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Marianne Tschumi Mémoire Yoga avec les enfants 1 Introduction Pour ce travail personnel, mon choix s’est porté sur le Yoga avec les enfants car je souhaite partager l’expérience que j’ai vécue avec d’autres personnes intéressées par le sujet, par exemple des enseignant(e)s. Je cherche à approfondir et élargir mes connaissances actuelles en étudiant, en lisant, en me questionnant, en partageant. Ce travail est donc basé sur mon expérience personnelle. Celle-ci repose sur une première période durant laquelle j’ai assisté aux cours de Yoga avec les enfant s donnés par Mary- Christine Fontaine au printemps 2006. Elle-même, enseignante de Yoga, a également été professeur d’éducation physique et depuis plusieurs années donne des cours de Yoga avec les enfants. J’ai débuté en tant que « stagiaire » puis j’ai commencé seule avec un groupe que j’ai rencontré chaque semaine, pendant 2 ans. La période de « stage » a été pour moi très riche : elle était une occasion pour l’observation directe, une source d’idées précieuse, une manière de sonder ma motivation. Dans mon cours, les enfants ont entre 6 et 10 ans environ. Le centre offre aussi un cours pour les pré-adolescents et adolescents. Selon les âges des enfants, il est judicieux d’ajuster l’enseignement. Avec des petits enfants (en-dessous de 6 ans), les cours de Yoga sont d’abord une exploration du corps et de l’espace, une découverte de la relation à soi et aux autres, une approche des postures. Puis, pour le groupe des enfants de 6 à 10 ans environ, la relation à soi et aux autres s’affine, les postures sont plus variées, la concentration s’accroît. Pour les pré-adolescents et adolescents, les cours sont davantage tournés vers la pratique des enchaînements, des postures progressivement plus exigeantes et athlétiques. Pour chacune de ces tranches d’âge, le jeu occupe une place importante. En effet, jouer permet de s’exercer dans un cadre établi clairement par des règles, avec des buts précis ; jouer favorise également la répétition et revêt un aspect ludique essentiel. J’aime beaucoup le Yoga avec les enfants, car tout en s’appuyant sur la tradition et en tenant compte des besoins de développement des enfants, c’est un moment privilégié pour : être en relation avec soi-même, mieux se connaître et laisser de l’espace pour l’intuition, la créativité ; développer la confiance en soi et l’estime de soi être en relation avec les autres, s’exercer à être ensemble le plus harmonieusement possible en respectant ses propres idées comme celles des autres prendre soin du corps en le renforçant, l’étirant, l’assouplissant ; l’habiter avec plaisir prendre conscience de l’importance de la respiration, expérimenter la relaxation et développer sa concentration explorer et affiner les sens.

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Page 1: Introduction...Marianne Tschumi – Mémoire – Yoga avec les enfants 1 Introduction Pour ce travail personnel, mon choix s’est porté sur le Yoga avec les enfants car je souhaite

Marianne Tschumi – Mémoire – Yoga avec les enfants

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Introduction

Pour ce travail personnel, mon choix s’est porté sur le Yoga avec les enfants car je souhaite

partager l’expérience que j’ai vécue avec d’autres personnes intéressées par le sujet, par

exemple des enseignant(e)s. Je cherche à approfondir et élargir mes connaissances actuelles

en étudiant, en lisant, en me questionnant, en partageant.

Ce travail est donc basé sur mon expérience personnelle. Celle-ci repose sur une première

période durant laquelle j’ai assisté aux cours de Yoga avec les enfants donnés par Mary-

Christine Fontaine au printemps 2006. Elle-même, enseignante de Yoga, a également été

professeur d’éducation physique et depuis plusieurs années donne des cours de Yoga avec les

enfants. J’ai débuté en tant que « stagiaire » puis j’ai commencé seule avec un groupe que j’ai

rencontré chaque semaine, pendant 2 ans. La période de « stage » a été pour moi très riche :

elle était une occasion pour l’observation directe, une source d’idées précieuse, une manière

de sonder ma motivation.

Dans mon cours, les enfants ont entre 6 et 10 ans environ. Le centre offre aussi un cours pour

les pré-adolescents et adolescents.

Selon les âges des enfants, il est judicieux d’ajuster l’enseignement. Avec des petits enfants

(en-dessous de 6 ans), les cours de Yoga sont d’abord une exploration du corps et de l’espace,

une découverte de la relation à soi et aux autres, une approche des postures. Puis, pour le

groupe des enfants de 6 à 10 ans environ, la relation à soi et aux autres s’affine, les postures

sont plus variées, la concentration s’accroît. Pour les pré-adolescents et adolescents, les cours

sont davantage tournés vers la pratique des enchaînements, des postures progressivement plus

exigeantes et athlétiques. Pour chacune de ces tranches d’âge, le jeu occupe une place

importante. En effet, jouer permet de s’exercer dans un cadre établi clairement par des règles,

avec des buts précis ; jouer favorise également la répétition et revêt un aspect ludique

essentiel.

J’aime beaucoup le Yoga avec les enfants, car tout en s’appuyant sur la tradition et en tenant

compte des besoins de développement des enfants, c’est un moment privilégié pour :

être en relation avec soi-même, mieux se connaître et laisser de l’espace pour

l’intuition, la créativité ; développer la confiance en soi et l’estime de soi

être en relation avec les autres, s’exercer à être ensemble le plus harmonieusement

possible en respectant ses propres idées comme celles des autres

prendre soin du corps en le renforçant, l’étirant, l’assouplissant ; l’habiter avec plaisir

prendre conscience de l’importance de la respiration, expérimenter la relaxation et

développer sa concentration

explorer et affiner les sens.

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Ce que le Yoga peut apporter aux enfants…

Pour évoquer d’une manière simple les bienfaits du Yoga pour les enfants, je me réfère1 à

l’organisation en 8 sections (membres) élaborées par le sage Patañjali 2 dans les Yoga-Sûtra

avec les adaptations nécessaires :

- yama, c’est-à-dire la relation avec le monde extérieur comporte des valeurs telles

que non-violence, vérité, abstention de voler… Les enfants se montrent très réceptifs à

ces mots. En effet, la cour de la récréation, l’école, les activités avec les copains-

copines ou frères et sœurs sont des champs d’expérimentation permanents. Ils sont

confrontés à des situations qui exigent l’application de règles de vie. Le fait de les

reconnaître, de les nommer, de les respecter sont pour eux un gage de sécurité pour

continuer à croître en confiance.

- niyama, c’est-à-dire la relation avec soi-même comprend la propreté, l’hygiène

corporelle, le contentement… Ces notions interpellent les enfants : comment je me

comporte avec moi-même ? Est-ce que je me lave parce que mes parents me le disent

ou parce que c’est agréable de se sentir propre après une douche ? La relation à soi

aborde la question de la responsabilisation. Cette période de vie entre 6 et 10 (voire

12) ans est justement la mise en place « de petites choses » dans l’apprentissage de

l’autonomie. Les enfants s’exercent à s’organiser… avec plus ou moins de réussite !

Ces « petites choses » telles que se laver, se nourrir sainement, dormir suffisamment,

se respecter, contribuent à bâtir des bases solides dans leur estime de soi.

Ces deux premiers membres sont amenés grâce aux échanges de paroles que nous avons au

début ou à la fin du cours. Ce sont deux moments où tout le groupe s’assied en cercle ; c’est

un rituel. De plus, la lecture de contes et de livres se révèle être un support appréciable pour

aborder ces différents thèmes.

Le Yoga est relation, avec soi et avec les autres. Ces deux membres colorent donc toute la

séance.

- âsana, les postures. Le travail corporel permet de renforcer et d’assouplir le corps

de l’enfant. Celui-ci se trouve en pleine croissance. La force et la souplesse sont des

qualités pour un développement harmonieux autant sur le plan physique que

psychique. Autant la rigidité que la mollesse sont des obstacles à l’épanouissement.

Les postures favorisent les étirements : les muscles, les tendons, les ligaments sont

étirés ce qui permet de dissiper certaines tensions qui peuvent être dues à une forte

période de croissance. La synchronisation ainsi que la coordination sont développées

par la pratique de mouvements tantôt symétriques tantôt asymétriques. Les équilibres

augmentent la concentration. La stabilité que requiert le travail des postures

d’équilibre entraîne aussi un accroissement du calme intérieur qui est en lien direct

avec la confiance en soi. L’ancrage permet l’expérience de l’assurance, c’est-à-dire de

se sentir sûr de soi.

1 DESIKACHAR Kausthub, Le Yoga des Jeunes, Editions Agamât, 2001, pages 15-16

2 Y.-S.II.29 : BOUANCHAUD Bernard, Yoga-Sûtra de Patañjali, Miroir de soi, Editions Âgamât, 2003, pages

127-128

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Pour cette section, il est très important de prendre en compte les différences d’âge parmi

les enfants du groupe, de même que l’évolution de la croissance. Une posture peut en effet

être irréalisable par un enfant de 6 ans alors qu’elle l’est lorsque celui-ci a 10 ans. C’est le

cas par exemple pour la posture de l’arc, dhanurâsana. Bien souvent le corps n’est pas

encore suffisamment développé pour pratiquer cette posture judicieusement. Il est

indispensable de respecter les différences de chacun. Cela représente d’ailleurs un

tremplin bienvenu pour appliquer le concept du Yoga qui recommande de pratiquer dans

une attitude de non-compétition. Les enfants se montrent souvent très enthousiastes par

rapport à ce comportement qui se distingue d’autres activités sportives pour lesquelles la

notion de compétition est mise en valeur. La réussite d’accomplir une posture est une

satisfaction personnelle, un succès qui active la stimulation, la motivation.

La répétition et la créativité sont des éléments nécessaires pour la pratique. L’exploration

est encouragée sans regard jugeant, l’enthousiasme face aux découvertes en est le résultat.

- prânâyâma, le travail sur le souffle. Il s’agit dans un premier temps de permettre aux

enfants de prendre conscience de leur respiration pour ensuite la développer.

La pratique de cette section se fait très progressivement selon les groupes. C’est tout d’abord

une prise de conscience de la respiration. Dans les périodes de repos, au mieux lorsque les

enfants sont couchés sur le dos, il est judicieux de les inviter à observer leur respiration, le va-

et-vient du souffle, le mouvement du ventre qui monte et qui descend, d’établir le lien avec

les battements du cœur ainsi que les pulsations perceptibles dans les différents endroits du

corps (poignet, cou, tempe, etc.)3. En hiver, lorsque les rhumes s’invitent, l’occasion ne

manque pas de se présenter pour sentir les désagréments d’un nez bouché ! L’attention est

apportée alors à l’importance de la respiration, à sa qualité et à ses effets sur l’agitation ou sur

le calme intérieur. Dans les discussions, le thème de l’endormissement, le soir venu, est

souvent abordé. Il arrive que pour certains enfants, c’est un moment difficile à vivre.

Quelques exercices avec la respiration permettent d’apporter une amélioration…

- pratyâhâra, l’orientation des sens. C’est principalement une sollicitation des sens :

s’entraîner à écouter, regarder, sentir avec le nez, sentir par le toucher, palper, goûter.

Ce sont des moments pour explorer, découvrir, amener l’attention dans une des

facultés sensorielles et l’y conserver un certain temps.

Cette section est très ludique, les enfants aiment beaucoup jouer avec leurs sens. Ils

apprennent à mieux les connaître et à reconnaître leur importance. La notion classique de

retrait des sens n’est pas abordée, cela consisterait à brûler les étapes.

Ces jeux développent en outre la concentration, dhâranâ. Beaucoup d’enfants viennent

pratiquer le Yoga dans le but d’améliorer leur concentration, c’est du moins la demande

exprimée des parents et parfois d’enseignant(es)s scolaires connaissant le Yoga. Les enfants

reconnaissent d’ailleurs aisément le manque de concentration et souhaitent y remédier.

Les deux derniers membres, dhyâna et samâdhi ne sont pas directement abordés. Les enfants

vivent tous des moments de leur vie où ils se trouvent dans ces états, soit de concentration

très profonde, soit d’absorption. Par exemple, un enfant qui est captivé par la lecture d’un

livre, absorbé par un jeu, plongé dans son imagination, fait l’expérience de ces états.

3 Revue Viniyoga n° 38, « Yoga pour enfants » article de Chantal Mace, juin 1993, page 7

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L’élaboration d’un cours

Le cours de Yoga avec les enfants a lieu une fois par semaine, excepté pendant les vacances

scolaires. Les enfants ont entre 6 et 10 ans environ. La durée du cours est de 45 minutes. Un

groupe est formé d’un minimum de deux enfants et d’un maximum de huit. Ce nombre tient

compte de la dimension de la salle et du fait de privilégier la notion de relation (autant au sein

du groupe, entre eux, qu’avec l’enseignante).

L’enseignant doit s’équiper avec de la flexibilité, de la créativité et de l’enthousiasme pour

chaque séance !

Nous commençons avec le rituel du début.

Ensuite, il y a le noyau central du cours basé sur l’exercice des postures : il

peut être constitué d’une seule activité ou de plusieurs activités qui se

succèdent.

A un moment approprié, le temps pour se reposer se présente, débouchant soit

sur un temps de lecture, de visualisation ou de jeux exerçant les sens.

Chaque cours se termine avec le rituel de la fin.

Dans les pages suivantes, je reviens sur chacune des étapes en présentant des activités les

concernant.

La plupart du temps, les cours suivent ces différentes étapes. La chronologie est parfois

bousculée et modifiée selon l’état des enfants (l’excitation des premiers flocons de neige par

exemple) ou selon l’état de fatigue qui précède souvent les vacances. Parfois d’autres

événements importants influencent le contenu et la chronologie du cours.

Dans cette tranche d’âge, les enfants ont particulièrement besoin de développer leurs propres

aptitudes, d’acquérir leur système de valeurs, de respecter leur opinion comme celle des autres

et d’en discuter sans imposer4 la leur. La notion de réussite est essentielle dans leur

développement. Ce sont des besoins dont il faut tenir compte pour leurs différents

apprentissages, y compris celui du Yoga. Le cadre du cours est posé clairement et les enfants

peuvent y évoluer à leur rythme.

Voici un exercice tout simple qui illustre la valeur des expériences de chacun5 : les enfants se

tiennent debout avec de l’espace autour. Ils font tourner un bras très vite, comme un moulin,

dix fois dans un sens, dix fois dans l’autre. Puis, chacun raconte que ce qu’il ressent lorsque le

bras est immobilisé : les réponses vont diverger les unes des autres (picotements, chaleur, le

bras qui continue à tourner, qui est lourd, etc.). En plus de l’intérêt de découvrir les sensations

du corps énergétique, cette expérience met en évidence la richesse des diversités des

expériences puisque chaque réponse est valable tant qu’elle se base sur un vécu sincère.

4 LEVIN Pamela, Les cycles de l’identité, InterEditions, 1986, page 24

5 FLAK Micheline et DE COULON Jacques, Des enfants qui réussissent, Desclée de Brouwer, 1985, page 126

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Rituel du début

Nous sommes tous assis par terre en cercle. Au centre se trouve un soleil et un nuage.

Chacun à son tour saisit l’un ou l’autre objet en carton. Le soleil représente un événement

« chouette », le nuage, un événement « moins chouette ». L’enfant raconte, selon son choix,

quelque chose vécu à l’extérieur du cours.

Le partage dure entre 5 et 10 minutes. Intentionnellement, il est plutôt court (c’est un aspect

qui exige un cadre assez strict, les enfants adorent raconter…). Une certaine souplesse est

toutefois essentielle en fonction des « urgences ».

Le rituel du soleil et du nuage favorise :

- la notion de faire partie d’un groupe

- l’écoute (être attentif aux autres) et l’expression (prendre sa place) dans une attitude

non-jugeante donc dans le respect des uns et des autres. Cela permet de construire un

climat de confiance nécessaire à un travail valable. Les enfants se confrontent entre

eux, s’encouragent ou émettent des opinions ou des conseils sur ce qui est dit. Mon

rôle est d’apporter une structure et de fixer des limites quand c’est nécessaire

- la transition entre ce qui venait avant le cours et le cours lui-même

- l’élément répétitif que les enfants anticipent, ils savent à l’avance qu’avec le rituel,

nous entrons dans le cours. C’est la seule activité qui demeure identique dans sa

forme.

C’est l’occasion de se rappeler que quelle que soit la météo, au-dessus des nuages, il y a

toujours un soleil lumineux dans un magnifique ciel bleu !

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Les postures

Le grand maître de Yoga T. Krishnamacharya a beaucoup œuvré pour développer

l’enseignement du Yoga aux enfants6. Il recommandait particulièrement les enchaînements,

selon la technique du vinyâsa-krama, c’est-à-dire une séquence de postures soigneusement

choisies. Ces enchaînements tiennent compte du haut niveau d’énergie des enfants, de leur

envie de bouger puisque c’est une pratique sur un mode dynamique. Ces séquences

contribuent à développer force et souplesse dans cette période de croissance.

La mémorisation des postures qui se succèdent est aussi une caractéristique appréciable de

cette approche, sans oublier qu’il existe une immense variété de pratiques différentes dans une

séquence. En effet, le renouvellement des suites de postures possibles dans un enchaînement

permet d’éviter la lassitude. Les enfants apprennent plus tard à les élaborer par eux-mêmes, à

les dessiner au tableau pour les partager avec les autres enfants.

Un enchaînement très connu est celui de la salutation au soleil, sûrya namaskâra, mais il en

existe bien d’autres…

Un exemple de vinyâsa-krama :

Depuis la posture du diamant, vajrâsana, l’enchaînement amène le pratiquant jusque dans la

posture du palmier, tadâsana. Dans celle-ci, il peut y rester quelques respirations avant

d’entamer le chemin du retour.

La progression dans la difficulté de l’enchaînement demande de s’ajuster au niveau de

pratique des enfants.

Ce deuxième enchaînement qui amène à la posture de la pince assise, pashcimottânâsana, est

plus exigeant et plus long, des respirations statiques peuvent être placées à divers endroits.

6 DESIKACHAR Kausthub, Le Yoga des Jeunes, Editions Âgamât, 2001, pages 66-67

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Pour se donner les moyens de pratiquer le Yoga avec des enfants et des adolescents en suivant

ce type d’enseignement, il me paraît essentiel de fournir aux enfants des bases solides. En

effet, pour réaliser un long enchaînement et ne pas répéter toujours le même, ce qui

entraînerait à long terme de la monotonie, il est nécessaire d’apprendre une quantité suffisante

de postures. La répétition est un élément nécessaire à l’apprentissage du Yoga mais en excès,

elle n’apporterait que désintérêt et dispersion.

De plus, il est essentiel d’enseigner aux enfants à prendre une posture sans se faire mal, à la

maintenir puis à la quitter tout aussi soigneusement. Cela peut ressembler à l’étude d’une

langue : si le vocabulaire est imprécis et insuffisant, la communication est laborieuse.

L’apprentissage des postures avec les enfants est favorisé par une approche ludique et variée.

Le jeu est un outil précieux pour apprendre ! Jouer, c’est se mettre dans des conditions

favorables pour réussir. Pas besoin de craindre l’échec, car le jeu se répète, la partie est

recommencée, les compétences s’affinent. Jouer, c’est oser faire l’expérience. C’est aussi

avoir un but précis, dans un cadre établi avec des règles claires. La liberté s’acquiert à

l’intérieur du cadre. Le jeu représente un défi personnel pour chaque enfant, celui-ci est

stimulé. La motivation est nourrie par le plaisir de l’instant, en outre la répétition est

importante car elle permet une expectation positive.

Patañjali nous enseigne les nombreuses facettes du Yoga, laissons-le nous guider dans la joie

et la créativité !

Les propositions qui suivent représentent donc des manières de découvrir les postures, de les

pratiquer et de les assimiler tout en jouant… ce sont des activités ludiques favorisant leur

apprentissage.

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« Jacques a dit … »

Le jeu consiste à faire prendre la même posture à tout le groupe. Il y a un piège que les

enfants guettent : si la formulation de la phrase « Jacques a dit » est modifiée, il ne faut pas

obéir ! C’est un jeu courant dans les cours de récréation ou dans les salles de gymnastique

(sans les postures de Yoga).

Les enfants se trouvent chacun sur leur tapis. Je commence par exemple en disant :

- « Jacques a dit : faites le palmier ! »

Les enfants s’exécutent et font la posture du palmier. Si la phrase est différente (« Jacques a

demandé de faire le palmier » par exemple), la posture ne doit pas être réalisée.

Lorsque l’ordre est correct, je pratique la posture avec les enfants ; de cette manière, de

nouvelles postures peuvent être introduites (avec les explications nécessaires).

D’une part, la posture est devant leurs yeux, ils n’ont plus qu’à imiter et d’autre part, ils

entendent le nom de la posture et apprennent ainsi à la nommer.

Lorsque le jeu a été suffisamment pratiqué pour être clair, chaque enfant à tour de rôle devient

le « donneur d’ordre », teste la vigilance des uns et des autres.

La fée et la baguette magique

Sur fond de musique dansante et entraînante, les enfants bougent, dansent, trottinent (attention

à fixer le cadre car courir dans la salle n’est pas permis : risque de collision et autres

débordements !). Lorsque la musique s’arrête, chacun s’immobilise dans une posture de son

choix. Pris par un sort qui fige, l’enfant attend que la bonne fée s’approche, afin de lui

chuchoter à l’oreille le nom exact de la posture réalisée. La bonne fée alors, d’un coup de

baguette magique, le délivre de son sort. La musique reprend quand tous les enfants sont

délivrés.

Ce jeu est réalisable même avec un nombre restreint de postures connues (comme en début

d’année ou avec des « nouveaux »). En effet, l’enfant peut facilement imiter ses camarades et

tend volontiers l’oreille pour entendre ce qui est dit à l’oreille de la bonne fée. Au fur et à

mesure que les enfants assimilent les règles du jeu, le rôle de la bonne fée peut leur être confié

à tour de rôle.

« Grand-mère, aimes-tu … ? »

Un enfant se trouve d’un côté de la salle et le reste du groupe se place en face de lui, de

l’autre côté. L’enfant seul joue le rôle de la Grand-mère ou du Grand-père. Le but du jeu est

de traverser la salle pour prendre cette place. Pour cela, chacun à tour de rôle pose la

question : « Grand-mère, aimes-tu la posture de … ? » Celui qui pose la question réalise la

posture mentionnée. Ce jeu est connu dans les cours de récréation, habituellement les

questions visent le domaine alimentaire. La Grand-mère donne son appréciation : « avance

d’un pas de souris /ou de géant /ou encore d’une salade (c’est un tour sur soi-même en

sautant) ». Le nombre de pas et la variété dépend du goût de la Grand-mère. Si elle aime

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beaucoup la posture proposée, elle va permettre à l’enfant de cheminer plus rapidement que si

elle n’aime que moyennement la posture.

Quand l’enfant a avancé, il doit impérativement remercier la Grand-mère, sinon il est renvoyé

« au poulailler », c’est-à-dire qu’il retourne en arrière, de là où il est parti.

Les enfants cherchent à surprendre et diversifier leur proposition. La politesse est

scrupuleusement observée. Si un enfant ne la respecte pas, un autre va le lui rappeler en le

renvoyant au point de départ.

Ce jeu sollicite l’originalité, le respect des règles de conduite. De plus, étant donné que je

participe au jeu, je peux introduire une posture qui ne leur est pas encore connue. Lorsque le

jeu est terminé, je reprends cette posture dans les détails et nous la pratiquons ensemble.

La posture cachée

Le principe de ce jeu est de reconnaître une ou des postures cachées par un drap. Un enfant

sort de la pièce, les autres enfants choisissent chacun une posture qu’ils réalisent. Ils sont tout

près les uns des autres pour que je puisse les recouvrir avec un drap. On ne distingue plus que

des formes, les enfants ne sont plus visibles. L’enfant revient dans la pièce et doit deviner

quelles postures sont réalisées par ses camarades. Les postures debout étant trop volumineuses

pour être recouvertes, nous optons pour celles couchées, à 4 pattes ou assises. Le nombre

d’enfants présents est aussi un élément déterminant pour le choix des postures.

Les enfants aiment deviner, chercher. Ils aiment également être cachés et expérimentent

volontiers le silence dans cette situation.

Une variante de ce jeu procède avec le même but de faire deviner une posture mais se réalise

grâce à un long tube (environ 3 mètres) de tissu très souple (genre jersey) ouvert aux deux

extrémités. L’enfant se glisse à l’intérieur pour y pratiquer une posture de son choix. Le tissu

étant jaune, c’est devenu « le jeu de la chaussette jaune ».

Une autre variante consiste à se mettre en groupe de deux. Un enfant a les yeux bandés,

l’autre exécute une posture de son choix. Celui qui a les yeux bandés doit palper son

camarade pour deviner de quelle posture il s’agit. Les enfants apprennent à se toucher avec

respect et bien souvent accompagnés de cascades de rire !

Le mémory

Il s’agit du jeu traditionnel de mémoire qui consiste à retourner deux mêmes cartes pour les

conserver et continuer à jouer.

Ce mémory a été réalisé par Mary-Christine Fontaine.

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Si les deux cartes ne sont pas identiques, il faut les replacer au même endroit, le côté avec

l’image tourné vers le sol. C’est au joueur suivant de continuer la partie et d’essayer de

retrouver une bonne paire.

La mémoire est sollicitée, entraînée et de nouvelles postures sont de cette manière introduites.

A la fin de la partie, nous les reprenons et les exerçons. Avec ces cartes, les enfants aiment

également inventés des histoires.

Création de cartes

Ceci est une activité qui prend en compte un projet plus global. Dans cette expérience-ci, nous

avons préparé une mini-exposition destinée aux parents et aux frères et sœurs. Les cartes ont

aussi été utilisées dans différents jeux avant d’être exposées.

Le matériel est mis à disposition (cartes

14,8x10,5 cm, stylos feutres, crayons). Une

grande liberté est laissée quant aux choix

des postures et à la manière de les mettre

en scène. Un temps défini est consacré à

cette activité (une quinzaine de minutes).

C’est donc un projet à répartir sur plusieurs

semaines.

«le lotus », padmâsana, Maëlle

«le pont », ûrdhva dhanurâsana, Julie « le chien tête-en-bas », adho mukha shvanâsana, Kenza

Cette activité encourage la créativité. Le potentiel artistique de chacun est mis en valeur. Le

but final, l’exposition pour les parents, est un objectif important pour les enfants qui vont

avoir la possibilité d’inviter la famille (parfois c’est les copains qui sont invités). La

démonstration des postures représentées est très souvent demandée et exécutée joyeusement.

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Le jeu de l’oie

Ce jeu rejoint le traditionnel parcours qui consiste à partir d’une case DEPART pour accéder

à la case ARRIVEE. En chemin, des obstacles en tous genres se présentent, ce sont des

épreuves plus ou moins chanceuses, le joueur parfois doit reculer de plusieurs cases ou au

contraire doit avancer. Le premier arrivé a gagné. Le parcours peut être en forme de spirale

allant de l’extérieur vers l’intérieur ou serpenter de bas en haut.

Le canevas du jeu est présenté sur une grande feuille avec des cases vides. Les enfants

décident du contenu des cases, par exemple : « faire le cobra et rester 5 respirations ». Celui

qui arrive sur cette case doit pratiquer ce qui y est inscrit.

Ils sont libres de dessiner ou d’écrire, à partir du moment où la consigne est compréhensible.

On peut créer des enchaînements à répéter un certain nombre de fois. Certaines cases font

reculer ou avancer, par exemple : une case avec la posture de l’aigle permet de survoler les 3

prochaines cases !

C’est un jeu qui laisse de l’espace pour l’imagination, la créativité. Les enfants cherchent à

varier les postures et les enchaînements, ont grand plaisir à tendre des pièges ou au contraire à

jouer avec la chance. Ce jeu favorise aussi la collaboration, puisqu’on le crée et on y joue

ensemble. Il faut répartir les cases, se mettre d’accord sur leur contenu, accepter le rôle du

vainqueur et des perdants. Il est également intéressant parce qu’on peut y jouer à plusieurs

reprises, puis le mettre de côté pendant quelques semaines. Lorsque les enfants y jouent à

nouveau, ils rient souvent beaucoup de leur création et ont du plaisir à le retrouver.

Le coin-coin

Ce pliage, à la façon d’un origami, trouve sa source dans les cours de récréation et les fêtes

d’anniversaire. Ensemble, nous faisons le pliage. Les enfants colorient des points de couleurs

qui correspondent chacun à une posture. Puis, ils jouent par groupe de 2 (ou plus).

Un joueur A propose un chiffre. Le joueur

B « fait aller » le coin-coin selon ce

chiffre. Un choix de points de couleur se

présente. Le joueur A choisit alors une

couleur. En soulevant le coin du pliage, il

découvre à quelle posture cela correspond.

Le joueur A réalise la posture.

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Marianne Tschumi – Mémoire – Yoga avec les enfants

12

Les sculptures

Cette activité fait aussi partie d’un projet plus vaste, puisqu’à long terme, en fin d’année, nous

avons planifié une séance de photo dans le but de ramener à la maison une photo-souvenir.

C’est aussi une manière de présenter aux parents et à la famille quelques postures de Yoga et

pourquoi pas de pousser les fauteuils du salon et de faire une démonstration aux frères et

sœurs.

Pendant le temps de préparation, les enfants imaginent plusieurs sculptures différentes.

Beaucoup d’explorations, d’essais, de tâtonnements sont nécessaires.

Parfois les enfants sont en appui les uns avec les autres (par exemple dos contre dos ou main à

main dans l’équilibre de l’arbre), parfois ils ne se touchent pas mais se trouvent le plus près

possible. La proximité et les appuis pratiqués dans cette activité permettent de développer leur

perception du schéma corporel.

Certains enfants aiment une posture en particulier et ont envie alors d’inventer une sculpture

dans laquelle ils peuvent la mettre en valeur.

Alan et Louis sont en appui dans «l’arbre», Manjù fait «le pont » et Nello est dans la posture du «chien tête-en-haut »

Les enfants sont invités à collaborer entre eux, émettent un esprit critique quant à la prise de

vue, à l’équilibre global de la sculpture et s’expriment comme des artistes. Certaines postures

nécessitant un échauffement spécifique, nous les préparons tous ensemble. Il est important de

considérer aussi de quel type de compensation le corps peut avoir besoin après la sculpture.

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13

La respiration

« Respirer profondément et librement favorise détente et bonne santé.7 »

La prise de conscience du souffle qui entre et sort par les narines est déjà en soi une étape

importante pour l’enfant. Attirer l’attention sur ce renouvellement incessant de l’énergie qui

maintient la vie, est possible avec des exercices appropriés et divers jeux.

- « Comment se déroule la respiration, comment ça marche… ? »

- « Et l’arbre dans la forêt, il fait le contraire lui ! »

- « C’est quoi le diaphragme ? »

Voilà quelques interpellations qui jalonnent le chemin de la découverte.

L’appareil respiratoire continue à se développer chez les enfants. Plus tard, vers l’âge de

l’adolescence, des techniques de prânâyâma sont abordées et c’est vers dix-huit ou vingt ans

que les pratiques s’approfondissent.

A tout âge la prudence est de rigueur pour ne pas installer une gêne ou une tension. Il est

important de ne jamais forcer, de ne pas se sentir inconfortable ou de ne pas se faire mal.

L’observation (sur soi-même ou sur quelqu’un) est le fondement d’un apprentissage menant à

une meilleure perception de la respiration :

- sentir l’air circuler par les narines et non pas par la bouche est une première

étape pour certains,

- être attentif aux sensations dans les narines : l’air frais qui entre et qui ressort

plutôt tiède,

- le mouvement du ventre qui monte et qui descend,

- l’expansion et la rétraction de la cage thoracique,

- la possibilité de faire ses propres réglages (l’intensité), par exemple une

expiration lente et douce ou au contraire rapide et forte.

Une explication simple permet aux enfants de comprendre le bon fonctionnement de la

respiration et l’importance du diaphragme.

La pratique est progressive, respectueuse du rythme de chacun. Ce respect est d’autant plus

important étant donné le lien entre la respiration et le domaine émotionnel. Le fait d’attirer

l’attention sur ce lien favorise une meilleure connaissance de soi. Je trouve bénéfique de poser

la question aux enfants après qu’ils aient pratiqué quelques respirations calmes et profondes,

de savoir comment ils se sentent. Ceci afin qu’eux-mêmes, doucement, expérimentent la

relation du souffle aux émotions et qu’ils développent la compréhension de ce lien :

- « qu’est-ce je peux faire quand je me sens stressé(e) ? »

- « le soir, des fois, je n’arrive pas à m’endormir... »

Si l’enfant parvient à prendre conscience de l’influence de sa respiration sur son état du

moment, il comprend qu’il peut agir sur cet état et au besoin le transformer et le modifier. Des

activités invitant à s’éveiller à la respiration consciente sont présentées dans les pages

suivantes.

7 LARK Liz, Yoga pour les enfants, Editions Le Courrier du Livre, 2003, page 108

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Marianne Tschumi – Mémoire – Yoga avec les enfants

14

Le bateau

Cette activité dirige l’attention sur les mouvements induits par la contraction et le relâchement

du diaphragme et de la sangle abdominale durant la respiration.

Ensemble, nous construisons un bateau en

papier (par une succession de pliage,

comme un origami). Chacun fait le sien.

Puis, les enfants s’allongent sur le dos et

dépose leur bateau sur le nombril.

Lorsqu’ils inspirent, le ventre se soulève,

cela provoque une vague ; lorsqu’ils

expirent, comme le ventre redescend, la

vague retombe.

Le navire vogue alors sur les flots du souffle8…

L’ensemble du cours peut être orienté vers le thème du bateau. Par exemple, nous pratiquons

comme but la posture du navire, nous lisons une histoire ayant un lien avec la mer et le vent.

Le vent souffle

L’air expulsé par la bouche est comparé à un vent qui souffle avec plus ou moins d’ardeur.

Nous pouvons doser l’air qui sort comme si c’est la tempête avec des bourrasques, ou si c’est

un vent fort, régulier et constant. Nous pouvons aussi transformer le souffle en une brise

légère, même très légère.

Lorsque chacun a fait ses propres essais, nous nous installons tous en cercle, couché à plat

ventre. Et muni d’une paille dans laquelle nous soufflons, nous nous faisons passer une balle

de ping-pong. La balle circule d’un enfant à l’autre à travers le cercle. L’activité peut aussi se

faire deux par deux. Les enfants se passent la balle en soufflant dans la paille. Il est parfois

nécessaire d’intervenir et d’imposer le rythme du vent : doux et régulier ! Les enfants

reprennent alors leur souffle et retrouvent le calme.

Parfois, nous jouons aussi au vent qui souffle pour éteindre une bougie. Nous expérimentons

la force de l’air ainsi que la distance la plus éloignée nécessaires pour éteindre la flamme. La

plus grande prudence est requise pour cette expérimentation. Il n’y a qu’une seule bougie

allumée, aisée à surveiller, et les enfants essaient donc à tour de rôle.

8 SWAMI NIRANJANANANDA SARASWATI, Prana Pranayama Prana Vidya, Satyanandashram France,

2000, page 221

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Marianne Tschumi – Mémoire – Yoga avec les enfants

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Nez bleu, nez rouge

Ce petit exercice contribue à développer la perception corporelle de la respiration. Les enfants

sont allongés sur le dos ou sur le côté, ou encore en position assise9.

Nous fermons les yeux et respirons profondément. Je les invite à sentir le passage de l’air

dans les narines. A l’inspiration, l’air est plus frais qu’à l’expiration. Je leur propose alors

d’imaginer une lumière bleue fraîche qui remplit tout le nez jusqu’à l’espace entre les sourcils

en inspirant. Et sur l’expiration, le souffle se transforme en une couleur rouge chaude. L’air

rouge descend par les narines et tout le nez devient rouge. Nous continuons plusieurs fois à

respirer l’air coloré tantôt bleu, tantôt rouge.

Cet exercice permet une discussion et une courte explication sur le déroulement et la fonction

de la respiration :

- « pourquoi on respire, à quoi ça sert ? »

- « où va l’air, quel est son chemin ? »…

Le bourdonnement de l’abeille

Cette respiration est pratiquée lorsque nous sommes assis10

. J’invite les enfants à inspirer

profondément par le nez, à fermer les yeux et sur l’expiration, nous commençons à

bourdonner comme une abeille jusqu’à ce que nous ayons fini complètement d’expirer. Nous

écoutons le bruit vibrer jusque dans la tête et répétons plusieurs fois.

La respiration progressivement s’allonge et l’attention s’accroît. Les enfants rient beaucoup

au début mais pratiquent de bon cœur, ils aiment produire des sons.

Cette pratique peut aussi se faire en fermant les oreilles avec les pouces.

Le bûcheron

La respiration étant étroitement liée au plan émotionnel, nous pouvons profiter du travail de la

voix pour extérioriser certaines émotions : colère, contrariété, chagrin, peur…

Nous nous plaçons en position debout, jambes écartées. A l’inspir, nous levons les bras au-

dessus de la tête, et avec l’expir, nous abaissons les bras entre les jambes, de manière rapide et

énergique. En même temps, nous produisons le son « AAAHH !!!», bref et énergique, il prend

sa source dans le ventre. Puis nous nous redressons avec l’inspir suivante. Il est possible de

pratiquer cet exercice en focalisant l’attention sur un événement difficilement vécu ou

redouté.

Nous jouons au bûcheron qui soulève sa hache et vigoureusement fend des bûches de bois.

9 SWAMI NIRANJANANANDA SARASWATI, Prana Pranayama Prana Vidya, Satayanandashram France,

2000, page 222 10

KARVEN Ursula, Léa et le chat Yogi, Editions La Plage, 2008

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Les sons…

Avec des enfants qui ont déjà une certaine pratique, nous pouvons attirer leur attention sur le

fait que les sons proviennent de trois parties distinctes du corps : le ventre, la poitrine, la

gorge11

.

Nous commençons par imaginer être un petit arbre et nous nous plaçons en posture accroupie.

Là, nous inspirons profondément et émettons le son A en expirant. Il vient d’en bas, nous le

sentons dans le ventre. Puis nous nous redressons, l’arbre grandit. Nous déposons les paumes

des mains de part et d’autre de la poitrine. Après une profonde inspiration, nous soufflons en

émettant le son OU. Le son emplit la poitrine. Finalement, nous montons sur la pointe des

pieds en étirant les bras au-dessus de la tête. Nous imaginons que les bras sont les branches de

l’arbre et les doigts sont les feuilles. Elles bougent doucement dans le vent. Tout en nous

étirant, nous inspirons et avec l’expiration, le son I est produit depuis la gorge. Nous pouvons

ensuite recommencer le tout en retrouvant l’arbre tout petit, dans la posture accroupie.

La pratique des postures d’équilibre, dans le palmier (tadâsana) ou l’arbre (vrikshâsana,

souvent pratiqué avec le pied placé comme dans bhâgîrathâsana) succède aisément à cette

activité. La symbolique de l’arbre peut être développée : l’enracinement et la stabilité grâce

aux racines, la solidité du tronc, la souplesse des branches, le feuillage ouvert aux caresses du

soleil ; le processus de transformation des éléments gazeux ; le cycle des saisons. Le domaine

est vaste et peut s’accompagner de lectures ou d’activités créatrices (dessin, collage de

feuilles aux couleurs automnales, etc).

« La posture de l’arbre », dessinée par Julie

« Le retour à la nature est indispensable à notre santé et à notre survie, en tant qu’individu mais aussi

en tant qu’espèce. Nous avons besoin d’enfoncer profondément nos racines dans la terre si nous

voulons toucher les étoiles. »12

11

SWAMI NIRANJANANANDA SARASWATI, Prana Pranayama Prana Vidya, Satayanandashram France,

2000, page 222 12

LEVIN Pamela, Les cycles de l’identité, InterEditions, 1986, page 247

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Les postures d’équilibre dans l’arbre ou le palmier se prêtent très bien au développement de la

concentration : un enfant prend la posture, je lui suggère de sentir ses pieds stables, ses

jambes solides, de respirer souplement.

Alors, les autres enfants soufflent sur l’arbre (en évitant le visage, ce qui peut être

désagréable). L’arbre bouge légèrement dans le vent mais ne tombe pas. Grâce à son ancrage

et à sa respiration régulière, l’enfant demeure sérieux et garde ainsi sa concentration malgré

les chatouillements et les efforts des autres enfants pour le déstabiliser.

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Le repos et la relaxation

Sentir la fatigue physique ou être essoufflé sont des facteurs qui motivent les enfants à se

coucher, se relâcher sur leur tapis pour ensuite apprécier pleinement ces instants de détente.

L’activité qui précède joue donc un rôle important dans le choix du moment du repos.

Progressivement, les enfants apprennent à sentir la détente s’installer et les tensions se

dissiper de manière plus consciente. Ils affinent la connaissance de leurs sensations

corporelles. Des exercices tels que ceux décrits ci-après favorisent ce processus.

Tension-détente

De préférence, l’enfant est allongé sur le dos, sur son tapis, avec un coussin ou une

couverture. Pour certains enfants, cette position n’est pas aisée, surtout au début, ils se sentent

vulnérables et jusqu’à qu’ils aient installé une confiance suffisante, je trouve préférable de les

laisser choisir leur propre position confortable.

Je leur demande alors de serrer un poing, très fort, on compte jusqu’à 5 ensemble… puis on

relâche. La même chose est pratiquée avec l’autre main. Puis, on allonge une jambe, on

l’imagine devenir très longue et les orteils se mettent en éventail !... 1,2,3,4,5, et on relâche.

Après la répétition avec l’autre jambe et pied, on peut reprendre avec les 2 mains en même

temps, puis avec les 2 jambes et finalement avec les 4 membres en même temps.

Ce petit exercice peut s’ajouter à un temps de repos lorsque la fatigue s’est quelque peu

dissipée et que la respiration a repris son rythme tranquille. L’enfant expérimente sa propre

puissance quant à son état de tension ou de détente et apprend à distinguer l’un de l’autre.

Le contraste étant évident, l’enfant acquiert plus ou moins rapidement de l’autonomie dans

son propre processus de décontraction.

La poupée de chiffon

Les enfants sont allongés au sol, je me promène lentement dans la pièce et je m’arrête vers

chacun. Ils sont des poupées de chiffon ! Je soulève délicatement un membre, le secoue

légèrement pour « voir si c’est vraiment mou ». Si le bras ou la jambe reste dur, c’est qu’il y a

encore des tensions à relâcher. Le poids est également déterminant, si la jambe est légère,

c’est que l’enfant participe au mouvement. C’est également possible de soulever juste un

doigt ; s’il retombe tout de suite, l’enfant a relâché le contrôle.

Le processus de détente est accentué en mordant 3 fois de suite dans un citron : j’invite les

enfants à s’imaginer croquant dans un citron, l’acidité les crispe, tout le corps se tend, même

les orteils ! Entre chaque répétition, les enfants se relâchent et deviennent de plus en plus en

chiffon.

Les enfants apprécient aussi de se « tester » entre eux. Ils se mettent donc deux par deux et

expérimentent le rôle de poupée de chiffon l’un après l’autre. Cette manière de faire est très

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Marianne Tschumi – Mémoire – Yoga avec les enfants

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intéressante car elle met en évidence l’importance de la confiance réciproque. En effet, une

jambe relâchée sans ménagement, ça peut faire mal ! Il faut donc faire preuve d’un grand soin

dans les manipulations de son partenaire et ainsi lui permettre d’accorder sa confiance.

Les chaudoudoux

Durant un trimestre, nous avons lu « Le Conte chaud et doux des chaudoudoux »13

. La lecture

de ce conte a permis d’introduire des chaudoudoux (de petites peluches en couleur de la forme

d’une balle de tennis ou des pompons en laine toute douce et colorée).

Les enfants sont couchés sur le sol avec les yeux fermés. Je dépose pendant quelques instants

trois ou quatre chaudoudoux sur différents endroits du corps. Lorsque chacun a reçu ses

chaudoudoux, nous nous asseyons pour partager : les enfants se remémorent où ces petites

peluches ont été déposées. Ils se souviennent des sensations perçues durant la visite des

chaudoudoux. Pour certains, c’est aussi l’occasion d’apprendre à nommer certaines régions du

corps.

D’autres exemples…

Ecouter de la musique douce (pas toujours la même !) ou des sons enregistrés de la nature.

Lire un conte, un livre (parfois les enfants en amènent avec l’envie de partager).

Répondre à des devinettes (quelle posture commence par la lettre « a »…) conserve l’attention

et suscite la curiosité.

Et bien d’autres encore…

Les expériences faites de détente et de décontraction amènent tout naturellement vers la

relaxation. Celle-ci « entraînant une disponibilité accrue, des exercices de concentration

peuvent être proposés 14

». Je suis bien d’accord avec les propos de M. Choque et j’ajouterais

que cette disponibilité est propice également à des exercices de visualisation.

A la page suivante, je souhaite partager un conte15

que j’ai beaucoup apprécié. Il ouvre

particulièrement le dialogue au sujet de la notion d’honnêteté (satya dans les yama) ; puis, je

retranscris également un exemple de visualisation (lorsqu’une certaine aisance est déjà

installée dans le domaine de la relaxation).

13

STEINER Claude, Le conte chaud et doux des chaudoudoux, Inter Editions, 1984 14

CHOQUE Jacques, Concentration et relaxation pour les enfants, Albin Michel, 1994, page 79 15

COEHLO Paulo, Comme le fleuve qui coule, Editions Flammarion, 2006, pages 150-151-152

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Marianne Tschumi – Mémoire – Yoga avec les enfants

20

Vers l’an 250 avant Jésus-Christ, dans la Chine

ancienne, un prince de la région de Thing-Zda était

sur le point d’être couronné empereur ; mais selon

la loi, il devait d’abord se marier.

Comme il s’agissait de choisir la future impératrice,

le prince devait trouver une jeune fille à qui il pût

accorder une confiance aveugle. Conseillé par un

sage, il décida de convoquer toutes les jeunes filles

de la région, pour trouver celle qui en serait la plus

digne.

Une vieille femme, servante du palais depuis des

années, entendant parler des préparatifs en vue de

l’audience, éprouva une grande tristesse, car sa fille

nourrissait un amour secret pour le prince.

Rentrant chez elle, elle raconta le fait à la jeune

fille ; elle eut la surprise d’entendre qu’elle avait

l’intention de se présenter elle aussi.

La femme était désespérée :

« Que vas-tu faire là, ma fille ? Seules seront

présentes les filles les plus belles et les plus riches

de la cour. Retire-toi cette idée insensée de la tête !

Je sais bien que tu souffres, mais ne transforme pas

la souffrance en folie ! »

Et la fille répondit :

« Mère chérie, je ne souffre pas et je suis encore

moins devenue folle ; je sais que je ne pourrai

jamais être choisie, mais c’est l’occasion de me

trouver quelques instants au moins près du prince,

cela me rend déjà heureuse – même si je sais que ce

n’est pas mon destin. »

Le soir, quand la jeune fille arriva, se trouvaient

effectivement au palais toutes les jeunes filles,

portant les plus beaux vêtements, les plus beaux

bijoux, et prêtes à se battre par tous les moyens

pour l’opportunité qui leur était offerte. Entouré de

sa cour, le prince annonça la compétition :

« Je vais donner à chacune de vous une graine.

Celle qui, dans six mois, m’apportera la fleur la

plus belle, sera la future impératrice de Chine. »

La jeune fille prit sa graine, la planta dans un pot, et

comme elle n’était pas très habile dans l’art du

jardinage, elle soigna la terre avec beaucoup de

patience et de tendresse – car elle pensait que si la

beauté des fleurs se développait à la mesure de son

amour, elle n’avait pas à s’inquiéter du résultat.

Trois mois passèrent et rien ne poussa. La jeune

fille tenta un peu tout, parla avec des cultivateurs et

des paysans qui lui enseignèrent les méthodes de

culture les plus diverses, mais elle n’obtint aucun

résultat. De jour en jour, elle sentait son rêve

s’éloigner, bien que son amour demeurât aussi vif.

Finalement, les six mois écoulés, rien n’était sorti

dans son pot. Sachant qu’elle n’avait rien à montrer,

elle était cependant consciente de ses efforts et de

son dévouement durant tout ce temps ; elle annonça

donc à sa mère qu’elle retournerait au palais, à la

date et à l’heure fixées. Dans son for intérieur, elle

savait que ce serait là sa dernière rencontre avec

son bien-aimé, et elle n’avait l’intention de la

manquer pour rien au monde.

Le jour de la nouvelle audience arriva. La jeune

fille se présenta avec son pot sans plante, et elle vit

que toutes les autres prétendantes avaient obtenu de

bons résultats ; leurs fleurs étaient plus belles les

unes que les autres, de toutes formes et de toutes

couleurs.

Enfin vint le moment attendu : le prince entra et

observa chacune des prétendantes avec beaucoup de

soin et d’attention. Après qu’il fut passé devant

toutes, il annonça sa décision – et il désigna la fille

de sa servante comme sa nouvelle épouse.

Tous les assistants se mirent à protester, disant qu’il

avait choisi justement celle qui n’avait réussi à

cultiver aucune plante.

C’est alors que, calmement, le prince expliqua la

raison de ce défi :

« Elle seule a cultivé la fleur qui l’a rendue digne

de devenir impératrice : la fleur de l’honnêteté.

Toutes les graines que j’avais remises étaient

stériles et ne pouvaient pousser en aucune façon. »

Ce conte n’étant pas très long, il peut être lu en une fois. Parfois, certains enfants demandent à

lire eux-même. C’est une tranche d’âge où la réussite est particulièrement importante, je

valorise cet aspect en leur laissant participer à la lecture.

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21

Dans la visualisation16

suivante, je me contente de guider les enfants. Je leur propose de

projeter les images sur un écran intérieur comme au cinéma…

Vous respirez amplement… vous laissez s’échapper un ou deux soupirs…

Vous vous imaginez être allongés sur de l’herbe verte, dans un très beau paysage… le ciel est

bleu… le soleil brille de ses rayons lumineux, c’est comme une caresse… une petite brise, très

légère se fait sentir sur votre peau, elle est toute douce… vous entendez au loin le son d’un

petit ruisseau, le clapotis de l’eau arrive jusqu’à vos oreilles…du ciel descendent trois

magnifiques papillons bleus… leurs ailes sont superbes… ils viennent se poser sur vous ou si

vous ne souhaitez pas ce contact, ils se posent sur des fleurs que vous imaginez juste à côté de

vous… à chacun de ces papillons, vous leur confiez un souci, quelque chose qui vous

embête… quand le papillon a reçu votre souci, il s’envole joyeusement vers le ciel lumineux…

de là où il est venu… vous faites ça pour chacun des papillons… vous les voyez voler en

direction du ciel en toute légèreté… si vous avez besoin de plus de papillons, vous en

demandez d’autres, ils vont arriver…quand vous avez terminé, vous pouvez remercier ces

papillons bleus…vous êtes toujours allongés sur l’herbe verte… respirez quelques fois plus

profondément… et gentiment, vous laissez venir un bâillement, un soupir… vous vous étirez…

et quand vous êtes prêt, vous ouvrez les yeux…

Cette visualisation est pratiquée avec un groupe d’enfants qui a déjà expérimenté d’autres

pratiques de relaxation et dans lequel un climat de confiance est établi. A la fin, un partage,

assis en cercle, peut avoir lieu avec celles et ceux qui le souhaitent.

D’autres thèmes peuvent être abordés par la visualisation en se basant sur des éléments de la

nature, comme les arbres qui allient force, stabilité, souplesse et légèreté. La nature est une

source d’inspiration inépuisable et les enfants sont très ouverts et réceptifs à son égard.

Comme le dit Jaques Choque17

en faisant référence à la visualisation : « c’est une occasion

unique pour une leçon d’éveil intérieur. »

Les temps de repos préparent et ouvrent volontiers à des activités qui développent les facultés

sensorielles. Le corps est réceptif et les sens sont en éveil !

16

Cette visualisation est inspirée d’une part d’une méditation de Dominique Ramassamy, Yoga du cœur, et

d’autre part de Jacques Choque, Concentration et relaxation pour les enfants, Albin Michel, 1994, page 112 17

CHOQUE Jacques, Concentration et relaxation pour les enfants, Albin Michel, 1994, page 113

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22

La perception des sens

Voici quelques exemples :

Je demande aux enfants de se placer à plat ventre, leur dos se présente alors comme une

fabuleuse toile de peinture : il ne reste plus qu’à peindre dessus.

En utilisant la pression des doigts, je dessine :

une lettre de l’alphabet : quelle posture commence avec cette lettre ?

des points ayant la même disposition que la face d’un dé : combien y en a-t-il ?

quelque chose de la nature, …

Cet exercice convient aussi très bien quand les enfants se mettent assis deux par deux : l’un

dessine sur le dos de l’autre et ils font l’expérience de se toucher mutuellement avec respect.

Ce même jeu se complique lorsque tout le groupe s’assoit en colonne l’un derrière l’autre.

Celui qui se trouve tout à l’arrière commence par dessiner quelque chose sur le dos-tableau de

l’enfant qui est assis devant lui. Ce dernier reproduit alors le plus exactement possible ce qu’il

a ressenti dans son dos. Les résultats sont surprenants ! Il est important de noter qui a

commencé pour que chacun puisse créer et envoyer le message à tour de rôle.

L’ouïe est mise à contribution avec le jeu suivant : dans le prolongement d’un temps de repos,

je demande aux enfants de garder les yeux bien fermés et je leur annonce qu’ils vont entendre

une série de bruits différents. C’est à eux de découvrir ce qui fait le bruit. Je leur propose

aussi d’identifier le nombre de bruits différents. Je les avertis également que je répéterai

encore une fois la série après une brève halte.

En plus des oreilles qui sont totalement sollicitées, la mémoire joue son rôle. A la fin de la

deuxième répétition, après quelques instants de silence, nous nous rejoignons assis en cercle

pour échanger le fruit des observations de chacun. Lorsque tout le groupe s’est exprimé, je

montre les objets qui ont crée les bruits (ce sont des objets de la vie courante comme un

sachet en plastic ou en papier, un stylo...). Parfois j’introduis un objet « bizarre » dans la

série. Les enfants sont curieux de découvrir des choses inconnues comme une guimbarde !

Pour la vue, le jeu du miroir permet d’affiner l’observation. Les enfants se placent deux par

deux, l’un en face de l’autre. Quand l’un commence à bouger, lentement, l’autre reproduit

exactement le même geste, lentement, comme s’il était un miroir. L’exercice est ensuite

répéter en inversant les rôles.

Pour l’odorat et le goût, comme je n’ai pas encore expérimenté de jeu, nous abordons ces

sens avec l’imagination : se souvenir du goût d’un fruit mûr, d’une odeur dans la forêt… Je

trouve important de nommer tous les sens et de leur accorder notre attention.

Des activités sont à inventer, par exemple les yeux bandés, nous pourrions goûter, sentir…

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Rituel de la fin

Nous sommes assis parterre en cercle. Contrairement au rituel du début, je propose à chaque

enfant de s’observer : « comment suis-je assis ? » Je leur demande alors de s’installer en

tailleur avec le dos redressé et les épaules relâchées (si ce n’est pas déjà le cas). J’accorde de

l’importance à prendre soin de cette position assise.

Puis nous prenons quelques instants pour observer la respiration.

Quand le corps est établi dans sa posture juste et que la respiration est fluide et calme, je

propose aux enfants de choisir une manière pour se dire au revoir :

- en nous donnant la main, nous faisons passer une ou plusieurs petites lumières en

exerçant une légère pression avec la main dans celle du voisin pour faire le tour du

cercle,

- en chantant la comptine de l’éléphant : on tape successivement dans la main de son

voisin en chantant, quand la comptine prend fin, l’enfant qui a reçu la dernière tape

« tombe » en arrière,

- en utilisant les connaissances de chacun pour dire au revoir dans une autre langue que

le français,

- avec différents jeux utilisant l’alphabet ou les nombres,

- ou encore avec plein d’autres idées amenées par les enfants eux-mêmes !

Si les enfants ne sont pas d’accord sur la manière choisie, nous décidons de suivre le choix de

chacun d’eux dans les cours suivants. Ainsi chacun peut décider à tour de rôle.

J’estime important de prendre conscience que c’est le moment où le cours se termine et de se

préparer à prendre congé les uns des autres.

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Le rôle de l’enseignant(e)

En tant qu’enseignant(e) de Yoga, nous avons une responsabilité dans la transmission que

nous proposons. Les textes tels que le Yoga-Sûtra de Patañjali ou la Bhagavad Gîta sont les

fondements de la transmission. Le Y.-S. propose, entre autres choses, les huit membres du

Yoga comme un fil conducteur à suivre. La Bh.G. met en évidence, par exemple, le chemin

personnel de chacun, la richesse de la diversité par la fidélité à soi-même, le svâdharma.

Beaucoup de textes de la tradition procurent une inspiration infiniment riche. Il est essentiel

d’adapter et d’ajuster ces richesses afin de transmettre au mieux aux enfants qui viennent pour

apprendre. Par le jeu, les enfants trouvent un espace joyeux et stimulant, une identification à

leur monde d’enfants, des règles et un cadre nécessaires pour tout apprentissage.

La notion de transmission n’est pas seulement importante pour l’enseignant, mais également

pour les enfants afin qu’ils comprennent que l’enseignement se transmet : « Je l’ai reçu d’un

enseignant qui lui-même a reçu ce savoir d’un enseignant, qui l’a lui-même reçu d’un autre »

et ainsi de suite…

Le Yoga est relation. L’enseignant(e) cherche à créer un climat propice à la confiance, à

l’exploration, à la créativité et à la gaieté. L’estime de soi peut alors croître. Les expériences

pesantes ou douloureuses peuvent être déposées. Voici l’exemple d’un garçon de 6 ans, il était

déjà venu à 2 ou 3 reprises. Au cours du rituel du début, il a saisi le nuage et nous a raconté le

décès de sa petite sœur qui était alors toute petite. Sur le mur dans sa chambre, il avait une

photo d’elle, parfois il lui parlait. Parfois, il se sentait triste. Ce garçon nous a raconté cet

aspect de sa vie naturellement, simplement. Le groupe écoutait son histoire avec un grand

respect et beaucoup de bienveillance.

La pratique du Yoga requiert souvent d’être clairement et simplement expliqué aux enfants

comme aux parents ! En effet, les enfants abordent le Yoga avec beaucoup de spontanéité et

de curiosité. Les parents parfois attendent du Yoga des clés « miraculeuses ». Il s’agit de bien

distinguer le domaine d’un(e) psychothérapeute ou d’un(e)diététicien(ne) du nôtre. Bien que

le Yoga approche l’être humain dans sa globalité et qu’il existe de nombreuses pistes

thérapeutiques, nous n’avons pas de baguette magique pour un enfant souffrant d’un déficit

d’attention par exemple ou d’un enfant souffrant de surpoids. La recherche d’une croissance

harmonieuse, d’un bien-être dans son corps et dans sa tête, d’une découverte de soi, d’un

enrichissement de ses propres aptitudes à se détendre et à se concentrer sont autant de buts

offerts par le Yoga. Un entretien avec les parents se révèle utile pour clarifier les attentes et

laisser l’enfant faire sa propre expérience.

Le rapprochement avec les parents est un des objectifs souhaités par l’exposition des dessins

de postures ou par la photo-souvenir. C’est un encouragement à installer un dialogue qui

permet d’expliquer aux parents qui ne connaissent pas le Yoga, ce que nous faisons. Les

enfants créent un lien entre les cours et ce qui s’y passe et la maison.

Conclusion

La nature est notre première source d’enseignement. Pour se sentir petite femme ou petit

homme sur cette terre, nous pouvons commencer par marcher comme un gorille, comme un

ours, comme un chat, ou ramper comme un serpent, ou sautiller comme un lièvre, etc… Puis

Page 25: Introduction...Marianne Tschumi – Mémoire – Yoga avec les enfants 1 Introduction Pour ce travail personnel, mon choix s’est porté sur le Yoga avec les enfants car je souhaite

Marianne Tschumi – Mémoire – Yoga avec les enfants

25

lorsque nous marchons à nouveau comme une princesse ou un prince, nous retrouvons sans

autre explication inutile nos véritables racines, notre véritable nature. Un grand nombre de

postures s’inspire de la nature : le lion (qui rugit !), le chien-tête-en-bas, le cobra, la tortue,

l’aigle, le chameau, la sauterelle, la liste est longue ! Les enfants entrent sans difficulté dans

ces rôles d’animaux et captent leur spécificité. L’enracinement, source d’éclosion et

d’épanouissement, s’exerce aisément lorsqu’on s’est transformé en arbre ; l’enfant fait

l’expérience de sentir la stabilité qui résulte du contact de son pied sur le sol.

Vers l’âge de huit ans, un processus naturel se met en marche, au cours duquel l’épiphyse

passe le relais à l’hypophyse qui commence à produire les hormones liées à la reproduction,

donc préparant à la puberté18

. C’est une transmission de tout le contrôle du système hormonal.

Or, l’épiphyse est considérée comme le siège de l’intuition, « l’œil de l’âme ». Plutôt que de

devenir une glande-vestige, comme le disent certains scientifiques, cette faculté liée à

l’intuition peut être stimulée et conservée grâce à la pratique du Yoga et à son lien étroit à la

nature.

Les difficultés liées au manque de concentration sont souvent un facteur motivant les parents

à s’approcher des cours de Yoga avec les enfants. A ce propos, Micheline Flak et Jacques de

Coulon nous disent ceci19

: « la concentration est un leurre tant qu’on n’a pas atteint un certain

seuil de calme. » Ils précisent encore qu’il s’agit de « l’alliance de la détente et de la

vigilance ». Nous retrouvons ainsi l’enseignement de Patañjali20

au sujet des postures : sthira

sukham âsanam, la fermeté et l’aisance, essence de la bonne posture !

Pour trouver ce calme à l’intérieur qui permet la concentration, chacun peut apprendre des

techniques qui sont comme les outils d’un jardinier. Ceux-ci doivent être adaptés au jardinier,

à sa taille, à son âge, à ses compétences actuelles. Ils sont présentés et expliqués à son

utilisateur. Et le jardin, alors ?… au jardinier de le découvrir. Celui-ci y réside depuis sa

naissance. Si nous pouvons l’aider à le connaître encore un peu plus, à le respecter et à

l’aimer, c’est qu’une fleur s’est ouverte.

Je trouve très encourageant d’observer autour de moi l’enthousiasme des enfants, l’intérêt des

parents, des écoles (les activités du R.Y.E21

en témoignent) et d’autres systèmes de formation

qui se tournent vers le Yoga.

Je souhaite également recommander un livre qui m’a inspiré et qui s’adresse aux plus jeunes

enfants aussi, car il apporte un regard sur le Yoga plein de tendresse, de justesse et d’intérêt :

Léa et le chat yogi.22

Depuis mon cœur, je remercie Mary-Christine Fontaine qui m’a ouvert la voie à

l’enseignement du Yoga avec les enfants, ainsi que tous les professeurs de Yoga qui ont

participé à me transmettre la science et l’art du Yoga.

Un immense merci à tous les enfants qui ont participé aux cours, et qui ont laissé leurs traces

joyeuses dans les dessins et les photos !

18

LARK Liz, Yoga pour les enfants, Ed. Le Courrier du livre, 2003, page 17 19

FLAK Micheline et DE COULON Jacques, Des enfants qui réussissent, le yoga dans l’éducation, Editions

Desclée de Brouwer, 1985, page 81 20

Yoga-Sûtra II-46 21

RYE : Recherche sur le Yoga dans l’Education, divers sites sur Internet 22

KARVEN Ursula, Léa et le chat yogi, Editions La Plage, 2008