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Understanding conflict. Building peace. ETUDE SUR LE ROLE DE L’EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES DANS L’ALIMENTATION ET LA PERPETUATION DES CRISES DE L’EST DE LA RDC OCTOBRE 2009 this initiative is funded by the european union

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Understanding confl ict. Building peace.

ETUDE SUR LE ROLE DE L’EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES DANS L’ALIMENTATION ET LA PERPETUATION DES CRISES DE L’EST DE LA RDC OCTOBrE 2009

this initiative is funded by the european union

About International Alert International Alert is an independent peacebuilding organisation that has worked for over 20 years to lay the foundations for lasting peace and security in communities affected by violent conflict. Our multifaceted approach focuses both in and across various regions; aiming to shape policies and practices that affect peacebuilding; and helping build skills and capacity through training. Our field work is based in Africa, South Asia, the South Caucasus, Latin America, Lebanon and the Philippines. Our thematic projects work at local, regional and international levels, focusing on cross-cutting issues critical to building sustainable peace. These include business and economy, gender, governance, aid, security and justice. We are one of the world’s leading peacebuilding NGOs with more than 120 staff based in London and our 11 field offices.

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ETUDE SUR LE ROLE DE L’EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES DANS L’ALIMENTATION ET LA PERPETUATION DES CRISES DE L’EST DE LA RDC

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Table des matières

Liste des abréviations 3

Résume exécutif 5Introduction 10

Chapitre 1: panorama général de l’exploitation minière 141.1 L’exploitation minière: une histoire ancienne 141.2 Les lieux de l’exploitation: un mapping imparfait 171.3 Les sites miniers du Nord-Kivu 191.4 Les sites miniers du Sud-Kivu 201.5 Les sites miniers du Maniema 211.6 Les sites miniers de l’Ituri et du Haut Uele 211.7 Des quantifications au lieu d’une quantification 22

Chapitre 2: le système de production 252.1 Droits de propriété, droits de prospection, droits d’exploitation: entre confusion, incertitudes, enchevêtrements et «arrangements locaux» 262.2 Droits des groupes miniers internationaux: anciens et nouveaux acteurs 282.3 Les forces armées ou le contrôle territorial des mines 312.4 Une organisation du travail organisée et hiérarchisée 33

Chapitre 3: systèmes de commercialisation 363.1 Deux systèmes commerciaux 373.2 Géoéconomie du commerce 403.3 Les acteurs-clés 443.4 La répartition des bénéfices au fil de la chaîne commerciale 50

Chapitre 4: mécanismes de la fraude 524.1 La nature de la fraude 524.2 Efforts en matiere de réglementation/redevabilité 57

Chapitre 5: impact de l’exploitation sur les populations et l’environnement 615.1 L’économie minière comme piège à pauvreté 615.2 Insécurité et violence dans le secteur minier artisanal 645.3 L’impact géoenvironnemental 66

Chapitre 6: synthèse analytique des recommandations 696.1 Classement thématique des principales recommandations 696.2 De l’inefficacité du regime actuel de sanctions à la certification/traçabilité 726.3 Un nouveau paradigme: formaliser le commerce pour le moraliser 756.4 Initiatives passées et présentes 76

3Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Liste des abréviations

AFDL Alliance des Forces Démocratiques de LibérationAFED Amis de la Forêt et de l’Environnement pour le DéveloppementAGK AngloGold Ashanti KiloAMG Advanced Metallurgical GroupeANR Agence Nationale de RenseignementAPPG All Party Parliamentary GroupBEST Bureau d’Etudes Scientifiques et TechniquesBGR Bundesanstalt für Geowissenschaften und RohstoffeBNA Bureau de la Navigation AérienneCAMI Cadastre minierCASM Communities and Small-Scall MiningCdC Cadre de ConcertationCEDAF Centre d’Etude et de Documentation AfricainesCEEC Centre d’Expertise, d’Evaluation et de CertificationCEPAS Centre d’Etudes pour l’Action SocialeCEPGL Communauté Economique des Pays des Grands LacsCHDC Congo Holding Development CompanyCIRAD Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le DéveloppementCIRDI Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux InvestissementsCIRGL Conférence Internationale sur la Région des Grands LacsCNDP Congrès National pour la Défense du PeupleCOCABI Coopérative des Creuseurs Artisanaux de BisieCOFED Cellule d’Appui à l’Ordonnateur National du Fonds Européen de DéveloppementCOMESA Common Market for Eastern and Southern AfricaCOMIMPA Coopérative Minière Mpama BisieDDR Désarmement, Démobilisation, RéinsertionDFID Department for International DevelopmentDGM Direction Générale des MigrationsEAU Emirats Arabes UnisFAPC Forces Armées du Peuple CongolaisFARDC Forces Armées de la République Démocratique du CongoFDLR Forces Démocratiques de Libération du RwandaFEC Fédération des Entreprises CongolaisesFNI Front des Nationalistes et IntégrationnistesGFE Gesellschaft für ElektrometallurgieGMB Groupe Minier BangandulaGRAMA Groupe de Recherche sur les Activités Minières en AfriqueHRW Human Rights WatchICCN Institut Congolais pour la Conservation de la NatureINICA Initiative pour l’Afrique Centrale IPIS International Peace Information ServiceITIE Initiative pour la Transparence dans les Industries ExtractivesKIMIN Kilo-Moto Mining InternationalKMC Krall Metal CongoLRA Lord Resistance ArmyMDDZ Mines d’or du ZaïreMGL Minière des Grands Lacs

4 International Alert

MONUC Mission de l’Organisation des Nations Unies au CongoMPA Metal Processing AssociationMPC Mining and Processing CongoMPR Mouvement Populaire de la RévolutionNMC Niobium Mining CompanyOCC Office Congolais de ContrôleOCDE Organisation pour la Coopération et le Développement EconomiqueOCHA Bureau de Coordination des Affaires HumanitairesOFIDA Office des Douanes et AccisesOKIMO Office des Mines d’Or de Kilo MotoONG Organisation non gouvernementaleONU Organisation des Nations UniesPARECO Alliance des Patriotes pour la Refondation du CongoPNC Police Nationale CongolaisePNKB Parc National de Kahuzi BiegaRAID Rights and Accountability in DevelopmentRCD Rassemblement Congolais pour la DémocratieRDC République Démocratique du CongoRMA Ressources Minérales AfricainesSAESSCAM Service d’Assistance et d’Encadrement de l’Artisanat MinierSAKIMA Société Aurifère du Kivu-ManiemaSARW Southern Africa Resource WatchSIPRI Stockholm International Peace Research InstituteSOKIMO Société des Mines d’Or de Kilo MotoSOMICO Société des Mines du CongoSOMIGL Société Minière des Grands LacsSOMINKI Société Minière du KivuSWOT Strenghts, Weaknesses, Opportunities, ThreatsUCI Uganda Commercial ImpexUPC Union des Patriotes CongolaisUPDF Uganda People’s Defence ForceUSAID US Agency for International DevelopmentWCS Wildlife Conservation Society

5Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Résumé exécutif

1. L’or et les minerais composites du groupe de l’étain (cassitérite, coltan, niobium, wolfram) sont exploités depuis le début du XXème siècle dans les provinces orientales de la RDC. Le secteur minier a été durablement affecté par le délitement de l’Etat congolais, la corruption et la destruction des infrastructures territoriales. Les compagnies nationales minières de l’est congolais (OKIMO, SOMINKI) ont sombré au cours des années 1990, cédant la place à une exploitation artisanale informelle employant des centaines de milliers de creuseurs. Les guerres qui ont affecté le Nord et le Sud-Kivu et l’Ituri entre 1996 et 2003 ont renforcé le caractère illégal de l’exploitation des minerais et favorisé la formation de milices qui tirent du contrôle des mines les moyens financiers nécessaires à leur survie économique et à l’achat d’armes.

2. Dans ce contexte où insécurité et illégalité s’auto-entretiennent, l’économie minière est une économie conflictuelle particulièrement opaque («conflict minerals») et l’Est congolais fait figure d’espace d’extraction de matières premières dérégulé et structuré par des intérêts locaux et régionaux en contact avec les acteurs du marché international.

3. La géographie des sites miniers n’est que partiellement connue. Parmi les plus importants, on peut citer Mongbwalu et Djalassiga (Ituri), Durba (Haut Uélé) Numbi, Kama, Kamituga, Twangiza, Lugushwa, Minoro (Sud-Kivu) et Bisie, Itebero, Mumba-Bibatama, Lueshe, Fatwa Kasugho, Musienene et Manguredjipa (Nord-Kivu), Kalima, Kampene, Namoya, Makania (Maniema).

Alors que le système de production et de commercialisation des minerais du Kivu est aujourd’hui bien documenté, il est toujours impossible de dresser une cartographie précise et exhaustive des lieux de production. La géographie des mines est encore imparfaite. Cela tient pour une part à la quasi impossibilité pour l’exploitation artisanale de se mettre en conformité avec le nouveau Code Minier de 2002. Celui-ci stipule en effet que l’activité artisanale doit s’effectuer dans une zone d’exploitation «délimitée en surface et en profondeur»; le titre IV précise que là où les conditions «ne permettent pas une exploitation industrielle ou semi-industrielle, le ministre des Mines peut ériger de tels gîtes dans les limites d’une aire géographique déterminée en zone d’exploitation artisanale». Or, aucune de ces zones n’a jusqu’à présent été définie dans l’Est de la RDC. L’information sur l’activité minière devrait en principe être centralisée dans les Directions provinciales des Mines. Celles-ci manquent malheureusement des moyens matériels et financiers qui leur permettraient de remplir leur mission. Il en résulte que l’information reste partielle. L’opacité du secteur minier n’est pas seulement due aux pratiques de dissimulation et de fraude et aux entraves que représentent les groupes armés; elle commence avec les graves lacunes d’une géographie de la production qui n’est qu’ébauchée.

4. Il est impossible à l’heure actuelle de connaître avec un degré de fiabilité acceptable les quantités de minerais produites et exportées en raison de la multiplicité des organismes qui interviennent dans le contrôle de la production et de l’exportation des minerais, des déficiences dans l’élaboration des données statistiques, de la fraude et de la contrebande aux frontières, particulièrement importante pour l’or. L’évaluation quantitative de la production nécessite une méthodologie de recoupement des données qu’il reste à bâtir à partir des données administratives, de la FEC et des enquêtes de terrain auprès des producteurs et transporteurs. Compte tenu de l’absence de centralisation et de fiabilité des statistiques et de la dispersion des sites, une telle enquête sera nécessairement locale et ne fournira pas une vision exhaustive. La contrebande sera toujours le point aveugle de la quantification.

5. Les productions des sites miniers de la Province orientale, du Maniema et du nord Katanga s’écoulent en partie par les Kivus et l’Ituri; la Province orientale, le Maniema et le nord Katanga souffrent d’un déficit de connaissances ainsi que les sites miniers de production de diamants des Kivus.

6. Le caractère informel de la production minière n’empêche pas qu’elle soit structurée. Le système de production est fondé sur l’exploitation de la force de travail d’une main-d’œuvre sous-payée et innombrable et sur une cascade de prélèvements effectués par tous les acteurs, civils ou militaires, intervenant entre la mine et les comptoirs d’achat. Creuseurs, pelleteurs, porteurs travaillent avec un outillage rudimentaire et leur seule énergie musculaire sous la surveillance de chefs d’équipes ou de militaires. Les différents groupes armés, tout comme l’armée congolaise (FARDC) participent activement à la prédation.

7. L’histoire des concessions montre l’instabilité des droits de prospection et d’exploitation. La valse des contrats qui a caractérisé la fin du règne de Mobutu et le régime de Laurent-Désiré Kabila s’explique par l’arbitraire du pouvoir et non par la logique économique. Dans ces régions, l’exploitation minière repose sur des arrangements locaux où la règle de droit moderne compose avec le droit coutumier. Néanmoins, et même si les sociétés étrangères qui se sont substituées à la SOMINKI et l’OKIMO tardent à démarrer l’exploitation, l’intérêt des groupes internationaux pour cette zone reste vif.

8. Depuis 2000, deux systèmes de commercialisation des «conflict minerals» ont existé : le commerce informel des comptoirs et le commercialisme militaire. Malgré la fin de la présence des armées étrangères en territoire congolais, le commercialisme militaire n’a pas totalement disparu : les FARDC et les divers groupes armés ont militarisé, brutalisé et parasité l’exploitation artisanale dont ils bénéficient largement. L’exploitation minière constitue donc un enjeu de sécurité et de résolution des conflits.

L’implication substantielle des FARDC dans le commerce minier fait de l’armée une «self-generating revenue agency» dont les bénéficiaires supérieurs restent soigneusement dans l’ombre. Cette implication a généré une véritable mafia au sein des militaires de haut rang en accord avec les plus hauts échelons de l’Etat. L’implication substantielle des FARDC dans le commerce minier est un facteur de ralentissement de leur «intégration» et donc de la réforme de l’armée (volonté de rester sur place).

9. Le système actuel de commercialisation constitue un système oligopolistique qui profite à un conglomérat de fonctionnaires, militaires, chefs de milices, négociants, transporteurs et intermédiaires étrangers dont les profits s’évaluent en millions de dollars et dont l’identification entreprise par l’ONU et les ONG sous le terme de «réseaux d’élites» est encore partielle. En dépit de leur opacité, ces «réseaux d’élites» mettent en évidence les relations coupables entre business, politique et violence. Le commerce des minerais représente une part importante des revenus légaux et illégaux des fonctionnaires chargés du contrôle du commerce et, même si les taxes perçues sont inférieures à ce qu’elles devraient être en raison de la fraude, elles représentent plusieurs millions de dollars par an. En ce sens, la question minière dans l’Est congolais est un enjeu de gouvernance fort.

10. Le commerce des minerais en RDC repose sur un système de communications multimodal qui associe portage/route/avion et définit une géoéconomie régionale résolument tournée vers l’Afrique orientale. Les villes frontalières ou proches de la frontière où sont installés les comptoirs – Goma, Bukavu, Uvira, Béni, Butembo, Bunia – constituent la charnière entre un amont informel et un aval branché sur les circuits de l’économie mondialisée. Le commerce des minerais contribue à l’intégration économique informelle de l’Afrique des Grands Lacs et signale une disjonction forte entre le politique (cadre de la souveraineté nationale) et l’économique (système d’échanges intégré à l’Afrique de l’Est).

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7Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

L’intégration des minerais congolais dans le commerce formel s’effectue au niveau des pays de transit (Burundi, Rwanda et Ouganda), même si la contrebande existe aussi aux frontières orientales de ces Etats et même si la dissimulation de l’origine des minerais exportés est une pratique courante. Les minerais suivent les mêmes voies commerciales que les autres marchandises et s’inscrivent dans les échanges transfrontaliers. On note une certaine spécialisation de ces routes commerciales correspondant à des considérations politiques et surtout économiques. Ainsi, l’axe Uvira-Bujumbura est surtout connu pour l’exportation d’or et l’axe Bukavu-Cyangugu pour les exportations d’or, de cassitérite et de coltan. Au début des années 90, le Burundi était le pays le plus important pour le transit de l’or congolais mais, après l’embargo régional contre le régime de Buyoya et la mise en place d’un système d’exemptions fiscales pour l’or en Ouganda, ce pays a supplanté le Burundi. De même la Tanzanie est montée en puissance depuis quelques années en ce qui concerne les exportations de diamants.

11. Les pays de transit (Burundi, Rwanda et Ouganda) sont les grands bénéficiaires de la rente minière congolaise qui constitue une de leurs ressources économiques importantes. Une spécialisation minérale s’observe à leur niveau : transit de l’or par le Burundi et l’Ouganda et des minerais du groupe de l’étain par le Rwanda. Leurs sphères d’influence économique dans l’Est congolais restent à peu près stables depuis 2000. La question minière est, par conséquent, un enjeu de géoéconomie majeur dans la région.

12. Les investigations de l’ONU et des ONG ont mis en lumière les destinataires finaux du commerce des «conflict minerals» en Europe, aux Etats-Unis, au Moyen-Orient et en Asie ainsi que le rôle pivot de certains milieux d’affaires (libanais, indopakistanais, russes, etc.). Les filières américaines, russes et chinoises sont les moins documentées.

13. La fraude minière prend la forme de taxations illégales (sur et sous-taxations) et de contrebande. La corruption générée par le secteur minier bloque toute tentative sérieuse de rétablissement de l’autorité de l’Etat et contribue à la gouvernance par le désordre à l’œuvre dans cette région. Le problème de la corruption générée par le secteur minier est un enjeu de gouvernance majeur en RDC. Les initiatives nationales et internationales (ITIE) mises en œuvre pour réguler l’industrie minière en RDC n’ont pas encore atteint l’Est congolais et n’ont eu que peu de résultats au niveau national.

14. L’enjeu social et économique de l’artisanat minier est considérable. Cette activité apparaît comme un piège à pauvreté pour la plupart des mineurs engagés, volontairement ou sous la contrainte, dans un travail de survie. Le travail à la mine représente une rupture avec l’organisation sociale traditionnelle en modifiant les rôles des jeunes et des femmes. C’est une activité dangereuse (risques d’accidents) et violente dans le contexte de rivalités entre groupes armés et possesseurs des sites.

Malgré son effet de création d’emplois, l’activité minière est un piège à pauvreté : derrière l’apparence illusoire d’un enrichissement soudain, elle génère une dynamique d’appauvrissement. Les recherches portant sur les conséquences humaines de l’artisanat minier se sont surtout intéressées aux creuseurs, il est vrai les plus nombreux et les plus mal lotis. Les acteurs de la chaîne du commerce, depuis la sortie de mine jusqu’aux comptoirs d’achat, ne sont pas pour autant oubliés. Il y a parmi eux des gagnants et des perdants, mais qui sont-ils ? Une étude fine montrerait certainement que les groupes ethniques qui occupent traditionnellement des positions commerciales dominantes sont les mêmes qui contrôlent le commerce des minerais : les Bashi au Sud-Kivu, les Nande au Nord-Kivu. Les uns comme les autres considèrent les Banyarwanda comme des intrus et ils ont toujours cherché à les discréditer car ils les concurrencent.

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L’artisanat minier s’inscrit dans un processus global de transformation sociale qui s’accompagne d’un transfert de population du milieu rural vers les mines et le milieu urbain. Des petites villes émergent sur les sites miniers les plus importants en modifiant la répartition spatiale de la population. Ces agglomérations nées de la mine modifient l’espace économique, social et culturel des Kivus et de l’Ituri.

Le système de l’exploitation minière artisanale produit une violence directe et indirecte. Les violences directes s’exerçant le long de la chaîne du commerce des produits miniers peuvent être classées en deux catégories : celles qui sont exercées par les hommes armés (milices et forces de sécurité) sur les acteurs du commerce et celles qui opposent les acteurs du commerce entre eux. Le commerce des minerais est un business violent et, quand elles sont «calmes», les zones minières restent des «Far West congolais», en l’occurrence ici des «Far East». Les conflits entre propriétaires informels des carrés miniers aboutissent parfois à des violences quand l’intervention des autorités décidant des droits ne suffit pas. La présence des milices et de l’armée est naturellement le premier facteur de violence. Les négociants sont aussi victimes des hommes armés qui les interceptent souvent pour leur dérober leur marchandise.

15. Les conséquences environnementales sont strictement négatives : pollution des nappes phréatiques par les produits chimiques, déforestation, détournement des rivières, arrachement de pans entiers de collines et disparition des terres arables, braconnage intensif dans les parcs pour nourrir les creuseurs. Les parcs paient un lourd tribut à l’activité minière anarchique, notamment dans le parc national de Kahuzi Biega où l’exploitation du coltan et de la cassitérite bat son plein. Par rapport à l’immensité du parc, les dommages provoqués par l’ouverture des mines ne sont que des balafres dans la masse forestière. En revanche, la pression sur la faune pour l’approvisionnement des chantiers cause des dégâts considérables, d’autant plus qu’une partie du produit du braconnage est destinée aux marchés des villes du Kivu. La question minière est donc aussi un enjeu environnemental dans l’Est.

16. Le régime actuel de sanctions onusiennes (gel des avoirs et interdiction de voyager) vise à sanctionner les commerçants et non le commerce des minerais. De l’aveu même de l’ONU, ce régime n’est pas efficace en raison du manque de coopération des Etats et de l’absence de préjudice pour les sociétés qui ont appris à gérer le risque d’atteinte à leur réputation de par leurs activités en zone de conflits. Pour l’heure, l’effet le plus marquant de l’inscription sur la liste des Nations Unies a été la suspension de certains contrats d’approvisionnement par des sociétés importatrices. Certaines sociétés occidentales ont pris leurs distances avec leurs fournisseurs congolais. L’ONU met maintenant l’accent sur la publication du mapping des sites miniers et sur le contrôle des frontières.

17. Face au problème des «conflict minerals», deux réponses sont actuellement en débat : restreindre le commerce (de manière plus ou moins radicale : de l’embargo total à l’interdiction sélective) ou formaliser le commerce par un mélange d’actions économiques, institutionnelles et sécuritaires. Sceptiques quant à la possibilité de réduire l’insécurité en restreignant le commerce, certaines organisations (INICA, DFID, USAID, etc.) présentent une option alternative qui consiste non plus à sanctionner le commerce mais à tenter de le formaliser pour le discipliner et le moraliser. Cette dernière réponse, inspirée par le précédent du processus de Kimberley et le monde du développement, implique une stratégie globale liant sanctions, amélioration de la sécurité dans toutes ses dimensions (juridique, économique, physique) et réforme de l’activité minière.

18. Les tentatives congolaises d’amélioration de la situation n’ont donné aucun résultat tangible (suspension des exportations de minerais en 2007, fermeture des postes douaniers de Bunagana et Ishasa en 2008, fermeture de la mine de Walikale et d’Adidi en 2008, etc.). Dans un contexte où les initiatives internationales sur cette problématique tendent à se

9Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

multiplier, il convient de souligner l’initiative sur la traçabilité du coltan (Allemagne) et celle sur l’obligation de déclaration de l’origine des minerais (USA).

19. En vue de contribuer à une exploitation minière non génératrice de conflits, ce rapport recommande 1/ d’améliorer la connaissance géographique de l’activité minière 2/ d’améliorer la connaissance du monde minier en Ituri et dans les Kivus 3/ de comprendre l’aval de la chaîne commerciale 4/ d’évaluer les possibilités de sanctions 4/ de diffuser l’information en RDC 5/ de soutenir l’agenda de la formalisation 6/ de réduire l’incitation à la contrebande par une harmonisation et une simplification des tarifs douaniers au niveau régional.

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Introduction

‘In Africa, trade never stops. It is only interrupted’. A Bend in the River. V. S. Naipaul

Economie et conflits, économie des conflits : dénonciations et recherches sur les «conflict minerals» de l’Est congolaisLes publications de tout ordre consacrées à l’exploitation des ressources minières comme facteur de guerre sont aujourd’hui extrêmement nombreuses. Jusqu’au déclenchement de la rébellion de 1998, les analyses de la guerre dans la région des Grands Lacs se sont inscrites dans la mémoire du génocide rwandais et des bouleversements régionaux consécutifs au changement de pouvoir à Kigali. Dans son livre sur «la guerre des Grands Lacs» publié en 1999, Filip Reyntjens mentionne à peine la dimension économique du conflit.1 L’ouvrage réalisé, la même année, sous la direction de Paul Mathieu et Jean-Claude Willame, «Conflits et guerres au Kivu et dans la région des Grands Lacs» se focalise sur la question foncière au Kivu et sur la dimension régionale de la guerre. Une seule page évoque les «intérêts économiques du conflit».2 C’est dans la presse, en particulier dans les journaux belges «Le Soir» et «La Libre Belgique» qu’est dénoncé le «pillage du Congo»3 par les soldats rwandais et ougandais. Le Soir rapporte que Museveni serait critiqué en Ouganda à cause de «l ’implication de son demi-frère, Salim Saleh, dans les trafics d’or et de bois précieux» et que «les bailleurs de fonds commencent à s’inquiéter des ressources affectées à la guerre».4 En 1999, «L’enjeu congolais» de Colette Braeckman déplore la «guerre des butins» et voit dans l’évolution du Congo après 1996 «un nouvel épisode du hold-up sur le Congo qui dure depuis un siècle»5 mais elle s’étend peu sur cet aspect du conflit. Dans «Les nouveaux prédateurs» paru en 2003, elle revient plus amplement sur ce «hold-up».6 Le schéma de la guerre autofinancée par l’exploitation des ressources naturelles du Kivu a été entre-temps solidement étayé par les travaux du groupe d’experts de l’ONU. Cette perception du conflit rejoint les réflexions conduites par Paul Collier pour la Banque mondiale et désormais dans l’air du temps.7

Les premières études approfondies consacrées aux enjeux miniers de la guerre dans l’Est du Congo, correspondent à la période où, après le pillage par les militaires, la fièvre du coltan a embrasé le Kivu. Le coltan (colombo-tantalite) qui a connu un boom en 1999–2000 est le minerai par lequel le scandale est arrivé. A l’époque de ce boom, plusieurs ONG se sont mobilisées en Belgique pour dénoncer les achats de coltan congolais effectués en zone de conflit par les compagnies européennes (campagne «Pas de sang sur mon portable»). Cette dénonciation a conduit le Conseil de Sécurité à instaurer un Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo qui, depuis sa création en juin 2000, a toujours été renouvelé. L’intérêt des ONG et de l’ONU pour cette question a conduit, dans un premier temps, à une très volumineuse littérature d’investigation et de dénonciation, puis à des recherches de terrain qui s’inscrivent dans le cadre théorique des réflexions sur les rapports entre conflit, économie de guerre, ressources naturelles et développement.

1 F. reyntjens (1999). La guerre des Grands Lacs. Alliances mouvantes et conflits extraterritoriaux en Afrique centrale. L’Harmattan.2 P. Mathieu et J-C Willame (1999). Conflits et guerres au Kivu et dans la région des Grands Lacs. Entre tensions locales et escalade régionale.

Paris : Cahiers africains n° 39–40. Tervuren. Institut Africain-CEDAF. L’Harmattan.3 Le Soir, 23 décembre 1998. 4 Le Soir, 28 décembre 1998.5 C. Braeckman (1999). L’enjeu congolais. L’Afrique centrale après Mobutu. Paris : Fayard.6 C. Braeckman (2003). Les nouveaux prédateurs. Politiques des puissances en Afrique centrale. Paris : Fayard. Nouvelle édition actualisée en 2009.7 P. Collier (2000). Economic causes of conflict and their implication for policy. Policy research Paper. Washington : World Bank.

11Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

En même temps que le panel d’experts de l’ONU, des chercheurs locaux étudient aussi le lien entre conflits et ressources naturelles. A Goma, le Pole Institute (Institut Interculturel dans la région des Grands Lacs) créé à la fin des années 1990, publie en février 2001 une étude dirigée par son directeur Aloys Tegera, «Le coltan et les populations du Nord-Kivu».8 A Bukavu, Didier De Failly du BEST (Bureau d’Etudes Scientifiques et Techniques) mène une enquête précise sur l’exploitation artisanale du coltan et la chaîne de commercialisation.9 Il expose de façon concrète le modus operandi des acteurs impliqués dans l’extraction, le transport et la commercialisation du coltan, dans un système mondialisé que bien d’autres chercheurs ont de leur côté mis en exergue (par exemple Stephen Jackson qui insiste sur le fait que les producteurs «sont rattachés au marché mondial à travers une chaîne d’intermédiaires et en subissent de plein fouet les hauts et les bas»).10 L’exploitation des minerais, qu’elle soit industrielle ou artisanale, est en effet très réactive aux fluctuations des cours mondiaux. Le creuseur qui dépense son énergie musculaire pour assurer sa survie en extrayant du coltan dans quelque forêt perdue du Kivu représente le premier maillon d’une chaîne mondialisée dont le dernier maillon est l’utilisateur du téléphone portable.

On dispose aujourd’hui d’une documentation abondante, bien que souvent redondante, sur l’exploitation minière et le conflit dans l’est de la RDC. La pléthore de rapports et publications dont la plupart sont désormais disponibles sur Internet impose des choix.

Les nombreux rapports des groupes d’experts de l’ONU, qu’il s’agisse du «Panel of Experts» entre 2000 et 2003, ou du «Group of Experts» depuis 2004, demeurent une source fondamentale depuis le premier rapport du 12 avril 2001 jusqu’au plus récent du 18 mai 2009. Parmi les nombreuses études d’ONG ou de groupes de recherche, celles du Pole Institute, IPIS (International Peace Information Service), Global Witness, International Crisis Group, International Alert, Human Rights Watch (HRW) constituent une source essentielle car elles couvrent l’ensemble de la période 2001–2008 et les différents champs d’investigation. Le Diane Fossey Gorilla Fund a conduit une série d’études concernant l’impact de l’exploitation illicite du coltan sur la faune sauvage dans les parcs naturels. Le groupe canadien GRAMA (Groupe de Recherche sur les Activités Minières en Afrique) de l’Université du Québec à Montreal s’est intéressé à la commercialisation du coltan congolais.11 En 2007, un rapport de Pact commandité par DFID, USAID et COMESA analyse les relations entre exploitation minière et circuits commerciaux en RDC.12 Une étude du CASM (Communities and Small-Scall Mining) parue en 2008 fournit des données très précises sur l’exploitation et le commerce de la cassitérite à partir de l’exemple de la mine de Bisie, la plus importante du Nord-Kivu.13 Cette mine qui a par ailleurs fait l’objet d’autres investigations, comme celle d’AFED (Amis de la Forêt et de l’Environnement pour le Développement) en 2007, constitue une bonne illustration du fonctionnement du secteur minier dans l’ensemble du Kivu. Tout récemment, en avril 2009, dans le prolongement de l’expérience acquise à partir de Bisie, Nicholas Garett et Harrisson Mitchell ont conduit une réflexion sur la relation entre commerce des minerais et développement dans les zones de conflit de l’Est du Congo.14 Cette étude a été réalisée avec le soutien de DFID, London School of Economics, Crisis States Research Centre et Conflict Research Group. Aux Etats-Unis, Enough, du Center for American Project dédié à la prévention des génocides et des crimes contre l’humanité, s’est aussi découvert un intérêt pour le Kivu.15

8 A. Tegera (sous la direction de) (2002). Le coltan et les populations du Nord-Kivu. Co-recherche Pole Institute/CrEDAP. regards croisés n°007. Pole Institute.

9 D. De Failly (2001). «Coltan : pour comprendre», pp.279–306. L’Afrique des Grands Lacs – Annuaire 2000-2001. L’Harmattan. 10 S. Jackson (2001). «Nos richesses sont pillées! Economies de guerre et rumeurs de crime au Kivu», Politique africaine, n° 84, pp.117–135.11 P. Martineau (2003). La route commerciale du coltan congolais : une enquête. GrAMA, UQAM.12 Pact (2007). Researching natural resources and trade flows in the Great Lakes Region. Washington, DC : Pact.13 N. Garrett (2008). Cassiterite mining and trade in North Kivu : Implications for poverty reduction and security, CASM. 14 N. Garrett and H. Mitchell (2009). Trading conflict for development : Utilising the trade in minerals from Eastern DR Congo for development.

resource Consulting Services.15 Enough Project Team (2009). A comprehensive approach to Congo’s conflict minerals. Strategy Paper.

12 International Alert

La revue de la littérature met en évidence la place centrale tenue par des organisations anglo-saxonnes, que leur but soit humanitaire, académique ou qu’il réponde à des considérations ou à des intérêts économiques. Une part notable de l’expertise revient toutefois à des institutions et des chercheurs belges : Africamuseum de Tervuren (géologie, cartographie, Centre d’Etude et de Documentation Africaines – CEDAF), universités et groupes de recherche d’Anvers,16 de Gand, de Louvain. Les travaux de Koen Vlassenroot notamment, sont incontournables. En dehors de la Belgique et de la Grande Bretagne, quelques centres de recherche européens apportent leur contribution au débat sur le thème exploitation minière-conflit à l’Est du Congo, comme le SIPRI, Stockholm International Peace Research Institute.17 L’Allemagne n’est pas en reste. Le BGR, Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe (Institut fédéral allemand des sciences de la terre et des matières premières) a réalisé en 2007, en association avec KfW Entwicklungsbank, une étude sur les ressources naturelles en RDC.18 Suite aux recommandations formulées par la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs en quête d’un «Mécanisme Régional de Certification des Ressources Naturelles»,19 une initiative du G8 lors du sommet de Heiligendamm en juin 2007 relative à la certification des minerais vient de se concrétiser. Des chercheurs du BGR travaillent sur l’empreinte géochimique, ou «Fingerprint», des métaux, notamment du tantale qui devrait permettre d’identifier leur origine : un projet pilote vient de démarrer au Rwanda pour la mise au point du support scientifique des CTC, Certified Trading Chains.20

L’Afrique du Sud, très directement concernée par l’économie minière, est naturellement très attentive à la situation en RDC. En 2007, SARW (Southern Africa Resource Watch) a publié une étude concernant la révision des contrats miniers.21 La dimension régionale du secteur minier a été explorée par INICA, Initiative pour l’Afrique Centrale : en 2004 Roland Pourtier a réalisé une étude sur les implications régionales de l’artisanat minier au Kivu.22 Alain Karsenty, chercheur au CIRAD à Montpellier, a étudié la question de la fiscalité sur les recettes naturelles en RDC.23

Conception des cartesLes cartes font partie intégrante du rapport. Les unes sont des cartes de localisation (ressources minières, principales mines, groupes armés), élaborées à partir des différentes sources bibliographiques et cartographiques consultées. D’autres illustrent les aspects commerciaux de l’économie minière depuis l’échelle locale jusqu’à l’échelle mondiale : modes de transport du minerai de la mine (exemple de Bisié) aux comptoirs de vente de Goma; corridors régionaux entre l’est de la RDC et les ports de l’Océan Indien; pays importateurs. Quelques cartes enfin représentent des données structurelles essentielles à la compréhension des conflits dans les Kivus : héritage colonial de l’économie minière, répartition des groupes ethniques, des chefferies, et des densités démographiques.

La principale difficulté d’élaboration des cartes tient à l’absence d’une cartographie de référence homogène, exhaustive, et à jour de la RDC. Un projet de «Référentiel Géographique Commun» (RGC) est en cours de réalisation (projet lancé en 2006 par le centre de logistique de l’ONU, relayé

16 En particulier le Centre d’étude de la région des Grands Lacs d’Afrique qui publie depuis 1997 sous la direction de Stefaan Marysse et Filip reyntjens un Annuaire : l’Afrique des Grands Lacs. L’Harmattan.

17 r. de Koning (2008). «resource-conflicts links in Sierra Leone and the Democratic republic of the Congo». SIPRI Insights on Peace and Security, 2008, 2.

18 C. Berke, J. Pulkowski, N. Martin, J. Vasters, M. Wagner (2007). Les ressources naturelles en République démocratique du Congo – Un potentiel de développement? Frankfurt : BGr-KMW.

19 Conférence Internationale sur la région des Grands Lacs (2006). Programme d’Action Régionale de Certification des Ressources Naturelles. Projet n° 3.2.2. Dar es Salaam.

20 BGr, Communiqué de presse (13 mars 2009). BGR-Pilotprojekt in Rwanda : Transparenz, Sozial-und Umweltsrandards durch Zertifizierung mineralischer Rohstoffe.

21 C. Kabamba (2007). Directives pour une révision des contrats d’exploitation Minière en RDC, juin 2007. Johannesburg : Braamfontein. Available at [email protected].

22 r. Pourtier (2004). L’artisanat minier au Kivu et ses implications régionales. Paris : INICA-OCDE.23 A. Karsenty (2006). Etude d’identification d’un programme pour l’amélioration des recettes fiscales et domaniales en république

Démocratique du Congo (composante «ressources naturelles» d’un programme d’appui à la gouvernance en rDC). Ministère des Finances. Cellule d’Appui à l’Ordonnateur National du FED (COFED). CIrAD.

13Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

par OCHA et coordonné depuis juillet 2007 par le PNUD). Dans «Cartographie des motivations», IPIS a utilisé les données disponibles du RGC. Sa cartographie, au 1/ 1 000 000 couvre la plus grande partie du Nord et du Sud-Kivu, mais pas le Maniema. Celui-ci est en revanche inclus dans les spatiocartes au 1/ 200 000 produites par l’Université de Gand à partir d’images satellitaires. Les espaces cartographiés par ces deux séries de documents ne couvrent malheureusement pas l’ensemble de la région étudiée. Pour disposer d’un fond cartographique homogène, on a utilisé la carte du Congo au 1/ 2 000 000 établie par l’Université catholique de Louvain en 2007.24 Des compléments d’information ont été trouvés dans la carte de la République Démocratique du Congo publiée en 2000 par Management Kongo Development, carte construite à partir d’un modèle numérique de terrain de l’United States Geological Service. Quelques distorsions mineures peuvent apparaître entre ces différentes sources mais elles n’ont aucune incidence à l’échelle des cartes figurant dans le rapport. Les fonds hydrographiques sont tout à fait cohérents d’une carte à l’autre, ce qui n’est pas toujours le cas ni des routes, ni des limites administratives qui peuvent présenter de réelles divergences dans leur tracé.

L’incertitude concernant la toponymie est un obstacle plus sérieux. D’une carte à l’autre, beaucoup de noms de villages diffèrent. Il a été impossible de localiser certaines mines signalées dans les textes consultés car leurs noms n’apparaissaient sur aucune carte. Même des sites importants ne sont pas mentionnés sur les cartes récentes, par exemple Lueshe, seul site industriel du Nord-Kivu. De même on cherche en vain Ariwara, pourtant un des centres les plus importants du commerce de l’or en Ituri, qu’on a pu cependant situer grâce à une étude de Human Rights Watch. Les cartes jointes au rapport ne peuvent donc avoir qu’une précision relative. Elles sont conçues pour offrir une vision synthétique en complément du texte auquel elles apportent la force de l’image.

Figurent en annexe de ce rapport les cartes et la bibliographie.

L’espace concerné par l’étudeSuperficie (km2) Population Densité (hab/km2)

1984 2008 1984 2008

(recensement) (estimations)

Nord-Kivu 59 483 2 434 000 5 200 000 41 87

Sud-Kivu 65 070 1 940 000 4 700 000 30 72

Ituri 65 658 1 749 000 4 200 000 27 64

Maniema 132 250 850 000 2 250 000 6 17

Source pour 2008 : OCHA, Plan d’action humanitaire 2009

24 république Démocratique du Congo, 1/ 2 000 000, Unité de recherche en environnemétrie et géomatique, Université catholique de Louvain. Avec la collaboration de l’Institut Géographique du Congo et de l’Institut Géographique National belge. ULC-Géomatics, Louvain-la-neuve (2007).

14 International Alert

Chapitre 1 : Panorama général de l’exploitation minière

résumé :

L’or et l’étain sont exploités depuis le début du XXème siècle dans les provinces orientales de la rDC. Le secteur minier a été durablement affecté par le délitement de l’Etat congolais, la corruption et la destruction des infrastructures territoriales. L’industrie minière a sombré au cours des années 1990, cédant la place à une exploitation artisanale informelle employant des centaines de milliers de creuseurs. Les guerres qui ont affecté le Nord et le Sud-Kivu et l’Ituri entre 1996 et 2003 ont renforcé le caractère illégal de l’exploitation des minerais et favorisé la formation de milices qui tirent du contrôle des mines les moyens financiers nécessaires à l’achat d’armes. Dans ce contexte où insécurité et illégalité s’auto-entretiennent, l’économie minière est particulièrement opaque, ce qui rend très difficile l’accès à une information fiable et précise (localisation des mines, volumes de production, etc.).

1.1 L’exploitation minière : une histoire ancienne

Les origines coloniales de l’économie minièreL’exploitation des minerais dans l’Est du Congo a commencé voici plus d’un siècle.25 C’est en 1903 que deux prospecteurs australiens ont découvert de l’or dans la rivière Agola; ils ont dénommé cette zone du nom du chef Kilo. Après la découverte du site de Moto, la région aurifère de l’Ituri-Haut Uélé a reçu ce nom de Kilo-Moto qui depuis plus d’un siècle symbolise l’or du Congo dont la longue histoire a été récemment ternie par les massacres de 2002–200326 à Mongbwalu. En 1926 a été créée la Société des Mines d’Or de Kilo Moto (SOKIMO) sur le modèle des grandes compagnies coloniales comme l’Union Minière du Haut Katanga, caractérisées par leur politique paternaliste à l’égard d’une main-d’œuvre peu payée mais prise en charge pour tous les aspects de la vie sociale. Ces sociétés, véritables Etat dans l’Etat, étaient fortement impliquées dans le financement et la gestion des infrastructures régionales et socio-éducatives (transport, santé, éducation).

Au Kivu,27 l’exploitation minière n’est devenue importante que dans les années 1920. La MGL, Minière des Grands Lacs, et le CNKI, Comité National du Kivu, commencèrent à exploiter l’or, avant que soit découverte la cassitérite, en 1926. Le Maniema devint bientôt la grande région de production stannifère avec les centres de Kalima, Punia, Kasese, Sakumakanga. Deux sociétés, créées en 1932 et 1933, Symetain et Cobelmin du groupe Empain dominèrent le secteur minier jusqu’après l’indépendance du Congo.

Les rapports annuels des affaires économiques du Kivu28 donnent des chiffres de production intéressants en comparaison avec les évaluations actuelles :

Production d’or et de cassitérite à l’époque coloniale1935 1940 1945 1950 1955 1959

Or (kg) 2 954 6 269 3 174 2 397 2 107 3 449

Cassitérite (t.) 1 200 5 250 12 110 8 383 11 379 6 074

25 Voir cartes Bassin de l’étain au Congo belge et rwanda-Urundi et Gisements miniers.26 Human rights Watch (2005). Le Fléau de l’Or. New York : HrW.27 La région du Kivu, délimitée par l’administration coloniale, comprenait trois entités : Nord-Kivu, Sud-Kivu et Maniema. En 1988, celles-ci

ont été érigées en province.28 B. Musharhamina (1998). «Conjoncture mondiale et exploitation minière au Kivu (1933–1959)». Likunduli. Enquêtes d’histoire coloniale, 9,1

pp.108–121. Lubumbashi : CErDAC.

15Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

L’emploi dans le secteur minier à l’époque coloniale était déjà important comme le montrent quelques chiffres concernant l’ensemble du Congo belge :29

Emploi dans les grands secteurs miniersmoyenne annuelle or étain cuivre diamant

1928–1929 21 000 5 000 16 500 28 600

1938–1940 90 437 38 588 8 498 17 582

1941–1943 88 177 73 303 14 365 12 319

L’indépendance et l’effondrement de l’économie minière : l’échec exemplaire de la SOMINKI et de KILO MOTOL’exploitation industrielle des minerais a été victime de la conjonction de deux facteurs :• L’instabilitédescoursmondiaux• L’affaiblissementetladésorganisationdesencadrementséconomiquesetadministratifsd’une

société rongée par le «mal zaïrois», variante désastreuse de la mauvaise gouvernance couplée à une corruption généralisée.

En 1976, Symetain, Cobelmin et quelques autres sociétés créèrent la SOMINKI, Société Minière du Kivu, dans laquelle le Zaïre détenait 28% du capital, le groupe Empain 72%. Déjà handicapée par les coûts d’enclavement des mines du Maniema, la SOMINKI n’a pas résisté à la brutale chute des cours de l’étain en 1985 : après avoir atteint un pic en février 1985 à plus de 10 000 livres la tonne, les cours n’étaient plus que de 4 300 livres un an plus tard. Leur dépréciation durable a conduit le groupe Empain à vendre sa participation majoritaire dans la SOMINKI.

Cours de l’étain en livre par tonne1970 1975 1980 1985 1990 1994

1 500 3 000 7 200 9 200 3 500 3 500

Production d’étain et métaux associés de la SOMINKI (en tonne)1980 1985 1990 1995

3 000 4 000 2 500 1 000

Le déclin de la production d’étain consécutif à l’effondrement des cours mondiaux a précédé les pillages de l’AFDL qui, en 1996, ont donné le coup de grâce à une entreprise moribonde dont les effectifs salariés avaient considérablement diminué :

Evolution des effectifs de la SOMINKI (1978–1995)Année Expatriés Personnel

d’encadrementPersonnel d’exécution

1978 110 215 16 500

1985 80 283 11 500

1990 24 275 8 500

1995 13 221 5 700

29 J-L Vellut (1981). Les bassins miniers de l’ancien Congo Belge. Essai d’histoire économique et sociale (1900–1960), Cahier 7. CEDAF.

16 International Alert

La SOMINKI a été rachetée en 1996 par le groupe canadien Banro. Après les années chaotiques de guerre et de rébellion, la situation juridique de Banro s’est clarifiée en 2003 autorisant une reprise d’activité.30 Celle-ci se dessine, mais la production n’avait pas encore redémarré en 2008.

Créée en 1926, la Société des Mines d’Or de Kilo Moto (SOKIMO) a construit presque toutes les infrastructures lourdes du district de l’Ituri à l’époque coloniale et a développé une gestion paternaliste de sa main-d’oeuvre. En 1966, la société a été nationalisée sous le nom d’OKIMO (Office des Mines d’Or de Kilo Moto), lequel a repris les 83 000 km2 de concession répartis entre l’Ituri et le Haut-Uélé. Le principal site minier de l’Ituri, celui de Mongbwalu a été divisé en trois blocs (38, 39 et 40). Le déclin progressif de la société a entraîné, dans les années 90, la sous-traitance de l’exploitation à des mineurs artisanaux avec la possibilité pour un individu de faire des prospections (150$), d’exploiter une zone de 500m2 (250$), voire davantage (contre 30% des bénéfices à OKIMO). Ce système de sous-traitance de la production/exploration compensait l’incapacité de l’OKIMO d’exploiter ses gisements. Mais il est à noter que l’OKIMO n’avait même pas les fonds pour acheter l’or creusé par les orpailleurs et l’écouler sur le marché. Au fil des années 90, l’OKIMO a sous-loué ses concessions à des entrepreneurs qui contrôlent l’accès aux mines et perçoivent des taxes, voire s’impliquent eux-mêmes dans la commercialisation. Dans le passé, ces sous-traitants honoraient le paiement de la location à OKIMO mais cela a cessé.

Artisanat informel et déliquescence de l’Etat congolaisDepuis la cessation d’activité de SOMINKI et de l’OKIMO, l’exploitation industrielle a disparu du Kivu et de l’Ituri. Il ne reste sur les anciens sites que quelques bâtiments en dur, des installations en ruine et des machines rouillées qui rappellent le temps où l’économie du Congo n’avait pas entièrement sombré dans l’informel.31La substitution de l’artisanat minier à l’industrie extractive ne s’est pas faite brutalement : elle a accompagné la décomposition progressive de l’Etat. L’exploitation artisanale existait depuis longtemps au Congo : sans remonter à l’ancien Katanga dont les «croisettes» de cuivre servirent longtemps de monnaie dans une grande partie de l’Afrique centrale, l’orpaillage était pratiqué pendant la période coloniale tout comme durant les premières années de l’indépendance, mais seulement à petite échelle. C’est la désorganisation de l’économie consécutive à la «zaïrianisation» de 1974 qui a fait basculer les activités productives vers l’informel : la confiscation des biens des colons et leur dilapidation par les bénéficiaires d’une redistribution fondée non pas sur la compétence mais sur l’allégeance au MPR (Mouvement Populaire de la Révolution) eut les conséquences les plus néfastes pour l’économie. Au fur et à mesure que le «mal zaïrois» et l’application de «l’article 15» de la constitution («débrouillez-vous») devenaient la norme, le nombre de creuseurs augmentait, en particulier dans les régions diamantifères des Kasaï. En 1982, l’exploitation artisanale, en dehors des concessions minières, fut autorisée. La nouvelle législation, entérinant une situation de fait, allait favoriser le développement de l’artisanat minier.

Au Kivu, de nombreux mineurs ayant perdu leur emploi suite à l’effondrement de la SOMINKI ont cherché une compensation dans l’exploitation informelle de gisements qu’ils connaissaient bien. Une véritable économie parallèle, en marge de toute légalité, s’est progressivement organisée, impliquant de nombreux acteurs, depuis la mine jusqu’aux comptoirs d’exportation. Les violences armées dont le Kivu a été le théâtre – campagne de l’AFDL en 1996–1997, occupation par des militaires rwandais et ougandais pendant les années de la rébellion (1998–2002) – ont achevé la déstructuration de l’économie formelle et fait du contrôle des ressources minières un des enjeux majeurs d’un conflit régional. Le boom du coltan en 1999–2000 a provoqué une ruée sans précédent vers les zones minières d’une population jeune attirée par l’espoir d’un gain rapide. D’origine rurale ou urbaine, ces hommes et ces femmes ont cru trouver dans la mine une occasion d’émancipation vis-à-vis d’une société en crise profonde

30 Voir chapitre 2.2.31 Voir L’or noyé de Kamituga (2007), film de Yvon Lammens et Colette Braeckman, production Simple Production –Philofilm.

17Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

ne leur offrant pas de perspectives d’avenir satisfaisantes. Le boom du coltan a été de courte durée : après s’être négocié jusqu’à 230 dollars la livre en 2000, le tantale retrouvait fin 2001 ses valeurs d’avant 1999, soit entre 25 et 30 dollars. Pourtant, l’épisode a eu des conséquences durables car il a représenté une rupture irréversible pour beaucoup de jeunes embarqués dans l’aventure de la mine.32

1.2 Les lieux de l’exploitation : un mapping imparfait

Alors que le système de production et de commercialisation des minerais du Kivu est aujourd’hui bien documenté, il est toujours impossible de dresser une cartographie précise et exhaustive des lieux de production. Le document de référence qu’est la carte géologique et minière de la RDC publiée en 2005 par l’Africamuseum de Tervuren 33 reprend des données extraites de la carte des gîtes minéraux du Zaïre datant de 1976.34 La localisation des ressources minérales est bien sûr utile, mais elle n’informe pas sur la réalité de leur exploitation. Les cartes de la MONUC et d’OCHA ne donnent que des informations très succinctes et parcellaires sur les sites miniers.

Le document le plus intéressant est celui qu’a établi IPIS : la «cartographie des motivations derrière les conflits» localise non seulement les mines mais aussi les différents groupes armés au Nord et au Sud-Kivu sur la période comprise entre septembre 2007 et janvier 2008.35 Ce travail considérable a naturellement ses limites car il est impossible de cartographier simultanément sur l’ensemble d’un espace couvrant 59 500 km2 pour le Nord-Kivu et 65 000 km2 pour le Sud-Kivu des situations constamment changeantes. Ce véritable travail de Sisyphe repose en outre sur des informations provenant de correspondants locaux et difficiles à contrôler. La cartographie d’IPIS localise de très nombreux sites miniers sans faire le partage entre ce qui existe aujourd’hui et ce qui a existé dans le passé. Par exemple, on retrouve dans le parc national de Kahuzi Biega tous les noms des sites d’exploitation du coltan figurant déjà sur celle de l’étude INICA de 2004 qui se basait sur une étude plus ancienne d’une ONG de Bukavu. Un mille-feuilles de données empilant des localisations souvent imprécises dans l’espace comme dans le temps ne suffit pas pour constituer un état des lieux indiscutable et à jour.

La géographie des mines est encore imparfaite. Cela tient pour une part à la quasi impossibilité pour l’exploitation artisanale de se mettre en conformité avec le nouveau Code Minier de 2002. Celui-ci stipule en effet que l’activité artisanale doit s’effectuer dans une zone d’exploitation «délimitée en surface et en profondeur»; le titre IV précise que là où les conditions «ne permettent pas une exploitation industrielle ou semi-industrielle, le ministre des Mines peut ériger de tels gîtes dans les limites d’une aire géographique déterminée en zone d’exploitation artisanale». Or aucune de ces zones n’a jusqu’à présent été définie dans l’Est de la RDC.

L’information sur l’activité minière devrait en principe être centralisée dans les Directions provinciales des Mines. Celles-ci manquent malheureusement des moyens matériels et financiers qui leur permettraient de se rendre sur les sites miniers. Il en résulte que l’information reste partielle. L’opacité du secteur minier n’est pas seulement due aux pratiques de dissimulation et de fraude et aux entraves que représentent les groupes armés; elle commence avec les graves lacunes d’une géographie de la production qui n’est qu’ébauchée. De nombreux sites miniers mentionnés dans tel ou tel rapport ne sont pas localisés avec précision. Les spatiocartes établies par l’université de Gand pour le Musée de Tervuren n’indiquent les emplacements de mines que sur certaines planches, en particulier celles de la région stannifère du Maniema.

32 Voir chapitre 5.1.33 Musée royal de l’Afrique Centrale (2005). Carte géologique et minière de la République Démocratique du Congo, échelle 1/2 500 000,

Tervuren.34 Service géologique du Zaïre, Musée royal de l’Afrique centrale et BrGM (Bureau de recherches Géologiques et Minières) (1976). Carte des

gîtes minéraux du Zaïre, échelle 1/200 000.35 S. Spittaels & F. Hilgert (2008). Cartographie derrière les conflits : le cas de l’Est de la RDC. Anvers : IPIS, Fatal Transactions.

18 International Alert

L’exploitation minière de l’Est de la RDC se répartit entre deux types principaux de production :• L’or, alluvionnaire ou filonien, représente l’essentiel de la production de l’Ituri (Province

Orientale) et se trouve dans d’assez nombreux sites du Nord et du Sud-Kivu.• Lesmineraiscompositesdugroupedel’étainassocientplusieursmétaux,les«3T»,Tin,Tungsten,

Tantale. Au Congo, le tungsten porte le nom de wolfram; le tantale est présent dans la colombo-tantalite, dite couramment coltan, qui contient aussi un pourcentage variable de niobium. La composition des minerais varie selon les sites; coltan et cassitérite sont souvent associés, mais le coltan peut l’être avec le wolfram. L’intérêt porté à tel ou tel composant dépend de la demande : en 1999–2000 la cassitérite n’était qu’un sous-produit peu valorisé du coltan, c’est aujourd’hui l’inverse. Dans tous les cas les minerais contiennent du fer, considéré comme impureté, ce qui nécessite des opérations de séparation pour arriver à un taux de concentration en étain atteignant si possible 65% pour être commercialisé dans de bonnes conditions.

n L’établissement d’une cartographie exhaustive et à jour est un préalable à une bonne connaissance d’un secteur artisanal minier très dispersé.

Liste des principaux sites miniers connus36

Provinces Nom de la zone minière Production (minerai et volume) Nombre de mineurs

Orientale – Ituri

– Haut Uele

Mongbwalu,Kilo-Moto DjalassigaDurba

Or

Production d’or pour tout l’est de la rDC : estimations 5 à 10 tonnes

60 000

Nord-Kivu Bisie (Walikale)IteberoMumba-Bibatama

LuesheFatwa KasughoMusieneneManguredjipa

Cassitérite, 10 000 tonnesColtan, cassitériteColtan, cassitériteWolframiteProduction de cassitérite du Nord-Kivu estimée à 14 000 tonnes

NiobiumDiamantDiamantOr

Estimation pour la Province : 200 000

Sud-Kivu NumbiNyabibweKamaKamitugaTwangizaLugushwaMinoro

Coltan, cassitérite,TourmalineColtan, cassitériteColtan cassitériteOrOrOrDiamant

36 Voir carte Sites d’exploitation minière.

19Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

1.3 Les sites miniers du Nord-Kivu

Les minerais du groupe de l’étainLa plupart des sites se trouvent dans le «Petit Nord», formé des territoires de Walikale, Masisi, Rustshuru, et Nyiragongo. C’est la région la plus riche, principalement le territoire de Walikale, mais aussi la plus complexe du Kivu car elle concentre tous les facteurs de tension (fonciers, démographiques, ethniques, économiques, militaires). Elle a été en 2007 et 2008 au centre des combats qui ont opposé les FARDC et leurs appuis du moment, Maï Maï et parfois FDLR, au CNDP.

Le site minier le plus important est aujourd’hui Bisié, dans le territoire de Walikale. Selon l’étude approfondie de Nicholas Garrett,37 ce gisement exceptionnel fournirait 70% de la cassitérite exportée par Goma. Au moment de l’enquête (avril-décembre 2007), les quatre chantiers de production totalisaient 1 732 travailleurs. Une autre étude fait état de «7000 têtes» sur le site :38 aux mineurs s’ajoutent les porteurs, les commerçants, des membres de la famille, des prostituées.

Quelques sites sont accessibles par route, avec plus ou moins de difficultés et peuvent donc être localisés avec précision, par exemple au Masisi, un territoire principalement voué aux activités agro-pastorales qui ont fait sa renommée avant la guerre mais qui compte aussi quelques carrés miniers. A Mumba-Bibatama dans la zone de Ngungu, 3 carrés sont exploités, dont un appartient à une personnalité tutsie de premier plan de la province, le sénateur Edouard Mwangaschuchu Hizi.

Dans bien des cas la localisation des mines pose problème. Dans son étude sur «Le coltan et les populations du Nord-Kivu»,39 le Pole Institute fait mention d’un grand nombre de sites miniers (une trentaine) dans les territoires de Masisi, Kalehe, Walikale, mais sans les indications qui pourraient permettre de les localiser précisément, d’autant que les noms des villages ne sont pas toujours cohérents entre les cartes consultées. Des «foyers miniers» sont attestés au sud de Walikale, près d’Itebero, mais sans plus de précision sur la localisation des «collines» Nkuba et Kakelo.40 Pareillement, le Pole Institute signale des sites d’exploitation au nord du Parc national de Kahuzi Bieza, mais les noms cités ne sont pas localisables faute d’indications géographiques. L’Atlas de l’organisation administrative de la République Démocratique du Congo41 n’est pas d’un grand secours, car les sites miniers sont rarement référencés dans les études consultées par rapport aux groupements ou collectivités auxquels ils appartiennent.

Lueshe, pourtant le seul site industriel du Nord-Kivu, spécialisé dans le traitement du pyrochlore (niobium) n’apparaît pas sur les cartes IPIS, ni sur les spatiocartes, ni sur aucune des cartes générales récentes de la RDC. Il est indiqué en revanche sur la carte de la République du Zaïre de 1988. Cet effacement de Lueshe est surprenant; il souligne à quel point une mise à jour rigoureuse de la cartographie s’impose.

Or et diamant du «Grand Nord»Le «Grand Nord», qui comprend les territoires de Lubero et de Béni, ne compte que quelques sites stannifères. L’essentiel de l’exploitation minière porte sur l’or, principalement dans le territoire de Béni, et le diamant à proximité de Butembo et Lubero. Les études ne sont abondantes qu’au Petit Nord, probablement parce que le Grand Nord est moins touché par les conflits armés. Les Nande confèrent une forte cohésion sociale au Grand Nord, dont l’économie est par ailleurs une des plus dynamiques de toute la RDC. Butembo et Béni sont des centres de commerce très actifs, notamment dans le négoce des matières précieuses, or et diamant.42

37 N. Garrett (2008). Op. cit.38 AFED, Amis de la forêt et de l’Environnement pour le Développement (2007). Rapport général de l’étude sur l’exploitation artisanale des

ressources minières en territoire de Walikale : Cas du Coltan. Goma : AFED.39 A. Tegera (dir.) (2002). Op. cit.40 r. Pourtier (2004). L’économie minière au Kivu et ses implications régionales. INICA-OCDE.41 L. de Saint Moulin, J-L. Lalombo Tshibanda (2005). Atlas de l’organisation administrative de la République Démocratique du Congo. Kinshasa

: CEPAS.42 Voir le chapitre 3. Géoéconomie du commerce.

20 International Alert

1.4 Les sites miniers du Sud-Kivu

Les sites miniers se répartissent en deux ensembles : au nord de la province prédominent les minerais du groupe de l’étain, et au sud, l’or.

Les minerais du groupe de l’étainLes sites les plus accessibles se trouvent sur les routes Bukavu-Walikale et Bukavu-Goma. La mine de Nyabibwé (cassitérite-coltan) se situe au sud de Saké, en bordure de la route réhabilitée par «Agroallemande» (Welthungershilfe). Des résidus de machines abandonnées témoignent de l’ère «pré-artisanale». En revanche, l’important centre minier de Numbi (coltan, cassitérite, tourmaline) à la limite du Nord et du Sud-Kivu, est difficile d’accès.

La partie occidentale du Parc National de Kahuzi Biega, partagée entre Sud et Nord-Kivu a été envahie dans la plus grande illégalité lors du boom du coltan (la partie orientale autour du Mont Biega renommée pour ses gorilles de montagne est restée davantage protégée). L’ONG Vision Verte de Bukavu a dressé une cartographie précise de la soixantaine de mines qui ont été exploitées à l’intérieur du Parc. Le Diane Fossey Gorilla Fund est particulièrement attentif aux dommages causés à la flore et à la faune par la présence des mineurs.43 Il manque une information récente pour actualiser l’état des lieux.

L’orLa zone aurifère du Sud-Kivu comprend trois grands sites, Twangiza, Kamituga, Lugushwa qui forment, avec Namoya, situé au Maniema, le «sillon d’or» au sud-ouest de Bukavu. L’or alluvionnaire a été exploité à partir des années 1920 autour de Kamituga, l’or filonien plus tardivement. Après la période de confusion juridique des années de guerre, la Sakima (groupe Banro) est désormais seule détentrice des titres miniers mais la société canadienne est confrontée sur le terrain à la résistance de creuseurs artisanaux qui exploitent depuis longtemps des sites alluvionnaires à l’intérieur des périmètres des permis. Au cours des dernières années, Banro s’est surtout consacré à des travaux préalables à la relance de l’exploitation (recherches géologiques et minéralogiques, forages etc). En 2007, Namoya a fait l’objet d’une étude très fouillée44 réalisée par des ingénieurs sud-africains. Selon des informations orales, des Chinois participeraient à l’exploitation du site pour le compte de Banro.

L’information disponible sur le site Internet de Banro permet de localiser les mines avec une grande précision dans les périmètres qui intéressent la société. En revanche, la connaissance des sites d’exploitation artisanale situés à l’extérieur est plus aléatoire. Cela contribue à rendre particulièrement opaque une production et une commercialisation qui échappent très largement au contrôle des organismes d’Etat – mais pas à celui des détenteurs d’une forme ou d’une autre de pouvoir, qu’ils soient militaires ou civils.

Une autre ressource échappe au contrôle de l’Etat : le diamant. Il semble pourtant qu’il y ait de plus en plus d’exploitations diamantifères au Kivu, mais on y prête encore peu d’attention, considérant sans doute que le diamant est d’abord l’affaire des Kasaï, des zones du Bandundu frontalières de l’Angola et de la région de Kisangani. IPIS fait mention d’une production notable dans la mine de Shindano, près de Minoro (nord de Shabunda).45 Le Pole Institute cite la mine de Makania dans la région de Punia : des milliers de creuseurs abandonneraient les carrières de cassitérite pour le diamant. D’autres mines sont mentionnées au sud-est de Lubutu.

43 I. redmond (2001). Coltan boom, gorilla bust : The impact of Coltan mining on gorillas and other wildlife in Eastern DR Congo, May 2001, Diane Fossey Gorilla Fund and Born Free Foundation; K. D’Souza (2003). Scoping study of the artisanal mining of coltan in the Kahuzi Biega National Park (avril 2003). London : Diane Fossey Gorilla Fund.

44 SENET (2007). Preliminary assessment no 43-101. Technical Report, Namoya Gold Project, Maniema Province, RDC, prepared for Banro Corporation. Johannesburg : Senet House.

45 S. Spittaels & F. Hilgert (2008). Op. cit.

21Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

n La géographie de l’artisanat est évolutive, la capacité de mobilisation et de déplacement des creuseurs étant considérable.

1.5 Les sites miniers du Maniema

Le Maniema a longtemps été le cœur minier du Kivu. Jusqu’à l’effondrement des cours de l’étain en 1985, l’exploitation revêtait un caractère industriel, l’énergie était fournie par des centrales hydroélectriques, Lutshulukulu et Ambwe pour l’approvisionnement de Kalima et Kailo. Les centres miniers de la SOMINKI ont été fermés les uns après les autres dans les années 1990, mais la remontée des cours de l’étain a dopé l’exploitation artisanale. En comparaison du Nord et du Sud-Kivu, l’information sur le Maniema est très maigre. Ce bout du monde perdu mais épargné par les violences militaires récentes n’a pas suscité un grand intérêt parmi les chercheurs et les humanitaires.

La localisation des mines de l’ancienne SOMINKI est visible sur les spatiocartes. Cependant, nous ne connaissons pas leur état actuel. Elles sont réparties en plusieurs zones. Kalima, l’ancien siège de la Direction Générale de SOMINKI, accessible par la route depuis Kindu, est au centre d’une zone ayant conservé un potentiel minier. Quelques pistes d’aviation, Kamisuku, Kinkungwa, Kama, Kampene sont utilisées pour transporter du minerai vers Bukavu. Kailo a été un important centre minier; la production de cassitérite et wolframite part vers Kindu. Punia et Kasese produisent cassitérite et coltan. Selon un chercheur préparant une thèse sur le Maniema, Mr. Kalombo Vivi Lukongo, l’or est aussi activement recherché. Entre Kasese et Shabunda se trouvent de nombreux sites d’orpaillage, de même près de Kama et de Kampene. Dans le territoire de Kasongo, Bikenge est un centre important de production d’or, évacué par Kama. Au nord du Maniema, près de Lubutu des carrières de diamant sont mentionnées. Le parc de la Maïko renferme des mines d’or. Grégoire Kayobo, un ancien simba qui combattit en 1964 au côté de Laurent-Désiré Kabila, y a toujours son fief.

n Les informations recueillies sur le Maniema demeurent succinctes : il serait utile d’y effectuer des enquêtes de terrain afin de mieux appréhender la réalité de l’économie minière dans un espace dont la production s’écoule par les Kivus.

1.6 Les sites miniers de l’Ituri et du Haut-Uélé

L’activité minière est moins dispersée qu’au Nord et au Sud-Kivu. Elle se résume pratiquement à l’exploitation de l’or dans le vaste bassin aurifère qui s’étend au nord-ouest de Bunia, autour de deux centres de production importants, Mongbwalu en Ituri et Durba dans le Haut-Uélé. Le contrôle des mines d’or a été au centre des conflits armés d’une grande violence qui ont opposé plusieurs groupes politico-militaires entre 2002 et 2004. HRW a analysé ces événements dans un rapport très documenté paru en 2005.46

Comme toutes les entreprises zaïroises nationalisées, OKIMO n’a pas résisté à une gestion prédatrice. Après avoir sous-loué ses concessions à des sous-traitants, elle a dû se résoudre à chercher des partenariats avec des groupes internationaux. En 1996 Ashanti Goldfields acquérait les parts de Kilo-Moto Mining International, mais, comme pour Banro, la période allant de la campagne militaire de Laurent-Désiré Kabila en 1996–1997 jusqu’au retrait des troupes ougandaises en 2003 fut celle des tribulations les plus aventureuses. Pendant la rébellion, le leader du RCD-ML, dissident du RCD-Goma, Mbusa Nyamwisi joua un rôle clé dans les affaires minières.47 Un joint venture a finalement été négocié en 2003 en vue de l’exploitation de la concession 40 qui couvre 8 191 km2 autour de Mongbwalu; AGK (AngloGold Ashanti Kilo) associe OKIMO (13,787%) et AngloGold (86,22%).

46 Human rights Watch (2005). Op. cit. 47 Mbusa Nyamwisi, un Nande, fut ministre pendant la Transition et a depuis lors toujours été détenteur d’un portefeuille ministériel.

22 International Alert

L’or a suscité les convoitises de toutes les parties prenantes aux conflits régionaux (pillages des forces armées ougandaises dénoncés par le premier rapport du panel d’experts de l’ONU; conflit ethnique opposant Hema et Lendu, pour des questions foncières et de droits de pêche). Le retrait des troupes ougandaises laissa le champ libre aux milices qui se sont disputé le contrôle de Mongbwalu en 2002–2003. Les Hema de l’UPC, Union des Patriotes Congolais de Thomas Lubenga48 puis les Lendu du FNI, Front des Nationalistes et Intégrationnistes, se sont tristement illustrés par des massacres, notamment à Mongbwalu. Ce passé récent de violences a laissé des traces, d’autant qu’AngloGold avait conclu des accords avec le FNI, si bien que le retour à la normale a du mal à lever la suspicion à son égard. Les activités d’AGK se sont limitées à de l’exploration et à des études de faisabilité d’une part, à quelques actions à caractère social de l’autre (rénovation de l’hôpital, paiement de salaires dans le secteur de la santé, de l’éducation, de l’énergie). Le début de la production n’est pas envisagé avant 2011 – la crise actuelle n’étant pas faite pour accélérer les choses.

n Les lacunes d’information sur le Haut-Uélé nécessitent des investigations de terrain, d’autant plus que, selon des informations concordantes, la LRA se serait engagée dans le commerce des minerais.

1.7 Des quantifications au lieu d’une quantification

Il est impossible à l’heure actuelle de connaître avec un degré de fiabilité acceptable les quantités de minerais produites et exportées. Les principaux obstacles à une appréciation quantitative de l’économie minière sont :• la multiplicité des organismes qui interviennent dans le contrôle de la production et de

l’exportation des minerais, et le manque de coordination entre elles;49 • les déficiences dans l’élaboration des données statistiques, ce qui contribue à maintenir

l’économie minière dans une grande opacité volontaire favorisant les pratiques frauduleuses;• lafraudeadministrative:sous-déclarationdesquantitésexportéesetfalsificationdedocuments

par les services des douanes;• lacontrebandeauxfrontières,particulièrementimportantepourl’or.

Les incohérences statistiques entre les différents services administratifs sont mises en évidence par le Pole Institute avec l’exemple de la wolframite exportée à Goma en 2006 :

OFIDA 392 t Division des Mines 401 t

OCC 268 t Commerce Extérieur 295 t

Les données de l’OFIDA de 2006 pour le Nord-Kivu sont incomplètes : elles additionnent les exportations via Goma et Kasindi, mais pas celles de Bunagana et Ishasa à cause de l’insécurité due aux combats entre FARDC, FDLR et Maï-Maï :

Exportations de produits miniers du Nord-Kivu en 2006 (OFIDA)Poids Valeur $

Cassitérite (t.) 2 968 7 065 123

Wolframite (t.) 483 1 063 567

Coltan (t.) 41 217 558

Niobium (t.) 8 17 136

Or (kg) 9 109 918

48 Thomas Lubenga a été un des premiers à être arrêté pour crime de guerre et déféré devant la CPI.49 Voir chapitre 3. Les acteurs-clés du commerce, les administrations.

23Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

A ces incertitudes relatives à la production s’ajoute le flou concernant le potentiel minier, soit par suite de la culture du secret des sociétés minières, soit par manque de connaissances fondamentales. C’est ainsi que l’évaluation des réserves de tantale se situe dans une fourchette extrêmement large allant de 15 à 60% des réserves mondiales.

Les chercheurs qui tentent une quantification des volumes et de la valeur des minerais ont recours à différents moyens indirects :• l’estimationdunombredevolseffectuésparlesavionspetitsporteursquidesserventleszones

minières, sachant qu’ils transportent en principe 2 tonnes de minerai par rotation;• lecroisementdesrésultatsd’enquêtesauprèsdesmineurs,desnégociantsetdescomptoirsd’achat,

mais seules un petit nombre de mines, comme Bisie, sont à cet égard bien documentées, de sorte qu’en l’absence d’enquêtes exhaustives le recours aux extrapolations relève du bricolage statistique;

• larechercheversl’avalafricaindelachaînedecommercialisation:contrairementàlaRDC,les statistiques des directions ministérielles chargées du commerce extérieur au Rwanda sont bien tenues et considérées comme fiables. Les structures administratives de l’Ouganda et du Burundi ne sont pas aussi performantes que celles du Rwanda, mais les données statistiques sont malgré tout exploitables;

• lesenquêtesauprèsdestransporteurs;• les chiffres du commerce extérieur issus des grandes banques de données (EUROTRACE,

TRADEMAP, EUROSTAT, etc.) qui malheureusement ne sont pas concordants;• l’analyse des données fournies par les sociétés européennes, américaines et asiatiques

importatrices de minerais en provenance de l’Afrique des Grands Lacs.

Les estimations de production/exportation mentionnées dans les rapports sont toujours parcellaires. L’étude la plus récente (avril 2009), «Trading Conflict for Development»,50 donne les chiffres de production suivants établis à partir de données de la Division des Mines de Goma et de la FEC (Fédération des Entreprises du Congo) de Bukavu. Les auteurs affectent ces chiffres d’un coefficient de 35% pour tenir compte de la contrebande. Ce coefficient est lui-même une estimation.

Exportation de minerais du Kivu, 2007 et 2008 (en tonne)2007 + 35% 2008 + 35%

Cassiterite 13 656 18 435 18 216 24 592

Wolframite 1 095 1 479 652 880

Tantale 267 360 383 517

Le Pole Institute a produit des estimations sur une plus longue période (1999–2006), ce qui permet de montrer l’évolution de la production par minerai : boom passager du coltan, reprise spectaculaire de la cassitérite, plus récemment du wolfram (tungsten), crise de l’usine de Lueshe (niobium). En revanche, ces chiffres sont loin de refléter l’importance de la production réelle, car la fraude est considérable.

Année Cassitérite Coltan Wolframite Niobium

1999 71 5 5

2000 23 15 15 22

2001 550 90 28 605

2002 497 28 28 1339

2003 938 26 26 670

2004 4 672 42 42 386

2005 3 599 26 26 91

2006 2 909 39 401 9

Source : Pole Institute, 2007

50 N. Garrett and H.Mitchell (2009). Op. cit.

24 International Alert

n En conclusion, la question statistique reste entière. La collecte de données quantitatives portant sur les volumes de la production minière ne permet pas une quantification fiable sur l’ensemble de la zone étudiée.

n L’évaluation quantitative de la production nécessite une méthodologie de recoupement des données qu’il reste à bâtir à partir des données administratives, de la FEC et des enquêtes de terrain auprès des producteurs et transporteurs. Compte tenu de l’absence de centralisation et de fiabilité des statistiques et de la dispersion des sites, une telle enquête sera nécessairement locale et ne fournira pas une vision exhaustive. La contrebande sera toujours le point aveugle de la quantification.

25Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Chapitre 2 : Le système de production

résumé :

Le caractère informel de la production minière n’empêche pas qu’elle soit très structurée. Le système est fondé sur l’exploitation du travail de la multitude des mineurs et sur une cascade de prélèvements effectués par tous les acteurs, civils ou militaires, intervenant entre la mine et les comptoirs d’achat. Creuseurs, pelleteurs, porteurs travaillent avec un outillage rudimentaire et leur seule énergie musculaire sous la surveillance de chefs d’équipes ou de militaires. Les différents groupes armés, tout comme l’armée congolaise (FArDC) participent activement à la prédation.

L’enchevêtrement entre droit coutumier et droit moderne entretient une confusion juridique, source de conflits potentiels. Les sociétés internationales (groupe Banro, AngloGold Ashanti), qui se sont substituées à la SOMINKI et à l’OKIMO, tardent à démarrer leurs activités dans un environnement non sécurisé. Leur arrivée soulève la question de l’avenir des mineurs et de la cohabitation entre artisanat minier et exploitation industrielle.

Pour les raisons exposées dans le chapitre 1, la production de substances minérales au Kivu et dans la Province Orientale est entièrement artisanale, en attendant le retour des grands groupes internationaux. Ce retour est retardé par l’insécurité endémique et depuis 2008 par la crise de l’économie mondiale qui a entraîné une forte baisse des cours des matières premières, à l’éxception de l’or.

Bien que l’artisanat minier relève du secteur dit «informel», il n’en est pas moins fortement organisé. Tous les acteurs économiques participent à un système qui a sa cohérence interne et ses règles, même s’il fonctionne aux marges de la légalité de l’Etat et s’il inclut des hommes armés. Il en résulte des contradictions, notamment entre pouvoirs coutumiers et autorités administratives, mais aussi des formes hybrides de gestion articulant tradition et modernité dans le cadre d’un bricolage institutionnel local.

La production des minerais reste conforme au schéma de l’économie de cueillette qui prévalait au début de la colonisation. Une main-d’œuvre innombrable travaille avec un outillage rudimentaire et sa seule énergie musculaire pour extraire du sous-sol des produits exportés à l’état brut ou, au mieux, ayant subi une première transformation dans les comptoirs d’achat (depuis 2007 seuls sont agréés, en principe, les comptoirs équipés de séparateurs magnétiques et de concentrateurs qui permettent de donner une valeur ajoutée aux minerais du groupe de l’étain).

Les méthodes artisanales d’extraction du minerai sont les mêmes au Kivu ou en Ituri que dans toutes les régions de la RDC qui participent à la production minière, qu’il s’agisse des Kasaï ou du Katanga. Le creuseur est une figure nationale, certains spécialistes estimant qu’il y aurait 2 millions de mineurs artisanaux dans l’ensemble du pays. L’est du Congo se différencie des autres régions minières sur deux points :• latotalitédelaproductiondépendactuellementdutravaildescreuseurs;• lestensionssocialesetethniquesysontexacerbéesparlesconflitsfonciers,lesressentimentsdes

«autochtones» envers les «étrangers» et l’héritage du débordement des violences rwandaises sur l’est du Kivu. La généralisation de l’artisanat s’est faite dans ce contexte qui a favorisé la militarisation de l’économie.

26 International Alert

2.1 Droits de propriété, droits de prospection, droits d’exploitation : entre confusion, incertitudes, enchevêtrements et «arrangements locaux»

Une situation juridique confuseSavoir qui est propriétaire d’une mine est d’apparence très simple, mais il n’en est rien. C’est en réalité très complexe car on est en présence d’un chevauchement de droits. Comme partout en Afrique subsaharienne, droit coutumier et droit moderne issu de la colonisation s’entrechoquent. La transposition du droit foncier européen parmi des sociétés dont l’accès à la terre répondait à d’autres critères qu’à celui de la propriété privée s’est heurtée à la résistance des pouvoirs coutumiers en milieu rural. Dans les sociétés à chefferie de l’Est du Kivu, les mwami sont les détenteurs de droits fonciers qu’ils délèguent à des «chefs de terre» ou des «chefs de colline» dont la légitimité repose sur le droit du premier occupant, un droit qui se transmet par héritage. L’administration coloniale s’était appuyée sur les chefs coutumiers en leur confiant des responsabilités administratives. L’avènement de la République a affaibli leur autorité en les privant, d’un point de vue légal, de leurs prérogatives foncières. La Loi Bakajika de 1966 complétée par la Loi foncière de 1973 a, en effet, attribué à l’Etat la plénitude des droits sur le sol et le sous-sol et l’exclusivité des compétences en matière de transactions foncières. Il y a cependant loin de l’écrit à la pratique, surtout dans un Etat défaillant, incapable d’appliquer ses propres lois.

Dans des territoires très éloignés de Kinshasa et de plus en plus isolés par la décomposition des infrastructures de transport, les chefs coutumiers ont conservé un réel pouvoir et ils continuent à revendiquer leur prééminence foncière. Ils sont toutefois bien informés des procédures légales d’accès à la propriété et savent en réalité jouer sur les deux tableaux pour se faire délivrer des titres fonciers. Un double droit coexiste donc, ce qui contribue à brouiller le statut du sol et aboutit de facto à l’ouverture du marché foncier et à la formation d’une classe de propriétaires constituée de «big men» : exploitants agricoles, notamment éleveurs, commerçants, politiciens, gradés de l’armée. Les transactions foncières ont varié au gré des changements politiques. Sous l’administration du RCD-Goma les rwandophones, principalement les Tutsis, ont été favorisés. Un document rédigé par les autorités coutumières du territoire de Kalehe en 2004, dénonce les «ventes anarchiques des terres avec la complicité des autorités de la Province, du Cadastre et des Affaires foncières de Bukavu». Il donne une liste de noms d’acheteurs, dont un député du RCD et le Gouverneur du Nord-Kivu, Eugène Serufuli; des photocopies d’actes de vente et baux emphytéotiques étayent le memorendum qui demande notamment la restauration des droits du Mwami Ntale IV de la chefferie de Buhavu.51 Il existe un grand nombre de mémorandums provenant de la société civile, d’associations et ONG locales : ils font toucher du doigt la réalité locale des conflits d’intérêts entre acteurs. Un des défis et non des moindres sera de clarifier la question foncière des contentieux que les déplacements de population provoqués par les guerres ont multipliés52 – tâche particulièrement complexe étant donné l’opacité des services cadastraux et les multiples contentieux entre propriétaires légitimes et occupants de fait.

n Les intérêts fonciers interfèrent avec les intérêts miniers.

La colline et le carréL’exploitation minière a introduit un nouveau paramètre juridique, le droit minier étant distinct du droit foncier. Selon le code de 2002, le cadastre minier l’emporte sur le cadastre foncier. En cas d’attribution de permis miniers, les détenteurs de titres fonciers peuvent seulement prétendre à une indemnisation. Le cas, le plus général, où les chefs coutumiers ne possèdent pas de titre foncier, ouvre les voies de la négociation ou du rapport de force. Dans l’Est de la RDC, les chefs coutumiers qui se déclarent «propriétaires de collines» justifient à ce titre leur droit à exploiter

51 Entente des ressortissants du territoire de Kalehe «ErEKA», Memorandum des notables du territoire de Kalehe à l’intention de son excellence Monsieur le Président de la République Démocratique du Congo à Kinshasa, 4 mai 2004.

52 S. Mugangu Matabaro (2008). «La crise foncière à l’est de la rDC». L’Afrique des Grands Lacs, annuaire 2007–2008, pp.385–414.

27Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

les minerais ou à retirer une rente locative. La colline n’a aucune existence juridique au regard du code minier53 pour lequel un titre minier n’est recevable que s’il est enregistré au cadastre minier (CAMI). Le règlement minier54 apporte toutes les précisions techniques concernant le quadrillage du territoire national.

L’unité cadastrale de base est le carré. Les côtés du carré, orientés est-ouest et nord-sud, correspondent à «un intervalle angulaire de 30 secondes en coordonnées géographiques représentées sur les cartes géographiques officielles à l’échelle du 1 : 200 000 de tout le territoire national, produites par l’Institut Géographique du Congo» (art. 39 du règlement minier). Chaque carré couvre une superficie de 84,955 hectares. Précision admirable étant donné l’état de la couverture cartographique du territoire. Les concessions minières, les permis de recherche sont délimités en fonction de ces carrés. Pour ce qui concerne l’artisanat, le Ministre des Mines définit des zones d’exploitation artisanale notifiées au Cadastre Minier qui les porte sur les cartes de retombes minières (art. 109 du code minier). L’article 109 précise aussi qu’ «un Périmètre faisant l’objet d’un titre minier en cours de validité ne peut pas être transformé en zone d’exploitation artisanale».

Sur le terrain, la situation est très éloignée d’un code inapplicable dans le contexte congolais. La totalité ou presque des exploitations artisanales de l’Est du Congo sont hors la loi car : • aucunezoned’exploitationartisanalen’aétédéfiniedanslesmines(ditesaussicarrièresou

chantiers) récemment ouvertes;• lesmineurssontrarementdéclarés;• ungrandnombredesitesexploitéssesituentdansdesconcessionsthéoriquementprotégées

par des titres miniers.

L’imbrication entre la colline et le carré crée des situations juridiquement hybrides et prêtant souvent à contestation entre exploitants de carrières, détenteurs de permis et «propriétaires» du sol. Le Pole Institue en donne un exemple dans le Masisi en rappelant que les conflits ne sont pas nouveaux, que les droits s’acquièrent à coup d’argent dans cette jungle où la loi du plus fort est la norme, où «les vaches sont désormais remplacées par les fameux «carrés miniers» d’exploitation du coltan».55 La réalité de terrain est toujours très complexe. Par exemple, dans le Masisi la mine de Mumba/Bibatama comprend trois carrés très riches en cassitérite, coltan, wolframite. L’un d’eux est exploité par la société Hizi international du Sénateur Mwangachuchu, le seul, semble-t-il, à posséder un permis d’exploitation. Un secteur formel, en règle avec le Code Minier, coexiste avec le secteur informel.

Un modèle d’arrangement entre acteurs légaux et illégaux : la mine de BisiéLes enjeux économiques suscités par la mine de Bisié illustrent l’imbrication entre les deux niveaux de droits de même que la concurrence entre groupes internationaux et locaux.56 Après la découverte de la richesse du site minier, deux comptoirs de Goma se sont trouvés en compétition pour avoir leur part dans l’exploitation économique, GMB, Groupe Minier Bangandula et MPC, Mining and Processing Congo. GMB a été constitué par des actionnaires locaux autour d’Alexis Makabuza (détenteur de 50% des parts) un des hommes les plus en vue du complexe politico-affairiste tutsi de Goma, proche de Laurent Nkunda. MPC est associé à MPA, Metal Processing Association dont dépend la fonderie d’étain de Gisenyi. Les deux sociétés sont des filiales du groupe sud-africain Kivu resources basé à Maurice.

Sur le terrain, chacune de ces sociétés s’est alliée avec un chef coutumier influent issu de l’une des quatre familles qui prétendent détenir des droits fonciers, la famille Bangandula pour la première, Bassa pour la seconde. Chacun de ces chefs se déclare «chef de colline» en se prévalant du «droit du premier occupant». Sur le plan juridique, GMB a signé en octobre 2005 un contrat d’amodiation avec Sakima portant sur 7 concessions dont celle de Biruwe était censée inclure Bisié. Courant 2006 GMB prit «possession» de la mine après avoir signé un contrat avec l’administrateur du territoire

53 Code minier. Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002. Journal Officiel de la république Démocratique du Congo, 15 juillet 2002.54 Règlement minier, Décret n° 038/2003 du 26 mars 2003, Journal Officiel de la république Démocratique du Congo, 1er avril 2003.55 A. Tegera (dir.) (2002). Op. cit. 56 N. Garrett (2008). Op. cit.

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de Walikale pour assurer la sécurité de son personnel, et surtout après s’être entendu avec la 85ème Brigade non intégrée qui contrôlait de facto la zone minière. De son côté, MPC après avoir prouvé grâce au GPS que le site de Bisié était hors de la concession a obtenu en septembre 2006 un permis de recherche couvrant la zone litigieuse.

Les chefs de colline des familles Bangandula et Bassa ont fini par s’entendre et ont signé un accord avec MPC qui s’est engagé à leur ristourner un pourcentage de ses revenus. Quant à la 85ème Brigade elle garantissait le fonctionnement du système et un minimum de sécurité en prélevant sa part sur la production à la sortie de la mine. Entre les acteurs «légaux» comme MPC, en règle avec le Code Minier, et les acteurs qui s’appuient sur le droit coutumier ou la force des armes, il y a davantage de complémentarité d’intérêt que d’opposition.

n Les périodes troublées et l’informalisation de l’Etat congolais ont aggravé une incertitude juridique qui ouvre les portes à tous les arrangements entre les formes de pouvoir local (administrateurs, chefs coutumiers, milices, politiciens locaux, forces de sécurité) et les hommes d’affaires congolais. La «propriété» d’un site minier n’est jamais un acquis définitif mais un compromis dynamique entre pouvoirs locaux.

2.2 Droits des groupes miniers internationaux : anciens et nouveaux acteurs

Depuis le renversement de Mobutu en 1997, les guerres civiles, une transition aux tractations labyrinthiques, et la lenteur de la mise en place des nouvelles institutions ont eu de graves conséquences pour les sociétés minières anciennes ou nouvelles qui tardent à devenir opérationnelles. Malgré les incertitudes, de nouveaux groupes miniers qui n’ont pas de passé à épurer entrent en scène et prennent position au Kivu en misant sur l’avenir.

L’héritage contesté de la SOMINKILa vente de la SOMINKI a donné lieu à un de ces imbroglios juridiques dont le Congo-Zaïre est coutumier. Envisagée dès 1986 par le groupe Empain, elle ne s’est conclue que dix ans plus tard, en 1996, par la vente au groupe canadien Banro et à la société belge Mines d’or du Zaïre (MDDZ). Banro, après avoir racheté les parts de MDDZ, a créé la SAKIMA, Société Aurifère du Kivu-Maniema, création juridiquement entérinée par un décret en date du 6 mai 1997, soit dix jours seulement avant la chute de Mobutu. La société Banro devenait détentrice des 47 concessions couvrant au total plus de 10 000 km2 qui constituaient le patrimoine de SOMINKI, dont six concessions aurifères : Kamituga (3), Lugushua, Namoya et Twangitza.

La liquidation de la SOMINKI s’est faite dans une grande confusion consécutive au contexte politique : campagne militaire de l’AFDL accompagnée du pillage des stocks et des bâtiments de la société; accession au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila. Principalement intéressé par l’or, Banro décida de ne pas s’impliquer directement dans l’exploitation des concessions stannifères : en octobre 1997, la SAKIMA signa une convention d’amodiation avec la RMA, Ressources Minérales Africaines, une société de Kinshasa appartenant au belgo-américain Bernard Van Rooyen. La gérance de la RMA était déléguée à un homme d’affaires bien connu de Goma, Victor Ngezayo, un métis tutsi.57

L’attitude de Banro, décidé à se dégager du volet étain, la remise en cause des contrats conclus par Mobutu pendant la guerre de libération menée par Kabila et sans doute aussi l’hostilité croissante de celui-ci envers les dirigeants du Rwanda, le conduisirent à abroger le décret de création de SAKIMA par un décret du 29 juillet 1998 – à la veille du déclenchement de la seconde guerre

57 Son frère, Albert, a été assassiné en mars 2008, peut-être suite à une confusion des tueurs. Celui-ci n’était en tout cas pas impliqué dans les affaires politico-minières, à la différence de Victor. Ce dernier cherchait à faire reconnaître ses droits, ou à les monnayer. Pendant la rébellion il avait pris ses distances vis-à-vis du rCD-Goma en créant son propre parti politique. Quoi qu’il en soit, assassinats et autres règlements de compte ne sont pas rares dans ce «Far East» congolais et ajoutent à l’insécurité endémique.

29Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

du Congo. Le même jour, une nouvelle société, la SOMINCO, Société Minière du Congo, était créée, décision suivie, le 31 juillet 1998, par la déchéance de tous les titres miniers de Banro récupérés par l’Etat congolais. Il n’est pas anodin que la nomination comme administrateur délégué de la SOMINKO se soit portée sur le mwami de Luhwinja, Philemon Naluhwindja, lequel n’avait cessé de revendiquer ses droits sur les terres attribuées au concessionnaire : les pouvoirs coutumiers restent une des parties prenantes de ce jeu complexe qui articule intérêts économiques, revendications juridiques et postures politiques.

Les acteurs congolais ne sont toutefois pas maîtres d’un jeu soumis à des règles internationales. Le contentieux opposant Banro à l’Etat congolais a été porté devant la Cour internationale d’arbitrage de Washington, le CIRDI, Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements. Après la parenthèse de la guerre, génératrice d’une grande confusion, la situation s’est normalisée, tout au moins sur le plan juridique, avec la restitution de ses concessions à Banro (décret d’avril 2003), même si le contentieux n’est peut-être pas définitivement réglé entre Banro et la RMA. Si la situation est en principe clarifiée en droit, elle ne s’est traduite sur le terrain que par les travaux préparatoires à l’exploitation. Pendant qu’avocats et experts bataillent dans les salons dorés de la justice internationale, des dizaines de milliers de creuseurs remuent la terre sur les permis du concessionnaire.

La SOMIKIVU : situation confuse et avenir incertainLa Société des Mines du Kivu, créée en 1982, associe l’Etat congolais (20%), la société allemande GFE, Gesellschaft für Elektrometallurgie (70%) et la société belge Cofimines (10%). GFE est une filiale de l’américaine Metallurg, dont le principal actionnaire, selon David Barouski, est Safeguard International Fund basé à Wayne, Pennsylvanie.58 En 2006 Metallurg a absorbé la société néerlandaise Advanced Metallurgical Groupe (AMG) dont le conseil de surveillance comporte, selon Barouski, de nombreuses personnalités politiques et financières influentes. Au Congo, en bout de chaîne des réseaux politico-financiers des grandes puissances, la fonction de Directeur Général de SOMIKIVU est assurée par Modeste Makabuza, un des hommes d’affaires les plus influents de Goma (son frère Alexis, qu’on dit proche de Laurent Nkunda, est aussi présent dans le secteur minier par l’intermédiaire de Bangandula Group).

La SOMIKIVU avait été mise en sommeil après 1993, l’insécurité provoquée par les massacres interethniques ayant provoqué le départ du personnel expatrié. Pendant la période du RCD-Goma, l’activité a repris sous la direction de Karl-Heinz Albers, la société Niobium Mining Company (NMC) basée en Angleterre fournissant l’assistance technique. La situation juridique s’est compliquée lorsque Krall Metal Congo (KMC) société créée en 1999 à Kinshasa, s’est vu attribuer par l’Etat congolais (arrêté du 6 avril 1999) les droits de GFE. Depuis la «réunification» Krall Metal a tenté de faire valoir ses droits avec l’appui de Kinshasa qui trouvait là une occasion de restaurer son autorité au Kivu en affaiblissant l’héritage du RCD, lequel avait tiré profit d’une société impliquée dans le pillage des ressources. Ayant fait l’objet de poursuites judiciaires, Karl Heinz Albers a démissionné en mars 2004, en déléguant ses pouvoirs à Julien Boillot, administrateur de Niobium Mining Company qui les délégua à son tour à Modeste Makabuza. Selon le rapport de l’ONU de 2001, celui-ci entretient de bonnes relations avec Paul Kagame. Sa compagnie Jumbo Safari participe au transport du minerai. En 2003, le rachat par NMC de la fonderie d’étain à Kigali a renforcé les liens avec le Rwanda.

En 2007, l’administrateur de SOMIKIVU avait annoncé une relance de la production. Il n’en a rien été pour plusieurs raisons : la persistance de l’insécurité et des violences armées, les difficultés croissantes d’accès à l’usine consécutives à la dégradation des infrastructures routières, le manque chronique d’énergie, l’état de la demande mondiale en pyrochlore qui ne justifie pas des investissements relativement lourds dans un pays à risque.

58 D. Barouski (2008). The case of the Lueshe Mine, ZSpace (27 juillet 2008). Voir http ://www.zmag.org/zspace/commentaries/3566.

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La valse des contrats pour Kilo MotoL’histoire de la propriété des mines d’or de Kilo Moto est particulièrement agitée. En 1991, Kilo-Moto Mining International (KIMIN) a signé un contrat avec OKIMO concernant 2 000 km2 autour de Mongbwalu. En 1996, Ashanti Goldfields a racheté les parts de KIMIN mais, en 1997, Laurent-Désiré Kabila a rompu le contrat de manière unilatérale et l’a attribué à Russell Ressources International (Australie). Mbusa Nyamwisi, alors chef du RCD-ML avant de devenir ministre pendant la transition, avait de son côté attribué la gestion de l’entreprise d’Etat OKIMO à un certain Kiza qui louait les concessions à certains de ses proches. En 2000, un nouveau contrat entre Ashanti et OKIMO a été signé aboutissant à la création d’un joint-venture (AngloGold Ashanti Kilo, AGK) et, en 2001, Ashanti a obtenu les droits sur toute la concession 40. Le joint-venture détient les droits sur cette concession depuis 2003 : OKIMO 13,78% et Anglo 86,22%. AGK est revenu sur le terrain en 2004 et a entretenu des «relations douteuses» avec le FNI qui ont été documentées dans la presse internationale (soins aux miliciens, attribution d’un logement à un chef de milice et transferts financiers) et ont forcé cette société à condamner ces pratiques.59 Le rétablissement du contrôle de l’Etat à Mongbwalu, site très disputé entre milices, s’est effectué grâce à la MONUC (déploiement d’un bataillon d’infanterie pakistanais en 2005) et à une des premières brigades intégrées des FARDC. Entre 2005 et 2007, AGK a fait de l’exploration et des études de faisabilité et prévoit de commencer la production seulement en 2011, faute d’infrastructures. Désormais, le problème n’est plus les groupes armés mais les mineurs artisanaux qui contrôlent physiquement les gisements : en décembre 2007, le gouverneur de la Province Orientale (Médard Autsai Asenga) a prononcé la fermeture de la mine d’Adidi pour des «motifs de santé et de sécurité». En fait, il s’agissait d’une manœuvre pour permettre à AGK de reprendre le contrôle physique du site grâce à la police qui en interdit maintenant l’entrée.

Les nouveaux venusLes perspectives de normalisation de la situation politique en RDC et la forte hausse des prix des matières premières minérales, la cassitérite entre autre, entre 2004 et 2008 ont attiré des sociétés internationales jusqu’alors absentes du Congo. Ces nouveaux venus ont acquis des droits mais n’ont pas encore commencé la phase de prospection.

C’est le cas par exemple de Shamika Resources Inc., une société immatriculée au Canada qui se présente comme une junior mining company visant à promouvoir par l’extraction minière le développement durable au service de la population. En janvier 2007 elle a créé une filiale congolaise, Shamika Congo Kalehe Sprl et ouvert un bureau à Goma. D’après son site internet,60 elle a acquis des droits miniers au Nord-Kivu, au Sud-Kivu, au Maniema, dans la Province Orientale et au Katanga. Au Maniema, elle est détentrice de trois permis dans la région Punia-Lubutu. Au Sud-Kivu, la société détient des permis dans l’île d’Idjwi et à Kalehe. Au Nord-Kivu, ses visées portent sur le territoire de Walikale, dans l’Orientale sur le site de Poko, au Katanga sur celui de Manono, naguère centre de l’exploitation industrielle de l’étain au Congo. Au total, elle détient 15 permis de recherche.

Transafrika, une société de droit mauricien avec des capitaux majoritairement sud-africains, détient des permis de recherche dans le sud du Sud-Kivu mais n’a pas débuté la prospection.

Début 2009, une société russe, Congo Russia Industry, filiale de Rosspetssplav, a manifesté son intention de relancer la production de niobium au Nord-Kivu. Une holding basée au Luxembourg, Midural Inc, détient les actifs congolais et le ministre des Affaires étrangères congolais s’est rendu en Russie. La pénétration russe dans ce secteur est déjà sujette à des problèmes : les autorités congolaises ont confisqué une cargaison de niobium au motif que les minerais proviendraient d’une zone anciennement contrôlée par le CNDP.61

59 Human rights Watch (2005). Op. cit. 60 Shamika resources. Voir http://www.shamikaresources.com/overview.cfm.61 Africa Mining Intelligence, 29/04/2009.

31Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

n Comme dans toutes les régions minières de RDC, le retour des sociétés industrielles pose de façon aiguë la question de l’avenir des creuseurs, l’économie informelle étant profondément ancrée dans les pratiques sociales depuis 1982.

n A l’instar du Katanga, le Kivu est aussi le terrain de grandes manœuvres des groupes internationaux qui dominent le secteur minier. Une vision d’ensemble nécessite des investigations auprès des autorités minières chargées de délivrer les titres.

2.3 Les forces armées ou le contrôle territorial des mines

Les forces armées sont un des acteurs cruciaux du système économique minier comme cela a été démontré par les nombreuses enquêtes de l’ONU et des ONG militant pour la paix et les droits de l’Homme.62 Le travail de cartographie remarquable d’IPIS a localisé les positions des différents groupes armés pendant la période septembre 2007- janvier 2008. Depuis lors, d’importants changements se sont produits à la suite des combats de l’été et de l’automne 2008 et surtout des événements militaires de l’hiver 2009 : arrestation de Laurent Nkunda en janvier, suivie de l’intégration des troupes du CNDP dans les FARDC et offensive conjointe du Rwanda et de la RDC contre les FDLR. Après s’être retirés dans les profondeurs de la forêt, ces derniers sont maintenant en phase de retour au détriment des populations villageoises. • LesFDLR:63 présents au Nord et au Sud-Kivu, avec une forte concentration de leurs troupes

dans le Petit Nord où se trouvait leur QG à Kalonge, ils stationnent principalement dans des zones de forêt, notamment aux marges des Parcs nationaux et Réserves naturelles (Virunga, Kahuzi Biega, Tayna). La fonction refuge de la forêt est particulièrement importante pour la fraction des FDLR composée d’anciens miliciens hutus interahamwe redoutant d’être jugés et condamnés comme génocidaires en cas de retour au Rwanda. Selon le rapport préliminaire du Groupe d’experts, ils réalisent plusieurs millions de dollars grâce au contrôle direct sur de nombreux sites de production (75% de leurs ressources proviendraient du commerce de minerais). Ils contrôleraient la majorité des sites miniers artisanaux du Sud-Kivu sauf Kamituga (cassitérite, or et coltan), des gisements d’or à l’ouest de Lubero et de cassitérite dans la zone de Walikale au Nord-Kivu, la mine de Unde dans le «Grand Nord» et d’autres sites dans le parc de Kahuzi Biega à la frontière des deux Kivus. Le 3ème bataillon des FDLR-FOCA est présent dans la zone de Kilembwe et perçoit de l’or et de la cassitérite.

• LeCNDP : l’implantationduCNDPcorrespondauxespacesduMasisi etde la régiondeRutshuru où les «Tutsis du Congo» sont les plus nombreux. Il s’agit de zones vouées aux activités agropastorales où les sites miniers sont peu nombreux. En 2007 et 2008, lorsque le CNDP, fort de ses victoires militaires, renforça ses positions, il organisa à son profit une fiscalité parallèle aux postes frontières d’Ishasa et Bunangana et, comme tous les groupes armés, préleva des taxes à chacun des barrages mis en travers des routes.64 Le CNDP a aussi été présent sur quelques sites de coltan et la mine de Lueshe. D’après les Nations Unies, seules 15% de ses recettes proviendraient de l’activité minière.

• LesMaïMaï:lesMaïMaïetautresmiliceslocalesserattachentàunetraditionancienned’auto-défense des communautés rurales. Le PARECO rassemble plusieurs ethnies «autochtones» sous le leadership d’un Nande, le général Sikuli Lafontaine, en particulier les Hunde, Nyanga, Tembo, déjà alliés lors des massacres interethniques qui les opposèrent en 1993 aux Banyarwandas, auxquels se sont joints les Havus et quelques Hutus. Le rapport des experts de l’ONU de décembre 2008 considère qu’il s’agit du troisième groupe armé en importance. Très attachés à leur indépendance mais en même temps facilement instrumentalisés par les leaders politiques, leurs alliances sont fluctuantes, le seul point

62 Voir carte Les groupes armés au Kivu.63 Voir carte Localisation des FDLr.64 S. S.Andrew (2008). Laurent Nkunda et la rébellion du Kivu. Au cœur de la guerre congolaise. Paris : Karthala.

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commun à tous les groupes maï maï étant le rejet viscéral des «étrangers», notamment les Tutsis. Les enjeux fonciers, beaucoup plus que miniers, sont au cœur des combats menés par le Pareco qui dénonce ce qui apparaît à ses yeux comme une menace de création d’un «Tutsiland» et s’oppose au retour des réfugiés tustis. A Shabunda et dans l’extrême nord de Kalehe, le PARECO a déployé des unités sur des sites miniers. Les Maï Maï participent, à l’instar de tous les groupes armés, au système généralisé d’extorsion en assurant la «protection» des mines situées dans les zones qu’ils contrôlent, notamment dans le Petit Nord, et en prélevant des taxes aux barrages installés sur les routes.

• lesFARDC:auKivuetenIturi,l’arméecongolaiseatrouvédansl’économieminièreuneoccasion idéale de prédation. Dans les mines et sur les routes, les soldats prélèvent en toute illégalité des taxes qui seraient destinées à la hiérarchie militaire de Bukavu. Plusieurs brigades participent à la militarisation de l’artisanat minier65 et en tirent profit : - la 18ème brigade intégrée tient le terrain d’atterrissage de Lulingu au Sud-Kivu pour

l’exportation de la production de Kahuzi Biega.- la 122ème brigade contrôle Kamituga et la route entre Mwenga et Kitutu au Sud-

Kivu.- des militaires du 12ème bataillon des FARDC exploitent l’or (mine de Mufa) et la

cassitérite (mine de Karhembu) à Tubimbi dans le territoire de Walungu (Sud-Kivu). - la 11ème brigade intégrée contrôle Shabunda, la cité d’où partent les exportations

vers Bukavu.- la 6ème brigade du Sud-Kivu contrôle la mine de Mobale. - la 85ème brigade, commandée par le colonel Samy Matumo, contrôlait la zone de

Walikale et notamment la mine de coltan de Bisie située à deux jours de marche de Walikale et qui produit 70% de la cassitérite qui arrive aux comptoirs de Goma. Cette brigade a été remplacée par des éléments du CNDP après l’opération congolo-rwandaise du début 2009.

- des militaires ont été impliqués dans l’exploitation de la cassitérite à Lemera au Sud-Kivu.

- une brigade est déployée à Mongbwalu en Ituri. - est aussi à noter la présence de FARDC sur les sites miniers (Kamole et Nyamakinga)

de l’île d’Idjwi sur le lac Kivu.

Les sites miniers ont suscité et suscitent encore la convoitise des groupes armés. L’Ituri illustre bien le combat pour l’or entre groupes armés : les milices ituriennes (UPC, FNI, FAPC) se sont affrontées pour le contrôle de ses gisements. Le FAPC et le FNI se sont affrontés pour le contrôle de Djalasiga. L’UPC a tenu Mongbwalu jusqu’en 2003, puis a été supplantée par le FNI auquel a succédé en 2005 la première brigade des FARDC déployée en Ituri. A l’époque de la domination FNI, ce dernier imposait un droit d’entrée sur la mine aux creuseurs et se livrait à des échanges armes contre or qui ont terni l’image des casques bleus. Il est à noter que, lors de son premier déploiement en Ituri en 2005, l’armée congolaise s’est installée immédiatement sur les sites miniers (Mongbwalu et Bambu) dont elle a délogé manu militari les miliciens sans considération pour la population civile.66 Des affrontements entre FDLR et FARDC ont eu lieu en 2005 pour le contrôle de Mwenga au Sud-Kivu.

Il est toutefois important de noter que les forces en présence ne se livrent pas à une guerre minière permanente : elles peuvent s’entendre pour partager les bénéfices d’un site de production et trouver un point d’équilibre économique. Les pratiques sur le terrain sont beaucoup plus complexes que le laisserait penser l’opposition entre groupes rivaux. Ainsi, avant «l’opération Kimia II», la zone de Shabunda était pacifiquement «partagée» entre le 4ème

65 Global Witness (2009). Face à un fusil, que peut-on faire ? La guerre et la militarisation du secteur minier dans l’Est du Congo. London : Global Witness.

66 Cf. Ituri : l’armée n’a pas fait la différence. Justice Plus, 2007.

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bataillon des FDLR-FOCA, les Maï Maï et les FARDC. La zone de production minière était sous contrôle des FDLR tandis que les aéroports locaux étaient sous le contrôle des FARDC, ce qui aboutissait à une collaboration obligatoire. La mine de Numbi au nord du Sud-Kivu qui produit de la cassitérite, du coltan, du manganèse et de la tourmaline est «partagée». Cette importante zone minière a constitué une source de revenus pour le RCD et pour le Rwanda à l’époque de l’occupation militaire.67 IPIS rapporte que Numbi, au moment de l’enquête (février 2007) était sous le contrôle de la 14ème brigade intégrée. Des unités militaires des PARECO et des FDLR stationnaient dans des villages autour de la zone minière, chacun prélevant un pourcentage de la production. Le CNDP, nouveau venu et ennemi commun, a sans doute lui aussi tiré profit de l’exploitation minière; les propriétaires des sites miniers sont en effet pour la plupart des Tutsis congolais, le principal opérateur étant, comme à Mumba, Edouard Mwangachuchu, un des soutiens de poids du CNDP. Il existe donc des arrangements pour faire main basse sur les ressources minières, des arrangements qui transcendent le sort des armes, et dont les big men, militaires ou civils, sont les principaux bénéficiaires. Cette logique de partage économique fonctionne surtout entre les trois forces citées (FARDC, Maï Maï et FDLR) mais elle est toujours structurellement précaire.

n Les groupes armés et des FARDC exercent une emprise territoriale serrée sur les principaux sites miniers. Seuls les sites miniers secondaires échappent à leur mainmise. Cette emprise territoriale est à la fois leur force et leur faiblesse.68 Toutefois, on ne se trouve pas dans un schéma «blood diamonds» où les populations sont réduites en esclavage pour creuser.

n L’implication substantielle des FARDC dans le commerce minier fait de l’armée une «self-generating revenue agency» dont les bénéficiaires supérieurs restent soigneusement dans l’ombre. Cette implication a généré une véritable mafia au sein des militaires de haut rang.

n L’implication substantielle des FARDC dans le commerce minier est un facteur de ralentissement de leur «intégration» et donc de la réforme de l’armée (volonté de rester sur place).

n Certains mouvements militaires consécutifs à l’opération congolo-rwandaise peuvent s’interpréter comme des changements de contrôle militaire sur des sites miniers (CNDP à Bisié et mouvement arrêté du CNDP vers Shabunda pour s’emparer des sites miniers).

2.4 Une organisation du travail organisée et hiérarchisée

Les techniques d’exploitationDe nombreuses études ont décrit l’organisation du travail à la mine, depuis celle du Pole Institute en 2001 jusqu’à l’analyse minutieuse de la mine de Bisié en 2008. Le fonctionnement de la mine présente quelques variantes selon qu’il s’agit d’une carrière dans les alluvions, à ciel ouvert, ou en galeries souterraines. L’outillage est toujours rudimentaire, pelles et pioches, marteaux pour concasser les blocs de minerai ou attaquer la roche au burin, cuvettes et jerricanes, batées pour l’orpaillage. Les galeries peuvent descendre à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, avec ou sans étayage selon la nature de la roche. Le travail est harassant et dangereux; quelques films en apportent une illustration comme «L’or noyé de Kamituga»69 ou le récent «Katanga Business».70

67 Le rapport du Groupe d’Expert du 12 avril 2001 mentionne le fait que l’Armée Patriotique rwandaise utilisait 1500 prisonniers pour exploiter le coltan dans la zone de Numbi.

68 Voir chapitre 3.69 L’or noyé de Kamituga (2007), film de Yvon Lammens et Colette Braeckman production Simple Production –Philofilm.70 Katanga Business (2009), film de Thierry Michel.

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Techniques d’exploitation aurifère artisanaleOn exploite deux types d’or à Mongbwalu : l’or sec (90-95% pur) et l’or amalgamé (82-90% pur). Avant la fermeture du gisement de Adidi, 35-40kg d’or par mois étaient produits à Mongbwalu (25% or sec et 75% or amalgamé). Plusieurs modes d’exploitation ont cours :

• souterraindanstroisanciennesminesindustrielles(Adidi,SenzereetMakala).Laplusgrandeest

Adidi à 4km de Mongbwalu qui comprenait environ 2 000 creuseurs avant sa fermeture en 2007 mais 5 000 travailleurs au total (transporteurs, broyeurs, etc.).

• pitmining:365danslesconcessions40et33danslevoisinagedeMongbwalu.• alluvialmining:dragues(quelquesnégociantss’ensontprocurées)oudétournementdesrivières.

Il existe deux systèmes d’exploitation de l’or à Kamituga : exploitation de la mine à ciel ouvert (la boue est filtrée dans des bassins de réception par les orpailleurs); exploitation souterraine (creusée à la dynamite et soutènement en poteaux de bois : nombreux accidents du travail). Plusieurs systèmes de production/commercialisation ont cours : les orpailleurs vendent leur production au propriétaire de l’outra (fosses de filtrage), ou bien ils sont employés par le «doyen» ou «sentinelle», ou travaillent directement pour des comptoirs.

En règle générale, l’exploitation est strictement manuelle, avec l’appui de pompes motorisées pour faciliter l’exhaure. Seule la société, Hizi international, exploite sa mine de coltan avec un outillage pour le lavage du minerai, ce qui représente une avancée technologique.

L’organisation de l’unité de productionL’organigramme de l’exploitation comprend le «propriétaire» de la mine ou le locataire des terres sur lesquelles elle se situe. Un gérant, rémunéré par le propriétaire selon un pourcentage contractuellement défini de la production, supervise le chantier et collecte le minerai. Des chefs d’équipe organisent le travail d’une dizaine de personnes. Les «creuseurs» proprement dit se distinguent des pelleteurs. Le chantier est surveillé par des «policiers» chargés de veiller à ce que les mineurs ne dérobent pas de minerai. Dans les zones contrôlées par les forces armées celles-ci remplissent souvent cette fonction. Les porteurs constituent une catégorie à part. Une étude fine comme celle de Nicholas Garett71 montre qu’il existe une hiérarchie parmi les creuseurs entre les détenteurs d’une carte (une petite minorité) et les autres. Les concasseurs se situent au plus bas de la hiérarchie du travail.

La question du nombre de creuseurs72 reste entière car seule une petite partie d’entre eux exerce son activité en conformité avec le code minier, c’est-à-dire en ayant acheté sa carte de creuseur. Ils constituent parfois des coopératives qui ne sont pas exemptes de problèmes. L’organisation d’une coopérative dépasse bien souvent les capacités des creuseurs dont beaucoup sont des jeunes déscolarisés, sans capital social ni légitimité. Parce qu’elles doivent répondre à certaines normes, notamment de gestion comptable, les coopératives sont le plus souvent sous la responsabilité de personnes disposant d’un certain niveau de formation ou de notables locaux. Par exemple, dans un document destiné à la recherche de financements en faveur des creuseurs artisanaux et «des femmes faisant des activités nutritionnelles forestières», le Président Administrateur de la Coopérative du Foyer Minier de Kakelo/Walikale n’est autre que le propriétaire de la colline Kakelo. L’expérience prouve que les bonnes intentions proclamées ne protègent pas de la tentation d’abuser des positions de président ou de trésorier. La création de coopératives n’échappe pas non plus à la manipulation comme l’a montré le case de Bisié : les deux sociétés rivales ont poussé à la création de coopératives de mineurs. GMB, est à l’origine de la COMIMPA (Coopérative Minière Mpama Bisiye) : la moitié des membres de la coopérative, notamment Alexis Makabuza, est actionnaire du groupe Bangandula. MPC a réagi en suscitant la création d’une coopérative rivale,

71 N. Garrett (2008). Op. cit.72 Voir chapitre 5.

35Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

la COCABI (Coopérative des Creuseurs Artisanaux de Bisie). En 2007, au terme de négociations entre les différentes parties prenantes, un compromis a été trouvé préservant les intérêts commerciaux de MPC tout en laissant COMIMPA intervenir au stade de la production. Dans un pays où les associations poussent comme champignon après la pluie, les creuseurs paraissent très peu organisés. Certains d’entre eux travaillent en petit groupe, en dehors des grands sites miniers, de façon indépendante mais avec le risque de se faire voler leur production. La plupart effectuent leur tâche sous le contrôle des chefs d’équipe, parfois doublés par la surveillance d’hommes armés. Dans les environnements sociaux déstructurés de lieux de vie improvisés, l’individualisme l’emporte.

n Les techniques de production sont rudimentaires et dangereuses et pourraient être améliorées avec des investissements modestes.

n La faiblesse de l’organisation collective des creuseurs interpelle et nécessite des études de sociologie du travail qui font jusqu’à présent défaut.

Les techniques d’exploitation artisanale en images

36 International Alert

Chapitre 3 : Systèmes de commercialisation

résumé :

Depuis 2000, deux systèmes de commercialisation des «conflict minerals» ont existé : le commerce informel des comptoirs et le commercialisme militaire. Malgré la fin de la présence des armées étrangères en territoire congolais, le commercialisme militaire n’a pas totalement disparu : les FArDC et les divers groupes armés ont repris ce commercialisme militaire à leur compte. Il persiste donc sous une forme beaucoup moins organisée, très «décentralisée» et parasitaire.

Le commerce des minerais en rDC repose sur un système de communications multimodal qui associe portage/route/avion. Les Kivus et l’Ituri ne sont pas seulement des zones de production, ce sont aussi les voies de sortie des minerais qui viennent de la profondeur du territoire congolais (Province Orientale, Maniema, Nord Katanga). Les villes frontalières ou proches de la frontière où sont installés les comptoirs – Goma, Bukavu, Uvira, Béni, Butembo, Bunia – occupent une position essentielle dans le système de commercialisation. Ces villes constituent la charnière entre un amont informel et un aval branché sur les circuits de l’économie mondialisée.

Ce commerce constitue un système oligopolistique qui profite à un conglomérat de fonctionnaires, militaires, chefs de milices, négociants, transporteurs et intermédiaires étrangers dont l’identification entreprise par l’ONU et les ONG est encore partielle.

Décrite comme «un» sinon «le» motif unique des guerres de l’Est congolais, la commercialisation des minerais a été et est encore l’objet d’une attention internationale. Tandis que les rapports du Groupe d’experts, de IPIS, Global Witness, Human Rights Watch, etc., visent essentiellement à dénoncer les dessous économiques du conflit dans l’Est congolais et à dévoiler les relations entre les acteurs du marché international des matières premières et les entrepreneurs de violence en RDC, la littérature de recherche tente de décrypter les mécanismes de fonctionnement et les impacts de ce commerce international, essentiellement dans sa partie congolaise. Cette double littérature oscille donc entre le commerce des minerais conçu comme trafic (perspective onusienne) et le commerce des minerais conçu comme une des incarnations de l’économie informelle qui domine la RDC et met à l’épreuve les catégories mêmes d’illégalité et de légalité. Ce commerce étant très largement informel, certains auteurs estiment qu’il est davantage «a-légal» qu’illégal.73 Il est à noter que, parmi tous les minerais commercialisés dans l’Est congolais, la filière du coltan est celle qui a été la plus documentée pour la raison précédemment citée. Compte tenu de la remontée des cours après la crise de 2008, la filière de l’or est actuellement celle qui attire le plus l’intérêt.

Outre les rapports du Groupe des experts, les documents suivants présentent un intérêt particulier pour l’analyse du commerce des minerais de l’Est congolais :• analyse du commerce : les travaux du Pole Institute (Les ressources minées, Formal and Informal

Crossborder Trade in Eastern DRC), de Resource Consulting Services (Trading Conflict for Development), du DFID (Trading for Peace) de INICA (L’Economie minière au Kivu et ses implications régionales), ou de GRAMA (La route commerciale du coltan congolais)

73 Sur la pertinence des concepts de légalité et d’illégalité appliqués au commerce des minerais, voir plus particulièrement Les ressources minées (Pole Institute) et Trading Conflict for Development (resources Consulting Services). Ces deux études contestent la pertinence de la notion d’exploitation illégale dans la mesure où, en rDC, l’économie informelle est le mode de survie de la majorité de la population et où la «légalité» est synonyme de vol par l’Etat.

37Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

• analyse des relations entre acteurs du conflit et commerce international : tous les travaux de Human Rights Watch (The Curse of Gold), d’IPIS (notamment Cartographie des motivations derrière les conflits), de Global Witness (Under-Mining Peace, Tin : The Explosive Trade in Cassiterite in Eastern DRC)

Dans le domaine des minerais, plusieurs systèmes commerciaux ont cours dans l’Est congolais. Ils se sont moins succédé dans le temps que superposé. Le système commercial basé sur l’artisanat minier a coexisté avec la commercialisation industrielle officielle pendant l’époque coloniale et p’ére Mobutu. Comme indiqué au chapitre 1, la commercialisation basée sur les sociétés industrielles formelles (quelles soient nationales ou étrangères) a disparu dans les années 90, emportée dans la déliquescence générale de la fin du régime Mobutu. Cette forme de commerce n’a pas réapparu car les deux seules grandes sociétés industrielles à être revenues au Kivu (Banro) et en Ituri (AngloGold Ashanti) sont encore au stade des études et ne commercialisent pas la production artisanale (fait confirmé par le Groupe d’experts de l’ONU). A partir de l’effondrement du mobutisme et de l’apparition de l’AFDL et du RCD, le vide laissé par les sociétés industrielles a été comblé par le commerce largement informel des comptoirs et par le «commercialisme militaire». Ces deux systèmes de commercialisation mettent en évidence les relations coupables entre business, politique et violence ainsi que la criminalisation du commerce des minerais dans cette partie du monde.

3.1 Deux systèmes commerciaux

Le commercialisme militaire74

Le «commercialisme militaire» définit le système d’exploitation mis en œuvre pendant les deux guerres (1996–97 et 1998–2002) par l’Ouganda et le Rwanda qui reposait sur une implication plus ou moins directe de l’armée dans la commercialisation des minerais. Décrit en détails par le Groupe d’experts de l’ONU et plusieurs ONG, le commercialisme militaire désigne l’usage de l’armée afin de générer des profits directs pour les élites politico-militaires de Kampala et Kigali. L’implication des officiers des armées ougandaises et rwandaises dans le commerce des ressources naturelles a été démontrée par plusieurs rapports. Un accident d’avion en 1998 en Ituri a révélé la présence conjointe d’un général de l’UPDF, d’hommes d’affaires israéliens et indopakistanais et de membres de la famille de James Kazini, commandant en chef de l’armée ougandaise en RDC (ils étaient en possession de 1,2 million de dollars pour acheter de l’or).75 Outre cette révélation accidentelle, les exportations de minerais en provenance de l’Ouganda (notamment l’or) et du Rwanda (coltan) ont augmenté significativement après leur intervention militaire en RDC, ce qui a été considéré comme le résultat d’exportations frauduleuses orchestrées par les armées de ces deux pays. De même, selon le Groupe d’experts, le Rwanda et l’Ouganda ont exporté respectivement pour 4,5 et 6,2 millions $ de diamants en Belgique entre 1998 et 2001, bien que ces pays n’aient pas de gisements de diamants. Les exportations d’or d’Ouganda ont monté en puissance après l’intervention de l’UPDF en Ituri (de 225kg en 1994 à 6 819kg en 1997). Il est à noter qu’en Ouganda la Commission Porter a contesté l’accaparement des productions aurifères de la RDC, indiquant que les variations d’exportation étaient dues à une sous-estimation initiale des statistiques officielles de production d’or en Ouganda en raison de la prédominance de l’artisanat minier (90% de l’artisanat minier s’effectuerait hors du cadre légal en Ouganda).

Ce commercialisme militaire a pris une forme différente à Kampala et à Kigali. L’armée rwandaise a organisé l’accaparement des ressources naturelles de manière très rationnelle tandis que, moins disciplinée, l’armée ougandaise a vite été prise au piège de cette prédation – ses officiers s’y livrant très vite à titre aussi bien «public» que privé. Au Rwanda, à partir de la première guerre, les importations de minerais congolais étaient contrôlées par le «Congo-desk»

74 Expression inventée par IPIS.75 G. Prunier (octobre 1999). «L’Ouganda et les guerres congolaises», Politique africaine, n°75, pp.43–62.

38 International Alert

qui était une émanation des services de renseignement. Il aurait enregistré pour 64 millions $ de coltan en 2000 et 44 millions $ en 2001 (selon IPIS) et aurait réinvesti 60 à 70% des profits dans l’effort de guerre. La prédation des ressources naturelles a été organisée directement par l’armée rwandaise : à l’époque du boom du coltan (novembre 1999-mars 2001), des vols directs avaient lieu entre les sites de production au Sud-Kivu et Kigali. De plus, les sociétés de négoce rwandaises comprenaient souvent des militaires de haut rang en leur sein (Rwanda Metals, Prime Holdings, Caldar Holdings, TriStar, Rwanda Investment Group). Selon le Groupe d’experts, le boom du coltan qui n’a duré que 18 mois aurait rapporté jusqu’à 250 millions $ à l’armée rwandaise.

Salim Saleh, beau-frère du président ougandais, et James Kazini, général en charge de la campagne de l’UPDF en RDC, ont monté plusieurs sociétés afin de canaliser les ressources minérales de la RDC vers Kampala (notamment une société de négoce à Kisangani, Caleb International, et une compagnie aérienne, Air Alexander). En tant que commandant en chef, James Kazini a envoyé des instructions aux unités occupantes de l’UPDF afin d’apporter assistance à la société Victoria; créée en 1999 et dirigée par Salim Saleh, son épouse et Muhoozi Kainerugabe (un des fils de Museveni), elle «avait le monopole de l’exportation de café, de diamant et d’or dans la région sous son commandement».76 Après la rupture avec Laurent-Désiré Kabila, l’armée ougandaise qui était présente dans la Province Orientale a rapidement pris position dans les zones aurifères du nord-est (Durba dans le district du Haut-Uélé) et Mongbwalu (dans le district de l’Ituri) et s’est emparée d’environ une tonne d’or tirée des concessions de l’OKIMO. La prise de contrôle des concessions de la société publique OKIMO par l’armée ougandaise s’est traduite par l’intimidation et la violence à l’encontre de l’encadrement congolais de la société qui ne souhaitait pas collaborer.

Ce commercialisme militaire a aussi été mis en oeuvre par l’intermédiaire des mouvements armés congolais affiliés à Kigali et Kampala qui se sont livrés à un affermage des concessions minières et du droit de commercer. En Ituri, Tibasima, un des leaders du RCD-ML, avait accordé une exemption d’impôts à la société Trinity Investment pour toutes ses activités commerciales dans la zone administrée par ce mouvement (flux d’or, de café et de bois de la Province Orientale à l’Ouganda). A l’époque du boom du coltan, le RCD-Goma avait accordé un monopole des taxes d’exportation du coltan à la Société Minière des Grands Lacs (SOMIGL 2000–2001), puis à la Congo Holding Development Company (CHDC), dirigée par Gertude Kitembo. Ces deux sociétés étaient les branches commerciales du RCD-Goma.77

Ce commercialisme militaire reposait sur la domination des armées ougandaise et rwandaise ainsi que de leurs alliés congolais. De ce fait, sa performance dépendait de l’emprise territoriale des armées : la tentative de contrôler la production des sites miniers du Sud-Kivu à travers la CHDC qui, en échange de la protection militaire du RCD-Goma, devait remettre 50% de ses bénéfices à Kigali, a échoué car le RCD-Goma ne contrôlait que les principaux axes routiers à partir de Bukavu mais ne parvenait pas à asseoir un vrai contrôle sur des sites éloignés des centres urbains et régulièrement attaqués par les FDLR et les Maï Maï. Le commercialisme militaire avait comme limite le degré du contrôle territorial par les armées engagées sur le terrain.

Les gouvernements ougandais et rwandais ont réagi par la dénégation à l’accusation de commercialisme militaire proférée par le Groupe d’experts.78 Ils ont toujours attribué ce phénomène à des actes isolés commis par des militaires indélicats : le président Kagame a reconnu que certains militaires s’étaient livrés à l’exploitation illégale des ressources naturelles mais qu’ils avaient été sanctionnés; en Ouganda, la commission Porter mise en place suite aux accusations du Groupe d’experts a exonéré le gouvernement de toute implication officielle dans l’exploitation illégale des ressources congolaises mais a tout de même recommandé des enquêtes supplémentaires concernant le général Kazini et le frère du président, Salim Saleh. A titre anecdotique, le gouvernement

76 T. raeymaekers (2003). «Network war : An introduction to Congo’s privatised war economy». IPIS. 77 Idem.78 rapport d’activité du Groupe d’experts en date du 16/01/2001.

39Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

ougandais a indiqué au Groupe d’experts que des cadeaux en nature (minerais) avaient été faits aux militaires ougandais épousant des Congolaises. Le commercialisme militaire a pris fin avec le retrait des armées rwandaises et ougandaises (la dernière à partir en 2003), mais les relations commerciales établies pendant la période 1996–2003 entre les élites politico-militaires rwandaises et ougandaises et de grands commerçants congolais ont la vie dure; comme le faisait remarquer un des membres du Panel «when the spider leaves, the web remains» (Mervin Holt) ! On comprend que la récente offensive congolo-rwandaise se soit accompagnée d’une forte suspicion de retour du commercialisme militaire rwandais au Nord-Kivu.

n Malgré la fin de la présence des armées étrangères en territoire congolais, le commercialisme militaire n’a pas totalement disparu : les FARDC et les divers groupes armés ont repris ce commercialisme militaire à leur compte. Il persiste donc sous une forme beaucoup moins organisée, très «décentralisée» et parasitaire.79

Le système des comptoirsEn RDC, la production artisanale informelle donne lieu à un commerce tout aussi informel, c’est-à-dire fonctionnant en dehors de la régulation étatique et administrative. Ce commerce informel est un système en entonnoir formé par une chaîne de négociants allant des sites miniers aux centres d’exportation où se trouvent les grands comptoirs (Bukavu, Bunia, Butembo, Goma, Uvira). Cette chaîne débute par les petits négociants situés près des mines qui vendent à des négociants qui eux-mêmes revendent aux «grands commerçants» des comptoirs, les seuls à être habilités à exporter, du moins en principe. Cette chaîne commerciale se prolonge dans les capitales des pays voisins (Bujumbura, Kigali et Kampala) par des sociétés de négoce officiellement enregistrées qui sont les intermédiaires obligés vers un marché international composé d’acheteurs d’Europe, d’Asie et des Etats-Unis.

En RDC, les «grands commerçants», ceux qui réalisent les plus grands volumes d’affaires, avancent aux négociants intermédiaires les fonds nécessaires pour acheter des minerais. Dans certains sites miniers, le négoce est dispersé entre de très nombreux vendeurs (250 à Mongbwalu !) tandis que, dans d’autres, la commercialisation est le fait de quelques individus en position dominante. Cette chaîne commerciale en entonnoir est dominée par une poignée de grands commerçants qui sont les donneurs d’ordre : ils détiennent les fonds nécessaires pour mobiliser les moyens de transport et acheter le minerai. L’activité des négociants dépend en grande partie des préfinancements que leur accordent les exportateurs. Il y a donc de nombreux petits vendeurs, de nombreux négociants et quelques exportateurs. Panju, Groupe Olive, MDM, Etablissement Namukaya, World Mining Company et Etablissement Muyeye sont les 6 grands exportateurs qui dominent le marché du Sud-Kivu. Dans le domaine aurifère, les principaux négociants de Bukavu sont les établissements Namukaya (Congocom) et Panju qui commercialisent des quantités importantes d’or et de cassitérite en provenance de Shabunda et Kamituga (entre avril 2005 et février 2006, Namukaya a déclaré 109,11 kg d’exportations d’or et Panju 549,95kg). A Butembo, on dénombre une soixantaine de négociants dont une dizaine en position économique dominante. Grâce à leur position dominante, les exportateurs ont la capacité d’influer sur les prix par différentes méthodes (stockage, contrôle du transport, etc.). Cette chaîne commerciale n’est, bien sûr, pas toujours respectée car certains acheteurs essaient de contourner les négociants intermédiaires et même les comptoirs : à Mongbwalu, des acheteurs viennent directement de Butembo, voire d’Ouganda.

Si la phase de production est complètement informelle, la phase de commercialisation l’est partiellement. A Butembo, sur 7 comptoirs de diamants, 1 seul a une licence. Les négociants sont rarement enregistrés (sur 60 négociants à Butembo, seulement 1/3 serait déclaré) tandis que les comptoirs le sont plus fréquemment. Enregistrés ou non, ces opérateurs commerciaux respectent rarement le code minier et déclarent rarement la totalité de leurs opérations commerciales.80 Une

79 Sur ce point, voir chapitre 3.3. Les acteurs clés.80 Voir chapitre 4.

40 International Alert

partie des minerais passe la frontière en contrebande (notamment l’or facilement transportable), mais les minerais qui sont «volumineux» et impliquent des moyens de transport lourds (avions, camions) sont enregistrés par différentes administrations parfois dès le site de production. Dans les centres d’exportation, une certaine formalisation du commerce se produit sous la forme d’un enregistrement des quantités et de la perception de taxes par différentes administrations. Le coltan de Walikale, par exemple, suit un circuit commercial relativement formel dans la mesure où les volumes de coltan envoyés à Goma par la voie aérienne sont «enregistrés» par plusieurs services administratifs et donnent lieu à des taxes. Cette formalisation administrative du commerce est évidemment partielle dans la mesure où une partie du coltan emprunte les routes de la contrebande et où, comme indiqué dans le chapitre 4, la sous-estimation des volumes est une pratique courante. La formalisation s’intensifie dans les centres d’exportation régionaux : les sociétés de négoce sont souvent – mais pas systématiquement – enregistrées officiellement par les autorités et déclarent au moins une partie de leurs ventes, comme le prouvent les registres de l’OFIDA, du CEEC, de l’OCC, etc.

La formalisation des ventes congolaises franchit une étape décisive dans les capitales des pays de la région où les acheteurs opèrent dans un contexte de gouvernance étatique plus ferme que dans l’Est congolais. Il s’agit donc de sociétés officielles en règle avec la législation commerciale en vigueur, ayant une comptabilité, payant des taxes et ayant des documents retraçant leurs ventes et achats. Comme les investigations du Groupe d’expert et d’IPIS l’ont montré, ces sociétés de négoce ont des contrats de fourniture de minerais en bonne et due forme avec des négociants situés dans les pays de transformation ou avec des sociétés de transformation industrielle tout à fait officielles.81 A ce stade, le commerce des minerais congolais sort en grande partie de l’informel et s’intègre dans le marché international des minerais. Cette intégration dans le commerce formel s’effectue au niveau des pays de transit (Burundi, Rwanda et Ouganda), même si la contrebande existe aussi aux frontières orientales de ces Etats et même si la dissimulation de l’origine des minerais exportés est une pratique courante.

Schéma de la formalisation progressive des échanges de produits miniers82

Vendeurs des sites

Négociants

Exportateurs congolais

Exportateurs des pays voisins

n Au niveau de la chaîne commerciale, la phase amont du commerce est dans l’ombre tandis que l’aval est dans la lumière.

3.2 Géoéconomie du commerce

La chaîne commerciale dessine la géographie économique de la région : les centres commerciaux secondaires sont ceux qui abritent les négociants intermédiaires (il y a environ 10 hommes d’affaires indiens et 30 négociants localisés dans cette voie de sortie de l’or de Watsa qu’est Ariwara),83 tandis que les «grands commerçants» – une poignée par ville – traitent leurs affaires à partir des centres d’exportation congolais. Les voies commerciales vont des principaux sites aux deux points de sortie maritime : Mombasa et Dar es Salaam.

Des flux commerciaux orientés vers l’est84

Tous les minerais extraits des zones considérées dans cette étude empruntent les routes terrestres

81 Pour l’identité des acheteurs finaux, voir chapitre 3.3 Les acheteurs finaux.82 Le degré de clarté indique le degré de formalisation des acteurs commerciaux.83 Ariwara est une modeste ville commerciale située en Ituri, au nord de Aru, à proximité de la frontière ougandaise.84 Voir carte Les corridors d’accès à l’Est de la rDC.

41Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

et aériennes de l’Est. Il existe sept principales voies commerciales qui partent de l’Ituri et des Kivus vers l’Afrique de l’Est et qui rejoignent les deux corridors débouchant sur l’océan Indien, l’un à Mombasa, l’autre à Dar es-Salaam :• l’axe Beni-Butembo-Kasese-Kasindi-Kampala-Nairobi-Mombasa : meilleure voie terrestre

(route goudronnée et large);• l’axeGoma-Gisenyi-Kigali-Dodoma-DaresSalaam;• l’axeUvira-Bujumbura-Dodoma-DaresSalaam;• l’axeUvira-Fizi-Baraka-Kigoma : voiedifficile car traverséedu lacmais accès aux réseaux

ferroviaires et routiers de Tanzanie;• l’axeBukavu-Cyangugu-Bujumbura-Dodoma-DaresSalaam;• l’axeBunia-Kampala-Nairobi-Mombasa:voieaérienneettransportroutier;• l’axeAru-Arua-Kampala-Nairobi-Mombasa:voieterrestre.

A ces voies commerciales internationales s’ajoutent les voies d’échange plus modestes qui partent des villes frontières de Ariwara et Mahagi en Ituri vers l’Ouganda. Si les points de départ sont multiples en RDC, les échanges terrestres finissent par se retrouver sur seulement deux voies commerciales : celle qui mène de Kampala à Mombasa (complètement bitumée) et celle qui mène de l’ouest tanzanien, du Burundi et du Rwanda à Dar es Salaam (moins pratique que la première, celle-ci a l’avantage d’être à la fois routière et ferroviaire).

Les minerais suivent les mêmes voies commerciales que les autres marchandises et s’inscrivent dans les échanges transfrontaliers. On note une certaine spécialisation de ces routes commerciales correspondant à des considérations politiques et surtout économiques. Ainsi, l’axe Uvira-Bujumbura est surtout connu pour l’exportation d’or et l’axe Bukavu-Cyangugu pour les exportations d’or, de cassitérite et de coltan. Au début des années 90, le Burundi était le pays le plus important pour le transit de l’or congolais mais, après l’embargo régional contre le régime de Buyoya et la mise en place d’un système d’exemptions fiscales pour l’or en Ouganda, ce pays a supplanté le Burundi. De même, la Tanzanie est montée en puissance depuis quelques années en ce qui concerne les exportations de diamants (elles sont passées de 115 392 $ en 2000 à 16 015 349 $ en 2004 sans explication particulière) – ce qui témoigne de la vitalité et du développement des voies commerciales de l’Est.

Il est, à ce titre, très révélateur que, dans son projet concernant «les relations de la RDC avec les pays de la région d’Afrique centrale et des Grands Lacs», le CEEC propose purement et simplement un détournement du trafic de cassitérite de l’Est vers l’Ouest par la voie fluviale via Kisangani, arguant d’un coût moindre (!) que l’évacuation aérienne par l’Est et de la perte d’opportunités d’affaires pour les entrepreneurs congolais.

n Tout le commerce des minerais des Kivus et de l’Ituri étant orienté vers l’Est, sa réorientation vers l’ouest et Kinshasa est un enjeu à la fois économique, géostratégique et nationaliste.

n Multiplicité des voies commerciales en RDC malgré l’état des infrastructures

Le contraste entre la disparition des infrastructures de transport en RDC et la multiplicité des voies commerciales extérieures des minerais est frappant. Etudiées en détail dans Researching Natural Resources and Trade Flows in the Great Lakes Region, les voies de sortie de l’or de Mongbwalu, une zone pendant longtemps sans accès routier, sont un exemple typique de cette situation : • Mongbwalu-Bunia-Kampala(voieaérienne);• Mongbwalu-Kwandroma-Mahagi-Kampala(voieterrestre);• Mongbwalu-Watsa-Ariwara-Kampala(voieterrestre);• Mongbwalu-Bunia-Beni-Butembo-Kampala(voieaérienne);

42 International Alert

Le portage humain est souvent le premier mode de transport des minerais; la bicyclette et le tchukudu85 sont courants dès lors qu’il existe un chemin praticable. Le site de Bisié, par exemple, est isolé dans la forêt et aucune liaison routière n’a été aménagée pour le relier à la route Goma-Kisangani, elle-même difficilement praticable. Le sentier le plus fréquenté pour atteindre la route mesure 45 km entre le village de Manoiré, au cœur de la zone minière, et Ndjingala. Le transport s’effectue à dos d’homme, par sacs de 50 kg, et demande 16 heures. Arrivé à Ndjingala, le minerai est convoyé par camion jusqu’à la piste improvisée sur une portion de bitume à Kilambo où des avions petits porteurs embarquent 2 tonnes par rotation.86

85% de l’or qui arrive à Bunia part à Kampala par la voie des airs tandis que les 15% restants vont sur Butembo.87 A partir de Bunia qui est l’aéroport d’exportation de l’or de Mongbwalu, celui-ci part dans deux directions (une indirecte : Butembo au Nord-Kivu; une directe : Kampala). Mais ces deux voies conduisent à la même destination : Kampala. D’autres centres d’exportation frontaliers Ouganda/Ituri sont plus directs (Ariwara, Aru, Mahagi). Ariwara est un marché de l’or vers l’Ouganda traitant un volume estimé à 5kg par semaine. En dépit de la détérioration, voire de l’absence de voies routières, les minerais parcourent de grandes distances. Selon l’antenne du CEEC à Butembo, l’or commercialisé dans cette ville vient principalement de la Province Orientale en général et d’Ituri en particulier, du Nord-Kivu (Lubero, Beni, Walikale), du Sud-Kivu mais aussi du Katanga et de l’Equateur. A Butembo parviennent aussi les diamants en provenance de Kisangani, Bafwasende, Mambasa et même du parc de la Garamba frontalier du Soudan. Autre exemple : l’or et la cassitérite de Kilembwe prennent la route de Fizi, puis Baraka et arrivent à Uvira pour être ensuite exportés.

Les communications aériennes jouent un rôle majeur dans le commerce intérieur des minerais car certains sites sont totalement enclavés :88 Butembo est un marché important de minerais en raison des gisements proches mais aussi de son «infrastructure aéroportuaire» qui permet à ses comptoirs de drainer la production du Haut et Bas Uélé. Le minerai de Namoya, qui se trouve au Maniema, gagne Bukavu par voie aérienne car il n’y a plus de route praticable. Idem pour le minerai de Kamituga, la RN2 qui mène à Bukavu étant en très mauvais état. Idem pour le minerai du parc de Kahuzi Biega dont une bonne partie sort grâce au terrain d’atterrissage de Lulingu. Au plus fort du boom du coltan, il y avait environ 7 et 10 rotations aériennes par jour entre Mubi et Goma. Outre les connections internationales des villes frontalières du Rwanda (Bukavu, Goma) ou proches des frontières de l’Ouganda (Bunia, Beni, Butembo), il existe des «vols internationaux» directs assez profonds dans le territoire congolais (par exemple, entre Isiro et Entebbe) pour exporter minerais et diamant.

n Bien que difficiles, coûteux et même dangereux, les chemins du commerce intérieur forment un réseau d’échanges beaucoup plus profond et dense qu’on ne l’imagine.

n Le commerce des minerais en RDC repose sur un système de communications multimodal qui associe portage/route/avion.

n Les Kivus et l’Ituri ne sont pas seulement des zones de production, ce sont aussi les voies de sortie des minerais qui viennent de la profondeur du territoire congolais (Province Orientale, Maniema, Nord Katanga).

n Les villes frontalières ou proches de la frontière où sont installés les comptoirs – Goma, Bukavu, Uvira, Béni, Butembo, Bunia – occupent une position essentielle dans le système de commercialisation. Ces villes constituent la charnière entre un amont informel et un aval branché sur les circuits de l’économie mondialisée.

85 Grosse trottinette en bois de confection artisanale capable de porter des charges de plus de 100 kg.86 Voir carte Transport de la cassitérite de Bisié à Goma.87 Voir carte Production et commercialisation de l’or en Ituri.88 Voir carte Transport des minerais par avion.

43Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Les destinations finales89

Le recoupement de plusieurs registres d’échanges commerciaux (EUROTRACE, COMESA, TRADEMAP, EUROSTAT) permet d’affirmer qu’en 2005–2006 les sociétés importatrices de minerais congolais étaient situées en Europe, en Amérique du Nord, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient :• Belgique(diamants,cassitérite,wolframite,cobalt)• Allemagne(coltan)• Royaume-Uni(cassitérite,cobalt,wolframite)• Dubai/EAU(or)• Chine(coltan)• Malaisie(cassitérite)• Israël(diamant)• Pays-Bas• Thaïlande(coltan)

Les dernières investigations du Groupe d’experts étendent cette liste :90 le plus souvent par l’intermédiaire du Rwanda, la cassitérite, la wolframite et le coltan prennent la direction de l’Autriche, la Belgique, le Canada, la Chine, l’Inde, la Malaisie, la Thaïlande, l’Afrique du Sud, la Suisse, les Pays-Bas, la Russie, les EAU et la Grande-Bretagne. L’or prend essentiellement la direction des EAU et de l’Europe (Belgique et Suisse) en transitant essentiellement par l’Ouganda et le Burundi.91 Les filières commerciales spécifiquement mises en lumière sont les suivantes :

• exportation du coltan : la filière kazakh : Rwanda Metals – Raremet, Finconcord et Finmining (sociétés off-shore détenues par un homme d’affaires suisse, Chris Huber)92 – Ulba Mechanical Works (usine de transformation au Kazakhstan).

la filière russe : Pan African Business Group (comptoir de Goma) – Eurosib Logistics (société basée à St-Pétersbourg) – Novosibirsk Integrated Tin Work

la filière allemande : Rwanda Metals, Grands Lacs Metals – A&M Minerals and Metals (Grande-Bretagne, société de trading) – H.C. Starck (Allemagne, usine de transformation, groupe Bayer AG, leader du marché).

la filière belge : Hua Ying, Gemico, Kivu Metal, WMC (comptoirs de Goma) – Traxys (Belgique).

la filière belgo-asiatique : Munsad, Amur, Clepad (comptoirs) – Trademet – réexportations en Inde, Chine et Thaïlande.

la filière britannique : Socomi et Kotecha (basées à Bukavu) – Afrimex – Thaïland Smelting and Refining Corporation (appartenant à la société britannique Amalgamated Metal Corporation).

la filière américaine : Eagles Wing Resources (Rwanda) – Cabott (USA), Trinitech (USA).

exportation de l’or : la filière emiratie : Machanga et UCI (Burundi et Ouganda) – Emirates Gold (Dubai).

89 Voir carte Pays importateurs de minerais de l’Est de la rDC.90 Voir rapport décembre 2008.91 Par exemple, le Burundi a exporté 55 millions $ d’or en 2005 selon la COMESA en direction des EAU, Suisse et Belgique.92 Chris Huber avec des associés russes était le pivot de la filière kazakh de coltan. Après que sa société suisse Finconcord a été condamnée

pour évasion fiscale au Kazakhstan, il en a reformé deux autres enregistrées à St-Kitts.

44 International Alert

la filière suisse : Machanga et UCI (Burundi et Ouganda) – Metalor (Suisse) (filière officiellement suspendue après les sanctions onusiennes).

la filière belge : Etablissements Namukaya (Bukavu) – Machanga (Burundi) – (Belgique).

Il est à noter que les sociétés importatrices sont soit des sociétés de trading des métaux soit directement des sociétés métallurgiques de transformation.

Le rapport d’octobre 2002 du Groupe d’experts accusait 85 sociétés d’avoir violé les principes de l’OCDE en matière d’engagement des multinationales dans les zones de conflit. La plupart de ces sociétés étaient européennes.93 Les liens avérés par les rapports de l’ONU entre certains opérateurs économiques étrangers et les ventes d’armes (notamment au niveau de la filière kazakh avec l’apparition d’une société de transport de Victor Bout) corroborent l’accusation de participation active au conflit adressée à certains milieux d’affaires étrangers.

3.3 Les acteurs-clés

Groupes armés et forces de sécuritéLe rôle des groupes armés dans le trafic de minerais a fait et fait encore l’objet de l’attention des Nations Unies qui ont mis en place un Groupe d’experts spécialement dédiés à cette tâche. Si l’implication des groupes armés dans la commercialisation des minerais a été connue et documentée la première, l’implication des forces de sécurité (FARDC, PNC) commence à attirer l’attention comme l’indique le récent rapport de Global Witness.94

Au fil des ans, le Groupe d’experts a accumulé les preuves du financement des groupes armés par le commerce des minerais et considère qu’aucun groupe armé n’est étranger à cette pratique.

Selon le rapport du Groupe d’experts de décembre 2008, le CNDP était en relation avec les hommes d’affaires tutsis actifs dans le commerce des minerais (comme Tribert Rujugiro Ayabatwa, le sénateur Mwangachuchu ou les frères Makabusa). Il percevait des taxes au poste douanier de Bunagana (700 000 $ entre septembre 2007 et septembre 2008) ainsi qu’aux alentours de la mine de coltan de Bibatama exploitée par deux comptoirs dont il a autorisé les activités (MUNSAD et MH1). Selon l’ONU, environ 15% des ressources financières du CNDP proviendraient du commerce des minerais car sa base financière serait très diversifiée (taxation aux postes de douanes de Bunagana et Ishasa).

En plus d’être fournisseurs de minerais, les FDLR perçoivent les taxes sur les marchandises le long de routes stratégiques pour l’exportation. Le Groupe a mis en évidence leurs relations avec les grands commerçants de Bukavu. De plus, des commerçants FDLR sont en relation d’affaires suivies avec des comptoirs de vente dont certains sont tenus par des Tutsis.

Dans son dernier rapport, Global Witness a mis en lumière l’implication des FARDC dans l’exploitation minière au Nord et Sud-Kivu, soit en étant physiquement présents soit en ayant des représentants locaux qui vendent pour leur compte (des puits «appartiennent» à des autorités militaires provinciales). A Bisie, la 85ème brigade composée d’anciens Maï Maï avait mis en place un double système de taxation : taxation de la production de minerais (qui aurait rapporté environ 120 000 $ par mois) et taxation des marchandises importées à des barrières le long de l’axe Njingala-Bisie (qui aurait rapporté environ 100 000 $ par mois).

93 UN Panel of Experts report (Oct. 2002). Annex III, p.7.94 Global Witness (2009). Op. cit.

45Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

En Ituri, l’UPC, mouvement hema, exploitait la zone aurifère de Mongbwalu suite à un accord avec la direction de l’entreprise OKIMO, facilitée par une même affiliation ethnique. Quand le FNI lui a succédé, il a prélevé une taxe de 1 $ sur les orpailleurs, lui rapportant environ 2 000 $ par mois.95

Les hommes en armes tirent profit du commerce minier d’au moins trois façons :• prélèvementdestaxes;• paiementcontreprotection(laPNCetlesFARDCprotègentlessitesminiersoùBanroet

AGK travaillent);• prélèvementdesminerais(méthodelamoinscourante).

n Les hommes en armes sont les parasites fiscaux du commerce minier sur les sites de production et les voies d’acheminement. Ils sont aussi impliqués dans les violations des droits de l’Homme (voir chapitre 5).

Les «administrations» : un maquis institutionnel96

Il existe un écart substantiel entre les administrations qui ont la responsabilité d’encadrer l’exploitation et le commerce des produits miniers et celles qui prélèvent des taxes sur ce commerce. Selon la réglementation congolaise, les premières sont au nombre de 5 tandis que les secondes varient en fonction de l’imagination des fonctionnaires et surtout de la présence physique des administrations là où l’exploitation et le commerce des produits miniers ont cours (par exemple, le CEEC n’est pas présent dans tous les centres d’exportation de l’Est mais seulement à Butembo et Goma). Ces 5 services sont :• L’OFIDA,OfficedesDouanes etAccises. Il enregistre et contrôle les exportations et les

importations. Il perçoit 5% de la valeur des produits exportés et collecte aussi les droits alloués à l’OGEFREM, Office de gestion du fret maritime, et au FPI, Fonds de Promotion de l’Industrie.

• LaDivisiondesMines.Sesagentscontrôlentlesproduitsminiers, lepesageet l’enfûtageavant leur exportation, soit dans les comptoirs soit dans les aéroports. Elle reçoit 45% d’une taxe rémunératoire estimée à 1,25% de la valeur des exportations, les 55% restants étant destinés au CEEC.

• L’OCC,OfficeCongolaisdeContrôle. Il est censécontrôler laqualité et laquantitédesproduits exportés, mais il a perdu ce contrôle sur l’or et le diamant en 1999.

• LeCEEC,Centred’Expertise,d’EvaluationetdeCertification,aétécrééen2003afindemettre en œuvre les recommandations du processus de Kimberley pour le diamant.

• LaDivisionduCommerceExtérieurenregistrelesdonnéesconcernantlesproduitsexportéset importés.

A ces services s’en ajoutent quelques autres qui sont aussi fournisseurs de données statistiques, notamment le BNA (Bureau de la Navigation Aérienne) et la DGM (Direction Générale des Migrations).

Conséquence de la pauvreté et de la déstructuration de l’administration congolaise, la prédation administrative s’exerce sur toute la chaîne de commercialisation des minerais. Des monographies ont mis en évidence ce parasitisme administratif qui commence aux sites de production et s’achève à l’exportation.

95 Human rights Watch (2005). Op. cit. 96 Voir carte Les collectivités au Nord et Sud-Kivu.

46 International Alert

Quelques exemples de prédation administrativeA Aru/Arua 12 services perçoivent des taxes sur les minerais exportés :97 OFIDA, OCC, OGEFrEM, ANr, DGM, autorités provinciales, autorités territoriales, police des frontières, BIC, commerce extérieur, hygiène et division des mines…

Entre la mine de Bisie et la douane à Goma, la production minière est taxée 23 fois (plusieurs fois par la même administration : 3 fois par la DGrAD, 3 fois par le CEEC, etc.) pour un total d’environ 15% de la valeur du produit (soit 365 $ par tonne). Cette taxation réelle s’élève à 40% pour l’exportation de l’or en Ituri.

Il est à noter qu’il paraît naturel à tout le monde que les services de renseignement civil et militaire soient impliqués dans la taxation minière.

De l’avis commun, la réunification administrative – le passage des règles du RCD-Goma aux règles de Kinshasa – et la mise en place des «tarifs réunifiés» se sont accompagnées d’un alourdissement de la fiscalité sur le secteur minier.98 En son temps, le RCD-Goma avait déjà relevé les tarifs des cartes de creuseurs (50 $) ainsi que des licences d’agrément pour les comptoirs (15 000 $ par an) et ces tarifs ont encore augmenté. Au Nord-Kivu, les exportations de minerais ont rapporté 2 millions $ (2007) et 4,3 millions $ (2008) aux administrations des douanes, du CEEC, de l’OCC, de la DGRAD et des Entités Administratives Décentralisées (l’OFIDA étant le principal bénéficiaire loin devant les autres services). La taxation par les administrations est relativement arbitraire dans les sites de production et les voies d’acheminement mais elle se régularise quelque peu au niveau des centres d’exportation. Toutefois, il convient de noter que :• ladestinationfinaledelataxationadministrativesurlecommercedesmineraisestopaque;• lataxationopéréeestlargementarbitraire,i.enonfondéesurdestexteslégaux;• outre son arbitraire, le régime des taxes d’exportation des minerais en RDC est très

désavantageux par rapport aux pays voisins;• latentativederemettredel’ordredanslesservicestaxateursauxpostesfrontièresaéchoué:

en 2002, le gouvernement a décrété que seulement quatre administrations devaient opérer aux postes frontaliers, à savoir OFIDA, DGM, OCC et Service d’Hygiène. Ce décret n’a jamais été respecté.

n Le commerce des minerais représente une part importante des revenus légaux et illégaux des fonctionnaires chargés du contrôle du commerce et, même si les taxes perçues sont inférieures à ce qu’elles devraient être en raison de la fraude, elles représentent plusieurs millions de dollars par an.

Les «Big Men» du commerceLes grands commerçants sont au cœur du système politico-financier qui constitue l’arrière-plan du commerce des minerais. Leur capacité financière leur permet à la fois d’avoir accès aux politiciens locaux et nationaux, de pré-financer les plus gros achats de minerais, de contrôler les moyens de transport en direction des zones minières difficiles d’accès, de fixer le prix local des minerais, d’acheter la protection des groupes armés et des forces de sécurité, et parfois de les instrumentaliser, c’est-à-dire de les utiliser contre la concurrence. Ainsi, en 2006, la MONUC, Global Witness et le Pole Institute ont rapporté des tensions pour le contrôle de la mine de Bisie au Nord-Kivu entre deux sociétés. Mining Processing Congo, société sud-africaine très liée au Rwanda, et le Groupe Minier Bagandula (GMB), société aussi étroitement liée aux membres du RCD-Goma, rivalisaient pour avoir accès à cette mine. GMB l’a «emporté» en signant un accord avec l’administrateur du territoire le 28 août 2006 lui octroyant 10% de la production de Bisie contre la sécurité, i.e l’appui de la brigade locale des FARDC. De plus, la Coopérative Minière de Mpama Bisiye (Comimpa) est une création de GMB : sur ces 22 membres fondateurs, 11 sont des actionnaires de GMB. GMB

97 Pact (2007).98 Pole Institute (2005). Ressources minées, la faillite de la politique minière en RDC. Goma.

47Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

a été créé le 23 septembre 2005, 50% de son actionnariat appartient à Saphir Society et l’une des personnes clés de GMB est Alexis Makabuza, l’un des financiers du CNDP.

Trois autres «Big Men» du commerce ont été identifiés :

• lesénateurMwangachuchu qui est le propriétaire de la société MHI (Mwangachuchu Hizi International) détient un des carrés miniers du site de Bibatama à Masisi – où le CNDP est présent – ainsi que des intérêts dans la mine de Numbi au Sud-Kivu.

• MmeAziza Kulsum, alias Mme Gulamali, une métisse originaire de Bukavu qui a dirigé la SOMIGL à laquelle le RCD-Goma avait donné le monopole d’exportation des minerais au Sud-Kivu en échange d’un million de dollars par mois et qui possède une société de négoce de coltan (Shenimed) ayant des comptoirs à Bukavu et à Goma. Sa contribution au RCD-Goma a permis à ce mouvement de faire un budget au mois de décembre 2000 pour la première fois. Elle possédait une usine de tabac à Bukavu (Uzabuco) et a été accusée de trafic d’armes en faveur des rebelles burundais FDD et du RCD-Goma. Mme Gulamali est en affaires avec Panju à Bukavu.

• M.Omar Oria, citoyen ougandais, installé à Ariwara est apparu comme le principal négociant en or de cette localité, qui doit son essor à ce commerce. Avec James Nyakuni et Vincent Adjua, Omar Oria faisait partie des principaux commerçants/financeurs du FAPC du commandant Jérôme. En échange de la protection et d’une sorte de monopole commercial attribué par le FAPC, Omar Oria écoulait la production d’or à Kampala et aidait au financement de cette milice.

Ces grands commerçants sont tellement puissants qu’ils peuvent parfois s’opposer aux mouvements armés dominants. L’échec du contrôle de l’exportation de minerais par la SOMIGL auquel le RCD-Goma avait donné le monopole d’exportation des minerais au Sud-Kivu en est un bel exemple. Les réseaux de commerçants bashis floués par cette décision ont résisté et exporté du minerai en contrebande. Du coup, la SOMIGL n’est jamais parvenue à imposer son monopole et elle a été abandonnée en 2002.

Fin tragique d’un Big Man nandé du commerce : le meurtre de Kambale KisoniDirigeant de Congo Metal, Kambale Kisoni était l’un des plus grands commerçants d’or de Butembo. Mis sur la liste des sanctions de l’ONU en mars 2007 pour ses liens avec le FNI qui contrôlait Mongbwalu et assassiné le 5 juillet 2007, c’était un proche de Mbusa Nyamwisi et un aimable contributeur à l’effort de guerre du rCD-ML, voire son principal financeur. Sa compagnie d’aviation, Butembo Airlines, volait directement entre Mongbwalu et Butembo et avait transporté armes et troupes pour le FNI en plus de l’or, ce qui lui valut d’être sanctionné par l’ONU.

Il a été abattu dans son bureau à Butembo par une équipe de tueurs internationaux (Kenyans et Ougandais) et peu avant de mourir il avait fait des démarches pour ne plus figurer sur la liste des sanctions de l’ONU. Plusieurs théories ont circulé sur son assassinat : hommes d’affaires jaloux et voulant son business; inquiétudes de Kinshasa ou Kampala sur d’éventuelles révélations en échange de son retrait de la liste des sanctionnés. La communauté commerçante de Butembo a observé un jour de deuil en sa mémoire en fermant les boutiques. Ses affaires ont été reprises par son épouse qui aurait maintenant réorienté son commerce sur les vêtements et autres biens de consommation, abandonné le commerce des minerais et s’est installée en Ouganda.

n Les «grands commerçants» sont le maillon stratégique du système de commercialisation des minerais, le point de concentration du capital et du réseau relationnel indispensable aux affaires dans cet environnement. Leur connaissance est encore parcellaire.

n Les réseaux de commerçants ont souvent une assise ethnique (commerçants hemas, bashis, nandés et rwandophones se partagent le marché) mais le commerce ne connaît pas d’exclusivité ethnique.99

99 Voir carte Les groupes ethniques du Kivu.

48 International Alert

Les intermédiaires indispensablesLes transporteurs et les sociétés de négoce basées dans les pays voisins sont les intermédiaires indispensables de ce commerce.

A Goma, TMK est le principal transporteur qui assure le transport entre Beni et Goma, puis sur le corridor nord du Nord-Kivu à Mombasa. L’entreprise Jambo Safari est en seconde position. Les transporteurs aériens qui sont impliqués dans le commerce des minerais à Bukavu sont : Delta Force, Atral, Zalia (vols pour Kamituga); Agefreco Air, Congocom Air et Stellavia (vols pour Namoya); Agefreco Air, Congocom Air, Grace Express, Lokole et Acosha (vols pour Shabunda et Lulingu). Deux filiales de Boloré sont aussi présentes dans la région : Agetraf SDV à Bukavu et SDV Transami à Kigali.

Favorisées par une politique très favorable aux exportateurs (absence de taxation à l’importation) et le contrôle de l’armée ougandaise sur le nord-est de la RDC, des sociétés ougandaises se sont lancées avec succès dans l’exportation d’or. Les principales sociétés exportatrices d’or entre 2002 et 2006 sont : • UgandaCommercialImpex• MachangaLimited• APBhimjiLimited.

UCI et Machanga figurent sur la liste des Nations Unies depuis 2007. Machanga Ltd a une antenne à Bujumbura et achète donc aussi l’or en provenance du Sud-Kivu. Entre 2005 et 2007, Emirates Gold a acheté à cette société en Ouganda et au Burundi 10,17 tonnes d’or, 6,61 tonnes à UCI, 1,39 tonne à AP Bhimji Limited et 0,03 tonne à Congomet. UCI dispose d’une raffinerie pour traiter l’or qu’il importe.

Les principales sociétés exportatrices d’or à Bujumbura étaient : Farrel Trade & Investment et Gold Link Burundi Trading dirigé par Mutoka Ruganyira. La première société a cessé ses activités en 2009, laissant la seconde en situation de monopole. Son directeur disposerait d’entrées dans les cercles du pouvoir burundais et se rendrait fréquemment à Dubaï. Il y a en tout 64 comptoirs agréés au Burundi.

Du côté rwandais, les sociétés de négoce sont nombreuses :100

• AfricaPrimaryTungsten• Afriprom• AlbertMupenzi• CentraleMultiServices• Copimar• EtsMunsad• EtsMbanzabugabo• EurotradeInternational• HarelimanaFrodualdEnterprises• ImperialTradingCompany• MetalProcessingAssociation• MetradeOverseas• MineralsSupplyAfrica• MultiserveConsult• NRDRwanda• NiobiumMiningCompany• PhoenixMetal• Pyramide• Redemi

100 N. Garrett & H. Mitchell (avril 2009). Op. cit.

49Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

• RwandaMetals• Sodem• TradingServicesLogistics• ValenceKalinda

Il est à noter que le Rwanda effectue une transformation (primaire) des minerais. Gisenyi abrite une fonderie d’étain – propriété de Metal Processing Association qui possède à Goma Metal Processing Congo101 – et, à Kigali, plusieurs comptoirs séparent les accompagnateurs comme le fer ou le wolfram du coltan. Selon le ministre des mines rwandais, 25% des exportations rwandaises proviendraient de la RDC, mais ce chiffre pourrait être plus proche de 80% selon Global Witness.102

n Il y a un déficit d’informations sur les exportateurs des pays voisins, en particulier ceux du Burundi et de l’Ouganda.103

n Il y a un déficit d’informations sur les propriétaires réels des sociétés de négoce dans les trois pays voisins.

Les étrangersLa présence de milieux d’affaires étrangers dans le système de commercialisation des Grands Lacs est un phénomène qui doit retenir l’attention. Trois groupes d’étrangers apparaissent de manière rémanente dans le commerce des minerais au fil des investigations :

• les hommes d’affaires de l’ex-Union Soviétique : à l’époque du boom du coltan, sont apparus de nombreux citoyens de l’ex-Union Soviétique (ouzbeks, kazakhs, russes, etc.). Un comptoir actif à Beni et Butembo, Conmet, était géré par des Russes dont les dirigeants étaient installés à Kampala. Dirigé par Valentina Piskanova, Conmet appartenait à l’entreprise ougandaise Kullinan Finance Investment qui avait des contrats d’approvisionnement avec l’Allemagne, l’Afrique du Sud et le Kazakhstan. Valentina Piskanova était aussi présente en Ituri à travers l’Ituri Gold Mining Company Limited. Cette présence russe via l’Ouganda s’inscrit dans le cadre de la filière kazakh du coltan. Il convient de noter le regain d’intérêt russe pour le niobium.104

• les diamantaires libanais sont apparus proches de l’élite ougandaise à l’époque où l’UPDF était en RDC. IPIS et le Groupe d’experts ont documenté leurs activités en montrant leurs liens avec la société Victoria (Khalil Nazzeem Ibrahim, un des hommes clés de la société Victoria, possédait un restaurant en co-propriété avec l’épouse de Salim Saleh), leur implantation en RDC (comptoirs de diamants en Province Orientale, à Beni et à Bukavu) et leurs rapports avec la Belgique (lieu d’écoulement des diamants, sociétés et propriétés immobilières). D’évidence, les milieux libanais actifs dans le secteur du diamant dans l’Est congolais ont réorienté leurs activités vers Kampala à l’époque où l’Ouganda était devenue la «puissance dominante». A Goma, le comptoir Sodexmines est dirigé par un homme d’affaires libanais depuis 2005 pour le compte d’un des grands hommes d’affaires de la RDC.

• les hommes d’affaires indopakistanais originaires des Grands Lacs : ils sont très actifs dans le commerce de l’or en Ouganda (à travers les sociétés UCI et Machanga Ltd) et au Burundi, à travers Farrel Trade and Investment Corporation. Machanga est contrôlée par les hommes d’affaires Rajendra Vaya et Vipul Kumar et UCI par J.V Lodhia. Les Indopakistanais de Kampala ont aussi été mis en cause dans les trafics d’or impliquant des casques bleus pakistanais en Ituri. Pour l’heure, les indopakistanais d’Ouganda sont les seuls dont les sociétés sont sur la liste des sanctions de l’ONU (UCI et Machanga).

101 MPA est considérée comme une société sud-africaine, a été créée en 2001 et produit 200 tonnes de lingots d’étain par an.102 Global Witness (2009). Op. cit.103 Dans leur dernier rapport, le Groupe d’experts souligne le manque de coopération des autorités burundaises en termes d’information sur

les sociétés exportatrices et leurs liens supposés avec les réseaux FDLr.104 Voir chapitre 2.

50 International Alert

Il est aussi à noter que SDE et Sodexmines, deux comptoirs de Goma, appartiennent au groupe de Elwyn Blattner, un homme d’affaires américain installé en RDC depuis très longtemps et qui y possède plusieurs sociétés.

n Cette réorientation et l’apparition de marchands de diamants libanais dans les cercles du pouvoir à Kampala témoignent de l’extrême flexibilité et adaptabilité des acteurs du commerce du diamant.

n Ces milieux d’affaires constituent parfois le trait d’union entre le commerce congolais des minerais et l’économie criminelle internationale, notamment les mafias de l’Est (apparition de Victor Bout comme transporteur, liens entre le trafic d’armes et les exportations de minerais démontrés par l’ONU).

3.4 La répartition des bénéfices au fil de la chaîne commerciale

L’absence d’application homogène de la réglementation fiscale, l’intérêt à l’opacité des acteurs de la filière et les différents mécanismes de fraude rendent impossible le calcul des bénéfices réels retirés de l’exploitation des minerais dans l’Est congolais par les acteurs passifs et actifs de ce commerce. Plusieurs études ont tenté d’évaluer les gains des différents acteurs. S’il est impossible d’arriver à un degré élevé de précision, il ne fait aucun doute que les creuseurs ne perçoivent que la portion congrue de la valeur ajoutée issue de la mine. Leur revenu journalier moyen se situe entre 1 et 2 ou 3 dollars par jour, somme aussitôt dépensée auprès des commerçants pour couvrir les dépenses indispensables, de nourriture notamment. L’isolement d’un grand nombre de mines pèse fortement sur le coût de la vie, une part considérable de l’approvisionnement arrivant par voie aérienne. La plus grande part de la valeur de la production à la sortie de la mine est répartie entre les chefs d’équipe, les gérants, les propriétaires et les militaires comme l’ont montré les différents rapports consacrés à l’économie minière.

Néanmoins, les observations de terrain effectuées confirment l’intuition selon laquelle plus on monte dans la chaîne commerciale plus les bénéfices sont importants. Situés au commencement de la chaîne, les creuseurs gagnent à peine de quoi vivre; les négociants qui maîtrisent les flux commerciaux entre les carrières et les comptoirs dégagent des bénéfices (une centaine de dollars par mois d’après des témoignages de négociants); en fonction de leurs volumes d’échanges, les exportateurs réalisent des bénéfices qui se chiffrent en milliers, voire en millions de dollars – tout comme les acteurs passifs du commerce que sont les fonctionnaires et les hommes en armes. Si les analyses n’indiquent pas comment se répartit la valeur le long de la chaîne commerciale, elles s’accordent toutes sur le fait que les grands perdants de ce commerce sont les creuseurs : d’une part, les creuseurs sont victimes d’une dissymétrie d’information par rapport aux acheteurs qui font l’analyse des échantillons et fixent donc le prix; d’autre part, les creuseurs sont incapables d’épargner.105

Les pays voisins sont les grands bénéficiaires de cette rente partagée dans la mesure où la production minière congolaise leur permet d’augmenter leurs propres exportations de minerais et donc d’améliorer leur balance commerciale et d’alimenter leur budget national. Ce partage obligé de la rente minière congolaise a été mis en évidence en comparant les productions nationales et les exportations. Dans une étude de 2005, Global Witness106 cite les chiffres de l’OCC pour le total de l’exportation de cassitérite du Nord et du Sud-Kivu : 7 591 tonnes. L’analyse de données collectées au Rwanda indique que celui-ci a exporté 1 800 tonnes de plus que sa propre production : l’ONG en conclut qu’ «il est fort probable que ces importations proviennent principalement de l’est de la RDC, y compris des zones de conflit». De même la comparaison entre la production et l’exportation

105 Voir chapitre 5.106 Global Witness (2005). La paix sous tension : dangereux et illicite commerce de la cassitérite dans l’est de la RDC. London : Global Witness.

51Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

d’or en Ouganda est assez éloquente et révèle que l’or exporté provient essentiellement de RDC, et plus particulièrement de la Province Orientale.

Exportation et production d’or en Ouganda (kg)1994 1996 2000 2004 2006 2007

Exportation 225 3206 7 303 5 465 6 937 3 556

Production 2 3 56 178 22 25

Source : D. Fahey (2008). «Le fleuve d’or : the production and trade of gold from Mongbwalu, DRC». pp.357–383. L’Afrique

des Grands Lacs. Annuaire 2007–2008. L’Harmattan.

Indépendamment de la qualité des minerais, il va de soi que la profitabilité de ce commerce dépend de nombreux paramètres : le coût du transport, l’ampleur de la fraude et l’évolution des cours mondiaux conditionnent davantage la profitabilité que les gains des creuseurs. Le paramètre «évolution des cours mondiaux» a été mis en évidence lors 1/ du boom du coltan qui a permis un enrichissement très rapide de certains opérateurs 2/ de la chute des cours en 2008. Depuis lors, les acteurs du commerce des minerais tentent surtout de se repositionner sur l’or dont le cours est soutenu.

n La profitabilité des filières d’exploitation dépend de trop de paramètres (et notamment de paramètres pour lesquels l’information est défaillante) pour être évaluée sans modèle économétrique.

52 International Alert

Chapitre 4 : Mécanismes de la fraude

résumé :

Le commerce des minerais en rDC est caractérisé par un degré élevé d’activités frauduleuses en termes à la fois de taxation illégale et de fraude à l’exportation/ contrebande. La différence entre les activités légales, illégales et «déréglementées» est souvent difficile à établir et la majeure partie du commerce opère dans une économie souterraine qui se formalise progressivement, à mesure que les minerais s’acheminent vers la frontière pour être exportés vers les marchés mondiaux. Un certain nombre de mécanismes nationaux et internationaux visant à améliorer la réglementation du secteur minier n’ont pas encore atteint les Kivus et leur succès reste limité au niveau national.

4.1 Nature de la fraude

La fraude dans le commerce des minerais en RDC est un vaste sujet sur lequel de nombreuses informations et documentations approfondies sont disponibles. Un nombre considérable de sources fournissent une excellente description de la nature de la fraude dans le cadre du secteur minier, qu’il soit formel ou informel. Elles contiennent bien plus d’éléments sur la complexité de la question qu’il n’est possible de développer dans cette étude. Ces sources sont les suivantes :

• RapportsduPoleInstitute(Goma,RDC),enparticulier«Rules for Sale»;• Documentationduprojetderecherche«Lecommerceauservicedelapaix»,financéparle

DFID, USAID et COMESA;• Lesrapportsdupaneld’expertsetdugrouped’expertsdesNationsUnies.

D’autres rapports et documents des ONG telles que Global Witness et Rights and Accountability in Development (RAID) approfondissent les liens entre commerce des minerais et conflits violents, et se penchent sur la question de la corruption dans le processus. D’autres auteurs, Hans Romkema, Koen Vlassenroot et Tim Raeymaekers, ont également rassemblé des informations sur la fraude dans le commerce des minerais, en lien avec la gouvernance locale et la transformation sociale en particulier. La récente analyse intitulée «Trading Conflict for Development : Using the Trade in Minerals from Eastern DRC for Development», publiée en avril 2009 dans le cadre du projet «Le commerce au service de la paix», fournit certainement le panorama le plus à jour du fonctionnement du secteur minier, avec notamment un débat approfondi sur la fraude chez les acteurs locaux.

Selon le rapport de synthèse intitulé «Le commerce au service de la paix» publié en 2007, le nombre d’exportations par le Congo qui ne sont pas recensées comme elles devraient l’être par les fonctionnaires est estimé à 50 %. Ce phénomène peut être attribué à la combinaison de faiblesses bureaucratiques, d’une mauvaise gestion des organisations étatiques de réglementation et d’un comportement frauduleux visant à éviter les taxes et les charges. Les fonctionnaires eux-mêmes violent souvent la réglementation, ce que «Le commerce au service de la paix» identifie comme la raison principale pour laquelle les négociants adoptent un comportement frauduleux.107

107 «Le commerce au service de la paix : Instauration de la sécurité et réduction de la pauvreté par le commerce des ressources naturelles dans la région des Grands Lacs», p.4–7 (octobre 2007). DFID, COMESA et USAID.

53Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Ce chapitre de l’étude récapitulative traitera essentiellement du comportement frauduleux, bien que les faiblesses bureaucratiques et réglementaires rendent le système particulièrement sensible à la corruption.108 Il existe différents types de comportements frauduleux communément abordés par la littérature portant sur les échanges de ressources, c’est-à-dire :

1. La taxation illégale2. La fraude à l’exportation/contrebande Taxation illégaleLa taxation du secteur minier n’est pas illégale en soi. Mais de très nombreux agents de l’État taxent au-delà de ce qui est autorisé par le droit congolais.109 Bien que la loi congolaise spécifie quelles sont les entités habilitées à contrôler le commerce aux frontières, elle n’est pas respectée et bien souvent beaucoup plus d’agents sont présents que ce que la loi autorise. En outre, la taxation par l’armée congolaise, illégale dans tous les cas, est souvent dénoncée, notamment dans l’est de la RDC.110 Il est à noter que la taxation par les groupes armés n’est pas limitée au commerce des minerais. Dans l’est de la RDC en général, la forte présence des forces de sécurité (de l’armée ou de la police gouvernementale ou bien des membres de groupes armés) se traduit par des «tracasseries» contre les populations dans tous les secteurs économiques.111

Dans l’est de la RDC, existe également le phénomène des échanges «légaux mais non recensés» de produits non taxés et donc des agents qui ne prennent pas la peine de les recenser. Les personnes handicapées sont exemptes de taxes aux frontières et sont par conséquent souvent utilisées comme trafiquants. Elles seraient capables de déplacer des charges entières de camions en peu de temps en faisant de multiples allers-retours dans des fauteuils roulants ou des charrues spécialement adaptés.112 Au plus fort du conflit, une grande partie du secteur minier opérait sans aucune règle ou structure formelle, c’est ce que nous entendons par «déréglementation».113 En effet, en 2001, le panel d’experts des Nations Unies a abordé la question de l’exploitation des ressources sous l’angle d’une «guerre financière» plutôt que sous celui de l’opposition entre les activités légales et illégales.114 De même, l’activité minière artisanale peut-être qualifiée de «déréglementée», bien qu’elle puisse avoir des effets bénéfiques pour les individus et l’État.115

La Division des mines estime à 6 millions $ les recettes minières perçues dans les Kivus entre janvier 2007 et septembre 2008, ce qui signifie que la sphère formelle du commerce n’est pas inexistante.116 Cependant, cette situation se complique au niveau local où même les impôts «légalement» collectés (c’est-à-dire par ceux qui sont habilités à le faire) peuvent être utilisés illégalement par ces mêmes agents à des fins d’enrichissement personnel au lieu d’être déposés sur les comptes de l’État. Par exemple, selon l’étude «Le commerce pour la paix», 30 à 40 % des revenus collectés légalement finissent dans la poche des fonctionnaires qui les collectent.117 En d’autres termes, aucune transparence budgétaire n’est appliquée dans l’administration et les impôts légalement prélevés peuvent être utilisés à des fins illégales.

La taxation légale et illégale a lieu tout au long de la chaîne commerciale, depuis la mine jusqu’à l’arrivée sur le marché. Des efforts sont mis en œuvre depuis des années pour créer un cadre législatif en mesure de combler les vides juridiques. Comme l’indique un rapport du Pole Institute, «l’on n’a jamais vraiment su, par exemple, si le commerce dans une zone rebelle est considéré comme

108 «Le commerce au service de la paix», p.5. Op. cit.109 Voir chapitre 3, Les acteurs-clés.110 N. Garrett et H. Mitchell (avril 2009). Op. cit., p.7.111 A. Tegera et D. Johnson (mai 2007). Rules for sale : Formal and informal cross-border trade in Eastern DRC, p.7. Goma : Pole Institute.112 A. Tegera et D. Johnson (mai 2007). Op. cit., p.21. 113 «Le commerce au service de la paix», p.14. Op. cit114 T. raeymaekers (2003). Op. cit.115 N. Garrett and H. Mitchell (2009). Op. cit., p.7.116 N. Garrett and H. Mitchell (2009). Op. cit., p.7.117 «Le commerce au service de la paix». Op. cit, p.26.

54 International Alert

illégal si le négociant ne paie aucune taxe ou si au contraire il en paie».118 Autre exemple, faut-il considérer l’évasion fiscale comme frauduleuse lorsqu’il est de notoriété publique que les recettes des taxes seront utilisées de manière abusive par ceux qui les prélèvent au lieu d’aller à l’État ? Le rapport du Pole Institute indique également que les structures existantes pour l’exploitation des ressources n’ont été légalisées que lorsque les belligérants sont devenus des dirigeants légitimes, mais les ressources n’ont pas pour autant profité à la population congolaise.119

Exportation frauduleuse/contrebandeLe commerce transfrontalier entre la RDC et ses voisins de l’est est un phénomène qui existe depuis bien avant le début du conflit. De forts liens ethniques existent au-delà des frontières, notamment entre les Nande du «Grand Nord» au Nord-Kivu et les Kondjo en Ouganda et entre les Banyarwanda du «Petit Nord» et les Rwandais. Autre pratique commerciale frauduleuse datant d’avant la guerre : certaines personnes cherchaient à ne pas payer les taxes aux bureaucrates de Kinshasa.120 L’or est apparemment l’une des principales marchandises échangées frauduleusement, facilement transportable et dissimulable. Bien que les données statistiques fiables en matière d’échanges commerciaux dans l’est de la RDC restent difficiles à obtenir, une estimation indique que 35 % des échanges dans l’est ne seraient pas déclarés. Dans le cas de la cassitérite au départ de l’aéroport de Goma, cela correspond à l’équivalent d’environ 9,4 millions $ (prix de 2007).121 Dans le cas de l’or, le chiffre pourrait atteindre les 95 %.122 Selon un rapport de la Banque mondiale datant de mai 2008, le secteur minier en RDC devrait dans l’ensemble générer environ 200 millions $ par an (calcul antérieur à l’actuelle crise financière). Or en 2005, le gouvernement a déclaré qu’il avait recueilli 27 millions $, au titre des taxes du secteur minier.123

Souvent, les commerçants évitent de payer les taxes et droits dans les zones de contrôles aux frontières en «négociant» avec les fonctionnaires : ils leur paient une somme de manière informelle plutôt que de leur verser les taxes. Cela arrange les deux parties et a donné naissance à l’expression «fraude entre adultes consentants».124 Autre possibilité : les commerçants évitent les lieux de prélèvement en prenant un autre moyen de transport. Le Pole Institute a identifié un certain nombre de manières dont la fraude à l’exportation est réalisée dans le secteur minier au Nord-Kivu.

Mécanismes d’exportation frauduleuse

Les exploitants et services du Nord-Kivu conviennent qu’un grand pourcentage de marchandises entrant et sortant de la province en provenance / et à destination de pays voisins passe la frontière de manière informelle et ce même aux postes frontaliers reconnus. Ces passages frauduleux se manifestent sous des formes diverses :

les marchandises sont détaxées et / ou exemptes de droits d’entrée / de sortie et, par conséquent, les organismes douaniers ne prennent pas la peine de les enregistrer;

l’utilisation incorrecte de la nomenclature de commerce pour calculer les taxes constitue un autre moyen d’extraire des revenus supérieurs à la somme due;

les marchandises sont assujetties à la taxe et, pour diminuer la charge fiscale, les importateurs / exportateurs soudoient les fonctionnaires des douanes et autres agents de l’État en leur demandant d’enregistrer une quantité / valeur inférieures voire de les laisser passer sans rien consigner;

118 Pole Institute & International Alert (février 2004). «Natural resource exploitation and human security in the Democratic republic of Congo : Seminar report», p.18

119 Ibid., p.24.120 A. Tegera et D. Johnson (mai 2007). Op. cit., p.15.121 N. Garrett and H. Mitchell (2009). Op. cit., p.29.122 N. Garrett and H. Mitchell (2009). Op. cit., p.7 et 23.123 Banque mondiale (mai 2008). «république Démocratique du Congo : La bonne gouvernance dans le secteur minier comme facteur de

croissance», p.6. rapport n° 43402-Zr.124 A. Tegera et D. Johnson (mai 2007). Op. cit., p.7.

55Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

les organismes de l’État concernés profitent de leur statut pour ne pas appliquer le régime fiscal / douanier officiel, en partie ou intégralement, aux passages des négociants ou de négociants sélectionnés, moyennant paiement;

les marchandises assujetties à la taxe sont cachées sous des marchandises non assujetties et les contrôles détaillés sont soit minimisés soit occultés moyennant paiement;

les négociants bénéficient de la franchise fiscale pour certaines marchandises et en profitent pour cacher d’autres marchandises dans un chargement de marchandises exemptées;

les négociants bénéficiant de la franchise fiscale négocient au nom de tierces personnes qui elles, n’en bénéficient pas;

les marchandises sont négociées par des gens qui connaissent des militaires haut placés ou des membres de l’armée et les services de sécurité ordonnent aux représentants d’autres services «d’aller se promener» pendant le passage des véhicules;

les marchandises passent par des postes frontaliers non officiels – en pleine campagne, sur des routes secondaires ou par bateau, en traversant les lacs.

Source : Pole Institute, interviews avec les services de l’État et les négociants à Goma, janvier-avril 2007.

Source : «Le commerce au service de la paix» p.25

Selon l’étude «Le commerce au service de la paix», les négociants et un grand nombre de fonctionnaires préfèreraient en réalité une meilleure régulation, un système «plus juste» à celui qui existe aujourd’hui. Mais le système informel actuel est plus économique pour les négociants que le système formel. En effet, le Pole Institute cite un observateur pour qui «si tous s’acquittaient de toutes leurs taxes, tout deviendrait trop cher pour tout le monde».125

Un autre négociant de Goma s’explique : «Pour l’instant, pour exporter un conteneur de 25 tonnes de cassitérite légalement en provenance de rDC, je dois verser 6 500 USD de taxes. Si j’exporte du rwanda, ça me coûte 200 USD, d’Ouganda, 40 USD. Et donc, si j’arrive à faire passer mon produit au rwanda ou en Ouganda en premier et à l’exporter officiellement de ces pays-là, j’économise une grosse somme d’argent. Éviter les taxes de rDC me coûte 2 000 USD par conteneur, soit une économie de 4 500 USD. La rDC est le seul pays de la région qui pratique encore la taxe d’exportation. Elle a été abolie partout ailleurs».

Source : «Le commerce au service de la paix», p.26.

n Le commerce au service de la paix» a comparé les exportations enregistrées du secteur minier avec les exportations réelles, ce qui a mis en évidence l’écart qui les sépare et une large sous-diffusion des informations. Cela ne vaut pas uniquement pour les minerais mais aussi pour les denrées alimentaires, les machines, véhicules, etc. Plusieurs agences de l’État collectent des données concernant les échanges, ce qui explique l’absence d’une seule et unique source fiable.126 Différentes agences recueillent des informations sur différents produits et certaines statistiques sur des produits identiques diffèrent même entre les agences. Certaines marchandises sont enregistrées dans une catégorie ne leur appartenant pas.

Tentatives d’évaluation de la fraudePlusieurs tentatives d’évaluation de la fraude ont été effectuées. L’étude précitée du Pole Institute a cherché à la mesurer à partir du cas précis de la cassitérite provenant de Walikale (mines de Bisié) et exportée par Goma en comparant les données de différents services dont le Bureau de la navigation aérienne à Goma, le Bureau minier de Walikale et le bureau de la Direction générale des migrations à Walikale.

125 A. Tegera et D. Johnson (mai 2007). Op. cit., p.7.126 Les organes qui recueillent les statistiques sont l’OFIDA (Office des douanes et assises), le département provincial du commerce, l’OCC

(Office congolais de contrôle), la Division des mines et géologie et le CEEC (Centre d’expertise, évaluation et certification). Le rapport du Pole Institute «rules for Sale» propose un examen détaillé de la manière dont ces agences mènent leurs contrôles.

56 International Alert

Évaluation de la cassitérite de Walikale destinée à Goma en 2006 (en tonnes)OFIDA Com.Ext. OCC Dir.Mines BM

WalikaleBNA Goma

DGM Walikale

2 948 2896 2912 2904 4 767 4 818 10 309

Ces chiffres montrent de très faibles écarts entre les 4 services directement impliqués dans l’exportation. En revanche les écarts avec ceux que fournissent le Bureau minier de Walikale, le Bureau des voies aériennes de Goma (BNA) et surtout celui du bureau de la Direction des migrations (DGM) de Walikale sont considérables. Si les données enregistrées par la DGM sont fiables, ce que pensent les enquêteurs du Pole Institute, cela signifie que plus de 50 % de la production disparaît entre Walikale et Goma, et si l’on compare ces données avec les déclarations de l’OFIDA, c’est plus des 2/3 de la production qui s’est volatilisée et échappe au contrôle et à la fiscalité de l’État. Pour les chercheurs du Pole Institute, les enregistrements de la DGM diffèrent de tous les autres parce que ses agents ne sont pas dans une position qui leur permettrait de «négocier» un service rendu.

Cet exemple très précisément étudié souligne la difficulté d’obtenir des données statistiques satisfaisantes. Chacun sait que la production est très sous-évaluée par les services officiels, mais de combien ? Le chiffre de 35 % avancé dans «Le commerce au service de la paix» est lui-même une hypothèse. La fraude est particulièrement importante en ce qui concerne l’or dont la majeure partie de la production est écoulée frauduleusement dans les pays voisins. Selon une étude du commerce transfrontalier menée par INICA en 2007, la plus grosse part de l’or produit au Sud-Kivu part en contrebande vers Bujumbura.127 Dans «Le commerce au service de la paix», étude réalisée en 2007, les auteurs128 mettent en parallèle les données officielles d’exportation des minerais au Nord et au Sud-Kivu avec celles qu’ils estiment correspondre à la réalité :

Exportations enregistrées Exportations réelles

cassitérite (2006) 6 748 t 16 870 t

or (2005) 609 kg 10 000 kg

Le tableau ci-dessous illustre la différence entre les niveaux d’exportation déclarés et les niveaux réels estimés.

Tableau 1 : Évaluation des exportations réelles et enregistrées de la RDCExportations enregistrées provenant de la rDC

Exportations réelles estimées

Observations

Cuivre (2005)

OFIDA, 117 315 T 223 000 T Volume réel basé sur les importations enregistrées vers la Zambie, ajustées à la hausse de 10%

Or (2005)

600 kg (Sud-Kivu); 9 kg (Nord-Kivu)

Environ 10 tonnes Basé sur les volumes produits, l’enquête US Geological et les estimations des négociants

127 INICA, UNECA (2007). Natural resources and trade flows in the Great Lakes region.128 H. Sunman et N. Bates (2007). Le commerce au service de la paix. DFID, USAID, COMESA.

57Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Cassitérite (2006)

3 599 T (DM, Nord-Kivu) 3 149 T (OFIDA, Sud-Kivu)

16 870 T Estimation des volumes réels basée sur les détails de fret aérien pris en charge à Walikale, enregistrés par la Direction Générale des Mines, et sur les estimations des négociants portant sur les niveaux d’exportations et de productions non enregistrées

Bois (2006)

25 000 m3, voirparagraphe 40

50-70 000 m3 d’Ituri, Nord-Kivu

Exportations de rDC orientale. Volumes réels basés sur les importations enregistrées de bois en Ouganda, au rwanda et au Burundi, où la collecte de données est relativement solide

Importations de produits pétroliers (2005)

Volume déclaré,16 264 m3

Volume réel,25 805 m3

Données compilées par la branche Beni de la compagnie pétrolière nationale SEP-Congo, 2005 (juin à septembre)

Source : «Le commerce au service de la paix», p.17.

En outre, les minerais sont enregistrés plusieurs fois sur la chaîne commerciale, ouvrant la voie à de multiples possibilités de fraude. Par exemple, les minerais acheminés des mines vers les centres d’échanges près de Walikale seront enregistrés à leur départ de l’aéroport de Walikale, une deuxième fois en arrivant à l’aéroport de Goma puis au départ de Goma par la route vers le marché international. À cela il faut ajouter les enregistrements conservés par les pays voisins/de transit. De plus, le système bancaire offre un fort potentiel de fraude. Les gains provenant des échanges extérieurs seraient en effet illégalement perçus par le gouvernement central pour financer ses dépenses.129 Cela incite d’autant les négociants à éviter l’ensemble du secteur formel. De même, l’évaluation des minerais par les négociants dès le site de production donne lieu à des fraudes envers les producteurs : les négociants sous-estiment la qualité des minerais ou manipulent les prix d’achat.

n Les motifs de la fraude sont classiques (empilement et désordre fiscal, abus de pouvoir des fonctionnaires, etc.) et caractéristiques d’une administration prédatrice dans un contexte d’Etat failli.

4.2 Efforts en matière de réglementation / redevabilité dans le commerce des minerais

Initiatives nationalesLe gouvernement de la RDC a promulgué un Code minier en 2002130 suivi d’un Règlement minier en 2003131 définissant l’application du Code. Le Code minier confirme les entités habilitées à réguler le secteur minier, c’est-à-dire le ministre des Mines, le Cadastre minier, la Direction des mines et la Direction chargée de la protection de l’environnement minier.132 Le Code établit également une base de calcul des taxes, droits de douanes et redevances associés au commerce des minerais. Mais à l’instar de nombreuses lois au Congo, le code n’est pas entièrement appliqué.

Entre autres choses, le Code minier a établi un cadastre minier sous tutelle des ministères des Mines

129 A. Tegera et D. Johnson (mai 2007). Op. cit., p.59.130 Loi N° 007/2002 du 11 juillet 2002.131 Décret N° 038/2003 du 26 mars 2003.132 «Corruption et gouvernance en rDC durant la transition (2003-2006)», p.53.

58 International Alert

et des Finances, afin de réguler le système de gestion des droits et titres miniers, réduisant ainsi en théorie les possibilités de fraude. Le Cadastre Minier (CAMI), traite les demandes et délivre des permis de recherche et d’exploitation. La Banque mondiale a relevé des problèmes dans le suivi des paiements, c’est-à-dire entre ceux facturés par le CAMI et ceux qu’ont reçus le ministère des Finances et la Banque centrale. La Banque mondiale a également relevé des accusations de pressions exercées sur le CAMI pour obtenir des «dérogations aux directives et critères établis dans le cadre de la transparence dans la délivrance des droits miniers».133

Un certain nombre d’autres entités étatiques sont responsables de différents aspects du suivi et de la réglementation du secteur minier. Le CEEC,134 agence autonome, a été créé pour mettre en œuvre le Processus de Kimberley, mais il est également chargé, depuis un décret récent, d’évaluer et d’apprécier les minerais avant leur exportation. L’OCC est responsable du suivi quantitatif et qualitatif de tous les produits importés et exportés. Étant donné la faible capacité de toutes les agences étatiques à surveiller les échanges de manière efficace, les possibilités, pour les intérêts hostiles à tout changement, d’utiliser le processus de suivi pour leur propre bénéfice sont de plus en plus larges. Comme l’indique un rapport du CASM de 2008, «il n’est pas rare pour ces individus et/ou organisations (compagnies minières, hommes politiques ou militaires) de diffuser délibérément de fausses informations, de doubler ou de s’attirer les faveurs des autorités afin d’atteindre une position profitable pendant et après le processus de formalisation».135 Le SAESSCAM (Service d’assistance et d’encadrement de l’artisanat minier) est une agence étatique créée pour apporter un soutien technique et des conseils aux mineurs artisanaux en matière de sensibilisation au droit, de formation aux techniques d’extraction, d’organisation de coopératives, de santé et sécurité, etc.136 En principe, cette initiative devrait aider à réduire l’exploitation des mineurs artisanaux. Mais au-delà des problèmes causés par les financements insuffisants, le SAESSCAM a dû faire face à des accusations de corruption interne et de conflits d’intérêts concernant sa responsabilité de collecter lles taxes portées par les mineurs artisanaux eux-mêmes.137

Un certain nombre d’initiatives nationales ont été mises en place pour examiner les aspects frauduleux ou abusifs des contrats miniers. L’accord de paix signé en 2003 appelait à la mise en place d’une commission parlementaire multipartite pour enquêter sur l’exploitation des ressources naturelles pendant la guerre, de 1996 à 2003. Menée par le parlementaire Christophe Lutundula, la «Commission Lutundula» a publié son rapport en 2005, indiquant les contrats miniers qui devaient être résiliés ou renégociés. La Commission recommandait également des procédures judiciaires à l’encontre de certains hommes politiques et hommes d’affaires.138 À l’époque, certaines ONG ont critiqué l’Assemblée nationale et le gouvernement pour leur absence de réaction face aux recommandations du rapport.

En 2007, le gouvernement congolais a commencé l’examen de 61 contrats miniers, afin d’émettre des recommandations quant à la révision ou la résiliation des contrats. Le but était de corriger les «déséquilibres» en faveur des entreprises privées et au détriment de l’État.139 Le rapport final de la commission d’enquête, publié en mars 2008, recommandait que 39 contrats soient renégociés et que 22 soient résiliés. L’entreprise australienne Anvil Mining, pour laquelle la résiliation a été recommandée, avait obtenu l’exemption totale des taxes pour elle-même et l’un de ses sous-traitants pendant vingt ans, grâce à un contrat signé en 1998. Le gouvernement congolais s’est

133 «république Démocratique du Congo : La bonne gouvernance dans le secteur minier comme facteur de croissance» mai 2008, p.41. Banque mondiale.

134 Décret de création en annexe.135 N. Garrett (1er juin 2008). «Artisanal Cassiterite Mining and Trade in North Kivu : Implications for Poverty reduction and Security», p.24.

Communities and Artisanal & Small-Scale Mining Initiative (CASM). 136 N. Garrett (22 octobre 2007). «Preliminary Observations from the Democratic republic of the Congo (DrC)». Extractive Industries

Transparency Initiative (EITI) et Artisanal & Small-scale Mining (ASM), avant-projet.137 «Artisanal Cassiterite Mining and Trade in North Kivu», p.22. 138 Global Witness (12 février 2006). «r.D. Congo : mettre fin à l’exploitation illégale des ressources naturelles», communiqué de presse. Voir

http ://www.globalwitness.org/media_library_detail.php/422/fr/r.d._congo_mettre_fin_a_lexploitation_illegale_des.139 IPIS (25 mars 2008). «république Démocratique du Congo : Contrats miniers – État des affaires», p.1. Anvers.

59Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

engagé dans un processus à long terme de renégociation avec les 6 dernières entreprises minières dont les contrats n’ont pas été traités. Ce processus, qui concerne AngloGold Ashanti, Banro, First Quantum, Gold Fields, Freeport-MacMoRan et Mwana Africa, vient d’être prolongé de 6 mois.140 Les ONG telles que Global Witness critiquent le manque de transparence et de redevabilité du processus d’examen.141

Initiatives du secteur minier internationalL’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) est une coalition de gouvernements, de compagnies privées, d’organisations de la société civile et de parties prenantes qui soutiennent une meilleure gouvernance des secteurs miniers des États par la transparence et la publication des versements des taxes par les entreprises et leur perception par les gouvernements. L’ITIE propose des normes et lignes directrices mais leur mise en œuvre relève de la responsabilité des États membres. La RDC est candidate à l’ITIE et doit entreprendre la validation d’ici le 9 mars 2010 pour devenir un membre conforme. Un Comité national a été créé et a publié un programme de travail.142

Les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sont des normes auxquelles les gouvernements adhèrent de manière volontaire concernant le comportement que les entreprises devraient adopter sur les questions des droits humains, de lutte contre la corruption, de fiscalité, de publication des informations, entre autres. Pendant le conflit, le Panel d’experts des Nations Unies les utilisait comme référence pour évaluer le rôle que jouaient les entreprises dans l’alimentation des activités économiques des groupes armés de l’est de la RDC. Le Panel a spécifiquement recommandé que les gouvernements signataires s’assurent que les entreprises enregistrées sur leurs territoires n’enfreignent pas les principes de l’OCDE.143

Selon «Le commerce au service de la paix», le processus de Kimberley a clarifié la gestion du secteur du diamant mais «la production et les ventes restent encore largement sous déclarées».144 D’autres expliquent que le processus de Kimberley met en œuvre des «mesures commerciales visant à faire cesser ce qui est par essence un problème de gouvernance, dont l’insécurité est un symptôme, [et donc] qui se méprend sur les dynamiques fondamentales de la question».145

Actions des Nations UniesDe nombreuses résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies concernant la RDC ont été votées et se penchent sur la question des ressources naturelles. En 2000, le Conseil de sécurité a institué un Panel d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et des autres formes de richesse en RDC afin de recueillir des informations et d’émettre des recommandations au Conseil sur l’exploitation illégale des ressources en RDC et ses liens avec le conflit. En 2004, le Conseil de sécurité a créé un Comité de sanctions et un Groupe d’experts pour superviser la mise en œuvre de l’embargo sur les armes en RDC.146 Dans de nombreux rapports, le Groupe d’experts mentionne les réseaux criminels opérant dans l’est de la RDC et apportant un soutien aux groupes armés, et s’attarde sur le rôle du secteur minier.

Afin de mieux réglementer le commerce minier, dans son rapport de décembre 2008, le Groupe d’experts recommandait que le Conseil de sécurité demande à la MONUC d’établir des équipes de contrôle des frontières à Bunagana et Kasindi pour effectuer des contrôles transfrontaliers ponctuels.147 Le Groupe recommandait également aux États membres d’élaborer une carte des

140 The Northern Miner (17 avril 2009). «More delays for DRC’s big miners». 141 Voir par exemple «L’examen des contrats miniers en rDC : filière rapide ou fausse piste?», communiqué de presse de Global Witness, 18

février 2008. Voir http ://www.globalwitness.org/media_library_detail.php/629/fr/lexamen_des_contrats_miniers_en_rdc_filiere_rapide_t.142 Voir http ://eitransparency.org/fr/r%C3%A9publiqueD%C3%A9mocratiqueCongo. 143 rapport du panel d’experts des Nations Unies, octobre 2002, p.36.144 «Le commerce au service de la paix», p.24. Op. cit.145 N. Garrett and H. Mitchell (2009). Op. cit., p.28.146 résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies S/rES/1533 du 12 mars 2004.147 rapport du groupe d’experts des Nations Unies, décembre 2008, p.57.

60 International Alert

régions riches en minéraux et de la position des groupes armés et de la publier afin d’informer les entreprises commerciales sur l’origine des minéraux qu’elles achètent. Ces deux recommandations sont maintenant réalité. Les États membres ont également été invités à s’assurer que les entreprises sous leur juridiction exercent une diligence raisonnable sur les questions d’origine.148 Dans des rapports précédents, le Groupe avait recommandé aux États voisins de passer au crible et d’empêcher les partenariats économiques entre leurs entreprises nationales et les groupes armés.149

À la suite des recommandations du Groupe d’experts, le Conseil de sécurité a donné pour mandat à la MONUC d’«empêcher la fourniture d’un appui aux groupes armés illégaux, y compris par des moyens tirés d’activités économiques illicites» et d’«utiliser ses moyens de surveillance et d’inspection pour empêcher les groupes armés illégaux de bénéficier d’un appui provenant du trafic des ressources naturelles».150 Dans une autre résolution, le Conseil de sécurité a étendu l’interdiction de voyager et le gel des avoirs pour y inclure les personnes ou entités appuyant les groupes armés illégaux dans l’est de la République démocratique du Congo au moyen du commerce illicite de ressources naturelles.»151 La même résolution encourage les États membres à s’assurer que les importateurs, les industries de transformation et les consommateurs «exercent toute la précaution voulue à l’égard de leurs fournisseurs et de l’origine des minéraux qu’ils achètent» et à communiquer au Comité de sanctions des Nations Unies les noms des personnes ou entités pour inscription sur la liste d’interdiction de voyager et de gel des avoirs.152 Les résolutions du Conseil de sécurité ayant un caractère légalement contraignant, les personnes peuvent être poursuivies pour transactions commerciales bénéficiant aux groupes armés. Mais le Groupe d’experts a également indiqué que de nombreux États membres n’appliquaient pas entièrement les sanctions existant à l’encontre des personnes.153

n Aucune de ces tentatives de régulation/remise en ordre n’a porté ses fruits.

148 rapport du groupe d’experts des Nations Unies, décembre 2008, p.58.149 Voir par exemple, rapport du groupe d’experts des Nations Unies, S/2004/551 du 15 juillet 2004, p.31.150 résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies S/rES/1856 du 22 décembre 2008, Op. paragraphes 3(g) et (j), pp.4–5.151 résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies S/rES/1857 du 22 décembre 2008, Op. paragraphe 4(g), p.3.152 résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies S/rES/1857 du 22 décembre 2008, paragraphes 15–16.153 rapport du groupe d’experts des Nations Unies, décembre 2008, p.52.

61Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Chapitre 5 : Impact de l’exploitation minière sur les populations et l’environnement

résumé :

L’artisanat minier apparaît comme un piège à pauvreté pour la plupart des mineurs engagés, volontairement ou sous la contrainte, dans une activité de survie. L’impact économique et social d’un afflux massif vers les sites miniers ne peut être évalué qu’en intégrant l’ensemble des activités des populations, notamment l’agriculture car le départ pour la mine est souvent la conséquence d’une crise du monde rural. Le travail à la mine représente une rupture avec l’organisation sociale traditionnelle en modifiant les rôles des jeunes et des femmes. C’est une activité dangereuse (risques d’accidents) et violente dans le contexte de rivalités entre groupes armés. Les violences sexuelles à l’encontre des femmes sont la conséquence de cette insécurité généralisée plus que de l’activité minière proprement dite.

L’occupation militaire rwandaise et ougandaise et le boom du coltan ont transformé l’exploitation minière en véritable pillage des ressources naturelles, sans respect pour les parcs naturels et réserves de faune. La faune sauvage a payé un lourd tribut du fait de l’intensification de la chasse pour approvisionner les mineurs et les militaires en gibier. Les conséquences environnementales de l’activité minière dépendent dans une large mesure des densités de population.

L’impact négatif de l’exploitation minière sur les populations et l’environnement est reconnu par les Nations Unies mais plus particulièrement documenté par les ONG qui ont dénoncé le «commerce de la guerre» dans l’Est congolais. D’inspiration à la fois droits de l’hommiste et environnementale, une littérature importante existe sur ce point dont les textes essentiels sont les études du Pole Institute, notamment «Le coltan et les populations du Nord-Kivu», les rapports de Human Rights Watch, Amnesty International, Global Witness sans compter les textes publiés dans des revues comme «Congo-Afrique» du CEPAS de Kinshasa ou l’Annuaire «L’Afrique des Grands Lacs» du Centre d’Etude de la région des Grands Lacs d’Afrique d’Anvers.

5.1 L’économie minière comme piège à pauvreté

L’activité minière, entre machine à pauvreté et bouée de sauvetage économiqueL’économie minière artisanale est une économie de survie à grande échelle qui touche des centaines de milliers de Congolais. Les estimations du nombre de mineurs glanées dans la littérature sont très aléatoires. Les chiffres sont de toute façon impressionnants : 200 000 personnes seraient impliquées dans l’économie minière au Nord-Kivu. Cet ordre de grandeur n’est pas impossible pour une province qui comptait déjà 2 434 000 hab. en 1984. Pour le Chef de Division des Mines de Bunia, l’Ituri compterait au moins 60 000 orpailleurs répartis entre les sites de Mahagi (10 000), Djugu (20 000), Irumu (10 000) et Mambasa (20 000). Pour Mongbwalu seul, l’exploitation artisanale compterait 50 000 à 60 000 mineurs sur la concession selon l’étude récente et très documentée de Dan Fahey «Le fleuve d’or».154 S’y ajoutent ceux du Sud-Kivu et du Maniema pour lesquels on manque d’estimations mais qui totalisent sans aucun doute des dizaines de milliers de personnes étant donné le nombre de sites miniers répertoriés. Il n’est pas possible d’aller plus loin que des estimations très grossières, mais une chose est sûre : dans tout l’est de la RDC l’artisanat minier est une source de revenus essentielle pour quelques centaines de milliers de familles.

154 D. Fahey (2008).«Le fleuve d’or : The production and trade of gold from Mongbwalu, DrC», pp.357–383. L’Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2007–2008. L’Harmattan.

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Malgré son effet de création d’emplois, l’activité minière est un piège à pauvreté : derrière l’apparence illusoire d’un enrichissement soudain, elle génère une dynamique d’appauvrissement. Les recherches portant sur les conséquences humaines de l’artisanat minier se sont surtout intéressées aux creuseurs, il est vrai les plus nombreux et les plus mal lotis. Les acteurs de la chaîne du commerce, depuis la sortie de mine jusqu’aux comptoirs d’achat, ne sont pas pour autant oubliés. Il y a parmi eux des gagnants et des perdants, mais qui sont-ils ? Une étude fine montrerait certainement que les groupes ethniques qui occupent traditionnellement des positions commerciales dominantes sont les mêmes qui contrôlent le commerce des minerais : les Bashi au Sud-Kivu, les Nande au Nord-Kivu. Les uns comme les autres considèrent les Banyarwanda comme des intrus et ils ont toujours cherché à les discréditer car ils les concurrencent.

Les creuseurs ne retirent de leur travail que des gains minimes qu’ils sont incapables de capitaliser. Les différentes sources, le Groupe d’experts de l’ONU comme les ONG, ont cherché à évaluer le revenu des creuseurs. Pour les orpailleurs, par exemple, il varie entre 1 et 6 $ par jour selon les sites, ce qui n’est pas un mauvais salaire selon les standards congolais. A Kamituga, le revenu mensuel des creuseurs est plus proche de 30$. En 2007, l’étude Pact155 sur l’exploitation de l’or en Ituri et Orientale estime la production journalière par mineur à 0,5 grammes en moyenne. Le gain net des creuseurs se situerait entre 1 et 2 dollars par jour. Selon le Groupe d’experts, sur 17 foyers étudiés en zone minière en Ituri, 4 seulement avaient des revenus nets positifs. Sur 39 foyers étudiés par le groupe au Nord et au Sud-Kivu 75% étaient endettés. En raison de l’enclavement des sites, la nourriture et les biens de consommation courante sont deux à trois fois plus chers dans les mines. De plus, les creuseurs dépensent une partie de leurs gains en bière et en femmes. Ils sont souvent contraints à s’endetter auprès des négociants qui contrôlent le circuit commercial entre les carrières et les comptoirs et le flux inverse de biens de consommation. Les mineurs dépendent totalement de ceux qui contrôlent l’exploitation et la commercialisation des produits miniers. Cet endettement se manifeste surtout pendant la saison des pluies quand il est plus difficile de travailler. Au total, le revenu médian des mineurs leur permet tout juste de survivre. Le Groupe d’experts a même établi que les creuseurs avaient finalement un revenu annuel négatif et qu’ils étaient des proies faciles pour les usuriers. Cette notion de revenu négatif fondée sur une approche comptable paraît toutefois inadéquate pour rendre compte d’une réalité totalement immergée dans l’informel. La condition financière des creuseurs semble à peu près la même quelle que soit la nature du minerai.

Avant d’être un «piège à pauvreté», la mine a représenté pour beaucoup une alternative économique désirable parce qu’elle était perçue comme une entrée dans la modernité et donnait accès, du moins le croyait-on, à l’argent facile. Au Kivu les violences armées exercées à l’encontre des civils ont produit un très grand nombre de déplacés. Quand ils ne sont pas pris en charge par le HCR ou des ONG humanitaires, le salut vient souvent de la mine, alternative locale à la migration vers une ville lointaine. Les personnes marginalisées par leur déracinement se trouvent contraintes d’accepter les tâches les moins bien rémunérées, celles du concassage des minerais. A côté de ces pauvres parmi les pauvres qui ont fui les villages, on trouve à la mine des originaires des villes, jeunes déscolarisés ou fonctionnaires dont le salaire, quand il arrive, ne permet pas de faire vivre une famille. On compte parmi eux nombre d’enseignants, certains travaillant à la mine en année pleine, d’autres pendant les congés scolaires. A la suite des opérations de DDR conduites par la MONUC, d’anciens soldats démobilisés, notamment parmi les Maï Maï, se convertissent en mineurs. La mine offre aussi des opportunités économiques pour les femmes, comme la petite restauration des «mamans» qui n’ont besoin que d’une marmite pour s’improviser restauratrices et répondre ainsi aux besoins des hommes célibataires. Les plus démunies des femmes trouvent une place dans la chaîne de production des minerais en participant au concassage de la cassitérite et du coltan, au tamisage de l’or ou au portage de l’eau.

Dans leur étude sur Kamituga, Koen Vlassenroot et Timothy Raeymaekers rappellent qu’on creuse pour l’or car la culture du manioc ne rapporte pas d’argent; ils mentionnent le fait que l’orpailleur

155 K. Hayes et al. (2007). Researching natural resources and trade flows in the Great Lakes Region. PACT.

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ou «garimpeiro»156 qui a réussi est «un modèle pour les enfants».157 Le phénomène était déjà remarquable avant la guerre : d’après une étude de 1987 dans le pays Bushi, 30% des jeunes hommes avaient quitté la terre pour la mine.158 Dans les régions de forte densité de l’extrême Est du Kivu, les difficultés d’accès à la terre pour les jeunes sont une des causes majeures du départ.

Les mineurs ont peu de moyens de défense face à une économie d’extorsion qui exploite leur force de travail. Ils essayent de reconstituer un semblant de société dans des lieux de vie dont les photographies et les films ne sont pas loin d’évoquer le bagne. Pour compenser l’effritement d’une cohésion sociale jusqu’alors ancrée dans les structures de la parenté, de nouveaux types de liens sociaux apparaissent selon une dynamique rappelant celle que l’on observe dans les quartiers les plus défavorisés des villes où, selon Théodore Trefon, la pauvreté se transforme en «solidarité du désespoir».159 Aussi pénible que soit la condition des creuseurs, abusés par le mirage de l’enrichissement ou contraints par le contexte des violences armées, on peut avancer l’hypothèse qu’elle est préférable à leurs yeux à celle des cultivateurs confinés dans des villages dépourvus d’accès aux services sociaux de base.

n S’il est vrai que l’économie minière artisanale n’offre aucune richesse durable au niveau de la base, elle a donné des moyens de survie à tous ceux qui, volontairement ou sous la contrainte, se retrouvent dans la mine.

n Seul l’établissement de données quantitatives aussi précises que possible permettra de mesurer correctement l’impact économique et social de l’artisanat minier.

Mutations sociales et artisanat minierL’artisanat minier s’inscrit dans un processus global de transformation sociale qui s’accompagne d’un transfert de population du milieu rural vers les mines et le milieu urbain. Des petites villes émergent sur les sites miniers les plus importants; en modifiant la répartition spatiale de la population, ces agglomérations nées de la mine modifient l’espace économique, social et culturel des Kivus et de l’Ituri.

Ce changement profond ne date pas des guerres récentes mais des années 1980 lorsque la libéralisation de l’exploitation minière a attiré les jeunes par dizaines de milliers. Le changement social s’évalue à l’aune de l’ensemble des dynamiques qui s’exercent sur les sociétés et aussi sur leur espace. De ce point de vue le Kivu n’a pas été épargné par la dégradation des infrastructures de transport qui a conduit à une «archipellisation» du territoire congolais. La désarticulation villes-campagnes a relégué les villages isolés dans la sphère de l’autoconsommation et compromis l’approvisionnement des villes et des sites miniers en produits vivriers. Les exactions des groupes armés, les pillages de récoltes ont accentué la coupure entre les villes et leur hinterland. Kamituga, situé à environ 180 km au sud-ouest de Bukavu a cessé d’être accessible par route, sinon au prix de difficultés telles que l’avion s’est substitué au camion pour l’approvisionnement d’une agglomération dépassant la dizaine de milliers d’habitants. La répercussion du coût du transport sur les produits de consommation pèse lourdement sur le budget des mineurs qui supportent les conséquences de l’enclavement. Les plus âgés se souviennent avec nostalgie que la SOMINKI achetait une partie de la production agricole locale pour nourrir son personnel. Les routes remplissaient alors leur fonction de lien entre les lieux de l’offre et de la demande. Le retour à une économie formelle ne pourra se réaliser sans une réhabilitation préalable, ou simultanée, des infrastructures de transport.

156 De Boeck Filip (2001). «Garimpero worlds : Digging, dying & hunting for diamonds in Angola», pp.549–562. Review of African Political Economy, 90/28.

157 K. Vlassenroot et T. raeymaekers (2004). «Divisé en deux. Or et identité sociale à Kamituga (Sud-Kivu)». L’Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2003-2004.

158 H. Dupriez (1987). Bushi : l’asphyxie d’un peuple. Bukavu : ADI-Kivu.159 T. Trefon (2002). «The political economy of sacrifice : Kinois and the State». Review of African Political Economy, n°93/94.

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Les conséquences de l’exode des jeunes hommes sur l’économie rurale sont difficiles à évaluer au-delà de l’affirmation générale d’une dégradation de l’agriculture et d’une fragilisation de la sécurité alimentaire attribuées dans les rapports au déficit en main-d’œuvre masculine. Toutes les personnes interrogées lors de l’enquête de terrain du Pole Institute ont mentionné l’effet d’éviction entre les activités agro-pastorales et les activités minières. Les situations sont souvent plus complexes : il n’est pas rare que les mineurs possèdent des terres agricoles exploitées par leurs familles, ce qui constitue un filet de sécurité. Les systèmes de production agricole doivent être précisément observés. Par exemple, chez les groupes bantu vivant en milieu forestier, la répartition sexuelle des tâches confère à la femme un rôle central, l’homme ayant comme obligation principale la préparation des champs par la technique de l’abattis brûlis. Le reste du travail incombe à la femme : semer et planter, sarcler, récolter, transporter la production du champ au village. L’absence des hommes n’est véritablement problématique que si elle correspond à la période des défrichements en saison sèche : c’est un moment crucial mais d’assez courte durée, quelques semaines, voire seulement quelques jours quand on peut disposer d’une tronçonneuse. Les nombreux rapports focalisés sur la condition des mineurs n’abordent pas, ou très peu, cette question de l’emploi du temps qui mériterait pourtant des investigations, les systèmes de production informels se caractérisant très souvent par la pluriactivité.

C’est l’absence prolongée des jeunes hommes partis à la mine qui déséquilibre les exploitations. Elle affaiblit les capacités productives de l’agriculture familiale, car les femmes et les hommes âgés ne peuvent effectuer les tâches exigeantes en force physique comme l’essartage. La production des vivres s’en trouve affectée sur un plan quantitatif mais aussi qualitatif. L’appauvrissement des ressources cynégétiques, causé notamment par les prélèvements inconsidérés des groupes armés, provoque des carences protéiniques. Des médecins signalent une recrudescence du kwashiorkor. L’isolement, l’absence de structures de soins, l’insécurité aggravent les conditions de vie des villageois.

n Les creuseurs ne constituent pas un groupe homogène, ni socialement, ni culturellement, contrairement à ce que laissent entendre la plupart des études focalisées sur leur condition économique, leur niveau de revenu et la nature de leurs dépenses. La complexité sociologique des centaines de milliers de creuseurs que compte la RDC doit être prise en considération dans la perspective, même lointaine, de leur réinsertion dans un système économique moins informel qu’aujourd’hui.

n L’amélioration durable de la situation économique des mineurs ne dépend pas seulement de l’augmentation de leurs revenus mais aussi et peut-être surtout de la réhabilitation des infrastructures de transport qui conditionne le rattachement au marché des espaces ruraux que la disparition de la circulation routière a transformés en autant d’enclaves.

n La lutte contre la pauvreté passe par une relance de tous les segments de l’économie, la

réinsertion de l’agriculture dans l’économie de marché tout autant que l’amélioration des conditions de travail à la mine.

5.2 Insécurité et violence dans le secteur minier artisanal

Le système de l’exploitation minière artisanale produit une violence directe et indirecte. Les violences directes s’exerçant le long de la chaîne du commerce des produits miniers peuvent être classées en deux catégories : celles qui sont exercées par les hommes armés (milices et forces de sécurité) sur les acteurs du commerce et celles qui opposent les acteurs du commerce entre eux. Le commerce des minerais est un business violent et, quand elles sont «calmes», les zones minières restent des zones de paix violente, des «Far West congolais», en l’occurrence ici des «Far East». Les conflits entre propriétaires informels des carrés miniers aboutissent parfois à des violences quand l’intervention des autorités décidant des droits ne suffit pas. Par exemple, à Mukungwe

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(Sud-Kivu), deux groupes revendiquant la propriété du site minier ont fait appel à des militaires pour prendre l’avantage l’un sur l’autre. La présence des groupes armés est naturellement le premier facteur de violence. Même si les ONG s’accordent sur le fait que le phénomène de la mise en esclavage de la population par les groupes armés est une exception dans l’artisanat minier, certains cas ont été relevés : l’ONG Justice Plus a dénoncé la mise en esclavage des Walendu Bindi de la localité de Bhavi par les FARDC qui forçaient les jeunes à creuser l’or pour eux.160 A Durba, l’armée ougandaise a exercé des violences contre le personnel d’encadrement de l’OKIMO à partir de 1999 pour le forcer à collaborer à leur entreprise de prédation et à augmenter la production d’or. A Mongbwalu où l’affrontement entre le FNI et l’UPC pour le contrôle de la zone a fait environ 2 000 morts entre 2002 et 2004, on considère que les exactions des milices ont été remplacées par celles des FARDC quand ils étaient installés dans la concession. Dans son rapport de février 2007, le Groupe d’Experts a confirmé qu’il n’y avait pas de différence entre les milices et les FARDC qui, en Ituri, «occupent les gisements aurifères où ils remplacent les diverses milices et utilisent la force pour imposer des obligations et extorquer des taxes aux communautés minières». Toujours en Ituri, il ne faut pas oublier que deux observateurs militaires de la MONUC déployés à Mongbwalu ont été assassinés. Les négociants sont aussi victimes des hommes armés qui les interceptent souvent pour leur dérober leur marchandise. Le banditisme ne s’arrête pas aux frontières : utilisée par les contrebandiers de manière notoire, la route d’Entebbe à Kampala a été le théâtre de beaucoup de braquages sanglants.

Le rôle de la violence dans l’exploitation et le commerce des minerais fait débat. Le niveau de violence exercée par les hommes en armes varie en effet considérablement d’un groupe à l’autre et d’un site à l’autre. A Bisie, la 85ème brigade pratique un contrôle plus qu’une coercition sur la population avec un usage sélectif de la violence. Il semble s’établir une sorte d’échange inégalitaire entre les populations qui creusent et dont dépendent les ressources des groupes armés et les groupes armés qui assurent leur protection physique.161 Ce phénomène a aussi été mis en évidence dans la zone minière de Kilo Moto où, pendant l’occupation ougandaise certains commandants de l’UPDF avaient invité et encouragé la population à venir travailler dans les mines grâce à un accord de partage de la ressource : chaque mineur devait un gramme d’or par jour en contrepartie de la protection.

La violence indirecte concerne les femmes et les enfants. L’impact social de l’activité minière est perçu très négativement par les Congolais qui associent les sites miniers avec la déstructuration des familles, la dégradation des moeurs et la déscolarisation. Les femmes se plaignent d’être laissées seules au village avec la charge d’élever les enfants et de cultiver la terre sans soutien financier, la majorité des creuseurs étant hors d’état d’économiser. L’absence des hommes n’a pas que des conséquences économiques, elle se fait sentir sur le plan de la sécurité. Quand les femmes sont abandonnées à elles-mêmes, les foyers sans père se multiplient. Les femmes sont les premières victimes de l’insécurité généralisée. Tout récemment, une campagne d’Enough présente l’Est du Congo comme l’endroit sur terre le plus dangereux pour les femmes.162

Les violences sexuelles ne sont pas directement liées à l’économie minière mais à l’insécurité et à l’anomie généralisée dans les zones de non-droit où règne la Kalachnikov. Dans ce contexte, la mine représenterait un milieu plutôt mieux protégé que des villages isolés et sans défenses, exposés aux exactions de tout ordre des détenteurs d’armes. En revanche, les centres miniers sont le lieu par excellence de la prostitution. Le miroir aux alouettes de l’argent attire des jeunes filles désireuses d’échapper au carcan de l’autorité familiale; d’autres vont à la mine parce qu’elles sont rejetées par leur famille par exemple à la suite d’un viol. Cette prostitution dans des lieux aux conditions sanitaires déplorables est un facteur de propagation du sida.

160 Justice Plus (2007). Ituri : l’armée n’a pas fait la différence. 161 rapport Groupe d’Experts décembre 2008, et N. Garett (2008). Artisanal cassiterite mining and trade in North Kivu : Implications for poverty

reduction and security. Walikale : SCAM.162 Enough (2009). Ten reasons why eastern Congo is the most dangerous place on earth for women. Washington, DC : Center for American

Progress.

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Les enfants sont eux aussi associés à la production minière. A Kamituga, ils vont à l’école le matin et à la recherche de l’or l’après-midi : le peu d’argent gagné permet de payer les frais de scolarisation. Selon les rapports, la déscolarisation serait plus forte en zone minière qu’en milieu rural, mais qu’en est-il aujourd’hui de la situation de l’école dans les villages ? Ceux-ci en effet n’ont pas été épargnés par la désorganisation des services éducatifs consécutive à la guerre. La catégorie «enfant» reste floue à défaut d’enquêtes précises sur l’âge et les tâches effectuées. A quel âge par exemple descend-on dans les galeries de mines ? Les jeunes garçons sont appréciés parce qu’ils sont sveltes et agiles ce qui leur permet de se glisser dans les étroits boyaux des exploitations souterraines. De nombreux enfants présents sur les chantiers aident leurs parents ou tuteurs à raison de leurs capacités physiques. La guerre a produit beaucoup d’orphelins; certains ont trouvé dans la mine un moyen de survie.

n Une alliance forcée d’intérêts constitue la base de la relation entre la main-d’œuvre et les forces armées.

n Les sites d’artisanat minier sont caractérisés par une insécurité individuelle permanente.

Accidents du travail et risques sanitairesLes conditions de travail sont extrêmement dangereuses dans les mines artisanales : les glissements de terrain emportent chaque année leur lot de creuseurs; les techniques rudimentaires employées dans les mines souterraines conduisent à des accidents fréquents. A Adidi, mine souterraine dans la zone de Mongbwalu, les mineurs étaient exposés à des risques permanents : absence de ventilation, usage de feux de charbon de bois pour assouplir la roche, soutènements de fortune. Pendant l’occupation ougandaise, la sécurité a été le moindre souci des militaires qui ne songeaient qu’au pillage des ressources : fin 1999, environ 100 mineurs ont péri dans l’effondrement de la mine souterraine de Gorumbwa suite à des pratiques d’exploitation intensive; plusieurs dizaines de creuseurs ont été ensevelis à Bibatama, dans la localité de Kibabi en mars 2001 par suite d’un soutènement défectueux. Dans le contexte technique de l’exploitation artisanale, le risque est toujours élevé. Par exemple, à la mine souterraine de Senzere (Mongbwalu), 2 mineurs sont morts asphyxiés le 24 février 2008.

Outre le fait que les creuseurs risquent leur vie à la mine, le travail, physiquement éprouvant, affecte leur santé. Quelques initiatives locales visent à mieux gérer les risques et à minimiser les nuisances engendrées par l’activité extractive. Les sociétés minières se disent concernées par ces questions. A Mongbwalu, une étude portant sur les conditions de vie des mineurs réalisée en 2007 par le Cadre de Concertation (CdC) mis en place par AGK a mis en évidence la détérioration de l’état de santé des personnes vivant en zone minière : maladies dues aux poussières et produits chimiques utilisés (mercure, acide), maladies sexuellement transmissibles, accidents, fausses couches pour les femmes travaillant à la mine, sans oublier les conséquences d’un travail pénible sur les enfants et les abus sexuels. Le CdC fournit un exemple d’actions sociales en direction de la population des creuseurs : éducation pour un meilleur usage de l’argent, encouragement à la diversification économique. De telles initiatives sont encore assez rares, les populations restent généralement livrées à elles-mêmes ou cherchent dans les groupes religieux et les sectes qui fleurissent sur le terreau de la misère un recours à leur désarroi. C’est là un problème général, non spécifique au monde de la mine.

5.3 L’impact géoenvironnemental

Les conséquences environnementales sont strictement négatives : pollution des nappes phréatiques par les produits chimiques, déforestation, détournement des rivières, arrachement de pans entiers de collines et disparition des terres arables, braconnage intensif dans les parcs pour nourrir les creuseurs.

Les différentes aires protégées, Parcs Nationaux, Réserves de faune, Réserves Nationales ont beaucoup souffert des guerres et de l’invasion de mineurs. L’appauvrissement de la faune et de

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la flore est bien documenté par les grandes ONG internationales de préservation de la nature et leurs relais locaux. L’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) a par exemple bénéficié du soutien de la GTZ pour un projet concernant le Parc National de Kahuzi Biega (PNKB). La Wildlife Conservation Society (WCS) est elle aussi très présente sur le terrain. Dans la partie basse du Parc dite «Basse Altitude» qui représente avec ses 5 400 km2 90% du Parc, le WCS avait recensé en 1996 près de 3 600 éléphants et 8 000 gorilles, chiffres rapportés par Le Gorille, magazine de communication environnementale publié par le projet PNKB-GTZ.163 Avec la fièvre du coltan en 1999–2000 quelque 12 000 creuseurs autochtones et étrangers (Hutus de l’actuel FDLR) se seraient installés à l’intérieur du parc dans une vingtaine de sites. L’ONG de Bukavu, Vision Verte, en a dressé une cartographie précise.164 La comparaison entre celle-ci et une carte établie par GTZ quelques années auparavant est éloquente : le parc était alors pratiquement inhabité.165

Par rapport à l’immensité du parc, les dommages provoqués par l’ouverture des mines ne sont que des balafres dans la masse forestière. En revanche, la pression sur la faune pour l’approvisionnement des chantiers cause des dégâts considérables, d’autant plus qu’une partie du produit du braconnage est destinée aux marchés des villes du Kivu. De la viande de brousse boucanée (l’absence de routes ne permet pas le transport de produits frais) provenant du Parc National se retrouve ainsi sur les étals des marchands de Bukavu, où il n’est pas difficile non plus de trouver des pointes d’ivoire. Les atteintes portées à l’environnement ne sont pas imputables à la seule économie minière, mais à l’ensemble d’un système de prédation que la guerre a totalement débridé et dont la biodiversité fait les frais. La petite partie montagneuse du PNKB, dite «Haute Altitude», qui héberge ce patrimoine mondial que sont les gorilles de montagne a souffert elle aussi, non pas du fait de l’activité minière mais de l’impuissance des gestionnaires du parc, démunis face aux bandes armées qui viennent chercher des trophées. Au cours de l’été 2000, le WCS a organisé un recensement des gorilles : il estimait leur nombre à 130 au lieu des 258 recensés en 1996.

L’action de la Fondation Diane Fossey soutenue par ses relais médiatiques et ses publications166 a contribué à sensibiliser nombre d’acteurs et décideurs du Nord. Créé en 2003, The Durban Process milite pour la protection des gorilles de Kahuzi Biega. Les actions de plaidoyer finissent par avoir quelque effet sur les sociétés des pays du Nord. La société américaine Cabot, l’une des plus importantes dans l’industrie du Tantale, épinglée par le rapport des experts de l’ONU de 2002, s’est engagée à ne pas acheter de coltan provenant de RDC, en particulier des aires protégées : «We do not and will not knowingly purchase any material containing Tantalum, including coltan, which was mined in the Kahuzi-Biega National Park and the Okapi Wildlife Reserve in the Congo».167

Les conséquences environnementales de l’exploitation minière dépendent dans une large mesure de la densité de population. De ce point de vue le Kivu présente des situations très contrastées. Sa partie orientale, sur une profondeur maximum d’une centaine de kilomètres depuis la frontière de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi, a les densités les plus élevées de la RDC, jusqu’à 250 hab/km2 et plus, alors qu’à l’ouest les territoires de Walikale et de Shabunda en comptait en moins de 10 lors du recensement de 1984 comme le montre la cartographie très précise établie par Henri Nicolaï.168 25 ans plus tard, le contraste entre espaces pleins, sinon trop pleins, et espaces vides est le même. A défaut de recensement, les images par satellites le confirment. La différence tient au fait qu’entre-temps, les densités ont doublé. Une des caractéristiques fondamentales du Kivu est l’existence de cet «escarpement oro-démographique» qui sépare hautes terres pleines et

163 SOS (juin 2001). «Le PNKB à la merci du Coltan». Le Gorille, n°4.164 Voir carte Sites d’exploitation de coltan dans le parc de Kahuzi Biega.165 Institut Zaïrois de Conservation de la Nature-GTZ (1996). Carte de la végétation et de l’utilisation des terres du Parc National de Kahuzy-Biega

et des régions avoisinantes.166 I. redmond (2001). Op. cit.; K. D’Souza (2003). Op. cit.167 Cabot Position on Tantalum and Coltan and the Democratic (août 2008). Cabot. 168 H. Nicolaï (1998). La répartition et la densité de la population du Kivu. Bruxelles : Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer. Voir carte Nord

et Sud-Kivu : densité de la population par collectivité.

68 International Alert

basses terres vides. La vie quotidienne dans les mines est aussi tributaire des densités humaines environnantes. L’ouverture d’une carrière n’est génératrice de conflit que dans un contexte de peuplement dense. En revanche l’approvisionnement vivrier des mineurs y est moins problématique que dans des sites éloignés des zones habitées et qui dépendent des arrivages de vivres par avion.

Exemple de destruction des berges de rivière et minage du paysage (sites aurifères en Ituri)

69Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Chapitre 6 : Synthèse analytique des recommandations

résumé :

Le régime actuel de sanctions n’est pas efficace. Le problème des «conflict minerals» suscite deux grandes familles de recommandations :- restreindre le commerce (de manière plus ou moins radicale : de l’embargo total à l’interdiction

sélective);- formaliser le commerce par un mélange d’actions économiques, institutionnelles et sécuritairesPlusieurs initiatives sont en cours, dont une sur la traçabilité (Allemagne) et une autre sur l’obligation de certification de l’origine des minerais (USA).

Tous les acteurs (ONG, Nations Unies, groupe parlementaire, etc.) cherchent la solution pour les «conflict minerals» et accompagnent leurs rapports de recommandations. La première génération de rapports, qui coïncidait avec le boom du coltan, préconisait un boycott des produits miniers congolais et des sanctions contre les acteurs de ce commerce : ces recommandations ont trouvé des points d’application et, presque dix ans plus tard, il est possible d’en tirer des conclusions. Une seconde génération de rapports préconise maintenant une stratégie globale qui lie sanctions, amélioration de la sécurité et formalisation du secteur minier. La version la plus récente de cette seconde génération de recommandations est produite par l’ONG américaine Enough qui propose, dans sa «comprehensive approach to Congo’s conflict minerals»,169 une stratégie en quatre points :

• transparencedanslachaîned’approvisionnement;• sécurisationdesminesstratégiques;• réformedegouvernance;• développementdesopportunitéséconomiquespourlescreuseurs.

6.1 Classement thématique des principales recommandations

Dans ce chapitre, les recommandations sont classées selon l’ordre thématique du présent rapport et leur organisation d’origine est indiquée entre parenthèses.

Recommandations relatives au système de production

Recommandations Méthodes de mise en œuvre

Casser l’emprise territoriale des groupes armés sur la production des minerais

Déploiement des FArDC et MONUC dans les principales mines et les axes commerciaux (resource Consulting Services)Interdiction d’accès aux sites miniers et aux voies commerciales pour les belligérants grâce à la surveillance de la MONUC (Global Witness)Poursuites contre les militaires impliqués dans le commerce des minerais (Global Witness)réindustrialisation prudente (introduction de compagnies minières responsables et laissant un espace aux mineurs artisanaux) (resource Consulting Services)

réforme du système de sécurité

Formation, discipline et paiement régulier de la PNC et des FArDC (UN, DFID, APPG, SArW, Global Witness)

169 Enough (23 avril 2009). Comprehensive approach to Congo’s conflict minerals. Washington, DC : Center for American Progress.

70 International Alert

Formaliser le secteur minier artisanal

Formation de coopératives minières (Banque mondiale, Global Witness, Pact)Développement du SAESSCAM (enregistrement des creuseurs, attribution des cartes, etc.) (resource Consulting Services)Désignation officielle de zones d’artisanat minier (resource Consulting Services)Développement des contrôles du CEEC dans les mines artisanales (resource Consulting Services)

restaurer la sécurité juridique

revue des titres fonciers, des contrats miniers et des droits des communautés locales (DFID)Simplification et clarification du droit minier afin notamment de distinguer les rôles des négociants et des comptoirs (UN) et de résoudre les conflits entre droits coutumiers, droits fonciers et droit minier (Pact)Extension des services du CAMI dans les provinces (Banque mondiale, Global Witness)

renforcer l’application du droit minier

Création d’une autorité minière indépendante (nationaux et internationaux) chargé de surveiller l’application de la loi minière et notamment les attributions de concessions dans les Kivus (APPG)Création d’une commission parlementaire congolaise sur les ressources naturelles (APPG)

Recommandations relatives au système de commercialisation et à la lutte contre la fraude

Recommandations Méthodes de mise en œuvre

réduire les recettes extraites du commerce des minerais par les groupes armés

Interdiction générale d’importation de certains minerais en provenance de l’Est congolais (IPIS, HrW)Mise en œuvre de la diligence raisonnable (UN, Global Witness, Enough)

Simplifier, harmoniser et clarifier les tarifs douaniers dans la région des Grands Lacs

Négociations dans le cadre de la CEPGL (DFID, resource consulting services)Etablir un organisme douanier régional (rDC, rwanda, Burundi, Ouganda, Tanzanie) (INICA)

Assurer la traçabilité au sein de la chaîne d’approvisionnement

Obligation de publication de l’origine des minerais par les compagnies importatrices (Enough, IPIS)Application effective de la «due diligence» (Global Witness, HrW)Mise en place d’une procédure administrative d’identification des minerais(ITrI)170 Obligation législative d’audits indépendants pour les compagnies importatrices sur l’origine des minerais et amendes en cas de violation (Global Witness, Enough, IPIS, HrW)Développement de la certification administrative tout au long de la chaîne d’approvisionnement (DFID, Global Witness, Pact, resource consulting services, UN)Développement de la certification géochimique (Pact, Institut fédéral de géosciences)Monitoring des activités minières par la société civile (APPG, HrW)

170 «Progress report : towards a responsible cassiterite supply chain». Available at www.itri.co.uk.

71Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Formaliser le commerce transfrontalier

Publication des comptes et des taxes d’exportation payées par les comptoirs (DFID, resource consulting services)Institutionnalisation d’un forum de dialogue régional (resource consulting services, Pact)Etablissement de postes douaniers conjoints (resource consulting services)Instaurer un ITIE régional ou appliquer l’ITIE national aux Kivus (Global Witness, DFID, resource consulting services)

Lutter contre la fraude douanière

Monitoring indépendant des pratiques des services administratifs aux frontières par des observatoires du commerce transfrontalier (DFID, INICA, UN)Formations et salaires réguliers pour les douaniersréforme des procédures douanières (DFID)réduction du nombre de services administratifs impliqués dans le commerce transfrontalier (DFID)Externalisation des fonctions douanières à une société privée (UN, APPG)révéler les identités des fonctionnaires corrompus et les poursuivre en justice (Pole Institute)Définir le prélèvement à la source des 40% de recettes selon la constitution (Pole Institute, SArW)

Faire respecter les principes de l’OCDE et les sanctions de l’ONU

Publier un mapping des zones de production minière sous contrôle des groupes armés (UN)Surveillance des sociétés de trading et industrielles par leurs gouvernements (IPIS, UN, Global Witness, HrW)Poursuite par la CPI des commerçants impliqués dans les «conflicts minerals» (Global Witness)Engagement systématique de poursuites criminelles contre les sociétés violant les sanctions (Global Witness, HrW, resource consulting services)Boycott par les consommateurs occidentaux des produits fabriqués avec des «conflicts minerals» (Enough)Arrêt de l’exploitation des minerais dans certaines zones occupées par des groupes armés (HrW, IPIS, Global Witness)Création d’un «observatoire de l’or» en Ituri (HrW)

Recommandations relatives à l’impact sur les populations et l’environnement Recommandations Méthodes de mise en œuvre

Diversifier les opportunités économiques locales

Développement agricole (SArW, INICA, Pole Institute, Pact, Global Witness)Développement des infrastructures (notamment routes de desserte agricole) (INICA, Pole Institute, SArW, Global Witness)Création de marchés locaux (INICA, Pact)

Développer la responsabilité sociale des entreprises minières présentes en rDC

Conception d’un code de conduite des entreprises minières (UN)

Adopter des standards environnementaux congolais propres aux activités minières artisanales et industrielles

Loi ou décret (INICA)

72 International Alert

Améliorer la sécurité des creuseurs

Surveillance des conditions de travail dans les mines artisanales par le SAESSCAM (Banque mondiale)

Développer l’information des creuseurs sur leurs droits et les prix du marché

Téléphonie mobile (INICA)Dissémination du code minier (INICA, Banque mondiale)Formation des creuseurs par le SAESSCAM (Banque mondiale)

réduire le travail des enfants

Programme de prise en charge éducative des enfants employés dans les mines (Pact)

6.2 De l’inefficacité du régime actuel de sanctions à la certification/traçabilité

Issue des travaux du Groupe d’experts, la première génération de mesures mises en œuvre se traduit par des sanctions ciblées décrétées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies prenant la forme de :• blacklisting (les individus ou sociétés figurant sur la liste des Nations Unies ne devraient plus

être utilisés comme fournisseurs ou négociants par les sociétés du secteur minier);• geldesavoirs;• interdictiondevisas.171

De l’aveu même des Nations Unies, ces sanctions qui visent non pas le commerce en soi mais certains acteurs du commerce illégal n’ont pas eu l’effet escompté : les «sanctions gênent leurs cibles (mais) leur effet général ne réduira guère les pratiques auxquelles elles visent à mettre fin».172 En d’autres termes, elles n’empêchent ni l’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC ni les groupes armés de tirer profit du commerce des minerais ni les violences. La multiplicité de négociants, de comptoirs et de possibilités d’exportation rend inefficaces des sanctions ciblées sur quelques commerçants en relation d’affaires avec les groupes armés. En d’autres termes, les sanctions actuelles sont incapables de :• réduirelerecoursàlaforcedansl’extractiondesressourcesminières• découragerlafraude• pénalisertouslesopérateursminierscoupablesd’entretenirdesrelationsaveclesmilices.

Selon les Nations Unies, une des grandes faiblesses du système de sanctions actuel est l’absence de coopération des Etats à qui incombe la responsabilité de la mise en œuvre des sanctions. Bien que les Nations Unies aient inscrit sur leur liste les deux plus grands exportateurs d’or ougandais en 2007, ils n’ont aucunement été inquiétés par les autorités de Kampala : Ozia Mazio, décédé en 2008, grand commerçant de Ariwara mentionné dans la liste des personnes violant l’embargo sur les armes au bénéfice du FAPC et impliqué dans le commerce de l’or et, de ce fait, blacklisté par le Trésor américain et la Banque d’Angleterre, continuait en 2008 d’acheter de l’or à Mongbwalu et se rendait régulièrement à Kampala pour l’écouler (c’est par une communication d’officiels des Nations Unies qu’il aurait appris son inscription sur la liste). Dans son rapport de décembre 2008, le Groupe d’experts souligne la réticence de la Banque centrale d’Ouganda ainsi que de plusieurs banques de Kampala à geler les comptes de sociétés de négoce d’or ougandaises blacklistées par les Nations Unies. En Ouganda, les recommandations de la commission Porter relatives à des suppléments d’enquête n’ont jamais été suivies d’effet. Les gouvernements rwandais et burundais n’exercent aucune «due diligence» sur les importateurs d’or et d’autres minerais opérant dans leurs pays.

Les gouvernements de la région ne sont pas seuls en cause : les gouvernements européens sont très réticents à policer les sociétés européennes dénoncées par les Nations Unies. Jusqu’à présent,

171 L’interdiction de voyager et le gel des avoirs remontent à 2005 (résolution 1596) et ont toujours été renouvelés.172 rapport du Groupe d’experts du 8 février 2007.

73Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

aucune d’entre elles n’a été condamnée en justice; seules quelques-unes ont été «auditionnées» (davantage par des commissions d’enquête parlementaire que par des juges), la plus grande «sanction» étant jusqu’à présent d’être déclaré officiellement comme violant les Principes de l’OCDE en matière d’engagement des multinationales dans les zones de conflit. Même celles qui ont été prises en «flagrant délit» (AngloGoldAshanti avec le FNI, Traxys et Trademet avec des comptoirs s’approvisionnant chez les FDLR) de coopération avec des groupes armés n’ont pas été poursuivies. Concernant Trademet et Traxys, les autorités belges ont fait part à ces sociétés de leur préoccupation mais se refusent à aller plus loin pour le moment. Concernant AngloGoldAshanti qui a fourni un soutien logistique et financier à la milice FNI en échange de garanties de sécurité,173 aucune poursuite n’a été engagée et cette société, tout en reconnaissant des relations inappropriées avec une milice, a surtout recouru à la communication pour gérer ce désagrément. Aucun gouvernement européen ne semble actuellement favorable à l’imposition d’une obligation de «due diligence» aux compagnies, comme réclamée par les ONG. Autre limite d’efficacité des sanctions : les compagnies exportatrices ciblées par les Nations Unies font passer leurs activités dans la clandestinité ou se reforment sous d’autres noms.174 En l’absence de sanctions contre les entreprises, les mesures de l’ONU sont réduites à une sorte d’embargo moral sur les «conflict minerals» : le respect de ces mesures est renvoyé à la bonne volonté des sociétés privées qui actuellement n’exercent quasiment pas de contrôle sur leurs fournisseurs.175

Le cas Afrimex : dénonciation sans condamnation En Europe, seul le royaume-Uni a osé déclarer une de ses entreprises comme violant les principes de l’OCDE après un dépôt de plainte de Global Witness en février 2007. Le Point National de Contact britannique pour la mise en œuvre de ces principes a indiqué en 2009 que Afrimex qui figurait sur la liste des Nations Unies dès 2002 pour ses liens avec la société écran du rCD-Goma avait violé les principes de l’OCDE. Mais ceci n’emporte pas de conséquences judiciaires. Afrimex prétend avoir cessé de s’approvisionner en minerais en rDC et, dans son dernier rapport, Global Witness demande au gouvernement britannique une vérification indépendante de cette assertion.

Pour l’heure, l’effet le plus marquant de l’inscription sur la liste des Nations Unies a été la suspension de certains contrats d’approvisionnement par des sociétés importatrices. Certaines sociétés occidentales ont officiellement pris leurs distances avec leurs fournisseurs congolais : en 2001, suite au rapport du Groupe d’experts, American Cabot a cessé ses importations de coltan congolais et Eagles Wings Resources a renoncé aux importations congolaises de coltan pour se repositionner sur le Rwanda. Suite à l’inscription des grands exportateurs ougandais sur la liste des Nations Unies et du scandale de AngloGoldAshanti, la société suisse Metalor Technologies SA a arrêté d’acheter de l’or ougandais à partir de 2005; les sociétés ougandaises concernées (UCI et Machanga) ont alors trouvé un nouvel acheteur dans le Golfe, Emirates Gold basé à Dubai. Cette société a acheté 18 tonnes d’or en provenance d’Ouganda et du Burundi mais, en 2007, les autorités émiraties lui ont demandé de cesser ses achats et Emirates Gold a bloqué les comptes de UCI et Machanga. Néanmoins, le groupe d’experts a mis en lumière dans son rapport de décembre 2008 que Emirates Gold avait continué d’acheter de l’or de provenance douteuse après 2007. Même réaction de Hussar Ltd à l’égard d’UCI qu’il accuse de ne pas avoir révélé la véritable origine de son or. L’effet le plus marquant consiste en des rétorsions financières des acheteurs à l’égard de leurs fournisseurs en raison du risque d’atteinte à leur réputation. Très récemment (mai 2009), la société belge Traxys a annoncé son intention d’interrompre ses approvisionnements au Kivu à la suite des révélations par IPIS des liens entre un de ses négociants fournisseurs (World Mining Co) et deux groupes armés (les Maï Maï du Pareco et les FDLR). Le risque réputationnel est un levier qui a une certaine efficace mais n’est pas sans limite. En effet, les grandes compagnies d’électronique (Ericsson, Hewlett Packard, Intel et Motorola) ont réagi

173 Human rights Watch (2005). Op. cit. 174 Dans son rapport de décembre 2008, le Groupe d’experts indique que la société de négoce d’or blacklistée Machanga Limited, sise à

Kampala, avait créé une société écran à Nairobi Usindi Exports par laquelle passaient désormais ses exportations d’or à Emirates Gold.175 Global Witness (2009). Op. cit.

74 International Alert

à la campagne «Pas de sang dans ton cellphone» en faisant surtout de la communication (codes de conduite), en rejetant la responsabilité sur leurs fournisseurs et en plaidant en faveur d’une responsabilité en cascade.176

Reconnue par les Nations Unies dans un rapport qui fait figure de «soul searching» et réitérée dans le rapport du Groupe d’experts de décembre 2008,177 l’inefficacité du régime actuel de sanctions motive les réflexions sur une seconde génération de mesures qui s’éloigne de l’idée de bloquer le commerce des minerais. L’idée d’un embargo ou d’un boycott des produits miniers de l’Est congolais avait été émise en réaction à l’inefficacité des sanctions ciblées : en 2001, IPIS demandait un embargo complet sur le coltan originaire de cette zone. Dans la même perspective, l’ONG américaine Enough et Amnesty International expliquent que des résolutions devaient être prises par les Nations Unies afin d’interdire la vente et l’achat des minerais provenant des zones de conflit en République démocratique du Congo. Amnesty International demande le démantèlement des réseaux mafieux qui sous-tendent ces guerres et entretiennent des groupes armés, considérant que la fin de la guerre était tributaire de la fin de l’exploitation illégale et de la vente frauduleuse des richesses du pays.

Même si l’option d’une interdiction du commerce et non plus des commerçants continue à être évoquée, il y a désormais consensus entre les Nations Unies et les ONG pour ne pas s’engager sur la voie de l’embargo commercial car il pourrait aboutir à :• pénalisationdesmineursartisanaux,c’est-à-diredespluspauvres;• pénalisationdugouvernementcongolais;• discréditdesexportationslégitimesdemineraisdespaysenvironnants;• risquesdereprésaillescontrelaMONUC;• ressourcesdesubstitutionpourlesgroupesarmés;• contournementdel’embargopardissimulationdel’originevéritableduminerai;• extensionde la contrebande (notammentpour l’orqui est facilementexportable enpetites

quantités).

La «due diligence» (vérification de la blacklist lors de transactions commerciales) reste donc la solution du moment mais, pour être pleinement efficace, elle suppose 1/ d’être obligatoire 2/ de pouvoir déterminer précisément l’origine des minerais. Cela peut être réalisé administrativement (certification de l’origine) ou/et physiquement (traçabilité géochimique du minerai). S’inspirant du processus de Kimberley, l’Allemagne a développé un projet pilote de certification de la «business chain» au Rwanda pour le coltan et elle souhaite l’étendre à la RDC. Ce projet s’inscrit dans la logique industrielle de la labellisation qui cette fois-ci ne concerne pas la qualité du minerai mais sa «propreté politique». Outre-Atlantique, une initiative américaine vise à rendre la «due diligence» obligatoire pour les sociétés cotées en bourse et elle peut constituer une étape importante en permettant de passer d’un régime de bonne volonté à un système d’obligations contradictoires (vérification des déclarations par des audits indépendants de la chaîne d’approvisionnement).

n Les partisans des sanctions sont à la recherche des points de pression pertinents dans la chaîne d’approvisionnement : les ONG occidentales considèrent qu’il faut exercer une pression sur les compagnies finales par le biais des consommateurs et du législateur afin que celles-ci exercent en retour une pression sur leurs fournisseurs. Il est à craindre que cette stratégie soit trop indirecte pour avoir un impact réel sur le terrain (les fournisseurs peuvent trouver d’autres acheteurs et/ou dissimuler l’origine des minerais).

n La faisabilité technique, financière et institutionnelle d’une certification/traçabilité, sorte de transposition du processus de Kimberley aux «conflict minerals» fait encore question.

176 Les sociétés d’électronique sont prêtes à se déclarer responsables pour leurs fournisseurs de premier rang mais pas pour ceux des rangs inférieurs qui doivent être contrôlés par les autres sociétés d’approvisionnement dans la chaîne. En d’autres termes, ces sociétés refusent d’assumer une responsabilité pour l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement.

177 Chapitre 196, p.50 : «If steps are not taken by Member States to enforce compliance with the sanctions regime and relevant Security Council resolutions, the work of the Group will have little impact».

75Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

6.3 Un nouveau paradigme : formaliser le commerce pour le moraliser

Les opinions varient sur la pertinence des systèmes d’interdiction sélective ou non du commerce des minerais dans la mesure où ces interdictions dépendent des capacités de contrôle et vérification («due diligence» et «certification schemes»). Sceptiques quant à la possibilité de réduire l’insécurité en restreignant le commerce, certaines organisations (INICA, DFID, USAID, etc.) présentent une option alternative qui consiste non plus à sanctionner le commerce mais à tenter de le formaliser pour le discipliner et le moraliser. Ces rapports privilégient une formalisation/remise en ordre du commerce des minerais dans la région qui implique une gamme très large d’actions de nature économique (clarification et simplification de la réglementation douanière congolaise, réindustrialisation, publication des taxes, système douanier régional, etc.). Bien qu’ils prennent ses distances vis-à-vis des systèmes de contrainte (embargo, sanctions ciblées et mécanismes de certification), ces rapports reconnaissent toutefois la nécessité de recourir à la contrainte, notamment pour chasser les groupes armés des sites miniers (introduction simultanée de forces de l’ordre congolaises et d’un opérateur minier industriel) et lutter contre le trafic de minerais (création d’une unité de police spéciale). Le rapport «Trading Conflict for Development» par exemple préconise même une stratégie de contrainte sur les FDLR : sanctions ciblées sur le leadership, opération militaire contre leurs sites miniers, poursuites judiciaires, etc.

A l’époque de la solution juridique (sanctionner) a succédé l’époque de la solution économique : formaliser le commerce minier. Cette formalisation devrait accomplir ce que les sanctions ne sont pas parvenues à réaliser, à savoir la marginalisation progressive des groupes armés dans ce secteur d’activités. Cette solution par l’économie s’oppose, par exemple, aux sanctions ciblées qui ont pour conséquence de renforcer l’informalisation du secteur en faisant passer les activités commerciales dans la clandestinité. De la restriction du commerce, on passerait à la formalisation du commerce dans l’Est congolais, formalisation qui suppose une très large gamme d’actions :• réformedusecteurdesécurité;• réformedesdouanes;• luttecontrelacorruptiondanslapolicedesmines,l’OFIDA,lesservicesderenseignementet

le ministère des Mines;• développementd’unelégislationsurlatransparenceetl’éthiquedessociétésactivesenzonede

conflit;• créationd’unecommissiontransfrontalièrepourétablirdesmécanismesdecontrôleconjoints,

voire externalisation du contrôle douanier à une société privée;• certificationdesmineraisparleCEEC;• harmonisationdouanièrerégionalepourréduirel’incitationàlacontrebande;• créationdepostesdouaniersconjoints.

Pour être efficace, la voie de la formalisation suppose l’implication consensuelle d’une multitude d’intervenants (gouvernement congolais, gouvernements voisins, acteurs internationaux et secteur privé) dans des actions de long terme, portant sur des sujets complexes et plusieurs réformes structurelles (sécurité, douanes, etc.). Cette formalisation ne peut que reposer sur une stratégie incitative dont on voit mal quels seraient les leviers à ce stade (quel serait, par exemple, l’intérêt du Rwanda à introduire de la transparence dans ses importations congolaises ?). Les auteurs semblent contourner ce problème en insistant sur la volonté des négociants de commercer dans la légalité si l’administration améliore son fonctionnement.

n Inspirée par l’ITIE et le processus de Kimberley, résolument développementaliste, la formalisation du commerce est une alternative séduisante à l’inefficacité des sanctions mais elle ouvre un champ d’actions très vaste et dont les paramètres sont loin d’être tous maîtrisables et connus.

76 International Alert

6.4 Initiatives passées et présentes

Les débats en cours sur les mesures efficaces au niveau des Nations Unies et des ONG n’ont pas signifié une inertie complète en matière de tentatives de régulation du commerce minier dans la région des Grands Lacs. Outre les processus nationaux (ITIE, etc.) mentionnés au chapitre 4, la Conférence Internationale sur la région des Grands Lacs se saisit de la question de l’exploitation illégale des ressources naturelles. Des mesures ponctuelles ont été prises en RDC (suspension des exportations de minerais en 2007, fermeture des postes douaniers de Bunagana et Ishasa en 2008, fermeture de la mine de Walikale et d’Adidi en 2008, etc.) et des interventions plus structurelles sont en cours.

Initiatives passées Commentaires

Fermeture de postes douaniers de Bunagana et Ishasa (2008)

Cette fermeture visait à priver le CNDP des recettes douanières mais, selon les dernières informations de l’ONU, ce poste continuerait à être utilisé par le CNDP.2

Fermeture de la mine de Walikale et d’Adidi (2008)

Echec. La mine de Walikale a été réouverte en avril 2008 sous la pression des commerçants.

Suspension des exportations de minerais (avril 2007)

réattribution des licences à 11 comptoirs.

Interdiction d’importation de minerais sans transformation

Echec car la rDC n’a actuellement aucune capacité de transformation. En 2005, lors d’une visite de Kabila en Chine et en Corée du Sud, des projets de construction d’une usine de traitement du coltan lui avaient été présentés.

Demande de la démilitarisation des sites miniers par le vice-gouverneur du Sud-Kivu (2008)

Aucun résultat.

Instauration du guichet unique Echec car maintien d’une multitude d’administrations pour les formalités douanières

Opération militaire rwando-congolaise anti-FDLr (2009)

L’offensive congolo-rwandaise devait couper les FDLr des zones de production minière. retrait des FDLr et réinstallation. Opération seulement conduite au Nord-Kivu, pas d’impact sur leur patrimoine minier au Sud-Kivu et usage de l’or facilement transportable. Echec du point de vue minier.

Initiatives en cours Commentaires

Projet pilote de certification de la chaîne commerciale (CTC) commencé en septembre 2008 au rwanda par l’Institut fédéral allemand pour les géosciences et les ressources naturelles (BGr). Le projet concerne la colombo-tantalite, la cassitérite et la wolframite.

Projet d’une durée de 18 mois pouvant être étendu à la rDC. La certification dépend de la bonne volonté des pays d’origine. Possibilité de contournement en mélangeant des minerais de diverses provenances.La détermination de l’origine du tantale par des procédés géochimiques (Fingerprint) expérimentée dans un autre projet par BGr est longue et coûteuse.

Inspections aléatoires des chargements de minerais par la MONUC (résolution 1856).

Ces inspections doivent s’effectuer en présence des autorités congolaises qui ne sont pas systématiquement disponibles et la MONUC n’a aucun pouvoir d’arrestation en cas de découverte d’un trafic.

77Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Préparation d’un projet de loi au Congrès américain imposant la «due diligence» aux sociétés et des obligations de déclaration d’origine

Trois sénateurs américains avec l’appui de l’ONG Enough, le républicain San Brownback et des démocrates Dick Durbin et russel Feingold, ont initié un projet de loi sur les métaux du conflit en république démocratique du Congo qui vise à réglementer l’achat des métaux servant à fabriquer des produits de haute technologie (radar, téléphone portable...) et qui permettent de financer des groupes armés en rDC. Si ce projet de loi est voté, les entreprises enregistrées à la bourse américaine se verraient dans l’obligation de «déclarer annuellement à l’ASEC, gendarme de la bourse des Etats-Unis, les pays d’origine de ces matières premières. Si ces pays étaient la rDC ou ses voisins, l’entreprise devrait révéler de quelle mine le minerai a été extrait», stipule le projet de loi. Outre cette obligation de déclaration d’origine, les entreprises devraient aussi se soumettre à des audits indépendants de leur chaîne d’approvisionnement. Enough fait actuellement une campagne publique pour soutenir ce projet de loi (www.raisehopeforcongo.org).

Extension de la compétence de certification du CEEC à tous les minerais

Le CEEC a reçu l’autorisation de certifier tous les minerais et sollicite des appuis pour s’étendre. Il est actuellement présent à Bukavu, Goma et Butembo.

Lutte régionale contre l’exploitation illégale des ressources naturelles (réunion de Bujumbura en avril 2009)

Une réunion de l’Initiative régionale de lutte contre l’exploitation illégale a eu lieu au Burundi en avril et l’agenda comporte un projet de mécanisme régional de certification, un protocole régional sur l’exploitation illégale et du renforcement de capacités. Ce projet reste très vague.

n Lesinitiativescongolaisesontétécontréespardesintérêtscongolais;l’initiativerégionalerestefloueetlente;etlesinitiativesbilatérales(américaineetallemande)sontlespluscrédiblesentermes d’achèvement dans des délais raisonnables.

n Il y a en concurrence deux grandes écoles de pensée vis-à-vis du problème de l’exploitation illégale des minerais :• restreindre le commerce (de manière plus ou moins radicale : de l’embargo total à

l’interdiction sélective)• réformer le commerce par un mélange d’actions économiques, institutionnelles et

sécuritaires

78 International Alert

parc national

moins de 10

10-35

36-89

90-149

150-250

plus de 250

Hab./km2

GOMA

Butembo

Uvira

BUKAVU

Lac Kivu

Lac

Tanganyika

LacEdouard

S U DK I V U

N O R DK I V U

Fizi

Mwenga

Shabunda

Walikale

Walungu

Kabare

IdjwiKalehe

Masisi

Rutshuru

Lubero

Beni

0 100 kmlimite de province

limite de collectivité

chef-lieu de province

chef-lieu de zone

Source : H. Nicolaï. La répartition et la densité de la population au Kivu. - ARSOM 1998

N et R POURTIER

NORD ET SUD KIVU : DENSITÉ DE LA POPULATION PAR COLLECTIVITÉ - (recensement de 1984)

NORD ET SUD-KIVU : DENSITÉ DE LA POPULATION PAR COLLECTIVITÉ - (recensement de 1984)

79Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

25 km

EgypteMuliko MibalabalaNawitimbaya

TshivangaKinshasa

AmériqueLondres

CelamasiCamp diamant

Kalemie

BusakalaBusu LungiNabiloko

Afrique du SudApipa 1

Apipa 2 NabiemaChamukwale

SeleleMankese

Ititi

Nyamilenge

Nkumwa Kibungabunga

Matamba 1Matamba 2

Mugondoli Lugonduzi Mitaka

Nkunku

Masingu 1

Masingu 2

Wankuba 2Wankuba 1

Nyangogoma 1

Migelo 1

Migelo 2Katusi

NyakansagoSuiza

MululoLubumbaKakili 2

Katusi 1Kankele

Nsonga 1

Kembe

Nyakyungwa

KosovoDivuye

Mubandane

KabuyeKanoso

BizembweKabukiki

BUKAVU

Kahuzi

Mt Biega

Lac Kivu

route principale

route secondaire et sentier

site d'exploitation

SITES D'EXPLOITATION DE COLTAN DANS LE PARC DE KAHUZI BIEGA(situation fin 2001)

Source : Vision verte et GTZ

N et R Pourtier

SITES D’EXPLOITATION DE COLTAN DANS LE PARC DE KAHUZI BIEGA(situation fin 2001)

80 International Alert

C o n g o

KISANGANI

BUKAVU

KINDU

GOMA

Rutshuru

Lubero

Masisi

OUGANDA

RWANDA

BURUNDI

TANZANIE

KIGALI

BUJUMBURA

Lac Albert

Lac Edouard

Lac Kivu

Lac Tanganyika

Parc de la Maiko

Parcdes

Virunga

Biega

Parc de

Kahuzi

GROUPES ETHNIQUES DU KIVU

Tumbwe

Hemba

Luba

Binja

Langa

Bangubangu

Kusu

Bambuli

Wagenia

PereMvuba

Nyintu

BinjaNord

Amba

Nyanga

Tembo

Shi

Ngengele

Kunda

Songola

Hunde

Havu

Fulero

Bembe

Boyo

Kusu

Lombi

Bira

Kumu

Nande

Lega

Songye

Tetela

Wata

mbu

lu

M A N I E M A

S U D

N O R D

K I V U

K I V U

Hemba limite de province groupe ethnique

source : Léon de Saint-Moulin. "Congo-Afrique", février 2003.

forte concentration de rwandophones (Banyarwanda, Banyamulenge)

limite groupe ethnique

100 km

Lengola

N et R POURTIER

GROUPES ETHNIQUES DU KIVU

81Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

45°

45°

PAYS IMPORTATEURS DE MINERAIS DE L’EST DE LA RDC

R D C

groupe de l’étain

or

N. et R. POURTIER

GRANDE

ÉTATS UNIS

CANADARUSSIE

KAZAKHSTAN

BRETAGNE

BELGIQUE

PAYS-BAS

ALLEMAGNE

AUTRICHE

SUISSE

E.A.U INDE

MALAISIE

THAILANDE

AFRIQUE DU SUD

CHINE

PAYS IMPORTATEURS DE MINERAIS DE L’EST DE LA RDC

82 International Alert

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Rutshuru

Walikale

Kalehe

WalunguShabunda

Beni

Lubero

Idjwi

Mwenga

Uvira

Pangi

Lubutu

Punia

MambasaIrumu

Bafwasende

Masisi

KitongoKiliza

Neremere

Elila

Elila

Kiliba

SangeLuberi

zi

Elila

Kioloba

Biriki

Mosala

Ulindi

Ulindi

Lugulu

Lubilu

Legulu

Lubiadja

Ruzizi

Lowa

Lubutu

Lowa

Biasi Lutu Luka

Luhoho

Talias

Ruindi

Ruts

hu

ruMesa

OsoOso

Bilati

Lubonga

Maiko

Tshopo

Legwe

Opienge

Lubero

Tayn

Lindi

KanabiroLoya

Mososa

Lukalia

Taiya

Sem

liki

Ligem

be

Apale

Lindi

Ituri

Lenda

Ibina

Biabono

Lu

naLaya

Ituri

SumaieEpu

luDuve

Lubilo

Se mue

Lac Kivu

Lac

Tanganyika

LacEdouard

O

U

G

A

N

D

A

RWANDA

BURUNDI

Parc NationalRéserve de fauneRéserve Nationale

aéroport

piste

TRANSPORT DES MINERAIS PAR AVION

N. et R. POURTIER

50 km

Kawumu

Baraka

Komanda

Biambwe

ButemboKasindi

KanyabayongaIshasha

Rwindi

Bunagana

Pinga

Lueshe

Mubi

Ibondo

KaseseSulia

Kilambo

Biruwe

Bisie

Katanti Lulingu

Katshungu

Mumusho

Bizinzo

Kiakupe

Kalima

Kama

Kamituga

Lugushwa

Kasongo Fizi

Kampene

Namoya

Kahuzi

LolwaNiania

Epulu

Boga

Opienge

Oicha

Luengbe

Ishango

Mutwanga

Lulind

iKandja

Kunc

a

Luik

o

Kalamia

GOMA

BUKAVU

Sources : IPIS cartographie des motivation et divers

TRANSPORT DES MINERAIS PAR AVION

83Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

route principale transport fluvial

autre route

voie ferrée

oléoduc

BUKAVU

NAIROBI

DODOMA

KAMPALA

Mwanza

Rutshuru

NordKivu

KivuSud

Maniema

Haut-Uele

Ituri

LES CORRIDORS D’ACCÈS À L’EST DE LA R.D.C.

KigomaTabora

Arusha

Mombasa

Dar es salaam

LuberoButembo

Beni

Kasese

Bukoba

Butare

Uvira

Fizi

Isiro

Bunia

GuluArua

Eldoret

Nakuru

AruWatsa

OCÉAN

INDIEN

OUGANDA

SOUDAN ETHIOPIE

KENYA

TANZANIE

Lac Edouard

Lac Victoria

Lac Albert

Kivu Lac

Lac Tanganyika

KIGALI

Bunangana

Ishasha

BUJUMBURA

GOMA

EntebbeKisumu

Province Orientale

BURUNDI

RWANDA

Kabale

200 km

Katanga

N. et R. POURTIER

LES CORRIDORS D’ACCÈS À L’EST DE LA R.D.C.

84 International Alert

Parc National de la

P. N.

BUKAVU

Luberizi

Ulindi

Lugulu

Lubilu

Ruzizi

Lowa

Biasi Lutu Luka

Luhoho

Talias

Ruindi

Ruts

hu

ruMesa

OsoOso

Bilati

Lubonga

Lubero

Tayn

Lindi

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Coltan

cassitérite

coltan/cassitérite

tungsten

or

diamant

50 km

O

U

G

A

N

D

A

RWANDA

BURUNDI

FDLR

FDLR base principale

FDLR base secondaire

Quartier Général

Kalehe

Kalonge

Kabare

WalunguShabunda

Makutano

Lubero

Rutshuru

Idjwi

Mwenga

Masisi

Kasindi

KanyabayongaIshasha

Kiwandja

RumangaboBunagana

KibumbaSaké

Pinga

Mubi

Biruwe

Bisie

KahuziKahuzi-Biega

P. N.

Maiko

Virungades

R. N.

R. N.

de Tayna

de Kisamba-Ikobo

Lac Kivu

LacEdouard

Walikale

Mt Biega

GOMA

de

Parc NationalRéserve de fauneRéserve Nationale

Source : Cartographie des motivations derrière les conflits. IPIS 2008

LOCALISATION DES FDLR (FIN 2007)

N. et R. POURTIER

LOCALISATION DES FDLR (FIN 2007)

85Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

BUKAVU

KitongoKiliza

Neremere

Elila

Elila

Kiliba

SangeLuberi

zi

Elila

Kioloba

Biriki

Mosala

Ulindi

Ulindi

Lugulu

Lubilu

Legulu

Lubiadja

Ruzizi

Lowa

Lubutu

Lowa

Biasi Lutu Luka

Luhoho

Talias

Ruind

i

Rutsh

uruMesa

OsoOso

Bilati

Lubonga

Maiko

Tshopo

Legwe

Opienge

Lubero

Tayn

Lindi

KanabiroLoya

Mososa

Lukalia

Taiya

Sem

liki

Ligem

be

Apale

Lindi

Ituri

Lenda

Ibina

Biabono

Lu

naLaya

IturiSumaieEpu

luDuve

Lubilo

Se mue

GOMA

Lac Kivu

Lac

Tanganyika

LacEdouard

Kalehe

Kabare

WalunguShabunda

Beni

Lubero

Rutshuru

Idjwi

Mwenga

Uvira

Pangi

Lubutu

Punia

MambasaIrumu

Bafwasende

Masisi

O

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G

A

N

D

A

RWANDA

NORD -KIVU

SUD-KIVU

MANIEMA

BURUNDI

Komanda

Biambwe

Butembo

Kasindi

Kanyabayonga Ishasha

Kiwandja

RumangaboBunagana

KibumbaSaké

Pinga

Mubi

Biruwe

Bisie

Katanti

Kalima

Kamituga

KahuziMt Biega

Kahuzi-Biega

P. N.

Parc National de la

Réserve de fauneà Okapis

P. N.

Maiko

Virunga

des

R. N.

d'Itombwe

R. N.

R. N.

de Tayna

de Kisamba-Ikobo

de

Walikale

FDLRCNDPFARDCPARECO

limite de provinceroute asphaltéeroute en terrepistesentier

50 km

LES GROUPES ARMÉS AU KIVU (FIN 2007)

Source : Cartographie des motivations derrière les conflits. IPIS 2008

N. et R. POURTIER

LES GROUPES ARMÉS AU KIVU (FIN 2007)

86 International Alert

0 100 kmlimite de province

limite de collectivité

parc national

GOMA

Butembo

Uvira

BUKAVU

Lac Kivu

Lac

Tanganyika

LacEdouard

WALIKALE

SHABUNDA

KALEHE

WALUNGU

MWENGA

FIZI

LUBERO

BENI

LES COLLECTIVITÉS AU NORD ET AU SUD KIVU

MASISI

RUTSHURU

Bapere

BeniWatalinga

RuwenzoriBashuBaswagha

Batangi

Bamate

Wanianga

Bakano

Bakisi

Wakabango

Wamuzimu

Lulenge

Gandja

Mutambala

Tanganika

Bavira

BafuleroRuzizi

Basile

Nindja

Ngweshe

Luindi

Itombwe

Kaziba

KABARE Buloho

LuhwindjaBurhinyi

Buhavu

KatoyBahunde

Osso

Bashali BwitoBwisha

Bukumu

N O R D

S U D

K I V U

K I V U

Source : H. Nicolaï. La répartition et la densité de la population au Kivu. - ARSOM 1998

N et R POURTIER

LES COLLECTIVITÉS AU NORD ET AU SUD-KIVU

87Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Lubero

Mososa

Seml

iki

Ibina

Duve

Epu

lu

Sumaie

Laya

Ituri

Biabono

Dungu

Nzoro

Kibali

Abu

Beni

Lubero

Butembo

Mambasa

Faradje

vers Kampala

vers Kampala et Kigali

Aru Arua

Mahagi

Djugu

LitaNizi

BambumineKilo

Mongbwalu

Djalasiga

WatsaDurba

Ariwara

Irumu

LacEdouard

OUGANDA

SOUDAN

BUNIA

PRODUCTION ET COMMERCIALISATION DE L'OR EN ITURI

source : Le fléau de l'or. - HRW - 2005

concession d'ormine d'or principaleplace d'exportation de l'or

H A U T - U E L E

I T U R I

N O R D - K I V U

Lac

Albert

0 100 km

N. et R. POURTIER

PRODUCTION ET COMMERCIALISATION DE L’OR EN ITURI

88 International Alert

BUKAVU

KitongoKiliza

Neremere

Elila

Elila

Kiliba

SangeLuberi

zi

Elila

Kioloba

Biriki

Mosala

Ulindi

Ulindi

Lugulu

Lubilu

Legulu

Lubiadja

Ruzizi

Lowa

Lubutu

Lowa

Biasi Lutu Luka

Luhoho

Talias

Ruindi

Ruts

huruMesa

OsoOso

Bilati

Lubonga

Maiko

Tshopo

Legwe

Opienge

Lubero

TaynLindi

KanabiroLoya

Mososa

Lukalia

Taiya

Sem

liki

Ligem

be

Apale

Lindi

Ituri

Lenda

Ibina

Biabono

Lu

naLaya

IturiSumaieEpu

luDuve

Lubilo

Se mue

Oku

GOMA

Lac Kivu

Lac

Tanganyika

LacEdouard

O

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G

A

N

D

A

RWANDA

BURUNDI

Kahuzi-Biega

P. N.

Parc National de la

Réserve de faune

à Okapis

P. N.

Maiko

Virunga

des

R. N.

d'Itombwe

R. N.

R. N.

de Tayna

de Kisamba-Ikobo

50 km

Penge

Namoya

KasongoFizi

Baraka

Kama

Gombe

Kampene

SITES D'EXPLOITATION MINIERE

NORD KIVU

MANIEMA

SUD KIVU

PROVINCE ORIENTALE

Mumba

Sources : IPIS cartographie des motivations Spatiocartes, Africamuseum, et divers

N. et R. POURTIER

Kalehe

WalunguShabunda

Beni

Lubero

Rutshuru

Idjwi

Mwenga

Uvira

Pangi

Lubutu

MambasaIrumu

Bafwasende

MasisiWalikale

PuniaMakania

IteberoSulia

Tshamaka

Komanda

Biambwe

Manguredjipa

Butembo

KasindiMusienene

KanyabayongaIshasha

Bunagana

Saké

Pinga

Mubi

BiruweBisie

Katanti

Minoro

Kitamuna

Kalima

Kailo

Kamituga

Twangiza

Lugushwa

Kahuzi

Ngungu

Numbi

Nyabibwe

Nabiema

Matamba

KatusiKabuye

Lueshe

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coltancassitéritecoltan/cassitérite

wolframniobium

ò ordiamant

route asphaltéeroute en terrepiste

SITES D’EXPLOITATION MINIERE

89Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

Lowa

Lutu Luka

Luhoho

Oso

Lubonga

transport pédestre

transport par camion

transport aérien

GOMA

RWANDALac Kivu

Rutshuru

Idjwi

Masisi Bunagana

Saké

Pinga

MubiNdjingala

Kilambo

Biruwe

Bisie

Walikale

50 km

Source : Nicholas Garrett, Artisanal Cassiterite Mining and trade in North Kivu

TRANSPORT DE LA CASSITÉRITE DE BISIE À GOMA

N. et R. POURTIER

TRANSPORT DE LA CASSITÉRITE DE BISIE À GOMA

90 International Alert

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BUKAVU

GOMA

Lac Kivu

Lac

Tanganyika

LacEdouard

Kalehe

WalunguShabunda

Beni

Lubero

Rutshuru

Idjwi

Mwenga

Uvira

Pangi

Lubutu

PuniaKasese

MambasaIrumu

Bafwasende

Masisi

O

U

G

A

N

D

A

RWANDA

BURUNDI

Komanda

Biambwe

Butembo

Kasindi

KanyabayongaIshasha

Bunagana

KibumbaSaké

Pinga

Mubi

Biruwe

Katanti

Kalima

Kamituga

KahuziMt Biega

Kahuzi-Biega

P. N.

Parc National de la

Réserve de faune

à Okapis

P. N.

Maiko

Virunga

des

R. N.

d'Itombwe

R. N.

R. N.

de Tayna

de Kisamba-Ikobo

Walikale

50 km

Penge

Namoya

Kasongo Fizi

Baraka

Lumana

Gombe

Moyo

Kampene

GISEMENTS MINIERS

PROVINCE ORIENTALE

MANIEMA

SUD KIVU

NORD KIVU

Source : Carte Géologique et Minière de la République Démocratique du Congo Musée Royal de l'Afrique Centrale, Tervuren 2005

N. et R. POURTIER

Parc NationalRéserve de fauneRéserve Nationale

ò ordiamantplatinetungstène

étaincoltanfercuivre

KitongoKiliza

Neremere

Elila

Elila

Kiliba

SangeLuberi

zi

Elila

Kioloba

Biriki

Mosala

Ulindi

Ulindi

Lugulu

Lubilu

Legulu

Lubiadja

Ruzizi

Lowa

Lubutu

Lowa

Biasi Lutu Luka

Luhoho

Talias

Ruindi

Ruts

hu

ruMesa

OsoOso

Bilati

Lubonga

Maiko

Tshopo

Legwe

Opienge

Lubero

Tayn

Lindi

KanabiroLoya

Mososa

Lukalia

Taiya

Sem

liki

Ligem

be

Apale

Lindi

Ituri

Lenda

Ibina

Biabono

Lu

naLaya

Ituri

SumaieEpu

luDuve

Lubilo

Se mue

GISEMENTS MINIERS

91Etude sur le role de l’exploitation des ressources naturelles dans l’alimentation et la perpétuation des crises de l’est de la rDC

étain

or

100 km

limite de province

voie ferrée

route

N. et R. POURTIER

Lowa

Lual

aba

Ulinda

Lugulu

Elila

Lualana

Lukuga

Luvua

Oso

Kindu

Goma

UviraUsumbura

Kamituga

Rutshuru

Matiko

Masisi

Gatumba

Rutongo

Mbarara

Lugarama

Kigali

CostermansvilleAstrida

Kayanza

Muhulu

Shabunda

Alimba

Kabambare

Saramabila

Kigoma

Albertville

Moba

NiembaKabalo

Mayumba

Kabongo

Mwanza

Mitwaba

Sampwe

Bukama

Luena

Lubudi

Busango

Tenke

Kolwezi

Manono

Kiambi

Kasongo

Wamasa

Kampene

Pangi

Kowa

PuniaLowa

Kirundu

Kima Kasese

Kailo

Lubutu

Ponthierville

Kalima

Lac

Moero

Lac Edouard

Lac Kivu

Lac Tanganyika

Source : Belgian Congo. Tin mining areas - US Department of the Interior, Mineral Resources

OUGANDA

RWANDA-

URUNDI

TANZANIE

K I V U

K A T A N G A

LE BASSIN DE L’ÉTAIN AU CONGO BELGE ET AURWANDA-URUNDI EN 1945

LE BASSIN DE L’ÉTAIN AU CONGO BELGE ET AU RWANDA-URUNDI EN 1945

International Alert. 346 Clapham road, London SW9 9AP, United KingdomTel +44 (0)20 7627 6800, Fax +44 (0)20 7627 6900, Email [email protected]