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FICHE SPECTACLE Le bruit des os qui craquent THÉÂTRE– DÈS 12 ANS – Durée : 1H10 TEXTE Suzanne Lebeau MISE EN SCENE Marie Levavasseur COLLABORATION ARTISTIQUE Gaëlle Moquay ASSISTANAT MISE EN SCENE Charlotte Thomas CONSEIL DRAMATURGIQUE Laurent Hatat JEU Fanny Chevallier Lisa Hours Baptiste Toulemonde CREATION LUMIERES, VIDEO, SON Antoine Birot Stéphane Delaunay Nicolas Lebodic COSTUMES ET ACCESSOIRES Mélanie Loisy Le Grand Bleu – Etablissement National de Production et de Diffusion Artistique 36 avenue Marx Dormoy – 59000 LILLE 03.20.09.88.44 / www.legrandbleu.com / legrandbleu.over-blog.fr / [email protected]

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FICHE SPECTACLE

Le bruit des os qui craquent

THÉÂTRE– DÈS 12 ANS – Durée : 1H10

TEXTE Suzanne Lebeau MISE EN SCENE Marie Levavasseur COLLABORATION ARTISTIQUE Gaëlle Moquay ASSISTANAT MISE EN SCENE Charlotte Thomas CONSEIL DRAMATURGIQUE Laurent Hatat

JEU Fanny Chevallier Lisa Hours Baptiste Toulemonde CREATION LUMIERES, VIDEO, SON Antoine Birot Stéphane Delaunay Nicolas Lebodic COSTUMES ET ACCESSOIRES Mélanie Loisy

Le Grand Bleu – Etablissement National de Production et de Diffusion Artistique 36 avenue Marx Dormoy – 59000 LILLE

03.20.09.88.44 / www.legrandbleu.com / legrandbleu.over-blog.fr / [email protected]

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Le spectacle Un texte intense et lucide qui concerne tant les adultes que les enfants. Elikia est une enfant ordinaire qui a vu sa vie basculer du jour au lendemain dans une guerre civile. Enlevée à sa famille, elle devient enfant soldat. Victime, elle est aussi bourreau dans une situation qui brouille les lois de l’éthique. Elikia a 13 ans. Une nuit elle décide de s’enfuir pour survivre. Elle part avecJosef, 8 ans, lui aussi soldat. Commence alors pour les deux enfants une longue fuite dans la forêt. Après plusieurs mois, ils trouvent refuge dans un hôpital où Angelina, infirmière, les prend en charge. Plus tard, Angelina viendra témoigner, avec le cahier qu’Elikia a tenulors de son séjour à l’hôpital, et nous interpeller sur le sort de ces enfants. Une histoire à trois voix où se mêlent récit et action. Avec l’écriture sobre de Suzanne Lebeau, la manipulation d’objets et des projections vidéo, la compagnie Tourneboulé met en avant la parole de ces enfants et nous questionne sur ce que nous acceptons de voir et d’entendre de la réalité. Note d’intention Libération du 2 juillet 2011. Nous découvrons un article édifiant sur les enfants de Vermiraux : des orphelins de l’assistance publique maltraités et exploités qui se rebellent contre leur institution. Pour la première fois des adultes sont condamnés et jugés pour violence collective faite à des enfants. C’était en 1911 dans un petit village du Morvan. Nous ne pouvons pas nous empêcher de faire le l ien avec le texte Le bruit des os qui craquent de Suzanne Lebeau. Cette pièce dépasse largement le cadre des enfants-soldats. Elle raconte l’enfance massacrée. Comment rompre le silence, trouver la force de dénoncer ? Comment dire sans complaisance ces mutilations physiques et psychiques faites à des enfants et poser surtout notre responsabil ité d’adultes ? Le bruit des os qui craquent a été un vrai coup de foudre, le désir de le mettre en scène presque immédiat. Mais il a fallu que ce texte voyage avec nous plusieurs années pour que ce projet s’ inscrive comme une évidence dans le parcours de la compagnie. Parce que ce texte très fort se suffit presque à lui-même, nous n’étions pas convaincues de la manière de le monter. Nous avons au début imaginé une mise en scène très sobre, proche de la lecture, du témoignage intime. Plusieurs chemins se sont ensuite croisés pour nous aider à concevoir cette nouvelle création comme un parcours en plusieurs temps. Il y a d’abord eu la rencontre et nos différents échanges avec Suzanne Lebeau. La découverte de son monologue Elikia, imaginé pour accompagner Le bruit des os qui craquent nous a également permis de penser deux façons différentes de raconter cette histoire. Avec ses deux textes, Suzanne Lebeau nous propose en effet deux formes pour nourrir une même histoire, un même propos mais avec un point de vue et un niveau de théâtralité différent. Nous avons donc rêvé une création à deux échelles : une forme nomade et une forme pour les plateaux des théâtres. Pour que ce texte soit vécu comme un voyage, qu’il résonne plus loin et plus profond. Pour se donner aussi le temps de l’échange et de la rencontre avec le public. Le deuxième déclic a été la rencontre avec l’équipe du spectacle le Cinquième rêve porté par la Cie Le Lario. Nous savions que nous voulions travailler autour de la création d’ images projetées en direct, chercher des transpositions poétiques, des respirations visuelles. La rencontre entre l’univers très singulier de ce trio et notre manière parfois artisanale de fabriquer des images s’est imposée comme une évidence. Une collaboration qui se fait avec le désir croisé de partager nos expériences, nos points de vue, nos différences. C’est donc un projet autour de ces deux textes très forts que nous défendons, avec toujours cette même envie de porter un regard en prise direct avec le monde.

Marie Levavasseur et Gaëlle Moquay – Juin 2013

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L’équipe artistique Créée en juin 2001 à Lille, la Compagnie Tourneboulé est née du désir de deux comédiennes, Marie Levavasseur et Gaëlle Moquay, de développer leur propre langage au service d’un théâtre jeune public de qualité. Elles co-dirigent aujourd’hui les projets artistiques de la compagnie. D’abord comédienne, Marie Levavasseur quitte progressivement le plateau. Elle signe sa première mise en scène avec Ooorigines qu’elle co-écrit avec Gaëlle Moquay. C’est aujourd’hui en tant qu’auteure et metteuse en scène qu’elle poursuit son parcours artistique au sein de la compagnie Tourneboulé, d’abord avec Comment Moi je, puis avec Le Bruit des os qui craquent de Suzanne Lebeau. Gaëlle Moquay est collaboratrice artistique et comédienne dans toutes les créations de la compagnie. Elle a également mis en scène deux spectacles avec Marie Levavasseur : Ooorigines et Le monde point à la ligne de Phil ippe Dorin. La compagnie Tourneboulé réunit également des plasticiens, constructeurs, musiciens et techniciens. Au fil de ses différents projets, elle affirme ses choix artistiques : * Proposer un théâtre exigeant accessible au jeune public : des spectacles qui interpellent l’imaginaire de l’enfant. Des créations comportant plusieurs niveaux de lecture. * Privilégier les textes d’auteurs contemporains : donner à entendre des écritures en résonnance avec notre époque. Des textes qui proposent un regard décalé et poétique sur le monde. *Défendre un théâtre d’images : privilégier la rencontre de différents langages : objets, marionnettes, théâtre chorégraphié et jeu d’acteur.

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Les pistes d’actions culturelles évoquées dans cette fiche sont loin d’être exhaustives. Ces pistes peuvent vous aider à avoir une meilleure appréhension du spectacle en amont de votre venue et vous donner des idées pour préparer au mieux votre groupe à la réception du spectacle. Certaines d’entre elles peuvent aussi être travaillées comme un prolongement.

Cette fiche spectacle a été élaborée notamment à partir du dossier « Pièce (dé)montée » n° 65, édité par le CRDP de l'académie d'Aix-Marseille avec la Scène nationale de Cavaillon en décembre 2008 autour du spectacle Le bruit des os qui craquent, de Suzanne Lebeau, mis en scène par Gervais Gaudreault. Le bruit des os qui craquent est un texte cru et sensible de Suzanne Lebeau au sujet des enfants soldats. La nécessité de dire le monde L’origine du projet La vision d'un documentaire sur les enfants soldats en 2004, les commentaires des enfants interviewés qui n'ont parfois que six ou sept ans, ont causé un choc très profond à Suzanne Lebeau et sont à l'origine de l'écriture du texte Le bruit des os qui craquent.

« Il y a trois ans, j'ai été bouleversée par les regards et les récits d'enfants soldats dans un documentaire. On parlait alors de 300 000 enfants. Aujourd'hui, en faisant des recherches pour préparer le lancement du spectacle, je lisais qu'ils sont 500 000 intégrés dans les forces armées, régulières ou rebelles, dans au moins quarante et un pays. Quels que soient les chiffres, ils sont effroyables. Ces enfants ont 6 ans, 8 ans, 10 ans, 15 ans. On les kidnappe, on les enlève à leur enfance et à leur famille, on les jette dans des guerres civiles pour les tâches que les adultes refusent par peur ou par dégoût. Ils sont armés d'armes désuètes, chaussés de bottes trop grandes qui les font trébucher quand ils devraient courir sauver leur vie. Ils sont humiliés, drogués, violentés pour une obéissance parfaite, payés avec une cigarette. Ils ont soif, ils ont faim, ils ont peur. Peur d'être tués et peur de ne pas tuer assez vite... On enlève les garçons, on enlève aussi les filles... Et à toutes les violences, il faut ajouter les viols en série et à répétition, les maternités impossibles, les maladies qui tuent... Je n'ai pas pu oublier et faire comme si je ne savais pas. J'étais obsédée par les images, celles que j'avais vues et celles que j'imaginais

[...]. Je suis donc allée en République démocratique du Congo où j'ai rencontré Amisi et Yaoundé qui ont été enfants soldats de 12 à 17 ans. Je sais qu'ils ont tué, violé, pillé, incendié. Ils me l'ont raconté.Ils ont maintenant 20 ans. Ils sont humains, jeunes, forts, tendres, doués et...ils rêvent d'avenir...comme tous les jeunes de leur âge, avec un large trou dans leurs souvenirs d'enfance et la conviction qu'ils ne tiendront plus jamais une arme dans leurs mains [...] ».

Suzanne Lebeau (Mot de l 'auteur, Le bruit des os qui craquent, éditions Théâtrales Jeunesse, p. 91-92-93)

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Un travail de documentation et de rencontres Suzanne Lebeau travaille depuis longtemps sur le monde de l'enfance, et avec des enfants. Pour écrire Le bruit des os qui craquent, elle ne déroge pas à la règle. Confrontée à la difficulté et à la violence du sujet pour des enfants, elle organise des séances avec treize classes d'enfants de dix à onze et douze ans, de différents milieux sociaux, avec des professeurs intéressés, et leur propose, sans préparation, les images du documentaire qu'elle avait vu. La projection est suivie d'une discussion toujours très riche qui révèle le grand intérêt des enfants. Toujours, à la question « A-t-on le droit de vous parler des enfants soldats ? », les enfants répondent : « Non seulement vous avez le droit, mais vous avez le devoir de nous en parler ». L'auteure leur fera remplir un questionnaire sur « pourquoi et comment parler aux enfants de sujets aussi graves et de réalités qu'ils ne connaissent pas » ; l ibre à eux de répondre ou non. A chaque fois qu'elle aura des difficultés dans l 'écriture – et ces moments seront nombreux −, elle retournera à ces paroles d'enfants, passionnées et sincères,qui la nourrissent et la soutiennent. Pour son texte, Suzanne Lebeau a mené des recherches poussées sur la situation des enfants soldats dans le monde, mais, surtout, elle est partie en République démocratique du Congo rencontrer et travailler avec Amisi et Yaoundé, ex-enfants soldats de douze à dix-sept ans. C'est leur parole qui a permis à l 'auteure de pouvoir écrire « les couleurs et les odeurs deleur quotidien », si difficiles à appréhender pour ceux qui ne le connaissent pas. Un regard sur le monde : les enfants soldats Dans un extrait vidéo, Suzanne Lebeau évoque les difficultés, les peurs qui l‘ont assaill ies lors de son voyage en République démocratique du Congo et explique ce qu’elle aimerait que le spectacle éveille chez les spectateurs. « Alors ce que j’aimerais c’est que tous ceux qui voient ce spectacle là, quand ils rentrent chez eux, dans leur confort quotidien – parce qu’on vit tous dans un confort absolument incroyable - qu’ ils gardent une curiosité et une sensibil ité à ce qu’ il se passe ailleurs dans le monde. C’est très important. On ne peut pas vivre comme si on ne savait pas. Oui il y a des enfants qui meurent de faim, oui il y a des enfants qui meurent de froid, oui il y a des enfants qui travaillent, il y a aussi des enfants soldats et c’est insupportable. » Suzanne Lebeau - Extrait vidéo de 4min30 https://www.youtube.com/watch?v=WCq9LpTvYqI Définition de « Enfant soldat » : ce terme désigne toute personne âgée de moins de dix-huit ans qui fait partie d’une force armée ou d’un groupe armé. Cette personne peut exercer différentes fonctions telles que cuisiner, porteur, messager, soldat, etc. Cette définition englobe aussi les filles recrutées à des fins sexuelles et pour des mariages forcés. Elle ne concerne donc pas uniquement les enfants qui sont armés ou qui ont porté des armes.

Définition basée sur les Principes du Cap de 1997

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Propositions : • Proposez aux élèves de faire une recherche iconographique sur les enfants soldats. Les

sites de l’Unicef, de Human Rights Watch ou d’Amnesty international peuvent être indiqués.

• Vous pouvez également regarder en classe un reportage de France 2 de 4 min, filmé dans la région de Bunia au Congo https://www.youtube.com/watch?v=Ul6oaXK4REc Vous pouvez organiser la discussion : ce qui choque, ce qui étonne, ce que cela donne envie de faire, de dire… Vous pouvez confrontez ces images avec quelques articles de la déclaration des droits de l’enfant (cf. annexe)

• Demandez aux élèves, par petits groupes, d’écrire une histoire d’une rencontre d’un enfant avec un enfant soldat du même âge : que se disent-ils ? Que se passe-t-il ? Où se rencontrent-ils ?

• A l’ issue du spectacle, les élèves en auront appris davantage sur les conditions de vie d’un enfant soldat. Demandez à la classe de répertorier ce que le spectacle leur a permis de savoir : Comment deviennent-ils enfantssoldats ? Quels peuvent être leur rôle ? Quelle est leur vie de tous les jours ? Pourquoi restent-ils avec les rebelles ?

Pour aller plus loin Vous trouverez en annexes des références littéraires, théâtrales et cinématographiques qui traitent de l’enfance dans la guerre et de l’enfance maltraitée. L’art comme réquisitoire Suzanne Lebeau a voulu oublier les statistiques, les données objectives, les mises en contexte. Le texte se veut sans cadre spatio-temporel défini, il est une plongée dans le pouvoir cathartique des images et des émotions. Ainsi, la didascalie de la première comparution précise à propos de l 'infirmière : « Il n'est pas important de savoir où et pourquoi elle témoigne. Seul le témoignage importe. »(cf. annexe) Le texte pose la question de la place de l’artiste et de l’art dans la société mais aussi de la fonction de l’écriture. Le texte soulève la problématique du témoignage, l’importance de ne pas se taire pour que le « bruit des os qui craquent » soit remplacé par une voix qui dit l’injustice, les cruautés. Le cahier qu’Elikia a tenu lors de son séjour à l’hôpital est le centre du témoignage d’Angelina, l’ infirmière, au fur et à mesure des comparutions. Ce sont les mots d’Elikia qui deviennent une arme. L’écriture est aussi cathartique, une délivrance de toutes les souffrances endurées. Il est surtout un écrit de mémoire pour faire changer l’avenir : un outil lors de la comparution pour alerter les membres de la commission. « Je veux que mes souvenirs soient utiles Je veux dire à ceux qui font la guerre Que si le fusil tue le corps de celui qui a peur, il tue aussi l’âme de celui qui le porte. » « On doit savoir, ils doivent savoir… Quand ils vont savoir, ils vont arrêter tout ça. »

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Proposition : Quelques jours après le spectacle, demandez aux élèves si, malgré tout, l’histoire d’Elikia comporte des éléments positifs. Ø La difficulté de dire le monde

Dire le monde des enfants soldats sans mentir ni trahir, mais de manière sensible, nécessite une parole complexe. Plusieurs procédés permettent d'évoquer sans démontrer, d'exprimer sans expliquer. Proposition : Vous pouvez présenter aux élèves la l iste des personnages et les l ieux, ainsi que la table des matières (cf. annexe).Demandez aux élèves de réfléchir aux questions suivantes : Quels personnages pour quels lieux ? Quelle est la chronologie des événements ? Quel problème se pose alors pour la mise en espace ? Imaginer une scénographie qui permette de montrer les deux espaces-temps. L'alternance de deux espaces-temps Dix scènes alternent avec dix comparutions. Les scènes racontent la fuite des deux enfants, jusqu'à leur arrivée à l 'hôpital. Les comparutions d'Angelina rapportent son témoignage, et celui d'Elikia, notamment par la lecture du cahier qu'elle a écrit. Ces comparutions appartiennent au temps réel, au temps de référence, alors que les scènes de la fuite appartiennent au passé, au temps de la mémoire qui ne veut ni ne peut oublier. Deux espaces-temps cohabitent grâce à l 'artifice du théâtre qui permet de mettre en présence et en parallèle deux mondes, deux temps qui se font exister l 'un et l'autre, qui se répondent. La parole d'Angelina La parole d'Angelina peut annoncer ou faire écho aux scènes, elle peut interpeller son auditoire ou lui laisser le temps d'une question ; elle met toujours en contexte l 'histoire d'Elikia et de Joseph. Angelina s'adresse aux membres d'une commission. Face au public, Angelina est seule face à ses interlocuteurs, avec le cahier d'Elikia. Cette mise en scène, avec ses hésitations, ses silences, ses émotions, donne l'illusion du non jeu, l'impression que le texte naît de l'instant même. En même temps, le spectateur, à la place des membresde la commission, est directement interpellé. Et devient acteur de l 'histoire. Une écriture complexe : alternance de la parole-récit et de la parole directe Dans les scènes, le principe du dédoublementdes voix est repris. Deux temps et deux paroles se relaient : des moments d'action dramatique avec une parole directe, et des moments de récits tragiques. La parole directe et l 'action dramatique racontent l 'argument, la tension, et permettent de développer la relation entre les enfants. La parole-récit dit l'inadmissible, l 'inavouable, l 'inacceptable. Elle permet la mise à distance nécessaire pour éviter le pathos. Dans le texte, la typographie marque le passage d'une parole à l 'autre. Proposition : Mise en voix et mise en espace d'un extrait de la scène 1 (cf. annexe). • Échauffement : marche imaginaire dans la forêt, dans le noir, dans la peur, en boitant. Vous pouvez donner les consignes l 'une après l 'autre, soit en les séparant par un temps de marche « normale », soit en les additionnant directement. • Les élèves, par groupe de quatre peuvent imaginer comment dire la scène. Première possibil ité : deux élèves prennent en charge la parole-récit, deux autres la parole directe. Deuxième possibilité : deux élèves prennent en charge les deux paroles. Essayer les deux possibil ités dans l 'espace : où se placer pour la première possibil ité ? Comment montrer le passage d'une parole à une autre pour la deuxième possibil ité ?

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Ecritures visuelles L’écriture et la mise en scène de la pièce privilégient le recours aux images et aux sensations, plutôt qu’à une mise en situation réaliste. La Cie Tourneboulé a conjugué un travail de prise de parole simple mais engagée et une recherche sur la projection d’images visuelles et d’ambiances sonores. « Le pari était donc de réussir à créer une écriture visuelle qui n’ illustre pas mais fasse résonner le texte de manière sensible et poétique ».

• L’espace de la forêt Quelques troncs d’arbres coupés jonchent le plateau. Des arbres « comme autant de vies blessées » symbolisent le déracinement de ces enfants et l’absence d’avenir pour la plupart d’entre eux.

• Les lumières et des projections d’ images en direct La lumière et les projections d’ images viennent créer l’idée de mouvement, retranscrire les étapes de cette traversée. « Des supports de projection, que nous avons voulus légers, à la façon d’un mobile, permettent de dessiner d’autres espaces. »

• L’eau comme élément symbolique dans la pièce « Le goutte à goutte comme pulsation, à la fois temps du récit, il rythme aussi la vie d’Elikia qui s’écoule, symbolise l’espoir qui reprend, mais aussi la maladie. »

PEU DE TEMPS DEVANT VOUS ? ON RÉCAPITULE ! Des idées de questions/sujets à aborder en classe avant la venue au spectacle - Présenter aux élèves l’origine du projet d’écriture de Suzanne Lebeau - M ontrez-leur le visuel du spectacle et aborder avec eux la présentation des 3 personnages et des l ieux. - Découvrir ensemble et mettre en voix un extrait de texte du spectacle : la première comparution (cf. annexe). Des idées de questions/sujets à aborder en classe après la venue au spectacle - Définir le spectacle en trois mots - Aborder avec eux la représentation de la fuite, du déracinement dans la mise en espace - Les questionner sur les éléments néanmoins positifs de cette histoire

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ANNEXES * Références autour de l’enfance dans la guerre Roman Ishmael Beah, Le Chemin parcouru, Mémoires d'un enfant soldat, Presses de la Cité, 2008. Chris Abani, Comptines pour l’enfant soldat, Albin Michel, 2011. Jean-Paul Nozière, Camp Paradis Claire Mazard, Une arme dans la tête Uzodinma Iweala, Bêtes sans patrie Serge Amasi, Souvenez-vous de moi, l’enfant de demain China Keitetsi, La Petite fille à la kalachnikov : ma vie d’enfant soldat. Roméo Dallaire, Ils se battent comme des soldats, ils meurent comme des enfants Yvon Coll in, Journal d’un enfant de troupe Ahmadou Kourouma, Quand on refuse on dit non Lorenzo Carcaterra , Jean-Charles Provost, Les Enfants de la guerre Essais Thérèse Zhang Kai-Ying, Enfants-soldats d'Afrique : imaginaires de guerre, images du continent et écriture de la dénonciation, 2009 Articles Daniel Hermant, "L'espace problématique de la violence politique des enfants", Cultures & Conflits, 18, été 1995, pp. 181-196. Jean-Claude Legrand et Fabrice Weissman, "Les enfants soldats et usages de la violence au Mozambique", Cultures & Conflits, 18, été 1995, pp. 165-180. Théâtre Phil ippe Aufort, Le Mioche, L'École des loisirs/Pastel, 2004. Jean-Claude Grumberg, Pinok et Barbie, Actes Sud Papiers, collection « Héyoka Jeunesse », 2004. Nathalie Papin, Yolétam Gué, École des Loisirs, collection « Théâtre », 2002. Lil ian Atlan, Monsieur Fugue et le mal de terre, École des Loisirs/Pastel, 2000. Daniel Danis, Le Pont de pierre et la peau d'images, École des Loisirs, collection « Théâtre », 1996. Films Newton Aduaka, Ezra, Atlantis, 2007. Jean-Stéphane Sauvaire, Johnny mad dog, distribute par TFM Distribution, 2007. Edward Zwick, Blood Diamond, distribué par Warner Bros France, 2006. Luigi Falorni, Cœur de feu, 2008. Gilles de Maistre, Killer kid, 1994. * Bibliographie autour de l’enfance maltraitée Ajar Emile, La Vie devant soi, 1976 (Momo) Bazin Hervé, Vipère au poing, 1948 Daudet Alphonse, Le Petit Chose, 1868 Hugo Victor, Les Misérables, 1862 (Cosette et Gavroche). Malot Hector, Sans famille, 1878 (Rémi) Queneau Raymond, Zazie dans le métro, 1959 Renard Jules, Poil de Carotte, 1894 Vallès Jules, L’Enfant, 1879 Zola Emile, L’Assommoir, 1877 (la petite Lalie)

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* Déclaration des droits de l’enfant Proclamée par l 'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1959[résolution 1386(XIV)]. Principe premier L'enfant doit jouir de tous les droits énoncés dans la présente Déclaration. Ces droits doivent être reconnus à tous les enfants sans exception aucune, et sans distinction ou discrimination fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinionspolitiques ou autres, l 'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, ou sur touteautre situation, que celle-ci s'applique à l'enfant lui-même ou à sa famille. Principe 7 L'enfant a droit à une éducation qui doit être gratuite et obligatoire au moins aux niveaux élémentaires. Il doit bénéficier d'une éducation qui contribue à sa culture générale etlui permette, dans des conditions d'égalité de chances, de développer ses facultés, sonjugement personnel et son sens des responsabil ités morales et sociales, et de devenir un membre utile de la société. L'intérêt supérieur de l 'enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabil ité de son éducation et de son orientation ; cette responsabilité incombe en prioritéà ses parents. L'enfant doit avoir toutes possibilités de se l ivrer à des jeux et à des activités récréatives, qui doivent être orientés vers les fins visées par l 'éducation ; la société et les pouvoirspublics doivent s'efforcer de favoriser la jouissance de ce droit. Principe 9 L'enfant doit être protégé contre toute forme de négligence, de cruauté et d'exploitation, il ne doit pas être soumis à la traite, sous quelque forme que ce soit. L'enfant ne doit pas être admis à l'emploi avant d'avoir atteint un âge minimum approprié ; il ne doit en aucun cas être astreint ou autorisé à prendre une occupation ou un emploi qui nuise à sa santé ou à son éducation, ou qui entrave son développement physique, mentalou moral.

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* Personnages, lieux, table des matières PERSONNAGES ELIKIA, 13 ans, une jeune fille JOSEPH, 8 ans, un petit garçon ANGELINA, une infirmière LIEUX LE LIEU DE LA FUITE : une forêt, sa moiteur, sa noirceur et ses éclaircies LE LIEU DE LA COMPARUTION : une lumière qui isole NOTE Pour marquer le passage de la parole-récit à la parole directe, les paroles directes d’Elikia et de Joseph sont mises en forme ainsi : La nuit noire nous protège... TABLE DES MATIÈRES Scène 1. La fuite Première comparution Scène 2. La rencontre Deuxième comparution Scène 3. La rivière Troisième comparution Scène 4. Cette guerre-là Quatrième comparution Scène 5. Les cauchemars d'Elikia Cinquième comparution Scène 6. Se méfier de tous Sixième comparution Scène 7. Joseph et la faim Septième comparution Scène 8. La palmeraie Huitième comparution Scène 9. Arrivée à l'hôpital Neuvième comparution Scène 10. Le miroir Dixième comparution Après la dernière comparution

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* Extrait de la scène 1. La fuite Elikia Ils dormaient comme des porcs, Ronflaient comme des cochons, Même Rambo dormait, Comme tous les soirs où ils se remplissent le ventre et boivent comme des trous. J'avais mis du chanvre dans le riz, peu de riz dans mon assiette et rien pour le petit. Je l'avais couché près de moi en lui donnant assez de coups pour ne pas éveiller les soupçons. Joseph Elle m'a pris la main, dans la nuit... Elikia Chut ! Joseph Tu me casses les os. Elikia Chut ! Tais-toi. Lève-toi sans faire de bruit. Joseph (dans son sommeil) Je veux dormir. Elikia Chut ! Si tu veux retourner chez toi, en entier, lève-toi tout de suite. Joseph Au village ? Elikia Vite ! Il avait compris. Joseph Au village ? Elikia La nuit noire nous protège... Joseph Je ne voyais pas celle qui me parlait dans l'oreille mais je devinais la fille aux bottes. J'ai eu confiance... tout de suite. Elikia Il faut partir... sans faire craquer les branches. Sans laisser de traces. La nuit noire pouvait aussi nous faire trébucher et tomber… Je l'ai pris sur mon dos pour les premiers pas, les plus dangereux.

J'ai fait un pas... Le petit avait l'instinct de la fuite. Il mêlait sa respiration au vent et je l'entendais à peine. J'ai fait un deuxième pas. Un pied suspendu dans le v ide et l'autre qui touchait à peine la terre. Le temps pesait sur mes épaules comme une barrique d'huile. Mon cœur battait comme un tam-tam. J'avais peur que ses battements fous réveillent Killer qui me surveillait même en dormant. Le petit a croisé ses mains sur mon cœur qui s'est calmé... laissant la nuit au chœur de ronflements... J'ai fait quelques pas rapides plus assurés. Nous étions partis. Joseph Elle m'a déposé sur un nid d'herbe. Légère comme une algue, elle est retournée vers le camp effacer les traces. J'attendais, immobile... J'ai entendu un souffle d'herbes froissées. Et déjà, elle était à mes côtés. Elle m'a pris par la main et s'est mise à courir, courir comme une folle. Elikia Suis-moi, suis, suis. Cours. Joseph Tu vas trop vite. Tu me fais mal. Elikia Cours ! Cours plus vite ! Joseph Elle courait... courait... J'étouffais. Elikia Il n'avait pas le rythme que la peur donne aux jambes... Joseph Je ne... peux plus... Elikia Regarde devant toi... Cours... Joseph Tu... vas trop... vite... Elikia Il est tombé comme une petite chose, le pied dans une branche.

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* Extrait de la Première comparution Lumière sur l'infirmière qui témoigne. Il n'est pas important de savoir où et pourquoi elle témoigne. Seul le témoignage importe. Les silences de l'infirmière peuvent être aussi bien des moments de respiration qu'elle prend entre deux parties de témoignage ou du temps pour des questions qui lui viennent de l'extérieur pour l'aider à poursuivre, des commentaires pour qu'elle revienne au cœur du sujet. Angelina Je viens témoigner pour Elikia Mandoke... J'ai l'avis de convocation qu'elle a reçu. Elikia voulait venir. Elle était prête à tout raconter, même les plus petits détails. Elle répétait : « On doit savoir. Ils doivent savoir... Quand ils vont savoir, ils vont arrêter tout ça ». Silence d'une question. Ils ? Pour elle, « ils » voulait dire ceux qui écoutent, ceux qui décident, ceux qui vendent les armes. Vous, moi, les hommes polit iques. Les adultes, j'imagine. Elle m'a demandé de vous remettre ce cahier. Elle écrivait dans un cahier pour s'assurer qu'elle n'oubliait rien et pour dire ce qu'elle n'osait pas dire à voix haute. Elle disait que les mots de la bouche ne peuvent pas tout raconter, qu'ils sont trop près de la haine et de la vengeance. J'aimerais vous l ire ce qu'elle a écrit sur la première page, si vous le permettez : Elle lit. « Je veux que mes souvenirs soient utiles... Je veux dire à ceux qui font la guerre que si le fusil tue le corps de celui qui a peur, il tue aussi l 'âme de celui qui le porte. » Noir sur l'infirmière.