ECSTASY

TOME3BREATHE

©2016NCLÉditionsTousdroitsréservésISBN:979-10-92634-34-1

E-mail:ncl.editions@gmail.comSiteinternet:www.nathalie-charlier.com

Existeégalementenlivreformatnumérique

NathalieCHARLIER

ECSTASY

BREATHETOME3

ROMAN

Àcellequiliraceroman,Sivousêtesarrivéejusqu’autome3,

C’estbonpourmoi…

ThisisnotforyourcriesThisisallforyourliesListenoutforyourmind

You'rekillingmeoverloveYourkissesaretheonlydoubtIlistenoutfromyourliesoh

Don'tdrownyourheart,oh,babyJustbreathe,don'tdrownyourheart

EspenBerg/TiagoCarvalhoSimenEriksrud

ChristofferHuseBernardoNeves/TrondOpsahl

1MadieCesoir,alorsquenousavonspassél’après-midiaucommissariat,Nahelestanormalementsilencieux.

Jenesaispascequisetramedanssoncerveaudéglingué,maiscelan’augureriendebon.So,FredetVinceviennentdepartir,etj’ignorecommentabordercesderniersévénementsaveclui.Surtoutquandilfaitcettetête!Pourtant, c’est moi qui devrais tirer une tronche de six pieds de long ! N’ai-je pas vu mon mari

tabassersonamiavecuneviolencerare?N’ai-jepasdécouvertqu’ilavaitcouchéavecunefemmeflic?N’ai-je pas également appris par la bouche charitable de cette pétasse quemonmec était un droguénotoire,dealerquiplusest? Ilmesemblequeça faitbeaucoupàencaisser,non?Plusd’unenanaseseraittiréeencourantpourmoinsqueça.Mais,alorsquejesuisordinairementsiprompteàréagiretàimaginerquetoutestfinientrenous,jene

disrien.Non, jeprends leschosesavecundétachementquim’étonnemoi-même.Etsurtout, jesuisentraind’essayerdelecomprendre.Oh,n’allezpascroirequejeluicherchedesexcuses,iln’enaaucune.Je ne cautionne pas la brutalité et encore moins les actes illégaux. De la même manière, je suisintimement persuadée que sans notre intervention, Val aurait porté plainte. À juste titre, du reste, etpersonne n’aurait pu le blâmer pour cela. Nahel n’avait pas le droit de s’en prendre à lui de cettemanière.Néanmoins,jenepeuxm’empêcherdemedemanderpourquelleraisonilaputombersibas.Comment

a-t-ilpuselaisseraspirerdanscettespiraleinfernalequ’estl’addiction?Ilmesemblequequandj’auraitrouvélesréponsesàcesquestions,jepourraimieuxl’aider.C’estvrai,sansblague,pourquoicemecsiintelligentetbrillant,sibeau,quiatouteslescartesenmainpourréussir,s’est-ilenliséautantdanslesembrouilles?Ilyaautrechosequime turlupine.Jenepeuxm’empêcherdedouterdesproposdecette femmeau

sujetdu traficdedroguedontelle l’accuse.Etsielleavaitmenti?JeveuxdirequeNaheln’aaucuneraisondedealerpourconsommer.Avectoutl’argentqu’ilpeutobtenirparsonpère,oumêmequ’ilgagneenmixant,ilfaudraitêtrecomplètementconpourprendredetelsrisquesinutilement.Jenelepensepasassezstupidepourencourirlataule,justepourlefun.Oubien?Durantlerestedelasoirée,ils’obstineàdemeurermuet,àmongranddésarroi.J’avaisespéréqu’une

foisseuls,nouspourrionsdiscuter.Hélas,detouteévidence,ilenadécidéautrement.Ledînersedérouledans un silence de plomb qui me met horriblement mal à l’aise. Ce qui est terrible, c’est que j’ail’impressiond’avoirfaceàmoiunétranger.Pourtant,maintenantquenoussommesmariés,nousdevrionsêtreplusprochesquejamais.Or,forceestdeconstaterquecen’estabsolumentpaslecas.Aprèsmadouche,n’ytenantplus,jem’assiedsfaceàluisurlatablebasse,tandisqu’ilestentrainde

grattersaguitare,affalédanslefauteuilenosier.—Tum’expliqueslà?jem’enquiersd’untondécidé,maissanspourautantfairepreuvedelamoindreagressivité.Ilmetquelquesinstantsavantdeposersoninstrumentetpluslongtempsencorepourosermeregarder

enface.—Qu’est-cequetuveuxsavoir?—J’aimeraiscomprendrecequis’estpasséàlacafet.—Valnousainsultésvolontairement,alorsjeluienaicolléune.Jen’airiend’autreàajouter.Findel’histoire.—Absolumentpas!C’estunpeufacile,mesemble-t-il…—Commentça?—Iln’étaitpasleseulencauseetj’ailacertitudequeçanevenaitpasdelui.PourquoiStepha-t-elleréagidecettemanière?—Aucuneidée.—Nahel,vousavezétéensemble,elleettoi,jesuisaucourant.Est-cequeçapourraitavoirunrapportavecl’incidentd’aujourd’hui?Aussitôt, je lesensseraidiret jeprendsconsciencequejesuisprobablementdanslevrai. Ilhésite

longuement,avantdeconcéder.—Peut-être,j’ensaisrien.Elleauncomportementbizarrecesdernierstemps,detoutefaçon.—Maisencore?—J’ensaisrien, je tedis!s’énerve-t-ilsoudainement.Commentveux-tuquej’interprètelesréactionsd’unenana,alorsquejenelespigepas?—OK.Maispourquoias-tufaitpreuvedetantdeviolencevis-à-visdeVal?—Jeviensdetel’expliquer,ilnousa…—Oui,oui,j’aiparfaitemententendu,lecoupé-jeaveccynisme.Maisjenesuispasd’accordavectoi.—Commentça?—Eh bien, je conçois qu’il n’a pas été très élégant dans samanière d’agir ou de parler,mais il n’ainsultépersonne.—Tutefousdemagueule?Etsoncadeauàlacon,c’étaitquoi?—UneidéedeSteph!Ellel’aenvoyéaucasse-pipe,c’estellequiatoutmanigancé.—Commentpeux-tuêtresisûredecequetuavances?Jelesensagité,maisjeneparspasauquartdetour,contrairementàmonhabitude.Plusils’énerve,

plusjesuiscalme.C’estbizarre,n’est-cepas?—Pourquoicrois-tuqueValn’apasportéplainte?Tuauraisputeretrouverenprisonàl’heurequ’ilest,s’ill’avaitfait.Tuenasbienconscience,pasvrai?—Quesais-tuquej’ignore?murmure-t-il,lesyeuxplissés,visiblementintrigué.— Avec Vince et Sophie, nous sommes allés le voir à l’hôpital pour le dissuader d’éventuellespoursuites.C’estcommeçaquej’aicompriscequis’estréellementpassé.TufaisunefixettesurValquialebéguinpourmoi,maistuoccultesvolontairementStephquiestraidedinguedetoidepuisdesmois.Àmonavis,quandelleaapprisnotremariage,çal’arenduefollederage.—Etalors?—Cequej’essaiedet’expliquer,c’estqueValn’estpasplusresponsablequeStephdanscettehistoire.Ettusaisaussibienquemoiqu’iln’aditquelavérité.Tuasparticipéàdesorgies,àtoutuntasdetrucsplusglauquesetdégueulasseslesunsquelesautres.Jeterappellequejet’aimêmevuàl’œuvre.Cettefois,sesyeuxlancentdeséclairs,maiscelanem’empêchepasdepoursuivre.

—Situneveuxpasquecegenred’actepuisseteretombersurlecoindelafigure,ilfaudraitcommencerparnepasyprendrepart.Situn’avaispassautédesnanasàtoutescespartouzes,personnenepourraittelereprocheraujourd’hui!Ceseraittellementplussimple,non?—Parcequetun’asjamaisfaitdeconneries,SainteMadeleine?

Cettepique,aussiméchantequegratuite,meblesse.Maisunefoisdeplus,jem’obligeànepasentrerdanssonjeu,enrépondantàcetteprovocation.—Biensûrquesi,maispasdecetordre.—Évidemment,t’estropprudepourça!lâche-t-ilavecunméprisglaçant.—Écoute-moibien,rétorqué-je,exaspéréeparlefaitqu’ilchercheouvertementleconflit.Siêtredanslecoup,c’estfairen’importequoidemoncorps,alorsjepréfèreunmilliondefoisêtrearriérée.Tupeuxpenserquejesuispudibonde,siçatechante.Moi,jesaisjustequejemerespectetroppourtombersibas.Donc,àtaplace, j’utiliseraislerestedelasoiréepourfairemonautocritique.Ettantquetuyes,passeàl’hôpitalpourprésentertesexcusesàVal.Ilmesemblequeceseraitunbondébut,histoirederéparerlesdégâtsquetuasprovoqués.—Mais putain, pourquoi est-ce que tu le défends de cette façon ? T’es amoureuse de lui ou quoi ?s’écrie-t-il,gagnéparunecolèrequimeparaîtterriblementinjustifiée.Avec agacement, je me pince l’arête du nez et m’oblige à respirer lentement, régulièrement, pour

conserverlepeudecalmequ’ilmereste.Nahelseraitcapablederendrefouderageunmort,tellementilestpénible!— Seigneur, tu aurais pu le tuer ! Tu ne crois pas que c’est une raison suffisante pour faire amendehonorable?—Tunerépondspasàmaquestion,rétorque-t-il,sanstenircomptedecequejeviensdedire.Jeme lève et file vers l’entrée pour récupérermes bottines. Dans une demi-heure, je dois être au

cinémaetjen’aipasdetempsàperdreavecunetêtedelardquiessaiepartouslesmoyensdemerendrechèvre.—Ilfautquej’yaille,sijeneveuxpasêtreenretard.—Bordel,maistupeuxm’expliquercequisepasseavecVal?Quoi,t’assoudaindessentimentspourlui?Pourquoitunerépondspas?Jeviensd’enfilermadoudouneetmedirigedéjàverslecouloir.Toutefois,surlepasdelaporte,je

metourneversluipourl’observer.Ilfulmine,lesjouesrougesdecolèreetlarespirationsifflante.Jesaisqu’ilestangoissé,maisenfin,ildevraitmeconnaîtremieuxqueça,non?Parcequej’aidécidédenepaspartirsansluiavoirfaitpartdecequejepenseréellement,jemelance.—Aujourd’hui, j’ai découvert en toi un homme que je n’avais jamais vu et que je ne suis pas sûred’aimer.Tut’esmontréd’uneviolenceterrifiante,physiquementavectonamietverbalementavecmoi.Alors,soiscertainquej’aibeaucoupdemalàmefaireàl’idéequetupuissesêtrecapabled’enveniràdetellesextrémités,sansraisonvéritable.—Madie…—Non,jenesuispasamoureusedeVal,jenel’aid’ailleursjamaisété.Ettulesaisaussibienquemoi!Cette scène de jalousie est puérile, stupide, et inutile. Est-ce que je te fais un flan, alors qu’en unejournée,j’aicroisédeuxdetesexetquechacunes’estfaitunmalinplaisirdemenarguer?Àtonavis,jemesuissentiecommentquandStephamentionnédesdétailssiintimesetglauquesàtonsujet?EtquandLorieDejeanm’aexpliquéàquelpoint tu luiavaispermisdeprendresonpied?Franchement,Nahel,c’estplutôtàmoid’êtrecontrariée,non?Surtoutaprèst’avoirdécouvertsousunangleaussidétestable.Etjeneparlemêmepasdetoutcequ’onm’aracontésurtoiaucommissariat!Puis,sansluilaisserletempsderéagir,jequittel’appartement,malgrésesappels.

—Madie,reviensici!Madie?MADIE!Jen’écouterienetentreprécipitammentdansl’ascenseur.Maintenant,iladevantluiquelquesheures

pour cogiter et je pense que ça lui fera le plus grand bien. Parce qu’àmon retour, il va falloir qu’ils’expliqueetsérieusement.Tantqu’iln’aurapasécartétoutsoupçonsurcettehistoirededeal,jedemeure

surmesgardes.L’addiction,jepeuxlacomprendre,entoutcasj’essaie.Maisletraficdedrogue,j’ensuisparfaitement

incapable.Avecunpeudechance,Sophiepourraéclairermalanterne,parcequ’iln’estpasquestionquejeresteledindondelabandepluslongtemps.

2NahelMerde !Elle sait. Jen’enétaispascertain jusqu’àprésent,maisencroisant son regard, justeavant

qu’ellenesortedel’appartement,j’aicomprisqu’elleétaitaucourant.Detout.Enmême temps, àquoi est-ceque jem’attendais ?D’aprèsSoetVince,Madieapasséde longues

minutes avec un officier de police, il était donc évident qu’on la questionnerait. Et qui dit interroger,supposeégalementluifairequelquesrévélationsbiencroustillantessurmoncompte.Cependant,commeellen’apas réagiaumomentdequitter lecommissariat, j’aidésespérémentvoulucroirequepersonnen’avaitcafté.Madacommisunebourdemonumentaleenmontrantnotrecertificatdemariage.Ellen’apasmesuré

que,dorénavant,elleseraitaussidansleviseurdesflics.Toutça,parcequ’elles’estdirectementjetéedans la gueule du loup. Sans compter que ce gros naze d’inspecteur n’a pas manqué de me faireremarquer que j’avaismenti, enminimisant le lien qui nous unissait, sous-entendant que si j’avais puraconterdessaladesàcesujet,celapouvaitégalementêtrelecaspourd’autrespoints.C’est,dureste,tout à fait vrai. Mais, même pris la main dans le sac, je n’avouerai jamais. En attendant, j’en veuxbeaucoupàmablondepourcetteerreur,bienqu’ellenepouvaitpassavoirquesongesteseraitlourddeconséquences.Avecunpeudechance,lesflicsneferontpasunefixettesurelle,mêmesij’aidesérieuxdoutessurla

question.Quelleidéed’avoirbrandicedocumentàlaconpourprouveràtoutlemondequenousétionsmariés !Non,mais jevous jure, lesgonzesses ! Je suis sûrqu’ellene l’a fait queparcequ’elle s’esttrouvéeenprésencedeLorie, la fliquetteque j’avais levéeunsoiretavecqui j’avaispasséquelquesheures.Assezmédiocrecommeamante,jedoisreconnaître.PourenreveniràMad,ilmesemblequesajalousieetsonimmaturitém’ontfaitdutort,aujourd’hui.

Voilàpourquoic’étaitunemauvaiseidéedem’accrocheràcettenana!Pour la première fois depuis la nuit du réveillon, je commence à penser que ce mariage était une

grossière erreur, pour nous deux. Enlisé dansmon besoin obsessionnel d’elle, je n’ai cherché qu’unechose:parerauxcrisesdepaniquequimesubmergent,dèsqueçatourneauvinaigreentrenous,c’est-à-diretroisfoisparsemaine!Unevoix,venuede jenesaisoù,mefait remarquerque jesuisprofondément injusteenversMadie.

Ellen’avaitaucuneraisondecachernotreunion,commeunsalepetit secretqu’onplanqueraitdans lefondd’unplacard,sousungrostasdelinge.Cettemêmevoixmerappelleégalementquesijesuisdanslamerdejusqu’aucou,c’estuniquementdemafaute.Jesavaisdepuisledébutquejeprenaisdesrisquesconsidérablesendealant.Que je soisd’accordoupas, le traficdedrogueestunbusiness illégal,peuimportequeltypedecameonvend.Encoreunefois,jem’interroge,medemandantpourquoiellenemequittepas,aprèscequ’ellevient

d’apprendre.Entoutcas, il fautquejecommencesérieusementàm’habituerà l’idéequecelapourraitarriver,mariésounon.Oui,c’estexactementça.Jedoisabsolumentm’obligeràmaîtrisermesangoisses,enmepréparantpsychologiquementàcetteéventualité.

Depuisledébutdenotrehistoire,nousnoussommeslaissésporterparcettepassionpeucommunequinousunit,sanschercherplusloin.Notrebesoindel’autreétaitsiintensequeriennecomptait,saufêtreensemble.Aujourd’hui,aprèscesdernièresheureshorriblesàbiendeségards,monpointdevueaquelquepeu

changé.Commentvousexpliquer,sanspasserpourunegirouette?Avant,j’étaisprêtàtoutpourgarderMadie auprès demoi.Maintenant, il me semble que je suis prêt à tout pour pouvoir continuer à medroguer en toute impunité, et ne pas la mêler à cette partie bien sombre dema vie que je refuse dedévoileràquiconque.Letruc,c’estqueSainteMadeleinevavouloiràtoutprixmesauver,c’estévident.Sijusqu’àprésent,

j’avaislacertitudequ’ellefaisaitdemoiunhommemeilleur,qu’ellemetiraitverssalumière,jenesuisplusdanscetétatd’esprit.Entoutcas,pasaprèscequis’estpasséàlacafet.Putain,j’aimassacréunmecquejeconsidéraiscommeundemespoteslesplusproches.Ettoutçapourquoi?Àcaused’elle…Même s’il m’est difficile d’admettre quemon ange blond est capable de faire ressortir ce côté si

sombredemoncaractère,jedoism’yrésoudre.Etc’estsansdoutecequimepaniqueautant.J’aitoujoursvoululuidonnerlemeilleur,jepensaisqu’àsoncontactjedeviendraismoi-mêmeungarsbien.Or,jenepeuxqueconstatermonerreur,puisquedevantelle, j’aimontré lepireaspectdemapersonnalité,déjàfranchement déjantée. Aujourd’hui, il s’agissait de la première fois, mais qu’en sera-t-il à l’avenir ?C’est bien ce qui pose problème. Parce que, et c’est inédit, tout à coup, je vois notre futurparticulièrementsombre…Ilmesembleimpératifdeconservermesdistances,danslesprochainstemps.Poursonbien,comme

pourlemien.C’estlaseulechosesenséeàfaire.Ohbonsang,jenesaispascequ’ilconvientdefaire,jesuis complètement paumé. Cette saleté de came m’a ramolli le cerveau, à tel point que je suis pluscapabledeprendrelamoindredécision.Detoutefaçon,dèsqu’ils’agitdemagreluche,jesuistoujoursàcôté de la plaque. Et puis, autant être sincère, cette histoire de distances ne tient pas la route, jen’arriveraijamaisàmepasserd’elle.Donc,enpriorité,jedoism’informerdecequ’elleaapprisàmonsujet.Danscetteoptique, jesaisismonportableetcomposelenumérodeFred.Ildécrocheàladeuxième

sonnerie.—Salut,Bro.Unproblème?—Jenesaispasencore,monfrère.Est-cequetupeuxmerendreunservice?—Biensûr,toutcequetuvoudras…—Pourrais-tuvoiravecSo,siellepeutserencardersurcequelesflicsontrévéléàMadie?—Ohlà!Jenesuispassûrqu’ellesoitd’accord,mêmesic’estmoiquileluidemande.—Pourquoi?Ellefaitpartiedelabande,ellerisqueaussigrosquenous,sionsefaitchoper.—Ouais,maisMadie,c’estunpeuspécial.—Pardon?Éclairemalanterne,jesuislargué!—Tananaestunereineauxyeuxdelamienne.Elleestplacéesuruntelpiédestal,quedelàoùnoussommes,nousnepouvonspluslavoir.—C’estquoi,cesconneries?Tutefousdemoi?—Ohnon!Jet’assure,sijeluiposelaquestion,c’estsûrqu’ellevam’envoyerchier.—Mais si tu lui expliques les problèmes qui peuvent nous retomber sur le coin de la gueule, ellecomprendra.Pasvrai?—Franchement?Àmonavis,ceseracommesijeparlaisdansleculd’unponey.—Ohputain!Manquaitplusqueça!—Nahel,cen’estsansdoutepasaussigrave.Arrêtedetefairedelabile.Dansquelquesmois,toutce

bordelseraderrièrenous.Ilsuffitdetenirjusque-làetd’assurerlesdernièreslivraisons.Jeréfléchis,uninstant,avantderépondre.

—Ceseraittropsimple,crois-moi.Madieamontrélecertificatdemariageauxflics,commelagreluchequ’elle est ! Que penses-tu qu’il se passera s’ils la questionnent durant des heures, alors qu’elle n’ajamaissubid’interrogatoiredesavie?—Ceseraitproblématiquesielleétaitaucourantdequelquechose,maiscen’estpaslecas.Oubien?—C’estjustementcequ’ilfautvérifieràtoutprix.C’estpourçaquejet’appelle,ducon!Alors,arrange-toipourquetagonzessel’obligeàcracherlemorceau.Explique-luiquec’estdansl’intérêtdugroupe,doncdanslesien,etqu’ellefaitunebonneactionouuneconneriedecegenre.—Oh,t’essérieux?Tucroisqu’elletomberadanslepanneau?Nelaprendspaspourlabillequ’ellen’estpas!—Écoute,Fred,tutedémerdescommetuveux,maistufaisensortequ’elleobtiennecesrenseignements.ParcequesiMadieparle,alorsnonseulementnotresourcederevenusstopperadu jourau lendemain,maisenplus,c’estlatauleassuréepourchacund’entrenous,tananaycompris.Jesuissûrquet’esmoinsstupidequet’enasl’airetquetusaisisparfaitementlesrisquesencourus.—Maisputain,Madesttafemme,quoi!Pourquoituneluidemandestoutsimplementpascequelesflicsluiontdit?—Parcequejeneveuxpaséveillersessoupçons.Contrairementàlaréputationdesblondes,lamienneaoubliéd’êtreconne.Ellepigeraitimmédiatementqu’ilyaunos.Jesuisdésolé,maisSoestnotreuniqueissuedesecours.C’estlaseuleenquiMadieavraimentconfiance.Sitameuflajouefinement,elleluiraconteracequ’ellesait.—Trèsbien,concède-t-ilensoupirantassezbruyammentpourqueje l’entende.Jevaisvoircequejepeuxfaire.—C’estça,voisetvite.Aprèsdeuxou troiséchangessupplémentairessur lesprochaines livraisons, je raccroche, sanspour

autantquemon inquiétudese soit évanouie. Jene saispaspourquoi,mais je sensque toutes sortesdeproblèmessont sur lepointdesurgiret très rapidement. Incapabledesupporter,un instantdeplus,cesentimentdemalaisediffusquinem’apasquittédepuisquej’aiétéconduitaucommissariat,jemedirigeverslasalledebainetextraisunepilulebleueducache,situéprèsdestoilettes,ainsiqu’unebarrettedeshit.Après l’avoir gobée, je me rends sur le balcon pour fumer un pétard. Je suis à peine parvenu à

l’extérieurquemonportablesonne.Ohmerde,c’estmonpère!Ahnon,ilnemanquaitplusqueluietsessermonsàdeuxballes,pourmedonnerenviedemenoyerlatêtedanslacuvettedeschiottes.N’enjetezplus,lacoupeestpleine!

3MadieIlestunpeuplusdeseizeheures,lorsquejesorsdubâtimentoùsedéroulentlescoursdepréparation

au concours. Voilà plus d’une semaine que je les suis et je ne regrette rien. Plus que jamais, je suispersuadéed’avoirtrouvémavoie.Cenesontpaslestroisjoursoùj’étudieiciquim’ontconfortéedanscettecertitude,maisplutôtlesdeuxjournéeshebdomadairesoùj’effectuemonstagedansunhôpitalsituéenbanlieue.J’ailachanced’ybosserdansunservicedematernitéetd’obstétrique,etc’estjusteunpiedabsolu.Enclair,jem’éclatevraimentetj’adorecequejefais,mêmequandilfautquejemecoltineleménage.Cecidit,cen’estpasavecdesbébésquejesouhaitetravailleràl’avenir.Jeveuxavoirtouteslesclés

pourêtrecapabled’aiderl’hommequej’aime,maiségalementd’autrespersonnesquipourraientsouffrird’unequelconquedépendance.Àmidi,durantlapausedéjeuner,alorsqueSomangeaitavecFred,j’aiunpeusurfésurlenet,dansla

salle de cours. J’ai découvert que la fac demédecine deRennes propose undiplômeuniversitaire enaddictologie. Oh, ce n’est pas pour tout de suite, parce qu’il faudrait déjà que j’intègre une écoled’infirmière.Maissitoutsepassecommejelesouhaite,dèsladeuxièmeannée,jetenteraidecumulerlesdeuxcursus,afindemespécialiser.Jen’aipasforcémentenvied’exercer,entouréetoutelajournéedetoxicos,maiscequimepassionne

réellement,c’estl’aspectpsychologiquedelaquestion.Commentunepersonnepeut-elledeveniraccroàunesubstance?Quelmécanismes’opère,àunmomentprécis,pouramorcercettedescenteenenfer?Ilmesemblequequandonades réponsesàces interrogations,onpeutaiderefficacementunpatient.Etencore, je parlededrogue,mais celapeut aussi bien s’appliquer à l’alcool ou à toute autre formededépendance.J’ail’intimeconvictionquepouravoirunechancederéussir,ehbien,ilfautd’abordcomprendrecelui

oucellequiestdanscettesituation.Seulement,ilyauncertainprotocoleàrespecter.Onnepeutquandmêmepass’asseoirdevantlegusetdemanderdebutenblanc«raconte-moitavie»,c’estlemeilleurmoyendesefaireenvoyersurlesroses!Jeprésumequ’ilexistetoutuntasdetechniquesetdemanièrespourdétecterlessignesavant-coureurs.Etc’estcequejesouhaiteapprendre.Parceque, sincèrement, jem’enveuxbeaucoupden’avoir rienvuplus tôt. J’aurais dû comprendre

bienavant!Maintenant,j’aidumalàsavoircommentréagirfaceaumutismeobstinédeNahel.Toutàfaitentrenous,depuisquenoussommesrevenusd’Aspen,etplusprécisémentdepuisquejel’airécupéréaucommissariat,plusrienn’estpareil.Enmêmetemps,peut-êtrequejemefaisdesidées,parcequ’aucundenousn’estvraimentdisponible.

Jem’explique:entremescours,lesjournéesàl’hôpital,etmonjobaucinéma,jenebénéficiequedetrèspeude temps libre. Jenedéjeuneplusà la cafet et, le soir, souvent je rentre tard, sibienque je suisépuisée.Celadit,çanechangepasgrand-chose,puisqueNaheln’estquasimentjamaisàlamaison.Ilprétendqu’ilbossebeaucouppour sonmaster,qu’ilprépare sonadmissionà l’écoledeDJ,et je

crois que c’est vrai. Je sais qu’il doit présenter desprojetsmusicaux, desmorceaux remixés et, si ce

domainelepassionne,ilestégalementchronophage.Maisleconstatestlà,nousnousvoyonsdemoinsenmoins.Quand nous pouvons enfin profiter l’un de l’autre, nous sommes tellement nazes que nous tombons

commedesmasses.Lesraresfoisoùçavaàpeuprès,sespotesdébarquentàlamaisonpourunesoiréebasketNBAetpizzas. Je lesapprécie tousautantqu’ils sont,maiscertains jours, je les trouveunpeuenvahissants.Surtoutqu’ilsrappliquentengénéralquandjedoisbossermescours.Commec’estarrivéàplusieursreprises,cesderniersjours,j’aidécidéderéorganisermonemploidu

temps,afindenepasprendrederetard.Lesécritsduconcoursontlieudansmoinsdedeuxmois,jen’aidoncpasuneminuteàperdre.Aussi,plutôtquededéjeuneravecmacopine,jemangeunsandwichsurlepouceetjemesersdesdeuxheuresdepausepourm’avancer.Lorsque je rejoins le trottoir, le jourest en traindedécliner.Encette fin janvier, il fait encore très

froidetilpleuttoutletemps.C’estvraimentpénible!Sophieestdéjàpartie,puisqu’elledevaitretrouversonjulespourfairequelquescourses.Cesontles

derniersjoursdessoldesetilscomptentbienenprofiter.—MadeleineGrangier?Jepivote surmoi-même,enentendantmonprénom,prononcédemanièreaussi formelle.C’estvrai,

personnenem’appellejamaisainsi.Pourtous,jesuisMadouMadie.Dès que j’aperçois l’homme posté derrière moi, je le reconnais. À ma décharge, j’ai toujours été

physionomisteetjen’oubliepasunvisage,sijel’aidéjàvu.Ils’approche,tandisquejemecrispeimmédiatement.

—Vousvoussouvenezdemoi?Nousnoussommesbrièvementcroisésaucommissariat.—Peut-être…j’admets,volontairementfloue.C’estunflic,jelesaispertinemment.

—Jem’appelleGregoryDojong.—Qu’est-cequevousmevoulez?—Pourrions-nousallerboireuncafé?Ilyaunsalondethé,toutprèsd’ici.—Pourquoiferais-jeunechosepareille?Jenevousconnaispas.—Jesuisinspecteurdepolice,mademoiselle.J’aiessayédememontrercourtois.Enréalité,ilnes’agitpasd’uneinvitation,maisplutôtd’uneconvocation.Jesursauteàcesparoles.Quemeveut-il?Nahela-t-ilencorefaitdessiennes?

—J’aisimplementconsidéréquediscuterdevantuncaféétaitplusconvivialquedevousobligeràvenirauposte.Je l’observe et déglutis avec difficulté. Sous son air de mec cool, je sens une véritable menace.

Pourtant,physiquement, ilestplutôtpasmal.Lapetite trentaine,descheveuxnoirsunpeulongsetunebarbe parfaitement taillée. Ses yeux sombres peuvent se montrer chaleureux une seconde, et glaçantsl’instantsuivant.ContrairementàNahel,iln’estpastrèsgrandetpasparticulièrementbaraqué,maisjedoisreconnaîtrequel’ensembleresteharmonieux.Jedevine,dureste,desoriginesasiatiques.Parcontre,sijetrouvequ’iln’estpasdésagréableàregarder,ilnemecharmeaucunement,etcen’est

liéniàsaprofessionniàmonmec.Jediraisquec’estplutôtdûàunje-ne-sais-quoidanssonattitudequilerendantipathique.Malheureusement,jen’aipastellementlechoix,songé-je,enlesuivantversuntroquetsituénonloin

delagare,àdeuxpasdubâtimentoùsedéroulentmescours.Nous nous installons à une petite table et, l’instant d’après, une serveuse à lamine exténuée vient

prendre notre commande. Je demande un expresso, tout comme lui, bien décidée à payer maconsommation.Ilneserapasditqu’unflicm’offrirauncafé!

—AlorsMadeleine,murmure-t-il,dèsqu’elles’enva.Commentse fait-ilqu’une jeunefemmecommevoussoitmariéeàuntypecommeNahelElKhouri?Jefroncelessourcils,toutenréfléchissantuninstant.Danslegenrecon,saquestionseposelà!

—Commentça,unefillecommemoi?jem’enquiersavecunepointed’agressivitédanslavoixquejenepeuxmasquer.— Ne le prenez pas mal, mademoiselle Grangier. Sortant de ma bouche, il s’agissait plutôt d’uncompliment.Jenerépondspas,afindelelaissercontinuer.Jevoistrèsbiensamanièredeprocéder.Ilmeflatte,me

passelabrosseàreluire,pourmemettreenconfianceetmepousseràblablater.Cen’estpasquej’aiuneréelleexpériencedelapolice,jen’enaid’ailleursaucune,hormismonentretienavecl’autreconnasse.Seulement,jepenseêtrecapabledecernerassezbienlesgens.Deplus,depuisqueNahelainstallélatélévisiondansmonstudio,ilm’arrivederegarderdesséries

américaines,histoiredetuerletemps.C’estprincipalementlecasencemoment,parcequ’ilfautbienquejem’occupeenl’attendant,lesoir.Dernièrement,jesuistombéesurlarediffusiond’unfeuilletonintitulé«Lietome».Jen’aipastrouvé

cesenquêtesparticulièrementpalpitantes,maisleraisonnementduhérosesttoujoursformidablementbienexpliqué,sibienquej’aiaussitôtadhéréetdévoréplusieursépisodesd’affilée.C’estaucoursdel’und’euxquej’aientenduleprotagonistefairementiondecegenredeprocédé.Alors,dèsqueceflicm’acomplimentée,j’aicomprisqu’ilétaitentraind’employercetteruse.—Vousnemeconnaissezpas,commissaire,répliqué-je,meretenantdesourire.—Inspecteur,s’ilvousplaît,indique-t-il,l’airpincé.Commesijenem’enétaispasdoutée.C’étaitfaitexprès,pardi!S’ilpenselouvoyerpourtenterde

m’amadouer,jepeuxmemontrerunpeuconnesurlesbordsetmêmeaumilieu,pourledéstabiliser.C’estcequej’appelleraisunéchangedebonsprocédés.—J’aifaitmapetiteenquêtesurvous,m’informe-t-ilsoudain,seredressantpoursesentirplusgrand.Oh, le garçonnet à sa maman a besoin de faire l’homme ! C’est assez drôle et je me marrerais

volontiers,silagravitédelasituationnemeretenaitpas.—J’espèrequevousn’avezpasennuyémafamille,grogné-je,toutenmeraidissantdavantage.—Non,rassurez-vous,jenesuispasalléjusque-là.Voussavez,nousdisposonsdetoutuntasdemoyenspourobtenirdesrenseignements.Donc,sinousrevenonsàvousetàcequej’aiapprissurvotrepersonne,voussemblezêtreunejeunefemmesaine,plutôtsage,dontleprofilcorrespondassezpeuàceluidevotremari.—Etalors?—Jepensequevousvousêteslaisséeembarquerdansunehistoirequivousdépasse.NahelElKhouriesttrèsséduisant,entoutcaspourlesamatricesdebad-boys.—C’est-à-direpresquetouteslesfilles,jel’interromps,moqueuse.S’iln’appréciepasmonintervention,iln’enmontrerienetpoursuit.

—Jecroisquevousneconnaissezpasréellementl’hommequevousvenezd’épouser.—Etsivouscommettiezuneerreur?—Commentça?—Ehbien,imaginezquejenesoispaslablondinetteinoffensivequevoussupposez?J’ail’impressionquevousvousfiezauxapparencesetjesuisbienpayéepoursavoirqu’ellespeuventsouventserévélertrompeuses.—Quelestledeuxièmeprénomdevotremari?Jefroncelessourcils,sansrépondre.Oùestlerapport,jevousledemande?

—Vousvoyez,vousneleconnaissezpas!Jelèvelebrasverslaserveuse,afinderéglermaconsommation.Monexpressoesttoujoursintactetje

n’enaisoudainementplusaucuneenvie.—C’estpourmoi,déclarelepolicieràl’attentiondelajeunefemme.Pardon?Alorslà,certainementpas!

—Mademoiselle!m’exclamé-je,alorsqu’elles’éloignedéjà.Jevoudraisl’addition,s’ilvousplaît,etséparée.Si jen’aipas l’intentiondemefaire inviter, ilestabsolumenthorsdequestionde luipayer lesien.

L‘employéemedévisage, l’air depenser que je suis uneparfaite abrutie.Enmême temps, deuxnotespourdeuxminablesexpressos!Çanedoitpasluiarrivertrèssouvent.Ehbien,ceseraunepremière,quevoulez-vousquej’yfasse?Aussitôtqu’elleadéposéleticket,jesorsmamonnaiesousl’œilincréduledeGregoryDojong.—Sachez,monsieur,quepersonnenemeforceàfaireouàdirecequejenesouhaitepas,asséné-jeenleregardantdroitdanslesyeux.Quecesoitpouruncaféouautrechose!—Trèsbien,siffle-t-il,agrippantmonbraspourm’obligeràresterassise.Il sembleréellementcontrarié,maiscelam’indiffère totalement.Jen’aiqu’unehâte,mebarreret le

plusrapidementpossible.— Pas si vite, jeune fille. Je vais vous poser quatre questions et j’entends que vous répondiez avechonnêteté.Ensuiteseulement,vouspourrezpartir.—Jenesuispasunementeuse.—C’est ce que nous allons voir.MademoiselleGrangier, est-ce que vous consommezdes substancesillicites?Ilsefoutdemoi,cecon?J’aiunetêteàmedéfoncer?

—Non.Jamaisdelavie!m’écrié-jeavecmépris.—Jenevousdemanderaipassivotremarisedrogue,noussavonstouslesdeuxquec’estlecas.Donc,NahelElKhouris’est-ilshootédevantvous?—Non.Jem’obligeàresterdétendue,mêmesijenedispastoutelavérité.Quandilétaitsurlebalconavec

FredetVince,j’aitrèsbiencomprisqu’ilnefumaitpasunecigarettenormale.Celaétant,jenemenspascomplètementnonplus,puisqu’ilnel’ajamaisfaitdirectementsousmonnez.—L’avez-vousdéjàvuvendredeladrogue?—Non,jamais.Et ça, pour le coup, c’est totalement vrai.Même après les paroles de la fliquette, et pour y avoir

longuementréfléchi,jen’ycroistoujourspas.Sij’avaissoupçonnéquoiquecesoit,jel’auraismisàlaporte,cesoir-là.Trèssincèrement,j’aid’énormesdoutesquantàlavéracitédecesaffirmations.Jemebaseprincipalementsur le faitqu’undealervendpour l’argentetpourpouvoirconsommeràsaguise.Touslesarticlesconsultés,aucoursdemesrecherches,sontformelssurcepoint.Or,monmecn’apasbesoindeça.Ilestassezàl’aisefinancièrement,pourpouvoirenachetercommebonluisemble.—Avez-vousdéjàtrouvédeladroguedansvotreappartement?—Certainementpas!Sitelétaitlecas,nousneserionsplusensemble.C’estterminé,là?Jepeuxrentrerchezmoi?—Absolument.Maisnousn’enavonspasfini,jereviendraivousvoirtrèsprochainement.—Etsijeneveuxpasvousparler?—Àvraidire,madameElKhouri,vousn’avezpastellementlechoix.Sivousrefusezdecoopérer,votrefamilleserainforméedupassédevotremari,ainsiquedesesdémêlésaveclajustice.Jesuispersuadé

quevousfereztoutcequiestenvotrepouvoirpourévitercela.Déterminée à ne pas me laisser impressionner, j’empoigne mon sac, prête à prendre la tangente.

Toutefois,jenepeuxm’empêcherd’asséner,histoiredem’assurerquec’estbienmoiquiaurailederniermot,danscetteguerredesnerfsquecesaletypevientd’instaurer.—Aufait,pourvotreinformation,lesecondprénomdemonmariestSven.CeluidesonfrèreaînéestLounisUlrik et ses deux sœurs s’appellent LamiaAda etAïdaGerda. Tous ont un deuxième prénomsuédoisenliendirectaveclesracinesdeleurmère,originairedecepays.Alors,avantdemeprendrepour l’idiote que je ne suis pas, n’oubliez jamais que je suis plus futée que j’en ai l’air. Je saisparfaitementavecquijemesuismariéeetjen’aipaslanaïvetédepenserquejevousintéresse.Celuiquevousvoulezréellement,c’estlui.Maissoyezassuréd’unechose:ceneserapasgrâceàmoi!Sansluilaisserletempsderépondre,jemelèveetquittelebistrot.Foutuconnard,vatefairevoir!

Jusqu’àcequejedisparaisseaumilieudesbadaudsquisepressentsurletrottoir,jesenssonregardrivésurmoi.Commesij’avaislefeuauxfesses,jememetsàcourirverslastationdetrametcen’estqu’unefoisla

portedemonstudiorefermée,quejepeuxenfinrespirerlibrement.SimonpremierréflexeestdeprévenirNahel,jemeravisebienvite.J’aimemonmarietj’estimeêtre

uneépouse loyale,maismafamillecompte toutautantpourmoi.Alorsque faire?S’ilavaitété là, jesupposequecelaauraitétéplusfortquemoietjeluiauraistoutraconté.Mais,aprèsavoireuletempsd’yréfléchiràdeuxfois,jedécidedem’abstenir.Sicethommem’attend

ànouveauàlasortieducentredeformation,j’auraitoujourslapossibilitédeluienparler.D’ailleurs,jusqu’àprésent,jemesuistueàproposdecequejesais.MêmeSo,quiatentéd’endiscuteràplusieursreprises,afaitchoublanc.J’appréciebeaucoupmonamie,maisilmesemblequ’elleesttropimpliquéedanscettehistoirepourquejepuisseluifaireconfiance.Aprèsunedoucheetuncafé,jemesensdéjàmoinsnerveuse.Cependant,unepartiedemoicommence

àenvouloiràmonamoureux.Eneffet, s’ilne trempaitpasdans toutessortesd’affaires louches, jeneseraispasdanscetétatdestresset les flicsnes’intéresseraientcertainementpasàmoi.Ah,Nahel demalheur,quemeferas-tuencorecommemisères?Versvingtheures,commeiln’esttoujourspasrentré,jemerésousàdînerseule.Lespetitsplatsqu’il

mitonnehabituellementmemanquentetjeprendsconsciencequ’ilyaunmomentquenousn’avonspaspartagéderepas.Enréalité,depuiscettearrestationetlabagarrequienétaitàl’origine,plusrienn’estpareil.Celamenavre,maiscommentdois-jeréagir?Jenepeuxpasl’obligeràsefaireaideret,sij’aidécidé

d’êtrepatiente, il fautbienadmettrequec’estdeplusenplusdifficile.J’aiconsciencequeladistancequ’ilmet entre nous amoindritmon influence sur lui. Plus le tempspasse, plus les chances pour qu’ilaccepted’êtresoignéirontendiminuant.Àlaradio,j’entendsunechansond’EltonJohn«Sorryseemstobethehardestword»quin’estpas

trèsrécente,maisquimeparaîtdecirconstance.Etlà,seule,assisecommeunemalheureuseàlatable,devantmonsandwichauqueljen’aitoujourspastouché,j’aijusteenviedepleurer.Quand j’ai accepté de l’épouser, sur un coup de folie dicté par l’amour infini que je lui porte, je

n’aurais jamais imaginé que les événements tourneraient de cette manière. Mais dans le fond, je leconnaissaisbienmal.Surcepoint,leflicavaitraison.Aujourd’hui,j’aienfinl’impressiondedécouvrircelui qu’il s’obstinait à vouloir me cacher et je dois avouer que cela remet beaucoup de choses enquestion. Mon Dieu, lorsque je repense à cette violence, à ce regard sombre et tourmenté, àl’impossibilité qu’il avait de s’arrêter de frapper, quand bienmême il s’agissait de son ami, j’ai dessueursfroides.

Letéléphoneportablequisonnemefaitreveniràlaréalité.J’espèrequ’iln’estrienarrivédegrave,songé-je avant de me précipiter vers la table basse pour le récupérer. À mon grand soulagement, jeconstatequec’estmonfrère,Jo.Aussitôt,jedécroche,toutenmefustigeantdenepasl’avoirrappeléàmonretour,commej’avaispromisdelefaire.—Madie?—Salut,Jo.Commentvas-tu?— C’est plutôt à toi qu’il faut demander. Comme je n’avais pas de nouvelles, j’ai commencé àm’inquiéter…Situsavais,monpauvre,tumeramèneraisillicoprestoàRochesson!

—Jesuisdésolée.J’aiététrèspriseentremescoursquiviennentdedébuter,monstageàl’hôpital,etmonjobaucinéma.Je suis en train de biaiser et j’espère qu’il ne s’en rendra pas compte.Le truc, c’est que si j’aime

sincèrement Jo, je neparviensplus à lui faire confiance.Son silencemeprouvequ’il n’est pasdupe,mêmes’ilsegardebiendemefairelamorale.Sansdoute,a-t-ilcomprisquec’étaitlemeilleurmoyendemebraquer.Or,aprèscequis’estpasséentrenous,jesupposequ’ilveutàtoutprixéviterd’enarriverlà.—Est-cequ’onpeutsevoir?finit-ilpardemander.Jeréfléchisuninstantetpropose.

—Samedi,jebosse.Maisdimanche,jenecommencequ’àquatorzeheures.Jeviendraiàlamesse,puisnousdéjeuneronsensemble.Est-cequeçateconvient?—C’estsuper!s’exclame-t-ilavecunejoiequimeréchauffelecœur.Jeteramèneraiàtontravailpourquetunesoispasenretard.—Trèsbien.Àdimanche,alors…Nousauronsl’occasiondediscuter.— Oui, c’est ça. Sois prudente, sœurette, et au moindre problème, n’oublie pas que tu peux metéléphoner.—Biensûr,Jo.Merci.Aprèsavoirraccroché,jedemeurepensiveuninstant,avantdemerendrecomptequej’aiacceptéson

invitationsanssavoirsiNahelseraitlàoupas.Detoutefaçon,quelleimportance?S’iln’estpascontent,c’estpareil.Et s’il râle, ce seraavecunplaisirnondissimuléque je lui rappelleraique,depuisdeuxsemaines,j’ail’impressiondepassermontempsàl’attendre.Unbruitdeclédanslaportemefigeinstantanément.Quandonparleduloup…

4NahelLasoudaineraideuretleregardsuspicieuxdeMadie,lorsquej’entredansl’appartement,memettent

aussitôtsurmesgardes.Jesensqueleflotdequestionsquisebousculedanssoncerveausurvolténevapastarderàsortirdesajoliebouche.En réalité, c’est dema faute. Depuis que nous avons quitté le commissariat, jem’enferme dans le

silence.Voilàpresquetroissemainesquejeraselesmurs,quejefaisensorted’évitertoutediscussionquim’obligeraitàluirévélerl’étenduedemonaddiction,mêmesijepensequ’àl’heureactuelle,ellel’acompris.Comme je l’ai précisé à plusieurs reprises, Madie est perspicace et intelligente. En outre, la fuir

engendre également une angoisse intense dansmon esprit, qui a disjoncté depuis longtemps. En effet,chaquefoisquejeviensici,j’ailabouleàl’estomacetlesoufflecourt,tétaniséparlapeurdetrouvermesbagagesdevantlaporte.Pourlemoment,parjenesaisquelmiracle,cen’estpasarrivé.Maisjeprésumequesijenefaisrien,

elleyviendrainéluctablement,unjouroul’autre.Enunmotcommeencinq:çamependaunez.Bordel,ilfautquej’éviteàtoutprixcedésastre,tantqu’ilenestencoretemps.L’ennui,c’estquesinousavonsuneexplicationsérieuse,jecrainsdelâcherparmégardedeséléments

quilamettraientsurlavoie.Nuldoutequelesflicsontdûl’informerdemonpédigree,ainsiquedemonpassif.Or,toutdansmonattitudedoitluifairecroirelecontraire,aumoinspourlesprochainsmois.D’après So, qui a accepté de se rencarder après bien des réticences, Mad ne sait rien. Elle n’a

d’ailleurs jamais évoqué le sujet avec la copine de Fred, pas même pour lui demander desrenseignementssupplémentaires.QuandSophieaessayéd’aborderlaquestion,mafemmes’estreferméecommeunehuîtreendéclarantqu’ellerefusaitd’enparler.Selonmonpote,c’estbonsigne,maisjen’ensuispassisûretçamerendnerveux.Dansmonesprit,jevoisplutôtl’inverse.Jemeraccroche,toutefois,àl’idéequ’ilssontdanslevraietquejem’inquiètesansdoutepourrien.

J’aimeraistellementycroire,mêmesij’aibeaucoupdemalàm’enconvaincre.Ilyaunje-ne-sais-quoidanssonattitudequimestresse.Jecommenceàbienlaconnaîtreet,clairement,j’aiconsciencequ’ellemecachequelquechose.J’espèrejustequecelan’aaucunrapportaveclesrécentsévénements.Ceseraittropcon!Dèslemoisdejuillet,toutseraterminéetnousnousinstalleronsenAngleterrepourdeuxans.Jevois

d’icicequevousdevezpenser,qu’elleasesétudesetl’écoled’infirmièreàintégrer,etjevousrépondraiquej’aidéjàtoutprévu.Çavousenboucheuncoin,hein?Enréalité, jeneveuxpasvivreàLondres,maisdans lesudde l’Angleterre,ducôtédeDouvres.Ainsi,ellepourrase rendrequotidiennementenFrancepar le tunnelet,moi,dans lacapitaleanglaisepar le train.Jenous imagined’ailleurs trèsbiendansunpetitcottagenichéaucœurdelacampagneanglaise.Ohouais,ceseraitlepanard!Néanmoins,avantdeluifairepartdemesidées,ilfautquejepuisseintégrercetteputaind’école!Et

vu la tournure que prend la situation, c’est loin d’être gagné. En effet, dans le cadre de l’entretiend’admission,jedoisprésenterplusieursprojetsmusicaux.Etc’estlàquelebâtblesse.Avectoutesles

embrouillesdecesdernièressemaines,jen’arrivepasàbossercorrectement.Mais iln’yapasqueça.Depuismonarrestation, j’ai replongéetpasqu’unpeu. Je suisànouveau

complètementaccroàl’ecstasy,alorsquej’avaispresqueréussiàneplusenavoirbesoin.Maintenant,j’enconsommequotidiennement,quandjeparvenais,jusqu’àprésent,àlimiterlesprisesuniquementauxsoirsoùjemixaisetauxweek-ends.Alors, oui, je fume moins, mais ce qui se passe est bien pire. Ces saletés de pilules bleues sont

devenuesmabéquille,mepermettantdesupporter toutcebordel.Oh, jen’ensuispasfier,c’estmêmetoutlecontraire.Maisjesuistropfaiblepourmebattreet,pourtoutdire,jesuisépuiséd’avoiràluttercontremoi-même.C’estaussiconqueça.PourenreveniràMadie,bientropsilencieuse,ilvafalloirquejel’enfumepourqu’ellenecomprenne

pas à quel point je suis un cas désespéré. Je déteste agir ainsi, mais ce n’est pas comme si j’avaisréellementlechoix,n’est-cepas?Toujours installée à la table, devant un sandwich, auquel elle n’a visiblement pas touché, elle

m’observetranquillement.—Hey,murmuré-je,d’unairquejeveuxserein.—Salut,souffle-t-elle,sansfaireminedeselever.— Désolé pour le retard, j’étais occupé au studio d’enregistrement. J’ai des problèmes avec mesmaquettes.Aucuneréponse.Bordel,çapueetsalement.Commentrétablir lacommunication,alorsquecelafait

plus de deux semaines que nous ne nous sommes pas parlé ? Je ne sais pas de quelle manière m’yprendre, parce que je refuse de déclencher une engueulade que je ne suis pas certain de parvenir àsupportercesoir.Madselèveetemportesonassietteverslacuisine.Aumomentoùellepassedevantmoi,j’attrapeson

braspourlaretenir.—Écoute,jesuisdésoléd’avoirdéserténotreappartement,cesdernierstemps.—Cen’estpasgrave,rétorque-t-elle,sansmêmemeregarder.—Madie,qu’est-cequinevapas?Cettefois,elletournelatêtedansmadirectionetsesyeuxéteintsmefendentlecœur.

—Unjour,ilfaudraquandmêmequetufinissesparaffrontertesdémonsetrévélercequetut’obstinesàvouloirmecacher.Sinon,jenedonnepascherdenotrecouple.— Mais, arrête avec ça ! m’agacé-je. Il n’y a aucun démon, merde ! C’est uniquement dans tonimaginationdébordante.Etpuis,cessede teprendrepourceque tun’espas, tapsychologiedebistrotcommenceàmetapersurlesnerfs!Pourquoiveut-elleàtoutprixmepousserdansmesretranchements?Nepeut-ellepasjustesecontenter

de ce que je lui offre ?Bon sang, je lui ai donnémon amour,mon nom,ma fidélité, et le tout sur unplateau,mais ça ne suffit toujours pas ! À enfoncer trop loin le bouchon, elleme braquera et, jemeconnais, si jeme sens oppressé d’unemanière ou d’une autre, je vais finir parme casser,malgré lapassionquim’animedèsqu’ils’agitd’elle.Àsesjouesrosiesparlacontrariété,jesaisquejel’aiblessée.Maisilfautqu’ellecomprennequ’il

estgrandtempsdemelâcher!Pourtant,alorsquenormalement,ellemeseraitrentréedanslelard,là,elleneréagitpas.Etsij’étais

surlepointdelaperdre?Si, tandisquejechercheavanttoutàfixerdeslimitesentrenous,jel’avaisrepousséesiloinquejenepeuxdéjàpluslavoir?Cettesimpleidéem’épouvanteaupointdemecouperlesouffle.Non,toutsaufça!Jenepourraispaslesupporter.Madieestlaseulechosepositivedanslebordelgigantesquequ’estmafoutuevie.J’aibesoind’elle.J’avaisjusteoubliéàquelpoint,cesderniers

temps.Aussitôt,jelarattrapedanslacuisine.Ellevientdejetersonrepasets’apprêteàlaverlavaisselle.

Alors,parcequej’aidésespérémentenviedelasentir toutcontremoi, jel’enlaceparlatailleetcollemon torse contre son dos. Le visage niché dans son cou, je souffle avec toute l’émotion dont je suiscapable,carencetinstant,jen’aijamaisétéaussisincèredemavie.—Pardonne-moi,Mad.Jesuisunconnardodieuxetjepassemontempsàtefairedelapeine,alorsquetoutcequejeveux,c’esttonbonheur.Figée et crispée, elle ne répond pas. L’assiette qui retombe en un bruit sourd dans l’évierme fait

sursauter,maisjenelalâchepas.Ohnon,pourrienaumonde!À bien y réfléchir, j’ignore d’oùme vient cette furieusemanie de la dénigrer, en cemoment.C’est

insupportable,parcequeMadieesttoutpourmoi.Commeelleneréagittoujourspas,jecontinue,tellementbasqu’ellepeutàpeinem’entendre.

—Jesaisquejenesuispasfacile,maisjet’aime,n’endoutejamais.Tueslecentredemonuniverset,situn’espasàmescôtés,jesuiscomplètementperdu.Jenepeuxpasmepasserdetoi,jet’ensupplie,nem’abandonnepas.Mon ton doit lui sembler parfaitement désespéré, parce qu’au bout de quelques secondes qui me

paraissentinterminables,ellefinitparsedécrisperetselaisserallercontremoi.—Mad,j’aibesoindetoi,répété-je.Tellementbesoindetoi…Entremes bras,mon ange pivote pourme faire face. Sesmains enlacentma nuque, tandis que ses

lèvress’approchentdesmiennes.—Jet’aime,tulesais,maisjenetecomprendsplus.— J’ai conscience d’avoir été perturbé ces derniers jours, et je veux bien te raconter ce qui mepréoccupe,maispastoutdesuite.Pourl’instant,j’aisurtoutbesoinderéconfort.—Nahel,tucroisquec’estaussisimple?Çafaitdesjoursquetum’évites.Depuiscombiendetempsn’as-tupaspassélasoiréeiciavecmoi?Depuisquandnem’as-tupastouchée?Mesmainstententuneincursionsoussontee-shirtetsemettentàcaressersondosendelentscercles

quiglissentlelongdesacolonnevertébrale.—Depuistroplongtempsdetouteévidence,soufflé-je,aucreuxdesonoreilleavantd’enmordillerlelobe.Ungémissementlangoureuxmerépondetjecollemonbassincontresonventre,afinqu’ellesentebien

l’effetqu’elleasurmoi.Pendantcetemps,mesdoigtsremontentlelongdesescôtes,pourempaumersesseinsetentitillerlespointes.Bonsang,c’estvraiqueçam’avaitmanqué!Commentai-jepudormirdanslemêmelitquemagreluche,sansluisauterdessusàlapremièreoccasion?Voilàunréelmystèrepourquimeconnaît.Plusencore,quandonsaitquejen’aipasbaisédepuisdeslustres.Cen’estpasquejen’enavaispasenvie,maisj’étaistropoccupéàmedéfoncerlatêteàcoupdepilulesetdepétardspourm’enpréoccuper.Denouveauunebelleconnerie!Unedeplus…SanslaisseràMadiel’opportunitédechangerd’avis, jelasoulèvepourlaserrercontremoncorps,

tandis quemes lèvres s’emparent sauvagement des siennes. Je suis tellement excité, que je décide dezapper les préliminaires. Habituellement, je me fais toujours un point d’honneur à la préparer de lameilleuremanière.Maisaujourd’hui,c’estjusteimpossible.Avecdifficulté, jemedirigevers le lit.Ellen’estpasàproprementparler très lourde,mais je suis

incapablededécollermabouchedelasienne,sibienquejemeheurteauxmeublesetquejetrébucheparmoments.Monsoulagementestintense,quandjesensenfinlesommiercontremontibia.Alorsseulement,je la lâche, après l’avoir allongée sur la couette.Avec une frénésie confinant à la rage, j’arrache nosvêtementsquivolentdans toute lapièce.Cet empressement la fait rire,maisdans sesyeux, je lis une

excitationaumoinségaleàlamienne.Mêmesijerêvedelaprendretoutdesuite,mamaintrouvesoncheminentrelescuissesdemabelle,

pours’assurerqu’elleestprêteàmerecevoir.Ilyaquandmêmeunminimumsyndical,sijeneveuxpasme donner l’impression d’être plus fieffé salaud que je ne le suis déjà. Mes doigts la caressentdoucement, la pénètrent délicatement, pour constater qu’elle est effectivement assez humide pour maqueue.Àcecontact,Madiepousseungémissementsirauquequemabitedurcitencoreunpeuplus.Ohbon

sang,sijenefaisrien,jesensquejevaisexploserendeuxtempstroismouvements.—J’enaibesoinmaintenant,soufflé-je,aprèsavoirretirémesdernièresfringuesavectantd’impatiencequejecroisavoirdéchirémoncaleçon.—Moiaussi.Unsoupirdepursoulagementm’échappe.Sansperdreuneseconde,jem’allongesurelle.Jesaisque

lapositiondumissionnairen’estpastrèsfun,maisjen’aipasenviedepenseràmieux.Pourlafantaisieetlesacrobaties,nousverronstoutàl’heure.Quandmavergeglissedanscefourreausichaudetsiétroit,jesuisàdeuxdoigtsdejouir.D’ailleurs,jesuisquasimentsûrquemescouillessontbleues!Dèsquejecommence à bouger,magrelucheondule avecmoi,memontrant par sesmouvements debassin à quelpointelleprendduplaisiràcequenousfaisons.Mabouchecolléeàlasienne,unemainposéesursacuissepourlamaintenirauniveaudemataille,la

secondemepermettantderetenirlepoidsdemoncorps,j’accélèrelerythmeetintensifielaforcedemescoups.Ahouais,c’esttropbon!Ilnenousfautpaslongtempspourêtresubmergésparcebesoindejouirdel’autre.Dèsquejesensson

sexesoyeuxsecontracterautourdumien, j’yvaisencoreplusbrutalement,encoreplusvite.Ah,c’estjusteextraordinaire !L’instantd’après,Madie lâcheungémissement incrédule, tandisqueses spasmesgagnent en puissance. C’en est trop pour moi et, avec un cri animal, je laisse l’orgasme m’envahir,cessantdemeretenir.Lorsquelesgicléesdemonspermesedéversentdanslecreuxdesonventre,jesuissaisi d’un tel sentiment de bien-être que je pourrais en pleurer. Il n’y a qu’elle pourmeprocurer cessensations. Ma femme est meilleure que n’importe quelle came et c’est sans aucune comparaisonpossible.Jesaisquenousn’avonsrienréglé,maisj’ailacertitudequecetinterludenousétaitnécessaireàtous

lesdeux.Commentai-jepum’enpasserpendantplusdedeuxsemaines?C’est incompréhensible.Mapeurest-elleàcepointancréeenmoi,pourquejeluipermettedemefaireoubliercequ’ilyademieuxdansmavie?Encoreunebelleconnerie !Enfin, jenesuisplusàunebouletteprès.D’ailleurs,encemoment,jelesaccumuleàunevitessehallucinante.Oucommentpassermaîtredansl’artdetoutfoirer,enpleineconnaissancedecause.Quand je me laisse retomber à ses côtés, la respiration toujours haletante, je ne sais pas ce qui

m’attend.Siellem’engueule,elleauraraison,maisj’aimeraisautantqu’elles’abstienne.Ceseraitgâcherlesouvenirdecemomentunique.Aveclenteur,Madies’installesurleflanc,afindemefaireface.

—Çava?s’enquiert-elled’unevoixdouce.Unsourireempreintdesoulagementilluminealorsmonvisage.Cettefillem’épateratoujours.Elleest

justeextraordinairedegénérositéetd’humanité.—Bienmieux,maintenant.—Jevoisbienquetuespréoccupé.Tudésiresenparler?—Dequoi?demandé-je,feignantl’innocence.— Je ne sais pas. Je n’ai pas l’intention de revenir à nouveau sur ce qui s’est passé au restaurant

universitaire,saufsitusouhaitesqu’onendiscute.Après,onpeutévoquertouslessujetsquiteparaissentimportants.Comprends-moibien,Nahel,jenetetireraipaslesversdunez.Jen’aijamaisagiainsietcen’est pas aujourd’hui que je vais commencer.Mais, je veuxque tu sachesque je suis capable de toutentendreetj’aimeraisquetut’ouvresunpeuplusàmoi,quetupartagesdesmomentsdetavie.Jecroisqueçamerassureraitetm’éviteraitdemefairedesfilms.Bon,jesupposequ’iln’yaaucunmoyenpourquejecoupeàladiscussion,alorsautantjouercartessur

table.Madien’estpasuneétrangère,aprèstout.Elleestmacompagne,ceseraitbienquejenel’oubliepas.Et,danslefond,elleaparfaitementraison.Je me redresse sur un coude, histoire de pouvoir admirer son visage et, surtout, d’y observer ses

émotions.Siellemedevinebien,jelisenellecommedansunlivreouvert.Enfin,jecrois…—Quet’ontditlesflicsaucommissariat?Son corps sursaute légèrement,mais elle se reprend très vite. Toutefois, j’ai surpris cette réaction,

mêmesijerefusedem’eninquiéteroutremesure.Eneffet,sielleavaitétéinforméedetoutel’affaire,jesuiscertainqu’ellem’auraitdéjàfoutuàlaporte.Madieestamoureusedemoi,jen’aiaucundoutesurlaquestion.Mais c’est également une femme sensée et pragmatique, qui agira toujours demanière à sepréserver.Avecréticence,elleaccepteenfindecracher lemorceau.Jen’enmènepas large,mêmesi jecache

bienmessentiments.Cettefilleestperspicace,ellecomprendraittoutdesuite.—J’aiétéemmenéedansunesalleparl’inspecteurLorieDejean.—Pourquoias-tumontrélecertificatdemariage?C’étaitvraimentunegrossièreerreurdetapart!Tum’asjustefoutudanslamerdeavecça!nepuis-jem’empêcherdeluireprocheravecagacement.Aussitôt,elleserebiffe,outrée.

—Jene savais pas que c’était un secret !Contrairement à toi, j’assumenotre union et je n’en ai pashonte.—Mad…—J’aidemandédetesnouvelles,m’interrompt-elle,sanstenircomptedemaprotestation.Seulement,ilfautêtreunmembredelafamillepourqu’onteréponde.Alors,j’aipenséquec’étaitexactementlecas,puisquenoussommesmariés!Jen’imaginaispasquecelaentraîneraittantdecomplications.Jecomprendsmieuxmaintenant,auvudecequ’ellevientdemeraconter,pourquoielleaagiainsi.Il

n’était pas question de l’exhiber comme un trophée et encoremoins de frimer,mais juste de pouvoirs’assurerquej’allaisbien,parcequ’elles’inquiétait.C’estaussiconqueça.Bordel,desfois,jemefaisl’effet d’être un véritable abruti ! Comment ai-je pu penser qu’elle avait simplement décidé de se lapéter?—Jesuisdésolé,Madie, jen’avaispascompris tadémarche.Qu’est-ilarrivéquand tu t’es retrouvéeaveccettegonzesse?—Ellenecroyaitpasaufaitquenouspuissionsêtremariésetm’arévéléquevousaviezpasséunenuitensemble.Ellevoulaitmemettreengardeàtonsujet.Jedoisavouerquej’aiétésuperdéçue,quandj’aiapprisqu’elleavaitcouchéavectoi.Jefroncelessourcils,perplexe.

—Pourquoi?—Parcequejen’auraisjamaisimaginéquetuteserviraisdetonphysiquepourladraguer,niquetuétaiscapabledeculbuterunefille, justepourluisoutirerdesrenseignements.Jecroyaisquetuvalaismieuxqueça,ajoute-t-elle,aprèsuneseconded’hésitation.Cetteremarquemeblesse,sansdouteparcequ’elleestparfaitementjustifiée.Madiearaisonsurtoute

laligne,maisiln’enrestepasmoinsqueleméprisperçudanssavoixmemetmalàl’aise.

—Écoute…tenté-jedel’interrompre.—Arrête,n’essaiepasdetedébinerenm’enfumant,ceseraitpirequetout.—Cen’estpas le cas, asséné-jed’un tonassez froid,pourqu’elle comprenneque le tourprispar laconversationmedéplaît.—Maisalors…—Quandj’aibaisécettenana,nousn’étionspasencoreensemble.Jen’aidoncaucuncompteàterendreàcesujet.Cequej’aifait,jel’assume,etjen’aipasl’intentiondem’enexcuseroudemejustifier.Tusavaisdepuis ledébutque j’avaiscouchéavecpleinde filles.Tuasdécidéde rester,c’est tonchoix,maisarrêtedemebalancer toutesmesaventurespasséesà lagueule. Je te jurequec’estpénible.Pasparcequej’enaihonte,maisjen’envoispasl’intérêt.Jenepeuxpasrevenirenarrièredetoutefaçon,doncjeteledemande,Madie,calmetajalousie.Tuesentraindeterendremaladepourdesconnerieset,àmoi,tumepompesl’air!Lesjouesrosiesparl’indignation,mablondemefusilleduregard,maisçanechangerien.C’estvrai,

merde,j’enaimarredecesscènesquinousempoisonnentrégulièrementlavie.Fautqu’ellesereprenne,lapetite!— L’ennui, c’est que tes ex font la queue pour revenir dans ton existence, donc ça impacteobligatoirementsurlamienne.Quandjerepenseàl’attitudedeSteph,j’aijusteenviedevomir.Cettefillese disait mon amie, mais elle est fausse et fourbe. Elle a envoyé Val au casse-pipe, alors qu’elle teconnaissaitassezpoursavoirquetunelaisseraisjamaispasserça.—Jesuisd’accord…dois-jeconcéder.Franchement,mêmemoi,quilafréquentedepuisquelquetempsdéjà,jen’aipascomprispourquoielles’estcomportéeaussiconnement.—Connement?Oh,maisçavabienplusloin!Ellem’ainsultée,ellem’aroulédanslafarineenjouantlesbonnescopines,toutçapournousespionner.Ilfautêtresacrémenttorduepouragirainsi!— On en était au commissariat…, je murmure, histoire d’orienter la discussion sur le sujet qui mepréoccupe.En effet, il n’est pas question quenous restions toute la soirée à polémiquer surmes ex.Elles font

partiedemonpassé,Stephcommelesautres,etjerefusedelesévoqueruninstantdeplusavecMadie.Cetteconversationmeparaîtd’ailleurscarrémentmalsaine.Perduedanssespensées,macompagneaunpeu demal à reprendre le fil.Après uneminute de silence, elle fronce les sourcils et revient enfin àl’essentiel.—Ah oui, le commissariat…Donc,LorieDejean, après s’être vantée d’avoir couché avec toi, a étédépitéeenpigeantquenotremariageétaitbeletbienréel.Etencore,jesuissuperpolie,parcequ’ellesemblaitenpétard.Bref,j’aivoulupartir,maisellem’enaempêchée.Elleaprétenduquetutedroguais.Madies’arrêteetm’épieducoindel’œil,étudiantsansenavoirl’airmaréaction.Malheureusement

pourmoi,jesensmesjoueschauffer,cequim’arriveassezrarement.Etfranchement,aujourd’hui,jem’enseraisbienpassé.—Ettoi,t’enpensesquoi?Oui,oui,jesais,c’estminablecommequestion,maisjen’aipastrouvémieuxpourgagnerdutemps,

histoiredemereprendre.—J’ailacertitudequec’estvrai,déclare-t-ellesoudain,alorsquejenem’yattendspas.Encetinstantprécis,onpourraitentendreunemouchevoler.Jecroisbienquej’aiarrêtéderespirer.

Bordel,maisquem’arrive-t-il?Suis-jetombédansunmondeparallèle?—Tupeuxrépéter?demandé-je,avantdedéglutiravecdifficulté.—Pourquoi?Tuasparfaitementcompris.Comment cette petite nana, nue dans ce lit, peut-elle me tenir de tels propos ? C’est juste

inconcevable!—Qu’est-cequitepermetd’êtreaussiaffirmative?C’estgravecommeaccusation.—Ah,pardon!Jenet’accusederien,jeconstate.Arrêtedenier,Nahel,noussavonstouslesdeuxquecettefemmedisaitlavérité.Tunetepiquespasouuntrucdecegenre,maistufumesdescigarettesquinesontpastrèscatholiques.Etjesupposequetuconsommesaussidel’ecstasydemanièrerégulière.Tul’asd’ailleursadmistoi-même.—C’estfaux,j’aisimplementreconnuquej’enavaisprislesoiroùj’aicruquetoutétaitfinientrenous.—Et tu as également avoué que ce n’était pas la première fois.Dis donc,monsieurElKhouri, tu neseraispasentraindemeprendrepouruneconne?Plusvite,tuadmettrasquetuasunproblèmeavecça,etmieuxceserapourtoi.Jesaisqu’ellen’apasmentiettulesaisaussi.Arrêtedeprétendrelecontraire,ceseraitinsultermonintelligence.Putain!Sijem’étaisattenduàça!Jenecomprendspasoùj’aimerdé.

—Commentas-turéagiquandellet’afaitcetterévélationfracassante?Madieabesoind’unpeudetempspourrépondre,maisquandelle lefait,sonregard,plantédansle

mien,meprouveàquelpointelleestdroitedanssesbaskets.—Danslefond,jen’aipasréellementétéétonnée.C’estcommesij’étaisdéjàaucourant.—Mad,tenté-jedel’interrompre,enlaprenantdansmesbras.Maisellenetombepasdanslepanneauetsamainposéesurmontorsemetientàbonnedistance.

—Nahel,tusaiscequej’aipenséaumomentoùelleaprononcécesmots?—Euh,non…—Jemesuistraitéedestupidecruche.C’étaitlà,sousmonnez,etjen’airienvu.Tesyeuxrougis,tessautes d’humeur, cette façon que tu avais dem’envoyer bouler parmoments, les petits secrets que tusemblaispartageravectesamisetdontjemesentaistotalementexclue.MonDieu,combiendefoisai-jeeul’impressiond’êtreledindondelafarce!—Machérie,cen’estpas…—Arrête!Noussavonstrèsbientouslesdeuxqu’ilestinutiledementir.Tuvois,jenet’enveuxpas.Jesupposequelasituationestplusdurepourtoiquepourmoi.Maiscequej’aimeraist’expliquer,c’estquejedésiret’aideràt’ensortir.Situasbesoindeparler,quelquesoitlesujet,jesuisprêteàt’écoutersansjamaistejuger.Tantquetun’auraspasadmisavoirunproblème,personnenepeutt’obligeràquoiquecesoit.J’espèresimplementquetuesconscientd’unechose:ladroguen’estpaslasolutionàtonmal-être.Ohmerde, SainteMadeleine est de retour ! Pourtant, au lieu deme gonfler, son petit discoursme

touche. Je vois bien qu’elle désire m’aider, mais qu’elle est démunie. Et ce que j’apprécie toutparticulièrement,c’estqu’ellenefaitappelniauchantageniàunultimatum.Madapigéquesiellememettaitlapression,jemebraqueraispourluifilerentrelesdoigts.Or,commeelleestsupermaline,mafemmeadécidédememontrerqu’elleestprêteàtoutpourmoi,sansmeforcerlamain.Hélaspourelle,jen’ensuispasdutoutaustadeoùjepenseàarrêter.Enréalité,ellen’apascompris

l’ampleurdemonaddictionetiln’estpasenvisageablequejelaluirévèleunjour.Faceàmonsilence,jelasensunpeudéroutée,maisjerefusedeluimentirenpleinefigure.Jel’aifait

àplusieursreprisesetças’esttoujoursretournécontremoi,doncpasquestionderecommencer.—Cettefemmem’aaussicertifiéquetuétaisundealer.Ohnon,merde!C’estpasvrai!JejurequesijemeretrouvefaceàcettesalopedeLorieDejean,je

luiéclatelagueuleavantdel’étrangleràmainsnues,ettantpispourlesconséquences.—Ettoi?Qu’enpenses-tu?C’esttoutcequej’airéussiàrépliquer,maismablondesedécomposequandelleréaliseàquelpoint

jesuisdevenupâle.J’aibeauêtreboncomédien,jenecontrôlepastoujourslesréactionsdemoncorps.

Et là, toutdesuite, jesuisàdeuxdoigtsde lacrisedepanique.Déjà, jesensmonfrontsecouvrirdesueur,tandisquemestempesbourdonnent.—Jesuissûrequec’estfaux.Tun’espasassezstupidepourtetransformerentrafiquantdedrogue,alorsquefinancièrementtun’enasaucunbesoin.Ilfaudraitêtrecomplètementconpourrisquerdemoisirenprisonpendantplusieursannées,quandonn’aaucuneraisondeprendredetelsrisques.Tout porte donc à croire que je suis complètement con, comme elle le dit si bien. Parce que c’est

exactementainsiquej’aiagi.Alors,oui,financièrement,j’aidequoimecamertranquillementpourlesvingt prochaines années, mais elle ignore que mon père fait éplucher mes comptes par son assistantpersonnel.Sitropderetraitsinexpliquéssontrepérés,ilmecouperalesvivres.Etpuis,Madnepeutpascomprendre l’adrénaline qu’engendre la prise de risques. C’est tellement jouissif de se foutre de lagueuledes flics.D’ailleurs, lesavoir sur ledosaajoutédupimentà l’histoire,nousaobligésànousdépasser.Etquandonparvientenfinàlesberner,ehbien,c’estlepied!Madécisiondeneplusluimentirestaussitôtbalancéeauxoubliettes.Jamaisjenepourraisluirévéler

cela.Ellenepigeraitpas.—Maissi,parmalheur,tudevaiseffectivementdealer,c’estclairquetoutseraitterminéentrenousetjene voudrais plus jamais entendre parler de toi, mariage ou pas. Je peux accepter et comprendre ladépendance,parcequ’àmesyeux,ils’agitd’unemaladiequisesoigne.Maisjamaisjenetoléreraisquemonmecvendede ladrogue et se fassedu fricque ledosdegaminsmaldans leurpeau.C’est justeinconcevable.Jemedisaisaussiqueson indulgencedevaitavoirses limites. Ilétaitévidentquecetaspectdema

personnalitéluiposeraitproblème.Etdanslefond,jelacomprends.Quipourraitfréquenteruntruandenpleineconnaissancedecause?Aucunefemmedignedecenom,etellemoinsquetoutautre.Cettefilleesttropdroiteetatropdeprincipespoursecommettreavecunhors-la-loi.Mûparceputaindebesoindemerassurer,demeprouverquejenevaispaslaperdre,jem’approche

d’elleetl’embrasse,maisellemerepoussedoucement.—Nahel,jure-moisurcequetuasdepluscher,surnotreamour,quetunefaispasça,quetunerevendspascessaletés.—Jetelejure.Commetul’astrèsjustementfaitremarquer,jen’aiaucuneraisondetomberaussibaspourassouvirmonaddictionetjeseraisleroidesdébilesderisquerlaprisonpourunetelleconnerie.—C’estbiencequejepensais,murmure-t-elleavecunsourirelumineux,avantdem’enlacerpourposerseslèvressurlesmiennes.Aussitôt, jem’allonge sur son corps parfait etmemets à la caresser avec empressement, avant de

couvrir sa peau de baisers. Lorsque j’atteins son sexe brûlant, ma greluche a déjà oublié notreconversationetm’attend,lescuissesécartées.Pourelle,jem’obligeàdominermonpropredésir,tandisquemalanguetitilleinlassablementsonclitorisduretgonflé.Troisorgasmesplustard,jemeredresseenfinpourplongeraucreuxdesonventre,àcetendroitquiestàmesyeuxsynonymedeparadis.Pourtant,unepartdemoimesoufflequejesuisleroidesenculés,queMadieneméritepasqu’onlui

menteainsi,etmemetengarde.Sielledevaitdécouvrirlavérité,toutseraitterminé.Ellen’auraitaucunepitié,quandbienmêmeelleseraitmaladedechagrin.Danslefond,j’ailacertitudequeçaarriveraunjour,cartoutfinittoujoursparsesavoir,surtoutlessalespetitssecretsqu’onplanquedanssesplacards.C’estunfaitavéré,touslessquelettesqu’ontrimbaleréapparaissentinévitablementpourvouspourrirlavie.J’espèrejustequeceseraleplustardpossible.

5Madie

—T’auraispum’enparlerquandmême!Merdeà lafin,c’est leseul jouroùonpeutprofiter l’undel’autre!Si jecomprends lacontrariétédeNahel, jenepeuxm’empêcherd’êtreprofondémentagacéepar sa

mauvaisefoi.—Tutefousdemoi?Laplupartdutemps,tudorsencoreendébutd’après-midi,quandjeparspourlecinéma!Nem’expliquepasque tuesenmanquedemacompagnie,alorsque tu rentresaupetitmatinpourt’écroulersurlelitetjoueraulégumependanttoutelajournée!Commed’habitude,cesdernierstemps,monmariestrevenuduclubdansunétatlamentable.Mêmesi

jedormaisprofondément,j’aiétéréveilléequandils’estallongéprèsdemoi.Pasbesoind’êtreEinstein,pourcomprendrequ’ils’étaitbiendéchirélatête.Sonhaleineempestaitl’alcooletsesfringuespuaientlesherbesdeProvence.D’ailleurs,aujourd’hui,

jemedemandeoùétaitpassémonodoratauparavant.Enmêmetemps,laplupartdesnuitsoùilmixait,ildécouchaitetnerentraitquelelendemain.Depuis notre dernière conversation, lundi soir, j’attends désespérément qu’il se confie àmoi, qu’il

m’expliqueoùsesituesonproblème.Parcequejesuiscertainequ’ilsaitparfaitementpourquoi ilagitainsi.D’ailleurs, trèshonnêtement,moiaussi. J’ai l’intimeconvictionque toutest liéà lamortdesonfrèreetàcedrameépouvantablequ’ilavécuquandiln’étaitencorequ’ungamin.Sionajouteàcelalepoidsdelaculpabilité,n’enjetezplus,lacoupeestpleine.Son père a fait mention d’une dépression et je le crois bien volontiers. Mais je pense qu’Élie se

trompe, car il est persuadé que celle-ci est terminée.Or,moi, je suis sûre queNahel n’en est jamaisvraiment sorti. Il donne cette impression, parce qu’avec l’aide de la drogue, ses sentiments sont enquelquesorteanesthésiés,cequiluipermetdevivreavec.Hélas,tantqu’ilneregarderapaslaréalitéenface,leproblèmeperdureraetpersonnenepourrarien

pourlui.Etpuis,unjour,toutbasculeraetilseratroptard.Cettepossibilitémeminejouretnuit.Jen’arrêtepasdemefairedesfilms,d’imaginerdesscénarios

catastrophes dans lesquels on le retrouvemort d’une overdose. C’est horrible, parce que je voudraistellement l’aider !Mais je commence tout doucement àme dire que la force demon amour n’est passuffisantepourcombattresesdémons.Chaquejour,dèsquej’aiuninstantdelibre,jevaissurinternet,jelisdestémoignagesdepersonnes

quiontvéculamêmechose.Hélas,cequienressortestinvariablementpareil.Ladémarchedoitprovenirdeceluiquiestenproieàl’addiction,fautedequoi,aucuneaiden’estefficace.Cequim’inquièteleplus,dans les articles que je consulte, ce sont les constatations des professionnels. Ainsi, rares sont lestoxicomanesquiontdirectementversédanslesdroguesdures.Laplupartontcommencéparlehaschisch,l’ecstasy ou leLSD, avant de sombrer.Et je suis terrorisée à l’idée que cela puisse arriver àNahel.Quandleseffetsdessaletésqu’ilingurgiteneluisuffirontplus,versquoisetournera-t-ilalors?Pouren revenir à lanuitdernière, alorsque je faisais semblantdedormir, j’ai senti son sexeaussi

raidequ’unbâtondedynamitesecollercontremesfesses.Et,pourlapremièrefois,jenesuispasalléeverslui.Non,celameparaissaitinconcevable.D’abord,j’étaisfurieusequ’ilcontinueàsedétruireet,ensuite, j’ai réalisé que son haleine de chacal me dégoûtait. Oui, oui, vous avez bien lu, Nahel medébectaitetjen’avaisaucuneenviedecoucheraveclui.Peuaprès,jel’aientenduronflercommeunsonneur,cequim’agonfléeplusencore,parcequ’avecle

raffutqu’ilfaisait,ilm’étaitimpossibledemerendormir.Àcinqheures,j’aifiniparjeterl’épongeetparmelever.Toujourssouslechocdecequej’avaiséprouvé,j’ailongtempsréfléchiàlaquestionpourenarriverà

laconclusionsuivante.Sijenerejettepasmonmarientantquetel,jecommenceàprendresonattitudesérieusementengrippe.Zutàlafin,maintenantquejesuisaucourant,aulieudefaireuneffortpourtenterdes’ensortir,ondiraitqu’ils’enfoncedeplusenplusprofondément.Lepiredanstoutça,c’estquejeculpabilise,persuadéequecettesituationestenpartiedemafaute,du

moins dans une certaine mesure. En essayant de jouer la carte de la compréhension, je lui ai donnél’impressionquejecautionnaissoncomportement.Résultat,commejesaistout,iln’aplusbesoindesecacher et, puisque jen’aipasmenacéde lequitter, il enprofite allègrement.Alorsque j’attends justequ’il accepte mon aide, lui semble déterminé à continuer de se détruire. C’est carrément minable !Commentose-t-ilabuserainsidemagentillesseetdemonamour?Quelsaleégoïste!Quandilaémergéversneufheures,j’aisouriavecsadismeenvoyantsatêtededéterré.Tantpispour

satronche,tiens!D’ailleurs,iln’apastellementeud’autrechoixquedeseréveiller,puisquej’aifaitunpotind’enferdanslacuisine,enmettantlaradio,enrangeantlesplacards,surtoutceuxquicontenaientlescasseroleset lespoêles.Etcommejesuisenmodevengeur, j’aiplanquélaboîted’Advil.Ainsi, ilnepourramêmepasprendredemédicamentspoursesoulager.Ceseraitbeaucouptropfacile!—Putain,Mad,arrêteceboucan!Tulefaisexprèsouquoi?a-t-iléructéavecdifficulté.—Absolument,ai-jerépondu,enlorgnantsurluiunœilmauvais.Étrangement, il n’apasmoufté, n’apas râlé. Il s’est contentéde se diriger vers la salle debain en

maugréantdanssabarbeàproposdesgonzessesquisontchiantesdèsquec’estlapleineluneouqu’ellesontleursragnagnas.Or,ilsaitparfaitementquecen’estpaslecasencequimeconcerne,puisquejen’aipaseumesrègles

depuisplusieursmois.Autantdirequejerevis.Pourtant,depuisquelquesjours,desdouleurspelviennesresurgissent de temps à autre.Oh, elles sont fugaces et durent à peinequelques secondes.Néanmoins,ellessontintensesetmecoupentlesouffle.J’aiconsciencequ’ilseraitpréférabled’appelerCaroleouLounis,oumêmed’enparleràNahel,maisjen’arrivepasàm’yrésoudre.Sijecontactemonbeau-frère,jeseraiobligéedemesoumettreàtouteunebatteriedetestsetjen’enai

pas le temps. Entre le boulot et les cours, c’est déjà le bazar.De plus, je dois préparer ce concourssérieusement, pour être sûre d’avoir une chance. Je sais pertinemment que si je fais part de mesproblèmesàmonmec,ilvaencoreêtredanstoussesétatsetmetraînerparlescheveuxjusqu’àParis.Jeconnaislenuméro!Alors,parcequecen’estpaslemoment,jen’airienditàpersonne.Siçasetrouve,lescrampessecalmerontd’elles-mêmes.Enressortantdelasalledebain,monmariavaitdéjàmeilleuremineetressemblaitmoinsàunmort-

vivant,puisqu’ils’estmisàrangerl’appartement.C’étaitbonsigne!C’estalorsquej’aieulafumeuseidéedeluiparlerdemonrendez-vousavecJo.Depuis,nousensommestoujourslà,ànousdisputer,unefoisdeplus.—Jenecomprendspascommenttupeuxaccepterdelerevoiraprèscequ’ilt’afait!Jesuisen trainde tressermescheveuxetdemettremesbottinespourfilerà lamesse,cependant je

m’interromps aussitôt.Ce n’est pas tant sesmots quime gênent,mais le tonméprisant qu’il emploie,

commesipardonneràmonfrèrefaisaitdemoiunelopette!Évidemment,jevoisrouge.—Explique-toi.—Tuesunevraiepoire,parmoments!Jetejure,lesgenssonthorriblesavectoi,maistulesexcuses.C’estpareilavectesparents.Si lesmiensm’avaientfaitchiercommeils l’ontfaitavectoi, jeneleuradresseraisplusjamaislaparole.—Maisbiensûr…soufflé-jeavecuneironiemordante.—Quoi?C’estvrai,non?T’estropgentille,mapauvrefille.Jeconstate,c’esttout!Là,j’enaimarre.Ilpousselebouchontroploinetlacolère,quijaillitenmoi,dévastelepeudecalme

qu’ilmerestait.Pourtant,jetenteencoredemecontrôler,afindenepasmemontrertropblessantedansmespropos,mêmes’ilneméritepastantdeconsidération.—Osemedirelecontraire,ajoute-t-ilavecunpetitairsupérieurquimehérisselepoil.Parcequej’ailesentimentqu’ilseficheouvertementdemoi,jeperdsbrusquementpatience.Lesmots

sortentdemaboucheavantquej’aieletempsdelescensurer,maisàcetinstantprécis,celan’entrepasdansmespréoccupations.—Non,jen’essaieraipasdeprétendrequecen’estpaslecas.Jesuisgentilleetalors?Tuveuxsavoirpourquoijepassel’épongeausujetdeJo?Parcequej’ail’intimeconvictionqu’aumoindreproblème,ilviendraimmédiatementàmonsecours.—C’estcequej’aicrucomprendre,quandjet’aitrouvéeévanouiedanslecouloir.Salecon!Ilyadesjoursoùcemecmegonfleàunpointquepersonnenepeutimaginer.Jevousjure

qu’encetinstantprécis,jenepeuxplusdutoutlevoirenpeinture.—T’aimesbienappuyeroùçafaitmal,hein?jel’interroge,dardantsurluiunregardtorve.Maisqu’enest-ildetoi?—Commentça?—Tueslepremieràmeprendrepouruneconneetàprofiterdemaprétenduegentillesse.J’enveuxpourpreuvel’étatdanslequeltuétaiscettenuitenrentrant.N’imaginepasquejesuisdupeunseulinstant.Etpour tagouverne, jenehurlepeut-êtrepas,mais celanem’empêchepasde trouver toncomportementécœurant!—Tuétais réveillée?questionne-t-il,occultantvolontairementderépondreàmoncommentairesur lefaitqu’ilétaitcomplètementdéchiréàsonretourduclub.Jecroyaisquetupionçais…—Ehbien,non!Etsij’aifaitsemblantdedormir,c’estparcequejen’avaisaucuneenviedemefairetripoterparunmecshootéetbourré,nid’embrassermonmariquiavaitunehaleinedebalaidechiottes!Cette fois, il ne la ramènepas et çavautmieuxpour sonmatricule, c’estmoiquivous ledis !Ses

critiquesetsesmoqueriesm’ontmiseenrageetjenememaîtrisecarrémentplus.—Quantauxmembresdemafamille, tunedevraispas lesdénigrer,parcequecesontdesenfantsdechœurcomparésauxElKhouri.Etmoi,personnenem’ajamaisaccuséed’êtreresponsabledelamortdemonfrère!Jeregrettecesmots,dèsl’instantoùilssortentdemabouche.Jevousjurequec’estvrai!J’aibeaules

penser,jen’étaispasobligéedelesluijeterenpleineface.Le sursautde soncorpset la soudaine rougeurde sespommettesmemontrentqu’il est terriblement

choquéparmespropos.Maisilesttroptardetjenepeuxpaslesretirer.Alors,plutôtqued’affronterlasituationetdemecoltineruneénièmescène,jepréfèrelafuite.C’est

lâche,j’enaiparfaitementconscience,maisjesuisincapabled’assumermesparoles,àlafoisblessantesetinjustes.—Nahel, si tu continues à te détruire ainsi, bientôt il ne restera plus rien de notremariage.À toi desavoircequetuattendsdetavie,maissituneprendspaslesdécisionsquis’imposent,jeleferaipour

nousdeux.Surcetteultimedéclaration lapidaire, je récupèremonsacetmadoudoune,puisclaque laportede

l’appartement. C’est terrible pour moi de le laisser dans cet état, mais je crois qu’il lui fallait unélectrochocpourqu’ilprenneconsciencede la situation.Avecunpeudechance, il réfléchira enfinettenterapartouslesmoyensderemédieraudésastrequiseprofileàl’horizon.Entoutétatdecause,jerefusederesterpluslongtempsletémoinimpuissantdesadéchéance.

***Assise en face de Jo, j’attends avec un sourire qu’il décide de parler. Me rendre à la messe,

communier avec Dieu comme j’en avais si souvent l’habitude, m’a fait un bien fou. À la fin de lacérémonie, je n’ai pas pu m’empêcher d’allumer autant de cierges que me le permettait l’argent quej’avaissurmoi,etdeprierpourqueNahelseressaisisse.J’espèresimplementqueJésusm’entendra,luiquiatendanceàêtresourd,cesdernierstemps.Àdenombreusesreprises, jemesuisdemandécequej’avaisbienpufairecommemauvaiseaction,

pourmériterdeme retrouveraussi souventembarquéedansdesconflitsavec legarçonque j’aime. Jevoudrais juste quelques jours de tranquillité et de sérénité, afin deme détendre un peu, parce que jecommenceàfatiguersérieusement.—Çanevapas?jem’enquiers,constatantquemonfrèreparaîttroublé.—Pourquoituportesunealliance?questionne-t-il,aprèsavoirdéglutiavecdifficulté.Ahmerde, j’aicomplètementoubliéde retirermabague !Mêmesi jedétesteça, je suisobligéede

mentir,parcequeJonepourraitpascomprendreetenferaitundrame.—C’estNahelquimel’aofferte.Désolée pour l’excuse bidon, mais je n’ai rien trouvé de mieux, dans la mesure où je n’ai pas

réellementeuletempsd’yréfléchir.Monfrèreal’airsoulagé,maisbienvite,ilfroncelessourcilsavecmécontentement.—Madie,arboreruneallianceendehorsdesliensdumariageportemalheur.Nejouepasavecça,s’ilteplaît!—Jo,arrêtedestresser.Cen’estqu’unbijouetriendeplus.Reniermonunionmefaitmalauxtripes,maisjen’aipasvraimentlechoix.Commeilsedétendenfin,

jerespireànouveaunormalement.—Ah!Évitequandmêmedel’avoiraudoigtquandturentrerasàlamaison.Déjàquelesparentsnesontpaschaudspourquetul’épouses!Ilsn’irontpascontretavolonté,maisépargne-leurunstressinutile.Pourmapart,jenepeuxpasdirequej’approuvetarelation,maistulesais.Toutefois,situpersistesàvouloirtemarieraveccetype,j’aimeraisquecesoitmoiquicélèbretanoceàRochesson.Jemeratatineunpeuplussurmonsiègeet,àmaplace,vousferiezdemême.Commentluiavouerque

j’aiétélégalementunieparlesosied’Elvis?Ilseraitprofondémentblessé,enprenantconsciencequecequ’iltientpourunengagementsacréaétéconsidéréavecautantdelégèreté,commes’ils’agissaitd’unjeu.Celavaàl’encontredetoutcequel’onm’ainculqué.Jeneregrettepasd’êtredevenuelafemmedemonDJ,maisaveclerecul,jeréalisequenousavonsétéportésparnosémotions,sansréfléchiràtoutcequeçapouvaitimpliquer,notammentvis-à-visdenotreentourage.HeureusementquejenesuispaslégalementunieenFrance,puisquenousn’avonstoujourspasdéclaré

notremariageauxautorités.Naheln’enajamaisparléet,depuisl’histoireducommissariat, jemesuisbiengardéed’évoquercepoint.Donc,sijecoupelescheveuxenquatre,jenemenspasréellement.Cettepenséedevraitmeréconforter,maisellemedonnejustel’impressiond’êtretrèsmoche.Etjen’aimepas

çadutout.D’unaccordtacite,nouschangeonsdesujet.Jomeracontesonparcoursauséminaireetjeluiexplique

enquoiconsistentmescoursetmonstage.Finalement,lerevoir,pouvoirpapotertranquillementavecluimefaitunbienfou.Jeréalise,quandnoussortonsdurestaurant,quej’aifaitlevideautourdemoi,sansmêmem’enrendrecompte.Tousceuxquejefréquente,d’unemanièreoud’uneautre,sontdesprochesdeNahel.Alors,bienévidemment,cen’estpascommesij’avaiseuunequantitéastronomiqued’amis,maisiln’enrestepasmoinsquecettesituationm’inquiètequelquepeu.Au moment de quitter Jo, après qu’il m’ait accompagnée jusque dans le cinéma, je le serre avec

effusiondansmesbras. Je ressensun intense soulagement à l’idéequenouspuissions reprendrenotrerelationlàoùnousl’avonslaissée.C’estaussibienainsi,parcequej’adoremongrandfrèreet,pourrienaumonde,jen’envoudraisunautre.—Prendsbiensoindetoi,mapetitesœur.Ons’appellecettesemaine?—Oui.Etonessaiedeserevoirtrèsbientôt.—Absolument.Boncourage.Avectoutcemonde,ilvat’enfalloir.Àplus,ajoute-t-ilenm’embrassantrapidementsurlajoue,avantdedisparaîtreaumilieudelafoule.Lerestedelajournéepasseàlavitessedel’éclair.Jesuisaffectéeàlacaisse,tandisqueSophieest

aucontrôle,sibienquenousnepouvonspasdiscuterdurantnospauses,danslamesureoùcelles-cisontdécalées.Cen’estpasplusmal,parcequejemeseraissentieobligéedeluiparlerdeNaheletdenotredernière altercation, et elle ne peut pas comprendre. Je l’ai pigé, le jour où j’ai réalisé qu’elle avaitpleinementconnaissancedecequisepassait.Sansdoute,a-t-elleparticipéà leurssoiréesdedéfonce,mêmesijesaisqu’ellen’ajamaispartouzéaveceux.Remarquez, à saplace, jenem’envanteraispasnonplus.Mais il n’en restepasmoinsque je suis

déçue,parcequejepensequ’elleauraitpum’entoucherunmot,lejouroùnousavonsdûrécupérerFredetNahelaucommissariat.C’étaitlemomentoujamaiset,surtout,çam’auraitévitédepasserpouruneconne.Enrentrantchezmoi,jenepeuxempêcherunebouled’angoissedetordremonestomac.Jenesaispas

àquoim’attendre,maisjesensqueceseraépique.Pourtant, quand je pénètre dans le studio, c’est le silence total. Pendant une seconde de panique,

j’imaginequ’ilestparti,parcequejesuisalléetroploin.Mêmesijesuisassezpessimistequantànotreavenir,cesdernierstemps,jenesuispasprêteàlevoirdisparaître.J’aitropbesoindeluietjen’aipasl’intentiond’abandonnersifacilement.Entoutcas,pastantquejenemeseraipasbattuejusqu’auboutpourtenterdesauvercequipeutencorel’être.D’ailleurs,moncœurmesoufflequejenerevivraiplusjamais une relation aussi intense. Et je suis intimement convaincue queNahel vaut la peine qu’on sedémènepourlui.Avec un soupir de soulagement, je constate que ses affaires sont toujours là.Mais alors, où est-il

passé?J’espèrequ’ilnes’estpasrenduchezFred,pouroubliernotreengueuladeàcoupsdejointsetdecachets!L’instantd’après, j’entends la clédans laporte, etmonmari entre, tenant entre sesmainsunepizza

fumante. Je réalise alors que je suis debout, dans le salon,maveste surmoi, agrippée àmon sac.Lesoulagementesttellementvifquejepourraispleurer.Nahel approche et frôlema joue d’un rapide baiser, avant de se diriger vers la table où il pose le

carton.—Salut.Tun’enlèvespastadoudoune?Pourunpeu,jepourraismefigurerqu’ilnes’estrienpassé,cematin.Toutefois,sonregardfuyantme

rappellelesparolescruellesquej’aiemployées.

Sans un mot, je file dans l’entrée pour retirer mes bottines et ma veste, puis je le rejoins. Il fautabsolumentquejeluiprésentemesexcuses,maisj’aidumalàaborderlaquestion, tellementj’aipeurd’unenouvelledispute. Ilmesemblequenousnesommespasassez fortspouraffronter toutça,encemoment.Maistantpis,jenepeuxpasresterainsi.—Jesuisdésolée. Jen’auraispasdû teparlercomme je l’ai fait. Jenepensaispasceque jedisais.C’étaitméchantetgratuit.Tuesfâché?jem’enquiersd’unevoixtremblante.—Mad,c’étaitmérité.Sijen’avaispasétésicondescendant,tuneteseraispasénervée.Jesuisnavrédet’avoirtraitéecommelagaminequetun’espas.Unefoisdeplus…—Nahel,jet’aime.Mamainseposesur lasienneet ilmesourit,visiblementsoulagé.Sesdoigtsentrelacent lesmiens,

tandisqu’ilfinitpardéclarer.—Jevaisfairedesefforts.Noussavonstouslesdeuxàquoiilfaitréférence.Paslapeinequ’ilenrajoute.

—Pourquoiaujourd’hui?jenepeuxtoutefoispasm’empêcherdedemander.—Parcequejamaisjenepourraissupporterdetedégoûter.C’estjusteimpensablepourmoi.Maisj’aidessoucisavecledossierd’admissionetjen’arriveplusàlesgérer.—Commentça?Pourtoutvousavouer, jesuisrassuréedeparlerd’autrechosequedenosproblèmes.Jesaisàquel

point ilveut intégrercetteécoleetsicelapeutexpliquersesrécentsdérapages,alors tantmieux.Celasignifiequesoncomportementestliéàunepousséedestress.Ilauraitpusupposerquejecautionnaissesexcèsentousgenres,c’estcequejen’aipascesséderedouter.Ducoup,j’ail’impressionqu’unpoidsénorme s’est retiré de ma poitrine. C’est étrange, car je n’avais pas conscience de cette présence,pourtantbienréelle.—Tuasenvied’enparler?—Pourrésumer,j’aicinqprojetsàrendre.Jedoisinterpréterunechansonimposéeetcréerunevidéoquimemetenscène.—Waouh!Rienqueça?—Cen’estpasréellementlesouci.Vinceestsuperdouépourréaliserdescourts-métrages,alorsunclip,c’estunjeud’enfantpourlui.Ilmaîtrisel’artdelaréalisationetdumontage.C’estaussiuningénieurdusonhorspair.—Ahbon?Jel’ignorais.Pourquoiest-cequej’aitoujoursl’impressiond’êtrecellequin’estaucourantderien?—Parcequec’estlecas!s’exclame-t-ilenriant.—Donc,siVincepeutt’aider,oùestleproblème?—Lesscénariosqu’ilm’aproposésnemeconviennentpasfranchement.Et…Nahels’interrompt,toutenm’observantfixement.

—Quoi?—Àmoinsquetunemedépannes.Çateplairaitdeparticiperautournage?—Hein?Jesecouelatête,ayantdumalàcomprendrecequ’ilattenddemoi.

—Maisoui!Dansundesscripts,ilaimaginéunerencontre.Çanemedisaitrien,maissituenes,jesuispartant.—Euh,d’accord.Jenesaispasbienoùjefichelespieds,maissiçapeutl’aider,jeferaicequ’onmedemandera.

—Etlesautres?

—Ledeuxièmeestunecompositionoriginale.Ça,c’estbon.AvecFred,onl’amiseenboîte.Ensuite,ilyadeuxduos.Lepremierestuneadaptationlibre.J’ailachanson,maisjen’aipasencorelesinterprètes.Jeprésumeque je vais yparticiper,mais ilme faut une fille avecunevoix trèsgrave.Audébut, j’aipenséàtoi,maisçanecollepasaveclethème.—Oh,etledeuxièmeduo?—C’estunereprised’untitredeCharliePuthetSelenaGomez.Ilvienttoutjustedeparaître,maisonmedemandedel’arranger,envuedel’améliorer.Franchement,lachansonestnaze,entoutcaspourmoi.Enplus,j’aibesoind’unevoixquis’approchedecelledePuth.Etjen’aipersonnesouslamain.Enfin…—Quoi?—Ilyauraitquelqu’un.Ilchantesuperbien,d’ailleursill’adéjàfaitpourmoi.—Ehbien,alors?Pourquoinepasluidemander?—C’estVal.—Oh!Jeneparvienspasàdireautrechose. J’ignoraisquesonamiavaitbossépour lui.Dureste, jen’ai

aucunenouvelledepuisquejel’aivuàl’hosto.Cen’estpourtantpasfauted’avoiressayé,puisquejeluiaienvoyéplusieurstextos,demeuréssansréponse.Detouteévidence,iladécidédecouperlesponts.—Tuesalléàl’hôpital?Tut’esexcusé?Nahelrougitlégèrementetjelesensgêné.Bonsang,pourquoinel’a-t-ilpasfait?Laisserpasserun

peudetemps,encasdeconflit,peutêtreunebonnechose.Maisaprèscequis’étaitproduitàlacafet,ilfallaitimmédiatementcreverl’abcès.Maintenant,ilmesemblequ’ilestpresquetroptard.—Tudevraisluirendrevisite.—Sijemepointechezluietquejeluidemandedechanterpourmoi,ilcomprendratoutdesuitequejeveuxmefairepardonneruniquementparcequej’aibesoindesesservices.—Si tu n’essaies pas, tu ne le sauras jamais.Nahel, j’aime beaucoupVal, je te jure qu’il n’y a riend’autrequ’uneamitiésincère,etjeregrettequ’ilnesoitplusavecnous.Lesyeuxperdusdanslevide,monmarisouffled’unevoixpeuassurée.

—Moiaussi,Mad.J’ailesentimentquecetteconfidenceluicoûte,maisilesthonnête.Jeprendsalorssamainetlapresse

doucement.—Dans ce cas, dis-le-lui et arrange les choses. Je suis persuadée que c’est possible.Val t’appréciebeaucoup,tusais…Voyantsonregardtourmenté,jedécidedechangerdesujet.

—C’estunduo.Quiferalafille?—Lana,unecopinedeFred,quiestaussienmusicologie.—Oh!Avec un sourire forcé, je commence àmangerma part de pizza.C’est étrange,mais je suis déçue.

J’auraisadoréqu’ilmeledemandeàmoi,qu’ilm’impliquedanscetaspectdesaviequejeconnaissipeu.—Parcontre,est-cequeçatedéranged’êtrechoristesurceprojet?Jesaisquetuaimeschanterettulefaissuperbien.Bon,jesupposequ’ilvafalloirquejem’encontente!Tentantdedissimulermondésarroi,jeluisouris

avec insouciance.Nahel continue àm’expliquer les différentes étapes de la phase d’admission qui serévèle plus ardue qu’il ne l’avait pensé. En même temps, cette école est une des plus prestigieusesd’Europe,ilestdoncévidentqu’onn’yentrepasjusteenclaquantdesdoigts.Lerestedelasoiréesedéroulesansaccroc.Jepréparemesaffairespourlescoursetnousdécidons

quemaparticipationauclipseferalesamedisuivant,parcequec’estleseuljouroùjesuislibre.Aumoment de nous coucher, alors que je m’attends à ce quemonmari tente quelque chose, il se

contentedemeprendredanssesbras.Jenecomprendspaspourquoi ilagitainsi,maiss’iln’enapasenvie,c’estsondroit.Pourvuquecenesoitquetemporaire.

***

—Madeleine?Oh non, pas lui !Mais qu’est-ce qu’il me veut encore, ce naze ? Avec réticence, je pivote pour

découvrirGregoryDojongàmoinsd’unmètredemoi.Pasquestionquejemerendeoùquecesoitaveclui!Jen’airienfaitderépréhensible,iln’adoncaucundroit,jemesuisrenseignéesurinternet.—Jen’aitoujoursrienàvousdire,déclaré-jeavecunegrimacedemécontentement.—Alors,vousallezm’écouter.Onpeutboireuncafé?—Certainementpas.Jen’aipasletemps,jebossedansmoinsdedeuxheures.—Danscecas,jevousposelesquestionshabituelles.Est-cequevousvousshootez?Une passante, qui a entendu cesmots,me jette un regard choqué. J’en rougis de honte.Ce type est

vraimentunconnarddepremière!—Non,toujourspas.—Est-cequevotremaris’estcamédevantvous?—Absolumentpas.Cequiest,dureste,toutàfaitvrai.

—Est-cequevousl’avezvuvendredeladrogue?—Non!—Etenfin,ya-t-ildeladopechezvous?—Maisjamaisdelavie!C’estbon,vousavezfini?Jepeuxrentrerchezmoi?Jem’apprêtedéjààmedétourner,quandilm’attrapeparlebras,m’obligeantàluifaireface.

—Quoiencore?m’écrié-jeavecuneagressivitémalcontenue.—Jevousaiapportéunpeudelecture.Vousverrez,ceserafortinstructifpourvous,ajoute-t-ild’untonmoqueur,probablementvexéd’avoirétéremballéainsi.Perplexe,jelèvelesyeuxverslui,etdécouvrequesonregardmecouveavec…désir!Non,non,il

doit y avoir une erreur. Pourtant, la rougeur subite de ses pommettes et son souffle qui vient des’accélérer sont autant d’indices, sur ce qu’il ressent. Je le sais, c’est de cette façon que Nahel medévisagequandilaenviedes’envoyerenl’airavecmoi.Maiscommentest-ilpossiblequeceflicmemateainsi?Jedoissûrementmetromper,mêmesimoninstinctmehurlequejesuisdanslevrai.Cemecenpincepourmoi.Jenelecroispas!Avecunpetitrictusquitraduitmieuxquedesmotsmondégoût,jetentedemelibérerd’ungestebrusque.Ilmelâcheassezfacilementetjedevinesursonvisagequ’ilestchoquéparcequ’ilressentetsansdouteparmaréactionderejet.Alors,sanscriergare,ilmefourreunegrosseenveloppeenkraftbeigeentrelesmains.

—C’estunecopiedudossierd’ElKhouri.Pourvotrebien,vousdevriezenprendreconnaissance, leplusvitepossible.Puis,sansrienajouter,ilmetourneledosets’éloigneprestement,melaissantscotchéeaumilieudes

badaudsquimecontournentenrâlant.Uneseulequestionmetrottedanslatête,inlassablement:est-cequequelqu’unpourraitm’expliquerce

quivientdesepasser?

6NahelIlestdéjàtard,quandj’emprunteladirectiondustudio.Jenemesuispasréellementpressé,parceque

jesavaisqueMadiebossaitcesoir,et j’avaisbesoind’unpeudesolitudepourreprendremesesprits,aprèscettejournéeépique.Pourtoutvousexpliquer,ilfautquejerevienneenarrière.Hiermatin,lorsqueMadiem’aenvoyéces

horreursà la tronche, j’étaisprêtà fairemesvalochesetà rentrerchezmoi.C’estvrai,quand tananat’annoncequetuladégoûtes,qu’elletebalancequetun’esqu’unprofiteuretquesafamillevauttellementmieuxquetoi,tupigesquel’heureestvenuedetecasser.Seulement,aprèsavoirfuméunpétard,jemesuisunpeucalmé.Etj’aivoulurevivrelascèneàtraverssesyeux.J’ai essayé de comprendre pourquoi elle s’étaitmontrée si vacharde, elle qui est habituellement la

bontéincarnée.Quandj’aipercutéqu’elleavaitréagiaussivivement,parcequ’elleétaitdéçuedemoncomportement,j’aisoudaineuhonte.Avechonnêteté,j’aiadmisqu’elleavaitraison.Depuisledébut,jeprofiteentouteimpunitédesagentillesse.Ellem’ahébergé,m’anourri,aétélà

chaquefoisquej’enavaisbesoin,sansjamaism’obligeràquoiquecesoit.Jesupposequ’elleaespéré,aprèscettehistoiredecommissariat,quejemecalmerais,quemonamourpourelleseraitplusfortquetout,plusfortqueladrogue.Or,c’est tout l’inversequis’estproduit,puisquej’aidéconnéencoredavantagequ’avant.Lanuitde

samediàdimancheaétélagoutted’eauquiafaitdéborderlevase,entoutcaspourelle.Quandj’aipigéça,j’aiégalementréaliséquem’enprendreàsafamilleavaitétéunemaladressemonumentale.Ellelesaimesincèrementetnes’enestjamaiscachée.D’ailleurs,jepensequ’elleaprisconsciencedufaitquej’avaisplusoumoinsmanœuvrépourl’éloignerd’eux,afindelasoustraireàleurinfluence.Lasoiréeoù ils l’attendaientchezelleest trop fortementancréedansmonesprit,doncpasquestion

qu’ilyenaitunesecondeunjour,jenelepermettraipas.Bref,j’aifaitmonautocritiqueetcomprisquepour arranger les choses entrenous, il suffisait depeu.Simplementque jemecalme surmaconsodedope–dumoinsquejeleluifassecroire–,quej’évitedemetorcheretderentreràl’appartementsijesuisdéfoncéoubourré,enfinquejelalaisserevoirsonfrère,toutenrestantvigilant.Danslefond,jesaisqu’il n’apasde réelmoyendepression surmablonde.Personnen’en a, du reste.Pasmêmemoi.Sapersonnalité est tellement affirméequ’aucundenousnepourra jamais lui dicter sa conduite.Direquej’étais persuadé qu’elle serait inoffensive, quand je l’ai rencontrée. Quel manque de clairvoyance !Jamais je n’ai connu de nana comme elle : douce et intransigeante, compréhensive et droite dans sespompes,généreuseetinsolente,drôleetémouvante.Àelleseule,Madieincarnetouteslesfemmes:lamère,l’amie,l’amante,lafilleetlasœur.Oui,mon

épouseest à la foiscomplexeet formidablement simple.Elleest toutet soncontraire, et j’adore.Bonsang,qu’est-cequejekiffeça!Pourtant,hiersoir,jen’aipaspumerésoudreàlatoucher,alorsquej’avaisterriblementenvied’elle.

Lefaitqu’ellem’aitditquejeladégoûtaismerestaitsalemententravers,mêmesijeneluienveuxpas,parcequejesaisque,danslefond,elleavaitraison.Quiéprouveraitledésirdes’envoyerenl’airavec

unjunkie,totalementtorché?Etilfautavouerquej’entenaisunesévère.Cecidit,j’aidescirconstancesatténuantes.Depuiscettebagarreàlacafet,jesensunfossésecreuser

entremonangeblondetmoi, et çamemine.Cequi est paradoxal, c’est que j’ai conscienceque celadépenduniquementdemoipourqueleschosesredeviennentcommeavant.Ilmesuffitd’accepterdemesoigner et d’arrêter mes conneries, une bonne fois pour toutes. Seulement, pour le moment, j’en suistotalementincapable,mêmesij’aimecettefilleàencrever.Bref,cematin,jemesuisrésoluàmerendrechezVal.Biensûr,j’aibesoindeluipourcetteputainde

maquette,mais je sais également queMad avait raison et qu’il a droit à des excuses en bonne et dueforme.Quandiladécouvertmaprésencesurlepalier,j’aibiencruqu’ilallaitmeclaquerlaporteaunez,et

saréactionauraitétécompréhensible.Maisilnel’apasfait.Ilm’alaisséentrer,mêmes’ilnem’apasfacilitéleschosespourautant.Assissursoncanapé,jemesuissentitoutpetit,maisjemesuisobligéàsoutenirsonregard,plutôtque

departirencourant.—Jesuisdésolé,Val,ai-jemurmuré,tandisqu’ils’installaitenfacedemoi.—C’estunpeucommode,tunetrouvespas?Danssavoixperçaitunecolèrejustifiée.

—Non,justement,rienn’estsimple.—Çavafaireunmoisquetum’astabasséetpasunefoistun’asprisdemesnouvelles.Jesuisquipourtoi?J’aidéglutiavecdifficulté,avantderépondre.

—Tuesmonami.—C’estça,j’enparleraiàmoncheval!—Ettuesaussilemecquiestamoureuxdemafemmeetquines’encachemêmepas!ai-jeajouté,avecagacement.Putain,Val,jesaisquejenesuispasdigned’elleetquetularendraisautrementplusheureusequemoi.Maisjel’aidanslapeauetpersonnenepeutcomprendreàquelpoint.Alors,c’estvraiquejen’aurais jamais dû te frapper,mais quand j’ai pigé que je pouvais la perdre, aumoment où tu lui asracontéàquelpointj’étaistordu,j’aipétéuncâble.Enentendantcesmots,ils’estcalmé,avantd’admettre.

—Jereconnaisquejen’aipasétéréglo,moinonplus.Jen’auraisjamaisdûlatraiterdecettemanière.Madnes’estd’ailleurspasgênéepourm’expliquerquesij’avaislemalheurderecommencer,ceseraitellequisechargeraitdemoncas.Elleamêmemenacédemetransformereneunuque,sijeluireparlaiscommejel’aifait.—Elleavraimentditça?ai-jedemandé,sansretenirunsouriremoqueur.—Ouais,et franchementelleétait super flippante.C’estunvraipetitdictateursoussesairsdesourisinoffensive.Sanspouvoirnousenempêcher,nousavonséclatéderire.Laglaceétaitbriséeetj’enairessentiun

soulagement intense. Dans le fond, je l’aime bien, ce naze. Je lui ai ensuite raconté les récentsévénements,etnousavonspassélamatinéeàdiscuter,chacunconscientquenotreamitiéétaitenjeuetnetenait qu’à un fil. Val a été d’accord pour chanter sur la maquette, enme donnant l’impression qu’ils’agissait d’une faveur, alors que je sais très bien qu’il adore ça. Il m’a également parlé de Steph,m’expliquantqu’elleregrettaitsincèrementd’avoirréagiaussiconnementetquenousluimanquions.J’ai alors accepté de la revoir, histoire d’enterrer la hache de guerre. Pourtant, cela ne m’a pas

empêchédel’engueulerd’abordcommeunemerde.JesaisqueMadieluienveutbeaucoupetqu’ellenecomprendraitpaspourquoij’aidécidédeluiadresserseulementlaparole.

Lesouci,c’estqueStephestimpliquéedansnotrebusiness,bienplusqueSophie.Ellepourrait tousnousenvoyerentaule,sil’envieluienprenaitetjerefusedecourirlemoindrerisque.JemesuisdéjàfaitavoiraveccettedindedeRosie,pasquestionderecommencer.Or,iln’yapasplussalopeetvicieusequ’unenanarejetée,quicrèvedejalousie.Alors,aujourd’hui,j’aifaitcequ’ilfallaitpourarrondirlesangles.Madien’ensaurajamaisrien,puisqu’ellenemangeplusavecnousetjegarde,malgrétout,unecertainedistanceavecSteph,demanièreàcequemafemmeetelleneserencontrentpas.Toutefois,commej’aibesoindecettegarce,parcequ’elleaunevoixabsolumentrenversante,jeluiai

proposédechanterleduoavecmoi.Elleabienévidemmentacceptéetj’aiétémalàl’aisequandj’ailuunespoirinsensédanssonregard.Jemesuisrassuréenmedisantque,dansmoinsdesixmois,toutceciseraitderrièremoietqu’àpartirdelà,jenereverraijamaisSteph.Enattendant,ilfautbienfaireavec!Jen’aipas le choix.Fredm’ad’ailleurs confirméqu’il était égalementdecet avis.La réintégrer à labandenousaparulameilleuredeschosesàfaire,mêmesinousdemeuronsméfiants.Lorsquej’ouvrelaporte,Madiesetientdeboutdevantlacommode,avecl’aird’unegaminepriseen

faute.Aussitôt,jefroncelessourcils,parcequemoninstinctmesoufflequ’ellecachequelquechose.Sonregardestfuyantet,commeelleestincapabledejouerlacomédie,jevoisclairementqu’ilyaunos.Etpourtoutvousavouer,jecommencesérieusementàsaturer.J’enaimarre,carchaquejourapportesonlotde catastrophes et j’aimerais juste un peu de calme.Or, tout laisse à penser que ce ne sera pas pouraujourd’hui.Plus lasoiréeavanceetplus jesuisconfortédans l’idéequequelquechosene tournepas rond.Ma

femmeestanormalementbavardeetnecessedejacasserdurant lerepas.Iln’enfautpaspluspourmemettrelapuceàl’oreille,mêmesijen’enmontrerien.Jerentre,dureste,danssonjeu,enluiracontantmarencontreavecValetenlaremerciantdem’avoirpousséàallerchezlui.Pourtant,àpeines’est-ellerenduedanslasalledebainafindeprendresadouche,quejemeprécipite

verslesmeublespourenfouiller lecontenusuccinctement.Maisiln’yariendeparticulier.J’inspectealorsrapidementlesplacards,sanssavoircequejecherche,maispersuadéquejedécouvriraiquelquechose.Seulement,aprèsdixminutesàfureter,jen’aitoujoursrientrouvé.C’estalorsquemonregardseposesursonsacdecoursmalrefermé.Aprèsavoirhésitéun instant,

parcequecen’estpasmongenredefouinerdanslesaffairesdesautres,jemedirigeverslabesaceetl’ouvre.Entreleschemisescartonnées,j’aperçoisunegrosseenveloppebeige.Normalement,jen’yprêteraispasréellementattention,maislamanièredontelleestcoincéedansune

pochettemedonnel’impressionqu’elleaétéplacéeàlahâte.Avecappréhension,jem’enempareetensorsuneliassedefeuilles.Enréalisantqu’ils’agitd’unecopiedemondossierjudiciaire,jesuisgagnéparunecrisedepaniquesiintense,quejesuisobligédem’asseoir.Merde,toutyest.MonpasséauxÉtats-Unisetlenombreincalculabledefoisoùjemesuisfaitarrêter

là-bas.MadépositionàParis,quandprislamaindanslesac,jen’aipuqu’avouerledeal.Etelleavuça,Madie est au courant de ce que j’ai essayé désespérément de lui cacher.Les doigts tremblants, jetournelespages,toutesplusaccablanteslesunesquelesautres.Totalement immergédansmondésespoir, jene l’entendspassortirde lasalledebain.Cen’estque

quandelleposesamainsurmonépaule,quejeremarquesaprésence.Avecappréhension,jerelèvemonvisageverselle.Sursestraitsfinsetdélicats,jenelisnipeurnireproches,justeuneinfinietristesse.Etçametue.Putain,çamedéchirelittéralementendeux,parcequejesaisdéjàcequ’elles’apprêteàmedire.—Soittum’expliquesettumepermetsdetecomprendre,soittut’envas.C’estàtoidechoisir.Ilmefautunpetitmomentpourprendrelapleinemesuredesesparoles.Malgrémonaddictionetmes

mensonges à répétition, elle me tend encore la perche, m’offrant une ultime chance. Cette incroyable

générosité me trouble comme je ne l’ai été que très peu souvent, ces dernières années. Mes tempesbourdonnent,magorgeseserreetmesyeuxsontbrûlants.Bonsang,jeneméritepasunetellefemmeetpourtant,sileBonDieuexiste,alorsjen’auraijamais

assezdurestedemaviepourleremercierdel’avoirplacéesurmonchemin.Avecuneluciditérare,jeréaliseque,sanselle,jenesuisqu’unecoquillevide.MadeleineGrangierestmalumière,cellequimepermetd’avancer,malgrétoutelabouedanslaquellejepataugedepuisdesannées.—Ilfautquejem’allonge,jemesensmal,parviens-jejusteàchuchoter,alorsquetoutsemetàtournerautourdemoi.Saposturerestefigée,etellecroiselesbrassursapoitrineenmodedéfense,cequimeblesseplusque

jenelevoudrais.—Tunem’auraspasavecdusexe,cettefois.Trouveautrechose!Néanmoins, en constatant que je suis blanc comme un linge et que je tremble, elle se précipite

immédiatementversmoipourmesoutenir,tandisquejemelève,etm’aideràmecouchersurlelit.—Viensprèsdemoi,j’aibesoindeteserrerdansmesbraspouraffronterlecauchemarquejesuissurlepointdeteraconter.Tusais,jen’enaijamaisparléàpersonne,pasmêmeàtouslespsysquemonpèreaembauchés.Alors,jeneteprometspasd’êtrecapabled’alleraubout.—Tun’espasobligé…proteste-t-elle,comprenantàquelpointjesuisperturbé.—Si,jelesuis.—Jeretirecequej’aiexigé,Nahel,tun’esforcéàrien.—Merci,maispaslapeinedemeproposeruneportedesecours,jenelaprendraipas.Jesaisquetuasraison. Jamais tuneparviendrasàpigerpourquoi je suisaussi foudansma tête, si jene tedispas lavérité.Etsijemetaisaiscesoir,c’estcommesijeteperdais,parcequetufinirasparmequitter.Or,jet’aimetroppourça.Tuestoutpourmoi.—Moiaussi,jet’aime,souffle-t-elleenseblottissantdansmesbras.Ça,çanechangerajamais.Jem’accroche à elle, comme un naufragé à sa planche de sauvetage, et il me faut longtemps pour

commenceràparler.Àplusieursreprises, j’ouvrelabouche,pourlarefermersansavoirpuémettre lemoindre son.Mes tremblements, au lieu de s’atténuer, vont en s’intensifiant, si bien qu’elle resserreencoresonétreinte.Ilmesemblequec’estinéditqu’unecrisedepaniquememèneaussiloin,toutcommec’estlapremièrefoisqu’elleassisteaumalaisephysiqueprovoquéparmonmal-êtrepsychologique.Finalement,aprèsdelonguesminutesàmetorturer,jefinisparmelancer.

—Tuasparléavecmonpère,n’est-cepas?Tuvoisunpeulegenredemecquec’est,trèssûrdelui,plutôtséducteuret imbudesapersonne. Ila rencontrémamère,alorsqu’iln’étaitqu’unpetitétudiantlibanais en stage à l’étranger, à Stockholm en l’occurrence, après un passage d’un an à Strasbourg.Mamanm’a expliqué qu’elle était tombée amoureuse de lui au premier regard et je crois que c’étaitréciproque.QuandilafalluretourneràBeyrouth,iln’apaspus’yrésoudre.Ilssesontmariésetilestrestéavecelle,enSuède.Toutensuivantuncursusensciencespolitiques,iladéveloppéunesociétédeconseils en investissements. Il adorait boursicoter et était plutôt doué pour ça. Lorsque ses potes ontcommencéàluidemanderdestuyaux,ilaacceptédelesaider,àconditiond’avoirunpourcentagesurlesbénéfices.Mamère décrochait de petits rôles dans des sitcoms ou téléfilms, et c’est ainsi qu’ils ontvivoté pendant deux ans. Ellem’a avoué un jour qu’elle n’avait jamais été aussi heureuse qu’à cetteépoque. Lounis et Aïda sont nés en Suède. Quandmon père a été diplômé, en attendant d’obtenir unemploiintéressant,iladéveloppésonbusiness.Desbanques,desentreprises,l’ontcontacté,sibienqu’ils’estlancéetacréésapropresociété.Lesuccèsaétéimmédiat.Parallèlement,ilaéténomméàunposteimportantàl’ONU,àNewYork.Ilssontdoncpartis.Ilarapidementgravileséchelonsdeladiplomatie.MamèreaarrêtédetravaillerquandilssontarrivésauxÉtats-Unis.Lamia,Samyetmoisommesnéslà-

bas.Puis,aumomentoùmonpèreaadoptélanationalitéaméricaine,onluiaproposéunjobauCongrès,àWashington.CommenousétionsscolarisésàNewYork,mamann’apasvouludéménager,pournous.Éliefaisaitlanavette,passanttroisjoursdanslacapitale,avantdenousrejoindre.Lerestedesontempsétaitconsacréàsasociétéquiavaitfaitdeluiunmillionnaire,enquelquesannées.Jepensequec’estàcemoment-làqueleschosessesontgâtées.—Commentça?demande-t-elleenrelevantlatête.—Tusais,Madie,lepouvoirattiredenombreusesfemmes.Monpèreétaitunbeaumecetilétaitriche.Je crois que vieillir lui faisait peur, alors il a commencé à déconner. Au début, il s’agissait d’unesecrétaire,d’uneattachéeparlementaire,d’unejournaliste.Ils’estmisàtrompermamère.Etcommeellen’est pas complètement débile, elle s’en est très vite rendu compte.Mais cesnanas se suivaient et nesignifiaientrienpourlui.Chaquemercredisoir,ilrevenaitàlamaison,plusgentiletplusprévenantquejamais avecmaman. Je sais qu’elle avait de la peine, parce que je l’ai souvent surprise en train depleurer.Siellen’estpasparticulièrementmaternelle,elles’esttoujoursarrangéedemanièreàcequetoutaille bien pour nous.Et je dois reconnaître que,malgré les infidélités à répétition demon père, nousmenions une vie très agréable. Et puis, un jour, il a donné une conférence dans une université et arencontréTessa.C’étaituneétudiante. Il est toutde suite tombéamoureuxd’elle.Lehic, c’estqu’ellen’avait que dix-neuf ans et, lui, quarante-cinq. Il ne rentrait plus, n’était jamais disponible.Cette fillel’avaitensorceléetilaannoncéunjouràmamèrequ’ilvoulaitdivorcer.Jecroisqu’ellen’estpassortiedesachambrependantdesmois, tellementelleaétédévastée.Noussommesrestésprèsd’elleetmonpère s’est installé avec cette gamine. Putain, Madie, tu te rends compte que Lounis était plus vieuxqu’elle !Moi, j’avais àpeinequinzeanset jenecomprenais rienauxhistoiresdesadultes. Jevoyaisjuste que maman pleurait tout le temps et je savais que c’était à cause de mon paternel. Alors, j’aicommencéà ledétester.C’estàpeuprèsàcemoment-làqueSamy,quiétait toujours fourrédansmespattes, s’est littéralement cramponné àmoi. J’étais perturbé par la situation,mais ce bonhomme a étécomplètement traumatisé.Seulement, quand t’es ado, t’aspas forcément enviede te trimbaler tonpetitfrère.Pourtant,jemesuisefforcédem’occuperdeluidumieuxquejepouvais.Jel’obligeaisàprendrequotidiennement sadouche, je luipréparais ledîneraprès ledépartdesdomestiques, je l’emmenaisàl’école et je le recherchais, je l’aidais à faire ses devoirs. Souvent, la nuit, il était en proie à descauchemars, alors il venait dormir avec moi. Cette situation a duré plusieurs mois. Au lycée, j’étaisamoureuxdeSally.Elleavaitdeuxansdeplusquemoiettusaiscequec’est…Quandt’esadolescent,t’esjusteuneérectionambulante.Tupassestontempsàregarderdespornossurinternet,àt’astiquerlepoireauenrêvantdetetaperunvagin,peuimportelequel.Or,Sallycouchait.—Quelrapportavectesparents?—Attends,j’yviens.Unjour,monpère,quiétaitpartidepuispresqueunan,ainvitéLounisetAïda.Tuasvumasœur,tusaisquec’estunegarcedepremière.Elleaétéégaleàelle-même,doncodieuse.Maisle réel problème venait de Lounis.Quand elle l’a rencontré, Tessa a eu le coup de foudre pourmonfrangin.Tuimagines?—EtLounis?Commenta-t-ilréagi?—Tuparles!Iln’enavaitrienàfoutre.Tessaacommencéàleharceler,maissansriendireàÉlie.Tupenses,elleauraitperdusonstanding!Unjour,monfrèreenaeumarreetestallévoirnotrepaternelpourluimontrerlesmessagesqu’elleluiavaitenvoyés.Jecroisquecedernierluienatoujoursvoulu,mêmesimonfranginn’yétaitpourrien.Maisquandonsaitqu’ilavaitdéjàrefusédefairedesétudesd’économiepourchoisirlamédecine,contrel’avisdesonpère,onpeutcomprendrequelevieuxaitpétélesplombs.IlaviréTessaetatentépartouslesmoyensderéintégrerlebercail.Ilapleuré,asupplié,etmamèreaacceptédepardonner.

—Vraiment?s’exclame-t-elle,profondémentchoquée.Moi,àsaplace,jel’auraisenvoyéchieretbiencommeilfaut!—Mais tu n’étais pas à sa place.Mamann’a jamais eu ta force.Depuis le départ demonpère, ellen’étaitplusquel’ombred’elle-même.Pourfêterleursretrouvailles,ilsontdécidédes’offrirunweek-endprolongéenFloride,danslanouvellevillaquemonpaternelavaitachetée.Cequiestrisible,c’estqu’il l’avait fait pour sa maîtresse, mais une fois de plus ma mère a fermé les yeux. Ils ont filé unvendrediàl’improvisteetm’ontdemandédeveillersurSamy.—Oh…— Ouais, oh ! Seulement, le samedi soir, j’avais enfin un rencard avec Sally. Je savais que nouscoucherionsensembleetj’avaishâtedemefairedépuceler.—Maistonfrère…—Jen’aipasvoululelaisserseul,alorsjel’aiemmenéàlafêteoùSallyetmoidevionsnousretrouver.Putain,j’étaischaudbouillantetjenepensaisqu’àunechose:baiser.Samyavaitdixans.Quandnoussommesarrivés,j’aidemandéàmespotesdes’occuperdeluietjesuismontéaveccettenanadansunechambre.J’aicouchéavecelle,commeprévu.Maisaumomentderemettreçaunedeuxièmefois,undemesamism’aavertiquemonfranginsesentaitmal.Cescrétinsl’avaientfaitboire,legaminétaitmaladeetunpeubourré.Jen’avaispasd’autrechoixquede le ramenerà lamaison.Noussommesrepartisàpiedetjetejurequej’étaisvraimentenrogne.Duranttoutletrajet,j’aipasarrêtédel’engueuler,enluidisantqu’ilétaitunboulet,quej’enavaismarrequ’ilmepourrisselavieetpleindeconneriesdumêmeacabit.Nous approchions de l’appartement demes parents, quand j’ai entendu des cris qui émanaientd’un bar devant lequel nous passions, puis un gros bruit. J’ai cru qu’il s’agissait d’un pétard et j’aipoursuivimaroutesansmeretourner.Celanem’apasempêchédecontinueràluigueuleraprès.Àcestadedemonrécit,j’aideplusenplusdemalàparler.Dessanglots,provenantdufonddema

gorge,m’obligentàm’arrêterfréquemment.Maisjeprendssurmoipournepascraquer,parcequeMadiealedroitdesavoiràquelpointlemecqu’elleaimeestungrosminable.—Jenecessaispasdeletraiterdeparasite,depleurnichardetdetoutuntasdenomsd’oiseaux.Bordel,j’étais méchant et cruel, comme jamais auparavant. Ce n’est que quelques mètres plus loin, que j’airéaliséqu’iln’étaitplusàcôtédemoi.Quandjemesuisretourné,jel’aivu.Ilétaitallongésurletrottoir.Là,j’aipaniquéetjemesuisprécipitéenarrière.Lesflicsarrivaientdéjà.J’entendaisleurssirènesauloin.J’aienlacémonfrèreenlesuppliantderesteravecmoi,enluidisantquejeregrettaisdeluiavoirparléainsi.Etc’étaitvrai.Cen’estqu’àcemomentprécisquej’airéaliséàquelpointj’aimaiscegosse.Ilestmortdansmesbras,chuchoté-jeavantd’éclaterensanglots,toutenm’accrochantàMadie.Ellese redresse,demanièreàmeprendrecontresapoitrine.Là,allongé, levisageenfouientreses

seins,jepleuretoutesleslarmesdemoncorps.Sansriendire,parcequetouteparoleseraitinutile,voireabsurde,ellemeserrecontreelle,caressantmescheveuxd’unemaindouce.Lorsquejeparviensenfinàmecalmer,jepoursuis.—Quandj’aicomprisqu’ilétaitmort,jesuistombédanslespommes.Àmonréveil,j’étaisàl’hôpital.Unflicm’aalorsexpliquéqu’unebagarreavaitéclatédanslebaretqueleschosess’étaientenvenimées.L’un desmecs a sorti une arme et a tiré à tout-va pour faire peur à ses adversaires.Mon frère a étévictimed’uneballeperdue.Ilmarchaitàpeineàunmètrederrièremoi,maisc’estluiquiaététouché.Lorsqu’ils’estrenducomptequ’ilavaittuéunmôme,letypes’estsuicidéenbraquantleflinguesursapropretempe.Jem’arrêteuneminute,pourreprendremonsouffle.C’estsidifficilepourmoidemeremémorerces

souvenirstropdouloureux.MêmesilaprésencedeMadieestréconfortante,ellenepeutpasaccomplirdemiracle.Cettepartiedemonexistenceresteuncauchemardetouslesinstants.

—MesparentsnesontrentrésdeFloridequelelendemain.—Quoi?Ausondesavoix,jedevinequ’elleestchoquéeetilyadequoi.

—Tuasbienentendu.Lounisestarrivélepremier.J’aimebienmonfrère,maisjen’étaispastrèsprochedelui,enraisondenotredifférenced’âge.Entoutcas,cen’étaitpascommeavecSamy.Ceciétant,iln’apasquittémonchevettoutletempsoùjesuisrestéàl’hôpital.J’étaisincapabledeparleràquiquecesoit,j’avaisl’impressiondemebriseràchaquerespiration,àchaquemouvement.Jem’envoulaisd’êtreencoreenvie,alorsqueSamyétaitallongédansunfrigo.Lejourdel’enterrementaétéhorrible.Touscesgensquimeregardaientaveccuriosité,quiépiaientmesréactions.Sansmongrandfrère,jen’yseraispasarrivé.Etquandnoussommesrentrésàlamaison,aprèslaréceptionquemesparentsavaientdonnéepourlespersonnesquiassistaientauxobsèques,çaadégénéré.Mamanétaitsouscalmantsetauborddelacrisedenerfs,etmonpèreavaittropbu,sansdoutepourtenirlecoup.J’aicommencéàm’engueuleravecLamiapourunebroutille, ils sont intervenusen la soutenant, commed’habitude. J’étais tellementécœuréparleurattitudequej’aipétélesplombs.C’estlàquemamèrem’aaccuséd’êtreresponsabledelamort demon frangin.Elle hurlait que tout était dema faute et personne nem’a défendu. Ils étaientd’accord avec elle.Ce jour-là, quelque chose s’est brisé enmoi et plus rien n’a été pareil avecmesparents.J’aiquittélapièceensilence.Detoutefaçon,qu’est-cequej’auraispudire?Elleavaitraison.JesuismontédanslachambredeSamyetjemesuisécroulé.Puis,commejenevoyaisaucuneissueàcetteculpabilitéquimerendaitfou,jesuisallédanslasalledebainetj’aichopésonrasoir.C’étaitmoiqui le lui avais offert pour le jour où il serait grand, parce qu’il était toujours fasciné quand ilm’observaitentraind’enleverlestroispoilsquej’avaissurlementon.Jen’aipasréfléchibeaucoup,tusais.J’aisimplementdécidédelerejoindreetd’arrêterdesouffrirlemartyre.Madieretientsonsouffleetsesdoigtssontfigésdansmescheveux.

—Ques’est-ilpassé?—Lounism’atrouvéetm’asauvélavie.Ilm’araconté,bienplustard,qu’iln’arrivaitpasàdormiràcause demon regard. Il savait que les vieux étaient injustes avecmoi. Le fait que personne nem’aitdéfenduluisemblaittellementcruel,deleurpartàtous,qu’ilaeupeur.Tuterendscompte,Mad?Aucundemesdeuxparentsn’apris lapeinede s’assurerque j’allais bien, c’estmon frère aînéqui s’en estpréoccupéet luiseul.Bref, j’aiétéhospitaliséet les toubibsontdiagnostiquéunedépressionnerveusesévère.Ensuite,j’aiétéemmenédansunétablissementhuppépourunecurederepos.Unefoisdeplus,monpèreapayé,maisniluinimamèrenesontvenusmevoir.Jecroisd’ailleursqueLounisadécidédepoursuivre ses études en France, à cette époque. Il ne supportait plus la pression à lamaison et s’envoulaitterriblement.—Pourquoi?—Parcequ’ilpensait,àtort,quetoutétaitdesafaute.S’iln’avaitpasmontrélesmessagesdeTessaànotrepaternel,s’ilavaitétéprésentcesoir-làpourgarderSamy,autantdereprochesqu’ils’estfaitssansraison.Cequiestdramatiquedanscettesordidehistoire,c’estquemesparentsnesesontjamaisremisenquestion.—Maisquelrapportavecladrogue?— J’ai rencontré John dans cette institution de luxe. Il était aussi déglingué que moi. Lorsqu’il étaitmôme, un de ses oncles avait abusé de lui, si bien qu’il avait très vite sombré dans la came.C’étaitd’autantplus facilequesonpèreétaitbourréde tunes, toutcomme lemien.Noussommesdevenus lesmeilleursamisdumondeetj’airapidementplongéaveclui.Ilm’expliquaitquequandilseshootait,ilneressentaitplusrien,nidouleurnihonte.Dansmonespritembrumé,c’étaitexactementcequ’ilmefallait.Alors,jel’aiimité,jemesuismisàfumerdespétardsetàprendredelacoke.

—Tuasconsommédesdroguesdures?Cettefois,jelasenschoquée.Maisellevoulaitlavérité,maintenantellevadevoirm’écouterjusqu’au

bout.—Ouaiset jen’ensuispasfier,maisc’estainsi.Çaaduréplusieursmoisetpersonnenes’est renducomptedequoiquecesoit.Johnétaitmonpoteetmondealer,doncriendeplusfacilepourmoiquedemeprocurerdeladope.Encoreunefois,leseulquiaeudesdoutes,c’étaitLounis.Etpuis,unsoir,jesuisalléchezJohn,maisiln’étaitpaslà.Quandjesuisressortidesonbâtiment,j’aivuqu’ilyavaitdesflicsetdesambulancespartout.Jemesuisapprochéetjel’aidécouvert,mort,allongédansuncaniveau.Encoreunquim’avaitcôtoyéetquiavaitdisparuensuite.—Nahel,tuneportespasmalheur,murmure-t-elleavecunsourireconfiant.—J’ensuisconscient,maisquandtuasseizeansetquetuescomplètementpaumé,t’asvitefaitdelecroire.Commetulesais,j’aiunesaintehorreurdespiqûresetc’estcequim’aévitédemeperdredansl’héroïne.Malgrélamortdemonpote,jen’aipasarrêté.Enfin,si,dansunecertainemesure,puisquej’aimisunecroixsurlacocaïne.Maiscelanem’apasempêchédefréquenterlesmauvaisespersonnes,puisdedépannercertainesdemesconnaissances.C’estcommeçaquetoutcebordelacommencé.Jeprenaisde l’ecstasy comme d’autres consomment du sucre dans leur café. Forcément, à un moment, j’ai étévictimed’uneoverdoseetj’aifailliyrester.Sesbrasseresserrentautourdemoi.

—C’estaussidecettemanièrequemonpèreatoutdécouvert.J’aifaitdeuxcures,maisàpeinesorti,jerechutais.Puis, ilyaeud’autresarrestations,dont ladernièrepour traficdedrogue.C’est làquemonpaterneladécidéquejedevaisquitterlesÉtats-Unis.Officiellement,pourchangerd’air.Officieusement,parcequesesamiscommençaientàjaseretquesonposteauParlementétaitmenacé.Deplus,toutsonfricnepouvaitrienarranger,j’étaisallétroploin.Ilm’aenvoyéchezLounisetjepeuxtedirequejeluiaifaitvivreunenfer.ÀParis,j’airencontréFredquiconsommaitdéjàpasmaldesoncôté.Combiendefois, Lounis a-t-il dûme récupérer au commissariat ?Au bout de trois ans, il a jeté l’éponge.Quandj’étais enmanque, jedevenaisodieuxet jem’enprenais souvent àCarole. Je savaisque je foutais lamerdedansleurcouple,maisc’étaitplusfortquemoi.Alors,monfrèrem’ademandédem’assumer,degrandir.FredvoulaitvivreàStrasbourgetlemasterqu’ilsproposaientétaitintéressantpournous.Donc,onestvenustouslesdeux…—Maistunedealesplusici,n’est-cepas?Tumel’asjuré,l’autrejour,etjetecrois.—Non,jenevendspasdedrogue,depuisquej’aiquittéParis,répliqué-je,enrougissantdehontefaceàuntelmensonge.Maisiln’enrestepasmoinsquejesuisdanslecollimateurdesflicsetquecesconnardssontderrièremondostoutletemps,depuisquelquesmois.—Pourquelleraison?—Cequejem’apprêteàteraconternevapasforcémentteplaire,maisilsetrouvequej’aicouchéavecunenana,quis’estparlasuitetransforméeenjunkie.Ellem’adénoncé.Voilà,tusaistout.Madseredresseetmeregardedroitdanslesyeux.Sursonvisage,jelisunedéterminationquimefait

presquepeuret,durantquelquessecondes, jemedemandesiellen’estpassur lepointdemelourder.Maisavantquelessymptômesdel’habituellecrisedepaniquenesemanifestent,ellesaisitmatêteentresesmainsetdéclare.—Tun’espourriendanslamortdetonfrère.Tum’entends?—Mad…—Cen’estpasdetafaute,assène-t-elleavectantdeferveurquejemeprendsàvouloirlacroire.—Siseulement,tuavaisraison…— Nahel, les véritables coupables, ce sont tes parents. Ils ont été négligents. Qui peut être assez

inconscientpourconfierunenfantdedixansàunadolescent,pendantplusieurs jours? Ilétaitde leurresponsabilitédes’assurerquevoussoyezensécurité,touslesdeux.C’estunpeufaciledesebarrerenFloridepours’envoyerenl’air,etd’abandonnertoutderrièreeux.Cequ’elleaffirmesetientet,vuàtraverssesyeux,lasituationm’apparaîteffectivementsousunautre

angle.Néanmoins, je vis depuis tellement longtemps avec cette putain de culpabilité, que celle-ci estprofondémentancréeenmoi,etilfaudraplusquequelquesmotspourmeconvaincredemoninnocence.—Maisjen’auraisjamaisdûl’emmeneràcettefête!m’exclamé-je,enlarmes.—Enfin,tunepouvaispassavoircequiarriverait.Toutça,c’estlafauteàpasdechance!Dixsecondesplustôtoudixsecondesplustard,etriendetoutcecineseseraitproduit.Jesuisdésolée,Nahel,maisilmesemblequec’estunecroixtroplourdeàporterpourunhomme,plusencorepourunado.Etlaisse-moitedirelachosesuivante,mêmesicelateparaîtrasansdoutetrèssévère:tafamilleesthorrible.—Quoi?—Tuas trèsbienentendu.Ce sontdesmonstresd’égoïsmeetd’inconscience.Aucund’euxn’avouluassumer et endosser sa part de responsabilités. Alors que s’ils avaient fait leur autocritique, ils seseraientrenducomptequ’ilsn’étaientpassiblancsqueça.Tesparents,lespremiers.Lesouci,c’estquetu ne vois pas les choses commemoi et tant que tu t’accuseras de tous lesmaux, tu continueras à tedétruire.Et tuveuxque je te livre le fonddemapensée?C’est insupportable,parcequecen’estpasjuste.Ilsviventtranquillementleurpetitevie,tousautantqu’ilssont,tandisquetudoistrimbalertoutescescasserolesderrièretoi.Tusais,tonfrèreneméritaitcertainementpasçaettoinonplus.Cesmots,prononcésdansunréelélandesincérité,agissentcommeunbaumesurmesblessuresàvif.

Des larmes coulent à présent librement surmes joues,mais jem’en fiche complètement. Je suis justefasciné par cette femme, cet ange au corps de déesse, quime comprend etme soutient d’unemanièreabsolumentextraordinaire.Commepersonne.Bienmieuxquen’importequi.QuandjedisaisqueMadieétaitmonmiracle,jenesavaispasàquelpointj’étaisdanslevrai.—Finalement,tonproblème,cen’estpaslacame,poursuit-elledéterminée.Biensûrquesi,songé-je,avecdérision.

—Toutcemal-êtrequetutrimbalesentoi,depuissilongtemps,serésumeàunmot:dépression.J’ouvredegrandsyeux,scotchéparsoninterprétationdelasituation.Ellesegouresurtoutelaligne.

Jesuispourrijusqu’àlamoelle,c’estçalavérité.—Tun’enesjamaisréellementsorti,enchaîneMad,trèssûred’elle.Ladrogueesttonantidépresseuràtoi.Et tantque tun’auraspasadmisça, tunepourraspasavancer.Mais s’il le faut, je te le répéteraichaque jour, chaqueminute, chaque seconde. Tu n’es pour rien dans lamort de Samy. Par contre, tesparentssontresponsablesdetoutcequit’estarrivédepuis.—Chérie,c’esttropfacilecommeraisonnement.J’aitoujoursagienconscience.J’aipassémontempsàalleràl’encontredemonpère,àpousseraussiloinquejelepouvais.Personnenem’ainfluencépourlesconneriesquej’aifaites.—Jenesuispasd’accordavectoi!proteste-t-elleavecfeu.Putain, elle est si belle, à cet instant précis, que je bande rien qu’en la regardant ! On la croirait

illuminéed’unéclatsurnaturel.C’estjustehallucinant.Pourunpeu,jepourraismefigurerqu’ellen’estpasréelle.Etpourtant,ellel’esttellement.Lachaleurquiémanedetoutesapersonnem’attire,commeunpapillonleseraitparlalumière.—Moi,jepensequeprendretantderisques,braverainsiledanger,c’étaitpourtoileseulmoyendetesentirvivant,alorsquetuétaissansdouteconvaincud’êtremortàl’intérieur.Ses parolesm’atteignent de plein fouet. Et si elle avait raison ? Simon vrai problème n’était pas

l’addiction,maislefaitqueladisparitiondeSamym’aitfaitperdrelaboule?Aprèstout,çasetient.

—Donc,sijecomprendsbien,nonseulementjesuisincapabledenepasmedroguer,maisenplusjen’aipaslalumièreàtouslesétages?—T’escon,desfois!—Madie,cequetuessaiesdefairepourmoi,c’estsupersympaetj’apprécievraiment.Mais,tun’espaspsyetmêmesitucroisavoirtrouvéunsemblantderéponse,çanechangerarien.J’aiconsultéunnombreincalculabledepersonnesdontc’étaitlejob,etilsnesontarrivésàrienavecmoi.Jesuisdésolé,maistuperdstontemps.Laseulechosequejetedemande,c’estdenepasmejuger.Jenelesupporteraispas.—Cen’estpaslecas,jet’assure.Maisjenerenonceraipas.Jet’aimeetjeveuxt’aider.Jesaisquecesconfidencesontétédifficilespourtoi,etjenetelaisseraipastomber.—Putain, je t’aime,ma petite greluche, tu comprends ça ?Ouais, qu’est-ce que je t’aime, soufflé-je,terriblementému.Agenouillésl’unenfacedel’autre,surlelit,nousnousregardonslongtemps.Jesuisconscientdela

chance que j’ai d’avoirMadie dansmavie, et je ferai tout ce qui est enmonpouvoir pour la garderauprèsdemoi.

7MadieJ’ignorecombiendetempsnousrestonsainsi,frontcontrefront,ànousobserver.J’ail’impressionque

cesoir,marelationavecNahelprendune toutautredimension.J’étaisdéjà terriblementamoureusedelui,vouslesavez.Néanmoins,celanem’empêchaitpasd’êtresurmesgardes,parcequejelesupposaisdangereux. Dans la mesure où son comportement autodestructeur était incompréhensible pour moi, lefosséétaitclairemententraindesecreuser.Mais toutachangé,cesdeuxdernièresheures. Ilaacceptédese livrer,demerévélersonsecretsi

lourdàporter.Jeconnaissaisunepartiedesévénements,maisc’étaitdesbribes,despetitsboutsapprissoitparsafamille,soitparCarole.Jen’avaispasimaginéunehistoireaussidramatique.Maintenantquejesaistout,ilmesemblequejel’aimeplusencore.Jevoisd’icivosgrosyeux.Vousdevezpenserquenotrerelationestmalsaine,quenouspassonsnotre

temps à nous pouiller la tête, et que son dossier aurait dûme faire partir en courant. Pour tout vousavouer,quandj’aicommencéàlelire,aprèsavoirtergiversépendantprèsdedeuxheures,jen’enétaispas loin. C’est que son passif est gratiné, je vous l’assure. Après ma douche, au moment où je suisrevenueverslapièceprincipale,j’étaisencoretrèsindécise.Jen’avaisaucuneintentiondeluirévélercequejevenaisdedécouvrir.Maisenmêmetemps,j’avais

dûplanquerledossierencatastrophe,quandj’aientendusonpasdanslecouloir,bienplustôtquel’heureàlaquelleilrentrehabituellement.C’étaitbienmaveine!Remarquez,c’esttoujourscommeça,non?Aumomentoùvousêtesauxtoilettes,votreported’entréesonne,voilà l’exemple leplus typique.Bref, jedoisêtremauvaisecomédienne,parcequeNahelm’aregardéeavecméfiance,dèsqu’ilaposélesyeuxsurmoi,commes’ilétaitdéjàaucourantdetout.Or,c’étaitimpossible.Personnenepouvaitsavoircequeceflicm’avaitremis.Donc,jesuisrevenuedanslapièceprincipale,terriblementmalàl’aise,aprèsunedouchesalutaire,

maisquin’avaitenrienrésolumesproblèmes.Commentaurais-jepuprévoirqu’ilfouilleraitdansmesaffaires,mêmesansavoirlamoindreidéedecequ’ilcherchait?Etpourtant,ill’afait.Ledésespoirquej’ai lu sur son visage, tandis qu’il feuilletait le dossier, son dossier,m’a clairement fait flancher. J’aiconsciencequeleplussimpleauraitétédel’envoyerpaîtreunebonnefoispourtoutes,parcequ’ilesttoxiqueetnem’attireraquedesennuis.MaiscommedisaitBlaisePascal,lecœurasesraisonsquelaraisonignore.Etjeveuxtellementle

comprendre, saisir sesmotivations, que je lui aimis l’ultimatum enmain. Soit il s’expliquait, soit ilpartait.Pourtant,Dieum’esttémoinquejen’avaispasbesoindetestersessentimentspourmoi,jesaisqu’ils sont profonds. Seulement, au bout d’unmoment, tout l’amour dumonde ne suffit plus face auxmensonges.Etpourcequiestdemeraconterdessalades,ilafaitfort.Maisdanslefond,nesuis-jepasmoi-mêmeàblâmer?J’aicrutoutcequ’ilmedisait,commes’ils’agissait làdeparoled’évangile,etpireencoresansjamaisrienremettreenquestion.MêmesijeréprouveleprocédédeGregDojong,ledossierdeNahelm’apermisd’ouvrirlesyeux,

unebonne foispour toutes.Labaffeaétémagistrale,maisellemesemblaitnécessaire.Et savez-vousquelleaétélapremièrepenséeàmetraverserl’esprit,quandjemesuisretrouvéefaceàlui?Ehbien,

finalement,sonpassésulfureuxnechangeaitrien,jel’aimetoujoursautant.Ceque jen’avaispasprévu,enentendantsesconfidences,envoyantsondésespoiretcette fragilité

qu’ilnemontreàpersonne,c’estquel’amourquejeluiporteenseraitdécuplé.Et,tandisqu’ilcaressemajoueavecunesortedevénération,j’ail’impressionquemessentimentssortentpartouslesporesdemapeau.Nahelfaitpartiedemoietjamaisjenepourrailelaissertomber.Jesaisqu’ilabesoindemonsoutienetjeseraitoujourslàpourlui.Personne, je dis bien personne, ne peut lui reprocher d’avoir mal tourné, après ce qu’il a enduré.

Seigneur,commej’enveuxàsesparentsdeleurcomportementirresponsable!QuandilsontperduSamy,ilsontjusteoubliéqueNahelétaitencoreenvie,lui.—Jet’aime,murmuré-je,commesicelaexpliquaittout.Quandsabouches’abatsurlamienne,jeluirépondsaussitôt.Salanguepassetrèsvitelabarrièrede

mesdentspoursemêleràlamienne,etsesmainssecollentàmesfessespourmeredresseretmepressercontresoncorpsathlétique.Avecempressement,meshanchesimprimentunmouvementdebalancier,sefrottantcontresonpénisdéjàdurci.C’estparfait,maisçanemesuffitpas.—Haannn!Madie,continuecommeça,c’estsibon!gémitmonamantdansunsoufflerauquequienvoieunedéchargeélectriquedirectemententremesjambes.Ses doigts se faufilent le long de ma colonne vertébrale, tandis que les miens se perdent dans sa

cheveluresisoyeuse.D’ailleurs,sijesuisfranche,j’aimequandiltouchemonpostérieur,qu’illemalaxeou le caresse. Ces effleurements provoquent, chaque fois, une montée assez impressionnante de matempératurecorporelle.—Tripotemesfesses,j’adoreça,murmuré-jeaucreuxdesonoreille.Si j’avais entendu n’importe quelle fille prononcer ces mots, j’aurais très clairement pensé qu’il

s’agissaitd’unedévergondée.MaisavecNahel,toutsembletoujourssinaturel.Iln’yaaucuntabou,c’estégalementcequej’aimedansnotrerelation.— Oh putain, je crois que je vais jouir dans mon froc, s’écrie-t-il, en accédant à ma demande. Tum’excitestellement,quandtabelleboucheinnocentemesortdescochonneries.Jelefixeavecétonnement,alorsqu’ilestdéjàentrainderetirermontee-shirt.Cesoir,commechaque

foisquej’aiprisunedouche,jeneportepasdesoutien-gorge.Aussitôt,sonregarddebraises’enflammeetilmepousserudementenarrière,afinquejem’allongepourluipermettred’enlevermonleggingavecmaculotte,ainsiquemeschaussettes.—J’enveuxencore,continueàmediredestrucssalaces.Nahels’estredresséetestentraindesedéshabillerfébrilement.

—Oh!soufflé-je,rougissante.S’iln’yaqueçapourtefaireplaisir…—Absolument,murmure-t-ild’unairextatiquequimedonneenviederire.—Quepenserais-tusi,laprochainefoisquejetesucerai,jeregardetestesticulesd’unpeuplusprès?—Pardon?s’enquiert-il,interloqué,arrêtantlemouvementqu’ileffectuaitpourdéfairesaceinture.—Benoui,tusais…leslécher,lesgober...—Ahouais!Mad,tuesmadéesse.Tuveuxessayertoutdesuite?—Ettoi?Ilmerejointenfinaucentredulitets’allongesurleventre,presquesurmoi.

—Sij’étaisunpetitcon,jetediraisouiimmédiatement.Seulement,situmefaisuntrucpareil,jevaisgiclerenmoinsd’uneminute.Donc,et je le regrette, t’imaginemêmepas,maisceserapouruneautrefois.Sesdoigtssedirigentaussitôtversmatoison,tandisqueseslèvreshappentl’undemestétonspourle

sucerfort.C’estsibon…

—Tuesdéjàprêtepourmoi,constate-t-il,enfonçantsonmajeurdansmonsexe.—Ilfautcroirequetediredesinsanitésmefaitdel’effet.—Etenentendre?Genre,quej’aienviedeléchertachattejusqu’àcequetumesuppliesd’arrêter,quejevaistebaisertoutelanuit,parcequejet’aimeetquejenesuisjamaisrassasiédetoi.—Ahhh!Àcesmots,jesensdéjàlesprémicesdel’orgasmemegagner.Jesupposequec’estégalementsoncas,

carils’allongesurmoiimmédiatement.Seulement,cen’estpascequejedésire,alorsjelerepousse,demanièreàcequ’ilseretrouvesurledos.Sansperdreuneseconde,tellementjesuisexcitée,jem’assiedsàcalifourchonsurseshanches.—Ohouais,Mad,vas-y.Sers-toidemoipourtonplaisir,jesuisàtoi.Prendstoutcequetuveux…Iln’enfautpaspluspourmedécideràpoursuivre.Saisissantsonérection,jemesoulèveetladirige

versl’oréedemonsexe,avantdem’empalertoutdoucementsurlui.Etlà,jevousjurequejevoisdesétoiles.Si,dansunpremiertemps,Nahelrestecouché,lesdoigtssurmeshanchespourm’aideràmemouvoir,

ça ne dure pas. Très vite, il se redresse demanière à être assis sousmoi. Ses lèvres embrassentmapoitrine et ses bras m’encerclent pour me serrer fort. Je me mets alors à bouger, de plus en plusrapidement, me relevant, pour l’engloutir l’instant d’après. Et quand ses mains se posent sur monpostérieurpour lemalaxer rudement, j’accélèreencore.C’estplusqu’iln’en fautpournouspropulser,tousdeux,droitversunejouissancedontlaviolencenouscoupelesouffle.Allongéesurleventre,jemelaissealleràunetorpeurpost-coïtaledesplusplaisantes.Àmescôtés,

monamantestcouchésurleflancetm’observe,unsourireheureuxauxlèvres.—Oùétais-tu,toutcetemps?—Jenesaispas…réponds-je,détenduecommejamais.Jesupposequejet’attendais.Sonfrontseplisse,quandsonregardseposesurmesfesses.

—Merde!J’aiserrétropfort,tuvasavoirdesmarquesdemain.—Çanefaitrien!— Si, rétorque-t-il, en s’approchant de mon postérieur pour embrasser les bleus que ses doigts ontimpriméssurmapeau.Immédiatement, je sens le sang rugir dans toutmon corps, pendant quemon sexe se contracte, saisi

d’unefrénésiequimelaissepantoise.Salanguetracelescontoursdemesglobeset,quandjepousseungémissementdeplaisir,ilrelèvelatête,surpris.—Mad?Sansmeretourner,levisageenfouidanslecreuxdemesbras,j’écarteunpeumesjambes.Jen’osepas

croisersonregard,parcequeçamegêneraithorriblementd’admettrequejesuisaussisensibledecettepartiedemonanatomie. Il n’y a là riendenouveauet je le savaisdéjà.Mais, enmême temps, il n’ajamaisétéencontactavecmesfessesdecettefaçon,sibienquejenepouvaispasdevineràquelpointj’aimeraissescaresses.Constatantque jeviensdegigoter, ilglisseunemainentremes jambes,pourdécouvrirceque jene

peuxpasénonceràvoixhaute.—Eh!Maist’estrempée.Cesontmesbaisersquit’ontmisedanscetétat?Jegrogne,maisnerépliquepas.Alors,ilsepencheànouveaupourpromenersaboucheetsalangue

surcetendroit, toutenenfouissantdeuxdoigtsenmoi.Aussitôt,monsexesecrispeautouret jegémis,déjàprochedel’extase.—Putain,tumetues…souffle-t-il,avantdemordreunedemesfesses,sanscesserdefairealleretvenirsonmajeuretsonindexenmoi.

Jecroispouvoirdirequejedécolleenmoinsdedixsecondes.Instinctivement,mavulvesefrottesurla housse de couette, pour apporter le soulagement quemon clitoris attend avec impatience. L’instantd’après,jejouisengémissantdesproposincohérents.Lorsqu’enfin les spasmes se calment,Nahel se redresse etm’oblige à écarter un demes bras pour

m’observeràloisir.—Tuasvraimentappréciéça?C’estdinguequandmême!—Pourquoi?demandé-je,relevantmonvisagebrûlant.—Disonsquecen’estpasfréquent.Etpourtoutavouer,c’estpasvraimentmontruc.Jefroncelessourcils,avantdemeremémorerlesproposdeVal.

—Ahoui,tun’aimespaspataugerdanslamerde,grincé-jeavecaigreur.Cerappelàsesactivitésmultiplespasséesjetteunfroid,dumoinsencequimeconcerne.Poursapart,

Nahelaladécencedeparaîtregêné,cequineluiarrivepastrèssouvent.—Écoute,Mad,onnevapasrecommencercesconversationsdésagréables.—Tunel’asjamaisfaitdecettefaçon?interrogé-je,prised’unesoudainecuriosité.Maispourquoijepenseàça,moi?C’estdugrandn’importequoidansmatête,jevousledis!Depuis

quandest-cequejeposedetellesquestions?Laréponsemeferaforcémentmal,doncquelestl’intérêtd’insister?—Bennon,puisquejeviensdet’expliquerquecen’étaitpasmontruc.—Mêmepaspouressayer?—Arrête!Non,jamais,avecpersonne.Là,t’escontente?—Etsijetedemandaisdelefaireavecmoi,tuaccepterais?Alors,ilfautquejevouséclaireàproposd’unpointparticulièrementimportant.Jenedésirepasque

monmecmeprenneainsi,soyonsclairs!Maisj’aimeraissimplementsavoirs’ilestprêtàfairequelquechosequilerebute,justepourmoi.C’estnaturel,oubien?—Non!Iln’enestpasquestion!Quoi?Cequ’onpartagenetesuffitpas?Tuveuxplus?Etl’étapesuivante, ce sera quoi ?Te faire prendre par deux queues enmême temps, comme les salopes que jecroisaisdanscesputainsdepartouzes?—Calme-toi,j’essayaisdemerenseigner.Paslapeinedemontersurtesgrandschevaux!Jen’aipasdutoutenviedecoucheravectoutlemondeetn’importequi,contrairementàtoi.Tuescarrémentinsultant,là!—Ehbien,oublieça,toutdesuite.Etsitusouhaitesvraimenttenterl’expérience,ilfaudradégoterunnouveaumec,parcequeceserasansmoi.Cettedernièreremarquemeblesse incroyablement.Jesavaisbienquecetétatdegrâce,dans lequel

nousnoustrouvions,nepouvaitpasdurer.AvecNahel,riennedurejamaisbienlongtemps,d’ailleurs!Jen’ensuispasparticulièrementchagrinée,j’ail’habitude.Monproblème,c’estqu’ilpuisseimaginerquejeveuilled’unautreque lui, justepourexpérimentercertainespratiques.Maispourquimeprend-il ?Pourunedesespétasses?—C’estpourtanttoiquim’asditunjourquejedécouvraismasexualitéetquejedevaist’enparler,quejepouvaisabordertouslessujetsetqu’iln’yavaitaucuntabouentrenous,m’agacé-je,merelevantd’unbond.Unregardmauvaismefusille.Toutefois,sonpénis,lui,estdresséfièrement.

—Etc’estçaquetuattendsdemoipourteprouverquejet’aime?Quejet’encule?s’écrie-t-ild’unairdégoûté.—Biensûrquenon!Jevoulaisjustequetum’expliquescequetun’asjamaisconnuavecpersonne,pourquenousletentionsensemble,sicelamebranchait.Moi,j’aitoutapprisgrâceàtoi.Cependant,cequetu

visavecmoi,tul’asdéjàconnuavecd’autres,tucomprends?—Tusaisquoi,Mad?Taputaindejalousieestentraindevireràlapsychose,pournepasdireaugrandn’importequoi!Jeteledemandeunedernièrefois,arrêteavecça!—Tes reproches sont à hurler de rire, alors que tu es prêt à casser les dents au premier qui aura lemalheurdemeregarderunpeutroplongtemps!Puis,sansluilaisserl’opportunitédeprotester,jemelèveetfileverslasalledebain.Soudain,jeme

senscradingue.Jevoulaisjustememontrerouverted’espritetluiprouverquejepouvaisaussidiscuterdesexualité,sanslemoindreapriori.Aulieudeça,ilm’adonnélesentimentd’êtreunechoseassoifféedecul,perverseettordue.Unesalope,quoi!Lorsque je reviens vers la chambre, il est sur le balcon en train de cloper. Contrairement à mon

habitude,jesorspourvérifiers’ils’agitd’unesimpleblondeoud’autrechose.Àmongrandsoulagement,c’estlecas.Ducoup,jetendslamainverslepaquetetenallumeune.—Jet’aidéjàditquejerefusaisquetufumes!grogne-t-il.—Oh,laferme!Jefaisencorecequejeveux!Jen’aipasdeleçondemoraleàrecevoirdetoi.Nous tirons quelques bouffées dans un silence pesant. Comme j’ai froid, j’éteins rapidement mon

mégot dans le cendrier, posé sur la petite table en fer forgé. Toutefois, au moment de retourner àl’intérieur,jenepeuxm’empêcherd’asséner.—Laprochaine foisque tumesuggérerasd’allervoirailleurs, faisbienattentionà tespropos.Parcequ’ilsepourraitquejedécideunjourdeteprendreaumot.Nahelmerejointbienplustard.Jesuistellementénervéequ’ilm’estimpossiblededormir.Comment

lasituationa-t-ellepudégénérerainsi?Merde,nousétionssicomplices,ilyaàpeineuneheure.Plusprochesquejamais.Etmaintenant,c’estdenouveaulebordel.Quandjevousaffirmaisquelavieaveclui,c’estcommeêtresurdesmontagnesrussesenpermanence,jeneplaisantaispas.Envoilàlapreuve!Mon compagnon s’allonge près de moi et essaie de m’enlacer, mais je le repousse aussitôt, trop

contrariéepouracceptersatentativederéconciliation.Pourtant,jenepeuxm’empêcherdedemander.

—Pourquoi,lorsqu’unmecsetapetellementdenanasqu’ilenperdlecompte,onditquec’estunDonJuan,etonleregardeavecadmiration?C’estvrai,çafaitrêverqui,ungarsquinesongequ’àtremperson biscuit ? Et pourquoi, quand une femme est curieuse et essaie de se libérer d’une éducation tropstricte,onlaconsidèrecommeunepute?—Jesuisdésolé.Jenesaispaspourquoij’airéagiaussivivement.J’aiconsciencequetunepensaispasàmal,maisj’aiétéchoquésurlemoment.Tupeuxlecomprendre,non?—Pasvraiment.—SiFredm’entendait,ilhurleraitquejesuisungrandmaladeetquejedevraisacceptercequetumeproposessurunplateau.Maisjeregrette,cen’estpasdutoutmontruc.Jen’ypeuxriensicettepratiquemerebute.—Cequetun’aspaspigé,c’estquej’essaiedem’informerpourm’affranchirdemonignoranceetmedireque jenemourraipas idiote.Maisenaucuncas, jene t’aiproposédepasserà l’acte. Jevoulaisjustesavoir,mêmes’ilsemblequecesoitencoretrop.—Jetelerépète,jesuisdésolédemaréactiondisproportionnée.Ondevraitdormir.Onestcrevéstouslesdeuxetonestsurlesnerfs.—Situledis…

8

MadieEncore perturbée, je ne vois pas tout de suite Greg Dojong, lorsque je quitte l’hôpital, en début

d’après-midi.J’aibossédesixheuresàmaintenant,sibienquemajournéeestterminée.Enfinpresque,puisquejedoisrentrerpourpotassermonconcours.Quandjetravaille,deuxjoursparsemaine,j’utiliselavoituredeNahelenraisondemeshorairesbiscornus.Personnellement,celanemedérangeraitpasdeprendre le tram, mais monmec refuse catégoriquement, arguant que c’est dangereux pour une femmeseule,surtouttôtlematinoutardlesoir.Etpourtoutdire,aujourd’hui,jesuisbiencontentededisposerdel’Audi.Eneffet,jesuiscrevéeetj’aisupermaldormi,suiteànotrescèned’hier.Commeilafalluquejeme

lèveàcinqheures,jevouslaisseimaginermatête.Donc,plusvitejeseraiàl’appartementetmieuxjemeporterai.Avanttout,jesommeilleraiunepetiteheure,puisjememettraiauboulot.Sanscettepause,jeneseraidetoutefaçonbonneàrien.—Madeleine!Pas besoin de me retourner pour savoir qui en est l’auteur. Mais c’est pas vrai, il va me laisser

tranquille?Çacommenceàfriserleharcèlement!—Qu’est-ce que vousme voulez encore ?Vousme suivez partout ou quoi ?C’est pénible à la fin !m’exclamé-je,enpivotantpourluifaireface.Nonseulement,jesuismalàl’aiseaveccetype,maisjen’oubliepasl’incidentd’hier.Jesaisqueje

nemesuispasfaitdefilmetqu’ilétaitentraindebaverdevantmoi.J’avoueque,sij’aiétégênéesurlecoup, cela ne me touche plus aujourd’hui. Pas après les confidences de mon mari. Pour un peu, jeremercieraispresquece flicdem’avoirdonnéunecopiedesesantécédents.Sanscedocument,Naheln’auraitjamaisparlé.—Bonjour,toutd’abord.Jenerépondspas.Çava!Jesuistropcrevéepourlesmondanités.J’aimeraisjusterentrerchezmoiet

dormir. Comprenant que je n’ai pas l’intention de le saluer, il plisse les yeux de mécontentement etpoursuit d’une voix qu’il veut malgré tout posée, même si une pointe d’agacement est clairementperceptible.—Avez-vouspuconsulterledossierquejevousairemishier?—Oui.Jel’aimêmeétudiédansledétail.Unsouriresatisfaitillumineaussitôtsonvisage.Quelconnard!

—Et?—Etrien.J’aidemandédesexplicationsàmonépouxet…—Quoi?Vousluiavezmontré?Maisçavapaslatête!—Oh,onsecalme,monbonmonsieur.Àaucunmoment,vousnem’avezsignaléqu’ilétaitclassétopsecret.Commentaurais-jepusavoir?—Donc,ElKhouriestaucourantdenosrencontres?Cettefois,j’enaifranchementraslafrangedecetype.S’ilfautluimettrelespointssurlesi, jeme

feraiunmalinplaisirdem’yemployer.—MonsieurDojong,iln’yapasderencontres.Vousmesuivez,vousmeharcelez,etçaserésumeàça.Jesuisobligéedevousécouter,parcequevousêtesflic,maiscen’estenaucuncasunchoixdemapart.Vousavezcompris?Ilfaitminedenepasm’entendre,maisjesaisqu’iln’enestrien.Sespommettesfortementrougiesen

sontlapreuveflagrante.—Jevoudraisrentrerchezmoi!j’enchaîned’unevoixlasse.—Commentpouvez-vousresteraveccedéchet,aprèsavoirdécouvertsonpassif?C’estincroyable!—Jevousinterdisdeparlerdeluicommevouslefaites,c’estclair?Naheln’estpasundéchet!—Punaise,çadoitêtreunrudementboncoup,pourvouscouperàcepointdelaréalité!—Jenevouspermetspas!Quipensez-vousêtrepourosermetenircegenredediscours?Etpourvotregouverne, tout lemondea ledroitdecommettredeserreurs,non?Comment se fait-ilquevous soyezaussiintransigeant?—Ilyauntrucquim’échappe.—Seulementuntruc?Écoutez,jesuisfatiguéeetj’aimeraisvraimentrentrerchezmoi.JesaisqueNahelaflirtéavecl’illégalitéparlepassé,maiscen’estpluslecasdepuisqu’ilestàStrasbourg.Iln’estpasledealerquevous recherchez.Toutauplus,est-ceunconsommateuroccasionnel,commedesmilliersdejeunes.—Unconsommateuroccasionnel?Vousvousfoutezdemoi?s’étrangle-t-ilderage.—Aurevoir,monsieurDojong.Ah,etaufait,paslapeinedemeposervosquatrequestions,voicilesréponses:non,non,nonetnon.Bonnejournée.Je m’éloigne et me dirige vers l’Audi, garée tout près. Bien, j’espère qu’avec ça, il me fichera

définitivement la paix !Nahel n’est pas celui qu’il croit, il faudrait vraiment qu’il arrête de faire unefixettesurlui,çadevientcarrémentmalsain.Je m’apprête à refermer la porte de la voiture, quand Gregory Dojong surgit devant moi et m’en

empêcheenlamaintenantouvertedeforce.Bonsang,j’enaimarredecetype,maisj’enaimarre!— Vous devriez regarder les photos que je viens d’envoyer sur votre boîte mail et, ensuite, nousreparlerons.Jenesaispascequ’ilvousaracontépourvousembobinerdecettemanière,maisilvousamenti.NahelElKhouriestleplusgrosdealerducampusdel’université.Plusvitevousl’aurezcompris,plusvitevouspourrezvoustirer,avantd’êtreenliséedanslesemmerdementsjusqu’aucou!Jenel’écoutepas,oudumoinsc’estcequej’essaiedeluifairecroire,parcequesesparolesm’ont

quandmême fortement perturbée.Démarrant la voiture, je tente de fermer la portière et, cette fois, ils’écarte.Sansperdredetemps,j’enclenchelamarchearrièreetm’éloigneaussirapidementquelecodedelaroutemelepermet.Lorsquej’arriveaustudio,mesmains tremblent toujours,mes jambeségalement,etmoncœurbat la

chamade.Jemelaissetomberdanslefauteuilenosier,terrifiée.Vousdevezsansdoutevousdemanderpourquelleraison.Ehbien,quandDojongaaffirméquemonmariétaitleplusgrandrevendeurdedrogueducampus,j’ailudanssesyeuxqu’ildisaitlavérité.Étrangement,jeletrouveassezfacileàcerneret,sid’autresfois,j’aieudesdoutes,jesaisqu’aujourd’huiilnementaitpas.Inutilede tergiverser,autantenavoir lecœurnet toutdesuite.J’attrapemonsacquigîtsur la table

basseetenextraismoniPhone.Effectivement,j’aibieneuunmaildecepolicier.Cequejedécouvremeglaced’horreur.Ilyaunedouzainedeclichés.LespremiersreprésententVince,Val,Fred,etmêmeSoetStephentraindeprendredel’argentoud’indiquerunedirection.Surlessuivants,onpeutclairementvoirNahel serrer lamaindecespersonnes, cellesquiontdonné le fric, et leur remettrequelquechose. Jedécidedelesvisionnersurmonordinateurpourpouvoirleszoomer.

Avec fébrilité, je l’allume et rouvre les photos qui sont datées d’il y a moins d’une semaine. Ohl’enfoiré ! Les agrandissements sont accablants, car les images sont de bonne qualité. Je peux doncparfaitementdistinguerdepetitssachetstransparentscontenantdescachetsbleus.Ahnon!Merde,ils’estbienfoutudemapoire,unefoisdeplus.J’ensuisatterrée,jemesenshorriblementtrahie,àtelpointquecelamerendphysiquementmalade.Mesjambeschancellentetmestempesbourdonnent,sousl’effetdustressquivientdem’envahir.Direqu’hiersoir,j’étaiscompatissanteetcompréhensive,alorsqu’ilsepaiematêtedepuisquenous

nousfréquentons.Entoutcas,aucundouten’estpermis,monmari,l’hommequej’aiépousé,celuiquejepensaisconnaître,estun trafiquantdedrogue.MonDieu,maiscommentai-jepumelaisserembarquerdansunetellehistoire?Dèsledébut,pourtant,moninstinctmehurlaitdememéfier,qu’ilétaitsulfureuxet dangereux.Mais je n’ai rien voulu entendre.Et le résultat est là et bien là : je suis la femmed’ungangster,d’unvoyoudelapireespèce.Le fait que Sophie ait pris part à de tels actes me choque terriblement. Venant de Steph, rien ne

m’étonne, cette fille est tordue.MaisSo…c’étaitmonamie et je la voyais commeunenanadroite etfranche.Làencore, jemesuisbiengourée.Cette impressionqu’ilssesont tousbienfichusdemoifaitsurgirunecolèreassezincontrôlable.Jetremble,tellementjesuisenpétard!Sur un coup de tête, parce qu’il faut bien que je passe mes nerfs sur quelqu’un, je récupère mon

portableetcomposelenumérodeSophie.Jesaisqueseshorairessontsimilairesauxmiens,puisqu’elleestdanslemêmeétablissementquemoi,maisdansunservicedifférent.—Salut,Mad!Ilyaunproblèmedepuisledéjeuner?Jevienstoutjusted’arriverchezmoi.—Àtoidemel’expliquer!—Maisqu’est-cequiteprend?Tuesbizarre…—Mouais, on peut l’énoncer comme ça.On peut aussi dire que je suis folle de rage, parce que despersonnesquejeconsidéraiscommemesamissesonttouspayémapoire!—Quoi?C’estdenousquetucauses?s’énerve-t-elleaussitôt.—Biensûrquec’estdevousque jeparle,dequid’autre?Toiet tapetitebandequi revendezde ladrogueàtouslesétudiantsducampus!Unlongsilencemerépond.Pendantuninstant,jemedemandesiellen’apasraccroché.

—Quit’aditça?Cesontdesmensonges!—Arrêtedemebalader,merde!Sophie, j’aivudesphotosdevousà l’œuvre !Tupeux toujoursmesoutenirqu’ils’agitdeconneries?—Je,je…Là,pourlecoup,elleestnettementmoinssûred’elle.

—Nonseulementtusaistout,maisenplustuyparticipestoiaussi!Jetecroyaismonamie,jetefaisaisconfianceet,toi,tun’aspascessédementirencoreetencore!—C’estfaux!D’ailleurs,qu’est-cequetoutçaaàvoiravecl’affectionquenouséprouvonsl’unepourl’autre?Nemélangepastout!—Ahbon?Arrêtedememenerenbateau,Sophie!Situasuntantsoitpeudeconsidérationpourmoi,tumerévéleraslavérité,j’enaimarrequetoutlemondemeprennepouruneconne.— Tu ne penses pas que c’est une conversation que tu devrais plutôt avoir avec ton mec ? fait-elleremarquer,nonsansbonsens.—Peut-être,maisc’esttoiquej’aiappelée.Dis-moitout.—Trèsbien,maistuasconsciencequecequejevaisteraconterrisquedenepasteplaire?—Ceseratoujoursmieuxquedetoutignoreretdepasserpouruneidiote!—D’accord.Quedésires-tusavoir?

—Depuiscombiendetempsest-cequeçadure?—Quoi?Lefaitqu’ilssecamenttous?Unbail,situveuxmonavis…—Netefaispasplusbêtequetunel’es.Depuisquandest-cequemonmecvenddeladrogue?— Il le faisait déjà à Paris, Fred aussi d’ailleurs. Ils ont continué en arrivant ici. Ce n’est pas pluscompliquéqueça.Cetteréponsem’atterre.Bordel,maisàquoiest-cequejem’attendais?

—Pourquoifont-ilsça,So?murmuré-je,leslarmesauxyeux.Ilsn’enontpasbesoin.—Ahpardon !Tu n’y es pas du tout.Val etVince vivent grâce à ce business.Cette rentrée d’argentfinanceleursétudes.—Ettoi?—Moi ?Que dalle. Je t’ai dit un jour que j’aurais fait n’importe quoi pourFred.Eh bien, j’ai justeoubliédepréciserjusqu’àquelpoint.Jen’enaijamaisretirédebénéfice,parcequej’aitoujoursrefusédeprocéderàladistribution.Ilm’arrivaitdeplanquerunpeudemarchandisechezmoioudecentraliserlescommandes,riendeplus.—Steph?Ce prénom m’écorche la bouche, rien que de le prononcer. Il n’en reste pas moins qu’elle est

impliquéeaussietjedoiscomprendredansquellemesure.—Stephn’apasvraimentbesoindefric,maiselleaimedépensersanscompter.C’estunemanièrepourelled’assurersontraindevie.—N’avez-vousjamaiseud’ennuis?—Non,pas jusqu’àcesderniersmois.Tusais, lesclientsétaient triéssur levoletet ilsdevaientêtrerecommandéspourentrerdansleréseau.—PourquoiNaheletFredfont-ilsça?Del’argent,ilsenontplusqu’iln’enfaut!—Ah,Madie,jemesuistellementsouventposécettequestionquej’enaichopédesmigraines.—Ettesconclusions?—C’estqu’ilsaimentflirteravecledanger,ilsontunbesoineffrénéd’adrénaline.Etpuis,ilsontdufric,maisleursfinancessontquandmêmecontrôlées.Sileursparentsserendaientcomptedequoiquecesoit,clairement,toutseraitterminépoureux.—Commentça?—JesaisquelepèredeNahelaétécatégorique.Aumoindrefauxpas,ilrefuseradesoutenirsonfils.Finisl’appartement,lavoiture,latuneetsurtout,finiel’écoledeDJàLondres.—EtFred?—Lui,c’estsamèrequiestderrièresoncul.Ellel’aprévenuquesielledevaitapprendred’unemanièreoud’uneautrequ’ilsedrogueencore,elleleferaitenfermerdansunétablissementpourlessixprochainsmois.—Impossible,ilestmajeur!—Peut-être,maisc’estuneneurochirurgienneréputée,etdoncunmédecinderenomméeinternationale.Elleobtiendraitsanslamoindredifficultésonplacementsoustutelle.Dansmatête,toutn’estplusqu’unvastechampdebataille.Lespenséesfusentàtout-va,àtelpointque

j’enailevertige.Pourautant,laboulelogéedansmagorgenedisparaîtpas.Elleesttoujourslà.—Jevaislequitter,déclaré-je,aprèsquelquessecondesdesilence.—Quoi?Madie,non!—Si.Illesavaitdepuisledébut.Jeluiaidemandéàplusieursreprisesdemejurerqu’ilneselivraitàaucuntraficetill’afait.Ilm’amentienpleineface.Qu’est-cequejepeuxfaired’autre?—Nepasfuir.Situlelaissestomber,ilnelesupporterapas.Ilferauneconnerie,c’estcertain.J’aivu

dansquelétatilsemet,quandilcroitquetuvasluiéchapper.Nahelesttellementdépendantdetoiqueceseraitunvéritablecalvairepourluideseretrouverseul.Écoute,monchou,j’aitoujourspenséquevotrerelationétaitassezmalsaine.—Pourquoi?—En raisonde cette addictionquevous éprouvez l’unpour l’autre, enfin surtout lui.Nahel vit, dort,mangeet respireMadie.Si tupars, tu lui retiressa raisondevivre,cequi luidonne lecouragedeseleverchaquematin.Jelecôtoiedepuisplusieursannéeset,cesderniersmois,jem’inquiétaisvraiment,parcequesespenchantsautodestructeursétaientarrivésàunniveaujamaisatteint.Maisdepuisquetuesentréedanssavie,ilsouritànouveau,ilsembleheureux,saufquandc’estlamerdeentrevous.Cequej’essaiedet’expliquer,bienmaladroitementsansdoute,c’estquetuluiesnécessairepourtenirsursesdeuxjambes.Sanstoi,ils’écroule.—Ilauraitdûypenseravant!—Mais,Mad,ils’estdéjàfranchementcalmé.Nousavonsmislebusinessenstand-bypendantquelquessemaines,cequinenousétaitjamaisarrivé.Ettusais,d’uncommunaccord,nousavonstousdécidédestoppercetteactivitéfinjuin.Tupeuxquandmêmetenirjusque-là,non?—Sophie, il revend de la dope,merde !On ne parle pas d’unmec qui pique des bonbons dans lesmagasins,maisdesubstancesquituentdesgens.Pourquoiest-cequecelanetechoquepas?—Pourdeuxraisons.Premièrement,ilsneprocurentaucunedroguedure,commeducrack,delacokeoudel’héro.—Etl’ecstasy,leLSD,c’estquoidanscecas?—Laisse-moifinir!Deuxièmement,ilsvendentàdespersonnesquisecamaientdéjàavant.Ilsnefontpaslasortiedescollègesoudeslycées.Cesontnosclientsquiviennentànousetpasl’inverse!—Oh, et çadoit tout excuser, tout expliquer, alors !m’exclamé-jed’unevoix scandalisée.Maisdansquelmondevivez-vous,tousautantquevousêtes?—Danslaréalité,madamelabonnesœur!Tucroisquoi?Qu’onestchezlesBisounours?Maismerde,Mad,regardeautourdetoi!Laplupartdesjeunesadultesboiventetfumentdespétards,çanefaitpaspourautantd’euxdesâmesenperdition!Jen’aimepasquandellemesermonneenutilisantmesconvictionsreligieusescontremoi.Bonsang,je

nesuispastotalementobtuse,jesaistrèsbiencequisepasse.Ellen’apasbesoindemeprendreainsidehaut.Lorsquejel’entendsparler,j’ail’impressiond’êtreunenovicequin’ajamaisfoutulespiedshorsdesoncouvent.Etçamegonfle!—Tagueule,So!m’écrié-je,réellementencolère.Jetesignalequejenejugeaucund’entrevouset…—Biensûrquesi,répond-ellesurlemêmetemps.C’estexactementcequetuasfait lapremièrefois,quandtuassurprisNahelaveccesdeuxfilles,etlàturecommences.Madie,tusaisquejet’adoreetquejeteconsidèrecommemameilleureamie.Iln’yapasunjouroùjeneremerciepaslaviedet’avoirmisesurmaroute.Toutesleschosespositivesquimesontarrivéesdernièrement,c’estàtoiquejelesdois.Maisquandtucommencesàtecomporterencathocoincée,bordel,qu’est-cequetumesaoules!—Jenesaisispaslerapportavecmareligion.Parcontre,çaatoutàvoiraveclaloi!—Oh,tufaistouteunemontagnepourrien!Quandonrouletropvite,onestundélinquant!—Ahnon,So!Tuesd’unemauvaisefoihallucinante.Necomparepasuntraficdedrogueetunexcèsdevitesse.C’estjusteterriblementnul!—Écoute,Mad,onétaitpaumés,certainsd’entrenousétaientdans ladècheabsolueetona trouvécemoyen pour nous faire de l’argent facile. Je sais que ce n’était pas la solution, mais essaie decomprendre.— Je ne fais que ça : essayer de comprendre. J’ai accordé toutes les excuses et les circonstances

atténuantesàNahel,quandj’aidécouvertsonpasséetsonaddiction.Maislesmensonges,jesuisdésolée,jenepeuxpas.C’estterminé.—Jet’enprie,proteste-t-elleavecunréeldésespoirdanslavoix,n’agispassouslecoupdelacolère.Sitonmecperdlabouleetfaituneconnerie,jamaistuneparviendrasàtelepardonner.Prendsdurecul,réfléchisavantdetedécider.Situasuntantsoitpeud’amitiépourmoi,nefaispasquelquechosequeturegretterasdemain.Sontonsuppliantmedéstabiliseterriblement.Jesaisqu’elleasansdouteraison.J’aimeNahel,mais

s’ilestévidentquelavieavecluiestdevenueimpossible,iln’enrestepasmoinsquejenepourraisplusjamaismeregarderdansuneglace,s’illuiarrivaitquoiquecesoit.Or,leconnaissant,ilyadefortesprobabilitéspourqueleschosesdérapent.J’enveuxpourpreuve,lamanièredontils’estcomportéquandilacruquejeluiavaispréférémesparents.Ilavécudurantdesannéesaveclepoidsdelaculpabilité,jusqu’àensouffrird’unedépressionprofonde.Etmoi,jerefusededevenirainsi.Jen’accepteraijamaisdem’abrutirpoursupporterd’êtreencorelà,s’ilnel’estplus.Maisc’estpourtantcequim’arriveraitsimonDJvenaitàdisparaîtreparmafaute.Madécisionestpriselaseconded’après.—Trèsbien,jereste.—Génial!—Maisc’esttransitoire.Dèsqu’ilseraadmisàLondres,ildéménageraetjenelesuivraipas.Celamelaisseraletempsdem’habitueràl’après-Nahel.Jesupposequeleschosesserontbienplusfacilespourtoutlemonde.Lorsqu’ilpartira, jecouperai lespontspurementetsimplement.J’espèrejustequejenefaispaslaplusgrosseerreurdemavieennousaccordantcesursis,àl’unetàl’autre.—Tuneleregretteraspas.Siçasetrouve,toutfinirapars’arrangerentrevous,murmure-t-elleavecunoptimismequimesidère.MaisSoa-t-ellebiensuivinotrediscussion?J’aidesérieuxdoutes,à l’entendre.Pourmoi,rienne

seraplusjamaiscommeavant.J’enaiparfaitementconscienceetsielleacceptaitd’ouvrirlesyeux,elles’enrendraitcompteaussi.—Parcontre,jet’interdisdeparleràFreddenotreconversation,toutcommeiln’estpasquestionquetuluiexpliquespourlesphotos.Unflicestentraindemeharceler,maisilnepeutriencontremoi,danslamesureoùj’ignoretoutdevosaffaires.—Mais…—Et jeneveux surtout rien savoir.Tantque les choses resteront en l’état, je lui seraid’une inutilitétotale.Tum’asbiencomprise,Sophie?Pasunmotàquiquecesoitdenotreconversation.SiturévèlesàtonmecetàNahelquejesuisaucourantdetout,jamaisjenetelepardonnerai.—Trèsbien.Sic’estcequetuveux…—Jen’aipaslechoixettoinonplus.Jepensequenousnoussommescomprises.Puis,sansmêmelasaluer,jeraccroche.Durantuntrèslongmoment,jeresteprostréedanslefauteuil,

complètement abrutie par ce que je viens d’apprendre. Mon Dieu, mais comment ai-je pu être aussinaïve?Etpasquestiondechouiner,ceseraittropfacile!Avecmamaniedenepasvouloirregarderlaréalitéenface,jesuisresponsabledelamerdedanslaquellejemetrouve.Punaise, jesuis lafemmed’undealer.Jesuis légalementuniepar les liensdumariageàuncaïd.Et

jusqu’àaujourd’hui,jen’yaivuquedufeu.Maisquipourraitcroireuneénormitépareille?Cen’estpaspossibled’êtreaussiconne.Lesjours,semainesetmoisàvenir,serévélerontparticulièrementdifficilesàgérer.Maisilfautqueje

tienne,demanièreàrompreproprement.Aprèstout,noussommesmariésetilatoujoursétélàpourmoiquandj’aieubesoindelui,alorsjeluidoisbiença.Toutefois,jeneluimontreraipasquejesais.Jesensquefeindreunamourquiestentraindedescendreenflèche,faceàtantdemensonges,vas’avérerêtre

unetâchebiencompliquée.Surtoutlanuit…

9Troissemainesplustard, jen’ai toujourspaseudenouvellesdeGregDojonget jedoisavouerque

c’estunréelsoulagement.Eneffet,s’ilapum’attendreprèsdel’hôpital,ilpeutaussilefairedevantlecinémaouchezmoi,aurisquequeNaheldécouvremescontactsaveclui.Commes’ilavaitsentiquelquechose,hiersoir,audîner,ilm’ademandésileflics’étaitànouveaumanifesté.Avecunaplombdontjenemepensaispascapable,j’aimentienprétendantquenon.Sansdoute,nepigez-vouspasmaréaction,etjedoisvousavouerquejenemecomprendspastoujours

moi-même.Mais,pourfairecourt,voilàcommentjevoisleschoses.Naheln’apascessédemeberner,m’ajuréqu’ilnedealaitplus.Or,noussavonsmaintenantquec’estfaux.Silapiluleestdéjàdifficileàavaler,pourcequiestdem’avoirmenéeenbateaucommesij’étaisladernièredesconnes,cen’estrienparrapportàcequejeressensquandjepenseàlamanièredontilgagnelefricquisembledéborderdesespoches.Et,pourmoi,c’esttrèsclair.Jerefusedevivreavecuntruand.Ets’ilarevendudeladrogueàNew

York,àParis,etenfinàStrasbourg,iln’yaaucuneraisonpourqu’ils’arrêteensibonchemin,quandilseraàLondres.Or, iln’estpasquestionpourmoiderisquer lespiresennuis,voire laprison,pourunmec,quelqu’ilsoit.Vous allez sans doute supposer que je suis égoïste, mais il se trouve que je ne suis pas prête à

n’importequoiparamour.Aucunhommenevautdetelsrisques.PasmêmeNahel.C’estsuperdur,jelesais,maisilyauneévidencequim’afaitredescendresurterreplussûrementqu’unepommelancéeenl’air retomberait. La réalité, aussi crue et basique soit-elle, m’a frappée en pleine face. Et voilà maconclusion:jenepourraijamaisl’aideràguérir,parcequepersonnenelepeut.Mon mari est irrécupérable et ne veut surtout pas d’un quelconque secours. Quoi qu’il arrive, il

continueraencoreetencoreàseshooter,parcequ’ilabesoindeçaplusqueden’importequoiaumonde.Jevousjurequequandj’enaiprisconscience,çaaétéunchocterrible.Maintenant,jemesuishabituéeàcetteidée.C’estcynique,etsansdoutetrèstriste,maisc’estainsi.Commequoi,l’êtrehumainestcapabledes’adapterà toutes lessituationsetde faireavec.Sionm’avaitditça, ilyaquelquesmoisencore,j’auraishurléderire.Maintenant,jenememarrepas,maisalorspasdutout.Pourtant,Dieusaitquejel’aimetoujoursetvoilàbienmonproblème.Êtrelucidesursesvices,avoir

l’absoluecertitudequejenepeuxpasm’enaccommoderet,surtout,refuserdevivreainsiestunechose.Mettrecelaenpratiqueenlequittantimmédiatementenestuneautre.Ehoui,j’ensuisincapable.Entoutcas,pourlemoment.Matêtemetientundiscoursetmoncœurparleunlangagebiendifférent.Alors,quefaire?Finalement,commejesuisunpeulâcheetquej’aibesoindetemps,jepenseavoirprislameilleure

décision,àsavoirattendresondépart,dansquatremois,etprofiterdel’hommequej’aime,tantquejelepeux. Par ailleurs, celamepermettra d’accepter le fait que ce n’est pas avec lui que je vieillirai.Enmêmetemps,jenesuispaslaseuleàquicelaarrive.Combiendefemmesontcruqueleurpremieramantseraitl’uniqueetsesontplantées?Le plus difficile, c’est la nuit, quand nous faisons l’amour. Parvenir à coucher avec Nahel sans

m’impliquerestuneffortdetouslesinstants,mêmesij’éprouvetoujoursautantdeplaisir.Nousn’avonsjamaisplusabordéunquelconquesujetd’ordresexuel,depuislefameuxsoiroùils’estfâché.

Parcontre,jen’aiplusétécapabledeluidéclarerquejel’aimais.Lesquelquesfoisoùill’afait,j’airéponduenl’embrassant.Non,ça,jenelepeuxpas!Pasparcequejen’éprouveplusrienpourlui,maisj’aibesoindecettedistancepournepasm’effondrer.Vousdevezpenserquejesuissuperforteetqueçavouschangedemoncomportementpassé.Ehbien,

laissez-moivousdirequevousaveztort.Chaquefoisquejesuisseule, jepleureàchaudeslarmescetamourquejecroyaissimagiqueetquinereposeenréalitéquesurdesmensonges.Personnen’ajamaisététémoindecesmomentsdefaiblesseetjesuisassezmalinepournepasmefairechoper.AprèsmaconversationavecSo, jen’arrivaisplusàmeconcentrersurquoiquecesoit.C’était trop

dur.Jepassaismontempsàtenterdecomprendrepourquoileschosesavaientmerdéetàimagineruneversionalternativedenotrehistoireoùiln’yauraitpastoutcebordel.Six jours après avoir découvert ces photos, j’ai eu un contrôle en cours. Évidemment, je me suis

plantée,maiscen’étaitpasunesurprise.Lorsquemonprofm’arendumacopie,j’avaiseuuntroissurvingt.Etlà,j’aieul’impressiondesortirenfindemabulle.Parceque,sijesavaisquejen’avaispasétéperformante à ce test, la réalité était encore pire que je ne l’imaginais. Je n’avaismêmepas réussi àlimiterlacasse.Sans compter que ce con d’enseignant m’a collé la honte en me demandant si je voulais vraiment

devenir infirmièreetsi j’étaismotivéeunminimumparcetteformation.Ilm’aégalementasséné,assezcruellement, qu’il n’avait pas de temps à perdre avec quelqu’un qui ne travaillait visiblement pas.Remarquez,c’étaitlaplusmauvaisenotedugroupe.MêmeSophieavaiteuunquinze.Jemesuis retenuedechialeret,àmidi, jesuis rentréechezmoipour faire lepointsur lasituation.

Pour cela, j’avaisbesoindem’isoler.Les réflexionsdeceprofont agi surmoi commeungrand seaud’eauglacéequ’onauraitrenversésurmatête.Etleréveilaétérude,trèsbrutalmême.Qu’étais-jeentraindefaire?Jem’apprêtaisàfoutretoutemavieenl’airpourunmecquin’envalaitabsolumentpaslapeine.Allongée sur mon lit, j’ai pris conscience de ce que mon comportement immature impliquait. Je

n’aurais pas la chancedepouvoir suivre à nouveau cette formation, fautedemoyens.Et il n’était pasquestionquejepasselesmoisetlesannéesàveniràvendredupopcorndansuncinoche.Donc,ilfallaitimpérativementque j’arrêtemesconnerieset leplusviteserait lemieux!Tenterderéécrire l’histoiredansmatêteserévélaitpuériletinutile.Leschosesétaientcequ’ellesétaient,àmoidelesaccepteretdem’adapter.Jecroisquec’estàpartirdelàquej’airéellementchangé.Ilmesembleavoirgrandienl’espacede

quelquesheures.J’aibienvitecompriscequecelainduisait.Naheln’avaitpluslepouvoirdemeblesser,parcequej’avaisréussileplusdur,c’est-à-direàmedétacherdelui.Etc’étaitaussibienainsi.Énervée,jemesuisrelevéeetjemesuisimmergéedansleboulot.J’aipotassétousmescourscomme

unedingue,durantplusieursheures.Puis,lelendemain,jesuisalléevoirleformateurpourluiexpliquerque j’avais traverséunemauvaisepassed’ordreprivéet luidemanderunepossibilitédemerattraper,sanstropycroire.Mais,alorsquejenem’yattendaispas,ilaaccepté.Cinqminutesplustard,j’étaisentraindeplanchersurunsujetsimilaire.Cettefois,jen’aipaslaisséfilermachanceetj’aieuvingt.Pournepasmefavoriser, ilaadditionnélesdeuxnotesetafaitunemoyenne.Maisenfin, j’avaissauvélesmeublesetc’étaittoutcequicomptait.Leconcoursapprochant–lesécritsontlieudansdeuxsemaines–,jenecesseplusdetravailler.Cela

medonneunprétexteparfaitpouréviterlacompagniedeNahel.Mêmes’ilm’aobservéebizarrementàplusieurs reprises, il ne pipe mot, ne demande aucune explication. Apparemment, Sophie s’investitégalementàfond,d’aprèscequeluiarévéléFred,sibienquelasituationpeutsemblernormale.Ceweek-end,jenetravaillepasaucinéma.Aprèstouteslesheuresquej’aiaccumulées,jepeuxenfin

soufflerdurantlesdeuxsemainesàvenir.Etc’estunebonnechose,carcelamepermettrademefocaliserentièrementsurmonbut:l’écritduconcours.Je n’ai fait qu’une exception, c’est quand j’ai accepté de participer au tournage du clip que doit

proposerNahel.Enmêmetemps,ilm’auraitétédifficilederefuser,puisquej’avaisdéjàditoui.Donc,àhuitheurescematin,jel’aiaccompagnéaupointderendez-vous.Jamaisjen’auraisimaginé

qu’ilfaudraitautantdemondepourunfilmd’àpeinequatreminutes.Nahelreprend«Magnificent»deU2et,sincèrement,lerésultatestformidable.Pourleclip,onm’ademandédemarcherdevantlui,habilléedemadoudouneetdemonbonnetrouges,

deluisourireetdemepromenerdanslesruesvoisines,alorsqu’ilmesuivait.Puis,nousnoussommesretrouvésdansunstudio,où j’aidûme trémousser,vêtued’un jeanetd’unbandeausur lapoitrinequidonnaitl’impressionquejedansaistorsenu.Pourfinir,ilafalluquejerépètel’exerciceavecmonmec,avantdel’embrasser.Jem’ysuispliéedebonnegrâce,maisj’avaishâtequetoutcecirquesetermine.C’estVincequidirigelesopérations,avecuneautoritéquejeneluiconnaissaispas.D’aprèsceque

j’aicrucomprendre,ilestsuperdouédanscedomaine.Tantmieuxpourlui.Jel’aimebien,commegars,ilestsympa.Maisiln’enrestepasmoinsqueluiaussis’estpayématête,etqu’ilfaitpartieintégrantedeleurgang.Après quelques courses, je retourne à l’appartement etmeplonge aussitôt dansmes cours.Ce soir,

j’assisteraiàlamessecommeàmonhabitude,avantderetrouvermonfrère,tandisqueNahelserendraauclubpourmixeretDieusaitquoi!Laroutineensomme…

***Encedimanchematin,jemerendsverslestudiod’enregistrementdelafac.Monmarin’estpasrentré

delanuitet,s’ilyaquelquetempscelam’auraitmiseenpétard,cen’estpluslecasaujourd’hui.C’estàdesréactionscommecelles-làquejecomprendsquerienneseraplusjamaiscommeavant.J’ensuislapremièredésolée,mêmesicen’estpasdemafaute.N’importequelleautrefemmeseseraitenfuieàtoutesjambesendécouvrantsesactivités.Celan’apas

étémoncas.J’aisimplementprisactedufaitqu’iln’yavaitaucunavenirpournousetcommencémonsevragedelui.Etjedoisavouerqueretrouverunpeudecalmeetdesérénitén’estpaspourmedéplaire.L’aspecttumultueuxdenotrerelationétaitàproprementparlerexténuant.Bref, j’aieuun textodeFred,en toutdébutdematinée,quimedemandaitde les rejoindreversdix

heures.JedoisparticiperauxchœursdelarepriseimposéepourNahel,àsavoirunechansondeCharliePuth«wedon’ttalkanymore».Jetrouvequ’elleesttrèsjolie,mêmesimonmarilaqualifiededaube.Detoutefaçon,c’étaitsûrqu’iln’aimeraitpas.Tropmièvre,tropsirupeuxàsongoût.N’importequoi!Quelmalya-t-ilàécouterunpeudeguimauvedanscemondedebrutes?Aucunetj’aiadorépréparercemorceau.C’estValquim’aenvoyélesparolesaveclespassagessurlesquelsjedevaisintervenir,àmongrand

étonnement. En effet, il n’a jamais répondu àmes textos etDieu sait que je lui en ai écrit un paquet.D’ailleurs,j’aibienl’intentiondeluidiredeuxmotsàcesujet,lorsquejelecroiserai.Lespotesnesecomportent jamaisainsi !Maisest-il réellementmonami?Rienn’estmoinssûr,dans lamesureoù ilparticipe également à ce business malsain. En tout cas, je suis soulagée que lui et Nahel se soientréconciliés,parcequeçamemanquaitdenepasavoirdesesnouvelles.Cecidit,nousnenoussommesplusjamaisrevus,puisquejenevaisplusaurestaurantuniversitaireetquejen’accompagnejamaismonmecauclub.Ahnon!Toutescesconneriessontderrièremoi.Je consulte rapidement mamontre et constate que j’ai quelques minutes de retard. Çame fait tout

bizarre,parcequej’ail’impressionquepourlapremièrefois,j’aidutempsdevantmoi.Jem’explique.Depuisquej’aiintégrélaformation,entrelescours,leboulotetlestage,jesuissanscesseentraindecourir.Or,là,jen’aiaucunimpératifavantledîner.Iln’yapasàdire,maisavoirunweek-endlibrefaitunbienfou.Enfind’après-midi,jerejoindraiJo

pour manger avec lui, parce qu’il avait un empêchement de dernière minute, hier, et a été obligé dereporteràaujourd’hui.Quantàlamesse,jem’ysuisrenduehiersoiretj’enaiappréciéchaqueminute.Merecueillirm’apermisd’avoirassezdedistancepourcomprendre–mêmesijelesavaisdéjà–,quej’aipris labonnedécisionenm’éloignantde toutcebazar.Pour lecoup, jemesenscalme,enaccordavecmoi-même,etc’estunsentimentquejen’aipaséprouvédepuisfortlongtemps,maisquimedonnel’impressiond’êtrepluslégère.En parlant de zenitude, quand j’arrive sur le palier, j’entends des cris de rage et des hurlements

stridents.Ehbien,çacommencefort.Ilssontenforme!Aveccuriosité,j’ouvrelaportequimèneauxlocauxdelasectiondemusicologie.Normalement,les

bâtimentssontfermésledimanche.Maispourlesétudiantsdececursus,c’estparticulier.Ilsbénéficientd’unbadgeetd’unedérogationquileurpermetd’yaccéder,selonunplanningbienprécis.Toutefois,ilsnepeuventserendrequ’àl’étageoùsetrouventlessallesderépétitionetlesstudiosd’enregistrement.Nahelm’aprêtésacartemagnétiqueavantdepartirpourleclub,hiersoir.Enfin, il l’alaisséedans

l’entrée,carjen’aimêmepaslevélatêtequandilaquittél’appartement.Ilseposedesquestionset,àsaplace, je me demanderais aussi ce qui se passe. Il n’en reste pas moins qu’il ne semble pasparticulièrement inquiet, sans doute parce que nous couchons régulièrement ensemble et que tout vaformidablementbienàceniveau-là.Lorsquej’ouvrelaporte,unescènedignedel’apocalypsesedérouledevantmesyeuxmédusés.Alors

là…Face àmoi, dans la petite pièce qui jouxte le studio, Nahel et Vince sont en train de se bidonner,

pendantqueFredtentedésespérémentdeséparerlesdeuxfuriesquis’étripentallègrement.Sophievientd’ailleursd’attraperl’autrefilleparlescheveux,provoquantlesbraillementsdecelle-ci.—Bordel,maisaidez-moi,touslesdeux,s’exclameFred,aulieudevousmarrercommedesglands!Cette remarque ne les fait pas bouger d’un pouce. Au contraire, ils semblent saisis d’un regain

d’hilarité.—Turigoles?rétorqueVinceentredeuxhoquets.C’estsuperbandantcommespectacle.Ilnemanqueplusqu’ellessedéshabillentetqu’onlesfoutedansdelabouepourquelecombatsoitparfait.Putain,jesensquejevaisavoirlatriquepourlestroisprochainessemaines!—Connard!Tumelepaieras!Nouvel éclat de rire, tandis que Sophie pousse un cri à faire dresser tous les cheveux surma tête.

L’autrevientdelamordresauvagementaubras.Parréflexe,monamieluiassèneunegifleretentissante,sibienqu’elles’effondresurlesol.Fredenprofitepourseplacerentrelesdeux,maintenantSoderrièrelui.Lananaseredresse,essuyantrageusementlesangquidégoulinedesonnez.Waouh,macopinenel’apasratée!Saisissantsonsacetsaveste,lafilleseruesurlasortie.—Eh,oùtufiles?questionneVince,soudaincalmé.Onn’apasencorecommencéàbosser!—Parcequetucroisquejevaismecasserleculpourvous,ducon?Vousêtestousplustimbréslesunsquelesautres,alorsallezvousfairefoutre,ceserasansmoi!Ellemebousculeenpartantetsedirigeencourantversl’escalier.Jelasuisduregard,necomprenant

pascequivientdesepasser.Elledevaitchanterpoureux?Premièrenouvelle!Etcommed’habitude,jen’aiétéinforméederien.Furieux,FredpivoteversSophie,quipresseunmouchoirenpapiersursonbras.Mince,cettefollel’a

morduejusqu’ausang.Bandedesauvages!—T’escontentede toi?Hein?Jefaisquoi,moi,maintenant?Lesmorceauxdoiventêtreremisdansmoinsdetroisjours.Jen’aipasletempsdetrouveruneautrechanteuse.Putain,So,Lanaavaitpréparéletitredepuisdessemaines!— Jem’en fiche, protestemon amie pour la forme.Elle n’arrêtait pas de t’allumer sousmon nez, dem’expliqueràquelpointelleavaitaiméquetulabaises.Tucroisquecen’étaitpasdeprovoc,ça?—Jet’avaisprévenue,jet’avaisditquec’étaituneexetqu’elleétaitdugenrecollant.Mais,bonsang,elleaunesuperbellevoixetj’avaisbesoind’elle.Etmaintenant,grâceàtoietàtesconneries,jesuisdansunemerdenoire!Tusaisquoi?J’enaimarre!Je voismon amie blêmir à cesmots.Elle adoreFred, elle estmême raide dingue de lui.Or, qu’il

puisseenavoirassezd’elledoitluiparaîtreinsupportable.—Quoi?murmure-t-elled’unevoixblanche.—Tuasfoutuunbordelincroyableavectajalousieàlacon!Tiens,jeconnaiscesmots,ilmesemblelesavoirdéjàentendus.

—Maintenant,trouveuneputaindesolutionetvitefait,pourréparerlesdégâts,sinonjetejurequejenet’adresseraiplusjamaislaparole!Fred, qui est quandmême le genre de mec super cool, écume littéralement de rage. Ses prunelles

lancentdeséclairsetsesjouessontrougesombre.Wow,jenel’aijamaisvuainsi.D’ailleurs,toutetraced’amusementaquittélevisagedesesamisquil’observentavecstupeur,cequiprouvequ’ilnedoitpastrèssouventsemettredanscetétat.Mêmemoi,jesuischoquée.MaispastantqueSophie,dontlesyeuxsontbrillantsdelarmes.—Maiscomment…—J’enairienàsecouer,tutedémerdes!Tusaiscombiencetteécoleestimportantepourmoi.Çafaittroisansquejerêved’yentreret,toi,tufoustoutenl’airjusteparcequetunesupportespasqu’uneautrenanam’approche.C’estminable!—Elleavaitposésamainsurtabite!sejustifiemonamie.—Etjem’apprêtaisàl’écarterenluiexpliquantquejen’étaispasintéressé.Tupensesquej’aibesoindetoipourmedéfendre?—Jusqu’àprésent,tun’asjamaisrefuséunboncoup!J’avaisdesraisonsdem’inquiéter.Àcesmots,Fredpâlitetreculed’unmouvementbrusque.

—Alors,malgrétoutcequejet’aidit,malgrécequenousvivonsdepuisqu’onestensemble, tucroistoujoursquejesuiscapabledesautersurlepremierculvenu,justepourmeviderlescouilles?Ilestparticulièrementgrossier,maisjepensequec’estvolontaire.Ilveutlachoquer,luifaireprendre

consciencedel’ineptiedesaréaction.Etfranchement,àlaplacedeFred,jeleprendraismalaussi.Tout,danssonattitude,danssesregards,danssesgestes,transpirel’amourinconditionnelqu’ilporteàSophie.Ellenepeutpasdouteruninstantdelui.Seulement,toutcommeNahel,iltraînetellementdecasserolesderrièrelui,qu’elleabeaucoupdedifficultésàluifaireconfiance,cequejepeuxcomprendreaisément,puisquejemesuisretrouvéeplusd’unefoisdanscettesituation.—Fred…essaied’intervenirVince,aprèss’êtreavancéd’unpas.—Ohtoi,l’interrompt-ilaussitôt,netemêlepasdemesaffaires.Avectamaniedevouloirtoujoursjoueraubonsamaritain,t’esquandmêmetoutseuldanstonfroc!Sonamiserenfrogneetreprendsaplaceinitiale.J’observeNahelaveccuriosité,pourvoirs’ilcompte

s’interposer,maisilnebougepas.Moinonplus.Pourtant,j’auraisaiméprotester,parcequesadernièreremarque était particulièrement injuste enversVince. Si je fais abstraction de son implication dans letrafic,c’estunmecvraimentbien.

Sopleureàprésentàchaudeslarmeset,quandFredquittelapièced’unpasfurieux,elleseprécipitedansmesbras.Non,mais,quelpsychodrame!Pourundimanchematin,c’estfranchementrude.—Qu’est-cequejevaisfairemaintenant?medemande-t-elleenlevantsonvisagetrempéversmoi.Ilm’enveutàmort,jenepeuxpaslesupporter!—Net’inquiètepas,monchou,ontrouveraunesolution,tenté-jedelarassurer.—Jenevoispascomment,murmureVincequiestàcôtédemoi,àprésent.—Je ne comprendspas, explique-moi, le prié-je en lui jetant un regard triste, pendant quemon amiesangloteàgrandrenfortdecrissurmonépaule.—Sodevaitparticiperàcettechanson,maisc’étaitLanaquiétaitlavoixprincipale.Etc’estvraiquecettecrucheàuntimbred’enfer.—Danscecas,pourquoinepasproposeràSophied’interprétercetitre?—Impossible,intervientmonmarienvenantversnousàsontour.Missgrossecolèrenechantepasassezbien.—Nahel!jelereprends,furieusequ’ilsemontreaussibrutaldanssesremarques.—Benquoi?C’estlavéritéetSophielesait.Ellepeutéventuellementfaireleschœurs,maisellen’estpasassezexpérimentéepourlereste.Detoutefaçon,mêmesic’étaitlecas,ilyauraitunproblème.—Lequel?—Ilnepeutpasyavoirdeuxfoislamêmevoixsurlesdifférentsmorceaux.—Commentça?—Letrucquevousnesemblezpasintégrer,vous,lesmeufs,c’estqu’ilnes’agitpasd’unpetitconcoursd’entrée tout simple,expliqueVince,avantde se rendrecomptedesamaladresse.Désolé,Mad, jenedisais pas ça pour toi. Mais enfin, on leur demande de relever un véritable challenge. Ils doiventproposer une composition personnelle. La plupart du temps, ce n’est pas le problème, parce que lesaspirants DJ ont tous plus ou moins préparé de quoi faire. Là où ça se corse, c’est qu’ils doiventégalement améliorer un titre qui n’est pas terrible, en général. Cela signifie qu’ils reprennent chaqueinstrument,àpartirdelapartitiondonnée,maisaussitrouventlavoixlaplusapprochante.Engros,ilsontpourobligationdelerendregénial,sansleremaniercomplètement.—C’estsurcelle-làquejechante?—Ouaip!Ensuite,c’estpastout,ilsdoiventréactualiserunmorceauplusancienetenfaireuntrucaugoûtdujour.Enfin,ilsdoiventinterpréteruntube,sel’approprieretproposerunclipvidéo.Etpourfinir,parce que sinon ce ne serait pas drôle, ils doivent reprendre un duo et faire en sorte que les voixs’harmonisent.—Ettoi?Surquoias-tutravaillé?demandé-jeàNahel,franchementintéresséeparlaquestion.Bonsang,jenecomprendspaspourquoiilnem’ajamaisexpliquéça.C’estpourtantundomainequile

passionneetqu’ilauraitfacilementpupartageravecmoi.Maisavecsamaniedecultiverlesecret,voilàlerésultat:j’apprendsparVince,cesurquoiilsplanchentdepuisdesjours.Alors,évidemment,ilm’enavaguementtouchéunmot,ilyaplusieurssemainesdecela,maisdepuis,plusrien,silenceradio.—La composition est une ballade que j’ai écrite après les événements que tu sais. C’estmoi qui lachante.Après,pourlemorceaubateau,c’estCharliePuth,maisjetel’aidéjàdit.Puis,j’aidûtravaillersurBreathedeSeebetc’estFredquil’ainterprété.Lerésultatmeplaîtbeaucoup,doncj’aibonespoir.Pourletube,c’estMagnificientdeU2,maisça,tueségalementaucourant.—Etpourleduo?Jesuissincèrementcurieuse,etjemedemandeàquiilafaitappelpour…

—Saluttoutlemonde!Unevoixenjouéerésonnederrièremoi,etjepivoteverslaporte,unsourirelumineuxauxlèvres.Val,

quejen’aipascroisédepuisdeslustres,vientd’enfranchirleseuil.Oh,commejesuiscontentedelerencontrerici!—Salutl’ami,jemurmure,tandisqueSoserecroquevillecontremoi,pourqu’ilnepuissepaslavoirpleurer.—Qu’est-cequi sepasseencore?demande-t-il, aprèsavoir fait le checkàNaheletVince.Tuasdenouveaufaitdestiennes,madMadie?J’aientendudescrisjusquedehors!Étrangement,Valnes’approchepasdemoipourm’embrasser,luiquiesttoujourssitactile,etjesens

uneréserveprudentedanssonattitude.PasbesoindesortirdeSaint-Cyrpourcomprendrequ’ilaeudesinstructionsencesens.Etpour toutdire,çamenavreunpeu,parcequ’ilenlèvetoute laspontanéitéànotrerelation.Maisbon,l’essentielestqu’ilssesoienttousréconciliés.—AlorscalamityMad,qu’est-cequetuasencorefait?T’aspiquéunecrisedejalousieettuasépilélagueuleàLana?s’enquiert-il.Agacée,jeluijetteunregardtorve,avantderépondresuruntonfaussementdoucereux.

—Cettefois,cen’étaitpasmoi.Jetejurequejen’ysuispourrien!—Benc’estquialors?—C’estSophiequiapétéunedurite,intervientVince.Lanas’intéressaitdetropprèsàsonfrangin!Jefaissemblantdevomirenentendantcesmots.

—Beurk,maisc’estdégueucequeturacontes,grosnaze!lancé-je,l’airdégoûté.Ilsn’ontaucunliendeparenté!—Ah,mafolle,toujoursentraindedéfendretacopine,hein?So redresse la tête,passe sonbrasautourdemesépaulesetpointe sonmajeurdans ladirectiondu

rouquinquisebidonneànosdépends.—Laissetomber,Mad,murmure-t-elleens’essuyantlesyeux.Ilestjaloux,parcequ’iln’ajamaisréussiànoussauter,ni l’uneni l’autre.À l’heurequ’ilest, sesvieillescouilles toutes ratatinéesdoiventêtrebleues!J’éclated’unriresonore,puisreporteànouveaumonattentionsurNahel.

—Vousn’avezpasréponduàmaquestion.Quiinterprèteleduoavectoi?—C’estmoi.Jemefigeenreconnaissantimmédiatementcettevoix.CettegarcedeStéphaniesetientsurlepasdela

porteetmefixeavecunemorguequimedonneenviedeluicollerdesgifles.Lorsque je faisànouveaufaceàNaheletVince, jevoisqueni l’unni l’autren’osemeregarderen

face.Bandede lâches ! L’étreinte demon amie se raffermit autour demes épaules, tandis que l’autreconnasseentredanslapiècecommeJulesCésarenGaule,c’est-à-direenterritoireconquis.Alors, incapable de conserver un tant soit peu de calme, je récupèremon sac etme dirige vers la

sortie,labousculantvolontairementaupassage,toutcommeLanal’afaitavecmoi.Maisavantquej’aiepuposerlepremierpiedsurlamarchedel’escalier,unepoignedeferenserre

monbraspourmetirerenarrièreetmepousserversunendroitquiressemblefortàunbureau.

10Àpeinelaporterefermée,Nahelpointesurmoiunregardaccusateur.

—C’estquoitonproblème?s’énerve-t-il.—Commentça,c’estquoimonproblème?Tutefousdemoi!C’estcettepouffiassemonproblèmeetiln’estpasquestionquejeresteuninstantdeplusdanslamêmepiècequ’elle.Bonsang,Nahel,commentpeux-tuêtreaussizenaprèscequ’ellenousafait?J’écumelittéralementderageetdepeur.Danslamesureoùelleavaitdisparudelacirculation,jen’ai

jamaispuluidiremafaçondepenser,sibienquej’aiaccumuléunpaquetdefrustration.Parailleurs,jesaisqu’elleenatoujoursaprèsNaheletqu’elleestprêteàtoutpourlerécupérer.Etça,non.Vousdevezmeprendrepourunegirouetteinconstante.Unjour,jeveuxlequitteret, lelendemain,je

piqueunecrisequandunede sesexapparaît.Mais la situationn’estpasaussi simple.Le faitd’avoirdécidédenepascontinuernotrehistoirenesignifieabsolumentpasquejenel’aimeplus.Toutcommesamaniedesedroguern’enlèverienàsonamourpourmoi,jelesaispertinemment.Seulement, s’il y a une chose que j’exècre plus encore que lemensonge, c’est la trahison. Et avec

Steph, j’ai eu droit auxdeux. Jamais elle ne s’estmontrée honnête enversmoi. Si, dès le départ, ellem’avaitracontéqu’elleenavaitaprèsNahel,jenel’auraismêmepasapproché.Punaise,c’étaittellementplussimple,vousnecroyezpas?—Écoute,Madie,elles’estexpliquée,elles’estexcusée,etnousavonsdécidédeluilaisserunechance.Stephaadmisavoircommisuneerreur,maisellen’avaitpasmesuré laportéedesesactes.C’estbonmaintenant,ellevapasseràautrechose,alorsfaisdemême.—Comment?C’estsifacilepourvous?—Tout comme ça l’est pour toi, s’agace-t-il soudain. Putain demerde, tu as accueilliVal comme lemessie,alorsqu’ilétaittoutaussiresponsablequ’elle.Àtonavis,jedoisréagircomment?—Ellel’amanipulé,tenté-jedeprotester.—Tun’aspasagidelamêmemanière,quandtul’asembrasséàl’hôpital?Mesjouesprennentfeuinstantanément.Mince,maiscommentest-ilaucourant?C’estpasvrai!

—Qu’est-cequeturadotes?C’estn’importequoi…—Nemenspas,Madie.C’estVincequimel’araconté.Ilvousavus.Tuesrougecommeunetomate,alorspasdeçaavecmoi.—Jeneluiaipasroulédepelle!m’écrié-jeendésespoirdecause.—Jen’aijamaisrienprétendudetel,j’aisimplementditquetul’avaisembrassé.Messourcilssefroncent,parcequej’aibeaucoupdemalàconcevoirqu’ilpuisseresteraussicalme,

alorsqu’ilestaucourant.—Pourquoiest-cequeçanetemetpasenrage,commed’habitude?—Parceque,contrairementàtoi,jenesuispasunfaux-cul.—Pardon?hoqueté-jeavecindignation.—Jesaisparfaitementquetuasagiainsipourmoi.Etsanstonintervention,Valauraitportéplainte,ilmel’aconfirmédernièrement.—Jen’enrevienspasqueVinceaitputeraconterça!Quelfoutudébileetcafteurenprime!—C’estmonami,Madie.Situveuxtoutelavérité,lejourdelabagarre,j’étaisfurieuxaprèstoi,cartu

avaismontré le certificat demariage aux flics. Sur le balcon à notre retour,Vincem’a fait remarquerqu’aulieudetecritiquer,jedevraisplutôtteremercier,parcequetuavaisdonnédetapersonnepourqueValneportepasplainte.Commej’aimenacédeluicolleruneraclée,ilaétéobligédetoutdéballer.Fredétaitd’accordaveclui,pensantquetuavaisagipourmesortirdupétrin.J’aifiniparmecalmer,maisc’estpourçaquej’étaisenpétard,cesoir-là.Oh,jecomprendsmieux!

—Toutçapourt’expliquerquetun’espasuneblanchecolombeetqueStephn’estpaslagarcequetuimagines.—Situledis…Mon regard sceptique doit l’énerver plus encore, parce qu’il s’approche et m’attrape par l’épaule

d’unepoigneferme.—Écoute,situdoisfairelesmêmeshistoiresqueSophieavectajalousiemaladive,alorsilvautmieuxquetupartestoutdesuite.Quoi?Bonsang,quelcon,cemec!

—Sijecomprendsbien,tumechassesetellepeutrester.Bravo,celaprouveàquelpointtutiensàmoi!Cetteremarque,prononcéed’unevoixaigre,semblelepousseràbout,carsoudain,ilmelâchepourse

dirigerverslaporte.—Tusaisquoi,Mad?Tumefaisvraimenttropchier!Ettoi,tun’imaginespasàquelpointtumegonfles!Alorsqu’ilouvrelebattantpourquitterlapièce,Valentreet,sansmejeterunregard,s’écrie.

—Nahel,c’estlamerde!Jen’aipasfaitgaffetoutdesuite,maisLanadevaitfaireleduoCharliePuthavecmoi!Onfaitcommentmaintenant?—Ahnon,shit!Cettejournéeestunputaindedésastre!s’exclamemonmariavecagacement.—Vouspourriezremettreçaàunautrejour,proposé-je,aprèsm’êtrerapprochée.Ma voix a retrouvé son calme. Quelques secondesm’ont permis de réfléchir à cette dispute, pour

réaliserqu’iln’avaitpascomplètementtort.Sijeveuxêtrerancunière,jedoisl’êtreenversSteph,maisaussivis-à-visdeVal.Jenepeuxpasm’enprendreuniquementàelle,sousprétextequ’ellemefaitpeur.Enfin,jenesuispaseffrayée,maissonespritfourbenemeditrienquivailleetjecrainscequipourraitarriverparsafaute.Deplus,avecsonairasiatique,elleesttrèsbelle.Tropbelle.Monantithèseparfaite,avecsescheveux

sinoirsqu’ilsontdesrefletsbleusetsesyeuxdesirène.Maisdanslefond,monmecaraison,jesuisinjuste.Maintenant,danslamesureoùjenesuispasobligéedel’aimer,jepeuxtoutsimplementl’ignorer.Etc’estcequejevaism’employeràfairedanslesheuresàvenir,histoiredeluimontrerquej’aigrandi.— Impossible, répond Val. Le studio ne sera plus disponible avant la fin de la semaine et lesenregistrementsdoiventêtretéléchargés,surlaplateformedel’école,mercrediauplustard.—Danscecas,que…—Mad,tuchanterasavecmoi,décidemonamiensetournantdansmadirection.—Quoi?Non!Mauvaiseidée.LesprotestationsdeNahelmeblessent.Jemedébrouillebien,pourquoimemet-ildecôté,alorsqueje

pourraisparfaitementl’aider?—Ben,situtrouvesunemeilleuresolution,jet’écoute.Bordel,mec,Lananereviendrapas.J’aivulavidéodeMadieauCountryClub,elleétaitexcellente.Etenplus,pourfaireleschœurs,elleapréparélachanson.Personnen’estmieuxplacéqu’elle!Monmarisetourneversmoietmedévisage,avantderépondre.

—Pasquestion!Jepeuxpasbosseretlasurveillerenmêmetemps.

—Mais…—Val,jeluidonneunquartd’heurepoursauteràlagorgedeSteph!—Biensûrquenon!Hein,Mad,quetutetiendrasbien?Dépasséeparcetteconversationquimesaoule,jehochelatêteensigned’assentiment.Mêmesimon

mecn’apas tortdanssespropos, l’impression tenacequ’ilprend ladéfensedecettegrognassecontremoiestentraindemetordrel’estomac.Letruc,c’estquemêmesij’arriveàcomprendresonpointdevue,ilrefusedesemettreuninstantàma

place.Alors,oui, jepeuxbienignorercettegarce,maisiln’enrestepasmoinsquel’attitudedeNahelm’aprofondémentblessée.Àl’entendre,nonseulementjesuisunejalousemaladivementhystérique,maisenplus,jeneluisuisd’aucuneutilité.Pourquoilefaitqu’ilnem’aitpasdemandémonaide,autrementquepourjouerlessecondsrôlesdans

seschansons,metouche-t-ilautant?Jenevoulaispasqu’ilfassedemoisastar,làn’estpasl’idée.Maisjesaisquej’auraispuchanterpourlui,etj’auraisadorélefaire.Celam’auraitdonnél’impressionfortagréable dem’intégrer dans sonmonde, dans sa passion, dont il m’a toujours plus oumoins tenue àl’écart.Ignorantlabouled’amertumequimevrillel’estomac,j’acquiesceetréponds.

—C’estbon,jenel’agresseraipas.Promis.Monmari arque un sourcil ironique, pour démontrer qu’il doute sincèrement de la véracité demes

propos.—Nahel,tudevienscarrémentinsultant,là…grogné-jeenpassantdevanteuxpourregagnerlasortie.C’estalorsqueSophiesurgitdevantmoi,l’œilbrillantd’excitation.

—Ilfautquejeteparle,toutdesuite!Puis,avisantlesdeuxmecspostésderrièremoi,monamieajoute.

—Enprivé!Sansmelaisserletempsdeprotester,ellem’entraîneverslestoilettes,sousleregardperplexedeVal

etNahel.Puis,elle ferme laporteets’yadossepourquepersonnenepuisseentrer.L’endroitestgris,saleetpuant.—Alors,qu’est-cequ’ilya?demandé-je,lesbrascroiséssurmapoitrine,presséedesortird’ici.—Ilfautquetumerendesungrandservice,unimmenseservice.Jesecouelatête,perplexe.

—Lequel?—Accepterais-tu,pourmoi,dechanterlachansonqueFreddoitprésenter?—CellequiétaitprévuepourLana?Jenesaispassic’estunebonneidée…D’ailleurs,dequeltitres’agit-il?—Sorryseemstobethehardestword.Valestd’accordpourtecoacher,letempsquetulaprépares.Tuconnais?—Ouais,çava!Jenesuispascomplètementinculte,nonplus.Ilfaudraquejeluiexpliqueunjourque,mêmedanslefinfonddesVosges,onal’électricitéetl’eau,

ainsique–ômiraclesuprême–laradioetlatélévision.Non,maisjevousjure,ilsmeprennentvraimenttouspourl’arriéréedeservice!—Fredveutcréeruneversiontrèssoft,unpeujazzy,et jesuissûrequetuferasuncarton.Tuchantestellementbien!—Rangetoutdesuitetabrosseàreluireetlavaseline,tunem’auraspasàlaflatterie!—S’ilteplaît?Samoue,dignedecelled’unegaminedecinqans,mefaitriredoucement.Ensuis-jecapable?Oui,

assurément.Est-ce jouable pourmoi de préparer une chanson en si peu de temps ? Pas sûr,mais pasimpossiblenonplus.Jeconnaisunepartiedutexte,donccen’estpascommesijedécouvraiscetitre.Laseulechosequipeutmeposerproblème,c’estlatristessedecetteballade.Eneffet,ladernièrefois

que je l’ai entendue, c’était il n’yapas si longtemps, et jeme rappelleparfaitementquecelam’avaitfoutuunbourdond’enfer.Pourtant,enmeremémorantlesparoles,jeréalisequ’ellessontparfaitespourlasituationquejevisencemoment.Àchaquedécouvertesurmonmec,alorsquej’ensuisprofondémentmalheureuse,ils’excusepourrattraperlecoup.Et,àbienypenser,ces«désolés»sontpiresquetout,parcequ’ilsnesontpassincères.—D’accord,jepeuxtoujoursessayer,pasvrai?accepté-je,sansplusréfléchir.Parcontre,jerefusequeNahelsoitaucourantetpasquestionqu’ilmeregardechanter.—Quoi?Mais…—C’estàprendreouàlaisser.Stephaussidevraavoirdégagé.Sophie semontre songeuseun instant, sort des toilettes enmedemandant de l’attendre, puis revient

quelquesminutesplustard.—Vendu.FredetVincesontd’accord.Detoutefaçon,cen’estpascommes’ilsavaientlechoix,hein?—T’as vraiment fait fort, sur ce coup ! lancé-je avec amusement, tandis que nous quittons enfin cetendroitmalodorant.—Dis,Mad,toutlemondem’accused’avoirexagéré,maistoi,tumecomprends,n’est-cepas?Jemetournepour lui fairefaceetdansunélanaffectueux, jecaressesa joueencorerougiepar tant

d’émotions.—Oui,absolument.Sansdoutebienmieuxquetunel’imagines.—Cool,souffle-t-elleenpassantsonbrassouslemien.Etignorecettepétasse,ellenepeutriencontretoi.—Puisses-tudirevrai…Sophie doit sentir le scepticisme dans ma voix, car elle resserre son étreinte et me sourit,

compatissante.Maconfianceenmoiétanttouterelative,jenepeuxm’empêcherdemeraidirenentrantdanslapièce.Commesic’étaitfaitexprès,etsansdouteest-celecas,Stephestentraindesecolleràmonmec,en

examinantavecluilesparolesdelachansonqu’ilsdoiventinterpréterensemble.Rienquecetteidéemehérisse lepoil.Quandellemedéfiedu regardetpose sa tête sur sonépaule, je suisàdeuxdoigtsdedérailler.Maisenvoyantunesatisfaction intensesepeindresursonvisage, lorsqu’ellese rendcomptedema

fureur, je réalisequec’estexactementcequ’elleattend.Ainsi, jepasseraipour la follehystériqueauxyeuxdetoutlemonde,etcettesalopeserajusteunepauvrevictime.SionconsidèrelaréactiondeNahel,toutàl’heure,nuldoutequ’ellearriveraitsansproblèmeàses

fins.Or,iln’estpasquestionquejeluidonnel’opportunitédepouvoirm’écraser,commesij’étaisunemoucheàmerde.Auprixd’uneffortterriblesurmoi-même,jeparviensàmedomineretàmetournerversVal,quiesten

traindediscuteravecSophie.—Alors,commeça,ellearéussiàteconvaincre?s’enquiert-ilavecunsourirebienveillant.—Pourquoiest-cequeçat’étonne?—Çafaitplusquem’étonner,çametrouelittéralementlecul!Nahelm’avaitcertifiéquetunevoulaispasenentendreparleràcausedetonconcours.Benvoyons!Onn’estplusàunbobardprès,pasvraimonsieurElKhouri?Toutefois, jemegardebiende livrer le fonddemapensée.Après tout, pourquoi devrais-je être si

surprise?Iln’afaitqueçadepuisquenousnousconnaissons:mentirencoreetencore.Agacée,jem’obligeàécoutermoninterlocuteurm’informerqu’ilestenchargedemecoacher,pourla

chansondeCharliePuthd’abord,puispourcelled’EltonJohn.J’acquiesce,avantdemepencherversluipourprêterattentionauxrenseignementsqu’ilmedonne.Unquartd’heureplus tard,alorsque je suis toujoursconcentrée surma feuille,Vince tapedans les

mains.—Allez,lesenfants!Onn’apastoutelajournée,ilfaudraitqu’oncommence.ValetMad,c’estOKpourvous?J’opineettournelatêteversNahel.MêmesiStephestencoreàcôtédelui,iln’yfaitplusattention.De

touteévidence, ilsemblecontrarié,carsoncoupd’œil torven’augureriendebon.Ilmefautquelquessecondessupplémentairespourréaliserquemaproximitéavecsonamiestàl’originedeceténervement,inexplicabledeprimeabord.Jememordslajouepourcacherlesourirequimevientspontanémentauxlèvres.Ah,ilavoulujouer

aucon?Ehbien,sansmêmelefaireexprès,jemesuismontréeencoreplusdouéequeluiàcejeu.Bienfaitpourtapoire!AvecVal,nousnousdirigeonsverslestudio.Dèsquej’entredanslapetitepiècetoutdenoirtapissée,

jemesenscoupéedurestedumonde.Jecomprendsquecelle-ciestinsonoriséeetécouteattentivementlesexplicationsdemonpartenaire.Puis,ilmeposelecasquesurlesoreillespourquejepuisseentendrelamusique.Nouseffectuonsune

répétition,avantqu’ilnedécidedetenterlecoup.Afindenepasmedéconcentrer,jeneregardeaucunedespersonnesquisetrouventdel’autrecôté,maisparfaitementvisiblesàtraverslavitre.Vincenousfaitunsignedelamainpourindiquerquenoussommessurlepointdecommencer.Soudain,lamusiquerésonnedansmesoreillesetj’oublietoutlereste.Valsemetàchanterdesavoix

hautperchée,maistellementbienplacée.

Wedon’ttalkanymoreNousneparlonsplusWedon’ttalkanymoreNousneparlonsplusWedon’ttalkanymoreNousneparlonsplusLikeweusedtodoCommenousavionsl’habitudedelefaireWedon’tloveanymoreNousn’aimonsplusWhatwasallofitfor?Àquoibontoutça?Oh,wedon’ttalkanymoreOh,nousneparlonsplusLikeweusedtodo…Commenousavionsl’habitudedelefaireSeigneur,maisqu’est-cequ’ilchantebien!Pourunpeu,j’endévelopperaisuncomplexed’infériorité

d’enfer.Toutcequejedois,désormais,pournepasluifairehonte,c’estêtrebrillante.Surlesrefrains,Sofaitleschœurset,franchement,lerésultatestgénial.

Ijustheardyoufoundtheoneyou’vebeenlookingJ’aientendudirequetuavaistrouvéYou’vebeenlookingforTrouvéceluiquetucherchaisIwishIwouldhaveknownthatwasn’tmeJ’auraistantaimésavoirquecen’étaitpasmoiCauseevenafterallthistimeIstillwonderParceque,mêmeaprèstoutcetemps,jemedemandeencoreWhyIcan’tmoveonPourquoijen’arrivepasàallerdel’avantJustthewayyoudidsoeasilyDelamanièredonttuyesarrivéesifacilementDon’twannaknowJeneveuxpassavoirWhatkindofdressyou’rewearingtonightQueltypederobetuportescesoirIfhe’sholdingontoyousotightS’ilteserresifortcontreluiThewayIdidbeforeCommejelefaisaisavantIover-dosedJ’aifaituneoverdoseShould’veknownyourlovewasagameJ’auraisdûsavoirquetonamourétaitunjeuNowIcan’tgetyououtofmybrainÀprésent,jen’arriveplusàtesortirdematêteOh,it’ssuchashameOh,queldommageThatwedon’ttalkanymoreQuenousnenousparlonsplusWedon’ttalkanymoreNousnenousparlonsplusWedon’ttalkanymoreNousnenousparlonsplusLikeweusedtodoCommenousavionsl’habitudedelefaireWedon’tloveanymoreNousn’aimonsplusWhatwasallofitfor?Àquoibontoutça?Oh,wedon’ttalkanymoreNousnenousparlonsplusLikeweusedtodo…Commenousavionsl’habitudedelefaire

C’estmaintenantàmoi.Sansplusréfléchir,jemelance.Jenesuispeut-êtrepasSelenaGomez,maisje

chantebienetj’aiunefurieuseenviededonnerdesregretsàcertains.

Ijusthopeyou’relyingnexttosomebodyJ’espèrejustequetut’allongerasàcôtédequelqu’unWhoknowshowtoloveyoulikemeQuisaurat’aimercommejel’aifaitTheremustbeagoodreasonthatyou’regoneIldoityavoirunebonneraisonàtondépartEverynowandthenIthinkyouDetempsentemps,jepensequetuMightwantmetocomeshowupatyourdoorPourraisvouloirmevoirdébarqueràtaporteButI’mjusttooafraidthatI’llbewrongMaisj’aibientroppeurd’avoirtortDon’twannaknowJeneveuxpassavoirIfyou’relookingintohereyesSitularegardesdanslesyeuxIfshe’sholdingontoyousotightthewayIdidbeforeSielleteserrefortcommejelefaisaisautrefoisIover-dosedJ’aifaituneoverdoseShould’veknownyourlovewasagameJ’auraisdûsavoirquetonamourétaitunjeuNowIcan’tgetyououtofmybrainÀprésent,jen’arriveplusàtesortirdematêteOh,it’ssuchashameOh,queldommageSincèrement, quandnous chantons ensemble, c’est juste parfait. Je suis ravie et un souriremevient

spontanémentauxlèvres,tandisquejepoursuisavecunplaisirdeplusenplusvif.

Thatwedon’ttalkanymoreQuenousnenousparlonsplusWedon’ttalkanymoreNousnenousparlonsplusWedon’ttalkanymoreNousnenousparlonsplusLikeweusedtodoCommenousavionsl’habitudedelefaireWedon’tloveanymoreNousn’aimonsplusWhatwasallofitforÀquoibontoutça?Oh,wedon’ttalkanymoreNousnenousparlonsplusLikeweusedtodo…Commenousavionsl’habitudedelefaireLikeweusedtodo…

Commenousavionsl’habitudedelefaireDon’twannaknowJeneveuxpassavoirWhatkindofdressyou’rewearingtonightQueltypederobetuportescesoirIfhe’sholdingontoyousotightNis’ilteserrefortcontreluiThewayIdidbeforeCommejelefaisaisautrefoisIover-dosedJ’aifaituneoverdoseShould’veknownyourlovewasagameJ’auraisdûsavoirquetonamourétaitunjeuNowIcan’tgetyououtofmybrainÀprésent,jen’arriveplusàtesortirdematêteOh,it’ssuchashameOh,queldommageThatwedon’ttalkanymoreQuenousnenousparlonsplusWedon’ttalkanymoreNousnenousparlonsplusWedon’ttalkanymoreNousnenousparlonsplusLikeweusedtodoCommenousavionsl’habitudedelefaireWedon’tloveanymoreNousn’aimonsplusWhatwasallofitfor?Àquoibontoutça?Oh,wedon’ttalkanymoreNousnenousparlonsplusLikeweusedtodo…Commenousavionsl’habitudedelefaire

Don’twannaknowJeneveuxpassavoirWhatkindofdressyou’rewearingtonightQueltypederobetuportescesoirIfhe’sholdingontoyousotightNis’ilteserrefortcontreluiThewayIdidbeforeCommejelefaisaisautrefoisIover-dosedJ’aifaituneoverdoseShould’veknownyourlovewasagameJ’auraisdûsavoirquetonamourétaitunjeuNowIcan’tgetyououtofmybrainÀprésent,jen’arriveplusàtesortirdematêteOh,it’ssuchashameOh,queldommageThatwedon'ttalkanymore

QuenousnenousparlonsplusLorsque ladernièrenotese termine, je retiremoncasqueet jetteuneœilladeanxieuseàVal,quise

trouveàmagauche, tandisqueSoestàmadroite.Sonsourireradieuxm’indiquemieuxquen’importequeldiscoursquejenemesuispasplantéeetj’enconçoisunréelsoulagement.Yeah!J’aiassuréet,àcetinstantprécis,riennepouvaitmefaireplusplaisir.L’underrièrel’autre,nousquittonslestudio.Monamim’expliqueque,selonlecas,ilfaudraeffectuer

plusieurs prises avec lesquelles ils se débrouilleront. En clair, ils feront un montage des meilleursinstants.Sicelanemeposeaucunproblème,jen’oubliepasmapromesseàSo.Ilvaudraitmieuxquecelane

durepas trop longtemps,parceque j’aiencoreunechansonbeaucouppluscompliquéeàprépareretàinterpréteravantcesoir.— Alors là, mes enfants ! s’exclame Vince en gesticulant dans tous les sens. C’était du grand art !Parfaitementparfait!—Quoi?jem’enquiers,brusquementintéressée.—C’étaitexcellent,mafolle,m’explique-t-ilenriant.Jet’assure!D’ailleurstellementbonqueNaheladécidéqu’iln’yavaitpasbesoind’uneautreprise.Ons’entientàcelle-là.Disdonc,mablondinette,tugèressurtoutelaligne!T’essûrequetuveuxresteraveccegrosnaze?ajoute-t-il,désignantmonmari.Parcequesiunjourt’enasmarredesagueuledeminet,préviens-moi,quejememettesurlesrangs!Uneclaqueassénéeparleprincipalintéresséàl’arrièredesoncrâneaccueillecetteremarquesalace.

—Benquoi,proteste-t-ilenpivotantversNahel,c’estpasdemafautesisavoixestbandante!Deuxièmebaffe.Pourtant,leregarddemonmaribrilled’amusement.

—Déjàhier,quandjel’aifilmée,j’avaislatrique.Troisièmetape.Plusfortequelesprécédentes.J’aipresquemalpourlui.

—Quandt’enaurasmarredet’enbouffer,tufermerastagrandegueuletoutseul,grommelleNahel.Jedécidedelesinterrompre,parcequeçamefaitdelapeinepourcerouquinsisympa.

—Bien,cen’estpasquejem’ennuie,maissivousn’avezplusbesoindemoi,j’aiàfaire,murmuré-je,toutenenfilantmadoudoune.—Non,non,onn’aplusbesoindetoi.Tupeuxyaller.L’interventiondeSteph,quivientdemesignifiermoncongésanslamoindresubtilité,mehérisseune

foisdeplus.Pourtant,jel’ignore.Danslamesureoùj’aiplutôtenviedegrogneretdemontrerlescrocs,c’est un miracle que je sois restée aussi calme. M’approchant de Vince, je susurre avec une mouesensuelle.—Cefutbref,maisintense.—Oh,madMadie,mafolle,encore,c’esttropbon!rétorque-t-ilaussitôtdansungémissementvicieux.Unmotdeplusdetapartetjegicledansmoncalbut.Là, je trouvequ’ilvaunpeuloin,mêmesi jeconnaissonhumourgrivois,mais jenem’enoffusque

pas.Ilestcommeçaavectouteslesnanas,c’estjustelapremièrefoisqu’ils’amuseàcepetitjeuavecmoi.—Vince, tu esunporcde lapire espèce, j’espèreque tu le sais.Et,désolée,mais jen’aimepas lesrouquins!Surcesbonnesparolesquilesfonttouséclaterderire,jem’éclipsesansunregardversNahel.Jesuis

peut-êtrestupide,maisjeluienveuxencorepourl’histoiredeSteph.Néanmoins,jenel’avoueraijamais,pasmêmesouslatorture.Jesaisquec’estuneerreurderéagirainsi,maisc’estplusfortquemoi.Jela

déteste.C’estaussiconqueça.SophieetValm’attendentdanslecouloir,prèsdelaporte.

—Voilàmatablette,indique-t-il.J’aisélectionnéplusieursreprisesdecettechanson.Àtoidevoircellequitecorrespondlemieuxpourt’eninspirer.Ondoitencorebosserici,maisceserarapide.Soetmoiterejoindrons dans une demi-heure environ. Pour l’instant, tu peux t’installer en salle 302. Je suis allévérifier,ellen’estpasfermée.C’estauboutducorridor.J’acquiesced’unsignedetête,récupèrel’iPadetmefaufileversl’extérieur.Durant l’heure qui suit, j’écoute consciencieusement chaque morceau à plusieurs reprises, tout en

apprenantlesparoles.Laversionquiretientleplusmonattention,parcequ’ellemeparlevraiment,estcelle de Sophie Tith, gagnante d’un télé-crochet. Le truc, c’est qu’elle a une voix très proche de lamienne,sibienquejepeuxmecalquerdessus.QuandValetSoarrivent,jeconnaismontexteparcœuretjesaisexactementcommentjedoisaborder

cettechanson.Touteladifficultévaêtredemaîtrisermesémotions.Parcequ’àlalecturedesparoles,j’aieul’impressionquecemorceau,simélancolique,avaitétéécritpourmoi.Donc,dansmonesprit,jedoisl’interpréter,commesijeparlaisàNahel,maissansmelaisserdéborderparuntroppleindetristesse.Etje vous garantis que c’est loin d’être simple, dans la mesure où notre relation est sur la pentedescendante.Tropenfaire, signifierait tomberdans lepathosetc’estceque jedoisà toutprixéviter.Paradoxalement,ilfautmalgrétoutpermettreàdesémotionsréellesdetransparaître.Undéfiquejesuisimpatientederelever.—C’estbon,m’indiqueSo,ilssontpartis.IlneresteplusqueVal,VinceetFred.Onpeutyaller.Aussitôt,nousprenonsladirectiondustudio.

11NahelBonsang,j’aioubliémontéléphoneportableaustudio!JevoulaisappelerMadiepourluidemandersi

elleavaitenviedeboireunverrequelquepartavecmoi.Ilmesemblequ’elleabesoind’êtrerassuréeausujetdeSteph.N’allezpascroirequejesuisinsensibleauxargumentsdemafemmeetjelacomprends,mêmesij’aidumalaveclefaitqu’ellen’aitdéveloppéaucunerancœurenversVal,alorsqu’ellehaittrèsclairementcellequiapourtantétésonamie.Jeprésumequelesoucivientjustementdelà.EndécouvrantlesmotivationsdeStéphanie,elles’estsentietrahieetblessée.Leproblème,c’estque

jen’avaispasletempsdem’attardersursesétatsd’âmeetj’avaisvraimentbesoindecettedernièrepourle duo. Enfin, tout est en boîte maintenant et je suis soulagé de savoir que, dès demain, je pourraitéléchargerl’ensembledemontravailsurlaplateformedel’école.Unebonnechosedefaite!Jepeuxdoncm’occuperdemoncouplequej’aicarrémentnégligé,fautedetemps.CommeMadieétait

égalementsurbookée,çam’arrangeaitbien.Maismaintenantquej’ail’espritlibéré,j’aienviedebaisertoutelanuitàveniretnesurtoutpasme

prendrelatêteausujetd’unedemesex.J’aiconsciencequemafemmeafaituneffortsurhumainpoursecontrôler,etqu’elleaétéàdeuxdoigtsdecraqueràplusieursreprises.Jevousjurequecettejalousiemaladiveestvraimentuneplaie!Làoùj’aipuluirabattrelecaquet–vousaurezpigéquej’avaisbienpréparé mon argumentaire–, c’est quand je lui ai fait remarquer l’incohérence de son comportement,notammentvis-à-visdeVal.Mêmesilesujetresteépineuxpourmoi,principalementparcequ’ellel’aembrassé,jesaisqu’iln’y

aura rien entre eux.D’abord, jeme suis assuré debienpasser lemessage àmonpote, puis j’ai enfincomprisqueMadleconsidèreseulementcommeunami.J’aivudanssonregarduneprofondeaffection,maisriendeplus.Jenepeuxtoutefoispasm’empêcherdem’interrogersurl’injusticedontellefaitpreuveenversSteph.

Parceque,toutàfaitentrenous,aucundesdeuxn’estblancounoir.Ilssesontmontrésaussiconsl’unque l’autre. Val n’a pas eu tellement le choix et a fini parme raconter son entrevue avecma nana àl’hôpital,lorsqu’ilacomprisquej’étaisaucourantpourlebaiser.Jen’aipaspum’empêcherd’éclaterderire,quandilm’arelatésesmenaces,àsavoirlecastrer,s’ils’avisaitderecommencer.Soussesairsdesourisinoffensive,cettefilleserévèleêtreunvéritablepetittyran.Pressédejoindremabelle,jegravislesescaliersquatreàquatre.Enpénétrantdanslestudiooùnous

mixonsetquise trouveaccoléà lasalled’enregistrement, jesuissurprisd’ydécouvrir lesaffairesdeMadie.Qu’est-cequec’estquecebordel? Jen’aipas rêvéquandmême, je l’aivues’enaller.Etcen’estpasleminablepétardquej’aifuméensortantdubâtimentquimerendbarge!Vincesetourneversmoi,enentendantlebruitdelaporte,etrougitfurieusement.Iln’yaplusquelui,

Fred,ValetSo.Touslesquatresontentrainderegarderdel’autrecôtédelavitre,tandisqueFredparledanslemicro.—Bon,Mad,onyva.D’aprèscequetuasditàVal,tuesprête.Franchement,sic’estlecas,jetetiremonchapeau,parcequ’enàpeineuneheure,c’estunexploit!Maintenant,onpeutfaireplusieursprises.

Celaétant,jenetecachepasquej’aimeraisbienqueturenouvellestaprestationdetoutàl’heure.—D’accord,jevaisfairedemonmieux,murmurelavoixdeMadiedanslehaut-parleur.VincedonneundiscretcoupdecoudeàSophiequipousseunlégercri,quandellemedécouvredebout

àquelquesmètresd’eux.Et,effectivement,montéléphoneportablegîtsurlecanapé,toutprèsdelà.Sijene l’avaispasoublié, jamais jen’auraissuquemablondeavaitacceptédesedévouerpoursauver lamise à mon pote. Ce que je ne comprends pas, c’est la raison pour laquelle ils ne m’ont rien dit.Franchement!Commesij’auraismalréagi!Jem’approche,alorsquelamusiquedémarre.Beurk,jenesuispasfand’EltonJohn,etencoremoins

decettebluettedestinéeàfairelarmoyerlaménagèredemoinsdecinquanteans.Non,maisjevousjure!Enécoutantcegenredeconnerie,onnepeutqueseplomberlemoral.C’esttoutjuste,sionn’apasenvied’offriruneboîtedeXanaxauchanteurenluidisant«bouffedonccescachetsetfermetagueule».Sophieouvrelabouche,maisjel’interrompsd’ungestedelamain.

— On s’expliquera plus tard. Pour l’instant, je veux voir ce qu’elle arrive à faire avec une daubepareille.—Elleachoisi l’instrumentalquejepréfère,çapeutéventuellement lefaire, tusais…murmureFred,sansseretourner.—Mouais.Mêmesij’aidesérieuxdoutes,Madien’estjamaislàoùonl’attend,toutestpossibleavecelle.Lorsqueson timbrecristallin résonneàmesoreilles, jesuisdéjàassuréqu’elles’apprêteà faireun

cartontotal.Jamaisjen’aivuunefemmemaîtriseraussibiensavoixpourentirerlemeilleuretjenedispasçaparcequec’estmanana.Deplus,elleaunefaçonpresquemagiquedes’approprierleschansonsqu’elle interprète, si bien qu’on en oublie l’original. Et franchement, j’ai rencontré ça assez rarementpour savoir que cela constitue une véritable prouesse. Elle y apporte une putain de note jazzy que jetrouvejusteirrésistible.

WhathaveIgottodotomakeyoulovemeQuedois-jefairepourt’inciteràm’aimer?WhathaveIgottodotomakeyoucareQuedois-jefairepourquetutesouciesdemoi?WhatdoIdowhenlightningstrikesmeQuedois-jefairequandlafoudremefrappeAndIwaketofindthatyou'renotthereEtquejemeréveillepourconstaterquetun’espaslà?WhatdoIdotomakeyouwantmeQuedois-jefairepourt’inciteràmedésirer?WhathaveIgottodotobeheardQuedois-jefairepourêtreentendu?WhatdoIsaywhenit'salloverQuedois-jedirequandtoutestfini?AndsorryseemstobethehardestwordEtdésolésembleêtrelemotleplusdifficileQuand je jetteuncoupd’œil àmespotes, je constate avec fiertéqu’ils sont tous lesquatre sous le

choc.LesyeuxdeFredsortentdeleursorbites,tandisqueSophieaunemainposéesursabouchepourétoufferuncridesurprise.—Putain,elledéchirevraimentcettemeuf,souffleVince,avecunrespectdanslavoixquejeneluiaiquetrèsraremententendu.

It'ssad,sosadC’esttriste,sitristeIt'sasad,sadsituationC’estunetriste,tristesituationAndit'sgettingmoreandmoreabsurdEtçadevientdeplusenplusabsurdeIt'ssad,sosadC’esttriste,sitristeWhycan'twetalkitoverPourquoinepouvons-nousplusparlerdeça?OhitseemstomeOh,ilmesembleThatsorryseemstobethehardestwordQuedésolésembleêtrelemotleplusdifficileWhatdoIdotomakeyouwantmeQuedois-jefairepourt’inciteràmedésirer?WhathaveIgottodotobeheardQuedois-jefairepourêtreentendu?WhatdoIsaywhenit'salloverQuedois-jedirequandtoutestfini?AndsorryseemstobethehardestwordEtdésolésembleêtrelemotleplusdifficileÀcestadedelachanson,jesuisàdeuxdoigtsdepleurercommeunmôme,tellementjesuisému.En

fait, elle a parfaitement cerné le thème, il émane d’elle une vraie tristesse et un abattement qui sontnécessaires,étantdonnélecontextedesparoles.Etc’estsupertouchant,parcequ’ellen’enfaitjustementpasdescaisses.Ellenepoussepastropsavoixet,decefait,parvientàfaireressortirsessentiments.Enréalité,toutestennuanceetc’estextraordinairementbienfait.—Bordel,elleaeuàpeineuneheurepourpréparercettebouseetelleenfaituntube.Jenelecroispas,chuchoteFred,estomaqué.SurlevisagedeSo,deslarmesroulentlibrementetmêmeVince,lecomiquedeservice,reniflepour

cachersonémotion.— Je t’avais dit que c’était une reine, déclare sa petite-amie. Mais sans doute réussit-elle cetteperformance,parcequeletexteluiparle.À cesmots, je fronce les sourcils. Sophie réalise son erreur en se tournant dansmadirection et se

mordlalèvreavecgêne.Ellesaitquelquechosequej’ignore,c’estévident.PourquoiMadieserait-ellemalheureuseavecmoi?J’aiconsciencedel’avoirnégligéedernièrement,maiscen’estpasuneraison.Nousenavionsdiscutéetcelanesemblaitpasluicauserdetracas,aucontraire,elleparaissaitcontentedepouvoirseconcentrersursonconcours.Alors,oùestleproblème,merde?

WhathaveIgottodotomakeyoulovemeQuedois-jefairepourt’inciteràm’aimer?WhathaveIgottodotobeheardQuedois-jefairepourêtreentendu?WhatdoIdowhenlightningstrikesmeQuedois-jefairequandlafoudremefrappe?WhathaveIgottodoQuedois-jefaire?WhathaveIgottodo

Quedois-jefaire?WhensorryseemstobethehardestwordQuanddésolésembleêtrelemotleplusdifficileLorsqueladernièrenoterésonne,ilneresteplusqu’ungrandsilence.Puis,soudain,lavoixfluetteetô

combiensensuelledeMadiesefaitentendre.—Fred?C’étaitsinulqueça?demande-t-elleavecunelégèreangoisse.—Tu plaisantes ! répondmon ami, sortant de la léthargie dans laquelle il se trouvait. Tu étais justemagique,Madie.Extraordinaire…—Tuveuxqu’onrecommence?questionne-t-elleencore.—Paslapeine,c’étaitparfait.Jen’auraispaspurêvermieux.—Tuessûr?—Absolument.Tupeuxvenir,jevaistefaireécouter.—D’accord.L’instant d’après, elle apparaît à la porte qui sépare les deux pièces.Un petit hoquet de stupeur la

précède,quandelledécouvremaprésence.—Tueslà?—Ehoui,surprise!Enfait,j’avaisoubliémontéléphone.Maisjeneregrettepasd’êtrerevenusurmespas,parcequetuasvraimentassuré.Ellerougitetbaisselesyeux,gênéeparmoncompliment.Unje-ne-sais-quoidanssonexpressionme

faitpenserqu’ellen’avaitpasforcémentenviequejel’entende.—Eh,ma folle, intervientVince avec sa bonne humeur habituelle, tu es sûre que tu ne souhaites pasdevenirchanteuseprofessionnelle?Mafemmeéclatederireetrétorqueaussisec.

—Jamaisdelavie!Çam’amuse,maispasaupointd’enfairemonmétier.—Tuastort,blondinette.Parceque,situveuxmonavis,tupassesàcôtédetavocation.—Jeprendslerisque,répond-elleavecironie.—Putain,autantdetalentgâché!Jesensquejenevaispasm’enremettredesitôt!—Maissi,tuverras,monpetitVince.Demain,tuaurasdéjàoublié.Peuaprès,Frednousfaitentendrelemorceauetnousécoutonsensilence.Madiesemblegênéed’être

lepointdemiredemesamis,carellenerelèvepasunefoislatête,admirantavecuneintensitérareleboutdeseschaussures.Lorsqu’enfin la musique s’arrête, elle est tellement mal à l’aise face à leurs compliments, qu’elle

décidedes’enaller,invoquantsonrendez-vousavecJo.L’idéequ’ellelerevoienemeplaîtguère,maisj’ai compris que si je le lui disais ouvertement, elle se braquerait. Et je préférerais autant éviter uneénièmecrise.Envérité, jesuisencoreremuépar l’extrême tristesseque j’aisentieenelle,quandellechantait.Etcommejesuisunmonstred’égocentrisme,jenepeuxm’empêcherdepenserquec’estliéàmoi.Or,vouslesavez,jen’aimeraispasqu’elleaitduchagrinparmafaute.— Merci pour tout, ma belle Madeleine, souffle Fred en la serrant contre lui, pour lui montrer sareconnaissance.Jetiquevaguement,maism’obligeàrestercalme.Ilnefaitriendemal.Etellenonplus,d’ailleurs.

—C’étaitavecplaisir.Detoutefaçon,jen’avaisriendemieuxàfaire,réplique-t-elle, toutenprenantgardedes’éloigner,commesicetteproximitéavecmonpoteladérangeait.Fredleremarqueetfroncelessourcils.

—Benquoi?Jepuedelagueuleoudesaisselles?

—Biensûr,intervientVinceavecsonhumouràdeuxballes.Unvraitasdefumier,mongars!Etjeneparlepasdetespiedsnidetoncul!Mads’esclaffe, tandisqueFredpointeunmajeurbienhaut,cequinous fait tousmarrercommedes

baleines.—Non,cen’estpasça.Mais,pourrésumer,jen’aipasenviedemefairescalperpartachérie.Jetiensàmachevelure,expliquemafemmesurlemêmeton.—Madie, comment peux-tu penser ça de ta meilleure copine ? Plus pacifique que moi, tu meurs !s’exclameSo,faussementoutrée.—Oui,oui,c’estbiencequejedisais : lescalp.N’oubliepasqueje t’aivueà l’œuvreenarrivant!Bon,lesamis,jefile,ilestdéjàdix-septheures.Avecétonnement,jeconsultemamontre.Effectivement,letempsapasséparticulièrementvite.C’est

fou,quandonsaitquenoussommesenfermésicidepuiscematin!Sophies’approcheetprendMadiedanssesbras.

—Mercipourtout,mareine.Jeterevaudraiça,unjouroul’autre.—J’ycomptebien!Puis,ellesaluetoutlemondeavantdesedirigerverslasortie.Jeluiemboîteaussitôtlepas,contrarié

parladistancequ’ellesembleavoirinstauréeentrenousetpasencoreremisdecequej’aicrupercevoirenelle.Cetteprofondemélancolie,cetterésignationetcedéfaitismemefontsalementflipper.J’espèrejustequ’ellen’essaiepasdesevengeràproposdelaparticipationdeStephàmonenregistrement,mêmesijenel’imaginepasmesquineàcepoint.Madien’estpascommeça,ellenel’ad’ailleursjamaisété.Nousdescendonsparl’escalier,côteàcôte,ensilence.C’estunedesraresfoisoùjenesaispasquoi

dire.Habituellement,jesuisplutôtdugenresûrdemoi,maisjerefusedecommettrelamoindreerreur,alorsautantlafermer,çam’éviteradesortirdesconneries.Arrivésurlapetiteplacesituéeaupieddubâtiment,jemedécidequandmêmeàl’ouvrir,parcequelà,

çadevientfranchementridicule.—Tuveuxqu’onailleboireunverre?demandé-jeavecunsourirequej’espèreserein.—Non,merci.Jedoisretrouvermonfrèredansmoinsd’uneheure,jen’auraipasletemps.Jetique,maisn’enmontrerien.Putain,cequ’ilpeutmesortirparlesyeux,lecureton!

— Bon, ben dans ce cas, asseyons-nous cinq minutes sur un banc, on pourra fumer une clopetranquillementavantquetunerepartes.—Euh…Elle hésite et je sais qu’elle réfléchit à un prétexte pour refuser,mais de toute évidence, elle n’en

trouvepas.—D’accord,maiscinqminutes.—Commetuvoudras.Le ton de ma voix est presque aigre, parce que je ne pige pas pourquoi elle m’évite. Avant, elle

cherchait sanscessemacompagnie,alorsque là,clairement,ellenepensequ’àunechose : sebarrer.Bordel,qu’est-cequiachangé?Quandsonattitudea-t-ellefaitunvirageàtroiscentsoixantedegrés?Puis,soudain,laréalitémefrappeenpleineface.Celanedatepasd’aujourd’huietn’aprobablement

rien à voir avec Steph, comme je l’ai supposé jusqu’à présent.Voilà plusieurs semaines que nous nepartageons plus rien, hormis quelques dîners et certaines de nos nuits. Parce que niveau baise, c’esttoujourscomplètementdélirantavecelle, j’aiprésumécomme le stupideconnardarrogantque je suis,quetoutallaitbien.Ilfautêtrefranchementcrétinpourimaginerquetoutserésumeausexe.Àcroirequelesfillesnesontpas très loindelavérité,quandellesprétendentquelesmecspensentavecleurbite.J’ensuisunexempleflagrant!

Jeposemamainsursondos,pourlaguiderversunbanc,unpeuplusloin.Rienquececontactmefaitmesentirmieux.Maintenant,ilfautjustequ’ellem’expliquecequinevapas,ensuitej’arrangeraiçaetaprèsonbaise!Euh,sansdouteest-ilpréférabledenepaspréjugercedernierpoint,parcequ’aveclebolquej’ai,toutpourraitpartirencouille.C’estlecasdeledire,songé-jeavechumour.Lorsquenoussommesinstallés,jesorsmonpaquetdeclopesdemaveste,avantdeluienproposerune

qu’elleaccepte.Jeluitendsensuitelaflamme,puisallumemacigarette.Lapierreestglacialesousmesfesses,cequialeméritedecalmerquelquepeumesardeurs.—Qu’est-cequisepasse,magreluche?Autantcreverl’abcèstoutdesuite,ongagneradutempspourla…non,non,nepasysonger.Madiepapillonnedesyeuxet rougit,cequimefait immédiatementpenserqu’ellecachedeschoses.

Maisquoi?That’sthequestion!—Rien,rien,toutvabien.—Tuessûre?demandé-je,sceptique.Ellement,çasevoitcommelenezaumilieuduvisage.Maisdansquelbut?

—Oui,jet’assure.Jesuisjustepréoccupéeparleconcours.Maisbiensûr…Prends-moipouruncon,jenetedirairien!

—Pourquoias-tuacceptédechanterpourFred?Je tente de changer de sujet, pour qu’elle baisse la garde. Je reviendrai à la charge tout à l’heure,

quandelleneseméfieraplus.—Parcequ’ilmel’ademandé,lui!Cederniermotmefaitplisserlesyeux.Jecommenceàcomprendre,dumoins,jecrois.

—Çat’avexéequejenetelesollicitepas?Maistuasdéjàparticipéauclip,ettuétaiscenséefaireleschœurssurCharliePuth.Jenevoulaispastesurchargerdeboulot,tuestrèsoccupée.—Nahel,j’auraistoujourstrouvédutempspourtoi.—En tout cas, tu as étébrillante, une fois deplus.Pourquoinem’as-tupasdit que tubossais sur sachanson?Tun’étaispasobligéedefairesemblantdepartir,tusais…C’estcooldeluiavoirdonnéuncoupdemain.Vraiment!Maislaprochainefois,j’aimeraisautantquetun’enfassespasunsecretd’État.Unelégèrenotedereprocheseperçoitdansmavoix.Etc’estvolontaire.Aprèstout,jesuissonmari,

iln’yavaitaucuneraisonpourqu’ellemecacheça.—Nousavonstousnossecrets,serebiffe-t-elle,conscientedemonagacement.Là,jemeraidisimperceptiblement.Jesensl’engueuladepointeràlavitessegrandVetjen’enaipas

enviemaintenant.—JesupposequetufaisréférenceàSteph.Jesuisdésolé,jevoulaist’enparler,maisjesavaisquetuleprendraismal.Toutcommej’étaissûrquetuseraisfuraxenapprenantqu’elleferaitleduoavecmoi.Ent’entendant, toutà l’heure, jemesuisditquej’auraismieuxfaitde te ledemanderà toi.Maisdetoutefaçon,c’étaitimpossible,parcequetuavaischantésurunprécédenttitre,etlemorceauavecValestjusteparfait.—Tantmieuxsituescontent.C’esttout?Putain,c’estencoreplusgravequejenel’imaginais.Jeprendssonvisageentrelesmains

pourl’obligeràmeregarderbienenface,puisjedemande.—Maintenant,touteblaguemiseàpart,qu’est-cequetuas?Jevoisbienquecen’estpasuniquementàcausedeSteph.J’ailedroitdeconnaîtrelavérité,tum’entends?Ma voix transpire l’énervement, mais ce n’est rien face à la lueur assassine qui brille dans ses

prunelles.BordeldeDieu,qu’est-cequiluiprend?Elleretiremesmainsdesespommettes,écrasetranquillementsonmégot,etselève.

—Ah,tuveuxlavérité,parcequetuestimesyavoirdroit?Premièrenouvelle!Etmoi?—Quoi,toi?Sesjouessontcramoisies,cequiprouvequ’elleestfoutrementcontrariéeet,encetinstantprécis,je

redoutelepire.—Tu ne penses pas que cette vérité que tu réclames à cor et à cri, tu aurais pume la servir depuislongtemps?Cen’estpascommesijenet’enavaisjamaisdonnél’occasion.—Putain,Madie,maisdequoitucauses?Jedétestequandtujouesàlagreluchequifaitdesmystères,tulesais!Là, jecroisqu’elleest littéralementen traind’écumerderage.Mais,unefoisencore,qu’est-ceque

j’aifoutupourméritersesfoudres?Éclairez-moi,parcequejen’enaiaucuneidée!— Je fais référence à lamanière dont tu gagnes ton sale fric !Ehoui, rit-elle avec ironie, je suis aucourant.Detout.Puis,sansmelaisserletempsdeprotester,ellemetourneledosets’enva.Detoutefaçon,çan’aurait

servi à rien, parce que je suis comme statufié. Elle sait pour le business, c’était ça son problème.Etputaindebordeldemerdeàqueue,jesuisdansunepanademonumentale!

12Nemedemandezpascommentj’aifaitpourmedécollerdubancetretourneraustudiodeMadie,je

n’enaistrictementaucuneidée.Heureusementquel’appartementn’estpastrèsloin,parcequedansmonétat,jen’auraisjamaispurentrersitelavaitétélecas.Enpénétrantdansl’endroitquej’aimaisconsidérercommenotrenid,jeprendspleinementconscience

decequivientdeme tomberdessus.La scènepasseenboucledansmoncerveauenfiévré,maismoncorpsesttotalementinerte,hébété.Soudain,prisd’unhaut-le-cœur, j’ai tout juste le tempsdemeprécipitervers les toilettes, avantde

rendrelepeuquecontientmonestomac.Dansmatête,c’estunchamboulementsansnom.Bordel,maiscomment l’a-t-elleappris?Paspardesragots,elleétaitbeaucouptropsûred’ellepourquesasourcesoitaussihasardeuse.Lorsquejemeredresseenfin,malgrélesspasmesquimevrillentleventre,jecomprendsqu’ellevame

quitterettrèsrapidement.Elleaclairementaffirméqu’ellenepourraitjamaisvivreavecuntrafiquantdedrogueetelleétaitonnepeutplussincère.Etpuis,cen’estpascommesijen’avaispasnié.Bonsang,jeluiaijurésurtouslessaints,surnotrecouple,quec’étaitfaux,ensombrecrétinquejesuis.Durantuneseconde,jemeprojettedanslefuturetj’imaginemaviesanselle.Moi,unecoquillevide

quifiniraitparcreverd’uneputaind’overdose,pendantqu’elleretrouveraitungentilmecquiluiferaitpleind’enfants.Cetteidéem’épouvantetant,quej’ensuisphysiquementmalade.Mestempesbourdonnentetdelasueurapparaîtsurmonfrontbrûlant.Pourtant,jetremble.C’enestàuntelpointquejem’effondresurlecarrelage,lesdentsquiclaquentetlesmembresenvahispardestressautementsquejen’arrivepasàmaîtriser.Puis,c’estletrounoir…Lorsquejerevienspéniblementàlaréalité,j’ignorecombiendetempsj’aiétéinconscient,parterre,

dans la salle de bain. À nouveau, je suis pris de violentes nausées qui me font vomir sur le sol.Normalement, je seraisdéjà en traindedésinfecter l’appartementde fonden comble,maismoncorpssemble s’être vidé du peu de forces qui lui restait. Respirer est un combat de tous les instants et lemoindremouvementm’est impossible,mêmecligner des yeuxm’épuise. Je sombredansunpuits sansfond,sansparveniràmeressaisir.Je demeure longtemps comme ça, prostré, incapable d’un quelconque geste. Une larme s’échappe,

bientôtsuiviepard’autres.Quelputaindeconnard,jefais!J’aivoulujoueraveclefeuetlerésultatestlà:j’aitoutgâché.Laseulechosepositivequisoitarrivéedansmachiennedevievalaissertomberlagrossemerdeimmondequejesuis.DelamêmemanièrequeSamyadisparu…Trèsvite,magorgesenoueetdessanglotsquiviennentprobablementdemestripesmesubmergent,tel

untsunami.Alors,auprixd’uneffortextrême,jemeredressepourm’asseoiretchialercommeungossesurmon amour perdu. J’aurais dû savoir que ça tournerait au vinaigre,mais j’ai désespérément voulupenserquetoutsepasseraitbien.J’avaisjustebesoindequatremois,letempsdemettredel’ordredansmavieetdequittercettevillepourrie.Quatreputainsdepetitsmoispourdevenirceluiqu’elleméritaitd’avoiràsescôtés.Ilfautcroirequec’étaitencoretropdemander.Lespleursme ravagent,mais ilsme libèrentde la tensionextrêmequim’habite,depuisqu’ellem’a

tournéledos.C’estlapirecrised’angoissequej’aieconnuedetoutemavie,saufpeut-êtreàlamortdemonfrère.Maisdepuis,jen’aiplusjamaisétédanscetétat.

Au bout de plusieurs heures, je finis parme lever avec l’impression d’être passé sous un rouleaucompresseur. Épuisé, mais déterminé à sauver ce qui peut encore l’être, j’enjambe le vomi et medéshabillepourmetraînersousladouche,puismebrosserlesdents.Unemigrainelancinantemevrillelestempes,résultatdemesabusd’hiersoiretdecestressterrifiantquim’habite.J’espèrejustequ’àsonretour,nouspourronsparler.Siellerevient…Aussitôt, je sens à nouveau une peur panique m’envahir. Après tout, qu’est-ce qui me dit qu’elle

regagneral’appartement?Rien.Bonsang,cesdernierstemps,lesembrouillesmetombentdessusaveclarégularitéd’unmétronome.Ettoutlemondesaitbienquelesemmerdementsvolentenescadrille!Épuisé, vidé de toute énergie, jeme laisse choir sur une chaise à la petite table où nousmangeons

habituellement. Enfouissant mon visage dans mes mains, je me mets à faire la seule chose qui soittoujoursdansmescordes:j’attendsetj’attendsencore…

13Madie

—Tuessûrequetuneveuxpasmedirecequinevapas?Madie, jevoisbienquequelquechoseteperturbe.Parle-moi,jeteprometsqueçaresteraentrenous.Maisbiensûr,commeladernièrefoisoùtut’esempressédebavertoutessortesdeconneriesaux

parents.J’aiétéasseznaïvepourmefaireavoirunefois,maispasdeux.—Écoute,jen’aipasdeproblèmeparticulier.Jesuissimplementstresséeparl’approcheduconcoursetfatiguée de devoir cumuler cette formation, mon stage, et mon job. C’est difficile, tu comprends. Jesupposequeçairamieuxquandl’écritserapassé.—C’estquanddéjà?—Dansdeuxsemaines.Bon,ilfautquejerentre.Jemepenchepourembrassermonfrèresurlajoue,commej’enail’habitude.

—Madie, soisprudente. J’ignorepourquoi j’aicepressentiment,mais ilmesembleque tumecachesbeaucoupdechoses.Entoutcas,situasbesoindemonaide,appelle-moi.Jeseraitoujourslàpourtoi.Mespaupièresclignentplusieursfois,pourchasserleslarmesquimemontentauxyeux.Monfrangin

estsincèrementpréoccupé,maisilnepourraitpascomprendreetcelaneferaitqueleconforterdanssonopiniondedépart,enl’occurrencequeNahelesttoxiqueetnocif.Mêmesijesaisqu’ilaraison,jenel’admettrai jamais. Parce que ce serait également reconnaître que j’ai commis une grave erreur dejugement en accordant ma confiance à un voyou et en bravant ma famille pour lui. Or, si j’en aiconscience,jen’ensuispasencoreaupointd’accepterdem’êtreplantéeàcepoint.Sansperdredetemps,parcequejemesaisàdeuxdoigtsdecraquer,jesorsdesavoitureetmedirige

versmonimmeuble,mêmesijen’aiaucuneenviederentrerchezmoi.Aumieux,Naheldécoucheraunefois de plus. Au pire, il sera là et nous nous disputerons forcément. Or, je ne suis pas en mesured’affronterunescènedeplus.C’estpsychologiquementtropéprouvantet,surtout,çanemèneàrien.Lorsquej’insèrelaclédanslaportedemonappartement,jeretiensmonsouffleenmedemandantce

quivaencorem’arriver.Vousadmettrezquecesderniers temps, je tombedeCharybdeenScylla,et jesuisfatiguée.Tellementlassequejepourraishurler.Dèsquejepénètredanslapetiteentrée,deuxchosesmeparviennentsimultanément.Premièrement,ily

ade la lumière,cequisignifiequ’ilest ici.Pasdebol.Quand jevousdisaisque j’étaisvernie, jenementaispas,hein!Vouspouvezleconstaterparvous-même.Deuxièmement,l’odeurâcreduvomienvahitmesnarines.Tentantdecomprendred’oùvientleproblème,jetournelatêteendirectiondelasalledebain. Effectivement, il y a une petite marre visqueuse et jaunâtre sur le sol. Étrange qu’il n’ait pasnettoyé…Pourquileconnaît,celarelèvecarrémentducrimedelèse-majesté!J’effectuetroispasetbalayelapièceprincipaleduregard.Nahelestassisàlatable,lesyeuxperdus

dans le vide, les mains crispées dans ses cheveux. Pourtant, ce qui me choque véritablement, c’estl’expressiondesonvisage.J’ylisundésespoirterrifiant,unepaniqueindicibleetuneagitationévidente,puisqu’ilestenproieàdes ticsassezeffrayants.Unmuscle tressaute sur samâchoireet sonœildroitclignotefrénétiquement,commes’ilavaitéchappéàtoutcontrôle.Jamaisjenel’aivudanscetétat,même

sij’aidéjàassistéàcertainsdesesmalaisesdusàdesaccèsd’anxiété.Etjeneparlepasdesesépaulessecouéesdetremblementserratiquesoudesajambequiremuedanstouslessens.Franchement,sijelerencontraispourlapremièrefois,jeleprendraispourunpsychopatheenpuissanceouunfouéchappédel’asile.Durantuninstant,jemedemandes’iln’estpasentraindefaireunecrisedemanqueouquelquechose

comme ça, avant deme rappeler les différents articles que j’ai lus à ce sujet. Les symptômes nemeparaissent pas concordants. Il doit donc être en proie à des angoisses qui ont atteint une ampleurdélirante.Aprèsm’êtreinterrogéesurlamanièredontjedevaisappréhenderlasituation,jedécidedemelaisser

unpeuderépitenréparantlesdégâtssurlesoldelasalledebain.Sansperdredetemps,j’accrochemavesteauportemanteau,etmedirigeverslacuisine,oùjerécupèredel’essuie-tout,unseauquej’emplisdeproduitnettoyantetd’unsoupçond’eaude javel,ainsiqued’unsachetpoubelleetdemesgantsencaoutchouc.Beaucoup de personnes seraient sans doute écœurées d’avoir à accomplir une telle tâche, pasmoi.

Celam’arrivetrèssouventàl’hôpitaloùjesuisenstage.Biensûr,l’odeurestincommodante,maispasinsurmontable.Enmevoyantrebroussercheminavectoutmonbarda,Nahelsembleenfinsortirdesonétatsecond.

—Qu’est-cequetufais?Savoix,déjàhabituellementrauque,estplusgrave,plussombre,commes’ilavaitavaléduverrepilé.Allez,Madie, faiscommed’habitude,nemontreriende ton inquiétude, sinon ilestcapablede te

claquerentrelespattesetcen’estpaslebut.Jamaistunetelepardonnerais,s’ildevaitluiarriverquelquechose.—Jenettoie,murmuré-jed’untimbrequejeveuxapaisant.Puis,sansattendresaréponse,jecommenceàjeterdupapierabsorbantsurlamareavantd’enfilermes

gantsetd’ouvrirlesachet.—Maist’aspasàlaverça!proteste-t-il,visiblementgêné.Etqu’est-cequejepeuxfaired’autre,hein?Il est dans un tel état, qu’il n’est de toute évidencemêmepas capable de se lever. Il faut bien que

quelqu’un s’en occupe, on ne va pas laisser ça jusqu’à demain !Bon sang, il doit encore être plus àl’ouestquejenel’avaissupposépourenoubliersamaniaquerielégendaire.Aussi,depuislecouloir,jepivoteversluietlance.

—Écoute, tuasassezsouventbriquéderrièremoi,pourquecelanemeposeaucunproblèmedem’encharger.Vraiment,insisté-je,faceàsonregardsceptique.Unquart d’heure plus tard,mon carrelage est propre et désinfecté. J’en ai profité pour nettoyer les

toilettesoùiladûrendreégalement,ainsiquelelavabo.Deretourdanslacuisine,jerangemonmatérieletretirelesgants.Depuisquejetravailledeuxjours

parsemainedansunhôpital, jesuisbeaucoupplusàchevalsur lesrèglesd’hygiène.Cen’estpasquej’étais cradingueavant,maisenfin tousces trucsmepassaientunpeuau-dessusde la tête.Encore sixmoisàcerythmeetjedeviendraipirequeNahel,songé-jeavecunsourireencoin.Bizarrement,jemesensbeaucoupplusàl’aisequelorsquejesuisentréedansl’appartement.Celane

m’empêchepasd’êtreinquiète,enraisonducomportementtrèsétrangedemonmec.Maisjen’éprouvepluscestress,cequimepermettrad’appréhenderlasituationaveccalme,etjepensequenousenauronsbesointouslesdeux.Enfin,surtoutlui!Lorsque le sol est sec, je m’enferme dans la salle de bain pour prendre une douche bien chaude,

histoiredemedétendre.J’enprofiteégalementpourmeremémorercequis’estpassécetaprès-midi.

En réalité, jen’avais aucune intentionde lui révéler ceque je savais,mais sa façondeme faire laleçonàproposdelavéritéqu’ilestimaitmériter,m’afaitpéterlesplombs.Sionajouteàçaleretourdecette grognasse de Steph dans ma vie et la manière dont il l’a défendue aujourd’hui, je ne pouvaisqu’éclater,telungeyserislandais.Mince,maispourquiseprend-il?Cecrétinpeutagircommeilveutet,moi,jedoistoutaccepter?

Ben,alorslà,mêmepasenrêve!Ducoup,furieuse,jen’aipaspum’empêcherdebalancertout, justepourluiclaquerlebeignet.Dansmonesprit,c’étaittantpispourlui.Etpeuimportaientlesconséquences.Jen’aipasréfléchiàlaportéedemesactesetvoilàlerésultat.Aprèscela,quelleautrepossibilitéavais-jequedepartir?Jemesuispromenée,ouplutôt j’aierré

commeuneâmeenpeinedanslesruesdeStrasbourg,enattendantqueviennel’heuredemonrendez-vousavecJoseph.Finalement,nevoyantpasdesolutionpourparveniràretrouverunsemblantdecalme,parcequemon

frèrenedevaitsurtoutpasmetrouverdanscetétat,jemesuisréfugiéeàlacathédraleoùjesuisrestéeassisependantun très longmoment. Iln’yaquedansun lieu saint,que jemesensassez sereinepourréfléchir.Ça a toujours été le cas et je veux croire que cela ne changera jamais.Déjà gamine, quandj’étaisangoissée,jemecachaisdansunepetitechapellesituéetoutprèsdeRochesson.C’estdoncavecunapaisementtoutrelatifquej’aidînéaveclui.Mêmesij’aidiscutécommesiderien

n’était,jesaisqu’ils’estrenducomptedemonmalaise.Pourlapremièrefois,Jon’enapasprofitépourappuyer làoùçafaisaitmal.Entempsnormal, ilm’aurait rappeléqu’ilm’avaitprévenueetqu’ilétaitencorepossiblepourmoidenepascommettrelaplusgrosseerreurdemavieenépousantNahel.Mais,ils’esttuetarespectémonrefusdemeconfier.Auboutd’unlongmoment,parcequejen’aipasvraimentlechoix,j’émergeenfindelasalledebain.

Mêmes’iln’estpastrèstard,jesuisépuisée.Tropd’émotionsdésagréables,tropdetensionsàrépétitionettropd’angoissescommencentàavoirraisondemoncorps.Aussi,vêtued’unpyjama,jemedirigeverslelit,tandisqueNahelestentraindemarcherdelongenlargedanslapièce,lesmainsdanslespoches,enmarmonnantdesproposincohérents.Ilfautvraimentqu’ilsecalme,maisjenesaispascommentl’yaider.Sijeluirentredanslelard,c’estl’explosiongarantie.Jem’obligedoncàunesérénitéapparente,mêmesimoncœurtambourineàtoutevitesse.—Qu’est-cequetufais?s’enquiert-ilànouveau,enmeregardantenfin.—Jemecouche,jesuiscrevée.—Mad…—Nahel,jesuisépuisée,j’aibesoindemereposer.Deplus,ilmesemblequenousnesommespasenétatd’affronterunediscussionaussicruciale.Ilvautmieuxquenousparlionsdemain.—Mais…—Arrête!Tuesdansunétatpitoyableet,malgrécequetuvois,jenesuispasenmeilleureformequetoi.Dormonsetattendonsd’avoirrecouvrénosespritspournousexpliquer.Soudain, il seprécipiteversmoi, renversantunechaise aupassage, tombeàgenouxàmespieds et

s’agrippeàmataille,levisagenichésurmescuisses.NomdeDieu!Maisqu’est-cequiluiprend?

—Madie, je t’enconjure,nemequittepas !parvient-ilàhoqueterentredeuxsanglots.Je tedemandepardon,jevaischanger,maisnemelaissepas.Jenepeuxm’empêcherd’êtreprofondémentémueparsondésespoir.Supplierdecettemanièredoit

êtreparticulièrementdifficilepourunmecaussifieretarrogantquelui.Malgrémoi,mesyeuxdeviennenthumides. Déjà, en temps normal, je déteste voir les gens pleurer.Mais, là, il s’agit de l’homme quej’aime.Ehoui,vousl’aurezcompris,mêmesijedécouvrechaquejourdesaspectsplusglauquesdesa

personnalité, jesuistoujoursterriblementéprise.C’estsansdoutecequ’onappellelevéritableamour.Tuparlesd’uneconnerie !Tout serait tellementplus facile, simes sentimentsdisparaissaient avec lesennuisqu’ilprovoquedansmavie.Hélas,c’estloind’êtrelecas…Comme dotées d’une volonté propre, mes mains se mettent à caresser doucement ses cheveux. Il

tremblecommeune feuille,prisd’unecrisedepanique,probablement laplusextrêmequ’il ait jamaisvécuedepuislamortdeSamy.Etcelamefendlecœur.—Nahel…—Jet’enprie,accorde-moiencoreunechance.Nemelaissepas.—Cen’estpassisimple.Tun’aspascessédementir.Tuesdanslesactivitésillégalesjusqu’aucou,etjenevoispascommentleschosespourraientbienfinirentrenous.Moncompagnonnerépondpas.J’aiessayédeparlerd’unevoixdouce,maisilnepeutignorerlanote

dereprochescontenuedansmonton.Parcequ’outredel’amour,j’éprouveégalementunecolèreintense.Ils’esttellementpayématête!S’accrochantdeplusbelle,ilsoulèvemontee-shirtetcollesonnezàmonventre.Lapressiondeses

flancsm’obligeàécarterunpeulesjambes.Aussitôt,ils’immisceentreellespourserapprocher.Mescuissesentourentmaintenantsescôtes,tandisqu’ilresserresonétreinte.Et,malheureusementpourmoi,cetroublesifamilier,qu’onappelleexcitationsexuelle,estentraindemesubmergertelleunelamedefond.Décidément,ilyadeschosesquinechangerontjamais,songé-jeavecdépit.— Je t’aime, je t’aime, je t’aime tellement, je t’aime plus que tout aumonde… souffle-t-il, le visagenichédanslecreuxdemonépaule.—C’estfaux,tuaimestaputaindecameencoreplusquemoi!À ces mots, Nahel se raidit, mais ne s’écarte pas. Le fait qu’il ne démente pas me rend malade,

envoyantungoûtdebiledansmabouche.Voilà,toutestditetlasituationestaussisimplequeça:ilaimesesdroguesquiluidéglinguentlecerveauplusquemoi.Etjepasseraitoujoursderrièrecessaletés.C’estpourcetteraisonqu’iln’yaaucunavenirpossibleentrenous.Finalement,parcequ’iladûsentirquejesuisfigée,ilmurmure,toutcontrelapeaudemagorge.

—Tuastoutfaux.Jedétestecessaloperiesetjememépriseplusencored’enêtredépendant.Maislavérité,c’estquejenesaispasvivresans.Toi,jet’aichoisie,ouplutôttum’estombéedessussanscriergare.Maislacame,jenefaisquelasubirpourmesupporter.Cesmots,prononcésd’unevoixrauquem’émeuventplusquen’importequelledéclaration.Parceque

jeprendslapleinemesuredecequ’ilvientdedéclarer.C’estdeladroguequeprovientcedégoûtdelui-même,etcetaspectsitourmentédesapersonnalité.Ila,aveccessubstances,unrapportmasochistequioscilleentrebesoinetrejet,haineetamour.Bref,ilestcomplètementpaumé,bienplusquejenel’avaisimaginé.Làoùj’aicommisuneerreur,c’estquandj’aimis ladoped’uncôtédelabalanceetsessentiments

pourmoide l’autre.Or, cen’estpasparcequ’ilnepeutpas s’enpasserqu’ilm’aimemoins.Bienaucontraire, les deux n’ont strictement aucun rapport.Mais ce poison a un sacré avantage, puisqu’il estprésentdanssaviedepuisbienpluslongtempsquemoi.—Pourquoim’as-tumentiautant?—Jenevoulaispasrisquerdeteperdre,admet-ilenmeserrantencoreplusfortcontrelui.Situavaissulavérité,tuseraispartieencourant.Pasfaux.

—Maisjevaisréglerça,jechangerai,jetelejure.J’arrêtelesconneries!—Nahel,jen’ycroispas.Àplusieursreprises,tum’asdéjàfaitcegenredepromesse,maiscelanet’apasempêchédecontinuerdeplusbelle.

—Mad,nem’abandonnepas.Situmequittes,jemeurs…—Maisnon…tenté-jedetemporiser.Néanmoins,leregardqu’ilmelanceetleslarmesquicoulentànouveausursesjouesmedéstabilisent

profondément.Jecroyaissincèrementqu’ilnes’agissaitquedemots,qu’ilmettaitunaccenttragiquementdramatique dans ses propos pour faire passer la pilule. Mais le désespoir que je sens en lui, cettedétresseàfleurdepeau,sèmeledouteenmoi.—J’aibesoindetoi.Jetejurequec’est lavérité.Rienn’ajamaisétéplusvraiquecequej’éprouvepourtoi.Tuesmalumière,cellequimepermetd’entrevoirleboutdutunnel.Etlà,jesuisdésolée,maisjefondscommeneigeausoleil.Sicesontdesbobards,cemecmériteun

oscar.Enattendant,j’aitellementenvied’ycroire,quejecède.Ehoui,jeleconfesse,jesuisfaible.Maisjel’aimetant,tropsansdoute.S’ilafaitdeserreurs,ilpeutencorerectifierletir.Iln’estpastroptard.Jeveuxcroire,enversetcontretout,queNahelElKhourin’estpasunecauseperdue.Jen’aipasletempsdeluirépondre,parcequedéjàsonvisagefondsurmoi.Ilaperçulabrècheet

s’estengouffrédedans.Seslèvressontbrûlantes,sesjouessonthumidesetilyadanscebaiseruneintensitéquenousn’avons

jamais connue auparavant. Sa langue se promène sur ma bouche que j’entrouvre pour lui permettred’approfondirnotreétreinte.Immédiatement,elles’enrouleautourdelamienne,enunedanselascivequimeretournelessens.L’instantd’après,jesuisallongéesurlelit,etsesmainssefaufilentsousmontee-shirt.Cen’estque

pourleretirer,enmêmetempsquelesien,qu’ils’écarteenfin.Danslafoulée,ilm’enlèveégalementmonbas etma culotte, avant d’ôter le reste de ses fringues. Je suismaintenant totalement nue, et ses yeuxilluminésdedésirnemequittentpas,pendantqu’ildescendsonjeanetsoncaleçon,nesontpasloindemettre le feuauxdraps.Franchement,quand je levois, laboucheentrouverte, leboutdesa languequipointeentreseslèvres,c’esttoutjustesijenesuccombepasàunecombustionspontanée.Lepouvoirdecemecsurmoiesttotalementdélirant!Nahel se redresse, puis me saisit par les aisselles pour m’installer sur les oreillers, avant de se

couchersurmoi.Lespaupièrescloses,jelelaissecaressermescourbesdeseslonguesmains,ressentantchaquesensationavecuneacuitétoutàfaitinédite.Ainsi,lesbaguesenargentquiornentsonmajeuretsonindexd’unepart,sonpouceetsonannulairedel’autre,créentdestraînéesplusfraîchessurmapeaubrûlante.—Surleventre,susurre-t-ilàmonoreilletoutenembrassantmonlobe,provoquantdesfrissonsquifontdresserchaquepoilsurmoncorps.—Quoi?Ilnerépondpasetjefinisparobtempérer.Quandmatêtereposesurlecoussin,ilsecouchesurmoiet

sefrottesurtoutelasurfacedemapeau.Bonsang,sonsexeérigécommeunétendard,quis’agitecontremonderrière,merendcomplètementdingue.Puis,cesontseslèvresquicheminentlelongdemondos,s’arrêtant au niveau demes omoplates, puis glissant sur toutema colonne vertébrale.Dès l’instant oùellestouchentmesfesses,ungémissementjaillitdemabouche,sansquejepuisseleretenir.—Madie,mets-toiàquatrepattes.—Pourquoi?—Posepasdequestionsetfais-le,monange.Alors qu’en temps normal, je ne suis que trop heureuse de le laisser diriger les opérations, je ne

m’exécutepas.Parcequejesaiscequ’ilaentêteetj’aiconsciencequ’iln’enaaucuneenvie.Ilestjusteprêtàtoutpourquejeresteaveclui.Etjeregrette,maisiln’estpasquestionquequiconqueseforceàquoiquecesoit,quandnoussommesaulit.

—Non,Nahel,tenté-jedeprotester.Tun’aspasàfaireça!Deux mains puissantes attrapent mes hanches et m’obligent à me redresser. Je voudrais encore

l’arrêter,maisdèsquesalanguesemetàcheminersurmonpostérieur,j’oublietout.Ellesillonnelelongdemesglobespourapprocherdecetendroitsecretoùjen’auraisjamaisimaginéêtreembrasséeunjour.Pourtant, c’est exactementcequ’il fait. Il titillemonorificede sa langue, tandisque samainprend ladirectiondemonsexedéjàtrèsexcité.C’estdivinementbon.L’aspectdécadent, interdit,etcontre-naturedecettecaresseajouteàmonplaisiretc’estsanshonte,

aucune,quejepoussedescrisdeplusenplusfortsàmesurequel’orgasmemonteenmoi.Sonpoucequitourneautourdemonclitorismanquedem’envoyerdroitauparadis,maisjerestesurlebordduchemin,jusqu’àcequedeuxdoigtsmepénètrentetsemettentàbougeravecvigueur.Etlà,enàpeinequelquessecondes,jesensmoncorpsbouillircommejamais.L’instant d’après, je suis traversée par un orgasme dont la forceme rend complètement dingue. La

poitrinebrûlante,jepeineàtrouvermonsouffle.D’ailleurs,avantmêmed’avoirrecouvréunerespirationnormale,songlands’immisceàl’entréedemonvaginpalpitant,etm’envahitdemanièreassezprofondepourmetireruncriàlafoisdesurpriseetdeplaisir.Sansperdredetemps,ilsemetàbougerviteetfort,enpoussantdesgrognementsquifontrugirlesangdansmestempes.Puis,ilsepencheenavantetsesdoigtscherchentmonclitorispourlepincer,alorsquesabouchese

pose sur ma nuque et me mord doucement. Après quelques instants de ce délicieux traitement, il seredresseànouveauetmeficheuneclaquesurlafesse.Jenem’yattendspas,maiscelanem’empêchepasdecouinercommeunjouetencaoutchouc.Pourtant,cettebrûluresurmapeaunefaitqu’accentuerleplaisirquejeressens.Uneautreatterritsurmapeauetjegeins,unpeuplusfort.—Ohputain,Mad,c’esttellementbonquejepourraispleurer!Encore,j’enveuxplus…Commentça,ilenveutplus?Mais de quellemanière puis-je le satisfaire ? Pour répondre àma question,mon sexe se contracte

fortement, commepour l’aspirer, tandisque jemecalque sur sesmouvements, allant au-devantde sescoupsdeboutoir.—Haann,c’estextraordinaire!Ànouveau, son torse secolleàmondoset samainvient recherchercepetitbourgeondechairqui

concentretoutesmesterminaisonsnerveuses,pendantqu’ilaccélèrelerythme.Unefoisencore,jesenslahoulemegagner.L’explosiondeNahel,lamanièredontsonspermesedéverseparjetsaucreuxdemonventre,entraîneunsecondorgasme,aumoinsaussipuissantquelepremier,maisassezdifférent.Mesjambesn’ytiennentplusetjemelaissetombersurlacouette,accompagnéeparmonamantdontle

pénisesttoujoursfichéenmoi.Ilnousfautlongtempspourretrouvernosespritsetplusencorepourosernousregarderenface.Nous

sommesparfaitement conscientsque rienn’est réglé, tout auplus, la situation s’est-elle singulièrementcompliquée.Auboutd’unmoment,Nahelfinitparseretireretparattrapersontee-shirtpournousessuyertousles

deux.Pourmapart,jesuisincapabledebouger.Ilreprendplaceprèsdemoi,installésurleflancafindem’observeràloisir.—Jevaischanger,jetelepromets.Madie,jenepeuxpasaccepterquetumequittes.Jetourneaussitôtmonvisageverslui,toujoursallongéesurleventre.

—Tusaisquejenetefaisplusconfiance?demandé-jed’unevoixfaible.—J’enaiconscienceetjem’enveuxdet’avoirtrahie,maistudoismecroire,c’étaitavanttoutpourtepréserver.Detoutefaçon,onaprévud’arrêterlebusinessdèslafinjuin.—Quoi?C’estdansplusdetroismois!Tuimaginesvraimentquejevaisattendreaussilongtemps?

—Chérie, jenepeuxpasstopperbrutalement, justeparcequeje l’aidécidé.Jefoutrais tout lemondedanslamerde,c’estimpossible.MaisquandonseraenAngleterre,jemerattraperai,jetelejure.S’illefaut,j’entreraimêmeentreencurededésintoxicationcetété.Jeseraiclean,situm’aides.—Maisjen’aiaucuneintentiondetesuivrelà-bas.Situveuxtesoigner,c’estunebonnedécision,maistudoislefaireavanttoutpourtoietpaspourmefaireplaisir.—Commentça,tunevienspas?s’exclame-t-il,enseredressant.Tuplaisantes?—Non,jesuistoutàfaitsérieuse.Tesmensongesontremisbeaucoupdechosesenquestion.D’ailleurs,jusqu’àaujourd’hui,nousn’avionsjamaisévoquécepoint!—Maispourmoi,c’étaitévident,Mad!Tuesmafemme,aucasoùtul’auraisoublié.—Jelesaisparfaitement.Etpaslapeinedeprendrecepetitairsupérieuravecmoi,çamegonfle!—Donc,tuvasvraimentmequitter,n’est-cepas?Lalueurdedouleurdanssonregardnem’échappepas,seulementjeregrette,cettefois,jenecéderai

pas.Jel’aime,maispasaupointdetoutaccepter.—Cen’estpasparcequenousnevivronspassouslemêmetoitquetoutestterminé.—Lesrelationsàlonguedistance,jen’ycroispas,argue-t-ilavecbonsens.Moinonplus.C’estd’ailleurscequejeviseàmoyenterme:uneséparationendouceur,parcequenousnousserons

habituésàneplusêtreensemble.Jesaisquejemanquecruellementdecourageetquej’avaisclairementditquejeneresteraisplusaveclui,s’ilétaitmêléàunquelconquetraficdedrogue.Maisl’amourquej’éprouvemeconsumetotalement,etjenepeuxpasencoremefaireàl’idéequenousneseronsbientôtplusuncouple.—Tuasenviequ’onenparle?—Dequoi?interrogé-je,lessourcilsfroncés.—Dudeal.Pose-moidesquestionsetjeterépondraientoutefranchise.Maisbiensûr!Etmoncul,c’estdubronze?

—Jeneveuxsurtoutriensavoir.Ceflicmerelancedetempsàautre,maisilnepeutriencontremoi,tantquej’ignoretoutdevosactivités.—C’estluiquitel’adit,n’est-cepas?— Il a fait mieux que ça, il m’a montré des photos en sa possession, sur lesquelles on te voitdistinctemententraindevendrecettemerde.Seigneur,Nahel,jetejurequetunem’entraîneraspasavectoisurcettepente.Laplancheestbeaucouptropsavonneusepourmoi!Faiscequ’ilfautpourquevousarrêtiez, leplus rapidementpossible, sinonvous finirez tousen taule !Etnecomptepas surmoipourt’apporterdesoranges,quandceseralecas.—Net’inquiètepas,jevaistoutarranger,tente-t-ildemerassurer.—Faisvite,alors.Etsurtout,nemeraconteriendevossalespetitesmagouilles.Jenementiraijamaisauxflics,jerespectetropl’ordreetl’autoritépouragirainsi.Donc,jenedoissurtoutêtreaucourantderien.Tuascompris?—Ouais,c’estbon,maugrée-t-il,levisagesoudainfermé.Maisj’aimeraisquandmêmepréciseruntruc.—Surtoutpas!—Si, parce que c’est important.Notre business consiste à fournir des personnesmajeures qui saventexactementcequ’ellesfont.Onneratissepasdevantlescollègesetleslycées,contrairementàd’autres.Quantàcequenousvendons,iln’yaaucunedroguedure.—Génial !Tu esun trafiquant,maispas trop !Waouh !Tuneveuxpasque je t’applaudissepour çaquand même ? Dures ou douces, ce sont des saletés qui empoisonnent certains inconscients et c’estillégal!

—Madie,nesoispasaussicaustique,çamedonnejusteenviedetetraiterdegreluche,unefoisdeplus!—Iln’yaquelavéritéquiblesse!lancé-jeavantdeluitournerledos.Nousrestonsunlongmomentainsi,sansdireunmot.D’ailleurs,ilmesemblequ’iln’yarienàajouter.

Il connaîtmonopinion sur laquestion et il saitmaintenantque jenedéménagerai pas à l’été.Pour lereste,ceneserapasfautedel’avoirprévenu!Jenepeuxtoutdemêmepaslemenotterauradiateurpourl’empêcherdefairedesconneries,non?Quoique…Cetteidéen’estpaspourmedéplaire.—Tuveuxécouter?—Quoi?—Est-cequetuasenviededécouvrirlestitresquejevaisprésenterpourl’admissionàl’écoledeDJ?Désarçonnée par ce brusque changement de sujet et d’humeur, j’acquiesce, tout en remettant mes

fringues,parcequejecommenceàavoirfroid.Nahelsortdulitetrécupèresonordinateurportableaprèsavoirenfiléuntee-shirtpropreetemporté

celuiquiétaitsaledanslasalledebain.Voilàmonmaniaquederetour,c’estsignequ’ilvadéjàmieux!Allongésl’unprèsdel’autre,nousécoutonssareprisedeMagnificentquejetrouveexcellente.Jene

connaissaispascetitredeU2,maisilestsuper,vraiment.—Tucroisquejepourraivoirleclip?—Ouais,dèsqueVinceauraterminélemontage,ilnouslemontrera.—Tusais,j’aimebienparlermusiqueavectoi,murmuré-jecommepourmoi-même.J’apprendstoujourstellementdechoses!Etpuis,çamepermetdeprendrepartàtapassion.Ravidecetteconfidence,Nahelm’embrassesurlefrontetm’enlace.

—VoilàleduoquejechanteavecSteph.J’aidûchoisirunmorceauetj’aioptépour«IloveU,IhateU»d’I’llcheatyouNash.C’estl’histoiredel’amourimpossibled’unenanapourunmec,parcequecelui-cinepensequ’àuneautre.J’ouvredegrandsyeux,troublée.

—Voilàpourquoiiln’étaitpasquestionquetuinterprètesçaavecmoi.Ilme fait écouter la chanson, que je connais pour l’avoir déjà entendue quandNahel cherchait des

tubesquicartonnaientoutre-Atlantique.Jen’aimepasparticulièrementcetair,maisilestclairqueleurrepriseesttrèsbonne.Stephsemblevraimentsupertristeetmonmecparaîtcomplètementailleurs.C’estparfait.—Etmaintenant,pourfinir, jevoudraisque tumedisescomment tu trouvesce titre.C’estmaversionpersonnelledeBreathe,dugroupeSEEB.Ildatede2012,maisjel’aimixéàmasauceetc’estFredquichante.J’adorelavoixdemonpote.Dommagequ’ilnes’enservepasplussouvent!Le débutme fait penser à de lamusique celtique qui invite aussitôt au voyage.De fait, jeme sens

commeunoiseauquivoleau-dessusd’uneforêt.L’effetqu’acettechansonsurmoiesttoutàfaitétonnant.—Écoutelesparoles,ellesteparleront,j’ensuissûr.

ThisisnotforyourcriesCen’estpaspourtespleursThisisallforyourliesToutestàcausedetesmensongesListenoutforyourmindFaisattentionàtespenséesYou'rekillingmeoverloveTumetuesplusquel’amourDadadaYourkissesaretheonlydoubtTesbaiserssontleseuldoute

IlistenoutfromyourliesQuej’écoutedanstesmensongesDadadaDon'tdrownyourheartbabeNenoiepastoncœur,chérieJustbreathe,don'tdrownyourheartRespire,nenoiepastoncœurJustbreathe,don'tdrownyourheartbabyRespire,nenoiepastoncœur,chérieJustbreathe,don'tdrownyourheartRespire,nenoiepastoncœurJustbreathe,don'tdrownyourheart,babyRespire,nenoiepastoncœur,chérieJustbreathe,don'tdrownyourheartRespire,nenoiepastoncœurJustbreathe,don'tdrownyourheart,babyRespire,nenoiepastoncœur,chérieJustbreathe,don'tdrownyourheartRespire,nenoiepastoncœurTellmeallthedreamsyoufoundDis-moitouslesrêvesquetuasdécouvertsSingmeallthesongsyouloveChante-moitoutesleschansonsquetuaimesCanIsingthemwithyounow?Puis-jeleschanteravectoimaintenant?You'rekillingmeoverloveTumetuesplusquel’amourYourkissesaretheonlydoubtTesbaiserssontleseuldouteIlistenoutfromyourliesQuej’écoutedanstesmensongesDadadaDon'tdrownyourheartbabeNenoiepastoncœur,chérieJustbreathedon'tdrownyourheartRespire,nenoiepastoncœurJustbreathe,don'tdrownyourheart,babyRespire,nenoiepastoncœur,chérieJustbreathe,don'tdrownyourheartRespire,nenoiepastoncœurEffectivement, la voix de Fred est justemagique et quand, aumoment du refrain, ilmonte dans les

aigus,j’aicarrémentlachairdepoule.Tout,danscetair,m’emballe.Quantauxparoles,ilestvraiquej’ysuissensible,puisqu’ilestquestiondemensonges,d’amouretdel’impossibilitéàfairecohabiterlesdeux,parcequenécessairementçaengendredelasouffrance.—Dis,Nahel,soufflé-jeàlafindumorceau.Tuveuxbienmelecopiersurmontéléphone?Etest-cequejepeuxl’écouterencoreunefois?Il rit,heureuxde l’effetqu’acettechansonsurmoi. Jecomprendsalorsqu’ilamissoncœuret ses

tripesdanscetteadaptation.—J’aijouédechaqueinstrument,j’aitoutfaitseul,ettonimageaétéprésenteàchaqueinstant.C’était

tonvisagequejevoyaisquandj’aidécidédelamanièredontj’allaiscréermapropreversion.Cecôtésauvageet celte, c’est toi etuniquement toi.Tume fais souventpenseràDaenerys dansGame of Throneavec ta longuechevelureblonde.Et lorsque tuesencolère, j’ai l’impressiond’avoiruneguerrièreenfacedemoi, tellement tuesbelle.Que tuaimescetteversionest terriblement importantàmesyeux, tun’imaginesmêmepas!Je rougis, troubléepar savisiondemoi. Il adécouvert la femme forte,que j’ignorais être, et il l’a

révélée.Ledébutdutitrereprendet jefermelesyeux,envahieparunesérénitéquejenepensaisplusressentir,entoutcas,certainementpascesoir.

14Quandj’entendslebruitdelasonnette,jemeprécipitepourouvrirlaporte.Nahelm’aprévenuequ’il

viendraitavec toute labandepourquenouspuissionsvisionner leclipensemble. Il aégalementeu labonneidéedepréciserqueStephneseraitpasdelapartie,cequinousaévitéuneengueuladedantesque.Remarquez, au point où nous en sommes, une de plus ou une de moins, ça ne fait plus vraiment ladifférence.Seulement,çameferaitbienchierdemeprendrelatêteavecmonmecpourcetteconne,ceseraitjuste

lui faire trop d’honneur. Donc,même pas en rêve ! Dansmon esprit, de toute façon, les choses sontparfaitementclaires:moivivante,cettegruenemettrapasunpieddansmonappartement.Noushabitonspeut-êtreensemble,maisici,jesuisencorechezmoi!Voilà près d’une semaine que notre dernière explication, si pénible, a eu lieu et, depuis, nous nous

débrouillonspourapaiserlestensionsentrenous.Pourcequiestdudeal,jen’airiendemandé,maisilm’ajustepréciséqu’ils’enoccupaitetquetouts’arrangeraittrèsvite.J’aidécidédeluifaireconfiance,mêmesijesaisquec’estsansdouteuneerreur.Maisj’aitellementenvied’ycroire,quejepréfèremevoilerlaface,conscientetoutefoisquejenevaispastarderàleregretter.Durant mes pauses de midi, j’ai effectué diverses recherches, afin de trouver des centres de

désintoxication.Cequiestterrible,c’estqu’ilyenapeuhormisleshôpitauxtraditionnels.Cependant,lemanquedepersonnelcompétentneleurpermetpasd’assurercommeilsledevraient,sibienquepourunrésultatprobant,ilfautsetournerversdescliniquesquicoûtentlapeaudesfesses.J’attendsquecelles-cim’envoientleursbrochures,carjeprésumequelepèredeNahelfinanceraceséjour.L’argentn’estdoncpasréellementunproblème.Depuisdimanche, jenefaisquepasserBreatheenboucle,sans jamaismelasser.Bonsang, j’adore

cettechanson!Laversiondebaseétaittrèsélectronique,maisNahelyaintégrédesinstrumentscommelaguitareoulaflûte,sibienquelecôtéceltiquedumorceauressortvraiment,mêmesilerefrainrestepop-électro. Mon mari a eu la gentillesse de la graver sur une clé USB, si bien que je la metssystématiquementdanslavoiture,sansparlerdemesécouteursetdemonsmartphonequin’ontjamaisétéautantsollicités!Non seulement, cette chanson me fait me sentir mieux, mais en plus, elle m’a permis de mesurer

l’étenduedutalentdemonmec.Etjesuismaintenantbéated’admirationpourceluiquejen’hésitepasàqualifierdegéniecréatif.Vousdevezsansdoutevousdirequejemecomportecommeunemidinetteenchaleur face à son idole, mais je vous jure que je n’avais pas pigé à quel point il était fait pour lamusique!J’enavaisdéjàunevagueidée,maissanscomprendrejusqu’oùçapouvaitaller.Maintenant,jesais…Lorsquej’ouvrelaporte,jesuissidéréedelesvoirporteruncanapéennubuckcrème.

—C’estquoiça?—Jenousmeuble,répondmonmariavecunsouriresatisfait.J’enaimarrequeVincesecouchesurnotrelit,chaquefoisqu’ilvient.Avecsesgrollesdégueulasses,ilenfouttoujourspartout!Àcesmots,jenepeuxmeretenird’éclaterderire.Sophie,poursapart,portedessachetsprovenant

dufast-foodducoin.Ehbien,cen’estpasencoreaujourd’huiquejevaismangersainetéquilibré!Jemepousse,pourleslaisserentrer.SiNahelcontinueainsi,bientôtnousn’auronsplusuncentimètre

pourcirculer!Ilsdécidentdeposerlesofadevantlatablebasse,àdroitedufauteuilenosier,demanièreàcequel’écranplatsoitjusteenface.Cen’estqu’uncanapétroisplaces,pastropimposant,sinonnousn’aurionsvraimentplusd’espacedanslapièce.Heureusement,monstudioestdeuxfoisplusvastequeceuxde laplupartdemesvoisins,cequin’estpasnégligeable. J’ignoreavecquelargent ilapayécemeubleetjeneveuxsurtoutpaslesavoir.Enfin,si,j’aimeraisbienmerassurer…—Je l’aiachetéavec le fricquem’aversé leclubpour lessoiréessupplémentairesoù j’aimixé,mesouffle-t-ilcommes’ilavaitcompriscequimepréoccupe.Pourvousexpliquer,Nahel travaille toujourspour laboîtedenuit situéeàLaPlainedesBouchers,

celledanslaquellejesuisdéjàalléeaveclui.Maisilbosseégalementdansunediscothèqueducentre-ville.C’estsansdouteàcetétablissementqu’ilfaitallusion.Soulagée, plus que je ne l’admettrai jamais, je file vers la cuisine pour chercher des serviettes en

papier,tandisquelesautress’installentautourdelatablebasseetsepartagentlesvictuailles.Pendantcetemps,Fredarécupérédeschaisesetmonmariareliésonordinateurportable,oùVinceainséréunecléUSB,àlatélévision.Nousprenonsd’abordletempsdenousrestaurerenpapotantdetoutetderien.Clairement,lessujets

quifâchentsontévitésetçamevaparfaitement.Une foismonBigMac etmes frites engloutis, je ramasse nos déchets, pendant qu’ils effectuent les

réglagesnécessaires.—Alors,lesenfants,vousêtesprêts?demandeVince.Ilsefrottelesmainsetsonsouriresalacen’augureriendebon.

—Jevouspréviens,poursuit-ilsurlemêmeton,c’estchaud!J’aibandépendanttoutletournage,durantlemontageaussid’ailleurs.Les sifflets des mecs et les cris de protestation de So l’interrompent aumoment où il s’apprête à

s’asseoir.—Benquoi?s’exclame-t-ilenlevantlespaumesensignedereddition.C’estpasdemafautesicettefolleestsupersexy!Depuisquelquetemps,ilmesurnommetoujoursainsi.Quandj’aidemandépourquoi,ilm’aexpliqué

quec’étaitliéàmondiminutif,Mad,quisignifiefouenanglais.J’airietjen’aipasrouspété.Aprèstout,c’estVinceetnousluipassonstout,parcequec’estundesmecslesplussympasqu’ilm’aitétédonnéderencontrer.Savoirqu’il trempedansdeshistoires louches, faitplusquem’étonner,çamesidère.Maisd’aprèsmonamie,ilabesoindecetargentpourvivre,carcontrairementàNaheletFred,iln’estpasissud’unefamilleaisée.Sonpèreestmortetsamèrefaitdesménagespournourrirsesfrèresetsœurs.—Tagueule,redhead1,râleNahel,installéavecmoisurlefauteuilenosier.LenouveaucanapéestsquattéparFred,ValetSophie.Vincesecontentedelachaiseenpestant.

—Bordel,c’estçaquandonestàlatechnique,onsefaitsystématiquementgrillerlesmeilleuresplaces!—Allez,pèreFourras,assieds-toietarrêtedefairetaprécieuse,lancemonmariavecamusement.Ilfaitréférenceàlabarbedesonpotequin’ajamaisétéaussifournie.

—T’essûrquejenepeuxpasmecouchersurvotrelit?Lesdrapssententtoujourstellementbon!—Mêmepasenrêve!s’exclameaussitôtNahelenlefusillantduregard.Situfaisça,jetefousdehorsparlebalcon!—Ohçava!Paslapeinedet’excitermonbad-boyd’amour!—Connard!—Moiaussi,jet’aime,mapoule!Nousrionsdecetéchanged’amabilités,trèsfréquententrelesdeuxhommes.Puis,VincemetlePCen

routeetjedécouvreenfinlefameuxclip.

Dansunpremiertemps,onvoitFredetNahelentraindediscuter,defaireuncheck,puislepremierpartir.Autourdemonjules,desgensmarchent,maisleursvisagessontfloutéset l’imageestennoiretblanc.Luiseulestencouleur.Iltournelatêteàdroiteetàgauche,l’airpassablementblasé,avantqu’unetouchederougen’apparaissedansuncoindel’écran.Ilpivoteaumomentoùlesguitarescommencentàsefaireentendre.Enréalité,c’estmoiavecmadoudouneetmonbonnet.Jemarchedanssadirection,passedevantlui,

fais un sourire en baissant le visage, etme retourne pour le regarder, avant dem’éclipser. Durant lepremier couplet, on suit Nahel qui me file. Certaines fois, on m’aperçoit de dos, mais jamais trèsprécisémentetjedisparaistoujoursvitefait.Aumomentdurefrain,ilestsuruneplacevideetjouedelaguitare, en chantant.Vêtu d’une chemise blanche qui laisse entrevoir ses tatouages, il est franchementsexy.À la deuxième strophe, on le retrouve dans ce qui ressemble à un studio, tandis qu’il interprète à

nouveaulerefrain,torsenu.Quandilmurmure«onlyloveleavesuchamark»,ilindiquedudoigtledessin sur sa poitrine, celui où figuremonprénom.C’est à cemoment que j’entre àmon tour dans lapièce. Il semble tout stupéfait, presque timide, et je jure que So etmoi craquons comme des ados enchaleur.Puis,ensuite,c’estmoiquidanseenmontrantcettefoismontattooquel’onaperçoit,enraisondujean taillebasseque j’arbore.Durant le solodeguitare,nousnous retrouvons l’un faceà l’autre.Nosdoigts,ceuxquiportentlesalliancessecroisentetilsemetderrièremoipourm’embrasserlanuque.Audernierrefrain,nousbougeonsensemble,etc’estcommesij’étaistorsenu,mêmesienréalité,j’avaisunbandeaudecouleurchairsurlesseins.Juste avant la fin, nous sommes en train de nous rouler une pelle.Mes cheveux volent grâce à un

ventilateur.Enfin,l’ultimeimageestcelledemamainposéesurlasienne,justeau-dessusdudessinquiornemahanche.Nosannulairessontcôteàcôteetonpeutparfaitementdistinguerquenosbaguessontidentiques.Lorsquelegénériquedefinapparaît,jesuissouslechoc.Pourlapremièrefoisdemavie,jemesuis

trouvée jolie. Est-ce ainsi que Nahel me voit ? Remarquez, j’étais super bien maquillée par unespécialistedelachose,amiedeVince.Maisquandmême,waouh!Jamaisjen’aieucetteimagedemoi.—Jenesaispasquoidire,parviens-jetoutjusteàbégayer.L’écranestredevenunoir,maisjecontinueàlefixer,incapabledecroireàcequejeviensdécouvrir.

C’est juste prodigieux. Ma minceur, celle qui me gênait en raison de mon manque de formes, a étémagnifiéeparlescaméras.Jemefaisl’effetd’êtreuneelfeouunesirène.—Turigoles!T’étaissensationnelle!s’écrieSophieavecungrandsourire.—Jetrouveaussi,ajouteNaheldontleregardbrûlantnemequittepas.En clair, il a envie de baiser et pas qu’un peu. Aussitôt, je sens mes joues chauffer furieusement.

Devantsesamis,c’estquandmêmevachementgênant,surtoutquesamainestdéjàpasséesousmonpullpourmecaresserdoucementleventreets’amuseravecmonnombril.—Ouais,etsuperbandante!enchéritcecrétinderouquin.Jetel’aidit,j’aieulatriquetoutletempsoùjefaisaislemontage.—Etpasavecmoi?demandeSo,quifaitsemblantd’êtrevexée.—Biensûrquesi,mapintade!Maiscettepetitefolle,jenel’auraisjamaisimaginéedecettemanière.C’étaitunevraiesurprisequandj’aivulesrushs.D’ailleurs,maintenantquej’ypense,jesensquejevaisêtredurlerestedelajournée.Dites,lesfilles,vousnevoulezpasexaucerundemesfantasmes?—Lequel?s’enquiertmonamieaveccuriosité.—ToietMadieàpoilsurunlitentraindevousfairedesgroscâlinsetpuismoiquiarrivecommeunmessie.Vousm’embrasseriezlespiedsendécouvrantlatailledemonenginet…

—Ahnon,merde!Tagueule,Shrek!s’écriemonmariavecunemoueécœuréequidoitressemblertraitpourtraitàcellequej’arboreégalement.—Benquoiencore?Onaquandmêmeledroitderêver,non?—Naan, parce qu’aucune des deux ne voudra jamais de toi ! T’es beaucoup tropmoche,mon gars !enchéritFred,l’œilmauvais.—Enfoiré!s’exclamelerouquinenluilançantuneservietterouléeenboule.Tuviensjustedecassermonfantasme,espècedefilsdepute!—Eh,onadit,paslesmamans!intervientNahelavecundoigtpointéenl’air.Çasefaitpas!Vinceronchonnedanssabarbe,toutdépité.

— Et puis, tu parles de ton engin d’enfer, mais je ne l’ai jamais vu, poursuit mon amie qui sembleégalementbiendécidéeàletorturerunpeu.Montreunpeulamarchandiseavantdetevantercommeça!—Quoi?Icietmaintenant?—Benouais!Jetejureques’ilestaussiénormequetuledis,jequitteFredsur-le-champpoursauterdanstonlit.Cederniern’appréciepastroplablague,parcequ’illuienvoieuncoupdecoudebiensenti.

—Eh,maispourquoitumetapes?s’exclame-t-elleaussitôt.—T’espasdrôle!Tucroisquoi?Quetupeuxmelourderpourcegrosnaze?Mêmepasenrêve!—Du calme chéri,Vince frime beaucoup,mais je suis certaine qu’il n’a qu’unminable asticot et devieillescouillestoutesratatinéesdanssonjean.Piquéàvif,cederniercommenceàouvrirsaceinture.Alors,pourtemporiserlesmoqueriesdontilfait

l’objet,jelancelapremièreconneriequimevientàl’esprit,pendantquelesautressebidonnentcommedesdingues.—Vince,remballetonmatériel.Nevaut-ilpasmieuxfairetoncoming-outetavoueràtoutlemondequec’estNahelquit’amisdanscetétat?Tusais,jepeuxcomprendre,moiaussijeletrouvetrèssex!Maisjetepréviensquesituaslemalheurdeletripoterd’unemanièreinconvenante,oud’exhibertonattirailsous son nez, je prends ta queue, je la coupe avecmon super couteau de cuisine et je la fais frire enrondellespourmaprochainesaladelandaise!Derrièremondos,Nahelestàmoitiéallongé,mortderire,mêmes’iltentedeseretenirautantqu’ille

peut.Nouvelaccèsd’hilaritégénéral.Vinceserebiffeetposelesdoigtssursonpénis,enmefusillantduregard.—T’esdingueouquoi,mafolle?QuelleidéedeparlercommeçadevantVincejunior!Lepauvre,t’esentraindeletraumatiserpourlessixprochainsmois.Puis,passant lamainsursabraguette, ilajouted’unevoixqu’ilprendraitpours’adresseràunpetit

chat.—Là,là,monbébé.Papaestlàpourteprotégerdecettebarbare!N’écoutepaslavilainemadame,ellenefaitrienquediredesmensongespourfairepeurauxbraveszizissolitairescommetoi!Jem’esclaffe tellementquedes larmesroulent le longdemesjoues.Certainssoirs,commecelui-ci,

sont une véritable bénédiction. Et je me souviendrai longtemps de ces heures, comme d’un de cesmoments où l’on oublie tous ses problèmes. C’est incroyablement apaisant de rire avec tantd’insouciance.Celapermetdese rappelerqu’onest jeunesetque,malgré lespressionsexternes,nousavonsencoreledroitdenousamuser.

15

—Oui,Sophie,murmuré-jeautéléphoneenrejoignantl’Audi,garéeunpeuplusloin.C’estbon,jeviensdelesdéposeràl’aéroport.Ilsembarquaientquandjesuispartie.—Mercidem’avoirappelée.C’estgentildetapart.Ilfautquejefile,mapauseestterminée.Bisousetàdemain.Manquedebol,monamiebossecesoiràl’hôpital,tandisquej’ytravaillaiscematin.C’estpourcette

raisonquej’aiétélechauffeurdecesmessieurs.Çayest,ilss’envolentpourLondres.Cestroisdernièressemainesontdéfilétellementvitequejedois

mepincerpourvérifierquec’esteffectivementlecas.Nousavonspassénosépreuvesécrites,et jesuisassezcontentedeceque j’aiproduit.C’étaitplus

facilequejenel’avaisimaginé.Enréalité,j’étaistotalementtétaniséeparletrac,incapabledeparleroudebouger.Voyantcela,Naheladécidédesécherunejournéeets’estoccupédemoi.Ilm’aaccompagnéeaucentred’examenenvoiture,apatientédurantletempsoùjeplanchais,puism’aramenéeàlamaison.Commentnepasaimerunhommesurquivouspouvezcompterquandvousenavezbesoin,sansavoiràlelui demander ? Maintenant, il ne me reste plus qu’à attendre les résultats, même si les cours sepoursuivent,puisquenouspréparonslesoraux.Enfindesemainedernière,ilaeudesnouvellesdesonécole.Lejuryd’admissionétaitemballépar

lesprojetsprésentés,cedoitêtrel’effetBreathe,sibienqu’ilaétéconvoquépourl’ultimephase:lesentretiens. Fred également.Voilà pourquoi je viens de les accompagner à l’aéroport où ils s’envolentpourLondres.Ilsydemeurerontpendanttroisjoursetnerentrerontquedimanchesoir.C’estSophiequilesrécupérera,parcequejeseraidecorvéeaucinéma.En tout cas, je sais d’ores et déjà que ça va me sembler très bizarre de rester seule dans mon

appartement. Et pas dans le bon sens du terme, parce que depuis notre dernière dispute, quand j’aidécouvertsesactivités,nousavonsfaitlenécessairepournousépargnerdenouvellesengueulades.Etjepeuxvouscertifierqueçafaitunbienfou.Enoutre, jen’aiplusrevuleflicet,commemonmariapromisd’arranger leschoses, j’oseespérer

qu’il a arrêté ses conneries.Lesbrochuresdedivers centresdedésintoxication sont sagement rangéesdansletiroirdemonbureau,maisj’aidécidédenepasencorelesluimontrer.Enréalité,j’attendsd’êtresûrequ’il soitadmisdanssonécole.Pas lapeinede luicoller lapression,puisqu’ilestégalemententraindebossersursonmémoiredemaster.Jen’iraipasjusqu’àprétendrequ’ilacessédesedroguer,jesaisquec’estfaux.Maisilmesemble

qu’ilasacrémentdiminuélesdosesetjemeplaisàpenserqu’ilestsurlabonnevoie.Enarrivantauxabordsdel’Esplanade,jenepeuxretenirunbâillement,tandisquejepatienteàunfeu

rouge.Jesuisépuisée,cardeboutdepuiscinqheurescematin,ilestdoncplusquetempspourmoidemereposer.D’autantque lanuitdernière,Nahelétaitdéchaîné,sibienquejen’aipaseu l’opportunitédedormiravantdeuxheures.Maiswaouh,çavalaitcarrémentlecoup!Quellepartieincroyabledejambesenl’air!Avecunsoupirdesoulagement,jegarel’Audisurleparkingprivédemonimmeubleetrécupèreles

clésdustudiodansmonsac.Àvraidire,jen’aimepasbeaucoupcetendroitlesoir.Ilesttrèsmaléclairéetjenepeuxm’empêcherdemepresser,pasfranchementrassurée.

Jesuissurlepointd’arriverauniveaudelaportelatérale,quimepermetd’accéderauhalld’entréesansavoiràcontournerlebâtiment,quandjesensqu’ontiresurmaveste.Aussitôt,jesuisgagnéeparunepanique indicible.Avant que j’aie pu réagir, je suis ceinturée par un bras qui s’enroule autour demagorge.J’aitellementpeurquejenepeuxm’empêcherdehurler,maisunemainseplaquesurmaboucheetétouffemoncri.Évidemment,iln’yapasâmequivivedansceparking!L’instant d’après, je suis poussée brutalement contre lemur et trois ombres terrifiantes se dressent

devantmoi.Jesuisenpaniquetotale!Seigneur,qu’ont-ilsl’intentiondemefaire?Jésus,situeslà,aide-moi.Nemelaissepasdevenirlavictimedecettebandedeprédateurs!Contreunseuladversaire,j’auraisprobablementpuessayerdemedéfendre.Maislà,impossible.

—C’esttoilameufd’ElKhouri?demandeletypequim’aattrapée.Quoi?Maisqu’est-cequec’estquecebordel? IlsconnaissentNahel?Bonsang,commentpeut-il

fricoteravecdescrapulespareilles?—Désolée,j’ignoredequoivousparlez,répliqué-je,tentantpartouslesmoyensdesauvermapeau.Eneffet,àlasecondeoùilm’aposécettequestion,j’aicomprisqu’ilyavaituncontentieuxentreles

deux.—Arrêtedemeprendrepouruncoño,salepute!Çafaitdessemainesqu’onvoussuit,onsaittrèsbienquet’esmaquéeaveclui!—Danscecas,pourquoimeledemander?Vousdevezsansdoutemeconsidérercommeunetéméraireaumieux,etuneinconscienteaupire.Mais

j’ai toujours entendu dire qu’en cas d’agression, il ne fallait surtout pasmontrer sa peur, parce qu’ondonnedupouvoiràceluiquienaaprèsvous.—Nejouepasàcepetitjeu,grognasse!Puis, il s’approche de mon visage et pose sa bouche tout près de mon oreille, provoquant

instantanémentunfrissonderépulsionetdetrouillemêlées.—Tuvasexpliqueràtonconnarddemecqu’ildoitarrêterdemarchersurmesplates-bandes.Aveclepetitcomplotqu’ilamisaupoint,nousavonseudesacrésemmerdements.S’ilrecommence,jetefaislapeau.Pendantqu’ilprononcecesmots,sonemprisesurmagorgeseresserre.S’ilcontinuecommeça,jene

pourraibientôtplusrespirer!Pourtant,celan’empêchepasmoncerveaudefonctionneràpleinrégime.—Jenecomprendspasdequoivousparlez,parviens-jetoutjusteàéructer.—Ce sale enculé et sa bande se sont arrangés pour que leurs clients nous dénoncent.Comme ça, ilspensaientnousmettrehorscircuit.Maisonnesepayepasmatêtesanspasseràlacaisse!Jesuislebossdanscetteville!—Commentsavez-vousquec’estlui?Punaise,jedevraisfermermagrandegueule,moi!Aulieudeça,jedemandedesprécisionsàcepsychopathe.Complètementdébile,lafille!

—Leflicquinousaarrêtésalâchél’info!Maisdetoutefaçon,ons’endoutaitdéjà.Etpuis,putaindemerde,j’aipasàteracontermalife!Tutransmetslemessage,c’estpigé?—Oui,oui,j’aicompris.—Très bien et n’oublie pas de lui expliquer que tout le gang s’amusera à te passer dessus avant det’éliminer.Alors,tu…—Dégagedelà,connard!s’écriequelqu’undanslapénombre.Jenediscernepasl’hommequivientdelesapostropher,maisjereconnaissavoix.Ils’agitdeGreg

Dojong.Jenepeuxpassaquercetype,malgrétout,jesuisheureusedelevoir,jel’avoue.—Vatefairefoutre,mec!répliquel’undesacolytesdeceluiquim’amenacée.Passetonchemin,tusais

pasoùtumetslespieds!—Pauvre connard, c’est toi qui n’as aucune idéede cequi t’attend.Alors,maintenant, vous relâchezcettefilleoujevousfaisàtouslestroisundeuxièmetrouducul!Uncouptiréenl’airlessurprend,toutcommemoid’ailleurs.Vulatournuredesévénements,ilsnela

ramènentplus.—T’asintérêtàpasserlemessage,sinonjetejurequelaprochainefoisquetumeverras,ceseraavecmabitequejet’expliqueraileschosesetmespoteségalement!Puis,sanscriergare,ilsprennentlatangenteetdisparaissentdanslanuit,aussiviteetsilencieusement

qu’ils étaient arrivés. Bon sang, je me sens tellement mal que je crois que je vais tomber dans lespommes.Lapeurquimepermettaitdetenirdeboutestentraindes’estomper,melaissantcomplètementenvrac.—Vouslesconnaissez?s’enquiertDojongquivientdeserapprocheretmesaisitparlesépaulespourmesoutenir.Choquée, je suis incapable de répondre. Quels personnages odieux ! Comment est-il possible que

Nahel ait des relations, quelles qu’elles soient, avec eux ? Plus inquiétant encore, l’un des typesm’aaffirméqu’ilsnoussurveillaientdepuisquelquetemps.Jenem’étaisrenducomptederienettoutporteàcroirequemonmarinonplus.Aussitôt,jesensunesourdeangoissemonterenmoi.Est-cequeceseraça,mavieaveclui?Cetteextrêmeviolencecapabledevoustomberdessusàn’importequelmoment?Pourmoi,c’estjusteinenvisageable,jefiniraispardevenirparano.—Quiétaientceshommes?demandé-jed’unevoixfaible.—Celui qui vous amenacé s’appelleAmoros.MiguelAmoros.C’est le chef d’un gangqui sévit surStrasbourg,depuisplusieursmoismaintenant.Leuractivitéprincipaleestletraficdedrogue.C’estunebonneconnaissancedevotremari.Ilhésiteuninstantetpoursuit.

—Venez,nerestonspasici,cen’estpasprudent.J’airéussiàlesfairedégager,maisjenesaispaspourcombiendetemps.Sansperdreuneseconde,parcequejesuispétéedetrouille,jerécupèremesclésdanslapochedema

doudouneetouvrelaporte.Quandjepenseàcequiauraitpuarriversansl’interventiondecethomme,j’enaidessueursfroides.Entendons-nousbien,jenel’appréciepasplusqu’avant,maisenfin,ilvientdemesauverlamiseetjenepeuxqu’êtrereconnaissante.En silence, nous pénétrons dans l’ascenseur et je me demande s’il va essayer d’entrer dans mon

appartement.Magratitudeayantseslimites,iln’estpasquestionqu’ilyfouteunpied.—Mevoiciarrivée,murmuré-jedevantmaporte.Jepivoteverslui,maisnefaispasminedeladéverrouiller,afindebienleluifairecomprendre.J’ai

eumoncompted’émotionspouraujourd’hui,çasuffitcommeça.Enoutre, jenemesensguèreplusensécuritéaveclui,pourêtretoutàfaithonnête.—Madeleine, ilfautquejevousparlesérieusement.Cettesituationestcompliquée,maisjeveuxbienvousl’expliquer.Parcontre,ilesthorsdequestionquejelefassesurletrottoir,enpleinmilieudelarue,ousurcepalier.Je sais qu’il a raison. Ce qui vient de se passer est grave, très grave même. S’il peut m’aider à

comprendrelesliensqu’entretientmonmariaveccesmalfrats,alorsjedoisl’écouter.—Trèsbien.Quesuggérez-vous?—Nouspourrionsentrerchezvouset…—Désolée,maisjesuisépuiséeetj’aimeraismecoucher.GregoryDojongnecachepassadéception.C’estdinguequandmême!Maisàquois’attendait-il?À

cequejeluimitonneunpetitplat?Oh,maisçavapaslatête!—Danscecas,jevoudraisvousvoiraprès-demain,dèsquepossible.Voustravaillezàl’hôpital?—Vousquisemblezaucourantdetout,devriezsavoirqueleweek-end,jen’ysuispas.—C’estvrai,admet-ilensouriant.Aucinéma,danscecas?—Oui,demidiàdix-huitheures.Maisavant,jesuislibre.J’aisuggérécetteplagehoraireentouteconnaissancedecause.Iln’estpasquestionquejelevoieen

soirée.—Trèsbien.Après-demainmatin,ausalondethéàl’angledelarue.—Celuiquisetrouveàcôtédelapharmacie?—Exactement.—D’accord,j’yserai.Soudain,alorsquejenem’yattendspasdutout,iltendlamainpourcaressermajoue.Jesuisaussitôt

prised’unmouvementdereculquiparaîtlecontrarierauplushautpoint.C’estladeuxièmefoisquejelisundésirintensedanssonregard.Bonsang,vousavouerezquecen’estpasdeveine!Finalement,aprèsavoirsemblésurlepointd’ajouterquelquechose,ilmetournebrusquementledoset

s’enva,pendantquejemedépêchedem’engouffrerdansmonappartement.

16J’entredanslapâtisserieàneufheurespasséesdecinqminutes,encesamedimatin.J’aiuneminede

déterréeetn’aipasprislapeinedememaquiller.Inutilequejememetteenfraispourcequim’attend.Enmêmetemps,n’importequiavecmoinsdequatreheuresdesommeil,durantdeuxnuitsd’affilée,seraitdanscetétat.Defait,unefoisrentréechezmoi,avant-hiersoir,j’aiaussitôtverrouillélaported’entrée,accrochéle

loquetdesécuritéaveclachaîne,etcaléunechaisesouslapoignée.Après une douche chaude qui m’a fait un bien fou, j’ai pensé, en toute logique, que je pourrais

rapidement m’endormir. Physiquement, j’étais totalement éreintée. Mais psychologiquement, alors là,pardon,ilenallaittoutautrement!Chaquebruitdanslecouloirouchezlesvoisinsmefaisaitfairedesbondsdans le lit.Dèsque jecommençaisà fermer lesyeux, je revoyais leurs tronches terrifiantes, entraindes’amuseràmefairepeur.Etquandj’aiéteint,çaaétéencorepire.J’avaisl’impressionquedesombresplanaienttoutautourdemoi.Unvéritablecauchemar.Finalement,àdeuxheuresdumatin,n’ytenantplus,j’aiallumélalampedechevetetmislatélévision

enmarche.Alorsseulement,gagnéeparl’épuisement,jemesuisassoupie.Toutefois,àpeinetroisheuresplustard,jemesuisréveilléeensursaut,aprèsavoirfaitunrêveépouvantable,danslequeldeshommesvêtusdenoirmepoursuivaient. J’appelaisNahel,mais il n’était pas là.Puis, je l’ai vuqui riait avecSteph,avantdel’embrasser.C’estàcemomentprécisquej’aireprisconscience,terriblementperturbée.Tout laisseàpenserquel’agressiondont j’aifait l’objet,–parcequec’estainsiqu’ondoit lanommer,pasvrai?–m’atraumatiséebienplusquejenel’avaissupposé.Ilm’a fallu trois expressos pour arriver à bouger et àme rendre à l’hôpital, hiermatin, un foulard

enrouléautourdemoncouquiportedesmarquescauséesparcesaletype.J’aifaitcroireàmescollèguesquej’avaisuneangineetmapâleuracorroborécetteexcuse,sibienqu’onm’afichulapaix.Etc’étaittoutcequejedemandais.Àpeinesortiedutravail,jesuisrentréechezmoienvoiture,terroriséeàl’idéederecroiserceshommes.Unefoisàl’abri,jemesuisécrouléecommeunemassepourdormirjusqu’àcematin d’une traite, ratant même l’appel de Nahel. Et pourtant, je n’ai pas meilleure mine, bien aucontraire.D’ailleurs,sijen’avaispaseurendez-vousavecDojong,jevousjurequejeseraisrestéedansunétat

larvairesousmacouette,pourmeremettredemesémotions,mêmesijedoutequecelasoitfacile.Aujourd’hui,pendantquej’avalaismonpetit-déjeuner,j’aieffectuédesrecherchessurdesclubsoùje

pourraisprendredescoursdeself-défense.Iln’estpasquestionquecettemésaventuresereproduiseunjour,c’estmoiquivousledis!Àneufheures,etparcequejen’avaispasréellementlechoix,j’aifiniparenfilermavestepoursortir.

Dieuduciel,queçaaétédifficiledevenirjusqu’ici.Lemoindrebruit,quecesoitunrireouuncoupdeklaxon,mefaisaitsursauteretpaniquer.Sijenemecalmepastrèsvite,c’estclairquejevaisdevenirfolle.GregDojongestinstalléaufonddusalon.Visiblement,ilm’attenddepuisunmoment,parcequedeux

caféssontdéjàvidéssurlatable.—Bonjour,lancé-je,avantdem’asseoir.—SalutMadeleine,tutesensbien?

—Onsetutoiemaintenant?jem’enquiers,lesyeuxgrandsouvertssousl’effetdelasurprise.—Celapourraitêtrelecasdepuislongtemps.Seulement,tues…unpeusauvage,dirons-nous.Quelcrétin!Celaprouvequ’ilnemeconnaîtpastrèsbien.Moi,sauvage?Etpourquoipasasociale, tantqu’ily

est ?Décidément, je crois que certains jours, il vautmieux être sourde que d’entendre des conneriespareilles.Toutefois,jemegardebiendeluifairesavoirlefonddemapensée.Jen’oubliepasqu’ilestflicet

pourraitmecauserdesennuisàcetitre.Deplus,ilestlàpourmepermettredecomprendrecequis’estpasséavant-hiersoir.Aprèsavoircommandéundoubleexpressoetuncroissant,jeretiremavesteetluifaisface.—Alors,dequoidevions-nousparler?Autantentrerdanslevifdusujetimmédiatement.Decettemanière,noustermineronsrapidementetje

pourrairetournermecacherdansmagrotte.C’esttoutceàquoij’aspire.Justeavantdevenir,j’aitéléphonéàSophie.Ellemedevaitunserviceetaaccepté,àcetitre,deme

remplacer aujourd’hui au cinéma.Dansmon état, ilm’était impossible de bosser.Mon amie n’a riendemandé,maisj’aiperçuclairementdel’inquiétudedanssavoix,d’autantqu’ellen’aprobablementpasgobémonhistoired’angine.— As-tu bien dormi, ces deux dernières nuits ? questionne-t-il comme s’il n’avait pas entendu maquestion.—Bof.Vuma tronche, difficile de faire illusion,mais jem’y oblige, parce qu’il n’est pas question que je

racontemavieàcemec.Jerefusedecréerunquelconquelienaveclui,mêmes’ilm’asauvélamise.Riendecequimeconcerneneleregarde.—C’estlecontrecoup.Net’inquiètepas,çapassera.—Sivousledites.—Arrêtedemevouvoyeretappelle-moiparmonprénom,s’ilteplaît!Sontonpéremptoirem’agaceimmédiatement,maisjeneprotestepas.Parcontre,ilnevapastarderà

découvrirquejefaistoujourscequejeveux.Etiln’estpasquestiondefamiliarités.Jen’oubliepasquiilest,nicequ’ilcherche.Unsilencegênés’installeentrenous,pendantlequellaserveuseapportemacommande.Tandisqueje

memetsàgrignoterlaviennoiserie,jel’observeavecattention.Ilal’aird’hésiter,puisunelueurdécidéeéclairesonregard,àl’instantoùilprendlaparole.—Cequi s’estpasséhier soirn’estqu’undébut,Madeleine.Amorosne lâcherapas l’affaireet jeneseraipastoujourslàpourteprotéger.Jesursauteàcesmots,effrayéeparcequej’entrevois.

—Quisont-ilsexactement?—Ungangdetrafiquantsdedrogue.Àcôtédeleurbusiness,labandedetonmarifaitfigured’amateurs.Ceux-là,cesontdevraisméchants.Intimidations,vols,escroqueries,viols,proxénétisme,deal,ilssontpartout.—Danscecas,pourquoinepaslesarrêter?C’estsimpleça!Lasolutionparaîtpourtantévidente.

—Sinoussavonsqu’ilssontimpliqués,nousn’avonsjamaispulesinterpeller,fautedepreuves.Leursavocatssontdesrequinset,surtout,ilsfontappelàcequenousnommonsdesmules.—Desmules?— Normalement, les mules sont des personnes qui conduisent la came d’un point A à un point B.

Toutefois,encequilesconcerne,ils’agitdepauvrestypesquis’accusentàleurplace.Cenesontpasdesrécidivistes,sibienque, laplupartdu temps, ilsn’écopentquedesursis.Etmêmes’ils fontde lataule,clairement,ilsneparlentpas.—Pourquoi?—Parcequ’ilsnesontaucourantderien,c’estaussisimplequeça.Encontrepartie,ilssontgrassementrémunérés à leur sortie de prison ou du tribunal, dans le meilleur des cas. Ceci dit, nous savonsparfaitementquelesdeuxfrèresAmorossontderrièretoutescesmagouilles.Maissanspreuves,onpeutsebrosser,iln’yarienàfaire.Ilyatantdelarbinsquibossentpoureuxque,mêmesinousenchoponsquelques-uns,çanechangerienautableau.Ilss’enaperçoiventàpeine.—PourquoiavoirlaisséentendrequeNahelestunamateur?—Parceque,contrairementàlabanded’Amoros,tonmecetsespotesnevendentpasdedroguesduresetnefontpaslasortiedescollègespourfilerleurmerdeàdesmômes.—C’estplutôtunebonnechose,non?—T’asledroitdelepenser,maismoi,jedisqueleurpetittraficestillégal,c’esttout.—Cequejenecomprendspas,c’estpourquoivousfaitesunefixettesurmonmari,alorsquelevéritablefléauestailleurs.Cesonteuxquevousdevrieztraquerd’abord,pasvrai?—Cen’estpasaussisimple.L’andernier,nousavonsmenéuneopérationd’envergurepourlesarrêter.Putain,çafaisaitdesmoisqu’onbossaitdessus!—Ques’est-ilpassé?—Leschosesontmaltourné.Undemescoéquipiersestmort.J’enaiététenupourresponsable.Jenesuispassûredecomprendrecequ’ilmeraconte.

—Pourquelleraison?—Onm’areprochéden’avoirpasassezassurénotreprotectionàtous.Enréalité,ilsnousattendaient.—Commentest-cepossible?— Ils ont forcément été informés de notre venue.Ce qui signifie qu’une taupe les a renseignés.C’estseulementàcemoment-là,quej’aipigéàquelpointilsavaientlebraslong.Débutseptembre,nousavonscoffréquelquesmulessupplémentaires.Parmielles,ilyavaitcettefille,Rosie,unevéritablejunkie.Elletapinait et convoyait occasionnellementde la camepour eux.Pourtant, il y a encoreun an, c’était unejeune femme lambda comme toi. C’est elle qui a balancé le nom d’El Khouri. Comprends-moi bien,Madeleine,j’étaisdanslecollimateurdemessupérieurs.Ilsm’ontdoncdemandédem’occuperdecettepetitebanded’étudiantssansenvergure.Pendantcetemps,Amorossévitpartout.—Jenesaisistoujourspaspourquoivousm’expliqueztoutça.—Parcequetonjulesetsespotesontcommisuneerreurmonumentale.Ilssesontmontrésintelligents,maisn’ontpasprévuquequelqu’undecheznouscafteraittoutel’histoireauxprincipauxintéressés.—Commentça?Jenepigerienàrien.— Je pense que, très vite, Nahel et les autres ont compris que nous les filions. Plusieurs de nosinspecteurs,lesplusjeunes,sesontinfiltrésdanslemilieuétudiantparmilesacheteursdetonchermari.Encontrepartied’unpeudefumetteàl’œil,quandnousavonsinterrogécertainsd’entreeux,ilsonttousbalancédeshommesàAmoros.C’étaitétrange,maisaprès tout,pourquoipas?Or,noussavionsqu’ils’agissaitd’habituésde labandeà tonmec.Bref,cesdealersontétéarrêtéset, rapidement,Amorosasoupçonnéuntrucpasnet.Ilnerestaitpluspersonnepourvendredeladopesurlecampus!Personne,saufElKhourietsaclique.Dansletas,ilyaeuunétudiantmoinscourageuxquelesprécédents,quinousaexpliquécequ’onluiavaitdemandéderaconter.Etlataupequisévitcheznousaaussitôtcaftéleplanmisaupointpar tesamis.Tusais,onaeudesdoutes,parcequ’ilssesontretirésdubusinesspendantquelques semaines. Mais ces temps-ci, les ventes ont redémarré de plus belle. En attendant, l’autre

enfoiré est tellement furax qu’il rêve d’avoir la peau deNahel. Il a aussi compris que pour lui fairevraimentmal, il lui suffisait de s’enprendre à ceuxqui lui sont proches.Et toi, tu es la proie idéale.Maintenant,ilrestedeuxsolutions.Soittonpetitamiarrêtetouttraficimmédiatement,etilpeutespérertenirjusqu’àlafindel’annéeuniversitairesanstropd’emmerdements.Soitilcontinue,maisdanscecas,adviennequepourra,jenedonnepascherdesapeau.—Qu’attendez-vousdemoiaujuste?Parcequ’enfin,ilnepeutpasprétendrequ’ilessaiedemerendreserviceetsupposerquejegoberaiun

telbobard.—Officiellement, jeveuxque tumepréviennessi tu trouvesde lacamechez toi. Jesaisque tonmecn’estpasréellementdangereux,maisjerestemalgrétoutunflic.Donc,j’aibesoind’êtreinformédequifaitquoi.—Jel’ignoreetvousêtesparfaitementaucourant.Deplus, jesuisdésolée,maisjen’ai jamaisvudedroguedansmonappartement.Jecroisvousl’avoirditetrépétéàplusieursreprises.—Officieusement,jeveuxquetulequittestoutdesuite.—Quoi?Non,maisçavapas!—Madeleine,tuessibelle,sipure,commentpeux-tulaissercemectesouillerdecettemanière?—Jenevouspermetspas!—Viensvivreavecmoi.Jem’occuperaidetoi,jeteprotégerai.Jesaisquejepeuxterendreheureuse.Arrêtsurimage:jepensequesivouspouviezm’observer,vousapercevriezmamâchoireentrainde

traîner par terre et mes yeux sortir de leurs orbites pour se noyer dans mon café, tellement je suisscotchéeparlesparolesdecetindividu.—Pourquoinemelaissez-voustoutsimplementpastranquille?Jen’airienàvoiraveccettehistoireetvouslesavezpertinemment.—J’aiessayé,maisjen’yarrivemalheureusementpas.—Maispourquoi?Vousnecessezpasdemesuivre,demeharceler.Jevousjurequec’estcarrémentflippant!—Tunedisaispasçahiersoir.Heureusementquej’étaislàpourlesfairefuir,sinon,àtonavis,queseserait-ilpassé?—Vousn’avezpasréponduàmaquestion,monsieurDojong.Pourquoimoi?Qu’est-cequejevousaifait?—Qu’est-cequetum’asfait?Maistuessibellequetumerendscomplètementdingue.Jesuisobsédépartachevelured’angeetpartesyeuxsibleus.Jerêvedet’avoirdansmonlitdepuislepremierjour,quandjet’aiaperçueaucommissariat.—Vousêtesungrandmalade!Allezvousfairesoigner!Surcesparoles,lancéesavecunehargnedontjenemepensaispascapable,jemelèveetrécupèrema

vestepourquitterlesalondethé.Cetypeestcomplètementbarré!Commentpeut-ilmefairedesavancesaussidirectes,alorsqu’ilsaitquejesuismariée?Jen’yconnaispasgrand-chose,maisjesupposaisqu’ilexistaitunecertaineéthiquedanslapolice.Il

fautcroirequej’avaistoutfaux.Pourtant,j’auraisdûlevoirvenir.J’avaiscomprisqu’ilmedésirait,jel’avaisdéjàremarqué.Maisdelààcequ’ilpasseàl’acteenmeproposantdequitterNahelpourlui,ilyaungouffrequ’ilnepeutpasfranchir.Enfin,clairement,ilyaunconflitd’intérêts,c’estévident.Surletrottoir,j’enfilemonblousonpourmeprotégerdufroidetdécidedeprendrelechemindemon

appartement.Mais àpeineai-je fait troispas,qu’unepoignede ferme retientpar lebras.Pasbesoind’êtreNostradamuspoursavoirdequiils’agit.L’instantd’après,ilm’atiréeversluipourmecolleràsoncorps,pendantquesaboucheseposeavec

ardeursurlamienne.Sonautremainestentraindem’arracherlescheveuxpourquej’ouvremeslèvres.Maiss’ilcroitquejesuisprêteàlelaissermeroulerunepelle,c’estqu’ilnemeconnaîtpas!Commevouslesavez,jeplacelafidélitéenhautdelalistedesvaleursquimesontchères.EtçacompteaussibienpourNahelquepourmoi.Or,àmesyeux,embrasseruneautrepersonnequesonconjointconstituedéjàunetromperieensoi.Jemeretiensdehurler,tellementladouleursurmoncuircheveluestintense.Punaise,c’estqu’iltire

fort, ce salaud !Gagnéepar un élande rage, envers cet hommequi utilise sa forcephysiquepourmedominer,jetentedemedébattre,envain.Finalement,danslamesureoùjenepeuxplusbouger,ceinturéeparceconnard,jesoulèvemajambe

doucementpourluiécraserlepiedd’uncoupsec.Parpurréflexe,ils’écarte,melibérantdesonemprise.Et là, mes amis, je ne perds pas une seconde pour lui balancer une gifle magistrale. Je ne suis pasviolenteparnature,maisjevousprometsquevoirlasurpriseetlaconfusionsepeindresursafigureestpresqueaussijouissifqu’unorgasme.—Jet’interdisdemetoucher,espècedemalademental!m’écrié-jeavecforce.Situaslemalheurderecommencer,jejuredevantDieuquejeporteraiplaintecontretoipourharcèlementsexueletagression.Sansattendresaréponse,jefaisvolte-faceetm’enfuisencourant.Ilm’appelleplusieursfois,maisne

mesuitpasetçavautmieuxpourlui.Lorsquejetourneàl’angledelarue, jem’arrêtedevantunsalondecoiffure,paniquée.Nonloinde

moi,sortantdufast-foodjusteenface,deuxdemestroisassaillantssontentrainderireetdepeloterlesfessesd’unenanadontlavulgaritémerévulse.Terrifiéeàl’idéequ’ilspuissentmerepérer,jem’engouffreprestementdanslemagasin.

—C’estpourunecoupe?demandeunejeuneemployéeausouriresympathique.—Euh,c’est-à-dire…Mes yeux observent mon reflet dans la glace sur ma droite. Depuis combien de temps n’ai-je pas

raccourcimescheveux?Puis,jerepenseauxparolesdeGregDojongquivantaitmabeautéetcelledematignasse.Alors,suruncoupdetête,parcequedansmacaboche,c’esttellementlebazarquejesuisincapablede

réfléchirposémentàlasituation,jeréponds.—Oui.Dois-jeprendrerendez-vous?—Non,vousavezdelachance,maprochaineclienten’arrivequedansuneheure.—Danscecas,c’estparti.Elleprendmaveste,ainsiquemonécharpe,etpousseunpetitcri.Jelaregardedanslemiroir,sans

saisir cette réaction pour lemoins étrange. Puis,mes yeux se focalisent surma gorge. En voyant lesmarquesviolacéesquilarecouvrent,jesuisàdeuxdoigtsdemesentirmal.Bonsang,aujourd’hui,c’estencore pire qu’hier ! Je lui jette une œillade, suppliant silencieusement pour qu’elle ne pose aucunequestion.Ellesemblelecomprendre,carseslèvressepincent,maisellesetait.Intelligente,lafille!Après un shampoing, je me retrouve assise dans un fauteuil, tandis qu’elle peigne soigneusement

chaquemèche.Jeretienslecridedouleurquimevientspontanémentàlabouche.CetteorduredeDojongatirétellementfortquejelesensencore.—Alors,quesouhaitez-vous?demande-t-elleavecamabilité.—Quemeconseillez-vous?Ducoindel’œil,j’observelarue.Lesdeuxtypesontdisparu.Tantmieux,songé-jeavecunsoupirde

soulagement.—Ceseraituncrimedecouperd’aussibeauxcheveux.Onpeutrafraîchirunpeuauniveaudespointes,

maispasplus.Jenel’écoutedéjàplus.Enfait,j’aidécrochéaumomentoùelleadit«crime».Cetermeestsifort

que j’en suis choquée. Parce qu’il définit parfaitement la violence des trois voyous avant-hier soir. Ilprendégalementtoutesamesureaveclebaiserforcédecefumierdeflic.IlpourraitmêmetrouveréchodanslesactivitésdeNahel.Aprèstout,c’estàcausedeluiquej’aiétéobligéedesubirlabrutalitédeces hommes. S’il n’avait pas trempé dans toutes sortes demagouilles, plus glauques les unes que lesautres,jamaisjenelesauraisrencontrésetmavies’enseraittrouvéetellementsimplifiée.Maintenant,c’esttroptardetj’enportelesmarques,quecesoitauniveaudemoncou,dansetsurma

tête.Maisquanddonc tout cela s’arrêtera-t-il ? Jen’enpeuxplus, je suis auboutdu rouleau.Pour lapremièrefois,jemereprochedenepasavoirécoutémesparentsetdenepasêtreretournéeàRochessonaveceux.Parceque si je fais lecompte, ilyaplusdemauvaismomentsavecmonmecquedebons,mêmesicesdernierssesontrévélésexceptionnels.Maisvalent-ilsdesmarquessurmapeau?Valent-ilscestresspermanentquim’empêchederespirercorrectement?Valent-ilscetteimpressionterrifiantequejesuisentraindemeperdre?Etlesréponsessontnettesetprécises:non,non,etnon.—Oncoupe,décrété-jed’unairrésolu.—Quellelongueur?—Vouscoupezcourt.—Comment?Non,madame,c’estimpossible,vousnepouvezpasfaireunechosepareille!s’exclame-t-elle,scandalisée.Enmoi,chaquefibredemoncorps,chaquecelluledemoncerveau,crieàlarébellion.Jerefusedeme

comporter comme une victime, je ne le serai jamais. Je suis une femme forte qui s’assume et çacommenceaujourd’hui.—Jevaismegêner!C’estmoilacliente,c’estmoiquidécide.Donc,vousprenezvosciseauxetvoustaillez.Elletenteencoredeprotester,arguantqu’ilsdescendentjusqu’àmesfesses,quej’aibiendelamarge,

mais je refusede céder.Enfin, si, j’accepte un compromis, puisqu’après biendes négociations, j’optepourun carré court qui s’arrête auniveaudemonmenton et non la coupegarçonne à laquelle j’avaissongéd’abord.Avecunregarddésapprobateur,faceàcequ’ellequalifiedemassacre,lacoiffeusesemetàl’ouvrage.

Quaranteminutesplus tard,ellea terminé.Mesbouclesontétéeffiléesetencadrentmonvisageenundésordreparfaitementorganiséquejetrouvecharmant.Commec’estplaisantd’avoirlatêteaussilégère!J’ai le sentiment qu’en coupant, elle a fait partir une bonne partie demes ennuis. Évidemment, cettesensationestillusoire,toutcommeimagineruneabsurditépareille,maisilestindéniablequejemesensmieux.—Quand je vous regarde, maintenant, je crois que vous avez eu raison d’insister. Ce look vous varemarquablementbien.Ondiraitquevousêtesplusmature.—Commentça?jem’enquiersaveccuriosité,toutenpayant.—Ehbien,j’aivuentrerunetrèsjolieétudianteàlachevelurederêve,etj’aiàprésentdevantmoiunesplendidejeunefemme,dontlevisagederêveestmisenvaleurparunecoiffureplusélaborée.Je sais que flatter doit faire partie du job,mais ce complimentme touche profondément. Parce que

c’estexactementcequejecherchaisenentrantici.Jevoulaisduchangementetjel’aieu.Parfait!Alors que j’enfile ma veste, j’aperçois Dojong sur le trottoir d’en face. Il marche droit vers les

enfoirés de l’autre soir qui sont revenus. Je prends toutmon tempspour fermermadoudoune, afin depouvoirlesobserverpluscommodément.Leurdiscussionestanimée,puisilsrepartentchacundansunedirectionopposée.Évidemment,aucund’euxnem’avue.Maisqu’est-cequetoutcecisignifie?Pourquoi

ce flic leur parle-t-il comme s’il les connaissait ?Et que font ces truands tout près de chezmoi ?Lasurveillancecontinuerait-elle?Lorsque je suis certaine que la voie est libre, jemedécide enfin à quitter le salon, non sans avoir

chaleureusementremerciélacoiffeusequis’estoccupéedemoi.—Soyezprudente,merétorque-t-elleenretour,etnelaissezplusjamaisunhommevousfairedetellesmarques.—Enréalité,j’aiétéagresséeavant-hier.Àsonœilladescandalisée,jeréalisequejeviensdeparlertouthaut,alorsquejecroyaispenser.

—J’espèrequevousavezportéplainte!s’exclame-t-elle.—Non.Detoutefaçon,çaneserviraitàrien.Jen’aipaspulesvoir,ilfaisaitnuit.Bienévidemment, jemenset,commeje lefaisfortmal,elles’enrendimmédiatementcompte.Mais

agirainsiestimpossible,parcequ’ilmefaudraitrévélerlelienentrecessalestypesetmonmari.Autantallersejeterdanslagueuledulouptoutdesuite!Unairsceptiquemerépond,tandisquejequitteàmontourcetendroit.Mais,alorsquejemedirigeau

pasdecourseversmonimmeuble, jeréfléchisàladernièreremarquedecettefemme.Etlà,c’estpirequetout.Dojongestflic,ilauraitdûm’obligeràporterplainteimmédiatement.Luipouvaitm’aidersansquecelaportepréjudiceàquiquecesoit.Pourtant,ilnel’apasfait.Pourquoi?

17NahelL’avion atterrit avec quelques minutes de retard. À notre arrivée, Sophie est en train de trépigner

d’impatience.Lepire,c’estqu’ilenestdemêmepourFredqui,depuishier,netientplusenplace.Pourmapart,jesuisheureux,parcequenoussommesporteursdebonnesnouvelles.NousavonstousdeuxétéadmisdanslaplusprestigieuseécoledeDJd’Europe,cequiconstitueensoiunechanceextraordinaire.Alors, évidemment, nous avons bossé d’arrache-pied pour proposer lesmeilleurs projets,mais les

prétendantsétaientnombreuxetsouventtrèstalentueux.Pourmonpote,c’est lareprisedeMadiequiafaitladifférence,tandisquelejuryaétéemballéparmonremixdeBreathe.Sansparlerduclip,pourlequel ils m’ont félicité, notant à quel point il était esthétique et élégant. Putain, je dois une fièrechandelle à Vince qui, lui, va intégrer une école de cinéma à Lille. Je crois qu’il aurait adoré nousrejoindre,mais iln’enavaitmalheureusementpas lesmoyens.D’ailleurs, tout lepognonqu’il agagnégrâceaubusiness,aétémisdecôtépourpouvoirpayerlerestedesoncursus.À peine avons-nous franchi la douane, quemon pote sur jette sur sa nana. Je roule des yeux,mais

sourismalgrétout.SicelaavaitétéMad,moiaussi,j’auraisagidecettemanière.Sincèrement,j’aihâtedelaretrouver,mêmesil’épineuxproblèmedemondéménagementseposedésormais.DansletaxiquinousramèneversStrasbourg,Son’arrêtepasdejacasser.Ellesembleenjouée,maisà

sonregard,jesaisquequelquechoselatracasse.Toutefois,cen’estmêmepaslapeinedeluidemanderquoi que ce soit. Quand il s’agit deMadie, cette fille est une tombe. C’est ce qui la rend, du reste,attachante. Ouais, elle est digne de confiance et ce n’est pas une qualité que l’on peut rencontrer sifréquemment,parlestempsquicourent.Avecunsoupirdecontentement,j’ouvrelaportedustudio.L’endroitestnickel,commesimafemme

avaitfaitleménageàfond,pourm’éviterd’avoiràm’enoccuper.Ellemeconnaîtsibien!Pour le coup, je décide de lui mitonner un bon petit plat, histoire de l’accueillir de la meilleure

manière,àsonretourduboulot,versvingtheures.Lasaucecarbonaraestentraindemijoteretl’eaudesspaghettisfrémittranquillement,quandj’entends

sespasdans le couloir.Durant lesdeuxheuresoù je l’ai attendue, j’en ai profitépour appelerVal etVince,puispourvidermonsacetmettremesaffairessalesdanslelave-linge.Occupéàplongerlespâtesdansl’eaubouillante,jeluilanceunrapidecoupd’œil,toutsourire,avant

depivoterànouveauverslacuisinière.—Salut,magreluche!Lerepasseraprêtdansdixmin…Jecroisqu’ilaurafalluexactementdixsecondespourquemoncerveauimprimelechangementopéré

surmablonde.Maisquandc’estlecas,jemefigeimmédiatement.Lespaupièresplissées,jeluifaisfaceunefoisencore,afindem’assurerquejen’aipaslaberlue.Maisnon!C’estbiencequej’aipensévoir.—Maisqu’est-ceque…Incapabledetrouvermesmots,jeladévisaged’unairatterré.Putaindemerde,qu’a-t-ellefaitàses

cheveux?Oùsontpassées ses longuesmèchesplatineque j’adoraisentortillerautourdemesdoigts?Alors,ilsuffitquejem’absentependanttroisjoursetellefaitn’importequoi?Siellevoulaitàtoutprix

lescouper,pourquoinem’ena-t-ellepasparléavant?Nonqu’elleaitbesoindemonautorisation,maisj’auraisaimépouvoirdonnermonavissurlesujet.Enmêmetemps,ilestévidentquej’auraistentédeladissuaderpar tous lesmoyensdepasserà l’acte.Mais là,misdevant le faitaccompli, jenepeuxqueconstaterledésastre.Pourtant, elle est toujours aussi jolie, ce n’est pas la question. Simplement, j’ai la désagréable

impressiondeneplusêtredevant lamêmepersonne.Vêtued’unpullàcol roulébleu,d’un jeanetdechaussettes roses, elle est vraiment craquante, mais paraît tellement plus mature que j’en suisprofondémentdéstabilisé.—Tonenthousiasmemefaitchaudaucœur!s’exclame-t-elle,encroisantlesbrassursapoitrinemenue.—Euh,ben,jesuissouslechoc!—Donc,tun’aimespas.Bordel,lorsquejesuisrentré,jen’auraisjamaisimaginéquel’ambianceseraitaussiplombée.Iln’ya

pasquel’aspectdemafemmequiachangé.Unje-ne-sais-quoidanssonattitudemepousseaussitôtàêtresurmesgardes.C’estd’autantplusperturbant,quenotrerelationétaitaubeaufixequandjesuisparti.Or,devantmoi,sedresseunenanadontleregarddurmemetmalàl’aise,mêmesisonvisageresteaffable.Qu’est-ilarrivépendantmonséjourpourexpliquerunchangementaussiradical?La sonnerie de la minuterie interrompt le fil de mes pensées. Me tournant à nouveau vers mes

casseroles,jebalancelespâtesdanslapassoire,avantdedéclarersuruntonplustranchantquejenelevoudrais.—Lerepasestprêt.Jeserslesassiettesetnousnousinstallonsdansunsilencepesant.Merde!Leschosessontloindese

déroulercommejel’avaissupposé.Aprèstroisjoursmagiquesdanslacapitaleanglaise,c’estladouchefroide,quedis-je,glacée.Aubout de deuxbouchées, n’y tenant plus, je posemes couverts, et observema femme, quimange

tranquillement.Ellevientderetirersonpulletneporteplusqu’undébardeurnoir.Lorsqu’ellerelèvelatête, je suis frappé simultanément par plusieurs points. Premièrement, elle est encore plus belle ainsicoiffée.Çamefaitmalauculdel’admettre,maisc’estlavérité.Deuxièmement,elleneparaîtpasfurax,justeépuisée.Troisièmement,ohputaindebordeldemerde !Desmarquesviolacées tapissent lapeaudélicatedesagorge.Maisqu’est-cequi luiestarrivé?Mespommetteschauffent immédiatement,sousl’effet de la colère quime gagne. Quoi qu’il ait pu se passer durantmon absence, elle aurait dûmeprévenir,pasvrai?Or,nonseulementellenel’apasfait,maisenplusjen’aipasréussiàlajoindre.Surlecoup,jenemesuispasinquiétéoutremesure,jesavaisquesonemploidutempsétaitchargé.—C’estquoi?murmuré-jed’unevoixnouée.—Ça?demande-t-elle,endésignantlestracesdesonindex.—Putain,nejouepasàcepetitjeuavecmoi!Tusaistrèsbienàquoijefaisallusion!jem’écrie,envahiparlacolère.—Ehbien,ça,c’estunpetitcadeau-souvenird’uncertainAmoros.Àcesmots,jemesensblêmir.Quoi?Cefumieraosés’enprendreàmafemme?Maisjevaisluifaire

lapeauàcetenculé!—Raconte-moicequis’estpassé,lapressé-jepourêtresûrd’avoircompris.—Oh,troisfoisrien.Jet’aidéposéàl’aéroportet,quandjemesuisgaréedansleparkingenbas,troishorriblespersonnagesmesonttombésdessus.Àpartcedétail,toutbaigne!—Oh,Mad,arrêtedefairetagreluche.L’ironienetevapasdutout!—Maiscommentveux-tuquejeréagisse,hein?Qu’est-cequetuasenviequejetedise?Quedepuisjeudisoir,jenedorsplus?Quejesuisterroriséeàlasimpleidéedesortird’ici?Quejesuisentrainde

virerparanoetquejevoisdesagresseurspotentielspartout?Etpourfinir,quejetrouvequetuesungrosnaze,parcequ’aprèscequim’estarrivé,toutcequetumereproches,c’estd’avoircoupémestifs!—Eh, tu es parfaitement injuste !m’énervé-je, face à tant demauvaise foi. Je ne savais pas que cesenfoiréss’enétaientprisàtoi.—C’estvrai,excuse-moi,admet-elleenrougissantdélicieusement.Un silence gêné s’installe, une fois de plus, entre nous, avant que je nem’oblige à le rompre, bien

décidéàavoirlefinmotdecettehistoire.—Est-cequ’ilst’ontfaitdumal?—Àparttenterdem’étrangler?Non,pasvraiment.Ilsvoulaientsurtoutmefairepeuretjedoisavouerqu’ilsontparfaitement réussi leurcoup. J’ai lapeauclaireet jemarque facilement,mais ilsn’avaientaucuneintentiondemetuer,c’estévident.Toutefois,jenetecachepasqueletypequimemaintenaitaserrévachementfort.—Putain,jevaismassacrercesenflures!—Certainementpas!s’insurge-t-elleaussitôt,toutenpointantsondoigtdansmadirection.Jen’aipasenviedeteretrouverdansunmois,lorsqu’onrepêcheratoncadavredansleRhin!—Toutdesuitelesgrandsmots!Cesontdesbouffons,riendeplus.—Nelessous-estimepas.Ilsavaientvraimentl’aird’êtreencolère.Cethomme,Amoros,m’atransmisunmessagepourtoi.Cettefois,jelafermeetneprotestepas.Sansdoute,parcequejevienstoutjustederéaliserquecequi

luiestarrivéestentièrementdemafaute.Cen’étaitpasellequiétaitvisée,maismoi.Etcettesimpleidéemerendmalade.Jevousjure,c’estcommesionmeplantaituncouteaudanslebide.Lasensationesthorrible,ellemenouelagorgeetinondemapoitrine.Madieprendmonsilencecommeuneinvitationàpoursuivre.— Il m’a dit que tu devais arrêter de marcher sur ses plates-bandes, qu’il est au courant de tesmanigancespourlefoutredanslamerde.Jerougisdegêne.Jenecroispasqueçam’arrivetrèssouvent,maissansmentir,onpourraitfairecuire

unœufauplatsurmonvisage,tellementmapeauestbrûlante.— Il a égalementprétenduque si tune cessaispasdedealer avec tespotes sur son territoire, il s’enprendraitàmoi.—Quoi?—Tuastrèsbienentendu.Ilmeserraitlagorgeetmenaçaitdemevioleravectoutesabandedesbires!MonDieu,Nahel,j’étaisterrifiéeetjenesavaispascommentmedépêtrerdecettesituation.Tuterendscomptequeçafaitdessemainesqu’ilnoussuit?Alors,laisse-moitediredeuxoutroispetiteschoses.Saprésencemeprouvequetun’astoujourspasarrêtédevendredeladrogue.Cen’estpourtantpasfautedet’avoirsuppliédelefaire!Là, je la sens s’énerver nettement. Mais comment est-ce que je peux lui expliquer que c’est

impossible?J’enaiparléauxautreset,siFredétaitd’accordavecmoi,parcequ’ilsembleraitqueSosoitdeplusenplus frileusepar rapportaubusiness, iln’yavaitque luietmoiàvouloirnous retirer.Stephapestéàproposdenosgonzessesquifontdenousdeslopettes.QuantàValetVince,ilsnousontexpliquéqu’ilsn’avaientpasassezd’argentdecôtépourfinancerlasuitedeleursétudes.Parailleurs,notrefournisseurhollandaisadéjàtoutprévuafind’assurerleslivraisonsjusqu’àfinjuin.

Difficile,danscesconditions,defairemarchearrière,d’autantquenousavonspayé lematospour lesdeuxprochainsmois.Maisça,évidemment,Madienedoitsurtoutpasl’apprendre.—Cequiprouvequej’étaisdanslevraienaffirmantquetuaimescessaloperiesbienplusquemoi.Nonseulementtun’asjamaisarrêté,maisenplustucontinuesàprendredesrisquesinsensés.

—Tuestrèssûredetoi,décidé-jedelacontrer.Commetoujours,quandçaconcernemonvice,jen’admettraijamaisrien.

—Tutedroguesdepuistellementlongtempsquetunepourraisjamaisstoppersansaide.Jemetrompe?Jenerépondspas.Detoutefaçon,iln’yarienàajouter,parcequenoussavonspertinemment,elleet

moi,qu’elleaparfaitementraison.Àsonairtriste,jeréalisequecelaneluiapporteaucunesatisfaction,bienaucontraire.—J’aiaussientendudirequec’étaientdevraisméchants,legenrequivendenttoutetn’importequoi.Ilseracontequ’ilssontimpliquésdansdesmeurtres,desaffairesdeproxénétismeetj’enpasse.C’estàçaquevouspensiezvousattaquerentouteimpunitéavectabandedepotes?Bonsang,maisvotrearrogancen’ad’égalequevotrebêtise!Madiesemontrecruelle,maisjelalaisseparler,parcequ’unefoisencore,elleatoutpigé.Quandona

décidéd’éliminerlegangd’Amorosdenotrehorizon,onn’apasvraimentcherchéàcomprendrecequeçaimpliquait,niquellesconséquencespouvaientenrésulter.Onauraitdûseméfier,c’estévident.Maiscommentaurais-jepuimaginerquecetteenflurepourraits’enprendreàmafemme?Unequestions’insinuetrèsvitedansmonesprit.Commentsefait-ilquemasourisdesVosgessoitaussi

bieninforméesurlepédigreedecestruands?—Commentsais-tutoutçaàleursujet?Madieréfléchituninstant,avantderévéler.

—Àtonavis,jem’ensuistiréedequellemanière?—Jel’ignore.Ilst’ontlaisséepartirpourquetumetransmetteslemessage,oubien?—C’estsansdoutecequiseraitarrivé,maisilsn’enontpaseuletemps.Enréalité,iln’yapasqu’euxquimesuivaient.GregoryDojong,çateditquelquechose?—Non,pasvraiment.Jedevraisleconnaître?—Plutôt,oui.C’estleflicquit’ainterrogéaucommissariataprèstonarrestation.—Celuiquit’afiléunecopiedemondossier?—Celui-làmême.C’estégalementluiquim’amontrélesphotosdetoientraindedealer,ajoute-t-elle,soudainpluspâle.—Mad…— Tu as juré que c’était faux et tu as menti. Une fois de plus, et probablement une fois de trop.Maintenant,jesuisharceléeparunflicquin’aaucuneintentiondemefoutrelapaix.Jesuismenacéeparunebandedemalfratsdangereuxetjedevraisfermermagueulependantquetucontinuesàtedétruireetàfaire connerie sur connerie ? J’ai essayé d’être compréhensive, espéré que tu m’aimais assez pourchanger,maisjedoisadmettrequejemesuistrompée.Tun’ensortirasjamais!—C’estvraimentcequetucrois?merenfrogné-je,furieuxqu’ellemeprennedehaut.—Etcommentest-ilpossibledepenserdifféremment?Punaise,t’asvul’étatdemagorge?C’estàtoiquejeledois,connard!Alors,épargne-moitesgrandsairs,parcequetun’esriendemoinsqu’unfiefféégoïste.J’aieuplusd’ennuis,depuisquejeteconnais,qu’aucoursdetoutlerestedemavie.— C’est donc ce flic qui t’a sauvé la mise ? questionné-je, histoire de changer le cours de laconversation.Jeladevinetellementsurlesnerfsquejenevoispascommentfaireautrement.Désolé,maisjerefuse

deprovoqueruneengueuladedeplus.Or,là,ons’enapprocheparlecheminlepluscourt.—Toutjuste,Auguste!Ilm’aensuiteraccompagnéejusqu’àlaporteenm’expliquantquecequivenaitdesepassern’étaitqu’undébut.Assisfaceàlafemmequej’aime,mafemme,jenepeuxqu’admettreledésastre.Toutcequej’aitenté

d’éviterestentraind’arriver.Ainsi,longtemps,j’aitenuMadàl’écartdemesactivités,parcequejene

voulaissurtoutpasqu’ellesoitimpliquéedanstoutecettebouse.N’allez pas croire que je suis fier demon business, je sais très bien que cela fait demoi un gros

minable.Jepeuxtoujourscritiquerlesautresdealers,medirequecequenousfaisonsestmoinsgrave,justepourmedonnerbonneconscience,jenerestequ’untruandàlapetitesemaine,shootélaplupartdutemps,etquiestentraindedétruiresciemmentlaviedecelledontilestfouamoureux.Atterré par cette constatation, jeme renferme surmoi-mêmepour cacher la honte que jem’inspire.

Pourtant,cetteagressiondevraitm’ouvrirlesyeux,m’obligeràsaisirleproblèmeàbras-le-corpspourespérerm’ensortir.Hélas, jene trouveriendemieuxàfairequedemecloîtrerdans lasalledebain,sousprétextedeprendreunedouche,etd’avalerdeuxcachetsd’ecstasy.Mêmesijesuisconscientdecommettresansdoutelaplusgrosseerreurdemavie,jeneparvienspas

àaffronterlesconséquencesdemesactes.Non,j’ensuisincapable.Alors,unefoisdeplus,jem’oubliedanslesparadisartificiels,laseulefaçonquejeconnaissedesurmontermesproblèmes.Celanem’empêchepasd’êtrelucidesurmaproprelâcheté.D’ailleurs,quitteàcequecesoitlecas,

autantyallerfranchement,pasvrai?Detoutefaçon,jesuisentraindelaperdre.Cen’estplusqu’unequestiondejours…

18

MadieCelavafaireunesemainequej’aiétéagressée.Septjoursquetoutfoutlecampdansmavie.Depuisle

soirdesonretour,jen’aipourainsidireplusrevuNahel.Ildortlematinquandjeparsetnerentrequetrèstarddanslanuit.Laplupartdutemps,ils’estcarrémentmisminable.Bonsang,commentleschosesont-ellespudéraperdecettemanière?Jecroyaissincèrementqu’endécouvrantlesmarquessurmapeau,ilréagirait,serendraitcomptedudangerquereprésentesongagne-painetdelanécessitépourluidesereprendre en main. Au lieu de ça, c’est tout l’inverse qui s’est produit. Mon mari n’a jamais autantconsommé de drogue que ces derniers jours. Et je commence à penser, avec une résignation quim’horripile,qu’ilestirrécupérable.—Madeleine?Ohnon!Merde,paslui!Depuislematinoùilm’aforcéeàl’embrasser,jen’avaisplusentenduparlerGregDojong.Luiaussi,

je croyais qu’il allait me lâcher définitivement la grappe. Et une fois de plus, je me suis gourée.Heureusementquejen’aipasdécidédedevenirvoyante-extralucide,ceseraitlabanquerouteassurée,enmoinsdetempsqu’ilnefautpourledire!—Foutez-moilapaix!J’aipourtantétéclairel’autrejour,non?Jenesaisrien,vousm’entendez?—Jesuislàpourteprésentermesexcuses.Cequej’aifaitétaitmaladroit,déclare-t-il,toutpenaud.Paslapeinequ’ilprennecetteminedegaminquis’estfaitchoperentraindepiquerdesbonbecschez

l’épicier!Çanefonctionnepasavecmoi,etilnevapastarderàledécouvrir.—Maladroit?Maladroit?Tutefousdemagueule?éructé-jeenletutoyantpourlapremièrefois.Tut’escomportécommeunebrute!Unsociopathequiobligeunenanaàluiroulerunepelleenluiarrachantpresquelecuirchevelu.Quelledrôlededéfinitiondelamaladresse!Dansmonesprit,tuseraisplutôtunconnarddepremière.Etmaintenant,oublie-moi.Plusviteceserafait,etmieuxnousnousporterons,l’unetl’autre.—Jenepeuxpas,souffle-t-ild’unevoixenrouée.Ledésespoirquej’entendsdanssontimbrem’arrêteaussitôt,alorsquej’étaisdéjàentraindepartir.

—Qu’est-ceque jedois comprendre? jem’enquiers en revenantvers lui.Tuveuxdireque tunemefoutrasjamaislapaix?Maispourquoi?—Parcequejesuisfoudetoi!s’écrie-t-ilsoudain.Àcesmots,jeledévisage,labouchegrandeouverte.Quoi?Maisc’estpasvrai!Qu’est-cequec’est

quecebordel?Commesijen’avaispasassezd’ennuis,encemoment!—C’estuneblague?—Jevoudraisbien!Siseulementc’étaitaussisimplequeça.—Non,maisGregory,tunepeuxpasêtreéprisdemoi!Tunemeconnaispas,tunesaispasquijesuis,tenté-jedeplaideravecundésarroiaumoinségalausien.Jenesuispeut-êtrepas trèsexpérimentéeenmatièred’histoiresd’amour,mais ilmesemblequ’être

aiméedecethommenepeutquesignifierdesembrouillesàlapellepourmonmari,quideviendrait le

rival à éliminer.Surtout si on considère un aspect essentiel, voire primordial, dans cemélobien tropglauqueàmongoût:jenepartagepassessentiments.C’estmêmetoutl’inverse,puisqu’ilnem’inspirequerépulsionetmépris,depuiscequ’ilm’afaitlasemainedernière.Maisjenepeuxpasl’envoyerpaîtretropbrutalement,parcequejeledevinemesquin.Cequilaisse

supposerqu’ilsevengeraitaussitôtsurNahel.Etilestévidentquenotrecouple,déjàtropfragile,neserelèveraitpasd’unetelleépreuve.Or,sijeveuxsauvercequipeutencorel’être,etjeledésiredetoutmoncœur,jedoisfairepreuvedediplomatie,quandbienmêmeçamecoûte.Enréalité,jenerêvequed’une chose : balancer ses quatre vérités à ce connard.Vous n’imaginez pasma frustration de ne paspouvoirmettreceplan,ôcombiententant,àexécution!Jésus,situeslàetquetumevois,aide-moiàmesortirdecemerdiersanstropdedégâts.Jejure

quej’allumeraidesciergesàtagloirependanttoutlerestedel’année,maisnemelaissepastomber.Pasmaintenant.Notrepèrequiêtesauxcieux…—Madeleine,écoute-moietnedisrien.Viens,allonsnousasseoirdansmabagnole.—Non,plutôtsurlebanc,justeunpeuplusbas.J’aivraimentenvied’unecigarette!Nousnouséloignonsdemavoiture,garéesurleparkingdel’hôpital,pournousdirigerverslesquare

qui l’entoure. Je refuse de poser mes fesses dans sa caisse et j’ai besoin de savoir que si je hurle,quelqu’unpourram’entendre.Toutprès, je repèreunbancoù jeprendsplace, avantd’extraireunpaquetdemonsac, ainsiqu’un

briquet.Cen’estpasquejefumebeaucoup,ilpeutsepasserplusieursjoursd’affiléesansquecesoitlecas.Mais,cesdernierstemps,latensionentreNaheletmoiestdevenuetelle,quejemesuisrésolueàenacheter, de manière à pouvoir m’en griller une pour décompresser. À la maison, il y a souvent despaquetsquitraînent,monmariétantungrosconsommateurdecigarettes.Vousallezsansdoutemeprendrepour une parano, mais je ne fais que moyennement confiance au contenu de celles qu’il clope, sanscompterqu’ellessontbeaucoupplusfortesquemesMarlboroLight.Tentantdefairepreuvedecourtoisie,j’enproposeuneàceflicdemalheur,quirefused’unsignede

tête.Alors,j’allumelamienneettiresurlapremièreboufféeavecdélectation.—J’ignoraisquetufumais,faitremarquerDojong.—Cequiindiquequetunemeconnaispas,répliqué-jeenleregardantdroitdanslesyeux.—Madeleine,j’airiencalculé,tusais.C’estarrivécommeça.—Cen’estqu’unevagueattirance.Tunepeuxpasm’aimer.—Pourquoiça?demande-t-ilavecsurprise.—Premièrement,jenesuispaslibre.Jesuismêmemariéeet…—PasenFrance!—Quoi?—Tudisquetueslégalementunieàlui,maistunel’esqu’auxÉtats-Unis.Vousn’avezjamaisrienfaitvaliderici.Pourquoi?Bonnequestion!Finalement,iln’estpeut-êtrepasaussiconqu’ilenal’air.Quepuis-jerépondreàcela?Qu’audébut,

j’ignorais que des formalités administratives étaient nécessaires ? Et qu’ensuite, vu la tournure queprenaientlesévénements,jemesuisbiengardéedelerappeleràNahel?Non,mieuxvautm’enteniràuneformuletoutefaite,plutôtqued’avouerlavérité.—Cen’estqu’unequestiondetemps,onlefera.Simplement,dansnotretête,noussommesmariés.C’estl’essentiel,n’est-cepas?—Situledis,murmure-t-il,sceptique.—Celanechangerienaufaitquejenesuispaslibre.

—C’estundétail.Benvoyons!Ettasalegueuledeflic,c’estundétailaussi?

—Cequetunecomprendspas,c’estquej’aimeNahel.Jesuisvraimentamoureusedelui.Je sais que j’avais prévu de ne pasmemontrer trop brutale dansmes propos,mais il est vraiment

bornéetrefusedem’écouter,sousprétextequecen’estpascequ’ilaenvied’entendre.Etfranchement,c’estcarrémentpénible.Alors,puisqu’ilfautnommerunchatunchat,allons-yetqu’onenfinisse.—ElKhouriestunminable.Ilnet’apporteraquedesennuis.Tuneterendspascompte!—Désoléedetelerappeler,maislessentimentsnesecommandentpas,tenté-jedefairevaloir.—Madeleine, tu es une femme extraordinaire, comment peux-tu perdre ton temps avec unmec aussitimbré?Ilsedrogue,ilestviolent,c’estunvoyoucapabledupire,justepourparveniràsesfins.— Tu ne le connais pas comme moi je le connais. Toi, tu te fais une opinion à partir d’un dossierjudiciaire.Moi,çafaitplusieursmoisquejevisaveclui.Alors, jesaisquecen’estpasquelqu’undefacile,maisilestaussid’unegentillesseextrême,attentionnéetdrôle.Jene…—Cemecestcomplètementfêlé!—Bon, écoute, si c’estpourdéblatérer commeça sur lui, jepréfèrem’enaller. Je te rappelleque tuparlesdemonmarietjen’aimepasqu’ondisedumalsurlesgens,surtoutquandilsnesontpaslàpoursedéfendre.—Ouais,ouais,c’estça…Jeperçoisuneréelleamertumedanssavoix,toutcommejelisdelacolèreetdelaméchancetédans

sonregard.Ilestfrustréetjesensqu’ilvatenterpartouslesmoyensdemefairechangerd’avis,mêmelesplusvils.—Etilestoùtonsupermec?Jenerépondspas.Depuisnotredernièredispute,lesoirdesonretour,jenel’aipresquepasrevu.Le

pire, je crois, dumoins ce quim’a le plus attristée, c’est que j’ai appris par Sophie que lui et Fredavaienttousdeuxétéadmisdansleurécole.Iln’amêmepasétéfoutudemel’annoncerlui-même.Celadémontre mieux que n’importe quelles paroles à quel point le fossé qui s’est creusé entre nous estimmense.Maisplutôtcreverquedel’avouer.—Pardon?Dequoiparles-tu?—Ildealetoujours,tut’enrendscompte,j’espère?Àcesmots,jedéglutisavecdifficulté,meretenantdetoutcommentaire.J’aimeraispouvoirdéfendre

Nahel,hurlerauconnardassisprèsdemoiqu’ilsetrompe,maisjenepeuxpas.Parcequejesaistrèsbienqu’ilnementpas.Pourmoi,cetteconfidencesonneleglasdenotrehistoire.C’estledébutdelafin.Jepouvaispartagermavieavecunhommedépendant,danslamesureoùilavaitunechancedeguérir,maiscertainementpasavecuntruand.—Iloccupesessoiréesàbringueravecsesamis.—Gregory,ilestDJ.C’estsonjobdemixerdanslesdiscothèques.Necommencepasàinterprétertoutcequ’ilfaitdetravers,pourfoutrelazonedansmoncouple.C’estindigne!—Cequiest indigne,c’estqu’il laisseunefemmegénialesemorfondreseulechezelle,pendantqu’ilpassesesnuitsàtraîneravecsespotes,desnanassortiesdenullepart,etàseshooter!C’estvraimentlavieàlaquelletuaspires?Jebaisse la tête, atterrée. Impossibledemettre ses révélationsencause.Ceque je redoutaisest en

traind’arriver:Nahelreplonge,têtelapremière.Etleplusterribledanstoutça,c’estquejenepeuxpasl’aider.J’aimeraisprétendrequej’ensuiscapable,maiscen’estpaslecas.Toutsimplement,parcequ’ilne le souhaite pas. Or, on ne peut pas forcer quelqu’un à se soigner contre son gré. Je supposaisnaïvement que l’obliger à regarder ses démons en face serait un pas de géant et, qu’ensuite, il

comprendraitquecontinuerainsin’étaitpaslasolution.Seigneur,qu’est-cequej’avaistort!—Tunerépondspas,fait-ilremarqueravecunsourirecyniquequimehérisselepoil.—C’esttonopinion,finis-jepardéclarer,enécrasantmonmégotdanslecendriersituéàcôtédubanc.—Ouaisetsituréfléchissaisunpeuàlaquestion,tusauraisquej’airaison.Jemelèvebrusquementpourluifaireface.

—Quetuaiesraisonounon,n’estpasimportant!Sijememettaisavectoi,est-cequetuabandonneraistonenquête?demandé-je,dansunélandecuriositémalsaine.—Certainementpas !C’estmonaffaire. Jebossedessusdepuisdesmois.Et jen’auraide reposquequandtonmecserasouslesverrous.—Danscecas,qu’est-ceque tufiches ici?Ilyaunconflitd’intérêts,c’estévident!N’importequelimbécilesaitça.Commentpeux-tudésirerlafemmedeceluiquetutraques?—Personnen’abesoind’êtreaucourant!Maisbiensûr,etpuisquoiencore?

—Pastrèsmoral,toutça,situveuxmonavis,lancé-je,biencontentedeluiavoirfoutulenezdanssapropremerde.Il se redresse si rapidement que je ne le vois pas venir. L’instant d’après, il m’a attrapée par les

épaulespourmesecouercommeunprunier.—C’esttoiquimeparlesdemoralité?Etquecesalopardtepervertisse,toi,unejeunefemmesipure,c’estmoralpeut-être?Maisbonsang,qu’est-cequ’ilsont tousàmeconsidérercomme laViergeMarie? Je suishumaine

avecmesqualitésetmesdéfauts,jen’airiend’unesainte!Est-cequ’ilyaquelqu’uniciquiveutbienlecomprendre?—Àmoinsqu’ilsoitextraordinaireaupieuetquecesoitcelaquiteretienne.Quoi?Maisilestmaladecemec!

—C’estcequiseracontesurlecampus,poursuit-il,inconscientdemasoudaineraideur.Ilparaîtqu’ilest très doué au lit. C’est ce que tu cherches ? Parce que tu sais, je suis bon aussi. Je pourrais tesatisfaire,situmelaissaisessayer.Jen’aipaspeurdelacomparaison.Maisjevaisluiencollerune,àcegrosbeauf!Dequeldroitose-t-ilmeparlerainsi?Jeveuxbienadmettrequ’iln’estpasheureux,carçanemarche

pascommeillesouhaite,maisilyadeslimitestoutdemême!Lefaitd’êtreflicn’autorisepastout,etilestpeut-êtretempsqu’ilenprenneconscience!D’unesecoussesèche,jemelibère,avantdefaireunpasenarrière.Jedoisêtrerougedecolère,parce

qu’iln’aplusl’airsisûrdelui.— Te rends-tu compte combien tes propos sont insultants pour moi ? Tu es complètement fêlé ! Tum’expliquesàquelpoint je suispureun instant,puis la secondesuivante, tumedemandesdecoucheravec toi pour comparer tes performances à celles deNahel.Va te faire soigner, c’est ce que tu as demieuxàfaire!Etunebonnefoispourtoutes,jenesuispasunefemmeinconstante.Jenesuispascapable,commecertaines, demeprétendre amoureused’unhomme,pour sauter dans le lit d’un autrequelquesheuresplustard.Tupeuxracontercequetuveuxsurlui,jel’aime.Demanièreinconditionnelleettotale.Plusvitetul’accepterasetmieuxjemeporterai.Alors,maintenant,tumeficheslapaixettum’oublies.Sinon,jeseraidansl’obligationdeprévenirtessupérieursdetesagissements.—Tun’oseraispas.—Jevaismegêner!Essaieunpeupourvoir.Ilsepourraitquetudécouvresàtesdépensquejen’airiend’unesainte.Puis, sans attendre une quelconque réponse, je lui tourne le dos etme dirige vers l’Audi. Punaise,

qu’est-cequi sepasse encemoment ?Quand j’aidroit à trois joursde calme, les ennuisme tombentensuitedessusenrafale.Arrivéeàenviron troismètresde lavoiture,unélancementaussi soudainque fulgurantmecoupe la

respiration. Mais c’est quoi ça ? Mon bassin est tétanisé et il me faut l’énergie du désespoir pourparveniràlabagnolesansm’arrêter,parcequejesaisqueleregarddeDojongestbraquésurmoi.Sijem’étaisécoutée,jemeseraislaisséetomberàgenouxpourmeplierendeux,tellementc’estdouloureux.D’ailleurs,jesensdéjàdelasueurseformersurmonfront.Danslamesureoùjenepeuxpasresterici,jemetslecontactetquitteleslieux.Lasouffranceesttelle,

que je suis obligée dem’arrêter à la première place de parking que je trouve, un peu plus loin.Mesmembrestremblentetjemeforceàinspireretàsoufflerparlabouche,lesyeuxfermés,latêteappuyéesurlevolant.Ilfautunedizainedeminutespourquelacrisepasse.Cesdernièressemaines,jecroisvousl’avoirdéjàdit,j’airégulièrementétévictimedespasmesplus

oumoinspéniblesauniveaudubas-ventre.Maisc’estlapremièrefoisqueladouleurestsiintenseetqueles crampesdurent aussi longtemps.Qu’est-cequim’arrive ? Il faut absolument que j’appelleLounis,pourêtresûrequ’ilnes’agitpasd’unproblèmegrave.Lorsqu’enfin j’ai moins mal, je reprends la route vers mon appartement. J’avais prévu de faire

quelques courses, mais je m’en occuperai demain. Pour aujourd’hui, c’est impossible. Et si çarecommence?Non,ilvautmieuxquejerentredirectement.Arrivée dans le hall de l’immeuble, je croise mon voisin, Alexis, un étudiant en doctorat de

mathématiques. Il est sympa,même si nous ne discutons pas très souvent.Toutefois, je l’ai dépanné àplusieursreprises,quandilavaitbesoindesel,desucre,oudepâtes.Jesoupçonned’ailleurssesfinsdemoisd’êtreencorepluslaborieusesquelesmiennes.—Salut,Madie,çafaitunbail, lance-t-il, toutenrécupérantsoncourrierdanssaboîteauxlettres.Ohmince,j’aidenouveaueudesenveloppesquit’étaientadresséesparerreur.Ilmetenddeuxmissives,quejesaisisensouriant.

—Çaarrivesouvent?Jelesuisjusqu’àl’ascenseur,oùj’entreaprèslui.

—Toutletemps!Jel’aidéjàsignaléaufacteur,maistuparles,iln’enastrictementrienàsecouer.Ilm’aréponduqueçanemecoûtaitriendelesglisserdanstaboîte.Quandjeluiaifaitremarquerquec’étaitsonjobetpaslemien,ils’estbarréenrâlant.—Charmant!Noussommesarrivésànotreétage.Sonappartementestsituéjusteàcôtédumien.

—Bonnejournée,murmuré-je,avantd’insérerlaclédansmaserrure.—Euh,Madie, jenevoudraispasmemêlerdecequinemeregardepas,maisest-ceque tupourraisdemanderàtonmecdesecalmeraveclafumettesurlebalcon?J’ouvredegrandsyeuxsurpris.Àquoifait-ilallusion?

—Tonjuless’enfiledespétardsàtourdebrassurtonbalcon,secroit-ilobligéd’expliquer.Etçasentvachement fort les herbes de Provence chaque fois. Perso, ça neme gêne pas plus que ça,mais j’aientenduplusieursvoisinsseplaindreet,undecesquatre, tuvas finirparavoirdesemmerdements.Sicettehistoirevientauxoreillesduproprio,tupeuxêtresûrequ’iltefoutradehorssanssommation.Jelesais,c’estdéjàarrivéavecunmecducinquième.Sijetedisça,cen’estpaspourt’enquiquiner,jet’aimebien.J’espèrejustet’éviterdesennuis.Tun’espasfâchée,n’est-cepas?Çafaitquelquetempsquejevoulaist’entoucherunmot,maisjen’aipasosé.—Non,biensûrquenon,répliqué-jeensecouantlatête.Aucontraire,jet’enremercie.Jevaisréglerleproblème.

—Tantmieux.Bonnejournée,Madie.—Salut,Alex.Profondémentperturbéeparlesparolesdemonvoisin,jedéposemachinalementlesdeuxenveloppes

surlatableetmedirigeverslacuisinepourmepréparerunthéàlamenthe.Aprèslemalaisedetoutàl’heure,uneboissonchaudenepeutquemefairedubien.Pourtoutdire,jesuistrèsénervéeparcequejeviens d’apprendre. Avec ses conneries, je vais finir parme retrouver SDF, etmême si je pense êtrecompréhensive,çacommenceàfairebeaucouppouruneseulepersonne.Machinalement, j’ouvre la porte-fenêtre du balcon, pendant que l’eau bout. En ce début du mois

d’avril, la températureestparticulièrementclémente,mêmesi lecielestnuageux.Sur lecôté, trône lecendrierquiestd’unepropretéimpeccable,commed’habitude.Journéepourrie!Labouilloirequisifflemeramèneverslacuisine.Enrevenantavecmatassefumante,mesyeuxglissentsurlescourriers.C’estlà que je vois le logo de l’un d’entre eux. Mon cœur a un raté, tandis que je pose mon mugprécautionneusementpournepaslerenverser.Avecfébrilité,jedéchirel’enveloppeetsorslalettrequisetrouveàl’intérieur.Lorsquej’enlislecontenu,unsourireravis’affichesurmonvisage.Enfinunebonnenouvelle!Jesuis

admissible.Oui,j’airéussil’écritduconcours.Yes!Yes!Yes!J’ailesentimentquepourlapremièrefoisdepuisfortlongtemps,unévénementpositifintervientdansmavie.Etcen’estpastroptôt!Pour le coup, j’en oublie mon thé, ainsi que mon malaise. Il faut que j’appelle Sophie pour lui

demander ses résultats.Aussitôt, je récupèremon iPhone dans la poche dema veste.Alors que je ledéverrouille,jeconstatequejeviensderecevoirunmaildeGregDojong.Celui-cicontientunevidéo.Jesaisquejedevraislesupprimer,quejen’aimeraipascequ’ilveutmefairedécouvrir.Maislacuriositéestplusforte,mêmesij’aiconsciencequ’elleestmalsaine.En visionnant ce court film, qui dure à peine une minute, mon cœur se serre à tel point que j’ai

l’impressionqu’ilvasebriser.Etc’estprobablementcequisepasse.

19Deuxheuresplustard,jesuistoujoursprostrée.J’aitoutjusteeuletempsdemelaissertombersurle

nouveau canapé.Oublié lemalaise, oubliée l’admissibilité au concours.Même cemoment de joie, cecrétindeNahelmel’agâché!Seulesatrahisonaunequelconqueimportance.Direquejel’aicru,quandiljuraitqu’ilallaittoutarranger.Jemesuisfaitavoirunefoisdeplus,maisc’estlafoisdetrop.Ilnepeutpascontinueràjoueravecmoiainsi.Pourtant,jesaisqu’ilétaitsincère,quandilprétendaitvouloirfairedeseffortspourmoi.Seulement,à

peine avait-il tourné le dos, que ses belles promesses étaient immédiatement jetées aux oubliettes. Etmaintenant,voilàlerésultat:alorsqu’ilauraitdûmesoutenirsuiteàcetteagression,ilestdéjàpasséàautrechose.Lapreuveaveccetteimmondevidéo,oùonlevoitentraindesefairesucerlecouparuneblondeinconnue,tandisqueStephestaffaléesursesgenoux,latêtenichéesursonépaule.Pourêtresûrequ’ilnes’agissaitpasd’unmontagedouteux,j’aitransférélefilmsurmonordinateur.

Nonseulement,ilestdatéàmoinsd’unesemaine,maisenplusc’estbienlui.Àsescôtés,ilyamêmeVinceetVal.Ahbravo,sympalesmecs!Ils doivent bien se foutre dema poire, quand j’ai le dos tourné. Le pire, je crois, c’est l’état dans

lequel se trouveNahel. Parce que j’ai tout de suite compris qu’il était carrément dans les vapes.Lesbouteillesdevodkasur la tablen’y sontprobablementpasétrangères,mais ilyaautrechose.Cetairhalluciné,jel’aidéjàvu,doncjesaisqu’ilaprisdel’ecstasy.Maisquelsalaud,cemec!Quelconnardfini!Commentpeut-onsedétruire,alorsqu’onatoutpourêtreheureux?Jenecomprendspascequ’ilcherche,maiss’ilvoulaitmettreuntermeànotrerelation,c’étaitaussisimplepourluidem’enparler,defairesesbagagesetpartir.Sansdec!Ilsait trèsbienque jesuis tropfièrepourm’abaisserà lesupplierderester.Je l’aurais laissés’en

aller,mêmesicelam’avaittordulestripes.Aulieudeça,ilfaittoutetn’importequoi!Qu’est-cequ’ilracontaitl’autrejour?Ilvoulaitmeprotéger,c’estça?Labonneblague!Enréalité,iljoueaufantômedepuiscesoir-là!Heureusementquejenesuispasobligéedecomptersurlui,parcequejeseraisdansunebellemerde!Cequimedébecteleplus,c’estqu’ilcontinueàdealer,sachantpertinemmentqu’ilmemetendanger.

NomdeDieu,s’ilvoulaitsemontreruntantsoitpeumoinségoïste,ilauraitparfaitementconsciencedesrisquesqu’ilmefaitprendre!Jel’aime,jejurequec’estvrai,maisjen’enpeuxplus.Notrerelationnenousmènenullepartetje

suistellementcrevéedetenterdemebattrepournousdeux,alorsqu’ilnefaitaucuneffortdesoncôté.Danscesconditions,ilvautmieuxquenousnousséparionstoutdesuite.Cemecestunecauseperdueet,quoiquejedise,ilnem’écouterapas.C’estcommepisserdansunviolon.Quant àmes problèmes de santé, eh bien, ça attendra encore un peu. Les crampes ne se sont plus

manifestéesdepuiscetaprès-midietjenepeuxpasmepermettreuneabsencemaintenant.Or,jesaisquec’est exactement ce queLounis ouCarole exigeraient.Mais avec l’oral qui a lieu dans dix jours,merendreàParisrelèvedel’impossible.Enoutre,jesuissurlepointdedémissionnerdemonjobaucinéma.L’hôpitaloùj’effectuemonstage

m’aproposéunposteàtempspartiel, lesweek-endset lesvacances,et jecroisqueçamecorrespondbeaucoupmieux.C’estinespéréetcelasignifiequ’ilssonttrèscontentsdemontravaildansleurservice.Apparemment, l’infirmièreenchefest intervenuepersonnellement.Dans lamesureoù ilyapénurie

d’effectifsenfindesemaine,elleaestiméquecejobpourraitmeconvenirparfaitement.Jeconnaisleurmanièredefonctionner,sanscompterquejem’entendsbienavectoutlemonde.Etsurtout,c’estbeaucoupmieuxpayéquelecinéma,enraisondesprimesdeweek-ends,etçam’évitedebosserlesoir.Donc,mêmesijeneréussispasleconcours,j’essaieraid’obtenirunposteàmi-temps,enattendantde

pouvoirlerepasserl’annéeprochaine.Voilà,ilmesemblequelemomentestvenupourmoidefairelegrandménagedansmavie.Seulement,deuxchosesnechangerontpas:jerestedansmonappartementetjenequitteraipasStrasbourg.Pourlereste,adviennequepourra.Jen’appellepasSophie.Jen’aiaucuneenviedeluiparler,parcequejesuissûrequ’ellesavaitpour

Nahel,maisqu’unefoisdeplusellenem’ariendit.OK,ellepartduprincipequ’ellerefusedesemêlerdesaffairesd’autrui,maisjesuisquandmêmesonamie,non?Danslasoirée,jecontactemesparentsetmonfrèrepourleurannoncerlabonnenouvelle.Jen’évoque

pasNaheletpersonnenemedemanderien.Étonnamment,mavoixesttoutàfaitnormale.Jen’iraispasjusqu’àprétendreque je suis soulagéepar la tournuredes événements,mais je pense sincèrement quenousnepouvonspastomberplusbas.Alors,autantarrêterlesfrais.C’estmieuxpourtoutlemonde.Néanmoins, une partie demoi est terriblement triste.Quand je l’ai épousé, le soir du réveillon, ce

n’étaitcertainementpasdansl’optiqued’uneséparationàpeinequatremoisplustard.Etjamaisjenelefoutraidedans,ninebavasseraisurlui.Non,jenesuispascegenredefille.Nahel a été un compagnon attentionné, un amant extraordinaire quim’a tout appris, un ami à qui je

pouvaisconfiermesdoutesetmescraintes.Jusqu’àtrèsrécemment,ilm’atoujourssoutenue,quecesoitquandj’aivouluchangerdecursusoulorsquej’aidûaffrontersonaffreusefamille.Jen’oubliepasquec’estluiquim’atrouvémonjobaucinéma,quim’aobligéeàmesoigner,ouquim’aemmenéeàl’écritduconcours.Alorsoui,ledocteurJekylldesapersonnalitémemanquerahorriblement.Rienquedepenserquejene

m’endormiraiplusdanssesbras,quenousnerironspasensembleauxvannespourriesdeVinceouquenousnediscuteronsplusàbâtonsrompus,medonneenviedepleurercommeunegosse.Toutefois,jem’yrefuse,parceque lemisterHydequi sommeille en lui apris tropd’ampleur et, celui-là, je lehaisdetoutesmesforces.Commentest-ilpossibled’aimerunhommeautantqu’onledéteste?Jen’ensaisrien,maisleconstat

estimplacable.Jeregretteraisansdoutetoutemavielegarçonextraordinairequ’ilest,maisj’aihâtedeneplusêtreenprésencedupauvretypequ’ilpeutdevenirsousl’emprisedessaloperiesqu’ilingurgite,commecertainss’empiffrentdetablettesdechocolat.Quellen’estdoncpasmasurprise,quandjel’entendsrentrerversvingt-deuxheures.Tiens,tiens…Touteslesdiscothèquesdelavillesontfermées,cesoir?Lesbarssontenrupturede

stock?—Salut,Mad, lance-t-ilenentrantetenretirantsaveste.Jenerestepas. Il fautque jemechange,cecrétindeValarenversédelabièresurmonfutal.Quelbolosse,j’tejure!Lesyeuxgrandsouverts, jemedemandesi jen’aipas laberlue.Ilestsérieux, là?Ilest justevenu

prendreunedoucheetmettred’autresfringues?C’estuneblague!Néanmoins,jeneleregardepas.Àl’allure oùmonte le stress enmoi, je vais l’assommerdebaffes dansmoinsde troisminutes.Or, j’aibesoin d’être calme pour lui annoncer que tout est terminé entre nous. Si je lui hurle dessus, ilm’embrasseraetonfiniraaulit,unefoisdeplus…Quelquesminutesplustard,ilrevientensifflotant.Ehbien,debonnehumeur,legaillard!J’aimerais

bienconnaîtrelamêmeinsouciance!Plusilal’aircontentetplusjesuisfumasse.C’estcon,hein?Ettellementinjustequandonyréfléchit.Àluilatranquillitéd’espritetàmoilesemmerdementsjusquepar-dessuslatête.—Mad?Çanevapas?s’enquiert-ilenfin.Ehbien !Cen’est pas trop tôt !Enmême temps, je suis assise sur le canapé, je n’ai pasbougéni

prononcélemoindremotdepuisqu’ilestarrivé.Jefixelevide,lespoingsserrés.Ilyenad’autresquiauraientétéconscientsd’unéventuelproblèmebienavant.Celameprouve,sibesoinétait,àquelpointmespréoccupationsluiimportentpeu.—Chérie?Qu’est-cequisepasse?Et il fait comme si de rien n’était ! Je ne le crois pas ! Je vous le dis, cemec est exceptionnel

d’égoïsmeetdemauvaisefoi.Finalement,n’ytenantplus,jemelèveetl’observe.Vêtud’unjeandélavéetd’unpullàcolroulé,il

estàtomber,maispourlapremièrefois,celamelaisseindifférente.Ilsetrouvequej’enaiunpeuraslacasquetted’êtreconsidéréecommeuneconne.—Toutvabien,tenté-jedebiaiser.Ettoi?Depuisletemps…—Euh oui, ça baigne.Désolé, c’est vrai qu’on ne s’est pas parlé depuis quelques jours.Mais tu estellementoccupéeetjebossepasmalpourmonmaster.Benvoyons!Prends-moipourunedébile,jenetedirairien!

—Tuportesuncolroulé?Ilfaitpourtantbon…Enréalité,jesaispourquelleraisonilagitainsietj’aitropenviedeluifoutrelenezdanssamerde

pournepasm’enpriver.—Euh,benoui,maisenmêmetemps,lesoir,l’airestfrais.—Oualors,c’estpourcacherlesuçondelatailledel’Australiequisetrouvedanstoncou,rétorqué-je,l’airderien.Àcesmots,ilblêmit.Ehoui,monsieurElKhouri,ilseraittempsquetuarrêtesdemevoircommela

simplettedeservice.—Mais,Madie,qu’est-cequeturacontes?—Çasuffit!Tucroisquejenesaispasàquoituoccupestesnuits?—Quoi?Maisnon,enfin!Il tente de s’approcher,mais je l’esquive pourme diriger versmon ordinateur. Jemets la fameuse

vidéo,envoyéeparDojong,enlectureetmepoussepourqu’ilpuisseladécouvrir.Remarquez,elleestenpleinécran,jenevoispascommentilpourraitlalouper.Monmarimerejoint,endéglutissantavecdifficulté.Mais,unefoisdeplus,jem’écarte.Lesyeuxrivés

surl’ordinateur,ilnepeutqu’admettrelavérité.Lorsquelefilmestterminé,ilsetourneversmoi,lamineprofondémentgênée.

—Écoute,Mad,je…—Jeneveuxriensavoir, j’enai ras lebolde ta tronche.Depuisqu’onestensemble, tun’as faitquementiretmentirencore.Tuasenviedetefoutreenl’air?Ehbien,vas-y,maisceserasansmoi.Jenet’aijamaiscachéquetonpetittraficmeposaitunsérieuxproblème.J’aiétéagresséeàcausedeça,maistucontinuesmalgré tout.Cequimontreàquelpoint jesuis importantepour toi !Et jeneparlepasde lafidélitéquiétaitnonnégociable.Tevoilàaveclecoupleindesuçonsfaitsparunepétassequelconque,alorsquetafemmet’attenddésespérémentàlamaison!L’amertume est perceptible dansmavoix,mais je ne pleure pas.Ahnon alors ! Pas devant lui.Ce

seraitluifairetropd’honneur.—Jeveuxque tuprennes tesaffairesetque tu retournesdans tonappartement.Je te laissedeux jours

pourça.Leregardabattu,Nahelnepipemot.Jesaisquejeluiaifaitdelapeine,maisqu’enest-ildecequeje

ressens,moi?Duchagrinetdelatristesse,j’enaieuplusquemapart.Etjepouvaistoutsupporter,tantquenousétionsensemble.Malheureusement,jedoismerendreàl’évidence,ilyabellelurettequecen’estpluslecas.Maiss’il

yaunechosequ’ilnepourrapasm’enlever,c’estmadignité.Non,jenesupplieraipas.Pasplusquejeneluimontrerai l’étenduedemapeine.Parceque,pourtoutvousdire, ilmesemblequ’ilneleméritepas.

20

NahelIlesttardlorsquejemeréveille.Putain,j’aiunedecescasquettesplombéessurlecrâne!Madieest

déjàpartieàl’hôpitaletj’ensuispresquesoulagé.Jenecomprendspascequim’estarrivé,cesderniers jours.Putain,enbonconnardquejesuis, j’ai

toutfoutuenl’air.Pourtant,jen’aicouchéavecaucuneautrefille,pasplusquejenemesuisfaitturluter.Maislaplupartdutemps,j’étaistellementdéchiréquejenemerappellerien.Seulement,hier,quandellem’amontrécettesaletédevidéo,j’aieudevantmoilemeccomplètement

shootéquejesuisdevenu.Ohmerde,cen’étaitpasbeauàvoir.AvecunenanaquimegobaitlecouetStephsurmesgenoux,jepeuxcomprendreàquelpointj’aidéçuMadie.Jemelèveet,aprèsunpassageauxtoilettes,jemerendssurlebalconpourmeroulerunpétard.Un

post-itsurlecendrierattireimmédiatementmonattention.«Vafumertessaloperiesailleurs!Àcausedetoi,jerisquedemefairevirerdemonappartement,etiln’enestpasquestion!»Direquejesuisétonnéestuneuphémisme.C’estquoiencorecettehistoire?Elleadesproblèmesà

causedemoi?Àbienyréfléchir,ceneseraitpaslapremièrefois.Entreleflicquilaharcèle,mamaniedefairetoutetn’importequoi,etmaintenantcetteagression,lapauvredégustedepuisquenoussommesencouple.Elleaparfaitementraisond’enavoirmarre.Dureste,c’estexactementcequiarrive.Madien’enpeutplusetelleadécidédemettreun termeà

notrehistoire.Jesupposequel’interventionmuscléed’Amorosaétédéterminante,maismonattitudedecesdernierstempsaétélagoutted’eauquiafaitdéborderlevase.Alors,pourquoim’êtreconduitaussistupidement,medirez-vous?Sijelesavais!Letruc,c’estquej’aiétéprofondémentchoquéquandj’aivulesmarquessurlagorgedecellequeje

considèreplusquejamaiscommemafemme.J’aicompris,cesoir-là,quejelamettaisendanger.Etlesouci,c’estquejenepouvaispasarrêter,puisquelerestedelabanden’étaitpasd’accord.Madie,ilss’enfichentcommedel’anquarante,cen’estpasleurproblème.Toutauplus,ai-jeréussiàfaireannulerladernièrelivraison,parcequenousnel’avionspasencorepayéeetqu’iln’étaitpastroptard.Enréalité,j’aiétéincapabledegérerlapressionliéeàcequ’elleasubi.J’auraisdûtoutenvoyerchier

pourêtrecertainqu’ilneluiarriveraitriendefâcheux,maisjen’ysuispasparvenu,parcequejerefusaisdefoutremespotesdanslamerde.Sionaenvied’appelerleschosesparleurnom,jen’aipassuchoisirentreelleeteux.Et jemesuisdétestépourça.Résultat :commechaque foisque jesuisdanscetétatd’esprit,j’aicraqué.J’aireplongédavantagedansl’alcooletladrogue.Plusj’enconsommaisetplusjememéprisais.C’estuncerclevicieuxdontonnesortjamais.Uncourrierposésursonbureauattiremonattention.Sanslemoindreégardpoursavieprivée,jem’en

emparepourlelire.Benmincealors!Ellearéussil’écritdesonconcours.C’estgénial!Pourquoinemel’a-t-ellepasdit?Lecachetdelapostesurl’enveloppeindiquequ’elleaétéenvoyéeilyadeuxjoursdecela. Ce quime laisse penser queMad ne l’a eue qu’hier. Sans doute enmême temps que la vidéo.Génial!Unefoisdeplus,j’aitoutgâché.J’auraisdûl’emmenerdînerquelquepartpourfêtersaréussite,puis luiproposerde l’aider àpréparer sonoral.Au lieudeça, je lui ai juste rajoutédes contrariétés

supplémentaires.Aprèssesdernièresparoles,hiersoir,Madiem’atotalementignoré,mêmesicen’estpasfaciledans

un studio. Finalement, j’ai craqué et je suis parti.Mais au bout d’une heure, j’ai compris que jemefourvoyais,quepicolern’étaitpascedontj’avaisbesoin.Alors,j’aiquittélecluboùnousétionsetj’aimarchéseul,longtemps,danslesruesdésertesdeStrasbourg.J’enavaisbesoinpourréfléchir.Mesconclusionssontaccablantes.Enclair,depuisquenoussommesmariés,j’aisalementdérapé.Est-

cequej’aienviederattraperlecoup?Jen’aitoujourspaslaréponseàcettequestion.Lavérité,c’estquej’aiterriblementpeurdenepasêtreàlahauteurdesesattentes.Cettejeunefemme,

siextraordinaire,méritecequ’ilyademieux.Etpourl’instant,j’aiplutôtl’impressiondefairepartiedupire.Alors,lagarderprèsdemoinécessiteraitunchangementradicalquejenesuispassûrd’avoirlaforce d’entreprendre. Il faudrait que je cesse toute consommation de drogue, ce qui passeraitobligatoirementparunecurededésintoxication.Hélas,jen’enaipasenvieetaucunevolontédechangercetétatd’esprit.Lacameestmafaiblesseetest tellementancréeenmoi,que jenepensepaspouvoirvivresans.Danslamesureoùjerefusedecontinueràluimentir,toutestdit.Jedoischoisirentreelleetladrogue.

Comme je suis incapable deme passer demes paradis artificiels, la décision s’impose d’elle-même.D’ailleurs,Madie l’a déjà prise, hier soir, pour nous deux. Sans cris, sans pleurs, elle m’a annoncéqu’ellemelaissaitdeuxjourspourviderleslieux.Jesuisterroriséàl’idéedelaperdreetungoûtameremplitmabouche,rienquedel’imagineravecun

autre.Maiscen’estrien,comparéàl’angoissequim’envahitlorsquejemedisqu’ilfautquejedevienneclean.Jesuisfaible,c’estévident.Vousdevezsansdoutevousdemanderpourquoijenesuispasdéjàenpleinecrisedepanique,ehbien,

parceque,pour lapremière foisdemavie, je faispasserson intérêtavant lemien.Ellemérited’êtreheureuse,maisjenesuispasceluiquiluiapporteralebonheurtranquilleauquelelleaspire.L’accepteraété terriblement difficile,mais quand ça a été le cas, hier soir, jeme suis sentimieux.Comme si unepressionterribleavaitsoudaindisparudemesépaules.Quandjesuisrentré,peuaprèsminuit,Madieétaitdéjàcouchée.Jen’aipastropcherchéàsavoirsi

elledormaitounon. Jen’étaispas enmesurede luiparler et encoremoinsdem’engueuler avecelle.J’étaisjusterésignéàlalaisserpartirpoursonproprebien.Dèsqu’Amorosetceconnarddeflicaurontcomprisque j’aidéménagé, ils lui foutront lapaix.Etc’est toutcequicompte.Alorsque,depuisplusd’une semaine, je me demandais comment la protéger, la solution était là, sous mes yeux. Simple etradicale.Cematin,alorsqu’ilmesemblequej’ailesidéesbienclaires,jenesuisplussicatégorique.Neplus

jamaislarevoirm’estinsupportable.Jeregrette,jenepeuxpasrenonceràelleaussifacilement.Pourtant,hier,j’étaisréellementdécidé.Moncerveauenfiévrétourneàtouteallure,tentantdetrouverunealternativequinem’obligeraitpasà

unemesuresidrastique,pendantquejemeprépareuncaféserré.Ilmefautaumoinsçapourréfléchirsérieusement.Troisheuresplus tard, toutestclairdansmonesprit.L’optionque jem’apprêteà luiproposernous

conviendraàtouslesdeux,j’ensuiscertain.Prèsde laporte,mesaffairesempaquetéesparmessoinsattendentsagementque je lesemmène.En

réalité, il n’y a plus que deux sacs, le reste est déjà chezmoi.CommeMadie a prismavoiture pourtravailler,j’aiappeléValetVince,afindeleurdemanderdevenir.QuandjeleuraiexposéleproblèmeetrévélécequiétaitarrivéàMadieàcausedenotrebusiness,ilsontcomprismesmotivationsd’enfinirauplustôtavecledeal.Puis,jeleuraiexpliquécommentjesouhaitaisprocéderpourtenterdesauvercequi

peutencorel’êtredemonmariage.Ilsontacquiescédeconcert, totalementd’accordavecmoi,pourlapremièrefois.J’aimêmeluunelueurderespectdanslesyeuxdeVal.Lacléquitournedanslaserruremeramèneàlaréalité.Ilestdéjàtreizeheurestrenteetellevientde

finirsajournéedetravail.Assissurlecanapé,j’attendsavecanxiétéqu’ellemerejoigne.Pourtant,ellenelefaitpastoutdesuite.Elles’enfermed’aborddanslasalledebainpendantunlong

moment.Quesepasse-t-il?Jenepeuxm’empêcherdem’interroger,inquiet.Quelcomportementétrangedesapart.Incapabledetenirenplace,jemelèveetfileverslacuisineoùjemerefaisuncafé,avantdeluien

préparerun.Avecnostalgie,jecontemplecestudiospacieuxquej’avaisapprisàapprécieretoùj’avaistrouvémesmarquesétonnammentvite.Surunpanneauenliège,accrochéjusteau-dessusdesonbureau,ilyatoutuntasdephotosdenousqu’elleaimprimées.Nousparaissonsheureuxetinsouciants,c’estcetteimagequejeveuxgarderdenotrecouple.Madiemerejointaumomentoùjemedirigeverslapartiesalon,lesdeuxmugsenmain.

—Salut,dis-je,malàl’aise.—Salut.Sapâleuretsamineexténuéem’inquiètentaussitôt,mais jem’obligeànepas lacouvercommeune

mère poule. Son emploi du temps est infernal depuis desmois, je suppose qu’elle est juste à bout deforces.Dumoins,j’essaiedem’enconvaincre.Elle blêmit en apercevantmes sacs,mais ne ditmot.D’ailleurs, c’est inutile, ses yeux brillants de

larmesparlentpourelle.—Viens,nousdevonsdiscuter.Après avoir posé les tasses sur la table basse, je lui tends unemain qu’elle saisit sans lamoindre

hésitation, àmon grand étonnement. En réalité, elle est juste trop crevée pour se disputer, enfin je lesuppose…Elleprendplaceprèsdemoietmeremerciepourlecafé.Unsilencegênés’installe,maisjem’oblige

àentrerdanslevifdusujet,sansperdredetemps.—Tuavaisraison,hiersoir,onnepeutpascontinuercommeça.—C’estvrai,admet-elled’unevoixdouce.—J’yaibeaucoupréfléchietjesuisconscientd’avoirsalementdéconné.Jenevaispasm’excuserunefoisdeplusettepromettredechanger.Toietmoi,noussavonsquejenetiensjamaisparole.—Tuproposesquoi,alors?—Ma priorité est de te protéger de lamerde dans laquelle j’évolue. Il faut, par conséquent, que jeretournedansmonappartement.J’auraisd’ailleursdûlefairebeaucoupplustôt.—Bien.C’est,detoutefaçon,cequejet’aidemandé.Madiesemordlalèvre,sansdoutepournepaspleurer.

—Tunepigespas,monange,c’estleseulmoyenpourqu’Amorosetlesflicstelaissenttranquille.—Donc,si jecomprendsbien, tuparspourqu’onmefoute lapaix.C’estunpointdevue,mais ilmesemble que si j’avais réagi ainsi sous la pression de mes parents, je serais à Rochesson à l’heureactuelle.Cen’estpasfaux,maiselleal’aird’oublierquelesdangersnesontpasdemêmeniveau.

—Chérie, je refuse que tumequittes de cette façon, c’est trop dur. Je voudrais que nous restions encontact.Jet’aimecommeunfouetj’aibesoindetevoir,çanechangepas.Si,quandjedéménageraiàLondres, tu désires tout arrêter entre nous, je respecterai ta décision,même si j’en serai terriblementmalheureux.Mais tantque je suis àStrasbourg,neme rejettepasaussibrutalement. Jenepeuxpas lesupporter,jesuistropamoureuxdetoi.

— C’est pour cette raison que ta peau porte des marques faites par d’autres filles ? Quel amour !s’exclame-t-elleavecuncynismequimefaitfroiddansledos.D’accord,celle-là,jenel’aipasvolée,maisbon…

—Jesuisdésolé.Maissachequejenet’aipastrompéeuneseulefois.—Toutdépenddecequetuappellestromper!Pourmoi,avoirStephquisetrémoussesurtescuissesetl’autreconnassesuspendueàtoncouestdéjàuneformedetrahisonensoi.—Madie,j’étaiscomplètementfait.Jenemesouviensderien,sicen’estquejesuisrentrédirectementaprèslasoirée,quej’aienvoyéStephchier,etquejemesuisréveillélelendemainavecdessuçonspleinlecou.Jenepouvaisdécemmentpastelesmontrer!—C’estpourçaquetunemetouchesplusdepuistonretourdeLondres?Tuimaginesàquelpointc’estdifficile pour moi de voir que des filles ont le droit de te faire ce genre de chose, alors que tu tedésintéressestotalementdemoi?—Non,nepensepasça!J’avaistellementhontedecequit’étaitarrivé.Toutestdemafauteetjemesens horriblement coupable. Le lendemain de mon retour, j’ai été discuter avec les gars pour leurannoncerquej’avaisdécidédetoutarrêter,quelasituationétaitdevenuetropdangereuse.Hélas,c’estimpossible.Nousavonsencoredeuxlivraisonsàassurer,avantdepouvoirenfinnousretirerdujeu,sansylaisserdeplumes.—Jetel’aidit,Nahel,jeneveuxriensavoir.—Bref,voilàcequejetepropose.Jereparschezmoi,maisj’aimeraistevoirsouvent,situesd’accord.Recommenceràzéroquoi!—Pardon?Jenesaisispascequetuattendsdemoi.—Jecroisqu’onestalléstropvitedansnotrehistoire.—Àquilafaute?demande-t-elleavecbonsens.—Jesaisquejesuislepremieràblâmer.Jeneregrettepasnotremariage,jetelejure.Maisjesensquetuasbesoind’unpeudedistanceet je tecomprends.Depuisqu’onestensemble, jen’aipasarrêtédedéconner.—Tuproposesquoi,alors?—Jeveuxqu’onpuissese retrouver régulièrement,qu’onapprenneàseconnaître,qu’onprennenotretemps.—Ilestunpeutardpourça,tunepensespas?—Ilvautmieuxtardquejamais.Est-cequetum’aimes?Elleréfléchituninstant,avantdemurmurer.

—Oui,malheureusementpourmoi.—Vraiment?—Commentça,vraiment?Évidemment!Tulesaistrèsbien,d’ailleurs.Tuimaginesquesi jen’étaispasamoureusedetoi,tuseraisencorelà?Tucroissincèrementquej’accepteraistonmauvaiscaractèreettescoupsfoireux?—J’avaisjustebesoindel’entendre.Pourtant,tum’aslargué,hiersoir.—Écoute, trop c’est trop.Entremon proprio qui veutmemettre à la porte, parce que les voisins seplaignentdel’odeurdetesjoints,ceflicquinemefoutpaslapaixetcetype,Amoros,quim’esttombédessus,j’étaisnerveusementàbout.Alors,quandj’aidécouvertlavidéo,j’aipétéuncâble.—Quitel’aenvoyée?—Àtonavis?C’estGregoryDojong.Ellerositetjepigequ’ellenemeracontepastout,maisjerefusedelapousseràlaconfidence.Tenter

deluitirerlesversduneznelabraqueraquedavantage.ElleestaumoinsaussihermétiquequeSophie,

quandellel’adécidé,etcen’estpaspeudire.—Ilteharcèletoujours?Sarougeurs’accentueetjecomprendsquec’esteffectivementlecas.

—Tuvois,Mad,ilfautqueçacesse.Tunepeuxpascontinuerainsi.—C’estclair.J’enaimarre,situsavais…Jeluicaresselanuqueetellen’aaucunmouvementderecul,sibienquel’instantd’après,jelasaisis

parlesépaulespourlaserrercontremoi.Unefoisdeplus,elleselaissefaire.D’uncoup,alorsquesoncorpssoupleetfinsepressecontrelemien,jemesensincroyablementbien.Putain,çavaêtredurd’êtresanselle,mais jesaisquec’estunpassageobligé,sinousvoulons tous lesdeuxquenotrehistoireaitencoreunechance.—Donc,c’estfini?s’enquiert-elled’unepetitevoix,toutcontremagorge.Cette caresse involontaire provoque un frisson de plaisir pur le long de ma colonne vertébrale.

Toutefois,jemeforceànepasécoutermaqueue,aussiraidequ’ungourdin,pournemepréoccuperquedesonbien-être.Elleleméritetellement.—Non, pas du tout. En réalité, tout ne fait que commencer.On va juste vivre dans nos appartementsrespectifs,letempsquejerèglemesproblèmes.Maisjetel’aidit,jeveuxqu’onsevoieleplussouventpossible.Onmangeraensemble,unefoischeztoi,ensuitechezmoi.Pasquestiondecouperlecontact.Çanousferaunentraînementpourl’annéeprochaine.—Hein?Madseredressepourcroisermonregard.Alors,jem’explique.

—Àpartirdejuillet,jevaisvivreàLondres,tandisquetoituresterasàStrasbourg.Nouspourronsnousvoirseulementdeuxweek-endsparmois,cequiestpeu.—CommeFredetSophie…—Exactement.Maisj’ycroisetjedoismaintenanttepersuaderd’ycroireaussi.Notrecoupleenvautvraimentlapeine.Tudoisjusteapprendreàmerefaireconfianceet,moi,àteprouverquejepeuxenêtredigne.Jem’attends à ce qu’elle proteste avec virulence,mais elle s’abstient. La partie raisonnable de sa

personnalitéaprisledessusetc’estaussibiencommeça.—Qu’est-cequetuenpenses?demandé-jeavecunecertaineappréhension.—Jenesaispas.Pourmoi,hiersoir, toutétait terminé.Jenesupportepluscertainsaspectsdetavie,c’estclair.Etjen’enpeuxplusdesennuisauxquelsjesuismêléepartafaute.Mais,au-delàdetoutça,uneévidencereste:jet’aimecommejen’aijamaisaimépersonneetcommejen’aimeraiprobablementplusjamaispersonne.Alors,peut-êtrequetuastrouvélasolution.Mettredeladistanceentrenous,mepermettrasansdoutederetrouvercecalmeauquelj’aspiretant.Etavecunpeudechance,jetemanqueraitellementquetudéciderasqu’ilesttempspourtoidetesoigner.L’espoir que je décèle dans sa voix me fend le cœur. Parce qu’en réalité, si je m’en vais, c’est

justementpournepasavoiràrenonceràmonvice.Maisjeneleluiavoueraijamais.Aprèsavoirdiscutéencorequelquesminutes,nousconvenonsdedéjeunerentête-à-têtelelendemain.

C’estunsamediet j’aienviede l’inviteràmangerà lacampagne, loindecetteville.Commejemixe,nous devrons nous séparer en début de soirée, mais au moins nous aurons passé quelques heuresensemble.Dimanche,elleestaucinémajusquetardetretrouvesonfrèrelematin,doncilseraimpossibledenousvoir,maisjeproposetoutefoisdelaramenerchezelleenfindejournée.Delamêmemanière,commeellebossed’aprèmàl’hôpital,lasemaineprochaine,j’irailarécupéreràlasortiedesonboulot.Madie décide de m’accompagner à la voiture pour m’aider à porter le reste de mes affaires.

Volontairement,jepasseparl’entréeprincipaleavecmesvalisespourrejoindreleparking,demanièreà

cequeceuxquinoussurveillentcomprennentquejepars.Lorsquejeveuxluiredonnersaclé,ellerefuse,arguantqueçalarassuredesavoirquejepeuxentrer

chezelleencasdeproblème.Nousnousenlaçons,sanspourautantnousembrasser,commepournousdireadieudemanièrefraternelle,puisjesautedanslabagnoleetjedémarre.Ilmefautenvirondeuxheurespournettoyermonappartement,fairedescourses,etrangerànouveau

toutesmesaffaires.J’ai l’impressionquecelafaitdesannéesquejen’yaipasdormi.Fredarrivepeuaprèsavecdessushis.SobosseetilaenviedepasserunmomententremecspourjoueràCallofDuty.Etjedoisreconnaîtrequec’estexactementcedontj’aibesoin.En faisantune fixetteobsessionnelle surMadie, j’enai justeoubliéque j’étaisunétudiantdevingt-

troisans,quipeuts’éclateravecsonpotedurantunesoiréeoùaucunenanan’interviendra.Nousfumonsdeuxoutroispétards,buvonsquelquesbinouzes,pendantquenoustripotonsfrénétiquementlesmanettes,etlesheuressesuccèdentàunevitessehallucinante.Oui,clairement,cettesituationmeparaîtautrementplussaine,quecellequejevivaisavecmagreluche.Lorsquejevaismecoucher,jedécouvreuntextotoutmignondanslequelellemesouhaiteunebonne

nuitetmedemanded’êtresage.Jerisauxémoticônesqu’elleautilisées,avantdeluirépondre.Aumomentdem’endormir,coupdestress,quandjeréalisequej’aioubliédereprendrelacamedans

son appartement.Ohmerde !Voilà autre chose ! Il va falloir que je pense à la récupérer rapidement,mêmesijesaisquelamarchandiseestsûrementbienplusensécuritéchezellequechezmoi.

21

MadieVoilà, j’y suis.Dansquelquesminutes, jevaispasser l’oralduconcours.Assisedans lecouloir, en

attendantmontour,jetentedesurmontermanervositépartouslesmoyenspossiblesetimaginables.Jerespirelentement,régulièrement,enpriantleSeigneurpourqu’ilmedonnelaforcededominermontrac.Et c’est compliqué pour l’angoissée que je suis. L’enjeu est tellementmajeur, que je ne peux pasmepermettredemeplanter.Laformationestmaintenantterminée,sibienquejebosseaucinocheendébutdesemaineetquej’effectuedesremplacementslesjeudi,vendredi,samedietdimancheàl’hôpital.Nahelaeudumalàaccepterlasituationaudébut,maisilacomprisàquelpointc’étaitimportantpour

moid’évoluerdanscemilieu,celuidemonfuturmétier.Lorsquej’aidécidédedémissionnerducinéma,monpatronm’ademandéderesterencorequelquesjours,letempspourluidemetrouverunsuccesseur.J’aiacceptébienévidemment,mêmesic’étaitàcontrecœur.Toutefois,iln’étaitpasquestiondecracherdans lasoupe,parcequece jobm’arendusacrémentserviceenmepermettantdepayermon loyer.Etpuis,parrapportàNahelquiétait intervenupourquejesoisembauchée,jenevoulaispasmemontrerégoïste. Normalement, à la fin du mois, tout devrait aller mieux, puisque je serai libérée de mesobligationspourcetemploi.Bonsang,qu’est-cequec’estlong,songé-jeenfaisantlescentpasdanslecouloir.Mespenséesreviennentversmonmari,quidoitm’attendreàl’extérieur.Celaferadeuxsemainesque

nousfaisonsappartementàpartetjedoisreconnaîtrequesonidéeétaitbonne.Jen’aiplusjamaissurprislessbiresd’AmorosàrôderdevantchezmoietDojongnes’estpasmanifesténonplus.Peut-êtrequ’ilsontcompris.Ceseraituneexcellentechose,sivousvoulezmonavis.En attendant, ma vie a repris son cours normal. Plus aucune mauvaise nouvelle n’est venue me

perturber, plus aucune engueulade non plus. Et, comment dire ? Punaise, que c’est reposant ! En fait,Naheletmoi,nousnous retrouvons régulièrement, etpartageons lemeilleur, sanspourautant subir leséventuels inconvénients. Ainsi, nous nous baladons, nous déjeunons ici et là, nous nous appelons etcommuniquonspartextospresqueplussouventquequandnousvivionssouslemêmetoit.Je vois bien qu’il fait des efforts pourme reconquérir, et çame touche plus que je ne le voudrais.

Rendez-vouscompte,mêmequandilmixeauclub,ildemandeàêtrelepremieretmerejointensuitechezmoipourquenouspuissionspasserlerestedelasoiréeensemble,avantderentrersagementchezlui.Jeneme leurrepas, je saisqu’il sedrogue toujours.Mais, cesdeuxdernières semaines, il n’apas sentil’alcooluneseulefois,nieulesyeuxinjectésdesang,entoutcaspasenmaprésence.Pourunpeu,jepourraispresquemefigurerqu’ilneseshooteplus.C’estillusoire,parcequej’ailacertitudequ’illuiestimpossible d’arrêter. Pour le moment… Mais je ne désespère pas, et les brochures des centres dedésintoxication attendent tranquillement dans le tiroir de mon bureau qu’il se décide. Alors, jel’aiderai…Donc,oui,notrehistoirereprendtranquillement,sanscontrainte,endouceur.Audébut,nosrencontres

étaientunpeugênées,parcequ’ilyavaitde la rancœurdemoncôté,etqu’ilavaitclairementpeurdegaffer.C’estvrai,toutétaitallétellementviteentrenous,quenousavionspurementetsimplementzappé

la phase rendez-vous et découverte de l’autre.Mais, avec le temps, quand j’ai compris qu’il essayaitdésespérémentd’arranger leschoses, jemesuis laisséeamadoueret jedoisavouerque je l’aimeplusquejamais.Évidemment,oùquenousallions,ilattiredesregardsféminins,souventenvieux,maisiln’ad’yeuxquepourmoietc’estterriblementrassurant.Leseulpointsombre,alorsquetoutdevraitallerpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes,nevient

pasdelui,maisdemoi.Eneffet,j’aiétéenproieàplusieursautrescrisesdedouleurspelviennes,toujoursplusfréquenteset

plus intenses. Bien entendu, je ne lui en ai rien dit, parce qu’ilm’aurait traînée par les cheveux à lavoiture pour m’emmener illico chez son frère. Or, si je ne refuse pas de me soigner, ce n’est toutsimplement pas lemoment. Entremes deux boulots et la préparation de l’oral, je ne pouvais pasmepermettre de m’absenter durant plusieurs jours. Le tout, c’est d’arriver à les supporter jusqu’à l’été.Ensuite,j’iraiconsulterCaroleeteffectuerailesexamensnécessaires.Enattendant, jen’aipas lechoix, il fautqueje tienne.Alors,pourparer, jemegaved’Ibuprofèneà

longueurdejournée.Jenesaispassic’estutile,maisçamerassure.Làoù jemesuisditqu’ildevenait impératifque je fassequelquechose,çaaétédimanchedernier.

Nahelm’avaitinvitéeàdéjeunerchezlui.J’aidécouvertsonappartementetjel’aitrouvésuperbe.Aprèslerepas,cequidevaitarriver,aprèsunmoisd’abstinence,aétéinévitableetnousavonsfinidanssonlit.Au début, c’était génial, juste parfait.Quand ilm’a pénétrée, j’avais déjà eu trois orgasmes et j’étaisparfaitementdétendue.Lehic,c’estquemonmariestplutôtgénéreusementdotéparlanatureet,pourlapremièrefois,j’aieumal.Maisvraimentmal.Heureusement,ilétaittellementexcité,queleschosesn’ontpastraînéetilnes’estrenducomptede

rien.Maisjevousjurequej’aidégusté.Alors,quandilavoulurecommencer,j’aioptépourlafellation,parcequ’ilétait inenvisageablepourmoide retenter l’expérience.Lesoir, seuledansmonstudio, j’aidécouvertquej’avaiseudessaignements.Oh,pasabondants,maisquandmême!Jesuiscenséeneplusavoirderèglesdutoutavecleshormones,doncoùestleproblème?Bref,depuis,j’aitrouvétoutessortesd’excusespournepluscoucheraveclui,letempsd’allermieux.

S’ils’enestaperçu,iln’arienditetj’aipeurdeluiavouerlavérité.Jesaistrèsbienqu’ilm’engueuleracomme pas permis. Or, si je peux éviter, ce n’est pas plus mal, car je sens notre couple encoreterriblement fragile.Quand on a vu la rupture de si près, on fait tout ce qui est en son pouvoir pourpréserverlamagiedelarelation.Donc,jelafermeetjesouffreensilence.Celamerappelled’ailleursd’autresmomentsoùj’agissaisainsietcegenrederaisonnementnem’apasfranchementportébonheur.Laportequis’ouvremetiredemespensées,tandisquelacandidateprécédenteensortavecunemine

atterrée.Benmerde,j’ail’impressionquel’entretiennes’estpasparticulièrementbienpassé.Ravalantlabouled’angoissequimeremontedanslagorge,jem’approched’unepersonnequim’inviteàlasuivre.Àl’intérieur de la salle, six hommes et femmes constituent le jury et ils ne semblent pas vraimentcommodes.Super!Ehbien,çapromet.Jequittelebâtimentquaranteminutesplustard.Commeprévu,Nahelestadosséàsavoiture,entrain

depatientertranquillement.Dèsquej’arriveàsonniveau,ilseredresseetdemande.—Alors?—Franchement,jenesaispas.J’aimeraisprétendrequel’oralnes’estpastropmaldéroulé,maisjen’ensuispassûre.—Eh,j’airepéréaumoinstroisnanasquisortaientenchialant,situmedisquetupensesavoirréussi,çadoitêtrelecas,non?—Onverra.Enattendant,jesuissoulagéequetoutsoitterminé.Jen’enpouvaisplusdelapressiondececoncoursetdetoutcequ’ilfallaitquej’apprenne.TuasdesnouvellesdeSophie?

Monamiepassaitégalement sonoral,maiscematin.Stresséecommeunedingue, jen’aipaspu luidemandercommentças’étaitdéroulé,pournepasrajouteràmonénervement.Jecroisquej’aibienfait.—Oui.Soestunpeucommetoi,elleestmitigéeetpréfèrenepasseprononcer.—Trèsbien.Iln’yaplusqu’àattendrelesrésultats.—Tubossesdemain?veut-ilsavoir,ens’installantderrièrelevolant.Jeréfléchis,avantdesecouerlatêtenégativement.L’hôpitaln’abesoindemoiquevendredi,samediet

dimanche,etjenetravaillejamaisaucinémalejeudi.—Non.Pourquoi?—Çatebrancheraitdefaireunevirée?—Oùça?—Ehbien,j’avaispenséquenouspourrionsrendrevisiteàtesparentsdanslesVosges.T’endisquoi?Lesourireradieuxquiilluminemonvisageestuneréponseàluiseul.Jen’aipasrevupapaetmaman

depuislesvacancesdeNoël.Jelesappelletoujoursdeuxfoisparsemaine,maisjen’aipaseuletempsd’yretournerentrelescours,monstageetmonjob.—Jesavaisquec’étaitunesuperidée!s’exclame-t-ildebonnehumeur.Çateferaleplusgrandbiendechangerd’air.Voilàlegenredeconsidérationqu’iln’auraitjamaiseuavant.Ilnem’ajamaisempêchéedevoirma

famille,maisçalegonflaitplusqu’autrechose,mêmes’ilnes’yopposaitpasouvertement.—Ah, au fait, je suis allé chez toi et j’ai fait leménage,m’annonce-t-il, tandis que nous quittons lequartierdelaRobertsaupourrepartirverslaville.J’aiaussiremplitonfrigo,ilétaitvide!—Nahel!C’estpaslapeine,enfin!Jetel’aidéjàdit!Jetedoiscombienpourlescourses?Un regard torve me dissuade de sortir mon porte-monnaie pour le rembourser. Avec un soupir

d’agacementbienaudible,jerangemonsacàmespieds.Maisintérieurement,jesouris,toutcommelui.Cen’estpaslapremièrefoisqu’ilagitainsi.Depuisqu’ilestretournéchezlui,ilpassedeuxoutrois

matinsparsemainepournettoyermonstudioets’occuperdemonlinge.Jen’arrêtepasdeluiexpliquerquec’estinutile,quejepeuxm’encharger,maisilnem’écoutejamais.Ilpartduprincipequejebossetrop et que s’il peutme rendre ce service, il en est ravi.Voilàmon docteur Jekyll àmoi…La seulequestionquimetaraudeestlasuivante:quandmisterHydeva-t-ilsurgirànouveau?

22Unedouleur,d’uneintensitéfulgurantemeréveillesoudainement.Je jetteunrapidecoupd’œilàma

montre,pourconstaterqu’ilesttroisheuresdumatin.Nomd’unepipe,maisquem’arrive-t-il?Unnouvelélancementm’arracheungémissement.Horriblementangoissée,jepenseuninstantàtéléphoneràNahelpourluidemanderdevenir.Maisjemeraviseensongeantqu’ilestinutiledeluifairetraverserlavilleaumilieudelanuit,justeparcequej’aimalauventre.Franchement,àquoiçarime?Peut-êtrequej’aitoutsimplementtropmangé.Eneffet,nousavonsdînéchezmesparents,hier.Bienévidemment,mamans’estcrueobligéedeposertoutcequecontenaitsonfrigosurlatable.Enrepensantàcettejournée,jenepeuxm’empêcherdesourire,malgrélescrampes.Toutétaitparfait.

Mercrediaprès-midi,j’aiappelémafamillepourleurdirequejevenaisleurrendrevisiteavecNahel.Du coup, ils ont tous deux pris un jour de congé. Leur accueil a été chaleureux, même pour moncompagnon.Enfin,surtoutpourlui,carjem’étaiscrueobligéedeleurrévélerquec’étaitsonidée.Nous avons passé une excellentematinée, durant laquelle nous nous sommes promenés. J’ai pu lui

montrer l’école où avaient eu lieumes premières années de scolarité, ainsi quemon village dans sesgrandeslignes.Remarquez,letourétaitassezvitefait,puisqueRochessonesttoutpetit.Aprèslerepas,monpèreaexpliquéàmonmariqu’ilavaitunproblèmedehaut-parleursàl’Église.Évidemment,celui-ci a immédiatement proposé son aide.Du coup, ils sont partis ensemble et ne sont revenus que deuxheuresplustard.Pendantcetemps,mamanetmoiavonspapotétouteslesdeux,installéesdanslejardindevantunetisane.Elle m’a confié s’inquiéter de plus en plus pourMarie. Il semblerait que mon père ait décidé de

prendreenfinleschosesenmain,aprèsavoirlongtempsrefusédes’enmêler.C’estarrivéaprèsquemasœursoitpassée leweek-enddernier, couvertedebleus,notamment sur levisage.Paniquée,mamanamenacé de le quitter s’il n’agissait pas. Il a alors demandé à mon aînée de préparer ses bagages etindiquéqu’ilviendraitlacherchertrèsvite.D’aprèsmoi, il a dû en discuter avecNahel, parce que dès leur retour, ils nous ont annoncéqu’ils

partaient récupérerMarieàÉpinal.Leproblème,c’estquepapaestunpacifistedans l’âme,quinesebattraitpourrienaumonde,etmonconnarddebeauflesaitpertinemment,sibienqu’iln’apaspeurdelui.TandisqueNahel…cen’estpasdutoutlamêmechose.Nousavonsaussitôtprévenumafranginedesetenirprête,qu’ilslachercheraientàlasortiedel’école,puisl’accompagneraientàsondomicilepourqu’elleemportesesaffaires.Pendantcetemps,mamanetmoiluiavonspréparésonanciennechambreetavonsfaitquelquescoursesàGérardmer.Àleurretour,monpèrenousaracontétoutel’histoire.Enlesvoyantdébarquer,touslestrois,Lionela

d’abordvoulujoueraugrosdur.MaisquandNahell’achopéparlecolbac,ils’esttrèsvitecalmé.Puis,tandisquepapaaidaitMarieàrassemblerseseffetspersonnelsainsiquelesobjetsauxquelselletenaitleplus,cecrétins’estmisàinsultermesparents,lestraitantdelopettesetd’arriérés.C’enétaittropetmonmecluiacolléuneraclée,puis l’aobligéàs’excuser. Ilparaîtque lepauvre types’estpresquepissédessus,tellementilavaitlatrouille.InutiledevousdirequeNahelestdevenuunvéritablehérosauxyeuxdemafamille.Papaestunhommequidétestelaviolence,maisjesoupçonnefortementquelacorrectionadministréeàLionelparmonmariaétéloindeluidéplaire.Lorsquenoussommesrepartis,endébutdesoirée,ilsontfaitpreuvedeplusd’effusionavecluiqu’avecmoi.Commequoi,souventpeuplevarie!

Unenouvellecrampemecoupelesouffle.Bon,ilfautàtoutprixquejefassequelquechose!J’attendsqueladouleursecalmepourmeleveretmerendredanslasalledebain.Là,jesuisprised’unediarrhéefulgurantequimevideintégralement.Ohnon!Maisqu’est-cequim’arrive?Jen’avaispluseucegenredesymptômedepuisquej’aidébutémontraitement.Merde!C’estpeut-êtreplusgravequejenel’avaiscru.Pourlecoup,jeregrettepresquedenepasavoircontactémabelle-sœurplustôt.Tandisquej’attends,installéesurlacuvettedestoilettes,quelesspasmessecalment,unpetitboutde

plastiquequidépassedelatrappe,situéejusteàcôtédemoidanslecarrelage,attiremonattention.C’estquoiça?Jetiredoucementdessus,maisjesensviteunerésistance.Comme mon corps se détend à nouveau, je prends d’abord le temps de m’essuyer pour constater,

effarée,que je saigne.Ohnon,c’estpasvrai !Bon, surtoutnepas flipper.Lespertesne sontpas trèsabondantes,cen’estpeut-êtrepasaussigravequejelecrains.Unepetitevoixrésonneaussitôtdansmatête:quiessaies-tudeconvaincre?Toi-même?Tentantdedominerlapaniquequimegagne,jepasserapidementsousladouche,avantderevêtirdes

dessous propres. Bon, je me sens déjà mieux. Tandis que je me rince le visage, mon attention est ànouveauattiréeparlatrappe.Décidéeàenavoirlecœurnet,jemepenchepourl’enlever.Dureste,toutestbonpournepassongeràlapeurquim’envahit,quandjerepenseausangquimaculaitmaculotte.Agenouilléesurlecarrelage,jesoulèvelaplaquepourlasortirdesonlogement.Puis,jerécupèrele

sachet,avantdemerendrecomptequ’ilyenaplusieurs,aumoinsunedizaine.Avecconsternation,jelesretireunàundeleurcachette.Ilscontiennenttousunequantitédedrogueabsolumenthallucinante.Ilyadetout:del’herbe,despilulesbleues,desbuvardsbizarresetdelarésinecoupéeencubes.Jerenifleceluioùsetrouventlespetitsbrinsvertsetl’odeurâcremesaisitimmédiatement.Ils’agitbiendecame.Danslederniersachet,jevoisdestéléphonesportables,ainsiqu’uneénormeliassedebillets.Bonsang,maisilyaaumoinsvingtmilleeuroslà-dedans.Melaissantallercontrelemur,jenepeuxdétachermesyeuxdecetteterribledécouverte.Àmesurequelesminutess’écoulent,moncerveaujusque-làtotalementdéconnectéseremetenmarche.

Puis,enfin,jecomprendsexactementcequ’impliquetoutcela.Nonseulement,jerisqueunegrossepeinedeprisonsiontrouvecessaletéschezmoi,maisenplusjeréalisequemonmecsesertdemonstudiocommed’uneplanque.Depuisledépart,sansdoute.Est-cepourcetteraisonqu’ils’estintéresséàmoi?Parceque j’étais si ignoranteque jenepouvais riensoupçonner?Toutporteà lecroire.Quelleautreexplicationpeut-ilyavoir?Et là, ilmesembleque je touche le fond–pourtant jecroyaisdéjà l’avoiratteint–,quandjepercute

enfin : il a utilisémon appartement depuis le début, pour sesmagouilles. Etmoi, bonne poire, qui lesoutenais,quiattendaisencoreettoujoursqu’ilacceptedesefairesoignerparamourpourmoi!Putain,ilabiendûsefoutredemagueule!Désoléepourlelangageordurier,maisçamesoulagedeletraiterdetouslesnoms.Heureusementpourluiqu’iln’estpasici,parcequejejuredevantDieuquejel’auraismassacréde

mespropresmains et personnen’aurait pum’arrêter.C’est pas vrai !Comment a-t-il pume faire unechosepareille,alorsqu’ilprétendaitm’aimerplusquetoutaumonde?Maisquelenfoirédementeur!Je ris avec ironie en me rappelant qu’il voulait à tout prix rester dormir avec moi, quand il m’a

déposée à notre retour de chez mes parents. Mais, après la dernière fois, je n’ai plus osé retenterl’expériencedepeurd’avoirànouveaumalet j’ai faitvaloir la fatigueet le faitdeme lever tôtpourrefuser.J’aibienremarquéqu’ilavaitl’airpeiné,maisjenesuispasrevenuesurmadécision.Levoirpartir,têtebasse,m’afaitmalaucœur,sibienquejem’étaisrésolueàluirévélerlavéritédèsdemain.Après tout,unefemmenedevraitavoiraucunsecretpourceluiqu’elleaime.Tuparlesd’uneconneriemonumentale!

Et pendant que je culpabilisais comme la pintade sans cervelle que je suis, monsieur El Khouriplanquaittranquillementsessaloperiesdansmasalledebain.Jevaisletuer!Laprochainefoisqu’ilsetrouveradevantmoi, je lui fais lapeau ! Jemedemanded’ailleurssimoncouteaudecuisineestbienaiguisé.Prised’unnouvelélancementauniveaudubassin,jesuisobligéed’attendrequelquesminutesqueça

passe,avantdemeredresseretderetournerdansmonlit.Épuiséeaussibienphysiquementquepsychologiquement,jefinisparretombersurlesdrapsfroissés.

Toutmonmondevientdes’écrouler, laTerreestsortiedesonaxe,melaissantravagéeet terriblementseule.Puis,deslarmesderageetdedésespoirfontleurapparition.Voilàdessemainesquejem’étaisinterdit

de chialer à tout bout de champ, persuadée que ces excès de sensiblerie étaient parfaitement inutiles.Mais,encetinstant,jenefaisrienpourretenirmespleurs.Aucontraire,ilssontsalvateurs,parcequ’ilsmesoulagentunpeudemapeine.Jenesaispasàquelmoment,jefinisparsombrerdanslesommeil,maisquandleréveilsonne,j’ai

l’impressionquejevienstoutjustedemerendormir.Commeuneautomate,jemelèveetmeprépare.Nahelm’aconfiésavoiturepourmepermettredeme

rendreentoutetranquillitéauboulot.Commeilalesclésdemonappartement,jemedépêchederemettrelessachets,quitraînentencoresurlecarrelage,àleurplace.Parceque,pourmapropresécurité, ilnedoitsurtoutpasdevinercequej’aidécouvert.

23Lorsque je quitte l’hôpital, je suis plus abattue que jamais. Cematin, vaquer à mes occupations a

relevéde l’exploit. Jemesuismiseenmodepiloteautomatiqueet j’ai exécuté les tâchesquimesontdévolues,sansunmot.Lefaitquejenesoispasenjouéeainquiétémescollèguesquin’ontpascessédemedemandercequim’arrivait.J’aioptépourlamigraine,expliquantquej’ensouffraisdepuisplusieursjoursetquej’étaistoutsimplementépuiséeparmonrythmedevie.Siellesnem’ontpascrue,ellessesontgardéesdetoutcommentaire.Parcontre,dèsquelesrepasontétédistribués,ellesm’ontproposéderentrerchezmoi.Etc’estavecunereconnaissancenondissimuléequej’aiaccepté.Tandisquejemedirigeverslavoiture,jemedemandecommentjedoisappréhenderlesévénementsà

venir.Dois-jebalancertoutcequejesaisàNahel,commej’encrèved’envie?Oualorsvaut-ilmieuxmetaire pour voir jusqu’où il est prêt à aller ? En tout cas, en ce qui me concerne, les sentiments quej’éprouvaispourlui,cetamoursiinconditionnelquim’envahissaitdèsquejeleregardais,ontétémisàmalquandj’aicomprisàquelpointilm’avaitmanipulée.C’estdégueulassed’utiliserlesgensdecettemanière!—Madeleine?Ohnon,pitié,paslui!Jenecroispasêtreenmesuredesupportersafacederatquibavedevantmoi.

C’estimpossible.—Quoiencore?m’écrié-jeenpivotantsurmoi-mêmepourluifaireface.Maréaction,sansdouteexcessive,lesurprend,parcequ’ilsursautevivement.

—Çanevapas?—Maisqu’est-cequetuveux?Tun’aspasdéjàl’impressiond’avoirbienfichulamerdedansmavie?Jesuishargneuse,presqueenragée,maisjem’enfous.Aujourd’hui,ladiplomatieestbienmadernière

préoccupation!—Pourquoiest-cequetut’enprendsàmoi?Jen’aifaitquet’ouvrirlesyeux.Tonmecn’aeubesoindepersonnepourtoutbousillerentrevous.Pasfaux,songé-jeavecdésarroi.

—Écoute,Greg,j’aiunemigrainequimedonneenviedepleureretje…—Tusouhaitesquejet’emmènechezunmédecin?—Non!Jeveuxseulementquetumelâches.—J’aicrucomprendrequ’ElKhouriavaitdéménagépourréintégrersonpropreappartement.C’estfinientrevous?—Maisqu’est-cequeçapeuttefoutre?Hein?—Paslapeinedemegueulerdessus!s’agace-t-ilàsontour.Jevenaisjusteauxrenseignements.—Pourquoi?Tuesdéjàaucourantdetout!N’essaiepasdem’embobiner,çaneprendpas.Nahelnevitpluschezmoi,c’estexact.Donc,tun’asplusaucuneraisondemesuivre.Pasvrai?—Mapropositiontienttoujours,tusais…Ohnon!Pasça.Pasmaintenant.

—Mais,putainàlafin,t’esbouchédelacafetièreouquoi?Jeneseraijamaisàtoi!Jenecoucheraijamaisavectoi,doncarrêtedet’obstiner,tuperdstontempsettuteridiculises.Nonseulementtunemeplaispas,maisenplustunem’inspiresquerépulsionetaversion.Alors,laisse-moitranquille!

Jemesuismiseàhurler, incapabledemecontrôler,parceque jesuisàboutdenerfs.C’est luiquiprend,maisjem’enfous.Pourtouteslesfoisoùilm’afaitchier,jeluidoisbiença,non?Unepetitevoixmesouffleinsidieusementquec’esttoutdemêmegrâceàluiquej’aidécouvertleréelvisagedeNahel.Si Dojong n’avait pas été là, clairement, je serais sans doute encore la naïve gamine que j’étais, endébarquant à Strasbourg. C’est probablement vrai, mais il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui j’ail’impressiond’êtreâgéedecentans.Finalement,connaîtrelavéritédanstoutesalaideur,nem’aapportéquechagrinetdésespoir.—C’estcommeçaquetuprends leschoses?crie-t-il.Je t’offremonamour,mavie,et toutcequetutrouves à faire, c’est de me les renvoyer en pleine face, sans la moindre considération ? Mais t’esvraimentunegarce,maparole!—Étrangecommelesmecsarrogantsréagissentmalquandonleurditnon!Retournecheztoietdégote-toi une gentille petite nana, ce sera mieux pour tout le monde et surtout pour moi. Au moins, tu melâcheraslagrappe!—Maisjet’aime,MadeleineGrangier.—Tonamour,tupeuxtelecarreroùjepense!Jen’enveuxpas.Niaujourd’hui,nijamais.Jenepeuxpasêtreplusclairequeça,non?—Effectivement,tueslimpide.Sonvisageest rougepivoineet ilmedévisaged’unairmauvais.Maisdans l’étatdenerfquiest le

mien,jem’entamponnecomplètement.Toutcequejedemande,c’estqu’onmefoutelapaixetqu’onmelaisseléchermesplaiestranquillement,enattendantqu’ellesveuillentbiencicatriser.Alors que je m’apprête à faire volte-face pour entrer dans la voiture, je le vois trifouiller

frénétiquement sur son téléphone. Puis, avec la rancœur d’un homme éconduit affichée sur le front, illâcheavantdemetournerledos.—J’aiessayédememontrerdiplomate,maisçanesertàrienaveclespétassesdanstongenre.Jeviensdet’envoyerunedernièrevidéoetjeteconseillevivementdelaregarderjusqu’aubout.Elleestédifiantesurcequetonmecpensedetoi.Tuvastomberdehaut,maisc’estsansdoutetoutcequetumérites.Jemontedansl’Audietdémarreaussitôt.Ilfautquejerentrechezmoi,tantquej’enaiencorelaforce.

Pour l’instant,Nahelmecroit toujours au travail, je bénéficiedoncd’un répit dedeuxbonnesheures.Maisensuite…À peine franchie la porte de mon appartement, je me précipite sur mon ordinateur portable que

j’allume. Heureusement pourmoi, depuis cette nuit, les crampes ne se sont plusmanifestées. Vers lemilieude lamatinée, j’ai également constaté avecun intense soulagement que les saignements avaientstoppé.Parceque,honnêtement,jesuisincapabledemebattresurdeuxfrontsàlafois.Jeveuxd’abordréglermonproblèmeavecNahel,avantdemepenchersurmeséventuelsennuisdesanté.Chaquechoseensontemps.Sitoutsetélescope,clairement,jemetireuneballedanslatête!Avantdem’installersurlecanapé,jem’obligeàpasserauxtoilettespourm’assurerquetoutvabien.

Celadit,jemesuisvidéecettenuitetjen’airienavalédepuis,alors…Aufait,nefaudrait-ilpasquejemange quelque chose ? Mon estomac noué effectue un bond, pour me faire comprendre qu’il nesupporteraaucunalimentsolide.Trèsbien,ceserapourplustard.Jeprépareunthéquej’emporteavecmoi.Aprèsdeuxgorgéesquimefontunbienfou,jemedécide

enfinàlancerlavidéoqueDojongm’aenvoyéedepuissontéléphoneportable.Trèsvite,j’ensaisislecontexte.C’étaitlejourdelagardeàvuedeNahel,aprèsqu’ilaittabasséVal.Etcequejedécouvreestédifiant.Plusencorequequand j’ai trouvé ladroguedansmasalledebain.Putain, cet enfoirén’enajamais rien eu à secouer demoi. Il le dit clairement et ouvertement. Il n’en amême pas honte !Toutcommeiladmetm’avoirtrompéeàplusieursreprisesetcommenceràselasser.

Seigneur, pourquoim’envoies-tude telles épreuves?Qu’est-ceque je t’ai fait pourmériter ça?C’estparcequej’aivouluvivremavie,fairemespropreschoixetpenserparmoi-même,plutôtqu’autraversdetoi,quetum’infligesça?Ben,t’esbienunmec,toi!Cequim’arriveensuiteestfortétrange.Jepasseenl’espacedequelquesinstantsdel’effondrementle

plus total, avec cris et larmes, à une extrême insensibilité. En moi, tout est glacé, comme si j’étaisanesthésiée.C’est à la fois effrayant, parce que j’ai l’impression d’être un robot, et reposant, dans lamesureoùjeneressensplusrien,nipeinenidésarroi.Àl’avenir,plusaucundemesactesneseradictéparmessentiments.Non,cetteMadie-là,cellequi

avait lecœur tendre,adisparupour laisserplaceàune femmefroideet sanspitié. Jen’aimêmeplusenviedemevengerdeNahel.Pasplusquejen’aipeurdel’affronter.Pour ceux qui ne comprennent pas ce changement, il s’agit d’un phénomène que j’ai étudié en

psychologie,lorsdelapréparationauconcours,etnond’unsignedeDieu.Lesspécialistesévoquentunprocessusdereplisursoi,unmoyendeseprotégerdel’extérieur.Notrecerveauestunepetitechosetrèsimpressionnante, je le savais déjà.Mais je n’avais jamais vu lemien à l’œuvre, si bien que je suisprofondémentperturbéeparcettetransformationradicale,mêmesijereconnaisquec’étaitsansdoutecequipouvaitm’arriverdemieux.Quelquesminutesplus tard,aprèsavoirbumonthé, toutenfumantdeuxcigarettescoupsurcoup, je

décidededormirunpeu,histoired’êtreparfaitement lucidequand lemomentde laconfrontationavecmonmariauralieu.Carnuldoutequeçavasaigner,surtoutpourlui!Jemeréveilleauboutde troisheures, reposée,maisavec l’impressiondéstabilisantequ’unrouleau

compresseur vient de me passer dessus. Chaque articulation, chaque muscle, me fait souffrir.Étrangement,cettedouleurestbienvenue,carellemerappellejustequejesuisencorevivante,alorsquej’éprouvelasensationd’êtremorteàl’intérieur.Quand arrive l’heure de dîner, je me résous au fait que notre rupture définitive n’aura pas lieu

aujourd’hui.Jen’aieuaucunenouvelleetilnes’estpasmontréjusqu’àprésent.Aussi,aprèsavoiravaléun yaourt et une banane avec bien de la peine et avoir fuméplusieurs autres clopes, je décide demecoucher.Demain,jetravailledel’après-midi,maisilmesemblequejevaisavoirbesoindetoutemonénergiepouraffronterlesprochainsjours.

24Vers neuf heures, je décide deme rendre au débit de tabac, parce que je n’ai plus de clopes à la

maison,ilm’enresteàpeineunedansmonpaquet.Aussi,poureffacerlescernessousmesyeuxrougis,jeforcesurlemaquillage.Pourtant,sijepenseêtrecapablededonnerlechange,rienaumondenepourramefairesourire.C’estincroyable,maisj’ailesentimentquetoutemajoiedevivres’estenvoléepourneplusjamaisrevenir.MonDieu,queva-t-ilencorem’arriver?Parceque,sij’aieudroitàuncertainrépitdepuisqueNahelestretournéchezlui,là,desévénements

plusdramatiqueslesunsquelesautress’enchaînentaveclarégularitéd’unmétronome.Onprétendqu’àchaquejoursuffitsapeine.Benmoi,jetrouvequej’enaieuplusquemapartetqu’ilseraittempsquecesoit le tour de quelqu’un d’autre. On appelle ce genre de situation la loi des séries, mais il faudraitvraimentqueças’arrête.MamanatoujourspourhabitudededirequeDieunenousenvoierienquenousnepuissionssupporter.

Ehbien,jecommencesérieusementàdouterdeluietdesonbonsens.Enmêmetemps,aprèscequis’estpassé hier, je ne vois pas ce qui pourrait encoreme tomber sur le coin de la figure ! Pireme paraîtimpossible.Àpeineai-jeposéunpiedhorsdemonimmeuble,queGregDojongapparaîtenfacedemoi,entouré

dedeuxautresofficiers,dontLorieDejean.Merde,j’auraisdûrestersousmacouette!Qu’est-cequejedisaisàproposdufondquejepensaisavoirtouché?Jen’ysuispasencore.Preuveenestquejecontinueàcreuser,dumoinstoutporteàlecroire.Avec appréhension, je les regarde approcher. Je n’oublie pas que dans mon appartement, et plus

précisémentdansmasalledebain,ilyadequoimefaireplongerpourplusieursannéesdetaule,alorsque je n’y suis pour rien. Et à voir la tête du flic quime fait face, il n’y a aucune compréhension àattendredesapart.—MadeleineGrangier?demande-t-il,commes’ilnemeconnaissaitpas.Direquececonnardadéclarém’aimerpasplustardqu’hier.Décidément,touslesmecssevalentetil

n’yenaaucunpourrattraperl’autre.—C’estmoi.Jechoisisdejouerlejeu.Detoutefaçon,leprovoquerdevantsescollèguesneferaitqu’aggravermon

cas.—Veuillez nous suivre.Vous allez être entendue dans le cadre d’une enquête sur un trafic de drogueavéré.Thierry,mets-luilesmenottes.— Greg, ce n’est pas nécessaire, proteste Lorie Dejean, visiblement gênée. Elle n’est pas en étatd’arrestationetn’estaccuséederien.Siellevientavecnoussansfaired’histoires,etjesuispersuadéequ’elleacceptera,iln’yaaucuneraison.—Lesmenottes,exigesoncollègue,sanstenircomptedesonintervention.Dojongsaittrèsbienquecettesituationestterriblementhumiliantepourmoi,d’autantquedesbadauds

s’arrêtentcarrémentpourassisteràlascène.Quelenfoiré!Jevoisclairdanssonjeu.Ilestentraindemefairepayerlamanièredontjel’airejetéhier.Autantdemesquineriemeclouelebec,tellementjesuischoquée.Quandl’autreflicseplacederrièremoietmepasselesbraceletsmétalliques,jesuisobligéede

memordrelalèvrepournepaspleurer.Aumomentd’entrerdanslavoiturebanalisée,garéetoutprès,unmouvementsurletrottoird’enface

attiremonattention.Ils’agitdecetenfoiréd’Amorosquisouritdetoutessesdents,enlevantlepouceendirectiondeGregory.Maisc’estpasvrai!Cetruandestentraindesebaladertranquillement,tandisquemoiquisuisinnocente,jesuisobligéed’effectuerle«walkofshame2»jusqu’àlabagnole.Puis,alorsqueLorieappuiesurmatête,pourmepermettred’entrerdansl’habitacle,sansm’aiderde

mesmains,l’AudideNahelralentit,pourrepartiraussitôt.Ilm’aforcémentvue,mêmes’ilnes’estpasarrêté.Iladûrécupérersavoiturehiersoiroucematin,étantdonnéquenousavonstouslesdeuxunjeudeclés.Quelquesminutesplustard, jesuisconduiteversunesalled’interrogatoire.Lamêmequecelledans

laquellecettefemmeflicavaitvouluparleravecmoi,enjanvier.—Jevousavaisprévenue,murmure-t-elleendétachantenfinmesmenottes.C’étaitsûrqu’ElKhourivousoccasionneraitdesérieuxennuis.Sivousm’aviezécoutée,vousn’enseriezpaslàaujourd’hui.Enplus,jenesaispascequevousavezfaitàDojong,maisilal’aird’avoirunesacréedentcontrevous.Unbonconseil,nelecontrariezpas,parcequ’ilpeutsemontrerd’uneférocitéinimaginableenversceuxquisemettententraversdesonchemin.Jamaisjen’aivuunmecaussiteigneuxquelui.Puis,comprenantqu’elleatropparlé,ellesetaitbrusquement.Quelquesminutesplustard,celuiqui

estmaintenantentêtedemablacklistfaitsonentréedanslapièce,visiblementtrèsfierdelui.Pourlapremièrefois,j’aipeur.Vraimentpeur…Etj’aitouteslesraisonspourça,quandonsaitcequiestcachéchezmoi.Merde,j’auraisdûjetercettecamedanslestoilettesaulieudelaremettreenplace.Ilyadesjoursoùjemefoutraisvolontiersdebaffes,pournepasréfléchirplusloinqueleboutdemonnez!—MademoiselleGrangier,ànousdeux! lance-t-il,aprèss’êtreinstalléenfacedemoi.Oudevrais-jeplutôtdiremadameElKhouri?Cetentretienestfilmé,jemedoisdevouslepréciser.Jeplisselespaupières,nesachantpasquelleattitudeadopter.Danslamesureoùjenecomprendspas

cequ’ilmeveutexactement,c’estdifficile.—NahelElKhourin’estpasmonmari, en tout caspas enFrance. Jene l’aipasvudepuisplusieursjours.Vousn’êtespassanssavoirqu’iladéménagédechezmoi.Unsourirevicieuxéclairesonvisage.

—Pourquelleraison?— Disons que son mode de vie et le mien étaient incompatibles. Mais ça aussi, vous en avez déjàconnaissance.Ilnerelèvepasetsemblemêmeunpeugêné.Jeréalisealorsquepersonnenedoitêtreaucourantdu

faitqu’ilmesuivaittoutletemps.Deplus,sesavancesrépétéesluiporteraientplutôtpréjudice,sicelavenaitauxoreillesdesessupérieurs.—Est-cequevousprenezdeladrogue?—Hormisunecigarettedetempsentemps,quandjesuistrèsénervée,non.Je fais clairement référence à notre entretien sur le banc, pour le déstabiliser. Le truc, c’est que je

redoutesadernièrequestion.S’iln’estpascomplètementstupide–etjepensequ’ilaoubliéd’êtrecon,malheureusementpourmoi–,ilpigeravitequ’ilyaunos.—Votrecompagnonsedrogue-t-il?—Toutporteàlecroire,effectivement.C’estd’ailleursundesmotifsdenotrerupture.—C’estvraimentfinientrevous?Çayest,j’airéussiàfairediversion.C’estexactementcequejevoulais,sansimaginerqueceserait

aussifacile.Celasignifie-t-ilqu’ilestplusmorduquejenel’avaispensé?Peut-être…—Absolument.

—Depuisquand?—Depuisplusieursjours,enréalité.Maisnousavonscontinuéànousvoir,parcequec’étaitquelqu’unquej’appréciaisbeaucoup,parailleurs.—Vousparlezaupassé…—Oui.Je nem’appesantis pas. Dojong sait parfaitement de quoi il retourne, de toute façon. Si son ego a

besoindem’entendreleluidireàvoixhaute,ilvaattendrelongtemps!—NahelElKhouria-t-ildéjàvendudeladroguedevantvous?—Jamais.—Enêtes-voussûre?—Toutàfait.Jen’aiaucunintérêtàvousmentir,n’est-cepas?— Exact. D’autant que s’il y a une complicité avérée, vous risquez cinq ans d’emprisonnement etsoixante-quinzemilleeurosd’amende.Àcesmots,jepâlisetdéglutisavecdifficulté.Maintenantaumoins,leschosessontclaires,mêmesila

situationestcatastrophique.Car,s’ilsdécidentdefaireuneperquisitionchezmoi, toutdesuite, jesuisdansunemerdenoire.—Maisvoussavezquevotrecompagnon…—Ex-compagnon,rectifié-je.—Euh,oui…Vousêtesaucourantquevotreex-compagnonestundealernotoire,n’est-cepas?—Jel’ignorais,jusqu’àcequevousmel’appreniezenm’attendantàlasortiedemonstage.Il se racle la gorge, mal à l’aise, ce qui était exactement le but recherché. Plus j’avance dans cet

entretien,plusj’ailacertitudequecetypeestalléàl’encontreducodededéontologiedesflics,enmeharcelantcommeill’afait.—Etavantcela,vousnesaviezpas?Jeréfléchisuninstant,tentantderassemblermesesprits.S’ilmedemandeçaetqu’ilinsistedecette

manière,c’estqu’iladéjàlaréponse.Puis,soudain,çamerevient.—En fait, si. J’en avais entenduparler par votre collègue,madameLorieDejean.Elle s’est d’abordvantéed’avoircouchéaveclui,puisellem’ajetécetteinformationcommeonlanceraitunosàrongeràunclébard.Maisjen’yaipascru.Je relève les yeux vers la paroi dumur en face demoi. Il y a unmiroir qui la recouvre presque

entièrementetjesuisàpeuprèscertainequ’ils’agitd’unevitresansteint.Sileursupérieurestdel’autrecôtédelacloison,jesuisbiencontentedelesfoutredanslamerde,touslesdeux.Leurmoralitéetleursméthodessontpourriesetilestgrandtempsqueçasesache.—Pourquelleraison?—Nahelestissud’unefamilletrèsriche,iln’adoncpasbesoindedealerpourconsommer.Sonpèreluienvoiel’équivalentdevotresalaireannuelchaquemois.Dojongtiqueànouveau.Envoilàunquinesupportepasdeseretrouverenpositiond’infériorité,par

rapportàquiquecesoit.Etsic’estNahel,alorslà…—Quandavez-vouscomprisqu’ils’agissaitdelavérité?—Lorsque vousm’avez remis une copie de son dossier judiciaire, avoué-je le plus innocemment dumonde.Jesuispresquecertaineque,çanonplus,cen’estpastrèslégal.

—Vousluienavezparlé?—Biensûr.—Commenta-t-ilréagi?

—Ilaniéet,peuaprès,nousavonsrompu.Voilà,jepensevousavoirdittoutcequejesavais.Jenepeuxplusrienpourvous,carjen’aipasl’intentiondelerevoir.Alors,siçanevous…Uncouptoquéàlaporteinterromptcettetirade.

—Restezassise,mademoiselleGrangier.Jen’enaipasencoreterminéavecvous,déclareDojong,avantdeseleveretdequitterlasalled’interrogatoire.Là, en toutehonnêteté, je suismal. J’ai pourtant essayédebiaiserpar tous lesmoyens,mais il faut

croirequ’ilestplusperspicacequejenel’avaisimaginé.Cinqminutesplustard,ilrevientdanslapièce,accompagnéd’untypeencostume-cravate,âgéd’une

cinquantaine d’années. Les pommettes rouges, Gregory a l’air de fulminer. À ce rythme, dans uneseconde,delafuméesortiraparsesoreillesetsesnaseaux.Maisbordel,quesepasse-t-il?Etquiest-ce?—VoicimaîtreBertaud.C’estvotreavocat,àcequ’ilparaît.—Bonjour,Madie,mesaluel’hommeentendantsamain.Signezaubasdecedocument,pourquejevousreprésenteofficiellement.—Maisje…—C’estÉliequim’envoie.OK,c’estbon,j’aicompris.Enréalité,Nahelestderrièretoutça,maisilnepeutpaslefairesavoirouvertement.Sansperdrede

temps,jeparaphelafeuillequ’ilmeremet,soulagéedeneplusêtreseuledanscettegalère.—QuiestcetÉlie?s’enquiertimmédiatementlepolicier,reprenantplaceenfacedemoi.—Avectoutlerespectquejevousdois,inspecteur,celanevousregardepas.Maclienteaétéemmenéeiciarbitrairement.Vousn’avezaucunechargeàsonencontreetvouslaretenezcontresongré,sansparlerdufaitquevousl’avezmenottéedevanttouslesgensdesonquartier,justepoursatisfairevospenchantssadiques.Alorsmaintenant, je vous prie de bien vouloir nous laisser partir.D’ailleurs,mademoiselleGrangiervadéposeruneplaintepourharcèlementetvousêtesvisédirectement.Celafaitdesjoursquevouslasuivez,quevousl’espionnez,etcecirquen’aquetropduré.Venez,Madie,nousn’avonsplusrienàfaireici.—Maître…intervientDojong,enselevantàsontour.Vousinterférezdansuneenquêtesuruntraficdestupéfiants.—Etvoussavezaussibienquemoiquecettepetiten’arienàvoirlà-dedans,doncrentrezvoscrocsetretournezà laniche ! Jeconnaisvotrepassif, inspecteur,etvosméthodesont toujoursétédiscutables.Grâceàelles,dedangereuxtruandsontétérelâchéspourvicedeprocédure.Vousêtesdanslesennuisjusqu’aucou,alorscessezderamer,vousattaquezlafalaise!Puis, sans lui laisser l’opportunitéde répliquer, l’avocatme saisit par le braspourm’obliger àme

leveretmefaitpasserdevantlui.J’adorecethommeetsurtoutlamanièredontiltraiteDojong.Ohoui,jesuisàdeuxdoigtsd’allumerunebougiepourlui,touslesjours,etàmeprosterneràsespieds,tellementje lui suis reconnaissante de son intervention. D’autant que cela me conforte dans mon idée : lecomportementdecemecesttoutsaufréglo.—Madeleine!s’exclamel’inspecteur,toutenvenantversmoi.Justeunderniermot.Ya-t-ildeladrogueàvotreappartement?Jeblêmisetjetteunregardpaniquéverslaporte,prêteàdétalercommeunlapin.Dojongestpeut-être

uneenfluredepremière,maisiln’enrestepasmoinsquec’estunflicetquejesuisincapabledementiràunofficier.—Madeleine,répondezàmaquestion.—Maclienten’arienàvousdire.Laissez-latranquilleouçasetermineramalpourvous!

—Madeleine…L’hommedeloiveutintervenir,maisjel’arrête.

—Attendez-moi,jen’enaipaspourlongtemps.Ilhochelatête,l’airfranchementréprobateur,maiss’exécutemalgrétout.

— Je croyais que c’était fini avec tonmec ? demandeGregory dès que nous sommes hors de portéed’oreilles.—C’estvrai,confirmé-je.—Dis,tutefousdemoi?Quandl’avocatleplusprestigieuxdeStrasbourgquittetout,pourvoleràtonsecours,sansquetul’aiesappelé,jesuisendroitdemeposerdesquestions,non?—Pose-toitouteslesquestionsquetuveux,jesaisquejen’aipasmenti.—Élie,c’estÉlieElKhouri,pasvrai?Letoutpuissantpapadetonsoi-disantex!Jenepipemot.Toutcequejepourraisajouterneserviraitqu’àm’enfoncerdavantage.

—Tuneporteraspasplainte,n’est-cepas?s’enquiertDojong,aprèsm’avoirentraînéeversuncoindelapièce.—Pourquoipas?—Pasdeblagues.Noussavonstouslesdeuxquetupourraism’occasionnerdesérieuxennuis.Alors,jevais teproposerunmarché.Tu t’engagesànepasmepoursuivreen justiceet, encontrepartie, je faisquelquechosepourtoi.—Quoi?Ilme tend lamain et je la serre à contrecœur.Lavérité, c’est qu’il s’est rendu compte dequelque

chose.Ilapigéquej’aitoutfaitpourgagnerdutemps,afindenepasrépondreàsadernièrequestion.Ilfautcroirequej’aiétémoinssubtilequejenelepensais.—Trèsbien.Jeneporteraipasplainte.—OK,soupire-t-ilvisiblementsoulagé.Jesuispresquesûrquetuastrouvédeladroguecheztoi.C’estpourcetteraisonquetuneveuxplusentendreparlerdelui.Jerougisfurieusementetbaisselatête,horriblementmalàl’aise.

—Çaetlavidéoquejet’aienvoyéehier.C’estpeut-êtreuncrétin,maisiladel’instinctet,danssondomaine,ilestcarrémentbon.

—Alors,sic’estlecas,débarrasse-t’enleplusvitepossible.—Quoi?—Demainmatin,àsixheures,ilyaurauneperquisitiondanstouslesappartementsdevotrepetitebande.Situt’avisesdeprévenirquiquecesoit,jediraiquec’esttoiquilesasbalancés.C’estclair?Ets’ilyadelacamedanstonstudio,vire-la.Tusais,ontrouveracequ’oncherche,onaprévuleschiens.Jetentedem’écarter,sipaniquée,quejesuissurlepointdefaireunmalaise.Maisilmeretientparle

bras.—Tum’asbiencompris,Madeleine?Situcaftesetqu’iln’yariennullepart,toutteretomberasurlecoin de la gueule et je n’aurai aucune pitié.Ce sera ta parole contre lamienne.Et ta famille en seradirectementtouchée.Penseàeuxpourunefois,aulieuderéfléchiravectoncul!Puis,l’airderien,ilmelaisseenfinfiler.Danslecouloir,l’avocatmedemandecequ’ilmevoulait.Je

souffleettentededonnerlechange.—Ilestpersuadéque jesuisaucourantdesmagouillesdeNahelet refusedemecroire,quand je luiexpliquequejenesaisrien.L’hommehochelatêteetmesuitdansl’ascenseur.

—Nahelm’aditquevousétiezvictimed’unharcèlementincessantdelapartdecetofficierdepolice.Vousn’êtesenrienmêléeàtoutceci,n’importequis’enrendraitcompteaupremierregard.Ilcommetune

fautegrave.Cetypeestunevéritablehyèneetjel’aidéjàvuàl’œuvre.Sivousportezplainte,jem’enoccuperai.Jesaisqu’ilestdanslecollimateurdesessupérieurs,riendeplusfacilequedelefairevirer.—Non.—Non?—Jerefused’avoiraffaireàcethommedeprèsoudeloin.Detoutefaçon,çaneserviraitàriend’autrequ’àattirertoutessortesd’ennuisàNahel.Alors,non.—Trèsbien,commevousvoulez.Maisjenesuispasloindepenserqu’ilatentédevousintimidertoutàl’heure,pourquevousn’agissiezpascontrelui.Sic’estça,jevousjurequejemechargeraidesoncasavecplaisir.—Vousvoustrompez.Mavoixmanqueprobablementdeconviction,carilnecessedem’observer,sceptique.

—Sivouschangezd’avis,voicimacarte.Lorsquenousémergeonsenfinducommissariat,jenepeuxempêcherunprofondsoupirdesoulagement

dequittermabouche.Deboutsurlesmarchesdel’escalier,Nahelm’attendenfumantunecigarette.J’ensorsunedemonsac,

ladernière.Jesais,jeneclopejamaislematin,maislà,ilyadescirconstancesatténuantes,non?Dèsqu’ilm’aperçoit,ilseredresseetvientversmoi.

—Jesuisdésolé,Mad.Furieuse,jeledévisageuninstant,avantderépliquersèchement.

—Tes excuses, tu peux te les coller où je pense, je n’en ai strictement rien à secouer.Si tu n’as pascompris, jepeux te lediredansaumoins trois languesdifférentes : jeneveuxplus jamais tevoir, nientendreparlerdetoi.C’estterminé,Nahel.Entoutcas,encequimeconcerne.—Quoi?Maisqu’est-cequej’aifaitpourmériterça?C’estuneblagueouquoi?Maisqu’ilailleaudiableàlafin!

—Jen’enpeuxplus!J’ensuisàunstadeoùtumesorspartouslestrous.Jetehaistellement!Tum’enfais voir de toutes les couleurs depuis que nous sommes ensemble. Et maintenant, cette arrestationpublique…Tuesunmonstred’égoïsmeettuasdépassélesbornes!—Madie,murmure-t-ilenpassantunemaindansmescheveux,probablementdanslebutdem’apaiser.Jesaisquetuvoudraismedétester,maistunelepeuxpas.Oh,tuesloinducompteetjenesuispasuntoutouàquiongrattelesoreillespourlecalmer.Ah

non,merde!Jevauxbienmieuxqueça!—Neme touche pas !Tu as officiellement perdu ce droit. Et j’en suis toujours àme demander pourquelleraisonjesuisrestéesilongtempsavecuneenfluredanstongenre.Quandjepenseàtouslesennuisquej’aieusàcausedetoi.—Ilfautqu’onseparle,tente-t-ildeprotester.—Non,iln’enestpasquestion!Jet’aiditd’arrêterdetedétruireettuascontinué.Jet’aisuppliédestopperledeal,etunefoisdeplustun’enaspastenucompte.Jet’aiexpliquéàmaintesreprisesquejenetransigeraispassurlafidélitéettum’asquandmêmetrompée.Alors,maintenant,vaaudiableetn’enreviensjamais!Puis,laissantmon«mari»,pantoiset incapabledebouger, jedescendslesescaliersàtoutevitesse

pourm’éloignerencourant.Lorsquejeregardel’heure,deuxheuresontpassédepuisquejesuissortiedechezmoi.Etiln’estpas

questiond’yretourner,parceque jesais trèsbienquec’est lepremierendroitoùNahelmecherchera,quandilreprendrasesesprits.Commeilpossèdetoujourslaclédemonappartement,illuiserafaciledes’yintroduire,quandbienmêmejeneveuxpaslevoir.

Deslarmesderagecoulentsurmesjoues,tandisquejepatienteàl’arrêtdutramway.Commenta-t-ilputoutgâcherdecettemanière?Cequenouséprouvionsl’unpourl’autreétaitsimagique,sifort.Maisill’apiétinésanslamoindreconsidérationpourmoi.Ettrop,ehbien,c’estvraimenttrop!

25Ilestprèsdevingt-troisheures lorsque j’entredansmon immeuble.Direque j’ensuis sortieàneuf

heurescematinpouracheterdesclopes!Tandisque j’attends l’ascenseur, jesongeavec ironiequec’étaitpluspratiquequand jepouvaisme

servirdel’Audi.Êtrefière,çaadubon,maisçanevoustransportepastrèsvited’unpointAàunpointB,niaussifacilement.Résultat,pourmerendreàlacliniqueetenrevenir,jedoismarcher,puismonterdansdeuxtramsdifférents.Cen’estpassimpleetçameprendplusd’uneheurepartrajet,contremoinsdevingtminutesenvoiture.Super!Vivementquejemeretrouvesousladouche,jenel’auraipasvoléecelle-là!Heureusementquetout

n’apasétédramatique,aujourd’hui,puisquej’aisignémoncontratd’embaucheàtempspartieletaiétéfélicitée par l’infirmière-cadre pourmon travail exemplaire.Mine de rien, après un début dematinéeaussipourri,cescomplimentsontagicommeunbaumecicatrisant.Çaetlefaitquejen’aiplusaucunecrampepelviennedepuishiersoir.Avecunpeudechance,touts’arrangedéjà,dumoins,jel’espère.Ladélicieuseodeurdenourriturequiflottedansl’air,aumomentoùj’ouvrelaportedemonstudio,

m’indiqueimmédiatementquiestlà.J’enaimarre!Maiscequej’enaimarre!Qu’est-cequelesmecsnecomprennentpasdanslesmots«non»et«c’estfini»?Parcequepourêtrefranche,quecesoitNahelouDojong,c’estcarrémentrelou!—Hey,lance-t-il,enfaisantsamouedepetitgarçon.Cettemimiqueest terriblementcraquante,mais jenemarchepas.Ohnon,certainementpasaprèsce

quej’aidécouvert.—Qu’est-cequetufichesici?interrogé-je,aprèsavoirenlevémaveste.Jeme tiens de l’autre côté de la table, lesmains sur les hanches, les jambes légèrement écartées,

clairementenpositiondéfensive.Iln’estpasquestionqu’onfassecommesiriennes’étaitpassé.Nousavonstropsouventjouéàcepetitjeuet,maintenant,c’estterminé.—Lerepas.—Tutetrouvesdrôle?Regarde-moibien,est-cequej’ail’airderire?—Madie,tuesencolèreetjecomprendspourq…—Tuquoi?Tunepigesriendutout!Lesseuleschosesquitepréoccupent,cesonttonpetitbusinessminable,tespotes,ettetorcherdetouteslesmanièrespossiblesetimaginables!—Ettoi…—Pardon?—Toiaussi,tum’intéresses,quoiquetupuissesenpenser.—Maisbiensûr!Continuecommeça,tut’enfoncesbienprofondément.—Mad,jet’aime!Cettefois,c’estplusquejenepeuxensupporter.Alors,sansdireunmot,jefileverslecanapépour

récupérermonordiportableet lebalancersur la table.Puis, jemets ladernièrevidéoquej’aieuedeDojongenlecture,avantdetournerl’appareilverslui.Endécouvrantlefilmsurl’écran,jelevoisblêmir.

—Oseencoremerépéterquetum’aimes,quetun’aimesquemoi,alorsquetuasadmisdevantcenazedeflicn’enavoirrienàfoutredemapoireetm’avoirtrompéeàplusieursreprises!

—Madie,cen’estpascequetupenses!Jetejureque…—C’estbizarre,avectoi,cen’est jamaiscequejecrois.Bonsang,Nahel, jetefaisaisuneconfianceaveugle,jegobaistouteslesconneriesquetumeservais,parcequej’étaisfolledetoi.Jet’aimaistantque je vénérais le sol que tu foulais.Mais c’est fini. Jamais plus je ne te donnerai l’occasion demeblessercommetuviensdelefaire.Alors,dégagedechezmoietfile-moilaclédemonappart!Soudain,ilselaissetombersurlachaiseetposesatêtesursescuisses,lescoudesauniveaudeses

oreillesetlesmainssursanuque,puissebalanced’avantenarrière.MonDieu,maisqu’est-cequiluiarrive?Pourquoisemet-ildansuntelétat,alorsqu’ildevraitêtresoulagéquejeluirendesaliberté?Jen’ycomprendsplus rien.En tout cas, il fautqu’il se ressaisisse.C’est terriblede regarder cegarçon,aussi arrogant et fier,dansunepareilleposture.Et,malgrémoi,moncœur se serreenobservant cettescène.—Nahel…Là,iléclateensanglots.Jevousjure,c’estincroyable.Jel’aidéjàvupleurer,notammentlesoiroùil

aévoquésonfrère.Maiscommeça,jamais!Ilpoussedescrisdebêteblessée.C’estdéchirantetj’enaileslarmesauxyeux,mêmesijetentetantbienquemaldelesdissimuler.—Nahel,relève-toi,s’ilteplaît.Tunepeuxpasrestercommeça.—Jelecroispas,putain,jelecroispas!hoquette-t-ilavecdifficulté.Commentcefumiera-t-ilosé?Commenta-t-ilpufaireunemonstruositépareille?—Maisdequoiparles-tu?Moncompagnonessuiesespleursetmetendlamain,d’unairsuppliant.Seigneur,commentpuis-jelui

refuseruninstantdetendresse,quandilm’atoutapprisdelavie?J’aiconsciencequ’ilaprofitédemanaïveté,maisjenepeuxpasoubliertoutcequ’ilafaitpourmoi.Alors,jem’approcheetmurmure.—Etsionmangeait?Enréalité, jen’aipasvraimentfaim,mais toutvautmieuxquelacrisedenerfsquis’annonce.Et le

mettrepurementetsimplementàlaporte,jenepeuxpas.Cen’estpasdansmoncaractèredetournerledosàunhommeàterre.Questiond’éducation.—Quenousas-tupréparédebon?—Unetourteaupouletetauxchampignons.—Quetuasconfectionnéetoi-même?—Biensûr!Etalors?Jesourisetm’installeàtable.Notrerupturepeutbienattendrequelquesminutes,non?Onn’estpas

auxpiècesnonplus!J’ignoresijesuisconvaincante,maisj’essaiemalgrétoutdedonnerlechangeenamenantunpeudelégèretédanscetteatmosphèresipesante.Nahelcomprendceque j’essaiedefaireets’enamuseàson tour,mêmesiça ressembleplutôtà la

grimaced’unclowntriste.Ilselève,partverslacuisinepouressuyerseslarmes,semoucher,etrevientversmoiaprèss’être lavé lesmains.Puis, ilmesertunepartgénéreuseetdéposenosassiettessur latable.—Maisc’estbeaucouptrop!m’exclamé-je,lesyeuxgrandouverts.—Mange,Madie.Jesuiscertainquetun’asrienavalédepuisqu’onétaitcheztesparents.—Qu’est-cequitepermetd’affirmerça?—Rienn’abougédans le frigo,nidans lesplacards.C’estmoiquiai fait lesdernièrescourseset jepariequetunet’enétaismêmepasaperçue!—Bienvu,admets-jeavecdépit.Ilmeconnaîtbien,lebougre!J’enfourneunebouchéedesatourte,agrémentéed’unedélicieusesalade

verte.Et,franchement,cen’estpaspourleflatter,maisceplatestjustedivin.Voilàlegenredechosequi

memanquera quand je serai seule. Savoir que l’homme que tu aimes t’attend avec impatience et t’aconcoctéunsucculentrepas,çan’apasdevaleur.Maisbon,silasolitudeestleprixàpayerpournepasmoisirenprisonouàl’asile,jedoism’yrésoudre.Nous mangeons en silence, mais nos préoccupations reviennent inévitablement à la surface. Ventre

pleinouventrevide,cettesoiréeestladernièreetjecomprendsquec’estaussidifficileàappréhenderpourluiquepourmoi.—Tusais,finit-ilpardéclarer,c’estuncoupmonté.Jeposemescouverts,etcroisemesdoigtsdevantmonvisagepourl’observeraveccirconspection.

—Alorslà,jenevoispascomment!Cequej’aientendusurlavidéo,tul’asbiendit,pasvrai?—Laisse-moi te raconteret surtoutnem’interrompspas,mêmesi tuenbrûlesd’envie. Je t’enprie…insiste-t-il,l’airtriste.—D’accord.D’uncommunaccord,nousfaisonslavaisselleetrangeonslacuisine.Lorsquenousavonsterminé,il

sortuncheese-cakeduréfrigérateur.C’estmongâteaupréféréetillesait.—Tul’asconfectionnéégalement?demandé-je,aprèsavoirposédestassessurlatable.—Non,concède-t-ilavecunpetitrire.Jel’aiachetéspécialementpourtoi.Puis,redevenantsérieux,ilmeracontel’interrogatoiredurantlequelils’estconfrontéàGregDojong

pourlapremièrefois.Lamanièredontcedernierinsistaitàmonsujetetleseulmoyenqu’ilavaittrouvé,dans lapanique,pourmepréserverdesacuriosité.Seulement,enmontrantnotrecertificatdemariage,j’avaistoutfichuenl’air,sibienqueleflicavaitcomprislemensonge,ainsiquelebutdecelui-ci.C’estpourcemotifqu’ilacommencéàs’intéresserdesiprèsàmoi.Pouruneraisonquej’ignore,jecroisqu’ilditlavérité.Jem’explique.Nahelpeutsefairen’importe

quelle nana. S’il n’en avait vraiment rien à foutre, pourquoi est-ce qu’il serait encore ici ? Je lui aiaffirméquejenevoulaispluslevoir,c’étaitsifacilepourluidemezapperdesavie.Seulement,toutcommemoi,ilensembleincapable.—Mad,jetejuresurlamémoiredeSamyquejet’aime.Jen’aijamaisaiméquiconquecommejet’aime,toi. La mort de mon frère m’a détruit, mais si tu venais à disparaître de mon existence, j’en seraistotalementdévasté.—Nahel,tusaisquecettedépendanceestparfaitementmalsaine?—Ouais,j’enaiconscience.C’estpourçaquejeflippaiscommeundingueaudébut.Jeteconfèreunpouvoirsurmoiquepersonnen’ajamaiseu,pasmêmemesparents.Jeveuxbienadmettrequ’ilestsincère,maisilrestequandmêmeunélémentquimeperturbeetpasdes

moindres.—Pourquoias-tutellementbesoindemoi?Pourpouvoirplanquertessaloperiesdansmasalledebain?Jeviensdeposermadernièrecarte,etj’espèrepourluiqu’ilaurauneexplicationplausibleàceque

j’aidécouvert.Parcequetousles«jet’aime»dumonden’ysuffirontpas.—Je,je…bafouille-t-il,rougissantfurieusement.—Est-cequec’estpourcetteraisonquetut’esintéresséàmoiaudébut?Baissantlatête,Nahelsemblecherchersesmots,maisjenelelâchepasduregard.

—Etpourunefois,évitedem’enfumeretcontente-toidedirelavérité.Situm’aimes,cessedementirtoutletemps,parcequejetejurequejetedétestequandtufaisça.—Trèsbien.Lepremier jour, je t’ai repéréequand tupriais. Je te trouvaisunpeuchelou.Puis, tuasouvertlesyeuxettum’asregardé.Là,j’aiétécuit.Stellan’aétéinvitéeàlatablequeparcequetuétaisavecelle.Peuaprès,tuascroiséValdansl’escalieretluiaussiacraqué.Bref,ilmesemblequeVinceasuggéréàunmomentque je redoremon image.Onsavaitqu’onétait filéspar les flics,puisqueRosie

nousavaitbalancés.Avecmonpassif,c’étaitsûrquelesemmerdementsn’étaientpasloin.J’aiessayédeterésister,jetejurequec’estvrai.Jerefusaisdesortiravectoi,tuétaistoutcequej’évitais.—C’est-à-dire?—Déjà, t’étais vierge.C’était un réel problème pourmoi. Ensuite, t’étais tellement gentille. Tu nousprenaisàbouffer,tuétaisd’unedouceurquimedonnaitenviede…—Dequoi?—Jel’ignore,c’étaituntrucbizarre,commematernel.Jedésiraismecollercontretoi,unpeucommeunenfantquiallaite.—Tuvoulaisme…Nahel,sais-tuqueparmoments,tun’espastoutseuldanstatête?Franchement,t’essuperglauque.—Non,tunecomprendspas.C’estuneimage.J’avaislesentimentquetantquej’étaisavectoi,riennepouvaitm’arriver, que tumeprotégeais.Les enfants ressentent cette sensation,quand ils sontdans lesbrasdeleurmère.Après,ilyaeucetteconneried’histoireauclub,j’enaiététrèsaffecté.Etpaniquéaussi…—Pourquoi?—Merde,Mad,onnesortaitmêmepasensembleet j’étaisdéjà terrassépar tonrejet ! Ilyadequoiflipper,non?—Effectivement.—Quandtum’asrappelé,ohputain,lepoidsquis’estenlevédemapoitrinecommeparmagie!Puis,jet’aitrouvéemaladeetc’estàcemoment-làquej’aiarrêtéderésister.Tuétaisfinalementhumaine,pasladéessequejeplaçaissurunpiédestal,ettuavaisbesoindemoi.Après,touts’estenchaînétrèsvite,maisjen’avaisqu’uneseulecertitude.C’étaittoietmoicontrelemondeentier.—Toutça,c’estbien joli,maisçan’expliquepaspourquoi tu t’esservidemonstudiopourcacher tadrogue.Etjeveuxlavérité,n’essaiepasdenoyerlepoisson.—Onavaituneplanque,maislemecquinouspermettaitd’utilisercelocalaeupeurquandleskeufssesont intéressés à lui. Alors, il a fallu trouver une solution de repli. Mon appartement avait déjà étéperquisitionné,jenepouvaisabsolumentrienstockerlà-bas.Jen’aipasvraimenteulechoix.D’autantque, pendant un moment, jusqu’à mon arrestation début janvier, les flics ignoraient la place que tuoccupaisdansmavie.Enmêmetemps,jenepouvaispast’enparler,tuauraispétéuncâble.—Àjustetitre,non?—Jesupposequeoui.Dèsdemain,j’enlèveraitoutetjetrouveraiuneautresolution.Iln’yenapluspourlongtemps,encoreunedernièrelivraisonetceseraterminé.— Pourquoi n’arrêtes-tu pas maintenant ? Nahel, je t’en supplie, stoppe tout immédiatement. Cettehistoirefiniramal.—Madie,jenepeuxpas.J’aiessayé,jetejure,maissijefaisça,jefoustoutlemondedanslamerde.—Génial!Donc,cequejedisnecomptepas?—Si,c’estimportant.Maisc’estcommesijet’obligeaisàpartirmaintenantauxÉtats-Unisavecmoi.Turefuserais,pasvrai?Jedoisadmettrequ’iln’apastoutàfaittort,mêmesisacomparaisonmeparaîtcarrémentbancale.Je

neluidemandepasdetoutquitter,justedemettreuntermeàsesactivitésillégales.Cen’estpasvraimentpareil.— D’ailleurs, en parlant de ça, poursuit-il sans se rendre compte de mon désarroi. Est-ce que tuaccepteraisdem’aiderpourmondéménagementenAngleterre?Onn’enajamaisvraimentdiscuté,maisj’aimeraisquetusoislàpendantlespremiersjours.Jeréfléchisuninstantàsaproposition,avantderépondre.

—Non,jen’enferairien.Jeterappelleque,jusqu’ànouvelordre,nousnesommesplusensemble.Undépart de Strasbourg n’est donc pas d’actualité, même pour un séjour à Londres. Que j’écoute tesexplicationsnechangerienàlaquestion.—Maistuesgrilléeici!Qu’est-cequivasepassersilesflicss’acharnentencoresurtoi?EtAmoros?Tuyaspensé?—Quand tu seras à Londres, tout rentrera dans l’ordre, j’en suis certaine. Ce n’est pasmoi qui lesintéresse,maistoi.Si tun’esplusdanslecoin, ilsn’aurontaucuneraisondecontinueràmepourrir lavie.RefusantdeluirévélerlessentimentsdeDojongàmonégard,jem’arrêtelà.Eneffet,notresituation

estdéjà tellementcompliquée,que jenepeuxpasfaireunechosepareille. Ilseraitcapabled’aller luicasser lagueuleet finirait en taule.Etcette fois, ce seraitdema faute.Dans lamesureoù jen’aipasdonnésuiteàsesavances,j’aimeautantlesoublier.—Mais,Madie,tuaccepteraisqu’onsevoie,n’est-cepas?Jenepeuxpasimaginerneplusfairepartiedetavie.J’aibesoindetoi,besoind’êtrerassuré,demedirequetoutestencorepossibleentrenous.—Nahel,toutachangé,quetuleveuillesounon.Jerestesilencieuseuninstant,avantdepoursuivre.

—Cematin,lasituationétaitclairedansmatête.Notrehistoireétaitterminée.—Etmaintenant?— Je ne sais plus, je suis complètement perdue. Il me faut du temps. Ne me stresse pas. J’avaisl’impressionqueleschosess’arrangeaiententrenous,quandtuasdéménagé.Mais,enmêmetemps,jenepeuxpasfairecommesilesévénementsdecesdernièresvingt-quatreheuresn’avaientjamaisexisté.—Tuproposesquoi,alors?—Jenesaispas.Ilfautquejeréfléchisse,sansquetumemetteslapression.Jedoisdécouvrircequej’attendsdelavie.Entoutcas,cedontjesuiscertaine,c’estquejerefusedemelieràundealer.Etpourlemoment,c’estexactementcequetues.—Donc,tumelaissestomber.Jelesavais…Onfaitquoimaintenant?—Onmange notre dessert, on boit notre café, et on passe une soirée tranquille.C’est de ça que j’aibesoin.—Trèsbien.J’aimeraistantluiparlerdelaperquisitionquiauralieudemain,luidemanderdeprévenirsesamis,

mais jene lepeuxpas.Parcontre,moncerveauesten traindechaufferà touteallurepouressayerdetrouverunesolutionàceproblème.Si jenepeuxpas lui raconterceque je sais,comment l’obligeràfaireplacenettedèscesoir?Forcément,ilseposeradesquestions.Or,jeprendslesmenacesdeDojongtrèsausérieux.CemecaungrainetilenveutàNaheld’unemanièrequin’estpasnormale.Finalement, nous nous installons sur le canapé, et allumons la télé. Il y a une série policière

américaine,maiselleneparvientpasàretenirmonattention.Monmariestcolléàmoi,commes’ilavaitdeviné qu’il s’agissait de notre dernière soirée ensemble. Et de fait, c’est exactement ainsi que jeconsidèreleschoses.Madécisionderompreestirrévocable,quandbienmêmej’ymetslesformesenmemontrantgentilleaveclui.J’ignorequiembrassel’autreenpremier.Ilmesemblequ’ildéposeunbaisersurmonfront,puissur

ma tempeavantdeglisserversma joue.Lorsquesabouche trouve lamienne, jene résistepas.Aprèstout, si c’est la dernière fois, autant en faire unmoment exceptionnel, de ceux qu’on n’oublie jamais.Demainviendrabienassezvite…Forte de cette résolution, je me redresse et grimpe sur ses genoux. Nahel m’embrasse avec une

intensitépeucommune,salangues’enroulantlangoureusementautourdelamienne.EtDieuquej’aimela

sensation de ce désir qui monte en moi. C’est quelque chose qui ne changera jamais. Mes bras seresserrentsursanuque,tandisquemesdoigtsseperdentdanssescheveuxsisoyeux.Mabouches’appuieplus fort sur la sienne, et il me semble que cela déclenche une sorte de frénésie en lui, puisque sespaumesseposent surmes fessespour lesmasser. Il se lèvealorsetmeporte jusqu’au lit sans jamaisinterromprenotrebaiser.Àpeinesommes-nousallongés,qu’ils’écarte,malgrétout,afindemeregarder.

—Jepeuxtedemanderuntruc?—Oui,biensûr,acquiescé-jeavecunsourire.—Pourquoiest-cequetuastrouvétouslesprétextespournepasfairel’amour,cesdernierstemps?Flûte,moiquicroyaisqu’iln’avaitpasremarqué!

—Enfait,j’aieuplusieursfoisdescrampes.Mavoixestunpeutremblante,maisj’optemalgrétoutpourl’honnêteté.N’ena-t-ilpasfaitpreuvelors

denotreconversationdurantledîner?Celanedevaitpasêtrefacilepourluidem’avouerlavérité.—Enbas?—Euh…oui.—Pourquoinem’enas-tupasparlé?OnseraittoutdesuitealléschezLounis.Mad,c’estsérieux,là!Tunedoispasprendretesdouleursàlalégère!—Jesais,maiscen’étaitpaslemoment.—Paslequoi?s’étrangle-t-ilpresque.Jevoisbienqu’ilestcontrariéetjelecomprends.Maisilyadesélémentsdontildoittenircompte.

— Écoute, c’est arrivé quand je venais d’être admise à l’écrit. En plus, j’avais l’opportunité dedécrocherunposteàl’hôpital.Jenepouvaispasm’absenter,c’étaitimpossible.—OK,concède-t-il,lefrontplissé.Maisjel’appelledemainmatinetonprendrendez-vous.—Quoi?Maisnon…Jen’aiplusmal,c’estpassé.Toutvabien.—Maisçarisquederevenir.Alors,pasdeblagues!—D’accord.—Sijamaistuasdenouveaudesproblèmes,jet’emmène.Etjenetedemandepastonavis,ajoute-t-il,voyantquejem’apprêteàprotester.Ladernièrefoisquetuasnégligécessymptômes,regardeoùçat’amenée!Remarquez,jenepeuxpasluidonnertort.J’auraisdûmesoignerbienavantqu’ilnem’yoblige.

—Tuessûrequeçairacesoir?—Maisoui!Jen’aiplusriendepuisquelquesjours,net’inquiètepas.Nahelm’observeavecméfiance,semblantpeserlepouretlecontre,puisfinitparsedétendre,comme

enattestesonsourireséducteur.Seigneur,qu’est-cequ’ilestbeau!Jecroisque,physiquement,ilincarneàmesyeuxlaperfectionfaitehomme.Dommagequelerestenesuivepas…Sesmainsneperdentpasdetempsetsemettentàmedéshabillerhâtivement.Envahieparcesentiment

d’urgence,jel’imiteaussitôt.—Attends,jesorsduboulot,ilfaudraitquejeprenneunedouche.Jesaisàquelpointilestàchevalsurl’hygiène,aussijesuisparticulièrementsurpriselorsquesesbras

meserrentplusfort.—Mêmepasenrêve!Tusenstrèsbon,pasquestiondetelâcheruneseuleseconde.Sijemesensmalàl’aise,jeluipermetsmalgrétoutderetirermessous-vêtements.Puis,ilfinitdese

déshabiller.Alorsqu’il s’allongeprèsdemoi, je réalisequ’il s’agitdenotredernièrenuiten tantquecouple.Or,sijedoisfairel’amouravecluiuneultimefois,ilfautquecesoitexceptionnel.Jeveuxluilaisserunsouvenirqu’aucuneautrenepourraégalerdesitôt.

Avecunsouriremutin,jem’écartepourmereleveretmedirigerversmacommode.—Mad?Lorsquejereviens,jetiensentremesmainsdeuxfoulards.

—J’aimeraisessayerquelquechose,susurré-je,aguicheuse.Cetteallumeuse,quis’amuseàsepavanertoutenuedevantsonmecpourlerendredingue,cen’estpas

vraimentmoi.Toutefois,lasituationestparticulière,jepeuxbienfairedesefforts.—Serais-tud’humeurcoquine?Lesourirequiéclairesonvisageirradied’unetelleluminositéquej’aidumalàdéglutir,rienqu’enle

regardant.Ilal’airheureux,inconscientdel’enferdanslequelnousplongeronsdèsdemainmatin.Maisc’estpourtantainsiquelesévénementssedérouleront.Dojongestunpitbull,unmanipulateurquifaitunefixationsurluipouruneraisonquej’ignoreencore.Etjesuissûrequecen’estpasseulementàcausedemoi.N’allezpaspenserquejejouelesfaussesmodestes,c’estloind’êtrelecas.Etsivousréfléchissezun

instant,vousenconviendrezcommemoi.Lehic,danscettehistoire,c’estqu’ils’intéressaitdéjààmonmecavantdedécouvrirnotre lien.Jen’aiétéqu’unmoyensupplémentairedeparveniràsesfins.Nonseulement,ilveutledétruiresocialementenl’envoyantentaule,maisilvaégalementfairetoutcequiesten son pouvoir pour lemettre psychologiquement à terre. En foutant lamerde dans notre couple, il afrappéexactementlàoùçafaisaitmal.Cecidit,Naheln’avaitpasbesoindeluipours’enchargertoutseul,ilssontaussiresponsablesl’unquel’autre.Maiscemaladedeflicaquandmêmebiensavonnélaplanche!— C’est notre dernière nuit ensemble, alors je refuse de me brider pour respecter mon éducationpolitiquementcorrecte.Jeveuxdelafantaisieet…—Jet’interdisdeparlercommeça.Cen’estpasnotre…—Si,Nahel,lecoupé-jeenlefixantdroitdanslesyeux.Aufonddetoi,tulesaisparfaitement.Son regardest traverséparune lueur tristequime fend lecœur,maisnousavonsconscience, luiet

moi,quelesdéssontjetés.Tantqu’ildealera,jerefuseraitoutcontactintimeaveclui,carpersonnenevautquejereniemonsensmoral,pasmêmelui.Or,iln’arrêterapas,donctoutestdit.EnmeremémorantlesparolesdeDojong,jenepeuxempêcherunmauvaispressentimentdem’envahir.

Toutefois,jem’obligeàlechasser.DèsqueNaheldormira,jemedébarrasseraidecequiestdissimulédanslatrappe.Etpasquestiondeluidemanderdes’enchargerlui-même.Sonpropreappartementseraprobablementfouillé,toutcommelemien.Or,ilestévidentques’ilrécupèreladroguecesoir,c’estlà-basqu’illaplanquera.Et,inévitablement,elleseratrouvée.Je secoue légèrement la tête pour évacuer ces pensées trop sombres. J’aurai le temps d’y songer

sérieusementplus tard.Pour l’heure, j’aidésespérémentbesoindemettredecôté lebazar innommablequ’estdevenuemavie.Etriendetelquedefairel’amouravecl’hommequej’aimepourça.—Oblige-moiàtoutoublier,Nahel,pourquedemainn’arrivejamais.—Jeteprometssurcequej’aidepluscherquecen’estpasladernièrefois.Tuverras…—Pourl’instant,noussommesensemble.Cequicomptealieuicietmaintenant.— Absolument. Alors, fais de moi ce que tu veux, ajoute-t-il avec un sourire salace et plusieurshaussementsdesourcilsquimefontpouffer.En suis-je capable ?Aurai-je le courage demener la danse ?De faire preuve d’imagination ?Les

doutesm’assaillent,maisjelesrepoussetrèsvite.Grâceàl’hommeallongédevantmoi,jesuisdevenueunefemme,conscientedesesatouts,forteetsûred’elle.Ilm’ainsufflél’énergieetlaconfiancequimemanquaient tant, pendant le temps trop bref qu’a duré notre vie commune. Et ça, je ne dois jamaisl’oublier.

—Cen’estpastombédansl’oreilled’unesourde,soufflé-jedemavoixlaplussensuelle.Sonsexe,quisedresseaussitôt,meprouvequejesuisloind’êtreridicule!Alors,uniquementguidée

parmoninstinct,jem’agenouilleprèsdeluietposel’écharpelaplussombresursonvisageafindeluibander lesyeux.Toutémoustilléeparcepouvoirsoudain, jemetrémousse, toutenm’assurantqu’ilnepourrarienvoir.Puis,jesaisisl’autrefoulard,quejepasseautourdesespoignets.C’estétrange,parcequedanslesfilms,leshérossonttoujourssurdeslitsàbarreaux.Iln’yariendetelchezmoi,puisqu’ils’agit justed’unsommiersurpiedsetd’unmatelas.Je relèvesesmainsau-dessusdesa tête,avantdechuchoteràsonoreille.—Interditdemetoucheroudem’entoureravectesbras.—Tuesdure,magreluche.Déjàquejen’aipasledroitdetevoir.—Alors,concentre-toisurtesautressens.Ungrognementétouffémerépond,tandisqu’entraîtreillèveunpeulevisagepourl’enfouirdansmon

cou.Aussitôt,jesuissaisiedelongsfrissonsquimefontoubliertoutcequin’estpaslui.Mereprenant,jeme redresse et pose ma bouche sur la sienne. Nos langues se cherchent, se trouvent et s’enflammentmutuellement.Aprèsavoirmordusalèvreinférieure,jem’attaqueàsonoreilledontjetitillelelobedemes dents, avant de souffler dans son pavillon.Nahel sursaute et pousse un autre gémissement qui serépercutedirectemententremescuisses.Nomd’unepipe,jecroisquejesuisencoreplusexcitéequelui.Jedescendsensuiteverssanuque,sagorge,etenfinsontorsedont je lèchelonguement les tétons.Sescrissefontplusrudes,maisilrespectelarègleetnetentepasdereprendreledessus.Pourtant,lesnœudsàsespoignetsnesontpastrèsserrés,illuiseraitparconséquentaisédeselibérer.Pourmapart,iln’estpasquestiondebâclercemomenthorsdutemps,ledernier.Aussi,jem’applique

à redécouvrir chaqueparcellede sapeau, jamais aumêmeendroit.Comme il nepeut pasmevoir, jeparviensàleprendreparsurprise.Aprèsavoirlonguementjouéavecsonnombril,jemedétachedeluietm’attaqueànouveauàsesmamelonsquejesaisparticulièrementsensibles,pourrevenirverssonvisageetl’embrasserfougueusement.Ilrépondàtoutesmescaresses,tentantpartouslesmoyensdesecolleràmoncorps.—Putain,Mad,jesuistellementdurquesitunefaisrien,jevaiséjaculersanssommation.Comprenantquecespetitsjeuxsontentraind’éprouverrudementsapatience,jedécided’abrégerun

peusessouffrances.Aprèsunultimebaiser,jemerelèveetmeposteaupieddulitenordonnantd’unevoixrauque.—Écartetescuisses.Nahels’exécuteaussitôt.

—Encore.Samouesceptiquemefaitsourire,maisilaccèdemalgrétoutàmarequête.Del’endroitoùjesuis,j’ai

une vue plongeante sur son sexe, ses testicules etmême le bas de son adorable fessier. Punaise, quelspectacleépoustouflant!Enprenantgardeànepas l’effleurer, jem’approcheenrampantdesoncorps.Oh, ilsaitoù jesuis,

puisqu’ilaforcémentdûsentir lematelasployersousmonpoids.Pourautant, iln’aaucuneidéedecequejem’apprêteàfaire.Monpremiercoupdelanguesursesboursesprovoqueunvéritablerugissementenlui.Lesecondest

poursavergedontjeremontetoutelalongueur.Làencore,ilpousseuncrid’uneincroyablesensualité.—Ohputain,Mad!Tuvasmetuer…Jesouristoutcontresapeau,enredescendant.Ànouveau,lapocheplisséequicontientsestesticules

requiert toutemon attention, tandis quemes doigts semettent à lemasturber en de lentsmouvements.Seulement,aulieuderevenirverssonpénisdresséentremesmains,jem’égaredansl’autredirection.Je

mordssesfessesetilpousseunsoupirdeplaisirquim’encourageàcontinuer.D’ailleurs,nevient-ilpasd’écartersesjambesunpeuplus?Arrêtsurimage:ilfautquejevousexpliqueuntruc.Jevousvoisd’icientraindefairelagrimace,de

supposerque jeme suis soudain transforméeenunepetitedépravée, etde secouer la tête en signededésapprobation.Alors,imaginezmaintenantquevousêtesavecl’êtrequevousaimezleplusaumonde.Celuisanslequelvousn’envisagezpasvivre.Etonvousannonceque,demain,cedernierdisparaîtradevotreexistence.Toutredeviendracommeavantvotrerencontre,c’est-à-diretristeetvidedesens.Vousneconserverezdecettepersonne,quicomptetantpourvous,quequelquesmisérablessouvenirs.Ehbien,sivousnedécidezpasderendrecesultimesmomentsexceptionnels,alorsc’estquevousn’aimezpasréellement ou que vous mentez. Parce la seule chose qui semblera importante, sera que ces derniersinstantséclipsenttouslesautresparleurintensité.Pournejamaisoublier…Donc, ce soir, j’exige tout de lui et surtout ce qu’il n’a jamais donné à personne. Je veux lui faire

comprendrequ’ilm’appartienttoutcommejesuisàlui.Et,àmesyeux,iln’yapastrente-sixmanières.Jenevoisquecetacteinterdit,entoutcasparmareligion,maisquisoumetentièrement.Mêmesi jesuisterrifiée, jene reculerai pas. Jamais. Il sera le seul àmeposséderde cettemanière et c’est cequi lerendraunique,quecesoitdansun,deux,dixouvingtans.Alorsquemes lèvress’ouvrentunpeupluspouraspirer l’undeses testicules,monmajeurque j’ai

préalablementhumidifiéavecmasalivesedirigeversses fesses,doucement,maissûrement.Quand jegobe cette petite boule de la taille d’une prune, il crie de bonheur. Je suis tendue, mais uniquementpréoccupéeparsonseulplaisir.Mondoigtletitille,avantdes’enfoncerdélicatement.—Mad!s’écrie-t-ilsoudain,sanspourautantm’arrêter.Jeremonteensuitelelongdesonpénispourleprendreenfinenboucheetlesucertranquillement.Mon

autremainmaintientsavergedroitepourmefaciliterleschoses.Lorsquemonmajeursemetàalleretvenirenlui,jemecalquesurcerythme.Nahelhalèteetsouffle,maisjesaisqu’iln’apasmal.Sonvisageestcrispéetilsemordleslèvres,avantdelâcher.—Putain,c’estdément!Tuesunesorcière!Je souris et continuedeplusbelle. Il lui faut trèspeude tempspour jouir,maisquand jeplacema

paumesursesboursespourlesmasserchaquefoisquejelepénètreduboutdudoigt,quelquechoseenlui se brise. L’instant d’après, il hurle et éjacule dansma bouche. J’avale tout, fière de l’avoir renduheureuxd’unemanièrequepersonnen’avaitoséeavantmoi.Dèsqu’ilreprendsesesprits,ilretirelefoulardautourdesespoignetsainsiqueceluiquiluiobstrue

lavue.Puis, ilm’attrapesouslesaissellespourm’allongersur lui.Àpeinem’a-t-il rapprochéedeluiquesesmainss’enfouissentdansmescheveuxetqu’ilsejettesurmabouchepourm’embrassercommejamais.C’estunbaisersauvage,bestialetprofond.Etj’enredemande.—Remonte,susurre-t-iltoutcontremeslèvres.—Quoi?—Assieds-toisurmafigure,jeveuxbouffercettebellepetitechattetouteblonde.—Nahel,tun’espasobligédelefairechaquefois,tenté-jedeprotester.—Oh,maisj’adoreça.J’aimetesentirjouirsousmalangue.Tuasbravétoustestabous,cesoir,pourm’offrirlameilleurepipedemavie.Alors,moiaussi,j’aienvied’allercontremespréjugés.Jetedésiredecettemanière-là.Paspourprofiterdetoi,maisparcequ’ilmesemblenécessairequenousvivionsuneexpérienceuniqueetinéditepournousdeux.—Jeneteforceàrien,murmuré-jeenrougissant.J’enaiparléladernièrefois,maisçanesignifiaitrien.C’étaitjustehistoiredediscuter.J’ignoremêmesijesuisprêteàtenterlecoup.—Jesais.Maisonenabesointouslesdeux,pourprendrelapleinemesuredecequ’onreprésentel’un

pourl’autre.Parceque,pourtouttedire,jecroisqu’onl’aoublié.Seulement,pourlemoment,ilmefautunpeudetempspourrécupérer.Alors,tutetaisettumelaissestebrouter,commej’enrêvedepuisquetut’esdéshabillée.Allez,soiscourageuse,magreluche!—Vatefairevoir,rétorqué-jeenriant.—Avecplaisir,surtoutsic’estavectoi!Émoustilléeparsonregardchargédedéfi, j’obtempèreetmepositionneau-dessusdesa tête, tandis

qu’ilglissesoncorpsverslebaspoursecaleraubonendroit.Puis,sesmainspuissantesetsibellesm’attrapentpar leshanchesetm’obligentàdescendreunpeu.

Dèslors,jeperdstoutenotiondelaréalité.Salangueaspiremonclitorisetsemetàlesuceravecardeur.Afindeconservermonéquilibre,jem’agrippeàsescôtesenplaçantmesbrasderrièremoi.Lorsquejebaisselatête,jeréalisequ’ilm’observecommefascinéparlespectacle.Sesyeuxgrands

ouverts semblentmedévorer et celam’exciteunpeuplus encore, si tant est que cela soit possible. Ils’écarte,uninstant,pourchuchoter.—T’estellementbelle.Unevraiedéesse…Leplaisirtevasibien.Quandjeteregarde,çamerappelleàquelpointjet’aime.Jeluisouristimidement,avantdehoqueterquanddeuxdesesdoigtsmepénètrentdoucement.

—T’essimouillée,siserrée…C’esthallucinant!Cesmêmes phalanges se dirigent ensuite versmon derrière, pour titiller l’autre orifice. Lorsque le

premiers’enfonceenmoi,jegémisdeplaisir.Ausecond,jesensuneformed’inconfortquidisparaîtdèsquesaboucheseremetenmouvementsurmonsexe.Etlessensationssontsiexacerbéesquejepourraisenpleurer.Jevousjurequec’estvrai.Commentest-ilpossiblequejeressentesifortleschoses,aupointd’avoirl’impressiondemebriserenunmilliondemorceaux?L’orgasmemecueilleàunetellevitessequej’endemeurecoited’étonnement.Pourtant,enjouissantsursabouche,enfrottantmonsexesursonvisageetenserrantmescuissesautourdesatête,jesaisquejenevivraiplusjamaisunmomentpareil,extraordinaire de puissance, parce que mon corps connaît cet homme comme s’il était une partieintégrantedemoi-même.Lorsquej’aienfinreprismesesprits,jemeredresseavantdemelaissertomberàsescôtés.Ilsourit

trèsfierdelui,puisjetteunœilàsaqueuequiestànouveauaugarde-à-vous.—Voilàl’effetquetumefais,madameElKhouri.C’estunexploitqu’aucunefemmen’ajamaisréussiàaccomplir.Jetevoisetjebande.Çaatoujoursétécommeçaavectoi.Etj’ailacertitudequecen’estpasprèsdechanger.—Je t’aime,Nahel.Quoiqu’il puisse arriver à l’avenir, ne l’oublie jamais.Tu le saisque je t’aime,n’est-cepas?Ilsetourneversmoi,etm’adresseunsourirequiilluminetoutsonvisage,rendantsabeautépresque

surnaturelle.—Oui,admet-ilavecunesérénitédanslavoixquim’émeutprofondément.Jen’enaijamaisdouté.Situn’avaispasétéamoureuse,jamaistun’auraispuresteravecmoi,aprèstoutcequetuasdécouvertàmonsujet.C’estcequimedonnelacertitudequetoietmoi,çanefinirajamais.Jedéglutisavecdifficulté,unefoisdeplus,gagnéeparcemauvaispressentimentquimedonneenvie

de chialer commeunemadeleine.Comme j’aimerais pouvoir penser ainsi, avoir la certitudequenoussommesindestructibles.Cen’est,hélas,paslecas.Malheureusement…L’instantd’après,Nahels’estrelevéetm’aretournéesurleventre,pourmemettreàquatrepattes.Sa

boucheestposéesurmesfessesetilmelècheavectantd’applicationquejepourraishurlerdeplaisir.Sesdoigtsremplacentrapidementsalangue,tandisqu’ilseredresse.—Mad,sijamaistuasmal,ilfautmeledireimmédiatement,d’accord?Putain,j’aitellementpeurdete

blesserquejenesaispassijepourraiallerjusqu’aubout.—Oniraoùtuvoudras,soufflé-jepourlerassurer.—C’estlapremièrefoisquejefaisça,etjetejurequec’estencoreplusstressantquequandjemesuisfaitdépuceler!Puis,sanscriergare,ilpénètremonsexebrûlant.Jetentedemetournerverslui,nesaisissantpasce

qu’ilaentête.Cen’estquelorsqu’ilenressort,quejecomprendsenfin.J’étaistellementtrempéequ’ils’en est servi pour lubrifier son pénis. Quand il se positionne entre mes fesses, je me raidisimperceptiblement,avantdemedétendresoussamainrassurantequieffleuremondosetmacroupe.Puis,toutdoucement,ilcommenceàs’enfoncer.Audébut,c’estvaguementgênant,maispasforcément

trèsdouloureux.Toutefois,plus il chemine,plus c’estdifficilede l’accepter enmoi.Alors, sesdoigtss’immiscententremescuissespourcaressermonclitoris.Etc’est làque jecomprendsàquelpoint leplaisirprocuréestdifférent,maisextraordinairementintense.Je ne l’avouerai jamais ouvertement, mais j’aime chaque instant que nous partageons. Mon corps,

comme doté d’une volonté propre, se propulse en arrière de manière à approfondir la pénétration.Pourtant,Nahelnepressepas leschoses, ilne tenteaucunpassageenforce,maisprogresse lentement,millimètreparmillimètre.Etc’est fabuleux,pourmoicommepour lui, si j’encroissescommentaires,chuchotésd’unevoixextatique.—Putain,Mad,c’est tropserré. J’ai l’impressionque tuvasm’avaler.Bordel,c’est sibon, tellementbon!Quand il est enfin totalement imbriqué enmoi, il semet à bouger doucement. Ses doigts s’activent

toujourssurmonclitoris,meprocurantdessensationsinconnuesjusque-là.Lerythmes’accélèreàmesurequejem’habitueàcetteinvasion,etleplaisirmonteenflèche.Chaquefibredemoncorpsestsurlepointdes’éparpiller,conscientedecequ’ilmefait.Soudain,sonindexetsonmajeurpincentassezrudementlepetitboutdechairquiconcentretoutesmes

terminaisonsnerveuses.C’estjustehallucinantettellementfortquejeneparviensmêmeplusàrespirer.Mesmusclessetendentunedernièrefois,avantquejen’explose.Sousmespaupièrescloses,jevoisdesétoiles. Je jure que c’est vrai. Secouée par des tremblements et des spasmes qui durent de longuesminutes,jenepeuxrienfaired’autrequedegémirleprénomdemonamantquisecrispeàsontour,puishurlesonplaisir.Ilad’ailleursgueulétellementfortquedescoupscontremonmurrésonnent.C’estsansdouteAlexis,

mon voisin, qui doit en avoir marre de nous entendre. Du coup, je suis prise d’un fou rire terrible.HeureusementqueNahelalamêmeréaction,sibienquenousnousécroulonstousdeuxsurlelitennousesclaffantcommedesgosses.Lorsquemonamantseretire,jenepeuxretenirunpetitgémissementdedouleurquil’alerteaussitôt.

—Çava?s’enquiert-ilavecinquiétude.—Oui,net’enfaispas.Ettoi?Allongésurledos,ilsembletroublé.

—J’ensaisrien.J’étaispersuadédedétesterça,tuvois,lasodomie.C’estpourtoiquejel’aifait,parceque je comprenais tonbesoindepartager avecmoi une expérienceque je n’aurais jamais vécue avecpersonne.Maisjedoisavouerquej’aiprismonpiedcommerarementaucoursdetoutemaputaindevie.Jamaisjen’oublieraicettenuit,jet’enfaisleserment.—Moinonplus,concédé-je,avantdemeleverpourmerendreàlasalledebain.Pendantquejepassesous ladouche, jerepenseàcettesoirée,à lafaçondont ilavaincutoutes les

barrièresquej’avaisédifiées.Nahelestmamoitié,voilàpourquoijesuisincapabledecouperlespontsdemanièrefranche.Ilyauratoujoursenluiquelquechosequimedonneradel’espoir,celuid’unavenir

commun.C’eststupide,maisjen’ypeuxrien.J’aibeauledétesterlaplupartdutemps,quandlacolèreretombe,j’enreviensaupointdedépart,àsavoirquejesuisdésespérémentamoureusedelui.Unmouvementtoutprèsdemoimefaitpivoter.Monmariestentraind’entrerdanslebac.Mesyeuxse

baissentsursonpénisquiestànouveaudressécommeunpiquetdetente.—Jemedisaisqu’onn’avaitjamaisbaisédansladouche,lance-t-ilavecunsourireégrillard.—C’estvrai,répliqué-jeenfaisantminederéfléchir.—Unpetitcoup,vitefait,avantdedormir,monange?—Avecjoie.Mesbrasentourentsesépaules,tandisqu’ilmesoulèveetmeplaquecontrelecarrelageglacial.Deux

secondesplus tard, ilestenmoi, imposantetdur.Heureusementpournousdeux,cettefois, jen’aipasmal.Etquelquesminutesaprès,autermed’uncorpsàcorpsendiablé,nousjouissons,unefoisdeplus,avalantnoscrisdeplaisirpardesbaisersplustorrideslesunsquelesautres.

26Àmescôtés,j’entendslarespirationrégulièredeNahelquivientdes’endormir.D’aprèscequej’ai

crucomprendre,iln’apasfermél’œildepuisdeuxjours,tellementilétaitinquietdenotresituation.Etilavaitbienraison,parcequec’estpirequecequ’ilpense.J’espèrejustequecetarédeDojongtiendraparoleetnerévéleraàpersonnequej’étaisaucourantde

laperquisition.Montéléphoneindiquequ’ilesttroisheurestrentedumatin.J’attendsquelquesminutessupplémentaires,histoiredem’assurerquemoncompagnonneseréveillerapas.Puis,jemelèveetenfileunsurvêtement,degrosseschaussettes,untee-shirt,etungiletenlainequiappartientàmonmari,maisdont j’adore ladouceur. Ilestd’ailleurs imprégnédesonodeur,cequi le rendplusagréableencoreàporter.Saisie par une nervosité que j’ai du mal à maîtriser, je décide de me préparer un café, avant de

m’asseoir sur le fauteuil en osier pour réfléchir à ce qu’il convient de faire. Pour la drogue, pas deproblème, je labalanceraidans les toilettes.Mais le reste?Que fairedes téléphonesetde l’argent?C’estdufricsale,jen’enveuxpas.Pourautant,dois-jejeterautantdeblé?Non,jenepeuxpas.Saufqueje ne sais pas commentm’en débarrasser.De plus,mon esprit est parasité par les souvenirs de cettesoirée.Mesfessess’enrappellentégalementetjesuisobligéedeplaceruncoussinsousmonpostérieurpouradoucirlesélancementsquim’ontgagnée,depuisquejemesuislevée.QuedisaitdéjàCésar?Veni,vidi,vici…Jesuisvenu,j’aivu,j’aivaincu.Ehbien,c’estexactement

l’impression que je me donne. Je ne regrette pas un instant d’avoir été au bout de cette expériencesexuelle, mais ce n’est pas demain la veille que je recommencerai, parce que, pour être tout à faithonnête, c’est physiquement éprouvant. Et pas qu’un peu ! Toutefois, j’ai le sentiment que c’étaitimportantpournous.Enquoi?Je l’ignore,maisc’estainsi.Celaprouveàquelpointmoncerveauestdérangé!Soudain,etsansraisonparticulière,jerepenseauxcoupsquiontrésonnésurlemur,pendantqueNahel

etmoiétionsentraindeprendreunpiedd’enfer.PauvreAlexis,déjàqu’ilsecoltinemoncourrierdanssaboîteaux…Mince,maisoui!Voilàmasolution.Aussitôt,jemedirigeversmonbureauetyretrouvelagrosseenveloppeenkraftbeigequicontenait

mondossierd’inscriptionàlaformation.Elleétaitmalcolléesibienquejel’aiouvertesansquasimentl’abîmer.Dèsquejel’airécupérée,jefiledanslasalledebain.Lessachetssonttoujoursenplace.Jelessorsdelacachetteetjetteladroguedanslesw.c.,avantd’actionnerlachassed’eau.Unebonnechosedefaite,songé-jelorsquetoutadisparu,aprèsquejel’aietiréecinqousixfois.Puis,sansperdredetemps,je saisis les téléphones et l’argent, ainsi que les sacs vides, pour les glisser dans l’enveloppe.Heureusementquecelle-ciestassezgrande.Ensuite,jerécupèrelescotchsurmonbureaupourlafermerdemanièreàcequeriennes’enéchappeetàcequ’ellenerisquepasdes’ouvrir.Àpasdeloup,jequittel’appartementpourmerendredanslehalld’entréedel’immeuble.J’ignorepourquelleraison,jen’allumepas,maisquandjeremarquequ’ilyadeuxvoituresdepolice

devantlebâtiment,jemedisquej’aieudupif.Telleuneombrefantomatique,jemeglisseverslesboîtesauxlettresetinsèrel’enveloppedanscelledemonvoisin.C’est à cemoment précis que je réalise que ce connard de flic avait tout prévu. S’ilm’était venu

l’enviedeprévenirmonpetitamietdetenterdem’enfuiraveclui,clairement,nousaurionsétéarrêtés.

Mêmescénario, sicedernierétait sortiavec ladroguesur luipour lacacherailleurs. Jesuispresquecertainequec’estcequeDojongespérait.Ainsi,siNahelavaitétéchopéavecunetellequantité,c’étaitmortpourlui.Jecomprendsalorsquecetteenflureadenouveautentédememanipuler.Laseulechosequ’ilnepouvaitpasprévoir,c’étaitquejeneparleraispasàmonmecetquejeferaislesaleboulotmoi-même.Muepar une curiosité que je ne peux réprimer, jemedirige vers la porte arrière, celle qui permet

d’accéderdirectementauparking.Grâceàmaclé,jeladéverrouille,etl’entrouvredoucement,justepourpouvoirjeteruncoupd’œilàl’extérieur.Je découvre que la voiture de Nahel est en train d’être fouillée méticuleusement par des mecs en

combinaisonblanche.Ehbien,ilarameutélacavalerie,maparole!Etsansperdreuneminute,s’ilvousplaît!Jecroyaisquelesopérationsnedevaientcommencerqu’àsixheures.Machinalement,jeconsultemamontrepourm’apercevoiravecétonnementqu’ilestcinqheuresquinze.

Bon sang, je n’ai plus beaucoup de temps devant moi. Aussi, je referme sans bruit et retourne versl’ascenseur pour regagnermon studio. Lesminutes et les heures à venir vont s’avérer éprouvantes etcompliquéesàgérer,maisjen’aipaslechoix.Jedoisêtreforte.Pourmoi,maissurtoutpourNahel.Carnuldoutequ’ilaurabesoindemonsoutien!Dojongvientpurementetsimplementdeluitendreunpiègedontilnepourrapassesortirfacilement.Àmoidel’aiderdemonmieux.Deretourdans l’appartement, je replace lecache, tireànouveau lachassed’eaupourêtresûreque

rienne restecoincé.Puis, jedécidede fairema toiletteetdem’habiller.Lorsque je suisprête, jemerésous à réveiller mon mari. Il n’est pas question qu’ils le chopent au saut du lit. Cela le mettraitimmédiatementenpositiondefaiblesse.Dictéeparuninstinctdeprotectionquej’ignoraisposséder,jesecouedoucementsonépaule.—Debout,Nahel.—Quoi?Maisilestencoretôt,grogne-t-ild’unevoixensommeillée.—S’ilteplaît,lève-toiethabille-toi,lepressé-je,paniquée.Sesyeuxs’ouvrentalorspourdebon,car ilcomprendque l’heureestgrave.Sansposer lamoindre

question,ilseredresseetrevêtsesfringues.Puis,ilfileverslasalledebain.Quandilenressort,sonregardinterrogateurmefixedansl’attented’uneexplication.Maisiln’apasletempsdedemanderquoiquecesoit,cardescoupstambourinantàmaportenousfont

sursautertouslesdeux.

27

—MadeleineGrangier ? crie une voixmasculine depuis le couloir. Police judiciaire !Veuillez nousouvrir,nousavonsunecommissionrogatoire.Nahel blêmit et me regarde, totalement paniqué. Parce que je sais qu’il n’y a plus rien de

compromettantdansl’appartement,jemedirigeverslaporte.—Net’inquiètepas,murmuré-jedoucement.Àpeineai-jedéverrouilléqueplusieurshommesseprécipitentdansmonstudio,deuxchienssurleurs

talons.LedernieràentrerestGregoryDojong.Enlereconnaissant,monmariserre lespoings,commepour se retenir de lui fracasser la tronche. Franchement, si nous n’étions pas dans une situation aussigrave,jecroisquejel’encourageraisàs’exécuter.Maisévidemment,jenelepeuxpas.Les policiers fouillent mon appartement, ouvrant les tiroirs, vidant les placards, sans la moindre

délicatesse. En moins de quelques minutes, ils ont semé un chaos indescriptible dans mon intérieur,pourtant rangé.Ondiraitqu’unouraganadéferlé, tellementc’est lebazar.Leschiens reniflentpartout,mais ne semblent rien détecter. J’en pousse un soupir de soulagement, parce que je n’avais qu’uneangoisse,c’étaitqueNahelaitplanquédelacameailleursqu’àl’endroitoùjel’ai trouvée.Puis,deuxflics se rendent dans la salle de bain.Là, clairement, tout change.Les bergers allemands semettent àaboyer en sautant dans tous les sens.L’un des hommes saisit le tabouret etmonte dessus.Le scénariocatastrophesedéroulealorsdevantmoi,teluncauchemar,sansquejenepuisserienfairepourl’arrêter.—C’estbon!Onatrouvé!lanceceluiquiagrimpé.Et, effectivement, je les vois extraire plusieurs autres sachets, similaires à ceux dont je me suis

débarrassée,dufauxplafond.C’estpasvrai!Ilyenavaitailleurs?Merde!Lesyeuxemplisd’effroi,jemetourneversNahelpourluijeterleregarddelamort.Têtebaissée,il

n’osepas le soutenir, terriblement embarrassé.Tuparles, çame faitunebelle jambe !Quel connard !Maisquelidiotfini!Commenta-t-ilpumefaireuntrucpareil?Enmedébarrassantdecequej’avaistrouvé,j’étaissûreetcertainedesauverlamiseàmonmec.Or,ilafoututoutmonplanenl’air.Maisbonsang,combienyenavait-ilexactement?—MadeleineGrangier,déclareDojongtoutfierdelui,enmepassantlesmenottesautourdespoignets.Ilest six heures trente minutes, vous êtes état d’arrestation à partir de cet instant pour détention destupéfiants.Vouspouvezêtreexaminéeparunmédecinoucontacterunprocheavantvotregardeàvue.Vouspouvezégalementvousfaireassisterd’unavocatetsivousn’avezpaslesmoyensd’enpayerun,nousvousencommettronsund’office.Naheltentedes’interposerenentendantcesmots,maisiln’enapasletemps.

—NahelElKhouri,vousêtesenétatd’arrestationpourcomplicitédedétentiondestupéfiants.Pendantquel’autrepolicierluiditsesdroits,sesprunellesprofondémentdésoléesnemequittentpas.

—Madie,je…—Ilestinterditdecommuniquerentrevous!s’écriececonnarddeDojong.Lorie!appelle-t-ilensuite.VeuillezemmenermademoiselleGrangierdansunvéhicule.Jemecharged’ElKhouri.Silencieuse, mais morte de honte face au regard ébahi des voisins qui sont sur le palier, je suis

embarquéepar la femme flic, celle-làmêmequim’a avoué, il y aquelques semainesde cela, qu’elleavaitcouchéavecmonmec.

Danslavoiture,jesuisinstalléeàl’arrière.Elleprendplaceprèsdemoietordonneàsoncollèguededémarrer.— Je suis désolée pour vous,Madeleine. Il est évident que vous n’avez rien à voir avec toute cettehistoire.Maislefaitestquelacameaétéretrouvéechezvous.—Je…jenecomprendspas,parviens-jetoutjusteàbégayer.—J’ai entenduGregvousprévenirhier.Maisnevous fiezpas à lui, cemecest totalementdingue. Ilsavaittrèsbienqu’ilyauraitdequoivousfairetomber.—Comment?—L’appartementdeNahelaétéperquisitionnétroisfois,cesdernièressemaines,etnousn’avonsjamaisrientrouvé.Ilfallaitbienqu’ilstockelematosquelquepart.C’étaitsûretcertainqueceseraitàvotredomicile.—Oui,mais…—Undealernecachejamaisdegrossesquantitésàunseulendroit.C’estunerègleuniverselle.Decettemanière,avecunpeudebol,certainesplanquespassentàlatrappe.Mêmesivousenaveztrouvéetquevous vous en êtes débarrassée,Greg savait pertinemment qu’il y en aurait ailleurs.D’autant que nousavonseffectuéunenouvellefouillechezvotremarietquenousavonsfaitchoublanc,hiersoir.Jesouffle,malheureusecommelespierres,parcequejeviensderéaliserquejemesuisfaitavoirpar

cetenfoirésur toute la ligne.Etcela,depuis ledépart. Jem’explique :ens’arrangeantpourque jeneraconterienàNaheldecequisetramait,ilm’aembarquéedansuneaffairehorriblementglauque.Etlepire,danscettesordidehistoire,c’estque jemesenscoupable,vis-à-visdemonmari. J’auraisdû luiracontertoutdèsledébut.Ainsi,Dojongn’auraiteuaucuneemprisesurmoi.—Jenesaispassivousenavezconscience,Madeleine,maiscequivousarriveesttrèsgrave,poursuitLorieDejean.Nahel doit avoir l’habitude et il s’en sortira, une fois de plus, grâce à son père.Maisvous?Ladrogueaététrouvéeàvotredomicile,pasausien.Vouspourriezêtreincarcérée.—Quoi?m’exclamé-je,totalementeffarée.Maisjen’airienfaitdemal!—J’ensuispersuadée,maisiln’enrestepasmoinsquevousêtesaccuséededétentiondestupéfiants.Vouspouvezécoperjusqu’àdixansdeprison.Jesaisisalorstoutel’ampleurdudésastreauqueljesuismêlée.Siçasetrouve,mavieestfoutueetje

vaismoisir en taule pour les dix prochaines années.Tout ça à cause de deuxmecs.Le premier, c’estNahelquiaprisdesrisquesinconsidérésalorsqu’ilpouvaitmemettredansunemerdenoire.Lesecond,c’estceflictorduquimetraquedepuisdesmois.Aucommissariat,hiermatin,ilaévoquéunecomplicitédetrafic,alorsqu’àprésentilestprêtàmefaireporterlechapeaupourtout.— Savez-vous ce que j’ai découvert récemment ? demande-t-elle, en baissant la voix pour que soncollèguenel’entendepas.Mon estomac fait des bonds etmes tempes bourdonnent furieusement. J’ai si peur, je suis tellement

effrayéequejen’écoutepastoutdesuitecequ’elletentedemedire.—Quoi?—Votreagression,c’étaitdupipeau.—Pardon?—ElleaétémiseenscèneparDojong.EtAmorosluiaprêtémain-fortecontrelapromessequeceseraitàchargederevanche.LeproblèmeavecGreg,c’estqu’ilestprêtàn’importequoipourparveniràsesfins. C’est ce qui le rend si dangereux. Il a tout orchestré, parce qu’il savait que vous lui seriezreconnaissantedesonintervention.Ilamisélà-dessusetçaafonctionné.— Comment puis-je vous croire ? soufflé-je, une boule emplie d’amertume salement logée dans magorge.

—J’aientendudeuxcollèguesendiscuter.Ilsétaientoutrésparsesméthodes.D’ailleurs,jepeuxvouscertifierquesinotreresponsablel’apprend,c’enestfinipourcegrandmalade.— Mais personne ne caftera, n’est-ce pas ? répliqué-je avec cynisme. Ce sera l’omerta, vous lesoutiendrez!—Toutça,c’estune légendeurbaine !Aucund’entrenousneveut risquersaproprecarrièrepour luisauverlamise.Et,clairement,cettefois,ilestallétroploindanssonimplication,notammentvis-à-visdevous.Onatrouvédesphotosdeluientraindevousembrassersursonordinateur.Donc,impossibledelecouvrir.—Quoi?Jepensequemesyeuxsontentraindesortirdemesorbites,tandisquejesuisobligéedecontenirune

remontéegastriquequimenacedemesubmerger.MonDieu,maisc’estpirequeceque je supposais !Dansquelbourbiermesuis-jedoncfourrée?

28NahelJe viens d’être transféré à la prison de l’Elsau et j’y ai passéma première nuit. Putain, la journée

d’hier a juste été un enfer sur terre. En réalité, si cela n’avait tenu qu’à moi, j’aurais sans douteappréhendé les événements plus sereinement.Mais je n’étais pas seul en cause. Il y avaitMadie.Madouce et si innocenteMadie, qui s’est retrouvée accusée du pire, alors qu’elle n’avait rien à voir là-dedans.Lorsqu’elle m’a réveillé, j’ai tout de suite compris que la situation était critique.Mais je pensais

qu’elleétaitmalade,qu’ilfallaitquejel’emmèneàl’hôpitalouuntrucdecegenre.Quellen’adoncpasétémasurprisequandlesflicssesontprésentésàsaporte.Jesupposequ’elleavaitdûlesvoirarriver.Heureusementpourmoi,ilsn’onttrouvéquelaplanqueduplafond.Laseuleexplicationquim’estvenue,c’estquemafemmes’estdébarrasséedurestependantlanuit.Je

sais que tout était en place, avant qu’elle ne rentre, puisque j’ai vérifié moi-même. De plus, j’avaisrajoutédufric,celuidesventesd’hier.Mais,étrangement,toutavaitdisparucematin.Dèslapremièreaudition–fortheureusement,cen’étaitpasavecDojong–,j’aiavoué.Jen’avaispas

d’autresolution,sijevoulaisdisculpermafemme.J’aiadmisavoircachéladrogueàsoninsu,maisj’aiminimisélebusiness,enarguantquec’étaitpourmonusagepersonnel.Mêmequandilsm’ontmontrélesphotos,j’ainié,m’entenantàlalignedeconduitequenousavionsélaboréeavecFred.Àproposdemonami,Lorie,quiestvenuem’apporteràboireetàmanger,m’aexpliquéqueVinceet

lui avaient également été arrêtés.Apparemment,Sophien’était pas à l’appartementquand les flicsontdébarqué.Jesaisqu’elleavaitprévudepasserquelquesjourschezsonpère,aprèsl’oral,pourtenterdeleconvaincredeparticiperau financementdesesétudesd’infirmière. J’ignorais justequ’elle s’yétaitrésolueaussirapidement.Cen’estpasplusmal,aumoinsellen’étaitpaslà.Enattendant,jemerendsmalade,n’ayantaucunenouvelledeMadie.Sielleaétéincarcérée,jeneme

lepardonneraijamais.Cettesimpleéventualitémefilelagerbe.Bordel,maisqu’est-cequej’aiétécon!Jesavaiscequejerisquais,maisenbonenfoiréinsensé,jen’aipasvouluadmettrequejeluienfaisaisprendre également. Cette putain d’idée ne m’a même pas effleuré. C’est dire si je suis égoïste etarrogant !Bordel,combiendefoism’a-t-ellesuppliéd’arrêtermesconneries?Maisévidemment, j’airefusédel’écouter.Àcetteintenseculpabilitéquimeronge,s’ajoutelefaitquejesuisphysiquementmalade,parcequeje

n’ai rien consommé depuis hiermatin.Mesmembres tremblent tant, que je ne sais plus comment lescontrôler.Jecroisque jepourraisdonnerdeuxansdemaviepourunpétard.Hélas, jen’aimêmepasdroitàuneclope!Putain,c’estlamerde!Leseulmoyenpourmoidesupportercemanque,c’estderepenseràlanuitpasséeavecmagreluche.

Rienquederepasserlefilmdansmatêteetjepourraisjouirdansmonfroc,malgrélescirconstances.Ohbordel,lesouvenirdesoncorpsoffert,deceàquoijemesuisrésolupourelle,parpeurdelaperdre,etleplaisirquej’enairetiré,alorsquej’étaissûrdedétester.C’estquelquechosequejenepourraijamaisoublier,quimemarquerapour lerestedemavie.Quandjevousexpliquaisquecettefemmeétaitmon

miracle!Ilmesemblequenousn’avonsjamaisétésiprochesquecettenuit.Jesuispersuadéquej’auraispu

arrangerleschosesentrenous,parcequ’elleestaussiincapablequemoidecouperlesponts.Avantdem’endormir, jemedisaisqu’il fallait simplementque je lui laissedu temps.Ainsi, aumoinsdurant lapremière année demon cursus àLondres, nous aurions pu nous voir une ou deux fois parmois.Celam’auraitégalementpermisderéglermespropresproblèmes.Une relation en pointillé n’est pas exactement ce que j’avais imaginé à la base, mais jem’y étais

résolu,parcequetoutvalaitmieuxquedelaperdre.Or,mêmesiellem’aimeautantquejel’aime,Madien’a jamais été aussi près deme larguer. Je pense d’ailleurs, avec le recul, que sa décision était déjàprise,quandelleaquittélecommissariat,l’autrematin.Agircommesiderienn’était,luipréparerunrepaspourtenterdel’amadouer,estlaseulechosequi

mesoitvenueàl’esprit.Quandellem’aavouéavoirtrouvélacame,j’aiétéenvahiparlahonteetj’aicompris.C’étaittroppourelle.Aucunefemme,aussiamoureusesoit-elle,nepouvaitensupporterautant.Lavidéodemoninterrogatoirem’avaitdéjàsalementanéanti,etj’aiprisconsciencedeladéception

qu’elleéprouvaitvis-à-visdemoi.Cesderniersmois,nousavonspassédesmomentsincroyables,maisils ont systématiquement été gâchés parmes conneries. Putain,Madie aurait fait n’importe quoi pourm’aideràdécrocher,maisjeluiaitournéledos,pourmieuxm’enfoncerdanslesparadisartificiels.Aujourd’hui,jeréalise,maistroptard,quesanselleplusrienn’adesens.Sijem’ensors,cettefois,

c’estdécidé,j’arrêtetout.Jedemanderaiàmonpèredes’arrangerpourquejepuisseêtreinternédansuncentrededésintoxication,puisjeferaiunethérapie,parcequec’estleseulmoyendesurmonterlamortdeSamy.Unbruitdeclémefaitsursauter.J’espèrequejeneseraipasemmenéensalled’interrogatoire,parce

quejenesuispassûrdepouvoirmarcher,tellementmesjambestremblent.—ElKhouri?Unevisitepourtoi.Jefroncelessourcils,perplexe.Jedoisêtretrèsprochainementdéférédevantunjuge.Pourl’instant,je

suisenpréventive,d’aprèscequem’aexpliquémonavocat.J’ignorecommentMads’yestprise,maisellearéussiàl’avertir,sibienqu’ilétaitprésentdèsladeuxièmeheuredegardeàvue.Seulement, letempsqu’ilperdaitavecmoi,ilnelepassaitpasavecelle.Ilm’ajusteindiquéquel’undesesassociéss’occupait dema femme, et que c’était elle qui avait insisté pour qu’il s’organise ainsi, estimant quej’avaisplusbesoindesesservicesqu’elle.Toutestquestiondepointdevue,carjenesuispasforcémentd’accordavecelle.—Alors?C’estpouraujourd’huioupourdemain?s’agacelegardien.Avecdifficulté, jemelèvepourlesuivre.Jetendslesmainset ilmepasselesmenottes,puisjelui

emboîtelepas.J’ignoreoùnousnousrendons,maisjesupposequejenevaispastarderàledécouvrir.Bonsang,j’ail’impressiondemarchercommeunvieillarddequatre-vingtsans!Lorsquej’arrivedevantlaporte,jen’aiaucuneidéedecequim’attend,aussisuis-jeparticulièrement

étonné d’apercevoir Lounis assis dans cette petite salle sombre. Le maton me retire les braceletsmétalliques,puisseposteàl’entréedelapièce,pendantquejemedirigeverslachaisesurlaquellejemelaissetomber.J’aiconsciencequecemecvaassisterànotreconversation,maisjesuisbienobligédefaireavec,non?Celan’ôterienaufaitquejesuisheureuxetsoulagéquemonfrèresoitlà.—Salut,Lounis.—Nahel,bonsang,qu’est-cequejesuiscontentdetevoir!—Moiaussi,frangin,tun’imaginespasàquelpoint!T’asdesnouvellesdeMadie?C’estlapremièrequestionquimevient.Jesuisdésolé,maisl’inquiétudemerendlittéralementmalade

etilfautqueçacesse.

—Toutvabien,calme-toi.C’estellequim’aprévenu.Elleaétélibéréehieraprès-midi,puisqu’aprèstesaveux,ilaétéclairementétabliqu’elleignoraitlaprésencededroguechezelle.Putain,frangin,t’aspashontedeluiavoirfaituntrucpareil?Tuterendscomptedelamerdedanslaquelletul’asfoutue?—Jesais,admets-je,leslarmesauxyeux.—Maisqu’est-cequit’apris?Jecroyaisquecesconneriesétaientderrièretoi,quegrâceàelletuallaisdel’avant!—Moiaussi, et c’était lecasquandons’estmariés.Mais, toutadérapéànotre retouret,depuis,onpassaitplusdetempsàessayerderecollerlesmorceauxqu’autrechose.—Tuveuxdirequec’étaitfinientrevous?Sonétonnementestperceptibleet,sij’avaislemoindredoute,sesyeuxgrandsouvertsmeconfortent

danslefaitqu’ilestparticulièrementsurprisparmaconfession.—Jamaisde lavie !Madest toutpourmoi, rienn’a changé.Seulement, elle adécouvert ceque j’aiessayéàtoutprixdeluidissimuler.—Oh,jevois.—Etcetenfoirédeflicl’yagrandementaidée,enluimontrantmesantécédents,ainsiqued’autrestrucsquiontbienfoutulamerdeentrenous.—Jesuisdésolépourtoi,mêmesiaufondtupouvaisprévoirqueçafiniraitpararriverunjour.Pourtant,quandelleatéléphonéhier,elleétait trèsinquiète.Jenesaispascommentelles’estdébrouillée,maisdans lavoiturequi l’emmenaitaucommissariat,elleapucontacter tonavocat.C’estpourcette raisonqu’ils’estpointésivite.—Madieestunefillepleinederessources,déclaré-jed’untonemplidefierté.Étrangement,quandBertaudadébarqué,jenemesuisposéaucunequestion.Maisàbienyréfléchir,

commentpouvait-ilêtreaucourantpourmagardeàvue?Saufs’ilavaitétéprévenu.J’auraiségalementdûmedemanderparquelmiracle,ilétaitdéjàaucommissariatàseptheurestrentedumatin.Maisbienévidemment,çanem’amêmepaseffleurél’esprit.Lounis s’agite sur sa chaise, mal à l’aise. Il me cache quelque chose, je m’en rends compte

immédiatement!Maisquoi?Décidéàenavoirlecœurnet,jem’enquiers.—Qu’est-cequisepasse?—C’estpapa,commence-t-il,visiblementgêné.—Quoi,papa?—Quandjel’aiprévenudetesrécentsennuis,ilapétéuncâble.—Commetoujours,soufflé-jeavecagacement.Ilnesaitfairequeça,m’engueuleretcritiquer!Iln’yariendeneufsouslestropiques.—Saufque,cettefois,çavabeaucoupplusloin.Iladécidéquetuavaisdépassélesbornes.Je sensmon sang se figer dansmes veines.Unmauvais pressentimentme submerge, tel un raz-de-

marée.—Ilrefusedefairejouersesrelationsetnepaieranicautionnifraisd’avocats.Enclair,ilterenieetneveutplus jamaisentendreparlerde toi. Jesuisdésolé,Nahel.Enmêmetemps, il t’amenacéplusieursfois.C’étaitcouruqu’undecesquatreilréagiraitcommeça.—Ilmerenie?répété-jed’unevoixblanche.—Oui,confirmemonfrèreenbaissant la tête.Madiem’aditqu’elle feraitunempruntàsabanqueetpuiseraitdansseséconomiespourréglerleshonorairesdetonavocat.Ellet’aimevraiment,tusais…Ànouveau,leslarmesmegagnent.Cesontdespleursderageetd’émotion.Encolère,jelesuis,parce

que, non contents d’avoir bien contribué à me démolir, mes parents se débarrassent purement etsimplementdemoicommeonbalanceraitunpaquetencombrant.D’accord,jeleurenaifaitvoirdetoutes

lescouleurs.Maisàquilafaute?Enm’accusantd’êtreresponsabledelamortdeSamy,ilsm’ontbrisé.Jeréaliseàcetinstantprécisquetoutesmesconneries,c’étaitavanttoutpourlesemmerder,unefaçon

tordueetpastrèssubtiledemevenger.Ainsi,jevoulaisêtreledélinquantdelafamille,histoiredeleurcollerlahontedevantleurssiprécieuxamis.Maintenant, alorsque je suis sur lepointdecroupirpourplusieurs annéesen taule etque jene les

reverraiprobablementjamais,jecomprendsàquelpointjemesuismontréstupide.Franchement,c’étaittellementpuéril.Mêmesipersonnenepeutmejeterlapierred’avoirréagidecettefaçon,iln’enrestepasmoinsquej’auraispudonnerunetournuretrèsdifférenteàmavie,plutôtquedetoutgâcher.Décidément,cesdernièresannées,jen’aifaitqu’accumulerdescasserolesplusnombreuseslesunes

quelesautres.Lepire,danscettehistoire,c’estquejen’aifoutuaucunmembredemafamilledanslamerde, hormis moi… et bien sûr Lounis. Parce qu’il a été le seul à vouloir m’aider vraiment. Mesparents?Tropégoïstes!Ilsm’ontordonnéderejoindremonfranginenFrance,quandj’aicommencéàtropdéconnerà leurgoût,etpuisvoilà…J’aiétéstupideenmemettantainsiendanger, justepour lesatteindre.Onnommeçaunvoyageauboutdel’enfer.Etmonsalauddepaterneln’amêmepasétéfoutudemelefairesavoirdevivevoix,ilafalluqu’il

envoieLounis,commes’ilétaitsonlarbin.Sijepasseau-delàdecettecolère,lesentimentquidomineestl’émotion,etsurtoutlareconnaissance.

Oui,c’estça.Magratitudevaàmonfrèrequin’apashésitéàtoutlaisserenplanpourm’aider,lui!Onnepeutpasdirequec’estlapremièrefoisetjemedemandepourquoiiln’enapasencoremarre.Etpuis,ilyaMadie…ahMadie…quiestlà,enversetcontretout.Jen’aipascessédeluifairedescrasses,dementircommeunarracheurdedents,maisellemesoutientquandmême.—Nahel,déclareLounis,quifroncelessourcilsfaceàmonsilenceprolongé.Jevaispayerlacautionetj’aideraiMadiepourl’avocat.Parcontre,jen’aipaslesrelationsdepapaetjenesaispascombiendetempstudevrasresterici.Jehochelatête,reconnaissant.Ilm’estimpossibledeparler,tellementjesuisangoissé.Entaule,c’est

la jungle, l’enfer.Etentre le faitque jen’ai rienprisdepuisdeux jours,cequime rendphysiquementmalade,etceluideréaliserquejenepourrai,désormais,pluscomptersurmafamille,j’ailemoralautrente-sixièmedessous.—Tiens,murmuremonfrèreenmetendantunpetitsacenpapier.—C’estquoi?—Ilyatroispaquetsdeclopesettontraitement.—Montraitement?Jefroncelessourcils,passûrdecomprendre.Mesyeuxseposentsurlegardienquisemblefascinépar

sontéléphoneportable.Lounisavancesatêteetjel’imite,demanièreàl’entendre.—C’estdudérivédeméthadone,enmoinsfort.Çat’aideraàtenirlecoup.Bertaudestentraindevoircommentonpeuttefairesortirpourquetusoishospitalisé.Ilarendez-vouschezlejugedemain,avantquetunesoisconvoquépourêtreinterrogé.Jeteconseilledecollaborer,pourtonbien.—JenedénoncerainiVinceniFred.—Jecomprends.Étonnamment,cen’estpasaudomiciledeMadiequ’onatrouvéleplusdedrogue.Ilyenavaitmêmeassezpeu,sionconsidèreleursaisiecheztesamis.Jeplisselesyeux.Depuishier,jenecessedemeposerdesquestionsàcesujet.Oùsontpasséslefric,

lestéléphones,etlacamedissimulésdanslatrappedestoilettes?Ilsn’ontmislamainquesurlaréserveplanquéedans le fauxplafond.Le restes’étaitévaporé.Pasbesoind’êtredevin,pourcomprendrequeMadieestàl’originedecettedisparition.Elles’enestdébarrassée.Maisqu’ena-t-ellefait?Etsurtout,quands’enest-elleoccupée?Quandjesuisrentréàl’appartement,toutétaitenordre.Alorsquoi?J’ai

beauchercher,iln’yaqu’uneexplication.Elleafaitplacenettependantquejedormais.Maispourquoia-t-elleagiainsi?Ellenepouvaitpasprévoirqu’uneperquisitionauraitlieusitôtlematin.Oubien?Non,c’estimpossible.Commentaurait-elleétéaucourant?Je me saisis du paquet avec un soulagement intense. Très sincèrement, j’aurais été incapable de

surmonter le manque sans aide, surtout que ces derniers temps, j’ai augmenté ma consommation demanièreexponentielle.—Merci,Lounis.Mercipourtout.—Jesuismédecin,c’étaitfaciledem’enprocurer.J’aidemandéàunami,spécialisteenaddictologie,dem’indiquercequetupouvaisprendre.Laméthadonen’estpasutile,tun’espasaccroauxdroguesdures.C’estpourçaqu’ilm’aproposécesmédocs.Lesmains tremblantes, j’ouvre le sachet et extrais un comprimé de la boîte que je gobe aussi sec.

J’ignoresic’estpurementpsychologiqueetc’estsansdoutelecas,maisj’ail’impressiondemesentirdéjàmieux.—Pasdeblagues,Nahel,tun’enprendsqu’unlematinetunautrelesoir,c’esttout!—Ouais…T’inquiète.Jecroisquej’aienfincompriscertaineschoses.—Dugenre?— Que Madie avait raison et que les paradis artificiels n’aident en rien, si ce n’est à s’enfoncerdavantage.Quandjesortirai…sijesors…jemeferaisoigner.J’iraiendésintoxetceseralabonne.—Situledis…Sonairsceptiquem’agace,maisenmêmetemps,commentluienvouloir?J’aiétéplacéàplusieurs

reprises dans des centres de repos et aucun séjour n’a jamais fonctionné. À peine dehors, jerecommençaisdeplusbelle.Dudernieroù jeme suis retrouvé, enArizona,onm’aviréparceque jeconsommaisdel’ecstasyendouce.Dèslors,n’importequipeutcomprendresaréaction.—Cettefois,j’yarriverai,jeparviendraiàdécrocherdecettemerde.Parcequejesaisquesijenemesoignepas,jeperdraidéfinitivementMadie.C’estunmiraclequ’ellenesoitpasdéjàpartieencourant.—L’amourpeutêtreunpuissantmotivateur.Etjepensequetafemmeenvautvraimentlapeine.—Jelecroisaussi,admets-jeavecunsourirecomplice.—Messieurs,ilfautvousdireaurevoir.L’entretienestterminé,intervientlegardien.—Pourlesmédocs,tun’auraspasd’ennuis?demandé-je,lorsquenoussommesdeboutl’unenfacedel’autre.—Aucun.Bertaudaparlédetesproblèmesdedépendanceaujuge.Ilestd’accordpourquetusuivesuntraitement.Après m’avoir étreint une dernière fois, Lounis s’en va, non sans m’avoir jeté un regard empli

d’inquiétude.Heureusementqu’ilestlà.Jamaisilnem’aabandonné,mêmedansmespiresmoments.Ettoutporteàcroirequec’estégalementlecasdeMadie.Je retourneversmacellule, un sourire apaisé sur les lèvres.Ma femmea été libérée et elleneme

laissepastomber.C’esttoutcequicomptepourl’instant.

29

MadieJe fais les cent pas dans mon salon, attendant que l’avocat me contacte pour m’indiquer quand je

pourrairendrevisiteàNahel.Celavafairecinqjoursqu’ilestenprisonet,d’aprèsMaîtreBertaud,lejugevient de lui notifier son inculpation.Lui, Fred, etVince sont accusés de détention et de vente destupéfiants. Ils risquent jusqu’à dix ans d’enfermement. Cette simple idéem’épouvante, vous vous endoutezbien,maisjerefused’ypenser.Quotidiennement,jem’entretiensavecLounispartéléphone.IlestrepartipourParis,aprèssavisite,

mais il a promis de revenir bientôt. L’ennui, c’est qu’il est super occupé, avec un cabinet à fairefonctionneretnepeutpasse libérercommeil levoudrait,ceque jecomprendsparfaitement.Caroleaessayédepalliersonabsence,maisbienévidemment,surlelongterme,c’estimpossible.Monbeau-frèreetmabelle-sœurmesoutiennentd’unemanièreextraordinaire,mêmes’ilssontloin.Quantànotreavocat,ileffectueuntravailformidable.Leseulhic,c’estqu’ilvafalloirquejelepaie,

parcequelesparentsdeNahelontdécidédecouperdéfinitivementlespontsaveclui.Jetrouveçaraide,mais enmême temps, avec toutes les foisoù il adéconné,onnepeutpas réellement lesblâmer.Celaétant,iln’estpasn’importequi:c’estleurfils.Ilssemblentjustel’avoiroublié.Pourmapart, je nem’imaginepas un instant le laisser tombermaintenant.Nahel n’a plus personne

d’autrequeLounisetmoi.J’aiacceptédel’épouseretderesterprèsdelui,aussibiendanslesmeilleursmomentsquedanslespires.Etsij’étaisfermementdécidéeàlequitter,sonarrestationatoutremisencause, notamment parce que l’idée qu’il soit derrière les barreaux m’est à proprement parlerinsupportable.Jen’aipas revuGregDojonget j’aiétéagréablementsurprisepar l’attitudecompatissantedeLorie

Dejean.C’estellequim’apermisdecontacterBertaud.Heureusementquecedernierm’avaitremissacarteetquecelle-cisetrouvaittoujoursdansmonsacàmain.Àmongrandregret, j’aimanquédeclairvoyance.Aveugléepar la jalousie, jen’aipascomprisque

cettefemmeétaitréglo,danslesensoùelledésapprouvaitlesméthodesdesoncollègueetnepigeaitpasla traquedont jefaisais l’objet.Nousavonsdiscuté longuement,unefoisaucommissariat,et j’aienfinpercuté.Quand elle s’est vantée des prouesses de Nahel, c’était avant tout pourme choquer, parce qu’elle

savaitqu’ilavaitdesennuisàlapelleetquejepaieraisleprixfort,aumomentoùleschosestourneraientmal. Mais, dans le fond, elle n’avait absolument rien contre moi, au contraire. Elle me trouvait trèscourageusedem’accrocherainsi.La sonnette qui résonne à ma porte me fait sursauter violemment. Depuis la perquisition, j’ai un

problèmeavecça.C’était lecas,àmonretour,quandAlexisestvenum’apporterl’enveloppequiétaitdanssaboîteauxlettres,etprendredemesnouvelles.Jo,quim’avaitrécupéréeaucommissariat,étaitentraindem’aideràranger,sibienqu’ilm’aégalementdonnéuncoupdemain.Leurprésenceaétéunréelréconfortpourmoi.Puis,monpropriétaireadébarqué,furieux.Biensûr,ilavaitétéaverti.Ilamenacédemefoutredehors

manumilitari,maisjel’aisuppliédenerienenfaire.Jesaisqu’ilnepeutpasagirainsi,quelepréavisest une obligation légale et qu’il ne cherche qu’àme faire peur.Mais cela nem’a pas empêchée depaniquer.J’aiarguéquejen’avaisrienfaitdemal,puisquej’étaisdéjàderetour.Ilahésitéàmecroiresurparole.C’étaitd’autantplusironique,qu’ilétaitassisàmatable,l’enveloppe,contenantl’argentetles téléphones, posée tout près de lui. Je pense que ce qui l’a convaincu deme donner une dernièrechance, c’est lamanièredontNahel etmoi avons aménagé etmeublé l’appartement. Il est accueillant,propre et douillet, et n’a rien à voir avec le squat qu’il imaginait découvrir. Heureusement que nousavionsterminéderemettredel’ordredanslebazarinnommablequelesflicsavaientlaissé.Deplus,monfrèreenhabitdeséminariste,aproposédeluiaétablirunchèquecorrespondantàunandeloyer,cequiaclairementcalmélegrippe-souqu’ilest.Ducoup,ilestrepartiaveclesourire.Approchantdel’interphone,jem’enquiersdel’identitédemonvisiteur.

—Oui?—C’estSophie.Aussitôt,j’appuiesurleboutonquipermetd’ouvrirlaported’entréeetl’attendsdanslecouloir.Mon

amiesurgitdel’ascenseur,peuaprès,chargéededeuxvalisesetd’unsacdevoyage.Maisquesepasse-t-ilencore?—Salut,So.Viens.Jeladébarrassedesesbagages,quej’entreposedanslevestibule.Est-ellesurledépart?

—Qu’est-cequi t’arrive?demandé-je, tandisqu’elle se laisse tomber sur lecanapéetque jeprendsplacesurlefauteuilenosier.—Madie,jesuisdanslamerde.—Commentça?Jefroncelessourcils,sanscomprendre.Ellen’étaitpasprésentequandlesflicsontdébarqué,ellen’a

parconséquentpaseud’ennuis.—Jenesaispasoùaller.Jesuisàlarue,m’indique-t-elledansunsanglot.Aussitôt,jemeglisseprèsdemonamiepourlaprendredansmesbras,tandisqu’ellepleureàchaudes

larmes.—Explique-moi,lapressé-je,dèsqu’elleretrouveunsemblantdecalme.—TusaisquejemesuisrendueàParispourparleràmonpère.Maintenantquel’oralestpassé,ilfautquejeprévoielefinancementdecestroisansd’études.Jevoulaisluiexposermesprojets,luidirequej’avaisenfintrouvémavoie.—Et?—Au début, j’ai cru qu’il comprenait. Je suismême convaincue qu’il était ému, car je lui rappelaismaman. Mais ensuite, sa copine s’en est mêlée et c’est parti en cacahuète. Il m’a engueulée, enm’expliquant que j’aurais pu m’en rendre compte plus tôt, qu’il n’allait pas continuer à raquerindéfinimentpourmoi.J’étaistellementdégoûtéequej’aipétéuncâble.J’aibalancéàcetteconnassetoutlebienquejepensaisd’elle.Etj’aifaitremarqueràmonpaternelqu’iln’avaitpasfranchementétéruiné,puisquejelogeaisgratuitementchezFreddepuismonarrivéeàStrasbourg.Mêmequandj’airécupérélestudiodeVince,iln’apaseuàpayerleloyer,jebossaisaucinémademanièreàcequ’iln’yaitpasdesurcoût pour lui. Puis, je lui ai rappelé que j’étais là avant cette nana, que j’avais supporté sonautoritarisme démesuré pendant des années sans broncher, et qu’il ne pouvait pas me laisser tombermaintenant.Bref,ill’amalprisetelleaussi.Cettefemmeluiademandédechoisirentreelleetmoi.—MonDieu!m’exclamé-je,saisissantdéjàqueleschosesnes’étaientpasdérouléesenfaveurdemonamie.—Ouais,commetudis.Ilm’amiseà laporteet j’aipassélanuità l’hôtel.Jesuisrestéetrois jours,

parcequejevoulaisréglertouteslesdémarchesadministrativesavantderepartiret,surtout,merecueillirsurla tombedemamère.Tucomprends, jesavaisquejen’yretourneraispasavantlongtemps, j’avaisbesoin de lui faire mes adieux. Et puis, j’ai clôturé mes comptes bancaires, récupéré les quelqueséconomiesquej’avaisencorelà-bas,etj’airenduvisiteauxamisavecquijesuistoujoursencontact.Audébut,cen’étaitpasprévuque j’yséjourneplusdedeux jours,maispourune fois j’aivoulu faire leschosescorrectement.—Tuaseuraison.— Je suis revenue ce matin et, quand j’ai débarqué à l’appartement, il y avait des gens que je neconnaissaispas.Punaise,Mad,jen’airienpigé!Après,jemedoutaisqueçafiniraitpararriverunjouroul’autreetqueFredauraitdesennuis.Leurbusiness,çaallaitvraimenttroploin.Plusieursfois,jeluiaidemandé de laisser tomber, mais il m’expliquait qu’il ne pouvait pas. Que les enjeux étaient tropimportants,surtoutparrapportàleurfournisseur.Quandilm’aannoncéquefinjuintoutseraitterminé,j’aivoulupenserqueleschosess’arrangeraient.Tuavouerasquec’estquandmêmepasdechancequ’ilssesoientfaitchoperjusteavantladernièrelivraison.—Maistuyasparticipé,toiaussi.—JenelefaisaisquepouraiderFredetjen’aijamaisvendudecame.Jesaisquepourtoic’estbonnetblancetblancbonnet,maispourmoic’était important.Réceptionner l’argent,prévenir lesclientsétaitunechose,leurremettreladrogueenétaituneautre,etjen’étaispasprêteàfranchircetteligne,mêmepourFred.Etpuis…j’avaisbesoindefric.—Maistonpère…—Monpaternelm’envoyaitcenteurosparmois, ilm’était impossibledevivreetdepayermonloyeravecsipeu.—Jevois.— Dès que j’ai trouvé ce boulot au cinéma, j’ai pris mes distances et ne les ai plus dépannésqu’occasionnellement.—Quiétaientcesgensdansl’appartementdeFred?Desflics?—Oui.Ilsm’ontexpliquécequis’étaitpassé.J’aiappelélamèredeFred,maisellem’aengueuléeendisant que tout était dema faute et qu’elle exigeait que je quitte les lieux sur-le-champ. D’après lespoliciers,Fredm’acomplètementdisculpée,enprétendantquejen’étaisaucourantderien.Etdefait,commejen’aijamaisvendu,ilsignoraientquej’avaisquelquesfoisprispartàleursmagouilles.Onm’alaisséefairemesvalisesetmevoilàdansunemerdenoire.Jen’ainullepartoùallertantquelesscellésserontposéssurl’appartement.—Ettonancienstudio?—QuandFredm’ademandédevivreaveclui,jel’airendu.Tucomprends,jenepouvaispaspayerleloyer pour un logement où je n’habitais plus, participer aux dépenses de notre couple, et réduiremaquotitédetravailaucinémapourfairelaformation.Tantquej’étaisensocio,c’étaitfacile,jen’avaispasbeaucoupd’heuresàlafac.Maislà,touts’estcompliqué,entrelesstagesetlescours.Jetentedeluisourire,mevoulantrassurante.

—Jesaisdequoituparles,j’aiétédanslamêmesituationquetoi.—Qu’est-cequejevaisdevenirmaintenant?—Tupeuxresterici,tantqu’illefaudra.J’ignorequandNahelsortira,s’ilsort…— Ne t’inquiète pas, avec les relations haut placées de son père, cela ne devrait pas durer trèslongtemps.—Sesparentsl’ontlâché,ilsnel’aiderontpas.—Ettoi?

—Jenepeuxpaslelaissertomber.C’estmonmarietl’hommequej’aime.Quoiqu’ilaitfait,jerefusedeluitournerledosmaintenant.Puis, je lui raconte tout ce qui s’est passé, depuis lemoment oùGregDojongm’a abordée pour la

premièrefoisàlasortiedescours.Àlafindemonrécit,elleémetunsifflement.—Ehbien!Cequejenepigepas,c’estlaraisonpourlaquelleilt’aavertiedelaperquisition.JeluinarrealorsmaconversationavecLorieDejean.

—Cemecestungrandmalade!s’exclame-t-elle,écœurée.—Cen’estpasmoiquivais tecontredire,admets-jeenmelevantpourmedirigervers lacuisine.Tuveuxuncafé?—Volontiers,acceptemonamie.Tandisquejepréparenosboissons,Sophiequittelecanapépourmerejoindre.

—Ilyauntrucquim’intrigue,murmure-t-elle,perduedanssespensées.—Quoi?jem’enquiers,luitendantsatasse.—Ehbien,lesflicsm’ontditqueNahel,Fred,Vinceettoiaviezétéarrêtés.—Etalors?Qu’essaie-t-elledem’expliqueraujuste?

—ValetStephfaisaientpartieintégrantedudispositif.Ilsétaientactifsdanslabande.Pourquoiest-cequejen’entendspasparlerd’eux?Tunetrouvespasçalouche?Jemetaisuninstant,tentantderéfléchiràuneinterprétationplausible.

—Maispeut-êtreont-ilségalementétéarrêtés,saufquenousnelesavonspas.Franchement,çasetient.L’avocataévoquéFredetc’estmoiquiaiposélaquestionausujetdeVince.

Cecidit,jen’airiendemandéconcernantlesdeuxmembresrestantsdelabande,donc…—Mouais.Franchement,j’aidesdoutes.Quandj’aieulamèredeFredautéléphone,elleauniquementfaitmentiondevousquatre.Personned’autre.—Àquoipenses-tuaujuste?interrogé-je,tandisquenousretournonsverslapartiesalon.—Jenesous-entendsrien.Seulement,jetrouveçabizarreetj’aimeraisbiencomprendre.—Maiscomprendrequoi?—Pourquoicesdeux-làn’ontpasétéinquiétés.—Sincèrement,Sophie,jem’enfous.J’aidespréoccupationsbienplusimportantesencemoment.—Vas-turaconteràNahelquetuétaisaucourantpourlaperquisition?Jerougis,malàl’aise,etbaisselenezversmatassedecafé.

—Jesaisquejedevraisluienparler,maisj’aipeurdesaréaction.—Netereprocherien.Sij’avaisétéàtaplace,j’auraisagidemême.Madie,tun’asrienfaitdemal.Cesaletypetetenait.Situétaisunmec,jediraiscarrémentqu’iltetenaitparlescouilles.Àcesmots,jenepeuxm’empêcherdepouffer,maisjeredevienssérieuseaussitôt.

—Jen’arrêtepasdepenserquej’auraispuvoussauver lamise,quesi j’avaiseulecouragedevousexpliquerleschoses,riendetoutcecineseraitarrivé.—Mad ! Il t’aurait balancée, il aurait pourri ta vie et tu aurais eu tous les ennuis.Tu n’avais pas lechoix!C’estd’autantplusinjusteques’ilyenavaitbienunequin’étaitmêléeàrien,c’estbientoi.—N’empêchequejemesenssupermal,So.JeneserairassuréequequandNahelserasortideprison.—Commentva-t-ilfairesisesvieuxlelaissenttomber?—Jepaierai l’avocatavecmeséconomies.Lounisaditqu’il sechargeraitde lacaution.Mais, jenepeuxpasluiendemanderplus.Siçanesuffitpas,j’emprunterail’argentquimemanqueàmesparents.Seulement,jevoisd’icilesermonqu’ilsmepasseront.C’estcon,parcequ’ilsavaientfiniparapprécierNahel.

—Donc,ilsnesontaucourantderien.—Eux,non.MaisJoseph,oui.—Pardon?Onparlebiendetonfranginlecafteur?Jerisànouveau.

—Ilfallaitquej’appelleunproche,unmembredelafamillepourmerécupérer.Tun’étaispaslàetjen’avaispersonned’autreàcontacter.—Commenta-t-ilréagi?—Étonnammentbien.Jenem’attendaispasàça.Ilm’aépargnéles«jet’avaisprévenue»etles« jet’avaisbienditquetoutcelafiniraitmal,maistun’aspasvoulum’écouter». Ilm’a justecherchée,m’adéposéeicietm’ademandédeluiexpliquer,sansrienluicacher.Sophie,j’avaistellementbesoindeparleràquelqu’un,j’étaissipaniquée.Alorsj’aitoutdéballé.—Jesupposequ’ilamalréagi.—Mêmepas.C’étaitbizarrequandj’yrepense.Ilasimplementpousséunsoupirdécouragéetm’aditqu’il serait toujours là pour moi, qu’il avait des économies et qu’il m’aiderait. Puis, lorsque monpropriétaireadébouléenhurlantqu’ilallaitmevirer, justepourmefairepeur,Joaprisleschosesenmain.Legarsétaitfurieux,mêmesijecroyaisavoirréussiàlecalmer.Pourqu’ilnousfichelapaix,monfranginafaitunchèqueéquivalantàunandeloyeretleluiaremis.—Ilaaccepté?—Tuparles!Plutôtdeuxfoisqu’une!C’estunvraiPicsou,cemec.—Maistuauraisputeservirdel’argentquetuavaisretrouvédanslasalledebain.—Quoi?Pasquestion!C’estdufricsale!—Oui,maisc’estdelatunequandmême.—Jeregrette,jen’enveuxpas.Josephm’asortiuneépinedupiedens’assurantquej’aieuntoitsurlatêtepourlesdouzeprochainsmois.J’aipromisdelerembourser,etjeleferaidèsquejepourrai.—Tucroisqu’ilaavertitesparents?—Non, parce qu’ils auraient déjà téléphoné si tel avait été le cas. Enmême temps, ils ont d’autreschosesàpenseravecMariequivientdequitterLionel.Cemaladen’arrêtepasdesepointerchezeuxetdelesmenacer.Jenepeuxpasleurimposermesconneriesenplus,c’estimpossible.Et,tusais,mamanetpapasontadorables,maisilsn’aurontpasletactdeJoseph,ilsnesegênerontpaspourm’enmettrepleinlavue.Etdanslefond,jenepeuxpaslesenblâmer.Cen’estpasfauted’avoirétéprévenue.—Turegrettes?questionneSophie,aprèsuninstantdesilence.—Jeregrettequoi,aujuste?—Del’avoirrencontré,det’êtrelaisséeembarquerdanslabande,toutesnosconneries...Jeréfléchislongtempsavantderépondre,parcequejeveuxêtretotalementhonnêteavecmonamie.

—Jen’ensaisrien.Ouietnon.—Commentça?—Quand je vois le bazarquevous avezmisdansmavie, oui, je trouveque tout était tellementplussimpleavant.Etjesuissifatiguéequejepaieraischerpourretrouvercettetranquillité.—Danscecas,pourquoinon?—Parcequej’aidécouvertcequ’étaitl’amour,levrai.Tusais,jen’auraispaspurêvermeilleuramantpourmapremière fois.Nahela toujoursprivilégiémonbien-êtreavant le sien. Ilm’asoignée lorsquej’étaismalade, s’est occupé demoi quand j’ai voulu intégrer la préparation au concours. C’était despetitstrucscommefairelescourses,leménageoulacuisine,maisj’aipumeconsacrerpleinementàmescours.Etcelienmagiquequ’ilyaentrenous,jesaisquecen’estpascommun.Alors,jesupposequejedoism’estimerchanceused’avoirpulevivreaumoinsunefoisdansmavie.

—Ouais, je vois de quoi tu veux parler, murmure-t-elle en prenantmamain dans la sienne et en laserrant.—Etpuis,jet’airencontrée.Tuesdevenuemameilleureamie.Jesaisquecen’étaitpasfacilepourtoi,quetuavaisleculentredeuxchaisesetquetunepouvaisdéfinitivementrienmedire.Maisjesuissûreaussiquejepourraistedemandern’importequoi,tum’aideraissanshésiter.—C’estexact.—Laréciproqueestvraie,Sophie.Jevaistepermettrederedémarrerdubonpied.Turesterasiciavecmoi,aumoinsjusqu’àcequeNaheletFredsortentdeprison.Nousnoussoutiendronstouteslesdeux.—Oui,Madie.Et…La sonnerie demon portable l’interrompt et jeme précipite vers le comptoir de la cuisine pour le

récupérer.—Oui?—Madeleine?MaîtreBertaudàl’appareil.Jevousappellecommeprévu.J’aid’excellentesnouvelles.—Vraiment?Quandsera-t-illibéré?—Désolée,ellesnesontpassibonnesqueça.J’airéussiàvousobtenirundroitdevisiteconjugal.Cen’étaitpasgagné,étantdonnéquevousn’êtespasofficiellementmariésenFrance.Maisj’aifaitvaloirquevousaviezentamédesdémarchesence sensetquec’était encours.Donc,àpartird’aujourd’hui,vousêtesautoriséeàallerlevoirdeuxfoisparsemaine.—Formidable!Mercibeaucoup.Vousn’imaginezpasàquelpointc’estimportantpourmoi.—Etplusencorepourlui.Votremarisefaitunsangd’encreàvotresujet.Ils’enveutterriblementdesennuisqu’ilvousacausés.Lefaitquesonpèreluiaittournéledosl’aprofondémentaffecté,maisiln’enditrien.JevaistenterdejoindreÉlie,pourleconvaincrederevenirsursadécision.J’espèresimplementqu’ilm’écoutera,parcequesonfilsn’estpasunmauvaisbougre.C’estjusteungaminpaumé.Jedéglutisavecdifficulté,n’aimantpasparticulièrementqu’ilévoqueNahelencestermes,mêmes’il

araison.—Iln’estpasenétatdesupporterqu’onl’écraseplusencore,ilaseulementbesoinqu’onl’aideàs’ensortir.Vous,Madeleine,vousavezcommencéencesensetvousavezouvertlavoie.Mais,mêmesivousêtestoujourslàpourlui,illuifautégalementsesparents.—Sansdoute.—Jeviensdevousenvoyerunmailavecleshorairesdesvisitesetlalistedecequevousêtesautoriséeàluiapporter.Desvêtementspropresetdesaffairesdetoiletteseraientbienvenus.Sivouspouviezmelespréparer,jepasserailesprendrepourlesluiamenerquandj’irailevoir,cetaprès-midi.—Trèsbien,jem’enoccupe.Lorsquejeraccroche,jesuisàlafoisanxieuseetsoulagée.Sophies’approchedemoietmedemande

s’ilyaunproblème.Jeluiexpliquelasituationetellehochelatête,songeuse.—Jen’yavaispaspensé,maisFredestdanslamêmesituation.Jevaisessayerdejoindresonavocat.Parcontre,passûrquej’aieledroitdeluirendrevisite.Jenefaispaspartiedelafamilleetsamèrem’aprise en grippe depuis quemon paternel l’a larguée. Il paraît que c’était la première fois que ça luiarrivait.Lacocufieuseprofessionnelleavaitdescornes !Bref,ellene l’apasaccepté,déjàqu’ellenem’appréciaitpasplusqueçaavant.—EtlepèredeFred?—Jen’aipassescoordonnées.D’aprèscequej’aicrucomprendre,ilestactuellemententournageenIndonésie.Maisjesupposequ’elleadûlecontacter.Et,clairement,luinelaisserapastombersonfils.Sophies’interromptbrusquementetfermelesyeux.

—Qu’est-cequit’arrive?demandé-je,inquiète.

Elle a blêmi et ses doigts tremblent quelque peu. Puis, soudain, comme si elle était assise sur unressort,elleseprécipiteverslasalledebain,justeàtempspourvomir.Lorsqu’ellepeutenfinseredresser,jesuislà,ungantdetoilettehumideàlamain,prêteàl’aider.Avec

unsourirereconnaissant,elleacceptequejel’assiste,letempsqu’elleserincelaboucheetlevisage.—Mapauvre,murmuré-jeavecempathie.Tudoisêtreépuiséepartoutcequivientdetetomberdessus.Tuveuxdormirunpeu?—Siçanet’ennuiepas,chuchote-t-elled’unevoixfaible.—Pasdutout,net’inquiètepas.Jevaisenprofiterpourfairedelaplaceetrangertesaffaires.—Tunebossespasaujourd’hui?—Non.Je ne m’appesantis pas. En effet, le jour où j’ai signé mon contrat, j’ai également demandé à ne

commencerofficiellementqu’unesemaineplustard.Jesavaisalorsqu’ilyauraitcettefouilleetquejedevais me préparer à devoir affronter plusieurs épreuves. Il me semblait qu’avoir du temps étaitnécessaire.Jen’avaisjustepasprévul’étenduedesdégâtsquetoutecettehistoireprovoqueraitdansnosvies.

30

—Rendez-vousdanslesalondethéenbasdechezvousdansunedemi-heure,murmureLorieavantderaccrocher.Justeavantmondépart,ellem’avaitcommuniquésonnumérodetéléphoneportable,medemandantde

la contacter au moindre problème ou si Amoros s’en prenait à moi, et promettant de me donner desnouvelles.Demain,jedoisrendrevisiteàmonmari.Maisavant,jeveuxsavoircequisepasse,j’enaibesoin.Si

Dojongcontinueàmetraquer,jenepourraipasagiràmaguise.J’ensuisvenueàmeméfiercommelapestedecemalade.Peuaprès,jequittel’appartementoùSophiedorttoujours,pourmerendreànotrerendez-vous.Si,au

départ,jedétestaiscetteinspectricedepolice,j’airévisémonopinionàsonsujet.Duranttoutletempsoùj’aiétéengardeàvue,elleaétéplusqueréglo.C’estellequim’apermisdecontacterl’avocat.Lorsquej’arrivesurplace,Lorieestdéjàlà.Aussitôt,jemedirigeverslatableetm’installeenface

d’elle.—VousêtessûrequeDojongnetraînepasdanslesparages?demandé-je,dèsquejesuisassise.—Çam’étonnerait.Ilatropd’ennuisencemoment,réplique-t-elleavecunrirecaustique.—Ahbon?—Ilestgrillé.L’IGSvientd’ouvriruneinstructionàsonsujet.Ilaétéécartédel’enquête,vousn’avezplusrienàcraindre.Jefroncelessourcils,sincèrementsurprise.

—Ilmesemblaitpourtantquecen’étaitpasunmauvaisflic,fais-jeremarquerdoucement.—Cen’estpassacompétencequiestremiseencause,maissesméthodes.Etpuis…Elletournelatêteàdroiteetàgauchepours’assurerqu’aucuneoreilleindiscrètenetraîne.

—Cesontseulementdesbruitsdecouloir,maisj’aientendudirequ’ilétaitenchevilleaveclabanded’Amoros. On a trouvé des sommes élevées en petites coupures chez lui, sans parler des virements.Dojong est un ripou. C’est pour cette raison qu’il s’est acharné sur votre mec et ses amis. Pourqu’Amoros puisse s’approprier lemarché du campus.C’est unemine d’or avec tous les étudiants quiconsommentdeladrogue.Lesliensentreluietcestrafiquantssontvraimentétroits.Tellementétroits,quecesderniersluiversaienttrèsrégulièrementdespots-de-vin,afinqu’ilnes’intéressepasdetropprèsàeuxetfasseleménageàleurplace.—Sijesuisvotreraisonnement,lejouroùilafaitmentiond’unetaupedanssonservice,ilajusteoubliédepréciserquec’étaitdeluiqu’ils’agissait.—Oui.Résultat,iln’estjamaisbonpourunflicdecopineravecdesvoyous,surtoutdecetacabit.Ilseratrèsvraisemblablementviréetarrêté.—Celasignifie-t-ilquel’agressiondontj’aiétévictimeétaituncoupmonté,commevousl’avezévoquéladernièrefois?—C’est trèsprobablement lecas.Remarquez,cen’étaitpasmal joué.Ilvoussauvait,passaitpourunhéros et pouvait facilement vous induire en erreur. Pas con, le gars !Mais vous avouerez que c’étaitsacrément tordu.Et puis, il y a les photos où il vous embrasse qu’on a retrouvées sur sonordinateur,parmidescentainesd’autresdevous.Cemecfaisaitunevéritablefixationsurvous.Carrémentmalsain!

—Vouscroyezqu’ilpeuts’enservircontreNahel?J’aiunetrouilleterriblequequelqu’unlesmontreàmonmari,mêmesijen’airienàmereprocher.Cebaiserétaitforcéetjeluiaicolléunegiflejusteaprès.—Maisilsembleraitquesurlecliché,celan’apparaissepasdemanièreflagrante.C’estsûrques’illesvoyait, El Khouri péterait un câble.Mais sincèrement, il n’y a aucun risque. Dojong n’est pas assezdinguepourcontinueràs’enfoncer.Etpuis,l’ensembledesflicsquiontbossésurcetteenquêteontétédessaisisdudossier.D’autresreprennenttoutàzéro.Jehochela tête,maisaufonddemoisubsisteunrested’inquiétude.Jen’aipas l’intentiond’avouer

monrôledanscettehistoire,quandbienmêmeilaétéinvolontaire.Jeleconnais,Nahelnepourraitpass’empêcherdevouloirjouerlesjusticiersetiln’enestpasquestion.Nousavonsbienassezdeproblèmescommeça.—Pour l’instant,Nahel, Fred etVince ont été déférés devant le juge qui leur a signifié leurmise enexamen. Avec un bon avocat, ils pourront réduire la casse. Après tout, ils n’étaient pas franchementdangereux.LabandeàAmorosestautrementplusnuisible.Sinousavonsdelachanceetquenousjouonsfinement,nouspouvonsespérerleschopergrâceàcettehistoire.JerepensesoudainauxparolesdeSophie.N’est-cepaslemomentd’éclaircirlasituation?

—Unélémentm’interpelle...—Quoidonc?— Il n’y avait pasuniquementVince,Fred, etNahel qui étaient impliquésdans ce trafic.Deux autrespersonnesyétaientégalementmêlées,révélé-jeenomettantvolontairementdementionnermonamie.Ellehaussedessourcilsinterrogateurs.Detouteévidence,personnen’aentenduparlerd’eux.Iln’est

pasquestionquej’évoqueSophie,elleabienassezd’emmerdementsencemoment.EtçamefaitmalaucœurdedénoncerVal,mais iln’en restepasmoinsquec’estenpartieàcausede luiqu’ilsn’ontpasarrêté plus tôt. Après tout, n’a-t-il pas prétendu qu’il n’avait pas assez d’argent pour poursuivre soncursus?—Dequiparlez-vous?J’hésiteàmemettreàtable,sibienqu’elleposesamainsurlamienneetmerassure.

—Jen’aiplusaccèsaudossier.Personnenesauracequevousm’avezdit,çaresteentrenous.—Trèsbien.IlyavaitégalementValentin,celuiqueNahelaagresséenjanvier.Vousdevriezfacilementleretrouver.EtunejeunefemmeprénomméeStéphanie.—Stéphanie?Stéphaniecomment?—J’ignoresonnomdefamille.—Jamaisentenduparler—Si,jesuissûredemoi,jevousassure.Jel’aid’ailleursvuesurlesclichésqueDojongm’amontréspourmeprouverqueNaheldealait.—Àquoiressemble-t-elle?— Très jolie. Cheveux noirs, longs, yeux de biche assez sombres. D’après moi, elle a des originesasiatiques.Lorieplisselefront,puisseredressebrusquement.

—Vousaveztoujourscesphotos?—Euh,oui,m’empressé-jederépondre,toutensortantmontéléphone.Ilmelesavaitenvoyéesparmail.MonmarilesasuppriméessurmonMacBook,maispassurlesmartphone.Etcommelesdeuxnesontpassynchronisés,ellesdoiventencoreyêtre.L’inspectrice se penche versmoi, trépignant d’impatience, pendant que je recherche lemessage en

question.Lorsquejel’aienfintrouvé,j’ouvrelefichierjointetluitendsmoniPhone,pourqu’ellepuisselesregarder.

L’unaprèsl’autre,LorieDejeanexaminelesclichés.QuandellearriveàVal,elleplisselespaupières,mais ne réagit pas. Par contre, dès qu’elle voit Steph, elle sursaute violemment, avant de leverbrutalementlatête.—Ohputain!s’exclame-t-elle.C’estpasvrai!—Quoi?m’exclamé-jeavecstupeur.—Ilfautquejemontreçaàmescollègues.Est-cequejepeuxtransférerlemail?—Oui,biensûr.Maisquesepasse-t-il?—Jedoisd’abordvérifierquelquechose.Maisilsepourraitbienquevousayezsauvélaviedevotremarietdesesdeuxamis.Perplexe,jelaregardes’éloigner.Justeavantdequitterlesalondethé,ellesetourneversmoi.

—Jevousrecontactetrèsvite,dèsquej’aiduneuf.Mercipourtout,Madeleine.Puis,elledisparaîtencoupdevent.Jerécupèremontéléphoneetobservelaphoto.Toutefois,jen’y

voisriendesuspect,nimêmedebizarre.Renonçantàtenterdecomprendrequelquechosequim’échappedetouteévidence,jemelèveàmon

tour,paielesconsommationsetretourneversmonappartement.

31Enmegarantauxabordsdelaprisondel’Elsau,situéeenbanlieuedeStrasbourg,jenepeuxretenirle

frisson d’appréhension qui me parcourt l’échine. C’est ma première visite à Nahel et j’espèresincèrementquetoutsepasserabien.Jesuissiimpatientedelerevoir,dem’assurerqu’ilvabien.Maisqu’ensera-t-ildesaréaction,quandjeluiavoueraiquej’étaisaucourantpourlaperquisitionetquejen’airiendit?Passûrqu’illeprennebien.Aprèsavoirdéclinémonidentitéetmontrémonautorisationainsiquemonpasseport,jesuisemmenée

versunepiècequiressembleauhangard’Ikea,lesimmensesétagèresenmoinsetlesgrillagesenplus.Toutessortesdepersonness’ypressent,tandisquetroisgardiensleurordonnentdesecalmer.Comme je ne comprends pas ce que je suis censée faire, une inconnue, debout près de moi, me

demande.—Premièrevisite?Jepivoteverselle,pourvoiràquiappartientcettevoixdeclopeusedignedecelledeJeanneMoreau.

Àmescôtésse tientune femmed’unequarantained’années.Elleestbelle, sion faitabstractiondesaposturerésignéeetdesonregardtriste.Monhochementdetêteluirépond.—Jenesaispascequejedoisfaire,nioùjedoisaller.—Ici,aucomptoir,lesgardiensvérifientcequiestapportéauxdétenus.Puis,ilsteremettentunnuméro.Quandcelui-ciestappelé,tudoislessuivreàl’endroitqu’ont’indiquepoursubirunefouilleaucorps.—Quoi?m’exclamé-jeaveceffarement.—Pasdepanique,gamine,cesontdesfemmesquis’enchargent.Aprèsça,lesmatonsterendentcequetu as ramenépour tonmec et te fontpatienterdansune salled’attente, le tempsque leprisonnier soitcherchéetqu’unepiècesoitlibre.Iln’yenaquedix,c’estpourçaquec’estlacohue.Lesvisitesdurentexactementvingtminutes,pasunedeplus.Voilà,tusaistout…—Ehbien,çam’atoutl’aird’êtreleparcoursducombattant.—Ouais,onpeutdireça.Tuviensvoirqui?Tonpaterneloutonmec?Cettequestionmedonneenviederire,carilm’estimpossibled’imaginerpapadansunendroitpareil.

Vousavouerezquec’estbienladernièrepersonnequ’onpourraitrencontrerici.Ou,éventuellement,entantquevisiteurdedétenus,etencore!—Monmari,répliqué-je.—Oh,moiaussi,jesuislàpourmonjules.Çafaitdixansquejeviensdeuxfoisparsemaine,etiln’enestqu’àlamoitiédesapeine.Seigneur,jeneveuxsurtoutpassavoircequesonhommeafait.Ahnon,alors!Etc’estàçaqueje

doism’attendrepourlesprochainsmoisoulesprochainesannées?Mince,c’estdéprimantquandmême!—Suis-moi,petite.Jevaisteprésentertoutlemonde.Je lui emboîte le pas, sans mot dire. Et, effectivement, elle semble connaître chaque membre du

personnel,leshélantparleursprénoms,leurclaquantlabise.Waouh!J’ignoraisqu’onpouvaitavoircegenre de relation avec des gardiens pénitentiaires. On dirait une vieille habituée des lieux. C’estcarrémentflippant,entoutcaspourmoi!Auboutdecequimeparaîtuneéternité,jereçoisunchiffreetmelèvequandonm’appelle.Aprèsla

fouille,quimemetausupplice,tellementjesuismalàl’aise,jedoisencorepatienterprèsd’uneheure,

jusqu’àcequ’oncrieenfinmonnuméro.Finalement, legardienme fait signede le suivre.Aprèsun rapideau revoiràMarge,cellequim’a

aidée,jem’avancepourêtreconduiteauprèsdeNahel.—Jemedemandecequ’unejoliepoulettedansvotregenrefaitdansunendroitpareil?Moiaussi,songé-je,moiaussi!Pourtant, je ne réplique pas etmarche le long du couloir, tête baissée. J’essaie de faire totalement

abstractiondecetenvironnementgrisetglauque,desclaquementsetdeshurlementsquej’entendsauloin.Lorsquel’hommes’arrête,jemanquedeluirentrerdedansetm’excuseavecunsouriredésolé,auquel

ilrépondparunclind’œil.Puis,ildéverrouilleuneporteets’effacepourmelaisserpasser,aprèsavoirrapidementexaminéleslieux.J’entreetluijetteunregardétonné,quandilmesuitetfermederrièrelui.

—C’estpeut-êtreunevisiteconjugale,maisvousnepouvezpasresterseuls.Je rougis furieusement à l’idée qu’il puisse épier notre conversation. Punaise, qu’est-ce que c’est

gênant!Lapièceestpetiteetfaiblementéclairée.Etsurtout,elleesttotalementvide,hormisunetableetdeuxchaises.Uninstant, jepanique,medemandantcequisepasse.Mais,quanduneautreportesituéejusteenfacedemois’ouvre,jepousseunsoupirdesoulagement.Unsecondmatoneffectuelamêmedémarche,puislorsquesoncollègueluifaitundiscretsignedetête,

ilrecule.C’estalorsquejevoisNahelseposterdevantluipourqu’illuiretirelesmenottes.MonDieu!Oùestletypearrogantetsûrdeluiquejeconnaissais?Samineesteffroyable.Unebarbed’unesemainerecouvreunepartiedesonvisage,etsesépaulesvoûtéesluirajoutentaumoinsdixansd’âge.Legars,qui se tourne versmoi, n’est pas le DJ fier et séducteur qui se tapait des nanas à la pelle et faisaitfantasmer toutes les autres.Ohnon, devantmoi se tient unhommehagard, qui a visiblement perdudupoidsetdont lesyeuxbrillantsethumides semblentmehurler lahontequ’il éprouveetqu’ilvoudraitcacher.Àmonavis,iln’anifermél’œilnimangédepuisunesemainequ’ilestlàetçamebriselecœur.Commej’aidelapeinepourlui.Aussitôt,jemelèvedelachaiseoùj’avaisprisplace,tandisqu’uneuniquelarmecoulesurmajoue.

Nousrestonsainsi,silencieux,ànousdévorerduregard.—Mad!s’écrie-t-ilenavançantenfin.—Nahel!Jemeprécipiteversluietmejettedanssesbras.Illesserreimmédiatement,s’agrippantàmoicomme

unnaufragéàsabouée,levisagenichédansmoncou,tandisquemesmainsentourentsataille.—Magreluche,tueslà,souffle-t-il,profondémentému.Jesuistellementdésolédetoutlemalquejet’aifait. Je t’aimisedansunepositionhorribleet jen’aurai jamaisassezdu restedemaviepour te faireoublierça,situm’enlaisseslachance.Sesdoigtsplongentdansmescheveux,alorsqueseslèvrescherchentdésespérémentlesmiennes.Dès

qu’ellesseposentsurmoi,j’oubliel’endroitoùjesuis.Pasletempsdenousperdreenpréliminairesetc’estquasimenttoutdesuitequenoslanguessetrouventpours’enroulerfrénétiquementl’uneautourdel’autre.Ilaungoûtdementhequimerappelleceluidesondentifrice.Jesupposequ’ilaétéprévenudemavisiteparsonavocatets’estpréparépourmoi.J’ensuisprofondémenttouchée.—MonDieu,commejet’aimeetcommetumemanques,chuchoté-jetoutcontresabouche.—Tunem’enveuxpas?s’enquiert-il,aprèss’êtreécartéunpeu.Jesourisetlefixedroitdanslesyeux,avantderépondre.

—Sietpasqu’unpeu.Attendsdesortird’iciettuverrascequejevaistepasser!Tudécouvrirascequel’expression«l’enfersurTerre»signifie.Jeteplainsd’avance…Sansdoutesoulagé,Nahelrit,sonfrontcontrelemien.

—J’ensuismalade.Jamaisjen’auraisimaginéqueleschosesfiniraientdecettemanière.J’essaie de m’écarter, pour rejoindre ma place, mais mon mari ne m’en donne pas l’opportunité,

puisqu’ilm’entraîneversl’autrechaiseoùils’installeetmeprendsursesgenoux.—Tuauraispuprévoirpourtant,soufflé-je,unefoisquenoussommesassis.Depuisletempsquejetedisaisqueceflicmetournaitautouretquetutesavaissurveillé,tudevaisbient’attendreàuntrucdecegenre.—En réalité, jepensais sincèrementqu’onpasserait au traversdesmaillesdu filet.Ondevait arrêterdansquelquessemaines!—Nahel,ilsavaientdéjàfouillécheztoi,c’étaitcourud’avancequ’ilsviendraientàmonappartement.Jenecomprendspaspourquoituessiétonné.Entoutcas,tum’asmisdanslamerdeetj’aifaillimefairevirerdemonstudio!Etjeneteparledesautresretombées.Ilfautqueçacesse.Jen’aijamaisétéadepteduchantagenidesultimatums,maistuvasdevoirchoisirunebonnefoispourtoutes.C’estsoitmoi,soitladrogue.Parcequejesuisàboutetjeneveuxplusvivrecommeça.—Jesais,admet-ilàmongrandétonnement.Sesbellesmainssesontglisséessousmonchemisierblancetmecaressent ledos,commepourme

calmer.Et…euh…commentdire,maisçamarcheplutôtbien,puisquejesuisprisedefrissonschaquefoisquesesdoigtsfrôlentmacolonnevertébrale.Nahelrestesilencieuxlongtempsetjecommenceàm’inquiéter,quandilsemetenfinàparler.

—Dèsquejesortirai,jedemanderaiàallerenrehab.J’aibesoind’êtreaidé,jen’yarriveraipastoutseul. Même toi, tu n’y parviendrais pas. Je ne peux pas vivre sans ma greluche adorée, mais tun’accomplispasdemiraclesauxdernièresnouvelles.—Non, c’est vrai, concédé-je avec un petit sourire. Je suppose qu’il faut que tu règles toi-même tesproblèmes,parlebiaisd’unethérapieoupas,c’estàtoidedécider.Quelquesoittonchoix,s’ilvadanslesens«j’arrêtedemedéfoncerlatêteàtourdebras», jeseraiderrièretoipourtesoutenir.Mais,attention,netentepasdem’enfumerunefoisdeplus,parcequ’iln’yaurapasdechancesupplémentaire.Jeregrette,maisjen’aipasenviedeteretrouvermort,dansuncaniveau,commel’aététonami.Jeferaitoutcequiestenmonpouvoirpourt’aideràt’ensortir,maisl’essentieldeladémarchedoitvenirdetoi.—C’estvrai.Pourlapremièrefoisdemavie,jeréaliselesdésastresquej’aiprovoqués,jecomprendsquejerisquedeperdrecellequej’aimepourunesaloperiequifiniraparavoirmapeau.Etc’esthorsdequestion.Àcet instantprécis, jepeuxdirequ’unpoidsdecinquante tonnes se retiredemapoitrine.Lepire,

c’estquejen’avaismêmepasconsciencedevivreavec.Etpourtant…—Commenttucomptesfairepourl’avocat?—Jevaismedébrouiller,net’inquiètepas.Sophieestvenuehabiteràlamaison,enattendant.TuasvuFredetVincerécemment?—Non.Jesaisqu’ilssontici,maislesmatonsdoivents’arrangerpourquejenelescroisepas.Enparlantdegardien,celui-cinous jetteunrapidecoupd’œilet faitsigneàsoncollègue,avantde

déclarer.—Encoredixminutes.—Quoi?Déjà?nepuis-jem’empêcherdem’exclamer.—Ehoui,mapetitedame,ilyenad’autresquiattendentleurtour.Jeresserremapriseautourdelanuquedemonmarietlanceunregardtristeausurveillant.Jesaisbien

quecen’estpasdesafaute,qu’ilnefaitquesonboulot,iln’enrestepasmoinsquejesuiseffondréeàl’idéederepartirenlelaissantderrièremoi.—D’après l’avocat, tupourraséventuellementbénéficierd’unepeineavecsursis,murmuré-jepour le

rassurer.—Etc’estcensémeremonterlemoral?grognemonDJ.Mêmesij’écoped’unsursisouquejebénéficied’unelibertéconditionnelle,jen’auraipasledroitdequitterleterritoirefrançais.Etçamefaitunebellejambe,puisquemonécoleestàLondres!—Net’enfaispas,onvatrouverunesolution.Le sondemavoixn’est pas très convaincant,mais qu’ypuis-je ?Si près dubut,Nahel a pris des

risquesinconsidérés.Résultat:sacarrièreprofessionnelleestpeut-êtrederrièrelui,avantmêmed’avoircommencé.Ànouveau,seslèvresseposentsurlesmiennes.Unefoisdeplus,noussommesdansunétatd’urgence

absolue, saisis d’une fébrilité et d’une frénésie que nous ne pouvons pas brider. Quand il émet ungémissementrauque,jemecrispenéanmoins.Nousnesommespasseulsetiln’estpasquestionquecesdeuxpersonnesserincentl’œilàmesdépens.—Bon, on vous accorde quelquesminutes, mais faites vite les tourtereaux ! lance celui quim’avaitamenéejusqu’ici.Puis, lui et son collègue sortent de la pièce et referment la porte derrière eux.Nahel n’attend pas,

puisqu’ilestentraindedéboutonnermonchemisier.—Nahel!Non!Quesepasse-t-il?—Tuesmafemme,tuesvenuemevoir,ilsnousoctroientunpeud’intimité.—Tuessûr?Mais il neme laisse pas le loisir dem’inquiéter, puisqu’il se remet àm’embrasser fougueusement.

Aussitôt,jemeperdsenlui,déjàlanguissante.—Parcontre,onn’apasletempspourlespréliminaires,susurremoncompagnonàmonoreilleavantdelamordiller.—Pasgrave,jesuisprête!gémis-jetoutcontrelapeaudesoncou.Jesuismêmearchiprête!—Putain,Mad,aide-moi,s’ilteplaît,exigeNaheltandisqu’ilestdésespérémententraind’essayerdedébouclermaceinture.Cettefrénésieetcetteprécipitationprovoquentenmoiunéclatderirequejetentetantbienquemalde

dissimuler.Monmaristoppebrusquementetm’observe,lesyeuxplissés.—Yaquelquechosedemarrant?questionne-t-il,unpeucontrarié.— Oui, nous. Nahel, regarde-nous, fais-je avant de me laisser submerger par un gloussementirrépressible.Quandilserendcomptequenousavonstousdeuxl’aird’adosboutonneuxcoincésdanslesvestiaires

du hall des sports, lui aussi, pouffe, sans pour autant s’arrêter de me dévêtir. Enfin, lorsque je disdéshabiller,jem’entends.Iln’estpasquestionquejememetteàpoil.Onouvrelechemisier,onremontede soutif, on enlève une basket et la chaussette, et on sort une jambe du pantalon.C’est tout. Juste leminimumsyndicalpourfairel’amour.—C’estinjuste,marmonné-jepourmoi-même.—Quoi?veutsavoirNahelquisetrouvemaintenantàgenouxetmeretiremaconverse,alorsquejemetiensdeboutdevantlui.—Vous,lesmecs,vousdéboutonnezvotrefutaletvousêtesprêtsàl’emploi!Tandisquenous,onestobligésdesemettreàpoil.Pourquoi?—Pourpouvoirécarter les jambes, rétorque-t-ilavecunpetit rire.Laprochainefois,neportepasdeculotteetunejupe!Maisbiensûretpuisquoiencore?

—Jepeuxaussimebaladercomplètementnuesituveuxet…Oh!

Monmarivientdeséparermescuissesetseslèvressontvoracemententraindedévorermonsexe.Jelâcheungémissementdepurbien-être,avantdeluifaireremarquer.—Jecroyaisqu’onavaitdit:pasdepréliminaires.—Oui,maisc’estdifférent,murmure-t-ilenseredressantetenmepénétrantd’uneseulepoussée.Jerêvedegardertongoûtdansmaboucheettonodeursurmesdoigtslerestedelajournée.Cesparolesfontrugirlesangdansmoncorps,quisecontracteautourdesonpénis.EtSeigneurDieu,

quec’estbon!—Ah,Mad,jet’aimetant.Jeveuxpassermavieentretesjambes.Sesmouvementss’accélèrentetsefontplusbrutaux.Ils’agitdebaiseniplusnimoins,parcequenous

n’avons pas le tempsd’y aller doucement.Hélas, je ne parviens pas àmedétendre complètement.Levisagetournéverslaporte,jeredoutel’arrivéeinopportunedugardien.Nahels’enaperçoitetsaisitmamâchoiredanssamaingauche,pourmedirigerànouveauverslui.Son

regardseverrouilleaumien,tandisquesonbrasdroitm’attrapeparlataillepourmerapprocherdelui.—Eh,monange,tuesavecmoi.Icietmaintenant,iln’yaquemoi.Sa voix grave et rocailleuse agit surmoi comme un catalyseur, carmon corps se laisse alors aller

contrelesiendanscettedanseendiabléequ’ilm’impose.Assise sur le bord de la table, j’ai les jambes relevées, pendant qu’il est debout entre elles,

m’envahissantdesescoupsdeboutoir.Trèsvite, jeperdstoutenotiondutempsetquandsonpoucesemetàjoueravecmonclitoris,l’orgasmemesubmergeaveclaforced’untsunami.C’estsifort,quej’entrembleetmanquedemecasserlafigure.Dèsqu’ilconstatequejesuissurlepointdejouir,Nahelposesabouchesur lamienne,demanièreàétouffernoscris.Parcequ’à l’instantoù ila sentimonsexesecontracterautourdusien,ils’estimmédiatementlaisséallerenmoi.Lorsque nous revenons à la réalité, c’est-à-dire presque instantanément, il se retire et tombe de

nouveauàgenoux.Salanguelapemavulveetsesdoigtsmepénètrententamantquelquesallers-retours,avantdedisparaîtredéfinitivementdemoncorps.C’étaitsansdoutel’orgasmeleplusrapideetlepluspuissantdel’histoire,maiscen’estpascommesi

nousavionstoutelajournéedevantnous,n’est-cepas?—Qu’est-cequetufais?demandé-je,toutenmeredressantavecdifficultépourmerhabiller.Monmari,quiafiniderefermersonpantalon,mefaitunclind’œiletsouffleàmonoreille,alorsqu’il

estentrainderemettremonsoutifenplaceetdereboutonnermonchemisier.—Jetel’aidit.Jeveuxtonodeursurmoiettongoûtdansmabouche.—Euh,maislà,cen’estpastoutàfaitlecas.Ilyavaitaussitonsperme.—Franchement, jem’enfous.Rienn’aplusd’importanceque toi.Merappelercequenousavonsfaitm’aideraàtenirlecoup.—Situledis…Je passe ma jambe dans mes vêtements avec précipitation et referme le tout. Je viens à peine de

m’asseoirpourremettremaconverse,quelegardientoqueàlaporteetdemande.—Vousêtesvisibles,lestourtereaux?—C’estbon!répliqueNahel,assezfortpourêtreentendudesdeuxmatons.L’instantd’après,ilssontànouveaudanslapièce.

—Ilfautyaller,jeunehomme,faitceluiquin’avaitjusqu’àprésentpasprononcéunmot.Aussitôt,monmariselèveetmeprendlamain.Jesuisrougedehonteetn’osepascroiserleregardde

cesdeuxtypes,persuadéequ’ilsontforcémententendudeschoses.—Jet’airamenéquelquesaffairesetdescigarettes,l’informé-je,tandisquelepremiergardiendéposeunsacprèsdelui.

—Merci,monange.Pourtout.—Jereviendrailundiaprès-midi.Tupensestenirlecoup?—Jedoisvoirlejugedemaindanslajournée,j’espèreavoirduneuf.Puisilattrapemonvisageentresesmainsets’approchepourm’embrasserunedernièrefois,avantde

saisirlesacetderejoindreceluiavecquiilétaitvenu.Eteffectivement,seslèvressontimprégnéesdemonplaisir,commesijel’avaismarqué.Jesaisquedenombreusesfemmesonthorreurdeça,qu’ellestrouventqueleurmecpuedubec,maispasmoi.Aucontraire,j’adorepenserquej’aimarquémonamantdemonempreinte.—Jet’aime,Madie,murmureNahelavantdedisparaître.—Venez,mapetitedame,jevaisvousraccompagner.Jelesuisetnepeuxm’empêcherdeluidemander.

—Pourquoifaites-vousça?—Quoi?—Nouslaisserdel’intimité,sortirdelapièce.Ils’arrêteetpivoteversmoipourcroisermonregard.

—Ce sont des détenus,mais il n’en reste pasmoins que ce sont des hommes. L’incarcération et lesconditions de cet enfermement sont très difficiles à supporter, ils sont dépouillés d’une partie d’eux-mêmes.Surtoutquandcenesontpasdegrandscriminels,commevotremari,maisjustedesgaminsquiontmaltourné.Pouvoirbénéficierdemomentsprivilégiésavecleurcompagnelesaideàtenirlecoup.Sinousn’agissionspasainsi,ilyauraitunpaquetdesuicidésenplus,voussavez…Jecomprendsetjesuisémuejusqu’auxlarmesparl’humanitédontfontpreuvecesemployés.

***Arrivéeàlamaison,jefilesousladoucheetmechange,dumoinslessous-vêtements.Avantd’entrer

danslavoiture,j’aienvoyéuntextoàCarole,pourluidemanderdemecommuniquerlenumérod’Élie.Quandjesuisenfinprête, jeconstatequ’ellem’arenvoyéunSMSavec lescoordonnéesdupèrede

Nahel.ProfitantdufaitqueSophieestabsente,jedécidedelejoindreimmédiatement.Aprèstout,àNewYork,c’estlafindelamatinée.Alorsquejepensequ’ilnerépondrapas,ilfinitpardécrocheràladernièresonnerie.

—ÉlieElKhouri.Jedéglutisavecdifficultéetmelance.

—Bonjour,Élie,c’estMadie.Unlongsilences’ensuit.J’ensuismêmeàmedemanders’iln’apasraccroché.

—Vousêtestoujourslà?—Oui,monenfant.Jet’écoute.—Jereviensd’unevisiteàNaheletjevoulaisvousdonnerdesesnouvelles.—Qu’est-cequitepermetdepenserqueçapeutm’intéresser?Jesecouelatête,outréeparsesmots.

—C’estvotrefils.—Plusmaintenant.—Allons,Élie,nemefaitespascroirequevousneressentezrienpourlui.—Jen’aipasditça.—Parceque,moi,àvotreplace,jeseraismortdehonte.—Pardon?Dequeldroitmeparles-tuainsi?

—Dudroitquesavieseracomplètementgâchéesivousnel’aidezpas.Jefaismapart,jevaislevoir,jemetiensaucourantdel’enquêteetjepaiel’avocat.Mais,vous…Vouspourrieztrèsfacilementlefairesortir.—J’aidonnéunnombreincalculabledefois.—Peut-être.Maislà,c’estdifférent.—Pourquoi?Nahelnechangerajamais!—Croyez-moi,iladéjàchangé.J’aiétéarrêtéeenmêmetempsquelui,maisjesupposequeLounisvousena touchéunmot.Ehbien, le faitdemevoiravec lesmenottesautourdespoignetsaeu l’effetd’unélectrochocsur lui. Ilm’ademandéde luirapporterdesprospectuspourentrerendésintoxicationàsasortie.—Allons,Madie,netelaissepasberner.—Jesaiscequejedis!m’énervé-jedeplusbelle.Naheladéjàchangé.Sivousvousdonniezlapeinedeluirendrevisite,vouspourriezleconstaterparvous-même!—Disdonc,jen’aiaucuneleçondemoraleàrecevoirdetoi!— Pourtant, vous n’êtes pas tout blanc dans cette histoire. Quand on a abandonné son gamin à unadolescent à peine plus âgé pour s’envoyer en l’air tranquillement, qu’on l’a ensuite tenu pourresponsabledelamortdesonfrère,ilmesemblequ’onnelaramènepas.Unlongsilencemerépond.

—Élie,jenevousjugeraijamais,jenesuispaslàpourça.Toutefois,jesaisquecesontcesaccusationsquiontprécipitéladépressiondontilasouffertetdontiln’estjamaisvraimentressorti.Luiavez-vousseulementditquevousregrettiezvospropos,votrefemmeetvous?—Ilneveutpasnousentendre,detoutefaçon.Tropd’eauacoulésouslespontsdepuis.Etpuis,merde,jen’aipasàmejustifierauprèsdetoi!—Samyestmortetc’estdramatique,parcequ’aucunparentnedevraitenterrersonenfant.MaisNahel,lui, est toujours en vie. Si vous l’abandonnez maintenant, vous précipiterez sa fin. Et un jour, on leretrouvera suicidé dans sa cellule. Ce jour-là, vous serez obligé d’organiser les funérailles de votredeuxièmefils,etjenevoudraispasêtreàvotreplacequandleremordsvousrongerajusqu’àl’os.—Commentunejeunefemmeaussifineetdélicatequetoi,peut-ellefairepreuvedetantdecruauté?—Voussavezquej’airaison.Aidez-le,jevousensupplie.—Ettoi,quefais-tuencoreaveclui?—Contrairementàvous,jel’aimetelqu’ilest,avecsesqualitésetsesdéfauts.Jesuiscertainequesouslerebellequisedrogue,secacheungaminperduquiajustebesoinqu’onluimontrelechemin.Etmalgrésesmensonges,malgrétouslesennuisqu’ilm’acausés,jenel’abandonneraijamais.Jesuisdésespéréeparsonsilence,parcequej’ail’impressionfortdésagréabledeparleràunmur.Au

boutd’unmoment,comprenantqu’iln’yarienàattendredelui,jefinisparmurmurerd’unevoixempliedesanglots.—Laisseztomber,Élie,nousnousdébrouilleronssansvous.DepuislamortdeSamy,iln’ajamaispucompter sur votre soutien, autrement que financier, ce dont il se fiche éperdument. Il n’y avait aucuneraisonpourqueçachange,n’est-cepas?Aurevoir.Etsansluidonnerl’opportunitéderépliquer,jeraccroche.Ehbien,maintenant,leschosessontclaires,

ilvafalloirquej’essaiedelesortirdel’enferdanslequelilsetrouveparmespropresmoyens.Soudain,jesongequej’aicomplètementoubliédeluiraconterquejesavaispourlafouilleetcequis’estpasséavecDojong.Tantpis,cen’estpasdramatique,jepeuxbienattendrejusqu’àlundipourlefaire.

32NahelQuandClaude,legardienantillais,entredansmacellulepourmedemanderdelesuivre,jefronceles

sourcils,perplexe.MadieestpasséemevoirhieretjenemerappellepasavoirentenduLounisdirequ’ilvenait. Il a évoqué la semaineprochaine,maispas aujourd’hui.D’ailleurs, si jeneme trompepas, lesamedi,cen’estpaslejourdesvisites.Toutefois, espérant inconsciemmentqu’il s’agit demonpère, je suis le surveillant jusqu’àune salle

dédiéeauxrencontresaveclesavocats.Ensortant,j’entendsmestroiscodétenusrâler,àproposdesmecsquisontfavorisés.Deuxd’entreeuxnesontpasdemauvaisbougres,maisledernierestunhommedangereux.C’estàse

demanderpourquoiilaétéplacéaveclesautres.Etsivousêtesaussicurieuxquedespotsdechambreetquevousaimeriezsavoirpourquelleraisoncesmecssontlà,jenevouslediraipas.Toutsimplement,parcequejel’ignoreetquejem’enfousroyalement.Jeneleuraipourainsidirejamaisadressélaparoleetne répondsque rarementà leursquestions.Lepremier soir, l’und’entreeuxavoulume fairechier,genrepourasseoirsonautorité,maisjel’aichopéaucolbac.Jen’avaisqu’undésir,luiéclaterlagueulepourmedéfouler.— C’est ça, mon pote, go ahead…make my day. Vas-y, provoque-moi bien, comme ça j’aurai unprétextepourtedémolir.Ettun’imaginespasàquelpointj’encrèved’envie.Lamenacequ’ilaluedansmesprunellesadûluidonneràréfléchir,toutcommelesautrestémoinsde

lascèned’ailleurs,cardepuisilsmefoutenttouslapaix.Lorsque j’entredans lapièce, celle-làmêmeoù j’ai retrouvéMadie, j’ai aussitôt unmouvementde

recul.Jetourneledosetfaissigneaugardiendemeramener.Maiscederniers’interposeentrelaporteetmoi.—C’estunflic,tunepeuxpasrefuserdelevoir,mongars.—Ilvous amontré sa carte ? J’ai entendudirequ’il avait étédémisde ses fonctions, chuchoté-je ausurveillant.—Jenepensepasquemescollègueslaluiaientdemandée.Onleconnaîtici,tusais.Onnel’aimepasbeaucoup,maisluirefuserquelquechose.—Ouais,ben,vousauriezdû,parcequec’estunenfoirédepremière.—Vas-yetarrêtedefairedeshistoires.Jerestelà,encasdebesoin.Sijeconstatequ’iloutrepassesesfonctions, je te ramène immédiatement en cellule. Et je demanderai aux autre d’être plus vigilants àl’avenir.Content?Avecunsoupir,jepivoteànouveauetm’installesurunechaiseenfacedeDojong,biendéterminéàne

paslâcherunmot.Envoilàunquejerêveégalementdedémolir.—Alors,ElKhouri,onfaitmoinslefier,maintenantqu’onalesmenottesauxpoignets,hein?Tagueule,connard!Seullesilenceluirépond.Detoutefaçon,jenecomprendspascequ’ilficheici,ilaétédessaiside

l’enquête,c’estBertaudquimel’aapprisavant-hier.Apparemment,iladesemmerdementsjusquepar-

dessuslatête.Bienfaitpoursatroncheàcemalade!—Tuneparlespas?Cen’estpasgrave.Iltesuffitdem’écouter.Ilyaunpointquetuignoresetçamefaitde lapeine,poursuit-ilavecunaircondescendantquimedonneenviede luicollerunebaffepourl’effacer.Çatefaitdelapeine?Maisbiensûr.Etmoncul,c’estdupoulet?

—Jesaisqu’ilyavaitplusdematoscheztoiet,normalement,onauraitdûsaisirdufriccommeçaaétéle cas chez tes comparses. Mais on n’a trouvé qu’une petite quantité de came et rien d’autre. C’estbizarre,parcequequand j’y repense, leschiensont renifléun trucprèsdes toilettes,maisonn’a riendécouvertdanslatrappe.Commentçasefait,hein?Silence.Jerefusedeluiparler,maisjeneperdspasunemiettedesesparoles.Etvousvoulezsavoir

pourquoi,enbonscurieuxquevousêtes?Ehbien,parcequejenecessepasdemeposerexactementlesmêmesquestions.—Moi,jevaisteledire.Etjesuissûrqueçat’intéressera.Pourlapremièrefois,jecroisesonregard.Ilarboreunairsatisfaitquimedonnejusteenviedeluien

collerunesévère.Putain,j’ailesmainsquimedémangent,c’estterrible!

—Tananasavaitqu’oneffectueraituneperquisition.Impossible,jen’ycroispasuneseconde!

—Elle était au courant, parce que c’estmoi qui le lui ai dit, lematin où on l’a arrêtée. Tu te rendscompte,ElKhouri?Tachèrepetiteépouseconnaissaitnosplansetn’enainformépersonne!C’estellequis’estdébarrasséedelacame,maisellenepouvaitpasimaginerqu’ilyenavaitdansleplafond.—Pourquoit’auraisfaitunechosepareille?Quelétaittonintérêtdelaprévenir?— Ah, t’es pas au courant ? Madeleine et moi, nous sommes ensemble. Depuis quelque tempsd’ailleurs…Là, je suis pris d’un rire hystérique.À qui veut-il faire gober une telle énormité, ce crétin ?C’est

incroyablementdrôle!—Tunemecroispas?Onverrasituasencoreenviederigolerquandtuaurasdécouvertça!Ilsortdesphotosd’uneenveloppe,poséesurlatable.Surlapremière,ilssonttousdeuxassissurun

banc,Madieentraindefumeretdediscuteraveclui.Çanemeplaîtpas,maisneprouverien.Quandilretournelaseconde,jemanquedefaireunmalaise.Ilss’embrassentaumilieudelarue.—Ehouais,monpote!jubile-t-il.T’espartiàLondresetjel’aisauvéedesesagresseurs.Debonsamisàmoi,soitditenpassant.Toutétaitorchestréaupoildefionprès,etçaamarché.Ellen’yavuquedufeu!Etbiensûr,elleaétésireconnaissante,qu’ellem’apermisdelabaiserdansvotrelit.Putain,jevaisletuer.Jevousjurequejevaisletuer!Mespoingssonttellementcrispésquelesjointuresdemesdoigtssontblanches.Sijen’aipasvoulu

croireàsesparoles,lesphotos,elles,nemententpas.Madiem’atrahiavecmonpireennemi.—Jenesaispassiellereviendratevoir,maistuserasrassuréd’apprendrequejeprendraibiensoind’elle.Avecmoi,tafemmeseraheureuse,parcequejelatraiteraicommelaprincessequ’elleest.Jamaisellen’auraitdûperdresontempsavecunloserdanstongenre!Alorsquejesuisàdeuxdoigtsdepéteruncâble,Dojongselèveetsedirigeverslaporte.Jepense

que l’éclatmeurtrierqui illuminemonregard luiaclairement faitcomprendreque,dansson intérêt, ilvalaitmieuxqu’ilnerestepas.Etpourunefois,ils’estmontrémoinstaréqued’habitude.—Ah,aufait,jetelaisselesphotosensouvenir.Adieu,monsieurlebad-boy.Etfaisgaffeaumomentdepasserlaporte.Aveclescornesquetuas,turisquesdeteretrouvercoincé!Jemerelèvesibrusquementqu’ilfaitunbondetseprécipiteverslegardien.Cettefois,c’estsûr,je

vaisletuer.Àdeux,ilsmeretiennenttandisquecetteorduresebarreensifflotant.Vumonétat,jesuisplacéàl’isolementpourquelquesheures,letempsdemecalmer.Lorsquejeme

retrouveenfinseul,leslarmessemettentàcouler.Ohnon,c’estpasvrai!Madie,maMadie,m’atrahi.Jenepeuxpasycroire,maisc’estpourtantlavérité.Monpoingfermés’abatavecviolencesurlemur.Unefois,deuxfois,troisfois…jusqu’àcequ’ilsoit

enfléetqueladouleurdevienneinsupportable.Maiscen’estrienauregardduchampderuinesqu’estmoncœur.BordeldeDieu,laTerreestsortiedesonaxeets’estmiseàtourneràl’envers,jenevoispasd’autreexplication.Pourlapremièrefoisdemavie,jeprie,suppliantceuxquisontenhaut,s’ilsexistentvraiment,deme

réveillerdececauchemar.Là,toutdesuite,jevoudraisjustecrever,pourneplusrienressentir,neplusmesentiraussiblesséqu’unebêteàquionatiréuneballeenpleinetête.Durantdelonguesheures,jeresteainsi,prostré,basculantd’avantenarrière,lâchantdesgémissements

d’agonisant,parcequej’ail’impressiondemourirdel’intérieuràpetitfeu.Mamainblesséemelance,mais jem’enfous.Aucontraire,cettedouleurestpresquebienvenue,voiresalvatrice.La ressentirmerappellejustequejenesuispasentraindebrûlerdanslesflammesdel’enfer,maisbeletbienenvie.C’estlaseulechoseàlaquellejemeraccrochedésespérément,pournepassombrerdanslafolie.—Nahel,faitClaudeenentrantdanslapièce.Çayest?Tut’escalmé?Oh,merde,maisqu’est-cequetuasfaitàtamain?s’écrie-t-ilsoudain.Jel’entendsappelerquelqu’undanslecouloir,puissebaisserànouveauversmoipourm’aideràme

relever.—Allezviens,mongars.Jet’emmèneàl’infirmerie.Maisavantça,ilyaquelqu’unquiveutteparlerautéléphone.C’esttonpère.

33

MadieLesoleilbrilleetilfaitparticulièrementbeau.J’enoublieraispresquemesproblèmesetc’estavecun

sourire non dissimulé que je sors de la voiture. Aujourd’hui, je vais revoir mon mari et je meursd’impatiencedeluiannoncerquej’airéussimonconcours,toutcommeSophie.Bizarrement,ellen’apasfranchement partagémon enthousiasme,mais je crois que rien, je dis bien rien, ne saurait ternirmonhumeurguillerette.C’estsansdoute lapremièrebonnenouvelle,depuisdes lustres,et jeneboudepasmonplaisir.Lacohabitationavecmonamies’avèreplus facileque jene l’avais imaginé,carelleest finalement

très agréable.De plus, avec le recul, je réalise qu’un peu de compagnie est ce qu’ilme fallait. Celam’évitedepassermessoiréesàdéprimer.Laseulechosequimepréoccupe,c’estquemacopineest,parmoments,trèsmélancolique.Remarquez,sonmecestentaule,toutcommelemien.Iln’yapasdequoifairelafête.Maisquandmême,jelasenssoucieuseetsouventabsente,commeperduedansunmondeoùellenelaissepersonnes’aventurer.Enmeprésentantdevantlagrandeportedelaprison,jeneressenspluscettepeurquim’avaitsoulevé

lecœur,ladernièrefois.Non,jenesuisqu’impatienceetsourire.Deplus,j’airetenulaleçon.Commeilcommenceàfairechaud,j’aipuvêtirunepetitejupefluidebleu

marineàpois,ainsiqu’unstringempruntéàSo.Elleaeul’airétonnée,maisn’ariendit.Etc’estaussibien,car jemevoyaismalluiexpliquerlesraisonsdemarequête.Untee-shirtblancetdesballerinesnoirescomplètentcettetenue,choisieavecsoin.Aprèsl’examendesaffairesquej’amène,ledépôtdemontéléphoneetdemonsacdansunbac,jeme

soumetsàlafouille,déjàmoinsgênéequelasemainedernière.Pourunpeu,jem’yhabitueraispresque,ce quime semble on ne peut plusmalsain.Clairement, je refuse de devenir une femmede détenu quis’étiole en attendant sonmari. Enmême temps, cette réflexion est carrément absurde, puisqueMaîtreBertaudm’a annoncé hier que la caution de Nahel allait être fixée très prochainement et que Lounismettait sonappartementengagepour lapayer.Oui,monbeau-frèreest justeunhommeextraordinaire.Maisça,jesupposequevousl’aviezdéjàdeviné.Quandenfinonm’appelle,j’avouequejesuispresqueentraindecourirpourdevancerlesurveillant

quiseretientdepouffer.Ungrandsourireauxlèvres,j’entredoncdanslapièceoùestcensém’attendreNahel.Maiscelui-ci

meurtimmédiatement,quandj’avisel’airsombredemonmari.Assisàlatable,ilmefusilleduregard.Quesepasse-t-ilaujuste?J’essaiedemedonnerducourageenmeremémorantquej’avaisdécidédeluiracontertoutel’histoire.Chaquejour,depuisunesemaine,lorsquejesuissousmadouche,jemerépètelediscoursque j’aipréparé. Ilestparfaitementrodéet j’aspire tellementàneplusrien luicacherque jeveuxabsolumenttoutluirévéler,leplusvitepossible.Aprèsavoirlancéuneœilladeperplexeaugardien,quihausselesépaulesavecnonchalance,jetente

dedissimulermapanique. Ilest forcémentarrivéquelquechose !D’ailleurs,qu’a-t-il faitàsamain?Elleestcomplètementbandée.

—Hey,soufflé-je,lorsquejeparviensauniveaudelatable.Aucuneréponse.Merde,c’estencorepirequecequej’imaginais.Jem’assiedssurlachaiseenfacede

lui et posemes doigts sur les siens. Aussitôt, il a un geste de recul, comme si je lui inspirais de larépulsion.Charmant!C’estalorsqu’ilrelèvelatêteetsesyeuxmeclouentlittéralementsurplace.J’ylis lahainelaplus

pure.Sonvisagen’est que crispation et raideur.Deplus enplusperdue, je souffleunboncoupavantd’oserseulementparler.—Çanevapas,Nahel?Ilyaunproblème?—Unproblème?Sonrirehystériquemeglacelesang.Non,maisquelqu’unpourraitmeracontercequisepasse,là?

—Ouais!C’esttoimonproblème!Tentant de conservermon calme par tous lesmoyens, je respire profondément. Il faudra bien qu’il

s’explique,parcequ’ildevientcarrémentinsultantetj’aibeauêtresympa,jesensquemapatienceestentraind’atteindreseslimites.—Toietça!Nahelsortunpapierdelapochearrièredesonjeanetledépliedevantmoi.Quandmesyeuxseposent

surlaphoto,jeblêmis,tandisquemestempessemettentàbourdonneretquemarespirations’accélère.Franchement, c’est un scénario catastrophequi est en trainde sedérouler, celui que jen’ai jamaispuenvisager.JerepenseàmadernièreconversationavecLorie,àcetteinquiétudequimeperturbait,maisdontjen’aipasvoulutenircompte.—Est-cequetusavaispourlaperquisition?s’enquiert-il,avecunegrimacededégoût.Lefaitdeluiinspirercegenredesentimentmetue.J’aimaistellementêtresonpetitange!

—Oui,avoué-je,têtebasse.Maisilm’avaitditque…—Tagueule!s’écriemonmari,mefaisantsursauter.N’essaiepasdem’entuberavecdesexplicationsfumeuses.Tunousastousvendus!—Nahel…—Est-ce que tu l’as embrassé ?Putain, jemedemandepourquoi je pose la question, puisque j’ai lapreuvequeoui!—Nahel,cen’estpascequetucrois!—Alors,ildisaitvraiquandilaprétenduquetuavaisbaiséavecluipourleremercierdet’avoirsauvélamise, faceauxhommesd’Amoros.Ehbien!Tuasbeaucoupchangé…Oùestpassée lapetitecathosageetprudequejeconnaissais?Hein,dis-moi,oùest-elle?demande-t-ilensepenchantversmoi.Ilt’aenculé,luiaussi?Parcequet’aimeça,pasvrai?—Nem’insultepas,s’ilteplaît,lesupplié-jefaiblement.Laméchancetét’égare,tunepensespascequetudis.—Ahouais?Pourtant,tuneméritespasautrechose,SainteMadeleine!Àmesyeux,tun’esriendeplusqu’unetraînéeetjemebouffelesdoigtsdet’avoirépousée.Illèvesamainblessée,commepourétayersespropos.MonDieuquec’estnul!

—Neparlepascommeça,laisse-moit’expliquer!—Ohnon,riendecequetupourrasmediren’effaceraladouleurquejeressensencemoment.Lepire,dansceputaindepsychodrame,c’estquejerefusedet’écouter,parcequejen’auraisqu’uneenvie,c’estdecroireauramassisdemensongesquetuvasmesortir.Etça,pasquestion!Tuasfricoté,tufricotessansdouteencoreavecl’ennemi.Alorsnon,désolé,maisjeneveuxplusrienavoiràfaireavectoi.Des larmes amères roulent maintenant sur mes joues. Mon Dieu, mais comment en sommes-nous

arrivéslà?Cen’estpaspossible.Notrerelationnedoitpasseterminerdecettemanière.Jamais.Nous

deux,c’étaitpourtoujours,pasvrai?—Tu peux pleurer tant qu’il te plaira, ça nem’attendrit pas.Au contraire, je n’éprouve plus que duméprispourtoi.Tun’esmêmepasfoutued’assumerteschoix!Commepourmeprotéger, jeme tassesurmachaise.Sesparolessontautantde lamesqu’ilenfonce

sanspitiédansmoncœur.—Pourtant, qu’est-ce que j’ai pu t’aimer…à en devenir totalement fou.C’était quoi ton plan ?T’estombée amoureuse de lui ? Tu as eu envie de te venger, parce que j’aimenti ? C’est pour ça que turefusaisdebaiseravecmoi?Etcesdouleurs,ellesétaient imaginaires?Putain, jemesuis fait roulercommeunbleu!Cettefois,çasuffit,j’enaiassezd’êtretraitéecommeunemerde,pourpasunrondenplus.Jen’airien

faitdemalet,s’ilmelaissaitluiexpliquerleschoses,ilcomprendraitquejedisvrai.—Maisarrête!explosé-jesoudainement.Marébellionlesurprendassezpourl’obligeràsetaire,cequiestdéjàuncadeauensoi.

—C’estcommeçaquetum’aimesetquetuasconfianceenmoi?Tuasdit,l’autrenuit,quetuavaislacertitudequemessentimentspourtoisontréels,maisdèsqu’unconnardteracontedeshorreurs, tulesgobesettumetraitesdetouslesnoms!C’estnormal,ça?Sansmêmetenircomptedemesprotestations,Nahelselèveetmetourneledospoursedirigerversla

porte.Justeavantdepasserdevantlegardien,ilpivoteuneultimefoisversmoietlanceavecdédain.

—Tusaisquoi?J’aipasenviedet’écouter,parcequej’enaiplusrienàfoutre.J’enaifiniavectoietjeneveuxplusjamaistevoir.Puis,ilquittelapièce,melaissanttétaniséesurmachaise.Lesurveillants’approcheet,meprenantpar

lesépaules,m’obligeàluiprêterattention.—Venez,mademoiselle,lavisiteestterminée.

34Voilàseptjoursquejen’aipasvumonmari.Depuiscettescèneterribleoùilm’amontrélaphotoque

lui avait trèsprobablement remisece fou furieuxdeDojong.Ah, iln’apas intérêt à croiserma route,celui-là,parcequejesuiscapabledeletuerdemesmains,tellementj’ailahaine.Contrairementàlasemainedernière,jenepeuxretenirunsoupird’appréhensionenpénétrantdansles

locauxdelaprison.Celaétant,aprèscequis’estpassé,n’importequiseraitdanslemêmeétatquemoi.J’espèrejustequelacolèredeNahelestretombéeetqu’ilaccepteradem’écouter.Vraiment,nousdeux,çanepeutpasseterminerdecettefaçon,c’estimpossible.Après le dépôt demes affaires, je n’ai rien apporté aujourd’hui, et la fouille réglementaire, jeme

retrouvedansladeuxièmesalled’attenteentraindepatienter,lapeurauventre.Autourdemoi,ilyadesfemmesetdeshommesquiparaissentheureuxd’êtrelà.Lesurveillant,lemêmequeladernièrefois,Claude,mesemble-t-il,s’approchedemoi,l’airgêné.

—Jesuisdésolé,jeunefille,maisilrefusedevousvoir.Àcesmots,jerougisfurieusement,terriblementchoquée.

—Commentça,ilneveutpasmevoir?Ma voix est tremblante et je lutte avec difficulté pour retenir mes larmes. Il faut croire que non

seulementilestencoreenpétard,maisqu’enplusilpensaitvraimentcequ’ildisait.—Quandonluiaannoncévotrevisite,ilarefusédequitterlacellule.Jesuisdésolé.Personnenepeutl’obligeràaccepter.— Seigneur, mais que puis-je faire pour qu’il m’écoute ? je m’enquiers, en me mettant à pleurerdoucement.—Peut-êtrepourriez-vousluiécrire?Envoilàunebonneidée!

—Sivousvoulez,jevousapportedupapier,unstylo,etuneenveloppe,propose-t-ilgentiment.—D’accord.Aprèsm’êtremouchéeet tamponnélesyeux, jemesaisisdublocetdufeutrequel’hommemetend,

avecunsourirederemerciement.Puis,jecommenceàrédiger.«MoncherNahel,Jecomprendstacolère,maisjet’assurequetutetrompesàmonsujet.Cequiesttriste,c’estque

j’aigiflécethommepouravoirosémevolerunbaiserquejenedésiraispas.Depuisdesmois,ilmesuit,metraque,attendantlemoindrefauxpaspourt’atteindre.J’aieupeurdet’enparler,parcequejenevoulaissurtoutpasquetut’enprennesàlui.Paspourleprotéger,loindemoicetteidée,maisjusteparceque,malgrélefaitqu’ilsoitcomplètementdétraqué,iln’enrestepasmoinsunflic,etjenevoulaispasquetuaiesdesennuis.Alors,oui,jesavaispourlaperquisition.Maisjenepouvaisriendire,parcequ’ilm’avaitmenacée

devousraconterquej’étaisdemècheaveclui,quej’avaistoutcaftéetdemejeterenprisonsijevousprévenais,tesamisettoi.MonDieu,situsavaiscommej’aieuenviedetoutteraconter,cederniersoir,maisjenepouvais

pas.Sijel’avaisfait,c’estmoiquiseraisàtaplaceencellule.Etj’aibeaut’aimerplusquen’importe

qui aumonde, je refuse de me sacrifier pour tes conneries. Alors, j’ai pensé à ma famille, à monavenir,etaufaitquetun’avaisjamaisvouluarrêterdedealer,malgrémessupplications.Oh,jenetereprocherien,cequiestfaitestfaitetonnepeutpasrevenirenarrière.Maisaveclerecul,j’agiraisprobablementdifféremment.Enfin,lesait-onjamais…Toutcequejetedemande,c’estd’accepterdemevoiretdemelaisserparler.Tuneserasmêmepas

obligé de me faire la conversation, je m’en chargerai. Je te raconterai tout depuis le début et tucomprendrasalorsquenousavonstousdeuxétémanipulés.Au nom de ce que nous avons vécu, de l’amour que je te porte et, même si tu nem’aimes plus,

j’estimequej’ailedroitdem’expliquer.Jet’embrasse.Madie…»Jemelèvepourrejoindrelesurveillantquivientderevenir.

—Voussavez,onestobligésdelirelecourrier.Sansunmot,jeluiremetslepapier.Enretour,ilmedonneuneenveloppesurlaquellejemarqueles

nometprénomdemonmari.Auboutdequelquesinstants, ilmerendla lettre,enfaisantunsignedetêtequisignifiequetoutest

OK.Jelaglisseensuitedansl’enveloppequejereferme,avantdelaluitendre.Ilynoteunnuméro,celuidesacellule,trèsvraisemblablement.—Jelaluiremettraienmainpropreaumomentdelapromenade,nevousinquiétezpas.—Merci,monsieur,murmuré-jeavecgratitude.—Claude.—Merci,Claude.Àlasemaineprochaine.—Vouscomptezrevenir?s’enquiert-ilavecétonnement.—Oui,confirmé-je,trèssûredemoi.Lasemaineprochaineetlessuivantes.—Ets’ilneveuttoujourspasvousvoir?—Alors,jeluiécriraijusqu’àcequ’ilchanged’avis.Je repars et quitte l’enceinte de la prison, le pas lourd.Toutefois, je suis pleine d’espoir.De toute

façon,quandilnevousresteplusriend’autre,espéreresttoutcequ’onpeutfaire.Lorsquej’arrivechezmoi,unemigrained’enfermevrillelestempes.Aussi,dèsquej’entredansmon

studio,jemedirigeverslelitpourm’affalerdessus.J’aibossécematinetceciestsansdouteliéàcela.En cemoment, je nedors pas beaucoup, je nemangepas plus.Y a pas à dire,mais je crois que j’aivraimenttouchélefond.

35Celavafaireplusdetroissemainesquejemerendsàlaprison,envain.Nahelrefusetoujoursdeme

voir. Jene saismêmepas s’il litmes lettres.Parceque,bienévidemment, je lui écris chaque fois, lesuppliant d’accepter deme rencontrer.Mais jusqu’à présent, ça n’a pas vraiment fonctionné. Le seulavantage à la situation, si encore on peut décrire cela ainsi, c’est que je commence à connaître lepersonnelcarcéral.Ilsm’appellentmaintenantparmonprénometjepeuxleurdemanderdesnouvellesdeNahel.Ilsembleraitqu’ilsesoitcomplètementrenfermésurlui-mêmeetneparleplusguèreàpersonne.Déjàqu’iln’étaitpasfranchementbavardavant!Demoncôté,jefaiscommesiriendetoutcecin’avaiteulieu,enallanttouslesjoursàmontravail,en

m’occupantdemacolocetenprenantsoindesaffairesdemonmari.Danscetteoptique,j’aivoulumerendre à son appartement, pour récupérer certains de ses effets personnels et faire leménage,mais lepanneauàvendrem’aquelquepeurefroidie.Sanscompterquejen’aipaspuentrer,puisquelesserruresavaientétéchangées.Lasemainedernière,j’aiessayédecontacterMaîtreBertaud,maisquandilareconnumavoix,ils’est

excuséetaraccroché.IlyadeschosesbizarresquisetramentautourdeNahel,maisjenecomprendspaslesquelles.Alors,jerestedesheuresassise,àréfléchiretàm’incriminer,persuadéequetoutcedésastreestdema

faute.Biensûr,c’estluiquidealaitetsedroguait.Pourtantjemesenshorriblementcoupable.J’auraisdûluiparlerdeDojong,c’estévident.Etjeneparlepasdecettehorriblefrustrationquinemequitteplus.Ilétaitprêtàsefairesoigner,prêtàrenonceràsesparadisartificiels.Nousétionssiprochesdubut…Toutemavie,j’aiessayédefairelebienautourdemoiet,sansmevanter,jemeplaisàpenserquej’y

suissouventparvenue.Saufavecl’hommequej’aime.Ceconstatd’échecestterribleetjen’enpeuxplusdemefairetantdereproches.Siçanes’arrêtepastrèsvite,jevaisfinirpardevenircomplètementfolle.QuandSophierevientduboulot,ilestpresquevingtheures.Ellecontinueàtravailleraucinéma,tandis

quemoi,jetaffeàl’hôpitalenattendantlarentréedeseptembre.—Désolée,murmuré-jed’unaircontrit.Jen’aipaspréparéàmanger.—Pasgrave,j’aipasfaimdetoutefaçon.—So,ilfautquetutenourrisses,tumaigrisàvued’œil.Tuesalléechezlemédecinpourcevirus?Cen’estpasnormalquetusoisaussisouventmalade,déclaré-je,songeuse.Cesdernierstemps,monamien’estplusquel’ombred’elle-même.Elledoitavoirperduaumoinscinq

kilosetnedortquetrèspeu.Satêtefaitpeuràvoiret,mêmemoiquisuisdansunsaleétat,jen’arrivepas à rivaliser en matière de cernes. Si elle continue à broyer du noir la semaine prochaine, jel’emmèneraipourunweek-endàRochesson,histoirequemamanlagaveunboncoup.Monamieselaissechoirsurlachaiseenfacedemoietmedévisaged’unairincrédule,avantderire

aveccynisme.—Mad,iln’yaquetoiàn’avoirpasencorecompris!—Comprisquoi?Lasurprisedoitseliresurmonvisageetj’aibeauchercheràcôtédequoij’aipupasser,jenetrouve

pas.—Jesuisenceinte.

—Quoi?Cettefois,lesyeuxmesortentdesorbitesetmamâchoiredoitêtretombéeparterre.Commentest-ce

possible?—Mais,mais,mais…Dequoi?—Tuastrèsbienentendu.Jesuisenceinte.—DeFred?—Etdequi?s’énerve-t-ellesoudain.DuPape?DuSaint-Esprit?Auxdernièresnouvelles,jenesuispaslaSainteVierge!—Paslapeinedet’exciter,jesuissûrequecen’estpasbonpourlebébé!—Madie,stop!souffle-t-elle.Iln’yapasdebébé.—Ahpardon,rectifié-je,situesenceinte,ilyaforcémentunbébé!—Sans doute,mais j’ai pris rendez-vous dans une clinique.Dans deux semaines, il n’y aura plus degrossesse.Alors, arrête d’en parler comme s’il s’agissait d’une personne.Ce n’est rien d’autre qu’unharicot.—Excuse-moid’évoquerça,maisvousnevousêtespasprotégésavecFred?—Si,presquetoutletemps!—Presque?Jenesuispassubitementaniméed’unecuriositémalsaine,maisiln’enrestepasmoinsquej’aimerais

biencomprendrecommentelleapusemettredansunesituationaussidélicate.—Unefois,Mad.Ons’estenvoyésenl’airsousladoucheetonaoublié.Putain,uneseuleetuniquefois,et ilfautquejemeretrouvedansunemerdepareille.Franchement, jesuisvernie!C’estvrai,voilàlegenredetrucquinet’arriveraitjamais.—Maismoi,j’aiunimplantcontraceptifdanslebras.—Tuveuxdirequevousbaisiezsanscapotes?Ehbien,t’esconfiantetoi!—Nahels’estfaitdépisteretjen’avaisjamaiseud’amantavantlui,doncpourlesMST,c’étaitréglé.Concernantlereste,jesuissoustraitement.Jesouffred’uneendométriose.Alors,tuvois,effectivement,cegenred’accidentn’auraitpaspum’arriver,maispourdesraisonstotalementdifférentesdecellesquetu imagines. L’un des risques majeurs de l’endométriose est la stérilité. Donc, à ta place, je ne melamenterais pas trop, parce que si j’avais la chance d’être enceinte, je remercierais tous les jours leSeigneurpourcecadeau.Sophiem’observe,effarée.

—Tuplaisantes,j’espère!Unmômeàvingtans,c’estjusteunebellesourced’emmerdements,surtoutpour qui est fauché et je le suis !Nemeparle pas de chance ou de cadeau, c’est seulement la bouseintégrale.Jesuisdésoléepourtoi,maisvulatournuredesrécentsévénements,soiscertainequec’estuneaubainedenepasteretrouverdanscettesituation.—C’estunequestiondepointdevueettum’excuserasdenepaspartagerletien.Fredest-ilaucourant?Aussitôt,sesyeuxs’emplissentdelarmesetellerenifleavantderépondre.

—Ouais,c’estçalepire.Quandj’aieudesdoutes,avantdefaireletest,jeluienaiparlé.C’étaitàmadeuxièmevisiteenprison.—Commenta-t-ilréagi?—Maletc’estriendeledire.Ilm’ahurlédessus,m’abalancéqu’iln’avaitpasdetempsàperdreavecunmoutard,etcertainementpas lemien.Enclair, lescoucheset lesbiberonsledébectentauplushautpoint.Ilm’amêmedemandéquiétaitlepère.—C’étaitinsultantpourtoi,j’enconviens.Maisilapeut-êtrechangéd’avis,non?J’aimeraisquecesoitlecas,carl’attitudedel’amideNahelestterriblepourSophie.

—Àlavisitesuivante,ilarefusédem’embrasseretdemetoucher.Ilm’aordonnéd’avorter.—Commentas-turéagi?Je soupçonne déjà qu’avec son fort caractère, Sophie n’a pas dû se laisser faire. Elle hausse les

épaulesavecnonchalance.— Tume connais. Je l’ai engueulé et lui ai fait remarquer que ce n’était pas à lui deme dictermaconduite.—Et?—Ehbien,ilaabrégénotrerencontre,furax,etdepuisilrefusedemevoir.—Ahtiens,çameditquelquechose!nepuis-jem’empêcherdem’exclamer.—Commentça?—Naheln’accepteplusmesvisites.—Hein!Pourquelleraison?—Ceseraittroplongàt’expliquer,maispourfairecourt,ilestpersuadéquejel’aitrahiavecDojong,quejel’aitrompéaveclui.—Maisilaperdulatête,maparole!Ilfautàtoutprixquetuluidiseslavérité.—J’aiessayé,Sophie,chuchoté-jeaveclassitude.J’aivraimentessayé,maisiln’arienvouluentendre.Jeluiaiécrit,maiscelanesemblepasfonctionnermieux.Ilrefusetoujoursdemerencontrer.—Depuiscombiendetemps?—Depuisplusdetroissemaines.Leslarmesenvahissentmesyeux.Cesontdespleursdecolèreetdedéceptionmêlées.Jen’enpeux

plus de tout tenter et d’être ainsi rejetée par l’homme que j’aime. Ilmemanque tant ! C’est presquedevenuinsupportable.Nousrestonsunlongmomentsilencieuses,ruminantchacunel’échecdenotrehistoired’amour.Aubout

decequimesembleuneéternité,Sophierelèvelatêteet,leregardbrillantd’excitation,s’écrie.—J’aiunplan!—Pardon?LesplansdeSophie,jem’enméfiecommedelapeste.Ilssont,leplussouvent,franchementfoireux.

—Auxprochainesvisites,nousironsensemble.JediraiquejeveuxvoirNahelettuferasdemêmepourFred.Etauderniermoment,quandilfaudraentrerdanslessalles,nousintervertirons.—Lesgardiensnenouslaisserontpasfaire,tenté-jedeprotester.—Si,àconditionquenousrestionstouteslesdeux.Ilsnousdemanderontdelessuivreenmêmetemps.C’estvrai,certainsjours,quandl’affluenceesttropimportante,lesmatonsemmènentlesvisiteursdeux

pardeuxetiln’yenaqu’unpoursurveillerchaquepièce.Lecœurbattantetaniméed’unespoirquejeneparvienspasàmaîtriser,jesouris.

—D’accord,ontentelecoup.Plustard,danslasoirée,Sophiem’expliquequ’elleveutrevoirFredpours’assurerquel’avortement

estbiencequ’ilsouhaite.Ellerefusedeprendrelerisquedes’entendrereprochersonacte,parlasuite.Mêmesijenepartagepassonopinion,jerespectesadécision.Aprèstout,c’estsavie,paslamienne.

36Nous arrivons dans l’enceinte de la prison,munies de nos autorisations respectives. Pour l’instant,

mêmesiNahelrefuseobstinémentdemevoir,personnen’aremissavaliditéencause.C’estégalementlecaspourSophie.Toutefois,aumomentdedéposernosaffaires,commec’estlaprocédure,l’undessurveillantsfronce

lessourcilsetnousdemandedepatienter.Il revient, quelques minutes plus tard, alors que nous nous regardons toutes les deux, persuadées

d’avoirétédémasquéesettentantvainementdecomprendrecommentc’estpossible.—Jesuisdésolé,mesdemoiselles,lanceungardienquis’appellePierre.Vousnepouvezpaslesvoir.Aussitôt,Sophies’agaceavecsontempéramentderâleuse.

—Etonpeutsavoirpourquoi?Çafaitdesheuresquenouspoireautons,iln’yaaucuneraison!—Toutsimplement,parcequecesdétenusnesontplusici.J’ouvredegrandsyeuxsurpris,lebecclouéparcetterévélation.

—Commentça,ilsnesontpluslà?s’enquiertSo,unenotedepaniquedanslavoix.—Ilsontététransféréshier.—Où?Pierreconsulteleregistre,avantd’indiquer.

—Àl’étranger.ElKhouriaétéextradéauxÉtats-UnisetSorelenIrlande.Jenepeuxpasvousendireplus.Sonnées,commesinousavionslivréuncombatdeboxe,nouscommençonsànouséloignerlentement,

brasdessusbrasdessous,pournoussoutenirmutuellement.—Madeleine!s’exclameunevoixquej’identifiecommecelledeClaude,l’undesmatons.Jepivotesurmoi-mêmeetlevoisapprocheravecuneboîteàchaussures.

—Nahelm’achargédevousremettrececi,indique-t-ilenmelatendant.Jerécupèrel’objetetquitteleslocaux,sansunmot.J’enoubliemêmedeleremercier.Lorsquenous

arrivonsprèsdel’Audi,jeposelaboîtesurlecapotetensoulèvelecouvercle.En découvrant ce qu’elle contient, je ne contrôle plus aucune de mes réactions, tellement je suis

dévastée.À l’intérieur se trouvent toutes les lettres que je lui ai écrites. Il n’en a ouverte aucune. Etmaintenant, toutestterminé.Ilnereviendrajamais.Ilm’ajusteabandonnée,aprèsavoirsemélechaosdansmavie,etl’avoirdépourvuedetoutsens.Hagarde,jemelaissetomberàgenouxetéclateensanglots,pliéeendeux.Cesontlesgémissements

d’unefemmecruellementblesséeetjen’arrivepasàm’arrêter.Sophiesembleprendrelapleinemesuredecequivientdesepasserets’agenouilleàcôtédemoi.—Madie,machérie,necraquepas.Pasmaintenant, souffle-t-elle, les larmesauxyeux. J’ai tellementbesoindetoi,tunepeuxpasmelaissertomber.Maisjenel’entendspas,totalementperduedansmonmonde,enferméedansmabulledesouffranceet

incapabledebouger.Alors,monamiem’attrapesouslesaissellespourtenterdemerelever.Aprèstroisessaisinfructueux,

elle finit par réussir àme traîner jusqu’au côtépassageroù elle ouvre la porte etm’installe avecunedouceurpeucommunepourquilaconnaît.Rapidement,ellefaitletourduvéhiculeets’assied,avantde

démarrer.Duranttoutletrajet,jenesuisquecrisesdelarmesetcrisdedouleur.Sophienecessedemejeterdes

regardsinquiets,toutennousconduisantverslestudioquenouspartageonsdésormais.Lestroisjourssuivants,jenesorspasdemonlit.Monamieprévientl’hôpitalquejesuissouffranteet

leurdemandedemepermettredebénéficierdecongéssanssolde.Laresponsable tique,maisfinitparaccepter,carc’esttoujoursmieuxqu’unarrêtmaladie.Sophies’occupedemoicommeelleleferaitavecun enfant, douce et tendre.Elleme nourrit,me lave le visage,me berce dans ses bras et ne cesse demurmurerdesparolesréconfortantes.Àl’aubeduquatrièmejour,jereviensàlaréalité.Oh,n’allezpascroirequeladouleuradisparu,elle

estlàetbiendécidéeàresterenplace.Maisellenem’empêcheplusderespirer,deparler,oudepenser.Jeparviens,cejour-là,àmelever,àprendreunedoucheetàm’alimenterpresquenormalement.Maislàencore,toutmeparaîtinsurmontable,tropcompliqué,tropdifficile.Envérité,jesuisdansunétatlarvairequejen’aijamaisconnu,commevidéedetoutesmesforces.Le

lendemain,çavaunpeumieuxet, lesurlendemain, jem’obligeàsortirpourfairequelquescourses.Àmonretour,jemesensunpeuragaillardie.Mavienes’estpasarrêtée.C’estalorsquejeréalisequeSoestaumoinsaussitraumatiséequemoi,maisadécidédefairepassersapeineaprèslamienne.Parcequejecomprendssonchagrin,jemesured’autantmieuxsonsacrifice.Cesoir-là,jeparviensenfinàluidemandercommentelleva.

— Pas génial, admet-elle. C’est dans deux semaines que je dois avorter et je redoute cet instant, tun’imaginesmêmepas!—Maistun’espasobligéed’agirainsi,situn’enaspasenvie.Sophie,jet’aiderai,situveuxgardercebébé.Nouspourrionsnousenoccupertouteslesdeux.—Oh,Madie, redescends sur terre !On est fauchées, on est étudiantes et on ignore de quoi sera faitdemain.C’estimpossible,tulesaisbien.—Tuaimesdéjàcetenfant,pasvrai?soufflé-jeavecémotion.Ellesemetàpleurerdoucement.

—Oui,pourmonplusgrandmalheur.Jemeprendssouventàrêverque je legarde,qu’il ressembleracommedeuxgouttesd’eauàsonpèreetqu’unjourFredreviendra.—C’estbeau,acquiescé-je.Danscecas,pourquoinepastenterlecoup?—Mad,lavied’unenfantestenjeu.Onnepeutpasjustetenterlecoup!Tuterendscompte?Commentferions-nouss’ilétaitlà?Tunousvois,àtrois,entassésdanstonstudio?—Évidemment,ceseraitcompliqué,maisjesuiscertainequenouspourrionsyarriver.Enréalité,jesuispresqueentraindelasupplierdenepasavorter.Sielleacceptaitdegarderlebébé,

j’auraisunpetitêtre fragileàaimeret je saisqueçamepermettraitd’oubliermaproprepeine.Mais,hélas,lechoixnem’appartientpasetmonamiesembleavoirdéjàprissadécision.

37Noussommestranquillementinstalléessurlecanapé,entraindelire,encedébutdesoirée.Demain,

Sophiedoitserendreàlacliniqueetj’aidécidédel’yaccompagner.Monamienevapasbien.Pasbiendutout.Elletentetantbienquemaldedissimulerlemal-êtrequilaronge,maisjesaisqu’ellevittrèsmallasituation.Etn’importequi,àsaplace,réagiraitdecettemanière.Pourmapart,çanevapastrèsfortnonplus.Jeremontelapentedoucement,maisc’esthorriblement

difficileetjenesuispassûred’avoirlesépaulesassezsolidespourparveniràpasseràautrechose.Monproblème, je le connais : je n’arrive pas à faire le deuil demon histoire avec Nahel. Et je ne peuxm’empêcher d’espérer encore et toujours qu’unmatin, il débarquera à lamaison, pétri de remords, etenfinprêtàm’écouter.Mais,bienévidemment,toutcecin’estqu’unrêveetilvafalloirquej’accepteladureréalité,unjour

oul’autre.Nahelafaitunecroixdéfinitivesurnous,toutcommeFredl’afaitsursarelationavecSophie.Sij’éprouveuneintensecolèreàl’égarddeceluiquiesttoujoursmonmari,cen’estrienauregarddelafureur qui me submerge, chaque fois que je pense à son pote. Mon Dieu, mais comment a-t-il puabandonnerSophiequil’aimaittant,aumomentoùelleavaitleplusbesoindelui?Quand la sonnerie résonne,nous sursautons toutes lesdeux.C’estdevenu tellement inhabituel.Nous

noussommesrenferméessurnous-mêmes,nouscoupantdenosanciennesrelations,pournouscomplaireentoutetranquillitédansnotrechagrin.Sanspouvoirretenirmoncœurquiafaitunbond,jemedirigeverslaporteetdécrochel’interphone.

—Madie?C’estVal.L’intense déception qui m’envahit me met en rogne, un peu plus. À vrai dire, ces derniers temps,

hormis la peine, c’est le seul sentiment qui a pu franchir toutes mes barrières. Oh oui, j’en veuxterriblementàNaheld’avoirrefusédem’écouter.Lorsquejepenseàtouteslesfoisoùilm’ademandéunechancesupplémentaire,où ilm’asuppliédepardonner,c’estàenperdre lecompte.Etquand il afallumerendrelapareille,ilm’enaprivée,puiss’estenfuicommeunlâche,sansunadieu,nimêmeunregard en arrière. Et je dois continuer à vivre avec des remords pleins la tête de n’avoir pas pum’expliquer.—Jet’ouvre.Enreconnaissantlavoixdenotrevisiteur,Sophies’estlevéepourmerejoindre.

—Pasunmotàproposdubébé,souffle-t-elleenpointantsonindexdansmadirection.—Dis,pourquimeprends-tu?râlé-je,outréequ’ellepuissepensercelademoi.Monamien’apasletempsderépondre,puisquenousentendonslespasdeValdanslecouloir.Quand

il me voit, au moment où j’ouvre la porte, celui que je considérais comme un excellent copain seprécipitepourmeserrerdanssesbras.Avecgêne,jemedécaleetlelaisseentrer.Jenesuispasencoreprête pour les contacts, quels qu’ils soient et d’où qu’ils proviennent. Il n’y a qu’avec Jo, qui vientsouvent nous rendre visite, que je n’ai pas de mouvement de recul. Mais après tout, c’est normal,puisqu’ils’agitdemonfrangin.Aprèsluiavoirpréparéunetassedecafé,nousnousinstallonssurlecanapéetattendonsqu’ilparle.Je

pensequ’aufond,nousespérons toutes lesdeuxdesnouvellesdeNaheletdeFred,mêmesic’estpeuprobablequ’ilenait.

—Commentallez-vous?finit-ilpardemander,lorsquelesilencedevientinsupportable.—Pasterrible,toutcommetoi,jesuppose,répliqueaussitôtSoquin’apasenviequ’ils’attardesurnousetencoremoinssurelle.—Ouais,cesontdebeauxenfoirés.Vincearefusétoutesmesvisites.Ilsnousontlaisséstombercommedesmerdes!Jenepeuxqueconfirmer.Ilad’ailleursplutôtbienrésumélasituation.C’estcourt,pastrèsélégant,

maisçaalemérited’êtreclair.—Commentsefait-ilquetun’aiespasétéarrêté?s’enquiertsoudainmacolocataire.Aussitôt,jepivoteversValpourl’observerattentivement.Ilrougitfurieusement.

—C’estvraiça,poursuit-elle,Vince,FredetNahelsesontretrouvésentaule.MêmeMadieaétéplacéeengardeàvue.MaisnitoiniStephn’avezétéinquiétés.Commentc’estpossible,ça?Hein?—Je…je…—C’estpourcetteraisonquetut’esprislechouavecVince,alorsquevousétiezcommedesfrères?Ilavaitcompris?Valsecontented’acquiescer,trophonteuxpourparler.

— Tu ne crois pas qu’il faudrait que tu nous racontes deux ou trois trucs sans importance ? Genre,pourquoituasdonnétespotesetdétruitleurvie,alorsquetuétaisceluiquiinsistaitpournerienarrêteravantfinjuin?Jesursautefurieusement,àcesmots.Punaise,c’estquoicettehistoire?DepuisletempsqueSoetmoi

essayonsde trouveruneexplication rationnelle, sans jamaisyêtreparvenues, je commençais àpensersérieusementqu’iln’yenavaittoutsimplementpas.Or,toutporteàcroirequeceluiquenousprenionspournotreamiétaitaucœurdecetteintrigue.Aprèss’êtreraclélagorge,Valdemande.

—Qui,ici,pourraitm’indiquerlenomdefamilledeStéphanie?Jefroncelessourcils,fouillantdansmamémoire,maisjesuisbienincapablederépondre.

—Aucuneidée,lancé-je.—Steph?—C’estDejou,mesemble-t-il,ouuntruccommeça.—Mouais…Vousn’avezjamaisréellementcherchéàsavoir…—Enréalité,jeneconnaisquelespatronymesdeSo,FredetNahel.Pourlereste…J’ignoremêmeletien!mejustifié-je,unpeucontrite.—IlsenommeValentinHertz,intervientSophietranquillement.—ExactetStephs’appelleStéphanieDojong.Çateditquelquechose,Mad?Toutmon corps s’est figé à cette révélation. C’est pas vrai !Mais pourquoi n’y ai-je pas pensé ?

Mince !Gregoryme paraissait familier,mais je ne pigeais pas pourquoi et je n’ai jamais réellementcreusélesujet.—GregDojong,leflic,soufflé-jeavecdifficulté.—Exactement.C’estsonfrère.—QUOI?Macolocvientdebondirdesonsiège,follederage,etcommejelacomprends.Jesuisdanslemême

état.Nousnoussommestousfaitroulerdanslafarineparcettenanaetsonconnarddefrangin.—Calme-toi,So.Laisse-moit’expliquerdepuisledébut,protesteVal,deplusenplusmalàl’aise.Elleobtempère,dévoréeparlacuriosité.

—Tutesouviens,quandRosieaétéarrêtée?—Ohoui,commentpourrais-jeoubliercettesalope?

—Ehbien,ellen’apasquebalancéNahel,elleaégalementvendutouslesautresmembresdelabande,sauftoi.—Pourquelleraison?demandé-je.—Sonetraînaitpassouventavecnous.Ellenousfilaituncoupdemain,maisc’étaitjustedetempsentemps. Et personne n’était au courant de ce qu’elle faisait pour nous, puisqu’en règle générale, ellerecevait lescommandespartextoetnouslestransféraitpourqu’onlestraite.Sonrôleétait trèslimité,finalement.Letruc,c’estqueRosieaétéarrêtéeparGreg.Quandilacomprisquesasœuretsoncousinétaient impliqués, il s’est arrangé pour que nous n’apparaissions sur aucun procès-verbal. Puis, il estvenunousvoiretaexigéquenousdénoncionslerestedelabande.Onarefusé,maisilabienfalluqu’onluidonneunosàronger.Alors,onajusteconfirméqueNaheletFredsecamaient.Riendeplus,jetelejure.Maisjesupposequec’étaitdéjàtroptard.—Cen’estpaspossible!Justeavecça,iln’avaitriencontreeux!s’empressederétorquerSophie.—C’estvrai.ToutachangéquandNaheletMadsontrevenusdesÉtats-Unis.Stephétaitfollederagequ’ilssesoientmariés.Depuisdesmois,elleattendaitqu’illaremarque,qu’illeurdonneunesecondechance.Mais il passait son temps à se taper tout ce qui bougeait et la considérait presque comme unmeuble.Puis,Madestarrivée…Moiaussi,jel’avaismauvaise,maispaspourlesmêmesraisons.J’aitoujourseulebéguinpourtoi,tulesais,Madie.J’étaissûrqu’ilallaittefaireatrocementsouffrir.C’étaitcertainqu’unjouroul’autre,tufiniraispartoutdécouvrir.Etçamerendaitmaladed’imaginertonchagrinàcemoment-là.Tunecroispassibiendire!

—Etensuite?—Stephvoulaitsevengerdevous.C’estellequiaappelésonfrère,lorsqueNahelm’aéclatélatroncheaurestaurantuniversitaire.QuandGregacomprisl’importancequetuavaispourlui,ilasuqu’ilpourraittireravantagedelasituation.Tuétaiscommeunchiffonrougequ’onagitesouslesnaseauxd’unbovidé.Etletaureau,c’étaitlui.Crois-moi,tun’avaisaucunmoyendeluiéchapper.Tuesdevenuecommeuneobsessionpourmoncousinet,aufildutemps,jemesuisrenducomptequ’ilenpinçaitsalementpourtoi.Àsesyeux,tureprésentaisunvraidéfi,parcequetonmecétaitl’hommeàabattre.—Sincèrement,ilaungrain,cetype,nepuis-jem’empêcherdefaireremarquer.—Ben, je ne sais pas. Je le connaismal,mais le peu que j’en ai vum’a donné l’impression demetrouverfaceàunsociopathe,admetVal.—Ahnon!Jenesuispasd’accord,intervientimmédiatementmacoloc.Lesociopatheestimpulsif,c’estcequi ledifférencied’ailleursdupsychopathequi, lui,organisechacunedesesactions.Donc,non,cen’est pas un sociopathe, mais bel et bien un psychopathe. Il a monté un plan en béton et tout étaitparfaitementréfléchi,d’aprèscequem’aracontéMadie.—T’espsy,toi,maintenant?s’enquiertnotrevisiteur,étonnéparsespropos.— Certainement pas. Mais je te rappelle que mon père est kiné et que j’ai vécu avec uneneurochirurgiennependanttroisans.Donc,excuse-moi,maiscesconversationsétaientcourantes,quandilsrecevaientleurspotestoubibs.—Oh!murmuré-je,surpriseparcetaspectdesapersonnalitéquej’ignorais.Je sais quemon amie est intelligente,mais qu’elle s’intéresse aux déviances de l’esprit humain est

assezétonnantpourquiconnaîtsoncaractèrecashetpragmatique.—Bref,Stephadécouvertdesphotosdetoipartoutchezsonfrèreetelleapigécequisepassait.Jefrissonnederépulsionetdepeurrétrospectivement.J’étaislaproiedecefoudangereux,sacible.

C’estunmiraclequ’ilnemesoitrienarrivédeterrible.—Etlà,elleaexplosé.Pourelle,tureprésentaisl’ennemiesuprême.Tuavaisréussiàtefaireépouser

parlemecqu’elleconvoitaitdepuisuneéternitéetsonfranginétaitégalementmordu.—Ques’est-ilpasséalors?—Ellel’amenacédeledénoncerauprèsdesessupérieurs,s’ilneréagissaitpas.Danslemêmelapsdetemps, Greg a compris qu’il n’y avait rien à attendre de toi, quemalgré tout ce qu’il avait fait pouraccablerNahel,tucontinuaisàt’accrocheràluicommeunehuîtreàsonrocher.Jenesaispas,maist’asdûsacrémentlerembarrer,parcequec’estpaslegenredemecqu’ondécouragefacilement.—Euh…ouais,onpeutdireça,soufflé-jeavecgêne.—Bref,ilavoulufoutresamerde,alorsiladécidéd’effectuerunesériedeperquisitions.Ladateétaitconvenue,parceStephl’avaitinforméquenousavionseuunelivraisonquelquesjoursplustôt.—Mais,toi,t’étaisaucourant?Lamouequ’affectemonamieprouveàquelpointcequ’ilvientdeluiapprendreladébecteet jene

suispasloindepartagersonétatd’esprit.—Pasdutout!s’exclameVal,outréparcettesupposition.T’esconneouquoi?—Oh,passurcetonavecmoi!pesteSoavechargne.—Jenelesavaispas!Jevousjurequec’estvrai.Cettehistoires’estjouéeentreStephetsonfrangin!Elle s’est tenue à carreau pendant un certain temps, pour réintégrer la bande. Mais il y a quelquessemaines,elleacraquéetarévéléàNahelqu’elleétaittoujoursfolledelui.Ill’aenvoyéechiercommeunemerde,sanss’énerver,maistrèsindifférent.D’aprèscequej’aientendu,illuiasimplementditques’il avaitpartagéses sentimentsàunmomentouàunautre, c’estàellequ’il auraitpassé labagueaudoigt. Or, jamais cela ne lui est venu à l’esprit. Il lui a demandé d’en tirer les conclusions quis’imposaient.Quandelleacomprisquec’étaitplié,quejamaisplusilnereviendraitverselle,StephestalléetrouverGreg.—C’étaitquand?—Lelendemaindel’enregistrement.Jenedevraispasmesentirtouchéeparcetteconfidence,parcequ’aufinal,ilm’aégalementquittée.

Maismoncœurnepeuts’empêcherdebattreplusviteà l’idéequ’il luiaitclairementfaitsavoirqu’ilétaitavecmoietquepersonned’autrenecomptaitàsesyeux.—Mad,Nahelétaitfoudetoi,etbiendéterminéàréglervosproblèmesdecouple.Maiscen’étaitpasfacilepourlui,vuqu’ilavaitleculentredeuxchaises.Cesmotssontautantdegouttesd’acideverséessurmaplaiebéante.S’ilvoulaittellementqu’onpuisse

êtreheureuxensemble,pourquoisuis-jeseulemaintenant?—Continue,lepresseSophie,bienrésolueàfairedévierlecoursdeladiscussion,quandelleserendcomptedelatronchequejetire.—Aprèsça,moi,jenelesaiplusrevus,niStephniGreg.Parcontre,jesavaisqu’ilsetramaituntrucpasnet.Jenepeuxpastedirepourquoi,maisjepensequec’étaitliéàuneconversationquej’aieueavecun mec qui bosse pour Amoros. Il m’a répliqué « Un de ces quatre, votre petite bande va êtreschlinguée.Leplusmarrant,c’estqu’onn’auramêmepasbesoindes’occuperdevotrecas,quelqu’unlefaitpournous.Etc’estlégalenplus!».Ilétaitpliéderire.Justeaumomentdepartir,ilaajouté«ily a un ver dans la pomme, qui la bouffe de l’intérieur ». Ce débile se croyait spirituel et un peuphilosophe.C’étaitsimplementunconfini.Parcontre,moi,j’aitoutdesuitecomprisàquoi,ouplutôtàqui,ilfaisaitréférence.—Pourquoin’as-turienditauxautres?—Maisjen’avaispasdepreuves!Etpuis…—Etpuisquoi?l’encouragé-jed’unevoixdouce.—Jesavaisquesilesgarsapprenaientquemoncousinétaitflic,ilsmevireraientdelabande.Etjene

supportaispascetteidée.—Maisenfin,s’indigneSo,tunemeferaspascroirequeVincel’ignorait!Vousêtespotesdepuislesbacsàsable.—Ladernièrefoisqu’ilavuGreg,celui-ciétaitencoreétudiantenlicencededroit.Jen’enaijamaisparlé.D’ailleurs,onnepeutpasdirequej’étaisencontactrégulieraveclui,cen’étaitpaslecasdutout.—Maistuaseupeurqu’ilsnelepensent.—C’étaitcourud’avance!Leschosessesontemballéeslaveilledeleurarrestation.Stephestvenueentrombechezmoi,etm’aordonnédeluidonnerlacameetlefric.J’aid’abordrefusé,maisj’aifiniparluiremettrelematos.Latune,parcontre,ellepouvaitsebrosser!Ensebarrant,ellem’aaffirméquejelaremercieraislelendemain.Jenesavaispascequiallaitarriver.Ilsontdébarquéàsixheures,maisilsn’ont rien trouvé. L’argent était planqué dansma cafetière. Enmême temps, ce n’est pas comme s’ilsavaient vraiment cherché. Ils ont un peu foutu le bordel pour faire comme si, et puis ils sont repartiscommeilsétaientvenus.—EtlafouillechezSteph?—Yenapaseu!Ellevitchezsesparentsetsonpèreestgendarme. Iln’a jamaisétéquestiondeserendre là-bas. Tout était planifié. Greg n’a juste pas prévu que ses supérieurs lui reprocheraient sesméthodes,plutôtquedeleféliciter.C’estunpeuunmecquiseprendpourunjusticier,genrel’inspecteurHarry,sivousvoyezlestyle…—OùestStephmaintenant?Quejefasselapeauàcettesalope!hurlemonamie,horsd’elle.—J’ensaisriendutout.Ilparaîtqu’elleestpartieàLyon,maisjen’ensuispassûretjeneveuxsurtoutplusavoiraffaireàelle.—Pourquoies-tulà,Val?Cettequestion,jemelaposedepuisqu’ilestarrivé.Biensûr,jesuissouslechocdesesrévélations,

maisjenemetspassaparoleendoute.—SivousêtesencoreencontactavecFredouNahel,j’aimeraisquevousleurfassiezpasserlemessage,expliquez-leurquejen’ysuispourrien.JenesupportepasqueVincepuissepenserçademoi!—Tunelesaspasrevusdepuisleurarrestation?J’aibeaucoupdemalàycroire.

—Non.J’airenduvisiteunefoisàVince,maisçanes’estpasbienterminé,commejevousl’aiexpliqué.Lesdeuxautresontpurementet simplement refusédemerecevoir.Alors?Vousm’aiderezàentrerencontactavecmonpote,dites?Somejetteunregarddésolé,avantdel’informerdenotresituation.

—Nousn’avonsaucuneidéedel’endroitoùilssont.Tusais,çafaisaitunbailqu’onnelesavaitpasvus.—Ahbon?Pourquoi?—Pareilquetoi,ilsontrefusénosvisites.—Cen’estpaspossible,vousétiezleursmeufs!—Ehbien,si.C’estmalheureusementcequis’estpassé.Nousrestonsencorequelquesinstantsàparlerdetoutetderien,puisValdécidedepartir.Ilprétend

avoir rendez-vous avec un ami. Pour ma part, je suis sceptique. Parce que, si j’ai été d’une naïvetéconfondante avecNahel, je suismaintenant beaucoup plus aguerrie, et j’ai remarqué les changementsphysiquesquisesontopéréssurlui.Ilamaigri,estd’unepâleurcadavérique,etsesyeuxsontinjectésdesangalorsqu’ilnesentpasl’alcool.Ilyauntruclouche,j’ensuiscertaine.Surlepasdelaporte,jenepeuxm’empêcherdeleprendrelamainetdemurmurer.

—Val, tun’espasseul.Noussommes làpour toi.Necommetspasdesactesque tupourrais regretterensuite.Jet’ensupplie,nefaispasdeconnerie.

—Pourmoi,ilestdéjàtroptard,chuchote-t-il,aprèsavoirdéposéunebisesurmonpoignet.—Non,iln’estjamaistroptard!—Onavaitdesrêvesencommun.Ondevaitmonterungroupedemusique,visiterlemonde.Aufinal,ilssontpartisetjemeretrouveunefoisdeplustoutseul,commequandmesparentsm’ontrenié.Etçafaitmal,tusais.—Mais,moi,jenet’abandonneraijamais,Val!TupourrastoujourscomptersurtacopineMad.—J’ensuisconscient,maisçanemesuffitpas.Surcesparolessibyllines,ils’enva,sansunregardenarrière.Pourquoiai-jelesentimentdéprimant

que je ne le reverrai plus jamais ? Il faut croire que le« syndrome de l’abandon » n’a pas fait quetouchernotreami.Moiaussi,j’ensuisatteinte,j’aimêmecarrémentlenezplongédedans.

***Danslasalled’attente,jesurprendsleregardtristedeSophiefixésurmoi.Aujourd’hui,c’estlegrand

jour, enfin sionpeutparler ainsi.Biendécidéeà soutenirmacolocataire sans flancher, jene l’aipaslâchéed’unesemelledepuiscematin.Etnousvoilà,assisesdanscettepièceanonyme,àpatienterjusqu’àcequemonamiesefasseavorter.Quelestleconquiaprétenduquelorsqu’onatteignaitlefond,onnepouvaitqueremonter?Ehbien,qu’ilfermesagrandebouche,parcequejesaispourlevivrequequandontouchelefond,onpeutcreuserencore.Sesyeuxbrillantsdelarmesmerendentmalade.Finalement,jeluirépètecequej’aidéjàdithiersoir

etcematin.—Sophie,machérie,tun’espasobligéedelefaire.—Si,jen’aipaslechoix.—Maisnouspourrionsélevercetenfant,jeseraiavectoipourt’aider.—Enfin,Mad,regarde-nous.Nousavonsàpeinevingtans,et,encore,pastoi.Noussommessansfric,sans diplômes et complètement seules. Comment veux-tu que nous fassions ? Je regrette, je refuse degâchertavie.Jesaisqueparloyautéturesterasavecmoiletempsqu’ilfaudra,maisjenepeuxpastedemanderuntelsacrifice.—Elleestdéjàfoutue,aucasoùtuneseraispasaucourant.—Nedispasça,c’estfaux.Tuasjustebesoindeteremettre.—Pasdutout.Leseulhommequej’aimeraijamaisestpartisansunregardenarrière.Iln’amêmepasprislapeinedem’écouter.—Unjour,turencontrerasquelqu’undebienquiauraconsciencedelafilleextraordinairequetues.—Surtoutpas!Pasquestionderetomberamoureuse,jerefusedesouffrirànouveau.—SophieDemange?appelleunefemmeenblouse,ausourireavenant.—Oui,c’estmoi.—Veuillezmesuivre,s’ilvousplaît.Nousnouslevonstouteslesdeuxetluiemboîtonslepas,maindanslamain.Arrivéesdevantuneporte,

j’attrapelebrasdemonamie.—So,tun’espasobligéedefaireça.—Jen’aipaslechoix.

38

TroismoisplustardEnfinunegrassemat !Encettedeuxièmequinzainedumoisd’août, j’aidécidédeprofiterd’unede

mes rares journées de repos. Dodo ce matin, et piscine en Allemagne cet aprèm. Ouais, un peu dedivertissement et d’insouciance me rappelleront juste que je viens d’avoir vingt ans, moi qui ail’impressiond’enavoirquarante,laplupartdutemps.JesongeàNahelquejen’aipasrevudepuismai,quandiladisparudemavie.Aucunenouvelle.Nide

luinidesesamis.JerencontreValdetempsentemps,maisilsembleêtrepasséàautrechoseetrefusedeseconfier.Pourtant, jesuis inquiètepour lui,car iln’apasbonnemine.MonDieu,sivouspouviez levoir! Ilneressembleplusàrien.Entoutcas,pasaugarçoncharmeuretfringantquej’aiconnuilyamoinsd’unan.Bref,c’esttoujoursmoiquil’appelleet,laplupartdutemps,ilnedécrochepas.Quandillefait,ilfaut

quej’insistecommeunefollepourqu’ilacceptequ’onailleboireunverre.Jesaistrèsbienqu’ilvamaletqu’ilfaittoutuntasdeconneries.Mais,enmêmetemps,jesuisobligéedegérerSophiequin’estplusquel’ombred’elle-même,depuisquenousnoussommesrenduesdanscettemauditeclinique.Lamaigreurdemonamiefaitpeuretellepassesesjournéesàdormir.Contrairementàmoi,elleaconservésonjobaucinéma,maisadûréduirelenombredesesheures.Jel’aiemmenéechezunmédecinetlediagnosticqueje redoutais, parce que dans le fond je le savais déjà, est tombé. Sophie souffre d’une dépressionprofonde.Toutefois, comme elle refuse de prendre tout médicament, pas facile de la soigner. Je passe mes

journéesà luipréparerdes tisanesàbasedefleurd’orangeroudecamomille.C’estcomplètementnulcommetraitement,medirez-vous,maisquepuis-jefaired’autre?Jenepeuxpasl’obligeràconsommerdesantidépresseurs,et jen’enaipasl’intention.Elleestmajeureetnulnepeutrienlui imposer.Nousparlons beaucoup toutes les deux, et elle me confie régulièrement des anecdotes sur sa jeunesse.Toutefois,s’agissantdeFred,c’estl’omerta.Impossibledeluitirerlemoindremotsurceconnardquilafaittantsouffrir.Jesenslacolèrehabituellemegagner,quandjesongeàlui.Nahelnem’afaitaucuncadeau,etjeluien

voudraiencorelongtempsdem’avoirabandonnée.MaisFred…Merde,elleétaitenceinte!ENCEINTE!Sij’aiunjourl’opportunitédel’avoirenfacedemoi,toutessortesdesévices,commeluiarracherlesdentssansanesthésieoumefairedesbouclesd’oreillesavecsestesticules,meviendrontaussitôtentête.Jesuiscertainequelesmainsmedémangerontetpasqu’unpeu!Avecunsoupirlas,jesongeàtouteslesfoisoùjemesuisrendueàlaprisondel’Elsau.Cesvisites

rythmaientmessemaineset,enbonnemasochistequejesuis,j’étaispresqueheureusequandj’yallais.Jenesaispas…j’avaisl’impressiondemerapprocherdelui,avectoujoursl’espoirqu’ilfiniraitparmedonnerlachancedem’expliquer.Maintenant,del’espoir,jen’enaiplus…Mavieserésumeàcontinuerd’avanceretàm’occuperdemonamiequejenelaisseraijamaistomber.Mon téléphone, posé sur le bureau, se met à sonner. Craignant de réveiller Sophie, je me lève

précipitamment pour décrocher, le cœur battant comme chaque fois. Je me fustige, furieuse d’en être

encorelà.Seigneur,iln’appellerajamais,ilfautquejemefasseàcetteidée!Les sourcils froncés, jedécouvrequ’il s’agitdeLorie.Quesepasse-t-il ?Noussommes restéesen

contacttouteslesdeux.Oh,jen’iraipasjusqu’àdirequenoussommescopines,enfinsi,nouslesommesd’unecertainefaçon.J’aicomprisquec’étaitunefemmebienetunbonflic.Donc,j’éprouveunprofondrespectpourelle.—Oui?murmuré-je,enmedirigeantverslasalledebainpournepasfairedebruit.—Salut,Madie.Ehoui,nousnoustutoyonsmaintenant.Certainsévénementspeuventrapprocherdeuxpersonnes.

—Lorie?Quesepasse-t-il?Engénéral,quandellem’appelle,c’estpourmeparlerde l’enquête.Jen’avaisd’ailleurspaseude

nouvellesdepuis la foisoùellem’aexpliquéceque je savaisdéjà,queStephetGregétaient frèreetsœur.Ilparaîtqu’ilaétéincarcéréetquesafrangineaeuégalementdesennuis.—Est-cequetuconnaisValentinHertz?demande-t-elle,aprèsunehésitationperceptible.Aussitôt,jesuisenvahieparunsombrepressentiment.

—Biensûr.C’étaitunamideNahel,noussommesrestésencontact.—OK,j’arrive.Jeseraicheztoidansunedemi-heure.Ilfautquejeteparle.—Attends!Ilestpréférablequejeterejoigneenbasdel’immeuble.JeneveuxpasréveillerSo.—Ellenevapasmieux?—Pasvraiment.—Trèsbien,jepasseteprendreetoniraboireunverre.—D’accord.Quarante-cinqminutesplustard,noussommesinstalléesdanslesalondethéoùnousavonsdorénavant

noshabitudes.—Bon,qu’est-cequeValafaitcommeconnerie?—Quandest-cequetuasétéencontactaveclui,ladernièrefois?Jeréfléchisuninstant,avantderépondre.

—Ilyaenvirondeuxsemaines.J’aiinsistépourlevoir,maisilarefusé.Tusais,depuisledépartdesesamis,iln’estpluslemême.Jecroisqu’ilsesentcoupabledecequiestarrivé,mêmes’iln’yétaitpourrien.—Ettutrouvesqu’ilavaitchangé?— Oh oui, et pas qu’un peu. Il est tellement maigre et pâle. C’est simple, à côté de lui, So estresplendissante.D’aprèsmoi,ilsedrogueetpasdesdroguesdouces,hein!J’aisouventessayédeluienparler,maisilsefermaitimmédiatementcommeunehuître.Çamerendaitmalade,maisjenepouvaispasl’obligeràsesoigner.Ilfallaitqueçaviennedelui.Bon,tum’expliques,là?—Ilestmort.Souslechoc,jerestetotalementinerte.Comment?Où?Qui?MonDieu,maiscen’estpaspossible!

—Jesuisdésolée,Madie.Sesvoisinsontappelélesflicsàcaused’unehorribleodeurquiémanaitdesonappartement.Lespompiersontforcélaporteetonl’atrouvésansviedanssonsalon.—De…de…dequoiest-ilmort?bégayé-je,tandisqueleslarmessontdéjàentrainderoulersurmesjoues.—Overdose.IlbossaitpourAmoros,t’étaisaucourant?—QUOI?Ohnon,merde,c’estpasvrai!Lui,nonplus,jen’aipaspul’aider!J’auraisdûinsister,allerchezluipourl’obligeràsereprendre.Jesupposaisqu’ilavaitdesennuis,maisjen’aipasbougé.Commejem’enveux!—Eh,Madie,arrêteaveccegenredereproches.Jesaisparexpériencequetun’auraispaspuleforcerà

accepter.Ildealaitpourl’autreenfoiré.—Quandaurontlieulesobsèques?Ilfautquejem’arrangeavecl’hôpitalpouryassister.—Euh,ehbien,c’estjustementleproblème.—Commentça?—Onacontactésesparents, ilsontpurementetsimplementrefusédeprendreleschosesencharge.Ilavaitétévirédeleurdomicile,ilyaquelquesannées,etnelesavaitjamaisrevus.Onestalléschezeux,le vieux est complètement fou, il a seulement dit « c’est pas mon problème, appelez le serviced’équarrissage!».Tuimagines?Parcontre,ilparaîtquesonfranginestpasséetavidél’appartement.Tu le crois, ça ? Il a tout embarqué.Résultat, il n’y a pas d’argent pour payer l’enterrement, et on seretrouveavecuncadavredanslefrigodontonnesaitpasquoifoutre!Madécisionestpriseenmoinsd’uneseconde.

—Jem’encharge.—Quoi?Maisnon!Tun’aspasàfaireça!—Si, jemesensl’obligationmoraledem’enoccuper.Jen’aipaspul’aiderdesonvivant,maisilneserapasditquejel’abandonneraimaintenant.—Maiscommentvas-tufinancercesfunérailles?Çacoûteuneblinde!—Écoute,monfrèreestséminaristeetmonpèreestdiacre.IlsnerefuserontpasdecélébrerunemessepourVal.Quantaureste,jemedébrouillerai.Mononcleestcroque-mort,ilmedonnerauncoupdemain.Net’inquiètepas,s’ilyabienunechosequejepeuxorganiseràmoindresfrais,c’estunenterrement.Loriemedévisage,avecunéclairadmiratifdanslesprunelles.

—Ilavaitdelachanced’avoiruneamiecommetoi.Je souris entremes larmes, pas franchement convaincue. Une véritable camarade aurait pu l’aider,

auraitdûfaireensortequeceterribledramen’arrivepas.Aulieudeça,jemesuisfocaliséesurSophieet n’ai pas pris la pleinemesure de la détresse deVal. Je sens que la culpabilité, qui est en train dedevenirmaplusfidèleamie,n’estpasprèsdedisparaître.

***Debout, dans la petite chapelle, je ne peux empêcher mes larmes de couler. Je n’essaie d’ailleurs

mêmepas.Nousvenonsd’arriveràRochessonetlachaleurestinfernale.LejourmêmedemadiscussionavecLorie,j’aicontactéJoetpapa.Ilsm’ontaidéeetm’ontsoutenue

demanièreformidable.Jen’iraipasjusqu’àprétendrequec’estunechance,maislefrèredemonpèredirigeuneentreprisedepompesfunèbres.C’estluiquiaassuréletransportducorpsverslesVosges,etquim’aoffertuncercueil.OK,c’étaitunvieuxmodèled’expoqui traînaitdanssonhangar,maisc’esttoujours mieux que rien. D’autant qu’il a fait tout ça gratuitement. J’ai également pu acquérir uneconcessiondansnotrecimetièrepourpascher,grâceàpapa.Pourlapierretombale,c’étaitunpeumoinsévident,maismon oncle a pum’en procurer une petite à bas prix.CommeVal sera incinéré, jem’encontenterai.D’ailleurs,cen’estpascommesij’avaislechoix,n’est-cepas?Sophieetmoisommesarrivéescematinetdevonsresterjusqu’àdimanchesoir.Mamanapriscongé

et,commeMarieestencoreenvacances,jepensequenouspasseronsunmomentagréable.Entoutcas,j’espèrequecesquelques jours ferontdubienàmonamie. Jen’aipas suaiderVal,mais iln’estpasquestionqueSocontinuesurcettevoie.J’espèrequ’unchangementdedécorluiserabénéfique.Depuisquejelesaiappelés,mesparentsontétégéniaux,prenanttoutenchargesansriendemander.

Commej’aimeleurextrêmegénérosité!Lorsque lamesse est terminée, nous quittons l’église derrière le cercueil.Oh, nous ne sommes pas

nombreux. Il y a ma sœur, So, Lorie, maman et moi. Papa et Jo ont carrément assuré, faisant de cetenterrementunmomentd’émotionetderecueillement.Surleparvis,jeretrouvemononcle.

—Bon,jel’emmèneaucentred’incinérationd’Épinaletjetedéposerail’urnedanslasoirée.—Merci,tonton,murmuré-je,enl’embrassantsurlajoue.—Derien,mapetite.Cequetufaispourcegarçonestadmirable.Sijepeuxparticiperàmonniveau,c’estbien.Jeluisourisetl’étreinsunedernièrefois,avantdefairevolte-faceverslesautres.Soestsoutenuepar

mamanquilaregardeavecinquiétude.LoriediscuteavecMarie.Nousreprenonslechemindelamaisonoùj’aipréparédesgâteaux,durantlamatinée,pourrecevoir

comme il se doit ceux qui avaient fait le déplacement, c’est-à-dire juste Lorie.Mon Dieu, que c’esttriste!Aucoursdelasemaine, j’aiessayédejoindreNahel,FredetVincepourleurannoncer lamauvaise

nouvelle.Aucune réponse…J’ai laissédesmessages, envoyéunmail à chacunetunMPsur leprofilFacebookdeVince,leseulànem’avoirpassuppriméeetbloquée.Ehoui,onenestlà!Jusqu’aubout,j’aicruqu’ilsmecontacteraient,qu’ilsseraientprésents!Maintenant,jem’enveuxd’avoirétésinaïve.Évidemmentqu’ilsnesedéplaceraientpas!C’étaitcourud’avance,iln’yaquemoipouravoirétéaussiconneetespérélecontraire.Quelques heures plus tard, nous sommesdevant le trouoù l’urnevient d’être déposée.Après avoir

chantédescantiques,papaabénilatombeetnousyavonsjetéunerose.OncleMichelestdéjàentraindelarefermer.Son’estpasparminouspour lamiseen terre.J’ai longuementdiscutéavecmamèreetmasœurau

sujetdemonamie,carjedoisbienavouerquejemesenscomplètementdémuniefaceàcetabattementdontellenesemblepasvouloirsortir.—Madie?demandeLorieenapprochantdemoi.Commentfais-tupourtenir?—Dequoiparles-tu?—Tugèrestacopinedépressive,tubosses,tuétudies,maintenanttuprendsenchargelesobsèquesdetonamiquandsaproprefamilles’enfouttotalement.—Etalors?—Maisquis’occupedetoi?Jesouris,bouleverséeparlaréponsequimevientspontanémentauxlèvres.

—Dieu.Nousnoustenonsàprésenttoutprèsdesavoiture,puisqu’ellenevapastarderàrepartir.

—Mouais…TunemeferaspascroirequetunepensesplusàNahel!Jesursauteàl’évocationdeceprénom,tantaiméetdétestéàlafois.

— Je n’ai rien prétendu de tel.Mais ruminer et ressasser ne sert pas à grand-chose, je dois aller del’avant.Jevaistefaireuneconfidence,soufflé-je,m’approchantunpeuplusd’elle.Lorietendl’oreille,prised’unesoudainecuriosité.

—M’occuperdemonprochain,medévouerpourlesautres,mepermetdemesentirmoinsmal.J’enaibesoin.Tupeuxcomprendre?—Oui,mais…—Depuis le départ deNahel, commeunvoleur, j’ai juré deneplus jamais pleurer pour lui. Il ne leméritepas.Je songe avec amertume àmes cris, à cette douleur quime déchirait le corps et le cœur quand le

gardiendeprisonm’aremisleslettresfermées.Oh,Seigneur,j’aicruquemavieétaitfinie.

Etpuis,finalement,non.Jemesuisréveilléelelendemainetlesjourssuivants.Biensûr,certainssoirs,c’estplusfortquemoi,jem’isolepourpenseràlui,àtouscesmomentsextraordinairesquenousavonspassésensemble.Maisilafaitsonchoix,mel’aimposé,etjerefusedecontinueràpleurer.Ohnon!Jesuisjeune,pastropstupide,enbonnesantéetj’aiunefamilleformidable.Àl’heureactuelle,c’esttoutcequi compte.Maviene s’estpasarrêtée le jouroù il estparti, et je l’aivite compris, contrairement àSophie.Quelquesjoursplustard,jeretourneàStrasbourg,dansl’AudideNahel,seule.Oui,jesais,j’aurais

dû rendre lavoiture,mais jenepeuxpasm’y résoudre.Quand jem’assiedsderrière levolant, j’ai lesentiment,durantuneseconde,quenoussommestoujoursensemble.Etplusbasiquement,jen’aipaslesmoyensdem’enpayeruneautre.Finalement,SophieavouluresterdanslesVosges,auprèsdemesparents.C’estsansdoutelameilleure

décisionqu’elleaitprise.JeferaiensortederetourneràRochessonchaquefoisquej’auraiunmomentlibre.Jepensequel’attitudematernelledemamèreetsonbesoinviscéraldes’occuperd’autruiontétédéterminantsdanslechoixdemonamie.Ilvajustefalloirquejemerendeàl’IFSIafindesavoirs’ilestpossiblepourellededécalersarentréed’uneannée,sanspourautantperdrelebénéficedesonconcours,ouquesondossierpuisseêtretransféréàl’écoled’Épinal,cequiseraitlasolutionidéale.Ilsembleraitquepourdesraisonsmédicales,cechangementsoitfaisable.Jesuisaubasdemonimmeuble,aprèsavoirgarélavoiture,quandj’entendslebipcaractéristiquequi

indiquel’arrivéed’unSMS.C’estLorie.«Dojongestmort.Ilaétépoignardéenprisonparundétenu.Amorosvientd’êtrearrêté,c’estluiquiacommanditélemeurtre.Je

pensaisqu’ilétaitimportantpourtoidelesavoir.Jet’appelletrèsvite.Bises.»Direquejesuisétonnéeestuneuphémisme.Maiss’ilyenaunquejenepleureraijamais,c’estbien

cesalauddeGregDojongquiadétruittoutemavie.

39

QuatremoisplustardJ’éprouve,encejourfuneste,commeunesensationdedéjà-vu.Debout,danslepetitcimetièredenotre

village, jenepeuxretenir lespleursquimesubmergent.Depuisque j’aiappris l’horriblenouvelle, jen’arrivepasàsurmonterlechocetledésespoirquecelle-ciaprovoquésenmoi.JepensaisnejamaispouvoirêtreplusmalheureusequelorsdudépartdeNahel.J’avaistort.Pourlapremièrefoisdepuisfortlongtemps,monmarimemanque,j’aimeraispouvoirtoutoublieraucreuxdesesbras,m’alimenterdesaforcepouressayerderetrouverunsensàmavie.Maisiln’estpaslàetjesuisdeboutdevantlatombedemonfrère,plusseulequejamais.Joestmort. Il s’estpendudanssachambreduséminaire, tropmalheureux, incapabledecontinuerà

vivre.Pourfairecourt,ilesttombéamoureuxd’unautreséminaristeetsessentimentsétaientréciproques.Ils ont entamé une liaison qui devait rester secrète,mais ont été surpris en pleins ébats par l’un desprêtres, ce qui a conduit à leur renvoi. Jo ne s’en est pas remis, car il n’avait jamais imaginé sa vieautrementqu’auservicedeDieu.Alors,dansunmomentdedésespoir,ilamisfinàsesjours.Jamaisjenepourraioublierlejoursinistreoùladirectiondiocésainem’atéléphonépourmeprévenir.

Quandjesuisarrivée,ilsétaienttousdansuntelétat!Maistrèsvite,ilsm’ontfaitcomprendrequedesfunérailles religieuses n’étaient pas envisageables, dans la mesure où mon frère s’était suicidé. Mesparents,quim’avaient rejointe,étaientdévastéspar ladisparitionde leur filsuniqueetpar lemanqued’humanitédesautoritéscléricales.Cematin-là, j’aipétéuncâbledans lesgrandes largeurs.Toute la colère et l’amertumeaccumulées

depuisledépartdeNahelontexplosé,provoquantunséismeenmoi,commejen’enavaisjamaisconnu.Avecune rage et un désespoir clairement perceptibles, je les aimenacés de porter plainte, parce quec’étaitleurcomportementquiavaitpoussémonfrèreàunetelleextrémité.J’aijuréderendrel’affairepubliqueetdelestraînerdanslaboue,s’ilsrefusaientdesobsèquesdignes

decenomàJo.Pasquestionqu’ilsoitenterrécommeunchienaprèsavoirconsacrétoutesavieàDieu!Papaetmamanétaientatterrés,maisn’ontpasprotesté.Finalement,ledirecteurduséminaireaplié,souslapressionquejevenaisdeluicoller,sanslemoindreétatd’âmeetilnousaautorisésàorganiserdesfunéraillesreligieuses.Bien plus tard,mes parentsm’ont remerciée,même s’ils n’approuvaient pasmesméthodes pour le

moins expéditives. Pour autant, ils étaient réellement soulagés par la tournure des événements. Donc,officiellement,Joestdécédéd’unarrêtcardiaque.Etpersonne,endehorsd’eux,deMarie,So,Loriedemoineconnaîtlavérité.C’estaussibienainsi.Pourlapremièrefoisdemavie,jesuisobligéedeprendredescalmants,afind’endurercettenouvelle

épreuve. J’ai toujoursapprisqueDieunenous imposait rienquenousnepuissions supporter.Ben,cesontdesconnerieset,pourmoi,c’estunbelenfoiré!Soudain, la subite crispation demon amieme ramène à la réalité. Pivotant vers elle, je fronce les

sourcilsenlavoyantseplierendeux,levisageravagéparladouleur.—Çava?demandé-je,laprenantparlataillepourlasoutenir.

Il ne reste plus que la famille et Lorie devant la tombe. Les villageois sont repartis chez eux.Contrairementàl’enterrementdeVal,celui-cis’estdérouléengrandepompeetdenombreuxséminaristessont venus y assister, malgré la réprobation de leur hiérarchie. L’amoureux de Jo était là aussi. J’aicomprisqu’ils’agissaitdeluienvoyantsonvisageravagéparlasouffrance.Àlafindelamesse,ilm’aavouéqu’ilavaitdécidédepartirpourunemissionhumanitaireenAfrique,parcequ’icic’étaittropdurpourlui,sansceluiqu’ilaimait.Jel’aiserrédansmesbras,avantdeluiexpliquerquejepartageaissonchagrin.Enréponse,ilaéclatéensanglotsets’estaccrochéàmoi,merévélantqueJoluiavaitbeaucoupparlédesapetitesœur,louantmonfortcaractèreetmagénérosité.J’enaiétéprofondémentémue.Nousavons organisé un pot pour ceux qui étaient venus de loin, avant de retourner en comité restreint aucimetière.—Jepensequelemomentestarrivé.Paniquée, je me tourne vers maman qui n’a pas perdu unemiette de la conversation. Sophie vit à

présentchezeuxetelleestdevenuecommeleurfille.Pourlajeunefemmequiavaitétéprivéetroptôtdesamèreetavaitétérejetéeparsonpère,jecroisquec’étaitcequ’ilfallait.Doucement,chouchoutéeparmes parents, elle a repris des forces et surmonté son mal-être. Elle intègrera l’IFSI d’Épinal débutjanvier.—Commentça,c’estlemoment?m’écrié-je,paniquée.—J’aidescontractionsdepuiscematin.—Quoi?Ettunepouvaispasledireavant?Bordel,maist’esvraimentuneconnasse!m’exclamé-je,sansmerendrecomptequejeviensd’imiterNahel,inconsciemment.—C’étaitl’enterrementdeJo,jenepouvaispasaccoucheràl’églisequandmême!Etpuis,jen’aipasencoreperduleseaux,j’ailetemps.Alors,connassetoi-même!Jerisdoucementàcepetitjeud’insultesquidevientrécurrententrenous.Maiscelui-cimeurtsurmes

lèvres,quandjedécouvrequ’unliquideestentraindecoulerentresesjambes.—Tudisais?—Philippe, indiquemaman avecune assuranceque je ne lui connais pas, il faut emmener la petite àl’hôpital.—C’esttroptard,faitremarquermonamie.Jesensqu’ilvient.Onn’apasletemps.—Maistunevastoutdemêmepasaccoucheraucimetière!protesté-je,medemandantcommentnousallonspouvoirgérerlasituationquidevientdeplusenpluscritique.—Philippe!répètemamère.PorteSophieàlamaison.MarieetMadie,filezetappelezlesurgences,mettezlabouilloireenroute,trouvezdesserviettespropresetétalezdesdrapssurlatabledelasalleàmanger!—Maismaman…—T’esenécoled’infirmièreoupas?Onn’apaslechoix.Jeconnaiscetteposture,lebébéarrive.Tudoisassurer,machérie.Je me tourne vers So pour constater qu’effectivement, elle se tient courbée, les jambes croisées,

commepourleretenirdesortir.Monpère,toujoursvêtudesonaube,lasoulèvecommesielleétaitpluslégèrequ’uneplume,tandis

que Marie est déjà en train d’appeler les urgences. Merde, quand je me suis levée ce matin, jen’imaginais pas que la journée prendrait une telle tournure. En attendant, quel étrange cortège nousformons!Oubliantmomentanémentmapeine,jemeprécipiteaussivitequemelepermettentmesescarpinsetma

robe,verslamaison.Mamanaraison,iln’yapasuninstantàperdre…Deuxheuresplustard,uncristridentrésonnedanslasalleàmanger.Aprèsm’êtrerapidementchangée,

pourêtreplusàl’aise,j’aigéréunaccouchementencatastrophe.Avecl’aidedumédecinquiestrestéenligne tout le temps qu’ont duré les opérations, de ma mère et de ma sœur, j’ai mis l’enfant de mameilleureamieaumonde.Etc’estunmiracle!Unemagnifiquepetitefille,quihurleàpleinspoumons.Dehors,lespompiersattendentquenousleurdonnionslefeuvertpourentrer.Ilssontarrivéstroptardetpapalesaretenusàl’extérieur,jusqu’àcequenousterminions.— Comment allons-nous appeler cette merveille ? s’enquiert mon père, qui a déboulé dès que lespremierspleursontrésonnéetquibénitencemomentmêmelecorpschaudetfrétillantdubébé.Normalement,SophieavaitprévudelaprénommerÉmilie,commesamère.Quellen’estdoncpasma

surprisedel’entendredire.—Joséphine.JoséphineEmilieDemange.Mamanfondenlarmesetpapa,pourtanttrèspudique,setamponneégalementlesyeux.Jemeprécipite

versmonamiequiafaitpreuved’uncourageextraordinaire.Iln’yaeuaucunepéridurale,aucuneaidemédicale.Nousavonsfaitçaàl’ancienne.Malgrésapeur,elleasuivilesinstructionsdumédecin,mêmesicellequidirigeaitlesopérations,c’étaitmoi.Mariemeserrecontreelle,tandisqueLorie,quiafaillitournerdel’œil,entreavecledocteurtoutjustearrivé.—Ehbien,Madeleine,vousavezfaituntravailremarquable.Chapeaubas!Jerougisdegêne.

—Personnen’arieninventé.Desmillionsdefemmesaccouchentdepuislanuitdestemps!Etcertainesdansdesconditionsautrementpluscritiques.—C’estvrai.Bravo,lance-t-ilàSoquinepeutdétachersonregarddel’adorabletêtebrune,blottiesursapoitrine.Vousavezététrèscourageuse.Ilfautvousemmeneràl’hôpital,afind’examinercettepetitefilleetdenousassurerquevousallezbien.Lorsquel’ambulanceestpartie,mamanmeserredanssesbrasetsouffle,lesyeuxemplisdelarmes.

— Tu vois, c’est un cycle. Un être aimémeurt et un autre naît. C’est ce qui nous permet de ne passombrer,decontinueràcroiredanslemiracledelavie.Joséphineestarrivéelejourdel’enterrementdeJopouradoucirnotrechagrinet jesuissûrequ’elleestprotégéepartonfrèrequiveilleratoujourssurelle,delàoùilest.Longtempsaprès,deboutdans le jardin, en trainde fumeruneclope–mais chut, il ne faut ledire à

personne–jerepenseauxparolesdemamèreetjem’interroge.D’oùmevientcette forcehorsducommunquim’apermisdenepasm’effondrer, lorsqueNahelest

parti,etquandJoetValsontmorts?Parquelmiracleai-jeréussiàreprendremavieenmain,alorsquecelle-ciétaitvouéeaudésespoir?Jelèvelesyeuxverslecielconstelléd’étoilesscintillantes.Oui,ilyaquelqu’unlà-hautquiveillesurmoi,quimerelèvesijetombe,etquimeprotège.Jen’aiaucundouteàcesujet.Sansl’aidedeDieu,jenepeuxmêmepasimaginerquelauraitétémondestin.Nahelm’asouventfaitremarquerquejecroyaisenquelquechosequin’existaitpas,selonlui.Ehbien,

ilavaittort.Monéducation,mafoi,voilàcequim’apermisetmepermettraencoredecontinueràvivresanslui.Et,pourlapremièrefoisdepuisdesmois,jesourisenpensantauseulhommequej’aiejamaisaimé,leseulquej’aimeraijamais.Peut-être,unjour,aurons-nousl’occasiondenousrevoir.Jel’espèredufondducœur.Etl’espoir,au-

delàdetouteautreconsidération,estcequinousdonnelaforced’avancer.Alors,oui,jeveuxcroirequetoutn’estpasfini.D’ailleurs,sait-onjamais…

Àsuivre…

PLAYLISTParcequelamusiqueoccupeuneparttrèsimportantequandj’écris,voiciquelquestitresquej’aiécoutésenimaginantlasuitedesaventuresdeMadieetNahel.

SEEB–BreatheSophieTith/EltonJohn–SorryseemstobethehardestwordU2-MagnificentCharliePuth/SelenaGomez–Wedon’ttalkanymoreI’llCheatYouNash–Ihateyou,IloveyouMadcon–BegginJean-MichelJarre–OxygèneU2–PleaseFlume–You&meLostFrequencies–RealitySting/EricClapton–It’sprobablyme

REMERCIEMENTSCommed’habitude,lesremerciementsconstituentsansdoutelapartielaplusdifficiledeceroman.Si,si,jevousassure!Toutd’abordungrandmerciàmesamiesetbêta-lectricespour leuraideprécieuseet leursoutien.Lavitesse à laquelle ellesm’ont renvoyé leurs corrections et commentaires est juste hallucinante. Donc,bravoChristelle, Kristen, Nathalie etAngel B. Vos conseils et encouragements ont été grandementappréciésparl’angoisséechroniquequejesuis!Ensuite, un énormebisou àma famille et àmes enfants.Chaque fois que je bosse sur un roman, vousredoublez d’efforts pour me faciliter la vie et j’aime savoir que je peux compter sur vous quoiqu’ilarrive.Enfin,unementionspécialeàvous,amieslectrices,quimesuivez,toujoursplusnombreusesetàvous,amieschroniqueuses,quifaitesunboulotformidablepourquenosbouquinssoientplusvisibles.Pourfinir,etcommedansmesremerciementsdestomes1et2,unepenséeparticulièreàtouteslesfemmesquisouffrentd’endométriose,cettemaladiesihandicapante,maissiméconnue.

L’AUTEURNathalie CHARLIER est une romancière française spécialisée dans le genre sentimental. Elle vit enAlsaceentouréedesonmarietdesesquatreenfants.Son premier roman « Unmensonge pour être aimée » est paru aux Éditions Amorosa enmars 2012.«Prisonniersdeleurpassé»,sondeuxièmeouvrageestquantàluiparuenjuin2013.«LavengeancedeClaire»asuiviennovembre2013.Etentre-temps,vousavezpusuivrelesaventuresdeJulieetRaphaëldanslasérienumérique«Apprends-moi».En avril 2015, paraît le 1er tome de « TroublanteObsession » qui est aussitôt un succès. L’excellentaccueil par les lectrices de cette histoire, écrite en quelques semaines, est aussi extraordinairequ’inattendu. En juillet, paraît «Histoires de femmes, histoires d’amour », regroupant deux nouvellespluscourtes.Depuis,letome2de«Troublanteobsession»estvenus’ajouteràtouslesautresouvrages.Depuismai2015,Nathalieestauteuràtempspleinetcontinueàs’autoéditertrèsrégulièrementpoursonplusgrandplaisir.

Autrestitresdumêmeauteur:

Prisonniersdeleurpassé.NCLÉditions,juin2013.LavengeancedeClaire.NCLÉditions,octobre2013.SérieAPPRENDS-MOI,NCLÉditions,août2013àjuillet2014.Desapparencestrompeuses–NCLÉditions,nov.2014Apprends-moitome1-NCLÉditions,septembre2014Apprends-moitome2-NCLÉditions,décembre2014Troublanteobsessiontome1-NCLÉditions,avril2015Histoiresdefemmes,histoiresd’amour-NCLÉditions,juillet2015Troublanteobsessiontome2-NCLÉditions,octobre2015Troublanteobsessiontome3–NCLÉditions,avril2016Ecstasy–tome1–NCLÉditions,janvier2016.LefantômedePenvins–1èrepartie–NCLÉditions,mars2016.Ecstasy–tome2–NCLÉditions,août2016.

TROUBLANTEOBSESSIONTOME1

NathalieCHARLIERMonnomestLouis-JoachimNEYRACetjesuiscequ’onappellecommunémentunenfoirédepremière.Jen’aiaucunsensmoral,aucunétatd’âme,ettoutestbonpourquejeparvienneàmesfins.Jemesersdemonphysique,desfemmesetdel’argent,afind’assouvirmaquêtedepouvoiretmasoifdevengeance.Cettemécaniqueparfaitementhuiléefonctionneparfaitementetc’estgrâceàcemodedefonctionnementquej’airéussibienau-delàdemesattentes.Jusqu’au jouroùmonchemincroise celuideLara.Elle est d’unebeauté renversante et d’unecandeurdésarmante. Sa fraîcheur et sa joie de vivrem’attirent comme peut l’être un papillon par la lumière.Pourtant,rienn’estpossibleentrenousetjemetstrèsviteuntermeàcetterelationnaissante.Seulement,ilm’estimpossibledecoupercourtetpourlapremièrefoisdemavie,j’éprouvelebesoinviscéraldeprotégerunefemme,mêmedeloin…

TROUBLANTEOBSESSIONTOME2

NathalieCHARLIERLaram’aquittéet ilmesemblequemavies’estarrêtéecejour-là.Alors,quandBarbaramecontacte,catastrophéeparcequesapetitesœuradisparu, jesaisqu’ilestsurvenuquelquechosedegraveàmarouquine.Etj’ai,hélas,raison.Unmalheurn’arrivantjamaisseul,sonpèreestvictimed’uninfarctus.Aussi, jemeproposede la récupérer àLondres, lorsqu’elle est enfin retrouvée.Mais la revoir estunvéritablechoc.Ellen’estplusquel’ombred’elle-même,suiteàuneviolenteagression.Etsurtout,elleaterriblementbesoindemoi.Mêmesijenel’avoueraijamais,j’adorequ’ellesoitsidépendante,enbonmaniaqueducontrôlequejesuis…

Cette histoire est une fiction, tout droit sortie de l’imagination de l’auteur.Toute ressemblance avec des personnes, lieux ou événementsexistantsouayantexisté,seraitpurementfortuite.

Dépôtlégal:octobre2016Cetteœuvreestprotégéeparledroitd’auteuretréservéeàunusagestrictementprivé.Toutereproductionou utilisation autre que personnelle est interdite. Cela constitue une contrefaçon et est susceptibled’entraîner des poursuites civiles ou pénales (article L335-2 et suivants du Code de la Propriétéintellectuelle).

NathalieCHARLIER/NCLÉditions-5,RuedesDahlias67310WASSELONNE

Photographiedecouverture:Valuavitaly—DepositphotosAndrianhancu–123Photos

Créationdecouverture:NathalieCHARLIER-LOWE

ImpriméenFrancepar:CREATESPACE

PourlecomptedeNathalieCharlier-NCLÉditions

1. Rouquinenanglais2. Chemindelahonte

ECSTASYBREATHE123456789101112131415161718192021222324252627282930313233343536373839PLAYLISTREMERCIEMENTSL’AUTEUR

Autrestitresdumêmeauteur:TROUBLANTEOBSESSIONTROUBLANTEOBSESSIONDépôtlégal:octobre2016