sur l’ensemble des points étudiés jusqu’ici et sur les explications proposées par Louis Chauvel lui-même, expliquez les 4 types repérables sur le graphique (identifiées de 1 à 4)

23. Essayez également de reprendre en les explicitant les éléments de l’histoire sociale pour la France tel que le graphique essaie de la résumer.

24. Ce graphique a été publié en 2001. Quelle évolution envisage-t-il pour l’après 2000 ?