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LIVRE PARIS 2018 - GRATUIT GASTON INVITÉ D’HONNEUR À LIVRE PARIS 2018 OBLIVION SONG / L’AIGLE DES MERS / EXPO PRATT À LYON / TYLER CROSS / JONAS FINK...

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LIVRE PARIS 2018

OBLIVION SONG / L’AIGLE DES MERS / EXPO PRATTÀ LYON / TYLER CROSS / JONAS FINK...

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Zoo est édité parArcadia Media45 rue Saint-Denis75001 Paris

Envoyez vos contributions à :[email protected]

Directeur de la publication& rédacteur en chef :Olivier Thierry

Rédacteur en chef adjoint :Olivier Pisella, [email protected]

Conseillers artistiques :Kamil Plejwaltzsky, Howard LeDucRédaction de ce numéro :Olivier Pisella, Olivier Thierry, JulienFoussereau, Thierry Lemaire, Jean-PhilippeRenoux, Michel Dartay, Yaneck Chareyre,Cecil McKinley, Hélène Beney, KamilPlejwaltzsky, Vladimir Lecointre, Jean-LaurentTruc, Alex Métais, Julie Bordenave, VincentFacélina, Jérôme Briot, Gersende Bollut,Louisa Amara, John Molodoy, DidierPasamonik, Boris Henry, Yves FrémionPublicité :• [email protected], 06 08 75 34 23• Geneviève Mechali,[email protected] :© Dupuis 2018Abonnements et administratif :[email protected]

Collaborateurs : Yannick Bonnant et Audrey Retou

Dépôt légal à parution.Imprimé en Italie par TIBER S.P.A.

Les documents reçus ne pourront être retournés.Tous droits de reproduction réservés.

www.zoolemag.com

Un petit dernier pour la route(comprendront ceux qui ont lulÊédito du numéro précédent).

Avec plus de 5000 sorties BD, mangas,comics par an, comment sÊy retrouver ?Qui peut se targuer dÊavoir tout lu ? (Sicette personne existe, on la plaint.) Quelire ? QuÊacheter ? Bien sûr, les réseauxsociaux, recommandations dÊamis, peu-vent aiguiller. Les conseils du libraireaussi (lequel nÊaura bien sûr pas tout lunon plus). ¤ la rédaction de Zoo, personnenÊa tout lu, mais collectivement, nouslisons une sacrée bonne partie de la pro-duction, nous recoupons nos impressions,et nous sortons de nos conférences derédaction avec une certaine idée de cequÊil nous semble intéressant de lire (oude ne surtout pas lire). CÊest ce que nousvous faisons partager dans chaquenuméro. CÊest la collection, lÊaddition, laconfrontation de nos points de vue quifait notre force. Zoo vous a guidé pendantces dix dernières années, sans compro-mission. En espérant que cela vous aapporté. ¤ une prochaine.

� Zoommaire �

Livre Paris 2018

OLIVIER THIERRY

Retrouvez quelques planches de certainsalbums cités par Zoo à lÊadressewww.zoolemag.com/preview/Le logo ci-contre indique ceux dont lesplanches figurent sur le site.

Prochain numéro de Zoo : première semaine de mai 2018

Le logo ÿ coup de cflur Zoo Ÿ distingue lesalbums, films ou jeux vidéo que certainsde nos rédacteurs ont beaucoup appréciés.

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BLACK TORCH : PAGE 42

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06 - GASTON

CINÉ & DVD48 - LÊ˝LE AUX CHIENS : no country for old dogs49 - MY FRIEND DAHMER : genèse du cannibale

JEUX VIDÉO50 - MONSTER HUNTER WORLD : la chasse est ouverte

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ACTU BD14 - JONAS FINK au bout de son destin16 - TYLER CROSS : Miami Vice18 - BOTS : une mécanique bien huilée20 - ON S˚ME LA FOLIE : 30 ans, mode dÊemploi22 - CONTES ORDINAIRES DÊUNE SOCIÉTÉ RÉSIGNÉE23 - LE P˚RE TURC : de dictature éclairée en fondamentalisme24 - LE CfiUR DES AMAZONES, de Géraldine Bindi et Christian Rossi25 - LE CHEMIN DU COUCHANT : maudits métis !26 - Embedded avec LA CAVALERIE ROUGE27 - MAKAKA ÉDITIONS a 10 ans28 - LÊAIGLE DES MERS : faire corps avec lÊennemi

RUBRIQUES04 - AGENDA NEWS : Artémisia 2018, 48H BD, Young Romance...30 - ART & BD : Hugo Pratt à Lyon, LÊHeure des mirages32 - JEUNESSE : Les Mythics34 - REDÉCOUVERTE : Misty, Lovecraft36 - COMICS : LÊÉveil du maître du donjon, Ballistic...42 - MANGAS & ASIE : Black Torch, Scary Town, Kedamame...46 - LA RUBRIQUE EN TROP : les graveurs sur pierre du Mont Bégo47 - SEXE & BD : Inguinis, La Décharge mentale

LIVRE PARIS 201808 - TIMOTHÉ LE BOUCHER : lÊauteur dont tout le monde parle10 - OBLIVION SONG : le jour de la transférance12 - LÊATELIER DES SORCIERS : la mécanique des sorts13 - LÊENFANT ET LE MAUDIT : super nanny

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Écoutez la BDsur France Culture

Chaque vendredimatin, rendez-vousavec les auteurs quifont lÊactualité de labande dessinée aumicro de TewfikHakem.Podcastez lesdernières interviews :

Matt Kindt, auteur de BD, pour Du sangsur les mains - De lÊart subtil des crimesétranges, aux éditions MonsieurToussaint Louverture ; Herr Seele,auteur de BD, pour Cowboy Henk et legang des offreurs de chevaux aux éditionsFremok ; Benoît Guillaume, auteur deBD, pour La Sorcière aux éditions ActesSud BD.

Bananas no10Pour ce dixièmenuméro de la revueannuelle Bananas, lesthèmes abordés sontune nouvelle foistrès variés puisquÊilsconcernent entreautres la presse BDde la seconde moitié

du XXe siècle (dans un mini-dossier),Les Mange-bitume de Lob et Bielsa(1972), deux tables rondes du 6e SoBD(ÿ La légende de Futuropolis Ÿ etÿ La sexualité vue par des femmesdans la BD contemporaine Ÿ), uneanalyse graphique des Tours de Bois-Maury dÊHermann et la parodie dans laBD franco-belge. Des articles sur dessujets pointus ou plus ÿ grand public Ÿ,mais immanquablement intéressants.Une des lectures incontournableslorsquÊon se pique de réfléchir surla bande dessinée.Bananas no10, collectif, 116 p., 12 €

THIERRY LEMAIRE

(¤ Suivre) de A à ZRéédition dÊunouvrage publié en2004, le présentvolume est en réalitéentièrement revu,corrigé et augmenté.Évidemment, lecontenu traitetoujours de

lÊhistoire du magazine (¤ Suivre),qui se démarqua de ses concurrentsen portant bien haut la bannière duroman graphique de 1978 à 1997.Porté par les éditions Casterman,le mensuel révèle des auteursqui concourent à rendre la BDdéfinitivement adulte. Nicolas Finetprésente de manière chronologiquecette saga, en décortiquant lesdifférentes périodes du magazine.Accompagné par 24 entretiens desprincipaux intéressés, ce livre estpassionnant pour qui veut sereplonger dans ce périodiquecharnière pour la BD franco-belge.LÊAventure (¤ suivre), de NicolasFinet, PLG, 222 p., 15 €

THL

Tonnerre de bulles ! no16La revue bretonnedÊentretiens BD metcette fois-ci RubenPellejero et GuillaumeBouzard à lÊhonneur, etinnove en proposantun poster détachableen pages centrales.Pour les amateurs de

confessions et anecdotes dÊauteurs,Tonnerre de Bulles est toujours un régal.Tonnerre de bulles no16, collectif,Les Petits Sapristains, 64 p., 6,50 €

en bref A g e n d a N e w s

L'Association Artémisia fluvre pour la promotionde la bande dessinée faite par des femmes ; ellen'aime pas le terme BD ÿ girly Ÿ (synonyme de

réduction sexiste), les comportements machistes desauteurs et des éditeurs, et regrette que les femmes soientmoins payées que les hommes.

LÊédition 2018 des prix Artémisia a couronné les albumssuivants : Verdad (Ici Même) de Lorena Canottiereobtient le Grand Prix avec cette histoire de jeune femmeobstinée pendant la guerre d'Espagne, le Prix Humourrevient à Aude Picault pour sa chronique du quotidienIdéal Standard, chez Dargaud. Le Prix de la FictionHistorique est attribué à La Guerre de Catherine de JuliaBillet et Claire Fauvel chez Rue de Sèvres (la vie d'uneadolescente juive pendant la Seconde Guerre mondiale)et le Prix Avenir est décerné à Cécile Bidault pourL'Écorce des choses, paru chez Warum.

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IDÉAL STANDARD� ASSOCIATION ARTEMISIA

http://www.assoartemisia.fr/

JEAN-PHILIPPE RENOUX

� 48H BD, les 6 et 7 avril 2018http://www.48hbd.com

Apparu en 1947 aux États-Unis,Young Romance est un comic nova-teur de Jack Kirby et Joe Simon

(le duo créateur du personnage de CaptainAmerica) qui sÊest révélé à lÊorigine dÊungenre : les ÿ romance comics Ÿ.En 2003, à lÊinitiative dÊun passionné ayantrestauré une sélection dÊépisodes, lÊfluvredonne lieu à une édition confidentielle.Celle-ci, reprise par lÊéditeur Fantagraphic,sera publiée en deux volumes (2012 et2014).Pour faire revivre ce titre en langue fran-çaise, lÊéditeur Komics Initiative, qui sÊétaitdéjà fait remarquer lÊan dernier en publiantKirby and Me, a lancé une opération de

financement participatif sur la plateforme Ulule. Fin de lÊappel à participationle 30 mars.

Voici ce que dit lÊéditeur des bandes quÊil veut exhumer : ÿ Les femmes de la sériesont fortes, indépendantes, presque redoutables. Young Romance fait preuve de maturité et,surtout, de respect vis-à-vis de lÊintelligence de ses lecteurs. Kirby et Simon ont proposé deshistoires dÊamour, certes, mais des histoires humaines à des années-lumière des mièvreries aveclesquelles leurs concurrents ont noyé le marché (et compromis le genre par la même occasion). Ÿ

Cette édition de Komics Initiative aura plus dÊun mérite. Elle reprend lecontenu des deux volumes précités, soit 38 épisodes, augmentés dÊillustrationsinédites. De plus, la chronologie de parution originelle (entre 1947 à 1959)est rétablie. Le travail du ÿ king des comics Ÿ, Jack Kirby, sera désormais àportée dÊun public francophone plus large que celui acquis par les super-héros. Marc Duveau et Jean Depelley, érudits émérites en comics, apportentégalement leur contribution à cet ouvrage dont nous guetterons impatiemmentla sortie.

VINCENT FACÉLINA

48H BD,

� YOUNG ROMANCE

de Jack Kirby et Joe Simon, Komics Initiative, 416 p. couleurs, 50 €https://fr.ulule.com/young-romance/

Palmarès Artémisia 2018

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YOUNG ROMANCE

Les ÿ 48H BD Ÿ, équivalent fran-çais du ÿ Free Comic Book Day Ÿaméricain, rempilent pour la

sixième année.Les albums publiés pour lÊoccasion parles 11 éditeurs partenaires (Bamboo,Casterman, Dargaud, Delcourt, Dupuis,Glénat, Jungle, Kana, Kazé, Le Lom-bard, Pika) passent à deux euros au lieudÊun seul. Cette hausse de prix permetde ÿ multiplier les animations et dÊenrichir laprogrammation [...], de mieux rémunérer lÊen-semble des acteurs de la chaîne du livre impliquésdans cette manifestation Ÿ, ainsi que ÿ dÊallerencore plus loin dans [les] partenariats cari-tatifs Ÿ, comme le précise Moïse Kissous,initiateur et président de lÊassociationdes 48H BD.

Plus de 200 000albums seront àsaisir les 6 et 7avril prochains autarif toujours trèsabordable de deuxeuros, avec unchoix varié com-prenant des man-

gas, des fluvres jeunesse, de lÊaventure,de lÊhumour ou encore du fantastique.Rendez-vous en librairies !

DRSIXIÈME

LA RÉDACTION

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Ses 60 ans lui avaient valu en 2017 lÊhonneurdes cimaises du Centre Georges Pompidou.Un an plus tard, cÊest un film qui le met

dans lÊactualité, présenté en avant-première à LivreParis où une exposition et plusieurs événementssaluent le génial personnage dÊAndré Franquin. LÊannonce de lÊadaptation de Gaston Lagaffe aucinéma suscite autant dÊappréhension que de scepti-cisme. Après tout, la première tentative faite par PaulBoujenah en 1981, Fais gaffe à Lagaffe, avec RogerMirmont, Marie-Anne Chazel et Daniel Prévost aucasting, avait disparu – et cÊest tant mieux – auxoubliettes des nanars du cinéma français⁄ Cetteadaptation suivrait-elle le même chemin ? Les réseauxsociaux nous annonçaient le pire.

Il faut dire que cette critique drolatique et génialedu tertiaire des années 1960, à lÊunivers finalementassez peu creusé, bénéficiait de personnages forte-ment caractérisés (Prunelle, De Mesmaeker,MamÊselle Jeanne⁄), inoubliables à tout dire. Cetÿ humour de bureau Ÿ pouvait-il être adapté dansun monde aujourdÊhui complètement connecté ?Pierre-François Martin-Laval a sauté lÊobstacle en lefaisant vivre dans une start-up dÊInternet⁄ Pour le reste, il est dÊune fidélité exemplaire : ÿ Jecomprends la réaction des fans, nous explique-t-il, parceque, moi-même, lorsque jÊai été choisi pour faire le film, je nÊaipas sauté de joie car je savais que ce grand honneur comportaitneuf chances sur dix dÊêtre voué à lÊéchec. Je me suis donc dÊabordconcentré sur ce qui paraissait inadaptable et seulement là-dessus. Pour la fidélité, je nÊai aucun mérite car quand on adoreune fluvre, cela vient naturellement. Mais quand on adapte uneBD à lÊécran, on est hélas un peu obligé de la trahir⁄ Ÿ

UN ESPRIT PRÉSERVÉ

Dans les faits, certes, et encore, car le film reprendbon nombre dÊinventions du gaffeur, mais lÊespritest cependant préservé. DÊabord grâce à un castingtrès réussi : le jeune Théo Fernandez rappelle queGaston est en fait un grand adolescent, préfigurationde la ÿ génération Tanguy Ÿ à venir. Pierre-FrançoisMartin-Laval lÊa découvert dans lÊaccueil de sa mai-son de production UGC : ÿ La première fois que lÊon a

rencontré lÊacteur, cÊétait lors dÊun ren-dez-vous pour⁄ un autre casting !Il dormait à lÊaccueil et il avaitlaissé passer lÊheure⁄ Il incarnaitle rôle avant de lÊavoir ! ŸLe faire jouer ne sÊest pas faitsans mal, car le rôle était trèsphysique : ÿ Franquin expliquaittrès bien comment il dessinait la fameuseposture de Gaston, en forme de ÿ S Ÿ. JÊaipris plein dÊimages de Gaston et, avec Théo, je travaillais lecorps dans une salle de répétition, avec lui pour être solidaire,pour obtenir cette attitude en forme de ÿ S Ÿ. Cela a été trèsdur pour Théo qui ne possède pas trop de muscles, en tout casapparents. Il a donc beaucoup tremblé sur ses jambes les pre-mières semaines car cÊétait très physique, mais il fallait à toutprix quÊil soit ainsi, courbé. Ÿÿ 90 % de ma direction a été dans le choix des acteurs, pour-suit celui que lÂon surnomme Pef. JÊai passé des mois etdes mois à les choisir. Cela faisait bizarre pour la productionqui attendait que je me mette au travail. Ÿ

UN CONTRAT PASSÉ AVEC LE LECTEUR

Cette performance nous rappelle lÊimportance queFranquin accordait au jeu de ses personnages, à lajustesse et au réalisme de ses attitudes, même les pluscaricaturales. Il est presque plus important que lemécanisme de la fiction qui consiste à établir un

GASTON LAGAFFEGaston Lagaffe est l’invité d’honneur du salon Livre Paris cette année. La circonstance ? Un film qui sort sur le grand écran le 4 avrilprochain. En live ? Oui, sac à papier, en live !, sacré pari ! Dans la foulée, Dupuis nous propose une collection « remastérisée » dela collection complète de ses gaffes.

sous le sceau de la fidélité

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contrat (que Monsier De Mesmaeker nÊa pas besoinde signer⁄) avec le lecteur ou le spectateur. Ainsi,le bureau de Gaston était-il déjà une pure conventionde ce quÊon imaginait être une rédaction dÊun journalpour enfants dans les années 1960. Les éditionsDupuis nÊont jamais ressemblé à cela. Gaston étaitdÊailleurs – cÊest ainsi que Delporte lÊa désigné – unÿ héros sans emploi Ÿ, cÊest-à-dire sans rôle, contraire-ment au cow-boy Lucky Luke, au chevalier Johan,au détective Valhardi ou à lÊaviateur Buck Danny⁄Ce contrat passé avec le lecteur fait fi des absurditésintrinsèques propres à la convention proposée, àlÊinstar de Spirou que lÊon voit se promener en cos-tume de groom dans les bureaux dÊune rédaction.Pierre-François Martin-Laval a su insuffler à la foisdu rythme et une continuité dans ce film où lÊon ritsouvent, ce qui nÊétait pas évident au départ car lÊuni-vers de Gaston est composé de sketchs en une pageà la mécanique fine, avec une tension qui se résoutau bout de quelques images, et toute une dimensionphilosophique et même poétique. Gaston est uneréflexion sur la nature du travail, une question deplus en plus pertinente à lÊheure où le transhumanismenous promet un univers commandé par lÊIntelligenceArtificielle, laissant de plus en plus de loisirs auxhumains.

UNE PERFORMANCE NUMÉRIQUE

Une fois encore, cÊest le numérique qui sauve la mise.De la même façon quÊil a permis à Spider-Man debondir dÊune tour à lÊautre de Manhattan, il a fallu yavoir recours pour bon nombre des inventions deGaston, et en particulier pour lÊincarnation du chat– un vrai chat, amélioré numériquement – et de lamouette, qui restera, elle, complètement virtuelle :ÿ En discutant avec les gens qui sÊoccupaient des effets spéciauxen plateau, cÊest-à-dire ceux faits en vrai, je leur expliquais ceque je voulais faire des animaux, sachant quÊon ne peut évidem-ment pas leur faire de mal. Il faut savoir quÊun chat nÊécoutepas comme un chien. Surtout, un chat à qui lÊon fait fairequelque chose qui ne lui plaît pas : sans même que cela lui fassemal, il ne le refera plus jamais. Or, dans le cinéma, on faittoujours plusieurs prises... Le dresseur du chat mÊexpliquait doncau préalable ce quÊil aimait ou non. Il y a un moment une scèneoù je tombe tendrement avec lui : dans le film, cÊest une scènedÊune grande violence où il me saute dessus. Pour la mouette,tout a été fait en numérique : on nÊaurait jamais pu la fairepasser comme cela dans un bâtiment⁄ Ÿ

L’INTÉGRALE DE GASTONRESTAURÉE PAR FRED JANNIN

La recherche de la fidélité est aussi ce qui a conduitles éditions Dupuis à restaurer la qualité des albumsde Franquin. Avec le temps en effet, lÊévolution des

techniques de mise en couleurs et dÊimpression néces-sitaient une révision complète des pages reproduites.Un peu comme dans une édition de la Pléiade quien réfèrerait directement au manuscrit. Le dessinateurFrédéric Jannin, qui avait fait ses débuts grâce àFranquin dans Le Trombone Illustré en 1977, sÊest chargéde cette ÿ remise en état Ÿ, le plus souvent à partirdes planches originales, souvent mal reproduites dèslÊorigine. Il a également repris toutes les couleurspour lesquelles le plus souvent Franquin donnait desindications précises, bien souvent trahies par les colo-ristes du Studio Léonardo, en dépit du soin apportéà ces travaux. ÿ JÊai lÊimpression dÊavoir fait un travail pourlÊhumanité Ÿ, dit Fred Jannin, non sans émotion. Raressont les auteurs qui, comme Franquin, suscitent tantdÊamour pendant si longtemps.

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AU CINÉMA� GASTON LAGAFFEde Pierre-François Martin-Laval, avec ThéoFernandez, Arnaud Ducret, Alison Wheeler...Sortie le 4 avril 2018AU SALON LIVRE PARIS� EXPOSITIONconsacrée au film Gaston Lagaffe� RENCONTREavec Pierre-François Martin-Laval et ThéoFernandez, le 16 mars à 15h sur la Scène BD-Comics-Manga� GASTON LAGAFFE AUX PRUDÊHOMMESFaux procès des éditions Dupuis qui attaquentGaston pour les trop nombreux préjudicessubis. Sur la Grande Scène, le 17 mars à 18h.EN LIBRAIRIES / KIOSQUES� GASTON ÉDITION 2018 (MARS)réédition de tous les tomes, nouvellescouvertures et couleurs restaurées,Dupuis, 48 p. couleurs, 10,95 €� MÉGA SPIROU HORS-SÉRIE (AVRIL)collectif, Dupuis, 120 p. couleurs, 11,90 €� EN DIRECT DE LA RÉDACTION (AVRIL)collectif, Dupuis, 256 p. couleurs, 32 €

DIDIER PASAMONIK

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Poignante histoire que celle de Lupin, unjeune homme rendu absent à lui-même parune facétie du sort. Inutile de dévoiler plus

avant le pitch de Ces jours qui disparaissent, en Sélectionlors du dernier festival dÊAngoulême. LÊimportantest de se plonger dans les 192 pages du récit qui sedévorent dÊune traite, bien que leur trait shônen puisseen rebuter certains. Ce nÊest pas la moindre des sin-gularités de Timothé Le Boucher, qui revendiquele paradoxe : ÿ JÊaime bien les leurres ! On me dit souventque mon dessin est en contraste avec le ton de lÊalbum, on luireproche parfois dÊêtre trop lisse, trop froid⁄ Je dessine assezvite, et de manière suffisamment lisible, pour accompagner lanarration sur de longs albums. Je veille aussi à créer deséléments iconiques facilement identifiables, comme la couleurdes cheveux de certains personnages. Ÿ

Car cÊest bien lÊenvie de raconter des histoires quiprime chez Timothé, repéré dès lÊâge de 23 ans parles éditions Manolosanctis. Après deux récits post-adolescents – scrutant les atermoiements propres àcet âge, entre quête dÊidentité et violence inhérenteaux groupes constitués – lÊauteur a entamé sonfluvre dÊadulte avec Ces jours qui disparaissent, paruen septembre 2017 chez Glénat. LÊuppercut fut évi-dent : oscillant entre SF et récit intimiste, cette his-toire tout en délicatesse, démarrant sous les auspices

de la badinerie, laisse peu à peu place à une littéraletragédie. En filigrane, le récit peut évoquer lÊinexo-rable fuite du temps à échelle humaine, les choixdraconiens de vie, mais aussi les troubles mentaux,qui raptent parfois un malade à lÊaffection de sesproches, contraints alors dÊen faire le deuil de sonvivant⁄

DES RÉCITS NON FORMATÉS

Des idées plein la besace, Timothé ne compte pasen rester là. SÊil prépare un nouveau one-shot pourGlénat – ÿ sur des thématiques encore plus sombres Ÿ –,lÊauteur se verrait bien sÊesbaudir dans dÊautrescontrées. Du côté de lÊheroic fantasy, pourquoi pas.ÿ Même si cÊest une niche souvent mal considérée, jÊai lÊim-pression quÊelle peut permettre une certaine ampleur dans lacréativité, tout en sÊattardant sur la psychologie des personnages.SF, horreur⁄ tant quÊon peut raconter des choses et expéri-menter, tous les genres mÊintéressent ! Ÿ CÊest la BO deVertigo qui a bercé la création de Ces jours qui dispa-raissent : ÿ Chez Hitchcock, la simplicité nÊenlève rien à lÊélé-gance. Cette musique avait tendance à mÊhypnotiser, à créerune aura que jÊai eu envie de transposer dans lÊalbum. Ÿ Car,fort dÊun bagage transdisciplinaire – vidéo, sculpture,expos, performances⁄ – acquis aux Beaux-ArtsdÊAngoulême, cÊest bien du côté du cinéma queTimothé puise ses inspirations. ÿ Quand je regarde unfilm, jÊanalyse les plans, les cadrages⁄ Ce sont des chosesque jÊessaie ensuite de retranscrire. Je mÊimagine parfois fairedes travellings, alors que ça nÊa pas de sens en BD ! Ÿ,

sÊamuse-t-il. Au rayon bandes dessinées, cÊest aux sources indé-pendantes quÊil sÊabreuve – Cornélius, LÊAssociation,les Requins Marteaux⁄ –, mais surtout à celles dumanga. ÿ CÊest sans doute lÊun des genres qui mÊinfluence leplus. Il laisse la place à la narration de sÊémanciper des schémashabituels. ¤ lÊinverse, je ne lis quasiment pas de 48CC, cÊest unformat dans lequel je ne me reconnais pas. Je privilégie desrécits qui vont à lÊencontre des stéréotypes. Ÿ LÊauteur affec-tionne aussi les ruptures de ton, tant dans le déploie-ment de ses arcs narratifs que dans le traitement deses personnages : ÿ JÊaime la liberté de faire disparaître ouréapparaître des acteurs, dans certaines séries ou récemmentdans le film 120 battements par minute. Ces rupturessont proches de ce quÊon voit dans la vraie vie. Ÿ CÊest sansdoute là le secret : les récits de Timothé exhalentle mélancolique fumet du réel.

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JULIE BORDENAVE

Livre Paris 2018 accueille un nouveau petitprodige : Timothé Le Boucher, dont lerécent Ces jours qui disparaissent abousculé la sphère bédéphile. Rendez-vousle 17 mars à midi sur la scène pour évoquer« La BD dont tout le monde parle ».

tout en délicatesse

BIBLIOGRAPHIE� SKINS PARTYManolosanctis, 112 p. couleurs, 16,50 €(voir aussi Zoo no 31 p. 7)� PHANTASMES ; 13M28 ; VIVRE DESSOUS3 collectifs parus chez Manolosanctis� LES VESTIAIRESLa Boîte à bulles, 128 p. couleurs, 20 €(voir aussi Zoo Été 2014, p. 16)� CES JOURS QUI DISPARAISSENTGlénat, 192 p. couleurs, 22,50 €(voir aussi Zoo novembre 2017, p. 13)

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Intégrale Félix, T.2,de Maurice Tillieux

Rien à voir avecle célèbre chat,ce Félix est enfait le prototypedu mythique GilJourdan, imaginéquelques annéesplus tard pour lejournal Spirouaprès lacessation deparution des

Heroïc-Albums. Ce volume couvre lesannées 1949 et 1950, où le trio a pris saforme définitive. Reporter, Félix voyagebeaucoup, à Berlin ou en Amériquecentrale. Les récits complets oscillententre la résolution d'énigmes, l'horreur,l'enquête policière et l'aventure (etTillieux sera prié de refréner sesardeurs à son arrivée chez Dupuis).Imprimé en quadrichromie, ce livrepropose des fac-similés des quelquespages bicolores publiées à l'époque.Éd. de l'Elan, 136 p. coul. et n&b, 29 €

MICHEL DARTAY

Ma vie de réac, T.2,de Morgan Navarro

Ces gags ontété vus pour lapremière foissur un blog dujournal LeMonde, maisNavarro a eul'idée de lesconcevoir pourune repriseultérieure enalbum classique,

donc cela ne nuit pas trop à la lecture,même si les références à l'actualités'estompent après quelques mois. Lepersonnage principal est un quadrapère de famille qui s'appelle Navarroet qui ne peut s'empêcher de réagirà certaines tendances de l'époquemoderne. S'agit-il vraimentd'autobiographie ? N'oublions pas quel'auteur a débuté chez les RequinsMarteaux, dans la revue Ferraille. Entout cas, de nombreux lecteurs du blogont réagi, parfois avec une indignationamusante !Dargaud, 120 p. couleurs, 17,99 €

MD

Courtes distances,de Joff Winterhart

Un granddadais de 27ans sÊinstallechez sa mère,dans unepetite ville,pour seremettredÊunedépression.

Elle lui trouve un travail par lequel ilva tenter de se resociabiliser. De fait,il passe désormais lÊessentiel de sontemps dans la voiture de son patron,qui lÊemmène dÊune zone industrielle àlÊautre. Curieux homme qui, en dehorsde la compagnie de sa chienne, est luiaussi très seul. Entre ces deuxpersonnages très différents finit parse tisser quelque chose. LÊAnglais JoffWinterhart nÊa pas son pareil pourretranscrire, par de minutieux détailset des moyens propres à la bandedessinée, les états dÊâmes de chacun. Ilse montre également un décrypteur dumonde du travail aussi fin que MichelHouellebecq, la bienveillance en plus.çà et là, 128 p. couleurs, 24 €

VLADIMIR LECOINTRE

L i v r e P a r i s 2 0 1 8zoom

Imaginez des centaines de créa-tures sauvages extraterrestres quidéboulent sans crier gare dÊun

monde parallèle et mettent Philadel-phie à feu et à sang. Imaginez 50 km2

de cette même ville de Pennsylvanietransférés illico presto dans leditmonde parallèle. Des dizaines de mil-liers dÊhabitants soudainement disparus,déracinés à la suite dÊun phénomèneinconnu baptisé la ÿ transférance Ÿ. Sivous êtes prêt à imaginer tout cela,alors vous êtes mûr pour entrer dansla lecture dÊOblivion Song.CÊest en effet le cadre de ce récit dÊan-ticipation, qui démarre dix ans aprèsce tragique événement qui a boule-versé la Terre. Mais qui nÊest plus quÊun

souvenir, juste bon à remplir un muséeentier en son honneur et à ériger unmur où sont gravés des milliers denoms, sur le modèle du MemorialWall pour les morts et portés disparusde la guerre du Vietnam. Car la causeest entendue. La totalité des Phila-delphiens prisonniers dans cettedimension parallèle est considéréecomme perdue par les autorités.Toutefois, cÊest loin dÊêtre lÊavis deNathan Cole, un scientifique à lÊori-gine de la technologie permettant dese rendre sur ce monde baptiséOblivion. Ses fréquents séjours surplace lui ont permis de rapatrier uncertain nombre dÊhumains. Par sonaction courageuse, Cole a montré quÊilrestait des Terriens vivants dans cettejungle peuplée de créatures terri-fiantes. Contrairement à ce que vou-drait faire croire le gouvernement, ily a encore des gens à sauver.

ON N’EST PAS BIEN LÀ ?

Fort de son expérience de scénaristeà (méga) succès avec Walking Dead,Robert Kirkman distille les informa-tions avec la maestria du feuilletoniste(Oblivion Song est publié aux États-Unis sous la forme de fascicules). Leszones dÊombre se dispersent au fil despages et il faut attendre un bon tiersde lÊalbum pour avoir une vue globalede ce qui sÊest passé pendant lafameuse ÿ transférance Ÿ. Mais il enfaut beaucoup moins pour être accro-ché par cette intrigue qui mêlescience-fiction à grand spectacle et

fins ressorts psychologiques des per-sonnages. LÊélément qui fait la diffé-rence, cÊest lÊidée que les humainstransportés malgré eux dans un mondeaux mille dangers nÊont pas forcémentenvie de revenir sur Terre. Une réac-tion difficile à comprendre, en parti-culier par Nathan Cole, dont le lienavec ces déracinés est particulier. Avecce récit, on soupçonne RobertKirkman de vouloir retrouver larecette magique du feuilleton triom-phal et surtout au long cours. ¤ la lec-ture des 160 premières pages, on doitbien reconnaître quÊon nÊy serait pasdu tout opposé.

Fans d’anticipation et de mondes parallèles, plongez sans hésitation dans Oblivion Song de RobertKirkman et Lorenzo de Felici. Et vous saurez pourquoi il ne faut pas sauver les gens malgré eux,même s’ils sont prisonniers d’une dimension débordant d’une faune extraterrestre sanguinaire.Une rencontre avec Lorenzo de Felici est organisée à Livre Paris le 18 mars à 17h.

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LE JOUR DE LA TRANSFÉRANCE

OBLIVION SONG, T.1

de Robert Kirkmanet Lorenzo de Felici,

Delcourt, 160 p. coul., 16,50 €

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ROBERT KIRKMAN

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Ambiance champêtre fournie,découvertes magiques ré-jouissantes non dépourvues

de tragédies, bestiaire ou environne-ment féerique et une certaine dosedÊinventivité discrète, de foisonnementbien balisé, la recette est connue etest à lÊorigine dÊun bon nombre degrands succès modernes quÊil estinutile de nommer. LÊAtelier des sorciersreprend tout ceci à sa sauce, sans enchanger grand chose mais plutôt enle raffinant efficacement. Le premierchoc est toutefois visuel. Si rien nevient véritablement ébahir au tout pre-mier coup dÊflil, lÊauteur, habitué à lacomposition de couvertures pour lemarché américain (DC, Marvel), pro-pose, dispose, étoffe avec une puis-sance qui repose sur sa précision etune richesse de ses textures et envi-ronnements. CÊest ensuite lÊefficacemélange dÊahurissement candide et dedangers mortels qui fait son office.

MAGIE, MAGIE, ET VOS IDÉES…

Coco nÊest pas des plus heureuses. Ellemeurt dÊenvie dÊêtre apte à utiliser lamagie mais il est communément admisdans son monde que cette pratique

est un privilègeréservé aux élusqui disposent decette capacitédès la nais-sance. Coco nepeut ainsi que rêver. En vérité,la magie est question dÊoutils et nonde prédispositions. Coco découvrirace terrible secret en pétrifiant sa mèreau passage. Accueillie par un sorcierqui sÊengage à la former en échangede son silence, elle devra découvrircomment inverser son sort malheu-reux tout en sÊextasiant de lÊincroyableautant que dangereux monde desmagiciens. Émerveillement autant quecrainte sont à constater dans ce toutpremier album qui sonne déjà commeune belle aventure.

LA VOIE DE COCO

DÊailleurs, tous les éléments de lÊin-trigue initiatique sont disséminés dansce tome. Une rupture violente et trau-matisante est au cflur de lÊévolutionpsychologique de lÊhéroïne qui devrasÊen remettre sans perdre son enthou-siasme, la traque dÊun mystérieuxgroupe dÊanarchistes de la magie ser-

vira depéripétie à plus

grande échelle pour la figure du men-tor, un amalgame de jeunes apprentiesfarouches liera tout ça grâce aux inévi-tables querelles et autres chamailleriesadolescentes. Bien quÊétant plutôtconnue pour son travail dÊillustratrice,Kamome Shirahama maîtrise sonrythme narratif. Elle pose très rapide-ment des bases solides dans un mondequÊil nous tarde de découvrir plus endétails. LÊAtelier des sorciers sÊavère un réelplaisir à lire mais lÊavenir seul nous dirasi le titre pourra sÊélever de divertisse-ment élégant efficace à référence indis-pensable. Tous les éléments sont là,ne reste plus quÊà constater lÊintelli-gence scénaristique de lÊauteur à pluslong terme.

L’Atelier des sorciers de Kamome Shirahamamélange avec félicité absolument tous lesbons ingrédients d’une aventure fantastiquetout public bien léchée. La mangaka est invi-tée au salon Livre Paris 2018 dans le cadred’une «  entrevue dessinée  », le 18 mars à12h30 sur la Scène BD-Comics-Manga.

ALEX MÉTAIS

Lyla & la bête qui voulaitmourir, T.1, dÊEjiwa Saitaet Asato Konami

Un lecteurde FullmetalAlchemisttremblera à lalecture du pitchde la série, depeur de revivrele traumatismede lÊarcchimérique de lasaga. QuÊil nÊaitcrainte. Cette

histoire prend le parti de Lyla lasurvivante, qui choisit dÊentrée de jeude se plier aux desiderata du tueurmonstrueux. On sÊattend alors à uneintrigue qui sÊattachera à approfondirleur relation, notamment leur probabletendresse naissante. Tueur sans étatdÊâme, cette machine à éviscérer nÊestsurtout quÊune coquille vide auxcapacités relationnelles de bambin. Unerédemption par lÊhumanisation sera-t-elle seulement possible ? Ki-oon, 208 p. n&b, 7,90 €

ALEX MÉTAIS

Centaures,T.1 et 2,de Ryo Sumiyoshi

Les Centaures,peuple fieret noble,représententici un puissantvivier dÊintriguesbrutales. Bestiarius,chez Kazé, arenouvelé lafantasy bestialeen replaçant

lÊinhumain comme force contestataireviolente, animale mais juste. Centauressuit cette logique en présentant cesêtres, mi-homme mi-chevaux, en tantque victimes de lÊinfamie expansionnistehumaine. Plus direct, plus rapide, lepremier arc de Centaures, formé parles deux tomes que sort simultanémentGlénat, est aussi beaucoup plustouchant. Fable dÊapprentissage autantque bouillonnant conte anti-colonialiste,la série représente surtout unmagnifique élan vers la liberté à suivrepassionnément jusquÊau bout.Glénat, 180 p. n&b, 7,60 €

AM

Issak, T.1, de DOUBLE-Set Shinji Makari

Rarement lecteurnÊaura vu de scènede siège aussiintense, surtoutlorsque leditaffrontementse déroule enintroductiondÊun récit,monopolisant lamoitié dÊun tome

en multipliant les gros plans. Issakdébute très fort en nous rappelantavec brio un mélange de Berserk et deHawkwood. Il nous tarde de savoir versquels champs de bataille européensmèneront les pas vengeurs du hérosjaponais, déterminé à venger sonmaître. Un mélange de précisionhistorique et dÊextrémisme aventurier,qui nÊest jamais pour déplaire auxspectateurs, devrait lancer lesprotagonistes de cette guerre dansun maelström quÊil nous tarde dedécouvrir plus en détails. Ki-oon, 216 p. n&b, 7,90 €

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LÊATELIERDES SORCIERS, T.1

de Kamome Shirahama,Pika, 208 p. n&b, 7,50 €

La mécaniquedes sorts

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Crier au chef-dÊfluvre est tou-jours risqué tant les potentia-lités dÊeffondrement narratif

dÊune série en cours, ajoutées au facteurévident de subjectivité à la fois du porteurde conseil et de son receveur, portent àconséquence sur un tel sujet. Appliquéà LÊEnfant et le Maudit, toutefois, un tel titrene semble ni galvaudé ni démérité. Nenous reste-t-il quÊà vous enjoindre deconstater par vous-même la puissancevisuelle et narrative, la force herméneu-tique et dÊintention de cette série ? Il y abeaucoup à dire sur tous les aspectsobjectifs et quantifiables qui font dÊunrécit un objet qui se dépasse lui-même. LÊEnfant et le Maudit commence commeun simple conte, une fable un peusombre, douce, amère, énigmatique,magnifiquement illustrée. Le récit sedéveloppe ensuite pour devenir percu-tant, sans jamais perdre son allure a priorinonchalante, à la façon dÊune balade dansles bois qui nous emmènerait de plus enplus profondément dans de dangereuxbosquets assombris. DÊaucuns lui prêtentdes prétentions politiques. Peut-être est-ce envisager les choses un peu trop pro-fondément. Reste que cette parabole detendresse et de tolérance représente unvéritable joyau narratif et thématiquedans cette mer de séries formatées.

CORNE DE BOUC !

LÊEnfant et le Maudit narre le question-nement quotidien dÊune jeune enfantabandonnée, recueillie par un être

maudit à la mémoire défaillante dontle simple toucher pourrait la contami-ner. Le monde qui lÊentoure lui est hos-tile mais elle ne dispose pas des outilslui permettant de le percevoir. Lecteurcomme Maudit devront lÊaccompagnerdans la compréhension de cette com-plexe situation, en proie autant à dÊhos-tiles humains manipulateurs que dÊen-tités déifiés perverties. Ce chemin ensa compagnie, nous voulons continuerà lÊarpenter le plus longtemps possibleet, cher Nagabe, le plus rapidementpossible !

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LÊENFANTET LE MAUDIT, T.4

de Nagabe,éditions Komikku,224 p. n&b, 7,90 €

L’Enfant et le Maudit de Nagabe suit son rythme tranquille deparution, au grand dam de lecteurs transis de passion, et atteintplacidement son quatrième volume chez Komikku. Nagabe estl’invité d’honneur de son éditeur français à Livre Paris.

SUPER NANNY

ALEX MÉTAIS

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Un rapide retour en arrière.Vittorio Giardino a publiéen 1994 le tome 1 de Jonas

Fink, LÊEnfance, histoire dÊun jeune garçondont le père est emprisonné enTchécoslovaquie communiste, à Pra-gue. En 1997 cÊétait le tome 2, LÊAppren-tissage. Ensuite, silence radio. On auraitpu espérer que le tout début de ce siècleallait apporter le tome 3, la fin desaventures de Jonas Fink. Eh bien non.Pas une rencontre avec VittorioGiardino sans lui demander au moinsune fois : ÿ La suite de Jonas Fink, cÊestpour quand ? Ÿ Petit sourire mystérieuxet on passait généralement à MaxFridman, un autre de ses héros qui avaitun peu pris le dessus sur Fink.Et puis Le Libraire de Prague, dernier opusde Jonas Fink, a été annoncé pour début2018. ¤ nÊy pas croire. Eh bien si.Giardino sÊexplique sur ce long déca-lage : ÿ Si on commence un album importantet long à faire, il faut savoir si on pourra lefinir. Mais je suis très optimiste de nature. Il ya eu Fridman qui sÊest intercalé. Avec JonasFink, jÊai relevé deux défis. Le premier, cÊest quejÊai imaginé une histoire où le temps passe vrai-ment pour les personnages. Ils vieillissent. EnItalie, on appelle cela un roman de la „forma-tion„, raconter la vie de quelquÊun sur des années.Le second défi a été dÊécrire une histoire où livreset littérature ont une place importante. Dansla BD en général, il y a des références littéraires,mais en arrière-plan seulement. Là, dans Fink,jÊai choisi un libraire (dÊoù le titre de lÊalbum)pour pouvoir parler de livres et dÊauteurs quine sont pas choisis au hasard Ÿ. De la litté-rature engagée alors ? ÿ Pas vraiment. En

Tchécoslovaquie communiste, Kafka était inter-dit. Les dictatures appréciaient paradoxalementla littérature pour pouvoir la combattre commeun danger. Donc elle est importante et nécessaireà leurs yeux Ÿ. Pour justifier en quelquesorte déviationnisme et répression.

LE PRINTEMPS DE PRAGUE

On est en août 1968 pour ce tome 3,Jonas Fink vit à Prague avec sa petiteamie, Fuong, une Vietnamienne étu-diante en médecine. Il tient une librairieréputée subversive. La vie commenceà se libéraliser en Tchécoslovaquie,même si les anciens dirigeants com-plotent en sous-main pour un retourau bon vieux communisme dÊÉtat.LÊamour de jeunesse de Jonas, Tatjana,soviétique, est devenue journaliste etrevient à Prague. Dans un premiertemps, ce sera un rendez-vous manqué. Le Libraire de Giardino a pour cadre cefameux Printemps de Prague, quandles troupes soviétiques envahissent lepays pour le remettre sous tutelle.

LÊHistoire rejoint le romanesque : ÿ JelÊai fait exprès. CÊest la vie quotidienne dequelquÊun qui pourrait être moi. Si jÊavaisvécu à 500 km de lÊItalie, ma vie aurait étédifférente. Il fallait montrer comment lÊHistoirepeut déterminer certains destins. JusquÊà uncertain point. On tombe quand même amou-reux sous les dictatures. En Italie commeailleurs, on commémore par exemple le jourdu souvenir de la Shoah. On sait que lesjeunes connaissent mal le sujet et cela finit parles ennuyer. Pour garder la mémoire, ce nÊestpas suffisant de raconter la grande Histoire.Plus marquante sera celle dÊune vie, celle demon voisin, dÊun ami et de ce qui lui arrive.CÊest plus facile à comprendre et cÊest pourcela que je ne fais pas de BD didactique. CenÊest pas assez efficace Ÿ.

FINK, TÉMOIN DE SON ÉPOQUE

Un témoignage Jonas Fink, dans lesmoindres détails. Comment va-t-ilréagir, devenu adulte, lui dont la mèrea perdu la raison, persuadée quÊon valÊarrêter à tout moment et dont le père

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JONAS FINK AU Zatopek,de Novac et Jaromir 99

Aussi connu enUnion soviétiquequÊà travers lemonde, EmilZatopek est deces athlètes quisont entrés dansla légende dusport. De lacourse de fondau marathon,

Zatopek a tout couru, raflant toutesles médailles, poussant son corps aumaximum de la souffrance et inventantlÊentraînement fractionné, utiliséaujourdÊhui par tous les athlètes. Maisqui se cache vraiment derrière ce petithomme, formidable coureur dont on sesouvient de la tête grimaçante et desbaskets usées ? Cette biographie, augraphisme et aux couleurs collant àlÊépoque décrite, nous dévoile sonambition mais aussi sa soif de vaincre,sa fidélité aux proches et son amitiésans faille.Des ronds dans lÊO, 204 p. couleurs, 24 €

HÉL˚NE BENEY

Arthur Cravan,de Jack Manini

Sa stature enimpose, sontempéramentet sa languebafouent toutesconvenances. Provocateurcaustique ouamant dÊun soir,Arthur Cravanbrise les amours

propres, les chaises et les mâchoiresavec un zèle tout dadaïste. CÊestlÊépoque des Duchamps, Picabia,des artistes indépendants, des fuitespacifistes et salvatrices devant uneguerre qui enflamme le monde.Directeur de la revue littéraireéphémère MAINTENANT, Arthur estaussi boxeur, pas le meilleur, qui osese confronter au champion venudÊAmérique... Jack Manini, avec undynamisme et une lisibilité sans fard, faitvivre cet insupportable personnage avecbrio. Le trait est efficace et les couleursvivantes enchantent ce fulgurant destindevenu épopée.Grand Angle, 216 p. couleurs, 21,90 €

VINCENT FACÉLINA

Quatre sflurs,T.4, Geneviève,de Baur, dÊaprès Ferdjoukh

Comment ? Déjàla fin de la sérieQuatre sflurs ?Quel désastre !Car enfin, commentréussir à se séparerdÊEnid, Hortense,Bettina, Genevièveet CharlieVerdelaine, cinq

jeunes sflurs – oui, elles sont cinq –touchées par le drame de la mort deleurs deux parents. Telle une tétralogiewagnérienne, Quatre sflurs alternedrame et bonheur, joie et larmes decrocodile, gravité et légèreté, dans cegynécée de 9, 11, 14, 16 et 23 ans. Fraiscomme un épisode du Club des 5,tendre comme un Chamallow rose,Quatre sflurs réserve quelquesséquences émotion qui prennent parsurprise. Nous vous regretteronsmesdemoiselles.Rue de Sèvres, 160 p. couleurs, 15 €

THIERRY LEMAIRE

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On sait enfin ce qu’est devenu Jonas Fink, héros mythique de l’univers de Vittorio Giardino et quiaura mis plus de 20 ans pour nous dévoiler son destin. Le Libraire de Prague, dernier titre de la saga,est sorti. Vittorio Giardino avait même fait pour l’occasion le déplacement jusqu’à Angoulême, ce quia permis d’en savoir plus, non seulement sur Fink, mais aussi sur un certain Max Fridman.

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BOUT DE SON DESTIN

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injustement condamné est mort dansun camp ? Après mai 68 qui avait souf-flé son vent de liberté en France et enEurope de lÊOuest, la fin du Printempsde Prague a touché au cflur la géné-ration de lÊépoque et laissé de marbreles démocraties. Avec ce tome 3 deJonas Fink, Vittorio Giardino en décor-tique aussi les causes, les effets et lesconséquences. On peut lire Le Librairede Prague à plusieurs niveaux. Il ramèneà la mainmise soviétique sur les paysÿ frères Ÿ, le communisme pur et durque le PC français cautionnait. JanPalach, Vaclav Havel, Walesa⁄ avecGiardino on revit ces grands moments,qui finiront par la chute du mur deBerlin.Mais pour tous les inconditionnels delÊauteur italien, ce Libraire de Prague estla conclusion, la touche finale à ce quelÊon pourra considérer comme songrand fluvre. Le destin de Jonas, sesamours, sa vie, ses emmerdes, on levoit, nÊest pas un chemin couvert deroses. Et il nÊa jamais été un héros,Jonas. Mais Giardino ne juge pas, ilraconte, constate.

MAX FRIDMAN DE RETOUR ?

Alors, comment Giardino se sent-ilmaintenant quÊil en a fini avec Fink ?ÿ JÊétais prisonnier de lÊambiance, je continuaisà faire des illustrations, je restais dans lÊhistoirepuis, peu à peu, je me suis éloigné de Fink. Cequi se passe dans la dernière page cÊest exac-tement ce que jÊavais imaginé depuis le début.CÊest un scoop que je vous donne. La fin estinspirée dÊun film italien des années 50 peuconnu, La Longue Nuit de 43. Un typerevient après la guerre et il reconnaît un hommequi aurait été le meurtrier de son père. Mais ilne fait rien. Tout simplement, je suis heureuxdÊêtre arrivé à le finir ce Jonas Fink Ÿ.Un délice bien sûr le trait de Giardino,cette ligne claire inimitable, cette vir-tuosité que dégage le dessin finale-ment très italien, renaissance, brillantet riche mais trompeusement simple.

Le format en revanche a changé, sÊestréduit entre les deux premiers albumset le troisième qui fait 172 pages.Casterman lÊa aligné sur celui de lÊédi-tion italienne. Un peu frustrant maison ne boude pas son plaisir pour cettearrivée à destination de Jonas Fink. ¤noter aussi que les deux premierstomes LÊEnfance et LÊApprentissage sontrassemblés pour lÊoccasion en un seultome sous le titre Jonas Fink, Ennemi dupeuple, enrichi dÊune préface et dÊillus-trations inédites au même format queLe Libraire de Prague.Adieu Jonas Fink, mais quels sont lesprojets de Vittorio Giardino ? Questionclassique et Giardino, malicieux endiable, module ses réponses : ÿ Oui, jesuis sur un Fridman aujourdÊhui, qui pourraitsortir dans un peu plus dÊun an. Un Fridmanhybride (rires). JÊai bien une autre idée maismotus (rires). Malgré les apparences, je suisun dessinateur rapide si je nÊai pas à me lancerdans des recherches de documentation impor-tantes. Par contre je peux parler dÊun film de53Ê sur Fridman et Fink fait par des Italiens.JÊy suis un peu lÊacteur. Le titre cÊest LesCirconstances, celles qui ont une influencesur la vie dÊun homme Ÿ. Un résumé parfaitde la vie de Jonas Fink.

� JONAS FINK, T.1,ENNEMI DU PEUPLEde Vittorio Giardino,Casterman, 160 p. couleurs, 22 €� JONAS FINK, T.2,LE LIBRAIRE DE PRAGUEde Vittorio Giardino,Casterman, 176 p. couleurs, 22 €

A c t u B d

JEAN-LAURENT TRUC

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Ce nÊest pas vraiment pourprendre des vacances, maisplutôt pour récupérer le fruit

de son travail que son avocat véreux,Sid Kabikoff, a eu le courage de vouloirsÊaccaparer ($72.000 venant de lÊaffairedes bijoux Van Geld, histoire évoquéedans le précédent album). Il fallait oser,mais Sid croyait son client mort !Le problème, cÊest quÊil est difficiledÊéchapper au redoutable Tyler, cetueur au sang-froid, alors lÊavocat mar-ron va se voir fort déconfit lorsque sonclient et ancien ami viendra inter-rompre une belle et tarifée nuitdÊamour.La coquette somme nÊa pas été dila-pidée, elle a au contraire été sagementinvestie dans la promotion immobi-lière. Le climat agréable et les plagesde rêve attirent les Américains duNord soucieux de se faire bronzerdeux semaines par an. ¤ proximité,pour une escapade de quelques jours,Cuba, ses casinos, ses clubs musicaux,le bon rhum, les petites nanas et lesgros cigares !Tyler rencontre le promoteur doué enmarketing puisquÊil envisage un projetcensé accueillir des touristes desclasses populaires, histoire de se dif-férencier des complexes de luxe. Leprocureur de Miami lÊa mis sous sur-veillance, le lourd passif de Tyler faitquÊil est aussi bien recherché par lesforces de lÊordre que par de nombreuxmalfrats.

Dans cet épais album, on notera laprésence dÊune jolie assistante dedirection, mêlée malgré elle à cettesombre histoire.

On a là un polar hard boiled plus com-pliqué que les précédents. Tyler nÊestpas que la sombre brute sanguinaireque lÊon aurait pu imaginer, il sait aussiêtre correct avec ses ÿ associés Ÿ lors-quÊils lui sont fidèles. De plus, la com-plexité de lÊintrigue lÊoblige à réfléchir,à effectuer des recoupements, à ame-ner les protagonistes à se trahir.Parfois, il utilise le chantage et lamenace, il arrive même à se faire pas-ser pour un inspecteur de police avecson associé du moment, lÊavocatvéreux qui ne lÊemportera pas au para-dis ! Expérimenté, et bon comédien !

UNE EFFICACE STYLISATION

Ponctuée de quelques séquences san-glantes ou violentes, lÊhistoire est agré-mentée de commentaires laconiquesdÊun narrateur qui nÊest pas le person-nage principal. La mise en scène et ledécoupage ont été particulièrement tra-vaillés : de nombreux panoramiques(images sÊétalant de la marge gauche àla marge droite de la page) permettentdÊinstaller le décor et lÊambiance ou demarquer la progression de lÊaction, alorsque des séquences de cases plus étroites(de trois à quatre par bande) voientune succession de dialogues taillés au

cordeau, le plus souvent avec des gros-plans. Tout a été chronométré au mil-limètre près entre Nury et Brüno pouratteindre la plus grande efficacité. Il enrésulte une histoire dense et complexe,à la pagination généreuse de doublealbum de 88 planches. Tyler sait espa-cer ses apparitions en librairie !

Parlons maintenant du dessin aty-pique de Brüno ; pour une histoire

aussi sombre, ceux qui sÊattendent àun trait réaliste (ou même semi-réa-liste à la Uderzo, comme dans leKatanga du même scénariste dessinépar Sylvain Vallée) vont certainementêtre déçus par les cases qui illustrentcette page. Brüno ne cherche pas àdonner une dimension semi-photogra-phique à ses cases. Son trait personnel,stylisé et épuré à lÊextrême, va à lÊes-sentiel. Il en résulte une fluvre BD desplus personnelles et dÊautant plusappréciable !

TYLER CROSS, T.3MIAMI

de Nury et Brüno,Dargaud, 96 p. coul., 16,95 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

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MIAMI VICE !Territoire immense, les États-Unis proposent des paysagescontrastés. Après le Texas et la Louisiane, le sinistre gangsterTyler Cross séjourne en Floride.

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Insulaires, petites histoiresde Groix, de Prosperi Buri

Ah la Bretagne, soncidre, ses crêpes,son alcoolisme, saconsanguinité⁄La petite île deGroix héritenon seulementde toutes lescaractéristiques

dÊun village de campagne bretonne,mais en plus les renforce par soncaractère insulaire. Peuplée de pauvrespêcheurs, lÊîle regorge de mythes queBuri sÊamuse à nous narrer avec ironiedans de petites histoires truculentes.La Korrigez, lÊépidémie de dysentrie,la montgolfière⁄ Non sans rappeler,dans le style et le ton, les albums deBruno Heitz, Buri nous amuse, et onretrouve lÊatmosphère propre à toutesles îles côtières !Warum, 104 p. n&b, 18 €

HÉL˚NE BENEY

Algériennes 1954-1962,de Meralli et Deloupy

La guerredÊAlgérie. Onparlait alors desÿ événements Ÿ.Deux peuplesmeurtris, desviolences desdeux côtés, unsentiment degâchis,

dÊamertume. Comment parler delÊinnommable, les tortures, les crimesde guerre, sans être indécent ? CÊestce quÊont réussi Swann Meralli etDeloupy en choisissant un axemarquant : donner la parole auxfemmes, puisque les hommes neveulent pas parler, pour différentesraisons. Le graphisme fort, qui rappelleparfois Persepolis et Valse avec Bachir,sert une histoire bien ficelée, inspiréedÊévénements et opinions réalistesde lÊépoque. CÊest pourquoi lespersonnages nous semblent si proches.Un récit passionnant et un superbeouvrage. Marabulles, 128 p. couleurs, 17,95 €

LOUISA AMARA

Cinq branches de cotonnoir, de Cuzor et Y. Sente

On pourrait y voirun roman à tramehistorique contrele racisme.Comment lessoldats noirs ontété relégués auxtâches les plusingrates en 1944 ?Les héros, GIÊs de

couleur, sont en quelque sorte lessauveurs d'un soldat Ryan en tissuétoilé. Yves Sente est parti d'une idéeséduisante : où est donc passé lepremier drapeau des USA, qui détientun mystérieux secret, volé par desmercenaires teutons pendant la guerredÂIndépendance en 1777 et planquéen Allemagne nazie en 1944 ? Lecommando va se battre pour unecause, la reconnaissance des Noirscomme partie intégrante combattantede la nation américaine. Et ce n'est pasgagné. Une histoire d'action au longcours un peu fourre-tout. Cuzorassure en revanche avec un grandtalent le dessin réaliste nécessaire,documenté, très travaillé que méritece genre de récit. Le sujet étaitambitieux. Il aurait mérité plus deconcision, moins de textes aussi.Dupuis, 176, p. couleurs, 24 €

JEAN-LAURENT TRUC

zoom

RIP-R, robot mécanicien, etson acolyte WAR-HOL,robot de combat, sont arrê-

tés, jugés et emprisonnés suite à desdommages causés au sein du Musée dela propagande. Incarcérés au péniten-cier de RYK-ER, ils constatent quÊil vaêtre compliqué de sÊen échapper. CÊestpourtant ce quÊils vont sÊattacher à faire,ce dÊautant plus quÊils doivent sÊoccuperdu bébé humain que WAR-HOL pro-tège en lÊabritant en son sein.

LES ROBOTS,CES HUMAINS QUI S’IGNORENT

Récit de prison riche en action et chro-nique teintée de comédie, Bots abordeles questions de la parentalité, de la filia-tion et de la prédestination sociale parlÊintermédiaire de robots. Ces derniersreprésentent et véhiculent ainsi de nom-breuses facettes humaines. Cela estaccentué par la construction du récit :le découpage en chapitres permet auxauteurs dÊeffectuer des ellipses, voireparfois des retours en arrière afin desaisir le passé de certains personnageset dÊétoffer leur profil comme leur carac-

tère. Un rôle primordial est accordé auxdialogues. Ceux-ci, savoureux, utilisentet détournent le lexique informatique.Ils contribuent à la dimension décaléeet mordante de lÊaventure, comme à lamise en place des ambiances.

ROBOTS ET CIE

Les deux robots sÊoccupant dÊun bébéévoquent immanquablement les deuxcréatures recueillant la petite Boo dansMonstres et Cie (2001) de Pete Docter,David Silverman et Lee Unkrich, lÊusinede lÊexcellent dessin animé des studiosPixar étant remplacée ici par une prison.LÊune des particularités de Bots est demultiplier les références et les clinsdÊflil : à des événements (la PremièreGuerre mondiale, le débarquement deNormandie), des dialogues (ceux duBon, la brute et le truand (1966) de SergioLeone), mais surtout à des personnages :le golem, le Sergent Hartman du FullMetal Jacket (1987) de Stanley Kubrick,Hannibal Lecter, les moutons électriquesde Philip K. Dick ou encore⁄ Sophiela girafe ! Le fait de naviguer en terri-toires connus nÊamoindrit pas le plaisir

de la lecture, bien au contraire : Bots estde ces fluvres qui font de la citationune force. Le dessin de Steve Bakercontribue pleinement à cela, apportantlui aussi malice et ironie.

Les robots au centre de Bots permettent de parler de l’humain, de son organisation socialecomme de ses travers. Si l’idée n’est pas des plus originales, son développement est efficaceet tout à fait réjouissant.

BOTS, T.2

dÊAurélien Ducoudrayet Steve Baker,

Ankama,96 p. couleurs, 14,90 €

BORIS HENRY

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mécanique bien huiléeBOTS :

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Dévasté,de Julia Gftörer

Drôle de petitformat au dessindélicat quisÊattaque à unsujet plutôtsouvent traité,celui de la pestemédiévale. Est-ce la fameuseépidémie de1348 ? Est-cevraiment la

peste ? Peu importe. Dans ce villagedécimé par la maladie, cÊest le rapportà la mort qui est étudié, disséqué, misen scène. Une mort omniprésente,complètement intégrée par lapopulation qui se demande juste quisera le prochain. Un tête-à-tête avecla faucheuse vécu par quelquespersonnages principaux et renforcé parla fréquence des visages en gros plan.LÊévocation est belle et juste, à hauteurde femmes et dÊhommes. Un petit bijoude finesse.Atrabile, 88 p. n&b, 14 €

THIERRY LEMAIRE

Chaka, de Chanson etNÊGuessan, dÊaprès lÊfluvrede Thomas Mofolo

LÊenfant bâtardmué en chefcharismatiquequÊest ChakaZulu (1787-1828) représenteautant la forceque la tyrannie.En tous cas,son extrêmepuissance etses idées

stratégiques vont révolutionnerlÊhistoire de la nation Zoulou et delÊAfrique du Sud en général. Entremythe et Histoire, Thomas Mofolofut le premier en 1925 à ÿ écrire Ÿson épopée, la faisant entrer dansla légende. Voici une adaptation BDcondensée de son récit : bien que dotédÊun graphisme peu dynamique, ce one-shot donne une idée de ce quÊétaitChaka. Et invite à se plonger dans labibliographie de fin dÊouvrage pourdécouvrir qui fut ce Napoléon africain !LÊHarmattan BD, 100 p. coul., 14,90 €

HÉL˚NE BENEY

Je suis un autre,de Gnoni et Rodolphe

Comme tousles étés, lesjumeaux Peppoet Sylviopassent leursvacances surcette petiteîle de laMéditerranée.Délaissés parleurs parents,ils ont

lÊhabitude de passer leur journéeà pêcher. Mais cette année, PepposÊintéresse aux filles, particulièrementà cette artiste peintre qui devient vitesa maîtresse, provoquant la jalousiede Sylvio. Quand la jeune femmeest découverte assassinée, Peppocomprend que son frère est lecoupable⁄ Mais que penser quand ondécouvre que Sylvio est mort depuisdes années ? Flirtant avec la folie et lesurnaturel, ce one-shot schyzophréniqueest particulièrement bien mené. Un bonalbum sur la duplicité ! Soleil, 144 p. couleurs, 18,95 €

HB

A c t u B dzoom

Deux amis se retrouvent pourfaire du surf. Puis une dis-cussion par écrans interposés

a lieu afin dÊorganiser une réunion pro-chaine de lÊensemble de la bande. Leweek-end des retrouvailles venu, lesamis se promènent, boivent, mangentet discutent. LÊentrée dans la trentainesÊannonce et elle charrie tout un cor-tège de réflexions.

ÊTRE AUX CÔTÉS DES PERSONNAGES

On sème la folie débute par quelquesconsidérations sur la création avantdÊélargir son champ de questionne-ments à ce qui fonde un être humain :ses pensées, ses aspirations, sescraintes, sa manière dÊappréhender lesrelations sociales et, en particulier,celles amicales. Laurent Bonneau sereprésentant, il est aisé de voir ici uneautobiographie. LÊauteur précise : ÿ ma

volonté première avec ce projet nÊétait pas defaire une autobiographie, mais un hommageà lÊamitié, en mettant en scène mes propresamis. Par la force des choses, en mÊincluant,le récit est devenu autobiographique. Mais onpeut se demander si de par ma mise en scène etmon découpage, il ne devient pas fiction detoute façon, même sÊil garde lÊauthenticité duvécu et de lÊintime. Ÿ. LÊenjeu paraît effec-tivement reposer avant tout dans laretranscription des pensées et des rela-tions entre les personnes en présence.Au fil des pages, des situations auxdessins en passant par les dialogues,tout sonne juste. Nous avons alorslÊimpression de suivre les personnagescomme si nous étions à leurs côtés.Cette sensation, pas si fréquente, està la fois déconcertante et très agréable.

L’ART ET LA MANIÈRE

Le dessin de Laurent Bonneau, vif etcharbonneux, joue sur la trace, parfoissur le flou ou sur la répétition – destraits esquissés indiquent la positionpassée du personnage et, ainsi, sonmouvement. Il contraste avec la miseen couleur qui privilégie les aplats etune palette assez réduite (principale-ment un rose orangé et du gris). Ceparti pris visuel convient parfaitementau propos comme à son expression :lÊénergie brute cohabite avec un aspect

raffiné, de même que les bientôt tren-tenaires au centre du récit arrivent àun point de bascule de leur existence,entre la volonté de continuer à surfersur les vagues – littéralement commemétaphoriquement – et celle de seposer quelque peu.Au final, Laurent Bonneau réussit unalbum aux partis pris minimalistes maisaux effets maximalistes tant ils génè-rent une véritable luxuriance.

TRENTE ANS,

ON S˚ME LA FOLIE

de Laurent Bonneau,Bamboo, coll. Grand Angle,

120 p. couleurs, 21,90 €

BORIS HENRY

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LEÇa fait quoi d’avoir 30 ans ? Laurent Bonneau et ses proches amis se frottent à cette question.Il en résulte une chronique sincère, douce et bienveillante, touchante et passionnante.

MODE D’EMPLOI

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Bouncer, T.11, L'Échinedu dragon, de Boucq

La fin du diptyquesigné totalementpar Boucq,scénario etdessin1. LeBouncer poursuitavec une poignéede soldatsfrançais échappésde lÊaventuremexicaine de

Napoléon III le sanguinaire El Cuchilloet une diabolique comtesse. Ils ontenlevé une petite fille, Panchita. Elle aune carte tatouée sur le crâne qui doitpermettre de retrouver lÊor deMaximilien caché en plein désert. Il va yavoir aussi des Indiennes amazones, uncanyon mortel et des invités surprises.Et peut-être un coup de cflur, enfin,pour le solitaire Bouncer. Une bellepalette de personnages hauts encouleur, le tout dans des paysagesimpressionnants que Boucq restitueavec force et passion, dignes bien sûrdes plus grands maîtres du western,en maîtrisant aussi parfaitement lescénario.Glénat, 80 p. couleurs, 18 €

JEAN-LAURENT TRUC

Dieu, de KlubLa collectionÿ Mamoute Ÿaccueille pasmoins de septnouveautésdÊhumour, petitslivres carrés destrips autour dÊunthème (la mort, la

nature, les bonhommes de neige et lessportifs, les gros bûcherons et lespoissons ou les hommes tatoués et lesscientifiques⁄). Ici, Klub propose unrecueil de strips absurdes et dessinsdÊhumour autour de Dieu, sÊamusantdes idées reçues sur le Créateur. Lacouverture donne le ton bon enfant delÊalbum, on picore les gags avec plaisiret rapidité. On sourit, souvent, et cÊestdéjà une bénédiction, non ?Rouquemoute, 82 p. couleurs, 9 €

HÉL˚NE BENEY

Deux ans de vacances, T.1,de Hamo, Chanoinat etBrrémaud, dÊaprès J. Verne

LÊaventure à laRobinson de 14jeunes garçonsinventée par JulesVerne se voitadaptée en BD !PensionnairesdÊun collège néo-zélandais partisen balade en mer,les garçons

dérivent par accident jusquÊà une îledéserte et vont devoir se débrouillerseuls, sans adulte. Entre Sa Majesté desmouches et Robinson Crusoé, les auteursadaptent fidèlement cet incontournablede la littérature jeunesse, tout en lerafraîchissant un peu. Prévu en troistomes, cette série BD classiquecommence bien, plantant le décor dÊuneéquipée sauvage qui réserve bien dessurprises⁄Vents DÊOuest, 48 p. couleurs, 13,90 €

HB

A c t u B dzoom

Entendre dire que la Turquieest une terre de bande dessi-née peut surprendre. Dans un

pays comme la France où lÊalbum estroi, la vitalité dÊun marché est jugée àlÊaune des volumes publiés en librairie.En Turquie, elle se mesure plutôt parla vigueur de ses magazines, et notam-ment des journaux satiriques issus dÊunelongue tradition de ce genre de presse.Pas étonnant donc que ces publica-tions, dont les contenus ne sont paspubliés dans lÊHexagone, passent sousles radars des bédéphiles français. Néà Istanbul, Ersin Karabulut fait partiede ces auteurs biberonnés à la bandedessinée qui titille et irrite les puissants.Il y a 21 ans, il fait ses armes dans lejournal de caricatures Pismis Kelle, puisco-fonde, dix ans plus tard, son proprehebdomadaire Uykusuz. Karabulut estmoteur dans cette profusion de titresqui comprend également les magazinesLombak, Penguen et LeMan. Mais ce ventdÊimpertinence sÊest récemment heurtéau mur du pouvoir qui, après avoirvacillé, a repris le contrôle de la situa-tion dÊune main de fer. AujourdÊhui,Uykusuz est un des deux seuls maga-

zines satiriques encore en activité. Lesventes sont en chute libre et sa rédac-tion reçoit les mêmes menaces de mortquÊa pu connaître celle de Charlie Hebdo.La publication de Karabulut en Franceest dÊautant plus précieuse.

DÊabord publié en France dans lespages de Fluide glacial, Contes ordinairesdÊune société résignée est un mélange derécits courts dessinés spécialement pourle mensuel français et dÊanciennes his-toires revues et corrigées, parues dansLombak et Uykusuz. Ces historiettesbalancent entre le dessinateur israélienAsaf Hanuka et Les Contes de la crypte,entre une description un peu désabuséeou cynique du quotidien et un déra-page de la banalité vers le fantastique,voire lÊhorreur. Difficile de résumer oude faire la liste de ces 15 contes, tantles scénarios partent dans des directionsdifférentes. Restent des éléments com-muns, comme lÊhumour, la plupart dutemps assez noir, le cadre urbain et lacritique de la société. Car derrièrechaque histoire – on pourrait presqueparler de sketchs – transparaît quelquetravers du monde actuel, et pas seule-ment de la Turquie, même si cÊest le

quotidien qui nourrit Karabulut. Lestraits sont précis, drôles, parfois déli-rants, et dÊune grande acuité. Une ques-tion de santé publique pour nÊimportequelle société. Qui donne une furieuseenvie de découvrir plus en profondeurle 9e art turc.

Ersin Karabulut est un desfers de lance du 9e art turc.Avec Contes ordinaires d’unesociété résignée, il décrit etdécrypte avec humour le quo-tidien de son pays. Mais passeulement.

CONTES ORDINAIRESDÊUNE SOCIÉTÉ RÉSIGNÉE

dÊErsin Karabulut,Fluide Glacial,

80 p. couleurs, 16,90 €

au crible de KarabulutLa société turque

THIERRY LEMAIRE

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DRERSIN KARABULUT

1Pas de Jodorowsky au scénario pour lestomes 10 et 11 de Bouncer, contrairementà ce que nous vous disions dans lenuméro précédent. Nous présentonsnos excuses aux auteurs et aux lecteurs.

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Achevé d'imprimer,des studios Tanibis

Un tout petitlivre pas cher,uniquementdisponiblepar corres-pondancesur le sitede Tanibis !

Un rêveur d'édition, Gilbert Pinos,s'imagine que pour réussir une bonneBD, il suffit de réunir Aventure, Action,Animaux et Amour. Ne doutant de rienet ne connaissant pas grand chose augenre, il rachète les jeunes éditionsTanibis et publie son premier album.Il se fait arnaquer par un imprimeurindélicat, recrute un futur grand auteurlors d'un voyage aux États-Unis,démarche les libraires et va mêmejusqu'au FIBD d'Angoulême. Quelquescaricatures et situations vécuesamuseront le connaisseur de lapetite édition, indé ou zinesque.Tanibis, 72 p. n&b, 5 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

Jim Hawkins, T.2,Sombres héros de la mer,de Sébastien Vastra

Retour gagnantpour la dernièreadaptation endate de LÊ˝leau trésor deStevenson, parSébastien Vastra.Sa propositiondÊintégrerlÊhistoire dansun univers

dÊanimaux anthropomorphiques semontre toujours aussi pertinente. VastranÊa pas à rougir au milieu des grandsartistes qui se sont essayés à lÊexercice.Ses personnages sont extrêmementexpressifs et lÊempathie se crée dès lapremière rencontre. Même avec LongJohn Silver. Et pourtant, vous savez quÊilne faut pas faire confiance à ce gorille.Mais tout vous y pousse. Talent delÊartiste⁄ Vastra est un excellentraconteur dÊhistoire, lÊénergie quÊilinsuffle par son trait et son découpageen sont deux illustrationssupplémentaires.Ankama, 56 p. couleurs, 14,90 €

YANECK CHAREYRE

Néogicia, T.2, FrèresdÊarmes, de Fournier,Cardona et Torta

Fin de cycle pourlÊadaptation BDdu roman tiré delÊunivers de Noob,la web-série culte.Sally Asigar passeenfin à lÊaction etnous permetdÊexplorer unpan peu traitéde lÊunivers Noob,

la faction de lÊOrdre et son continent,Syrial. Mais surtout, celui de la factionde lÊEmpire qui est le cadre desaventures de Noob. CÊest dÊailleursfondamentalement de ce côté-làquÊarriveront les problèmes pourlÂhéroïne, qui découvre que la politiquepeut être menée très salement et à sespropres dépens. Une façon pour FabienFournier de forger le caractère dupersonnage, et en faire la badassquÊelle est devenue dans la web-série.Olydri éditions, 48 p. couleurs, 13,50 €

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A c t u B d zoom

DE DICTATURE ÉCLAIRÉE

Nouvel album tourné versdÊautres cultures pour le duoDedola-Bonaccorso, après

la mafia nigériane. Cette fois-ci, ledessin souple et lumineux de LelioBonaccorso nous fait découvrir unpays que lÊon connaît mal – laTurquie –, grâce à un scénario tournésur les enjeux modernes du pays. Doit-il demeurer fidèle à lÊhéritage du fon-dateur de la République, ou assumerun retour à un islam plus ancestral ?

PETIT TURC FRANÇAIS DÉRACINÉ

Ce sont les deux personnages princi-paux qui se confrontent autour de cesquestions : Afife, femme turque uni-versitaire, malade et en fin de vie ;Mehmet, jeune homme né en France,manipulé par des fondamentalistesreligieux. La première prend le secondsous son aile et entreprend de lui fairevivre lÊHistoire de son pays à traversla figure dÊAtatürk. Loulou Dedola choisi dÊaborder unsujet épineux, celui de la radicalisationislamiste et de la façon dont on peut

en sortir. Il fait une proposition, rem-placer une idéologie par une autreplus vertueuse. Mais pour ce faire, ilse livre à un panégyrique du Père Turcqui manque peut-être de nuances. Lecoup de force institutionnel qui donnetous les pouvoirs à Kemal est présentéde manière plutôt positive, parexemple, alors que cÊest objectivementun coup dÊÉtat. Grand chef militaire,protecteur des sciences, Kemal estréellement glorifié dans ces pages.Remplacer une illusion par une autre,est-ce là la solution ? Il nÊy a donc pasde place pour la recherche de lavérité ? Le temps des idéologies neserait-il donc pas tout à fait terminé ?

Cela amène le scénariste à une finpeut-être un peu trop rapide. Commesi un peu de lien humain et les bonsexemples pouvaient contrecarrer lesmensonges fondamentalistes. Il est àcraindre que la déradicalisation desesprits ne soit pas aussi facile. Maispeut-être est-ce pinaillage, que lÊonpeut aussi accepter lÊidée que Le PèreTurc puisse proposer simplement une

belle histoire fondée sur la fierté dÊunhéritage politique basé sur la philo-sophie des Lumières. Comme un rap-pel et un appel à ce que la Raisonfinisse par lÊemporter.

LE P˚RE TURC

de Loulou Dedolaet Lelio Bonaccorso,

Glénat, 120 p. coul., 22,50 €

YANECK CHAREYRE

La place de la Turquie dans la géopolitique mondiale actuelle est compliquée. Un pouvoir en pleineislamisation dans un des rares pays laïques de confession musulmane, des liens avec lesdjihadistes en Syrie, rien n’est simple. Loulou Dedola scénarise un album qui traite de toutes cesquestions en revenant au père de l’État turc moderne : Mustapha Kemal, dit Atatürk. Mais n’est-il pas trop complaisant ?

EN FONDAMENTALISME

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A c t u B d

La Guerre de Troie a bien eulieu et nÊen finit pas. Deshommes dans le coin, il y en

a plus que nécessaire et les Amazonesqui vivent dans une forêt impénétrableles capturent. De préférence les plusbeaux, les plus forts car ils sont desti-nés à leur faire des enfants. Ensuite,hormis une poignée de travailleurs,ces charmantes jeunes femmes lestuent comme tous les bébés masculinsdont elles accouchent. Pas des mar-rantes ces dames qui ont créé, commele dit dans le texte Géraldine Bindi,ÿ une cité fière et libre car interdite aux mâlesautoritaires Ÿ. Tout à fait dÊactualité.Christian Rossi dévoile comment cetalbum a vu le jour : ÿ Géraldine BindimÊa juste proposé le thème. Les Amazones, onen parle dans la mythologie grecque mais aussiafricaine, asiatique. CÊest un mythe porteur.Géraldine a travaillé pendant ses études surune pièce de Von Kleist, Penthésilée reinedes Amazones, qui raconte son combatcontre Achille, en tombe amoureuse, le tue etse suicide. Géraldine voulait en faire quelquechose depuis longtemps et on en est arrivés àlÊidée dÊune BD. Moi jÊy ai aussi vu une guerredes sexes Ÿ.CÊest vrai quÊelles ne font pas dans ladentelle et quÊau passage, capturer unhéros comme Achille, un demi-dieu,pour se faire faire un enfant, ce seraitroyal. Mais les dieux et les déesseschoisissent leur camp. ÿ ¤ travers lesrécits dÊHomère, on a gardé le côté épique effec-tivement, la continuation du mythe que lÊonexplore Ÿ, confirme Rossi. Mais malgré

leurs succès, leurs razzias et la Fêtedes Fleurs où elles sÊen donnent à cfluret corps joie, les Amazones finissentpar avoir des états dÊâme. Le plaisir,la reproduction, parfait, mais pas desentiments, au bout dÊun moment, cÊestfrustrant.

L’ÉNERGIE C’EST L’AMOUR

Et voilà Cupidon qui sÊen mêle. CÊestce qui va semer la pagaille dans ceCflur des Amazones, qui est aussi une his-toire dÊamour comme le constateRossi : ÿ LÊamour est plus fort que tout. Lahaine est un moteur, mais la grande énergiecÊest lÊamour. Il nÊy a pas plus puissant. CÊestle message de Géraldine Bindi Ÿ.Côté réalisme, on est servi par nonseulement le dessin puissant de Rossiqui a mis trois ans à faire lÊalbum avecbatailles et combats au corps à corpsdénudés, mais aussi par son choix pourla couleur : ÿ Avec lÊalbum Deadline,jÊavais goûté à la couleur directe. JÊétais restémitigé. Mon problème dans les Amazones,cÊétait le satin de la peau, car elles vivent presquenues. JÊai expérimenté le brou de noix que lÊonpeut délayer. Il devient clair, tire vers le jaune,le rose. CÊest une teinte qui mute. JÊai seulement

rajouté les arrière-plans au feutre car je nevoulais pas dÊillustrations qui coupent le fluxde la lecture. Il fallait garder une profondeurde champ Ÿ. Un résultat impressionnantpour cette saga de feu et de sang.Rossi maîtrise lÊaction avec sa montéeen puissance, une progression logiqueet dramatique.

UN WESTERN MYTHOLOGIQUE

On pourrait presque parler de wes-tern. Rossi aime bien le terme ÿ maisun western mythologique. Il fallait des per-sonnages variés pour suivre les joies et les tour-ments de ce groupe. La reine des Amazones estun héritage. Elles le sont de mère en fille. Je mesuis calqué sur les Indiens des plaines améri-caines. La guérisseuse, cÊest un peu un shaman.Elles sont avant tout solidaires et elles ont desrituels Ÿ.Cela nÊa pas été facile pour ChristianRossi dÊen finir avec ses Amazones :ÿ ¤ la dernière planche jÊai pleuré, parce queje quittais une famille. Je me suis un peu écroulécar on avait aussi un vrai message bien incarnépar cette histoire, avec une sortie honorablepour chaque héroïne Ÿ.Un tout autre registre pourrait sÊoffrirà Christian Rossi après les Amazones.

Des guerriers certes, mais ÿ dans lÊarméecanadienne qui emploie des snipers indiens, unprojet possible pendant la guerre 14-18, chezCasterman et écrit par un jeune scénaristecinéaste. ¤ voir, et peut-être un Salomé avecGéraldine, mais pour lÊinstant on vaattendre Ÿ.

Les Amazones deElles sont un mythe, un fantasme, les Amazones. Guerrières et cavalières, belles et à demi-nue, archers aux flèches mortelles,elles vivent en Grèce dans l’Antiquité. C’est l’option choisie par Géraldine Bindi, qui signe le copieux et mouvementé scénario duCœur des Amazones. Christian Rossi en a dessiné les 160 pages d’un trait fort, d’un réalisme tel que l’on est emporté par lachevauchée sauvage de ces femmes qui ont fait le choix d’une société où les hommes comptent (presque) pour du beurre.

LE CfiUR DES AMAZONES

de Géraldine Bindiet Christian Rossi,

Casterman,160 p. couleurs, 25 €

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A c t u B d

« JE ME SOUVIENS »1

En dépit de sa politique fédéraliste etbienveillante, le Canada nÊest pasexempt de reproches sur ce sujet. Onpeut dÊailleurs soupçonner que la réha-bilitation des autochtones dans ce paysvise en réalité à étouffer les volontésséparatistes – celle du Québec, notam-ment. Pendant longtemps, en effet, laBelle-Province a reçu le soutien desdifférentes tribus dans ses luttes contrela domination canadienne. La créationde réserves indiennes bricolées à coupsde passe-droits, de simulacres dÊauto-nomie et de reconnaissance identitairea participé au morcèlement de cetteancienne connexion ; les maladresses2

du gouvernement québécois ont faitle reste. Il faut reconnaître dans cetteentreprise de décohésion la marquede fabrique du libéralisme anglo-saxonqui, au sein de ses colonies, a toujoursmaintenu sa mainmise grâce à la dis-corde3.

Exacerber les identités pour étoufferlÊHistoire et ses vérités, tel serait doncla recette pour régner.

Si effectivement on examine la réalitéhistorique, on ne peut quÊêtre frappépar la violence employée par le Canadapour annihiler les Indiens récalcitrants.En plus des massacres perpétrés pen-dant la guerre franco-indienne, desmesures comme la loi de ÿ civilisationgraduelle Ÿ (en 1857) sÊingénièrent àréduire à néant les cultures autoch-tones. Plusieurs révoltes furent aussiréprimées dans le sang comme celledirigée par Pontiac (1763), celle despatriotes au Québec (1837-1838), maisaussi celles de Louis Riel et des métisdu Manitoba (1869-1884).Rappelons brièvement, en ce quiconcerne cette dernière, que leManitoba fut pendant quelque tempsune sorte dÊutopie où Indiens, métis,francophones et anglophones vécurenten bonne intelligence, jusquÊau jour où

les autorités canadiennes décidèrentde prendre le contrôle de la province⁄

NÉ SOUS X

LÊalbum de Tisselli et Corteggiani pro-longe lÊépopée de Louis Riel en imagi-nant la fuite de Gabriel Dumont, lÊunde ses plus importants alliés, après labataille de Batoche. LÊhistoire com-mence avec la reddition de Riel auxforces armées canadiennes. Le chef desrebelles relativise sa défaite en parlantdÊun espoir qui demeure intact. Si sesadversaires interprètent ses déclarationscomme une preuve que tous les chefsinsurgés nÊont pas été capturés, Riel faitdavantage allusion à lÊimpact quÊaurontles événements auprès des futures géné-rations. Il comprend que son épopéeest désormais inscrite dans lÊHistoire.La fuite de Gabriel Dumont assure doncla survie de la légende et la continuitédu combat – chose que ce dernier portaaprès de nombreuses péripéties sur leterrain politique. Mais en dépit de cetteéchappée, lÊalbum de Tisseli etCorteggiani souligne avec beaucoupdÊà-propos que le véritable ennemi estloin dÊavoir été vaincu. CÊest effective-ment lÊindécision des métis, ou plutôtleur indétermination, qui permet auxCanadiens de faire la différence face àleur adversaire. Les sang-mêlé sonteffectivement tiraillés entre deux iden-tités antagonistes ; les uns portent lÊuni-forme royal, les autres fuient avecDumont. Il en va de même pour lesQuébécois (ou Canadiens français) quieux aussi sÊaffrontent dans les pages duChemin du couchant. AujourdÊhui encoredÊailleurs, nos cousins dÊAmérique pei-nent à se penser comme une nation età se ÿ déterminer Ÿ. Le brassage culturelen est lÊune des causes.

Une société métissée est donc trèssouvent orpheline : elle est indécise,abandonnée à son sort et ne jouit pasde lÊaddition de deux identités. EllenÊen a en réalité aucune⁄

En plus des questions quÊil aborde etde son constat, Le Chemin du couchantillustre avec beaucoup dÊélégance unetragédie aussi incroyable quÊexem-plaire. Les paysages et les ambiancessont réalisés avec beaucoup de sensi-bilité et de nuances, comme le sontaussi les portraits des différents pro-tagonistes Un bel album intelligent qui mériteun coup de cflur.

LE CHEMIN DUCOUCHANT

de Tisselli et Corteggiani,Mosquito, 56 p. coul., 14 €

KAMIL PLEJWALTZSKY

Quand on évoque le sort des tribus indiennes, on a généralementl’habitude de penser aux massacres méthodiques ou auxspoliations ordonnées par les gouvernements américains pendantprès de trois siècles. Mais le voisin canadien n’est pas en reste…

MAUDITS MÉTIS

1 Devise du Québec2 La crise dÊOka en 1990 en est uneparfaite illustration3 Tel est le cas en Irlande (opposition entreCatholiques et Protestants) et dans biendÊautres dominions ou colonies britanniques

GABRIEL DUMONT

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LÊOmbre dÊantan, collectifUn moment del'histoire peuconnu : la Serbiedans la guerre de14-18. Si on saitque cÊest à Sarajevoque lÊassassinat deFrançois Ferdinandpar le nationalisteserbe de Bosnie

Gavrilo Princip a mis le feu auxpoudres, ce n'est pas pour autant quel'on connaît le lourd bilan que la Serbiea payé à la guerre – près de 1,5 millionsde morts. Ces 14 histoires courtes,écrites et dessinées par une bellepléiade d'auteurs, de Rodolphe à Dobbsou Dufranne pour la France, maissurtout une majorité de noms venusde l'Est, dont de Serbie comme Janjetov,Maza, Kordey ou Gajic, traitent de laGrande Guerre vue le plus souventdu côté serbe face à l'Autriche. Unepréface à lire pour s'imprégner ducontexte et un dossier historiqueen fin d'album bien fait rétablissentla mémoire de ce conflit sur un frontoublié.Inukshuk System Comics, 118 p. coul., 27 €

JEAN-LAURENT TRUC

Les Pionniers, collectifAprèsl'expériencedes dix premiersÉcho des savanes,Gotlib fonde lejournal d'humourFluide Glacial le1er avril 1975 !Prudemmenttrimestrielle à sesdébuts, la revue

devient vite mensuelle. On y retrouvede nombreux collègues du Pilote dela grande époque, mais aussi desAméricains et des découvertes, sansoublier le génial Franquin. Ce beau livrepropose une compilation d'histoires desannées 70 parfois oubliées, mais on ytrouve également de nombreusesinterviews des auteurs de cette périodequi expliquent l'ambiance et lescirconstances de départs, comme ceuxde Boucq, Cabanes, Lucques ou Gibrat.Fluide Glacial, 224 p. n&b, 25,90 €

MICHEL DARTAY

Leda Rafanelli - La Gitaneanarchiste, de Sata, deSantis et Colaone

Libre et rebelle,Leda Rafanelli(1880-1971) est lafemme aux millesvies ! Anarchiste,musulmane,chiromancienne,écrivain, partisanede lÊamour libre,pacifiste, passionnée

par lÊÉgypte⁄ Elle nÊétait pas à unecontradiction près et elle a marqué lesmilieux intellectuels du début du XXe

siècle italien. Cette biographie, pleinede poésie et de rêve, montre commentelle a été lÊartisane de son destin, saconstante inconstance la menant aussiau chagrin. Très beau (Colaone a reçule prix de la meilleure dessinatrice pource titre au Festival de Lucca en 2017),ce one-shot donne aussi une image trèsprécise et documentée de lÊactivismedu début du siècle dernier. Un excellentalbum pour en apprendre plus sur la viede cette incroyable et méconnuehéroïne romantique.Steinkis, 216 p. n&b, 20 €

HÉL˚NE BENEY

A c t u B dzoom

LÊécrivain Isaac Babel rencontreMaxime Gorki en 1916.Intéressé par lÊauteur, ce dernier

lui intime cependant de mettre de côtéses envies dÊécriture et de parcourir lemonde afin de combler le manque dÊunevéritable expérience du vécu deshommes qui transparaît dans sesfluvres. Babel va donc sÊengager danslÊArmée rouge en tant que correspon-dant de guerre. Pendant plusieurs mois,il accompagne la cavalerie et publiearticles et nouvelles dans le journal LeCavalier rouge. ¤ son retour, Isaac Babelpublie un recueil des histoires écritespendant cette période. Cet ouvrage,considéré comme un chef-dÊfluvre lit-téraire, va être lÊobjet de nombreusescritiques car la compagnie militaire quien est le sujet y est présentée de manièreambiguë plutôt quÊavec la gloire et lesfaits dÊarme quÊelle revendique.Tour à tour critiques, oniriques, sati-riques, importantes, ces nouvellesoffrent un voyage dans la conditionhumaine de lÊépoque, souvent faite dechoix politiques et de violence. On ycroise un regard brut sur la barbarie de

la guerre et des réflexions dissidentessur les rapports des soldats aux chevaux,aux paysans, aux Juifs, aux infirmières.Au final, à la place dÊun ouvrage de pro-pagande sur la grandeur de lÊarméerusse, cÊest la singularité des cosaqueset la cruauté du monde qui sont repré-sentées.

HAUTE FIDÉLITÉ

Ce sont les premières histoires de cerecueil que lÊon retrouve adaptéesaujourdÊhui par Jean-Pierre Pécau danscet album étonnant. Si lÊon est biendans les codes de la bande dessinée, letravail de transformation conserve lecaractère littéraire de lÊensemble. Trèsproche de la traduction choisie par lescénariste, certaines pages comportentde longs récitatifs permettant deprendre connaissance du style originelde Babel. Cette fidélité permet égale-ment de sÊimprégner du ton singulierde cette cavalerie rouge. Le lecteur quiy viendrait sans connaître lÊfluvre ini-tiale mettra sans doute un certain tempsà recomposer la mosaïque de ces récits

et à en trouver le rythme.Visuellement, Djordje Milovic fait untravail admirable, ses noirs et blancssont somptueux mais les pages qui secomplètent de couleur sont encore plusimpressionnantes. LÊambiance qui sedégage de lÊensemble vient à merveillerenforcer lÊunivers unique de lÊauteur.Il est des albums qui confirment lÊap-partenance de la bande dessinée à lalittérature, celui-ci en est sans nul douteun fort bon représentant.

LA CAVALERIE ROUGE

de Jean-Pierre Pécauet Djordje MilovicdÊaprès Isaac Babel,

Soleil, 144 p. coul., 18,95 €

Un classique de la littérature russe adapté en BD par un amoureux de l’Histoire, une époqueracontée avec virtuosité à travers un recueil de nouvelles…

Embedded avec

JOHN MOLODOY

LA CAVALERIE ROUGE

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uel bilan tirez-vousde cette premièredécennie ?

Début 2007, nous avons crééle site 30joursdebd.com des-tiné à mettre en valeur desauteurs inconnus. En créantMakaka Éditions, nous vou-lions aller jusquÊau bout denotre démarche et, dix ansaprès, nous sommes fidèles à

notre vocation : dénicher des talents. Nous avonsfait connaître au grand public une quarantaine dejeunes auteurs, avec lesquels nous travaillons tou-jours : Ced, Gorobei, Johan Troïanowski, Stivo,Raoul Paoli, Iléana Surducan, MC, 2D, Boutanox,Ian Dairin... La confiance, la fidélité, la liberté decréation et un état dÊesprit professionnel mais amical,voilà ce qui fait notre spécificité⁄ ce que nosauteurs appellent le ÿ Makaka spirit Ÿ !

Quelle est la réception de votre catalogue auprèsde votre lectorat ? Nous avons fédéré une jolie communauté, nous leconstatons sur notre page Facebook et lors des fes-tivals, durant lesquels nos lecteurs fidèles viennentfaire le plein de livres dédicacés chaque année.Nous avons également la chance de travailler avecdes libraires qui nous soutiennent et invitent nosauteurs en dédicace, et avec un diffuseur qui défendnos ouvrages avec conviction. Cependant, il restedifficile dÊobtenir la visibilité que nous souhaiterions

en rayons. La surproduction éditoriale mène la viedure aux éditeurs indépendants.

Comment définiriez-vous votre ligne éditoriale ? Nous nÊavons pas de ÿ stratégie Ÿ. Nous ne passonsaucune commande à nos auteurs après avoir flairédes sujets à succès, nous ne cherchons pas les coupsmarketing : nous éditons les projets que nousaimons, ceux qui nous inspirent, nous font rire etnous émeuvent. Nous offrons un maximum deliberté à nos auteurs, tout en leur assurant notresupervision. Nous travaillons vraiment en collabo-ration et mettons beaucoup dÊénergie à les accom-pagner dans leurs envies. Nos titres sont majoritai-rement tous publics, avec plusieurs niveaux delecture. Le potentiel du scénario et la qualité gra-phique sont au centre de notre décision, avec leÿ truc en plus Ÿ qui crée une aventure hors du com-mun, apte à éveiller lÊintérêt des lecteurs. La créationdes couvertures est toujours un moment dÊéchangesintenses, car cÊest un élément primordial que noustenons à maîtriser. Nous veillons à éditer de beauxlivres-objets, imprimés en France. En dix ans, notrecatalogue compte 67 titres. Notre fierté : 33 titresont été distingués à travers 56 labels, nominationset prix. CÊest important pour nous, et la preuve quenotre travail est légitime, apprécié et reconnu.

Pouvez-vous nous parler des ÿ BD dont vousêtes le héros Ÿ©, lancées en 2012 ? Le lecteur se voit confier une mission quÊil doitmener à bien en choisissant son personnage et en

avançant de case en case, selon les chemins qui luisemblent opportuns. LÊaventure est parseméedÊénigmes, de pièges, dÊennemis... Selon sa façondÊévoluer, le lecteur peut gagner des bonus pourterminer sa mission en beauté. ¤ ce jour, cette col-lection compte une trentaine dÊouvrages aux universvariés : thriller, enquête, aventure⁄ Il y en a pourtous les goûts et tous les âges, dès 7 ans ! En 2018,nous allons encore plus loin dans le concept enéditant le jeu de société Baïam – Le jeu dont VOUSêtes LES héros©. Il sÊagit de quatre BD dont vousêtes le héros© coopératives, pour un à quatrejoueurs. LÊobjectif est de mener à bien une quêtecommune, simultanément.

Quels sont vos projetspour 2018 ?Nous poursuivons la créa-tion de nos jeux desociété, avec notammentun opus sur SherlockHolmes. Pour cela, nousnous sommes associés àBlue Orange, avec qui

nous travaillons déjà sur la vente des BD dont vousêtes le héros© à lÊétranger (20 titres traduits danscinq pays). Côté ÿ BD classiques Ÿ, nous nousouvrons à la SF avec Edge of skyet HVK, et des suitestrès attendues avec Féréüs le Fléau 2, Charlotte et moi 2 et3 et Mystery 3. 16 nouveautés paraîtront dÊici 2019.Enfin, nous fêterons nos 10 ans avec tous nos auteurs,du 25 au 27 mai, au festival BD de Puteaux.

En août 2017, Makaka Éditions a fêté ses 10 ans. Rencontre avec les co-fondateursKarine Laca et Shuky Médina, installés dans le sud de la France.

LE « MAKAKA SPIRIT »

PROPOS RECUEILLIS PARJULIE BORDENAVE

INFOS PRATIQUES� SITE : www.makaka-editions.com� PAGE FACEBOOK : Makaka Éditions� ACHAT DES LIVRES : sur le site de MakakaÉditions (sans frais de port), ou dans toutesles librairies et boutiques de jeux (uniquementpour les BD dont vous êtes le héros©).

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En 1916, la Première Guerremondiale bat son plein. Surmer, un navire de guerre

anglais arrête un voilier afin de vérifierquÊil ne sÊagit pas du vaisseau corsaireallemand qui, depuis quelque temps,sÊen prend à des navires marchands,sÊappropriant leur cargaison avant deles couler. Le bateau est manifestementun navire norvégien. Le capitaineanglais ne sÊest-il pas laissé abuser ? EtnÊa-t-il pas, malgré lui, fourni des indi-cations précieuses ?

JEUX DE DUPES

Ce premier tome de LÊAigle des mers seprésente comme une partie de jeu du

chat et de la souris entre belligérants,intérêts nationaux ou personnels, secombinant ou sÊaffrontant. Trahison,rébellion, utilisation dÊun personnagepour faire ce quÊil est impossible dÊef-fectuer soi-même, recours à la séduc-tion⁄ Tout, ici, tient du jeu de dupes.LÊune des forces de cet album est lamanière dont les auteurs laissent auxpersonnages le soin de se passer le relais,un premier conduisant à un deuxièmequi, lui-même, amène à rencontrer untroisième⁄ Cette procédure, pas sicourante, permet de placer des leurrespour les personnages comme pour lelecteur. Ainsi, une fois les principauxpersonnages identifiés, les combinai-sons entre eux varient et ne sont pastoujours telles quÊelles paraissent être.

L’ESPOIR D’UN MONDE MEILLEUR

Comme elle le précise, ayant ÿ vécuune jeunesse libre au Chili Ÿ, mais désor-mais promise à un vieil armateur nan-tais quÊelle ne connaît pas, Pénélope,la jeune femme au centre de cette his-toire, aimerait quÊaprès la guerre lesfemmes ÿ aient une place pleine et entière etne soient plus obligées de se soumettre à undestin tout tracé Ÿ. LÊAigle des mers parleainsi dÊun monde en train de dispa-raître et utilise une femme immergée

dans un univers dÊhommes commetémoin et guide du lecteur.Si dialogues et situations sont parfoisattendus, rebondissements et surprisesse succèdent. Quant au dessin dÊEneaRiboldi, élégant, il contribue à développerla dimension romantique du récit, celle-ci sÊaccentuant – peut-être même un peutrop ! – au fil des pages pour atteindreson paroxysme à la fin.

Faire corps A c t u B d

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zoom

Giant, T.2, de MikaëlDans le premiertome, justementrécompensé parle Prix BD RTLen 2017, onassistait à lavie pleine dedanger desouvriersirlandais quiconstruisaientles gratte-ciels

de New York vers 1960. Le taiseuxGiant avait pris sous sa protection unjeune Irlandais qui décéda. N'ayant pasle courage d'annoncer la triste nouvelleà la veuve restée au pays, Giantentretint avec elle une relationépistolaire, se faisant passer pourson mari disparu. Jusqu'au jour où,débarquée à New York, elle fit irruptionà son domicile et lui demanda descomptes. Le trait est impressionnant,et l'histoire pleine d'émotions dansun contexte historique réel (laconstruction du célèbre RockfellerCenter).Dargaud, 64 p.couleurs, 13,99 €

MICHEL DARTAY

Ira Dei, T.1, L'Or des caïds,de Brugeas et Toulhoat

Les auteurs desremarqués Roydes Ribauds etdu Block 109démarrent unenouvelle sériechez Dargaud !L'action se situedans un cadreet une époquepeu fréquentée,la Sicile en

1040 ! Le contrôle de ce pointstratégique permet de dominer laMéditerranée. Le mercenaire normandTancrède (alias Robert) propose sesservices au chef des Byzantins pourreprendre Taormine aux Musulmans.Baignée de couleurs lumineuses,l'histoire plaira aussi bien aux amateursd'heroic-fantaisy qu'aux admirateurs deGame of Thrones, car il y a intrigues ettrahisons, et bien évidemment de laviolence et des combats épiques.Dargaud, 64 p. couleurs, 13,99 €

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Yuna de la pension Yuragi,T.1, de Tadahiro Miura

ÿ Je ne connaisquÊune méthodedÊexorcisme, lepain dans lagueule. Ÿ Difficileà appliquerlorsque lÊesprit àévincer est celuidÊune jolie jeunefille, inoffensivede surcroît. Voiciles prémices dunouveau harem

manga de pika. On commence par unepension plus ou moins désaffectée dontle héros doit sÊoccuper, on saupoudrede jeunes filles excentriques plus oumoins bourrées et on rajoute unfantôme pour faire bonne figure. Onest en présence dÊun pur mélange deBimbogami et de Love Hina, pour le plusgrand plaisir de tous les amateurs decomédies légères saupoudrées depetites culottes pas tout le tempséthérées. Pika, 192 p. n&b, 6,95 €

ALEX MÉTAIS

LÊAIGLE DES MERS, T.1ATLANTIQUE 1916

de Philippe Thirault et EneaRiboldi, Les Humanoïdes

Associés, 56 p. coul.,14,50 €

BORIS HENRY

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Philippe Thirault et Enea Riboldi signent le premier tome d’un diptyque à la croisée de l’aventuremaritime, du récit d’espionnage et de la chronique romantique dans lequel se côtoient le feu etla glace, la séduction et la trahison.

avec l’ennemi

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A r t & B dzoom

LÊidée était dans les cartonsdepuis une petite dizainedÊannées. LÊexposition a failli

se faire avec le musée du Quai Branly.Et finalement cÊest le musée desConfluences qui rafle la mise. Lavision ethnographique de lÊfluvre deHugo Pratt sera donc présentée àLyon, du 7 avril 2018 au 24 mars2019. Presque un an pour découvrirles chefs-dÊfluvre du Maestro à lÊaunedes collections dÊun musée qui concer-nent aussi bien lÊAfrique, lÊAsie que

lÊAmérique. ÿ Les deux tiers de la petite cen-taine dÊobjets exposée viennent du musée desConfluences, précise Michel Pierre, co-commissaire de lÊexposition. CÊest unedes raisons qui ont conduit à choisir cette ins-titution. Ÿ Le reste est prêté par le QuaiBranly, le musée du Cinquantenaire àBruxelles et des collections privées.LÊancrage des scénarios de Pratt dansla réalité des peuples autochtones dumonde entier est en effet une descaractéristiques de son fluvre. Ledébut de son adolescence en Éthiopie,au contact des Danakils, nÊy est sansdoute pas étrangère. Dans ses bandesdessinées, Maoris, Indiens dÊAmazonieet dÊAmérique du Nord, Zoulous etbien dÊautres encore ont un rôle dechoix. Et le conteur vénitien prendplaisir à caractériser ces personnagespar un objet, un vêtement, une armeou encore une fluvre dÊart tradition-nels. Décrypter les récits à la lumièrede lÊethnologie est donc dÊune grandepertinence.

FACÉTIEUX HUGO PRATT

Dans un espace de 750 m2, avec unehauteur sous plafond qui peutatteindre 12 mètres, des agrandisse-ments de cases de Pratt dialoguentavec les objets ou motifs graphiquesquÊelles contiennent. ÿ Dans les vitrinesaux arêtes très marquées pour rappeler lescontours dÊune case de BD, une centaine dÊob-jets rappellent ceux qui sont dessinés,explique Yoann Cormier, chargé deprojet au musée des Confluences. Ladocumentation joue un rôle important danslÊfluvre de Pratt. Ÿ Documentation quÊilréinterprète souvent pour brouiller lespistes. ÿ Il joue avec le vrai et le faux, ajoute

Yoann Cormier. Il déplace parfois volon-tairement une population dans une autre partiedu globe. Il sait que les crânes de cristal sontdes faux du XIXe siècle, mais il sÊamuse à lesplacer dans les mains de prêtres précolom-biens. Ÿ Les visiteurs vont ainsi sÊim-merger dans lÊunivers de Pratt, rythmésuivant les aires géographiques abor-dées dans les albums. ÿ La première partiede lÊexposition concerne la vie de Pratt et sesinfluences, complète Michel Pierre.Notamment le cinéma et les auteurs américainscomme Milton Caniff, dont nous aurons cinqplanches originales. Pour illustrer cette partie,nous aurons également 130 originaux de Pratt,planches et aquarelles. Nous avons voulu fairede cette invitation au voyage quelque chosede très visuel. Ÿ

HUGO PRATTLIGNES DÊHORIZONS

du 7 avril 2018 au 24 mars2019 au musée desConfluences, Lyon

THIERRY LEMAIRE

Hugo Pratt n’avait pas eu une telle exposition hommage depuis sa mort en 1995. Le musée desConfluences de Lyon accueille « Hugo Pratt - Lignes d’horizon », et propose un dialogue entreles cases de l’œuvre du Maestro et les objets ethniques qui s’y rapportent. Très appétissant.

HUGO PRATTInfiltration en BD

En 2004, pourla Gamecube deNintendo, sort leremake du troisièmeopus de la sagavidéoludique MetalGear, un sommetdu jeu tactiquedÊinfiltration⁄Dans la foulée

promotionnelle entourant cetévénement, une adaptation en BD estcommandée. Comment donner seslettres de noblesse à un tel produitdérivé, dont lÊintrigue reprend celle dujeu, à la fois tartignolle et tarabiscotée ?En confiant la partie graphique à unestar alors montante du neuvième art :Ashley Wood. LÊartiste australien, fortdoué, torture sa palette graphique sur300 planches, en alternant momentsde bravoure et consternante paresse(la première moitié). Alors que lesgraphismes 3D du jeu ont forcémentvieilli, ce pari dÊavoir recours pourlÊadaptation à un artiste au stylepictural très éloigné de lÊhyper-réalisme se révèle judicieux et lesplanches gardent énergie et fraîcheur.Metal Gear Solid : Projet Rex, de KrisOprisko et Ashley Wood, Mana Books,304 p. couleurs, 18 €

VLADIMIR LECOINTRE

Guibert en tête-en-têteLes entretiens avecdes auteurs de bandedessinée ne datentpas dÊhier, mais celuiréalisé par BettinaEgger est particulieren cela quÊil estentièrement dessiné.Faisant partie de

son projet de thèse à lÊuniversitéde Salzbourg, Entretien avecEmmanuel Guibert est le résultatdÊune conversation entre les deuxdessinateurs, dans lÊatelier de lÊauteurde La Guerre dÊAlan. Bettina Egger évitelÊécueil des plans répétés sur le visagedes interlocuteurs en représentant leplus possible les sujets évoqués.LÊalbum, de lecture très agréable,sÊattache à décrire la façon detravailler dÊEmmanuel Guibert plutôtque le contenu de son fluvre. Un petitcôté ÿ technique Ÿ, que lÊon nÊa pasforcément lÊhabitude de lire.Entretien avec Emmanuel Guibert, deBettina Egger, Jarjille, 64 p. n&b, 14 €

THIERRY LEMAIRE

Sous les pavés, des piafs Apparus il y a 50ans sur lÊORTF,les Shadoks ontfait voler lesplumes dÊunesociété rigide à

coup de devises débiles et géniales à lafois, ainsi que dÊun humour absurde quia fait florès. Retrospectivement, cesvolatiles stupidement logiques ont-ilsété annonciateurs du vent de révoltequi sÊest levé sur la France en mai 68 ?Ils ont en tous les cas été à lÊoriginedÊune controverse significative,comme en témoignent les coupuresde journaux dÊépoque reprises danscet ouvrage. Grand spécialiste delÊfluvre de Jacques Rouxel, ThierryDejean a rassemblé nombre dedocuments inédits sur la premièrefloppée dÊépisodes (la ÿ saison 1 Ÿcomme on dirait aujourdÊhui)en revenant sur lÊusage deÿ lÊanimographe Ÿ, la bande-sonou encore les influences dÊune sériequi a remarquablement bien vieilli.Les Shadoks de Jacques Rouxel,par Thierry Dejean,Hoëbeke, 224 p. couleurs, 25 €

OLIVIER PISELLA

SOUS L’ŒIL DE L’ETHNOLOGUE

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Il y a les dessinateurs qui restent dans leur sillon,aussi talentueux soit-il, et ceux qui se renou-vellent constamment, obsédés par lÊidée de faire

mieux car différemment. ¤ lÊexemple dÊun EmmanuelGuibert ou dÊun David Prudhomme, Manuele Fiorfait partie de cette seconde catégorie. Celle des arti-sans, qui expérimentent à longueur de journées, pas-

sant des heures à choisir un papier, un pinceau ouun tube de gouache. ÿ Souvent, dans mon lit, je pense à latechnique Ÿ, confesse le natif de Cesena. La lecture deLÊHeure des mirages en est la preuve saisissante. Lecture,car les 156 illustrations choisies pour ce recueil sontrégulièrement commentées par lÊauteur. Ses réflexionsportent à la fois sur le dessin en vis-à-vis et sur son

appréhension de la technique picturale en général,souvent liée à ses souvenirs. Une sorte de masterclassexpress très inspirante qui passe en revue toutes lesfacettes de son art. Au passage, Manuele Fior dévoilequelques-unes de ses influences (Lorenzo Mattotti,Winsor McCay, Pablo Picasso) et son attirance pourlÊart brut (Aloïse Corbaz, Augustin Lesage, CarloZinelli).

KALÉIDOSCOPE

Mais le principal plaisir de LÊHeure des mirages est bienentendu la découverte des dessins, dont chacunaccroche lÊflil, que ce soit par le sujet, la composi-tion, le travail des couleurs ou de la luminosité, outout cela à la fois. Les techniques variées (fusain,acrylique, gouache, feutre⁄), les multiples direc-tions de recherche formelle (dessin précis ou aucontraire nerveux et rapide, ébauché ou trèsdétaillé⁄), le choix des sujets (portraits, paysages,scènes⁄) procure une lecture qui est tout sauf répé-titive. ¤ lÊinstar de la superbe couverture, ce quifrappe le plus dans ce kaléidoscope de près de 200

pages, cÊest peut-être laforce des couleurs. Maispas seulement. Unemine de petits détails, icila vie étonnante dÊunesilhouette, là lÊoriginalitédÊun rendu, là encoreune tache de lumière,excite lÊimagination. Dugrand art.

Manuele Fior n’est pas qu’un auteur de bande dessinée. Avec L’Heure des mirages, recueil de ses meilleurs dessins, il montrequ’il est aussi un illustrateur hors pair. Plongée jouissive dans le monde de Fior.

UN SUPERBE

� LÊHEURE DES MIRAGESde Manuele Fior,Ici même, 200 p. couleurs, 26 €

THIERRY LEMAIRE

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BOUQUET DE FIOR

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Le Petit Ver tout nu,de Thierry Dedieu

Qui a vu, dans larue, tout menu, lepetit ver de terre ?Si vous savezrépondre à cettequestion, cÊest quevous connaissez lacomptine pourenfants qui jouesur les mots et les

rimes comme avec la vie du petit vertout nu qui risque dÊêtre dévoré toutcru par la grue. Bref ! Thierry Dedieu,dont les multiples albums et créationssont toujours pertinents et originaux,sÊest basé sur les constatations desspécialistes de la petite enfance pourcréer cette collection intitulée ÿ bonpour les bébés de 0 à 3 ans Ÿ. AprèsLÊEmpereur, sa femme et le petit princeou Une souris verte (une dizaine detitres déjà parus), réjouissez vosbambins avec lÊhistoire de ce petitlombric naturiste. Des albums ultrasimples mais intelligents, pour ne pasprendre les bébés pour des petitsvers tous nus.Éd. du Seuil, 12 p. n&b, 14,50 €

HÉL˚NE BENEY

Le jour où les ogres ontcessé de manger desenfants, de Coline Pierréet Loïc Froissart

Pendantlongtemps,les ogres senourrissaientexclusivementdÊenfants. Élevésen plein air,nourris au bio etengraissés avec debons produits, ces

enfants firent les beaux jours desrepas des ogres, jusquÊau jour où ilsdevinrent non comestibles⁄ Malgréle temps et les moyens, rien nÊy fait,les enfants les rendent affreusementmalades. Le conseil des sages vote lechangement dÊalimentation : il fautdevenir végétarien⁄ Derrière ceconte moderne et drôle, les auteursparlent du changement, dÊécologie, decontamination alimentaire et aussi devégétarisme ! ¤ déguster dès 5-6 ans.Rouergue, 40 p. couleurs, 15,50 €

HB

Mes chiffres rugueuxMontessori, de Santini,Frossard et Kachel

Méthodepédagogiquerespectantles rythmesde lÊenfantultra envogue depuisquelquesannées,

la méthode Montessori apporteun modèle dÊactivités quÊon peutfacilement mettre en fluvre à lamaison. Ici, les éditions Gründproposent dÊapprendre les chiffres etles nombres jusquÊà 20 (existe aussiavec les lettres pour apprendrelÊécriture cursive et la lecture) avecdes cartes rugueuses, des exerciceset un mode dÊemploi. Hyper simple,facile dÊutilisation et abordable, cecahier peut aider tous les enfants àmatérialiser les mathématiques debase et à comprendre les quantités.Utile et intemporel.Gründ, 7,50 €

HB

J e u n e s s ezoom

Il y a fort fort longtemps, le Malabsolu fut vaincu par six héroshumains aux pouvoirs surnaturels.

Enfermé par cette super team dans ledésert rouge de la planète Mars, le Malne risquait pas de revenir répandre saterreur sur la Terre. Malheureusement,avec les avancées spatiales et laconquête de Mars par une expéditionjaponaise, le Mal est à nos portes !Prenant secrètement le corps du spa-tionaute Sakurako Abe comme vais-seau, le Mal est silencieusement deretour sur Terre⁄ Les descendants des

six héros antiques vont devoir quitterleur petite vie tranquille pour faire faceà leur destin : sauver le monde !

THE SPECIAL ONE

La première aventurière à sortir de savie de lycéenne est Yuko, une jeuneJaponaise anticonformiste au caractèrevolcanique. ¤ la faveur dÊune répéti-tion avec son groupe de rock, elledécouvre quÊelle a une marque enéclair dans le cou : sÊensuit alors lÊap-parition dÊun vieux pépé à corne (lesien, son aïeul !) qui lui annonce quÊelleest lÊÉlue. Elle découvre alors quÊelleest Raijin, le grand guerrier de laFoudre. Elle peut maîtriser les éclairs,le son de la foudre et accessoirementtout courant électrique, ce qui sÊavèretout de même très pratique. SÊannoncealors un combat contre la montre pouréviter la propagation du Mal sur Terre,alors que déjà les catastrophes natu-relles sÊenchaînent. Réussira-t-elle,avec lÊaide de lÊesprit de son aïeul etses attributs magiques, à repousser ladestruction du Monde ?

SUPER-HÉROSDE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !

Au fil des six tomes, on découvrira unnouveau personnage et son pays(Parvati en Inde, Amir en Égypte,Abigail en Allemagne, Miguel au Brésil,

Neo en Grèce) qui viendront gonflerlÊéquipe des super-héros contre le Mal.Chaque opus sera dessiné par un artistedifférent (Jenny, Alice Picard, PhilippeOgaki, Dara, Jérôme Alquié et FredCharve), ce qui présage dÊun rythmede sortie soutenue. Avec un ton résolu-ment humoristique et une équipe mixte(trois garçons, trois filles), cette sériesÊadresse à tous et sÊavère sympathiqueet moderne. ¤ voir si le bouche-à-oreilleen fera le même succès que les incon-tournables Légendaires.

LES MYTHICS, T.1 YUKO

dÊOgaki, Sobral,Lyfoung et Jenny,

Delcourt, 56 p. coul., 10,95 €

Après le succès des Légendaires, ses créateurs lancent une nouvelle série plus orientée ados : LesMythics. Six tomes d’une lutte acharnée contre le Mal, consacrés à un personnage et son pays,dessinés par un artiste différent. Efficace et plutôt drôle, le premier tome arrive en librairie.

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LÉGENDAIRES MYTHICS

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R e d é c o u v e r t e

Certes, certes, se moquer desincontinents cÊest mal⁄Mais les modes pitoyables

pour les néologismes, lÊorthographeinclusive et le politiquement correctméritent toutes dÊêtre remises à leurplace dÊorigine, cÊest-à-dire au fonddu couloir à gauche (merci de tirer lachasse après défection [ou déféca-tion]).

On aurait tort de croire que cette obs-tination à distribuer des zigounetteset des pilou-pilous partout, tout letemps et à toutes les sauces soit unphénomène récent. Depuis des tempsimmémoriaux en effet, la société occi-dentale sÊévertue à contenir les indi-vidus selon leur appartenance sexuelle.Pendant que certains (et certaines)imaginent que cÊest en châtrant lalangue française que les solutions auxinégalités seront résolues, il existeencore une littérature, un cinéma, uneindustrie du divertissement et tout untas de produits de consommation abu-sivement destinés et codifiés selon legenre des individus.

AU MASCULIN…

La bande dessinée, après avoir étéconsidérée comme un divertissementmineur, pour mineurs, nÊest mainte-nant plus tout à fait cette sous-litté-rature destinée, au mieux, aux préado-lescents masculins. Les récits ontgrandi de concert avec les lecteurs,mais aussi avec les bouleversementssociaux et les modes. Au milieu desannées 50, les éditeurs ont commencéà élaborer des magazines en tâchantde viser à chaque fois un lectorat pré-cis. Sous lÊimpulsion du succès ren-contré par les premières ventes, lespériodiques pour les filles se sont misà foisonner dans les rayonnages. ¤

quelques exceptions près, lÊessentielde ces nouveaux titres se composaitde bleuettes ou de drames amoureuxdéclinés à toutes les sauces. Il faudraattendre la fin des années 70 pourquÊun premier et unique magazinemette à mal lÊidée selon laquelle sur-naturel et épouvante ne peuvent inter-peller un sexe décidément trop faiblepour supporter ÿ lÊétrange Ÿ.

… ET AU FÉMININ

La revue en question sÊintitulait Misty ;elle a vu le jour en Angleterre, aumoment où le monde de la bande des-sinée anglo-saxonne sÊenrichissait degrands scénaristes biberonnés aucinéma de genre, au fantastique et àla science-fiction. Pat Mills, lÊun deceux-là, créa le périodique en partantdu principe que les succès cinémato-graphiques de Carrie, Satan mon amour,ou dÊAudrey Rose auprès des specta-trices tenaient dans le simple fait queles personnages centraux étaient desfemmes. Pour le scénariste, la questiondu registre auquel appartient le récitest secondaire ; cÊest bel est bien leregard porté sur la narration qui faitla différence. ¤ partir du moment oùdes événements sont conjugués auféminin, ils interpelleront toujours –avec plus ou moins de bonheur – lesautres femmes.

LÊanthologie de Misty publiée par leséditions Délirium propose plusieursscénarios ambitieux (Les 4 visages dÊ˚veet Les Sentinelles, plus particulièrement)où les personnages principaux sontdes adolescentes qui nÊont rien de sté-réotypées. Ces histoires qui, finale-ment peuvent être appréciées par tous,font la démonstration de lÊabsurdité àvouloir cantonner les sexes dans descases prédéfinies ; un beau paradoxe

que voilà, puisque que le magazineMisty a été pensé à lÊorigine pour lesjeunes filles.

Et puisquÊil est question de paradoxe,notons que les pseudo-féministes quirevendiquent leur volonté dÊenferme-ment dans des vocables imbéciles sontfinalement aussi sectaires que ceux quiles parquaient jadis dans des niaiseries

à lÊeau de rose ou dans des divertisse-ments ennuyeux⁄

MISTY - ANTHOLOGIE

collectif,éditions Délirium,176 p. n&b, 24 €

Lecteurs, lectrices, Belges, Belges, auteurs, auteur(e)s (autrices, autratrices, auteuses, etc.), sages-femmes, sages-hommes,émasculés du subjonctif et transgenres en tous genres, bonjour !

Une épouvante conjuguée

KAMIL PLEJWALTZSKY

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Les textes de Lovecraft, qui ne cessent dÊévo-quer des éléments qualifiés ÿ dÊindescrip-tibles Ÿ ou même ÿ dÊindicibles Ÿ, sont un

véritable défi à retranscrire en images. Breccia lerelève avec entrain à 54 ans : il gagne sa vie avec labande dessinée depuis déjà plus de trois décennieset demeure soucieux de ne pas noyer le plaisir dudessin dans la routine. Chronologiquement, ses

adaptations de Lovecraft, presque toutes réaliséesentre 1973 et 1975, se situent donc après sonÉternaute et avant Le Cflur révélateur et ses autres travauxinspirés dÊEdgar Allan Poe. Breccia mène alors plusloin les expérimentations quÊil avait entamées surLÊÉternaute et qui avaient tant déplu au lectorat tra-ditionnel. Découpages, collages, encres grasses,juxtaposition de textures diverses et antagonistes⁄

LÊartiste ne ménage pas sa peine et sa joie dans unelutte contre les éléments et le papier.

LE FANTASTIQUE COMME PRÉTEXTE

En 1985, il confiait aux Cahiers de la Bande Dessinée (no 62) :ÿ En tant que lecteur, la littérature fantastique ne présente pasdÊattrait particulier pour moi. Elle mÊintéresse comme source dÊins-piration pour mon travail, car elle permet dÊépanouir mon styledans différentes directions, en dépassant le stade du réalisme Ÿ.Ainsi, Breccia sÊest davantage plongé dans les fluvresdu maître de lÊhorreur pour les potentialités plastiquesquÊil y décelait, quÊen raison dÊune affection particu-

lière. Mais loin de trahir le maté-riau initial, il en préserve les qua-lités suggestives, laissant, par untravail sur les formes indistinctes,intacte leur charge dÊépouvante.Ce faisant, il a produit une inter-prétation inégalable dont laréédition était nécessaire.

De nos jours, et cÊest devenu encore plusvrai depuis lÊaffaire Weinstein, le publicvoudrait nÊadmirer que des artistes dont

la vie personnelle est exemplaire et sans tache. Desacteurs renoncent à leur cachet par honte de sÊêtrecompromis dans un film de Woody Allen (!). Des

acteurs, des présentateurs sont licenciés ou dépro-grammés avant même dÊêtre jugés. Pourtant, il nÊestpas incompatible dÊêtre un sale con et un excellentpeintre, sculpteur, musicien, poète ou écrivain. LÊartet la morale sont deux domaines distincts. CÊestune erreur fâcheuse de méjuger une fluvre à causedes faits divers ou des opinions nauséabondes queson auteur a pu commettre.

CÊest donc tout à lÊhonneur des éditions 21g, alorsquÊelles se spécialisaient jusque-là dans la publicationde biographies de célébrités admirables sur le planprofessionnel comme dans leur vie privée (Eiffel,Einstein, Rodin, Gandhi, Mère Teresa, Martin LutherKing ou Nelson Mandela⁄), de contaminer un peuleur catalogue en ajoutant le nomdÊHoward P. Lovecraft à cetteliste prestigieuse. Nikolavitch,Gervasio, Aon et Lee donnent àvoir à la fois lÊécrivain génial, etlÊhomme Lovecraft dans toute samédiocrité. Lovecraft fut lÊinven-teur des indicibles ÿ GrandsAnciens Ÿ comme Cthulhu et Yog-Sothoth, de la légende du Necro-

nomicon (le livre qui rend fou) ou de la ville dÊArkham ;son fluvre, méconnue de son vivant, est aujourdÊhuiune des influences majeures de la culture pop, BD etcinéma en tête.

Dans sa vie personnelle, en revanche, Lovecraftétait plutôt antipathique. Ouvertement raciste etantisémite, bien que paradoxalement marié à uneimmigrée juive ukrainienne, lÊauteur était un misan-thrope affirmé, même sÊil soignait ses amitiés épisto-laires, par exemple avec Robert E. Howard (le créateurde Conan le Cimmérien et fondateur de lÊheroic fantasy).

Visage allongé, oreilles en pointe, menton fuyant, lèvres pincées, regard inquiet :voici Howard P. Lovecraft, capté par l’objectif d’un appareil photo en 1924. Qu’ensera-t-il de son portrait en BD, réalisé par Nikolavitch et Gervasio ?

� HOWARD P. LOVECRAFTde Nikolavitch, Gervasio, Aon et Lee,21g, 112 p. couleurs, 19 €

Les décennies passent et H. P. Lovecraft demeure la figure majeure de la littérature fantastique et horrifique américaine. Alors quel’arrivée de son œuvre dans le domaine public a donné lieu à une sinistre cohorte de produits triviaux, il est bon de se replongerdans les adaptations minutieuses, tout en suggestion, du maître argentin Alberto Breccia.

JÉRłME BRIOT

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R e d é c o u v e r t e

� LES MYTHES DE CTHULHU de H. P. Lovecraft et Alberto Breccia,Rackham, 128 p. bichromie, 22 €

VLADIMIR LECOINTRE

L’horreur par la suggestion

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30 jours de nuit, T.6,de Matt Fractionet Ben Templesmith

Cette nouvelleincursion danslÊunivers de 30jours de nuit estfrappée dusceau de la folie,ce qui convientparfaitement àTemplesmithqui aime tantdessiner destrucs de barjo...Dans cette

enquête sur le massacre de 400 jeunesfilles mexicaines, rien ne semblepouvoir être normal, et la folie desgens ordinaires est aussi flippante quecelles des vampires, notamment aveccette idée géniale de faire dire sespensées à voix haute au détectivechargé de lÊaffaire, ce qui engendreévidemment des malaises avec sesinterlocuteurs... Dingue et inquiétant !Delcourt, 112 p. couleurs, 15,50 €

CECIL MCKINLEY

Vampirella - MastersSeries, de Millar, Smithet Mayhew

Premier opusdÊune nouvellecollection dédiéeà Vampirella, cetalbum proposeles six épisodesécrits par MarkMillar et JohnSmith au débutdes années 2000pour lÊéditeurHarris qui avaitdécidé de

relancer ce personnage mythique.LÊangle pris est plus une actualisationquÊun hommage figé à la belle vampire,immergeant pleinement celle-ci danslÊAmérique du XIXe siècle. La violenceet le gore y sont donc plus exacerbésquÊauparavant, portés par le styleÿ peint Ÿ et réaliste de Mike Mayhew,qui nÊest pas insensible à la beautéfroide de notre héroïne...Graph Zeppelin, 144 p. couleurs, 19 €

CMCK

A. D. After Death,de Scott Snyderet Jeff Lemire

Réflexion surlÊangoisse de lamort, le désirdÊéternité et lapertinence delÊoubli, cetépais récitsÊapparente àce que seraitun épisode deLa Quatrièmedimension trèsétiré. La

progression narrative est trèsaccrocheuse, pleine de mystères, etlÊintention dÊéclairer cette science-fiction par le faisceau de la psychologieest très appréciable. Cependant, dansce roman graphique, la partie littéraireprend véritablement le pas sur lÊaspectvisuel. Le dessin de Jeff Lemire, sanséclat, peine en effet à respirer entreles pavés de récitatifs de Scott Snyder,qui se montre ici plus écrivain quescénariste. Si bien quÊon se demandesi la bande dessinée était vraiment lemeilleur support pour accoucher decette histoire.Urban Comics, 264 p. couleurs, 22,50 €

VLADIMIR LECOINTRE

C o m i c szoom

Gary Gygax et Dave Arnesonsont les créateurs améri-cains de Donjons & Dragons

(D&D)1, un jeu de rôle permettant àune équipe de joueurs dÊincarner cha-cun un personnage au cours de diffé-rentes missions préparées et mises enscène par un Maître du jeu. LÊorigi-nalité étant que lesdites missions lais-sent aux joueurs une vaste part à lÊima-gination et à lÊimprovisation. Aprèschaque épreuve intermédiaire, despoints dÊexpérience sont accumulés,ce qui permet aux personnages dedevenir de plus en plus forts, jusquÊàdevenir des ÿ Gros bills Ÿ ultra puis-sants, amenés à affronter des créaturestoujours plus redoutables. Le jeu apassionné environ 20 millions dejoueurs depuis le lancement de satoute première version commercialeen 1974. Mais il nÊa pas eu que desadeptes. Il fut aussi accusé de conduire

des joueurs à la dépression voire ausuicide, de favoriser le satanisme etles vocations criminelles. DavidKushner et Koren Shadmi2, près dedix ans après le décès des deux créa-teurs, Gygax en 2008 et Arneson unan plus tard, réalisent une BD-docu-mentaire sur les coulisses de la créa-tion de ce jeu, et lÊimpact quÊil a puavoir sur son époque.

LE BIOPIC DE GARY GYGAXDONT VOUS ÊTES LE HÉROS

Soucieux de coller à leur sujet et dÊap-porter une originalité formelle à leurtravail, les auteurs ont choisi de pré-senter les différents chapitres à lamanière dÊun maître du jeu quidémarre une aventure. Le lecteur estdonc interpelé à la deuxième per-sonne, pour incarner les différentsprotagonistes du récit. Par exemple :ÿ Tu es Gary Gygax, tu es né à Chicago le27 juillet 1938 Ÿ. Hélas, cette idée nefonctionne pas totalement, ou nÊestpas correctement utilisée, car lesauteurs ajoutent des citations directesà la première personne qui rendentle récit artificiel. ÿ Tu joues aux échecspendant ton temps libre, mais tu nÊes pas superbon Ÿ ÿ – Échec et mat ! Ÿ, annonce unadversaire ; ÿ Je nÊy ai jamais vraimentbien joué Ÿ, regrette Gygax. SÊil y avaitchez le lecteur un début dÊillusiondÊincarnation, la voilà réduite à néant.Comme par ailleurs le lecteur nÊest àaucun moment invité à prendre lamoindre décision (ce nÊest pas unlivre-jeu), ce procédé de biopic à ladeuxième personne tombe à plat. Mais si sa forme nÊest pas convain-

cante, ce livre est sauvé par son sujet :cette saga sur les coulisses de D&D,de lÊinvention du jeu au succès viralqui en fit un véritable phénomène desociété, est intéressante. Et la postfacede François Marcela-Froideval, le scé-nariste des Chroniques de la lune noire quifut le collaborateur et lÊami de Gygax,mérite vraiment une lecture.

Tu entres dans une librairie, envisageant d’acquérir un grimoire de bande dessinée. Tu tombessur un titre qui retrace la saga du jeu Donjons & Dragons. Tu l’achètes ou pas ?

DANS LA PEAU

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LÊÉVEIL DU MA˝TREDU DONJON

de David Kushneret Koren Shadmi,

Glénat, 144 p. n&b, 17,50 €

1 En anglais Dungeons and Dragons. Lespuristes noteront que le mot anglaisÿ dungeon Ÿ se traduit par ÿ cachot Ÿ et nonpas ÿ donjon Ÿ, le jeu dÊorigine consistantdÊailleurs à explorer des souterrains et nonpas des bâtiments construits à la surfacedu sol. 2 Shadmi est aussi lÊauteur dÊAbaddon, LoveAddict, confessions dÊun tombeur en série et LeVoyageur, parus aux éditions Ici même.

JÉRłME BRIOT

DU MAÎTRE DU JEU©

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COMICS USA

En 1975, dans lÊépatante col-lection ÿ Graffiti Ÿ dÊAlbinMichel, parut Comics USA de

Marc Duveau. Un ouvrage qui fit date,car ce fut le premier en France à abor-der lÊhistoire des comics, notammentsuper-héroïques, en regard du succèsgrandissant de Lug et Arédit auprèsdu lectorat. Dans un remarquableesprit de synthèse, lÊauteur se penchaitsur lÊhistoire, la nature et les acteursdu médium en seulement 96 pages.Plus de 40 ans après, voici donc uneréédition fortement augmentée etactualisée par lÊauteur lui-même afindÊoffrir une continuité à son travailinitial. En 288 pages, avec la mêmeacuité et en sÊoctroyant une iconogra-phie bien plus riche quÊauparavant,Marc Duveau a déployé son analysedes super-héros jusquÊà aujourdÊhui, etcÊest toujours aussi passionnant etintelligent, abordant les comics demanière aussi spécifique que contex-tuelle – ainsi, dans le dernier chapitresur les comics actuels, sont mis enavant la place et le rôle des femmes(réelles ou de papier) ou lÊinteractionentre fiction et actualité... Au-delà deson intérêt intrinsèque évident, il fautbien admettre que cÊest aussi une vraieémotion que de voir reparaître ainsilÊouvrage de cet auteur... car il lemérite amplement !

SUPER-WAR

Dans sa collection ÿ Fantask Ÿ dédiéeaux cultures populaires, Huginn&Muninnnous propose ce livre sous-titré Marvelversus DC Comics : tout est dit ! Si le livreest visuellement aride (522 pages sansillustrations), son contenu est de toutpremier ordre, résultat du travail impres-sionnant et de longue haleine de ReedTucker, journaliste on ne peut plussérieux. ¤ travers son récit émaillé denombreux témoignages des principauxacteurs du médium quÊil a rencontréspour lÊoccasion, lÊauteur retrace lÊhisto-rique de la guerre éditoriale, politique,artistique et bien sûr... économique quese mènent les deux fameux mastodontesdes comics depuis plus dÊun demi-siècle.LÊenquête est à la fois prenante et édi-fiante, et nous aide aussi à mieux com-prendre lÊévolution de la notion de mains-tream. Un livre très bien documenté qui

dévoile combien les rêves super-héroïquessont le fruit dÊun business bien moins mer-veilleux...

C o m i c szoom

Le Garde Républicain :2054, T.2,de Jean-Yves Mitton

Avec sonGardeRépublicain,Thierry Mornet– alias TerryStillborn – aexaucé un rêvedÊenfant ayantbiberonné auxpublicationsLug : créer unsuper-héros et

lui faire vivre des aventures de papier.Mais quand cÊest Jean-Yves Mitton quisÊy colle, alors le rêve devient Noël !Qui plus est lorsque le fameuxdessinateur français des supÊhérosréalise un récit dÊanticipationpolitique faisant écho aux dérives denotre société actuelle... de manièretotalement débridée. Mitton se lâche,entre révolte, humour, sexe, action etcritique acerbe. Ça dépote !Hexagon Comics, 56 p. couleurs, 13 €

CECIL MCKINLEY

The Manhattan Projects,T.1, Pseudo Science,de Hickman et Pitarra

En octobre 38,Rooseveltreçoit unelettre signéeEinstein luiannonçant queles nazis sontproches dÊavoirla bombeatomique. Afinde les prendrede vitesse, leprésident

américain crée le Projet Manhattan,rassemblant les plus grandsscientifiques de ce début de siècle⁄En partant de cette partie véridiquede lÊHistoire, les auteurs tricotentune dystopie hallucinée, entre SF etloufoque, et la passent au shaker deleur propre folie ! Couleurs criardeset rebondissements improbables, lesfans du genre vont plonger dans unelongue aventure (472 pages pour cepremier tome !) qui les fera passerde lÊautre côté du réel.Urban Comics, 472 p. couleurs, 35 €

HÉL˚NE BENEY

Le Quatrième Monde, T.4,de Jack Kirby

Voici donc la finde la fameusetétralogie desNew Godsimaginée parKirby pour DCau tout débutdes années 70.Il a arrêté lesaventures duSuperman's Palpour se consacrer

à ses propres comics. Seul MisterMiracle continue son chemin ensolitaire jusqu'au no18, tandis que NewGods et Forever People s'arrêtent à laonzième livraison ! Les responsableséditoriaux de DC laisseront Kirbyterminer ses New Gods en 1984, puiséditeront l'album des Hunger Dogsconsacré à Darkseid, à la gestationdifficile. Des comics avaient ététraduits en noir et blanc petit formatpar Arédit, Hunger Dogs était jusqu'iciresté inédit en France !Urban Comics, 432 p. couleurs, 35 €

MICHEL DARTAY

Huginn&Muninn a récemment publié deux ouvrages essentiels sur les comics : Comics USA etSuper-War. Tout simplement incontournables pour tout fan qui se respecte.

ALL ABOUT COMICS

CECIL MCKINLEY

� COMICS USAde Marc Duveau,Huginn&Muninn,288 p. n&b et couleurs, 27 €� SUPER-WAR, MARVELVERSUS DC COMICSde Reed Tucker,Huginn&Muninn / Fantask,522 p. n&b, 25 €

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A c t u B d zoom

Le premier épisode de cerecueil publié par PaniniComics a sacrément fait parler

de lui. Des exemplaires du comic-bookont été brûlés, un hashtag spécifiquea été déployé sur Twitter et les auteursont même reçu des menaces de mort.Tout ça, parce que le scénariste adécidé de dévoiler que le vertueuxCaptain America était en fait un agentde lÊHydra infiltré. Un agent de lÊan-cien nazi Crâne Rouge ! Un cliffangherqui a donc enflammé les réseauxsociaux pour qui le personnage ne pou-vait être ce quÊil avait combattu toutesa vie. Construction volontaire : cÊestau second épisode que Spencerexplique le pourquoi du comment, etquÊil commence à poser les bases quimènent à lÊévénement ÿ Secret Empire Ÿactuellement publié en kiosques enFrance.

ATTENTION, IL VA FALLOIR SUIVRE !

Ne le cachons pas, un minimum deconnaissance de lÊunivers Marvel récentest un plus. Les épisodes assurent lesrésumés essentiels, mais vous aurez unpeu moins de données à assimiler sivous savez qui est Kobik, ce quÊil sÊestpassé à Pleasant Hill ou pourquoi lecrâne est si important chez CrâneRouge. CÊest la force de la série écritepar Nick Spencer. Elle assimile de trèsnombreux éléments de contexte delÊunivers Marvel pour produire sa propreintrigue autonome. On redécouvre àla fois le présent et le passé de ce per-sonnage qui nÊest plus tel que nous leconnaissions. Mais tout a un sens et lesagissements agressifs accompagnant la

sortie du tome 1 montrent bien leurvacuité. Évidemment que Steve RogersnÊa pas été des années durant un fasciste.Mais cÊest désormais ce quÊil est, et lÊhis-toire sÊavère totalement passionnante,parvenant même à se glisser intelligem-ment au sein des ÿ Événements Ÿ impo-sés par la structure éditoriale, et à leurdonner un sens différent.

UN REGARD SUR L’AMÉRIQUE

Quand bien même vous vous trouvezdans un comic-book grand public, ilest possible de trouver un messagepolitique. CÊest exactement ce que faitNick Spencer. Il donne à Hydra undiscours très réel sur la façon dont lesinégalités sociales engendrent les

extrémismes. Reprendre les discoursécrits et les confronter à la réalité amé-ricaine actuelle fait froid dans le dos. Un fond intelligent, des référencesbien menées à lÊunivers Marvel, CaptainAmerica : Steve Rogers est LA série desuper-héros à suivre en ce début dÊan-née 2018.

Captain America, symbole de l’impérialisme américain, bon aryen aux yeux bleus et aux cheveuxblonds… Une incarnation du fascisme aux yeux d’une partie du monde qui le déteste. Mais voussavez quoi ? Oui, Steve Rogers est bien un fasciste. Nick Spencer l’affirme dans CaptainAmerica : Steve Rogers. Décryptage !

CAPTAIN AMERICA

CAPTAIN AMERICA :STEVE ROGERS, T.1

de Nick Spenceret Jésus Saiz, Panini Comics,

176 p. couleurs, 18 €

YANECK CHAREYRE

est le point Godwin

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Preacher, T.6, de GarthEnnis et Steve Dillon

Eh ben voilà, çay est... on y est,à ce %£#§$&bout de laroute ! Au boutde six volumesconséquents,lÊépopéevachardedu révérendCustersÊachève, et avecelle cette belleédition intégrale

de lÊfluvre phare de ce garnement deGarth Ennis. Une très belle occasionde se (re)plonger dans ce road movieiconoclaste qui a fait date au sein dela vague post-punk britannique desannées 90 chez Vertigo, mais aussi derevoir ces planches du regretté SteveDillon. Et puis... saluons une finconvaincante qui évite les surenchèrestrash (car elles avaient déjà eu lieu !).Urban Comics, 400 p. couleurs, 28 €

CECIL MCKINLEY

Renato Jones, T.1,de Kaare Kyle Andrews

Cette ÿ saison1 Ÿ de RenatoJones estintitulée ÿ Lesun % Ÿ : ces 1 %de la populationmondiale quipossèdent plusde la moitiédes richessesde notre planète.Ça vous rappellequelque chose ?

Dans ce récit frénétique etprovocateur, Andrews fait apparaîtreun justicier très remonté qui va fairepayer les super riches – dans tous lessens du terme. Alternant couleurs,noir et blanc, narration énergique– voire épileptique – et faussespublicités de ce quÊelle combat, cettebande dessinée punk à souhait est unvéritable pamphlet, sur le fond commesur la forme. Yeah !Akileos, 176 p. n&b et couleurs, 17 €

CMCK

Captain America,L'Intégrale 1974,de Steve Englehartet Sal Buscema

1974, c'estl'année dela démissiondu présidentNixon à la suitede l'affaire duWatergate.Toujours écritspar l'inspiréSteve Englehart,les épisodesde ce volumemettent Cap

face à une mystérieuse organisationproche du pouvoir présidentiel(l'Empire Secret, qui est égalementle titre d'une mini-série récentecontroversée). Ecfluré, il renonce àson costume aux couleurs du drapeauétoilé et devient Nomad. Le dessin estde l'efficace Sal Buscema, qui est lepetit frère de Big John. Ajoutez à celala présence de Black Panther dansquelques épisodes, et vous saurezce qu'il vous reste à faire !Panini Comics, 240 p. couleurs, 32 €

JEAN-PHILIPPE RENOUX

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C o m i c s

Pour ceux qui, depuis la France,observent de près la produc-tion dÊOutre-Atlantique, lÊan-

née 2018 sera lÊannée Matt Kindt⁄Les éditions Monsieur ToussaintLouverture ouvrent donc le bal avecDu sang sur les Mains, la traduction deRed Handed (2013), un volume aussiépais que ludique, tandis que Futuro-polis annonce la sortie imminente dela traduction de Dept. H, sa dernièresérie, qui va se clore sous peu aux États-Unis. Du côté des super-héros, les édi-tions Bliss Comics nÊen finissent plusde publier en français ses histoires pourlÊunivers Valiant, au sein desquelles sedétache nettement Divinity, récit deguerre froide stellaire dessiné par TrevorHairsine. Le planning de ses parutionsfrançaises va ainsi se densifier, jusquÊàculminer en 2020 par la traduction dumonumental Mind MGMT.

Avec Du sang sur les mains, pertinem-ment sous-titré ÿ De lÊart subtil des crimesétranges Ÿ, Matt Kindt se livre à unerécréation réflexive sur les notions decrime et de justice. Amateur de jeuxde pistes et de récits dÊespionnage,lÊauteur propose à ses lecteurs unesorte de livre-puzzle qui requerratoute leur attention. La fragmentationet la manipulation sont au cflur mêmedÊun récit qui sÊabreuve davantage auxsources de la littérature quÊà celles ducomic-book.

ENTRETIEN

Vous ne semblez pas aimer les livresqui se lisent trop facilement⁄Matt Kindt : Moi jÊaime les livres quelÊon peut relire. JÊattends beaucoup dela lecture dÊune fluvre et jÊaime quemes lecteurs en aient pour leur argent.Chris Ware pour moi fut une révéla-tion : un de ses livres était aux toilettes,et durant 15 jours, à chaque fois quejÊy allais, jÊen étais toujours à déchiffrerla couverture ! Il y a quelques années,quand je faisais la promotion deLÊHistoire secrète du géant dans une librairie,un gars achète la BD, revient 20minutes plus tard et me dit : ÿ cÊétaitsuper ! Quand est-ce que tu sors le suivant ? Ÿ.Ce que jÊavais mis plus dÊun an à réaliseravait été consommé en moins dÊunedemi-heure ! Je me suis alors juré dene plus jamais faire une BD qui puisseêtre lue en 20 minutes ! La premièrelecture doit être divertissante, mais lelecteur doit avoir lÊimpression dÊavoirmanqué quelque chose.

Vous avez écrit de nombreux scéna-rios chez des éditeurs de récits super-héroïques. Comment, vous qui êtesaussi dessinateur, intervenez-vous surle dessin des autres ?Chez DC Comics, le scénariste nÊa pasvraiment de relation avec les dessina-teurs car les éditeurs agissent presquecomme un mur. On leur envoie un

script et ce sont eux qui le transmettentau dessinateur. Chez Valiant, aucontraire, les relations et interactionsentre scénariste et dessinateur sontencouragées.

Les contraintes semblent vous stimuler.Oui, travailler avec des contraintes cÊestce qui est le plus amusant⁄ Ne pasbriser les règles, mais les plier légère-ment pour trouver un axe créatif, voilàmon objectif.

Quelles étaient les contraintes quevous vous étiez fixées avec Du sangsur les mains ?Pas dÊarmes et pas de braquages debanque⁄ Bon, dÊaccord, au final il y aquand même un coup de feu !

Il semble que vous aimeriez que voslivres laissent une empreinte dans lÊes-prit de vos lecteurs. Et vous, quellessont les fluvres qui vous ont marquédurablement ?Nabokov est une grande source dÊins-piration pour moi. Et dans son fluvre,

Feu pâle et Pnine sont sans doute les livresqui mÊont le plus fasciné. Il faudraitégalement citer Catch 22 de JosephHeller. En vieillissant, mes influencesont beaucoup évolué. Quand jÊavais 20ans, je vénérais le travail de FrankMiller. Maintenant je suis plus tournévers la littérature.

Dans Du sang sur les mains, il y aun motif récurrent montrant desartistes comme des voleurs de frag-ments dÊautres fluvres. La créationserait-elle toujours le détournementou le pillage de travaux antérieurs ?QuÊon en soit conscient ou non, onvole toujours lÊfluvre de quelquÊundÊautre⁄ On vole parfois même la viedes autres en se projetant dans leurexistence. Oui, les meilleurs artistessont de grands voleurs.

De l’art de la Invité au dernier Festival d’Angoulême, nous avons pu rencontreret nous entretenir avec l’auteur américain Matt Kindt.

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DU SANG SUR LES MAINS

de Matt Kindt,Monsieur Toussaint

Louverture,276 p. couleurs, 24,50 €

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PROPOS RECUEILLIS PARVLADIMIR LECOINTRE

Merci à Thierry Bellefroid pour laconférence avec Matt Kindt quÊil animadurant le FIBD 2018.

MATT KINDT

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C o m i c s

Groom Lake, dans le Nevada. Sous le désertse cache un projet top-secret mené parlÊagent Leticia Pope. CÊest ce que va

découvrir un jeune homme de 20 ans, Karl Bauer,après que son père a été enlevé pour servir decobaye à des petits hommes gris venus de lÊespace.Il sÊagit donc bien de la continuité de lÊaffaire Roswell

de 1947, à ceci près quÊici on nÊest pas dans X-Filesmais plutôt dans What-The-Fuck-Files. En effet, sÊilest bien question de projet complotiste dÊÉtat enlien avec des petits hommes gris, ce postulat dedépart est gentiment – mais sûrement – mis à malau fur et à mesure de la lecture, devenant une sortede parodie dont lÊesprit décalé fait souvent mouche...

TÉLÉPHONE MAISON ?

Car tout part en quenouille jusquÊà la dernière page.LÊAlien ? Il sÊappelle Archibald et est obsédé par lechocolat, les clopes et... le sexe (quÊil nÊa pas). Lehéros ? Il semble plus enclin à affirmer quÊil nÊestpas puceau plutôt quÊà agir pour sauver le monde.LÊenjeu ? Le ÿ paquet Ÿ des mâles de la familleBauer qui peut enfler jusquÊà ÿ explosion du slip Ÿ.Quant aux autres Aliens et robots en lice, mieuxvaut ne rien en dire... Bref, ce qui aurait dû être unbon gros récit de SF flippant sÊavère finalement

être un beau fiasco savammentorchestré, lÊauteur prenant unmalin plaisir à saboter la dimen-sion extraordinaire de son sujetpour la faire bifurquer vers lÊab-surde, le jÊmÊen-foutisme, lÊaffli-geant (voire le consternant), maisaussi une certaine tendresse...Cool !

Butch est réparateur de climatisation danslÊÉtat de Repo City. Bon, cÊest aussi unpetit truand qui rêve dÊégaler les grands

braqueurs du passé. Pour cela, il a un gros pistoletvivant qui entre en lien avec son système nerveux.Mais Butch est un loser, ce qui va le mener au cflurdÊun sale complot contre la ville.

ATTENTION AU DÉLIRE

Une avalanche de concepts complètement dingues,voilà le menu. Attention avant dÊouvrir le livre, vous

risquez lÊoverdose. Déjà, graphiquement, DarickRobertson envoie du TR˚S lourd. Ses pages sont rem-plies de détails, les cases sont souvent surchargées àlÊextrême. Le coloriste, Diego Rodriguez, vient rajou-ter une couche de couleurs flashy dignes dÊun tripsous acide. Autant dire quÊil va falloir sÊaccrocher unpeu et que les estomacs fragiles refermeront le livrerapidement, pris de nausées. Pour ceux un peu plussolides, il va falloir supporter la masse de conceptsbizarres développés par le scénariste Adam EgyptMortimer. Entre le flingue vivant, les maisons qui lesont tout autant, les restaurants de viande humaineclonée, on en passe et des plus dingues, il nÊest pasfacile de tenir à la lecture.

QUE RETENIR DERRIÈRE LA SURENCHÈRE ?

Car évidemment, une telle abon-dance de folie visuelle et concep-tuelle poursuit un but. Nous inci-ter à être moins idiots, plusouverts à la différence. En pous-sant le bouchon loin, Mortimeret Robertson nous rappellent quenous nous pourrissons la vie à lut-ter contre des concepts finale-ment pas si compliqués à intégrer,

vu ce que leurs personnages, eux, arrivent à dépasser. Mais pour arriver à ce message, il faut bien reconnaîtrequÊil faudra se montrer fort⁄

Qui a lu Transmetropolitan sait que Warren Ellis est dingue et qu’il était bien accompagné par Darick Robertson au dessin. Maispeu avaient identifié que le dessinateur était pire que son scénariste. Avec Ballistic, la preuve en est faite. Embarquez pour undélire gore et psychédélique assez rare dans le paysage comics.

� LES CHRONIQUES DE GROOMLAKE, de Chris Ryall et Ben Templesmith,Delcourt, 128 p. couleurs, 15,50 €

� BALLISTICdÊAdam Egypt Mortimer et Darick Robertson,Glénat Comics, 160 p. couleurs, 15,95 €

CECIL MCKINLEY

YANECK CHAREYRE

Chroniques aliénées

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Oui, il aime son gros gun !

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Avec leurs Chroniques de Groom Lake, Ryall et Templesmith revisitent avec bonheur l’affaire Roswell, la dépoussiérant de tousses poncifs via un humour décapant et un second degré très bienvenus.

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M a n g a s & A s i e

Depuis lÊenfance, Jiro Azumaa le don de parler avec lesanimaux. Ce nÊest pas son

seul talent : héritier dÊun clan de shi-nobi (appellation plus traditionnelledes ninjas), cÊest aussi une bête en artsmartiaux. Il a développé sa propre

technique : la ÿ mue de la cigale Ÿ,qui lui permet de disparaître pourréapparaitre furtivement dans le dosde son adversaire, et de là, vlan !, luiplacer un bon kick dans le dos.Simple, un peu fourbe, efficace : toutà fait dans lÊesprit shinobi ! Son grand-

père lÊélève à la dure, insistant beau-coup sur les entraînements, la tradi-tion, le devoir et la réputation de lafamille. Un jour, Jiro, averti par uncorbeau, vient au secours dÊun chatnoir à moitié mourant. Lequel sÊavèreêtre en réalité Rago, un mononoke2 sur-puissant, fraîchement tiré des limbespar quelques-uns de ses comparses quiconvoitent ses pouvoirs et lÊont passéà tabac. Pas encore remis de cetteépreuve, Rago est retrouvé par unmononoke qui prétend lui laisser unedernière chance de rejoindre leursrangs⁄ Peine perdue ! Un ultimecombat est inéluctable⁄ Mais voilàque Jiro sÊinterpose.

ET LÀ, PAGE 58, LE HÉROS MEURT !

Touché par le geste de sacrifice dugarçon, Rago décide de fusionner aveclui pour lui permettre de survivre.Dorénavant, ils ne forment plusquÊun : Jiro prête son corps, Rago sapuissance et sa science du combat.LÊêtre double quÊest désormais ce nou-veau Jiro boosté par Rago intéresseégalement les agents du ÿ bureau desinvestigations secrètes Ÿ chargés dÊéra-diquer de ce monde les mononoke quisÊy attardent⁄ Ces descendants des

ninjas sont désormais des fonction-naires dÊÉtat, vêtus dÊarmures hi-techet préférant les armes à feu aux tradi-tionnels shurikens pour accomplirleurs missions secrètes, dont la chasseaux mononoke fait partie.

SON OF A BLEACH

Avec un seul tome paru, il est sansdoute encore un peu tôt pour débattrede lÊintrigue. Des éléments intéressantssont présents, cÊest assez accrocheuret efficace, sans non plus être dÊuneoriginalité folle. Mais la fin de Bleachil y a quelques mois laisse le créneaudu shônen de ninjas vacant⁄ Et pourle dessin, nul besoin dÊattendre unfutur volume pour remarquer les qua-lités du présent titre : Black Torch estdynamique, avec une narration effi-cace et un trait de toute beauté. Lepersonnage de Rago est particulière-ment expressif, jusquÊau comique dansses attitudes de dédain ou lorsquÊil estincrédule à sÊen décrocher la mâ-choire. Les scènes de baston ne sontpas en reste : lÊimpact dÊun coup depoint de Jiro, boosté à la puissanceyokaï par Rago, forme un dessinmémorable.

BLACK TORCH, T.1

de Tsuyoshi Takaki,Ki-oon, 192 p. n&b, 6,90 €

1 Notons que pour soutenir ce lancement,lÊéditeur propose, chez les librairesparticipants, un jeu à gratter permettantaux veinards de gagner cartes postales,affiches, badges et t-shirts à lÊeffigie de lasérie.2 ÿ Spectre, fantôme, démon, esprit malin⁄ Lesgens donnent toutes sortes de nom !Ÿ, explique lenoir félin. On dit aussi yokaï.

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Black Torch mêle baston, yokaïs et ninjas, le tout porté par un dessin convaincant. Trois tomes sont annoncés pour le premiersemestre 2018. Les ninjas aiment la discrétion ? Tant pis pour eux, ce lancement est prévu pour faire du bruit1 !

SHINOBI VS MONONOKE

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M a n g a s & A s i e

Nokuto Koike est un habitué des histoiresangoissantes assez courtes. Vous leconnaissez déjà peut-être pour 6000, les

oubliés ou Mushroom, séries invariablement publiéeschez Komikku qui sÊavère un éditeur fort fidèle. AvecScary Town, lÊauteur se lance un poil plus frontalementdans lÊeffroi que précédemment en enchaînant dessaynètes mélangeant abruptement horreur et dérision.Le cocktail est surprenant mais la décoction savou-reuse, et le lecteur pris de court sÊenivrera vite durésultat. Le troisième tome sonnant le glas de la série,sommes-nous prêts pour la gueule de bois ?

INVASION SPONTANÉE

Kouichi est un jeune garçon qui, bien que déscolarisé,semble volontaire et optimiste. Son père peine àjoindre les deux bouts et se voit dans la nécessitédÊaccepter des emplois purement alimentaires. Lasituation se complique lorsque chaque nouveau job

paternel commence à impliquer des bestiolesétranges, des créatures surnaturelles et plus largementdes situations macabres mettant la vie de tous enpéril. La ville semble alors tourner de plus en plusrapidement en foire aux monstres dans de succinctesaltercations mélangeant contes anciens, mythesmodernes de la pop culture et tropes de films dÊhor-reur. Jamais lÊabsurde de ces situations fantastiquesne réussira à faire basculer les priorités de cettefamille, qui persistera stoïquement à placer ses pro-blèmes financiers avant lÊévident effondrement deréalité qui les poursuit.

UN ŒIL DANS L’ABÎME

Passé le merveilleux élément desurprise qui fait du premier tomeun joyau de lÊhorreur à ne pasprendre au sérieux, il reste à la sérieun rythme rapide et des situations

éclectiques qui culminent dans une conclusion psy-chologique astucieuse. Ce final, amené par un ultimetome dont les thématiques sociales sont un peu forcéesmais justifiables, réutilise les codes du scepticisme hor-rifique dans une situation inverse qui évite lÊécueil delÊévidence sans substance. Ainsi se clôt une parenthèseétrange quÊon aura eu plaisir à lire.

Rares sont les titres à être réellementintriguants. Bien sûr, un éditeurdevra avant tout mettre en avant

une série en laquelle il croit mais, passéecette promotion, que reste-t-il véritable-ment ? Dans le cas de Kedamame, il persisteun sentiment étrange, mélange de prémicespoussives et dÊintrigue pertinente. En effet,la mise en place des personnages est assezforcée, assemblage de flash-backs trop évi-dents et de situations initiales dÊexpositionsans assez dÊambages. Pourtant, plus le récitprogresse et plus cette ambiance, pousséeen effet par des graphismes du niveau desplus habiles du milieu, semble prouver sonefficacité.

L’AMER À BOIRE

Kedamame nÊest pas sans rappeler une combi-naison de Ken le transporteur et de Genzo lemarionnettiste. Le personnage principal,Kedama, présenté dÊentrée de jeu comme unmonstre, se rapproche dÊune troupe de dan-seuses itinérantes. La nécessité pousse cegroupe à se lier avec un méprisable noblede leur ville dÊaccueil, tandis que de sordides

meurtres dirigent un enquêteur du shogunatsur la trace du saltimbanque nouvellementinclus. Celui-ci paraît disposer de capacitéslui permettant dÊuser de certaines spécificitésanimales. Il représente le coupable idéal,mais bien entendu de pires monstres peuplentle japon féodal quÊil arpente. Les redirectionsnarratives sont classiques, mais le style soignéde lÊauteur nous amène fatalement à en vou-loir plus. Plus de capacités étranges, plusdÊaffrontements, plus dÊantagonisme direct.Pourtant, cÊest bien cette patine visuellemêlée à une narration centrée sur une socia-lisation historique qui fait toute la force de

ce premier tome. Il nereste plus quÊà espérer quelÊauteur persévérera dansses détournements pournous livrer une série dÊac-tion qui échappera auxcodes simplifiés qui nousrassurent.

Kedamame, de Yukio Tamame, est joyeusement comparé aux œuvres deKentaro Miura, d’Hiroaki Samura et de Takeshi Inoue. La comparaison estpeut-être encore un peu osée.

� SCARY TOWN, T.3 de Nokuto Koike, Komikku, 208 p. n&b, 7,99 €

� KEDAMAME,LÊHOMME VENU DU CHAOS, T.1de Yukio Tamai, Glénat, 224 p. n&b, 7,60 €

ALEX MÉTAIS

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Scary Town, la série de Nokuto Koike parue chez Komikku, arrive à sa fin enclaudiquant parfois comme un zombie éclopé. Mais ne vous y trompez pas, elle gardetout son mordant.

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De la jeunesse du petit Osamu, qui se pas-sionne pour lÊétude des insectes, à sonadolescence pendant la Seconde Guerre

mondiale qui enracine en lui des convictions huma-nistes et pacifistes ; de son immense fluvre enmanga et en animation et jusquÊà sa mort en 1989,cette biographie réalisée par le studio TezukaProductions révèle tous les détails de la vie de cedessinateur et raconteur dÊhistoires surdoué.

TEZUKA, LA LÉGENDE

Osamu Tezuka a révolutionné le manga en offrant audomaine son premier best-seller dÊaprès-guerre1 et enimaginant en plus de 40 ans de carrière quantitédÊautres titres inscrits au panthéon de la bande dessinéemondiale2. Véritable bourreau de travail, hyper-créatif,il aurait au total dessiné plus de 150 000 planches,soit une moyenne ahurissante de 10 planches par jour,chaque jour, pendant plus de 40 ans. Un chiffre exa-géré ? Pas si sûr : lÊintégrale Tezuka publiée au Japoncompte 400 volumes. Et son fluvre prolifique ne selimite pas au manga. Tezuka, cinéphile accompli etgrand admirateur de Walt Disney, est également lÊau-teur et le réalisateur de la première série animée japo-naise destinée à la télévision – Astro Boy – et, au total,de 70 films, séries dÊanimation ou courts-métragesinnovants. Tezuka a aussi soutenu une thèse de méde-cine. Il a participé à la conception de plusieurs pavillonsdu Japon pour des expositions universelles. Et biensûr, il a créé et dirigé des studios dÊanimation quicomptèrent dans leur âge dÊor plusieurs centaines de

collaborateurs. LÊauteur, précise encore sa biographie,avait même assez de talent au piano pour remporterun premier prix comme soliste au cours dÊun festivalétudiant. Hormis Chuck Norris ou Bernard Lavilliers,qui peut se targuer dÊun si beau parcours ? On voudrait se moquer du ton franchement laudatif,voire hagiographique de cette biographie réalisée parles anciens assistants et collaborateurs de Tezuka. Leregretté maestro y est montré avec un seul défaut :son incapacité à dire ÿ non ! Ÿ aux éditeurs qui luiréclamaient un projet (ce qui au passage le conduisità inventer le métier dÊassistant mangaka, ces petitesmains chargées de réaliser les décors, les encrages oude poser des trames, quand le mangaka se concentresur la mise en scène, lÊhistoire et le dessin des person-nages). Mais cÊest un fait : Tezuka fut un génie, seslivres et ses dessins animés sont là pour en attester.

RÉÉDITION NON AUGMENTÉE

On ne regrettera que deuxdéfauts à ce livre passion-nant. Le premier, cÊest dene pas avoir amendé la tra-duction en français de Ma-rie-Françoise Monthiers, quiavait pris la décision contes-table de mettre le motÿ manga Ÿ au féminin.Cette forme avait été pro-posée en 2001 par FrédéricBoilet (auteur proche de

Casterman) dans un ÿ manifeste pour la nouvelle manga Ÿ,par lequel lÊauteur entendait distinguer ÿ le Ÿ mangacommercial (bouhhh !) de ÿ la Ÿ manga dÊauteur(haaah !). Cet usage, dogmatique et un brin snobmais compréhensible par le lecteur de 2004, estaujourdÊhui totalement surréaliste et passe pour unefaute de relecture ou une méconnaissance dudomaine. Car lÊusage nÊhésite plus du tout : ÿ manga Ÿest un nom masculin, dÊailleurs même la préface dulivre signée Pika Graphic emploie bien ce genre.LÊautre défaut tient dans la bibliographie, en postface,qui reste celle de la première édition : elle sÊarrêteen 2006. Or, les éditeurs français ont continué detraduire et publier des livres de Tezuka entre 2006et 2018 ! Il est donc curieux, voire fautif, de publierune bibliographie aussi parcellaire. Malgré ces défautstout de même mineurs, nous ne pouvons que vousrecommander de vous procurer dÊurgence ce pavéaussi réjouissant que passionnant pour quiconquesÊintéresse au manga, à lÊanimation ou à lÊhistoiremondiale de la bande dessinée.

M a n g a s & A s i e

Parue en quatre tomes chez Casterman entre 2004 et 2006, revoici publiée aux éditions Pika la biographie dessinée d’OsamuTezuka, auteur que les Japonais ont surnommé de son vivant Manga no kamisama : le dieu du manga.

� OSAMU TEZUKAUNE VIE EN MANGATezuka Productions, Pika, 930 p. n&b, 35 €

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1 Soit 400 000 exemplaires de La Nouvelle ˝le au trésor, titrecréé en 1947 parvenu jusquÊà nous via une versionremaniée en 1984, et disponible en France chez Isanmanga.2 Quelques titres remarquables de Tezuka : Astro Boy,Ayako, Black Jack, Bouddha, Demain les oiseaux, Hato, LÊHistoiredes 3 Adolf, Ikki Mandara, Kaos, Neo Faust, Princesse Saphir, LeRoi Leo...

JÉRłME BRIOT

APOTHÉOSE DE TEZUKA

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Contrebandes Godard1960-1968, de PierrePinchon, Marie-CharlotteCalafat et Macha Méril

Cet ouvrage réunit les différents ciné-romans, strips et pages de bandesdessinées effectués dans le sillage decertains des premiers longs métragesde Jean-Luc Godard : ¤ bout de souffle(1960), Une femme est une femme(1961), Le Petit Soldat (1963), Une femmemariée (1964) et Alphaville (1965). Cesdifférentes mises en cases de filmspermettent de mieux comprendre enquoi le ciné-roman (né en 1915) est l'undes – nombreux – points de jonctionentre le cinéma et la bande dessinée.Elles préfigurent également lacoexistence entre l'image et l'écrit,régulièrement explorée par Godard ausein de ses films.

L'un des grandsintérêts de cetouvrage est sonappareil critique.Celui-ci permetnotamment desaisir l'apportde la Nouvellevague dans lamanière decommuniquersur les films.

Adapter certains d'entre eux en ciné-roman permettait de toucher un publicdifférent, davantage populaire que celuiqui allait voir des films d'art et essai,tandis que certains strips de bandedessinée s'attachaient aux spécificitésdes tournages. Si le lien de Jean-LucGodard avec ces pages est plus oumoins direct, ces dernières témoignentde son intérêt pour d'autres formesd'arts séquentiels que le cinéma.Matière, 224 p. couleurs, 40 €

BORIS HENRY

Souvenirs dÊEmanon, deShinji Kajio et Kenji Tsuruta

Fin des années70, un étudiantfan de SF montedans un ferrypour une longuenuit de voyage. Ily croise une jeunefemmeénigmatique,bohème et libre.Cette rencontreva changer sa

vie : Emanon, comme elle dit sÊappeler(anagramme de No name), lui racontequÊelle a la mémoire du monde depuis sacréation⁄ Une fable ? La réalité ? Unenuit de flirt et de discussions puis, aumatin, la belle disparaît comme elle estvenue. Il ne lÊoubliera jamais⁄ AdaptédÊune série de romans japonais SF àsuccès, ce one-shot au graphisme parfaitnous plonge dans une histoire dÊamourfantastique. Malgré un vrai dénouement,on reste tout de même un peu sur notrefaim. LÊalbum vaut toutefois le voyage.Ki-oon, coll. Latitudes, 180 p. n&b, 15 €

HÉL˚NE BENEY

zoom

Depuis environ -3000 jusquÊàenviron -1600, une culturedont nous ne savons rien

dÊautre y a gravé au burin dans le rocherou les parois rocheuses des figures, desreprésentations dÊanimaux, dÊobjets,dÊhumains, et même une sorte dÊécritureinconnue.Certaines sont réalistes, dÊautres plussymboliques, et parfois lÊinterprétationest difficile. Mais toutes racontentquelque chose. On en a dénombré plusde 100 000. Elles sont à 2500 m dÊalti-tude dans un pays enneigé huit moispar an (avant réchauffement). Cesimages ont été relevées dès avant laPremière Guerre mondiale (parClarence Bichnell) sous forme decalques et de moulages. Car elles sonten creux, taillées souvent par piquetage,sur un fond rocheux noir ou rouge.Mais ces figures ne sont pas dans desgrottes, mais à lÊair libre, comme auSahara, donc fragiles. Bien descouillons y ont ajouté leurs ÿ ViveZorro Ÿ ou ÿ Kiki aime Lulu Ÿ. Ceci au fildes siècles et des cultures qui sont pas-sées, à commencer par les Ligures quiont manifestement massacré le peupleauteur des gravures.

UNITÉ ARTISTIQUE

Il y a différentes périodes qui vont desdébuts, 3000 ans avant notre ère, à lapériode romaine, en passant par lʘgedu fer. On y observe des techniquesvariables, une finesse plus ou moinsimportante, des tailles allant de quelquescentimètres à un mètre cinquante. Maismalgré tout cela, on observe une éton-nante unité artistique, comme si uneseule famille se transmettant les secretstechniques avait tout tracé.On y remarque des thématiquesconstantes, notamment avec des repré-sentations de bovidés très cornus et deschevaux, des enclos, des outils (charruessurtout), des armes (dÊimmenses poi-gnards et des sortes de hallebardes oude faux), des humains guerriers ou tra-vailleurs – manifestement un peupledÊéleveurs. Il y a aussi des motifs géo-métriques, abstraits, mystérieux et trèsnombreux. Mais le thème des cornes,symboles de la puissance fécondatrice

masculine, sont omniprésents. Il estdonc peu probable que ces images aientété conçues par des femmes, tant cetunivers semble machiste.Bien entendu, sur ces images, chaquecommentateur a une théorie qui balaiela précédente, et beaucoup en font unlieu de culte dÊun peuple dÊéleveurstranshumants qui seraient venus làdurant des siècles, aux beaux jours, pra-tiquer des rituels et célébrer les dieuxde la nature. Mais alors, ils se seraientdéplacés avec leurs charrues pour cul-tiver la terre, juste pendant lÊété ?Bizarre⁄ Plus vraisemblablement, lesdessins invoquaient des vflux que lafécondité invoquée frappe plus bas dansla vallée où se trouvaient les ÿ exploi-tations Ÿ et les tribus... Ce qui estconforté par la présence de plusieursdessins de barques, alors que la mer estloin.LÊindustrialisation commence environ à-2000, avec une façon plus agressive decultiver que celle qui nÊutilise que lamain. Les faux à long manche (ÿ halle-bardes Ÿ) et les poignards sont typiquesdÊune civilisation de lʘge du bronzeappelée ÿ rhodanienne Ÿ et étendue dela Méditerranée au Rhône jusquÊà lafrontière suisse. ¤ cette époque, le cultedu taureau est répandu dans la plupartdes cultures.

JEAN BLAGUIN,FILS DES ÂGES FAROUCHES

Sont-ce alors des ex-voto, des élé-ments culturels, des dessins jetéscomme ça pour sÊamuser et surenchérirsur les précédents, des délires dÊar-tistes ? Les images où certains voientun sorcier, une danseuse (qui est plutôtun danseur au vu de son pénis), unguerrier, ce ne sont peut-être que desporteurs de masques lors dÊune danserituelle. Plus réalistes et interprétablessont les scènes agricoles, avec descharrues tirées par des bflufs etconduites par des hommes manifes-tement nus. On a même un attelagede bovidés tirant une charrue conduitepar un homme en érection. Du coup,il se pourrait que certains dessinssoient en fait humoristiques, hypo-thèse jamais envisagée par aucun spé-cialiste.

On rappellera quÊil y a deux ans, les édi-tions Fidèle ont publié un collectif deBD situées dans La Vallée des merveillesdont les histoires se passent in situ.

� Frémion fut lÊun des plus fidèleshussards de Fluide Glacial. CÊest aussi unhistorien de la BD, un romancier et unscénariste (parmi dÊautres activités).

YVES FRÉMION

L a R u b r i q u e e n T r o p

Bien connue des touristes, la Vallée des Merveilles, 40 km au-dessus de Nice et Monaco, n’estque le fleuron d’un ensemble graphique gigantesque sur les flancs du Mont Bégo, dans le parcdu Mercantour.

pierre du Mont BégoLes graveurs sur

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Sept ans (déjà) après Les Melons de la colère,récit dÊune jeune femme naïve à la poi-trine généreuse qui se faisait trousser

par tous les mâles croisés sur sa route, BastienVivès ajoute un nouvel album à la collection

ÿ BD-Cul Ÿ des Requins Marteaux, à ne pas mettresous tous les yeux mais chaudement recommandéepour se réchauffer durant les longues soirées dÊhi-ver (ou de printemps qui tarde).

Deux amis dÊenfance se retrouvent au domicilede lÊun dÊeux après que lÊépouse a proposé lÊhos-pitalité pour la nuit. Une invitation qui tournevite au guet-apens, la maîtresse de maison ayantlÊhabitude de terminer le dîner par une gâterie àson mari et aux invités de passage. Les deux fillesadolescentes (et bientôt une jeune mineure, sic)mettent du cflur à lÊouvrage à leur tour, de quoi

dérouter lÊhôte dÊun soir. Équi-valent hot de LÊAuberge rouge deClaude Autant-Lara, cette his-toire grisante permet encoreune fois au co-auteur de Lastmande sÊamuser avec des fantasmestypiquement masculins.

S e x e & B d

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� LA DÉCHARGE MENTALEde Bastien Vivès, Les Requins Marteaux,collection BD-Cul, 120 p. n&b, 14 €

GERSENDE BOLLUT

Parvenir à concilier récit dÊaventure et éro-tisme est toujours périlleux ; lÊun prendsouvent le dessus sur lÊautre. Inguinis de

Katia Even et Nicolas Guenet déroule une intrigueconsistante, tout en étant prolixe en matière descènes de sexe. Artémis, une sculptrice dÊorigine grecque, essaiede se remettre de lÊassassinat de son père et dÊho-norer sa dernière commande – la plus importantede sa carrière. La concurrence est rude et il nÊestpas exclu quÊun rival ait commandité le meurtre.Afin dÊen savoir plus, Artémis nÊhésite pas à donnerde sa personne en se rendant aux orgies deDominus Claudius, le plus déterminé dÊentre eux.

Le style de Nicolas Guenetattire tout particulièrement lÊat-tention. On retrouve beaucoupde convergences entre son des-sin et celui de Richard Corben(dernier Grand Prix du festivaldÊAngoulême) : lÊexpressivité des

personnages, la palette de couleurs et les anatomiessont effectivement très voisines.Malgré toutes ses qualités, on pourra regretterquÊInguinis nÊait pas bénéficié dÊun troisième volet.Le scénario aurait gagné en cohérence et auraitpu éviter une conclusion trop abrupte.

� INGUINIS, T.2de Katia Even et Nicolas Guenet,Tabou, 48 p. couleurs, 15 €

KAMIL PLEJWALTZSKY©

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CECI N’EST PAS UNE PIPEAvec son titre en forme de clin d’œil au concept de « charge mentale » récemmentpopularisé, la nouvelle BD de Bastien Vivès nous entraîne dans une luxueusepropriété particulièrement accueillante.

Un récit érotique autour de la sculpture et des orgies romaines, le tout servi parun dessin rappelant un maître de la bande dessinée américaine. Que demande lepeuple (en dehors du pain et des jeux) ?

ÉBAUCHESET DÉBAUCHES

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La Mort de Staline dÊArmando Iannucci

Au matin du 2 mars 1953 gît le corpsinanimé du Petit père des peuples danssa datcha de Kountsevo. Commencealors un jeu de massacre politiqueentre le vaniteux et lâche GueorguiMalenkov, le dogmatique ViatcheslavMolotov, le boucher Lavrenti Beria etle fanfaron Nikita Khrouchtchev poursÊemparer du pouvoir et éviter uneballe dans la nuque⁄

Brillanteadaptationde la bandedessinéeéponyme deFabien Nuryet ThierryRobin, LaMort deStalinedémarrefort endépeignant

avec un humour aussi grinçant quenoir à quoi ressemble la formeterminale dÊune dictature absolutiste.Staline, un des pires tyrans que la Terreait jamais porté, est à lÊapogée de sonpouvoir, un demi-dieu ayant droit devie et de mort sur ses camaradessoviétiques.

La Mort de Staline entraîne alors unenchaînement dÊintrigues de palais ausein duquel les coups de poignards sefrottent à un enfer bureaucratique etrépressif. Les manfluvres cachées sontle prolongement dÊun grand vide suiteà la mort du tyran, dans lequel il sÊagitde déterminer qui, dans ce nid devipères minables, incompétenteset immorales, remportera la mise.Pourtant, on se surprend à rireénormément devant La Mort deStaline, scandé par les exécutionsarbitraires et les nettoyages à groscalibres, car lÊfluvre déjà sardoniquede Nury se voit dopée par la plumeparticulièrement acide dÊArmandoIannucci.

Loin dÊen être à son coup dÊessai,Iannucci a embrassé très tôt le statutde meilleur satiriste politique auRoyaume-Uni avec la série The Thickof It. Il frappe un grand coup avec lacomédie In The Loop, mettant en scènedes diplomates pathétiques dont laveulerie précipite lÊinvasion irakienneen 2003. HBO le courtise pour lancerVeep, déclinaison américaine de TheThick of It. Au fond, La Mort de StalinenÊest que le véhicule soviétique de laméthode Iannucci : une mise à nusarcastique de la médiocrité égotiste,de la vanité humaine face à la soif depouvoir, portée par un talent dedirection dÊacteurs hors du commun.Si le casting est impeccable danslÊensemble, Simon Russell Beale setaille la part du lion dans la peau dÊunLavrenti Beria insaisissable et glaçant.Sortie le 4 avril

JF

C i n é & D V Dzoom

Lorsque Wes Anderson fran-chit le cap de lÊanimation stopmotion il y a huit ans avec

Fantastic Mr Fox adapté de Roald Dahl,le monde cinéphile ne fut pas plussurpris que cela. Au contraire, sonobsession pour les compositionsvisuelles empreintes de méticulositéet ses cadrages au millimètre (dÊuneraideur paradoxalement élégante,décelable dans ses précédents filmsen prises de vue réelle) étaient lamarque dÊune évidence. Wes Ander-son sÊapparentait au formaliste roi dela vignette, à la croisée des cheminsentre un Hergé dépressif et un maîtrede lÊhumour à froid doux-amer. Enremettant le couvert aujourdÊhui avecLÊ˝le aux chiens, le cinéaste texan livreun petit monde dÊobjets en mouve-ment encore plus débridé et mémo-rable par une maîtrise plus affirméeencore de sa signature visuelle au ser-vice dÊune fable farfelue et racée dansun Japon futuriste gangréné par la cor-ruption et le fascisme rampant.

30 MILLIONS D’AMIS EN SURSIS

Dans lÊarchipel du Soleil Levant, dansun futur proche, une épidémie degrippe canine fait rage et tous lesmeilleurs amis de lÊhomme en sontfrappés. Le maire Kobayashi de la villetentaculaire Megasaki passe un décretordonnant la mise en quarantaine dansune île avoisinante devenue au fil dutemps une décharge à ciel ouvert.Rebaptisé depuis ÿ lÊîle aux chiens Ÿ,ses occupants sont alors abandonnésà leur sort, entre tristesse et rancflur.JusquÊau jour où Atari, un jeune garçon

de 12 ans, y pose son avion de fortunedans lÊespoir de retrouver Spot, dis-paru sans laisser de traces. Flanqué decinq chiens hauts en couleurs, la fineéquipe découvrira une terrible conspi-ration menaçant la ville, point culmi-nant dÊun affrontement éternel entreles amoureux des chiens et des chats.

ENTRE CHIENS ET LIMIERS

Énoncé de la sorte, la trame sembleconvenue. Ce serait sans compter lÊex-centricité propre à Wes Andersonexplosant dès le prologue avec deshumains sÊexprimant en japonais dontles propos sont instantanément tra-duits par une interprète, tandis queles chiens conversent dans la languede Shakespeare. Plus loin, les traitsdu maire Kobayashi sont calqués surceux de Toshiro Mifune, lÊacteurfétiche des plus grands films dÊAkiraKurosawa. Les clins dÊflil au maîtrejaponais sont légion tant la patinevisuelle de Megasaki rappelle ses plusgrands polars comme Les salauds dormenten paix ou encore le mythique Entre leciel et lÊenfer, qui dénonçaient sansambages la décadence économique,la lutte des classes et lÊimpossibleréconciliation de ces dernières. Car,derrière les digressions narratives

sophistiquées et la causticité de lÊhu-mour, il souffle dans LÊ˝le aux chiens unsalvateur parfum de rébellion face auxdirigeants corrompus tentés de mani-puler la vérité en jouant sur les peursafin de mieux persécuter les opprimés.Et, par les temps qui courent, on nepeut quÊapplaudir des deux pattes.

FOR OLD DOGSWes Anderson confirme qu’il n’est jamais autant à son aise que dans l’animation en volumesavec L’Île aux chiens. Ce probable futur objet de culte ne se contente pas d’être une simpledéclaration d’amour au cinéma d’Akira Kurosawa, sa réflexion sur les dangers de la corruptiondes valeurs politiques et morales tombe à point nommé.

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LÊ˝LE AUX CHIENS

de Wes Andersonfilm dÊanimation, 1h41Sortie le 11 avril 2018

JULIEN FOUSSEREAU

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C i n é & D V D

Roar de Noel Marshall

Surnommé le film le plus dangereuxde lÊhistoire du cinéma, Roar est loinde briller par son histoire (décousue)et fut un bide à sa sortie en 1981. Maispour peu que lÊon soit féru dÊhistoiredu cinéma, le film de Noel Marshallmérite que lÊon sÊy attarde, dans lamesure où le réalisateur et son épouseTippi Heddren, pris de passion pour lesfauves africains, sÊétaient lancés dès ledébut des années 70 dans la productiond'un film à même de rendre justice àces animaux majestueux.

Ils firent venir 200animaux dans leurranch californienpour un tournagefleuve de 11 annéesoù lÊon dénombrapas moins de 70accidents sérieux.Les chiffres laissent

pantois : 220 points de sutures sur lescalp du chef opérateur Jan de Bont,une lacération sur le visage de MelanieGriffith qui la conduisit à sÊadonner à lachirurgie réparatrice. Roar est ce quelÊon appelle un ÿ film maudit Ÿ, qui vautmoins pour ses qualités propres quecomme condensé de la folie dÊuneproduction sortie de ses rails.Actuellement en salles

JULIEN FOUSSEREAU

A Fuller Life

Ce documentaire de Samuel Fullerréalisé par sa fille Samantha Fuller àlÊoccasion du 20e anniversaire de samort est lÊoccasion de revenir surlÊfluvre inestimable de ce franc-tireurayant jeté une lumière sans fard surlÊAmérique du XXe siècle. Fuller nÊauraeu de cesse de rester fidèle à sesprincipes en dénonçant avec force leracisme, la cupidité, la ferveur religieusedéplacée de son pays. Car Fuller aurabourlingué avant de se pencher sur leseptième art : reporter, écrivain etsoldat pendant la Seconde GuerreMondiale.

A Fuller Life sÊattardedÊailleurs longuementsur lÊépoque de SamuelFuller au front,notamment enprésentant pour lapremière fois desimages tournées parson père lors dudébarquement en

Afrique du Nord sur lesquellesSamantha superpose avec pertinenceses textes secs et sombres. Plus qu'unsimple hommage à une figure paternelleimposante, A Fuller Life donne enviede se replonger dans JÊai vécu lÊenfer deCorée, Shock Corridor ou The Big Red One.Un Blu-ray Carlotta

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Pour ce que jÊai fait, je mérite lamort. Ÿ Tels furent les motsgrommelés par Jeffrey Dah-

mer lors de son arrestation le 22 juin1991. Les inspecteurs de la police deMilwaukee découvraient alors unevision dÊhorreur absolue dans sonappartement : corps démembrés, crânesdépecés, viscères humaines dans leréfrigérateur⁄ Au total, Jeffrey Dah-mer tua 17 hommes quÊil découpa etconsomma. Cannibale et nécrophile,Dahmer fut condamné à la réclusion àperpétuité avant de mourir assassinéen prison trois ans plus tard et dÊentrerdans lÊimaginaire collectif pour sonodyssée macabre. Avec tout ce que celaimplique dÊhystérie et de déformationsdes faits. Comment peut-on en arriverà commettre des actes aussi barbares ?Parce que lÊon ne naît pas monstre, onle devient. LÊauteur-dessinateur DerfBackderf fut longtemps hanté par cettequestion. Et pour cause, il a fréquentéles mêmes bancs du lycée que Dahmer,et sÊest un moment lié dÊamitié aveclui. Il en a tiré Mon ami Dahmer (en fran-çais chez çà et là), un roman graphiquedont la compassion le dispute à lÊeffroisur ce que personne nÊa su voir.

DÉVORÉ PAR LA PULSION

Le cinéaste Marc Meyers affiche un res-pect patent pour lÊfluvre de Backderf,bien quÊil démarre son adaptation de

manière laborieuse. Le déroulé res-semble en tous points à celui deBackderf et Ross Lynch livre une com-position ahurissante de Dahmer.Cependant, privé de la distance quÊap-portaient le trait quasi ÿ crumbien Ÿ etles observations neutres de la voix offdu premier, lÊintroduction de My FriendDahmer donne cette impression persis-tante de vouloir didactiquement cochertoutes les cases du répertoire ÿ signesinquiétants dÊun serial killer en deve-nir Ÿ. Ce nÊest que lorsque les bizarreriescomportementales dans les travées dulycée attirent lÊattention dÊun groupedÊamis emmené par le jeune Backderfque le film prend une autre dimension.LÊaxe ÿ nature contre culture Ÿ se fait plusprécis dans le sens où Meyers, par la prisede vues réelles, capture avec talent lÊairdu temps des seventies finissantes, uneparenthèse dans laquelle la contre-cultureavait déjà rendu son dernier souffle et leconformisme aliénant des années fric nesÊétait pas encore installé.

L’EXISTENCEDE SURFACE

¤ certains égards,My Friend DahmersÊinscrit dans unelignée de films amé-ricains traitant dumal-être adolescentoccidental dont Virgin

Suicides de Sofia Coppola et Elephantde Gus Van Sant seraient les fers delance. Il partage avec le premier uneévocation dÊun temps révolu écarteléentre les premiers émois lycéens etla lumière des derniers momentsdÊune époque disparue, quand larecherche illusoire dÊune explicationà une tragédie future rappelle lesecond. Sans excuser les abomina-tions commises ultérieurement, MarcMeyers reconduit lÊintention origi-nelle de Backderf de présenter unmonstre en devenir conscient de sadéviance, traversé par des pulsionsmorbides quÊil abrutit par lÊingestiondÊhectolitres dÊalcool. Derrière lespitreries situationnistes de Dahmer,ses simulacres de crises dÊépilepsiepour amuser la galerie tout en sachantquÊil ne serait jamais accepté sociale-ment, My Friend Dahmer dissèque avecun regard compassionnel et humainun adolescent psychotique et peu àpeu abandonné de tous⁄ et qui, pourconserver à jamais les objets de sonaffection, décidera de les manger àlÊâge adulte.

� MY FRIEND DAHMERde Marc Meyers, avec Ross Lynch,Anne Heche, Alex Wolff...1h47 - Sortie exclusive le 2 marssur la plateforme VOD e-cinemawww.e-cinema.com

LA GENÈSE DU CANNIBALEAvant de devenir l’épouvantable cannibale de Milwaukee, Jeffrey Dahmer fut un adolescentperturbé. Adapté du roman graphique éponyme de Derf Backderf, My Friend Dahmer tente decomprendre, non sans maladresses mais avec compassion, les racines insondables du Mal.

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MY FRIEND DAHMER

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J e u x V i d é o

Bayonetta 2Platinum Games

Avec Bayonetta 2, Nintendo poursuitson entreprise de remplissage descaisses en reportant les meilleurs jeuxWii U passés inaperçus en raison deson insuccès. Et ils auraient tort dese priver tant cette suite du jeu cultereprésente la quintessence du beatÊemup par ses contrôles dÊune réactivitésans pareille et sa lisibilité irréprochabledans la fureur (voir Zoo no 55).

Le portage Switch estnet et sans bavure, lafluidité de ce joyaudÊaction débridéenÊest jamais pris endéfaut, y compris enmode nomade.Cerise sur le gâteau,le premier voletdisponible en

téléchargement a également faitle voyage.Ressortie exclusivesur Nintendo Switch

JULIEN FOUSSEREAU

Dragon Quest BuildersSquare Enix

Le succès de Minecraftne se démentant passur le long cours, ilétait plus quÊattenduquÊil inspire desdéclinaisons. La sagatrentenaire de JapanRPG Dragon QuestsÊest penchée surla question avec ce

Builders tout à fait honorable. Sonattrait repose sur un équilibre entreune bonne dose de narratif respectantle cahier des charges Dragon Quest etune liberté dÊaction conjuguée à unesimplicité des contrôles. La ressortieSwitch nous rappelle dÊailleurs à quelpoint ce jeu est taillé pour les sessionscourtes, idéales pour optimiser sagestion dans les transports encommun.Disponible sur PS4, PS Vitaet Nintendo Switch

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SubnauticaUnknown Worlds

Attention,phénomène. Enaccès anticipépendant près dedeux ans sur PC,cÊest-à-direaccessible auxjoueurs ayantdéboursé la somme

demandée pour un jeu encoreinachevé, Subnautica est un modèlede bonification à force de prises encompte des retours positifs commenégatifs des joueurs par lesdéveloppeurs dÊUnknown Worlds.AujourdÊhui passé en version 1.0,Subnautica se révèle comme un idéalde jeu de survie en milieu aquatiqueextraterrestre particulièrementprofond dans lequel on nÊa rarementété autant tiraillé entre nos enviesexploratrices et lÊimpératif demaintenir à flot nos ressources vitales.Brillant.Disponible sur PC et Xbox One

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Alors quÊil traversait unepanne créative au milieu desannées 2000, lÊéditeur japo-

nais Capcom sÊest copieusementnourri sur la bête Monster Hunter, si lÊonpeut dire. Phénomène de société auJapon, méconnu en Occident, la sagaMonster Hunter énonce tout dans sonintitulé : devenir un chasseur demonstres en traquant dans des terressauvages et abandonnées dÊétrangesbestiaux féroces et massifs, avant deles terrasser après un combat de hautelutte à lÊarme blanche et si possibleen groupe. Mais pour bien chasser, ilétait essentiel de maîtriser toutes les

mécaniques de jeu complexes⁄ etsurtout ultra rigides.

ARMÉ JUSQU’AUX SOURCILS

¤ force de passer presque plus de tempsà glaner divers objets ou nourritures,cÊest à dire à sÊadonner aux mêmesactions répétitives pour augmenter sesstatistiques ou son expérience, MonsterHunter a fini par lasser devant tant dÊher-métisme, le condamnant à un entre-soipréjudiciable. Et comme souvent,lorsquÊune licence star de Capcom estau pied du mur, elle trouve les ressourcespour se réinventer. Monster Hunter World

nÊéchappe pas à la règle en retournantaux fondamentaux du plaisir de la chasse.

« LE BON CHASSEUR,IL VOIT UN TRUC QUI BOUGE… »

Sans être un monde ouvert à propre-ment parler, Monster Hunter World livreun univers flexible, souple et organique,rappelant le meilleur de ce quÊa à offrirun environnement libre. Il y a ces petitsdétails faisant toute la différence,comme le ramassage automatique desressources ou le verrouillage de lacaméra sur la proie, ses tutoriels inté-grés au mode histoire pour ne pas lar-guer les nouveaux venus. Mais il y asurtout la beauté de ses cinq cartes dechasse cohérentes, tant dans la variétéde leurs paramètres que dans la logiquedes règles qui régissent ce monde etses bestioles qui le foulent. Capcom aenfin compris que le gibier était à laportée de tous et cÊest tant mieux.

MONSTER HUNTERWORLD

Capcom, action-RPGDisponible sur PlayStation 4

et Xbox One

JULIEN FOUSSEREAU

Traquer le monstre géant et agressif dans Monster Hunter fut un plaisir d’happy few pendantlongtemps. Jusqu’à ce que la souplesse et le monde organique de Monster Hunter World, sortidébut 2018, ne mettent tout le monde d’accord.

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uel est le renouveau dansMonster Hunter World ?

YT : JÊai conçu Monster Hunter Worldcomme un écosystème riche et immersifpour les joueurs, un monde réaliste etconvaincant, afin de leur permettre dÊap-prendre à jouer quand bien même ilsseraient novices. Ça nÊa jamais été aussifacile de rentrer dans lÊunivers.

Y a-t-il eu des sources dÊinspirationdans les open worlds dÊOccident ?YT :On a regardé attentivement ces jeuxet nous ne voulions pas nous mesurer àeux en termes de superficie de monde,mais plutôt dans le registre de la profon-deur et de la densité de jeu. CÊest pour-quoi le monde de Monster Hunter WorldnÊest pas vraiment un monde totalementouvert et se révèle plus petit. Chaquecarte est séparée, mais chacune renfermeune richesse et un niveau de détails quinÊa rien à leur envier.

Monster Hunter jouit dÊun succèsimpressionnant au Japon alors quesa renommée est nettement plusconfidentielle en Europe. Commentexpliquez-vous ce fossé ?KF : Il y a toujours eu un décalage tem-porel entre les sorties japonaises et euro-

péennes lors des précédents épisodes –qui pouvait aller de six mois à plus dÊunan – et je pense que cela a dû jouer unpeu en notre défaveur. Un autre aspectpouvant expliquer cette méconnaissancede la franchise serait à chercher du côtéculturel : les consoles portables sont trèsprisées là-bas parce que les Japonais viventdans de très grandes villes fortement peu-plées et empruntent énormément lestransports en commun pour aller tra-vailler.

QuÊest-ce qui vous a le plus excitélors du développement de MonsterHunter World ?YT : LÊidée de repousser comme jamaisdans la série la profondeur de lÊécosys-tème, dÊimaginer des monstres toujoursplus impressionnants avec des compor-tement toujours plus imprévisibles.Maintenant, ils ont une vie résiliente etpeuvent sÊaffronter entre eux pour desguerres de territoires au lieu de se préci-piter de concert sur le joueur commeauparavant. JÊétais tellement heureux deréussir cela et jÊai hâte de voir commentles joueurs vont exploiter cette nouvelledonne dÊun point de vue stratégique.

Entretien avec le producteur Kaname Fujiokaet le réalisateur Yuya Tokuda

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PROPOS RECUEILLIS PARJULIEN FOUSSEREAU

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