Immersion dans le monde du street art par Alexandre Philbert

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    Immersion dans le monde du Street Art

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    Immersion dans le monde du Street Art

    Sommaire

    Introduction

    Chapitre1. L’importance du titre.

    1. Paris, la butte aux cailles et ses œuvres .

    2. Le Street Art, une histoire récente ?3. Le « Street Art », ou le travestissement du graffiti.

    Chapitre2. Rencontre avec un graffeur.

    1. Présentation de mon interlocuteur « Daniel ».2. L’illicite, une composante essentielle du graffiti. 3. Le graff, un mode de vie.4. Une pratique risquée.5. La relation entre le graffiti et le Street Art.6. L’impact de cet art sur les milieux urbains.

    Chapitre3. Conclusions du projet.

    1. Peut-on adhérer à la vision de C215 ?2. Apport personnel.

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    Introduction

    Le Street Art recouvre les rues et livre gratuitement ses œuvres aux passants, qu’ils soient indifférents, curieuxou admiratifs. A travers mon projet, j’aimerais enquêter sur cette discipline afin de comprendre qui sont les

    personnes derrière cet art, quelles sont leurs inspirations et quelles sont leurs aspirations. Mais cette enquêtedoit être originale et personnelle, je veux que ce projet me porte vers quelque chose de nouveau.

    L’objet de mon travail sera donc mon immersion au sein de cet art si peu connu qu ’est le S treet Art. Plusconcrètement mon travail se décomposera en plusieurs parties. La partie centrale sera un dialogue avec lesmembres d’une équipe de grapheur, afin d’obtenir une définition personnelle, engagée et humaine de l’art

    urbain. Je souhaite retrans crire l’entretien au mot prêt, et l’accompagner de certaines de mes remarques. Lesparties périphériques auront pour objet de restituer dans leur contexte les observations et les conclusions que

    j’aurai tirées de cette immersion.

    Mon récit étant volontairement subjectif, j’estime que l’expérience du lecteur sera d’autant plus intéressanteque ce dernier pourra s’identifier. Ainsi ce projet ciblera particulièrement des étudiants. Néanmoins, mon

    travail a pour but de présenter un univers très peu connu, donc s’adresse à un lectorat très large.

    Mon objectif es t que ce projet se rapproche d’une forme de nouveau journalisme. Je souhaite informer monlecteur en m’affranchissant des codes, le but ultime étant de réussir à lui faire ressentir mon vécu, mes

    sensations.

    Toute l’originalité de ce projet réside dans le fait que, à l’heure où j’écris ce contrat de communication je n’ai

    aucune légitimité. Le principal enjeu de mon travail est l’acquisition de cette légitimité. Mon écrit répondra

    donc simultanément à deux q uestions. La première est celle que je me posais avant l’existence du projet : quisont les hommes derrière le Street Art ? La seconde est plus personnelle : comment dois-je procéder pour me

    plonger dans un univers qui m’est complètement étranger ?

    L’écrit final sera imprimé sous forme de polycopié de cours de Télécom Paristech , clin d’œil aux œuvres quioccupent les lieux publics. Mon Pace occupera ainsi un lieu « public » qui ne lui est pas destiné. Je compte

    également limiter les images. Le contenu devra rester sobre. Bien sûr les photos sont parfois nécessaires, mais je ne veux les utiliser qu’en cas de nécessité, car mon œuvre ne doit pas se rapprocher d’une galerie

    d’exposition des différents travaux de street artiste. Ce n’est pas l’objet ici.

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    Chapitre 1.L’importance du titre.

    1. Paris, la Butte aux cailles et

    ses œuvres.

    Télécom Paristech, rue Barrault XIIIemarrondissement de Paris. Celui qui s’attarde dans

    les alentours pourra remarquer les différentesœuvres originales qui ornent les murs de ce

    quartier. Je pense notamment à la butte auxcailles, où l’on peu voir les œuvres de Seth, Jeff

    Aerosol et tant d’autres. Il s’agit ici d’une formed’art particulier. L’auteur ne signe pas de son vrai

    nom et fait son œuvre dans un lieu qui, à priori, ne

    s’y prête pas. C’est bien cette forme d’art que je

    souhaite comprendre et pour cette raison il estsurprenant qu’il y’ait matière à débattre sur le titr e« immersion dans le monde du Street Art ». Etpourtant ce chapitre possède une importancecruciale.

    Mon immersion dans ce « monde su Street Art »

    s’est faite par le biais de rencontres avec desgraffeurs. Il faut très peu de temps pourcomprendre que la définition du lien qui existeentre graffiti et « Street Art » est source demalaise. Et la question est moins abstraite qu’elle

    ne le laisse penser. Quelle différence existe-t-ilentre une grande fresque du célèbre ShepardFairey, et un simple tag sur un rideau de fer. S’agit -il uniquement d’une différence d’échelle ou existe -t-il une distinction plus profonde ? Pour répondre,il nous faut étudi er plus précisément l’his toire duGraffiti et du Street Art en général.

    2. Le Street Art, une histoirerécente ?

    Les annotations anonymes sur les murs sontsurement aussi vielles que les villes elles-mêmes.Le Colisée par exemple comporte de nombreuxmessages qui furent inscrits par des inconnus. Maisl’apparition du graffiti tel qu’il est connu

    aujourd’hui est bien plus récente. C’est lacommercialisation des marqueurs et des bombesaérosols qui marque sa naissance. Dans les années80-90 la jeunesse désabusée et révoltée se sert dece moyen d’expression comme signe de

    protestation. Mais déjà l’ambigüité se fait sentir.

    Ces actes se veulent actes de vandalisme, ils ontpour objet la détérioration de biens publics, le butétant de déranger, de porter atteinte à une sociétéperçue comme garante d’injustice s sociales. Maisce vandalisme doit respecter un certainesthétisme, certains codes, et est porté par laculture « hip hop » importée des Etats-Unis. Ungroupe particulièrement représentatif de cettemouvance est le groupe « 93NTM ». Célèbre pour

    ses titres de rap, il regroupait également desdanseurs et des graffeurs (Voir le documentaire« «rap et tag », envoyé spécial datant de 1990).Le graffiti est donc, originellement, un acte devandalisme lors duquel le graffeur doit se montrerle plus audacieux possible. Mais au- delà d’unesimple quête d’adrénaline, le graffiti se veut

    également le porte étendard d’une nouvelle

    culture urbaine.

    Nous n’avons cependant toujours pas expliqué la

    naissan ce d’autres formes d’arts urbains, commeles pochoirs de Banksy. De même la question dulien entre graffiti et Street Art reste en suspend. Laréponse se situe peut être dans l’article de L’OBSintitulé « Graffiti, Street A rt, muralisme… Et si onarrêtait de tout mélanger ? ». Cet article a étéécrit en 2013 par l’artiste pochoiriste C215.

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    3. Le « Street Art » ou letravestissement du graffiti.

    « Les acteurs de la scène graffiti ne s’ ytrompent pas et détestent le Street Art,perçu à juste titre comme une

    dégénérescence commerciale de leur

    pratique. »

    Tout d’abord j’invite le lecteur à lire l’article en

    question. Il est disponible en ligne sur le liensuivant : http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235. Vous y trouverezdes liens vers des documentaires et des pagesd’artistes tout à fait passionnants.

    Selon C215, les années 2000 avec leurs nouveauxmédias de communications, ont incité toute unegénération à s’improviser artiste. Cette dernière ,ayant baigné dans la culture du graffiti, en connaitles codes et compte les réutiliser. Cependantl’approche a grandement changé. Si les premiers

    graffeurs n’aspiraient nullement à une carrièred’artistes à travers leurs actes contestataires, les

    nouveaux street artistes ont pour principalemotivation de se faire un nom. Ils changent alorsles codes et les méthodes : ils utilisent par exempledes pochoirs (Banksy) ou des affiches (JR, ShepardFairey) . Ces nouveaux artistes veulent plaire auplus grand nombre quand les graffeurs voulaient semontrer outrageants. Dans son article, l’artistedéplore qu’en même temps qu’il a gagné en

    popularité, l’art urbain a perdu de son âme, de s on

    contenu, de son essence. Le Street A rt s’est peu àpeu auto censuré pour pouvoir séduire le plusgrand nombre : « La provocation n’est plus quefeinte. Les médias relatent désormais lesévènements de Street Art comme ils relataient

    jadis un concert de l’effronté Michel Sardou. ».

    Il y’aurait donc une distinction fondamentale entre

    le graffiti et le « Street Art ».Mais cette distinctionn’est pertinente que si l’on entend par « StreetArt » la tendance actuelle, d’un art socialement

    accepté, presque encadré par des institutionslégales. Le Street Art tel qu ’il est connu aujourd’hui

    est avant tout porteur d’un message. Il est

    socialement accepté et apprécié et vise à embellirnos rues. Le graffiti lui, s’inscrit dans une démarche

    plus personnelle. Il maintient un lien étroit avecune forme de vandalisme (je reviendrai dessus lors

    de la conclusion). Mon projet vise avant tout legraffiti . Mais alors pourquoi n’ai -je pas changé letitre de cette œuvre en « immersion dans lemonde du graffiti » ? Tout d’abord parce que leStreet Art en est l’héritier direct. Si l’on veut

    comprendre les tendances actuelles du Street Artet son évolution, il faut connaitre son origine.D’autre part, ce titre me permet de garder enmémoire l’idée préconçue que j’avais de l’art

    urbain, et souligne ainsi l’apport personnel de ce

    projet.

    Figure 1 : Fresque de Shepard Faireydans le 13 em arrondissement deParis

    http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235

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    Chapitre 2.Entretien avec un graffeur.

    Je n’avais pas mis le nez dehors de la journée et

    quand finalement je me suis décidé à sortir, la nuitétait tombée depuis de longues heures sur Paris.En attendant le bus je remettais sérieusement endoute l’utilité de ma veste tant j’avais froid. Achaque coup d’œil que je donnais à mon carnet je

    me demandais comment allait se déroulerl’entretien. Mon contact avait finalement accepté

    que je l’interroge pour mon projet et m’avait doncinvité à boire un verre chez lui. Daniel, c’est ainsi

    qu’il souhait e que je l’appelle, fait des étudesd’architecture et est passionné par l’art. Je l’avaisrencontré pour la première fois lorsque nousétions au collège. Par la force des choses nousnous étions perdu de vue, et au cours des cinqdernières années nous avions du nous voir unepaire de fois seulement. C’était lors d’un diner,quelques semaines auparavant, qu’il m’avait faitpart de sa passion pour le graff , et c’est ainsi

    qu’aujourd’hui je me trouvais à l’interroger àpropos de cette occupation. Arrivé en bas de chezlui, muni de mon petit carnet noir, le stylo dans lapoche de mon jean, je me sentais légèrement malà l’aise . Tout cela ne faisait pas très naturel.

    L’accueil fut chaleureux, Daniel vit en collocationavec Ed un ami d’enfance, dans un deux pi èce.Très vite nous nous sommes assis dans la cuisine.Après une bière et une conversation br ève j’aidécidé d’amener le sujet sur la table. Dans le cadrede mes études je faisais un projet d’écriture, j’avais

    décidé de le faire sur le Street-Art, et je voulais unevision interne, plus intime. Il m’a regardé avec u npetit sourire « Tu vas écrire un article sur moi ? »,un petit rire gêné précéda mon « plus ou moins ».Son sourire s’effaça, « mais tu ne vas pas lepublier ? », « non, pas vraiment » ces paroles lerassurèrent. Il avait devant lui un grand carnet surlequel il dessinait continuellement.

    Il est extrêmement délicat de poser des questionssur un sujet que l’on connait mal, mais c’était là

    tout l’objet de cett e visite. De quoi parlions-nous

    exactement, du « Street -Art » ? Ce terme avait lafâcheuse caractéristique de tout regrouper, sansdistinction. Non, Daniel ne faisait pas de Street Art,sa passion c’était le graff , et cette distinction n’estpas qu’une affaire d’appellation .

    Il faut entendre ici que plusieurs chronologiess’entremêle nt . A l’heure ou j’écris cette page, jene suis pas le même que lors de cet entretien :presque deux mois se sont écoulés. Ainsi, vous

    lecteur, lisez le compte rendu de cette entrevueaprès un chapitre d’introduction qui, je l’ espère,vous a fait observer les subtilités du rapport entreStreet-Art et graffiti. Cependant ce chapitred’introduction est né de cette discussion, véritablepoint de départ de ma réflexion. Cet entretien m’apermis d’entrevoir qui sont les graffeurs, quellessont leurs motivations, quelles sont leursexigences, et comment ils perçoivent le rapportentre le communément appelé « Street Art » etleur discipline.

    Me voilà donc, assis en face de mon interlocuteur,armé de mon stylo, prêt à prendre en note lesmoindres détails de cette conversation.

    1. Présentation de moninterlocuteur

    « Mon parcours à Paris m’a faittendre vers le graffiti pur »

    Avant Daniel résidait à Lond res, c’est là bas qu’ils’essaya pour la première fois à peindre dans lesrues. Il vise un certain esthétisme, tente différentstyles allant du pinceau au pochoir. Il revient àParis en 2012.

    « Mon parcours à P aris m’a fait tendre vers legraffiti pur. Et de plus en plus illégal du coup. Cette

    Seum : de l’arabe sèmm (« venin »). Exprime la frustration, le dégoût.kiffer : de l’arabe kyf(« haschisch »). Exprime le fait d’apprécier marave : emprunter au mot romani « marav » (« frapper »)

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    transition a du durer six mois et là après on est

    parti avec Michel à Berlin et on a tout marave*.

    Depuis Berlin on peint toujours comme ça tu vois.

    Parfois on va faire des fresques légales parce que là

    on peut prendre notre temps et faire des beaux

    graphes. Mais en général on est bourré en fin desoirée et bim. On a de la peinture parce que

    finalement on a toujours de la peinture. Quand tu

    vas en soirée t’amènes des bombes parce que tu

    sais qu’après ça sera le moment bien pour peindre.

    Moi personnellement je préfère peindre la nuit.

    Même si il y’a des gens qui préfère peindre le jour ,

    moi je préfère peindre la nuit parce que je n’ aime

    pas quand les gens te regardent dans la rue quand

    tu peins. Ca me fait chier, c’est même pas la peur

    qu’ils préviennent les keufs, c’est vraiment les gens

    qui viennent qui te disent « tu fais quoi là, t’as pas

    le droit » limite qui commencent à venir

    t’embrouiller. Mais bon aussi je comprend s qu’il s le

    fassent, mais bon voilà, je préfère peindre la nuit.

    Mais tous ça c’est ré cent, au départ avec Michel on

    peignait la journée sur des spots légaux.

    2. L’illicite, une composante

    essentielle du graffiti.

    « Maintenant plus jamais jepeins dans un truc légal, jetrouve que c’est gâcher sapeinture »

    Y’a-t-il des spots légaux sur Paris ?

    Ouai dans Paris y’a des Spots, je ne sais même pas

    si c’est légal, mais ça se fait tellement qu’au moins

    c’est rentré dans les mœurs et tous les graffeurs les

    connaissent. P ar exemple t’as le s katepark de

    Bercy. Après moi je n’y vais plus souvent parce que

    je n’aime pas ça, maintenant je n’ y vais même plus

    du tout. Maintenant plus jamais je peins dans un

    truc légal , je trouve que c’est gâcher sa peinture.

    Tu peux peindre et littéralement une seconde après

    y’a un mec qui le repasse quoi. Fin ça marche

    comme ça c’est normal, mais bon je trouve ça condu coup.

    J’ai l’impression que quand tu peins, ça résulte

    plus d’un e pulsion, d’une envie de créer, est ce

    que des fois tu veux délivrer un message aux

    gens ?

    Nan ça je m’en branle, Franchement c’est un truc

    trop perso le graff. Fin moi je m’en fou de faire

    kiffer les gens. En plus tu sais que tu ne les fais pas

    kiffer. Apres ce n’est pas pour autant qu’envers moi

    je n’ai pas des exigences de beauté car ça va me

    foutre le seum* de lâcher quelque chose de

    dégueulasse. Moi c’est l’envie de peindre qui

    domine même si aprè s avec le temps t’as aussi

    l’envie d’ être celui qui sera les plus « partout ». Que

    les gens connaissent ton nom sans te connaitre. Tu

    vois moi je déteste parler de graffiti avec des gens

    que je ne connais pas. Tu vois par exemple si jerencontre un graffeur en soirée je ne vais pas lui

    dire que je peins. Tu sais, y’a plein de graffeurs qui

    parlent quand tu vas aux soirées, bon parce que

    maintenant je vais dans des soirées où t’as

    quasiment que des graffeurs. C’est un petit monde.

    Mais ouais il y’a plein de graffeurs qui parlent pour

    se faire connaitre. Moi j’aime ne pas trop rentrer

    dans ce genre de conversation. »

    Ed nous interrompt, « les gars vous voulez des

    pâtes ? » offre trop alléchante pour être refusée.Daniel marqua une pose. Il prenait goût à cetteconversation .

    « Nan moi ce que je kiffe* dans le graff, et je pense

    que c’est ça qui me fait peindre, c’est ce que j’aime

    depuis le début, c’est le moment où t’attaque s le

    mur, le moment même ou t’appuies sur le spray et

    tu vois ta peinture qui part de ta capsule et qui va

    s’accrocher sur une su r face. Et ça c’est incroyable.

    Je pense que c’est le moment le plus magique

    quand tu peins. Ce moment là combiné avec le

    geste, c’est vraiment ce qu’il y’a de plus cool.

    Michel te dira pareil je pense. Et quand tu vois un

    graff après t’essaies d’imaginer l e geste que le mec

    a fait. C’est un peu comme de la calligraphie

    chinoise, le rendu c’est cool, mais ce qui reste le plus beau c’est quand tu vois le mec respirer et

    faire son geste.

    Penses-tu du coup que cela explique pourquoi les

    vidéos sont un fort média pour les graffeurs ?

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    Exactement, c’est pour ces raisons que les vidéos

    sont attrayantes. Autrement la vidéo tu te la fais

    toi-même en te baladant dans paris, tu lis les graffs

    et tu t’imagines le geste. Le plus des vidéos c’est

    que tu vois le mec en action et ça te donne trop

    envie de peindre. Moi quand je regarde une vidéoaprès j’ai trop envie de peindre.

    3. Le graff, un mode de vie.

    « Moi je kiffe trop peindre. Toutle temps, c’est un peu la maladiede la tremblote. »

    J ’aimerais mieux comprendre l’org anisation. Si je

    te suis bien, vo us ne planifiez pas d’excursion,

    vous partez juste en soirée avec l’idée qu’elle se

    terminera par une séance de graff.

    Ouais … enfin ça dépend . J’ai toujours sur moi de la peinture, ou au moins un marqueur, car je ne vais

    pas te mentir, la peinture c’est parfois encombrant.Ce n’est pas que j’ai constamment envie, mais c’est

    au cas où. Tout graffeur essaye de toujours avoir

    un peu de peinture su r lui… Et puis après commen t

    ça s’organise, bah ça dépend . En général t’as ta

    clique (ton équipe de graffeurs) et quelqu’un

    s’ennuie et envoie un message « qui est chaud pour

    peindre ?». Si tu fais ça la journée alors souvent ça

    se termine en fin d’après -midi et ça s’enchaîne sur

    une soirée. Souvent ce qui se passe c’est qu’après

    on ressort peindre en mode gros vandale.

    Après ce qui se passe c’est que, étant donné que jesuis en école et que je traîne un peu moins avec ma

    cl ique, je me suis fait d’autres potes dans mon

    école avec lesquels je peins. Comme ça je me suis

    fait des acolytes avec lesquels je peux peindre

    directement tu vois.

    Comment fais-tu pour voir si une autre personne

    graff ?

    Moi je ne demande pas si un mec graff, mais ça se

    voit. Ca se voit direct. Tout les graffeurs s’habillent pareil. Ca se reconnait de ouf. En général si tu vois

    un mec avec des baskets nike, un jean levis, une

    grosse parka, avec souvent des tâches de peinture,

    qui tient un vieux sac plastique fnac un peu ballant,

    tu peux être sûr que c’est un graffeur. Après

    souvent ils mettent des casquettes et des bobs,

    mais bon, tout le monde en met maintenant, maistu vois là un peu le regain de la culture hip-hop.

    Mais ouais, ils fument souvent des phillip morris,

    ont les doigts peinturlurés les baskets tâchées.

    Même moi… »

    Je prends le temps d’observer m on interlocuteur et je remarque des tâches blanches de peintures aubas de son sweatshirt. Ses baskets nike sontpartiellement recouvertes de tâches de peintures.Ed s’allume une cigarette. Je décide de faire de

    même. J’aime la tournure que prennent lesévénements, la conversation devient plusnaturelle. Je m’adresse désormais à un passionnéqui prend du plaisir à m’expliquer ce qui rend son

    centre d’ intérêt si fabuleux.

    « Ouai donc ce que je te disais, dans mon école je

    me suis fait des potes et je les ai un peu mis au

    graff. Maintenant je suis avec eux toute la journée

    donc on finit par peindre. Moi je kiffe trop peindre.

    Tout le temps, c’est un peu la maladie de la

    tremblote. D ès que t’as un stylo tu le choppe s et tu fais un truc, même si c’est de la merde.

    Continuellement tu gribouilles et donc finalement

    tu te retrouves toujours avec cette envie de

    peindre. Donc quand on est en cours avec les potes

    on se regarde et on se dit « ouais ce soir grosse

    bière et on va tout niquer ».

    Donc si j’ai bien compris la ville se transforme en

    cahier sur lequel tu gribouille ? Ou y’a -t-il une

    démarche moins spontanée ?

    Ca dépend. Moi en ce moment je sui vachement à

    choisir mes spots, car je suis rentré un peu plus

    dans une dynamique de « vandale » où tu veux

    trouver des bonnes places, un spot qui va se voir et

    qui pèse un peu plus. Et donc du coup en ce

    moment, en me baladant dans Paris je repère des

    Spots, je les note, Un soir après les cours je vais dire

    à ***** « vient t’es chaud ce soir on va taper ce

    spot » et puis on part en caisse. On y va, on tape,

    on repart en vadrouille avec la caisse et on va dans

    un autre spot. Voilà enfaite on a une liste un peu

    infinie et dès qu’on est ensemble et qu’on veut

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    peindre, on se balade en caisse et on va dans ces

    spots.

    Quels sont tes endroits préférés, les spots sur

    lesquels tu préfères peindre ?

    Moi ce que je kiffe ce sont les beaux murs. Un mur

    qui déjà est vierge sans graffitis dessus, et ce que je

    kiffe par- dessus tout, c’est une belle texture genre

    un beau béton. Typiquement le truc cool, c’est

    quand t’as un terrain vague, avec un bâtiment qui

    est en train d’être déconstruit, là t’as souvent des

    putains de textures , t’as le béton, à côté t’as le

    reste du papier peint, ça te donne un patchwork de

    couleurs le long de la façade, et du coup ce mur est

    juste trop beau, et là tu lâches ton graff hyper-

    simple et ça pète. Après tu fais une pure photo et

    c’ est trop cool. Après ce ne sont pas les pots qui

    pèsent le plus mais se sont le plus beaux où tu

    peux faire une putain de composition.

    4. Une pratique risquée

    « Je me suis déjà fait arrêterdeux fois. »

    Donc si j’ai bien compris tu distingues deuxchoses, le support sur lequel tu vas peindre et le

    spot que tu choisis pour te faire remarquer le plus.

    Ouais c’est ça, au -delà d u support, t’as un spot qui

    peut être kiffant parce que tu prends un grosrisque. T’as l’adrénaline, mais le support n’est pas

    ouf. Par exemple quand tu vas taper un périph

    (peindre sur les murs qui bordent le boulevard

    périphérique de Paris) le mur il n’ est pas forcément

    beau, il n’est pas forcément cool, mais c’est

    incroyable parce que t’as pris un putain de risque.

    C’est un peu pareil quand tu graff es en pleine rue,

    genre sur un store ou un rideau de fer. Le rideau de

    fer c’est un support de base. Les c amions aussi,

    même si ce n’est pas vierge, c’est incroyable, aprèsils se baladent dans la ville. En plus c’est lisse, c’est

    simple à peindre. Après ce qui est ouf aussi c’est les

    élévations. C’est quand t’as un toit qui donne accès

    à un pignon d’une autre maison. Ca c’est ouf mais

    je n’aime pas trop, car ça fait trop peur, c’est trop

    dangereux. Pour en avoir fait quelques un je peux

    te dire que le spot est ouf, mais t’y prends pas trop

    de plaisir ca ça fait trop peur. T’as trop peur detomber dans le vide. Finalement on ne se rend pas

    compte mais les toits de Paris peuvent être pentus.

    Quand vous partez graffer, vous partez à

    combien ? Ça t’arrive de graffer seul ?

    Nan, rarement, je graff rarement seul. Parfois je

    suis dans un groupe où je suis seul à peindre et je

    peins. Mais s i je suis tout seul nan. Ca m’est déjà

    arrivé, à Lisbonne notamment, mais sinon c’est très

    rare. Je préfère être avec des gens. En général je préfère être avec une ou deux personnes. Après

    quand c’est plus ça me casse les couilles parce que

    les mecs ils parlent trop fort. C’est tou jours le

    concours de couilles (concours pour savoir qui est le

    plus courageux). Etre nombreux avec sa clique c’est

    cool pour boire des bières et discuter mais quand il

    f aut peindre c’est galère d’être à 10.

    T’as déjà eu des soucis avec la police ?

    Ouais, je me suis déjà fait arrêter deux fois. A Paris

    deux fois et à Londres une fois. Mais il n’y a jamais

    eut de suite. Parce qu’ils ne m’ont jamais pris en

    train de poser mon tag. Ils ne savent pas mettre un

    nom sur mon tag. Aujourd’hui ils ne savent pas que

    Daniel c’est JUICE, où que Daniel c’est TSHO.

    Attend, j’ai besoin que tu m’expliques, que

    signifient TSHO et JUICE?

    Moi j’ ai un blaz (comprendre pseudonyme) c’est

    JUICE, et je fais partie d’une équipe de graffeur , et

    cette équipe c’est les TSHO.

    Et cette équipe c’est une équipe de potes ?

    Enfaite quand j’ai commencé avec Michel, on a

    créé un crew qui s’appel ait HO et qui était composéde M ichel, deux de ces potes d’enfance et moi. Etaprès un de ses potes qui est parti faire des études

    d’art déco, a rencon tré un gars qui faisait partie

    d’un autre crew TS. Et du coup tout le monde s’est

    présenté et s ’est bien entendu, donc on a fusionné

    les deux crews. Maintenant on est tous devenu

    potes.

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    Et vous êtes combien ?

    Là on doit être 15. Mais y’en a qui sont plus actifsque d’autres. Là depuis un an où deux, je ne fais

    pas une sortie sans croiser un « TSHO » quelque

    part . T’en vois partout, surtout dans le nord de

    Paris. On commence à être connu dans le milieu.

    Les gens connaissent TSHO.

    Qui est le plus « ouf » dans ta clique ?

    Y’a pas de plus « ouf » dans ma clique, après je sais

    que y’en a qui peignent mieux que d’autres. Je

    pense que celui de notre groupe qui est le plusconnu c’est ECHEC. Michel il est connu aussi. Mais

    Michel c’est bizarre parce qu’il a moins posé. Mais

    il est connu parce qu’il parle beaucoup de graffiti, il

    a rencontré plein d’ anciens. Il est rentré dans des

    crews avec des anciens.

    Peux-tu appartenir à plusieurs crews ?

    Ba ouais, Michel par exemple, quand il rencontre

    d’autres graffeu rs en soirée il va dire son blaz, son

    crew, il va montrer des photos, il va faire sa publicité. Il va rencontrer des gens, ils vont devenir

    potes, il va leur demander d’aller peindre ensemble

    et voilà. Après ECHEC c’est différent : il a beaucoup

    peint et il peint très bien et c’est pour ça qu’il est

    connu. Moi si tu veux j’estime que je peins assez

    bien mais je ne suis pas toujours aussi motivé que

    les autres pour aller poser. Y’a des fois où je suisgrave déterminé et je vais poser 3 graffs en une

    nuit, et d’autres fois où je suis pris par les cours et

    donc je peux passer deux semaines sans peindre

    parce que je suis en train de taffer. J’en connais qui peignent tous les jours.

    Est-ce un milieu qui est majoritairement

    masculin ?

    Ouais, très clairement. Et aussi ce qui est

    surprenant c’est que j’ai rencontré très peu de

    graffeurs noirs, à P aris en tout cas. Et ça c’est

    bizarre , j’en connais qu’un seul. Alors que je pense

    que dans la génération de ceux qui graffaient dans

    les années 90, y ’avait beaucoup plus de noirs.

    5. La relation entre le graffiti etle Street Art

    « Le graffiti c’est le graffiti et çaa ses codes »

    Je connais très peu de choses sur le graff, dirais-tu

    que le graffiti est inclus dans le Street Art ?

    Dans le jargon ouais. Le truc c ’est que quand les

    gens disent Street Art ils pensent aux pochoirs deBanksy. Alors dans ce cas là tu vois, moi tu me mets

    pas le graffiti dans le même paquet que les

    pochoirs de Banksy. Ce n’est pas ça. Après si tu

    prends rigoureusement la définition du Street Art,

    c’est de l’art dans la rue, donc théoriquement le

    graffiti c’est une forme d e Street Art. Mais je

    préfère faire la distinction, faisons la distinction.

    Disons ça c’est du graffiti et ça c’est autre chose, du

    pochoir, du pinceau, fin ce que tu veux. Le graffiti

    c’est le graffiti et ça a ses codes, après y’en plein

    qui essayent de déroger à ses codes, mais je trouve

    ça bien de les avoir appris. C’est normal, d’abord

    t’apprends ton alphabet et après tu passes à la

    suite. D’abord tu ap prends à bien faire tes

    contours, puis tu poses ta 3D. Une fois que tu

    maîtrises bien la base alors tu peux déconstruire le

    style et faire quelque chose de plus abstrait. Après

    moi j’aime les choses avec une belle composition.

    Tu vois **** , c’est moi qui l’ai mis au graff, et je lui

    ai donné quelques conseils. Je sais qu’il a un talent

    graphique et qu’il a beaucoup d’imagination, maisquand tu passes sur mur ça n’a plus rien à voir.

    Manier une bombe c’est pas comme faire un dessinavec un stylo. Les gens ne se rendent pas compte

    de ça, mais t’as un moment d’adaptation. T’as

    aussi la différence d’échelle, quand tu peins sur un

    papier, où quand tu dois investir un mur et bien

    c’est totalement différent. Il faut apprendre à faireune composition qui soit équilibrée dans ce mur,

    pour bien gérer ton espace. Y’en a plein qui ne

    savent pas encore le faire. Mais des trucs tout cons,

    du genre faire en sorte que ton graff ne soit pas

    penché. Savoir occuper l’espace à ta disposition.

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    C’est un des critères sur lequel je juge un graffeur.

    Un mec qui te fais un truc qui part dans tout les

    sens avec des machins qui tombent et qui en plus

    ne prend qu’une partie du mur là je vais lui dire

    « mec c’est pas bien, t’es pas sur un bout de papier

    là, t’es à l’échelle d’une peintu re dans une ville et tunous a fait un petit caca tout tordu là-haut là,

    occupe ton espace, fait un truc droit et pose ta 3D

    et là c’est bon t’es un graffeur !! ». Après c’est vrai

    y’a des gens qui savent faire ça, qui passent à un

    autre niveau et qui vont tout niquer et faire des

    tags hyper- étrange, mais là ça se sent qu’ils ont du

    vécu.

    6. L’impact de cet art sur lesmilieux urbains

    « Le graff ça donne de l’énergiedans une ville »

    Pour toi une belle ville serait elle une ville avec

    beaucoup de graffs ?

    Je ne sais pas trop, Paris c ’ est une belle ville.

    Maintenan t que j’ai vécu à Paris, Londres j’ai plusenvie d’y retourner, c’est trop anesthésié, y’a pas

    assez d’énergie tu vois. Le graff ça donne de

    l’ énergie dans une ville. Après il ne faut pas qu’il

    y’en ait partout, puis de toute manière c’est

    impossible qu’il y’en ait partout. On peu pas dire

    qu’une belle ville c’est une ville avec des graffitis

    partout, mais une belle v ille c’est une ville avec de

    l’énergie, c'est -à-dire une ville avec des tags, des

    stores défoncés, des camions défoncés, avec un

    coiffeur qui a payé un mec pour qu’il lui fasse une

    belle fresque. Mais attention, une belle ville ce

    n’est pas que des belles fresques sur un mur tu vois.

    Sinon y’a plus d’énergie, y’a plus de spontanéité. Tu

    vois Paris c’est bien, c’est un peu entre les deux,

    C’est un peu défoncé, mais t’as aussi d u Street Art

    plus réglementaire, ce genre de choses tu vois. Moi

    maintenant je sais que je peu plus vivre dans une

    ville où je peux plus faire de graffitis, c’est trop de

    restrictions. A Londres j’oserais plus déposer mon

    tag car ce n’est pas dans les mœurs, à Londres y’a

    que à Bricklane que y’a des Tags, partout ailleurst’as rien.

    Toi tu tapes dans tous les quartiers de Paris ?

    Partout où je vais, ouais . Y’a des quar tiers ou je ne

    pose pas parce que j’y vais jamais. De toute façon

    y’a pas de restrictions à avoir. Moi je sui s même

    plus présent en banlieue, en banlieue proche. C’est

    là que tu as les meilleurs murs. Moins facilement

    visibles donc plus cool pour peindre . T’as plus de

    murs vierges aussi. A Ivry, à Saint-D enis, t’as trois

    figures 2 à 4 : photos prises par

    Daniel de ses graffs. Année inconnue

    (2012-2015).

    Joey Starr est connu en tant que rappeur dans le groupe NTM. Ce groupe regroupait originellement desrappeurs, des danseurs et des graffeurs (dont Joey Starr faisait partie).

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    fois plus de lieu pour peindre, t’as plus d’endroits

    désaffectés.

    Les milieux de graffeurs regroupent il

    majoritairement des personnes qui font des

    études d’art ?

    Ouais . Après t’as de tous les profils, mais dans le

    milieu que je côtoie , y’a pas mal de gens qui

    viennen t d’écoles d’art, mais t’as aussi pas mal de

    profils différents. Puis moi je te parle des gens de

    mon âge. Dans les années 80-9 0, les gens c’était

    des galériens. C’était des mec s comme Joey Starr*

    à l’ ancienne . C’est la vision d’avant. C’est un peu le

    truc qui fait fantasmer, qui donne envie, mais après

    nous on ne vient pas du tout du même milieu. Ce

    n’est pas la même expérience de la banlieue, c’est

    plus la même énergie tu vois. Je n’arrive pas à

    imaginer pourquoi ils faisaient ça eux, ça devait

    être des raisons totalement différentes des nôtres.

    Mais on rejoint la même mouvance, le truc qu’on a

    en commun c’est qu’on a tous envie de faire des

    tags, ça nous fait tous autant rêver, autant kiffer.

    Si ça se trouve eux c’était surement plus politisé,une manière d’exister socialement, ils disent

    souvent ça. Après moi ce n’est pas du tout cette perspective. C’est juste que c’est ma passion,

    quand je peins dans la rue c’est le moment où je

    me sens le mieux, le plus heureux. Y’a des gens ce

    qui les rend heureux c’es t de fumer un gros pétard,

    moi me prendre un gros pétard je ne kiffe pas, donc

    je sors je me prends une petite 16, et je parts

    peindre avec mes potes. »

    Daniel marque une pose et va ouvrir la fenêtre

    « Putain ça m’a donné chaud de parler » ajoute-t-il.

    La conversation s’est poursuivie encore une heure,

    mais elle n’était plus à propos du Street A rt. Au

    moment où je m’apprêtais à quitter les lieux, Ed meregarda avec un léger sourire. Il avait enregistré

    toute la discussion, ce qui faciliterait grandement

    mon travail. Sur le trajet du retour je ne pouvais

    m’empêcher de repenser à cette conversation. Le

    graffiti c’est la quête d’adrénaline, l’appropriation

    d’espaces publics, mais c’est également l e respect

    de codes, la volonté d’une véritable création

    artistique. Le graffiti est La combinaison parfaite

    pour assouvir les pulsions les plus primitives et les

    plus élaborée s de l’homme.

    C’est sans surprise que sur le chemin du retour

    j’observe quelques TSHO sur des rideaux de fers et

    sur des camions. J’ai soudain l’impression de mieux

    connaître ma ville.

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    Chapitre 3.Conclusions du projet

    Malheureusement je n’ai pas pu pousser

    l’expérience aussi loin que je l’aurais voulu. J’ai pu

    en effet rencontrer certains membres de l’équipe

    de Daniel lors d’une soirée. Je n’ai pas

    particulièrement tissé de lien, et je n’ai rien appris

    de plus que lors de l’entretien précédent. Ce fut

    l’occasion de confirmer ce qui m’avait été confié

    par mon contact. Le Graffiti est plus qu’une forme

    d’art, c’est un mode de vie et fait parti d’un tout :une manière de s’habiller, un certain attrait pour la

    culture hip hop, mais surtout un hédonismemarqué. Lors de mon projet, je souhaitais

    accompagner des graffeurs en excursion. Je n’aimalheureusement pas pu vivre une telleexpérience (du moins pas avant le rendu de ceprojet).

    1. Peut-on adhérer à la visionde C215 ?

    Pour expliquer la complexité du lien qui existeentre « Street Art » et Graffiti, le premier chapitrea exposé la vision de l’artiste C215. Ce dernier

    expliquait notamment que l’hypermédiatisation

    avait encouragé de nombreuses personnes àvouloir s’improviser artiste en détournant les

    codes du Graffiti. Les graffeurs avec lesquels j’aipu parler font, pour la plupart, des études d’art.

    Cependant, cela ne les empêche pas de faire la

    part des choses, et de considérer le graffiti commeune pratique à part, dont il faut s’efforcer de

    préserver les codes. Aussi l’hypermédia tisation,que garantissent notamment les réseaux sociaux,permet aux membres de ce cercle fermé des’inspirer mutuellement et de gagner la

    reconnaissance des pairs.Une autre chose que j’ai pu remarquer, et qui conforte la vision de l’artiste C215, est qu’ ungraffeur cherche la reconnaissance de sessemblables, contrairement à un artiste qui chercheà toucher un public large. « Tu sais très bien que

    tu ne les (les passants) fais pas kiffer », m’avait ditDaniel. Je trouve que cette phrase résume bienl’état d’esprit. L’importance de l’illégal dans le graffiti était

    soulignée dans l’article, et je l’ai retrouvé dans tous

    les échanges que j’ai pu avoir. L’illégal est unélément central sur lequel repose le graffiti.

    C215 décrit une nouvelle génération d’arti stes quiexploite la culture urbaine pour ses projetsartistiques mais en perd les fondements.Personnellement je suis rentré en contact avec unegénération d’artistes qui s’efforce de revenir aux

    fondements du Graff. Ces graffeurs font en sorteque leur discipline conserve un lien étroit avec uneforme de vandalisme (« on a tout marave », « on a

    tout niqué »). Ce lien n’est que brièvementmentionné par C215 , il est pourtant source dequestions profondes. Commençons par définir leterme « vandalisme : Comportement de celui quidétruit ou endommage gravement et gratuitementdes œuvres d'art, des objets de valeur, des édifices

    publics, etc »,( dictionnaire Larousse). Pourquoipeut-on parler de dégradations ? Les graffeurs ontconscience qu’à travers leurs actes, ils altèrent.

    Même si leur œuvre répond à leurs critères, elle

    est connotée et elle dérange. Plus étrange encore,cela est conscient et voulu. Le graffeur parfoisnéglige l’aspect esthétique au détriment d’un spot risqué, visible de tous. Pour autant peut-on parlerde vandalisme pur ? Mon expérience me faitpenser que cette question n’a pas de réponse

    simple. Je me sens comme Bill Bufford à la fin deson écrit sur les Hooligans « Among the Thugs »,quand ce dernier ne comprend pas les causes duhooliganisme. Les graffeurs d’aujourd’hui, sans

    raisons profondément sociales où politiques,

    altèrent des biens publics ou privés, avec leurscréations qu’ils savent peu appréciées. Cela ne les

    empêche nullement d’avoir de sé vères critèresd’exigences esthétique envers eux même.

    Ils ne cherchent pas à émouvoir les passants, auxmieux ils recherchent la reconnaissance de leurspairs, mais le plus souvent ils souhaitentsimplement se défouler sur un mur. Le seul motd’ordre est de respecter un certain code del’esthétisme, un certain style. Certes on ne

    retrouve plus les motivations de révoltes socialesfortement présentes à la naissance du graff, mais

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    l’amour pour cette culture urbaine est toujours

    présent et donne de la légitimité aux travaux decette nouvelle génération de graffeurs , qui incarneles vestiges du commencement du Street Art.

    2. Apport personnel.

    A travers ce projet j’ai fait certaines recherches qui

    m’ont permis de découvrir une palette d’artistes

    que je trouve très talentueux ainsi que des œuvresqui démocratisent l’art et qui enfin le fait sortir des

    institutions conventionnelles que je trouvefermées. Ce projet m’a surtout permis de découvrir

    un sujet que je méconnaissais . J’ai pu combinerune vision interne et intime, avec une autre vision,plus journalistique. Enfin cet écrit m’a permis derepenser l’esthétisme d’une ville. « Le graff ça donne de l’énergie à une ville ». Il estvrai que nombre de nos murs gris sont nettementplus jolis couverts de symboles, de pseudonyme,

    aux couleurs pétillantes et à la calligraphiesurprenante. J’ai eu la chance de pouvoir visiter

    Milan pendant la rédaction. Une ville merveilleuse,et je suis content de l’avoir visité après mon

    entrevue avec Daniel. Car j’ai alors été frappé par

    l’énergie de cette ville et j’ai pu mieux comprendre

    l’entretien passé.

    Le Street Art c’est avant tout la volonté de démocratiser l’accès à une œuvre. C’est aussi

    l’envie de jouer avec un support qui offre des

    possibilités multiples : le milieu Urbain. Le graffitic’est le point de départ de cette mouvance. Il n’ya

    pas de distinction nette et catégorique entre ungraffeur et un autre type de street artiste, ni entreun street artiste et un autre type d’artiste .Il n’y’a

    que des mouvances, des tendances, desmotivations et surtout, de notre côté une volontéde toujours vouloir ranger dans des cases.

    Figure 5 : photo d’une rue milanaiserecouverte de graffiti et de fresques.