25
Agnes Stevens 42 canada ÉTATS UNIS Los Angeles Washington D.C. mexique O c é a n P a c i f i q u e NOMINÉE • Pages 42–66 POURQUOI AGNES A-T-ELLE ÉTÉ NOMINÉE ? Agnes Stevens a été nominée pour son combat de 20 ans en faveur des enfants SDF aux États-Unis. Chaque année Agnes et son organisation School on Wheels aident des milliers d’enfants SDF de 6 à 18 ans. Des centaines de bénévoles deviennent profs supplémentaires et donnent des dizaines de milliers d’heures aux enfants qui vivent dans des refuges, des motels, des voitures ou dans la rue. Les profs supplémentaires sont la sécurité des enfants SDF. Quand les enfants déménagent, la School on Wheels les suit et leur apporte la stabilité dans une existence pré- caire. Les enfants peuvent maintenir le contact avec la School on Wheels grâce à une ligne téléphonique gratuite. Agnes et la School on Wheels aident les enfants et les parents à changer d’école et à récupérer les documents perdus, comme les notes et les certificats de naissance. Les enfants reçoivent aussi un cartable, l’uniforme scolai- re, le matériel scolaire et l’argent pour le bus et le métro. Dans beaucoup de refuges la School on Wheels a aména- Dans le quartier des SDF à Los Angeles, des centaines d’en- fants luttent pour survivre parmi le trafic de drogue, la violence et la pauvreté. Ryan, 13 ans est l’un d’eux. Agnes Stevens et son orga- nisation School on Wheels aident Ryan et les autres enfants SDF à réussir leur scolarité et à prendre conscience de leur propre valeur. Il y a un million d’enfants SDF aux États-Unis. R yan descend du bus scolaire et s’achemine vers le quartier le plus sale et le plus malodorant de la zone. Ici, aux coins des rues, on y vend ouvertement de la drogue et les SDF sont assis ou couchés sur le trot- toir. Ryan et sa famille se sont beaucoup déplacés, ils ont vécu dans des refuges et dans des hôtels pouilleux. Mais jusqu’à présent ils n’ont jamais été obligés de dormir dehors, comme des dizaines de milliers d’autres ici qui dorment dans des ten- tes, des cartons ou de vieilles couvertures. En quelques années, Ryan a connu beaucoup de SDF, mais il les salue rarement. Beaucoup sont mentalement gé des salles spéciales pour les enfants avec des ordina- teurs, des livres et du matériel pour écrire et dessiner afin d’assurer aux enfants les études ainsi que leur droit à l’enfance. GLOBEN0746_FRs042 42 07-11-06 17.07.51

Fra Agnes Stevens

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Agnes Stevens

Citation preview

Page 1: Fra Agnes Stevens

Agnes Stevens

42

canada

É T A T S U N I S

Los Angeles

Washington D.C.

mexique

Oc é a

n P

a c i f i q u e

NOMINÉE • Pages 42–66

POURQUOI AGNES A-T-ELLE ÉTÉ NOMINÉE ?Agnes Stevens a été nominée pour son combat de 20 ans en faveur des enfants SDF aux États-Unis. Chaque année Agnes et son organisation School on Wheels aident des milliers d’enfants SDF de 6 à 18 ans. Des centaines de bénévoles deviennent profs supplémentaires et donnent des dizaines de milliers d’heures aux enfants qui vivent dans des refuges, des motels, des voitures ou dans la rue. Les profs supplémentaires sont la sécurité des enfants SDF. Quand les enfants déménagent, la School on Wheels les suit et leur apporte la stabilité dans une existence pré-caire. Les enfants peuvent maintenir le contact avec la School on Wheels grâce à une ligne téléphonique gratuite. Agnes et la School on Wheels aident les enfants et les parents à changer d’école et à récupérer les documents perdus, comme les notes et les certifi cats de naissance. Les enfants reçoivent aussi un cartable, l’uniforme scolai-re, le matériel scolaire et l’argent pour le bus et le métro. Dans beaucoup de refuges la School on Wheels a aména-

Dans le quartier des SDF à Los Angeles, des centaines d’en-fants luttent pour survivre parmi le trafi c de drogue, la violence et la pauvreté. Ryan, 13 ans est l’un d’eux.

Agnes Stevens et son orga-nisation School on Wheels aident Ryan et les autres enfants SDF à réussir leur scolarité et à prendre conscience de leur propre valeur. Il y a un million d’enfants SDF aux États-Unis.

Ryan descend du bus scolaire et s’achemine vers le quartier le plus

sale et le plus malodorant de la zone. Ici, aux coins des rues, on y vend ouvertement de la drogue et les SDF sont assis ou couchés sur le trot-toir. Ryan et sa famille se sont beaucoup déplacés, ils ont vécu dans des refuges et dans des hôtels pouilleux. Mais jusqu’à présent ils n’ont jamais été obligés de dormir dehors, comme des dizaines de milliers d’autres ici qui dorment dans des ten-tes, des cartons ou de vieilles couvertures.

En quelques années, Ryan a connu beaucoup de SDF, mais il les salue rarement. Beaucoup sont mentalement

gé des salles spéciales pour les enfants avec des ordina-teurs, des livres et du matériel pour écrire et dessiner afi n d’assurer aux enfants les études ainsi que leur droit à l’enfance.

GLOBEN0746_FRs042 42 07-11-06 17.07.51

Page 2: Fra Agnes Stevens

43

Quand les frères Adrian, 11 ans et Daniel, 14 ans, du sud de Los Angeles se saluent, ça peut être long. Ils suivent toute une série de différents serrements de mains avant de sentir qu’ils ont salué com-me il faut. Parfois ils refont la même chose quand ils se séparent !

”What’s up?””How’re you doing?”

Saluer avec les mains

atteints ou drogués et ris-quent de se fâcher et devenir violents si on les dérange. C’est pourquoi Ryan regarde rarement quelqu’un dans les yeux, c’est plus sûr. Au cours de sa courte promenade, Ryan doit enjamber des gens qui dorment dans la rue, dans des sacs de couchage ou enroulés dans des couver-tures. Une fois il a dû se jeter sur le côté quand un homme hargneux a déferlé à toute allure avec son caddie débor-

dant de vieux vêtements et d’objets divers. Ryan est accoutumé à la saleté, aux puanteurs et au chaos. Il n’en a plus peur mais parfois il voit des choses qu’il n’a pas envie de voir. Comme la vieille femme l’autre jour, qui s’est accroupie dans un coin de rue pour uriner. Ou le couple qui se disputait et se battait sur le trottoir et la femme qui soudain a arra-ché tous ses vêtements et s’est mise à courir toute nue. « Personne ne devrait être obligé de vivre comme ça » pense Ryan.

Quand il voit l’enseigne

jaune bien connue éclairer le béton gris, il est content. La School on Wheels – l’École sur Roues – est là avec ses lettres noires et rondes. Les fenêtres ont des couleurs gaies et quand Ryan passe le seuil de la porte il voit Agnes, la fondatrice de l’or-ganisation. Ryan sait qu’elle a plus de 70 ans, mais Agnes parle et plaisante toujours avec les enfants comme si elle avait leur âge.

Retraitée, non merci Agnes venait de prendre sa retraite de son travail de professeur quand elle lut un

livre qui changea sa vie. Le livre parlait des familles SDF aux États-Unis. Agnes fut choquée d’apprendre que des centaines de milliers d’en-fants étaient SDF et que beaucoup d’entre eux n’al-

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

PH

OT

O: K

IM N

AY

LO

R

Agnes en promenade dans le quartier des SDF avec les sœurs Khadijah et Janine ainsi que Ryan et son cousin, qui s’appelle aussi Ryan !

Une chambre pour les enfants de la School on Wheels à Downtown Los Angeles.

Ryan et Agnes.

GLOBEN0746_FRs043 43 07-11-06 17.08.22

Page 3: Fra Agnes Stevens

44

enfants qui avaient besoin de son aide. Mais elle n’oublia jamais les garçons disparus.

Les premières années Agnes travailla seule. Elle chargeait sa voiture de livres, plumes, craies et allait vers les enfants dans les parcs et les refuges partout dans Los Angeles. Elle com-prit vite qu’il fallait que

d’autres aident et fonda l’or-ganisation School on Wheels – école sur roues. Aujourd’hui la School on Wheels a grandi. D’un seul prof supplémentaire – Agnes elle-même – elle peut compter sur plusieurs cen-taines de bénévoles qui aident les enfants SDF à fai-re leurs devoirs.

laient pas à l’école. – La retraite attendra, se

dit-elle. Je vais aider ces enfants SDF dans leur tra-vail scolaire.

Agnes commença par offrir son aide dans les refu-ges et les écoles et rencontra deux frères SDF de 9 et 11 ans, qui voulaient qu’elle

Il y a environ un million d’enfants SDF aux États-Unis dont 200.000 en Californie.

– Pourtant, personne ne veut en parler, c’est honteux, dit Agnes. Les enfants SDF sont les plus pauvres parmi les pauvres. Ils grandissent dans des zones sans aires de jeux ou parcs, parmi drogue, gangs, violence et prostitution. Comparés aux autres enfants, ils sont plus souvent fatigués et malades et ont plus souvent faim. Ils se sentent différents et exclus et ils ont honte. Je veux les aider à croire en eux-mêmes et leur faire comprendre qu’ils ont de la valeur.

Les enfants qui n’existent pas

leur apprenne à lire. Agnes se prépara tout le week-end, mais quand elle revint le lun-di, les garçons étaient partis. Cela lui fit comprendre enco-re plus ce qu’était la vie des enfants SDF. Ils ne savent jamais où ils dormiront la nuit suivante. Agnes trouva rapidement de nouveaux

Ryan aime aider les enfants plus jeunes qui viennent à la School on Wheels, puisque lui-même a eu tellement de soutien.

Agnes avec Janine, 9 ans, qui a été SDF la plus grande partie de sa vie.

GLOBEN0746_FRs044 44 07-11-06 17.08.38

Page 4: Fra Agnes Stevens

45

Sait écouter Ryan a reçu l’aide d’Agnes et de la School on Wheels pour changer d’école et cha-que semaine il voit aussi son prof supplémentaire.

– Elle m’aide à faire mes devoirs et me donne le cou-rage de ne pas lâcher, dit Ryan en se souvenant de la première fois où il est venu à la School on Wheels.

– Tout de suite en entrant, j’ai senti que ce serait mon havre de sécurité. Je pouvais m’y concentrer pour étu-dier. J’ai dit à Agnes que je n’avais pas de cartable et aussitôt j’en ai reçu un ! Elle sait très bien écouter. Quand j’ai un problème, elle m’aide à voir la solution et grâce à elle, j’ai appris à mieux m’aimer.

Agnes dit que l’école est un deuxième foyer pour beaucoup d’enfants. Ils y

ont des amis et des adultes avec qui parler et à qui se confi er. Un enfant SDF n’a pas perdu une maison, mais deux ! Même s’ils conti-nuent d’aller à l’école, ils ne s’y sentent plus chez eux. Ryan, par exemple, ne dit jamais à personne à l’école qu’il est SDF.

– Les enfants n’ont peut-être pas les moyens de s’acheter un cartable et le matériel scolaire ou alors ils perdent leurs livres dans leurs déplacements conti-nuels, dit Agnes. On les réprimande, mais ils n’osent pas dire la vérité à leurs pro-fesseurs. Ils ont honte, se sentent différents et exclus. À la fi n beaucoup quittent l’école.

Ryan s’assied devant l’un des ordinateurs pour cher-cher des informations concernant un projet scolaire

sur les avions. Son plus grand rêve est de devenir pilote.

– J’adore l’Internet, dit-il. C’est un peu comme le plus grand livre du monde.

Ryan aperçoit une petite fi lle qui se bat avec un livre de lecture. Il quitte l’ordina-teur pour l’aider à épeler et à prononcer les mots.

– Sans la School on Wheels j’aurais eu des diffi -cultés à réussir à l’école, dit Ryan. C’est pour ça que ça me fait plaisir d’apporter mon aide, moi aussi.

Les enfants qui n’existent pas

Los Angeles est célèbre pour ses étoiles de cinéma et ses belles plages. Mais c’est aussi la capitale des SDF aux États-Unis. Il s’y trouve plus de SDF que nulle part ailleurs. La plupart se trouvent dans le quartier des SDF à Downtown Los Angeles, à un jet de pierre des gratte-ciel où les ban-ques et les grandes compa-gnies ont leurs bureaux.

La capitale des SDF

Au début Agnes était seule prof supplémentaire, aujourd’hui elle a des centai-nes de bénévoles qui l’aident.

GLOBEN0746_FRs045 45 07-11-06 17.08.53

Page 5: Fra Agnes Stevens

46

Ed• Apportent un soutien sco-laire à des milliers d’enfants. Des centaines de profs supplémentaires travaillent bénévolement plus de 30.000 heures par an.

• Aménagent des salles spé-ciales pour enfants dans les refuges, avec ordina-teurs, livres et du matériel pour écrire et dessiner.

• Donnent chaque année un cartable équipé avec du matériel scolaire à 5.000 enfants.

• Donnent aux enfants SDF l’uniforme scolaire si nécessaire.

• Ont une ligne téléphonique gratuite où les enfants appel-lent pour garder le contact et demander de l’aide.

• Aident les enfants et leurs parents quand ils sont obli-gés de changer d’école.

• Aident les enfants et leurs parents à récupérer des documents perdus comme les notes scolaires.

• Donnent des conseils aux parents sur l’éducation de leurs enfants.

• Travaillent dans cinq régions de la Californie du sud dont Los Angeles, Santa Barbara et Ventura. La School on Wheels existe aussi dans les états de l’In-diana et du Massachusetts.

Que font Agnes et la School on Wheels ?

On exige beau-coup des profs supplémentaires Agnes appelle son organisation School on Wheels parce que sou-vent ses profs parcourent de longues distances. Ils vont là où sont les enfants, dans les écoles, les biblio-thèques, les refuges, les motels et les salles des enfants de la School on Wheels.

– Nous devons être la sécurité des enfants, dit Agnes. Ils ont été fl oués trop souvent et doivent savoir qu’ils ne sont pas seuls. Qu’il y a des gens qui croient en eux et ne les oublient pas.

Il existe à ce jour environ 400 profs supplémentaires, mais Agnes en veut au moins le double. Pourtant ce n’est pas si facile d’être bénévole pour la School on Wheels. Tous les candi-dats sont contrôlés avec soin.

– Ils doivent remplir un formulaire de demande, laisser leurs emprein-tes digitales et un extrait de leur casier judiciaire et passer une entre-vue. Nous devons être sûrs que nos profs supplémentaires feront du bon travail et que les enfants seront en sécurité.

Chandalea reçoit un cartable ! Avant chaque année scolaire la School on Wheels distribue des carta-bles nouveaux contenant plumes, règle, ciseaux et autres choses utiles. Chandalea, 11 ans, est heureuse de son sac à dos et se réjouit de com-mencer l’école bientôt.

– Moi et ma famille, nous sommes SDF depuis longtemps, dit-elle. C’est très dur, mais nous prenons soin les uns des autres.

Agnes avec les enfants et ses collaborateurs devant la salle des enfants à Downtown.

Chandalea est SDF, elle a reçuun nouveau cartable.

Photo: C

orinne Mosh

Pourquoi devient-on SDF ? Il y a plusieurs raisons mais le plus souvent il s’agit d’économie. L’un des parents ou les deux perdent leur travail et ne peuvent plus payer le loyer. À la fi n ils sont expulsés et se retrouvent à la rue. Beaucoup de mères deviennent SDF quand elles quittent l’homme qui les maltraite. Une partie des parents sont SDF parce que drogués ou à cause de problèmes psychologiques. De plus, il y a des milliers d’adolescents fugueurs qui vivent seuls dans la rue.

Dans le quartier des SDF à Downtown des milliers de personnes vivent dans la rue.

GLOBEN0746_FRs046 46 07-11-06 17.09.30

Page 6: Fra Agnes Stevens

47

Ed

Ed Korpie, 11

veut avoir la paix Avant que Ed, 11 ans, soit SDF, il n’avait jamais imaginé qu’un enfant puisse se retrouver à la rue. La nuit où la famille a dormi dans une voiture est, jusqu’à ce jour, la pire de sa vie.

Lvraiment le jour où le père d’Ed bat sa mère,

Edith. Quand son père va en prison ils doivent vivre avec le salaire de sa mère qui est insuffi sant pour la nourritu-re et le loyer.

– Emballez vos affaires, dit un jour maman. Nous devons partir d’ici.

– Où est-ce qu’on va aller ? demandent Ed, son petit frè-re, Leonard et sa grande sœur, Guadalupe. Un ins-tant, maman ne dit rien.

– Je ne sais pas, avoue-t-elle fi nalement.

Garde le masqueOn les aide à transporter leurs meubles et leurs affai-res dans un entrepôt. L’indispensable est empa-queté dans quelques sacs et mallettes qu’ils traînent avec eux dans leurs déplacements chez des amis ou des connaissances. La plupart de ceux qu’ils connaissent vivent déjà à l’étroit. Ils ne peuvent jamais rester plus de

Vit : Au refuge, à Venice.Aime : Le skateboard, le baseball, le football. Lire. Les jeux vidéo. N’aime pas : Qu’on me prenne mes affaires. Adore : Ma famille. Admire : Tony Hawk, skateur. Rêve de : Apprendre à faire un ollie en skateboard. Veut être : Réalisateur de jeux vidéo.

quelques nuits dans le même endroit. Les vacances d’été se terminent bientôt et Ed se fait du souci pour la rentrée scolaire. Naturellement, maman cherche un nouvel appartement moins cher, mais ça paraît impossible. Tous les propriétaires exi-gent le premier et le dernier loyer d’avance. Il s’agit de plusieurs milliers de dollars, somme que maman n’a jamais en réserve. Elle tra-vaille dans un restaurant à hamburgers et gagne peu. Tout le salaire disparaît dans la nourriture, les vêtements et les tickets de bus.

Six mois plus tard ils sont tous désespérés. Souvent ils dorment par terre dans le salon de quelqu’un avec leurs affaires enfouies pêle-mêle dans des mallettes et des sacs. C’est un vrai cirque le matin quand tout le mon-de cherche des vêtements propres en même temps. Encore plus diffi cile est de se rendre à l’école à partir d’un endroit où l’on ne s’est

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

PH

OT

O: K

IM N

AY

LO

R

Que font Agnes et la School on Wheels ?

Pourquoi devient-on SDF ?

e problème commence

GLOBEN0746_FRs047 47 07-11-06 17.09.40

Page 7: Fra Agnes Stevens

48

jamais trouvé auparavant. Ed est toujours fatigué et

inquiet. Il a souvent mal au ventre et à la tête. Il n’a ni le temps ni la paix pour faire ses devoirs, car ils doivent démé-nager presque tous les soirs. Ed ne dit pas à ses camara-des de classe ni aux profes-seurs qu’il est devenu SDF. Ils pourraient se moquer de lui et le mépriser. Il travaille dur pour que personne ne remarque qu’il y a quelque

chose qui ne va pas, mais parfois c’est presque impos-sible de garder le masque.

Papa ne sait rien Leur père ne sait toujours pas ce qui s’est passé. Il écrit de prison en demandant quand ils iront lui rendre visite. Avant, quand il était en prison, leur mère les emmenait le voir, mais cette fois elle ne veut pas. Elle dit qu’ils n’ont ni le temps ni les

moyens. Ed comprend que maman a décidé de quitter son père pour de bon. Mais comment vont-ils s’en sortir ?

À la fin, ils ne savent plus où aller. Maman appelle tous ceux qu’elle connaît et un ami leur propose de dor-mir dans sa fourgonnette. Ils étendent des couvertures sur le plancher et se blottissent les uns contre les autres dans l’étroit espace de charge-ment. Cette nuit-là Ed a très

peur et ne peut pas dormir. C’est effrayant d’entendre les bruits extérieurs, mais le pire ce sont toutes les pen-sées qui lui passent par la tête. C’est donc comme ça qu’il leur faudra vivre le res-te de leur vie ?

Le jour suivant, maman en a assez. On lui a parlé d’une église qui a des lits pour les familles SDF mais dans un tout autre quartier de la vil-le, très loin des écoles des

Papa est sorti de prison et vit en ce moment chez un copain. Il vient souvent au refuge ren-dre visite à ses enfants.

À Los Angeles presque tout le monde a une voiture

mais Ed et sa famille vont partout à pied. Parfois les

gens les regardent bizarre-ment simplement parce

qu’ils vont à pied !

Ed avec sa mère, Edith, son frère Leonard, 9 ans et sa sœur Guadalupe, 15 ans. La mère d’Ed est mexicaine. Son père est né aux États-Unis, mais ses grands-parents maternels ont immigré de Finlande, ce qui fait que Korpie, le nom de famille d’Ed, est finlandais.

Le refuge est situé près de la célèbre promenade de Venice Beach. C’est là qu’Ed et Leonard font du skateboard mais ils ne se baignent pas souvent car l’eau est sale.

GLOBEN0746_FRs048 48 07-11-06 17.10.01

Page 8: Fra Agnes Stevens

49

enfants. Alors Ed, son frère et sa sœur doivent changer d’école et elle est obligée de chercher un nouveau travail.

Avocat et professeur Ils vivent depuis six mois dans une petite pièce dans le refuge de l’église. Ils ont deux lits superposés et une penderie où ils enfoncent toutes leurs affaires. Une fois par semaine, Jessica de la School on Wheels, le prof supplémentaire d’Ed, vient

le voir. La journée elle est avocat divorce, mais ce tra-vail-ci est plus amusant dit-elle à Ed. Il aime Jessica par-ce qu’elle est gentille et elle sait si bien expliquer les pro-blèmes de math diffi ciles qu’ils en paraissent tout sim-ples. Souvent ils vont potas-ser à la bibliothèque. C’est agréable de sortir un instant du refuge.

– Le pire au refuge ce sont toutes les règles, c’est dur pour les enfants d’avoir si

peu de liberté, dit Ed à Jessica. Nous devons tout le temps aller au culte, sinon ils nous mettent dehors. Notre chambre est très petite, c’est diffi cile de surveiller toutes ses affaires et de s’entendre. Mais ça fait du bien de savoir où on peut dormir la nuit. De ne pas être dehors dans la rue, dormir dans les voitures ou par terre chez des gens.

Maman vient de nettoyer la chambre de la famille mais Ed dit qu’il ne faut pas plus d’une demi-minute avant que ce soit de nouveau le chaos.

Ed adore le skate board– Je suis hyper content quand j’apprends de nouveaux tricks. J’essaie d’apprendre à faire un ollie. Je tombe tout le temps et me fais mal mais ça vaut la peine.

Ed fait ses devoirs avec Jessica, son prof supplé-mentaire. Chaque fois qu’ils se voient, ils commen-cent par examiner les écorchures d’Ed. Il se blesse souvent en faisant du skateboard.

Ed aime lire, surtout les Chroniques de Narnia de C.S. Lewis.

Le plat préféré d’Ed est le club sandwich et le menudo mexi-cain de maman.

Ed et la maison de ses rêves – Une maison verte avec une piscine, une bibliothèque privée et un skate-park. Le rêve c’est une chambre à moi, ce que je n’ai jamais eu. Je mettrais des affi ches sur les parois, j’y serais tranquille et je m’occuperais de mes affaires.

GLOBEN0746_FRs049 49 07-11-06 17.10.28

Page 9: Fra Agnes Stevens

50

Un jour dans le quartier des SDF Janine Williams, 9 ans, sa grande sœur Khadijah, 16 ans, et leur mère sont SDF depuis six ans. Cette nuit, elles vont essayer de trouver un lit dans un refuge d’urgence, au centre du quartier des SDF de Los Angeles. C’est ici que viennent ceux qui n’ont nulle part où aller. 17.30

Queues pour dormir en sécurité Janine, sa grande sœur et sa mère se placent en bout de la longue queue pour le refuge Midnight Mission. Il est situé au centre du quartier des SDF et ce soir des cen-taines de SDF espèrent y trouver un repas et un lit. Cela s’appelle som-meil sûr, car c’est très dangereux la nuit dans les rues de cette zone.

18.00 Le dîner, enfi n ! Janine reçoit un plat de ragoût de viande et légumes.

– Le goût est meilleur que l’apparence, assure-t-elle.

19.00 Bonne nuit Les adultes passent la nuit dans de grands dortoirs. Les familles avec enfants s’entassent dans une petite chambre au

deuxième étage. Ce soir il n’y a qu’une autre famille. Le père, la mère et trois enfants en bas âge. Ils viennent de se retrouver SDF et c’est leur première

nuit dans un refuge. Janine a pitié d’eux. Elle, elle a dormi dans ce refuge plusieurs fois et elle sait comment ça se passe. Les couvertures grises et usées grattent, mais Janine s’endort vite.

05.30 Le réveil-matin de la police À l’aube, alors que Janine dort encore, la police patrouille dehors dans le quartier et réveille les SDF qui dorment dehors. C’est interdit de vivre dans la rue. Certains pro-testent mais la plupart se lèvent et ramassent leurs affaires.

06.00 Bonjour Il s’agit de se lever à l’heure si on veut avoir le temps de prendre le petit-déjeuner. Le matin tous ceux qui sont de passage au refuge doivent quitter les lieux. Janine et Khadijah iront à l’école tandis que maman cherchera du travail et un autre endroit où dormir la nuit qui vient.

07.45 À l’école Janine prend le bus pour l’école. La School on Wheels lui a donné des jetons de bus pour qu’elle ait les moyens d’aller à l’école tous les jours.

15.00 À la School on WheelsAprès l’école, Janine se dépêche de revenir dans le quartier des SDF et à la chambre d’enfants de l’école School on Wheels. Tous ces amis SDF s’y rencontrent.

– Ceux qui travaillent à la School on Wheels sont gentils et disponibles.

10.00 Leçon Depuis qu’elle est SDF, Janine a été obligée plusieurs fois de changer d’école. Par moments elle a manqué plusieurs jours d’école.

– C’est diffi cile de se faire des amis et de suivre les leçons quand on est nouvelle.

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

PH

OT

O: K

IM N

AY

LO

R

GLOBEN0746_FRs050 50 07-11-06 17.10.57

Page 10: Fra Agnes Stevens

51

17.27 L’homme aux ballons À mi-chemin elles rencontrent Joe, l’homme aux ballons, qui est expert dans l’art de former les ballons. Il fait des fl eurs et des lapins pour d’autres enfants SDF qui sont là avec leur prof supplémentaire de la School on Wheels.

– S’il vous plaît, faites-moi un cœur, s’il vous plaît, prie Janine.

Un jour dans le quartier des SDF 15.30 Le goûter Janine mange un beignet frit au miel avec cannelle et fondant. C’est bon mais ça colle aux doigts.

16.00 Les devoirs Janine reçoit l’aide de Steve, son prof supplémen-taire pour ses devoirs. Il sait si bien expliquer qu’on comprend tout. Il connaît aussi de bonnes blagues.

17.20 L’heure de faire la queue Janine et Khadijah vont à la rencontre de maman. Bientôt elles sauront où elles dormiront cette nuit. Agnes fait un bout de chemin avec elles. Elle et les enfants se connaissent depuis des années. Agnes leur donne le numéro de téléphone gratuit de la School on Wheels.

– Appelez-nous si vous avez besoin d’aide. Vous savez que votre prof supplémentaire vient à vous où que vous soyez, leur rappelle-t-elle.

17.30 Cœurs Janine fait le dernier bout de chemin avec ses copains de la School on Wheels. Elle tient forte-ment ses deux cœurs, un rose et un rouge qu’elle mettra, cette nuit, près de son oreiller. Quelle belle fi n de journée !

Une demi-coiffureUn jour Janine a rencontré une femme SDF qui faisait de belles coiffures. Elle a posé des rallonges de cheveux à Janine et les a tressées, mais, le premier jour elle n’a pu faire que la moitié. Le jour suivant, la femme avait disparu et Janine s’est promenée plusieurs jours avec une demi-coiffure. Mais fi nalement elles se sont retrouvées dans un autre refuge. À présent la coiffure est entière !

Avant

Après

GLOBEN0746_FRs051 51 07-11-06 17.11.35

Page 11: Fra Agnes Stevens

52

La maison de nos rêves

Jarifri, 11 La maison idéale : Une maison bleue avec une porte noire à Las Vegas, parce que j’aime toutes les lumières qu’il y a là-bas. Il y aura quatre chambres, quatre armoires, deux salles de bains. Aime : Danser, le taekwondo, l’école. Admire : Mon grand frère. Michael Jackson. Elvis Presley.

« Moi, mon frère et mes parents vivons dans une petite chambre de motel. Ici, il y a beau-coup de SDF. Frank, mon prof supplémen-taire de la School on Wheels, vient ici une fois par semaine pour m’aider à faire mes devoirs. Depuis que nous tra-vaillons ensemble j’ai de meilleures notes.

Être à l’étroit n’est pas un problème, ça nous permet de nous sentir plus proches les uns des autres. Chaque week-end mon père et moi nous jouons sur la promenade de Venice Beach. Il est clown et moi je danse en habits et chapeau dorés. Je danse depuis que j’ai appris à marcher et je suis ceinture rouge de taekwondo. J’ai commencé les arts martiaux pour pouvoir me défendre. Il y a pas mal de voyous à l’école »

Il y a plus d’un million d’enfants sans abri aux États-Unis. Ils vivent dans des refuges, des voitures, des hôtels pouilleux ou dans la rue. Leur famille a fi ni à la rue pour diverses raisons, mais ils ont tous une chose en commun; ils rêvent d’un foyer à eux où ils seraient heureux et en sécurité.

Shatrea Olivera, 12 La maison idéale : Une grande maison rose avec quatre chambres, une grande cuisine et une arrière-cour avec des balançoires, non, tou-te une aire de jeux. Je veux une chambre bleue et blanche pour moi. Aime : Jouer. Admire : Maman

« Nous sommes SDF depuis que maman a quitté papa parce qu’il était méchant avec elle. Nous avons vécu dans plusieurs endroits. Chez des parents, à l’hôtel et dans une voiture. À un certain moment, on déménageait presque tous les jours. Maintenant nous vivons dans un refuge provisoi-re. Nous disons ’provisoire’ parce que nous sommes sur le point d’obtenir un appartement à nous. Maman travaille et met de l’argent de côté pour qu’on puisse se débrouiller toutes seules. Ce refuge est assez bien. Il y a une aire de jeux dans la cour et beaucoup d’enfants avec qui jouer. La School on Wheels a aménagé une chambre spé-ciale pour les enfants avec des livres, de quoi dessiner et des ordinateurs. C’est là que je dessine et je rencontre mon prof supplémentaire »

Cesar avec son petit frère Eric.

GLOBEN0746_FRs052 52 07-11-06 17.12.03

Page 12: Fra Agnes Stevens

53

La famille de Cesar.

La maison de nos rêves

Cesar Hurtado, 12 La maison idéale : Un palais blanc aux parois blanches et des planchers en bois luisant, une piscine et un skate-park. J’inviterai tous les jours mes amis avec leur famille à un énorme buffet avec de la nourriture fantastique. J’aurai une télé avec écran géant et toutes les consoles de jeux qui existent. Admire : Mon grand frère, qui m’écoute quand j’ai besoin de parler à quelqu’un. Aime : Le skateboard, nager, la pizza et la glace, lire.

« Nous sommes SDF depuis plusieurs années. Le pire ce sont tous ces va- et-vient. Nous devons traîner toutes nos affaires dans les bus. On perd souvent quelque chose. J’ai perdu des tas de mes choses préférées dont

j’ai vraiment besoin. Ça me rend triste et ça m’énerve. Vivre au refuge ça va parce qu’il y a beaucoup

d’enfants. Mais les règles sont trop sévères. Les enfants n’ont pas de liberté et doivent tout le temps se tenir tranquilles. J’aime la School on Wheels parce qu’ils m’ont tellement aidé. Parfois je perds le contact avec mes profs supplémentaires quand nous déména- geons, mais on se retrouve toujours »

Cesar avec son petit frère Eric.

Matthew, 12 La maison idéale : Une grande maison avec une énorme télé et un skatepark derrière la maison. Admire : Le skateur, Dustin Dollin.Aime : Le skateboard, les jeux télé.

« Le pire quand on est SDF c’est qu’on doit tout le temps changer d’école. Je suis allé dans trois écoles en une année. Je suis tou-jours nerveux quand je change d’école, c’est dur de devoir tout le temps s’intégrer et se fai-re de nouveaux amis. En ce moment je vis dans un refuge avec ma mère, deux sœurs et deux frères. J’ai un très bon prof supplémen-taire de la School on Wheels. J’espère qu’elle pourra continuer à m’aider même si on redé-ménage. Nous avons vécu dans différents refuges et dans des hôtels pouilleux et jus-qu’ici cet endroit est le mieux. Notre refuge précédent se trouvait dans une zone diffi cile avec un tas de gangs violents. Ils tiraient toute la nuit. Mais mes copains de là-bas me manquent. Mon rêve pour le futur c’est de mettre fi n à toute la violence et de devenir skateur professionnel ou policier ».

Kibsaim Itsui Gallegos-Sierra, 8 La maison idéale : Une maison rose à rayures blanches. Ma chambre aura des parois roses avec des fl eurs rouges. La maison se trouvera sur la plage et aura un grand jardin avec toboggan et piscine. Admire : Mon prof supplémentaire. Aime : Les jeux vidéo, le rock ring, jouer à cache-cache et à chat.

« Je crois que j’ai toujours été SDF. Ma mère, moi, ma sœur et mon petit frère, nous nous déplaçons. Nous avons vécu dans des refuges à Los Angeles. Des fois on va au Mexique. Le pire quand on vit dans un refuge c’est qu’on doit se lever si tôt. Quand nous sommes à Los Angeles je vais à la School on Wheels presque tous les jours. Crystal, mon prof supplémentaire, fait les devoirs avec moi et m’emmène en excursion. Je veux aussi être prof quand je serai grande. Je veux apprendre à nager, mais ça a l’air diffi cile. Je ne suis jamais allée à la mer, mais j’ai entendu dire que c’est très beau »

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

PH

OT

O: K

IM N

AY

LO

R

GLOBEN0746_FRs053 53 07-11-06 17.12.34

Page 13: Fra Agnes Stevens

54

BriannaIl est tard le soir quand Brianna, 11 ans, va avec sa mère et son grand frère Adrian, réserver une chambre dans un motel miteux. Les deux frères aînés se cachent au coin de la rue. Cinq personnes n’ont pas le droit d’occuper une seule chambre mais leur mère n’a pas les moyens d’en louer deux. Si on les découvre, c’est la rue, de nouveau.

Quand la voie est libre, maman fait entrer Ryan, 12 ans et Daniel,

14 ans. Une fois dans la chambre, ils sont tous soula-gés, ils sont à l’abri un soir de plus. Depuis que Melissa, leur mère a quitté le père des enfants à cause de sa violen-ce, il y a quelques semaines, ils ont passé d’un motel à l’autre de la zone la plus pau-

vre et la plus dangereuse du sud de Los Angeles. La famille ne peut rester trop longtemps au même endroit, car le personnel du motel fi nirait par remarquer qu’ils sont trop dans la même chambre et les jetterait dehors. Mais maman n’a presque plus d’argent. Où

vont-ils aller ensuite ? Maman cherche de l’aide

dans l’annuaire du téléphone et trouve le numéro de divers refuges pour SDF. Elle et les enfants ont de la peine à s’accepter comme SDF. Un SDF c’est un homme sale en haillons qui dort dans des cartons, non ? Maman com-mence quand même à télé-phoner et les enfants écou-tent. Il se trouve qu’une par-tie des refuges accueillent les familles.

– Combien d’enfants avez-vous, demande l’homme du refuge. Ils ont quel âge ?

Quand il entend que

Daniel, l’aîné des garçons de Melissa, a 14 ans, c’est un non sans appel.

– Il doit vivre seul dans la section des hommes adultes.

– Mais il n’a que 14 ans, c’est un enfant, dit Melissa.

– Ce sont les règles, dit l’homme au refuge. Nous ne laissons jamais les garçons adolescents avec les familles. Ça peut être dangereux.

Maman raccroche et continue de téléphoner, mais c’est désespérant. À Los Angeles beaucoup d’adoles-cents font, déjà à 12 ans,

Rosemary Oliva, le prof supplémentaire de Brianna l’aide à comprendre un problème épineux.

veut aider les SDF quand elle sera grande

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

PH

OT

O: K

IM N

AY

LO

R

GLOBEN0746_FRs054 54 07-11-06 17.12.42

Page 14: Fra Agnes Stevens

Brianna Audinett, 11

55

partie de gangs violents. Dans les refuges on a peur que ces jeunes garçons usent de violence envers les autres enfants. Mais maman ne renonce pas. Elle insiste, prie et supplie et fi nalement elle trouve un refuge qui accepte toute la famille.

Tais-toi ! Le jour suivant, ils prennent le bus pour le quartier des SDF dans le Downtown Los Angeles. Le refuge ressemble à une prison, une grande bâtisse grise en béton. Brianna trouve que le quar-tier est horrible. C’est sale et plein d’ordures. Les gens crient, agitent les bras, boi-vent et sont étendus comme morts sur les trottoirs. Brianna remarque soudain qu’un vieil homme la regar-de bizarrement. Sa mère le

voit aussi. À la fi n elle lui dit d’arrêter. Il s’éloigne un peu mais continue de la fi xer.

– Ne t’en fais pas, maman dit Brianna plus tard. Je sais me défendre.

Brianna et sa famille res-tent six mois dans le refuge. On leur a donné une place dans un dortoir avec lits superposés dans la section famille. Il y a beaucoup d’autres mères avec leurs enfants et Brianna se fait vite des copains. Ce qu’il y a de bien avec le refuge c’est de savoir qu’on a un endroit pour dormir, pense Brianna. Les désavantages, ce sont les rues à l’extérieur et toutes ces bousculades et le brou-haha du dortoir. Les enfants crient, pleurent et les sirènes des ambulances et des voitu-res de police hurlent à inter-valles réguliers. Ryan qui est

Vit : Dans le sud de Los Angeles.Aime : Les chaussures, faire du théâtre, lire, écrire des histoires. N’aime pas : S’ennuyer. Heureuse : Quand je suis à la School on Wheels.Admire : Maman. Veut être : Médecin ou star de cinéma.

Brianna n’aime pas le quartier des SDF, c’est sale, plein d’ordures et parfois dangereux. veut aider les SDF quand elle sera grande

GLOBEN0746_FRs055 55 07-11-06 17.12.56

Page 15: Fra Agnes Stevens

Brianna

56

Brianna avec sa famille : Daniel, Ryan, Adrian, Brianna et Melissa, leur mère.

asthmatique se sent plus mal au refuge et tousse presque continuellement. Ce n’est pas possible non plus de jouer comme d’habitude.

– Tais-toi, tiens-toi tran-quille, voilà ce que les enfants entendent tout le temps.

– Ils agissent comme s’ils ne savaient pas ce que le mot « amusant » signifi e, se plaint Brianna à sa mère.

– On ne va pas rester ici pour toujours, promet-elle.

La School on Wheels est le salut En face du refuge, Brianna trouve son salut; la salle pour enfants de la School on Wheels. Brianna y va tous les jours après l’école.

– J’adore la School on Wheels. Ils s’occupent de nous et nous protègent, explique-t-elle à sa mère. Si un importun dans la rue nous fait des histoires, on nous aide. On nous a donné un numéro gratuit que l’on peut appeler n’importe quand si l’on a besoin d’aide.

Brianna et ses frères et sœurs reçoivent un cartable

neuf et un prof supplémen-taire chacun pour l’aide aux devoirs. De plus on aide leur mère quand les enfants doi-vent changer d’école. Beaucoup de papiers et de documents importants ont disparu quand ils étaient SDF mais la School on Wheels leur en fournit de nouveaux. Le plus impor-tant c’est que maman sait que ses enfants sont en sécu-rité pendant qu’elle est au travail.

– Sans vous, nous ne nous en serions pas sortis, dit sou-vent maman à la School on Wheels.

Un jour on annonce à la famille qu’on va les aider à emménager dans un appar-tement à eux. C’est irréel, mais fantastique. Brianna est hyper heureuse de quitter le refuge, mais elle pense revenir dans le quartier des SDF plus tard.

– Je serai médecin quand je serai grande et j’aiderai les malades, surtout les SDF. Ils n’ont ni argent ni assurance maladie mais je vais quand même les aider.

Un jour une équipe de cinéma arrive à la School on Wheels. Ils vont tourner un fi lm. Brianna et ses amis écriront le scénario et joueront dans le fi lm.

Dans le fi lm, je vais jouer le rôle de Ruby, une des héroïnes, explique

Brianna. Elle et son amie Janine, qui

interprète la grande héroïne Pink Ice, forment un team.

– Nous sauvons des gens et nous battons contre des bri-gands, dit Janine, qui à la fi n du fi lm essaie de transformer tout chose sur terre en une mer de diamants roses. Elles ont écrit le scénario elles-mêmes avec leurs amis SDF de la School on Wheels.

L’équipe du fi lm vient de l’organisation Hollywood Heart. La journée, ils tra-vaillent sur des productions réelles à Hollywood, mais pendant leur temps libre, ils veulent faire quelque chose pour aider les enfants en situation diffi cile. Pendant trois jours, la School on Wheels se transforme en lieu de tournage. Les enfants écri-vent le scénario, construisent les coulisses, confectionnent les accessoires et les costumes. En dernier, ils tournent le fi lm et quand il est monté, ils assis-tent au gala de la première.

– C’est parmi ce que j’ai fait de plus amusant, dit Brianna. Si je ne peux pas devenir médecin je serai peut-être étoile de cinéma.

Silence ! Caméra ! On tourne!

Brianna en plein rôle, dans le costume de Ruby.

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

PH

OT

O: K

IM N

AY

LO

R

GLOBEN0746_FRs056 56 07-11-06 17.13.17

Page 16: Fra Agnes Stevens

Brianna

57 57

devient star de cinéma Un jour une équipe de cinéma arrive à la School on Wheels. Ils vont tourner un fi lm. Brianna et ses amis écriront le scénario et joueront dans le fi lm.

Les super héroïnes Pink Ice (Janine) et Ruby (Brianna) se préparent pour leur scène suivante.

Derrière le masque de Red Devis se cache Ryan McNeil, 9 ans.

Ryan Wilson, 13 ans, montre sa meilleure pose de star avec une mitraillette en plastique.

Ryan Audinett, 13 ans, joue le rôle du détective, avec les menottes toutes prêtes.

Khadidjah, 16 ans, fait une pause dans sa demande d’inscription au lycée pour jouer dans le fi lm.

Adrian Audinett, 12 ans, aime réaliser un fi lm mais au fond il veut être architecte.

Avant le tournage tous les enfants doivent se faire maquiller et mettre leur costume.

Salmai, 7 ans, a les cheveux argentés et le symbole du dollar autour du cou.

Los Angeles est appelée la capitale du cinéma et le quartier de Hollywood est célèbre dans le

monde entier. Déjà en 1910 on y a fait le premier fi lm hollywoodien. Il s’appelait ‘In Old California’ et c’était un fi lm

muet, un fi lm sans son. Le premier fi lm parlant s’appelait ’The Jazz Singer’ et est sorti en 1927. Au début les compagnies

de ciné faisaient des versions étrangères des fi lms parlants américains pour que même les personnes qui ne parlaient pas anglais puissent les voir. On tournait une autre version du fi lm avec par exemple des acteurs français ou espagnols. Un peu plus tard on s’est rendu compte que c’était plus économique et plus facile de doubler ou de sous-titrer les fi lms dans les

différentes langues. Quand de plus en plus de gens ont eu la télé, dans les années 50, beaucoup ont cru que le cinéma

mourrait. Mais ça n’a pas été le cas. De nos jours, les grandes maisons de productions à Los Angeles

sortent environ 60 fi lms par année et l’industrie du cinéma fait des milliards de

dollars de chiffre d’affaires.

D ONNÉES SUR LE CINÉMA

Hollywood Heart vient tourner à la School on Wheels. Les enfants SDF sont les stars du jour.

GLOBEN0746_FRs057 57 07-11-06 17.13.57

Page 17: Fra Agnes Stevens

58

Nick

Nick Barger, 10Vit : Dans un motel à Los Angeles.Aime : Le skateboard, dessiner, les jeux télé, lire. N’aime pas : La drogue. Être traité comme un petit garçon.Triste : Quand mes amis déménagent. Adore : Être avec ma famille. Admire : Maman et papa. Laura, ma prof sup. Rêve de : Une maison à eux. Veut être : Écrivain.

Dans toute la maison, dans chaque apparte-ment, tout le monde

s’occupait de drogue. Des gens allaient et venaient chez Nick et souvent quelqu’un gisait et dormait sur le cana-pé ou par terre. Dans l’ap-partement du dessous il y avait un gang qui vendait de la drogue 24 heures sur 24. Les parents de Nick, Michelle et Frank, n’en ven-daient pas mais étaient pres-que toujours drogués. Ce qui les rendait différents, pensait Nick. Parfois ils étaient là couchés ou assis le regard dans le vide. Parfois,

quand ils se réveillaient de leur léthargie, ils étaient très malheureux. Nick aimait ses parents mais ils étaient trop malades et trop absents à cause de la drogue pour pouvoir vraiment être mère et père. Nick devait se pren-dre en charge.

Dans une famille d’accueil Un soir tard, Nick s’est réveillé en entendant des appels et des cris à l’exté-rieur. Les gens couraient dans les corridors, peut-être pour s’enfuir ou pour jeter la drogue dans les toilettes. Un instant après, la police est

est un héros À sept ans, Nick habitait dans un immeuble qui était un repaire notoire de trafi quants de drogue et de drogués. Un soir la police a fait une descente.

entrée en trombe dans l’ap-partement de Nick en criant contre ses parents. Les poli-ciers avaient des gilets noirs et des armes. La mère et le père de Nick avaient l’air très effrayés. Puis un policier a aperçu Nick.

– Tu ne peux pas rester ici, a dit le policier. Nick pleu-rait et disait qu’il voulait res-ter avec ses parents mais le policier a téléphoné à un assistant social qui est arrivé et l’a emmené. Nick ne savait pas ce qui allait arriver à ses parents. Lui-même a été pla-cé dans une famille d’ac-cueil, une famille qui est payée pour s’occuper des enfants qui ne peuvent pas vivre chez leurs propres parents.

Nick avec Frank, son père et Michelle, sa mère.

GLOBEN0746_FRs058 58 07-11-06 17.14.07

Page 18: Fra Agnes Stevens

59

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

PH

OT

O: K

IM N

AY

LO

R

A été battu Nick a eu son huitième anni-versaire dans la famille d’ac-cueil, mais personne ne sem-blait s’en soucier. La famille avait beaucoup d’enfants, les siens et d’autres enfants pla-cés. Ils étaient plus âgés que Nick et le maltraitaient. Ils lui disaient des méchancetés et le battaient. Nick essayait de se défendre, mais ils étaient plus grands et plus forts. Les parents nourriciers ne fai-saient rien pour l’aider.

Quelque temps après, la mère de Nick a été admise dans un centre de réhabilita-tion pour toxicomanes et Nick a pu lui rendre visite. Ils ont pleuré en se revoyant et sa mère lui a demandé pardon. Ils plaisantaient et riaient quand maman a découvert des bleus sur les bras de Nick.

– C’est ma famille d’ac-cueil, ils me battent, a dit Nick.

La mère de Nick s’est plainte aux assistants sociaux qui avaient choisi la famille d’accueil. Mais les parents nourriciers ont pré-tendu que Nick mentait. Il a dû tomber. Ou alors c’était la mère de Nick qui l’avait battu. Ceux qui décidaient ont cru les parents nourri-ciers et Nick a dû retourner chez eux.

Alors les choses ont empi-ré. Tout le monde était fâché parce qu’il avait mouchardé et on le tabassait encore plus. Mais à

est un héros La chambre du motel où Nick et ses parents vivent est très étroite.

ce moment-là la mère de Nick n’avait pas touché à la drogue depuis long-temps et pouvait entrepren-dre les démarches pour récu-pérer Nick défi nitivement. Nick a été convoqué au tri-bunal, mais la première fois qu’il a vu le juge il n’a rien osé dire de la maltraitance. Les parents nourriciers l’avaient menacé.

– Ferme ta gueule ou dis que c’est ta mère qui te bat, ont-ils dit à Nick. Sinon...

Chez maman Finalement, la troisième fois au tribunal, Nick n’a pas pu

se retenir et a dit la vérité. Le juge a abattu le maillet sur la table en disant :

– Tu iras vivre avec ta mère. Nick a pu aller vivre dans

le centre de réhabilitation où sa mère se battait pour se libérer complètement de la drogue. Son père vivait dans un autre centre de réhabili-tation pour hommes. Nick et sa mère partageaient la chambre avec deux autres mères et leurs cinq enfants. C’était serré mais Nick s’est vite fait de nouveaux amis et

L’attrape-rêves de Nick est placé au-dessus du lit pour attraper tous les horribles cauchemars avant qu’ils per-turbent le sommeil nocturne.

GLOBEN0746_FRs059 59 07-11-06 17.14.18

Page 19: Fra Agnes Stevens

60

ça se passait bien pour maman. Elle n’a pas seule-ment appris à se libérer de la drogue, elle a aussi appris à payer les factures et à s’occu-per de son enfant. À vivre sans drogues, tout simple-ment.

De nouveau ensemble Aujourd’hui les parents de

Nick sont sans drogues depuis trois ans. Ils ont pu quitter le centre de réhabili-tation mais n’ont pas trouvé

d’endroit pour vivre. – La maison de mes rêves

est un appartement en atti-que au 42ème étage, dit Nick. Ma chambre sera gothique, avec des parois et des meubles noirs et un éclairage au néon bleu et des chauves-souris en plastique au plafond. Quoique fi nale-ment ça n’a pas d’importan-ce. Ça m’est égal si nous vivons dans des cartons, pourvu que nous soyons ensemble.

Puisque Nick et ses parents sont SDF, ils sont obligés de vivre dans un motel avec beaucoup d’autres SDF. Ils paient un mois à la fois mais ils savent qu’on peut les expulser à tout moment. Nick a eu beaucoup d’amis SDF qui ont disparu du motel.

– C’est presque impossible d’avoir le temps de se faire et de garder un ami de cœur, dit-il à ses parents.

Le soir, avant de s’endor-

mir, Nick pense à tout ce qui lui est arrivé.

– Je vais écrire un livre sur ma vie, parce que je veux raconter aux gens ce que j’ai vécu. J’ai survécu à tant de choses pendant que j’atten-dais de revenir à la maison chez mes parents.

– Tu es notre héros, Nick, disent maman et papa. Sans toi, on ne s’en serait jamais sortis.

Sur la paroi, Nick, maman et papa ont chacun leur calen-drier quotidien où on reçoit un point négatif si l’on fait quelque chose de mal et un point positif si l’on fait quel-que chose de bien

– Ça nous aide à être posi-tifs, dit Nick.

Nick n’a pas le droit d’emme-ner des copains au motel. C’est fermé à tous ceux qui ne vivent pas là.

Mon institutrice supplémentaire La prof supplémentaire de Nick de la School on Wheels s’appelle Laura.

– Elle est mon amie, mon prof et ma grande sœur. Elle m’aide à faire mes devoirs et a énormé-ment de patience. Laura m’a aussi emmené voir un match de base-ball et au ciné.

L’ami des araignées Maman s’est fait faire un tatouage qui représente une araignée parce que Nick aime les araignées. – Une fois on a vu une araignée sur la paroi de la classe. Tous les enfants criaient et voulaient la tuer mais je me suis mis devant l’araignée et j’ai crié que personne ne devait la toucher. Le prof a dit : « Écoutez Nick, il a raison » J’ai fait sortir l’araignée par la fenêtre.

GLOBEN0746_FRs060 60 07-11-06 17.14.39

Page 20: Fra Agnes Stevens

Nick

61

6. Redresser les jambes et recentrer le poids du corps.

adore le skateboardDès qu’il peut Nick prend son skateboard et s’entraîne à de nouveaux tricks dans la rue, devant le motel. Le skateboard est un des sports les plus populaires des États-Unis. On dit qu’il a été inventé par un surfeur qui s’ennuyant, a monté des roues sur une planche de surf et a « surfé » sur l’asphalte.

Qu’est-ce qu’un skateboard ?La planche – a souvent un motif en dessous qui s’efface quand on l’utilise. Le grip – pour l’adhérence sur le dessus de la planche. Le tail – extrémité arrière de la planche Le nose – extrémité avant de la planche La roue – quatre roues Les axes – deux axes maintiennent les quatre roues

Les tricks les plus classiques Le ollie – Une fi gure de base qui est le point de départ de beaucoup d’autres tricks, un saut sur du plat sans les mains. Le nollie – Comme le ollie mais à la place de sauter depuis la partie arrière de la planche « le tail » on saute depuis la partie avant, « le nose »Le Kickfl ip – En sautant, on fait vriller la planche en une rotation complète autour de son axe longitudinal. Le 180 – Une demi-rotation autour de son axe. Le 360 – Une rotation complète autour de son axe.Le 900 – Deux rotations et demi, s’effectue sur vert ramp. Le grind – Glisser sur les axes. Le 50-50 – Un grind sur les deux axes. Le Five-0 – Un grind sur l’un des axes. Le Boardslide – Glisser directement sur la base avec la planche. Le Manual – Une fi gure d’équilibre sur deux roues en avant ou en arrière.

VOICI COMMENT EXÉCUTER UN OLLIE :

1. Poser le pied arrière tout à l’arrière du tail et le pied avant au milieu de la planche.

2. Se ramasser sur soi-même et plier les genoux

3. Sauter en faisant en sorte que le tail claque contre le sol pour permettre à la planche de s’orienter vers le haut.

4. En sautant, faire glisser le pied avant vers l’avant. Ce qui permet à la plan-che de s’élever et de s’équilibrer.

5. Retirer les jambes pour s’élever plus.

7. Atterrir en assouplissant les genoux. Continuer à rouler.

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

, JOH

AN

NA

HA

LL

IN P

HO

TO

: KIM

NA

YL

OR

GLOBEN0746_FRs061 61 07-11-06 17.14.46

Page 21: Fra Agnes Stevens

Marlen Contreras, 13

62

Marlen Contreras, 13Marlen Contreras, 13

La tante de Marlen est sa « mère »

Marlen et sa mère ne vou-laient pas aller vivre

dans le refuge. – Nous avions très peur,

raconte Marlen. Nous ne savions presque rien sur le sida. Maman croyait que moi aussi je tomberais mala-de si nous vivions avec d’autres personnes contami-nées. Nous y sommes main-tenant depuis plusieurs années. Je m’y plais bien et j’ai appris un tas de choses sur la maladie, comme par exemple que l’on peut survi-vre longtemps si l’on prend les médicaments et si on se soigne.

Marlen est née au Mexique mais est arrivée aux États-Unis quand elle avait deux semaines.

– Celle que j’appelle ma mère est en fait ma tante. Je n’ai jamais connu mon père et ma mère biologique ne pouvait pas s’occuper de moi. Elle buvait beaucoup et est allée en prison. Ma tante Angelina m’a emmenée en Amérique pour que j’aie une chance dans la vie. Je l’ap-pelle maman, parce qu’elle s’est toujours occupée de moi comme une mère.

Se fait du souci pour maman – Quand j’étais petite elle vivait avec mon beau-père que j’aimais beaucoup. Puis ils se sont séparés et maman a rencontré un autre homme qui la battait. Un jour mon beau-père est venu à la mai-son pour me voir. L’homme

Marlen appelle « maman » sa tante Angelina, parce qu’elle s’est occupée d’elle et l’a aimée comme une vraie mère.

– C’est mon jean pré-féré. Il est pratique

pour sauter et dan-ser. Parfois je suis très en colère et frustrée. Alors, ça

me fait du bien d’écouter de la musi-que, de sauter dans tous les sens et de danser comme une

dingue. La musique me rend heureuse. Ce que je préfère c’est le hip-hop et le rock espagnol.

La garde-robe de Marlen

Les plus beaux sneakers de Marlen sont des Superstars, ou des Shelltoes, de face ils ressemblent à un coquillage.

Marlen reçoit un nouvel uniforme scolaire de la School on Wheels une

fois par année et plus souvent, si nécessaire.

– À l’école le must ce sont les vêtements de mar-que. Il est dangereux de porter certains vêtements et certaines couleurs, car les gens peuvent croire qu’on appartient à un gang particulier. C’est plus simple de porter l’unifor-me scolaire, pull et pantalon bleus.

Vit : Dans un refuge pour malades du vih-sida. Aime : Le skateboard, la musique, dessiner, l’école. N’aime pas : Les gens méchants. Est triste : Quand maman est malade. Adore : Maman.Voudrait : Un petit chien, mal-heureusement on ne peut pas avoir d’animaux dans le refuge. Veut être : Infi rmière ou médecin.

– J’aime la gym à l’école mais mon sport préféré est le skateboard.

C’est très fréquent chez les Mexicains de

Los Angeles d’avoir son nom en lettres d’or autour du cou. Ou le nom de

quelqu’un qu’on aime bien. Le bijou avec le nom de Marlen est un cadeau de maman.

Le chèque-cadeau pour acheter l’uniforme scolaire que les enfants reçoivent de la School on Wheels.

Quand la mère de Marlen a découvert qu’elle était séropositive et n’avait plus la force de travailler, elle a perdu son appartement. L’assistante sociale lui a dit: « Va dans un refuge pour SDF malades du vih-sida, sinon on t’enlève ta fi lle ».

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

PH

OT

O: K

IM N

AY

LO

R

GLOBEN0746_FRs062 62 07-11-06 17.15.27

Page 22: Fra Agnes Stevens

63

La tante de Marlen est sa « mère »

ne l’a pas laissé entrer. J’ai vu mon beau-père à travers la fenêtre, j’ai pleuré, tapé, appelé mais il ne m’a pas entendue et n’est jamais revenu. L’homme était de pire en pire, il battait et menaçait ma mère. Finalement la police est venue le chercher. Puis maman s’est aperçue qu’elle était séropositive.

La mère de Marlen se por-te assez bien, mais parfois elle doit être hospitalisée.

– Je suis alors très inquiè-te, dit Marlen.

À part Marlen il n’y a que trois jeunes enfants au refuge.

– Une amie de mon âge est allée dans un autre refuge. Nous étions les meilleures amies du monde et nous pouvions parler de tout. Elle me manque.

Marlen ne doit dire à per-sonne où elle vit, car beau-coup ont encore des préjugés sur le sida. Une fois une camarade de classe a décou-vert où Marlen habitait.

– Elle a dit à tout le monde à l’école que je vivais dans un foyer pour malades du sida et que tout le monde devait se tenir à l’écart de moi. « Ne parle pas à Marlen » disait-elle.

« Ne la laisse pas s’asseoir à côté de nous. Elle peut t’infecter toi et ta famille » Je suis allée me plaindre au

directeur. À la fi n j’ai menacé d’envoyer la police chez elle. Elle a eu peur et a arrêté.

La robe d’examens – Cette robe je la portais aux promotions quand j’ai terminé l’école pri- maire. C’est ma mère qui me l’a donnée et j’aime la couleur et le modèle.

Michael est SDF depuis que sa mère a le cancer

Lrestée plusieurs mois dans le coma, à l’hôpital. Michael qui, à ce moment-là avait 14 ans, vivait chez son meilleur ami de l’équipe de foot. Une semaine sur deux Michael vivait à l’hôpital avec sa mère.

– C’était dur. J’étais obligé d’être l’adulte et maman était devenue comme un enfant dont je devais m’occuper.

Quand maman n’a plus eu d’argent, on l’a transférée dans un hôpital moins bon où le personnel était surme-né et stressé.

– Ils me traitent comme un chien, pleurait maman. J’ai affreusement mal mais on ne me donne pas d’analgésiques, parce que l’hôpital doit faire des économies.

Quand maman enfi n a pu rentrer, ils n’avaient nulle part où aller. Finalement, ils se sont installés dans un refuge pour SDF. À l’école, Michael n’a rien dit de ce qui s’était passé. Il avait peur que les gens le méprisent. Les notes ont baissé et il a failli perdre sa place dans l’équipe de foot.

Quand la mère de Michael a attrapé le cancer des poumons et est tombée dans le coma, elle a perdu son travail et leur belle maison au bord de la mer.

– Grâce à School on Wheels j’ai eu un prof sup-plémentaire, Rafael. Avec son aide, j’ai attrapé mon retard et réussi le travail scolaire. Nous nous voyons encore une fois par semaine. Mon rêve c’est de devenir joueur de foot professionnel ou pompier.

Michael et sa mère

Michael adore jouer au football américain.

– Le jeu m’a bien appris à collaborer et à ne pas être égocentrique. Tout le monde est important dans une équipe. Nous sommes seulement aussi bons que notre maillon le plus faible. Michael veut être

joueur de foot professionnel.

C’est cher d’être malade Près de 50 millions d’Américains n’ont pas d’assurance maladie et sont très frappés quand ils doivent payer des frais hospitaliers vertigineux. Les États Unis sont parmi les derniers pays dans le classement de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) concernant le fonctionnement du système de santé.

Le prix de football de Michael.

a mère de Michael est

GLOBEN0746_FRs063 63 07-11-06 17.15.47

Page 23: Fra Agnes Stevens

64

Sierra Longfeather, 11

Les enfants ont la même valeur

ierra se glisse jus-qu’aux douches situées dans le corri-dor et se tient sous l’eau chaude à moitié

endormie. Enveloppée dans un linge, elle retourne en sautillant dans la chambre et plonge tout droit dans le lit pour dormir encore une heu-re avant le petit-déjeuner.

À huit heures, tout le mon-de doit quitter les locaux. On doit emporter les objets de valeur car on ne peut pas fermer les portes des cham-bres à clef. Personne n’a le droit de revenir avant tard dans l’après-midi. Papa va au travail et Sierra à l’école.

– N’oublie pas que nous devons répéter ce soir pour le prochain pow-wow, dit papa.

– D’accord, répond Sierra.

Vit : Dans un refuge, Santa Barbara.Aime : Le tambour, danser, chanter. Triste : Quand les adultes ne me respectent pas. Adore : Papa. Admire : Martin Luther King.

Elle et son père Big Bear sont Hunkpapa, des Indiens Sioux. Sierra danse et son père joue du tambour. Un pow-wow est une fête où les Indiens se rencontrent et parlent, dansent, chantent et jouent ensemble. Sierra aime danser les danses tradition-nelles, surtout la Danse-des-beaux-châles que seulement les femmes et les fi lles dan-sent.

– On tourne sur soi-même et on virevolte avec de beaux châles riches en couleurs à tel point qu’on ressemble presque à un papillon, expli-que Sierra.

– Quand je danse j’oublie mes problèmes.

Sierra est fi ère d’être indienne.

– Dans notre culture les enfants ont la même valeur que les adultes. Nous som-

Sierra avec son père Big Bear. Elle a aussi un nom indien qui signifi e Celle-qui-marche-avec-l’orage.

Le tambour de papa est en bois et recouvert de peau.

Les chambres dans les refuges sont étroites.

Sierra a reçu le collier de la part de son père. Il est en argent et en turquoises.

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

PH

OT

O: K

IM N

AY

LO

R

mes présents lors de conseils et notre voix compte. C’est bien.

Dans l’école de Sierra, quelques enfants ont appris qu’elle vivait dans un refuge.

– Certains sont méchants et disent « Je ne l’aime pas, elle est SDF. Elle est pauvre » Je n’ai que trois copains à l’école. Les gens veulent seu-lement être avec ceux qui ont la même couleur de peau qu’eux. C’est déprimant d’être maltraitée parce qu’on est différent.

Sierra veut être Moto styliste, artiste, policier, globe-trotter,

danseuse, ecrivain présidente

Les Indiens étaient là avant Quand les Européens sont arrivés en Amérique du Nord il y avait environ cinq mil-lions d’habitants, ceux qu’on appelle aujourd’hui les « Indiens » Il y avait alors des milliers de groupes d’Indiens et plusieurs

centaines de langues et de dialectes mais aujourd’hui il ne reste que deux millions

d’Indiens environ aux États-Unis et un million au Canada. Beaucoup d’In-diens ont été tués par les Européens mais la plupart sont morts de mala-dies, de faim ou d’autres diffi cultés causées par l’intrusion des blancs.

Aujourd’hui il s’agit du groupe le plus pauvre des États-Unis.

– J’admire Martin Luther King parce qu’il s’est battu

en faveur de toutes les races, pas seulement la

sienne, aussi pour nous les Indiens. C’est triste qu’il soit mort à cause de ses idées. Mais aujourd’hui encore les

gens sont discriminés.

Sierra se réveille en sentant que son père lui secoue l’épaule. Il n’est que cinq heures et demie du matin, mais si elle ne se lève pas maintenant, il y aura de longues queues pour les douches.

GLOBEN0746_FRs064 64 07-11-06 17.16.11

Page 24: Fra Agnes Stevens

65

Kattranece Fuguoa, 14

Kattranece

Kattranece avait neuf ans, elle venait de faire des courses avec maman quand elles ont entendu un coup de feu. Il leur a fallu quelques secondes avant de réaliser que quelqu’un tirait sur elles.

Sierra avec son père Big Bear. Elle a aussi un nom indien qui signifi e Celle-qui-marche-avec-l’orage.

Vit : Dans un refuge pour familles, South LA. Aime : Écrire des chansons et chanter. Lire. Écoute : Alicia Keys.Triste : Quand les adultes se disputent. Heureuse : Quand je chante et je suis avec mes amis et ma famille. Admire : Maman. Veut être : Chanteuse, styliste ou journaliste.

a été blessée par balle

Dans la voiture, vite, crie maman. Kattranece et ses petites sœurs se jet-

tent sur la banquette arrière et maman appuie sur l’accé-lérateur. Les coups provien-nent d’une autre voiture qui s’est mise à les poursuivre sur l’autoroute et continue de tirer. Soudain Kattranece ressent une douleur brûlante dans la poitrine.

– Maman, ça brûle ! Sa mère comprend que

Kattranece a été touchée, mais elle n’ose pas s’arrêter. Finalement, elle sort et s’en-gage dans une rue où il y a plein de gens. La police arri-ve et les poursuivants aban-donnent.

Blessée au poumon Kattranece a une blessure au poumon et risque de mourir. Elle reste trois mois à l’hôpi-tal et on l’opère trois fois avant que les médecins réus-sissent à extirper la balle. Plus tard elle est témoin au tribunal contre l’un des hommes qui ont tiré. Il fait partie d’un gang et il dit qu’ils se sont trompés de personne. Ils étaient censés tirer sur quelqu’un d’autre.

Kattranece doit réappren-dre beaucoup de choses, comme parler, marcher et bien se souvenir. Ça se passe bien si ce n’est que la blessu-re aggrave considérablement

son asthme. Ce qui est un problème quand la famille devient SDF. Au terme d’une grande dispute avec papa, maman met tout ce qu’elle peut dans quelques valises et dit à ses fi lles que c’est l’heu-re. Tous les jours elles démé-nagent dans un nouvel endroit. Kattranece pense que maman a bien fait, mais c’est pénible quand sa toux s’aggrave du fait de dormir dans la poussière, la saleté et le froid dans les refuges ou dans des voitures.

À présent elles vivent dans un refuge pour familles SDF. Ce que Kattranece aime par-dessus tout c’est chanter.

– Je chante quand le refuge organise des piques-niques. J’étais nerveuse et une fois je me suis mise à rire au milieu de la chanson. Après j’étais soulagée et contente. Les gens ont dit que j’étais bien. Si nous avons un endroit où habiter, je recommencerai à chanter dans le chœur de l’église.

Quand Kattranece a quitté sa maison elle a emporté un ours en peluche comme celui-ci. Le sien a disparu au cours de tous les déménagements. Il lui manque, lui et un collier de perles qu’elle avait reçu de sa grand-mère.

Kattranece avec ses sœurs Shacarla, 4, Shatrea, 12, Kathiella, 6 et sa mère Kathleen.

Quelqu’un a fait cadeau d’un synthétiseur à la School on Wheels en priant qu’on le donne à un enfant SDF inté-ressé à la musique. C’est Kattranece qui l’a eu !

Kattranece est aidée dans ses devoirs par un prof supplémentaire de la School on Wheels dans la salle des enfants qu’on a construit dans le refuge.

GLOBEN0746_FRs065 65 07-11-06 17.16.39

Page 25: Fra Agnes Stevens

66

Clifton

Zachery

Brian & Byron

Clifton

a l’ennui de ses frères et sœurs

Pour Zachery, 10 ans, c’est un bon jour, il peut rencon-trer son frère et sa sœur et aller au marché avec eux et maman. Ses frères vivent avec leur père alors que Zachery et sa mère vivent au refuge. Un troisième frère vit dans une famille d’ac-cueil. Maman n’a pas touché à la drogue depuis deux ans

et Zachery espère qu’ils pourront bientôt vivre ensemble dans un vrai appartement.

– Le pire quand on est SDF c’est que je ne peux pas jouer au foot et que d’autres, au refuge, volent notre nourriture. Quand nous nous sommes instal-lés, nous avons acheté un

tas de nourriture, mais quand nous sommes reve-nus, elle avait disparu. Maintenant j’ai peur que les gens volent mes affaires. Je suis aussi inquiet quand je ne peux pas être près de mon frère Desmond pour le protéger. Parfois les autres enfants à l’école le battent.

Au marché on peint les visages de tous les enfants de la famille pour les faire ressembler à des animaux sauvages.

Trois sœurs = une famille La grande sœur Ashley

est arrivée aussitôt qu’elle a appris que maman était retournée en prison. À ce moment-là ses petites sœurs étaient seules dans l’appartement et étaient sur le point d’être expulsées. Ashley a dû arrêter son tra-vail et sa formation du soir pour s’occuper de ses sœurs. Il n’y avait pas de place chez Ashley et son petit-ami, alors les sœurs ont du s’installer ici et là. Au bout de quelques mois de vagabondage elles ont

maintenant une place dans un refuge.

– J’ai vu des fi lms sur les SDF, dit Brittney, mais je n’aurais jamais pu imaginer que j’en deviendrai une. Maman me manque et j’espère qu’elle arrête la drogue pour qu’on puisse vivre de nouveau ensemble.

ont eu un foyer ! Brian, 14 ans et son frère Byron, 13, sont hyper heu-reux. Après deux ans dans un refuge pour SDF, leur mère a prouvé qu’elle peut se passer de drogue et on les a aidés à emménager dans un appartement à eux. Il est situé dans un quartier dangereux, hantés par des membres de gangs. La nuit on entend des coups de feu. Mais il y a une cour intérieure où ils peuvent jouer et faire du skateboard sans risquer de se trouver au milieu d’une bagarre.

Tous les deux aiment l’école et veulent créer des jeux

vidéo quand ils seront grands. – Notre modèle est

Shigeru Miyamoto, le meilleur designer de jeux vidéo du monde dit Brian.

a gagné un prix de poésie

T

EX

TE

: CA

RM

ILL

A F

LO

YD

PH

OT

O: K

IM N

AY

LO

R

– J’ai réfl échi aux choses que j’aime faire et dont j’aime parler avec ma famille et mes amis. J’ai appelé le poème « L’amour c’est comme... » J’ai travaillé dur et il était de plus en plus long. Le poème dit que c’est l’intérieur qui compte, non l’ex-térieur. Et que nous pouvons

survivre avec l’aide de l’amour, même quand nous traversons des moments diffi ciles.

Parmi les poèmes de 10.000 enfants, celui de Clifton a été l’un des seuls à gagner un prix. Les gagnants ont pris part à une grande cérémonie à Beverly Hills et leurs poèmes

Le prof de Clifton lui a suggéré de participer à un concours de poésie et Clifton, 11 ans, qui vit dans un refuge avec sa mère, a écrit un poème d’amour.

ont été lus par des acteurs célèbres de Hollywood.

– Maman pleurait. J’ai gagné 500 dollars et ils ont donné un tas de livres à la salle des enfants de la School on Wheels, au refuge. J’étais fi er et ça m’a engagé à faire plus d’efforts à l’école.

GLOBEN0746_FRs066 66 07-11-06 17.17.07