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1338 (2001), Vol. 49, No. 5 / n o 5 Effet rétroactif des obligations conditionnelles en droit fiscal Marie-Pierre Allard* ABSTRACT Canadian bijuralism—that is, the coexistence of civil law and common law—gives rise to a number of problems that relate to the interpretation and application of the Income Tax Act. This article analyzes one of these problems: the application in tax law of the retroactivity of the Civil Code of Quebec’s suspensive and resolutory conditions. At civil law, the fulfillment of the condition has a retroactive effect: the cancellation or confirmation of the contract is deemed to have occurred on the very day the contract was concluded. At stake is the question of whether this retroactivity should influence the tax consequences of a transaction. The author believes the answer to this question should be affirmative in light of the provisions of the Income Tax Act and the present state of the case law. This paper first analyzes the effect, under civil law, of suspensive and resolutory conditions as well as the retroactive effect of other civil law institutions such as the resolution of a contract for non-performance of an obligation, void contracts, instalment sales, trial sales, sales with a right of redemption, and promises of sale. Thereafter, similar common law concepts are addressed, such as conditions precedent and conditions subsequent; the author concludes that, unlike civil law’s conditional obligations, they do not apply retroactively. The author hereafter looks into the relevant provisions of the Income Tax Act, namely, the definition of “disposition,” and concludes that the said definition is not comprehensive and dissociated from the provinces’ private law. One must therefore refer to the latter to complete the notion of “disposition” and, in Quebec, the civil law is the source of suppletive law. The analysis of the judicial decisions pertaining to tax law enables the author to pinpoint certain contradictions as well as note two trends: the first tends toward a uniform application of the * Professeure à l’Université de Sherbrooke. Le présent texte a été rédigé dans le cadre du programme de contrats de recherche en bijuridisme canadien du Ministère de la Justice du Canada. L’auteure tient à remercier la professeure Marie Jacques de l’Université de Sherbrooke, M e Sandra Hassan, M. Fisc., et M e Marc Cuerrier, M. Fisc., du Ministère de la Justice du Canada, ainsi que M e Diane Bruneau, notaire, M. Fisc., de l’étude Watson, Poitevin, Turcot, Prévost, Montréal.

Effet r©troactif des obligations conditionnelles en droit

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1338 (2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

Effet rétroactif des obligationsconditionnelles en droit fiscal

Marie-Pierre Allard*

ABSTRACT

Canadian bijuralism—that is, the coexistence of civil law and common law—givesrise to a number of problems that relate to the interpretation and application ofthe Income Tax Act. This article analyzes one of these problems: the applicationin tax law of the retroactivity of the Civil Code of Quebec’s suspensive andresolutory conditions.

At civil law, the fulfillment of the condition has a retroactive effect: thecancellation or confirmation of the contract is deemed to have occurred on thevery day the contract was concluded. At stake is the question of whether thisretroactivity should influence the tax consequences of a transaction. The authorbelieves the answer to this question should be affirmative in light of theprovisions of the Income Tax Act and the present state of the case law.

This paper first analyzes the effect, under civil law, of suspensive and resolutoryconditions as well as the retroactive effect of other civil law institutions such asthe resolution of a contract for non-performance of an obligation, void contracts,instalment sales, trial sales, sales with a right of redemption, and promises ofsale. Thereafter, similar common law concepts are addressed, such as conditionsprecedent and conditions subsequent; the author concludes that, unlike civillaw’s conditional obligations, they do not apply retroactively.

The author hereafter looks into the relevant provisions of the Income Tax Act,namely, the definition of “disposition,” and concludes that the said definition isnot comprehensive and dissociated from the provinces’ private law. One musttherefore refer to the latter to complete the notion of “disposition” and, inQuebec, the civil law is the source of suppletive law. The analysis of the judicialdecisions pertaining to tax law enables the author to pinpoint certain contradictionsas well as note two trends: the first tends toward a uniform application of the

* Professeure à l’Université de Sherbrooke. Le présent texte a été rédigé dans le cadre duprogramme de contrats de recherche en bijuridisme canadien du Ministère de la Justice duCanada. L’auteure tient à remercier la professeure Marie Jacques de l’Université deSherbrooke, Me Sandra Hassan, M. Fisc., et Me Marc Cuerrier, M. Fisc., du Ministère de laJustice du Canada, ainsi que Me Diane Bruneau, notaire, M. Fisc., de l’étude Watson,Poitevin, Turcot, Prévost, Montréal.

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Income Tax Act across the country, while the second is favourable to the respectof the differences between Canada’s two major private law systems. The authorconcludes that the second trend is better founded at law.

The author analyzes the position adopted by the Canadian Customs andRevenue Agency. In brief, the retroactive effect of conditional obligations is nottaken into consideration by the agency, which applies the Act uniformly in allprovinces. The author criticizes this position, her position being that if a uniformapplication is necessary from a tax policy point of view, the definition ofdisposition found in the Act should use clear language to dissociate itself fromprovincial private law.

PRÉCIS

Le bijuridisme canadien, c’est-à-dire la coexistence du droit civil et de la commonlaw, pose de nombreux problèmes d’interprétation et d’application de la Loi del’impôt sur le revenu. Cet article fait état du problème d’application en droit fiscalde la rétroactivité des conditions suspensives ou résolutoires prévue par le Codecivil du Québec.

En droit civil, la réalisation de la condition a un effet rétroactif : l’annulation ducontrat ou sa confirmation, selon le cas, est réputée avoir eu lieu le jour de laconclusion du contrat. La question est donc de savoir si cette rétroactivité devraitavoir son plein effet au niveau des conséquences fiscales d’une transaction. Vu lesdispositions actuelles de la Loi de l’impôt sur le revenu et l’état de la jurisprudence,l’auteure est d’avis qu’il faut répondre affirmativement à cette question.

Cet article analyse d’abord les effets des conditions suspensives et résolutoiresen droit civil, ainsi que l’effet rétroactif d’autres institutions de droit civil tellesque la résolution du contrat pour inexécution, la nullité du contrat, la vente àtempérament, la vente à l’essai, la vente avec faculté de rachat et la promesse devente. Par la suite, l’article fait état des institutions similaires en common law,telles que la condition precedent et la condition subsequent, pour conclure que,contrairement aux obligations conditionnelles du droit civil, ces conditions n’ontpas d’effet rétroactif.

L’auteure se penche ensuite sur les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôtsur le revenu, en particulier sur la définition de « disposition », et conclut que laLoi n’impose pas une définition exclusive et dissociée du droit privé des provinces.Il faut donc consulter le droit privé pour circonscrire la notion de disposition, ets’en remettre au droit civil pour son application au Québec. Une analyse de lajurisprudence fiscale fait ressortir certaines contradictions et deux grandestendances : l’une penche vers l’application uniforme de la Loi de l’impôt sur lerevenu partout au Canada, alors que l’autre favorise le respect des différencesentre les deux systèmes de droit privé. Selon l’auteure, ce second courantjurisprudentiel est le mieux fondé en droit.

Vient ensuite une analyse de la position de l’Agence des douanes et durevenu du Canada. Essentiellement, elle ne tient pas compte de l’effet rétroactif

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des obligations conditionnelles en droit civil et applique la Loi de la même façondans toutes les provinces. L’auteure critique cette position, étant plutôt d’avis quesi la politique fiscale exige une application uniforme, la législation devrait définirclairement une notion de disposition dissociée du droit privé des provinces.Mots-clés : Contrats; fédéral/provincial; Québec; ventes; propriété; biens.

INTRODUCTION

Le droit canadien est doté d’une caractéristique exceptionnelle. Il est bijuridique,c’est-à-dire que deux systèmes juridiques de droit privé différents y coexistent,à savoir, le droit civil et la common law. Cette juxtaposition de deux systèmesde droit, constamment en interaction, constitue incontestablement une sourced’enrichissement extraordinaire pour les deux systèmes, malgré ce que l’un denos plus grands juristes a appelé le « danger de métissage du droit civil par voied’interprétation judiciaire1 ».

Le bijuridisme est inextricablement enraciné dans l’histoire et la traditionjuridique de la fédération canadienne. En 1774, par l’Acte de Québec2, le droitcivil a été réintroduit dans la province de Québec3, après avoir été banni par laProclamation Royale de 1763 qui instaurait les lois civiles et criminellesanglaises. Par la suite, la Loi constitutionnelle de 18674, qui reconnaît auxlégislatures provinciales la compétence exclusive de légiférer en matière depropriété et de droits civils, est venue confirmer la coexistence des deuxsystèmes juridiques de droit privé5.

Depuis toujours, les tribunaux ont affirmé que le droit fiscal est accessoireau droit privé; il ne fait qu’édicter des conséquences fiscales aux relationscontractuelles entre les parties, ces relations étant régies par le droit privé :

In my opinion fiscal law is an accessory system, which applies only to the effectsproduced by contracts. Once the nature of the contracts is determined by the civillaw, the Income Tax Act comes into effect, but only then, to place fiscal consequenceson those contracts. Without a contract, without a law and an obligation, there can beno fiscal levy. Application of the Income Tax Act is subject to a civil determination,whether such a determination be according to civil or common law6.

Ainsi, lorsque la loi fédérale utilise une expression de droit privé sans ladéfinir ou lui donner un sens particulier, il faut avoir recours au droit privéprovincial applicable pour l’interpréter et il est alors question de complémentaritédu droit privé provincial par rapport au droit fédéral. Par contre, dans l’exercicede ses compétences attribuées par l’article 91 de la Loi constitutionnelle de1867, le législateur fédéral peut exercer ses pouvoirs ancillaires ou accessoiresafin d’établir ses propres règles de droit privé indépendantes et autonomes,pour l’application de la loi fédérale. Il s’agit dans ce cas de dissociation dudroit fédéral par rapport au droit privé des provinces7.

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Par ailleurs, le bijuridisme, combiné au bilinguisme officiel8, impose aulégislateur fédéral l’obligation de s’adresser à quatre auditoires juridiques, àsavoir les francophones et les anglophones des deux systèmes de droit privé.C’est pourquoi, depuis quelques années, le législateur fédéral a entrepris un vasteexercice d’harmonisation de la législation fédérale, c’est-à-dire un « processus derévision de la législation visant à ce que le droit civil et la common law y soientreflétés adéquatement dans les deux versions linguistiques9 ». Ces travaux visentnotamment la Loi de l’impôt sur le revenu10.

Le présent texte s’inscrit dans le cadre de ce processus d’harmonisation ettente de proposer des solutions à l’un des problèmes existants en droit fiscal,soit celui de l’effet rétroactif des obligations conditionnelles du droit civil. Endroit civil, une condition suspensive ou résolutoire a un effet rétroactif au jourde la conclusion du contrat, contrairement aux obligations conditionnelles de lacommon law, les condition precedent et condition subsequent, qui n’ont pasd’effet rétroactif. Or, en fiscalité, le moment de la « disposition » d’un bien aune grande importance, notamment pour déterminer le moment de l’impositiondu gain en capital, de la récupération de l’amortissement ou du changement decontrôle d’une société. Dans ce contexte se soulève la question suivante : l’effetrétroactif des obligations conditionnelles s’applique-t-il en droit fiscal fédérallorsqu’il s’agit de déterminer le moment de la « disposition » ?

Dans ce texte, l’auteure tente de déterminer si la Loi et la positionadministrative de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ci-après« l’Agence » ou « l’ADRC ») tiennent compte de façon adéquate des spécificitésdu droit civil quant aux effets des obligations conditionnelles et, dans la négative,d’évaluer dans quelle mesure et de quelle façon il serait possible d’harmoniserla LIR au droit civil québécois sur cette question, tout en respectant l’intentiondu législateur fédéral. À cet égard, il faut tenir compte de l’équilibre entre deuxobjectifs souvent en opposition : celui de l’application uniforme de la Loi àl’échelle canadienne d’une part, et, d’autre part, le respect des règles de droitprivé, parfois incompatibles, des deux systèmes juridiques.

À cette fin, l’auteure passe d’abord en revue les règles de droit civil relativesaux obligations conditionnelles et à leurs effets, ainsi qu’à d’autres concepts dedroit civil qui peuvent soulever des questions de rétroactivité. Vient ensuite uneétude des notions de common law qui correspondent aux obligationsconditionnelles en droit civil afin de dégager tant les points communs que lesdivergences des deux systèmes de droit à cet égard. En troisième lieu, l’auteureprocède à l’analyse juridique de l’effet rétroactif des obligations conditionnellesen droit fiscal par l’étude de la législation, de la jurisprudence et de la doctrinepertinentes, ainsi que de la position administrative de l’Agence. Enfin, uneanalyse critique de la situation actuelle permet d’identifier les perspectives dedéveloppements juridiques possibles et de présenter des propositions de réforme.

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LES OBLIGATIONS CONDITIONNELLES EN DROIT CIVIL

La condition suspensive

Les obligations conditionnelles sont régies par les articles 1497 à 1507 du Codecivil du Québec11. Le Code civil définit ainsi l’obligation conditionnelle :

1497. L’obligation est conditionnelle lorsqu’on la fait dépendre d’un événementfutur et incertain, soit en suspendant sa naissance jusqu’à ce que l’événementarrive ou qu’il devienne certain qu’il n’arrivera pas, soit en subordonnant sonextinction au fait que l’événement arrive ou n’arrive pas12.

La condition doit donc être un événement futur et incertain. De plus, elle nedoit pas être purement potestative, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas dépendreuniquement de la volonté du débiteur13. La condition doit également être unévénement extrinsèque et non pas un élément essentiel à la formation même ducontrat — par exemple, l’acheteur qui s’engage à payer le prix si le vendeurs’engage à livrer la chose contracte une obligation pure et simple14.

La condition suspensive « fait dépendre la naissance de l’obligation de l’arrivéede l’événement ou de la certitude qu’il ne se produira pas; elle retarde donc lacréation du lien entre les parties15 ». Tant que la condition n’est pas réalisée, c’estl’existence même de l’obligation qui est en suspens16. Elle n’est pas seulementinexigible, comme dans le cas d’un terme, elle n’existe pas, elle n’est pas encoreformée. S’il s’agit d’une obligation de payer, la dette n’est pas juridiquementnée, et celui qui paie par erreur peut même réclamer la répétition de l’indu17. Ainsi,le vendeur n’a pas droit au prix avant que la condition ne se réalise.

Quant à la propriété, la vente sous condition suspensive ne la transfère pasimmédiatement. Le vendeur conserve le droit de propriété, de même que tousses attributs18. Il peut arriver que la possession du bien soit transférée lors de laconclusion du contrat, par exemple dans le cadre d’une vente à l’essai19, laquelleest présumée faite sous condition suspensive; cela n’a toutefois pas pour effetde transférer la propriété.

Lorsque la condition se réalise, elle a un effet rétroactif au jour de laconclusion du contrat, et ce tant entre les parties qu’à l’égard des tiers :

1506. La condition accomplie a, entre les parties et à l’égard des tiers, un effetrétroactif au jour où le débiteur s’est obligé sous condition.

Cet article réitère le principe de l’effet rétroactif de la condition accomplieque comportait la première phrase des articles 1085 et 1088 du Code civil duBas-Canada (ci-après « CcB-C »)20. Il ne modifie donc pas le droit antérieur. Àcet égard, le CcB-C reprenait presque textuellement l’article 1179 du CodeNapoléon.

Ainsi, dans le cas d’une condition suspensive, l’accomplissement de lacondition fait en sorte que la convention est censée avoir été pure et simple dèsson origine :

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Mais à partir de quand l’obligation existe-t-elle en tant qu’obligation pure etsimple ? La réponse paraît s’imposer : jusqu’à l’arrivée de la condition suspensive,il y a eu une obligation conditionnelle; à partir de l’arrivée de la condition suspensive,une obligation pure et simple s’est substituée à l’obligation conditionnelle. Tellen’est pas pourtant la solution du droit français. En effet, l’article 1179 C. civ. posela règle de la rétroactivité de la condition : “La condition accomplie a un effetrétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté”. Tout se passe comme sil’obligation était née pure et simple au jour de la conclusion du contrat; elle estcensée n’avoir jamais été éventuelle21. (soulignement de l’auteure)

Dans un contrat translatif de propriété, le droit de propriété est donc censéêtre passé à l’acheteur au jour de la conclusion du contrat22. Une analyse deseffets et des conséquences de la rétroactivité débute à la rubrique « Les effetsde la rétroactivité de la condition ».

Enfin, lorsque la condition ne se réalise pas dans le délai imparti, ou qu’ildevient certain qu’elle ne se réalisera pas, tout se passe comme si le contratn’avait jamais été conclu23. Selon les professeurs Pineau, Burman et Gaudet,« il s’agit d’un effacement total : l’acheteur “en puissance” n’a jamais étéacheteur et le “vendeur” potentiel n’a jamais été vendeur24 ».

La condition résolutoire

La condition résolutoire est celle qui tient en suspens non pas l’existence del’obligation, mais son extinction25. Ainsi, l’obligation sous condition résolutoireentre immédiatement en existence, dès la conclusion du contrat26. Enconséquence, tant que la condition résolutoire n’est pas réalisée, l’obligationest traitée exactement comme une obligation pure et simple. Elle produit tousses effets : s’il s’agit d’une vente, il y a immédiatement transfert de propriété etobligation de payer le prix de vente.

Mignault résume ainsi l’effet immédiat de l’obligation assujettie à unecondition résolutoire :

Soit une vente faite sous condition résolutoire. Dès l’instant qu’elle est formée,elle produit tous ses effets, comme la vente pure et simple : chacune des partiesest obligée, le vendeur à livrer la chose vendue, l’acheteur à payer le prix; lamutation de propriété est effectuée dès à présent27.

Lorsque la condition se réalise, le contrat est résolu rétroactivement, en vertude l’article 1506 CcQ. Mignault poursuit ainsi :

Mais, si la condition se réalise, tous les effets que la vente avait produits sontrévoqués rétroactivement : ils cessent, non seulement pour l’avenir, mais encoredans le passé : ils sont considérés comme n’ayant jamais été produits28.

Selon plusieurs auteurs, tout se déroule alors comme si l’obligation n’avaitjamais existé : « l’acheteur n’est jamais devenu propriétaire de l’immeuble, pas

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même propriétaire conditionnel, et le vendeur n’a jamais cessé d’avoir sur cetimmeuble un droit de propriété plein et entier29 ».

À l’inverse, bien entendu, s’il devient certain que la condition ne se réaliserapas, la vente est pure et simple depuis le début et le contrat est rétroactivementconsolidé30. Ainsi, l’acheteur est censé avoir été propriétaire à compter de lasignature du contrat31.

Il est intéressant de souligner l’effet « miroir » des conditions suspensives etrésolutoires : toute obligation conditionnelle est suspensive pour l’une desparties et résolutoire pour l’autre. Mignault illustre cette réciprocité par unexemple concret :

Je vous ai vendu ma maison, sous cette condition : si tel vaisseau arrive. Lacondition, si elle se réalise, produira un double effet : elle vous investira, d’unepart, et me dépouillera, de l’autre, du droit de propriété qui a fait l’objet de lavente : vous serez réputé avoir été, tandis que je serai réputé avoir cessé d’être,propriétaire, du jour même du contrat (art. 1085). Ainsi, nous étions tous les deuxpropriétaires, vous sous condition suspensive, moi sous condition résolutoire.

Je vous vends ma maison, mais sous la condition que la vente sera résolue sitel vaisseau arrive. Cette vente, de même qu’une vente pure et simple, produittous ses effets hic et nunc : vous êtes donc propriétaire dès à présent; mais si lacondition se réalise, vous êtes réputé alors ne l’avoir jamais été, tandis que je suisréputé n’avoir jamais cessé de l’être (art. 1088) : le même événement qui vousdépouille m’investit du droit qu’il vous enlève. Nous étions donc l’un et l’autrepropriétaires, vous sous condition résolutoire, moi sous condition suspensive32.

En somme, lorsqu’il y a vente sous condition résolutoire, avant que lacondition ne se réalise, le vendeur est propriétaire sous condition suspensive etl’acheteur est propriétaire sous condition résolutoire. À l’inverse, dans le casd’une vente sous condition suspensive, avant l’accomplissement de la conditionle vendeur est propriétaire sous condition résolutoire et l’acheteur estpropriétaire sous condition suspensive33.

Les effets de la rétroactivité de la condition

Les effets généraux de la rétroactivité

L’effet principal de l’accomplissement de la condition suspensive est d’obligerles parties à exécuter leurs obligations, comme si elles avaient existé depuis lejour de la conclusion du contrat. À l’inverse, l’accomplissement de la conditionrésolutoire a pour effet principal l’obligation de restituer les prestations reçuesen vertu du contrat, comme si ce dernier n’avait jamais existé34.

Qu’en est-il lorsque la condition suspensive ne se réalise pas ? S’il n’y a paseu prise de possession pendente conditione35, le contrat n’a simplement jamaisexisté et les parties ne se doivent rien36. S’il y a eu transfert de possession, parcontre, l’acheteur sous condition suspensive doit rendre le bien au vendeur; àcet égard, la vente sous condition suspensive est soumise au même processusde restitution des prestations que la vente sous condition résolutoire.

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Ce sont désormais les articles 1699 à 1707 CcQ qui régissent la restitutiondes prestations, qu’elle découle de la réalisation d’une condition résolutoire, dela défaillance d’une condition suspensive, de la résolution à la demande ducréancier37 ou de la nullité38 en raison du défaut d’une condition de formationdu contrat39.

L’article 1700 CcQ précise que la restitution des prestations se fait en nature.Bien entendu, la règle générale veut que l’acheteur remette le bien au vendeurqui, en retour, lui rend la partie du prix de vente qu’il a reçue, s’il y a lieu. Cecine pose pas de problème, sauf en cas de perte de la chose, comme il seradiscuté plus loin.

Par ailleurs, la rétroactivité a également des effets à l’égard des tiers. Eneffet, l’accomplissement de la condition a pour conséquence l’annulation desdroits consentis sur la chose par le vendeur sous condition suspensive ou parl’acheteur sous condition résolutoire; comme leur droit de propriété est anéantirétroactivement, ces droits avaient été consentis sur la chose d’autrui. Àl’inverse, tous les droits consentis par l’acquéreur sous condition suspensive oupar le vendeur sous condition résolutoire pendant la période d’incertitude sontconfirmés par la réalisation de la condition40.

Cette règle s’appliquait tant en droit français qu’en vertu du CcB-C. Toutefois,l’article 1707 CcQ semble remettre ce principe en question :

1707. Les actes d’aliénation à titre onéreux faits par celui qui a l’obligation derestituer, s’ils ont été accomplis au profit d’un tiers de bonne foi, sont opposablesà celui à qui est due la restitution. Ceux à titre gratuit sont inopposables, sousréserve des règles relatives à la prescription.

Les autres actes accomplis au profit d’un tiers de bonne foi sont opposables àcelui à qui est due la restitution.

Cet article vient-il modifier fondamentalement le droit antérieur, faisant ensorte que la rétroactivité des obligations conditionnelles n’est plus opposableaux tiers ? L’auteure est d’avis que non.

Il faut d’abord préciser que les « actes d’aliénation » visés au premier alinéade l’article 1707 ne concernent que les actes translatifs de propriété. Tous lesautres actes, y compris la concession de droits réels sur la chose, tels qu’unehypothèque ou une servitude, sont visés par le second alinéa41.

Il faut comprendre que l’article 1707 CcQ, situé dans le chapitre neuvièmeintitulé « De la restitution des prestations », s’applique à tous les contratsannulés rétroactivement, y compris aux actes entachés de nullité pour défautd’une condition de formation du contrat, et non pas seulement aux obligationsconditionnelles. Or, il est très difficile, voire impossible, pour un tiers deconnaître les motifs potentiels de nullité du contrat. À l’époque de l’ancienCode, quand il s’agissait des obligations conditionnelles affectant les immeubles,il était considéré que les formalités de la publicité foncière étaient suffisantespour protéger les tiers puisqu’ils pouvaient avoir connaissance de la précaritédu droit de leur débiteur42.

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Or, le même principe demeure applicable sous l’empire du nouveau Codecivil. D’ailleurs, en ce qui concerne la propriété immobilière, le droit du créancierde l’obligation de restitution est publié au registre foncier et, comme toutacquéreur est réputé connaître les droits inscrits à ce registre43, le tiers ne pourraitse prévaloir de l’article 1707 CcQ puisqu’il ne saurait prétendre être de bonnefoi44. De plus, à l’égard des droits inscrits au registre des droits personnels et réelsmobiliers, la même présomption de connaissance s’applique aux tiers, quoiquecette présomption soit réfragable dans ce dernier cas45. Ainsi, dans la plupart descas où le débiteur de l’obligation de restitution aura accordé des droits réels àdes tiers, ces droits seront annulés rétroactivement parce qu’ils ont été consentispar une personne qui n’a jamais été propriétaire : nemo dat quod non habet46.

En outre, l’article 1506 CcQ, qui prévoit spécifiquement que la conditionaccomplie a un effet rétroactif à l’égard des tiers, édicte une règle spécifiqueaux obligations conditionnelles, par opposition à l’article 1707 CcQ qui énonceune règle générale; l’article 1506 devrait donc normalement avoir préséance.C’est l’avis de certains auteurs qui considèrent que l’article 1707 CcQ n’a pasd’application en matière d’obligations conditionnelles47. Le juge Baudouin et leprofesseur Jobin, quant à eux, sont toujours d’avis, malgré l’article 1707 CcQ,que la réalisation de la condition suspensive annule rétroactivement les droitsconsentis par le vendeur pendente conditione :

Dans les contrats translatifs de propriété, le droit de propriété est censé être passéau créancier au jour de la conclusion du contrat. En conséquence, tous les actesfaits par le débiteur sur l’objet avant la réalisation de la condition sont anéantis.Ainsi, l’aliénation de la chose matérielle, objet du contrat, les actes d’hypothèqueou autres sûretés, les servitudes accordées par le débiteur n’auront en principeaucun effet à l’égard du créancier. Au contraire, tous les actes faits par le créancierdurant la même période seront rétroactivement validés, puisque effectués alorsque celui-ci est réputé avoir été propriétaire de la chose48.

Ils sont du même avis en ce qui concerne les conditions résolutoires :

Dans le cas d’un contrat translatif de propriété, l’acquéreur est réputé n’avoirjamais été propriétaire et donc tous les droits consentis sur l’objet par lui à destiers, en principe, tombent rétroactivement49.

D’ailleurs, l’article 2682 CcQ semble confirmer que l’article 1707 ne s’appliquepas aux obligations conditionnelles, du moins en ce qui concerne les hypothèques :

2682. Celui qui n’a sur un bien qu’un droit conditionnel ou susceptible d’être frappéde nullité ne peut consentir qu’une hypothèque sujette à la même condition ou nullité.

Par ailleurs, en ce qui concerne les actes d’administration posés pendenteconditione, l’article 1707 CcQ ne fait que codifier l’ancienne doctrine selonlaquelle ces actes étaient opposables au créancier de la restitution50.

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En somme, la position de l’auteure est que l’article 1707 n’a pas pour effetde contrecarrer ou de nier le principe d’opposabilité aux tiers de la rétroactivitéde la condition établi expressément par l’article 1506, puisqu’il serait illogiqueque le législateur ait édicté ce principe pour ensuite en nier tous les effets.

Enfin, l’un des principaux effets de la rétroactivité est la cristallisation d’unesituation juridique quant aux modifications législatives subséquentes :

Lorsqu’une loi nouvelle est intervenue entre la date de la convention et celle dela réalisation de la condition, l’obligation demeurera soumise à la loi ancienne,comme si elle avait été pure et simple à son origine51.

Comme il en sera discuté sous la rubrique « Conflits entre le droit fiscalfédéral et le droit civil — La condition suspensive — Sans transfert depossession », ce principe a une importance particulière en fiscalité. En effet,l’application de la rétroactivité des conditions permettrait aux parties de connaîtreà l’avance, avec un degré raisonnable de certitude, les conséquences fiscales dela transaction qu’elles envisagent, puisqu’elles seraient ainsi à l’abri desmodifications de la LIR qui pourraient survenir après la conclusion du contrat.

Les tempéraments à l’effet rétroactif de la condition

Les risques

En vertu du Code civil du Bas-Canada, dans les contrats translatifs de propriété,la théorie des risques appliquait la maxime res perit domino52 et imposait lacharge des risques au propriétaire53. Cependant, les articles 1087 et 1088 CcB-Cétablissaient un régime exceptionnel d’attribution des risques en matièred’obligations conditionnelles. L’article 1087 se lisait ainsi :

1087. Lorsque l’obligation est contractée sous une condition suspensive, ledébiteur est obligé de livrer la chose qui en est l’objet aussitôt que la conditionest accomplie.

Si la chose est entièrement périe, ou ne peut plus être livrée, sans la faute dudébiteur, il n’y a plus d’obligation.

Si la chose s’est détériorée sans la faute du débiteur, le créancier doit larecevoir dans l’état où elle se trouve, sans diminution de prix.

Si la chose s’est détériorée par la faute du débiteur, le créancier a le droit oud’exiger la chose en l’état où elle se trouve, ou de demander la résolution ducontrat, avec dommages-intérêts dans l’un et l’autre cas. (soulignement del’auteure)

Le deuxième alinéa de cet article renverse le principe général de la théoriedes risques et va directement à l’encontre du principe de rétroactivité de lacondition en imposant le fardeau des risques de perte de la chose au débiteur del’obligation de livrer : si la chose est entièrement périe, le vendeur n’a plus

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l’obligation de livrer, mais l’acheteur n’a plus l’obligation de payer54; c’estdonc le vendeur qui subit la perte. Or, l’application des conséquences normalesde la rétroactivité aurait logiquement mené à la solution contraire. Faribault faitressortir ainsi cette contradiction de principes :

Cette disposition de notre article 1087 comporte évidemment une exception à larègle de la rétroactivité de la condition posée par l’article 1085.

En vertu de cette règle, les risques devraient être supportés par le créancierpuisque, par suite de l’accomplissement de la condition l’obligation est censéeavoir été pure et simple dès l’instant du contrat, et que, par conséquent, c’est dèsce moment que l’acheteur a acquis la propriété de la chose vendue. En appliquantla maxime res perit domino, l’acheteur, c’est-à-dire le créancier de la livraisondevrait logiquement supporter cette perte. Ce n’est pas cette solution qui a étéadoptée par l’article 1087, dont le texte est à peu près semblable à l’article 1182du code Napoléon55.

Lors de la réforme du Code civil québécois en 1994, le régime spéciald’attribution des risques applicable aux obligations conditionnelles a étévolontairement abandonné : dorénavant, les règles générales applicables auxcontrats translatifs de propriété, prévues aux articles 1456, 1693 et 1694 CcQ,s’appliquent aux obligations conditionnelles56. Ces articles édictent ce qui suit :

1456. L’attribution des fruits et revenus et la charge des risques du bien qui estl’objet d’un droit réel transféré par contrat sont principalement réglées au livreDes biens.

Toutefois, tant que la délivrance du bien n’a pas été faite, le débiteur del’obligation de délivrance continue d’assumer les risques y afférents.

1693. Lorsqu’une obligation ne peut plus être exécutée par le débiteur, en raisond’une force majeure et avant qu’il soit en demeure, il est libéré de cette obligation;il en est également libéré, lors même qu’il était en demeure, lorsque le créanciern’aurait pu, de toute façon, bénéficier de l’exécution de l’obligation en raison decette force majeure; à moins que, dans l’un et l’autre cas, le débiteur ne se soitexpressément chargé des cas de force majeure.

La preuve d’une force majeure incombe au débiteur.

1694. Le débiteur ainsi libéré ne peut exiger l’exécution de l’obligationcorrélative du créancier; si elle a été exécutée, il y a lieu à restitution.

Lorsque le débiteur a exécuté son obligation en partie, le créancier demeuretenu d’exécuter la sienne jusqu’à concurrence de son enrichissement.

Bien que la règle générale sur les risques demeure res perit domino57, elle aété écartée au profit de la maxime res perit debitori58 pour les contrats translatifsde propriété. Le professeur Pineau explique ainsi ces articles de droit nouveau :

Dans le nouveau Code civil, l’article 950 énonce, certes, que le propriétaire dubien assume les risques de perte; cependant, le second alinéa de l’article 1456

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précise que “tant que la délivrance du bien (qui est l’objet d’un droit réel transférépar contrat) n’a pas été faite, le débiteur de l’obligation de délivrance continued’assumer les risques y afférents” : c’est bien dire que les risques ne sont plusassumés, ici, par l’acheteur devenu propriétaire, mais plutôt par le vendeur,débiteur de l’obligation de délivrance. On applique ici la règle Res perit debitori.

Le changement est donc notable : cette règle de droit nouveau “s’inspire enpartie de l’article 69 de la Convention des Nations Unies sur les contrats de venteinternationale de marchandises (Vienne, 1980), introduite en droit québécois parle chapitre 68 des lois de 1991. Cette règle tient compte du fait que celui qui esten possession du bien est plus à même de prendre les mesures appropriées pouren assurer la protection”; c’est donc la possession qui devient déterminante,plutôt que la propriété59. (soulignements de l’auteure)

C’est donc dire que le régime exceptionnel qui s’appliquait aux risques enmatière d’obligations conditionnelles est devenu la règle générale pour lescontrats translatifs de propriété. Les risques ne sont plus associés au droit depropriété, mais à l’obligation de délivrer le bien, c’est-à-dire à la possession dubien. Dans le cas d’une vente conditionnelle, il ne peut donc plus être considéréque l’attribution des risques au débiteur de l’obligation de livrer fait exceptionà la règle de la rétroactivité : elle ne fait que suivre la règle générale sur lescontrats translatifs de propriété.

De façon générale, les auteurs Pineau, Burman et Gaudet expliquent ainsi lacharge des risques dans les cas d’obligations conditionnelles :

Dans un tel contrat, les risques sont à la charge du débiteur de la délivrance quiavait le bien en sa possession lors de la perte par force majeure. Si, donc, la chosepérit pendente conditione, on devrait dire, si la condition se réalise, que le débiteurde l’obligation de délivrance assume les risques, c’est-à-dire normalement levendeur dans une vente sous condition suspensive et l’acheteur dans une vente souscondition résolutoire puisque normalement, pendente conditione, le possesseur dela chose vendue conditionnellement et débiteur de la délivrance est le vendeur,dans le premier cas, et l’acheteur dans le second cas60. (soulignements de l’auteure)

De quelle manière cette règle s’appliquera-t-elle aux obligations assortiesd’une condition résolutoire ou suspensive ?

1) La condition résolutoire

Dans le cas d’une condition résolutoire, les risques sont transférés à l’acheteurdès le moment de la conclusion du contrat, en vertu de la règle générale resperit domino61, puisque son droit de propriété naît immédiatement. Étant donnéqu’en général il prend possession du bien au moment de la conclusion ducontrat, l’article 1456 CcQ ne s’appliquera pas pour contrecarrer l’effet del’article 950.

Si la condition résolutoire ne s’accomplit jamais, l’acheteur devra doncnaturellement assumer la perte de la chose. Inversement, si la condition

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résolutoire s’accomplit avant la perte de la chose, tout se passe comme s’il n’yavait jamais eu de contrat et le vendeur devra supporter la perte de son bien.

Le problème survient si la condition résolutoire s’accomplit après la perte dela chose. La rétroactivité fait en sorte que l’acheteur est considéré n’avoirjamais été propriétaire. En outre, l’accomplissement de la condition entraînel’obligation de restitution des prestations, régie par les articles 1699 et suivantsdu Code civil62. L’article 1701 prévoit alors ceci :

1701. En cas de perte totale ou d’aliénation du bien sujet à restitution, celui qui al’obligation de restituer est tenu de rendre la valeur du bien, considérée au momentde sa réception, de sa perte ou aliénation, ou encore au moment de la restitution,suivant la moindre de ces valeurs; mais s’il est de mauvaise foi ou si la cause derestitution est due à sa faute, la restitution se fait suivant la valeur la plus élevée.

Le débiteur est cependant dispensé de toute restitution si le bien a péri parforce majeure, mais il doit alors céder au créancier, le cas échéant, l’indemnitéqu’il a reçue pour cette perte, ou le droit à cette indemnité s’il ne l’a pas déjàreçue; lorsque le débiteur est de mauvaise foi ou que la cause de restitution estdue à sa faute, il n’est dispensé de la restitution que si le bien eût également périentre les mains du créancier.

Le premier alinéa ne soulève pas la question des risques puisque le débiteurde l’obligation de restitution, c’est-à-dire l’acheteur sous condition résolutoire,n’est pas libéré de son obligation, il est plutôt tenu à la restitution par équivalent;le vendeur est donc lui aussi tenu à la restitution des prestations reçues63.

Cependant, le second alinéa libère l’acheteur de son obligation de restitutionen cas de perte par force majeure. Il faut donc déterminer si le vendeur estégalement libéré de l’obligation de rembourser le prix de vente. Puisquel’article 1701 CcQ est muet à cet égard, il faut avoir recours aux règles généralesde la théorie des risques. L’acheteur sous condition résolutoire, débiteur del’obligation de restitution, pourrait dans ce cas être considéré comme le débiteurde l’obligation de « délivrance » au sens de l’article 1456 CcQ64. La règle resperit debitori serait donc mise en application et le débiteur de l’obligation dedélivrer (ou de restituer) la chose devrait subir la perte. Ainsi, l’acheteur qui nepeut rendre le bien perdu par force majeure ne pourrait récupérer le prix devente, et il devrait le payer si ce n’était déjà fait.

2) La condition suspensive

Il importe d’abord d’examiner le cas où le vendeur conserve la possession dela chose pendente conditione. Lorsque la condition suspensive se trouveraaccomplie après la perte par cas fortuit de la chose, le vendeur, débiteur del’obligation de délivrance, sera libéré de l’obligation de livrer, mais l’acheteurn’aura pas à payer le prix, en vertu de l’article 1456 CcQ. C’est donc le vendeurqui assume les risques de perte de la chose.

Cette solution est logique puisque, tel que déjà énoncé, l’acheteur souscondition résolutoire est à la fois débiteur du bien sous condition suspensive65,

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fait qui découle de la réciprocité des conditions suspensive et résolutoire dont ila été question antérieurement66. Il est donc normal que le vendeur sous conditionsuspensive assume les risques de la même façon que l’acheteur sous conditionrésolutoire, puisqu’ils sont dans la même position juridique.

Par contre, si la condition défaille, le problème des risques ne se pose pluspuisque le vendeur est demeuré en tout temps propriétaire et possesseur du bien.

Dans le cas où l’acheteur a pris possession de la chose pendente conditione,le problème se pose différemment. Si la perte de la chose survient avantl’accomplissement de la condition, l’article 1456 alinéa 2 CcQ ne peut s’appliquercar la délivrance a bien eu lieu. C’est donc la règle générale de l’article 950,selon laquelle le propriétaire assume le risque, qui s’appliquera. En ce cas, ilfaudra poser la question suivante : doit-on tenir compte de l’effet rétroactif dela condition ? Dans l’affirmative, l’acheteur devrait supporter la perte car il estréputé propriétaire depuis la conclusion du contrat. Dans la négative, laconclusion logique est que l’acheteur n’a pas à payer le prix et que le vendeursubit la perte.

Suivant l’argument de Mignault, il devrait être conclu que le vendeur assumela perte. Selon lui, lors de l’accomplissement de la condition, le contrat ne peutse former que si tous les éléments nécessaires à sa formation sont réunis à cemoment. Or, puisque le livreur ne peut livrer ce qui n’existe plus, l’obligation duvendeur n’a plus d’objet. De même, l’obligation de l’acheteur de payer le prixn’a plus de cause, puisque cette cause était l’obligation de livrer du vendeur,laquelle est disparue. En conséquence, le contrat ne peut prendre naissance,faute de cause et d’objet67.

Néanmoins, l’auteure est d’avis que l’acheteur devrait assumer le risque deperte lorsqu’il prend possession du bien. D’une part, cette position respecte leprincipe moderne selon lequel la possession est le facteur déterminant à l’égarddes risques68. D’autre part, cette solution est plus cohérente avec le traitementdes conditions résolutoires, car l’acheteur sous condition suspensive qui a prispossession du bien se trouve, tout comme l’acheteur sous condition résolutoire,débiteur potentiel de l’obligation de restitution. L’article 1456 CcQ devrait donctrouver application pour imposer la charge des risques à l’acheteur.

Il peut donc être conclu qu’en vertu du CcQ, dans le cas d’une vente affectéed’une condition, le transfert des risques n’est plus lié à la propriété du bien,mais plutôt à sa possession. Dans tous les cas, sous réserve de l’incertitudementionnée quant à la condition suspensive avec prise de possession pendenteconditione, le risque de perte de la chose est transféré à l’acheteur dès qu’ilprend possession du bien, que la condition se réalise ou non.

Ainsi, les risques étant dorénavant rattachés à la possession, la rétroactivitéde la condition n’aurait aucun impact sur les risques, puisque l’effet rétroactifn’affecte pas la possession de la chose pendente conditione. Quant au cas de lacondition suspensive avec transfert de possession, même si la position del’auteure n’est pas adoptée, la rétroactivité ne s’appliquerait pas puisque lecontrat n’aurait pu prendre naissance.

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Les fruits

En règle générale, les fruits et revenus, globalement désignés comme les« fruits », appartiennent au propriétaire69. En conséquence de la rétroactivité dela condition, les fruits devraient donc revenir à celui qui est réputé propriétaireà compter du jour de la conclusion du contrat — le vendeur lorsque la conditionsuspensive défaille ou que la condition résolutoire est accomplie, l’acheteurdans la situation inverse. Dans l’hypothèse d’une vente effectuée sous conditionrésolutoire, si la condition est accomplie, le vendeur est réputé avoir toujoursété propriétaire, et l’acheteur, qui a eu possession de la chose pendente conditioneet qui en a perçu les fruits, n’y a aucun droit puisqu’il n’a jamais été propriétairede la chose.

Ce n’est pourtant pas la solution qu’avait retenue l’ancien droit. Au contraire,tant en vertu du CcB-C70 qu’en droit français71, la doctrine avait établi que celuiqui avait perçu les fruits pouvait les conserver, sans devoir quoi que ce soit auvéritable propriétaire. Les auteurs ont justifié cette opinion par différents motifs.Pour Baudry-Lacantinerie, il s’agit essentiellement d’une question d’équité :

Si la chose qui fait l’objet du contrat n’est pas frugifère, il est incontestable quel’aliénateur sous condition suspensive ou l’acquéreur sous condition résolutoire a ledroit de s’en servir pendant la période intermédiaire et qu’après l’accomplissementde la condition, il ne sera nullement tenu de payer un loyer à l’autre partie, àraison de l’avantage que la chose lui aura procuré. Pourquoi donc, si la chose estfrugifère, serait il [sic] obligé de restituer les fruits ? Quel serait le motif de ladifférence ? […] Ne devons-nous pas en conclure qu’il n’y a pas lieu de distinguerentre les choses frugifères et les choses non frugifères ? On objecte la dispositionde l’art. 547. Ce texte porte que les fruits “appartiennent au propriétaire par droitd’accession”. Ils doivent donc revenir au contractant qui, par suite de l’effetrétroactif, était propriétaire au moment où ils ont été perçus. Mais le résultat sichoquant auquel aboutirait dans notre cas l’application du principe écrit dans l’art.547 ne prouve-t-il pas que cette application doit être écartée ? Ne faut-il pas tenircompte de ce fait très important que l’aliénateur sous condition suspensive oul’acquéreur sous condition résolutoire avait été mis en possession par celui-là mêmeauquel il devrait restituer les fruits ? Ne peut-on pas invoquer dans notre sensl’intention vraisemblable des parties contractantes72 ? (soulignement de l’auteure)

Quant à Faribault, il semble affirmer que le véritable motif de la non-restitutiondes fruits est le suivant :

De son côté, Demolombe croit que le vrai motif de cette doctrine est que larétroactivité opère in jure et non pas in facto. C’est le motif qui a été accepté parM. Mignault.

Voici ce que dit Demolombe : « Puisque c’est un fait ineffaçable que le débiteura eu la possession et la jouissance, on doit considérer aussi comme ineffaçable[sic] les conséquences que ce fait a produites. Or la perception et l’acquisition desfruits nous paraît être une de ces conséquences les plus raisonnables. »

Ce raisonnement me paraît représenter la véritable doctrine73.

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Faribault ajoute cependant un autre argument qui est celui de Baudry-Lacantinerie, cité ci-dessus, soutenu également par Demolombe.

Quant à Mignault, il explique son raisonnement ainsi :

L’aliénateur qui, pendente conditione, a perçu les fruits provenant de la chosealiénée sous condition, […] n’est pas obligé de les rendre : la rétroactivité attachéeà la condition accomplie n’a, en effet, trait qu’aux choses de droit. Elle a étéimaginée, d’une part, dans l’intérêt de l’acquéreur, qui sans elle aurait été obligé desubir les aliénations, servitudes ou hypothèques, consenties, pendente conditione,par l’aliénateur, et, d’autre part, dans l’intérêt de ses héritiers. Elle ne s’appliquepoint aux choses de fait; or, l’acquisition des fruits par la perception est un faitaccompli que la réalisation de la condition ne saurait effacer74.

La rétroactivité n’affecterait pas les événements, les « faits ineffaçables »s’étant réellement produits, pendente conditione, puisque la rétroactivité ne peutaltérer rétroactivement la réalité. Cette question sera traitée plus loin dans le texte.

L’ancien droit reconnaissait donc au possesseur de la chose pendenteconditione le droit de conserver les fruits perçus. L’article 1704 CcQ codifiecette solution en édictant que le débiteur de l’obligation de restituer le bien« fait siens les fruits et revenus produits par le bien qu’il rend », sauf s’il est demauvaise foi ou si la cause de la restitution est due à sa faute. Ainsi, l’acheteursous condition résolutoire qui doit rendre le bien au vendeur en raison de lasurvenance de la condition pourra tout de même conserver les fruits produitspar le bien et perçus pendente conditione. De même, l’acheteur sous conditionsuspensive qui a perçu les fruits pourra les conserver, même s’il doit restituer lebien à la suite de la défaillance de la condition.

Quant aux fruits perçus par le vendeur sous condition suspensive, peut-il lesconserver malgré l’accomplissement de la condition qui lui enlève rétroactivementla propriété du bien ? Malgré que cette situation ne soit pas directement visée parl’article 1704 CcQ puisqu’il ne s’agit pas, à proprement parler, de « restitution »,l’auteure est d’avis que la même solution s’applique. Le législateur a manifestementvoulu conserver la règle de l’ancien droit, selon laquelle les fruits demeurent àcelui qui les a perçus, indépendamment de l’effet rétroactif de la condition.

Les actes d’administration

L’ancien droit reconnaissait que les actes d’administration posés pendenteconditione par le possesseur de la chose étaient opposables à celui qui en devenaitpropriétaire rétroactivement lors de la défaillance ou de l’accomplissement de lacondition, selon le cas75. Cette position semble avoir été adoptée pour des motifspratiques :

La solution contraire a pour conséquence de rendre très difficile, ou plutôtimpossible l’administration de la chose qui fait l’objet du contrat. Si les bauxconsentis par le possesseur intérimaire doivent tomber au cas d’accomplissement

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de la condition, nul ne sera disposé à traiter avec lui. Est-il admissible que lelégislateur ait accepté une solution aussi mauvaise au point de vue économique76 ?

La loi présumerait que les parties ont eu l’intention de confier un « mandat »d’administration au débiteur, au nom du véritable propriétaire :

[…] la jurisprudence admet depuis longtemps que malgré la rétroactivité les actesd’administration accomplis par le propriétaire sous condition résolutoire, tels queles baux, conserveront leur effet. Sans doute, on ne nie pas qu’après la résolution,ce propriétaire est réputé n’avoir jamais eu aucun droit sur la chose. Mais il auraitagi en quelque sorte en qualité de mandataire du propriétaire sous conditionsuspensive aux fins d’administrer cette chose jusqu’à l’arrivée de la condition77.

Faribault semble également s’appuyer sur ce mandat tacite :

La loi est présumée les avoir exceptés de la règle de la rétroactivité parce qu’elleconsidère que telle a été l’intention des parties. En laissant ce corps certain entreles mains de son débiteur jusqu’à l’événement de la condition, le créancier anécessairement prévu qu’il devait l’administrer et en percevoir les fruits.

D’ailleurs, il est de l’intérêt des parties, et même de la société en général, quel’objet du contrat soit administré pendente conditione.

Il s’ensuit que les actes d’administration que le débiteur a pu faire pendantqu’il en est en possession, échappent à la règle de la rétroactivité de la condition.

Comme, pendant qu’il possède cet objet, le débiteur est le seul qui puissel’administrer, le créancier est censé lui avoir confié un mandat tacite à cet effet78.

Faribault ajoute également, comme motif au soutien de sa position,l’argument déjà noté relativement aux fruits :

Il me paraît que, dans notre droit, la réalisation de la condition ne peut empêcherque les actes d’administration que le débiteur a pu faire durant sa possession,aient été réellement exécutés et aient eu leur plein effet, mais que cet effet cesseavec la réalisation de la condition. Il ne peut être question alors de la rétroactivitéde la condition79.

Quant au nouveau Code civil, l’article 1707 déjà cité prévoit que « les autresactes accomplis au profit d’un tiers de bonne foi sont opposables à celui à quiest due la restitution ». Dans la mesure où cet article est applicable, il n’auraitque codifié le droit antérieur en ce qui concerne les actes d’administration.L’auteure se prononce seulement sur les véritables actes d’administration, tels lasignature de baux, et non sur les « autres actes » qui pourraient potentiellementêtre visés par le second alinéa de l’article 1707 et qui incluraient, seloncertains80, le consentement de droits réels tels qu’une hypothèque.

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L’interprétation restrictive de la rétroactivité

L’origine de la rétroactivité de la condition remonte au droit romain. Toutefois,les auteurs modernes sont d’avis que le droit romain classique n’admettait pasle principe de rétroactivité; il s’agirait d’une erreur historique d’interprétationdes anciens auteurs français, notamment Pothier, qui auraient cru que larétroactivité était la règle générale expliquant la transmissibilité de l’obligationconditionnelle aux héritiers. Le législateur français aurait par la suite codifié ceprincipe à l’article 1179 du Code Napoléon81, source de notre article 1085 CcB-Cet donc de l’article 1506 CcQ.

Aussi, plusieurs auteurs critiquent l’existence même du principe derétroactivité82. D’une part, ils soutiennent que de nombreuses conséquenceslogiques de la rétroactivité sont contredites par le texte de loi, par exemplel’attribution des risques. D’autre part, les conséquences généralement attribuéesà l’effet rétroactif peuvent très bien s’expliquer par d’autres principes. Ainsi,l’existence d’un droit « éventuel » pendente conditione permet d’expliquer ledroit du créancier de prendre certaines mesures conservatoires83. De même, larègle nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet84 suffit pourannuler les droits réels consentis à des tiers par le vendeur sous conditionsuspensive ou l’acheteur sous condition résolutoire, sans qu’il soit nécessairede recourir à la rétroactivité85. D’ailleurs, de nombreux pays civilistes n’ont pasinclus dans leur code civil la règle de rétroactivité de la condition, notammentl’Allemagne, la Suisse et le Japon86.

C’est en raison de ces considérations que Baudry-Lacantinerie concluait quela rétroactivité est une « fiction » :

L’effet rétroactif de la condition accomplie n’est donc pas une nécessitéjuridique.

On a pu, d’ailleurs, entrevoir par ce qui précède que, si l’on se place au pointde vue pratique, cette fiction vient compliquer inutilement la réglementation de lacondition. […]

Sans doute, du moment que la rétroactivité de la condition accomplie estexpressément admise par le Code civil, les commentateurs de notre loi nesauraient en faire abstraction. Mais, du moins, puisque cette rétroactivité est unefiction, il convient d’user de l’interprétation restrictive dans les cas où il estdouteux qu’elle doive se produire87.

Faribault reprend cette idée et la pousse un peu plus loin :

Comme la rétroactivité de la condition accomplie est une fiction légale, elle doitêtre interprétée restrictivement. Dans le doute, il doit être décidé qu’elle n’existepas, car son caractère de fiction ne peut empêcher un fait d’avoir existé dans le passé.

Lorsque l’obligation a pour objet un corps certain, cette fiction ne peut fairedisparaître le fait que le débiteur conditionnel en ait eu la possession pendanteconditione [sic]. Si le fait de cette possession échappe à la rétroactivité de lacondition, tout ce qui en dérive naturellement et rationnellement doit également y

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échapper, comme, par exemple, les actes d’administration accomplis par ledébiteur, et les fruits qu’il a pu percevoir pendant cette possession88.

Quant à Mignault, il ne mentionne pas l’idée que la rétroactivité est une« fiction ». Par contre, il semble adopter l’argument selon lequel la rétroactiviténe s’applique pas aux choses de fait, mais uniquement aux choses de droit.Pour plus de commodité, l’extrait déjà cité est repris :

L’aliénateur qui, pendente conditione, a perçu les fruits provenant de la chosealiénée sous condition, […] n’est pas obligé de les rendre : la rétroactivitéattachée à la condition accomplie n’a, en effet, trait qu’aux choses de droit. Elle aété imaginée, d’une part, dans l’intérêt de l’acquéreur, qui sans elle aurait étéobligé de subir les aliénations, servitudes ou hypothèques, consenties, pendenteconditione, par l’aliénateur, et, d’autre part, dans l’intérêt de ses héritiers. Elle nes’applique point aux choses de fait; or, l’acquisition des fruits par la perceptionest un fait accompli que la réalisation de la condition ne saurait effacer89.

Bien que l’affirmation de Faribault et de Mignault puisse semblerd’application très large, l’auteure est d’avis que sa portée pourrait être beaucoupplus restreinte qu’il n’y paraît à première vue. En effet, cette idée selon laquellela rétroactivité ne s’applique pas aux choses de fait provient de Demolombe quine semble pas avoir été suivi sur ce point par la majorité des auteurs français90.D’ailleurs, même Baudry-Lacantinerie, qui affirmait que la rétroactivité est unefiction juridique, n’a pas repris cette idée que la rétroactivité ne s’appliqueraitqu’aux choses de droit. Il a justifié la non-application de la rétroactivité auxfruits et aux actes d’administration par les motifs déjà explicités d’équité et deconséquences pratiques, et ce n’est qu’à titre subsidiaire qu’il a soulevél’argument de la « fiction juridique » dans ces deux cas91.

En outre, cette position fut critiquée dans les termes suivants par leprofesseur Leloutre :

On a dit enfin que le propriétaire sous condition résolutoire devait garder lesfruits, parce que la rétroactivité opère in jure et non pas in facto. Elle peut fairesans doute que ce propriétaire soit considéré un jour comme n’ayant jamais étépropriétaire. Elle ne peut faire qu’il n’ait perçu les fruits de la chose ou qu’il n’enait joui. Il y a là un fait qu’elle ne peut effacer. Dès lors, elle ne pourra pointempêcher que l’acquisition des fruits ne soit définitive.

Qu’un tel raisonnement ait eu crédit, c’est chose de nature à surprendre. Sansdoute la rétroactivité de la condition n’empêche point que le propriétaire souscondition résolutoire ait joui de la chose, mais elle ne peut faire qu’il n’en ait jouisans cause parce qu’il n’était pas propriétaire. Elle n’empêche donc point qu’ilsoit tenu de restituer92.

Comme l’auteure l’a déjà fait remarquer, Faribault lui-même appuie sespositions quant aux fruits et aux actes d’administration sur d’autres motifs quecelui-là, soit l’équité et le mandat tacite. Mignault quant à lui n’en traite quedans le cadre de la restitution des fruits.

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La doctrine ne permet pas de tirer une conclusion claire sur cette question. Ilne semble pas exister de principe général selon lequel la rétroactivité de lacondition ne s’appliquerait qu’aux questions de droit, et non aux questions defait. Il semble plutôt que certains auteurs ont avancé cette idée pour tenter dejustifier la non-application de la rétroactivité à des cas très précis, à savoir laperception des fruits et les actes d’administration.

D’autre part, même si un tel principe existait, l’auteure est d’avis qu’ildevrait être restreint à ce qui pourrait être désigné comme des « faits réels etincontestables », ou « ineffaçables » pour employer l’expression de Demolombe,c’est-à-dire des événements s’étant produits dans la réalité, de façon tangible etirréversible : la possession et la jouissance du bien, la perception des fruits etl’accomplissement d’actes d’administration. D’ailleurs, l’auteure a déjà reconnuque la rétroactivité ne peut affecter ni la possession de la chose pendenteconditione, ni ce qui découle directement de cette possession à savoir le chargedes risques.

L’importance de la question de l’application de la rétroactivité aux choses dedroit et aux choses de fait sera traitée plus loin, dans le contexte de la notion dedisposition en droit fiscal93.

Quoi qu’il en soit, malgré la nébulosité de la doctrine et les tempéraments àl’application de la rétroactivité, le législateur québécois a délibérément choiside conserver, dans le nouveau Code civil, la règle générale de la rétroactivité dela condition, exprimée à l’article 1506 CcQ. Il semble donc que l’intention dulégislateur soit claire. Ce principe devrait trouver application en droit civilquébécois, en matière d’obligations conditionnelles, sauf dans les casd’exception expressément prévus à la loi concernant les fruits, les risques et lesactes d’administration.

Autres concepts de droit civil qui soulèvent des questionsde rétroactivité

Les règles de droit civil qui régissent les obligations conditionnelles ont étépassées en revue. Toutefois, d’autres concepts de droit civil entraînent parfoisdes conséquences rétroactives. Ce texte ne se veut pas une analyse enprofondeur mais un survol de ces concepts qui permettra d’en étudier letraitement fiscal en parallèle avec celui des obligations conditionnelles.

La résolution du contrat à la suite de l’inexécution des obligations

À la suite du défaut d’exécution d’une obligation de son débiteur, le créancierpeut choisir de forcer l’exécution en nature, ou encore demander la résolutiondu contrat94. Comme la résolution a un effet rétroactif, le contrat est réputén’avoir jamais existé95.

En matière de vente, l’article 1740 CcQ prévoit explicitement le droit derésolution du vendeur d’un bien meuble, en cas de défaut de paiement du prixde vente. Quant à l’article 1742, il accorde le même droit au vendeur d’un bien

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immeuble, à condition toutefois que le contrat contienne une clause résolutoire.Dans ce dernier cas, le vendeur devra également respecter les formalitésimposées par le Code civil, notamment l’envoi d’un avis de 60 jours96, et cellesprévues au Livre « Des priorités et des hypothèques ».

Les effets de la résolution pour inexécution sont les mêmes que ceux de laréalisation de la condition résolutoire :

La résolution a pour effet d’anéantir rétroactivement le contrat : tout se passecomme si celui-ci n’avait jamais été conclu, ou comme si, dans le cadre d’uncontrat sous condition résolutoire, l’événement conditionnel s’était réalisé.L’anéantissement rétroactif provoque la remise des parties dans l’état dans lequelelles se seraient trouvées si elles n’avaient pas contracté; si, donc, certainesprestations ont déjà été accomplies, il y a lieu à restitution, selon les règles desarticles 1699 à 1706 C.c.Q. (art. 1606 C.c.Q.)97.

Les commentaires qui précèdent sur la restitution des prestations s’appliquentdonc ici. Il faut toutefois souligner que l’article 1743 CcQ précise que le vendeurd’un bien immeuble reprend le bien libre de toutes charges dont l’acheteur a pule grever après que le vendeur ait inscrit ses droits. Cette règle est logique, dansla mesure où le vendeur doit publier son droit de résolution pour qu’il soitopposable aux tiers98 puisque, tel que déjà vu, le tiers ne peut être considéré debonne foi dans ce cas, étant réputé avoir eu connaissance de la clause résolutoire99.

Il importe toutefois de ne pas confondre « résolution pour inexécution » et« condition résolutoire ». La condition doit être un événement futur et incertain,extrinsèque au rapport de droit des parties, alors que la résolution est la sanctionde l’inexécution fautive d’une obligation principale du contrat. Les professeursPineau, Burman et Gaudet expliquent cette distinction ainsi :

Il faut, cependant, se garder de confondre cette clause expresse de résolutionavec la condition résolutoire étudiée précédemment dans le cadre de l’obligationconditionnelle. La clause a pour but de sanctionner l’inexécution fautive d’uneobligation et non point de soumettre l’existence du contrat à la réalisation d’unévénement futur et incertain : même s’il est vrai que l’exécution volontaire peutêtre incertaine, il ne faut pas oublier que le paiement lui-même est juridiquementcertain, car il est toujours susceptible d’exécution forcée et non point laissé aubon plaisir du débiteur100.

En outre, une clause stipulant la résolution du contrat advenant le défaut depaiement du débiteur n’est pas une condition résolutoire en droit civil, puisquela condition ne peut être un élément essentiel à la formation du contrat. Commel’écrivaient les frères Mazeaud :

L’événement doit être extrinsèque au rapport de droit. Le rapport de droit doitpouvoir exister sans la condition, qui n’en est qu’une modalité : un élémentessentiel du contrat ne constitue donc jamais une condition. La vente sous la

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condition que le prix sera payé, n’est pas une vente conditionnelle, mais unevente pure et simple; le paiement du prix est un élément de la vente, une conditionintrinsèque. Au contraire, la vente d’un immeuble sous la condition que l’acheteurse marie, est une vente conditionnelle : le contrat est concevable sans la condition,qui n’est qu’une modalité. La jurisprudence n’use malheureusement pas toujoursd’une terminologie rigoureuse dans ce domaine101. (soulignement de l’auteure)

La distinction entre la condition résolutoire et la résolution pour inexécutionpeut sembler inutile dans le cadre du présent texte, puisque dans les deux cas, larésolution du contrat entraîne les mêmes effets rétroactifs. Toutefois, l’importancede cette distinction deviendra évidente lors de la discussion des articles 79 et79.1 LIR.

Enfin, il faut également éviter de confondre la résolution du contrat pourinexécution avec la vente assujettie à une clause de réserve de propriété jusqu’àparfait paiement; une telle vente constitue en fait une vente à tempérament,sujet de la prochaine partie du texte.

La vente à tempérament

La vente à tempérament est définie comme « une vente à terme par laquelle levendeur se réserve la propriété du bien jusqu’au paiement total du prix devente »102. Le ministre de la Justice commentait ainsi cette disposition :

Le premier alinéa reprend la définition qui a toujours été admise, selon laquellela vente est à tempérament lorsque le vendeur se réserve la propriété du bienjusqu’au paiement total du prix de vente. Il précise que la vente à tempéramentest une vente à terme, le terme portant sur le transfert de propriété et sur lepaiement du prix, afin d’éviter que cette forme de vente ne soit confondue avecune vente conditionnelle103. (soulignement de l’auteure)

Cet article codifie les principes établis par la Cour suprême dans l’arrêtVenne c. Québec (CPTA)104. Dans cette affaire, la Cour s’est penchée sur laquestion de savoir si une vente avec réserve de propriété jusqu’au parfaitpaiement du prix était une vente sous condition suspensive, auquel cas letransfert de propriété aurait été rétroactif à la date du contrat. La Cour a statuéqu’il ne s’agissait pas d’une vente conditionnelle mais bien d’une vente àterme, et que le transfert de propriété ne rétroagissait donc pas au jour del’engagement. La Cour a cité avec approbation les motifs du juge McCarthy dela Cour d’appel :

À mon avis et avec respect pour l’opinion contraire, il n’est pas question icid’une obligation conditionnelle; par conséquent, la rétroactivité prévue parl’article 1085 C.C. ne s’applique pas. La “condition” dont il est question auxarticles 1079 et sqq. du Code civil est “un événement futur et incertain” dontdépend l’existence d’une obligation. Le paiement du prix par Venne ne tombe pasdans cette catégorie: Venne était obligé de payer le prix, tout comme la compagnie

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Winzen était obligée de transférer l’immeuble, dans un certain délai. Les obligationsde part et d’autre étaient des obligations à terme (art. 1089 et sqq. C.C.) non pasdes obligations conditionnelles. Elles ont existé dès la signature du “Contract forDeed”, même si leur exécution était suspendue. De même pour ce qui est desdroits correspondant aux obligations.

Dans tout contrat synallagmatique l’exécution de ses obligations par l’une desparties dépend de l’exécution par l’autre des siennes, mais cela ne rend pas lesobligations conditionnelles au sens du Code civil…105.

Ainsi, une vente à tempérament crée des obligations à terme qui existent dèsla conclusion du contrat, mais dont l’exécution est retardée jusqu’à l’arrivée del’événement futur et certain qui constitue le terme106. Le terme porte à la foissur le paiement du prix et sur le transfert de propriété. C’est donc dire que dèsl’origine, les parties s’engagent irrévocablement, l’une à payer le prix, l’autre àtransmettre la propriété du bien. Toutefois, ce transfert de propriété n’aura lieuqu’au moment de l’arrivée du terme, c’est-à-dire au moment où l’acheteur aurapayé la totalité du prix de vente. Contrairement à ce qui se produit dans le casd’une vente sous condition suspensive, ce transfert de propriété n’a aucun effetrétroactif : le bien demeure la propriété du vendeur jusqu’au paiement du prix,et le transfert de propriété s’effectue à cette date.

Bien entendu, si l’acheteur fait défaut de payer, le vendeur pourra reprendreson bien107. La situation est alors similaire à celle où la condition suspensive nes’est pas réalisée et il n’est pas nécessaire de faire appel à une quelconquenotion de rétroactivité puisque, juridiquement, la propriété n’a jamais ététransférée à l’acheteur.

En somme, tout comme la condition suspensive, la vente à tempéramentsuspend le transfert de propriété jusqu’à l’arrivée d’un certain événement; cequi les distingue, c’est l’effet rétroactif de la condition suspensive qui estinexistant dans le cas de la vente à tempérament. Par ailleurs, comme l’auteurele faisait remarquer, il faut également distinguer la vente à tempérament de larésolution de la vente pour défaut de paiement du prix de vente. Dans ce derniercas, la vente est pure et simple, il y a transfert immédiat du droit de propriété etla résolution du contrat entraîne son anéantissement rétroactif, tout comme dansle cas d’une condition résolutoire.

Enfin, il faut souligner que l’article 1746 CcQ transfère les risques de pertedu bien à l’acheteur, même s’il n’obtient aucun droit de propriété. Cettedisposition est cohérente avec le principe exposé antérieurement selon lequelles risques sont dorénavant associés à la possession du bien et non plus à lapropriété du bien :

La réserve du droit de propriété, rappelons-le, existe strictement pour des fins degarantie du paiement du prix. À tous autres égards, l’acheteur a la jouissance dubien comme un propriétaire. Il paraît donc équitable qu’il assume les perteséventuelles. Il faut cependant souligner le changement dans le fondement de la

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règle : dans la vente à tempérament selon le Code civil du Québec, les risques nesont plus liés au droit de propriété, mais à la possession (au sens large)108.

C’est d’ailleurs ainsi que le ministre de la Justice expliquait cet article :

Cet article fait supporter à l’acheteur les risques de perte du bien, sauf s’il s’agitd’un contrat de consommation ou si les parties en ont convenu autrement. Cetterègle est contraire au principe général selon lequel ces risques sont assumés parle propriétaire du bien, principe énoncé aux articles 950 et 1456, et repris enmatière de vente à tempérament à l’article 133 de la Loi sur la protection duconsommateur (L.R.Q., chapitre P-40.1). L’acheteur étant en possession du bienet les besoins de protection n’étant pas les mêmes que sous la Loi sur laprotection du consommateur, cette règle particulière a paru ici préférable; elleest, d’ailleurs, conforme au principe sous jacent [sic] au second alinéa de l’article1456 qui, dans un autre contexte, lie la charge des risques à la possession109.(soulignements de l’auteure)

La nullité à titre de sanction des conditions de formationdu contrat

Les articles 1416 CcQ et suivants prévoient l’annulation du contrat qui nerespecte pas les conditions de formation prévues par la loi, telles que leconsentement, la cause et l’objet. La nullité est absolue lorsqu’elle sanctionneune condition de formation édictée dans l’intérêt général; en ce cas, elle peutêtre demandée par toute personne intéressée et le tribunal doit la souleverd’office. Si la condition de formation qui fait défaut a été imposée pourprotéger des intérêts particuliers, seule la personne en faveur de qui elle estétablie peut réclamer la nullité.

Dans tous les cas, que la nullité soit relative ou absolue, elle produit les mêmeseffets110. L’article 1422 CcQ prévoit que le contrat est réputé n’avoir jamais existéet que les parties sont tenues à la restitution des prestations. Cette restitution estsoumise aux règles générales des articles 1699 à 1707 CcQ déjà analysées.

Le nouveau Code civil a ainsi aboli l’ancienne distinction entre la nullitéabsolue et la nullité relative. Un contrat nul de nullité absolue était un contrat nulab initio, c’est-à-dire qu’il n’avait jamais existé et le juge se bornait à constater cefait, tandis que le contrat nul de nullité relative était censé n’avoir jamais existéune fois que le juge avait prononcé la nullité, de sorte que le contrat pouvait avoirun effet tant que la partie lésée ne demandait pas la nullité111.

Dorénavant, la nullité a donc les mêmes effets que la condition résolutoire112,c’est-à-dire qu’elle annihile le contrat de façon rétroactive, comme s’il n’avaitjamais existé. Tous les commentaires antérieurs sur les conditions résolutoiress’appliquent donc ici, à l’exception des réserves particulières émises à l’égard del’article 1707. En effet, cet article s’applique pleinement afin de protéger lestiers de bonne foi, puisqu’ils n’ont aucun moyen de connaître les causes denullité du contrat.

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La vente avec faculté de rachat

Autrefois appelée « vente à réméré », la vente avec faculté de rachat est traitéeaux articles 1750 à 1756 CcQ. Elle est définie comme « une vente sous conditionrésolutoire par laquelle le vendeur transfère la propriété d’un bien à l’acheteuren se réservant la faculté de le racheter113 ».

Bien que la condition soit purement potestative puisqu’elle dépend uniquementde la volonté du vendeur114, il s’agit essentiellement d’une vente sous conditionrésolutoire :

Malgré l’emploi des expressions “rachat” et “racheter” par le législateur dans lenouveau code, il ne s’agit pas de deux contrats, l’un d’achat et l’autre de rachat,mais bien d’un seul contrat assujetti à une condition résolutoire. Cette distinctiona des répercussions importantes quant aux tiers […]115.

Ainsi, les effets des conditions résolutoires s’appliquent. Avant l’exercice dela faculté de rachat, l’acheteur est le véritable propriétaire de la chose, il peuten percevoir les fruits et il en assume les risques116.

Lorsque le vendeur exerce sa faculté de rachat, il doit respecter les formalitésprévues au Code civil117. Il peut alors reprendre son bien, et puisque la vente àréméré est une véritable vente sous condition résolutoire, l’effet rétroactifs’applique et il est censé n’avoir jamais perdu la propriété118. Ainsi, le vendeurreprend le bien libre de toutes charges dont l’acheteur a pu le grever, pourvu quetoutes les formalités de publicité aient été respectées119.

En somme, la vente avec faculté de rachat est une vente sous conditionrésolutoire, et outre les formalités particulières auxquelles elle est soumise, elleentraîne les mêmes conséquences, notamment quant à la rétroactivité.

La vente à l’essai

La vente à l’essai est une vente sujette à la condition que l’acheteur décided’acheter le bien, s’en déclarant satisfait. En vertu de l’article 1744 CcQ, cettevente est présumée faite sous condition suspensive et en a donc tous les effets,y compris la rétroactivité, et toutes les remarques qui précèdent s’y appliquent.

La vente à l’essai est l’exemple le plus courant de vente sous conditionsuspensive avec transfert immédiat de la possession du bien vendu. En effet, ladélivrance du bien à l’acheteur est indispensable à l’essai qu’il doit en faire120.En conséquence, les risques de perte sont-ils transférés à l’acheteur pendenteconditione ? Pour les motifs mentionnés antérieurement121, l’auteure est d’avisque c’est le cas, puisque les risques sont liés à la possession du bien.

La promesse de vente

La promesse de vente, bien qu’elle ne soulève pas de questions de rétroactivité,pose tout de même le problème du moment du transfert du droit de propriété.

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La promesse de vente bilatérale est un avant-contrat, par lequel les deuxpromettants s’engagent à conclure ultérieurement un contrat de vente définitif122.Les parties sont tenues à une obligation de faire, qui consiste à signer un contratde vente conforme aux dispositions de la promesse. Si l’une des parties refusede s’exécuter, l’autre peut recourir à l’action en passation de titre123. Ainsi, lapromesse de vente ne constitue pas une vente en elle-même :

La promesse elle-même n’engendre aucun des effets de la vente; notamment, ellene transfère pas la propriété du bien ni ne confère au promettant-acquéreur aucundroit réel qui justifierait l’inscription124. (soulignement de l’auteure)

Toutefois, il faut souligner que cette règle ne s’applique qu’à titre supplétif,lorsqu’il est impossible de déterminer si l’intention des parties était de fairesimplement un avant-contrat ou plutôt de conclure une vente et d’effectuer untransfert immédiat de la propriété. Il faut donc interpréter le contrat afin dedéterminer l’intention réelle des parties125.

Par exception à cette règle interprétative, l’article 1710 CcQ précise que« la promesse de vente accompagnée de délivrance et possession actuelleéquivaut à vente ». Le professeur Jobin explique ainsi cette règle :

[L]e Code civil dispose qu’une promesse constitue une vente quand elle estcomplétée par la délivrance du bien au promettant-acheteur et que celui-ci en a lapossession actuelle; la vente a alors lieu immédiatement, quitte à ce que lesparties signent plus tard l’acte de vente. […]

La loi présume que, dans ces circonstances, les parties consentent à ce que lavente produise immédiatement ses effets, ce qui implique qu’on soit en présenced’une vente et non d’une promesse. En effet, le promettant-vendeur, en délivrantle bien, et le promettant-acheteur, en en prenant possession, commencent àexécuter leurs obligations découlant de la vente elle-même126.

Ainsi, lorsqu’il y a promesse de vente et que l’acheteur prend possession dubien, la loi présume que l’intention des parties était d’effectuer le transfertimmédiat du droit de propriété. Bien entendu, il s’agit d’une simple présomptionqui ne s’appliquera qu’à défaut de stipulation contraire des parties au contrat127.

En somme, la promesse de vente n’est généralement pas translative depropriété, sauf disposition contraire du contrat. Une présomption à l’effet inverses’applique lorsque la possession de la chose qui fait l’objet de la promesse devente est transférée à l’acheteur : la propriété est alors transférée, sauf si lesparties ont stipulé autrement.

La rétroactivité prévue par contrat

Les parties peuvent-elles stipuler au contrat de vente que la propriété a ététransférée à une date antérieure à la signature du contrat ?

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Le législateur québécois, tant dans le CcB-C que dans le CcQ, a adopté leprincipe du consensualisme, à l’instar du droit français moderne128. En vertu dece principe, le contrat est parfait et le droit de propriété passe à l’acheteur dès lemoment où il y a accord de volonté des parties129. Baudouin et Jobin écrivaientainsi :

La rencontre des deux volontés sur les éléments essentiels donne donc naissanceau contrat, sauf naturellement dans l’hypothèse où la loi exige un élémentsupplémentaire à sa validité, comme par exemple le respect de certaines formalités.Le seul fait que les parties aient convenu de constater ensuite leur entente dansun écrit ne retarde pas la formation du contrat à la date de la rédaction de cetécrit. Il en est différemment si l’intention des parties était que le contrat neprenne naissance qu’au moment de la signature130. (soulignements de l’auteure)

Le contrat, qui doit être distingué de l’écrit qui le constate, est validementformé dès que les parties se sont entendues sur ses éléments essentiels tels l’objetet le prix. Lorsqu’il est rédigé, les parties peuvent indiquer la date de formationréelle du contrat comme date d’entrée en vigueur131. Par contre, comme lesignalent ces deux auteurs, les parties peuvent avoir eu l’intention que le contratne prenne naissance et que la propriété ne soit transférée que lors de la signatured’un contrat écrit. Il s’agira donc de déterminer l’intention des parties à cet égard.

Quoi qu’il en soit, il est douteux que les parties puissent stipuler une dated’entrée en vigueur antérieure à celle de l’accord des volontés puisque l’échangede consentements est la cause juridique de la transmission de la propriété et quel’effet ne peut précéder la cause. Les parties ne pourraient donc faire rétroagirun contrat à une date où il n’existait pas; à tout le moins, cette rétroactivitéserait inopposable aux tiers.

La rétroactivité prévue par le Code civil

Le Code civil prévoit de nombreux autres cas de rétroactivité132. Sans en faireun inventaire exhaustif, cet article en signale quelques exemples et discute plusloin de leur traitement fiscal afin d’établir des analogies avec celui desobligations conditionnelles.

L’ancien régime matrimonial de la communauté de biens prévoyait lacopropriété des époux sur les biens de la communauté133. La Cour suprême aconclu que lorsqu’une clause du contrat de mariage stipule que les biens de lacommunauté reviendront à l’époux survivant, il ou elle obtient, au décès duconjoint, la propriété de tous les biens de la communauté, rétroactivement à ladate du mariage134. Ceci découle de l’effet déclaratif, plutôt que translatif, de ladissolution du régime de la communauté de biens135.

Une autre disposition du Code civil prévoit par ailleurs l’effet déclaratif dupartage de la succession136. Bien que le liquidateur ait la saisine des biensjusqu’au partage, une fois le partage effectué, chaque héritier est réputé avoir étépropriétaire des biens inclus dans son lot depuis la date du décès du de cujus.

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Ces exemples démontrent d’une part qu’il n’est pas exceptionnel dans leCode civil que certains événements aient un effet rétroactif, et d’autre part, quel’effet rétroactif n’est pas réservé au domaine contractuel et qu’il peut découlerdu seul effet de la loi. Une discussion de l’application de l’effet rétroactif envertu de la LIR suivra plus loin dans le texte.

LES CONDITIONS EN COMMON LAW

Notions préliminaires

Avant d’étudier les conditions de la common law, il est essentiel d’expliquercertaines notions de base en common law, relativement au droit de la propriété.

Tout d’abord, il faut comprendre que, contrairement à la notion de propriétéconsidérée unique et indivisible en droit civil, la propriété en common law estconçue comme un « ensemble de droits multiples » :

Ce n’est pas seulement que l’on définit le droit de propriété différemment encommon law qu’on le fait dans le Code civil, c’est que toute l’approche que l’onadopte vis-à-vis de l’élaboration et même de l’étude des règles relatives aux droitsde propriété est très différente. Par exemple, on ne parle même pas de « propriété »de biens réels en common law. Étant donné que le système féodal n’a jamais reconnula propriété absolue des terres en faveur des individus, et que plusieurs règlesfondamentales de ce système restent en vigueur et sont pertinentes aujourd’hui, iln’existe en common law aucune théorie de « propriété » des biens réels. En commonlaw, plutôt que de faire l’étude d’une théorie de la propriété, on s’attardera àl’analyse des règles qui régissent les différents droits, privilèges et pouvoirs quisont compris dans le droit de propriété. Le droit de propriété est donc conçucomme un ensemble de droits multiples. On n’est pas, techniquement du moins,propriétaire d’une parcelle de terre; mais on la « tient » de la Couronne, ce quivient à dire qu’on est propriétaire d’un « intérêt » dans le bien, plutôt que du bienlui-même137. (soulignement de l’auteure)

Ces droits, privilèges et pouvoirs qui constituent la propriété peuvent êtredivisés et attribués à des personnes différentes :

Ownership consists of innumerable rights over property, for example the rights ofexclusive enjoyment, of destruction, alteration and alienation, and of maintainingand recovering possession of the property from all other persons. Those rights areconceived not as separately existing, but as merged in one general right ofownership. […]

Ownership is nevertheless divisible to some extent. For example, one or more ofthe collection of rights constituting ownership may be detached. Thus prima faciean owner is entitled to possession or to recover possession of his goods against allthe world, a right which a dispossessed owner may exercise by peaceable retaking.He may, however, voluntarily or involuntarily part with possession, for example bythe pledging, lending, hiring out, bailment, theft or loss of his goods, in any ofwhich cases he is left with a right of ownership without possession, accompaniedor not accompanied, as the case may be, by the right to possess138.

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Les droits qui constituent la propriété peuvent en outre être divisés entre lelegal owner et le beneficial owner, aussi désigné comme equitable owner. Lelegal owner détient le titre de propriété en common law, alors que le beneficialowner détient un intérêt en equity par rapport au même bien :

The separation of the enjoyment of property and its administration, though notunique to the common law, is solved by the fragmentation of title into a legal andequitable title. […] Both the holder of the legal title and that of the equitable titleare regarded as owners of the land139. (soulignement de l’auteure)

Le Black’s Law Dictionary définit ainsi le beneficial owner :

Beneficial owner. Term applied most commonly to cestui que trust who enjoysownership of the trust or estate in equity, but not legal title which remains intrustee or personal representative. Equitable as contrasted with legal owner.

One who does not have title to property but has rights in the property whichare the normal incident of owning the property. The persons for whom a trusteeholds title to property are beneficial owners of the property, and the trustee has afiduciary responsibility to them140. (soulignement de l’auteure)

Les concepts de beneficial et legal ownership sont à la base de la notion defiducie (trust) de common law. C’est dans le cadre du trust qu’il est le plusfacile de comprendre la distinction entre le beneficial et le legal owner :

The separation of ownership is critical to the concept of a trust. Once the settlortransfers the property to the trustees, the settlor has divested him—or herself ofthe ownership of the property. The trustees become the legal owners of theproperty while other persons, the beneficiaries, have the equitable or beneficialownership (that is, the right to use and enjoy the property). The trustees hold titleand manage the property for the benefit of the beneficiaries and are not entitledto enjoy or use the property141. (soulignement de l’auteure)

Le concept de propriété en common law est donc extrêmement différent decelui du Code civil qui ne reconnaît pas la distinction entre le beneficialownership et le legal ownership. En droit civil, la propriété est indivisible,comme l’écrivait le juge Rinfret :

[…] le système de droit de la province de Québec ne comporte pas la conceptionde la common law qui reconnaît le beneficial ownership dans une personne et lelegal title dans une autre. Dans le Québec, les deux sont invariablement réunissur la même tête. La propriété est unique. L’usufruit, la substitution, la fiducie, lenantissement, le gage, l’hypothèque, le privilège confèrent sur la chose des droitsplus ou moins étendus […] mais ne transmettent jamais la propriété142.

C’est d’ailleurs pour cette raison que le trust tel qu’il se conçoit en commonlaw n’existe pas en droit civil, puisqu’il est fondé sur la séparation du droit de

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propriété entre le trustee, détenteur du legal ownership, et le beneficiary,titulaire du beneficial ownership :

The division of legal and beneficial ownership is foreign to civil law andirreconcilable with the fundamental principle of unity of title. In civil lawjurisdictions permitting the creation of trusts (such as Quebec), trusts oftenconsist in the segregation of property into a separate patrimony for the carryingout of a particular purpose. In other civil law countries, trusts are either entirelyignored or assimilated to agency relationships and governed by the rulesapplicable to such relationships143.

Comme le droit civil et la common law diffèrent considérablement dans leurconception de la propriété, il est difficile d’appliquer la LIR de façon uniforme,tout en respectant les particularités du droit privé des provinces. Comme ledisait si bien le juge Addy :

The law of real property is one of the areas where common law and civil lawprinciple’s [sic] are most likely to be at variance or at least to flow from differentfundamental premises. At common law, the nature of the relationship existingbetween a vendor and purchaser of real estate under given circumstances isgoverned to a large extent by the distinctions between legal and equitableownerships, estates and remedies and by the principles applicable to variouscategories of trusts and trustees. None of these concepts even exists in civil law.To seek by way of common law jurisprudence to reach a solution to the presentissue would be to venture out on a perilous journey over rocky and tortuousroads, fraught with pitfalls, which would lead to a mere cul-de-sac, if one werefortunate144. (soulignement de l’auteure)

La condition precedent

La condition precedent est l’équivalent en common law de la condition suspensiveen droit civil. Cet article ne fait pas une analyse complète du concept decondition precedent, mais tente plutôt d’en faire ressortir les points communs etles divergences par rapport à la condition suspensive.

Il faut d’abord définir la condition qui semble avoir le même sens que lacondition en droit civil :

Condition. A future and uncertain event upon the happening of which is made todepend the existence of an obligation, or that which subordinates the existence ofliability under a contract to a certain future event. Provision making effect oflegal instrument contingent upon an uncertain event145.

Quant à la condition precedent, elle est définie ainsi :

A “condition precedent” is one that is to be performed before the agreementbecomes effective, and which calls for the happening of some event or the

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performance of some act after the terms of the contract have been arrested on,before the contract shall be binding on the parties146.

La condition precedent a donc pour effet de retarder la naissance del’obligation jusqu’à l’accomplissement de la condition. Tant qu’elle n’est pasréalisée, l’obligation n’a pas d’existence juridique : « a contract that is subjectto the fulfilment of a condition precedent does not become a binding agreementuntil such time as the condition has been met or waived […]147. »

Il faut cependant distinguer les véritables conditions precedent, quisuspendent la création de l’obligation, des conditions internes au contrat qui nefont que suspendre l’exécution de l’obligation. Comme l’explique le professeurFridman, cette distinction découle de l’arrêt Turney c. Zhilka148 :

A radical change in the approach to conditions precedent was effected by theSupreme Court of Canada in Turney v. Zhilka. The court differentiated what wascalled “a true condition precedent—an external condition upon which theexistence of the obligation depends” from an ordinary or internal condition […].If a condition is a true condition precedent, there is no contract until it is satisfied.If a condition is the other sort of condition, then, in the event of its non-fulfilment,there may still be a binding contract between the parties, depending on the way inwhich the innocent party, guiltless of any breach, reacts to a breach of thecondition. It follows from Turney v. Zhilka, therefore, that a distinction nowexists between a condition relating to the existence of any contractual obligationand a condition that is precedent to performance of a contractual obligation bythe other party, not the one subject to fulfilment of the condition precedent149.(soulignement de l’auteure)

Il appert donc que les « true » conditions precedent sont similaires auxconditions suspensives du droit civil, du moins pendente conditione, en cequ’elles suspendent la naissance de l’obligation, tandis que les conditions quine sont pas des « true » conditions precedent ressemblent davantage à desobligations à terme, en ce qu’elles ne suspendent que l’exécution de l’obligation.

Par ailleurs, lorsque la condition precedent est accomplie, l’obligation prendnaissance à ce moment, sans aucun effet rétroactif, contrairement à la conditionsuspensive150; c’est la différence fondamentale entre la condition precedent dela common law et la condition suspensive du droit civil. Ainsi, la question de larétroactivité du transfert de propriété ne se pose pas : l’acheteur n’acquiert lapropriété qu’au moment de la réalisation de la condition, et n’est nullementréputé ou censé l’avoir acquise à un moment antérieur.

À l’inverse, que se passe-t-il lorsque la condition défaille ? Dans ce cas, lecontrat est considéré n’avoir jamais existé. Ainsi, puisqu’un contrat inexistantne peut donner naissance à une obligation quelconque, le beneficial ownershipn’a jamais été transféré :

In the event the condition is not met or waived, then the agreement is void abinitio; it has never come into existence. Beneficial ownership of the subject

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matter of the contract cannot pass until the condition precedent has been satisfiedor waived151. (soulignement de l’auteure)

En effet, un contrat void, en common law, ne peut avoir aucun effet légal,par opposition à un contrat voidable, c’est-à-dire annulable à la demande de lapartie lésée, qui est valide jusqu’à son annulation et produit certains effets,notamment le transfert du beneficial ownership152.

Ainsi, la condition precedent a des effets similaires à ceux de la conditionsuspensive du droit civil, tant pendente conditione que lorsque la conditiondéfaille. Toutefois, lorsque la condition s’accomplit, la condition precedent,contrairement à la condition suspensive, n’a aucun effet rétroactif. L’impact deces distinctions eu égard au droit fiscal sera discuté subséquemment.

La condition subsequent

La condition subsequent peut être assimilée à la condition résolutoire du droitcivil. Elle est définie ainsi :

A condition subsequent is one annexed to an estate already vested, by theperformance of which such estate is kept and continued, and by the failure ornon-performance of which it is defeated; or it is a condition referring to a futureevent, upon the happening of which the obligation becomes no longer bindingupon the other party, if he chooses to avail himself of the condition153.

De la même façon que la condition résolutoire du droit civil, la conditionsubsequent ne suspend pas la création ni l’entrée en vigueur de l’obligation.Dans un contrat de vente, il y a donc transfert immédiat de la propriété, malgrél’existence de la condition subsequent qui vient plutôt éteindre l’obligationlorsque l’événement incertain se produit :

A condition subsequent is an agreement between the parties that the contract isimmediately binding, but that if certain facts are ascertained to exist or upon thehappening of a certain event, either the contract ceases to bind or one party is tohave the option of cancelling the contract154.

Malgré la similarité avec la condition résolutoire, une différence doit êtresoulignée. Dans le cas d’une condition résolutoire, les parties ne peuventrenoncer à la condition et tenir le contrat pour valide malgré sonaccomplissement; elles peuvent faire un nouveau contrat, qui n’entrera envigueur qu’au moment de sa conclusion. Au contraire, en common law, lacondition subsequent peut laisser à l’une des parties le choix de demander larescision du contrat.

Par ailleurs, la différence essentielle entre la condition résolutoire et lacondition subsequent est que cette dernière n’a aucun effet rétroactif : elleannule le contrat pour l’avenir, mais n’en affecte nullement les effets passés. Le

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beneficial ownership est ainsi transféré deux fois, l’une lors de la conclusion ducontrat, l’autre lors de la réalisation de la condition :

In instances where a contract is subject to a condition subsequent, beneficialownership passes from one contracting party to the other subject to the revestingof the property in the original owner upon the happening of certain prescribedevents. If those events do not occur, the contract remains in force. If they dooccur, there is a second transfer of beneficial ownership to the original owner155.

En somme, avant l’avènement de la condition, de même que dans le cas ouelle ne survient pas, la condition subsequent a essentiellement les mêmes effetsque la condition résolutoire. Par contre, lorsque la condition s’accomplit, lacondition subsequent n’a pas d’effet rétroactif, contrairement à la conditionrésolutoire.

Autres concepts de common law qui soulèvent des questionsde rétroactivité

La rétroactivité prévue par contrat

En matière contractuelle, la question se pose quant à savoir si les parties peuventvalidement stipuler une date d’entrée en vigueur antérieure à la date réelle de lasignature du contrat. En common law, la réponse semble être similaire à lasolution apportée en droit civil. La date antérieure sera justifiée si elle reflète ladate à laquelle les parties en sont venues à une entente définitive sur tous leséléments essentiels du contrat, cette entente pouvant être verbale ou consignéedans une lettre d’intention156. La date conventionnelle ne peut toutefois pas êtreantérieure au moment où l’accord entre les parties est devenu binding andlegally enforceable. Si, à la date indiquée, les parties continuaient à négocier surcertains éléments essentiels du contrat, comme le prix de vente, si elles n’avaientpas l’intention d’être liées avant la signature du contrat définitif ou encore, sil’entente initiale était assujettie à une condition precedent, la date d’entrée envigueur prévue par les parties pourra sans doute les lier entres elles, mais elle nesera pas opposable aux tiers.

En effet, la véritable question n’est pas tant de savoir si la date d’entrée envigueur est valide quant aux parties, mais surtout de savoir si elle est opposableaux autorités fiscales, c’est-à-dire si elle est considérée comme étant la date dela transaction aux fins fiscales. Cette question sera étudiée plus en détail dansl’analyse du droit fiscal applicable.

La rétroactivité prévue par la loi provinciale

Certaines lois statutaires provinciales prévoient que les tribunaux peuvent rendredes ordonnances à effet rétroactif. C’est le cas notamment des lois adoptées danspresque toutes les provinces de common law dans le but d’assurer aux personnesà charge d’une personne décédée un partage équitable de la succession. Ces lois,

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comme le Dependant’s Relief Act157 de la Saskatchewan, prévoient qu’unepersonne qui était à la charge du défunt, notamment l’époux, peut s’adresser autribunal pour obtenir une part de la succession plus grande que celle qui lui estdévolue par le testament ou par la loi. L’ordonnance rendue par le juge sur cettedemande est généralement rétroactive, en vertu des dispositions de la loi. Ainsi,les biens accordés au demandeur par l’ordonnance sont réputés lui avoir étédévolus par le testament ou par la loi, à la date du décès du de cujus.

Cette rétroactivité peut avoir des conséquences fiscales importantes,notamment quant à la question de savoir à quel moment les biens ont été« dévolus irrévocablement » aux légataires. Plus loin dans le texte, l’auteure traitede l’application de la rétroactivité de ces ordonnances en droit fiscal fédéral.

L’EFFET RÉTROACTIF DES OBLIGATIONSCONDITIONNELLES EN FISCALITÉ

Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu

Il a été établi qu’en droit civil, les obligations conditionnelles ont des effetsrétroactifs qui affectent le moment du transfert de propriété d’un bien dans lecadre d’un contrat de vente. Or, la LIR prévoit certaines conséquences fiscales àde telles transactions. Toutefois, elle ne fait pas directement découler cesconséquences du transfert de la propriété : elle les rattache plutôt à la notion de« disposition », raison pour laquelle il est essentiel d’analyser cette notion.

La Loi prévoit notamment que les « gains en capital imposables pour l’annéetirés de la disposition de biens »158 doivent entrer dans le calcul du revenu fiscal.La « disposition » est donc une notion centrale dans ce calcul, puisque le gain encapital sera imposable dans l’année d’imposition au cours de laquelle aura lieula disposition.

Par ailleurs, la Loi prévoit que la récupération de l’amortissement devra êtreincluse dans le revenu du contribuable pour l’année d’imposition où il auradisposé d’un bien d’une catégorie prescrite159. À l’inverse, pour être en mesurede réclamer l’amortissement sur un bien d’une catégorie, le bien doit avoir été« acquis » avant la fin de l’année160. Or, selon la jurisprudence161, la notiond’acquisition est l’inverse de celle de disposition : lorsqu’un contribuable disposed’un bien, un autre l’acquiert au même moment. La notion de disposition estdonc très importante en matière d’amortissement, tant pour l’acheteur que pourle vendeur.

Le terme « disposition » est défini dans la LIR. Applicable depuis le 23décembre 1998, la nouvelle définition introduite au paragraphe 248(1) prévoitce qui suit, pour la partie qui nous concerne :

248. (1) “disposition”. — « disposition » Constitue notamment une dispositionde bien, sauf indication contraire expresse :

a) toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produitde disposition d’un bien; […]

Ne constitue pas une disposition de bien :

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e) tout transfert de bien qui n’a pas pour effet de changer la propriétéeffective du bien, sauf si le transfert est effectué, selon le cas : […]162

(soulignement de l’auteure)

Cette définition est presque identique à celle de l’ancien article 54 qui selisait ainsi :

54. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente sous-section.“disposition de biens”. — « disposition de biens » Sont compris dans ladisposition de biens, sauf dispositions contraires expresses :

a) toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produitde disposition de biens; […]

il demeure toutefois entendu que le terme ne vise pas : […]e) un transfert de biens à la suite duquel il y a un changement dans la

propriété légale du bien sans changement dans la propriété effective de ce bien,autre qu’un transfert par une fiducie […]. (soulignement de l’auteure)

Cette définition s’appliquait antérieurement à la sous-section c — « Gains encapital imposables et pertes en capital déductibles », c’est-à-dire aux articles 38à 55 LIR. Par ailleurs, une autre définition de « disposition » s’appliquait enmatière d’amortissement :

13. (21) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.“disposition de biens”. Sont compris dans la disposition de biens une opérationou un événement donnant droit au contribuable au produit de disposition debiens.

Cette définition était la même que celle de l’alinéa a) de la définition de« disposition de biens » à l’article 54. Ainsi, même avant les modificationslégislatives introduites en 2001, la notion de « disposition » était la même, quece soit dans le cadre des dispositions relatives au gain en capital ou à larécupération de l’amortissement.

Par ailleurs, la définition de « disposition », que ce soit celle du paragraphe248(1), de l’ancien article 54 ou de l’ancien paragraphe 13(21), fait référenceau « produit de disposition » d’un bien, qui fait lui-même l’objet d’unedéfinition à l’article 54 :

54. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente sous-section.“produit de disposition”. Sont compris dans le produit de disposition d’un bien :

a) le prix de vente du bien qui a été vendu; […]

Le paragraphe 13(21) contient une définition pratiquement identique. Lajurisprudence reconnaît que cette définition s’applique de la même façon auxfins de l’amortissement et aux fins de la disposition d’une immobilisation163.

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L’analyse de ces définitions révèle que la « disposition » inclut notammenttout événement qui donne droit au produit de disposition du bien, c’est-à-dire leprix de vente dans le cas d’un bien qui a été vendu, sauf si la « propriétéeffective » du bien n’a pas été transférée par cet événement. Ceci laissera lescivilistes perplexes : que peut bien être la « propriété effective » ? Cetteexpression est évidemment la traduction française de beneficial ownership, unenotion de common law qui n’a aucun équivalent en droit civil164.

À première vue, cette définition mène à une conclusion paradoxale. D’unepart, en édictant une définition de la notion de disposition aux fins de la LIR, lelégislateur fédéral semble avoir eu l’intention de dissocier la LIR du droit privédes provinces pour créer une règle qui lui soit propre. D’autre part, à l’intérieurmême de cette définition, le législateur fait référence à une notion de droit privésans la définir, ce qui renvoie en principe au droit provincial pertinent, à savoirle droit civil au Québec et la common law dans les autres provinces. Or, ceprocessus fonctionne très bien s’il est appliqué aux provinces de common law,puisque la common law définit le beneficial ownership, complétant ainsi ladéfinition de la LIR. Cependant, l’exercice se complique quand cette définitiondoit être appliquée au Québec. Y a-t-il application de la notion de common lawde beneficial ownership ? Ou le beneficial ownership devrait-il être défini auQuébec par analogie ou par équivalence à certaines notions de droit civil ?

En outre, le fait que la nouvelle définition du paragraphe 248(1) ne fasseplus mention de la « propriété légale », contrairement à celle de l’ancien article54, ne semble pas avoir modifié la substance de cette disposition, puisqu’un« transfert de bien qui n’a pas pour effet de changer la propriété effective » nepourrait viser autre chose qu’un simple transfert du legal ownership. D’ailleurs,comme la définition fait toujours référence à la « propriété effective », le mêmeproblème d’interprétation en droit civil continue de se poser.

Le législateur fédéral a bien tenté de définir, au paragraphe 248(3) LIR, ce queconstitue la « propriété effective » aux fins de son application dans la provincede Québec. Le paragraphe en question se lisait antérieurement comme suit :

248. (3) Sens de « propriété effective » dans la province de Québec. — Pourl’application de la présente loi dans la province de Québec, « propriété effective »,à l’égard d’un bien, s’entend notamment du droit de la personne qui a ou avait lapleine propriété d’un bien, même si ce bien est grevé d’une servitude, du droitdétenu par un usufruitier, un preneur dans le cas d’un bail emphytéotique, ungrevé dans le cas d’une substitution ou un bénéficiaire dans le cas d’une fiducie.(soulignement de l’auteure)

Depuis 1991, ce paragraphe a été modifié et correspond maintenant àl’alinéa 248(3)f) :

248. (3) Application dans la province de Québec. La présente loi s’appliquedans la province de Québec en conformité avec les règles suivantes: […]

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f) les biens sur lesquels une personne a, à un moment donné, un droit depropriété, un droit de preneur dans un bail emphytéotique ou un droit de bénéficiairedans une fiducie sont réputés, même s’ils sont grevés d’une servitude, être lapropriété effective de la personne à ce moment. (soulignements de l’auteure)

Cette modification législative ne semble pas avoir modifié l’état du droit. Lenouvel alinéa 248(3)f) est au même effet que l’ancien paragraphe 248(3), quoiquesa rédaction puisse être plus claire : la « propriété effective » vise à la fois ledroit de propriété, le droit du preneur dans un bail emphytéotique et le droit dubénéficiaire dans une fiducie. L’usufruitier et le grevé de substitution ne sontplus visés dans la nouvelle définition, puisque ces institutions sont maintenantdes fiducies réputées en vertu des alinéas a) à e) du paragraphe 248(3). Toutefois,tant l’ancienne définition que la nouvelle sont claires — le propriétaire du bienau sens du droit civil est réputé avoir le beneficial ownership.

Il sera maintenant question de la façon dont ces dispositions de la Loi sontinterprétées et appliquées par la jurisprudence et la doctrine, avant de passer àune analyse de la position administrative de l’ADRC.

La jurisprudence et la doctrine

Le principe de complémentarité du droit privé des provinces

Avant d’analyser la jurisprudence pertinente à la définition de disposition et à larétroactivité des obligations conditionnelles, il importe d’établir les principesde base reliés à la notion de complémentarité du droit privé.

D’abord, tel que mentionné dans l’introduction, le droit fiscal est un systèmeaccessoire au droit privé, qui s’y greffe pour rattacher des conséquences fiscalesà certains actes juridiques. Ainsi, le droit fiscal est tributaire de la nature juridiquedes relations contractuelles entre les individus, ces relations étant elles-mêmesrégies par le droit privé des provinces165.

À cet égard, outre le célèbre passage de l’affaire Lagueux & Frères, citédans l’introduction, l’une des citations les plus connues est celle du jugeBoisvert dans l’affaire Perron c. MRN :

Si l’impôt sur le revenu est une création de la loi qui l’impose, cette loi doits’appliquer dans le cadre des lois civiles qui régissent les relations juridiquesentre les individus. L’impôt se greffe en quelque sorte sur l’arbre juridique quicouvre de son ombre les droits et les obligations nés des contrats166.

La Cour suprême a confirmé ce principe dans l’arrêt Le Roi c. DominionEngineering Co.167. Il y était question d’une vente à tempérament, et la Loi del’époque prévoyait qu’en cas de paiement du prix de vente par versementsmensuels, la taxe était due sur chacun de ces paiements au moment où « each ofsuch instalments falls due and becomes payable ». L’acheteur a déclaré failliteavant d’avoir complété le paiement du prix, mais le ministère du Revenu168 a

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prétendu que le vendeur devait payer l’impôt sur les versements impayés, carils étaient devenus dus et payables.

La Cour suprême a donné raison au contribuable, le juge Rand écrivant :

Although the section declares the “transaction” to be a constructive sale anddelivery, the fundamental support of the tax is an executory contract leading to thetransfer of title and possession. That contract is conceived as a potential sale towhich in turn is related a potential total tax: “the tax shall be payable”. Pro tantoportions of the tax are related to instalments of price and, when the latter becomepayable as parts of a whole, the right to the tax takes on the same character: butthroughout, the tax depends for its efficacy upon the maturing contract. For thetotal tax there is only an inchoate liability created by the making of the agreement:and to sustain the right to the tax, the instalment become payable must remain anobligation of an executory contract.

The legal liability at any time for any portion of the tax in no degree restrictsthe parties in good faith from modifying the contract as they see fit, and a fortioriit does not prevent a modification by operation of law. If, in the legal result, theactual transaction ceases to be one of sale, then the necessary support for the taxdisappears169. (soulignements de l’auteure)

La Cour suprême reconnaissait ainsi que le « support nécessaire » àl’imposition est l’existence d’une relation contractuelle valide en vertu du droitprivé applicable. La Cour a récemment réitéré que le droit fiscal doit se fondersur les relations juridiques véritables établies par les contribuables170; or, cesrelations juridiques ne peuvent être établies autrement qu’en vertu du droit privé.

Ainsi, lorsque la Loi utilise un terme de droit privé sans le définir, il fautfaire référence au droit privé de la province concernée pour l’interpréter171.Toutefois, ce principe de complémentarité du droit privé provincial est parfoismis de côté au nom d’un principe d’uniformité d’application des lois fédérales.Les auteurs Brisson et Morel donnent l’explication qui suit :

Contre la position généralement admise, selon laquelle la complémentarité dudroit privé provincial vis-à-vis des lois fédérales de droit privé est acceptée sauftexte contraire, on avance parfois l’idée que la législation fédérale devrait êtreappliquée, par souci d’uniformité, de la même manière partout. […] Et c’estencore pour la même raison que l’on juge parfois opportun de donner à la Loi del’impôt sur le revenu une interprétation dérogatoire au droit civil, justifiée par lacommon law, pour éviter que la portée de la loi ne soit étendue, à l’occasiond’« un litige dans la province de Québec, au-delà de ce qu’il en serait dans uneautre province »172. (soulignement de l’auteure)

Toutefois, ils critiquent cette approche d’uniformité d’application dans lestermes suivants :

La logique habituelle qui préside au partage des compétences en droit privé est enquelque sorte, dans cette vision des choses, renversée : le droit privé des provinces

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n’est plus tenu pour le droit fondamental des lois fédérales, puisque celles-cis’autosuffisent en générant une common law qui leur est propre. Que ce soit aunom de l’uniformité d’application des lois fédérales, de leur source d’inspiration —qui est souvent la common law — ou du fait qu’une loi donnée constitue un “codecomplet”, dans tous les cas le résultat est le même : la législation fédérale de droitprivé n’a plus à être modulée, dans son application, en fonction des particularitésdu droit d’une province. Or, comme on l’a à juste titre fait observer, en parlant dudroit privé, “if all aspects of the law should be exactly the same across the countrywhy have a federal system?”.

L’influence de cette opinion, qui prône l’autonomie des lois fédérales, ne doitcependant pas être exagérée : car, pour une décision qui plaide la dissociation dudroit fédéral et du droit civil, combien d’autres où leur complémentarité deprincipe est affirmée, en excluant la common law173. (soulignements de l’auteure)

Les auteurs concluent en faveur de l’application du principe decomplémentarité, malgré les disparités dans l’application de la loi qu’il entraîne :

Dès lors, la complémentarité immédiate et substantielle du droit fédéral et du droitcivil devient acceptable, car elle respecte l’économie générale du fédéralismecanadien en matière de droit privé, pourvu qu’on la fasse jouer pareillement, dans lemême esprit, lorsqu’une loi fédérale de droit privé est appliquée dans une provincede common law. Certes, la loi fédérale lacunaire n’est alors plus appliquéeuniformément à travers le pays : mais si ce résultat déplaît, il suffit, mais il estnécessaire, d’imposer dans la loi fédérale même une définition propre, comme onle fait si abondamment en matière fiscale. Autrement, la complémentarité desdroits reste la règle, avec la diversité qu’elle est susceptible d’entraîner174.(soulignement de l’auteure)

Dans une récente décision, Procureur général du Canada c. St-Hilaire175, laCour d’appel fédérale a clairement adopté le principe de complémentarité dudroit civil par rapport à la législation fédérale. Les faits de cette affaire sontsinguliers : après avoir poignardé à mort son époux, l’intimée réclamait, à titrede conjointe survivante, les indemnités prévues par la Loi sur la pension de lafonction publique176. Bien entendu, le procureur général s’y opposait. Comme laloi en question ne prévoyait aucune disposition à cet égard, le procureur généralinvoquait la règle de common law selon laquelle nul ne peut profiter de soncrime. L’intimée plaidait que c’était plutôt le Code civil du Québec qui devaits’appliquer afin de remédier au silence de la loi fédérale. Or, elle soutenaitqu’elle n’était pas visée par l’article 620 CcQ, qui prévoit qu’est indigne desuccéder « celui qui est déclaré coupable d’avoir attenté à la vie du défunt »,puisqu’elle avait été condamnée pour homicide involontaire coupable, alors queselon elle, l’article 620 ne s’appliquait qu’à une personne condamnée pourmeurtre ou pour tentaive de meurtre.

Le juge Décary a procédé à une analyse complète de la question de lacomplémentarité du droit civil afin de déterminer quelles étaient les règlessupplétives applicables à la loi fédérale concernée. Citant l’article du professeur

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Brisson177, il conclut qu’il n’existe pas de droit commun proprement fédéral : àmoins d’indication contraire dans le texte même de la loi fédérale, le droitsupplétif qui doit la compléter est le droit privé des provinces. Il écrit :

Le droit privé fédéral, au Québec, se compose du droit privé défini dans une loidu Parlement du Canada et du droit civil s’il est nécessaire de recourir à une sourceexterne pour appliquer une loi fédérale. Le Parlement du Canada peut adopter deslois de droit privé qui formeront un code complet auquel cas point n’est besoinde recourir à la source externe, qui est le droit civil, ou il peut adopter des lois dedroit privé qui, parce qu’incomplètes, feront appel, de manière expresse ouimplicite, au droit civil pour leur application178. (soulignement de l’auteure)

Quant à l’uniformité d’application des lois fédérales, le juge Décarys’exprime ainsi :

C’est la Constitution même du Canada qui prévoit que les lois fédérales aient deseffets qui soient différents selon qu’elles trouvent application au Québec ou dansles autres provinces. En assurant la perpétuité du droit civil au Québec et enencourageant, à l’article 94, l’uniformisation des lois des provinces autres que leQuébec en ce qui concerne la propriété et les droit civils, la Loi constitutionnellede 1867 consacre au Canada le principe fédéral selon lequel une loi fédérale quirecourt à une source de droit privé externe ne s’appliquera pas nécessairement defaçon uniforme à travers le pays. C’est ignorer la Constitution que d’associer demanière systématique toute législation fédérale et common law179.(soulignements de l’auteure)

En réponse à l’argument du procureur général suivant lequel la loi en causeétant une loi de droit public, le droit supplétif devrait être la common law, lejuge Décary écrit :

La Loi, dans la partie qui nous intéresse, ne fait que désigner le bénéficiaire durégime auquel participait un employé de l’État. La nature de la Loi ne m’apparaîtpas différente de celle de la Loi sur les relations de travail dans la fonctionpublique (L.R.C. 1985, c. P-35) et pourtant, dans Ménard c. Canada (C.A.), ([1992]3 C.F. 521), cette Cour a appliqué la théorie civiliste de l’enrichissement sanscause, plutôt que la théorie de l’estoppel en common law, pour condamner SaMajesté la Reine à payer des heures supplémentaires à un employé du servicecorrectionnel du Canada. Et cette Cour applique le droit civil d’une manièreroutinière dans les causes, au Québec, relatives à la Loi de l’impôt sur le revenu,une loi dite de droit public180. (soulignement de l’auteure)

Il cite ensuite l’article du professeur Morel à cet effet :

Il est tout d’abord nombre de situations où le droit civil est appelé à jouer un rôleque l’on pourrait qualifier de passif. Ce sont tous ces cas où une loi fédérale,dans la poursuite d’une fin qui lui est propre, prend appui sur des actes ou sur desfaits juridiques réglementés par le Code civil pour y attacher des effets particuliers.

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Les exemples abondent. […] La Loi de l’impôt sur le revenu, qui détermine lesincidences fiscales d’une vente ou d’une cession de créances, d’une donation oud’un legs par exemple, montre que certaines lois de droit public, elles aussi,peuvent demander, pour avoir effet, que l’on recourre au Code civil afin dequalifier la nature exacte de l’acte juridique en cause. Dans ce cas comme dansles autres, à moins que la loi n’en dispose autrement, le Code civil régit unrapport de droit privé qui rejoint la loi fédérale indirectement puisque celle-civient s’y superposer pour en tirer des conséquences dans l’ordre fédéral181.(soulignements de l’auteure)

Le juge Décary conclut ainsi :

Ce qui, je pense, devrait déterminer s’il y a lieu ou non de recourir au droit privé(au Québec, le droit civil), ce n’est pas le caractère public ou privé de la loifédérale en cause, mais le fait, tout simplement, que la loi fédérale, dans un litigedonné, doit être appliquée à des situations ou à des relations qu’elle n’a pasdéfinies et qui ne peuvent l’être qu’en fonction des personnes affectées. On fermeen quelque sorte le cercle et on revient au point de départ, à l’article VIII de l’Actede Québec : quand ces personnes affectées sont des justiciables et que leurs droitscivils sont en litige et n’ont pas été définis par le Parlement, c’est le droit privéprovincial qui vient combler le vide. Bref, le droit civil s’applique, au Québec, àtoute législation fédérale qui ne l’écarte pas182. (soulignements de l’auteure)

Puisque la Loi sur la pension de la fonction publique fait référence à unconcept de droit privé (la succession) sans le définir, le juge Décary conclut quela loi doit être interprétée en fonction du droit civil. Il procède ensuite à l’analysedu droit civil et conclut qu’en vertu de l’article 620 CcQ, l’intimée ne peut êtreconsidérée indigne de succéder. Les deux autres juges approuvent entièrement lejuge Décary quant à l’application du droit civil; ils diffèrent cependant d’opinionquant à l’interprétation du Code civil dans cette affaire, et concluent que l’intiméeest indigne de succéder.

Le principe de complémentarité constitue la prémisse du raisonnementjuridique de l’auteure. Elle tente de déterminer, en fonction du libellé actuel dela LIR, si le législateur a établi une définition de la notion de « disposition »exclusive pour l’application de la Loi, dissociée du droit privé des provinces;dans la négative, l’auteure considère que les règles du droit civil devraients’appliquer, en vertu du principe de complémentarité. Si ces règles entraînentdes conséquences négatives sur le plan fiscal, il appartient au législateur demodifier la Loi pour y remédier.

Comme il a déjà été mentionné, bien que le législateur ait défini le terme« disposition », la définition fait elle-même référence à un terme de droit privé,soit la « propriété effective », qui n’a aucune acception dans l’un des deuxsystèmes de droit privé, en l’occurrence, le droit civil. De plus, comme lajurisprudence analysée plus loin en atteste, la définition de « disposition » ne seraitpas exhaustive et il faudrait donc faire référence au droit privé pour la compléter.

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La notion de disposition

Dans les provinces de common law

La première interprétation judiciaire de cette notion, dans le contexte de la Loi del’impôt sur le revenu, a été établie dans l’affaire Victory Hotels Ltd. c. MRN183.

En décembre 1954, les parties avaient signé un accord de vente relativementà un hôtel qui appartenait à l’appelante. L’accord prévoyait que l’acheteurprendrait possession le 3 janvier 1955, et que la vente serait annulée si l’acheteurn’obtenait pas le permis d’alcool, ou si l’hôtel était détruit par le feu avant laprise de possession. Quant au prix de vente, l’acheteur avait effectué un dépôtde 25 000 $, qui devait être conservé en fiducie par l’agent immobilier jusqu’à ceque les conditions soient remplies. Ce dépôt devait être remboursé à l’acheteuren cas d’annulation de la vente à la suite de la défaillance de l’une ou l’autredes conditions.

Le juge Noël a décidé que la « disposition » avait eu lieu le 3 janvier 1955.Selon lui, il ne faisait pas de doute que les parties avaient eu l’intention de nerendre la vente effective que le 3 janvier 1955. De plus, le vendeur avaitconservé la possession, l’usage et le contrôle de l’hôtel jusqu’au 3 janvier,conservant les revenus générés par l’entreprise jusqu’à cette date, et les intérêtssur l’hypothèque ne commençaient à courir qu’à compter de cette date.

Le juge a d’abord établi que l’expression « disposed of » à l’article 20 LIR,doit recevoir une interprétation large :

Indeed, in the context of s. 20 of the Income Tax Act it is not unreasonable to givethe words “disposed of” their widest meaning which would be “to part with”, “topass over the control of the thing to someone else” so that the person disposingno longer has the use of the property184.

Cependant, le juge souligne que cette interprétation large du terme« disposition » peut avoir été restreinte par le législateur. C’est le cas, selon lui,lorsqu’il est question de la vente d’un bien :

We have seen that s. 20(5)(b) of the Income Tax Act states that “‘disposition ofproperty’ includes any transaction or event entitling a taxpayer to proceeds ofdisposition of property” and 20(5)(a) states that “‘proceeds of disposition’ ofproperty include (i) the sale price of property that has been sold,”. These sectionsdo not define but merely include as a disposition of property a transaction (a salefor instance) entitling a taxpayer to proceeds of disposition of property, i.e. to thesale price of the property sold. It would indeed appear that the meaning of“disposition of property” has been somewhat restricted by the Act when a disposalof property takes place by means of a sale; in such a case there is a disposal ofproperty as soon as a taxpayer is entitled to the sale price of the property sold185.(soulignement de l’auteure)

Ainsi, le juge affirme que les articles pertinents186 ne définissent pas le mot« disposition », mais ne font qu’inclure dans le terme « disposition » une

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transaction donnant droit au produit de disposition. Il conclut néanmoins que lesens de « disposition » a été restreint lorsque la disposition découle d’une vente :dans ce cas il y aurait disposition dès que le vendeur a droit au prix de vente. Enl’espèce, le vendeur n’avait pas droit au prix de vente avant que les conditionsse soient réalisées et que l’acheteur ait pris possession, soit le 3 janvier 1955.

C’est toutefois la décision de la Cour de l’Échiquier dans l’affaire MRN c.Wardean Drilling Ltd.187 qui a établi le « test » de la disposition suivi par lajurisprudence subséquente. Il est nécessaire d’analyser cette décision enprofondeur.

Wardean Drilling, une compagnie de forage pétrolier, désirait faire l’acquisitiond’une foreuse. Un contrat de vente, signé en décembre 1963, prévoyait lalivraison de la foreuse pour février 1964 car certaines modifications devaient yêtre apportées. Le contrat prévoyait également que le titre de propriété seraittransféré lors de la livraison. Par ailleurs, Wardean Drilling avait acheté de lamachinerie accessoire auprès d’un autre fournisseur; le contrat avait été concluen décembre 1963, mais la machinerie ne devait être construite et livrée qu’en1964. La question en litige était de savoir si Wardean Drilling pouvait réclamerl’amortissement sur la foreuse et la machinerie accessoire pour l’année 1963,c’est-à-dire si elle les avait « acquises » au cours de cette année.

Le juge Cattanach de la Cour de l’Échiquier a décidé que l’acquisition n’avaiteu lieu qu’en 1964. Il établit d’abord que le critère n’est pas celui du moment oùles parties ont conclu un contrat de vente exécutoire; le test est plutôt le suivant :

As I have indicated above, it is my opinion that a purchaser has acquired assetsof a class in Schedule B when title has passed, assuming that the assets exist at thattime, or when the purchaser has all the incidents of title, such as possession, useand risk, although legal title may remain in the vendor as security for the purchaseprice as is the commercial practice under conditional sales agreements188.

Ainsi, le bien serait « acquis » au moment du transfert du titre de propriété, sile bien existe à ce moment, ou au moment du transfert des attributs ordinaires dudroit de propriété189 tels que la possession, l’usage et le risque, lorsque le titreest conservé par le vendeur à titre de garantie du paiement du prix de vente.

Après avoir établi ce test, la Cour se penche sur le droit privé de l’Albertaafin de déterminer le moment du transfert du titre de propriété. En vertu du Saleof Goods Act190 de cette province, le titre de propriété est transmis au momentprévu par les parties au contrat. À titre supplétif, à défaut de stipulation contrairedes parties, la loi détermine le moment du transfert.

Après examen du contrat de vente de la foreuse, le juge Cattanach conclutque les parties avaient exprimé l’intention de transférer la propriété au momentde la livraison. C’est donc au moment de la livraison, soit en 1964, que le bien aété « acquis ». Quant à la machinerie accessoire, comme le contrat n’exprimaitpas l’intention des parties à cet égard, le juge s’en est remis à la loi albertaine

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qui prévoit que le transfert de propriété a lieu au moment où le bien est achevé etprêt à être livré, en l’espèce, en 1964.

Ainsi, la ratio decidendi de la décision est le fait qu’en vertu de la loiprovinciale, le titre de propriété a été transféré en 1964. La Cour ne s’est pasfondée sur le moment du transfert des attributs ordinaires du droit de propriététels que l’usage, la possession et le risque; en l’espèce, il ne s’agissait pas d’uncas où le vendeur avait conservé le titre de propriété comme sûreté. Le secondvolet du « test » constituait donc un obiter dictum.

Malgré les apparences, cette décision soutient la théorie de la complémentaritédu droit privé des provinces puisque le juge a examiné à quel moment, en vertudu droit privé de la province concernée, le transfert de propriété avait eu lieu. Or,comme il en a déjà été fait état, en common law, la « propriété » peut être diviséeentre le legal owner et le beneficial owner. L’auteure est d’accord avec l’analysedu juge Noël, dissident, dans l’arrêt Construction Bérou Inc. c. La Reine191 :

En énonçant cette règle, le juge Cattanach n’avait pas à l’esprit l’idée d’écarter ledroit privé applicable puisque le jugement qu’il a rendu est précisément à l’effetcontraire. Comme l’a expliqué le juge en chef Couture dans la présente affaire, lejuge Cattanach en énonçant cette règle :

« confirme simplement cette distinction qui existe [selon la common law]entre le propriétaire en titre [legal owner] et le propriétaire bénéficiaire desbiens [beneficial owner], c’est-à-dire celui à qui le droit de propriétéappartient suite à une transaction, mais dont le titre de propriété lui seradévolu à une date ultérieure »192.

En note infrapaginale, le juge Noël tente de trouver une explication audeuxième volet du test :

Voir Black’s Law Dictionary qui définit un “Beneficial owner” comme étant interalia : “One who does not have title to property but has rights in the property whichare the normal incident of owning the property”. On peut présumer sans craintede se tromper que le deuxième volet de la règle d’acquisition énoncée par le jugeCattanach est issu de la décision de la Cour suprême de l’Alberta dans Hendricksonv. Mid-City Motors, [1951] 3 D.L.R. 276 où il fut jugé qu’un “conditional saleagreement” donnait lieu à une vente selon la Règle I de l’article 21 du Sale ofGoods Act de l’Alberta, malgré le fait que le titre de propriété demeurait entre lesmains du vendeur. La Cour s’était alors exprimée comme suit à la p. 284 :

« I conceive ‘title’ and ‘property’ to be two entirely different things. Oneperson may hold bare title to property while the whole beneficial ownershiprests in some other person. A reservation of title does not necessarily implythat no property shall pass to the purchaser…

« … In my opinion, the whole effect of the agreement… is to transfer tothe purchaser the ‘property’ in the goods in question, while reserving to thevendor a vendor’s lien and the right to defer the conveyance of legal ‘title’to the property until payment in full. »

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C’est en fonction de l’intention des parties telle que révélée par les termes ducontrat que la Cour suprême de l’Alberta en est venu [sic] à cette conclusion.Voir aussi Douglas S. Ewens “When is a ‘Disposition’”, Report of Proceedingsof the Twenty-Sixth Tax Conference, November 11-13, 1974, à la p. 538. Quant àl’application du principe voulant qu’un changement dans le “beneficial ownership”d’un bien donne lieu à une disposition en matière fiscale, voir Grey v. InlandRevenue Commission, [1960] A.C. 1, pp. 12-14193.

Ainsi, lorsque le juge Cattanach affirme, dans le second volet du « test », quel’acheteur a « acquis » le bien même si le legal ownership est demeuré entre lesmains du vendeur à titre de sûreté, cette affirmation n’est rien d’autre quel’application du droit privé de la province concernée, c’est-à-dire la common law.

Par ailleurs, l’auteure est d’avis qu’il est faux de dire, comme certains l’ontfait en résumant le test élaboré par Wardean Drilling, que le moment de ladisposition est le premier à survenir entre le transfert du titre de propriété et celuides attributs ordinaires du droit de propriété. Selon l’auteure, le deuxième volet dutest tel qu’énoncé par le juge Cattanach ne s’applique que lorsque le titre depropriété est conservé par le vendeur à titre de sûreté, afin de garantir le paiementdu prix de vente; ainsi, le transfert du beneficial ownership n’équivaudrait à unedisposition que lorsque le legal ownership est conservé par le vendeur à titre degarantie. Néanmoins, certaines décisions ont retenu de Wardean Drilling que ladisposition a lieu dès le transfert des attributs ordinaires du droit de propriété,tels que la possession, l’usage et le risque.

Quelques années plus tard, la Cour fédérale appliquait le test de WardeanDrilling dans l’affaire La Reine c. Henuset Bros. Ltd. [No. 1]194. Il s’agissait d’unevente avec réserve du droit de propriété jusqu’au parfait paiement du prix, c’est-à-dire d’un « conditional sales agreement ». L’acheteur avait, dès la signature,tous les attributs ordinaires du droit de propriété, tels que la possession, l’usageet le risque. Le juge conclut ainsi :

The clause in the conditional sales agreements obliging the buyer to insure thetractors against such risks as the vendor specified is evidence that the risk hadpassed to the buyer. Its failure to insure does not alter the legal effect of thisobligation. On the completion of the sale the buyer had the right to use the tractorsand could have taken delivery of the tractors at Peoria if it had had any use forthem in that vicinity. It follows that all the incidents of ownership other than thelegal title reserved in the vendor by the conditional sales agreements such aspossession, risk and the right to use the tractors were acquired by the buyer onDecember 30, 1971. In my opinion the reservation of the legal title to the tractorsin the vendor as security did not affect the issue any more than the taking ofsecurity on the tractors in the form of a chattel mortgage would have done195.(soulignement de l’auteure)

Il est clair qu’il s’agit d’une application directe du test énoncé dans WardeanDrilling. Cette fois cependant, il est appliqué à un cas où les attributs ordinairesdu droit de propriété ont été transférés avant le titre, conservé par le vendeur

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comme garantie du solde de prix de vente, au même titre qu’une hypothèque ouun mortgage.

L’interprétation large du terme « disposition » et le test établi par WardeanDrilling ont donc été adoptés par les tribunaux dans les litiges fiscaux issus desprovinces de common law. Il s’agit maintenant de voir si les tribunaux ontappliqué cette jurisprudence dans les causes provenant du Québec.

Au Québec

Dans le cadre d’une affaire portant sur un bail emphytéotique, La Reine c.Compagnie Immobilière BCN Ltée196, la Cour suprême s’est prononcée surl’interprétation de l’expression « disposed of » contenue dans la LIR. D’abord,elle a rejeté l’argument selon lequel le terme français « aliénés », employé dansla version française de la disposition pertinente, avait pour effet de restreindre lesens de l’expression « disposed of »; l’expression devrait avoir le même sens,qu’elle soit traduite par « disposés » ou « aliénés ».

La Cour suprême a également confirmé la règle d’interprétation large de ladéfinition de disposition :

In the context of s. 20(5), the definitions of “disposition of property” and “proceedsof disposition” cannot be said to be exhaustive; these expressions must bear boththeir normal meaning and their statutory meaning; it would be wrong to restrict theformer because of the latter197.

La définition n’est pas exhaustive : elle ne restreint pas le sens ordinaire dumot « disposition » mais elle y ajoute des concepts qui ne seraient pasnormalement compris dans le sens ordinaire.

La Cour suprême s’est ensuite penchée sur la signification du verbe« disposer » en droit civil :

The substantive definitions of “disposition of property” and “proceeds ofdisposition” in s. 20(5)(b) and (c) are a clear indication that the words “disposedof” should be given their broadest possible meaning.

In French, the verb “disposer” would convey the same idea as “to dispose of”.In discussing the jus abutendi which is one of the three main attributes of the rightof ownership, Mignault (Droit civil canadien, vol. 2, at p. 477) wrote:

« Le jus abutendi, ou droit de disposer, est le droit de faire de la chose unusage définitif, qui ne se renouvellera plus, au moins pour la mime [sic]personne. Disposer de sa chose, c’est la transformer, la consommer, ladétruire, ou enfin l’aliéner, c’est-à-dire la transmettre à un autre ». […]

The same view is expressed by Mazeaud (Leçons de droit civil, t. 2, v. 2,#1332 and 1333):

« 1332. — … Parce qu’il est absolu, le droit de propriété est un droit total :le propriétaire a tous les pouvoirs sur la chose. Cet ensemble de pouvoirs peut

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se décomposer en trois attributs : jus utendi ou droit de se servir de la chose,jus fruendi ou droit de percevoir les revenus, jus abutendi ou droit de disposerde la chose: la conserver, la donner, la vendre, la détruire, l’abandonner …

« 1333. — Les prérogatives du jus abutendi. — Le droit de disposercomporte, outre le droit d’abandonner la chose et de la détruire, deuxprérogatives importantes : le droit d’aliéner la chose à titre gratuit ou onéreux,le droit de la conserver dans son patrimoine198 ». (soulignements de l’auteure)

La Cour suprême laisse ainsi entendre que la signification du terme« disposition » dans la Loi est celle que lui confère le droit civil, à savoir le faitd’abandonner, de détruire, de donner ou de vendre la chose. Cette significationest certes plus large que celle du terme « aliéner », à laquelle la contribuabletentait de la restreindre dans cette affaire, mais elle ne va certainement pasjusqu’à élargir la définition de « disposition » au transfert des attributs ordinairesdu droit de propriété tels que l’usage, la possession et le risque.

En effet, les auteurs cités par la Cour suprême font le parallèle entre le terme« disposition » et le concept d’abusus, qui constitue le droit de disposer de lachose, c’est-à-dire de se départir de son droit de propriété sur la chose. Il est bonde noter que tous les exemples donnés par Mignault et Mazeaud font référence àdes actes par lesquels le propriétaire se départit de son droit de propriété. Il n’estjamais fait mention, par exemple, du transfert de la possession ou du droitd’usage, droit relié à l’usus et non à l’abusus. La conclusion logique est que,loin d’avoir cautionné l’application du test de Wardean Drilling en droit civil, laCour suprême a plutôt laissé entendre que le concept de disposition, en droitcivil, est lié à l’abusus, c’est-à-dire au droit de se départir de son droit depropriété sur la chose.

L’introduction en droit civil du test des « attributs ordinaires du droit depropriété » provenant de l’affaire Wardean Drilling est due à la décision de laCour fédérale dans l’affaire Olympia & York199. Le contribuable, propriétaired’un complexe d’immeubles à revenus, avait conclu une promesse bilatérale devente. Le contrat prévoyait que la possession de l’immeuble, les revenus, ainsique les risques de perte, seraient transférés à l’acheteur dès la signature, le 31août 1969. Par contre, le document stipulait qu’il ne constituait pas l’équivalentd’une vente et ne conférait à l’acheteur aucun droit de propriété, le titre depropriété demeurant entre les mains du vendeur jusqu’à l’exécution de l’acte devente, ce qui ne devait être fait que lorsqu’une partie déterminée du prix devente aurait été payée.

Le juge Addy s’est d’abord penché sur la question de savoir s’il s’agissait d’une« vente ». Pour ce faire, il a eu recours au droit civil, puisque les faits s’étaientproduits au Québec. Le juge s’exprime ainsi, quant à la complémentarité dudroit civil :

It is evident that the rights of the parties to the contract and all matters governingvarious agreements and legal relations arising from the actions of the parties to

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those agreements must be determined in accordance with the law of the Provinceof Quebec.

The rights of the parties arise out of the agreement filed as Exhibit 1 and fullconsideration must be given to its terms. Since there is no special definition ofthe word “sale” or any special meaning to be attached to it in the Income Tax Act,one must consider that word in the light of the law of the Province of Quebec asapplied to the relationship created by the agreement Exhibit I200.

Le juge analyse donc le droit civil applicable et conclut qu’il n’y a pas euvente, car bien qu’en vertu du Code civil la promesse de vente avec prise depossession équivaille à vente, cette règle est supplétive et les parties sont libresde stipuler autrement, ce qui est le cas en l’espèce; les parties ont exprimé leurintention de ne pas transmettre la propriété immédiatement.

Or, une fois arrivé à cette conclusion, le juge poursuit son raisonnement enexaminant la question de savoir s’il y a eu « disposition » au sens de l’alinéa20(5)b) LIR, qui correspond à la définition de « disposition de biens » auparagraphe 13(21) LIR. Il affirme d’abord que la définition de disposition qui setrouve dans la Loi ne saurait être exhaustive et que ce terme doit recevoir uneinterprétation large. Puis, il fait référence à Wardean Drilling, qui avaitinterprété la notion de « acquired », puisque selon le juge ces termes sont desantonymes parfaits et contiennent donc essentiellement les mêmes éléments :

The word “acquired” used in section 20(5)(e) is obviously the direct opposite of“disposed” (or disposition) as used in the same section and must containsubstantially the same elements viewed from the side of the person acquiring theasset as opposed to the person disposing of it201.

Se fondant sur la règle établie dans Wardean Drilling, il conclut qu’unedisposition a eu lieu en l’espèce :

In the case at Bar, the Plaintiff had, after executing the agreement and upondelivering possession of the property to First General in September 1969,completely divested itself of all of the duties, responsibilities and charges ofownership and also all of the profits, benefits and incidents of ownership, exceptthe legal title. It was absolutely and irrevocably obliged to execute and deliver aclear deed to the purchaser upon receipt of the balance of the purchase pricewhich was payable to it. Any additional rights to which it was entitled under theagreement were solely and exclusively for the protection of that balance ofpurchase price and are rights which would normally be granted to a mortgagee toprotect his security.

Having regard to what the Supreme Court of Canada said in Her Majesty TheQueen v. Compagnie Immobilière BCN Limitée, supra, as to how the concepts of“disposition of property” and “proceeds of disposition” must be interpreted andhaving regard also to the statement of Cattanach, J. in The Minister of NationalRevenue v. Wardean Drilling Limited, supra, (with which I fully agree) I find thatthere was in the circumstances of the present case, in September 1969, a “disposition”

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of Place Cremazie Complex by the Plaintiff within the meaning of section 20 of theformer Act (section 13 of the new Act)202. (soulignements de l’auteure)

Cette décision est très importante car c’est la première fois qu’un tribunalappliquait au Québec la définition de « disposition » énoncée dans WardeanDrilling. Il est étrange et difficile à comprendre que le juge Addy, après avoirinsisté sur la nécessité de recourir au droit civil afin de déterminer si une« vente » était survenue, ne semble pas s’être interrogé quant à la pertinence defaire de même pour interpréter la notion de « disposition » prévue à la LIR, niquant à l’applicabilité d’un précédent de common law en droit civil.

Néanmoins, il est à remarquer que le juge Addy comprend le test de WardeanDrilling dans le sens déjà évoqué par l’auteure. Lorsqu’il a fait l’application dusecond volet du test, le juge a précisé que le titre de propriété n’était demeuré entreles mains du vendeur que dans le but de garantir le paiement du prix de vente.

Cette décision a été suivie dans l’affaire Robert Bédard Auto Ltée c. MRN203,où la Cour canadienne de l’impôt devait déterminer si un bail qui contenait uneobligation d’achat dans les cinq ans de la signature, pour un prix déterminécomprenant les loyers payés, entraînait une « disposition » aux fins de la Loi.Après avoir conclu que la transaction constituait une location et non une venteen droit civil, le juge Tremblay a décidé qu’il y avait tout de même dispositionsur le plan fiscal car l’acheteur avait la possession et l’usage de l’immeuble eten assumait les risques.

Cette jurisprudence a également été suivie par la Cour d’appel fédérale dansl’arrêt Construction Bérou204. Les faits de cette affaire peuvent être résumésainsi : le contribuable avait conclu des contrats de location pour des camionsavec options d’achat pour un prix nettement inférieur à la valeur marchandeprévue au moment de l’exercice des options. Les contrats stipulaient que lelocataire, Construction Bérou, assumait tous les risques de perte des camions àpartir de la signature des contrats, et devait continuer de payer le loyer, mêmeadvenant la perte de la chose louée. Le locataire assumait également toutes lescharges et dépenses reliées aux biens loués, telles que les assurances, lesréparations, l’entretien, les taxes et la contestation de toutes poursuites intentéescontre le locateur. Pour l’année de la conclusion des contrats, le contribuable aréclamé l’amortissement, la déduction des intérêts sur le « prix de vente », demême que le crédit d’impôt à l’investissement.

En Cour canadienne de l’impôt, le juge Couture s’est appuyé sur lesdécisions Wardean Drilling et Olympia & York pour conclure que ConstructionBérou avait « acquis » les camions au sens de la Loi, même si elle n’en était pas« propriétaire ». Elle avait donc droit à la déduction des intérêts et au créditd’impôt à l’investissement205.

En Cour fédérale, division de première instance206, la juge Tremblay-Lamera renversé la décision de la Cour canadienne de l’impôt pour donner raison auministère en décidant que Construction Bérou n’avait pas « acquis » lescamions au sens de la Loi. Elle se fondait principalement sur le motif que le

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locataire n’avait pas d’obligation d’exercer l’option d’achat, et qu’enconséquence, il ne pouvait être considéré avoir « acquis » les biens, même enappliquant la définition large de Wardean Drilling.

En Cour d’appel fédérale, l’appel du contribuable a été accueilli. La majoritéa statué que les biens avaient été « acquis » au sens de la Loi et que ConstructionBérou pouvait donc réclamer les déductions demandées. Le juge Noël, dissident,était d’avis qu’en vertu du droit civil, les camions n’avaient pas été « acquis ».L’auteure analyse d’abord l’opinion du juge Noël car les juges majoritaires yfont référence.

Le juge Noël énonce d’abord la question en litige dans les termes suivants :

Il est vrai que lorsque le législateur fédéral fait reposer la Loi sur des notions dedroit privé sans les définir ou sans autrement leur attribuer un sens particulier, iladopte par la force des choses le droit des provinces. La question en est uned’intention; il s’agit de voir à la lumière des dispositions en cause si le législateuren attribuant des conséquences fiscales à l’égard de biens “acquis” s’en remettaitau concept de propriété tel qu’il existe selon le droit des provinces ou à unenotion distincte et particulière à la Loi comme le prétend l’appelante207.

En effet, en vertu du droit civil, il est clair que le droit de propriété n’a pasété transféré. Il s’agit de savoir si le législateur a écarté le droit civil au profitd’une règle propre au droit fiscal; en d’autres termes, le juge Noël pose laquestion de la complémentarité ou de la dissociation.

Le juge procède ensuite à une analyse exhaustive de toute la jurisprudencepertinente ainsi que du Bulletin d’interprétation IT-233R208. Il énonce sesconclusions ainsi :

Il ressort de cette revue de la jurisprudence que l’arrêt Olympia and York, dans lamesure où il autorise les tribunaux à ignorer les effets du droit québécois dans leslitiges issus du Québec, n’a pas été suivi. Seul le juge Tremblay s’est inspiré decette décision dans l’affaire Bédard Auto Ltée pour conclure qu’il y avait ventepour fins fiscales, malgré le fait que le droit civil dictait le résultat contraire. Ils’est par la suite ralié [sic] au droit civil dans l’affaire Goulet. Selon moi, la jugede première instance, et les juges de la Cour de l’impôt avant elle ont eu raisond’ignorer l’arrêt Olympia and York puisque la Loi n’écarte pas le droit privé. Lemot “acquis” que l’on retrouve dans chacune des dispositions en cause doit êtrecompris dans son sens normal soit comme évoquant l’acquisition de la propriétéd’un bien et en l’absence d’indication contraire, la propriété d’un bien ne peuts’acquérir autrement que selon le droit privé applicable.

Par ailleurs, cette revue jurisprudentielle démontre aussi que la règle d’acquisitionénoncée par le juge Cattanach dans Wardean Drilling a été suivie fidèlement dans leslitiges issus des provinces de common law. Cette règle, comme en font foi les extraitsque j’ai cités, veut qu’un bien soit acquis à compter du moment où la propriétéest transmise à l’acheteur ou lorsqu’un acquéreur a la possession, l’utilisation etassume les risques inhérents au bien en question, même si le “legal title” demeureentre les mains du vendeur afin de garantir le paiement du prix de vente.

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Le juge suppléant Bastir a donné effet au deuxième volet de cette règle dansHenuset, et le juge Bowman a fait de même dans Gartry. La juge Reed a appliquéce test dans l’affaire Borstad, ainsi que le juge Strayer dans l’affaire Kirch. Jesouligne le fait qu’aucune de ces décisions ne laisse entendre que la règled’acquisition proposée par le juge Cattanach se démarquait du droit privéapplicable. Comme l’a fait remarquer le juge en chef Couture dans la présenteaffaire le juge Cattanach dans Wardean Drilling faisait tout simplement allusion àla division du droit de propriété selon la common law et à la règle selon laquelleil y a disposition d’un bien lorsqu’il y a changement dans le “beneficialownership” même si le “legal ownership” demeure inchangé209. (soulignementsde l’auteure)

Le juge Noël a ainsi conclu que la Loi n’a pas établi de notion d’acquisitiondissociée du droit civil qui écarterait le principe de complémentarité; cette notiondoit donc être interprétée conformément au droit civil. Il conclut également que lanotion d’acquisition est directement reliée au droit de propriété en droit civil, et quela jurisprudence découlant de Wardean Drilling n’est pas applicable au Québec.

Puis, il examine les dispositions du paragraphe 248(3) LIR pour conclurequ’elles ont été édictées dans le but de créer des équivalences à la notion debeneficial ownership pour son application au Québec. Quoi qu’il en soit, il estd’avis que cette disposition n’apporte pas de solution au litige.

Enfin, le juge Noël souligne l’importance accordée en droit civil à l’intentiondes parties; elles sont libres de contracter comme elles l’entendent et selon lesmodalités qu’elles désirent, notamment quant au moment du transfert du droit depropriété. Ainsi, la stipulation selon laquelle la propriété du bien demeure entreles mains du locateur jusqu’à l’exercice de l’option est valide, et ni l’Agence, niles parties elles-mêmes ne peuvent écarter les termes d’un contrat librementnégocié. En ce sens, le Bulletin d’interprétation IT-233R est mal fondé en droit :

Somme toute, j’en viens à la conclusion que le bulletin IT-233R, dans la mesureoù il cherche à anticiper l’avenir et édicte la règle voulant qu’un bien loué dans lecadre d’un contrat de location avec option soit vendu dès la signature du contratsi le coût d’exercice de l’option est “très inférieur” à la valeur “probable” du bienloué ou si au moment de la signature du contrat “personne hésiterait [sic] àexercer l’option”, est dénudé [sic] de fondement juridique.

Sur le plan juridique rien n’empêche les parties à un contrat de validementstipuler que la propriété du bien loué demeure entre les mains du locateur mêmesi le coût d’exercice de l’option en rapport avec la valeur “probable” de l’objetloué peut sembler “très inférieur” au moment de la signature du contrat210.

Selon l’auteure, le juge Noël a correctement exposé l’état du droit, et elle esten accord avec ses conclusions juridiques, notamment quant à l’interprétation dela notion d’acquisition conformément au droit civil. Cette question sera discutéeplus loin dans le texte.

Quant au juge Létourneau, il semble adopter une approche diamétralementopposée à celle du juge Noël. Ce qui semble primer pour lui, c’est l’uniformité

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de traitement des contribuables du Québec et des provinces de common law. Il sefonde principalement sur le paragraphe 248(3) LIR, tel qu’il se lisait à l’époque :

Je suis toutefois d’accord avec lui [le juge Noël] que le paragraphe 248(3) de laLoi de l’impôt sur le revenu (Loi) représente un effort du législateur d’assimiler le“beneficial ownership” d’un bien à diverses formes de propriété propres au droitcivil québécois dans le but évident de faire bénéficier les contribuables québécoisdes mêmes avantages que cette notion permet d’octroyer aux contribuables desprovinces de common law. La tâche n’était pas facile à l’époque car les conceptsde propriété étaient différents dans les deux systèmes de droit, et les démembrementsdu droit de propriété, plus limités en droit civil québécois qu’en common law, necorrespondaient pas nécessairement à ceux de common law au niveau conceptuel.Malgré tout, l’effort d’harmonisation par le législateur, dans une perspective detraitement équitable et uniforme de tous les contribuables canadiens, m’apparaîtindiscutable. D’où la nécessité d’une interprétation judiciaire qui permette la miseen oeuvre de cette intention législative.

En outre, le paragraphe 248(3) de la Loi procure, à mon avis, un fondementlégislatif au Bulletin d’interprétation IT-233R quant à son application au Québec.Ce paragraphe confirme et justifie la conclusion à laquelle j’en suis venu en vertude la Loi quant au concept d’acquisition d’un bien aux fins d’allocation du coûten capital211. (soulignements de l’auteure)

Ainsi, le juge Létourneau considère que les jugements Wardean Drilling etOlympia & York ont établi le droit applicable au Québec en matière de dispositionet d’acquisition aux fins de la Loi; il y a acquisition ou disposition lorsque lesattributs ordinaires du droit de propriété, tels la possession, l’usage et le risque,sont transférés. Selon lui, l’intention du législateur en édictant l’article 54 et leparagraphe 248(3) était d’assujettir les contribuables québécois aux mêmescritères que ceux des autres provinces à cet égard. Il ajoute ce qui suit poursoutenir cette interprétation :

Sur le plan pratique, cette interprétation a le mérite de reconnaître, pour unelégislation fiscale d’application pancanadienne, une réalité commercialetransfrontalière et d’éviter de s’enferrer dans un légalisme indû [sic], sectoriel etpar surcroît stérile et inéquitable à une époque où le droit civil tend à se rapprocherde la common law. Il est tout de même significatif que le législateur, qui modifieannuellement la Loi pour, entre autres motifs, changer une disposition législativelorsque l’interprétation qui lui a été donnce [sic] ne permet pas de rencontrer lesobjectifs poursuivis, n’ait pas cru bon de répudier cette interprétation vieille de 30ans. En outre, cette interprétation est conforme à l’intention législative expriméeau paragraphe 248(3) de la Loi, laquelle vise, comme je l’ai déjà mentionné, àassimiler le “beneficial ownership” d’un bien à diverses formes de propriétépropres au droit civil du Québec212. (soulignement de l’auteure)

Avec égards, l’auteure est d’avis que l’interprétation du juge Létourneau baten brèche le principe de complémentarité du droit privé des provinces, de même

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que le principe de subordination du droit fiscal aux relations juridiques entre lesparties. Si le législateur souhaite reconnaître une seule notion de droit applicableà l’ensemble du pays, il peut et il devrait le faire en l’édictant expressément dansla loi213.

En outre, l’intention législative exprimée au paragraphe 248(3) LIR(maintenant l’alinéa 248(3)f) LIR) est peut-être d’assimiler au beneficialownership certaines formes de démembrement du droit de propriété reconnuespar le droit civil, par exemple l’usufruit, mais ce paragraphe ne reconnaîtnullement que la détention des attributs ordinaires du droit de propriété telsl’usage, la possession et le risque équivaut au beneficial ownership en droitcivil. Cette disposition assimile la « propriété effective » à diverses institutionsde droit civil; suivant le principe d’interprétation ejusdem generis, il estimpossible d’étendre cette assimilation à un concept qui n’est pas lui-même uneinstitution de droit civil. Ainsi, il ne pourrait être prétendu que le paragraphe248(3) exprime l’intention du législateur d’appliquer le critère de WardeanDrilling au Québec. Michael Templeton est du même avis :

The majority of the Court of Appeal appears to interpret the provision as makingthe broad statement that whenever the Civil Code recognizes a property interestthat is similar to a property interest that is recognized at common law as beneficialownership, for the purposes of the Act, the Civil Code property interest shall betreated as beneficial ownership. However, the language used in subsection 248(3)does not appear that broad. The provision states that certain Civil Code propertyinterests (those specifically listed in the subsection) are to be treated as beneficialownership for the purposes of the Act; however, it is only those property intereststhat are specifically listed that are to be given this treatment214. (soulignement del’auteure)

Il faut également souligner qu’en l’espèce, c’est le contribuable qui invoquaitl’application uniforme de la Loi dans tout le pays, alors que le ministère duRevenu plaidait le droit civil; la situation est généralement à l’inverse. De plus,le ministre avait adopté dans cette affaire la position contraire à celle qu’il avaitlui-même énoncée dans le Bulletin d’interprétation IT-233R, auquel lecontribuable s’était fié. Le juge Létourneau semble avoir été influencé parcette apparente iniquité à l’égard du contribuable :

On ne peut que s’étonner que, dans le présent appel, l’intimée invoque leparticularisme du droit civil québécois pour refuser à l’appelante une déductionpar ailleurs accordée aux contribuables et hommes d’affaires soumis au régimede la common law. […]

À mon avis, nous serions bien mal venus 17 ans plus tard, comme l’intiméenous invite à le faire dans le cas présent, d’ignorer ou de répudier la teneur duditBulletin puisqu’il réflétait [sic] bien et correctement l’état du droit législatif etjurisprudentiel applicable à l’époque en matière fiscale aux biens acquis par uncontribuable par l’entremise d’une opération de crédit-bail215.

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Quant à la juge Desjardins, elle se fonde sur une analyse du texte de l’article54 et du paragraphe 248(3). Elle souligne que la Commission Carter, dans sesrecommandations concernant l’imposition du gain en capital, suggérait que lesmots « disposition de biens » aient un sens large de façon à couvrir de multiplessituations. Par la suite, le Parlement a adopté la définition de disposition àl’article 54, et « comme il devait n’y avoir qu’une seule notion de l’expression“disposition de biens” applicable à travers le Canada, le paragraphe 248(3) dela Loi fut adopté spécialement pour son application en droit civil »216. La juge adonc conclu que :

Le Parlement canadien a ainsi taillé, pour des fins fiscales et pour l’ensemble duCanada, un concept commun couvrant les notions de “disposition de biens”(“disposition”) et de “propriété effective” (“beneficial ownership”), autant endroit civil qu’en common law; […]217.

Il est bien possible que l’intention du législateur ait été de se dissocier dudroit privé des provinces pour établir une définition particulière quis’appliquerait de façon uniforme aux fins de la Loi. Toutefois, tel qu’il a déjàété souligné, le problème est qu’à l’intérieur même de cette définition, lelégislateur fait référence à des notions de common law (beneficial ownership etlegal ownership) sans les définir.

En outre, le paragraphe 248(3) ne définit pas exhaustivement le contenu dela notion de « propriété effective » aux fins d’application au Québec, il ne faitque donner des exemples de concepts de droit civil qui sont réputés êtreéquivalents à la notion de beneficial ownership. C’est donc dire que pourcompléter cette définition, il faut s’en remettre au droit privé des provinces.Comment alors soutenir que le législateur a défini un concept commun de« propriété effective » pour l’ensemble du Canada ? Par ailleurs, le paragraphe248(3) ne fait aucune mention du critère des attributs ordinaires du droit depropriété tels que la possession, l’usage et le risque. L’importation de ce critèreen droit civil ne découle pas de la définition neutre de la Loi, il vient bel et biende la jurisprudence de common law. Cette confusion est évidente dans cepassage de l’opinion de la juge Desjardins :

Cependant, en 1982, lorsque les contrats de crédit-bail furent signés, leparagraphe 248(33 [sic] de la Loi était déjà en place et déclarait, pour des finsfiscales, que certains contrats étaient facteurs de transmission de la “propriétéeffective”. À titre de comparaison et afin de clarifier ma pensée, j’ajoute que, parexemple, même si l’usufruitier n’est pas le propriétaire d’un bien en droit civil, ilpeut, dans les faits, en avoir la “propriété effective” au sens du paragraphe 248(3)de la Loi puisque ce paragraphe crée ses propres notions de “propriété effective”.

En l’espèce, malgré la clause 20 des contrats qui régissait le droit des partiesen droit civil, le droit fiscal, par le jeu du paragraphe 248(3) de la Loi,reconnaissait que l’appelante avait acquis la propriété effective des camions à

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bennes puisqu’elle rencontrait les trois facteurs : possession, usage et risques,reconnus par la jurisprudence218. (soulignements de l’auteure)

Ainsi, la juge Desjardins est elle-même forcée d’admettre que ces critèresn’ont pas été édictés par le paragraphe 248(3) LIR qui, prétendument, « crée sespropres notions de “propriété effective” », mais par la « jurisprudence », c’est-à-dire la jurisprudence fiscale ayant interprété la notion d’acquisition dans uncontexte de common law.

Pour les motifs exposés, l’auteure ne peut être d’accord avec la conclusiondes juges majoritaires dans cette affaire. Elle est d’avis que leur raisonnement,essentiellement fondé sur des motifs d’équité et d’application uniforme de laLoi, ne devrait pas être suivi. L’auteure réitère que, selon son opinion, le jugeNoël a correctement exposé l’état du droit.

Pour résumer, la jurisprudence de common law qui a interprété la notion de« disposition », ainsi que le concept réciproque d’« acquisition », a établi que ladisposition a lieu lors du transfert du titre de propriété, ou lors du transfert desattributs ordinaires du droit de propriété tels que l’usage, la possession et lerisque, si le titre de propriété est conservé par le vendeur à titre de garantie.

En droit civil par contre, la jurisprudence est partagée quant à l’applicationde ces critères. Un certain courant jurisprudentiel tend à adopter les critères dela common law, au nom d’une application uniforme de la notion de dispositiondans l’ensemble du Canada. Un autre penche au contraire en faveur de lacomplémentarité du droit civil et d’une interprétation du concept de dispositioncompatible avec les institutions du droit civil, dans le cadre de son applicationau Québec. L’auteure a exprimé son opinion selon laquelle cette secondetendance jurisprudentielle semble la mieux fondée en droit.

La rétroactivité des obligations conditionnelles du droit civil

Comment la jurisprudence a-t-elle traité les conditions suspensives etrésolutoires du droit civil, et comment a-t-elle appliqué la rétroactivité afin dedéterminer le moment de la « disposition » ?

Un certain courant jurisprudentiel milite en faveur de la reconnaissance de larétroactivité des obligations conditionnelles. Il est bon de rappeler que selon lajurisprudence, un contrat qui n’existe plus ne peut avoir de conséquences fiscales,puisque le support nécessaire au droit fiscal n’existe plus219. Mais la questionsuivante se pose : la disparition du contrat n’entraîne-t-elle l’extinction desconséquences fiscales que pour l’avenir ?

Dans l’arrêt Dominion Engineering, la Cour suprême écrivait, sous la plumedu juge Rand :

If, in the legal result, the actual transaction ceases to be one of sale, then thenecessary support for the tax disappears. That result, at least where the terminationof the contract does not effect a total rescission, will not affect the right to taxes

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on any portion of the price paid to the seller nor does it touch those that havebeen collected or reduced to judgment by the Crown220. (soulignement de l’auteure)

Le juge Rand écrit ainsi, en obiter dictum, que l’extinction du contratn’affectera pas les impôts prélevés dans le passé, à tout le moins lorsqu’il nes’agit pas d’une rescision complète du contrat. A-t-il voulu laisser entendre quedans le cas contraire, c’est-à-dire dans le cas d’une « rescision complète » oud’une résolution du contrat, le fondement essentiel de l’imposition étant disparurétroactivement, l’impôt payé antérieurement devrait être remboursé ? Il écritégalement, un peu plus loin :

[…] where the obligation of such an executory contract is by operation of lawdestroyed, then unpaid taxes related to its terms, themselves suffer acorresponding effect. If that were not so, sellers with unsold property on theirhands would be liable for taxes in respect of purchase price not only unpaid butthe legal right to which had been annulled […]221.

Cette situation que le juge Rand semble considérer absurde n’est-elle pasexactement celle du vendeur sous condition résolutoire ou suspensive qui arepris son bien à la suite de la résolution de la vente ?

Dans l’arrêt Price (Nfld.) Pulp & Paper Ltd. c. La Reine222, dans un contextesimilaire à celui de l’arrêt Dominion Engineering, la Cour d’appel fédéraleécrivait, en obiter :

[…] it may also be that even tax paid on accrued instalments may becomerefundable if a total rescission of the agreement of sale occurs […]223.

Dans l’affaire Perini Estate c. La Reine224, où il était question d’unecontingent liability225 en common law, la Cour d’appel fédérale a conclu que laréalisation de la condition avait un effet rétroactif, de la même façon que lesobligations conditionnelles en droit civil.

Dans cette affaire, le contribuable avait vendu la totalité des actions d’unesociété. Le contrat de vente prévoyait que le prix de vente était constitué d’uncertain montant payable immédiatement, en plus de montants supplémentairescalculés à partir d’un pourcentage des profits futurs (earn-out). Le contratprévoyait également que des intérêts seraient payables sur ces montantssupplémentaires, l’intérêt étant calculé à compter de la date de la vente.

Le ministre a cotisé ces intérêts à titre de revenus d’intérêts. Le contribuablesoutenait qu’il ne s’agissait pas d’intérêts au sens de la Loi, puisque le principalsur lequel ces intérêts étaient calculés, c’est-à-dire les montants supplémentairesprévus au contrat, n’existait pas jusqu’à ce qu’il soit calculé à partir des étatsfinanciers; il manquait donc un élément essentiel pour que les intérêts soientdes « intérêts » au sens de la Loi, à savoir un montant principal sur lequel lesintérêts s’accumulent226. Quant au ministère, il prétendait qu’une fois que les

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montants supplémentaires étaient déterminés, cette détermination avait un effetrétroactif, de sorte que le principal était réputé avoir toujours existé et que lesintérêts avaient pu s’accroître sur ce principal depuis la conclusion du contrat.

Après avoir établi que l’obligation de payer les montants supplémentairesest une contingent liability en common law, le juge Le Dain, au nom de la Cour,écrite ce qui suit :

The learned Trial Judge concluded that the fulfilment of the condition had aretroactive effect. This conclusion is contained in the following passage from hisreasons:

« Once it was ascertained that the profits had been made and could becalculated and the vendor was still alive his obligation for the payments ineach of the years 1969, 1970 and 1971 became due, and the conditionhaving been fulfilled it had a retroactive effect to the date of the contract.Interest ran from that day on the payments due in accordance with theterms of the contract. »

He based this conclusion on the assumption that the common law as to theeffect of the occurrence of a contingency did not differ in principle from the rulein article 1085 of the Quebec Civil Code that “The fulfilment of the condition hasa retroactive effect from the day on which the obligation has been contracted.”227

(soulignement de l’auteure)

La Cour d’appel fédérale se dit d’accord avec l’affirmation du juge depremière instance selon laquelle la contingent liability a un effet rétroactif, toutcomme la condition suspensive en droit civil. Se fondant sur un arrêt du Comitéjudiciaire du Conseil privé228 qui fait une analogie entre la contingent liabilityen droit anglais et l’obligation conditionnelle en droit civil écossais, la Courd’appel conclut que la contingent liability en common law canadienne estsimilaire à l’obligation conditionnelle en droit civil québécois, et qu’elle a doncle même effet rétroactif.

La Cour d’appel fédérale a ainsi établi que non seulement les obligationsconditionnelles du droit civil ont un effet rétroactif, mais qu’il en va de mêmepour les contingent liabilities en common law. La Cour poursuit toutefois endisant qu’à tout événement, la rétroactivité n’est pas clairement exclue encommon law et les parties sont donc libres de la stipuler, ce qu’elles ont fait enl’espèce en prévoyant au contrat que des « intérêts » seraient payables sur le« principal » calculé en fonction des profits futurs.

Quoi qu’il en soit, même si la Cour d’appel fédérale n’est pas allée jusqu’àaffirmer que les contingent liabilities ont nécessairement un effet rétroactif, ilne semble y avoir aucun doute quant à la rétroactivité des obligationsconditionnelles en droit civil. De plus, cette rétroactivité s’applique au droitfiscal, du moins en ce qui concerne les intérêts.

Par ailleurs, dans l’affaire Construction Bérou, la juge Tremblay-Lamer dela Cour fédérale avait également affirmé, en obiter, que l’effet rétroactif de lacondition suspensive s’applique à la notion d’acquisition dans la LIR :

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Selon la jurisprudence, le contribuable peut avoir “acquis” un bien lorsque latransaction est considérée comme une vente conditionnelle de nature suspensive.[…]

Puisque la transaction est qualifiée de vente à condition suspensive, cela apour effet, lors de la réalisation de la condition, de transférer le droit de propriétéau jour de la conclusion du contrat229.

Par opposition au courant jurisprudentiel précité qui semble en faveur de lareconnaissance de l’application de la rétroactivité des conditions en droit fiscal,un autre courant soutient la position contraire, à savoir que l’effet rétroactif de lacondition résolutoire ne s’applique pas en matière fiscale. Toutefois, l’auteurefait remarquer que ces décisions ont été rendues dans des contextes particuliers,dans des cas de mauvaise foi évidente ou encore de déductibilité des cotisationspatronales.

Le jugement rendu par la Cour fédérale, division de première instance dansl’affaire Alepin c. La Reine230 a été cité au soutien de l’affirmation selon laquelle larétroactivité n’est pas opposable aux tiers, notamment au ministère du Revenu231.Dans cette affaire, les trois frères Alepin avaient vendu un terrain à Jar InvestmentsLtd. Le solde du prix de vente était garanti par une clause résolutoire en cas dedéfaut de l’acheteur, ce qui, tel qu’établi précédemment, a les mêmes effetsrétroactifs qu’une condition résolutoire.

À la suite d’un important paiement de Jar Investments Ltd. sur le solde du prixde vente, un litige est survenu entre les frères Alepin et le ministère du Revenuquant à la qualification de ce paiement. Les contribuables soutenaient qu’ils’agissait de capital et donc que le paiement, reçu en 1970, était entièrement nonimposable, alors que le ministère prétendait qu’une partie du paiement étaitimputable aux intérêts courus, et donc imposable à titre de revenu d’intérêts.

En 1975, plusieurs années après la réception du paiement et la cotisation duministère du Revenu, les frères Alepin ont exercé leurs droits en vertu de laclause résolutoire et repris le terrain par dation en paiement. La clause résolutoireprévoyait qu’advenant la résolution de la vente, tous les paiements reçus seraientréputés être des dommages liquidés pour bris de contrat. En conséquence, lescontribuables ont prétendu que le paiement reçu en 1970 était de nature capitale.

Le juge Marceau a rejeté cet argument dans les termes suivants :

Quant au moyen subsidiaire tiré de la rétroactivité de la dation en paiement survenueen 1975, je n’en vois pas la portée. Le contrat sous condition résolutoire acquiertforce juridique complète dès l’instant où il est conclu et, avant que ne surviennel’événement prévu, il produit tous ses effets. Lorsque fut reçu le paiement en 1970,une partie de ce paiement couvrait des intérêts dus en vertu du contrat et étaitimmédiatement taxable, et cette situation juridique ne saurait être ultérieurementmodifiée ou anéantie par l’effet d’une résolution ultérieure du contrat lui-même.L’avènement de la condition résolutoire à laquelle est soumis un contrat peut bienanéantir les obligations résultant du contrat mais elle ne peut affecter les tiers quiont acquis des droits entre-temps sur la base du contrat que dans la mesure où cesdroits ont eux-mêmes pris naissance conditionnellement. Au reste, la résolution en

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l’espèce ne devait pas survenir indépendamment des parties; elle requérait un actevolontaire et libre de l’une d’elles et en fait elle fut opérée par un contrat de dationen paiement librement souscrit : peut-on raisonnablement penser qu’une résolutionopérée ex post facto en 1975 puisse modifier la destination de paiements faits en1970 et en anéantir les conséquences face au fisc. (Comp. Malkin v. MNR, [1942]Ex. C.R. 113, [1942] C.T.C. 135, 2 D.T.C. 587)232. (soulignements de l’auteure)

Le juge semble catégorique : l’effet rétroactif de la résolution ne peut avoiraucune conséquence fiscale. Néanmoins, quelque nuances méritent d’êtreapportées à cette affirmation. Premièrement, il est clair que le juge Marceau atenu compte de la mauvaise foi patente des contribuables dans cette affaire,puisqu’il semblait évident que la résolution du contrat n’avait d’autre but qued’éviter les conséquences fiscales de la transaction, à la suite de la cotisation etdu litige ultérieur. En outre, dans l’affaire Malkin, sur laquelle s’appuie le juge,les parties avaient signé un deuxième contrat, subséquent au premier, qui modifiaitla qualification des montants reçus. Il ne s’agissait pas d’une condition résolutoireinscrite au contrat dès l’origine, et de plus, la rétroactivité ne s’appuyait pas surle Code civil puisqu’il s’agissait d’une cause originaire d’une province decommon law.

Deuxièmement, il ne faut pas oublier qu’il s’agissait dans l’affaire Alepind’une clause résolutoire, et non d’une condition résolutoire. Tel que déterminé,la condition est un événement extrinsèque qui ne dépend pas de la volonté desparties. L’argument du juge selon lequel la résolution demandait en l’espèce unacte volontaire et libre de l’une des parties ne tiendrait pas dans le cas d’unevéritable condition résolutoire.

Dans l’affaire Larose233, le contribuable avait vendu des terrains; toutefois, lavente avait subséquemment été annulée par la Cour supérieure, à la requête ducontribuable. Devant la Cour canadienne de l’impôt, le contribuable soutenait quela résolution de la vente par jugement avait eu pour effet d’annuler rétroactivementles incidences fiscales de la vente.

Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a réfuté cet argument en se fondantprincipalement sur la décision du juge Marceau dans l’affaire Alepin :

Par ailleurs, le jugement en résolution de la vente prononcé par le juge Mercure enavril 1990 ne peut certainement pas affecter les droits que l’intimé a acquis suite àla vente des immeubles en 1979. En effet, des sommes relativement importantesétaient dues à l’intimé suite à cette transaction. De plus, la preuve a démontré quel’objectif principal de cette action était de permettre à l’appelant d’être libéré deses dettes envers le ministre du Revenu national. Cette Cour est d’avis qu’une tellesituation est directement visée par la jurisprudence formée des arrêts Malkin [2D.T.C. 587], Alepin [79 D.T.C. 5259] et Adam [85 D.T.C. 667]. Dans ces affaires,les tribunaux ont affirmé que toute tentative visant à changer de façon rétroactivela nature de certains paiements afin de bénéficier d’un traitement fiscal plusavantageux était sans effet à l’égard du ministre du Revenu national. À plus forteraison, un tel principe doit recevoir application lorsqu’un contribuable tente

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d’annuler une transaction de façon rétroactive afin d’éliminer les conséquencesfiscales qui en résultent234. (soulignement de l’auteure)

Il est à souligner que dans cette affaire également, le tribunal a voulusanctionner la mauvaise foi du contribuable et a refusé de cautionner la« planification fiscale rétroactive » que ce dernier tentait de réaliser235. De plus,tout comme dans l’affaire Alepin, il n’était pas question dans cette affaire ducaractère rétroactif de la condition résolutoire du droit civil.

Certaines décisions ont également refusé de reconnaître l’effet rétroactif de lacondition suspensive en matière fiscale. Par exemple, dans l’affaire Fédérationdes Caisses populaires c. La Reine236, la Cour canadienne de l’impôt devait seprononcer sur la déductibilité des cotisations patronales relatives aux vacancesgagnées mais non encore prises des employés. Dans le calcul de ses bénéfices,l’employeur déduisait les vacances accumulées par les employés dans l’annéemais non encore prises, cette déduction étant permise et acceptée par leministère du Revenu. Mais l’employeur déduisait également les cotisationspatronales aux divers régimes sociaux (régime de pension, assurance-chômage,régime des rentes du Québec, assurances collectives, etc.) relatives à cesvacances gagnées mais non encore prises.

Le ministre a refusé les déductions à l’égard des cotisations patronales envertu de l’alinéa 18(1)e) LIR, car selon lui il s’agissait de provisions non prévuespar la loi. Il s’agissait donc de savoir si ces déductions étaient des réserves pouréventualités, en d’autres termes, si l’obligation de payer les cotisations patronalesétait existante à ce moment, même si elle n’était exigible qu’au moment oùl’employé prendrait effectivement ses vacances.

La Cour canadienne de l’impôt a conclu que l’obligation de payer lescotisations ne prenait naissance, en vertu des différentes lois qui prévoyaient cescotisations, que lors du versement des indemnités de vacances aux employés. Ence sens, il s’agissait d’une obligation sous condition suspensive et non d’uneobligation à terme. En conséquence, le juge a statué que lesdites cotisationsn’étaient pas déductibles avant que la condition n’ait été accomplie, puisquel’obligation n’existait pas avant ce moment. Malheureusement, le juge ne s’estnullement interrogé sur la question de l’effet rétroactif de la condition en droit civil.

Quoi qu’il en soit, cette décision a été renversée en appel237, les jugesmajoritaires étant d’avis qu’il s’agissait d’une obligation à terme et non d’uneobligation sous condition suspensive. Le juge dissident n’a pas traité de lacondition suspensive.

En somme, il existe deux tendances jurisprudentielles opposées relativementà la reconnaissance de l’effet rétroactif des obligations conditionnelles enmatière fiscale — l’une en préconise l’application, l’autre soutient qu’il ne fautpas en tenir compte. Aucune décision toutefois tranché directement la questionde savoir si la réalisation de la condition a un effet rétroactif quant au momentde la disposition d’un bien au sens de la Loi.

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Selon l’auteure, il est très difficile de prévoir ce qu’un tribunal déciderait àcet égard. Néanmoins, la jurisprudence actuelle ne permet pas d’affirmer que larétroactivité serait nécessairement écartée. Au contraire, il semble raisonnable decroire que la Cour d’appel fédérale, tel qu’elle l’indiquait dans l’arrêt PeriniEstate, serait portée à reconnaître la rétroactivité.

Quant à la doctrine, certains auteurs favorisent l’application de larétroactivité en matière fiscale238, tandis que d’autres critiquent cette position239.

L’article de Me Diane Bruneau est l’un des seuls à avoir analysé précisémentla question de l’application de la rétroactivité des obligations conditionnelles endroit fiscal. Après avoir établi que la disposition a lieu dès que le vendeur adroit au prix de vente tel qu’affirmé dans Victory Hotels240, elle poursuit endisant que le droit au produit de disposition survient au moment du transfert depropriété. Comme elle l’écrit, il y a donc retour à la case départ, et il faut dèslors déterminer si le transfert de la propriété peut être rétroactif dans le cas de lacondition suspensive, ou être révoqué dans le cas d’une condition résolutoire.

Abordant la question centrale de la rétroactivité de la condition, elles’exprime ainsi :

Même en droit civil, la rétroactivité du droit de propriété ne peut faire disparaîtrel’état provisoire qui existait avant la réalisation de la condition. Ainsi, les revenusgagnés avec un bien n’ont pas à être remboursés à celui qui l’acquiertrétroactivement. De même, si le bien est complètement détruit, l’acquéreur souscondition suspensive n’en assume pas le risque. Ces effets peuvent toutefois êtremodifiés lors de la conclusion de l’accord. Pour les autres situations non prévuesspécifiquement par la loi, Faribault s’est exprimé ainsi:

« Comme la rétroactivité de la condition accomplie est une fiction légale,elle doit être interprétée restrictivement. Dans le doute, il doit être décidéqu’elle n’existe pas, car son caractère de fiction ne peut empêcher un faitd’avoir existé dans le passé.

« Lorsque l’obligation a pour objet un corps certain, cette fiction ne peutfaire disparaître le fait que le débiteur conditionnel en ait eu la possessionpendante conditione. Si le fait de cette possession échappe à la rétroactivitéde la condition, tout ce qui en dérive naturellement et rationnellement doitégalement y échapper, comme, par exemple, les actes d’administrationaccomplis par le débiteur, et les fruits qu’il a pu percevoir pendant cettepossession. »

Pour sa part, voici ce qu’en dit Mignault :

« […] la rétroactivité attachée à la condition accomplie n’a, en effet, traitqu’aux choses de droit. Elle a été imaginée, d’une part, dans l’intérêt del’acquéreur, qui sans elle aurait été obligé de subir les aliénations, servitudesou hypothèques, consenties, pendente conditione, par l’aliénateur, et, d’autrepart, dans l’intérêt de ses héritiers. Elle ne s’applique point aux choses defait; or, l’acquisition des fruits par la perception est un fait accompli que laréalisation de la condition ne saurait effacer […] »

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Selon ces auteurs, la rétroactivité de la vente protège le titre de l’acquéreurmais ne peut modifier la réalité. Or, à ce jour, la jurisprudence en matière fiscaleest d’avis qu’une disposition peut résulter d’une situation de fait. Il serait alorspossible de prétendre que, même si en droit il peut y avoir vente rétroactive, dansles faits, la disposition n’a lieu qu’au moment où la condition se réalise241.(soulignement de l’auteure)

À l’appui de l’énoncé selon lequel « la jurisprudence en matière fiscale estd’avis qu’une disposition peut résulter d’une situation de fait », Me Bruneau citela décision rendue dans l’affaire Olympia & York, dans laquelle, mentionne-t-elle, « le simple transfert des attributs de la propriété a été jugé suffisant pourqu’il y ait disposition, même si le titre de propriété n’avait pas été transféré etqu’il n’y avait pas encore eu vente242 ».

Tel que l’auteure le comprend, le fondement de l’argument de Me Bruneauest le suivant : d’une part, en droit fiscal, la disposition peut résulter d’unesituation de fait, à savoir le transfert de la possession, de l’usage et du risque, etd’autre part, en droit civil, puisque la rétroactivité ne s’applique qu’aux chosesde droit et non aux choses de fait, elle n’aurait pas d’effet sur une dispositionqui se serait produite dans les faits.

Me Bruneau signale également de nombreux obstacles pratiques àl’application de la rétroactivité de la condition en droit fiscal : l’ambivalence deses effets, l’absence de dispositions permettant la modification des déclarationsantérieures, la prescription, l’équité et la portée des modifications législatives.Elle conclut que, compte tenu de ces difficultés et du caractère factuel de ladisposition, la rétroactivité des obligations conditionnelles ne devrait pass’appliquer en droit fiscal.

En tout respect, l’auteure est en désaccord avec les prémisses de ceraisonnement. D’une part, l’auteure est d’avis que le « principe » suivant lequel,en droit civil, la rétroactivité ne s’appliquerait qu’aux choses de droit ne semblepas aussi bien établi243. À tout le moins, ce principe ne devrait s’appliquerqu’aux faits « réels et incontestables » ou « ineffaçables », c’est-à-dire les casexpressément prévus au Code civil, soit les fruits et les actes d’administration.Quant au fardeau des risques, il a été établi qu’en vertu du nouveau Code, ils nesont plus liés à la propriété mais plutôt à la possession, et qu’en conséquence, lefait que la rétroactivité ne s’y applique pas ne découlerait pas du principe allégué.

D’autre part, l’affirmation de Me Bruneau selon laquelle la disposition résulted’une situation de faits est fondée sur la décision Olympia & York244. Or, l’auteurea déjà exprimé l’opinion selon laquelle c’est à tort que cette décision a introduiten droit civil le test des « attributs ordinaires du droit de propriété » établi dansl’affaire Wardean Drilling; la notion de « disposition », lorsqu’elle est appliquéeau Québec, devrait être interprétée à la lumière du droit civil.

En outre, la notion de disposition ne peut être assimilée à une question defait « incontestable ». Selon l’auteure, la disposition est liée au transfert de lapropriété; or, il ne peut être soutenu que le transfert du droit de propriété lui-

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même est un fait « réel et incontestable » qui échappe à l’application de larétroactivité de la condition. Le droit de propriété n’est pas moins une « fictionjuridique » que la rétroactivité elle-même, et il est l’objet principal del’application de la rétroactivité.

La raison de ce désaccord avec la position de Me Bruneau semble découlerdu fait que l’auteure ne fonde pas son raisonnement sur les mêmes prémisses.Tel que déjà expliqué, l’auteure part du principe de complémentarité du droitprivé, et prend la position selon laquelle le législateur fédéral doit définir unterme de façon expresse afin d’écarter le droit privé. Me Bruneau semble partirimplicitement du principe de dissociation : il existerait une notion dedisposition distincte, propre au droit fiscal et définie par la jurisprudence.

Les autres cas de rétroactivité en droit civil

Cet article a jusqu’ici fait état de certains concepts de droit civil pouvant avoirdes effets rétroactifs. Il traite maintenant des conséquences fiscales de cesévénements, compte tenu du droit actuel.

La résolution du contrat à la suite de l’inexécution des obligations

Il a déjà été déterminé que la résolution du contrat a les mêmes effets que lacondition résolutoire. Par contre, la particularité de la résolution à la demandedu créancier est qu’elle découle du défaut du débiteur, généralement le défaut depayer. Or, les articles 79 et 79.1 de la Loi prévoient des dispositions particulièreslorsqu’il y a restitution d’un bien à la suite du défaut de payer du débiteur.

Essentiellement, ces articles prévoient qu’il y a alors deux dispositionssuccessives du bien, et déterminent le produit de disposition du bien pour ledébiteur et son coût pour le créancier.

La question est de savoir dans quelles circonstances ces articles trouventapplication. Le paragraphe 79(3) prévoit les règles qui s’appliquent au débiteurlorsqu’un « créancier acquiert, par délaissement, un bien donné d’une personne ».Le paragraphe 79(2) édicte quant à lui qu’une personne (le créancier) acquiertun bien d’une autre personne (le débiteur) par délaissement lorsqu’elle acquiertla « propriété effective » de ce bien par suite du défaut de l’autre personne depayer une dette qu’elle avait envers elle. De même, les paragraphes 79.1(2) et(6) prévoient les règles applicables au créancier qui saisit un bien, c’est-à-direqui acquiert la « propriété effective » du bien à la suite du défaut du débiteur depayer une dette.

Deux remarques s’imposent. D’abord, ces articles ne trouveront pratiquementjamais application dans le cadre de véritables obligations conditionnelles puisque,tel que discuté précédemment, la Cour suprême a affirmé que l’obligation depayer le prix de vente n’est pas une condition au sens du droit civil245. Cesdispositions ne trouveraient application que dans les cas de résolution du contratpour inexécution ou de vente à tempérament. Ensuite, la question de savoir si la« propriété effective » est acquise par le créancier à la suite du défaut du débiteur,

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dans le cadre de la résolution pour inexécution, dépend de la réponse à la questiongénérale de l’application en droit fiscal de la rétroactivité prévue au Code civil.En effet, si l’effet rétroactif de la résolution est appliqué, tout se passe commes’il n’y avait jamais eu transfert de propriété, et le créancier ne peut acquérir « ànouveau » la propriété dont il ne s’est jamais départi246.

En outre, le problème déjà soulevé par la définition de « disposition » sepose également pour l’application du paragraphe 79(2) qui fait référence à la« propriété effective », c’est-à-dire au beneficial ownership, un concept qui n’ade sens que dans un contexte de common law. Le créancier québécois peut-ils’être départi du beneficial ownership et l’avoir « acquis » de nouveau à la suitedu défaut de payer du débiteur, même s’il est réputé n’avoir jamais disposé deson droit de propriété, en vertu du Code civil ? Me Pierre Archambault pose laquestion en ces termes :

Finalement, pour que l’article 79 de la Loi s’applique, il doit y avoir “acquisition”ou “nouvelle acquisition” du “beneficial ownership” ou de la propriété de biens.En vertu du Code civil du Québec, il n’y a pas comme tel d’acquisition ou denouvelle acquisition de biens mais plutôt chacune des parties se rend ce qu’elle areçu et remet les choses au même état que si le contrat n’avait jamais existé (article1088 du Code civil). On peut donc s’interroger si l’article 79 de la Loi s’appliquedans ces circonstances247.

La vente à tempérament

Tel que déjà établi, la vente à tempérament constitue une vente à terme et nonune vente conditionnelle. En vertu du droit civil, le droit de propriété n’esttransféré que lors de l’arrivée du terme, à savoir, lorsque le prix de vente estentièrement payé, sans effet rétroactif.

La question du moment de la disposition en droit fiscal se soulève tout demême, car si le test de Wardean Drilling est appliqué, il faut déduire que ladisposition a lieu lors de la conclusion du contrat, malgré la réserve du droit depropriété en vue de garantir le paiement du prix de vente, puisque dès cemoment, la possession, l’usage et le risque de perte de la chose sont transférés àl’acheteur.

Par ailleurs, la question de l’applicabilité des articles 79 et 79.1 se soulèveégalement, car en cas de défaut de paiement de l’acheteur, le vendeur reprend lebien dont il n’a jamais cessé d’être propriétaire; toutefois, s’il est jugé qu’ils’était départi du beneficial ownership, ces articles s’appliqueront à sa situation.

La nullité à titre de sanction des conditions de formation du contrat

Puisque la nullité soulève les mêmes effets en droit civil que la conditionrésolutoire, elle a donc les mêmes conséquences fiscales. Les remarques del’auteure à l’égard des obligations conditionnelles s’appliquent donc de lamême façon à la nullité du contrat.

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La vente avec faculté de rachat

Comme la vente avec faculté de rachat est essentiellement une vente souscondition résolutoire, elle devrait avoir les mêmes effets en droit fiscal. Qu’ellesoit désignée comme vente avec faculté de rachat ne devrait pas inciter lestribunaux à conclure qu’il y a double disposition et que l’effet rétroactif nes’applique pas; contrairement à ce que ce terme semble indiquer, le « rachat »n’est pas un second achat et ne fait pas référence à une seconde vente, maissimplement à une annulation rétroactive de la première, exactement commel’accomplissement d’une condition résolutoire. Il est malheureux que lelégislateur québécois ait entraîné une telle confusion en choisissant le terme« rachat » pour remplacer le terme « réméré ».

Quoi qu’il en soit, la vente à réméré est fréquemment visée par l’alinéa j) dela définition de « disposition » au paragraphe 248(1) LIR, qui prévoit que leterme disposition ne vise pas :

tout transfert de bien effectué dans le seul but de garantir le remboursement d’unedette ou d’un emprunt, ou tout transfert effectué par un créancier dans le seul butde restituer des biens qui avaient servi à garantir le remboursement d’une dette oud’un emprunt.

En effet, la vente à réméré a le plus souvent pour objet de garantir leremboursement d’une dette du vendeur envers l’acheteur248.

La vente à l’essai

De la même façon, la vente à l’essai est tout simplement un type de vente souscondition suspensive, avec transmission immédiate de la possession et del’usage de la chose. Elle devrait donc avoir les mêmes effets en droit fiscal quela vente sous condition suspensive, selon que l’effet rétroactif des obligationsconditionnelles soit admis ou non.

La promesse de vente

Comme il a été démontré, la promesse de vente accompagnée de la délivrance etde la prise de possession du bien équivaut à une vente en vertu du Code civil, àdéfaut de stipulation contraire des parties. Ainsi, dans les cas où il y a promessede vente avec prise de possession, il pourrait être considéré, à juste titre et sansporter atteinte au droit civil, que la disposition a eu lieu dès ce moment.

C’est ce qui s’est produit dans l’affaire Dubois c. La Reine249, où il s’agissaitde déterminer si les intérêts courus durant la période où l’acheteur avaitpossession du bien et en assumait toutes les charges, mais avant que le contratde vente notarié soit signé, étaient déductibles. En l’espèce, c’est le ministre duRevenu qui soutenait qu’il n’y avait pas eu disposition avant que le contrat devente ne soit complété.

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Le juge conclut qu’il y avait promesse de vente accompagnée de la possessionde la chose et que les parties avaient eu l’intention de transférer la propriétéimmédiatement, sans attendre la signature du contrat notarié. Il y avait donceffectivement une vente en droit civil, dès le moment de la prise de possession,c’est-à-dire le moment déterminé par les parties pour le transfert de propriété.Les intérêts courus depuis cette date étaient donc déductibles, car ils couraientsur un bien « acquis » à cette date.

Le juge fait donc coïncider la date de l’« acquisition » au sens de la Loi avecla date du transfert de propriété au sens du droit civil. Bien que cette affaire neportait pas sur une question de rétroactivité ni de condition suspensive250, ils’agit tout de même d’une affirmation selon laquelle le moment de l’acquisitiondoit être déterminé par rapport au moment du transfert du droit de propriété endroit civil.

Le résultat auquel le juge en arrive dans l’affaire Dubois est le même qu’encommon law, lorsque les attributs ordinaires du droit de propriété sont transférésà l’acheteur avant la passation de l’acte de vente définitif. C’est ce qui s’estproduit par exemple dans l’affaire Kozan c. MRN251, où les parties s’étaiententendues pour effectuer la vente le 1er novembre 1979. La possession, l’usage,les risques et toutes les charges du bien avaient été transférés à l’acheteur à cettedate, mais la signature de l’acte de vente avait été reportée en raison de formalitésqui n’avaient pas encore été accomplies. L’acte de vente n’avait finalement étésigné qu’en 1980, mais le juge a tout de même considéré que la disposition avaiteu lieu en 1979, les parties s’étant comportées comme si la transaction étaitcomplète dès le transfert des attributs ordinaires du droit de propriété.

Ainsi, tout en étant conformes au droit privé de leur province d’origine, cesdeux décisions sont parvenues au même résultat fiscal.

À l’inverse, dans les affaires Robert Bédard Auto Ltée c. MRN 252 et Olympia& York253, la Cour a décidé que malgré la promesse de vente ainsi que ladélivrance et le transfert de possession de la chose vendue, il n’y avait pas euvente au sens du Code civil car les parties avaient exprimé l’intention de retarderle transfert du droit de propriété jusqu’à la signature de l’acte de vente. Il anéanmoins été décidé, dans les deux cas, qu’il y avait eu « disposition » au sensde la LIR, en vertu des critères élaborés par la jurisprudence de common law, àsavoir le courant jurisprudentiel ayant appliqué le test de Wardean Drilling254.

La rétroactivité prévue par contrat

Tel que discuté précédemment, les parties peuvent stipuler une date d’entrée envigueur du contrat antérieure à la date de signature, dans la mesure où, à cettedate antérieure, les parties étaient parvenues à un accord définitif sur leséléments essentiels du contrat. La question est de savoir si cette date antérieuresera considérée comme la date de la transaction aux fins fiscales. La questionétant la même en droit civil et en common law, l’auteure fait état des autorités

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recensées sur la question dans les deux systèmes, puisque la réponse sembledevoir être la même.

Il a été démontré que l’intention des parties de transférer la propriété à unedate antérieure à la signature de l’acte de vente est valide aux fins fiscales. Eneffet, dans les affaires Dubois et Kozan, la Cour a décidé que la disposition ausens de la LIR avait eu lieu dès la promesse de vente avec prise de possession,malgré la signature de l’acte de vente à une date postérieure255.

Dans Reilly Estate c. La Reine256, la division de première instance de la Courfédérale a reconnu que la disposition aux fins fiscales avait eu lieu au momentde la conclusion d’un « binding agreement » entre les parties.

Dans cette affaire, le contribuable avait convenu, par lettre d’entente signéeen 1972, de vendre certains lots de terre, le contrat final n’ayant été signé qu’en1973. Le juge Muldoon s’est fondé sur le critère du « binding agreement » pourdéterminer le moment de la disposition : après avoir examiné la lettre d’entente,il a conclu qu’en vertu des règles de common law, il s’agissait d’un contrat liantles parties, car il contenait l’accord des parties sur tous les éléments essentielsdu contrat. Le contrat final reprenait tous les termes de la lettre d’entente, àquelques détails près. Le juge a décidé que la vente avait eu lieu lors de lasignature de la lettre d’entente, et que la disposition avait donc eu lieu à cemoment car, tel que décidé dans Victory Hotels257, c’était l’événement quidonnait au vendeur le droit au produit de disposition.

La Cour fédérale, division de première instance, a reconnu la rétroactivitéconférée au contrat par les parties dans Miller c. La Reine258. La contribuable,une enseignante, était partie à une convention collective qui venait à échéanceen décembre 1979. À la suite d’un arbitrage, une nouvelle convention, entréeen vigueur en 1981, prévoyait une augmentation rétroactive au 1er janvier 1980avec intérêts payables sur cette augmentation.

Le ministre du Revenu soutenait qu’il ne s’agissait pas d’intérêts car il n’yavait aucun principal durant la période où l’intérêt s’accroissait. Par contre, lacontribuable s’appuyait sur l’arrêt Perini Estate pour soutenir qu’il s’agissaitd’intérêts, même si le montant du principal ne pouvait être déterminé à l’avance.

La juge Reed a donné raison à la contribuable, étant d’avis que la cause étaitsimilaire à l’affaire Perini Estate et qu’il fallait donner effet au caractèrerétroactif donné par les parties à leur entente :

Equally, I cannot find in the Perini and Huston cases a requirement that in order toconstitute an interest payment the formula for such payment must be decided uponprior to the commencement of the time period to which the interest relates. It isopen to the parties to govern their relationship by retroactive agreements: Trollope& Colls et al. v. Atomic Power Constructions, Ltd., [1962] 3 All E.R. 1035. And itis open to them, when they do so, to provide for interest to be payable on theoutstanding sum left due over the relevant period of time. In my view thetaxpayer’s situation in this case is similar to that of the taxpayer in Perini. […]

In my view the $62.51 was genuinely a payment of interest. The parties agreedthat their relationship would be governed on the basis of the retroactive agreement.

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This involved the retention of monies owing to the Plaintiff for which compensationwas ultimately paid. The compensation paid was described by the parties and thearbitration board as interest. It was calculated on an accrual basis by reference to anormal rate of interest then current or with respect to the employer’s cost ofborrowing. I can see no reason why this does not fall within the meaning of theword “interest” as it is used in section 110.1 of the Income Tax Act259.(soulignements de l’auteure)

Quant à la doctrine, la plupart des auteurs260 sont d’avis que la date d’entréeen vigueur antérieure à la signature du contrat est valide et applicable en matièrefiscale, pourvu qu’à cette date antérieure, les parties aient conclu un contratverbal, un « legally binding agreement »; pour qu’il y ait un tel accord, il fautqu’il y ait une offre acceptée, et que tous les termes essentiels du contrat soientfixés de façon définitive.

La rétroactivité prévue par le Code civil

Tel que discuté, le Code civil prévoit la rétroactivité dans de nombreux cas,notamment en matière de dissolution du régime matrimonial et en matièresuccessorale. Le droit fiscal reconnaît-il cette rétroactivité ?

Dans l’arrêt MRN c. Faure261, la Cour suprême du Canada a répondupositivement à cette question. Dans cette affaire, il s’agissait de déterminer siles bien de l’époux décédé étaient « passés » au conjoint survivant au momentdu décès, au sens de la Loi sur les droits de succession (Estate Tax Act)262. Lesépoux étaient mariés en communauté de biens en vertu du Code civil belge,lequel, de l’aveu des parties, contenait des règles identiques à celles du CcB-C.Le contrat de mariage stipulait une clause « au dernier vivant les biens ».

La Cour suprême a décidé que les biens n’étaient pas « passés » à l’épouseau moment du décès de l’époux, puisqu’en vertu du droit civil, elle était réputéeavoir acquis la propriété des biens de la communauté rétroactivement au jourdu mariage. La Cour s’exprimait ainsi, sous la plume du juge De Grandpré :

Whatever the nature of the community may be, on its dissolution by the death ofthe husband, giving rise to application of the above-mentioned stipulation in themarriage covenants, the widow became owner of all the property, retroactively tothe date of the marriage. In Sura v. Minister of National Revenue, [1962] S.C.R.65, speaking of the share of the community property going to the spouse in a casein which the exclusive right of the survivor was not at issue, Taschereau J., as hethen was, stated (at p. 71):

« [Translation] … If the wife was not co-owner of the community property,she would have to pay succession duties on dissolution of the community,because there would then be a passing of property from her husband.However, this is not the case here, because there was no passing, butpartition, in which she took the share coming to her, which had belonged toher since the marriage. What she received did not come from the estate ofher husband. »

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In support of his views, Taschereau J. cited as authorities several authors,including Mignault, who stated, in volume six of his Droit Civil, p. 337, that inthe event of renunciation the interest is retroactively terminated, the other spousebeing [Translation] “deemed to have always been the sole owner of the propertywhich made up the community”263. (soulignements de l’auteure)

La Cour suprême a ainsi reconnu expressément l’application, en droit fiscal,de la rétroactivité prévue par une loi provinciale, en l’espèce le Code civil. Ellea conclu qu’aux fins fiscales, le moment de la transmission de la propriété debiens est déterminé par le Code civil et, puisqu’il prévoit la rétroactivité dudroit de propriété de l’époux survivant, le droit fiscal suit cette détermination.

L’analogie avec la rétroactivité des obligations conditionnelles apparaît defaçon évidente. Si la Cour suprême reconnaît que la rétroactivité prévue auCode civil est applicable en droit fiscal pour déterminer le moment où lapropriété de biens est « passée » aux fins de la Loi sur les droits de succession,comment ne reconnaîtrait-elle pas la rétroactivité de la condition pourdéterminer le moment de la disposition aux fins de LIR ?

Le même raisonnement a été appliqué dans la décision Furfaro-Siconolfi c.La Reine264. Dans cette affaire, il s’agissait de déterminer, au sens de l’article160 LIR, à quel moment une somme de 30 000 $, qui faisait l’objet d’unedonation en vertu du contrat de mariage, avait été « transférée » à l’épouse.Bien que le contrat de mariage existait avant la dette fiscale, la somme n’avaitété payée à l’épouse que trois ans plus tard. La contribuable soutenait que le« transfert » de la somme avait eu lieu au moment du contrat de mariage, et quel’article 160 ne pouvait donc s’appliquer.

Le juge Pinard souligne d’abord qu’il n’existe aucune définition dans la LIRdu terme « transfert ». En faisant référence aux différentes définitions ordinaireset légales de ce mot, il conclut que la Loi vise le simple transfert de propriété,sans qu’il soit nécessaire que le bénéficiaire soit mis en possession du bien. Parla suite, pour déterminer le moment du transfert de la propriété de la somme enquestion, le juge fait référence au droit civil du Québec :

Or, c’est par l’effet des articles 777, 782, 787, 788, 795, 817, 819, 821, 822 et1085 du Code civil du Bas-Canada qu’en l’espèce la donation de $30,000stipulée au contrat de mariage a eu pour effet de transférer la propriété de cetargent à la demanderesse dès la signature de ce contrat, le 2 septembre 1977,contrat effectivement suivi du mariage des parties265.

Par contre, dans l’affaire Riverin c. La Reine266, la Cour canadienne del’impôt a refusé de reconnaître l’effet rétroactif de la dation en paiement auxfins de la détermination du moment du « transfert » au sens de l’article 160 LIR.Dans cette affaire, le contribuable avait consenti à un tiers un prêt garanti parune hypothèque immobilière. Le débiteur est devenu insolvable, et à la suite dela signification d’un avis de 60 jours, il a consenti à une dation en paiement

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volontaire de l’immeuble. Le ministère du Revenu a réclamé au contribuableles dettes fiscales du tiers, invoquant le « transfert » de l’immeuble au sens del’article 160 LIR.

Le contribuable prétendait que la dation en paiement ne constituait pas un« transfert » au sens de l’article 160, car il s’agissait d’une prise en paiementforcée étant donné la signification de l’avis requis par l’article 1040a CcB-C,argument qui a été rejeté267. Le juge Archambault s’est toutefois penché sur uneseconde question, à savoir à quel moment avait eu lieu le transfert, car en vertudu CcB-C, la dation en paiement avait un effet rétroactif au jour de la signaturedu contrat de prêt268. Reconnaissant que le CcB-C créait une « fiction juridique »selon laquelle le transfert avait eu lieu en février 1989, le juge s’est toutefoisappuyé sur l’article de Me Diane Bruneau269 pour conclure que la rétroactivité nes’applique qu’aux questions de droit, non pas aux questions de fait. Selon lui,puisque dans les faits l’immeuble n’avait été transféré qu’en 1990, c’est à cemoment que le transfert avait eu lieu au sens de l’article 160 LIR :

I agree with Professor Bruneau’s analysis. In 1990, the immoveable passed fromMr. Demers’ patrimony to Mr. Riverin’s. This is a fact. In law, the effects of thistransfer are deemed to be retroactive to the date of the agreement that created thegiving in payment. For the purposes of subsection 160(1) of the Act, the transferof the immoveable took place in May 1990270.

Comme l’auteure a déjà exprimé son désaccord avec Me Bruneau sur cettequestion, il va sans dire qu’elle est également en désaccord avec la décision dela Cour canadienne de l’impôt dans cette affaire.

Les conditions precedent et les conditions subsequent

Une analyse sera maintenant faite de la jurisprudence sur la question du momentde la « disposition » en présence d’une condition precedent ou d’une conditionsubsequent.

D’abord, la jurisprudence a clairement établi que lorsqu’il existe une truecondition precedent, au sens de l’arrêt Turney c. Zhilka271, le beneficialownership n’a pu être transféré à l’acheteur avant que la condition ne soitaccomplie et en conséquence, il n’a pu y avoir « disposition » au sens de la Loiavant ce moment272. La doctrine est généralement du même avis273.

Il est important de souligner qu’en common law, le test de Wardean Drillingn’est pas appliqué en présence de véritables conditions precedent; il ne sauraitêtre prétendu que si l’usage, la possession et le risque sont transférés, ladisposition a eu lieu, malgré l’existence d’une condition precedent non accomplie.Tel que l’auteure l’a déjà fait remarquer, le second volet du test vise le cas desconditional sales agreements, dans le cadre desquels le titre demeure entre lesmains du vendeur à titre de sûreté pour garantir le paiement du prix. Ce conceptse rapproche davantage de la vente à tempérament en droit civil que des

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obligations conditionnelles. L’auteure est d’avis que lorsqu’il existe unevéritable condition precedent de common law ou une condition suspensive dedroit civil, le second volet du test de Wardean Drilling ne saurait s’appliquer.

La question de l’effet des conditions precedent s’est souvent posée eu égard aumoment de la réalisation du revenu. En effet, l’alinéa 12(1)b) LIR prévoit que lessommes suivantes sont à inclure dans le revenu d’entreprise pour l’année :

[L]es sommes à recevoir par le contribuable au titre de la vente de biens ou de lafourniture de services au cours de l’année, dans le cours des activités d’uneentreprise, même si les sommes, en tout ou en partie, ne sont dues qu’au coursd’une année postérieure […]

[A]ny amount receivable by the taxpayer in respect of property sold or servicesrendered in the course of a business in the year, notwithstanding that the amount orany part thereof is not due until a subsequent year […] (soulignements de l’auteure)

L’ancien alinéa 85B(1)b) était essentiellement au même effet. La Cour del’Échiquier, dans la décision MRN c. John Colford Contracting Co.274, a établique pour qu’un montant soit « à recevoir », le créancier doit avoir un droit clair,bien que pas nécessairement immédiat, de le recevoir :

In the absence of a statutory definition to the contrary, I think it is not enough thatthe so-called recipient have a precarious right to receive the amount in question,but he must have a clearly legal, though not necessarily immediate, right to receiveit275. (soulignement de l’auteure)

Le juge poursuit en affirmant que pour déterminer si les sommes en questionsont « à recevoir », c’est-à-dire si le contribuable y a un droit clair, il fautexaminer le droit de la province où a été signé et exécuté le contrat. Or, encommon law, lorsque le contrat contient une condition precedent, le contribuablene peut avoir droit au montant que lors de l’avènement de la condition. Enconséquence, ce n’est qu’au moment de la réalisation de la condition precedentque le contribuable doit inclure le montant dans son revenu276. La doctrine estau même effet277.

L’analogie entre le moment de l’inclusion du revenu et celui de la disposition,si elle n’est pas parfaite, est soutenue par le texte de loi : dans le cadre d’unevente, il y a disposition lorsque se produit un « événement donnant droit aucontribuable au produit de disposition », le produit de disposition étant le prix devente; il y a inclusion au revenu, en vertu de 12(1)b) LIR, lorsque le contribuablea un droit clair, quoique pas nécessairement immédiat, de recevoir la somme enquestion. Me Brian J. Arnold écrivait à ce sujet :

In summary, revenue from the sale of property is generally considered to berealized for income tax purposes when the vendor becomes legally entitled toreceive and retain payment for the property. […]

Therefore, the time of recognition of business or property income under section9 for an accrual basis taxpayer is virtually the same as the time of disposition of

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property for purposes of recapture of capital cost allowance and capital gains undersections 13 and 54 respectively278.

Quant à la vente soumise à une condition subsequent, la jurisprudence et ladoctrine279 sont unanimes : dès que le contrat est conclu, il y a disposition etl’existence de la condition subsequent n’a aucun impact sur cette disposition.Lors de la réalisation de la condition, une seconde disposition se produit.Comme la condition subsequent en common law n’a pas d’effet rétroactif, laquestion de la rétroactivité ne se pose pas.

Les autres cas de rétroactivité en common law

La rétroactivité prévue par contrat

Comme le traitement fiscal de la rétroactivité conventionnelle, c’est-à-dire lechoix par les parties d’une date d’entrée en vigueur du contrat antérieure à sasignature, est le même en common law et en droit civil, ce sujet a déjà étécouvert. Le lecteur peut se reporter à la rubrique du même nom sous « Autresconcepts de droit civil qui soulevent des questions de rétroactivité ».

La rétroactivité prévue par la loi provinciale

Il a été mentionné que dans certains cas, les lois statutaires provincialesaccordent aux tribunaux le pouvoir de rendre des ordonnances ayant un effetrétroactif. L’auteure passe maintenant à l’examen de l’impact fiscal de tellesordonnances. L’arrêt Hillis c. La Reine280 est très représentatif de l’incertitude etdes conflits jurisprudentiels entre les différentes tendances existantes à cet égard.

Monsieur Hillis était décédé sans testament, le 21 février 1977, laissant uneépouse et deux fils. En vertu du Intestate Succession Act281 de la Saskatchewan,son épouse avait droit à 10 000 $, plus le tiers de l’excédent de la succession, etses deux fils avaient droit au reste.

Pour des raisons obscures, ce n’est qu’en 1979 que des gestes concrets ont étéentrepris en vue du règlement de la succession. Le 29 novembre 1979, la veuvedu de cujus a déposé une requête à la Court of Queen’s Bench de la Saskatchewan,en vertu du Dependant’s Relief Act282. Cette loi permet aux personnes à chargedu défunt de demander à la Cour de leur allouer une partie de la successionsuffisante pour subvenir à leurs besoins, selon ce que la Cour considère juste etéquitable. Le 14 décembre 1979, la Court of Queen’s Bench rendait uneordonnance selon laquelle tous les biens du défunt devaient être dévolus àMadame Hillis.

L’article 14 du Dependant’s Relief Act, crucial dans cette affaire, édicte cequi suit :

14. (1) Where an order is made under this Act, then for all purposes, including thepurposes of enactments relating to succession duties, the will shall have effect, andshall be deemed to have had effect from the testator’s death, as if it had been

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executed, with such variations as are specified in the order, for the purpose ofgiving effect to the provision for maintenance made by the order283.

Ainsi, le paragraphe 14(1) prévoit que l’ordonnance de la Cour en vertu duDependant’s Relief Act s’applique rétroactivement à la date du décès.

En l’espèce, il s’agissait de déterminer si madame Hillis avait droit aubénéfice du paragraphe 70(6) LIR, tel qu’il se lisait à l’époque, et dans lequel unroulement au conjoint survivant était prévu dans les circonstances suivantes :

[…] if the property can, within 15 months after the death of the taxpayer or suchlonger period as is reasonable in the circumstances, be established to have becomevested indefeasibly in the spouse or trust, as the case may be, not later than 15months after the death of the taxpayer, the following rules apply: […](soulignements de l’auteure)

Pour avoir droit au roulement, il fallait donc d’une part que les biens de lasuccession aient été dévolus irrévocablement à madame Hillis dans les 15 moissuivant le décès de son époux, et d’autre part que cette dévolution puisse êtreétablie dans les 15 mois ou dans un délai raisonnable selon les circonstances.Aux fins de cet article, seule la première condition est d’intérêt.

En Cour d’appel fédérale, les juges Clément, Heald et Pratte ont écrit desopinions distinctes dont les conclusions sont totalement différentes. L’auteurene commente que la partie de leur opinion qui porte sur la part de la successionattribuée à madame Hillis par l’ordonnance du 14 décembre 1979284. Il s’agit desavoir si cette ordonnance a un effet rétroactif à la date du décès, aux fins duparagraphe 70(6) LIR.

Après avoir examiné les paragraphes 4(2) et 14(1) du Dependant’s ReliefAct, le juge Clément conclut ainsi :

S. 4(2) of this statute deems the existence of a will with provisions such as thosemade by the Intestate Succession Act. But this fiction does not have force until anapplication for relief is made by or on behalf of a dependant, and then only for thepurposes of the statute which cannot include federal income tax. And by s. 14(1) it isnot until an order is made that the fictional will, modified as to the court may seemproper in the circumstances having regard to the purposes and directives of thestatute, is to have effect. Then, the deemed will is deemed to have effect from thedate of death of the intestate. These provisions are stated to be for all purposes, butobviously that can mean only for all provincial purposes. They cannot be taken tointrude fictions for provincial purposes into the interpretation and operation of theAct. The latter takes its operation in the realities of the circumstances subject onlyto such directives as it may itself prescribe285. (soulignement de l’auteure)

Le juge Clément affirme ainsi catégoriquement que la LIR ne tient compteque de la réalité des circonstances, qu’elle est assujettie uniquement auxdispositions qu’elle prescrit elle-même, et qu’elle n’est pas assujettie aux

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fictions juridiques créées par la loi provinciale. Le principe de complémentaritédu droit privé est clairement écarté.

Quant au juge Pratte, il est d’avis que, même en admettant la rétroactivité del’ordonnance au jour du décès, il n’en demeure pas moins que ce n’est que lors del’émission de l’ordonnance que les biens ont été dévolus; avant que l’ordonnancene soit prononcée, la dévolution n’existait pas. En d’autres termes, ce n’est qu’àpartir du moment où l’ordonnance a été prononcée que madame Hillis a acquisle droit à la succession. Le juge Pratte exprime son raisonnement ainsi :

[…] when did the estate become indefeasibly vested in Mrs. Hillis? In my view,[…] when the order was pronounced since the effects of […] the Court order, inspite of [its] retroactivity, did not exist as long as […] the Court order was notpronounced. It is only when […] the Court order was pronounced that Mrs. Hillisbecame entitled to the whole of her husband’s estate with retroactive effect to thedate of his death. If, therefore, […] the Court order had, as contended by theappellants, the effect of vesting the estate in Mrs. Hillis, that effect did not takeplace within 15 months after the death of Mr. Hillis286.

Le juge Heald établit d’emblée son intention d’appliquer le principe decomplémentarité du droit privé :

I agree with appellant’s counsel that the wording of subsection 70(6) of the IncomeTax Act contemplates the disposition of property other than by will, as well as bywill, since it deals with the transfer or distribution of property after the death of ataxpayer and “… as a consequence thereof…”. This wording, in my view, makes itclear, that Parliament contemplated that the law of the provinces in respect of thedisposition of property on or after death, being matters relating to property and civilrights, would apply so as to control the application of subsection 70(6) in accordancewith the law of the particular province concerned287. (soulignement de l’auteure)

Il se doit donc d’appliquer les dispositions de la loi provinciale, en l’occurrence,le Dependant’s Relief Act. Selon son interprétation des paragraphes 4(2) et 14(1)de cette loi, le juge Heald conclut que l’effet rétroactif de l’ordonnance fait ensorte que les biens de la succession soient dévolus irrévocablement, dès le décès.Il se fonde notamment sur l’objet du paragraphe 70(6) LIR pour conclure quel’intention du législateur fédéral n’était pas d’écarter l’application de la loiprovinciale à cet égard.

Bien que les trois juges soient divisés sur l’issue du pourvoi, deux sur troisont conclu que la rétroactivité prévue par la loi provinciale ne s’appliquait pas àla LIR, quoique pour des motifs très différents. Le juge Clément semble se rallierau courant jurisprudentiel favorable à l’application uniforme de la Loi dansl’ensemble du pays, sans tenir compte des particularités du droit privé desprovinces. Le juge Heald, à l’autre extrémité du spectre, considère que le droitprivé provincial, n’ayant pas été écarté par le législateur fédéral, doit s’appliquer.Quant au juge Pratte, il adopte une position qui pourrait être designée comme

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approche « factuelle » : pour lui, la rétroactivité ne peut modifier les faits qui sesont produits antérieurement à l’événement déclencheur de la rétroactivité,notamment la « dévolution » des biens288.

La jurisprudence et la doctrine en résumé

Une fois complétée l’analyse de la jurisprudence et de la doctrine relatives à lanotion de disposition et à la rétroactivité prévue par le Code civil et la commonlaw, il se dégage certaines tendances, bien que la jurisprudence ne soit pastoujours cohérente.

Selon la jurisprudence, la notion de disposition doit être interprétée de façonlarge, car la définition de « disposition » dans la Loi n’est pas exhaustive. Sanslimiter le sens ordinaire du mot « disposition », la définition élargit cette notionà des concepts qui, autrement, n’en feraient pas partie. Toutefois, lorsqu’il estquestion de vente, les tribunaux sont d’avis que la définition donnée dans la Loirestreindrait la disposition aux événements qui confèrent au vendeur le droit derecevoir le produit de disposition, c’est-à-dire le prix de vente.

Ainsi, puisque la définition de disposition dans la Loi n’est pas censée êtreexhaustive, il faut avoir recours au droit privé des provinces pour la compléteret l’interpréter.

À cet égard, l’auteure a exprimé son désaccord avec la décision Olympia &York, de même qu’avec l’opinion des juges majoritaires dans l’arrêt ConstructionBérou. En tout respect, l’auteure est d’avis que c’est à tort qu’ils ont adopté letest de Wardean Drilling pour l’application de la notion de « disposition » oud’« acquisition » au Québec. D’une part, Wardean Drilling est une décision decommon law, alors que le droit privé qui doit compléter la LIR au Québec est ledroit civil; d’autre part, cette décision est fondée sur la règle de common law dela division de la propriété entre le legal owner et le beneficial owner, alors quele droit civil ne reconnaît pas cette division du droit de propriété.

En outre, le test élaboré dans Wardean Drilling ne doit pas être interprétécomme établissant que la disposition ou l’acquisition a lieu dès le moment dutransfert du beneficial ownership; ce n’est que lorsque le vendeur conserve letitre de propriété à titre de garantie du prix de vente, comme par exemple dans lecas d’un conditional sales agreement ou d’une vente à tempérament, qu’ildevrait être considéré qu’il y a disposition au moment où les attributs ordinairesdu droit de propriété sont transférés à l’acheteur. En conséquence, l’auteure estd’avis que même si ce test était adopté au Québec, il ne devrait pas s’appliquerdans les cas de véritables conditions suspensives puisque dans ces cas, le titre depropriété n’est pas conservé à titre de sûreté mais simplement en attendant quesurvienne ou non l’événement qui constitue la condition. De même, dans les casde conditions résolutoires, le vendeur ne conserve pas le titre de propriétécomme garantie; au contraire, le titre est transféré à l’acheteur, et ce n’est quelors de l’avènement de la condition qu’il sera remis au vendeur avec effetrétroactif, comme s’il n’avait jamais été transféré.

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Il ne faut pas non plus confondre le test de Wardean Drilling, qui s’appuyaitsur une conception large de la notion de disposition englobant autre chose que cequi est prévu explicitement dans la définition de la Loi, avec la restriction decette définition prévue à l’alinéa e) de la définition de « disposition » auparagraphe 248(1) LIR. En effet, l’alinéa e) prévoit qu’un transfert de bien quin’a pas pour effet d’en changer la « propriété effective » ne constitue pas unedisposition. En d’autres termes, le seul transfert du legal ownership, sans lebeneficial ownership, ne constitue pas une disposition au sens de la Loi. L’inverse,à savoir que le seul transfert du beneficial ownership, sans le legal ownership,constituerait une disposition, n’est nullement prévu à l’alinéa e). Cette dernièreaffirmation ne s’appuie pas sur le texte de loi, mais provient uniquement de lajurisprudence de common law.

Quant à la notion de « disposition », il faut insister sur le fait que la définitiondans la Loi n’est pas exhaustive et qu’il est donc nécessaire d’avoir recours audroit privé pour la compléter. Ce droit privé complémentaire, au Québec, est ledroit civil. Or, comme l’a suggéré la Cour suprême dans l’arrêt CompagnieImmobilière BCN289 et comme l’affirmait le juge Noël dans ConstructionBérou290, l’auteure est d’avis qu’en droit civil, la notion de « disposition » faitréférence à la disposition de la propriété d’un bien, telle que régie par le Codecivil. Ainsi, pour les obligations conditionnelles, il s’agira de déterminer, envertu du Code civil, à quel moment le vendeur a disposé de son droit depropriété sur la chose.

Quant à la rétroactivité prévue par le droit privé des provinces, qu’il s’agissedu Code civil, de la common law ou du droit statutaire des provinces, il existetrois approches différentes quant à son applicabilité aux fins de la LIR. Lapremière consiste à rejeter l’application de la rétroactivité au motif que la Loidoit s’appliquer uniformément dans l’ensemble du pays. Cette approche, plutôtmarginale, est représentée par l’opinion du juge Clément dans l’arrêt Hillis.

La deuxième approche rejette également l’application de la rétroactivité, maispour un motif différent : la rétroactivité prévue par la loi provinciale ne pourraitmodifier le passé, ni affecter les droits que des tiers pourraient avoir acquis entre-temps, notamment ceux de l’Agence. L’opinion du juge Pratte dans Hillis est àcet effet : les biens ayant été « dévolus » par l’ordonnance, il est impossible deprétendre qu’ils ont été « dévolus » avant que l’ordonnance n’ait été rendue,malgré l’effet rétroactif de l’ordonnance qui fait en sorte que les biens sontréputés avoir été dévolus dès le début. Sans répéter les réserves émises à leurégard, l’auteure souligne que les jugements Alepin291, Larose292 et Riverin293 fontégalement partie de ce courant.

Le troisième courant jurisprudentiel reconnaît l’application de la rétroactivitéaux fins de la LIR. Si la loi provinciale prévoit un effet rétroactif à un événementparticulier ou à un concept de droit privé, le droit fiscal doit tenir compte de l’effetrétroactif lorsqu’il attache des conséquences au concept de droit privé. La Coursuprême a reconnu la rétroactivité imposée par le droit provincial dans l’arrêtFaure294, et la Cour d’appel fédérale l’a fait dans Perini Estate295. La décision de

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la Cour fédérale, division de première instance dans l’affaire Furfaro-Siconolfi296

est au même effet, ainsi que l’opinion du juge Heald dans Hillis.Selon l’auteure, cette dernière position est correcte en droit. En outre, elle est

en désaccord avec l’argument avancé par les tenants de la deuxième approcheselon lequel la rétroactivité est une fiction juridique et la LIR ne s’occupe quede la réalité des faits. Ce n’est pas parce que la loi provinciale prévoit desconséquences juridiques rétroactives que ces conséquences ne sont pas « réelles »,de la même façon que d’autres concepts juridiques tels que la propriété.L’auteure appuie Me Joel Nitikman lorsqu’il affirme :

In short, it is agreed that the Act focuses on “reality”, but it is submitted that that“reality” is found in provincial/common law. A provincial statute or a rule ofcommon law which imposes retroactive legal consequences on persons is no more,but no less, real, than a statute or a rule which imposes those consequencesprospectively. The Act should recognize both equally297.

Quant à l’argument selon lequel la rétroactivité n’est pas opposable à l’Agence,le même auteur y répond ainsi :

If a retroactive agreement is binding as between the contracting parties in aprovincial court then it is binding for tax purposes, because the tax system is anaccessory to the provincial law system. The fact that the Minister was not a partyto the amending agreement is completely irrelevant; he was not a party to theoriginal agreement but there is no doubt he is bound by it as far as the taxconsequences arising from it are concerned298. (soulignement de l’auteure)

La position administrative de l’Agence des douanes et durevenu du Canada

La notion de disposition et les obligations conditionnelles

Quelle position l’Agence a-t-elle adoptée relativement à la notion de dispositionen général et plus particulièrement aux obligations conditionnelles ? Cette partiede l’article fait état des différentes prises de position énoncées par l’Agence, enordre chronologique, afin de constater l’évolution de cette position.

Le premier énoncé de politique administrative touchant la notion de dispositionet les obligations conditionnelles a été publié dans le Bulletin d’interprétationIT-170R299.

Tout d’abord, au numéro 2, le bulletin reprend le principe énoncé dans VictoryHotels, à savoir que « la date de la disposition d’un bien en immobilisationvendu est la date où le vendeur a “droit… au prix de vente du bien”. […] il fautattribuer à la date de la disposition un sens quelque peu restreint lorsque ladisposition de biens en immobilisation implique une vente ».

En ce qui concerne l’alinéa e) de la définition de « disposition » au paragraphe248(1) LIR qui prévoit qu’un transfert qui n’a pas pour effet de modifier lapropriété effective n’est pas une disposition, le numéro 4 du bulletin se lit ainsi :

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Le sous-alinéa 54c)(v) [248(1) “disposition” e)] stipule clairement […] que la Loine s’intéresse qu’aux dispositions qui constituent un changement dans le beneficalownership (la propriété de fait) (sauf indications contraires expresses). Le Ministèrea aussi la même opinion à l’égard des dispositions de biens amortissables décrites àl’alinéa 13(21)c) et de la vente de biens commerciaux en vertu de l’alinéa 12(1)b).Une transaction qui peut être décrite comme étant une « vente » n’est donc pasconsidérée aux fins de ce bulletin s’il n’y a aucun changement au même momentdans le beneficial ownership. Ces transactions engagent habituellement un« acheteur » qui peut être décrit comme agent, représentant, fiduciaire oucorporation prête-nom d’un « vendeur » qui fondamentalement garde le droit detraiter le bien comme s’il était encore à lui […]. (soulignements de l’auteure)

Ainsi, le ministre du Revenu affirmait que le concept de disposition estassimilé au transfert du beneficial ownership.

Dans un autre bulletin, le ministre s’est prononcé sur la notion d’acquisitionde biens aux fins de la déduction pour amortissement. Le Bulletind’interprétation IT-50R, remplacé par le IT-285R2, prévoit notamment ceci :

17. D’une façon générale, un contribuable sera réputé avoir acquis un bienamortissable à la première des dates suivantes :

a) la date à laquelle il obtient le titre de propriété du bien;b) la date à laquelle il détient tous les privilèges attachés à la propriété du

bien, comme la possession, l’usage et le risque, même si le titre légal demeureentre les mains du vendeur comme garantie du prix d’achat (comme c’est lapratique, dans le commerce, en vertu d’un contrat de vente conditionnelle).

Pour que le coût d’un bien soit compris dans une catégorie déterminée, l’acheteurdoit avoir un droit actuel sur le bien lui-même et non seulement des droits, envertu d’un contrat visant ce bien, portant sur l’acquisition future de celui-ci.

18. Lorsqu’on détermine si des biens amortissables ont été ou non acquis par uncontribuable, l’obligation légale qui lie le vendeur et l’acheteur, à l’égard de cesbiens, doit être étudiée. Par exemple, lorsque des biens meubles ont été acquis,les lois pertinentes relatives à la vente de biens sont applicables. Chaque province(sauf le Québec) a une Loi portant sur la vente de biens meubles qui établitsensiblement les mêmes règles à l’égard du droit de propriété visant les biensachetés et vendus. La règle de base veut que la propriété de biens déterminéschange de mains et que ceux-ci soient par conséquent acquis par l’acheteur aumoment où les parties au contrat le souhaitent, ainsi qu’il ressort des termes ducontrat, de la conduite des parties ou de toute autre circonstance.

19. Toutefois, lorsque l’intention des parties n’est pas ainsi démontrée, on doitappliquer les règles suivantes pour déterminer le moment du transfert des biens :

a) lorsqu’il existe un contrat sans condition à l’égard de la vente de biensdéterminés en état d’être livrés, les biens sont transférés à l’acheteur à lasignature du contrat, et il n’importe aucunement que la date du paiement ou ladate de livraison, ou les deux, soient reportées à plus tard;

b) lorsqu’il existe un contrat à l’égard de la vente de biens déterminés et que(i) le vendeur doit faire subir un certain traitement aux biens afin que

ceux-ci soient mis en état d’être livrés;

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(ii) s’ils le sont déjà, le vendeur doit les peser, les mesurer, les éprouverou faire autre chose afin d’en établir le prix,la propriété des biens n’est pas transférée tant que l’acheteur n’en a pas été averti

et que le vendeur n’a pas satisfait à ces conditions300. (soulignements de l’auteure)

Le numéro 17 reprend presque textuellement le test de Wardean Drilling.Quant au numéro 18, il souligne que pour déterminer si un bien a été acquis, ilfaut examiner l’obligation légale qui lie les parties en vertu du droit privéprovincial applicable. Le bulletin fait remarquer que dans les provinces autresque le Québec, des lois particulières régissent la vente de biens meubles, et s’enremet à ces lois pour déterminer le moment de l’acquisition. La fin du numéro18 et le numéro 19 ne font qu’expliquer les règles qui se trouvent dans les loisdes autres provinces. Quant au Québec, le bulletin laisse supposer qu’il faut s’enremettre aux règles du Code civil.

La position de l’Agence sur le traitement des conditions suspensives etrésolutoires est énoncée au Bulletin d’interprétation IT-170R de cette façon :

5. […] le Ministère est d’avis que, aux fins de l’impôt, il doit être tenu compte duprix de vente d’un bien vendu lorsque le vendeur a le droit absolu, mais pasnécessairement immédiat, d’être payé. Tant qu’il n’est pas satisfait à une“condition suspensive”, un vendeur n’a pas le droit absolu à être payé. Cependant,le fait qu’un événement postérieur à la conclusion d’une vente redonne le droit depropriété du bien en question au vendeur ou rajuste le prix de vente ne change pasle fait que le vendeur avait, à une date donnée, droit au prix de vente et donc avaitdisposé du bien aux fins de l’impôt à cette date-là. De la même manière, le faitqu’un contrat de vente fasse l’objet d’une rectification n’a aucune conséquencedans la détermination de la date de la disposition, à moins que cette rectification nesoit une condition suspensive de l’accord.

6. Une “condition suspensive” est un événement (au-delà du contrôle direct duvendeur) qui suspend la réalisation du contrat jusqu’à ce que la condition soitrespectée ou abandonnée et qui pourrait annuler le contrat “depuis le début” sicette condition n’était pas respectée ou abandonnée. (soulignements de l’auteure)

Ainsi, selon l’Agence, dans le cas d’une condition suspensive, la dispositionn’a lieu que lors de la réalisation de la condition, alors que dans le cas d’unecondition résolutoire, la disposition a lieu immédiatement et n’est pas annuléerétroactivement par l’accomplissement de la condition. Lorsque le bulletin faitréférence à une « condition suspensive », il vise en fait la condition precedentde la common law, ce qui apparaît d’ailleurs évident à la lecture de la versionanglaise du bulletin.

Par ailleurs, ce bulletin ne fait pas mention de l’effet rétroactif de la réalisationde la condition suspensive. Cependant, il semble laisser entendre qu’en cas dedéfaillance de la condition suspensive, le contrat sera considéré avoir été annulé« depuis le début », c’est-à-dire qu’il n’aura pas de conséquences fiscales.

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En ce qui concerne la condition résolutoire, il faut mentionner le numéro 19du même bulletin qui se lit comme suit :

19. Plusieurs ententes envisagent la possibilité d’une reprise par le vendeur debiens qui ont été vendus, lors d’un événement précis, de l’absence d’un événementprécis ou d’un défaut précis de l’acheteur. Si une reprise du beneficial ownershipse produit en raison de l’omissions [sic] de l’acheteur de payer la totalité ou unefraction du montant dû, l’article 79 prévoit les règles qui déterminent lesconséquences fiscales pour le vendeur et l’acheteur. Bien que la Loi ne prévoitaucune règle précise lorsqu’une reprise de biens se produit dans des situations oùl’article 79 ne s’applique pas, il est clair qu’une telle situation n’annule pas defaçon rétroactive les effets de la disposition originale aux fins de l’impôt sur lerevenu si l’entente rétablit le vendeur et l’acheteur dans la position que chacunoccupait avant que la vente n’ait eu lieu. (soulignement de l’auteure)

À cette époque, la position de l’Agence était donc de ne pas reconnaître larétroactivité de la condition résolutoire.

En 1981, lors du congrès de l’Association québécoise de planification fiscaleet successorale (ci-après « APQFS »), la question suivante a été posée auxreprésentants du ministère du Revenu :

Question 17 : MOMENT DE LA DISPOSITION D’UN BIENLe moment de la disposition d’un bien par un contribuable est un élémentimportant au chapitre du calcul du gain en capital et de la récupérationd’amortissement. Pour l’acheteur, il conditionne l’exercice de son droit d’amortirle bien acquis. L’expression “disposition” n’est pas définie dans la Loi de l’impôt.Le paragraphe 54(c) LIR comprend toutefois dans cette expression certainessituations précises. Étant donné le silence relatif du législateur, il peut exister descirconstances où le moment de la disposition est sujet à interprétation. C’est le caslorsqu’il y a cession des attributs du droit de propriété (possession, usage, risque)d’un bien, mais que le transfert de propriété est suspendu par la réalisation d’unecondition. À quel moment peut-on alors considérer qu’il y a disposition du bien ?

Point de vue du MinistèreLe Ministère est d’avis qu’aux fins de l’impôt, et donc de l’article 54 de la Loi, leprix de vente d’un bien ne doit être pris en considération que lorsque le vendeur aacquis le droit absolu d’être payé. Tant qu’une condition suspensive n’est passatisfaite, le vendeur n’a pas le droit absolu à être payé même si l’acheteur a prispossession du bien301. (soulignement de l’auteure)

Il s’agissait donc d’une prise de position non équivoque selon laquelle,lorsqu’il existe une condition suspensive en droit civil, la disposition n’a pas lieuavant la réalisation de la condition. Cependant, le ministère ne se prononce passur la question de la rétroactivité de la condition, une fois qu’elle s’est réalisée,bien que la réponse laisse implicitement entendre qu’il n’en sera pas tenu compte.

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À l’occasion du congrès de l’Association canadienne d’études fiscales(ci-après « ACEF ») de 1981, le ministère du Revenu exprimait son intentiond’appliquer la décision Olympia & York :

Q. 54 Disposition[…]

2) Has the Department of National Revenue accepted that a disposition maytake place when the attributes of ownership have been transferred (possession,use and risk) even though legal title may not have been transferred? In thisregard, will the Department apply Olympia & York Developments Ltd. v. TheQueen? […]

2) Generally, if all the incidents of ownership, that is, possession, use, andrisk, are given up and the taxpayer becomes entitled to proceeds of disposition, itis the Department’s view that a disposition has taken place whether or not legaltitle has been transferred. The Olympia & York decision supports us in thisregard302.

En 1983, lors d’une table ronde tenue au congrès annuel de l’AQPFS, leministère du Revenu eut à répondre à la question suivante :

QUESTION 3 : DISPOSITION AVEC CONDITION SUSPENSIVE OURÉSOLUTOIRELorsqu’une vente est fait [sic] sujette à une condition résolutoire, le titre de propriétéet la possession du bien vendu sont remis par le vendeur à l’acheteur. Toutefois,si la condition prévue dans le contrat de vente est réalisée, le Code civil de laprovince de Québec prévoit que la vente est réputée n’avoir jamais été réalisée.

Une vente peut aussi être faite sous condition suspensive. Dans un tel cas, letitre vendu demeure entre les mains du vendeur jusqu’au moment où la conditionest réalisée. La possession du bien peut ou ne peut pas être remis [sic] à l’acheteur.Toutefois, lorsque cette condition est réalisée, l’acheteur est réputé avoir étépropriétaire de la chose vendue depuis la date de la signature de l’acte de vente etnon pas à partir du jour où la condition a été réalisée. Pour les fins de l’impôt sur lerevenu, pourriez-vous confirmer qu’aucune disposition n’est réputée avoir eu lieulors d’une vente à condition résolutoire si cette condition est réalisée ? De même,pourriez-vous confirmer, pour les fins de l’impôt sur le revenu, que la dispositionlors d’une vente à condition suspensive est considérée comme ayant eu lieu lorsde la signature du contrat de vente et non pas lorsque la condition est réalisée ?

POINT DE VUE DE REVENU CANADA, IMPÔTLes conséquences fiscales de la réalisation de la condition attachée à une clausesuspensive ou résolutoire dépendra [sic] des faits et circonstances particuliers àchaque situation.

En premier lieu, il est important de souligner que les conditions suspensivesou résolutoires n’ont d’effet que sur le contrat de vente, donc ne s’appliquent pasaux événements qui se produisent subséquemment à la date du contrat de vente.En conséquence la réalisation de ces conditions n’annulera pas aux fins de la LIR,les transactions ou actes accomplis par les parties au contrat entre la date de lasignature et la date de réalisation de la condition suspensive ou résolutoire.

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Quant à l’effet des conditions suspensives ou résolutoires s’appliquant à lavente elle-même, le Ministère généralement [sic] le traitement suivant selon lescirconstances.

Lorsqu’il s’agit d’une vente conditionnelle sans prise de possession, nijouissance du bien avant l’accomplissement de la condition, appelée condition“précédent” [sic] sous le droit coutumier, le Ministère considère qu’il n’y pas euvente tant que la condition n’est pas réalisée.

Dans le cas où la condition est suspensive c’est-à-dire qu’elle doit se réaliserpour confirmer la vente, et qu’il y a prise de possession et jouissance de sorte quel’acquéreur obtient le “beneficial ownership” dès la signature du contrat, leMinistère est d’avis que la vente a eu lieu à ce moment avec ou sans réalisationde la condition.

Cependant, lorsqu’un bien est rétrocédé par suite de la réalisation d’une conditionrésolutoire qui a pour effet d’annuler une vente lorsqu’elle est réalisée ou par suited’une condition suspensive qui n’est pas réalisée, le Ministère considère qu’il y adisposition en faveur du vendeur en vertu de l’alinéa 54(c)i). Quoique légalement,le droit de propriété pourra être annulé rétroactivement, la rétrocession du“beneficial ownership” n’a lieu qu’à ce moment là. En conséquence il y auradisposition aux fins de la LIR et le paragraphe 79 pourra être applicable303.

La formulation de la réponse est très ambiguë : le ministère parle de« condition précédent », de « droit coutumier », de « condition suspensive » etde « beneficial ownership », sans préciser s’il fait référence aux concepts dedroit civil ou de common law. Partant du principe que la question a été poséelors d’un congrès d’une association québécoise de fiscalistes, la réponse devraits’appliquer au droit civil.

Telle que l’auteure l’interprète, la réponse du ministère du Revenu énonceainsi la position administrative : lorsqu’il y a une condition suspensive en droitcivil et que l’acheteur prend immédiatement possession du bien de telle sortequ’il en obtient le beneficial ownership, le ministère considère qu’il y a « vente »,indépendamment de la réalisation ultérieure de la condition. (Il est difficile desavoir si le ministère vise simplement le transfert de la possession ou s’il exigela transmission de tous les attributs ordinaires du droit de propriété. Puisquecette position semble reprendre le critère de Wardean Drilling, il faudrait à toutle moins que la possession, l’usage et le risque aient été transférés.)

Par ailleurs, en ce qui concerne les conditions precedent, en common law lebeneficial ownership ne peut être transféré à l’acheteur tant et aussi longtempsqu’il existe une véritable condition precedent non réalisée304. Ainsi, en droitfiscal, il ne peut y avoir disposition avant la réalisation de la conditionprecedent. C’est ce que la réponse du ministère confirme, sans le dire clairement.

À l’inverse, dans les cas de vente sous condition suspensive sans transfertimmédiat de possession, le ministère est d’avis que la « vente » n’a pas lieu tantque la condition suspensive ne s’est pas réalisée. Il est à noter que l’effetrétroactif de la condition suspensive en droit civil n’est toujours pas mentionné.

Le ministère du Revenu a donc modifié sa position quant aux conditionssuspensives : contrairement à ce qui était affirmé en 1981, il tiendra compte du

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transfert de possession, et possiblement des autres attributs ordinaires du droitde propriété, pour déterminer si une vente sous condition suspensive donne lieuà une disposition immédiate. Il appert que ce changement de position fassesuite à la décision de la Cour fédérale dans Olympia & York.

Il est intéressant de remarquer également que le ministère emploie le terme« vente » plutôt que celui de « disposition » : la réponse explique dans quellescirconstances il y aura « vente » aux yeux du ministère. Il semble ainsi que lesautorités fiscales utilisent elles-mêmes les termes « vente » et « disposition » àtitre de synonymes, ce qui appuie la position de l’auteure selon laquelle ladisposition est liée au transfert de propriété.

Par ailleurs, la réponse précise également que si la condition suspensive nese réalise pas dans un cas où la possession avait été transférée à l’acheteur, ousi la condition résolutoire se réalise, le ministère considère que la restitution dubien au vendeur constitue une seconde disposition aux fins fiscales, puisqu’il ya un deuxième transfert du beneficial ownership.

En 1987, dans le cadre du congrès de l’ACEF, il a été demandé au ministèrede se prononcer sur la question suivante :

Q. 70 Transfert de biens : déclaration du revenuUn contribuable achète les biens d’une entreprise d’un vendeur avec lequel il n’a pasde lien de dépendance, mais la transaction ne sera conclue qu’une fois l’approbationreçue d’Investissement Canada. L’acheteur et le vendeur conviennent que latransaction sera jugée entrer en vigueur à une date antérieure et que les bénéficestirés de l’exploitation de l’entreprise par l’acheteur à partir de cette date antérieurejusqu’à la date où la transaction sera conclue constitueront des bénéfices del’acheteur.

Le Ministère considère-t-il la déclaration de ce revenu par l’acheteur valableaux fins de l’impôt, même si les biens ne sont transférés qu’à la date où latransaction est conclue ?

Position du MinistèreComme l’indiquent les paragraphes 5 et 6 du Bulletin d’interprétation IT-170R, sile transfert du droit de propriété dépend d’une véritable condition suspensive, ladisposition n’a pas lieu tant que la condition suspensive n’est pas remplie. Pourl’application de la loi, le transfert du droit de propriété de l’entreprise n’aura doncpas lieu avant que l’approbation d’Investissement Canada ne soit reçue. Aucuneconvention entre le contribuable et le vendeur qui viserait à donner au transfert uneffet rétroactif n’est valable aux fins de l’impôt. Tout revenu tiré de l’exploitationde la division avant le transfert sera un revenu du vendeur305. (soulignements del’auteure)

À première vue, le ministère semble revenir à la position exprimée en 1981au congrès de l’AQPFS, selon laquelle la condition suspensive du droit civil nedonne pas lieu à une disposition avant sa réalisation, indépendamment dutransfert de la possession du bien. Toutefois, il semble que la réponse duministère ne visait ici que les conditions precedent de la common law306. Deux

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raisons sous-tendent cette conclusion. D’abord, la réponse a été donnée lorsd’un congrès de l’ACEF, une association pancanadienne. La version anglaise dela réponse utilise d’ailleurs l’espression true condition precedent307. Or, tel quedéjà discuté, la condition precedent empêche la disposition tant qu’elle n’estpas réalisée, puisqu’il ne peut y avoir transfert du beneficial ownership.

Ensuite, la question mentionnait que « les biens ne sont transférés qu’à ladate où la transaction est conclue », faisant référence à la date de clôture. Cettequestion ne portait donc pas sur la condition suspensive en droit civil dans uncas de transfert immédiat de la possession, ni sur la question de la rétroactivitéde la condition suspensive, mais sur la reconnaissance par le ministère de ladate d’entrée en vigueur de la transaction convenue par les parties. Cet aspectde la réponse sera repris plus loin dans le texte.

En 1989, à l’occasion du congrès de l’Association de planification fiscale etfinancière (ci-après « APFF »), la question suivante a été soulevée lors de latable ronde :

1.29.—VENTE SOUS CONDITION SUSPENSIVESelon le droit civil, un contribuable qui vend un immeuble sous conditionsuspensive (par exemple, en retenant la propriété jusqu’au parfait paiement duprix) demeure propriétaire du bien. Advenant le non-accomplissement de lacondition, les obligations des parties l’une envers l’autre sont annulées. Du pointde vue fiscal, Revenu Canada considère que la vente sous condition suspensiveconstitue une disposition.

Prenons le cas où un contribuable québécois effectue une telle vente encontrepartie d’un solde de prix de vente payable sur cinq ans. Suite à un défautde paiement dès la première année, le contribuable reprend possession du bien.Le contribuable avait réclamé une réserve en vertu du sous-alinéa 40(1)a)(iii) Loide l’impôt sur le revenu (Loi) pour l’année d’imposition de la vente.

Dans de telles circonstances, Revenu Canada a-t-il pour politique d’appliquerl’article 79 de la Loi même si, en droit civil, le contribuable québécois n’a pasacquis ou acquis de nouveau le “beneficial ownership” ou la propriété del’immeuble suite au défaut de paiement ?

Réponse-RevenuLe Ministère considère qu’une telle vente sous condition suspensive constitueune disposition aux fins de la Loi.

Si le bien est rétrocédé suite au défaut de paiement, le Ministère considèrequ’il y a une deuxième disposition aux fins de la Loi et que l’article 79 de cetteloi pourra être applicable.

Nous vous référons à cet égard aux réponses données aux tables rondes de1981 de l’ACEF (Q. 54(2)) et au Congrès 83 de l’AQPFS (Q. 3)308. (soulignementsde l’auteure)

Le ministère réitère ainsi la position exposée en 1983 au congrès de l’AQPFS,selon laquelle la disposition a lieu lors du transfert de la possession, malgrél’existence d’une condition suspensive non réalisée, et une seconde disposition

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survient lorsque le bien est restitué au vendeur à la suite de la défaillance de lacondition.

Cette fois, la question, posée lors d’un congrès de l’APFF, vise clairement ledroit civil québécois; de plus, elle sous-entend que la possession a été transféréeà l’acheteur pendente conditione. Il faut cependant souligner que dans laquestion posée, il ne s’agissait pas d’une véritable condition suspensive maisplutôt d’une vente à tempérament; l’arrêt Venne n’était sans doute pas encorerendu à l’époque.

En 1989, dans une interprétation technique, le ministère du Revenu confirmaitsa position eu égard aux conditions résolutoires, dans le cadre d’une vente àréméré : l’exercice de la faculté de rachat entraîne une seconde disposition, mêmesi en droit civil la vente est annulée rétroactivement309.

Puis, en 1991, en réponse à une question posée lors de la table ronde ducongrès de l’ACEF, le ministère reprenait la position énoncée en 1987 concernantla date d’entrée en vigueur conventionnelle d’une transaction. La question et laréponse se lisaient ainsi :

Q. 41 Répartition du revenu lorsqu’une condition suspensive existeEn réponse à la question 70 de la table ronde de 1987, le Ministère a déclaré que,lorsqu’un bien est vendu, les revenus qui proviennent du bien entre la date designature de l’offre de vente et d’achat et la date de transfert de la propriétéappartiennent au vendeur s’il existe une condition suspensive. Si le vendeur etl’acheteur concluent une entente exécutoire par laquelle le vendeur est constituéagent de l’acheteur pour la période concernée, le revenu appartiendra-t-il àl’acheteur ? La réponse serait-elle la même s’il n’existait aucune conditionsuspensive ?

Position du MinistèreLa position du Ministère demeure la même que celle donnée en 1987. Puisque ladisposition n’a pas lieu, aux fins de l’impôt, tant que la condition suspensive n’estpas remplie, tout revenu que le bien génère avant le transfert n’appartiendra pas àl’acheteur, malgré l’existence d’une entente par laquelle le vendeur est constituéagent de l’acheteur pour la période concernée. Aucune convention visant à donner autransfert un effet rétroactif n’est valable aux fins de l’impôt. La date de dispositiond’un bien vendu est la date où la propriété effective du bien doit passer à l’acheteuret le moment où le vendeur a un droit absolu, quoique pas nécessairementimmédiat, de se faire payer.

Pourvu que le vendeur ait droit à son paiement et que la propriété effective aitété transférée, tout revenu que le bien produit entre la date de signature de l’offrede vente et d’achat et la date de transfert de la propriété doivent être reconnus parl’acheteur310. (soulignements de l’auteure)

La réponse du ministre suggère que le transfert de la « propriété effective »n’est pas suffisant pour conclure qu’il y a disposition lorsqu’il existe unecondition suspensive; il faudrait de plus que le vendeur ait un droit absolu auprix de vente, c’est-à-dire que la condition suspensive soit accomplie.

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Ceci semble contredire la position prise en 1983 et réitérée en 1989 eu égardaux conditions suspensives du droit civil dans les cas de prise de possessionimmédiate par l’acheteur. Toutefois, l’auteure est d’avis que, tout comme en1987 lors du congrès de l’ACEF, la réponse du ministre ne visait que les cas decondition precedent de la common law. La version anglaise permet de le croire :

[…] As the disposition will not occur for tax purposes until the condition precedentis satisfied, any income arising before the transfer will not belong to the purchaserregardless of an agreement appointing the vendor as the purchaser’s agent for thisperiod. […] The date of disposition of property sold is the date on which beneficialownership is intended to pass to the purchaser and the time at which the vendorhas an absolute but not necessarily immediate right to be paid.

Provided that the vendor is entitled to payment and beneficial ownership hasbeen transferred, any income earned in the period between the effective date andthe closing date must be recognized by the purchaser311. (soulignements de l’auteure)

En outre, puisqu’en common law le beneficial ownership ne peut êtretransféré avant que ne soit réalisée la condition precedent, il est évident que lesdeux conditions doivent être satisfaites pour qu’il y ait disposition. Le ministèrevoulait simplement rappeler que la réalisation de la condition precedent n’estpas suffisante; encore faut-il que le beneficial ownership soit transféré, par lasuite ou en même temps, pour qu’il y ait disposition, ce qui découle de l’alinéae) de la définition de « disposition » au paragraphe 248(1) LIR.

Il serait néanmoins utile pour les praticiens que l’Agence précise sa position,à savoir si elle vise les conditions suspensives du droit civil ou les conditionprecedent, et si elle accorde un traitement fiscal différent à ces deux concepts.

Lors du congrès 1998 de l’APFF, la question suivante a été posée à la fois auministère du Revenu et au ministère des Finances. La réponse est intéressante :

4.8. EFFET DES CLAUSES RÉSOLUTOIRES ET SUSPENSIVESLe transfert de biens est assujetti aux principes de droit civil et fiscal. Il a étéétabli que les principes de droit fiscal sont subsidiaires au droit civil.

Les articles 1507 et 1750 CcQ contiennent les règles traitant des contratsassortis de conditions suspensives et résolutoires. On peut définir la conditionsuspensive comme étant la condition qui tient en suspens « les effets du contrat »alors que la condition résolutoire peut se définir comme étant la condition quitient en suspens la « révocation du contrat ». Cette condition résolutoire, lorsquerencontrée, annule la vente de façon rétroactive.

Du point de vue fiscal, la vente produit tous ses effets dès sa conclusion et levendeur a immédiatement droit au prix de vente. Il y a ainsi disposition dès cemoment. Advenant le cas où une transaction ne se réalise pas en raison d’unecondition résolutoire, Revenu Québec reconnaît la rétroactivité au point de vuefiscal et n’applique pas les articles 484 à 484.13 de la Loi sur les impôts.

Selon les paragraphes 5 et 17 du Bulletin d’interprétation IT-170R, RevenuCanada ne reconnaît pas la rétroactivité de la résolution au point de vue fiscal etapplique les articles 79 et 79.1 de la Loi, selon le cas.

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Est-ce que le ministère des Finances du Canada reconnaît cette position ? Est-il disposé à la revoir à la lumière des règles du Code civil du Québec ?

Est-ce que Revenu Canada maintient toujours cette position ? Est-il disposé àla revoir au regard du Code civil du Québec qui gouverne les transactionseffectuées au Québec ?

Réponse du ministère du RevenuIl y a deux principes légaux qui sont en conflit dans la présente question. Commevous le soulignez, le droit fiscal s’applique aux effets produits par le droit civil.Par contre, le ministère doit, en calculant les impôts payables pour une annéed’imposition, se baser sur les faits tels qu’ils existent à la fin d’une annéed’imposition.

À notre avis, la reconnaissance de l’effet rétroactif de la résolution d’unevente n’est pas compatible avec la Loi lue dans son ensemble. La Loi n’est pasconçue pour permettre l’application de faits nouveaux qui surviennent au coursd’une année d’imposition à une année d’imposition antérieure. À cet effet, elle nepermet pas l’émission de nouvelles cotisations à l’égard d’années d’impositionprescrites afin d’appliquer la rétroactivité.

Par ailleurs, les tribunaux ont refusé, dans les causes Alepin c. La Reine etLarose c. MRN, d’appliquer aux fins de la Loi la rétroactivité prévue en droitcivil. Dans ces deux affaires, les juges ont souligné que les droits du ministère nepouvaient pas être affectés à la suite de la résolution des contrats de vente.

Réponse du ministère des FinancesLe ministère des Finances est d’accord que la législation fiscale doit tenir comptedu droit provincial pertinent. Cependant, il se peut que certains principesfondamentaux du droit fiscal, tels ceux applicables à la rétroactivité, ne soientpas entièrement compatibles avec certains effets du droit provincial. C’est le caségalement de la société de personnes qui, quels que soient ses attributs, droits etobligations en droit provincial, n’est pas généralement reconnue en droit fiscal.

Nous désirons examiner de façon plus détaillée l’analyse de Revenu Canada,Revenu Québec et de Justice Canada sur cette question avant de conclure que laposition de Revenu Canada n’est pas appropriée dans les circonstances. Nouspartageons cependant les préoccupations de ce ministère sur certains aspectspratiques, comme les restrictions imposées dans le cas d’années frappées deprescription312. (soulignements de l’auteure)

Il semble que la principale préoccupation des deux ministères, relativementà la rétroactivité des obligations conditionnelles, est la difficulté de modifier lesdéclarations fiscales des années antérieures afin de tenir compte de l’effetrétroactif d’un événement survenu dans une année subséquente. Cettepréoccupation vise surtout les années prescrites.

Quant aux affaires Alepin et Larose, l’auteure a déjà exprimé ses réservesconcernant l’application générale de ces décisions.

En somme, la position actuelle de l’Agence sur les obligations conditionnellesdu droit civil peut se résumer comme suit :

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• Lors d’une vente, la disposition survient au moment où le vendeur a ledroit absolu, mais pas nécessairement immédiat, de recevoir le prix devente.

• Lorsque la vente est soumise à une condition suspensive avec transfertimmédiat de la possession du bien à l’acheteur, la disposition survient dèsle moment du transfert de la possession.

• Dans ce cas, lorsque la condition s’accomplit, il n’y a pas d’effet fiscalpuisque la disposition a déjà eu lieu. Si la condition défaille, il y a alorsrestitution du bien au vendeur, ce qui constitue une seconde dispositionaux fins fiscales.

• Lorsque la vente est soumise à une condition suspensive sans transfertimmédiat de la possession du bien à l’acheteur, la disposition ne survientque lors de la réalisation de la condition, sans effet rétroactif au jour de laconclusion du contrat.

• Dans le cas où il n’y a pas eu transfert de possession et que la conditionsuspensive défaille, il n’y a jamais eu de disposition aux fins fiscales.

• Lorsque la vente est soumise à une condition résolutoire, la disposition alieu immédiatement, dès la conclusion du contrat. Si la condition seréalise, il y a alors une seconde disposition en faveur du vendeur. Il n’estpas tenu compte de la rétroactivité qui ferait en sorte qu’il n’y auraitjamais eu de disposition.

La rétroactivité prévue par contrat

En ce qui concerne la rétroactivité prévue par contrat, c’est-à-dire l’applicationaux fins fiscales de la date d’entrée en vigueur convenue par les parties, leBulletin d’interprétation IT-170R énonçait une position plutôt libérale :

7. Des accords officiels d’achat et de vente sont fréquemment explicites en ce quia trait à la date d’échange et, à moins que des circonstances n’indiquent qu’unedate ainsi précisée a été modifiée ou qu’elle ne correspondait pas à l’intentionréelle des deux parties, la date ainsi précisée est réputée être la date du droit depropriété. […]313

Par contre, la position adoptée au congrès de 1987 de l’ACEF 314 et réitéréeau congrès de l’ACEF en 1991315 contredit celle énoncée au bulletin, enaffirmant que tout revenu réalisé par l’entreprise avant le moment de la clôturede la transaction sera attribué au vendeur, sauf si le vendeur a un droit absoluau prix de vente, c’est-à-dire s’il n’y a pas de condition precedent, et que lebeneficial ownership a été transféré.

En 1994, le ministère du Revenu a laissé entendre qu’il accepterait, danscertains cas, que la disposition survienne à une date antérieure à la clôture de latransaction, pourvu que toutes les parties à la transaction en aient convenu etqu’il n’en résulte pas d’avantage fiscal indu :

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You have described a hypothetical situation wherein:

• the purchase and sale agreement stipulates both an effective and a closingdate;

• the terms of the agreement are such that the beneficial ownership andassumption of liabilities relating to these properties pass to the purchaser onthe effective date, except for a few minor liabilities, which pass on theclosing date; and

• there are no conditions precedent to be met under the purchase and saleagreement and all that is required prior to closing is the usual due diligenceand completion of appropriate documentation. […]

In this situation, the transfer is not legally effective until the closing date, andthe vendor is legally liable to report the income between the effective date andthe closing date. However, there have been instances where the Department hasadministratively accepted that the transfer occurred on the effective date where:

• both parties to the transaction agree that the effective date should be used;• no significant tax benefit arises from the use of this date316. (soulignements

de l’auteure)

Il semblerait que cette interprétation technique, loin d’élargir les cas où leministère reconnaît la date d’entrée en vigueur convenue par les parties, imposedes conditions supplémentaires. En effet, déjà en 1987 lors du congrès del’ACEF le ministre admettait que le revenu pourrait être attribué à l’acheteur àpartir du moment où le vendeur a un droit absolu au prix de vente et où lebeneficial ownership a été transféré. Or, dans cette interprétation technique, nonseulement le ministre réitère ces deux conditions mais il en ajoute de nouvelles,à savoir que les parties à la transaction conviennent d’utiliser la date d’entrée envigueur du contrat (ce qui semble aller de soi puisqu’il est justement question dedate conventionnelle), et qu’aucun bénéfice fiscal n’en découle. Selon l’auteure,cette dernière exigence ne paraît nullement fondée en droit.

D’ailleurs, la position de l’Agence à l’égard de l’application en matièrefiscale d’une date conventionnelle d’entrée en vigueur du contrat semble malfondée eu égard à la jurisprudence précédemment analysée. En effet, si lesparties peuvent démontrer qu’à la date en question, elles avaient échangé leurconsentement sur les éléments essentiels du contrat, le contrat était valide à cemoment et l’écrit subséquent ne fait que le constater.

L’effet de l’alinéa 248(3)f ) LIR

Tel qu’il en a été question, l’objectif visé par le paragraphe 248(3) LIR est de faireen sorte que certains concepts de droit civil soient réputés au beneficial ownershipde la common law. Dans l’arrêt Construction Bérou, les juges majoritaires ontinterprété ce paragraphe comme incluant dans le concept de « propriété effective »,aux fins de son application au Québec, le fait de détenir les attributs ordinairesdu droit de propriété tels que la possession, l’usage et le risque.

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Or, l’Agence soutient que l’interprétation de la Cour d’appel dans cette affairedevrait être limitée à l’application de l’ancienne version du paragraphe 248(3)LIR sur laquelle s’est prononcée la Cour d’appel, car elle est différente de laversion modifiée, en vigueur depuis 1991. L’Agence exprime son opinion ainsi :

Nous sommes d’avis que bien que l’alinéa 248(3)f) reprend essentiellement ce quela Loi prévoyait à cette époque, le libellé est maintenant différent et il ne peut pass’interpréter comme si les attributs de propriété tels la possession, l’usage et le risquepuissent constituer un droit de propriété. Au contraire, selon la version actuelle del’alinéa 248(3)f), une personne doit d’abord avoir la pleine propriété d’un bienpour qu’elle soit réputée détenir le “beneficial ownership” aux fins de la Loi. […]

L’Agence est donc d’avis que le jugement de la Cour d’appel fédérale dans lacause Construction Bérou Inc. peut être restreint aux cas similaires pour les annéesd’imposition avant 1991, afin de se conformer à l’interprétation de la Cour duparagraphe 248(3) dans son ancienne formulation317. (soulignement de l’auteure)

Ainsi, selon l’Agence, l’alinéa 248(3)f) ne pourrait soutenir l’interprétationselon laquelle le beneficial ownership peut être transféré, au Québec, sans le titrede propriété; la « propriété effective » serait restreinte aux concepts énumérés àcet alinéa, soit la propriété, le droit du preneur dans un bail emphytéotique, et ledroit du bénéficiaire dans une fiducie.

L’auteure est d’accord avec cette interprétation de l’alinéa 248(3)f) LIR, maisne croit pas que la modification législative de 1991 y ait changé quoi que ce soit.Il semblerait plutôt que l’Agence, en désaccord avec l’interprétation des jugesmajoritaires de la Cour d’appel fédérale dans Construction Bérou, tente de fairede subtiles distinctions pour ne pas avoir à se conformer à cette interprétation.

Les obligations conditionnelles en droit fiscal québécois

Bien que le présent texte porte sur l’harmonisation de la Loi de l’impôt sur lerevenu avec le Code civil du Québec, il est intéressant, à des fins decomparaison, d’analyser le traitement fiscal accordé aux obligationsconditionnelles par le législateur québécois, ainsi que par les autorités duministère du Revenu du Québec.

Les dispositions pertinentes de la Loi sur les impôts318 et du Règlement surles impôts319 sont les suivantes :

248. 1) Aliénation d’un bien. — Aux fins du présent titre, l’aliénation d’un biencomprend, sauf dispositions contraires expresses :

a) toute opération ou événement qui donne droit au produit de l’aliénationd’un bien; […]2) Restriction. — Une aliénation de biens ne comprend pas toutefois : […]

d) toute autre opération prévue par les règlements.

248R1. Aux fins de l’article 248 de la Loi, n’est pas une aliénation d’un bienrégi par une juridiction de droit commun un transfert de ce bien qui n’entraînepas un changement dans la propriété à titre bénéficiaire du bien.

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De même, n’est pas une aliénation d’un bien régi par le droit civil un transfertde ce bien qui n’entraîne pas un changement dans le droit de la personne qui a lapleine propriété de ce bien, quoique sujet à servitude, ou dans celui de l’usufruitier,du preneur emphytéotique, du grevé de substitution ou du bénéficiaire d’une fiducie.

251. Produit de l’aliénation d’un bien.Le produit de l’aliénation d’un bien comprend, aux fins du présent titre, lesmêmes éléments que le produit de l’aliénation d’un bien visé au paragraphe f del’article 93 […]

93. […] f) « produit de l’aliénation ». — « produit de l’aliénation » d’un biencomprend :

i. le prix de vente d’un bien aliéné.

Il est facile de constater qu’à quelques différences près, les dispositions de laloi québécoise sont similaires à celles de la loi fédérale. L’une des différencesest l’emploi du terme « aliénation » plutôt que celui de « disposition ». Or, toutcomme la définition de disposition dans la LIR, celle d’aliénation dans la LIn’est pas exhaustive et il faut faire référence à son sens « ordinaire » pourdéfinir ce terme :

L’“aliénation” n’étant pas définie par la loi, on doit y appliquer le sens général dece mot donné par Le Petit Robert comme étant “transmission qu’une personnefait d’une propriété ou d’un droit, à titre gratuit ou onéreux”320.

Vu la définition de la LI, il est clair qu’une vente constitue une aliénation :

Il est surprenant de constater qu’un article détaillé comme l’est l’article 248 LI,dont le rôle est de définir en quoi consiste l’aliénation d’un bien aux fins du titreIV de la Loi, ne fasse aucune allusion au concept de vente. Cette dispositionprévoit cependant que l’aliénation d’un bien comprend une opération ou unévénement qui donne droit au prix de vente d’un bien aliéné. On arrive à cetteconclusion en lisant conjointement le sous-paragraphe 248(1)a), l’article 251 etle sous-paragraphe 93f)(i) LI.

Tant aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu qu’à celles de la Loi sur lesimpôts, il faut se référer au Code civil du Québec pour déterminer en quoiconsiste une vente et à quel moment naît le droit de recevoir le prix de vente321.(soulignement de l’auteure)

Par ailleurs, il faut noter que l’article 248R1 du Règlement édicte une règleparticulière pour les biens régis par la common law et une autre pour ceux régispar le Code civil. En effet, l’expression « propriété à titre bénéficiaire »322 estutilisée pour les biens régis par la common law, alors que pour les biens régis parle droit civil, il est fait référence aux concepts de pleine propriété, d’usufruit, depreneur emphytéotique, de grevé de substitution et de bénéficiaire d’une fiducie.Essentiellement, ces concepts sont ceux qui sont énoncés à l’alinéa 248(3)f) LIR.

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Les articles 79 et 79.1 de la LIR ont aussi leur équivalent dans la LI, soit lesarticles 484 et suivants. L’article 484.1 LI, qui correspond au paragraphe 79(2)LIR, se lit ainsi :

484.1 Acquisition par délaissement — Pour l’application de la présente sous-section, une personne délaisse, à un moment quelconque, un bien en faveur d’uneautre personne lorsque l’autre personne acquiert ou réacquiert de la personne, àce moment, la propriété à titre bénéficiaire de ce bien par suite du défaut de lapersonne de lui payer la totalité ou une partie d’un ou de plusieurs montantsdéterminés d’une dette qu’elle lui devait immédiatement avant ce moment.(soulignement de l’auteure)

Cet article, s’applique généralement à l’égard d’un bien acquis ou réacquisaprès le 21 février 1994323. Avant cette modification, l’article 484 prévoyait cequi suit :

484. Lorsqu’un créancier a acquis ou réacquis, à une date quelconque d’uneannée d’imposition, la possession à titre de propriétaire ou la propriété absolued’un bien à la suite du défaut total ou partiel du paiement de sa créance par sondébiteur, les règles suivantes s’appliquent : […] (soulignement de l’auteure)

Le remplacement de l’expression « la possession à titre de propriétaire ou lapropriété absolue » par « la propriété à titre bénéficiaire » a-t-il modifié le sensde cette disposition ? L’expression « propriété à titre bénéficiaire » n’est pasdéfinie dans la LI. Cependant, elle a remplacé l’expression « beneficialownership » à l’article 248R1 du Règlement.

Un représentant autorisé du ministère du Revenu a confirmé que la politiqueadministrative concernant l’application des articles 484 et suivants n’a pas étémodifiée à la suite de l’introduction de l’expression « propriété à titrebénéficiaire » en 1994; il est permis de croire qu’elle vise la même réalité quel’ancienne expression « possession à titre de propriétaire ».

Le Bulletin d’interprétation IMP. 484-2/R1 établit la position du ministèredu Revenu du Québec quant aux effets de la résolution du contrat :

4. Dans le cas de la résolution, l’article 484 de la Loi sur les impôts (la « Loi ») nepeut être applicable car le créancier n’a pas acquis ou réacquis la possession à titrede propriétaire ou la propriété absolue d’un bien. En effet, sa demande de résolutionentraîne l’annulation du contrat pour le passé, comme pour le futur, faisant en sortequ’il soit réputé ne jamais avoir cessé d’être propriétaire du bien. […]

6. Par ailleurs, le vendeur peut obtenir le remboursement des impôts payés àl’égard du gain en capital ou du revenu d’entreprise, selon le cas, ou encore àl’égard de la récupération de l’amortissement relatif à la vente. À l’inverse, si lavente lui a plutôt permis de déduire une perte terminale, il doit payer les impôts àl’égard de cette déduction pour l’année d’imposition de la vente.

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Advenant que le vendeur ait financé, en totalité ou en partie, le paiement duprix de vente, il ne peut pas, cependant, obtenir le remboursement des impôtspayés à l’égard des intérêts versés par l’acheteur. En effet, la résolution de lavente provoque la résiliation de ce contrat de prêt, c’est-à-dire son annulationpour le futur seulement.

7. Pour obtenir le remboursement des impôts payés sur un revenu qui, par l’effetde la résolution, est réputé n’avoir jamais été réalisé, le vendeur doit produire unedéclaration fiscale amendée. La version en vigueur du bulletin IMP. 1010-2 prévoitla possibilité d’une recotisation par le Ministère dans les cas où la prescriptionest acquise. Il y a lieu de s’y référer dans ces cas.

8. Le ministère du Revenu considère toutefois que le revenu tiré des biens acquispar l’acheteur, pendant la période où il en a eu la possession, demeure le sien.

De plus, le Ministère ne refusera pas la déduction pour amortissement quel’acheteur a réclamée, dans les années où il a eu la possession du bien, dans lecalcul de son revenu à l’égard d’un bien amortissable, dans la mesure où cettedéduction n’excède pas le montant permis par le Règlement sur les impôts.

9. Le coût en capital ou le prix de base rajusté des biens faisant l’objet d’unerésolution est égal à ce que serait ce coût en capital ou ce prix de base rajustéimmédiatement avant la vente comme si l’aliénation n’avait jamais eu lieu324.(soulignements de l’auteure)

Le ministère du Revenu du Québec reconnaît ainsi l’effet rétroactif de larésolution, qu’elle découle de la condition résolutoire ou d’une autre cause derésolution prévue au Code civil. La vente étant réputée n’avoir jamais eu lieu, levendeur est censé n’avoir jamais aliéné la propriété du bien. Il peut donc récupérerl’impôt payé sur le gain en capital, sur le revenu d’entreprise ou sur la récupérationde l’amortissement. Il pourra produire une déclaration amendée pour réclamer leremboursement de l’impôt payé, même si l’année fiscale visée est prescrite.

Par contre, la rétroactivité n’aura pas tous ses effets. Si l’acheteur a eu lapossession du bien pendente conditione, il devra payer l’impôt sur les revenusréalisés durant cette période, et il pourra réclamer l’amortissement. Partant, levendeur ne pourra réclamer rétroactivement l’amortissement pour la période oùil est réputé avoir été propriétaire, mais où l’acheteur était en possession du bien.

Cette position est compatible avec le droit civil qui reconnaît que le débiteurde l’obligation de restituer le bien « fait siens les fruits et revenus produits parle bien qu’il rend »325. Quant à l’amortissement, même s’il est plus difficile àjustifier que ce soit l’acheteur qui ait droit à la déduction, il semble que cettesolution soit fondée sur l’équité — puisque l’acheteur conserve les revenus etpaie l’impôt sur ces revenus, il est logique qu’il puisse déduire de ces mêmesrevenus la dépense d’amortissement.

Par ailleurs, en ce qui concerne la condition suspensive, un représentantautorisé du ministère du Revenu du Québec a confirmé que la positionadministrative applicable aux conditions résolutoires s’applique mutatismutandis aux conditions suspensives.

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Certaines dispositions d’autres lois québécoises qui ont à traiter desconséquences fiscales de la rétroactivité des obligations conditionnellespourraient également être étudiées. Par exemple, la Loi concernant les droits surles mutations immobilières326 prévoit les droits imposés par les municipalités surles transferts d’immeubles. La définition du terme « transfert », à l’article 1 decette loi, fait notamment référence au « transfert du droit de propriété d’un bien ».Une définition presque identique se retrouve à l’article 1 de la Loi concernantles droits sur les transferts de terrains327. Or, le ministère du Revenu du Québec afait part de son point de vue quant à l’application de cette dernière loi dans lescas d’exercice du droit de retrait à la suite d’une vente d’immeuble par unemunicipalité pour défaut de paiement des taxes :

2. Aux termes de l’article 532 de la Loi sur les cités et villes (L.R.Q., c. C-19),l’enregistrement d’une copie authentique d’un acte devant notaire constatant leremboursement des deniers et le rachat de l’immeuble fait recouvrer au cessionnairele droit de propriété qu’il avait dans l’immeuble au moment de la vente.

3. Ainsi, suite à une vente d’immeuble pour défaut de paiement des taxes, leterrain n’appartiendra à l’adjudiciaire que lorsque le délai permettant au propriétairede reprendre l’immeuble sera écoulé et si, à l’intérieur de ce délai, le propriétaire,par l’exercice de son droit de retrait, récupère l’immeuble, il reprendra son droitde propriété dans l’état où il se trouvait au moment de la vente.

4. L’adjudiciaire qui devient propriétaire d’un terrain suite à une vente municipalepour taxes impayées l’est donc sous condition résolutoire. Si le propriétaire exerceson droit de résoudre cette vente par l’exercice de son droit de retrait, le rachat del’immeuble fera recouvrer au propriétaire exactement le même droit de propriétéqu’il possédait au moment de la vente.

5. […] Ainsi, l’exercice du droit de retrait ne constitue pas un transfert au sensde la Loi concernant les droits sur les transferts de terrains puisqu’il n’entraîneaucune transmission de droits entre le cédant et le cessionnaire328. (soulignementsde l’auteure)

Il peut donc être conclu que dans les cas de condition résolutoire,l’accomplissement de la condition aura ses effets rétroactifs à l’égard des droitsde mutation, tant en vertu de la Loi concernant les droits sur les transferts deterrains que de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières.Selon Me Marie-Pier Cajolet, non seulement l’acte de rétrocession ne serait pasassujetti à la loi, mais l’annulation de l’acte de vente initial obligerait lamunicipalité à rembourser les droits de mutation antérieurement perçus329.

En matière de taxe de vente, par ailleurs, tant en vertu de la Loi sur la taxed’accise330 que de la Loi sur la taxe de vente du Québec331, l’événementdéclencheur de la taxe est la « fourniture taxable ». Au fédéral, la « fourniture » estdéfinie comme la « livraison de biens ou prestation de services, notamment parvente, […] »332, alors qu’au Québec la définition fait référence à la « délivranced’un bien ou la prestation d’un service, de quelque manière que ce soit, y compris

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par vente, […] »333. On serait donc tenté de croire que la rétroactivité desobligations conditionnelles n’a pas d’impact sur la TPS ou la TVQ, puisque larétroactivité ne peut annuler la « livraison » ou la « délivrance » du bien334.Pourtant, le ministère du Revenu du Québec semble reconnaître la rétroactivitéde la condition résolutoire eu égard à l’application de la TVQ :

Par contre, si l’ensemble du contrat constitue une vente à réméré, les transactionsréalisées par B à A ne seront pas comptées comme fourniture taxable étant donnél’effet rétroactif de cette vente. B sera alors considéré comme une PME ayantdroit à tous ses RTI.

Selon l’article 1750 du Code civil du Québec (« CcQ »), la vente faite avecfaculté de rachat, aussi appelée vente à réméré, est une vente sous conditionrésolutoire par laquelle le vendeur transfère la propriété d’un bien à l’acheteur ense réservant la faculté de le racheter335. (soulignements de l’auteure)

Cette opinion traite de la vente à réméré, mais puisqu’elle constitue une ventesous condition résolutoire336, il est permis de croire que l’opinion exprimée peuts’appliquer à toute condition résolutoire.

Enfin, il faut signaler que la rétroactivité de la condition résolutoire n’est pastoujours reconnue aux fins du calcul du capital versé, dans le cadre de la taxe surle capital imposée par la Partie IV de la LI. Dans un cas particulier, le ministèredu Revenu a émis une opinion juridique a cet effet337. La position du ministèreétait fondée sur l’article 1131 LI qui prévoit que la taxe sur le capital à payer pourune année d’imposition porte sur le capital versé montré aux états financiers dela société pour l’année. Or, les principes comptables généralement reconnus neprévoyaient pas, dans ce cas, que les états financiers puissent être modifiés etsoumis de nouveau aux actionnaires pour les années antérieures visées par larétroactivité de la transaction en cause.

ANALYSE CRITIQUE DU TRAITEMENT DE LA RÉTROACTIVITÉDES OBLIGATIONS CONDITIONNELLES EN FISCALITÉ

Après l’analyse juridique du droit actuel relatif aux obligations conditionnelles,tant en droit civil qu’en common law et en droit fiscal, l’auteure est maintenanten mesure de procéder à une analyse critique de la Loi, de la jurisprudence et dela position administrative de l’ADRC, afin de déterminer si le droit fiscal est enconflit avec le droit civil quant à l’effet rétroactif des obligations conditionnelles.

Par la suite, des pistes de solutions seront suggérées et des propositions demodifications législatives seront élaborées.

Les conflits entre le droit fiscal fédéral et le droit civil

La condition suspensive

La position adoptée par l’Agence à l’égard des conditions suspensives distingueles cas où la possession et la jouissance du bien est transférée à l’acheteurpendente conditione, et les cas où elle ne l’est pas.

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Sans transfert de la possession

Dans ce cas, l’Agence considère qu’il n’y a pas disposition avant que la conditionne soit réalisée parce qu’avant ce moment, le vendeur n’a pas un droit absolu auprix de vente.

Cette position est fondée sur le critère énoncé par la Cour de l’Échiquier dansl’affaire Victory Hotels, selon lequel il y a disposition, dans les cas de vente,lorsque le vendeur a droit au prix de vente.

En ce qui concerne la période antérieure à la réalisation de la condition, cettesolution concorde avec le droit civil; l’obligation n’existe pas encore, il n’y adonc pas eu transfert du droit de propriété. De même, dans le cas où la conditiondéfaille, rien ne se produit, ni en droit civil, ni en droit fiscal.

La situation se complique évidemment lorsque la condition se réalise. Dansce cas, suivant la position de l’Agence, la disposition survient au moment de laréalisation de la condition. Or, l’effet rétroactif de la condition suspensiveprévu par le Code civil fait en sorte que le transfert de propriété est censé avoireu lieu dès le moment de la conclusion du contrat. Comme la position desautorités fiscales ne reconnaît pas cet effet rétroactif, il y a dès lors conflit avecle droit civil.

Cette position de l’Agence entraîne des difficultés importantes pour lecontribuable, notamment au niveau de la planification fiscale. Si la rétroactivitéde la condition n’est pas reconnue, la transaction est assujettie à toutes lesmodifications législatives survenues pendente conditione, ce qui rendproblématique la planification des conséquences fiscales de la transaction. Parexemple, dans le cas d’une vente sous condition suspensive d’actions d’unesociété exploitant une petite entreprise, si l’exonération sur le gain en capitalvenait à être abolie, ou encore si la société perdait sa qualification de « sociétéexploitant une petite entreprise » avant que la condition se réalise, le vendeurn’aurait plus droit à l’exonération et les conséquences fiscales pourraient êtredésastreuses pour lui.

Toutefois, dans l’état actuel du droit, l’auteure est d’avis que la position del’Agence est mal fondée en droit, puisqu’elle repose sur la jurisprudence ayanterronément appliqué au Québec le test de Wardean Drilling, notamment ladécision Olympia & York. Tel que déjà mentionné, les dispositions existantes dela Loi n’écartent pas l’application de la rétroactivité de la condition suspensive.La nature accessoire du droit fiscal par rapport au droit privé et le principe decomplémentarité du droit privé obligent le recours au droit civil pour interpréterla notion de disposition contenue dans la Loi, puisque la définition de cettenotion n’est pas exhaustive.

Or, en droit civil, la notion de disposition fait référence au moment du transfertde propriété, ce qui a été reconnu implicitement par la Cour suprême dans l’arrêtCompagnie Immobilière BCN 338. Ainsi, puisque le Code civil fait en sorte que letransfert de propriété est réputé avoir eu lieu dès le moment de la conclusion ducontrat, il s’ensuit que la disposition aux fins fiscales devrait se situer au mêmemoment.

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D’ailleurs, même en common law, la notion de disposition fait égalementréférence à la notion de propriété. En effet, la common law reconnaît la divisionde la propriété entre le beneficial owner et le legal owner, raison pour laquelle,en common law, il est possible de prétendre qu’il y a disposition lorsqu’il y atransfert du beneficial ownership. Ainsi, l’auteure est d’accord avec le juge Noëldans l’arrêt Construction Bérou, lorsqu’il soutient que la décision WardeanDrilling n’a pas écarté le droit privé provincial aux fins de l’application de ladéfinition de disposition en matière fiscale; au contraire, elle a simplementappliqué le droit privé provincial applicable, à savoir la common law.

La position de l’auteure ne contredit pas nécessairement la décision de VictoryHotels. Dans cette affaire, après avoir reconnu que la définition de disposition dela LIR n’est pas exhaustive, la Cour de l’Échiquier a semblé restreindre cette notion,dans les cas de vente, au moment où le vendeur a droit au prix de vente. Cetteaffirmation était fondée sur le fait que la définition de « disposition de biens »inclut un « événement donnant droit au contribuable au produit de disposition d’unbien », ce dernier incluant lui-même le « prix de vente du bien qui a été vendu ».

Or, ces définitions ne prévoient pas que dans le cas d’une vente, la dispositiona lieu uniquement lorsque le vendeur a droit au prix de vente; elles ne fontqu’inclure cet événement dans la notion de disposition, c’est-à-dire qu’ellesprévoient qu’il y a notamment disposition lorsque le vendeur a droit au prix devente. Ainsi, la disposition peut avoir lieu avant que le vendeur ait droit au prixde vente, mais elle ne peut avoir lieu après. D’ailleurs, le passage déjà cité del’affaire Victory Hotels, bien qu’il soit équivoque, peut être interprété en ce sens :

These sections do not define but merely include as a disposition of property atransaction (a sale for instance) entitling a taxpayer to proceeds of disposition ofproperty, i.e. to the sale price of the property sold. It would indeed appear that themeaning of “disposition of property” has been somewhat restricted by the Actwhen a disposal of property takes place by means of a sale; in such a case there isa disposal of property as soon as a taxpayer is entitled to the sale price of theproperty sold339. (soulignements de l’auteure)

Dans le cas de la condition suspensive, le vendeur n’acquiert le droit derecevoir le prix de vente que lorsque la condition est réalisée. Ainsi, puisque larétroactivité fait en sorte que le transfert du droit de propriété se produit avantle moment où le vendeur a droit au prix de vente, il n’y a pas contradiction dansle fait que la disposition ait lieu dès le moment du transfert de propriété.

Par ailleurs, la Cour suprême340, ainsi que d’autres tribunaux341, ont déjàreconnu l’applicabilité en matière fiscale de l’effet rétroactif prévu par une loiprovinciale. L’auteure est d’avis que cette jurisprudence est bien fondée, puisquele droit fiscal doit respecter les conséquences juridiques des contrats imposées parle droit privé des provinces, principe souligné récemment par la Cour suprême342.

Selon l’auteure, l’argument selon lequel la rétroactivité de la conditionsuspensive, en droit civil, ne s’applique qu’aux choses de droit et non aux choses

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de fait n’empêche pas l’application de la rétroactivité en matière fiscale343. Saposition est que la disposition est une notion de droit qui fait référence, dans lecas d’une vente, à la transmission du droit de propriété et que la disposition nepeut être assimilée aux faits réels, incontestables et irréversibles qui échappent àla rétroactivité, tels la perception des fruits, la jouissance du bien ou les actesd’administration posés. Il semble au contraire que, puisque la rétroactivités’applique à la transmission du droit de propriété, elle devrait égalements’appliquer à la disposition car ces deux notions sont liées.

De surcroît, même si le test de la disposition élaboré dans Wardean Drillingétait appliqué en droit civil, la disposition devrait être reconnue au moment de laconclusion du contrat. En effet, dans cette décision, le juge a statué que ladisposition a lieu au moment du transfert du titre de propriété, ou, lorsque le titreest conservé par le vendeur comme garantie du prix de vente, au moment dutransfert des attributs ordinaires du droit de propriété. Or, en matière de conditionsuspensive, le titre de propriété n’est pas conservé par le vendeur à titre desûreté, contrairement à ce qui se produit dans le cas d’une vente à tempérament.Il faut donc appliquer le premier volet du test qui prévoit que la disposition alieu au moment du transfert du titre de propriété lequel, en droit civil, est lemoment de la conclusion du contrat, vu l’effet rétroactif de la condition.

Un autre argument pourrait toutefois être soulevé à l’encontre de cette position.Cet argument découle de l’alinéa e) de la définition de disposition au paragraphe248(1) LIR, qui prescrit que le transfert d’un bien qui n’a pas pour effet dechanger la « propriété effective » du bien ne constitue pas une disposition. End’autres termes, malgré le transfert du droit de propriété à une date antérieure, iln’y aurait disposition qu’au moment de la transmission du beneficial ownership.Selon cet argument, même si la rétroactivité de la condition fait en sorte que letransfert du droit de propriété se produit à la date de la conclusion du contrat, ladisposition ne pourra avoir lieu qu’au moment du transfert du beneficialownership, c’est-à-dire au moment de la réalisation de la condition.

Cet argument peut néanmoins être réfuté puisque l’alinéa 248(3)f) LIR disposequ’aux fins de son application au Québec la notion de « propriété effective »signifie notamment le droit de propriété sur un bien. Partant, lorsque le droit depropriété est transféré, le transfert de la « propriété effective » a lieu au mêmemoment, c’est-à-dire au moment déterminé en vertu du droit civil.

Avec transfert de la possession

Lorsque la vente sous condition suspensive est accompagnée du transfertimmédiat de la possession du bien à l’acheteur, l’Agence considère qu’il y adisposition au sens de la Loi dès le moment de ce transfert de possession.

La position de l’Agence se fonde sur l’affaire Olympia & York dans laquelle laCour fédérale de première instance a décidé qu’il y avait eu disposition en droitfiscal en dépit du fait qu’il n’y avait pas eu vente en droit civil344. Cette décisionse fondait elle-même sur le critère établi dans Wardean Drilling. L’auteure a déjà

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expliqué que selon elle, la décision Olympia & York est mal fondée en droit, carelle a importé en droit civil un précédent jurisprudentiel de common law qui, parsurcroît, reposait sur une notion inexistante en droit civil, à savoir la division dudroit de propriété entre le legal owner et le beneficial owner. Conséquemment,l’auteure est d’avis que la position de l’Agence est également mal fondée en droit.

En droit civil, la vente ne peut avoir lieu avant que la condition suspensive nese réalise, et le vendeur n’a pas droit au prix de vente avant que cet événementne survienne. L’Agence reconnaît ce principe lorsqu’il est question de conditionsuspensive sans transfert de possession et rien ne justifie en droit un traitementdifférent lorsque la possession est transmise à l’acheteur pendente conditione.Comme il a déjà été expliqué, la disposition en droit fiscal est liée au transfert dudroit de propriété tel que déterminé par le droit civil qui ne reconnaît aucun droitde propriété au possesseur de la chose, contrairement à la common law.

Ironiquement, une fois que la condition suspensive est réalisée, l’applicationde la position de l’Agence aboutit au même résultat que le droit civil — il y adisposition lors de la conclusion du contrat. Il s’agit d’une coïncidence, car cerésultat ne découle pas des mêmes causes. En droit civil, la rétroactivité de lacondition fait en sorte que le droit de propriété a été transféré dès le moment dela conclusion du contrat, alors qu’en matière fiscale, suivant la position del’Agence, c’est le transfert de la possession, de l’usage et du risque à cemoment qui entraîne une disposition.

Lorsque la condition suspensive défaille, l’Agence prétend qu’il y a uneseconde disposition en faveur du vendeur. Pour les motifs exposés, l’auteurecroit que cette position est erronée, puisqu’en droit civil il n’y a jamais eu detransfert de propriété. Le vendeur reprend simplement le bien qui lui a toujoursappartenu. Dans ce cas, il y a conflit entre le droit fiscal et le droit civil.

Ce conflit entraîne d’importantes conséquences fiscales pour le vendeur. Sila position de l’Agence est appliquée dans le cas d’un bien en immobilisationautre qu’un bien amortissable, le vendeur sera imposé sur le gain en capitalréalisé lors de la « disposition », même s’il n’a jamais eu droit au prix de vente.Lorsqu’il récupère son bien, le prix de base rajusté du bien est augmenté pourcorrespondre au prix de vente. Il s’est ainsi produit une « cristallisationinvolontaire » du prix de base rajusté du bien, qui dans bien des cas, ne donnerapas droit à l’exonération sur le gain en capital.

Ainsi, le vendeur doit payer l’impôt sur le gain en capital, bien qu’il soittoujours propriétaire du bien et qu’il ne bénéficie pas des liquidités provenantdu prix de vente pour payer cet impôt. C’est exactement ce que la Coursuprême a refusé d’admettre dans l’arrêt Dominion Engineering.

Pour l’acheteur d’un tel bien, il n’y aura pas de gain en capital puisque leproduit de disposition réputé, à savoir le prix de vente, est par la force deschoses le même que son coût d’acquisition.

Dans le cas d’un bien amortissable, toujours en appliquant la position del’Agence, le vendeur sera imposé sur la récupération de l’amortissement dès letransfert de la possession du bien à l’acheteur. Lorsqu’il reprendra son bien, il

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ne pourra récupérer l’impôt payé et devra se contenter de l’augmentationcorrespondante de son coût en capital. À l’inverse, l’acheteur qui aura réclaméla déduction pour amortissement pendant qu’il avait la possession du bien seralui aussi imposé sur la récupération de l’amortissement, car il sera réputé« revendre » le bien pour le prix de vente initial.

Qu’en est-il dans le cas de perte en capital ou de perte finale ? En toutelogique, l’application de la position de l’Agence fait en sorte que le vendeurdevrait pouvoir la déduire et, lors de la restitution du bien, ne devrait pas avoirà rembourser l’impôt ainsi économisé. En ce cas, lorsque le vendeur reprendson bien, il est censé l’avoir acheté pour le montant du prix de vente, qui devientson nouveau prix de base rajusté. Le vendeur a ainsi « encaissé » une perte encapital ou une perte finale latente, sans se départir de la propriété du bien. Cettefois, la non-reconnaissance de la rétroactivité est à l’avantage du contribuable.

Un autre problème se soulève dans le cas de la vente des actions votantesd’une société, soit la question de l’acquisition de contrôle. En effet, si les actionssont vendues sous condition suspensive, l’Agence considère qu’elles font l’objetd’une disposition dès que l’acheteur en a la possession. Or, si les actions ainsidisposées sont suffisantes pour transférer le contrôle de la société à l’acheteur, il yaura application des règles d’acquisition de contrôle prévues à la Loi, notammentla fin d’année réputée et les limites aux reports de pertes. Lorsque l’acheteurreprend ses actions à la suite de la défaillance de la condition, il y aura unedeuxième acquisition de contrôle. Le vendeur, qui n’a jamais vendu ses actionsen vertu du Code civil, perdrait donc le bénéfice du report des pertes, même àl’égard des pertes encourues avant la transaction. Me Pierre Martel souligne ceproblème, ajoutant qu’une telle interprétation serait contraire à l’esprit desdispositions anti-évitement applicables lors d’une acquisition de contrôle345.

L’Agence justifie notamment sa position par le fait que l’économie généralede la Loi ne permet pas la « réouverture » des déclarations fiscales des annéesantérieures pour corriger les conséquences fiscales de la rétroactivité346. Or, lesrègles introduites par le « dossier équité » permettraient au contribuable deréclamer un remboursement pour les années prescrites. Il serait parfaitementpossible de modifier la Loi afin que les dispositions relatives à la prescriptionpuissent permettre une nouvelle cotisation par l’Agence afin de réclamer l’impôtdans de tels cas. D’ailleurs, le ministère du Revenu du Québec applique déjà cesprocédures administratives, ce qui ne semble pas poser problème. À toutévénement, cet argument ne tient pas dans les cas où la défaillance de lacondition suspensive survient dans la même année d’imposition que laconclusion du contrat, alors que l’Agence considère qu’il y a eu dispositionimposable, même dans de tels cas.

La condition résolutoire

Dans le cas des conditions résolutoires, la position de l’Agence est qu’il y adisposition dès la conclusion du contrat, et une seconde disposition en cas derésolution du contrat à la suite de la réalisation de la condition.

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Pendente conditione, cette position est conforme au droit civil qui reconnaîtque la vente sous condition résolutoire est considérée comme une vente pure etsimple, tant que la condition n’est pas accomplie; le transfert du droit depropriété à l’acheteur est immédiat, et le vendeur a droit au prix de vente.

Cette interprétation est également conforme à la jurisprudence fiscale analysée,tant dans les cas de condition résolutoire que dans ceux de condition subsequent.Le droit civil et la common law étant similaires à cet égard, il est logique que letraitement fiscal soit identique.

Si la condition résolutoire ne se réalise jamais, la situation demeureraindéfiniment la même; il y a eu disposition dès le moment de la signature ducontrat, tant en droit civil qu’en droit fiscal, et aucun conflit ne survient.

Par contre, lorsque la condition résolutoire s’accomplit, la rétroactivitéprévue par le Code civil fait en sorte qu’il n’y a jamais eu transfert du droit depropriété. Comme les autorités fiscales ne reconnaissent pas la rétroactivité, ilen résulte un conflit avec le droit civil.

Compte tenu de la jurisprudence fiscale, l’auteure est d’avis que cette positionde l’Agence est mal fondée en droit; tel qu’explicité antérieurement, la dispositionen droit fiscal fait référence au transfert du droit de propriété tel que régi par ledroit civil, et la rétroactivité imposée par le droit civil s’applique en matièrefiscale. Lorsqu’une condition résolutoire est réalisée, il n’y aurait donc jamais eudisposition aux fins fiscales, puisque le transfert de propriété n’a jamais eu lieu.De la même façon, l’auteure croit que le droit du vendeur de recevoir le prix devente disparaît rétroactivement — événement qui a ouvert le droit au prix devente étant réputé n’avoir jamais eu lieu, il est censé n’avoir jamais eu ce droit.C’est d’ailleurs pourquoi il y a restitution du prix de vente.

Les problèmes causés par la non-reconnaissance par l’Agence de la conditionrésolutoire sont les mêmes que ceux qui ont été exposés relativement au cas desconditions suspensives avec transfert de possession—imposition du gain encapital pour le vendeur, récupération d’amortissement pour le vendeur et pourl’acheteur, application des règles d’acquisition de contrôle.

En outre, l’Agence est d’avis que les articles 79 et 79.1 LIR pourraients’appliquer dans un tel cas. Tel que souligné, l’application de ces articles n’estpas pertinente dans les cas de véritables conditions résolutoires, puisqu’ils nevisent que la reprise du bien à la suite du défaut de paiement de l’acheteur.Toutefois, il n’en demeure pas moins que dans les cas de résolution de la vente àla suite de l’inexécution du débiteur, l’Agence considère qu’il y a eu transfert dela « propriété effective » alors que le droit de propriété n’a jamais été transféréen vertu du droit civil. Or, puisque l’alinéa 248(3)f) LIR prévoit que l’expression« propriété effective » vise le droit de propriété en droit civil sans inclure lesimple transfert de la possession, de l’usage et du risque, la position de l’Agencesemble erronée.

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Les solutions proposées

Dans l’état actuel du droit, l’interprétation de la notion de disposition en droitfiscal doit nécessairement se soumettre au droit civil puisque, d’une part, la LIRne définit pas cette notion mais ne fait qu’y inclure des concepts qui autrementne l’auraient pas été, et que d’autre part la définition dans la Loi fait référence àun concept de droit privé, le beneficial ownership, sans le définir de façonexhaustive. L’auteure conclut donc que la rétroactivité de la condition devraits’appliquer en droit fiscal, puisque le droit privé à cet égard n’a pas été écartépar la Loi.

Néanmoins, il n’est peut-être pas nécessairement souhaitable, du point de vuede la politique fiscale, que la LIR reconnaisse la rétroactivité prévue au Codecivil. Si c’est le cas, il serait nécessaire que la Loi soit modifiée afin d’écarterexpressément le droit privé des provinces et d’établir une règle distincte pourl’application du droit fiscal. En d’autres termes, si le législateur fédéral souhaite sedissocier du droit privé provincial en cette matière, il devrait le faire expressément.

L’auteure examine maintenant la pertinence de reconnaître l’effet rétroactifdes obligations conditionnelles en droit fiscal, puis elle tente de déterminer lapolitique fiscale qui devrait sous-tendre la notion de disposition. Par la suite,elle soumet les recommandations de modifications législatives qu’elle jugeappropriées.

Les conséquences de la rétroactivité en droit fiscal

Quelles seraient les conséquences de la reconnaissance de l’effet rétroactif desobligations conditionnelles en droit fiscal ?

Dans le cas d’une vente sous condition suspensive, la réalisation du gain encapital ne devrait être reconnue qu’une fois la condition accomplie, maisrétroactivement au moment de la conclusion du contrat. Si le contrat a été signédans une année antérieure, le contribuable devrait produire une déclarationamendée pour l’année d’imposition au cours de laquelle le contrat a été signé,afin de déclarer ce gain en capital. La même logique s’applique à la réalisationd’un revenu d’entreprise ou à la récupération de l’amortissement.

À l’inverse, si le contribuable a subi une perte en capital ou une perte finale,il devrait pouvoir produire une déclaration amendée pour réclamer cette perte.

De toute évidence, les dispositions de la Loi relatives à la prescriptiondevraient être modifiées, de façon à permettre à l’Agence de cotiser de nouveaupour l’année visée, même en dehors de la période normale de nouvelle cotisation.

Certains problèmes se posent dans l’application de la rétroactivité de lacondition suspensive. D’abord, le vendeur qui a réclamé l’amortissement pendenteconditione se trouve, une fois la condition accomplie, dans une situation où il aréclamé l’amortissement sur un bien dont il n’était plus propriétaire pour lesannées d’imposition visées. Devra-t-il rembourser l’impôt économisé en raisondes déductions réclamées ? De même, l’acheteur, qui est propriétaire du bienrétroactivement à la date de la conclusion du contrat, pourra-t-il réclamer

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l’amortissement pour les années où la condition était en suspens ? L’une oul’autre de ces solutions pourrait mener à des iniquités pour l’une ou l’autre desparties à la transaction. En effet, si le vendeur a conservé la possession, lajouissance et le contrôle du bien et en a assumé les risques et les charges durantla période d’incertitude, il semblerait injuste que ce soit l’acheteur qui puisseréclamer l’amortissement pour ces années. À l’inverse, si l’acheteur a eupossession du bien de la même façon pendant les années en question, il seraitcontraire à l’équité de lui refuser le droit de réclamer l’amortissement.

Une solution à ce problème consisterait à adopter la position du ministère duRevenu du Québec, qui n’exige pas le remboursement de l’amortissementréclamé antérieurement par une partie et n’accorde pas rétroactivementl’amortissement à l’autre partie. Les parties seraient alors libres de stipulerlaquelle des deux aurait le droit de déduire l’amortissement et devraient produireun choix conjoint, comme c’est présentement le cas pour les contrats de crédit-bail347. Toutefois, à défaut du choix conjoint des parties, le problème resteraitentier. Juridiquement, si tous les effets de la rétroactivité sont reconnus, ilfaudrait reconnaître rétroactivement le droit de réclamer la déduction pouramortissement à l’acheteur et le retirer au vendeur, entraînant les problèmesd’équité potentiels soulignés et une plus grande complexité administrative.

Par ailleurs, la rétroactivité de la condition suspensive met le contribuable àl’abri de toute modification législative pouvant survenir avant que la conditionne se réalise, ce qui résulte en un avantage incontestable pour le contribuable eten une perte fiscale pour l’État. De surcroît, cette conséquence de la rétroactivitéde la condition suspensive ouvrirait la porte à de nombreuses possibilités deplanifications fiscales très avantageuses pour le contribuable, ce qui obligeraitencore une fois le législateur à complexifier la Loi afin de contrer les transactionsd’évitement.

Quant à la condition résolutoire, l’application de la rétroactivité poseraitégalement certains problèmes.

Dans le cas d’une vente sous condition résolutoire, le gain ou la perte encapital, ou encore la récupération d’amortissement ou la perte finale, seraientreconnus dès l’année d’imposition de la conclusion du contrat. Ce n’est que lorsde la réalisation de la condition que la disposition serait réputée n’avoir jamais eulieu; le contribuable devrait alors produire une déclaration amendée pour réclamerle remboursement de l’impôt payé sur le gain en capital ou la récupérationd’amortissement. De la même façon, il devrait payer l’impôt économiséinitialement sur la déduction de la perte en capital ou de la perte finale réclamée.Évidemment, les commentaires déjà faits quant aux modifications législatives àapporter aux règles de la prescription sont pertinents dans ce cas.

Quant à l’amortissement, la question de savoir qui pourrait le réclamer pourla période pendente conditione se pose de la même façon que dans le cas desconditions suspensives. L’acheteur, qui a eu la possession du bien, en a assuméles risques et les charges et retiré les revenus, a réclamé l’amortissement pour

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ces années. Or, après la réalisation de la condition, il se trouve à avoir réclamél’amortissement sur un bien qu’il n’avait pas acquis, alors que le vendeur quin’a jamais disposé du bien pourrait théoriquement réclamer l’amortissementpour les années en question. Cependant, contrairement au cas de la conditionsuspensive, l’acheteur a non seulement la possession pendente conditione, maisil a un véritable droit de propriété qui est anéanti rétroactivement. L’équitévoudrait donc que ce soit lui qui puisse réclamer l’amortissement pour cettepériode, solution retenue par les autorités fiscales québécoises.

Les objectifs du législateur

En 1991, lors du congrès de l’APFF, le ministère des Finances émettait l’opinionsuivante en commentant la décision de la Cour canadienne de l’impôt dansl’affaire Fortin & Moreau (Construction Bérou) :

Le ministère des Finances considère qu’il est important d’avoir la même définitiondes concepts d’acquisition et de propriété en droit civil comme en Common Lawpour éviter des incohérences dans l’imposition des opérations selon qu’elles seproduisent au Québec ou dans une province de Common Law348.

Cette citation exprime bien l’objectif d’application uniforme de la Loi àtravers le pays, eu égard aux notions d’acquisition et de disposition.

Bien que l’auteure ait conclu que la position exacte en droit fiscal, dans l’étatactuel du droit, est que la rétroactivité des obligations conditionnelles devraitêtre reconnue, elle est consciente de l’importance de cet objectif d’applicationuniforme. En effet, en termes de politique fiscale, il est compréhensible que leministère des Finances souhaite l’application de la Loi de la même façon auQuébec que dans les autres provinces, favorisant ainsi les échanges commerciauxinterprovinciaux et l’équité dans l’application de la Loi.

Cependant, cet objectif se heurte au respect des deux systèmes de droit privéexistants au Canada, le droit civil et la common law, qui sont fondamentalementdifférents quant à la notion de propriété et aux conséquences des obligationsconditionnelles. D’où la nécessité pour le législateur, s’il désire atteindre l’objectifd’application uniforme de la Loi, de définir une notion de disposition propre audroit fiscal qui ne fasse référence à aucun des deux systèmes de droit privé, ouqui tienne compte des différents concepts des deux.

Par ailleurs, il faut reconnaître qu’au départ, l’objectif du législateur était dedéfinir la notion de disposition d’une façon large. Le Rapport de la Commissionroyale d’enquête sur la fiscalité 349, communément appelé le « Rapport Carter »,publié en 1966, préconisait l’adoption d’une assiette fiscale compréhensive,incluant toute « augmentation de la puissance économique » y compris celleprovenant de la hausse de la valeur marchande des biens possédés,indépendamment de la réalisation de cette plus-value. Cependant, en raison deconsidérations pratiques, la Commission recommandait que la plus-value ne

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soit imposée que lors de la « disposition » des biens, mais puisque cetteconcession résultait d’un compromis par rapport à l’assiette théorique idéale,elle recommandait l’adoption d’une notion très large de disposition350.

Néanmoins, le gouvernement de l’époque n’avait pas cru bon d’aller aussiloin que les recommandations de la Commission Carter351. Le législateur afinalement adopté la même définition de disposition que celle qui existaitdepuis 1949 aux fins de la récupération de l’amortissement352.

Tel que discuté, un important courant jurisprudentiel a tenté d’uniformiser lanotion de disposition, tant en droit civil qu’en common law, pour les finsd’application de la Loi. Cette jurisprudence a assimilé la disposition au transfertdu beneficial ownership. Bien que l’auteure soit en désaccord avec ce courantjurisprudentiel en raison de la formulation de la Loi et de la complémentaritédu droit privé, elle admet que l’objectif est souhaitable : il s’agit d’imposer laplus-value sur les biens lorsqu’elle est réalisée, c’est-à-dire lorsque le gain estdéfinitivement déterminé.

En effet, l’auteure est d’avis que la politique fiscale sous-jacente àl’imposition du gain en capital ou de la récupération de l’amortissement vise àimposer le gain lorsqu’il est réalisé, c’est-à-dire lorsque le droit du vendeur derecevoir le prix de vente est certain et absolu.

L’exigence que le revenu soit réalisé avant d’être taxé est un principefondamental de fiscalité au Canada, de même qu’au Royaume-Uni et aux États-Unis353. L’une des raisons principales qui sous-tendent ce principe est que c’està ce moment que la valeur du bien cesse de fluctuer et que le gain ou la pertepeut être mesuré avec exactitude. C’est également à ce moment que le vendeurdispose des liquidités nécessaires pour être en mesure d’acquitter les impôts354.

Les modifications législatives proposées

L’auteure tente de proposer des modifications législatives qui tiennent compte del’équilibre nécessaire entre l’objectif d’application uniforme de la Loi à l’échellecanadienne et le respect des deux systèmes de droit privé. Il est entendu que cespropositions ne sont qu’une amorce de solution; l’analyse exhaustive des solutionspossibles n’a pas été effectuée parce qu’elle dépassait le cadre de cet article.

Une solution possible serait de définir la notion de disposition de façon claireet complète, afin d’écarter définitivement la complémentarité du droit privé desprovinces. Cette définition pourrait faire référence au moment où le vendeur aun droit absolu, bien que pas nécessairement immédiat, au prix de vente. Il seraitcependant extrêmement difficile d’élaborer une définition exhaustive de la notionde disposition qui soit neutre, c’est-à-dire qui ne ferait référence à aucun conceptde droit privé pour la compléter, tel que la propriété ou le beneficial ownership.

L’auteure croit qu’il serait plus approprié de définir le concept de dispositionen établissant d’une part ce qu’il vise au Québec, et d’autre part ce qu’il signifieen common law. Pour son application au Québec, la définition pourrait inclureles éléments suivants :

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1) La disposition a lieu au moment où les conditions suivantes sont réunies :a) le vendeur a un droit absolu, mais pas nécessairement immédiat, au

prix de vente du bien;b) la possession du bien, le droit d’en user et d’en percevoir les fruits, de

même que le risque de perte du bien par cas fortuit sont transférés àl’acheteur.

2) Dans le cas d’une vente sous condition suspensive ou résolutoire, laréalisation de la condition est réputée n’avoir aucun effet rétroactif, maisopérer pour l’avenir seulement.

Pour son application dans les provinces de common law, la définition pourraitprévoir que la disposition a lieu dès que le beneficial ownership est transféré,indépendamment du fait que le legal ownership est conservé par le vendeur.

Cette définition ferait en sorte qu’au Québec, dans le cas d’une vente souscondition suspensive, la disposition n’aurait lieu que lors de la réalisation de lacondition, puisque c’est à ce moment que le vendeur a un droit absolu au prix devente. Dans le cas d’une condition résolutoire, puisque l’obligation prendnaissance immédiatement, la disposition aurait lieu dès la conclusion du contrat.

En écartant l’effet rétroactif de la condition, cette définition éviterait toutes lesdifficultés exposées et simplifierait l’application de la Loi en évitant le mécanismedes déclarations amendées. Bien entendu, tous les inconvénients mentionnés dela non-reconnaissance de la rétroactivité demeureraient. C’est le prix à payerpour une législation fiscale uniforme; il en est du choix du législateur. À tout lemoins, une rédaction claire de la Loi permettrait aux contribuables québécois desavoir à l’avance que la rétroactivité de leurs transactions n’aurait pas d’effetaux fins de la LIR.

En common law, cette définition ferait en sorte qu’en présence d’une conditionprecedent, la disposition n’aurait lieu que lors de la réalisation de la conditionpuisqu’en vertu de la common law, le beneficial ownership n’est transféré qu’àce moment. Quant aux conditions subsequent, puisqu’elles n’empêchent pas latransmission du beneficial ownership, il y aurait disposition immédiate.

Ainsi, le traitement fiscal des obligations conditionnelles en droit civil seraitidentique à celui des conditions en common law, ce qui permettrait d’atteindrel’objectif d’application uniforme de la Loi partout au Canada.

En outre, la définition proposée fait en sorte que dans le cas d’une vente àtempérament, en droit civil, la disposition aurait lieu dès la conclusion du contrat,puisqu’une telle vente transfère immédiatement la possession, l’usage, le droit depercevoir les fruits, ainsi que les risques de perte à l’acheteur, et que le vendeura un droit absolu au prix de vente, bien qu’il soit soumis à un terme.

Enfin, cette définition respecte les concepts et la terminologie du droit civilet de la common law, conformément aux principes d’harmonisation de la Loifédérale avec le droit civil.

En ce qui concerne la résolution du contrat à la suite de l’inexécution dudébiteur, les paragraphes 79(2) et 79.1(2) LIR devraient être modifiés pour ne

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plus faire référence à la « propriété effective », mais plutôt aux concepts quifigurent dans la définition de disposition proposée par l’auteure. De la mêmefaçon, il faudrait également écarter l’effet rétroactif de la résolution du contrat.

CONCLUSION

Dans cet article, l’auteure a analysé le droit applicable aux obligationsconditionnelles, en droit civil et en common law, ainsi que leurs conséquencesfiscales.

Par une étude des différents concepts de droit civil et de common law reliésaux obligations conditionnelles et à la rétroactivité, elle en a fait ressortir lesdivergences et les similarités. Ensuite, une analyse des conséquences fiscales deces différents concepts de droit privé a permis de conclure que le droit fiscalactuel, en dépit de l’existence de tendances jurisprudentielles contradictoires etdes ambiguïtés de la LIR, s’en remettait essentiellement aux règles prévues parle droit privé pour déterminer le moment de la disposition d’un bien.

Cette conclusion repose sur le principe de complémentarité, qui veut quelorsque la Loi ne définit pas exhaustivement un terme qui fait référence au droitprivé, les règles applicables sont celles du droit civil, pour le Québec, et de lacommon law pour les autres provinces.

L’auteure a enfin conclu que si le législateur fédéral souhaite écarter le droitprivé des provinces pour imposer une règle propre au droit fiscal, il doit le fairede façon expresse. À cet égard, l’auteure à proposé des modifications législativesvisant à atteindre l’objectif d’application uniforme du droit fiscal dans l’ensembledu pays, tout en respectant les concepts et la terminologie juridique des deuxsystèmes de droit privé existants, le droit civil et la common law.

Notes1 Albert Mayrand, « Le droit comparé et la pensée juridique canadienne » (1957), vol. 17, no 1

Revue du Barreau 1-4, à la p. 2.

2 14 George III, ch. 83 (R.-U.), LRC 1985, Appendice II, no 2, article VIII.

3 Il faut noter que l’Acte de Québec n’était nullement motivé par l’objectif moderne dubijuridisme, mais plutôt par la nécessité pour l’autorité britannique de s’assurer la loyauté desCanadiens français catholiques, face à la menace imminente de la révolution américaine. VoirJacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec, t. 1 (Sillery : Septentrion, 1995), à la p. 391.

4 30 & 31 Vict., c. 3 (R.-U.).

5 Ibid., article 92(13).

6 R. c. Lagueux & Frères Inc., 74 DTC 6569, à la p. 6572 (CF 1re inst.) (ci-après « Lagueux &Frères »).

7 Jean-Maurice Brisson, « L’impact du Code civil du Québec sur le droit fédéral : Uneproblématique » (1992), vol. 52, no 2 Revue du Barreau 345-60; Jean-Maurice Brisson etAndré Morel, « Droit fédéral et droit civil : complémentarité, dissociation » (1996) vol. 75,no 2 Revue du Barreau Canadien 297-334; Marc Cuerrier, Sandra Hassan et Louis L’Heureux,« Harmonisation des lois fiscales fédérales avec le droit civil québécois et le bijuridisme

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canadien », dans Congrès 2000 (Association de planification fiscale et financière, 2001),16:1-57.

8 Loi sur les langues officielles, LRC 1985, c. 31 (4e suppl.).

9 Cuerrier, Hassan et L’Heureux, supra, note 7, à la p. 16:6.

10 LRC 1985, c. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (ci-après la « Loi » ou « LIR »).

11 LQ 1991, c. 64 (ci-après « CcQ » ou « Code civil »).

12 Article 1497 CcQ. Voir Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les Obligations, 5e éd.(Cowansville : Les Éditions Yvon Blais, 1998), no 584, à la p. 458.

13 Article 1500 CcQ; Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 588, aux pp. 460-61.

14 Ibid., aux pp. 458-59; Henri Mazeaud, Léon Mazeaud et Jean Mazeaud, Leçons de droit civil, t. 2,3e éd. (Paris : Montchrestien, 1968), no 1039, à la p. 881; Jean Pineau, Danielle Burman et SergeGaudet, Théorie des obligations, 3e éd. (Montréal : Éditions Thémis, 1996), no 374, à la p. 545.

15 Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 585, à la p. 459.

16 Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1027, à la p. 876; Pierre-Basile Mignault,Le droit civil canadien, t. 5 (Montréal : Théorêt, 1901), à la p. 433; Pineau, Burman et Gaudet,supra, note 14, no 377, à la p. 552.

17 Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 592, à la p. 463; Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra,note 14, no 1030, à la p. 877; Mignault, supra, note 16, à la p. 443; Pineau, Burman et Gaudet,supra, note 14, no 377, à la p. 552.

18 Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1030, à la p. 877; Mignault, supra, note16, à la p. 443.

19 Article 1744 CcQ.

20 Le Code civil du Québec — Commentaires du ministre de la Justice, t. 1 (Québec : LesPublications du Québec, 1993), à la p. 925.

21 Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1035, aux pp. 878-79. Les italiques sontdans l’original. Sauf indication contraire, les italiques qui paraissent dans les citations sontdans le texte original; l’auteure a ajouté les soulignements. Au même effet : Léon Faribault,Traité de droit civil du Québec, t. 8bis (Montréal : Wilson et Lafleur, 1959), no 73, à la p. 49;Vincent Karim, Commentaires sur les obligations, vol. 2 (Cowansville : Les Éditions YvonBlais, 1997), aux pp. 21-22; Mignault, supra, note 16, à la p. 443; Pineau, Burman et Gaudet,supra, note 14, no 377, à la p. 554.

22 Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 595, à la p. 465; Gabriel Baudry-Lacantinerie et L. Barde,Traité théorique et pratique de droit civil, 3e éd., vol. 13, t. 2, « Des obligations » (Paris : Sirey,1908), no 815, à la p. 44; Karim, supra, note 21, à la p. 22.

23 Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1036, à la p. 880; Pineau, Burman etGaudet, supra, note 14, no 377, à la p. 554.

24 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 377, à la p. 554.

25 Article 1497 CcQ.

26 Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 597, à la p. 466; Faribault, supra, note 21, no 95, à la p. 73;Denys-Claude Lamontagne, Droit de la vente (Cowansville : Les Éditions Yvon Blais, 1995),no 130, à la p. 57; Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1037, à la p. 880; Mignault,supra, note 16, à la p. 447; Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 378, à la p. 555.

27 Mignault, supra, note 16, à la p. 448.

28 Ibid.

29 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 378, à la p. 555; voir aussi Baudouin et Jobin,supra, note 12, no 598, aux pp. 466-67; Faribault, supra, note 21, no 97, à la p. 74; Karim,

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supra, note 21, à la p. 23; Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1038, à lap. 880; Mignault, supra, note 16, à la p. 447.

30 Faribault, supra, note 21, no 108, à la p. 81; Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14,no 1038, à la p. 881.

31 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 378, à la p. 555.

32 Mignault, supra, note 16, à la p. 434.

33 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 378, à la p. 556; voir également Faribault, supra,note 21, no 102, à la p. 77.

34 Article 1507 CcQ.

35 « La condition étant suspendue » : désigne la période entre la conclusion de l’entente etl’accomplissement de la condition. Albert Mayrand, Dictionnaire de maximes et locutionslatines utilisées en droit (Cowansville : Yvon Blais, 1985), à la p. 203.

36 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 377, à la p. 554.

37 Article 1606 CcQ.

38 Article 1422 CcQ.

39 Karim, supra, note 21, à la p. 554.

40 Jean-Louis Baudouin, Les Obligations, 3e éd. (Cowansville: Les Éditions Yvon Blais, 1989),no 772, à la p. 467 et no 775, aux pp. 468-69; Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22,no 815-818, aux pp. 44-46; Faribault, supra, note 21, no 77, aux pp. 52-53 et no 106, à la p.79; Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1035, à la p. 879 et no 1038, aux pp.880-81; Mignault, supra, note 16, aux pp. 444 et 448.

41 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 207, aux pp. 304-5; Baudouin et Jobin, supra,note 12, no 798, à la p. 628.

42 Baudouin, supra, note 40, no 772, à la p. 467 et no 775, à la p. 469; Mazeaud, Mazeaud etMazeaud, supra, note 14, no 1035, à la p. 879.

43 Article 2943, alinéa 1 CcQ. Voir Karim, supra, note 21, à la p. 23.

44 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 414, à la p. 602; Baudouin et Jobin, supra,note 12, no 799, à la p. 630.

45 Article 2943, alinéa 2 CcQ.

46 « Personne (ne) donne ce qu’il n’a pas » : Mayrand, supra, note 35, à la p. 171.

47 Pierre-Gabriel Jobin, « Précis sur la vente », dans La Réforme du Code civil — Textes réunispar le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec, vol. 2 (Québec : Presses del’Université Laval, 1993), 359-620, aux pp. 424-25, notes 378 et 381; Lamontagne, supra,note 26, no 130, aux pp. 57-58.

48 Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 595, à la p. 465.

49 Ibid., no 598, à la p. 467.

50 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 207, à la p. 303. Voir également le texte quisuit la note infrapaginale 79 du présent texte.

51 Faribault, supra, note 21, no 77, à la p. 53.

52 « La chose périt (est perdue) pour le propriétaire » : Mayrand, supra, note 35, à la p. 250.

53 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 418, aux pp. 608-9.

54 Faribault, supra, note 21, no 87, à la p. 65.

55 Ibid., no 87, à la p. 66. Voir aussi Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1035, àla p. 879.

56 Supra, note 20, à la p. 926.

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OBLIGATIONS CONDITIONNELLES EN DROIT FISCAL 1447

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

57 Article 950 CcQ.

58 « La chose périt (est perdue) pour le débiteur » : Mayrand, supra, note 35, à la p. 250.

59 Jean Pineau, « Théorie des obligations », dans La Réforme du Code civil, supra, note 47, 9-234,à la p. 166. La citation du deuxième paragraphe est tirée du Code civil du Québec —Commentaires du ministre de la Justice, supra, note 20, à la p. 884.

60 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 420, à la p. 613. Au même effet : Karim, supra,note 21, à la p. 27.

61 Article 950 CcQ.

62 Voir le texte qui précède et qui suit immédiatement la note infrapaginale 39.

63 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 421, à la p. 613.

64 Ibid., no 421, à la p. 614. En sens contraire, voir Lamontagne, supra, note 26, no 131, à la p. 58.

65 Faribault, supra, note 21, no 106, aux pp. 79-80.

66 Voir le texte qui suit immédiatement la note infrapaginale 31.

67 Mignault, supra, note 16, à la p. 446.

68 Bien que Baudouin et Jobin soient d’avis que le vendeur/propriétaire devrait assumer lesrisques, ils ajoutent : « Dans la pratique, on cherche aujourd’hui à écarter ce scénario, car ilserait contraire à l’équité de faire supporter les risques au vendeur, qui n’a plus aucun contrôlesur l’objet vendu. » : Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 783, à la p. 611.

69 Article 949 CcQ.

70 Faribault, supra, note 21, no 78, à la p. 57; Mignault, supra, note 16, à la p. 445.

71 Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22, no 824, aux pp. 49-50; Philippe Derouin, « Pourune analyse “fonctionnelle” de la condition » (1978), vol. 76 Revue trimestrielle de droit civil1-41, no 40, aux pp. 22-23; Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1035, à la p.880. En sens contraire, voir Dollard Dansereau, « La rétroactivité de la condition » (1936-37),vol. 15, no 3 Revue du Droit 179-85, à la p. 184.

72 Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22, no 824, aux pp. 49-50.

73 Faribault, supra, note 21, no 78, à la p. 58.

74 Mignault, supra, note 16, à la p. 445.

75 Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22, no 823, aux pp. 48-49; Faribault, supra, note21, no 78, aux pp. 56-57; Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1035, à la p. 880et no 1038, à la p. 881. En sens contraire, voir Dansereau, supra, note 71, aux pp. 183-84.

76 Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22, no 823, à la p. 48.

77 Amédée Leloutre, « Étude sur la rétroactivité de la condition » (1907), vol. 6 Revuetrimestrielle de droit civil 753-74, à la p. 764.

78 Faribault, supra, note 21, no 78, à la p. 56.

79 Ibid., no 78, à la p. 57.

80 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 207, aux pp. 304-5.

81 Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22, no 809(I), aux pp. 37-42; Leloutre, supra, note77, aux pp. 756-58; Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1035, à la p. 879 etLectures, aux pp. 883-84.

82 Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22, no 809(I), aux pp. 37-42; Leloutre, supra, note77, à la p. 774.

83 Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 592, à la p. 463; Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra,note 14, nos 1032-33, aux pp. 877-88.

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1448 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

84 « Personne ne peut transférer à autrui plus de droit qu’il n’en a lui-même. » : Mayrand, supra,note 35, à la p. 175. Voir nemo dat quod non habet dans le texte qui précède immédiatement lanote infrapaginale 46.

85 Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22, nos 815-17, aux pp. 44-45; Derouin, supra,note 71, no 45, aux pp. 25-26; Leloutre, supra, note 77, à la p. 765.

86 Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22, no 809(I), aux pp. 39-41; Leloutre, supra, note77, à la p. 758; Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, Lectures, à la p. 884.

87 Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22, no 809(I), à la p. 42.

88 Faribault, supra, note 21, no 78, à la p. 56.

89 Mignault, supra, note 16, à la p. 445.

90 Ibid., à la p. 445, note infrapaginale (1).

91 Baudry-Lacantinerie et Barde, supra, note 22, no 823, à la p. 49 et no 824, à la p. 50.

92 Leloutre, supra, note 77, aux pp. 763-64.

93 Voir la citation qui précède la note infrapaginale 241 et le texte qui suit cette note, ainsi quele texte suivant immédiatement la note infrapaginale 342.

94 Article 1604 CcQ.

95 Article 1606 CcQ.

96 Article 1743 CcQ.

97 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 413, à la p. 601.

98 Article 2939 CcQ.

99 Article 2943 CcQ. Voir le texte qui précède les notes infrapaginales 43 et 44.

100 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 411, à la p. 600.

101 Mazeaud, Mazeaud et Mazeaud, supra, note 14, no 1039, à la p. 881. Voir également Baudouinet Jobin, supra, note 12, no 584, à la p. 458; Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 374,à la p. 545.

102 Article 1745 CcQ.

103 Supra, note 20, à la p. 1091.

104 [1989] 1 RCS 880 (ci-après « Venne »).

105 Ibid., à la p. 900.

106 Article 1508 CcQ.

107 Sous réserve des formalités prévues au Code civil : articles 1745 à 1749 CcQ.

108 Jobin, supra, note 47, no 218, à la p. 508.

109 Supra, note 20, à la p. 1092.

110 Pineau, Burman et Gaudet, supra, note 14, no 206, à la p. 301; Baudouin et Jobin, supra,note 12, no 392, aux pp. 325-26 et no 403, aux pp. 332-33.

111 Pineau, supra, note 59, à la p. 83.

112 Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 382, à la p. 320.

113 Article 1750 CcQ.

114 Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 588, à la p. 461; Lamontagne, supra, note 26, no 130, àla p. 57.

115 Jobin, supra, note 47, no 228, à la p. 516.

116 Ibid., no 229, à la p. 517.

117 Article 1751 CcQ.

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OBLIGATIONS CONDITIONNELLES EN DROIT FISCAL 1449

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

118 Jobin, supra, note 47, no 234, à la p. 519.

119 Article 1752 CcQ.

120 Jobin, supra, note 47, no 72, aux pp. 413-14.

121 Voir le texte qui suit immédiatement la note infrapaginale 67.

122 Article 1396 CcQ. Voir également Jobin, supra, note 47, no 47, à la p. 396; Pineau, Burmanet Gaudet, supra, note 14, no 59, à la p. 102.

123 Article 1712 CcQ.

124 Jobin, supra, note 47, no 47, à la p. 396.

125 Ibid., no 48, aux pp. 396-97 et no 51, à la p. 398.

126 Ibid., no 56, aux pp. 400-1.

127 Ibid., no 56, à la p. 401. Voir également Olympia & York Developments Ltd. c. La Reine, 80DTC 6184, à la p. 6191 (CF 1re inst.) (ci-après « Olympia & York »).

128 Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 504, à la p. 404 ; Pineau, Burman et Gaudet, supra,note 14, no 241, à la p. 356.

129 Article 1385 CcQ.

130 Baudouin et Jobin, supra, note 12, no 169, à la p. 184.

131 Et non « date effective », calque de l’anglais « effective date ».

132 Article 331, 647, 884 CcQ.

133 Sura c. MRN, 62 DTC 1005 (CSC).

134 MRN c. Faure, 77 DTC 5228, à la p. 5229 (CSC) (ci-après « Faure »).

135 Benoît Mandeville, « Revenu Canada et le Code civil », dans Congrès 93 (Montréal : Associationde planification fiscale et financière, 1993), 18:1-54, à la p. 18:23.

136 Article 884 CcQ.

137 Andréa Boudreau-Ouellet, « Aspects conceptuels et juridiques du “droit de propriété” » (1990),vol. 21, no 1 Revue générale de droit 169-80, à la p. 172. L’auteure parle de « biens réels », c’est-à-dire de « real property », par opposition aux « biens personnels » ou « personal property ».En common law, les règles de la propriété sont fondamentalement différentes pour ces deuxcatégories de biens. Malgré les différences qui existent dans la conception de la propriété endroit civil et en common law, les concepts de real property et de personal property de commonlaw sont respectivement le pendant de ceux de bien immeuble et de bien meuble en droit civil.

138 Halsbury’s Laws of England, 4e éd. (Londres : Butterworths, 1994), vol. 35, paragraphes 1227et 1228. Voir aussi Brian J. Arnold et David A. Ward, « Dispositions—A Critique of RevenueCanada’s Interpretation » (1980), vol. 28, no 5 Revue fiscale canadienne 559-84; Douglas S.Ewens et Michael J. Flatters, « Toward a More Coherent Theory of Dispositions » (1995),vol. 43, no 5 Revue fiscale canadienne 1377-1411.

139 Barbara Pierre, « Classification of Property and Conceptions of Ownership in Civil andCommon Law » (1997), vol. 28, no 2 Revue générale de droit 235-74, à la p. 247.

140 Black’s Law Dictionary, 6e éd., à la p. 156.

141 Pearl E. Schusheim, « Trust Basics: An Overview », dans Report of the Proceedings of theFiftieth Tax Conference, 1998 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’étudesfiscales, 1999), 32:1-31, à la p. 32:2.

142 Laliberté c. Larue, [1931] RCS 7, à la p. 16.

143 Pierre A. Lessard, Constantine A. Kyres et Charles C. Gagnon, « Treaty Benefit Entitlements ofTrusts, Partnerships, and Hybrid Entities », dans Report of Proceedings of the Forty-Ninth TaxConference, 1997 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales,

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1450 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

1998), 33:1-38, à la p. 33:9. Au même effet : Pierre, supra, note 139, à la p. 268; Guy Fortin,« Economic Reality Versus Legal Reality; Planning for Trusts: Deemed Disposition on January1, 1999; Subsection 107(4.1) of the Income Tax Act », dans Report of Proceedings of the Forty-Eighth Tax Conference, 1996 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’étudesfiscales, 1997), 5:1-39, à la p. 5:27; Maurice Régnier, « Exportation et importation d’unefiducie », dans Journée d’études fiscales 1994 (Montréal : Association canadienne d’étudesfiscales, 1994), 6:1-23, à la p. 6:21.

144 Olympia & York, supra, note 127, aux pp. 6189-90.

145 Black’s Law Dictionary, 6e éd., à la p. 293. Voir également A.H. Oosterhoff et W.B. Rayner,Anger and Honsberger Law of Real Property, vol. 1, 2e éd. (Aurora (Ont.) : Canada LawBook, 1985), à la p. 301.

146 Ibid., à la p. 293.

147 Howard J. Kellough, « The Legal Efficacy of Unwinding or Negating a Transaction in Whole orin Part », dans Report of the Proceedings of the Thirty-Seventh Tax Conference, 1985 ConferenceReport (Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1986), 9:1-37, à la p. 9:6. Au mêmeeffet : Steven M. Cook et David J. Christian, « Remedial Tax Planning—What Are the Limits? »,dans 1994 British Columbia Tax Conference (Toronto : Association canadienne d’étudesfiscales, 1994), 7:1-35, à la p. 7:16; G.H.L. Fridman, The Law of Contract in Canada, 4e éd.(Scarborough (Ont.) : Carswell, 1999), à la p. 459; Edwin G. Kroft, « Tax Clauses in AcquisitionAgreements », dans Selected Income Tax and Goods and Services Tax Aspects of the Purchaseand Sale of a Business, Corporate Management Tax Conference, 1990 (Toronto : Associationcanadienne d’études fiscales, 1991), 9:1-99, à la p. 9:38.

148 [1959] RCS 578.

149 Fridman, supra, note 147, aux pp. 459-60.

150 Pierre Barsalou, « L’impact des particularités du droit civil dans l’application des lois fiscales »,dans Report of Proceedings of the Fifty-First Tax Conference, 1999 Conference Report (Toronto :Association canadienne d’études fiscales, 2000), 8:1-31, à la p. 8:13; Diane Bruneau, « Larétroactivité des contrats en droit civil — impact fiscal » (1991), vol. 39, no 3 Revue fiscalecanadienne 536-53, à la p. 540.

151 Kellough, supra, note 147, à la p. 9:6. Voir également Richard B. Kuzyk, « Selected Aspectsof the Interplay Between Tax and Corporate Law », dans Report of Proceedings of the Forty-Second Tax Conference, 1990 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’étudesfiscales, 1991), 46:1-42, à la p. 46:12; Greenway c. La Reine, 96 DTC 6529 (CF Appel).

152 Kellough, supra, note 147, à la p. 9:7.

153 Black’s Law Dictionary, 6e éd., aux pp. 293-94.

154 Kellough, supra, note 147, à la p. 9:6.

155 Ibid.

156 Cook et Christian, supra, note 147, à la p. 9; David W. Ross, « Retrospectivity: The IncomeTax Act and the Time Machine » (1988), vol. 36, no 6 Revue fiscale canadienne 1567-83, auxpp. 1567-68.

157 RSS 1978, c. D-25.

158 Division 3b)(i)(A) LIR.

159 Paragraphe 13(1) et élément F de la définition de « fraction non amortie du coût en capital »au paragraphe 13(21) LIR.

160 Élément A de la définition de « fraction non amortie du coût en capital » au paragraphe 13(21)LIR et alinéa 1100(1)a) du Règlement de l’impôt sur le revenu, CRC, 1978, c. 945 tel quemodifié (ci-après « Règlement »).

161 Olympia & York, supra, note 127, à la p. 6193.

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OBLIGATIONS CONDITIONNELLES EN DROIT FISCAL 1451

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

162 Définition ajoutée par LC 2001, c. 17, paragraphe 188(5).

163 Nauss c. MRN, 78 DTC 1796 (CRI).

164 Voir le texte qui débute à la note infrapaginale 141.

165 Kuzyk, supra, note 151, à la p. 46:1; Joel A. Nitikman, « Intra-family Transfers: When Is Therea Disposition? » (1990), vol. 3, no 9 Canadian Current Tax C21-C32, aux pp. C29-C30; Brissonet Morel, supra, note 7, aux pp. 320-21.

166 60 DTC 554, à la p. 559 (CAI) (ci-après « Perron »).

167 [1944] RCS 371 (ci-après « Dominion Engineering »).

168 Ci-après parfois désigné « ministre » ou « ministère », prédécesseur de l’ADRC.

169 Supra, note 167, à la p. 376.

170 Shell Canada Ltd. c. La Reine, [1999] 3 RCS 622, à la p. 634 (ci-après « Shell Canada »).

171 Brisson, supra, note 7, aux pp. 352-53; Brisson et Morel, supra, note 7, à la p. 309; Cuerrier,Hassan et L’Heureux, supra, note 7, à la p. 6. Ce principe a été appliqué notamment dans lesarrêts suivants : Continental Bank Leasing Co. c. La Reine, [1998] 2 RCS 298, 98 DTC 6505;Will-Kare Paving & Contracting Ltd. c. La Reine, 2000 DTC 6479 (CSC); KingsdaleSecurities Co. c. MRN, 74 DTC 6674 (CF Appel).

172 Brisson et Morel, supra, note 7, à la p. 329. La citation est tirée de la décision Gervais c. LaReine, 85 DTC 5004 (CF 1re inst.). Les auteurs commentent, en note infrapaginale : « Il estplausible de croire qu’en cette matière, un impératif sous-jacent d’égalité devant les chargesfiscales favorise une interprétation uniforme de la législation à travers le pays. […] ».

173 Ibid., aux pp. 329-30.

174 Ibid., à la p. 332.

175 2001 CAF 63 (ci-après « St-Hilaire »).

176 LRC 1985, c. P-36.

177 Brisson, supra, note 7, aux pp. 352-53.

178 Supra, note 175, paragraphe 29.

179 Ibid., paragraphe 35.

180 Ibid., paragraphe 46.

181 Ibid., paragraphe 48. Citation tirée d’André Morel, « L’harmonisation de la législation fédéraleavec le Code civil du Québec — Pourquoi ? Comment ? », dans L’harmonisation de lalégislation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien (Ottawa : Ministèrede la Justice du Canada, 1997), 1-28, aux pp. 9-10.

182 Supra, note 175, paragraphe 51.

183 62 DTC 1378 (C. de l’É.) (ci-après « Victory Hotels »).

184 Ibid., à la p. 1385.

185 Ibid., à la p. 1386.

186 Ces articles sont au même effet que la définition actuelle de « disposition » au paragraphe248(1) LIR.

187 69 DTC 5194 (C. de l’É.) (ci-après « Wardean Drilling »).

188 Ibid., à la p. 5198.

189 Dans le présent texte, l’expression « attributs ordinaires du droit de propriété » servira à traduirel’expression « incidents of title » employée par le juge Cattanach, afin d’éviter toute confusionavec les attributs de la propriété en droit civil, à savoir l’usus, le fructus et l’abusus. La traductionchoisie provient de Lepage c. La Reine, [2000] CarswellNat 2279, no 99-3842(GST)I (CCI), le20 octobre 2000.

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1452 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

190 RSA 1955, c. 295.

191 99 DTC 5841 (CF Appel) (ci-après « Construction Bérou »).

192 Ibid., aux pp. 5860-61.

193 Ibid., à la p. 5861, note infrapaginale 43.

194 77 DTC 5169 (CF 1re inst.).

195 Ibid., à la p. 5170.

196 79 DTC 5068 (CSC) (ci-après « Compagnie Immobilière BCN »).

197 Ibid., à la p. 5072.

198 Ibid., aux pp. 5073-74.

199 Supra, note 127.

200 Ibid., à la p. 6187.

201 Ibid., à la p. 6193.

202 Ibid., aux pp. 6193-94.

203 85 DTC 643 (CCI).

204 Supra, note 191.

205 Fortin & Moreau Inc. c. MRN, 90 DTC 1436 (CCI). « Construction Bérou Inc. » a remplacé parla suite « Fortin & Moreau Inc. ». Pour plus de clarté, la référence se fait toujours à ConstructionBérou. Par ailleurs, en ce qui concerne la déduction pour amortissement, le juge Couture a concluque l’alinéa 13(21)b) LIR (correspondant à la définition de « bien amortissement ») exigeait nonseulement que le contribuable ait « acquis » le bien mais également qu’il en soit « propriétaire »et, en conséquence, il a refusé la déduction pour amortissement. La Cour d’appel fédérale arenversé la décision sur ce point et a accordé la déduction pour amortissement.

206 La Reine c. Construction Bérou Inc., 96 DTC 6177 (CF 1re inst.).

207 Supra, note 191, aux pp. 5852-53.

208 Revenu Canada, Bulletin d’interprétation IT-233R, « Conventions de bail avec option;Conventions de vente et de relocation », le 11 février 1983. Ce bulletin a subséquemment étéannulé : « Nouvelles techniques sur l’impôt sur le revenu », no 21, le 14 juin 2001.

209 Supra, note 191, à la p. 5867.

210 Ibid., à la p. 5864.

211 Ibid., à la p. 5842.

212 Ibid., à la p. 5844.

213 Brisson et Morel, supra, note 7, aux pp. 314 et 329-32.

214 Michael D. Templeton, « Financial Leases: Economic Substance Prevails » (2000), vol. 48,no 1 Revue fiscale canadienne 148-54, à la p. 152.

215 Supra, note 191, à la p. 5846.

216 Ibid., à la p. 5849.

217 Ibid.

218 Ibid., à la p. 5850.

219 Dominion Engineering, supra, note 167; Perron, supra, note 166.

220 Supra, note 167, à la p. 376.

221 Ibid., à la p. 377.

222 74 DTC 6591 (CF Appel), confirmé par 76 DTC 6397 (CSC).

223 Ibid., à la p. 6594.

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OBLIGATIONS CONDITIONNELLES EN DROIT FISCAL 1453

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

224 82 DTC 6080 (CF Appel) (ci-après « Perini Estate »).

225 Dans Winter v. Inland Revenue Commissioners, [1963] AC 235, lord Guest définit ainsi lacontingent liability, à la page 262 : « I should define a contingency as an event which may ormay not occur and a contingent liability as a liability which depends for its existence uponan event which may or may not happen ».

226 Reference as to the Validity of Section 6 of the Farm Security Act, 1944, of the Province ofSaskatchewan, [1947] RCS 394.

227 Perini Estate, supra, note 224, à la p. 6084.

228 Winter v. Inland Revenue Commissioners, supra, note 225.

229 Supra, note 206, à la p. 6181.

230 79 DTC 5259 (CF 1re inst.) (ci-après « Alepin »).

231 Voir Larose c. MRN, 92 DTC 2045 (CCI) (ci-après « Larose »).

232 Supra, note 230, à la p. 5262.

233 Supra, note 231.

234 Ibid., aux pp. 2052-53.

235 Même cet objectif de prohiber la planification fiscale rétroactive est aujourd’hui remis encause par l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario dans Juliar c. Canada, 2000 DTC 6589 (CAOnt.). La Cour suprême a refusé l’autorisation d’en appeler de ce jugement le 24 mai 2001.Voir « Table ronde sur la fiscalité fédérale », dans Congrès 2000 (Montréal : Association deplanification fiscale et financière, 2001), 51:5-44, question 5.2, aux pp. 51:32-33.

236 99 DTC 1275 (CCI).

237 2001 DTC 5173 (CF Appel).

238 Pierre Archambault, « Point de vue et discussion sur la fiscalité fédérale », dans Congrès 83(Montréal : Association québécoise de planification fiscale et successorale, 1984), 735-779,commentaires sur la question 3, aux pp. 740-43; Jean-Pierre Beauregard, « Interaction du droitcivil et de la Loi de l’impôt », dans 1985 Conference Report, supra, note 147, 25:1-27; PierreMartel, « Acquisition de contrôle d’une corporation : Analyse de concept », dans Congrès 93(Montréal : Association de planification fiscale et financière, 1993), 8:1-31; Nitikman, supra,note 165.

239 Barsalou, supra, note 150; Bruneau, supra, note 150.

240 Supra, note 183.

241 Bruneau, supra, note 150, aux pp. 541-42.

242 Ibid., à la p. 541, note infrapaginale 26.

243 Voir la discussion sous la rubrique « Les effets de la rétroactivité de la condition —L’interprétation restrictive de la rétroactivité ».

244 Supra, note 127.

245 Supra, note 104.

246 Manon Thivierge, « Forclusion d’hypothèques et reprise de biens », dans Congrès 96(Montréal : Association de planification fiscale et financière, 1997), 11:1-21, à la p. 11:10.

247 Archambault, supra, note 238, à la p. 743. Voir aussi Beauregard, supra, note 238, à la p.25:26.

248 Voir, par exemple, 106443 Canada inc. c. La Reine, 94 DTC 1660 (CCI).

249 97 DTC 1535 (CCI) (ci-après « Dubois »).

250 Le juge semble laisser entendre en obiter qu’il n’aurait pas appliqué la rétroactivité s’il s’étaitagi d’une condition suspensive, mais cette partie du jugement demeure obscure.

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1454 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

251 87 DTC 148 (CCI) (ci-après « Kozan »).

252 Supra, note 203.

253 Supra, note 127.

254 Dans Marlow Enterprises Ltd. c. MRN, 67 DTC 26 (CAI), le juge, se fondant sur le théorie dela « substance du contrat », a conclu qu’il y avait eu une « vente » malgré le fait que les partiesavaient expressément stipulé une réserve du droit de propriété. Cette théorie a subséquemmentété écartée par la Cour suprême : voir Shell Canada, supra, note 170 et La Reine c. Singleton,2001 CSC 61.

255 Par contre, dans l’affaire Mendel c. MRN, 65 DTC 114 (CAI), le juge a refusé de reconnaîtrela date d’entrée en vigueur du contrat antérieure à la signature, contrairement à l’intentiondes parties. Il semble toutefois qu’il s’agissait d’une tentative de « planification fiscalerétroactive » de la part du contribuable.

256 84 DTC 6001 (CF 1re inst.).

257 Supra, note 183.

258 85 DTC 5354 (CF 1re inst.).

259 Ibid., aux pp. 5358-59.

260 Cook et Christian, supra, note 147; Kuzyk, supra, note 151; Ross, supra, note 156. En senscontraire : Gabrielle Richards, « The Timing of Dispositions of Property » (1986), vol. 1, no 27Canadian Current Tax C131-C137.

261 Supra, note 134.

262 SC 1958, c. 29 (maintenant abrogée).

263 Supra, note 134, à la p. 5229.

264 89 DTC 5519 (CF 1re inst.) (ci-après « Furfaro-Siconolfi »).

265 Ibid., aux pp. 5522-23.

266 98 DTC 1273 (CCI) (ci-après « Riverin »).

267 C’est sur ce motif uniquement que la Cour d’appel fédérale a confirmé le jugement de laCour canadienne de l’impôt : 99 DTC 5356 (CF Appel)

268 Le juge laisse entendre qu’à cette date, la valeur de l’immeuble aurait pu être inférieure,entraînant une responsabilité moindre pour le contribuable. Toutefois, la raison pour laquelleil se penche sur cette question de rétroactivité demeure obscure, car il ne semble pas que lesparties l’aient soulevée.

269 Bruneau, supra, note 150.

270 Supra, note 266, à la p. 1278.

271 Supra, note 148.

272 Greenway, supra, note 151; Victory Hotels, supra, note 183; Nauss, supra note 163.

273 Cook et Christian, supra, note 147, à la p. 7:17; Douglas S. Ewens, « When Is a “Disposition”? »,dans Report of Proceedings of the Twenty-Sixth Tax Conference, 1974 Conference Report(Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1975), 515-41, à la p. 526; Kellough,supra, note 147, à la p. 9:6; Kuzyk, supra, note 151, à la p. 46:12; Richards, supra, note 260,à la p. C134.

274 60 DTC 1131 (C. de l’É.), confirmée par 62 DTC 1338 (CSC).

275 Ibid., à la p. 1135.

276 Voir Dominion Taxicab Association c. MRN, 54 DTC 1020 (CSC); MRN c. Benaby RealtiesLimited, 67 DTC 5275 (CSC); Commonwealth Construction Co. c. La Reine, 84 DTC 6420(CF Appel); La Reine c. Imperial General Properties Ltd., 85 DTC 5045 (CF Appel), infirmant83 DTC 5059 (CF 1re inst.), permission d’en appeler à la Cour suprême refusée : (1985), 16

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OBLIGATIONS CONDITIONNELLES EN DROIT FISCAL 1455

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

DLR (4th) 615n; La Reine c. Foothills Pipe Lines (Yukon) Ltd., 90 DTC 6607 (CF Appel);Kenneth B. S. Robertson Ltd. c. MRN (1944), 2 DTC 655 (C. de l’É.); Meteor Homes Ltd. c.MRN, 61 DTC 1001 (C. de l’É.); Fedak c. MRN, 63 DTC 586 (CAI); Outboard MarineCorporation of Canada Ltd. c. MRN, 90 DTC 1350 (CCI); 141224 Canada inc. c. La Reine,95 DTC 338 (CCI).

277 D.J. Albrecht, « Sale of Land Subject to Conditions—Meaning of “Receivable” » (1985),vol. 33, no 3 Revue fiscale canadienne 532-39, à la p. 535; Brian J. Arnold, Timing and IncomeTaxation: The Principle of Income Measurement for Tax Purposes, Canadian Tax Paper, no 71(Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1983), à la p. 130; Jean-François Drouin,Denis Girard et Raymond Lacroix, « Revenu d’entreprise et principes comptables :Développements jurisprudentiels récents » (1991), vol. 39, no 6 Revue fiscale canadienne1497-1536, aux pp. 1531-32; Edwin G. Kroft, « An Update on Select Legal Issues Relating toDispositions and Exchanges of Property », dans Real Estate Transactions: Tax Planning for theSecond Half of the 1990s, Corporate Management Tax Conference, 1995 (Toronto : Associationcanadienne d’études fiscales, 1996), 10:1-45, à la p. 10:21.

278 Arnold, supra, note 277, à la p. 137.

279 L’auteure fait référence aux autorités déjà citées quant aux conditions precedent.

280 83 DTC 5365 (CF Appel).

281 RSS 1978, c. I-13.

282 Supra, note 157.

283 Cet article fait référence à un testament, mais le paragraphe 4(2) de la même loi dispose qu’auxfins de ladite loi, la personne décédée ab intestat est réputée avoir fait un testament qui distribueses biens conformément au Intestate Succession Act.

284 Le juge Clément, notamment, a distingué cette partie de la succession de celle qui était dévolueà madame Hillis en vertu du Intestate Succession Act, soit 10 000 $ plus le tiers du résidu de lasuccession.

285 Supra, note 280, à la p. 5369.

286 Ibid., à la p. 5374.

287 Ibid., à la p. 5376.

288 Voir également Boger Estate c. La Reine, 91 DTC 5506 (CF 1re inst.); Winsor c. MRN, 91DTC 1170 (CCI); Dale c. La Reine, 94 DTC 1100 (CCI); R.B. Thomas et T.E. McDonnell,« Current Cases » (1992), vol. 40, no 1 Revue fiscale canadienne 162-76.

289 Supra, note 196.

290 Supra, note 191.

291 Supra, note 230.

292 Supra, note 231.

293 Supra, note 266.

294 Supra, note 134.

295 Supra, note 224.

296 Supra, note 264.

297 Nitikman, supra, note 165, à la p. C30.

298 Ibid.

299 Bulletin d’interprétation IT-170R, « Vente de biens — Quand elle doit être incluse dans lecalcul du revenu », le 25 août 1980.

300 Bulletin d’interprétation IT-285R2, « Déduction pour amortissement — Généralités », le 31mars 1994, numéros 17-19.

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1456 CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

301 « Points de vue du ministère et du praticien sur l’interprétation de la loi de l’impôt (loi fédéralede l’impôt sur le revenu) », dans Congrès 1981 (Montréal : Association québécoise deplanification fiscale et successorale, 1982), 151-240, question 17, à la p. 219.

302 « Revenue Canada Round Table », dans Report of Proceedings of the Thirty-Third TaxConference, 1981 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales,1982), 726-66, question 54, à la p. 764.

303 « Point de vue et discussion sur la fiscalité fédérale », supra, note 238, question 3, aux pp.739-40.

304 Voir les autorités citées à la note 151.

305 « Table ronde de Revenu Canada », dans Report of the Proceedings of the Thirty-Ninth TaxConference, 1987 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales,1988), 47:1-103, question 70, aux pp. 47:91-92.

306 Voir Bruneau, supra, note 150, à la p. 545.

307 « Table ronde de Revenu Canada », supra, note 305, à la p. 47:39.

308 « Table ronde sur la fiscalité fédérale », dans Congrès 89 (Montréal : Association deplanification fiscale et financière, 1990), 907-34, question 1.29, aux pp. 932-33.

309 Tax Window Files, dans Canadian Tax Library (CD-ROM) (Scarborough (Ont.) : CCHCanadian), interprétation technique AC73844, le 8 septembre 1989.

310 « Table ronde de Revenu Canada », dans Report of the Proceedings of the Forty-Third TaxConference, 1991 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales,1991), 50:40-83, question 41, aux pp. 50:65-66.

311 Ibid., 50:1-39, aux pp. 50:24-25.

312 « Table ronde sur la fiscalité fédérale », dans Congrès 98 (Montréal : Association deplanification fiscale et financière, 1999), 43:13-60, question 4.8, aux pp. 43:36-37.

313 Supra, note 299, numéro 7.

314 Voir note 305.

315 Voir note 310.

316 Revenue Canada Views, dans TaxPartner (CD-ROM) (Scarborough (Ont.) : Carswell),interprétation technique 9418865, le 22 décembre 1994.

317 « Table Ronde des CGA — 2000 », TaxPartner (CD-ROM) (Scarborough (Ont.): Carswell),Round Table 2000-0009130F, question 1.

318 LRQ, c. I-3 (ci-après « LI »).

319 RRQ, 1981, c. I-3, règlement 1, tel que modifié (ci-après « Règlement »).

320 St-Laurent c. Québec (sous-ministre du Revenu), [1986] RDFQ 89, à la p. 96.

321 « Guide de l’impôt », Collection fiscale du Québec (CD-ROM) (Farnham : PublicationsCCH), paragraphe 50 460.

322 Le premier alinéa de l’article 248R1 a été modifié par le décret D. 1707-97, article 98(1)(9°)par le remplacement de l’expression « le beneficial ownership » par « la propriété à titrebénéficiaire ». Cette modification a effet depuis le 30 octobre 1996.

323 LQ 1996, c. 39, article 139.

324 Revenu Québec, Bulletin d’interprétation 484-2/R1, « L’effet de la résolution d’un contrat »,le 31 août 1993.

325 Article 1704 CcQ.

326 LRQ, c. D-15.1.

327 LRQ, c. D-17.

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OBLIGATIONS CONDITIONNELLES EN DROIT FISCAL 1457

(2001), Vol. 49, No. 5 / no 5

328 Revenu Québec, Bulletin d’interprétation DTT. 1-2, « Exercice du droit de retrait », le 28février 1986.

329 Marie-Pier Cajolet, « Les droits sur les mutations immobilières », dans Répertoire de droit/Nouvelle série (Montréal : Chambre des notaires du Québec, 1996), Fiscalité, Doctrine,Document 2, à la p. 26; Denys-Claude Lamontagne, La publicité foncière (Cowansville : Éd.Yvon Blais, 1994), no 196, aux pp. 116-17.

330 LRC 1985, c. E-15, telle que modifiée (ci-après « LTA »).

331 LRQ, c. T-0.1, telle que modifiée (ci-après « LTVQ »).

332 Paragraphe 123(1) LTA.

333 Article 1 LTVQ.

334 Voir Collection fiscale du Québec (CD-ROM) (Farnham : Publications CCH), interprétationtechnique 93-0105929, le 31 mai 1996.

335 Ibid., mémoire d’opinion 98-0108120, le 2 mars 1999.

336 Article 1750 CcQ. Voir également sous la rubrique « La vente avec faculté de rachat ».

337 Confirmé par un représentant autorisé du ministère du Revenu du Québec.

338 Supra, note 196.

339 Supra, note 183, à la p.1386.

340 Faure, supra, note 134.

341 Perini Estate, supra, note 224; Furfaro-Siconolfi, supra, note 264.

342 Shell Canada, supra, note 170.

343 Voir à ce sujet la rubrique « Les effets de la rétroactivité de la condition — L’interprétationrestrictive de la rétroactivité », ainsi que la discussion sur l’article de Me Diane Bruneaudans le texte suivant la note infrapaginale 241.

344 Dans Olympia & York, supra, note 127, il ne s’agissait pas d’une véritable vente sous conditionsuspensive, mais plutôt d’une promesse de vente dans laquelle les parties avaient expressémentstipulé que le transfert de propriété n’aurait lieu que lors de la signature de l’acte de vente, cequi ne devait avoir lieu qu’après le paiement d’une partie déterminée du prix de vente.

345 Martel, supra, note 238, aux pp. 8:10-11.

346 Supra, note 312.

347 Article 16.1 LIR.

348 « Table ronde sur la fiscalité fédérale », dans Congrès 91 (Montréal : Association deplanification fiscale et financière, 1992), 1429-70, question 9.1, aux pp. 1452-53.

349 Commission royale d’enquête sur la fiscalité, Rapport de la Commission royale d’enquêtesur la fiscalité, t. 3 ( Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1966).

350 Ibid., à la p. 405.

351 Voir Canada, Propositions de réforme fiscale (Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1969), à la p.40 (communément appelé le « Livre Blanc », déposé par le ministre des Finances E.J.Benson).

352 Voir Arnold, supra, note 277, à la p. 130.

353 Ibid., à la p. 127.

354 Ibid., à la p.132. Voir également Dominion Engineering, supra, note 167.