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Droit commercial Livre I – Théorie générale de la commercialité I. Généralités Il n’existe pas de définition précise de ce qu’est le droit commercial, pour la raison qu’il régit moins une matière qu’un certain type de relation. Le droit commercial a pour objet les relations économiques, les relations d’affaires . On parle d’ailleurs ainsi bien souvent de droit des affaires, droit économique, droit des entreprises,… La diversité des appellations est elle-même significative des difficultés d’en définir l’objet. On part traditionnellement d’une définition technique : le droit commercial est un droit particulier qualifié de droit privé d’exception qui s’adresse aux commerçants . Par droit privé d’exception, on entend qu’il s’est construit, au fil du temps, en marge du droit commun. Il ne constitue pas une simple application du droit au civil au monde du commerce. Il a généré ses propres règles de droit, spécifiques aux secteurs. Les destinataires du droit commercial, ce sont les commerçants. Lorsqu’on parle de droit commercial au sens strict, on est dans l’idée d’une règlementation d’une profession , celle de marchand, de commerçant. Le droit commercial nait autour des normes que se donnent les marchands. Il s’agit des règles liées 1

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Droit commercial

Livre I – Théorie générale de la commercialité

I. Généralités

Il n’existe pas de définition précise de ce qu’est le droit commercial, pour la raison qu’il

régit moins une matière qu’un certain type de relation. Le droit commercial a pour objet les

relations économiques, les relations d’affaires. On parle d’ailleurs ainsi bien souvent de droit

des affaires, droit économique, droit des entreprises,… La diversité des appellations est elle-

même significative des difficultés d’en définir l’objet.

On part traditionnellement d’une définition technique : le droit commercial est un droit

particulier qualifié de droit privé d’exception qui s’adresse aux commerçants. Par droit privé

d’exception, on entend qu’il s’est construit, au fil du temps, en marge du droit commun. Il ne

constitue pas une simple application du droit au civil au monde du commerce. Il a généré ses

propres règles de droit, spécifiques aux secteurs. Les destinataires du droit commercial, ce

sont les commerçants.

Lorsqu’on parle de droit commercial au sens strict, on est dans l’idée d’une

règlementation d’une profession, celle de marchand, de commerçant. Le droit commercial nait

autour des normes que se donnent les marchands. Il s’agit des règles liées à une qualité

spécifique dans la société, celle d’être commerçant, marchand. Cette approche ne permet

néanmoins toujours pas de saisir l’objet réel de ce droit.

Le droit commercial s’est profondément transformé et, s’il est vrai qu’il est au départ un

droit des marchands, il devient aujourd’hui quelque chose de beaucoup plus indéfinissable.

On passe d’une règlementation d’une profession à une règlementation d’un type d’activité,

qui est l’activité économique, au sens extrêmement large du terme. Le droit commercial

traduit, en termes juridiques, l’armature et le mécanisme des activités économiques.

Il faut constater que l’Etat s’immisce assez bien dans l’activité économique. Peut-on

dès lors continuer à parler de « droit privé » ? En effet, le droit économique est

instrumentalisé par le politique pour que celui-ci puisse mener ses politiques étatiques,

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économiques. La fiscalité est un des instruments de l’Etat pour intervenir dans l’économie,

attirer des capitaux ou des sociétés sur son territoire, etc. Où mettre la limite de ce droit

insaisissable ? Certains auteurs partent de quatre principes clés propres à toute économie

libérale et autour desquels se construirait le droit des affaires :

1° Dans toute économie libérale, il s’agit de règlementer l’activité d’agents économiques et il

faut savoir déterminer qui sont les acteurs de l’activité économique. Ces acteurs, ce sont les

personnes physiques, individus, qui se retrouvent à jouer un rôle au niveau de l’offre des biens

et services ou au niveau de la demande des biens et services. Les deux agents économiques

qui focalisent l’attention et qui sont aux deux extrêmes de la chaine sont l’entreprise et le

consommateur. Entre les deux, une multitude d’acteurs économiques existent et est

destinataire des règles qui forment le contenu du droit commercial.

2°Le concept de marché ; c’est aujourd’hui le lieu virtuel où se rencontrent les agents

économiques, lieu de rencontre entre offres et demandes. Cette notion de marché est au centre

du développement économique. Tout droit de la concurrence est focalisé sur la règlementation

des marchés et la garantie donnée aux agents économiques qu’ils pourront librement se

développer sur les différents marchés qui s’ouvrent à eux.

3° Lorsqu’il y a u accord sur une vente, il y a contrat. C’est le moyen juridique par excellence

de sceller l’accord intervenu entre les agents économiques. Le droit des affaires va produire

des règles spécifiques qui s’appliqueront dans les relations contractuelles tissées par les agents

économiques sur le marché.

4° Entrer sur le marché implique nécessairement un risque. L’activité économique est un

risque pour soi-même et pour les autres. Pour soi-même parce que l’on prend es engagements

vis-à-vis des partenaires, des autres agents économiques en garantissant cet engagement par

des biens, des créances. Le marché est impitoyable, il n’est pas là pour maintenir à flot des

entreprises économiquement faibles. Si l’on n’est pas efficace, le marché devra nous éliminer.

Autour de cette idée d’expulsion du marché se génère aussi un grand nombre de règles de

droit, les premières étant celles de la faillite.

De ces quatre concepts ; on peut tirer une définition tout aussi vague mais plus

systématique : le droit commercial transpose ces concepts dans l’ordre juridique, concepts au

centre des économies libérales et du capitalisme tels qu’on les connait.

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Entre ce droit des marchands et ce droit des affaires, il y a toute une évolution. Elle

nous explique certaines ambiguïtés du droit commercial actuel. On se trouve dans un droit qui

a explosé mais qui comprend encore des matières destinées à une toute petite partie des agents

économiques et notamment les destinataires initiaux, historiquement, du droit commercial.

L’évolution se marque par l’intervention de plus en plus grande de l’Etat, une augmentation

de la matière qui vient se rassembler sous la bannière du droit économique (ex. : l’e-

commerce). On va vite se rendre compte que les réalités juridiques s’élargissent sans cesse,

qu’il faut donc s’adapter à ces évolutions. Les droits qui font partie du droit des affaires sont

des matières à spécialisation, extrêmement complexes.

Le droit des affaires n’a que faire des frontières étatiques. C’est un droit à dimension

internationale. Il est, par essence, international, et a été largement nationalisé par la suite.

Toutefois, il en retourne aujourd’hui, dans le cadre d’une économie globale, à sa nature

profondément internationale. Cela pose des problèmes spécifiques en termes de besoins

juridiques. L’exemple type est le droit de la concurrence qui est réglé par les traités européens

et qui voit la Commission européenne régner en maitre dans la recherche des infractions et de

leurs sanctions. Même s’il ‘existe des droits nationaux en la matière, ils n’ont plus qu’un rôle

accessoire pour des problématiques limitées aux territoires nationaux ou pour des infractions

qui n’ont d’effet que dans les limites nationales. Finalement, le rôle du droit national en droit

de la concurrence se focalise sur l’organisation des institutions de contrôle et de sanctions des

contrevenants et des procédures qui leur permettent de se défendre. Sur les concepts utilisés,

la réponse se trouve en droit européen.

1. Bref historique du droit commercial

A. Du Moyen-Age au Code de commerce de 1807

Au Moyen-Age, les marchands sont des groupes de personnes itinérants, qui se

déplacent en bande avec des chariots et ne s’arrêtent que pour vendre des biens, ayant

découvert qu’il y avait un moyen de s’enrichir à travers une activité itinérante. L’activité

commerciale nait de ces marchands itinérants. On a l’habitude de pointer le Moyen-Age

comme étant le début de l’historique du droit commercial.

Chez les Romains, il n’existait pas de règles spécifiques de droit commercial en tant que

telles. Les seules règles que l’on trouvait étaient intégrées dans le Code civil. Pour les

Romains, l’activité commerciale est une activité d’esclave et le droit ne lui accorde donc pas

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d’attention particulière puisque c’est au départ des gens qui sont « hors droit ». Il y a un

véritable mépris pour cette activité dans l’Antiquité. Mis à part des coutumes qui ont

principalement trait à l’activité commerciale liée à la navigation, on ne trouve pas grand-

chose dans le droit de l’Antiquité.

Au Moyen-Age, le commerce va renaitre, autour des foires, des ports, …

Les marchands sont confrontés à un problème : les règles qui gouvernent les relations

économiques sont différentes d’une région à l’autre, d’un port, d’une foire, à l’autre. Très vite,

ils se dotent de règles propres à eux, qui sont indépendantes des règles qui seraient édictées au

niveau local. Très vite aussi, ils se dotent de leurs juridictions propres, composées de

marchands eux-mêmes. Ils règlent leurs difficultés, leurs différends, entre pairs. La source de

beaucoup d’institutions juridiques, telle que la faillite, trouvent l’origine dans l’intervention

de ces juridictions.

C’est une justice rendue pour et par les commerçants.

Au départ, c’est un droit coutumier, qui devient néanmoins vite sophistiqué. On met au

point toute une série de techniques juridiques qui marquent encore profondément l’activité

économique d’aujourd’hui, comme les premières sociétés commerciales qui naissant à cause

de l’interdiction des prêts (interdiction par l’Eglise qui va perdurer jusqu’au XVII-XVIIIème

siècles). L’activité du prêt sera réservée à des personnes exclues de la société elle-même,

comme les juifs ou les Lombards. On a une société dans laquelle on apporte des fonds, on a

aussi un gestionnaire qui va répartir les bénéfices de l’activité, ce qui rémunère en fait le prêt

de départ.

On invente aussi les comptes et les virements. Au Moyen-Age, les routes sont

dangereuses : on imagine les lettres de change (au lieu d’une bourse, on se promène avec un

papier à échanger). Petit à petit, ce droit que l’on réserve à une catégorie particulière de

personnes, les marchands, devient un corpus de règles qui régissent toute l’activité de

commerce de l’époque. A partir du XVIIème, nait la notion même de commerçant, qui

n’existait pas auparavant et qui est bien plus large que « celui qui achète et qui vend » : c’est

aussi celui qui produit un bien. Tout le processus de l’activité économique tombe sous

l’empire du droit commercial naissant et l’acteur principal est le commerçant, en tant que

destinataire de ces règles spécifiques.

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Tout doucement, on observe une intervention étatique par le biais de législations. Au

départ, le droit commercial est indépendant des pouvoirs politiques, mais à la fin du Moyen-

Age, l’économie se transforme sous l’impulsion de deux évolutions.

D’une part, l’apparition de l’Etat de droit, des Etats-modernes, et de l’économique qui

se transforme parce que le Roi, pour asseoir son pouvoir, trouve dans l’économie un moyen

d’imposer sa volonté. C’est le début de la grande aventure commerciale en France, lorsque

Charles VII met fin aux grandes guerres contre l’Angleterre et décide, par l’intermédiaire des

bourgeois, de prendre les rênes de l’économie pour s’enrichir. Le commerce, d’ailleurs, n’est

possible que si l’on arrête de faire la guerre. Charles VII s’entoure de bourgeois qui font du

commerce dans toute l’Europe. Les premières grandes législations en France datent du

XVIIème. Jacques Savary a ressemblé les coutumes commerciales de l’époque dans un

corpus de règles qui devient en quelque sorte le premier code de commerce. Avec cette

intervention étatique commence la nationalisation des économies. Les pouvoirs étatiques

édictent aussi des règles pour attirer le monde des affaires à eux, attirer les investissements

dans leur pays. C’est le phénomène du forum shopping. Les Etats essayent de donner un

maximum d’avantages aux commerçants, aux financiers qui veulent bien investir sur le

territoire.

D’autre part, c’est aussi l’avènement du siècle des Lumières, la recherche de la liberté,

la volonté de rompre définitivement avec une certaine organisation de la société qui porte

encore les traces du Moyen-Age. La Révolution française arrive et une des premières choses

faites fut de proclamer la liberté de commerce et d’entreprendre. On reconnait le pouvoir de

faire l’entreprise de son choix à tous. Sous l’Ancien Régime, l’activité économique s’était

structurée autour de corporations qui empêchaient une réelle concurrence entre agents

économiques. On ne pouvait pas fixer le prix des services comme on le voulait, il y avait des

règles à respecter. A la Révolution, on libéralise l’activité économique et on l’inscrit dans un

texte : le décret d’Allarde (2-17 mars 1791). Il interdit les corporations. L’étape suivante est

celle de la publication du Code de commerce (1801), directement inspiré du code Savary.

B. Du Code de commerce à aujourd’hui

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Le Code de commerce n’a rien à voir avec le Code civil. Ce dernier est vanté pour sa

clarté, sa qualité ; on y avait mis les plus grands juristes de l’époque et on avait mis les

moyens pour obtenir une œuvre fondamentale. On ne retrouve rien de cela avec le Code de

commerce. Napoléon n’a pas le même souci de réguler le commerce, comme il avait le souci

de réguler la famille. Il se méfie d’ailleurs des financiers mais il a besoin d’eux pour financer

ses conquêtes. La guerre a créé des insécurités juridiques et il faut rapidement combler le trou

béant laissé par l’abolition du droit de l’Ancien Régime. On a besoin de règles en matières

économiques notamment parce que les banques vont mal : il faut mettre sur pied un régime de

faillite efficace. Il faut assainir le marché économique. On édicte un premier code de 648

articles dont la plupart des dispositions ont trait au droit maritime. Il ne reste, aujourd’hui,

pratiquement rien de ce code. On a décidé, en Belgique, de se doter d’un code de l’économie

et ce code sonnera le glas définitif des dispositions toujours en vigueur. Le code de commerce

a rapidement été considéré comme dépassé, mais il contient tout de même des règles

importantes en matière d’organisation des faillites ou d’organisation judiciaire. C’est une

priorité absolue de pouvoir mettre en place des tribunaux et de donner la possibilité aux

commerçants de pouvoir régler leurs litiges. On a aussi organisé dans ce code certains types

de sociétés commerciales. Force est de constater qu’il n’intégrait même pas toutes les

dispositions à caractère économique de l’époque. Par exemple, le décret d’Allarde n’est pas

repris dans le code.

Le législateur, dès le départ, a légiféré en dehors du Code. Des pans entiers ont disparu

et ont été remplacés par des législations spécifiques. On n’a plus un code de règles de base, ce

qui explique aussi le système éclaté des sources du droit commercial actuel.

Autour de quels principes se sont élaborées ces interventions législatives, qui débutent

dès la publication du code de commerce ? Le principe fondamental de la régulation

économique, c’est celui de la liberté économique. On veut favoriser l’exercice des grandes

libertés économiques et on intervient par la législation. Lorsqu’on organise de nouvelles

formes de sociétés commerciales, c’est pour permettre aux agents économiques d’exercer plus

facilement leurs activités. Lorsqu’on organise l’appel à l’épargne publique, c’est pour

permettre aux sociétés de lever toujours plus de capitaux dont elles ont besoin pour se

développer. C’est le dogme du capitalisme libéral. Il se retrouve encore aujourd’hui au sein de

toute l’organisation du marché unique européen.

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Le droit est toujours paradoxal. D’un côté, on pousse en avant la liberté, de l’autre on se

rend compte qu’elle pose problème et crée son lot de victimes. On prend alors des législations

de type protectionniste. Le droit intervient pour protéger certaines catégories d’agents

économiques. Les premiers sont les travailleurs. C’est aussi la montée en puissance des

mouvances socialistes, qui, entrant dans le gouvernement, produisent de nouvelles normes

pour les sociétés. Suivent alors une série de législations, telle que celle sur la protection des

consommateurs, des internautes, des épargnants,… La législation économique intervient pour

empêcher les excès de l’exercice de cette liberté économique.

On voit aussi une plus grande intervention directe de l’Etat dans l’économie. Durant

certaines périodes, on passe d’une économie libre à une économie dirigée par l’Etat. Ce sont

les périodes d’après-guerre. Suite aux deux grandes guerres, l’économie est par terre et c’est

l’Etat qui doit pallier les déficiences du secteur privé. A partir du moment où l’Etat ne permet

pas de choisir le prix, c’est le signe d’une absence de liberté. C’est aussi le temps de la

création d’entreprises publiques ayant le monopole sur certaines activités.

En Europe, sous l’influence du marché unique, on est très vite repassé à un système

libéral. On va dire, aujourd’hui, que l’on est dans un système qui n’est plus une économie

dirigée mais encadrée, balisée, car on accepte que l’on a besoin d’une intervention des

autorités publiques, non pas pour nier le principe de liberté, mais pour en gommer les excès.

Depuis le XIXème siècle, on a ré-internationalisé les activités économiques. On a

favorisé le flux d’exportations entre les Etats, on a permis le développement de transferts et

d’offres de biens et services. A partir de la Seconde guerre mondiale, on a été plus loin. Le

problème n’était plus de vendre à ses voisins mais de favoriser les flux directs

d’investissements. L’idée est de permettre, par exemple, à une société belge d’aller s’établir et

vendre en Allemagne ou sur d’autres territoires. C’est un phénomène de transnationalisation,

et depuis les années 80, on parle même de globalisation. Le modèle économique européen va

marquer profondément le droit des affaires puisqu’aujourd’hui 90% des règles étudiées

prennent leur source en droit européen.

Vers quoi allons-nous ? C’est la crise aujourd’hui, et elle cache mal une crise plus

profonde de l’organisation même de l’économie en place. L’exemple des nouvelles

technologiques est significatif. D’un côté, on règlemente ce droit autour du droit européen,

mais de l’autre on sait que ces règles ne peuvent être totalement efficaces puisqu’on

règlemente des choses qui s’étendant au-delà de l’Europe. Il y a une logique de règles limitées

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encore par les territoires nationaux, et une activité économique qui n’a que faire de ces

limitations. Les Etats perdent la maitrise sur les agents économiques puissants. Il n’y a qu’à

voir la puissance d’entreprises telles que Google ou Apple.

2. Définition et principes du droit commercial

A. Définitions

§1 – Le droit commercial, un droit des commerçants ou des actes de commerce ?

De plus en plus, en droit commercial, on va vouloir règlementer les comportements des

acteurs plutôt qu’une catégorie d’acteurs déterminés. L’institution de la faillite est un bel

exemple. Seuls les commerçants sont concernés. Une S.P.R.L. de médecins ne tombera pas en

faillite, ce ne sont pas des commerçants.

On part de la règlementation d’une qualité pour aller vers la règlementation de

comportements. Comme on veut réguler tous les comportements de ceux qui peuvent créer un

dommage sur le marché, on fait éclater les concepts qui permettent d’identifier les

destinataires des normes. On va même plus loin : ce qu’on veut règlementer, c’est le marché

lui-même car on pense que cette régulation sert véritablement l’intérêt général et, in fine,

l’intérêt du consommateur final. C’est pour cela que l’on verra le secteur public jouer un rôle

de plus en plus grand sur le marché, intervenant sur lui pour assurer la correcte application des

règles. On pense aux autorités administratives qui servent à réguler le marché, comme le

Conseil de la concurrence qui exerce la police sur le marché.

En 1934, on ne s’adresse qu’aux commerçants. Dès 1971, on élargit le champ

d’application du droit commercial et on l’applique aux vendeurs également. Depuis 2010

(LPMPC), on ne parle plus de vendeur mais d’entreprise.

Aujourd’hui, il existe des règles qui ne visent que les commerçants, à côté de règles qui

visent le marché dans son ensemble. C’est une des raisons qui peut pousser à un certain

pessimisme face à toute codification des législations économiques. Quel est ce code qui

n’aurait pas destinataire uniforme ? Cette ambiguïté existe dès 1807, dès le Code de

commerce. C’est toute la problématique entre une conception subjective de la commercialité

et une conception objective de la commercialité.

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La conception subjective, c’est l’idée qu’on règlemente une profession, une qualité. On

alloue certaines règles aux commerçants. A cette époque, ce n’est pas perçu comme étant très

cohérent. On vient de quitter le système de l’Ancien Régime, décrié pour le corporatisme

(donner des règles particulières à une caste d’individus). On se rend bien compte, dès cette

époque, que l’on n’arrivera pas à règlementer l’économie et les nouvelles matières qui

frappent à la porte en fonctionnant seulement avec l’idée que l’on s’adresse à des

commerçants au sens strict du terme.

Certains préfèrent une conception objective   : c’est l’activité qui attire la règle. Ce qui

est règlementé, c’est l’opération commerciale. On va parler d’actes de commerce. On

règlemente l’acte pour viser et identifier indirectement le commerçant. La logique est alors

très différente, car en visant les actes commerciaux et puis dans le fond l’activité économique,

on peut faire éclater la notion de commerçant et c’est d’ailleurs ce qui s’est passé. Sur base de

cette conception objective a lieu cette évolution visant à règlementer des comportements. On

se rend bien compte que des actes de commerce seront posés par des individus qui ne sont pas

commerçants, mais toujours est-il que ces actes seront posés.

Le Code n’a pas tranché entre ces deux conceptions. Il va utiliser la notion de

commerçant pour identifier les destinataires de ses règles. Il définit le commerçant : celui qui

pose des actes de commerce. L’acte de commerce n’est pas bien défini en soi ; c’est l’acte

posé par le commerçant. On constate l’incapacité du législateur de passer d’une approche à

une autre.

§2 - Du droit commercial au droit des entreprises

Les rédacteurs du Code de commerce hésitaient entre une conception objective de la

commercialité et subjective de la commercialité. Dans la définition même des actes de

commerce qui permet de donner corps à la définition de commerçant, nous avions vu qu’elle

exprimait cette ambiguïté en son sein.

Le droit commercial qui suit (post 1807 à nos jours) : l’objet du droit commercial et le

contexte économique ont été révolutionnés et on subit des évolutions à ce point importantes

que l’approche de la commercialité et du droit commercial est aujourd’hui largement dépassée

comme nous l’avons vu au dernier cours. A partir du moment où l’on admet que le droit

commercial s’applique à toute activité économique, il y a une incohérence au sein même de la

recherche classique de la commercialité.

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Pourquoi s’y est-on attaché ? Il y a une raison qui vaut encore partiellement

aujourd’hui : seules les relations privées nous intéressent mais il est clair que le droit des

affaires est marqué par une forte intrusion de l’Etat sur les marchés : tant en tant qu’acteur

économique que de régulateur des marchés, qu’en tant que législateur de normes qui vont

s’appliquer aux autres acteurs de la vie économique. Il est clair que c’est une partie de

l’enseignement qui est tout à fait exclue de notre matière : on ne peut pas imaginer introduire

tout ce pan public des relations juridiques économiques, même si on va un peu parler des

autorités de contrôles du droit de la concurrence (Commission européenne) mais nous

n’allons pas analyser ce pan de la matière d’une façon systématique.

Le droit des affaires (droit économique au sens large) est complètement

instrumentalisé par les politiques. C’est un outil qui permet de mener certaines politiques. Un

des exemples évidents où le politique, par le biais de création de normes, cherche à mettre en

place certaines politiques particulières est celui de la taxation en temps de crise, étant entendu

qu’il faut être prudent lorsque l’on utilise un levier dans l’activité économique qui a des

répercussions au niveau des activités qu’il faut prendre en compte et qui ne le sont pas.

Ex. :- pour des raisons budgétaires, les avocats sont soumis désormais à la TVA (novembre

dernier) pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat puisque nous sommes en

période de restrictions budgétaires. Cela ne va rien changer pour certains car ils ont toujours

payé les achats en amont : ils vont facturer avec TVA et ils pourront déduire la TVA payée

sur la TVA due en vertu de leur facture. Première remarque : c’est vrai mais il y a deux

problèmes : la clientèle reste une clientèle de personnes physiques qui ne pourront pas

déduire cela. Cela aura une répercussion directe sur notre vie en société et sur les valeurs qui

sont défendues puisque l’accès à la justice diminue. Quels sont les gens qui peuvent

aujourd’hui désormais sortir 21% de plus pour aller voir leur avocat ? C’est l’effet presque

sociologique. Qu’est ce qui va se passer ? Il y aura beaucoup plus de noir. Il y aussi une

diminution de rentrée pour l’Etat. Deuxième effet antiéconomique : le système de la TVA est

basé sur un préfinancement : si je suis soumis à la TVA depuis le 1er janvier. On fait les

factures en prévoyant les frais et honoraires + 21% de TVA qui devront être payés par le

client. Le client, quand va t il me payer ? Dans deux mois pour les plus rapides, voir plus

pour les autres, voir 6 mois un an pour les institutions étatiques. Qu’est-ce qu’il se passe à la

fin du mois ? Si on a + de 1.000.000 de chiffre d’affaire : on doit payer une TVA qui n’a pas

encore été remboursée. C’est antiéconomique : les clients ne paient plus ou avec de plus en

plus de retard et donc l’entreprise a un problème de liquidité puisque les entrées s’espacent

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de plus en plus mais que les frais sont fixes. Payer l’exigible devient de plus en plus dur.

L’Etat demande ensuite d’augmenter les 21% ! Il va falloir avancer cet argent à l’Etat. Les

petits cabinets sautent donc ... Il y a des avocats qui s’arrêtent car cela ne vaut plus la peine.

La mesure a été prise en novembre et dès janvier c’était effectif !

Il y a d’autres mesures plus intelligentes où l’on voit que le pouvoir politique tente

d’insuffler des politiques économiques. C’est le cas avec le lancement des petites sociétés

starters (voy. chapitre infra) où l’on insuffle de l’argent dans leur capital. On impose que des

montants minimaux soient injectés dans la société. La simple création d’une société coute au

fondateur : on a créé une société au capital de 1€ (cela ne durera que trois ans pour certaines

sociétés).

B. Les principes du droit commercial

§1 – Les principes du droit commercial issus du Code de commerce de 1807

La liberté de commerce/d’entreprendre

C’est la fameuse liberté d’entreprendre consacrée par le décret révolutionnaire

d’Allarde (voy. supra). Très vite, on a tenté de ciseler les limites, les contours de cette liberté

et ce par des réglementations particulières pour éviter les excès probables. Le principe est la

liberté et la réglementation est normalement l’exception.

L’importance des usages et de la pratique

C’est lié au principe de liberté : si on proclame la liberté et qu’on admet que la

règlementation ne vaut qu’à titre d’exception, alors nécessairement le corps de ces règles va

trouver sa source dans les pratiques, les usages commerciaux, qui sont admis par les acteurs

de l’activité économique. Il est clair que l’approche de législations commerciales se fait par la

fixation de certaines limites à des pratiques librement posées.

Ex. : la publicité : c’est une pratique commerciale évidente et très usitée pour permettre de

vendre ses biens et ses services. Jusqu’en 1991, il n’y a pas de règles générales à la

publicité : on sanctionne la publicité par l’interdiction des comportements déloyaux. C’est

une interdiction tout à fait générale. Cela permet aux pratiques publicitaires de se développer

de manière extrêmement souple en concordance avec l’avancée technologique. La

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réglementation sur la publicité ne viendra (et sur les nouvelles formes de publicité comme sur

internet) que plus tard. On agit en sanctionnant les dépassements plutôt qu’en réglementant

positivement la matière, ce qui permet à l’activité économique de se développer sans trop de

contrainte.

Ces pratiques et ces usages conservent une place essentielle aujourd’hui, malgré les

nouvelles nombreuses réglementations. L’approche reste une approche qui entérine ce qui se

fait plutôt qu’une approche qui impose des comportements sur le marché.

La bonne foi et l’équité

Les acteurs de la vie économique ont besoin de confiance, de pouvoir se faire

confiance, d’où l’importance de ces deux principes. Cela va se marquer dans les institutions

juridiques spécifiques. Par exemple, en matière de preuve (art.25 du Code de commerce), il

est étonnant que l’on admette que la comptabilité d’un commerçant puisse valoir comme

preuve vis-à-vis de son cocontractant : on va faire confiance à la comptabilité (art.20 à 24 du

Code de commerce). Il est aussi étonnant de voir en pratique à quel point les entrepreneurs et

les gens qui créent l’activité économique se font confiance. Par exemple, pour le paiement

électronique : il y a énormément d’acteurs qui interviennent (financiers, commerciaux, etc.).

On négocie les contrats mais ces conventions qui ne sont pas encore écrites sont déjà

exécutées. Les parties se font confiance. C’est quelque chose que l’on ne ferait pas entre

personnes privées. Le juridique suit avec un retard certain l’opérationnel : la convention est

purement orale et non encore écrite. Beaucoup de choses fonctionnent oralement dans

l’activité économique. La seule trace que l’on garde souvent est une facture avec quelques

conditions générales.

La simplicité et la rapidité des procédures

Un autre élément essentiel est la simplicité et la rapidité des processus. Il est clair que

les partenaires économiques veulent que les choses aillent vite, soient simples et ne coûtent

pas cher en terme d’habillage juridique. C’est pourquoi ils font des choses qui répondent à

leur besoin, tel que l’absence de leur convention, mais une facture au dos de leurs conditions

générales (cf. supra).

§2 – Les principes actuels

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La liberté et la loyauté

Ainsi, par exemple, la fameuse liberté d’entreprendre et de commerce qui au départ est

proclamée à l’encontre de l’obscurantisme de l’Ancien régime, à l’encontre du corporatisme,

devient de plus en plus une affirmation de l’existence d’un marché sans frontière où l’on

exige des acteurs un comportement loyal, concurrentiel, qui implique et admet un

encadrement et un contrôle de l’activité économique. Le nouveau Code de droit économique

exprime bien cette évolution (cf. l’article II-2). Le livre II reprend les grands principes. Le

premier principe mis en avant est évidemment la liberté d’entreprendre : c’est une révolution

majeure puisque contrairement à 1807, on proclame cette liberté comme étant le socle, la

base, des règles qui régissent l’activité économique. Comment le dit-on ? L’article II-2

ajoute à la liberté d’entreprendre mais aussi des principes limitatifs de cette liberté : « la

loyauté des transactions économiques et un niveau élevé des consommateurs » : la loyauté et

la protection du consommateur. C’est significatif du changement d’approche de la liberté :

on la proclame mais on affiche et on proclame des principes qui viennent apporter un effet

équilibrant et qui permettent d’éviter des excès de cette liberté. En filigrane, on retrouve toute

l’approche, tout le régime des grandes libertés économiques mis en place par l’UE : la libre

circulation des personnes et des capitaux, etc. où l’idée principale reste la diminution

maximale des entraves mais cet exercice doit être encadré par les règles par l’UE elle-même

afin de garantir les principes de loyauté et de concurrence sur le marché.

Ce qui va également se traduire dans la législation, c’est la sanction de l’exercice

déloyal et anticoncurrentiel des grandes libertés économiques : de contracter, de concurrence,

etc. La LPMPC et la loi sur la protection de la concurrence seront dans le nouveau Code, à cet

effet.

L’exercice de la liberté d’entreprendre s’éclaire par un autre principe aujourd’hui qui

est le principe de transparence. De plus en plus, on impose à l’acteur économique d’exercer

son activité dans une transparence qui permet aux autres acteurs, ainsi qu’aux organes de

contrôle, d’avoir accès à toute une série d’informations sur la manière dont elle fonctionne et

d’informations qui permettent d’avoir une idée assez correcte de la qualité de son activité

économique : les obligations d’inscription à la Banque-carrefour des entreprises, les

obligations comptables qui s’imposent aux entreprises qui sont constituées en société

commerciale (obligation de publication des comptes annuels par exemple, autour de tout ça,

l’accès, par les acteurs du marché, d’une information de données sur les entreprises,…).

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Concernant l’obligation de transparence, il est difficile aujourd’hui d’exercer une activité

économique sans être identifié. Si on ne trouve pas d’informations, c’est plutôt un signe de

méfiance qu’autre chose.

Encore plus loin, les obligations de transparence se marquent aussi au niveau de la

bonne gouvernance de l’entreprise quand on parle beaucoup du salaire des patrons par

exemple. Cela fait partie des obligations de bonne gouvernance qui obligent à prendre en

considération des intérêts divergents pour éviter toutes les tensions inutiles entre ces intérêts.

Les exigences propres au monde des affaires

La première exigence qui est imposée au créateur de normes dans les activités

économiques est la rapidité. On retrouve cela dans l’aphorisme : « le temps c’est de l’argent ».

Les acteurs ont besoin que le droit économique satisfasse au besoin de rapidité qui est

inhérent aux échanges commerciaux. Cela va se marquer par une série d’institutions ou de

modalisations de règles existantes comme par exemple l’abolition de tout formalisme issu du

droit civil. On pense au formalisme lié à la réglementation relative à la preuve (art.25 du

Code de commerce). En matière civile, l’écrit reste le principe (art. 1341 et s. du Code

civil). En matière commerciale, c’est la liberté qui prévaut. Cela se marque aussi au niveau

des procédures judiciaires qui vont être mises à disposition des acteurs. Nous verrons l’action

en cessation commerciale qui est une action qui est introduite devant le président du tribunal

de commerce, par lequel une entreprise ou un consommateur vient demander au président de

donner injonction à une entreprise de cesser une pratique commerciale considérée comme

illicite par le demandeur en justice.

Ex. : une entreprise qui considère que son concurrent a lancé une campagne de publicité

trompeuse susceptible de lui porter préjudice. Il demande au juge de faire cesser cette

campagne.

Produire une action au fond dans un tribunal normal prend aujourd’hui deux ans. Ici, on

peut obtenir une décision, le cas échéant, dans les cinq-six semaines. C’est comme un référé

(mise en état rapide du contentieux judiciaire) mais on obtient non pas une décision provisoire

mais une décision au fond. C’est une action inventée et conçue pour les acteurs économiques.

Au niveau du formalisme, il y a un phénomène par lequel le monde économique renforce

un certain formalisme pour atteindre un objectif de simplification. L’utilisation d’une facture

qui est un document particulier qui doit nécessairement contenir certaines mentions en est un

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exemple. La lettre de change qui est utilisée comme un moyen de paiement, le cas échéant, en

est un autre. L’ancien chèque est aussi l’expression d’un formalisme qui est conçu pour

simplifier l’échange économique (>< l’ancien formalisme qui alourdissait). La rapidité peut

aussi exiger que l’on ne s’attarde pas trop sur les pouvoirs du cocontractant : c’est pourquoi

on fait application de la théorie de l’apparence. Notons aussi les délais de prescription plus

courts qu’en droit commun. En droit des sociétés, 5 ans en matière de responsabilité et 6 mois

pour la nullité des opérations.

Un autre besoin (que la rapidité) est le besoin de crédit qui est essentiel dans une activité

économique : on a besoin de fonds mis à disposition par des tiers. On n’arrivera pas (dans la

quasi-totalité des cas) à fonctionner sur fond propre. Le droit va renforcer, faciliter, aider à

prendre des mesures pour pousser les créanciers à donner des fonds. Comment faire ?

Notamment par une augmentation des règles de transparence : a priori, la publicité de la

comptabilité d’une entreprise a pour but premier de permettre au créancier de se faire une idée

de la bonne santé financière de l’activité de son partenaire commercial. Le développement de

suretés particulières qui seront octroyées à celui qui prend le risque de la mise en disposition

du fond est une des réponses du droit commercial pour faciliter le crédit dans les activités

économiques. Le régime de la faillite répond aussi à cette exigence. Le processus de

liquidation de la société est mis en place dans les tribunaux de commerce et se met en place

alors une procédure par laquelle on liquide la société (les actifs) : on va essayer de payer un

maximum les dettes en souffrance. Cette procédure garantit au moins de récupérer ce qui est

récupérable et de ne pas tomber dans l’anarchie en cas de processus de liquidation.

Un autre besoin qui va être générateur de droit est le besoin de sécurité. Voy. la faillite

supra. Les activités économiques sont en général en chaîne puisque liées les unes aux autres.

Quand ArcelorMittal décide de fermer un certain type d’activité sur Liège, c’est l’intégralité

du tissu économique autour qui est affecté (on parle de risques « systémiques » de contagion

et de rupture). Dès lors, on craint que celui qui ne respecte pas les règles du jeu, risque de

mettre tout le monde en danger. Les règles doivent aussi être là pour éliminer les mauvais

joueurs dont le comportement pourrait mettre en péril l’activité des autres acteurs. C’est

pourquoi on trouve des règles très sévères et rudes à l’encontre de ceux qui ne respectent pas

les règles du jeu. Il faut faire en sorte que la concurrence élimine aussi les mauvais joueurs :

ceux qui ne sont pas capables de tenir leur place dans le marché. La faillite est aussi (au départ

en tout cas, mais moins aujourd’hui) pensée pour mettre en dehors du jeu l’entité économique

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qui n’est plus capable de tenir son rôle à l’égard de ses créanciers. Si l’on ne fait plus

confiance, alors plus de crédit, plus le droit de continuer à jouer.

Le quatrième besoin est le besoin d’une éthique particulière, d’une morale spécifique,

d’une loyauté qui s’impose à ceux qui exercent leur liberté d’entreprendre/de concurrence. Cf.

théorie de la concurrence « déloyale ». Il y a des standards de comportements loyaux aux

acteurs du marché.

Le cinquième besoin est le besoin d’unification transnationale des règles juridiques.

L’activité économique est internationale et a donc besoin de règles qui sont susceptibles

d’avoir une application plus large que chaque état pris individuellement. La source de ces

règles doit être la plupart du temps supranationale : c’est le phénomène de création du grand

marché et la création du droit européen qui traduit ce besoin d’unification des règles.

C’est pourquoi le droit économique/le droit des affaires est devenu un droit autonome.

C’est relativisé dans certaines matières comme en matière de droit des contrats/obligations où

il est fait application, en matière commerciale, du fait de cette idée de liberté dans les relations

économiques. On va plutôt être réticents aux acteurs économiques.

3. Les sources du droit commercial

Dans un monde globalisé, il y a un éclatement des sources, des règles applicables : on

ne peut plus trouver dans le seul droit national les sources des règles applicables à l’activité

économique, d’où l’importance du droit comparé et du droit international. C’est un monde

globalisé mais aussi un monde qui s’autorégule. Le droit des affaires naît des pratiques et du

droit que s’imposent les marchés entre eux, sur le marché. Cette autorégulation a perduré dans

le temps et fait que le droit commercial/droit économique est un droit spontané, qui s’auto

génère au départ de ses pratiques et usages.

Mais l’autorégulation dont on parle ne vise pas que cette réalité, mais aussi une autre

réalité qui prend de plus en plus de place dans les sources des règles applicables aux acteurs

économiques : c’est le fait que les entreprises se dotent de normes particulières et spécifiques

en marge et à côté des normes obligatoires d’origine étatique. Il y a une création de normes

indépendantes des états : notamment avec les entreprises de taille mondiale. On édicte des

policies (polices en français) qui sont des règles qui ne sont pas des règles conventionnelles ni

étatiques, mais qui sont édictées par les autorités du groupe à destination de chaque entité qui

la compose.

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Ex. : les polices qui règles le flux de données entre les entreprises d’un même groupe ; des

règles concernant les carrières ; des systèmes par lesquels on favorise la dénonciation des

comportements illégaux/dommageables à l’entreprise (par exemple le whistleblowing en

matière financière et comptable où l’on a un canal, numéro de téléphone où l’anonymat nous

est garanti et l’on dénonce les pratiques présumées dangereuses auprès de l’autorité).

D’autres exemples pour montrer l’importance : des côtes d’éthique publicitaire prises de

manière spontanée (pas obligé donc) ; on trouve des secteurs d’activité qui s’imposent des

règles de comportements particuliers alors même que les autorités ne l’imposent pas, ou alors

ça précède un mouvement législatif.

A. Les sources nationales : du Code de commerce de 1807 à une législation éclatée

L’important est la disparition et l’évolution que l’on voit. On avait le Code de commerce

incomplet et mal rédigé et des législations éparses. L’idée de la codification du droit

économique est née en réalité du bicentenaire du Code de commerce, à la suite de toute une

série de conférences en 2007. Le Code de commerce ne ressemble plus à rien puisque c’est un

squelette dépecé : il ne lui reste quasi rien. L’administration s’est vue intéressée par une

nouvelle codification des règles de droit économique. Il y a eu un colloque en 2009 sur la

codification et le gouvernement a demandé à un groupe de travail la mise en place à la VUB

d’un premier projet de codification. Ce projet a été vite fait. Le gouvernement a alors planché

sur un projet de code et c’est ce code dont on parle aujourd’hui. Les premiers livres ont été

introduits dès début 2013. Dès la fin de la législature, les treize livres devraient avoir tous été

votés. Le livre sur le droit de la concurrence est déjà en vigueur.

Mais il y a aussi des modifications de règles existantes : parfois, on en profite pour insérer

des règles issues de directives qui n’ont pas encore été introduites en droit belge. On le fait au

moment de la création du livre. En matière de propriété intellectuelle, toute l’organisation des

droits d’auteurs est en passe d’être radicalement modifiée sous le couvert du vote du livre sur

la propriété intellectuelle. On va un peu de surprise en surprise, au fur et à mesure de la

lecture des nouveaux documents. Il n’y a pas de fil conducteur dans la structure du Code. Il y

a des règles qui vont subsister en dehors du Code et qui auraient leurs places dans le Code.

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Le premier livre est consacré aux définitions. L’enjeu était de taille. Il comprend deux titres,

l’un avec des définitions générales, l’autre définissant des notions spécifiquement pour l’un ou

l’autre livre.

Le deuxième livre comprend les principes généraux de droit économique. Ces deux premiers

livres sont déjà entrés en vigueur.

Le troisième livre, dénommé « liberté d’établissement, de prestations de services et

obligations générales d’entreprise », comprend la présentation des principes de certaines

grandes libertés économiques d’origine européenne (liberté d’établissement, de prestation de

service,…) ainsi que des devoirs spécifiques que tout entrepreneur connait.

Le quatrième livre consacre le droit et la protection de la concurrence.

Le cinquième livre (« concurrence et évolution des prix ») réorganise le système de

contrôle du droit de la concurrence. Il est également en vigueur. Il a principalement pour objet

la règlementation des prix et cette règlementation est appréhendée par les principes du droit de

la concurrence.

Le sixième livre concerne les pratiques du marché et la protection du consommateur. On

reprend, mais pas uniquement, le contenu de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du

marché et la protection du consommateur. On profite du processus de codification pour

implémenter une directive de 2011 relative au droit du consommateur dont le champ

d’application touche notamment aux ventes par internet, ventes à distance, etc.

Le septième livre concerne la protection du consommateur dans le cadre de l’offre de services

financiers aux particuliers.

Le huitième livre consacre la qualité des produits et services. Les dispositions règlent

notamment le problème des unités de taille ou instruments de mesure.

Le neuvième livre concerne la sécurité des produits et services.

Un dixième livre concerne les contrats économiques .

Le onzième livre consacre les droits de la propriété intellectuelle.

Le douzième livre se penche sur les droits électroniques .

Le treizième livre concerne les mécanismes de concertation (principalement, la création d’un

Conseil Central de l’Economie). On a tenté de rationaliser ce processus via la création du CCE

Le quatorzième livre consacre les mesures de gestion de crise.

Le quinzième livre est consacré aux modalités de recherche et de constatation d’infractions

aux lois et code économiques, tant dans l’aspect pénal qu’administratif.

Le seizième livre met en place, en matière de protection et de droit de la consommation, une

série de mécanismes pour suppléer aux possibilités des consommateurs à protéger leurs

droits. On y trouve un règlement de résolution non judiciaire des conflits de consommation.

Le dernier livre reprend les procédures juridiques particulières. C’est là qu’on retrouve les

recours collectifs qui permettraient à toutes les associations de consommateurs d’introduire

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des actions au fond pour obtenir des dommages et intérêts suite à la violation du droit à la

consommation.

B. Les sources internationales

Il faut rappeler l’existence de grandes institutions internationales qui imposent des devoirs

et obligations aux Etats.

- L’OMC est à la source de trois traités majeurs : le GATT (Accords sur les tarifs et les

marchandises), le GATS (concerne les tarifs et les services) et l’ADPIC qui reprend des

accords spécifiques en matière de propriété intellectuelle. Ces traités sont construits autour de

deux grands principes majeurs : la non-discrimination et le traitement national (=ce qu’on

accorde aux nationaux doit être accordés aux étrangers qui prestent en concurrence avec les

nationaux).

- La CLUDSI a un rôle créateur, de source, du droit commercial international. Elle édicte des

règles ensuite reprises par tout ou partie des Etats. Ce sont des conventions prévoyant des

règles de fond sur des transactions commerciales et permettent, si tous les Etats y adhèrent,

d’opérer une unification des règles au sein des Etats qui les adoptent ou s’y soumettent. On y

élabore aussi des lois-modèles, des lois-standards.

- Il existe énormément de traités bi/multilatéraux passés entre les Etats.

C. Le droit européen

Il a pour objet de réaliser le grand marché au sein de l’UE. C’est donc aujourd’hui la

source de la quasi-totalité des règles applicables à l’activité économique dans les différents

Etats membres. Les dispositions du TUE et du TFUE sont directement applicables dans tout

le territoire de l’UE. Ces dispositions s’inscrivent dans une perspective d’harmonisation du

droit des Etats membres.

D. La coutume, l’usage et l’autorégulation

§1 – La coutume et les usages

La coutume est une source de droit qui repose sur une double composante : un élément

matériel ou objectif (la repetitio) qui n’est autre qu’un usage, une pratique, ancienne, continue

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et généralisée ; et un élément psychologique ou subjectif (l’opinio necessitatis) qui renvoie à

la conviction/la croyance qu’ont les sujets de droit qui suivent un tel usage de son caractère

obligatoire, de sa force contraignante en droit. La coutume se distinguerait des usages « de

fait » ou « conventionnels » du fait qu’ils ne jouissent d’une éventuelle force obligatoire que

lorsque le législateur le prévoit (art.1135 et 1160 du Code civil) ou par le truchement des

institutions classiques du droit des obligations. La juridicité n’est donc qu’indirecte

(contrairement à la coutume).

Depuis 2008 (arrêt de la C. Cass.), lorsqu’une clause est usuelle, c’est-à-dire généralement

reconnue dans une région déterminée, il y a une présomption de connaissance d’un usage par

les parties qui ne l’ont pas exclu dans leur convention.

La coutume est un usage de droit et ne doit donc pas être prouvée. Son caractère général et

son ancienneté lui confère reconnaissance devant les juges, qui écarteront même les règles de

droit civil avec lesquelles elle se révèlerait incompatible. Les usages, à l’inverse, doivent être

prouvés en cas de contestation par toute voie de droit par la partie qui prétend les avoir

appliqués à sa relation contractuelle.

On a vu que le rôle des usages avait marqué les débuts du droit commercial. Mais il est

clair que les usages commerciaux sont validés par les tribunaux de commerce qui sont eux-

mêmes composés de représentants du monde économique et cela facilite l’introduction de

règles que s’appliquent volontairement les acteurs économiques entre eux.

Ex. : l’usage de la solidarité présumée entre commerçants. C’est un usage qui est contraire

au Code civil.

Il faut que la pratique soit constante et, c’est cette constance qu’il faut démontrer. Si c’est

une coutume, il ne faudra pas le prouver en raison de son caractère général. Il y a des usages

chez les diamantaires.

Les usages sont aussi parfois repris dans des corpus de règles nationales ou

internationales. Par exemple, les Incoterms (International Commercial Terms) adoptés par la

Chambre de commerce internationale (C.C.I.) qui les adopte et qui rassemble des usages

commerciaux en vigueur en matière de commerce international.

Ex. : transfert des risques, des frais, etc. On peut les invoquer s’il n’y a pas de clauses dans le

contrat qui règle, alors qu’il ne s’agit pas de réglementation étatique. La jurisprudence

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commerciale, en Belgique, reconnaît, régulièrement, l’existence de ces usages et les applique

dans des cas bien précis.

§2 – L’autorégulation

Avec l’autorégulation c’est autre chose, on est en dehors du droit. Le droit étatique n’est pas

là a priori pour le valider ou l’invalider. Le monde économique craint par principe la

multiplication des normes et préfèrent prendre les devants et s’organiser par eux-mêmes en

créant des normes dont ils seront les destinataires. Cela se fait de plus en plus avec la

complicité des autorités publiques (nationales ou européennes).

L’autorégulation est plus moderne que les usages et coutumes qui sont plus

archaïques. Selon une définition de M. le professeur P. VAN OMMESLAGHE, l’autorégulation

est comme «   une technique selon laquelle des règles de droit ou de comportement sont créées

par des personnes auxquelles ces règles sont destinées à s’appliquer, soit que ces personnes

les élaborent elles-mêmes, soit qu’elles soient représentées à cet effet   » (voy. également pp.

35 et suiv. du manuel).

Il y a des règles de bonne gouvernance dans les sociétés cotées en bourse et lorsque

l’on aborde la crise Fortis, un de ses problèmes juridiques centraux est la question de savoir

quel statut et quelle nature on doit reconnaître d’un point de vue juridique à un Code de règles

de bonne gouvernance qui prévoyait qu’au cas où une entreprise se séparait de parties

importantes de son activité, le conseil d’administration devait saisir l’assemblée générale. On

trouve ces règles d’autorégulation en plein coeur de la crise financière que l’on a connue.

On retrouve ces règles en matière publicitaire. Il y a le jury d’éthique de la publicité,

créé en 1974 par le conseil de la publicité, qui est une ASBL qui regroupe des associations de

la communication. Ce jury, composé de représentants du secteur, est devenu un organe d’avis

mais aussi d’un organe auprès duquel les gens peuvent porter plainte lorsqu’ils considèrent

qu’une publicité est contraire aux pratiques, mais également, dès l’instant où la publicité est

contraire à un code de déontologie ou d’éthique qui aurait été adopté dans le secteur. C’est

volontairement que les entreprises y adhèrent et il n’y a pas de réelle contrainte possible, si ce

n’est la sortie de l’entreprise de l’association. Ce qui est amusant à constater est que les

entreprises se soumettent aux décisions du jury (il y a un organe et un organe d’appel). Ce

jury est assez sévère. Cela tourne autour de trois choses : les publicités qui heurtent (sexe,

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etc.) ; la problématique de la publicité sur l’alcool ; l’information trompeuse sur les conditions

financières lors de l’achat d’un bien.

Ex. :- une affiche qui montre une femme en lingerie noire allongée sur un lit. Le texte est

limpide : « cela ne vous gênerait pas d’être le premier ? » C’est une publicité pour des

voitures de seconde main. Une plainte est déposée par des gens qui sont choqués (cela ne

coûte rien). La plainte est fondée sur le peu de respect de la publicité à l’égard de la femme,

présentée comme un objet pour vendre des voitures. Le jury a condamné la publicité. C’est

sévère car c’est une association qui est commune. Les femmes achètent des voitures aussi,

elles ont un pouvoir d’achat. La défense dit qu’ils voient le mal partout, qu’il y a des

publicités identiques avec un homme. Le jury dit que le slogan est clairement suggestif et tend

à réduire la femme à un objet, que c’est choquant et que cela tend à continuer des stéréotypes

et est contraire à la dignité humaine. L’annonceur a refusé de retirer la publicité et alors le

système veut que l’on s’adresse aux médias qui sont aussi membre du système et les médias se

sont engagés à ne plus diffuser la publicité.

- publicité pour du Kidibul : Les publicités montraient les Kidibul entre des bouteilles

d’alcool. Il y a eu une plainte jugeant que cela serait contraire à une convention. Là aussi,

sur base de la photo qui a été communiquée, le jury a remarqué qu’il n’y avait pas de

séparation entre les deux types de boissons.

Tout le problème est là : l’humour, le décalage de la situation, quelle est la limite ?

Jusqu’où peut-on aller ?

Parlons maintenant de l’affaire Fortis qui n’est toujours pas terminée. En 2007, les

dirigeants de Fortis participent à l’achat d’une banque hollandaise pour 23 milliards d’euros.

Comment finance-t-on ? Par des petites actions. Toute l’information n’a pas été donnée et,

notamment, les petits actionnaires n’ont pas été informés sur le fait que Fortis devait savoir

qu’elle était contaminée par des actifs toxiques et que celui qui achetait des actions devenait

possesseur de ces actifs contaminés. C’est le problème des subprimes. Peu après cet achat, on

se rend compte que Fortis est condamnée par ces actifs qui sont logés dans certaines de ses

filiales. Dès juin 2008, on re-procède à une augmentation de capital pour 1,5 milliard. Les

subprimes sont des prêts hypothécaires qui ont été créés aux USA et qui ont la particularité

d’avoir un taux d’intérêt très bas mais variable. Il y a beaucoup d’acheteurs puisque le taux est

bas. Mais le problème est qu’entre 2004 et 2006, le marché du crédit hypothécaire doit faire

face à deux événements : une augmentation drastique des taux (multipliés par 5 ou 6 en deux

ans) et en parallèle, une crise de l’immobilier. Quelles sont les implications ? Si les taux

22

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augmentent, les défauts de remboursement augmentent, et le préteur ne sait pas vendre le

bien, puisqu’on est en plein crise de l’immobilier et fait une perte sèche sur le contrat et donc

les préteurs font faillite et c’est le départ la crise.

Il y a un élément essentiel : ces prêteurs se sont crus plus malins que tout le monde et

se sont dit qu’il fallait valoriser un maximum ces titres de créances et on les a mis sur le

marché avec l’idée de racheter un titre à une valeur supérieure à la créance de base.

Les préteurs ont revendus les titres sur les marchés spécialisés. Souvent ces titres ont

été inclus dans des services ou d’autres produits, de sorte que l’on ne savait même plus qu’ils

faisaient parties des packages de créances en question. Au final, tout le système est tombé car

ces créances se sont retrouvées dans tout le monde financier.

En septembre 2008, Fortis est dans la tempête. Des rumeurs commencent à courir sur

la solvabilité du groupe puisque tout est question de confiance sur les marchés financiers. Le

problème est que l’on ne sait pas qui a quoi. On ne sait pas ce que Fortis aurait comme actif

valable et surtout le volume que cela représente par rapport à l’actif global. Les banques

commencent à se méfier les unes des autres et cessent la pratique du prêt interbancaire. Très

vite, les banques se retrouvent sans liquidité. Une banque sans liquidité est une banque qui ne

sait plus faire face à ses échéances, à ses remboursements. La dépréciation de la valeur d’actif

lié aux subprimes avoisine 500 milliards de dollars. Cela fait chuter les capitaux propres des

banques et ces banques vont tenter de survivre en augmentant leur capital puisqu’une partie

de l’actif ne vaut plus rien. Le problème est que l’on ne sait pas ce que l’on achète et ce n’est

pas facile de s’en sortir.

Tout doucement, les clients se rendent compte du problème, on commence à en parler

dans la presse et là les gens se rendent compte qu’ils détiennent des titres à risque ou alors

simplement des actions. La panique s’installe et les gens veulent retirer leurs actions. L’action

Fortis tombe à 5€ et Lehman Brothers et les autres banques tombe en faillite, avec le double

retentissment que ça a.

Le 28 septembre 2008, la situation est intenable, Fortis n’a plus de liquidité et les

épargnants retirent leur argent en masse car ils ont peur de tout perdre quand Fortis tombera.

Les gouvernements Benelux se retrouvent et cherchent une solution. Le gouvernement

hollandais décide de reprendre le contrôle de Fortis Nederlands, idem pour les deux autres

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pays. A trois, ils obtiennent 50% du capital et décident de revendre les actions. On désintoxe

l’actif en accordant des réductions de valeurs.

Le 3 octobre 2008, le gouvernement hollandais fait un rachat et grâce à cela, les

liquidités reviennent dans le groupe et la solvabilité augmente. Ces Etats n’ont pas les moyens

de leur achat et donc ne veulent pas conserver cela dans le portefeuille étatique. La Belgique

n’a pas le moyen de le faire, d’où la négociation avec le groupe BNP Paribas sur la revente

des branches belges et luxembourgeoises.

Les actionnaires se sentent floués par l’action opérée par le gouvernement belge. Ces

actionnaires (c’est toute l’affaire Fortis, versant judiciaire avec Modrikamen) introduisent une

action en référé (rapide) pour obtenir tout simplement l’arrêt du processus de vente.

Un des arguments est le fait que le conseil d’administration qui a autorisé le dépeçage

du groupe n’avait pas l’autorité de prendre la décision de cession des filiales en cause sans

l’accord préalable de l’assemblée générale, l’autorisation des actionnaires.

Quelle est la base de l’argumentaire des actionnaires ? Ce sont les règles du Fortis

governement statement qui ne sont pas a priori des règles qui seraient inscrites dans le Code

des sociétés. Ces règles prévoyaient que dans pareil cas, l’assemblée devait être consultée.

Cela n’arrange personne que le tribunal arrête tout à cause de la violation d’une petite

règle d’éthique dans un petit code. La présidente du tribunal de commerce, Mme De Tandt,

dit que les demandeurs font référence à cela et dit que ces règles n’ont aucune valeur juridique

prima facies. Elle dit que tout le monde reconnaît que ces règles sont du soft law qui n’ont pas

de valeur normative et contraignante et, dès lors, on ne peut pas reprocher au conseil

d’administration de les avoir violées. On retrouve cela dans le Journal des tribunaux 2008. Le

magistrat fait une pondération de tous les intérêts en jeu. Elle justifie la décision rapide (il faut

le dire, prise en quelques jours, sans avoir informé ou demandé ou saisi l’organe qu’est

l’assemblée générale de Fortis) par les circonstances : « à situation exceptionnelle, réponse

exceptionnelle » et cela ne parait pas illégal ni illicite au professeur.

Les demandeurs ont fait appel. On se souvient que la Cour d’appel a réformé la

décision de Mme De Tandt en disant exactement le contraire du point de vue de la force

contraignante : ces règles faisaient partie des règles statutaires de Fortis. La Cour d’appel dit

qu’il était obligatoire pour le conseil d’administration de saisir l’assemblée générale et de lui

soumettre la décision de revente. On suspend tout et on organise alors la fameuse assemblée

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générale sur base de la décision en cause et là les petits actionnaires n’ont pas su s’opposer à

la décision prise par l’assemblée. Il n’y a pas d’autorité du référé sur le juge du fond.

4. Des actes de commerce à la notion de commerçant

La définition du commerçant se trouve inscrite à l’art.1er du Code de commerce : c’est

celui qui exerce des actes qualifiés de «   commerciaux  » par la loi et qui en font leur activité

professionnelle.

A. La détermination des actes de commerce

On pourrait imaginer une sorte de définition abstraite qui permette de comprendre ce

qu’est un acte de commerce. L’avantage d’une telle définition eut été de permettre une

certaine souplesse, une évolution, à la notion, grâce à l’interprétation qui aurait été donnée et

précisée par les juges. Cela n’a toutefois pas été le choix posé par le législateur. Son approche

procède par une liste des actes qui vont devoir être présumés comme des actes de commerce.

Cette liste apparait à l’art.2 du Code de commerce. Une liste, par définition, n’est pas

exhaustive. Lister les actes dans un instrument législatif rend l’exercice de mise à jour lourd et

inefficace. Depuis 1807, il n’y a eu que deux changements (1956, 1973). Tout le jeu sera alors

d’interpréter le contenu de la liste pour y faire entrer les « nouveaux » actes de commerce, ou

pour en exclure d’autres, en fonction de l’intérêt qu’on peut avoir.

La doctrine a essayé de systématiser cette liste, de ranger ces différents actes par

catégorie. On n’est jamais arrivés à un résultat parfaitement satisfaisant. On trouvera en

général autant de catégories que d’auteurs. Une véritable catégorisation est impossible, c’est

uniquement à finalité pédagogique.

§1 – L’énumération des actes de commerce

On distingue les actes de commerce objectifs et subjectifs. Cela reflète la difficulté de

faire un choix entre la conception objective et subjective de la commercialité. Au sein des

actes objectifs, on différencie les actes isolés, par entreprise et par la forme.

A la lecture de la liste, on peut être frappés par l’archaïsme du langage utilisé, ainsi

que par le désordre complet de cette disposition. Lorsqu’on parle d’acte isolé, il s’agit d’actes

qui, même posés de manière unique, seront ou pourront être considérés comme des actes de

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commerce.

Ex. : -la loi répute acte de commerce « tout achat de denrées et marchandises pour les

revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés ou mis en œuvre, ou même pour en

faire simplement usage ». Plusieurs remarques sont à faire. Ce n’est que l’achat pour la

revente qui sera considéré comme un acte de commerce. On parle de denrées et

marchandises ; même en leur donnant une interprétation large, force est de reconnaitre que,

par exemple, l’achat d’un immeuble pour le revendre n’est pas, même de manière isolée, un

acte de commerce.

- l’achat d’un fonds de commerce pour l’exploiter.

- les opérations de banque.

Les actes par entreprise supposent une certaine répétition, et une certaine structure

dans laquelle cette répétition a lieu. Ce sont des actes répétés, dans le cadre d’une entreprise.

A nouveau, il faut rechercher, dans la liste, les actes qui seront considérés comme tels.

Ex. : toute entreprise ayant pour objet l’achat d’immeuble(s) en vue de le(s) revendre est un

acte de commerce par entreprise.

Le poids des mots utilisés est essentiel, pour chaque type d’acte visé par cette

disposition.

Toutes ces incohérences donnent lieu à des batailles interprétatives.

Exemple des entreprises de manufacture et d’usine qui visent, en réalité, les entreprises de

production : l’important, ici, c’est l’idée de production. Selon le sens commun de l’époque,

toute production implique la transformation d’un produit de base en un autre produit neuf.

S’est posé le problème des entreprises extractives, à un moment où le charbonnage

s’effondrait. Quid de la procédure de faillite ? Peut-on mettre ces entreprises en faillite étant

entendu qu’elles sont considérées comme posant des actes de commerce ? La liste implique

une transformation du produit de base. Or, quand on extrait du charbon, il n’y a pas

vraiment de transformation du produit. On a fini par interprété le processus d’extraction de

charbon comme une transformation du produit de base, ce qui permettre de déclarer que la

vente était un acte de commerce et qu’on pouvait donc mettre l’entreprise en faillite. On voit

donc ici le processus d’interprétation extensive.

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Quant aux actes par la forme, on vise principalement les lettres de change, les mandats

et autres effets à ordre ou aux porteurs. On vise en fait les engagements. On ne vise pas tant

les actes mais plutôt les obligations portées en vertu de ces actes. La nature de l’obligation est

commerciale, donc c’est un acte de commerce.

Les actes subjectifs sont toutes les obligations des commerçants, qu’elles aient pour

objet des meubles ou immeubles, à moins qu’il soit prouvé qu’elles aient une cause étrangère

au commerce. Il s’agit, en quelque sorte, d’une catégorie résiduelle. On vise de manière

systématique et précise une liste d’actes qui seront présumés commerciaux dans le chef de

celui qui les pose.

La jurisprudence est venue préciser la notion d’acte de commerce au départ des

dispositions légales inscrites dans le Code de commerce. Selon elle, il y a une exigence

supplémentaire aux critères et conditions inscrits dans le Code de commerce. Elle considère

que le législateur a toujours présumé que les actes de la liste étaient posés dans un but de

lucre. Le but de lucre n’est pas tant une condition, un critère, qu’un objectif. Par conséquent,

si l’on arrive à prouver qu’un des actes énumérés à l’art.2, à priori considéré comme un acte

de commerce, n’était pas posé dans un but de lucre, on renverse la présomption, et l’acte, fut-

il inscrit dans le Code, ne sera pas considéré comme un acte de commerce. Cette approche a

été avalisée par la Cour de cassation, elle-même, dans un arrêt du 19 janvier 1973.

Nb : il faut distinguer le but de lucre de l’acte de commerce et le but de lucre sociétal.

C.Cass., 19 janvier 1973

Un curé a l’idée de construire un bassin de natation derrière son église. On constate un

problème de filtre avec la piscine. Le curé va donc se plaindre auprès de l’entrepreneur, qui

refuse d’effectuer les travaux. Il y a contestation entre les parties. Le curé assigne la société

en justice pour obtenir exécution des travaux. La société estime que l’assignation du curé est

irrecevable car, lorsque ce dernier exploite un bassin de natation, cela revient en fait à

exploiter un spectacle public au sens qui lui a été reconnu au sens de l’art.2. Dès lors, le curé,

en tant que commerçant, devait s’inscrire au registre de commerce, se faire attribuer un

numéro et le fournir au dossier. Comme il ne l’a pas fait, la sanction est l’irrecevabilité de sa

demande.

L’affaire est portée devant les tribunaux. On arrive en appel où la cour refuse d’admettre la

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qualité de commerçant du curé et rejette l’argumentation de la société, alors même qu’elle

constaté qu’il s’agit bien d’un acte listé à l’art.2, c’est-à-dire un acte d’exploitation de bassin

public. La cour raisonne au départ de l’absence de but de lucre.

La Cour de cassation reçoit l’idée qu’il y a une présomption de but de lucre pour tous les

actes visés à l’art.2. La Cour constate qu’en réalité, l’arrêt de la cour d’appel a relevé

plusieurs éléments permettant de fonder la conclusion qu’il n’y a pas de but de lucre. Le

premier élément excluant le but de lucre est qu’on est ici en face d’un curé. Ce dernier avait

agi dans le cadre des services qu’il rendait à la communauté paroissienne.  Dès lors qu’elle a

mis en avant ces circonstances, la cour d’appel pouvait, à défaut d’esprit de lucre, dire pour

droit que l’activité de ce curé ne peut pas être considérée comme commerciale alors même

qu’elle serait visée par la liste.

§2 – Les actes mixtes

Ce sont des actes à la fois commerciaux dans le chef d’une partie et civils dans le chef

de l’autre. Il s’agit toujours d’un acte unique. Comment procède-t-on pour savoir les règles à

appliquer ? Il faut avoir égard à la nature de l’acte dans le chef de celui à qui on oppose les

effets de l’acte.

Ex. : si on doit faire la preuve d’une vente d’un bien de consommation, on peut imaginer que

le commerçant réclame le payement d’une TV à un acheteur et il faut donc avoir égard à la

nature de cet achat dans le chef de celui à qui on oppose le contrat de vente. Pour le

consommateur, l’acte d’achat est civil. Si le commerçant veut prouver l’obligation d’achat, il

devra appliquer les règles du Code civil. En revanche, si c’est le consommateur qui veut

prouver une obligation de livraison, par exemple, on appliquera les règles de droit

commercial car l’acte de vente dans le chef du vendeur est un acte de commerce.

D’énormes pans de l’activité économique sont exclus de la commercialité. Ce sont

notamment tous les actes des indépendants. De même, les exploitations agricoles, sauf

exceptions, ou encore les activités des pouvoirs publics.

B. De l’acte de commerce au commerçant

L’art.1er du Code de commerce vise tant les commerçants, personnes physiques, que

ceux agissant en société, sociétés commerciales. Pour ces deux catégories, on applique, en

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principe, les mêmes règles. Il y a toutefois des règles particulières en matière de droit de

sociétés qui s’imposent aux sociétés commerciales.

A la lecture de la définition de l’art.1er, on relève trois conditions :

- accomplir des actes de commerce

- à titre professionnel   : c’est l’idée que l’acte doit être posé de manière habituelle. La

répétition en tant que telle ne suffira pas.

- en son propre nom et pour son propre compte   : (ex. : je suis étudiant et je travaille dans un

bar. Je ne suis pas commerçant car j’agis pour le compte de mon patron, qui lui est

commerçant).

Ces trois conditions sont nécessaires pour être qualifié de commerçant. Il ne suffira

pas de dire « je suis commerçant », « j’ai un registre de commerce »,… Au niveau de la

qualification légale, cela n’aura pas d’incidence. Tout au plus, cela aura une incidence au

niveau de la preuve car cela joue comme présomption.

Nb : toutes les professions libérales ne sont pas reprises dans la liste contenue à l’art.2

du Code commerce. Toutefois, un notaire, par exemple, pourrait poser un acte de commerce

et être qualifié de commerçant au sens de l’art.1er. De même, un architecte ne peut être à la

fois architecte sur un chantier et poser des actes d’entreprise sur ce chantier. Néanmoins, s’il

le fait, son activité d’entrepreneur pourra être considérée comme une activité commerciale.

C. L’intérêt de la distinction entre acte de commerce et acte civil

Il est de pouvoir déterminer qui est, ou non, commerçant. Il permet aussi de déterminer

où il faudra assigner. De même, la loi sur la faillite n’est applicable qu’aux commerçants. La

question de la preuve sera également réglée différemment selon que l’on est en droit civil ou

en droit commercial. La gratuité du mandat sera présumée en droit civil tandis que cette

présomption n’a aucun sens en matière commerciale. Elle est même impensable : on part du

principe que le mandat est rémunéré. En droit civil, la solidarité des débiteurs ne se présume

pas, alors qu’il est d’usage que les débiteurs commerçants sont, de droit, solidaires entre

eux.

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II. L’acteur du droit commercial

1. L’acquisition et la perte de la qualité de commerçant

Il faut remplir les conditions de la définition du commerçant (art.1er du Code de

commerce) pour obtenir la qualité de commerçant. Dès lors qu’une des conditions n’est plus

remplie, cette qualité est perdue. Il existe des règles particulières applicables aux sociétés

commerciales : une fois qu’on les liquide, elles seront encore considérées comme

commerçantes (elles vont conserver la personnalité morale ; elles vont continuer à agir

comme société commerciale).

Le décès entraine également la perte de la qualité de commerçant. Celle-ci ne se

transmet pas par voie successorale.

2. La capacité juridique requise pour être commerçant

C’est une activité économique qui entraine une prise de risques, tant pour soi-même

que pour les autres. Il est donc apparu normal de limiter, mais pas trop (au nom de la

liberté), l’exercice de l’activité commerciale.

A. Les incapacités

Au départ, les femmes ne pouvaient pas exercer le commerce comme elles

l’entendaient. Depuis 1958, elle peut exercer l’activité commerciale de son choix sans

autorisation de son époux.

Pour le reste, on retrouve les incapacités classiques du Code civil. Ainsi, sont

incapables les mineurs d’âge (art.6 du Code de commerce : règle de protection du mineur,

qui ne peut être invoquée au profit du commerçant qui aurait traité avec lui). Avant qu’on

abaisse la majorité à 18 ans, il existait un système d’autorisations pour les mineurs émancipés.

Ce système a été abrogé. Il existe des dispositions particulières qui prévoient le système à

appliquer en cas de décès des parents commerçants.

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Les interdits au sens civil du terme sont considérés comme incapables par le Code

civil et sont mis sous tutelle/tutorat.

B. Les interdictions

Certaines dispositions légales interdisent aux titulaires de certaines professions

d’exercer le commerce. C’est notamment le cas de l’avocat.

Il y a aussi des interdictions qui sont prononcées par le juge à titre de sanction. Le

monde des affaires a besoin de sécurité, et l’une des matières d’obtenir cette sécurité, c’est de

mettre hors-jeu certains acteurs néfastes. Le régime de la faillite, au départ, était également

une sanction à l’égard du commerçant incapable de gérer une exploitation commerciale.

Aujourd’hui, les choses ont toutefois changé.

Certaines interdictions sont imposées par des textes, soit parce que certaines activités

sont incompatibles, soit parce qu’il s’agit d’exclure certaines personnes de la commercialité.

C. Le commerçant étranger

Les commerçants étrangers doivent obtenir une carte professionnelle délivrée par les

autorités pour exploiter un commerce.

3. Les droits et obligations du commerçant

Certaines obligations sont désuètes et il y en a qui sont même amenées à disparaitre.

Certains des devoirs sont inscrits au titre III du Code de droit économique.

A. La publicité des conventions matrimoniales

Les tiers ont un intérêt à connaitre les conventions matrimoniales des commerçants

avec qui ils vont traiter. On a organisé un système de publicité de ces conventions

matrimoniales. Ce sont d’anciennes dispositions qui figurent toujours dans le Code de

commerce (art.12 à 15). Il y a obligation d’envoyer un extrait de ces conventions aux greffes

des tribunaux. Dès lors que l’on change de statut matrimonial (ex. : divorce), il faut aussi

transmettre un extrait. Ces dispositions sont présentées, dans les banques de données

législatives, comme étant abrogées en 2015. Elles sont donc toujours actuellement en vigueur,

bien que quelque peu désuètes.

B. L’inscription à la Banque-carrefour des entreprises

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Cette obligation existe depuis le 30 mai 1924. Le but était de centraliser l’information

relative aux commerçants/sociétés commerciales qui exercent leur activité sur un ressort

territorial prédéfini. La particularité de cet ancien dispositif est qu’il n’y avait pas de

véritable centralisation de l’information puisque celle-ci restait éclatée au sein de

l’arrondissement. Les buts et fonctions de cet enregistrement sont multiples. Il y a

évidemment une fonction statistique. Ces statistiques pourraient servir à éclairer certaines

politiques économiques mises en œuvre au niveau étatique. Il y a une fonction fiscale

évidente à cette démarche. Une autre fonction est de développer le contrôle administratif.

Ce système a fait l’objet de nombreuses modifications. On a créé en 2003 la Banque-

carrefour des entreprises, système fondé sur une banque de données centrale de toutes les

informations relatives aux commerçants et entreprises. L’idée est de centraliser

l’information, d’une part, et d’organiser un système de guichets, décentralisés, d’autre part.

Il existe de plus en plus de Banque-carrefour de ce type mises en œuvre au sein des

administrations, avec toujours cette finalité de simplification et d’augmentation de

l’efficacité de l’appareil étatique.

Qu’entend-t-on en réalité par « entreprises » ? Au titre III du Code de droit

économique, on y trouve plusieurs définitions différentes. La définition générale de

l’entreprise est inscrite à l’art.1, 1° : toute entité qui offre un bien/service sur un marché.

L’art.1.4, 1° définit l’entreprise comme toute entité tenue de s’inscrire à la Banque-

carrefour. On réduit donc le champ d’application général de la notion d’entreprises.

L’article 16 du titre III vise toutes les personnes morales du droit belge, de droit

étranger qui disposent d’un siège en Belgique,… C’est pratiquement toute entité exerçant

une activité économique/ou non sur le territoire belge.

L’article 49 complète l’article 16. Il énonce le devoir d’inscription de manière

générale pour les entreprises commerciales/non-commerciales de droit privé avant de

démarrer leurs activités. Il faut non seulement s’inscrire, mais aussi mettre à jour les

informations.

La sanction du manquement à cette obligation est l’irrecevabilité de l’action des

sociétés qui n’ont pas obtenu de numéro. Ce numéro est à indiquer sur tout document

officiel utilisé dans les activités de l’entreprise. La sanction d’irrecevabilité a été

« assouplie » vu les excès auxquels elle a donné lieu. Le tribunal va remettre l’affaire à une

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date postérieure pour laisser à l’entreprise le soin d’apporter la preuve qu’elle était inscrite

auprès de la Banque-carrefour au moment de l’introduction de l’action. Si elle ne prouve pas

son inscription, le tribunal déclarera d’office l’action non-recevable. Cette sanction ne vise

que l’entreprise commerciale.

L’inscription auprès de la Banque-carrefour vaut présomption de la qualité de

commerçant (art.49.2). Ce n’est pas une des conditions de la qualité de commerçant. A tout

le moins, cela facilitera la preuve de cette qualité.

Les articles 29 et suivants énoncent le type d’informations que l’on trouve dans la

Banque-carrefour, de même que l’accès à cette Banque-carrefour, différente selon le type

d’informations :

- les accès uniquement réservés aux autorités : Le comité de surveillance sert à vérifier si les

transferts d’informations sont respectueux du cadre légal mais aussi des législations sur la

protection des données. Ce comité donne des autorisations préalables dans les cadres définis

par les différentes lois.

- les accès généralisés, via internet, à tous les citoyens.

- les accès ouverts aux entreprises elles-mêmes, aux fins de vérifier l’exactitude des données

inscrites dans la Banque-carrefour.

Les guichets d’entreprise sont disséminés sur le territoire. L’idée est de permettre à

l’entreprise de transmettre les informations au guichet proche de lui. Les guichets vont jouer

un rôle d’intermédiaire entre l’entreprise et l’administration.

Dans la Banque-carrefour, on a principalement des informations qui permettent

d’identifier la personne, d’avoir ses coordonnées, sa forme juridique, la date de création de

l’entreprise, ses fondateurs, ses mandataires, …

A l’initiative de l’entreprise, les informations sont soit communiquées, soit rendues

facilement accessibles aux clients sur le lieu de l’activité de l’entreprise/de la conclusion du

contrat ou par une adresse électronique communiquée par l’entreprise.

A l’art.80, on retrouve de nouvelles obligations générales de non-discrimination.

C. Les obligations de compétences professionnelles

Elles ne sont pas reprises dans le Code. L’idée est la suivante : on part du constat que

les faillites sont nombreuses. On remarque que, bien souvent, s’il y échec, ce n’est pas

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uniquement à cause d’un problème d’activité économique mais aussi à cause d’un problème

de gestion. On a voulu imposer des obligations de compétences particulières, à destination

principalement des PME. L’idée est de pouvoir s’assurer des capacités entrepreneuriales des

entreprises. On doit principalement faire la preuve de l’acquisition de certaines compétences.

Concrètement, ces PME doivent prouver que le gérant a les connaissances et les compétences

nécessaires.

D. La tenue de la comptabilité

Les obligations générales comptables sont aussi insérées dans le livre III. Sont visées

les entreprises entendues comme celles particulièrement définies pour la comptabilité (art.1.5,

1° : « les personnes physiques ayant la qualité de commerçant »).

Les obligations de tenue de comptabilité sont importantes et pèsent fortement sur les

commerçants (PP/PM). Pourquoi est-ce important ? Il y a une double idée. Premièrement,

c’est dans l’intérêt de l’entreprise elle-même car ça l’oblige, théoriquement, à avoir le nez

dans ses opérations et de tenir à jour les informations relatives à son activité. Les tiers, aussi,

ont intérêt à ce qu’une comptabilité précise et complète soit tenue. Grâce à cette comptabilité,

le tiers va pouvoir avoir une idée de l’état des activités de l’entité, dès l’instant où la

comptabilité fait l’objet de mesures de publicité. La comptabilité va aussi jour un rôle

probatoire.

E. L’obligation d’être titulaire d’un compte auprès de l’Office des chèques postaux ou

d’une banque

Cette obligation est instituée par un arrêté-royal de 1967. Aujourd’hui, cette obligation

présente un certain anachronisme. Ces exigences sont dépassées. Il y a toutefois une sanction

intéressante en cas de violation de cette obligation : si les indications n’ont pas été

communiquées au débiteur, les intérêts moratoires ne sont pas dus, nonobstant toute clause

contractuelle contraire.

F. La nomination en qualité de juge consulaire au tribunal de commerce

Il s’agit plutôt d’un droit que d’une obligation. Il faut avoir 30 ans et avoir exercé

pendant au moins 5 ans le commerce honorablement (art.204 et 205 C.jud.).

Nb : les chambres du tribunal de commerce sont composées de deux juges consulaires et un

juge professionnel.

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4. Quelques règles particulières dictées par la qualité de commerçant

A. La preuve en droit commercial

Il s’agit de pouvoir prouver ses droits. Dans les relations contractuelles, il faut

s’aménager la preuve des actes/pratiques commerciaux. En pratique, on constate une

évolution : du fait de l’utilisation croissante, voire constante, des e-mails, ceux-ci deviennent

une source incroyable, riche et utile pour prouver l’existence des droits et obligations entre

partenaires commerciaux.

Le problème est que la preuve est strictement règlementée en droit civil. En droit

civil, cette matière est extrêmement complexe, règlementée et rigide. En droit commercial, on

va se libérer de ce formalisme.

§1 – L’article 25, alinéa 1er, du Code de commerce et le principe dit de la preuve

« libre »

On y consacre l’admission de la preuve testimoniale. On vise ici les engagements

commerciaux   : il s’agit des actes de commerce.

La disposition est ancienne. Par « preuve testimoniale », on veut dire que l’on peut

utiliser tout mode de preuve. Le juge a une large marge de manœuvre dans l’admission de la

preuve. Il n’est pas pensable, dans les activités économiques, de dresser un écrit pour chaque

transaction. Cela traduit les principes de loyauté, de liberté, de la confiance, la prise de risque,

… qui règnent en droit économique. On est dans l’idée que la comptabilité viendra pallier, le

cas échéant, l’existence de l’écrit en cause. De même, la vie des affaires nécessite que l’on

puisse poser rapidement un acte juridique. Ce besoin de rapidité explique que l’exigence d’un

écrit obligatoire pour fixer les droits et obligations des parties est peu compatible avec le

rythme de vie des affaires.

En pratique, il y a peu de contestation sur la question de savoir quel type de preuve

utiliser. En cas de contentieux, les parties vont, en général, collaborer à la charge de la preuve.

Il faut bien saisir que cette liberté de preuve n’existera que si la personne, le partenaire

commercial, à l’égard duquel on doit faire la preuve, pose des actes de commerce. Les règles

de droit civil ne sautent que si la personne contre qui on prouve a posé un engagement de

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commerce. Par engagement commercial, on entend tant l’acte (et donc la preuve de

l’engagement), que la preuve de l’exécution de l’engagement et de l’extinction de celui-ci. Si

on veut prouver un payement, par lequel on éteint la dette, on applique les règles de l’article

25 pour autant que ce payement soit de nature commerciale dans le chef du contractant.

C’est le juge qui doit apprécier tant l’admissibilité même du mode de preuve fourni

par la partie, que la force probante du moyen de preuve utilisé. Le juge peut, mais en réalité

ne doit pas nécessairement s’écarter du système du Code civil. Il peut, mais n’est pas obligé,

retenir les preuves proposées. Le juge, dans son appréciation, n’est pas lié par la hiérarchie

des preuves du Code civil. Il dispose d’une importante marge d’appréciation quant à la valeur

probante. Toutefois, il se montrera très souvent dubitatif dès lors que le mode de preuve

n’apparait pas comme étant sérieux, crédible. Les juges sont particulièrement attentifs, sous

peine de voir leur décision modifiée en appel/cassée, à ce que ces moyens, s’ils sont admis,

rencontrent des conditions de vraisemblance suffisante. N’oublions pas que nous sommes

dans une matière gouvernée par les usages. Le juge y fera attention. Il est d’usage de dresser

un contrat, une convention. L’absence de contrat créera un état dubitatif dans le chef du juge.

Ce principe de preuve libre est souvent aussi battu en brèche par des exigences légales.

Dans de nombreuses matières, il existe des dispositions dérogatoires qui imposent bien

souvent un écrit.

Ex. : le contrat de société doit être dressé par écrit et doit, parfois, faire l’objet d’un acte

authentique.

§2 – Les modes (spéciaux) de preuve du droit commercial

La facture

Il s’agit d’un mode de preuve spécifique que l’on va faire valoir à l’égard de celui qui

va accepter la facture de son cocontractant. Pour pouvoir faire jouer ce mode preuve, le

destinataire doit être commerçant au sens des règles précédemment analysées.

C’est un mode dérogatoire au droit commun puisqu’on s’empare d’un document qui

émane du prestataire lui-même. Le système est directement tempéré par le fait que cette

facture doit être acceptée par le destinataire   : c’est l’acceptation qui fait preuve, pas seulement

l’émission. Si le destinataire n’était pas commerçant, ce mode de preuve ne vaudrait rien. Il ne

vaut pas par rapport à celui qui émet la facture.

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Le champ d’application est limité à l’achat ou la vente. On a admis une interprétation

assez large du principe et la Cour de cassation a été jusqu’à dire que s’il est d’usage de faire

des factures pour certains engagements autres que la vente, alors on pourra faire jouer la règle

et admettre l’application de l’article 25. La Cour a admis cela de conventions qui ne sont pas

qualifiées de vente. Dans ces cas-là, on n’admet la présomption que comme une présomption

de fait qui ne s’impose donc pas au juge.

Il faut une facture. Il n’y a pas, sauf dans des législations particulières, de définition de

la facture. La facture est un écrit unilatéralement dressé par un commerçant et qui doit

mentionner au moins et au minimum la chose vendue, le service presté, le prix et l’identité

des parties.

De nos jours, la facture peut être électronique. Sous l’impulsion européenne, on est

amenés à une obligation d’acceptation des factures électroniques.

Il faut une facture, mais il faut aussi qu’elle soit acceptée. L’acceptation peut être

expresse, ou même écrite. La plupart du temps, elle est tacite (ex. : le payement d’une facture

sans réserve vaut acceptation tacite). On considère également qu’indépendamment d’un

payement, une facture qui n’est pas protestée, contestée, est acceptée. En matière

commerciale, le commerçant a l’obligation de protester rapidement. On considère que l’on ne

peut laisser un partenaire commercial dans l’incertitude.

L’acceptation présume l’existence et le contenu du contrat. C’est une présomption

légale. La question est de savoir si l’on peut se prévaloir de ce mode de preuve pour en inférer

l’acceptation des conditions générales annexées à cette facture, c’est-à-dire du contenu du

contrat. La question est controversée. En tout état de cause, l’acceptation des conditions

générales n’a pas lieu au moment de la facture. En effet, en général, les conditions générales

précèdent la facture. On ne peut donc présumer l’acceptation des conditions générales via

l’acceptation de la facture.

La question de savoir si c’est une présomption réfragable ou irréfragable n’est pas non

plus tranchée. On peut estimer que dès l’instant que l’acceptation est valide et ne peut être

mise en cause, elle est irréfragable, sous peine de vider la règle de sa portée et de son sens. Le

problème est plutôt de savoir si l’on peut contester l’acceptation.

La facture acceptée jouit en elle-même d’une force probante. Le juge est donc obligé

d’en tenir compte. Il pourra toutefois, en fonction des circonstances, la rejeter.

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Quid si, en cours de contrat, on ajoute des conditions dans la facture et que l’on a

communiqué ces nouvelles conditions via la facture, sans qu’il y ait eu de protestation de la

part du destinataire ?

C.Cass., 7 janvier 2005

Il s’agissait d’un litige entre un vendeur d’huile pour moteur et un garagiste. Une convention

prévoyait que le garagiste s’approvisionne chez le vendeur. Le litige nait de ces achats

d’huile. A partir d’un certain moment, le fournisseur a changé l’huile et conserve le prix de la

première huile. Après un certain temps, le garagiste s’en rend compte. De là nait le litige.

L’huile de remplacement est une huile n’ayant pas la même qualité que la première et, dans

le chef du fournisseur lui-même, se paye deux fois moins cher. Une contestation particulière

surgit entre le garagiste et son fournisseur. Ce dernier se défend en disant que le garagiste a

accepté la facture comprenant les nouvelles conditions générales. L’affaire va jusqu’en appel

où la Cour met en avant tout à la fois les manquements du fournisseur, permettant de justifier

la résiliation, et tire dans ces manquements la justification de l’écartement de l’acceptation de

la facture comme moyen de preuve. La Cour en appelle à l’exécution de bonne foi du

fournisseur. Elle fonde en outre sa décision sur le fait que la modification de la nature du

produit n’était couverte ni par le payement, ni par les factures. La Cour de cassation casse cet

arrêt. Elle rappelle l’article 25, al.2, du Code de commerce. Elle estime qu’il n’y a pas de

manquement dès lors qu’il y a eu acceptation des factures. Il en va d’un devoir de diligence

des commerçants, qui veut que la protestation soit immédiate. La Cour se montre sévère, au

nom du principe d’efficacité et de sécurité juridique.

Quid si l’émission de la facture est tardive ?

En principe, la règle reste de mise. Il existe toutefois des tempéraments. Il se peut tout

d’abord qu’il y ait prescription de l’obligation et de la demande en payement. Il existe des

prescriptions abrégées pour les marchands. Un juge peut voir dans une demande d’exécution

des payements tardive un abus de droit (lorsque l’on considère que l’on n’a manifestement

pas exercé son droit comme l’aurait fait quelqu’un de normalement prudent et diligent).

On a alors arrêté des critères spécifiques, des cas dans lesquels on va considérer que

l’exercice de ce droit (le droit de demander l’exécution des payements) n’est pas acceptable

dès lors qu’il est tardif, clairement dans une intention de nuire à son débiteur. C’est le premier

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dans lequel on retient l’abus de droit. S’il y a disproportion entre l’avantage créé du droit et le

dommage causé à autrui, on retiendra aussi l’abus de droit. La sanction de l’abus de droit

consiste à réduire l’usage de ce droit à ce qui aurait été considéré comme normal et

raisonnable, étant donné que l’on ne peut priver quelqu’un de son droit.

La comptabilité ( art.20 à 24 du Code de commerce )

C’est la comptabilité de celui qui la tient qui peut faire preuve contre les partenaires

commerciaux qu’il a pu avoir. Le commerçant se constitue son titre par lui-même.

Certaines conditions doivent être remplies. Pour valoir, la comptabilité doit faire

l’objet d’une admission par le juge. Elle ne va pas de soi. Le juge aura un pouvoir certain

d’appréciation. Il décidera, en fonction des circonstances, s’il admet ou non la production de

cette comptabilité. Pour rétablir un certain équilibre entre les parties, le juge tiendra compte

des circonstances du litige. De même, la force probante est laissée à l’appréciation du juge.

Une fois qu’il aura admis la comptabilité, il va lui-même apprécier ce qu’il va en tirer.

L’article 20 parle de comptabilité régulièrement tenue. La doctrine admet cependant que le

juge accorde foi à une comptabilité pourtant irrégulière, alors à titre de présomptions.

Il existe deux modes de production de la comptabilité légalement prévus :

- la représentation, qui s’entend de la production, en justice, des seuls passages de la

comptabilité qui sont strictement nécessaires à la résolution du litige (art.22 du Code de

commerce).

- la communication, qui consiste en la production de l’intégralité de la comptabilité du

commerçant (art.21 du Code de commerce).

B. La solidarité entre commerçants

§1- Le principe

Cela signifie que chaque commerçant pourra être tenu pour le tout à l’égard du

créancier. Le créancier peut choisir l’un des débiteurs et demander l’intégralité du payement.

Le débiteur se retourne ensuite contre les autres pour obtenir remboursement de leur quote-

part de la dette. Ce principe est contraire au droit commun des contrats. L’article 1202 du

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Code civil stipule que la solidarité ne se présume pas : elle doit être expressément stipulée en

droit civil. En droit commercial, la solidarité est de droit.

En pratique, il n’est pas rare de voir plus de deux intervenants. Bien souvent, certains

d’entre eux peuvent être tenus de faire ou payer vis-à-vis d’un autre. La règle de solidarité

entre débiteurs va ainsi jouer.

Il ne s’agit pas de règles d’ordre public. On peut les exclure du contrat, pour autant

que les parties soient d’accord. En tant que règle supplétive, si rien n’est stipulé, cette règle

s’appliquera automatiquement.

Cette solidarité augmente le crédit commercial des commerçants. Cela leur permet

d’intervenir ensemble et, ainsi, d’être plus convaincant. L’intérêt du créancier à contracter

avec plusieurs débiteurs est que le risque de défaillance est amoindri.

§2 – Le champ d’application du principe

Il ne s’agit que d’une solidarité passive   ; elle ne vaut pas à l’égard des créanciers.

Pour que les deux débiteurs soient tenus, il faut forcément une obligation

contractuelle. Souvent, si la cause des conventions est la même, on appliquera la solidarité.

Ex. : entre une caution et le débiteur principal : souvent, la caution n’est pas directement

partie au contrat. Si la caution et le débiteur sont commerçants, on appliquera la règle de

solidarité.

§3 – Les confirmations légales du principe

Plusieurs dispositions légales sont venues confirmer cette règle de solidarité, qui à la

base relève de l’usage.

C. Les (autres) principaux usages commerciaux

o En matière commerciale, il n’y a pas de forme exigée pour la mise en

demeure   : elle se réalise par la seule échéance du terme convenu. La forme importe

peu. On a même reconnu des mises en demeure orale.

o La protestation rapide vaut pour tous les documents reçus par le

commerçant. Il y a une obligation de diligence professionnelle dans le chef du

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commerçant qui fait que l’on présumera souvent une acceptation d’une absence de

protestation rapide.

o Le Code civil organise un système de remplacement du débiteur

unilatéral. Il s’agit du cas où on a une non-exécution d’une obligation de faire par le

débiteur. En droit civil, le remplacement ne peut être fait que sur base d’une décision

judiciaire. En droit commercial, on a toujours admis le remplacement sans décision

judiciaire, mais aux risques et périls du créancier.

o Le transfert de propriété est sensé avoir lieu au moment de la délivrance

du bien et pas lors de la rencontre des consentements, ce qui est le cas en droit civil.

En cas de silence, le vendeur dispose d’un délai raisonnable pour délivrer le bien. Les

frais de délivrance sont parfois à charge de l’acheteur, dans certains secteurs.

o L’acheteur commerçant doit protester immédiatement en cas

d’apparition de vice apparent. Dans un contrat d’entreprise, la réception du bien

couvre les vices apparents. L’acheteur est tenu de vérifier les marchandises à la

réception. S’il n’y a pas de protestation, en vertu des usages, la marchandise est

présumée acceptée. Il reste toutefois la possibilité d’invoquer la mauvaise foi du

vendeur, pour autant que l’acheteur puisse la prouver.

o En cas de ventes avec livraisons successives, chaque livraison est

considérée comme indépendantes l’une de l’autre. S’il y a retard dans une échéance

lors d’une livraison, on ne reporte pas ce retard sur les autres livraisons.

o Si une chose livrée est d’une qualité légèrement inférieure à ce qui était

convenu mais que le contrat conserve une utilité pour l’acheteur, celui-ci ne pourra

demander que la réfaction (=baisse du prix en proportion de la moins-value).

D. Les règles particulières régissant la prescription libératoire dans les transactions

conclues par un commerçant

Il peut y avoir des prescriptions spécifiques dès l’instant où l’on traite avec des

professionnels.

L’article 2272, al.2, du Code civil concerne l’action des marchands contre les particuliers

non-marchands. On vise ici tous les vendeurs professionnels ; la notion est plus large que

celle de commerçant. Cette règle prévoit un délai de prescription d’un an, au lieu de 10 ans.

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Cela ne vaut que s’il y a une reconnaissance écrite de la dette par le débiteur. Dans le cas

contraire, la règle ne va pas jouer.

III. Le patrimoine du commerçant

1. Le fonds de commerce, sa cession et sa mise en gage

A. Le fonds de commerce

§1 - Définition

C’est une vieille institution, spécifique à la commercialité. L’idée même de l’institution se

fonde sur une volonté de protéger la clientèle des commerçants. Il s’agit de l’assiette d’une

garantie particulière : le gage sur fonds de commerce. L’idée est de pouvoir donner en gage à

un créancier tout ce qui constitue et est couvert par la notion de commerce.

La matière est réglée par une loi du 25 octobre 1919. Cette loi n’établit pas un régime

général. Elle ne règle, en réalité, que le problème de sa mise en gage, en passant néanmoins

par une définition de l’institution. Cette loi va bientôt être abrogée. Une loi du 11 juillet 2013

est venue réformer profondément la matière en modifiant les règles du Code civil relatives

aux sûretés mobilières. Cette loi n’est pas encore entrée en vigueur, elle devrait l’être le 1er

décembre 2014. Cette loi gomme les spécificités du gage sur fonds de commerce par rapport

aux gages sur d’autres meubles. Elle unifie le régime du gage sur fonds de commerce avec

celui règlementé par le Code civil.

§2 – Les éléments tenant à la nature du fonds de commerce

On ne trouve pas de définition du fonds de commerce dans la loi du 25 octobre 1919.

L’article 2 propose une simple énumération exemplative, et non contraignante, de l’ensemble

des valeurs qui composent le fonds de commerce. La notion est en réalité assez fuyante. On

vise, par la notion de fonds de commerce, tous les éléments susceptibles de conserver une

clientèle d’un établissement commercial déterminé. C’est tout l’actif du commerçant, actif

affecté à l’activité, l’exploitation de son activité, dont le but et la finalité est de capter une

clientèle afin de lui vendre ses services/produits. Ce fonds peut en tant que tel faire l’objet

d’une transaction.

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§3 - Les caractères du fonds de commerce

Il s’agit une universalité de fait : c’est un ensemble de biens, de valeurs, qui sont

économiquement unis par une même finalité économique d’exploitation du commerce. On ne

vise pas l’universalité de droit : on n’en fait pas un patrimoine distinct du patrimoine global

du commerçant. Il n’y a d’ailleurs pas d’élément de passif. Cet ensemble économique va

pouvoir avoir une autonomie. L’avantage est de pouvoir considérer le fonds de commerce en

tant que tel plutôt qu’une addition des éléments qui le constituent. Ainsi, sa valeur n’est pas

forcément identique à la valeur des éléments qui le composent.

L’idée est que ces éléments d’actif sont bien plus importants que la relation

éventuellement personnelle que l’on peut avoir avec le commerçant. La clientèle commerciale

serait plus attachée aux éléments matériels qu’au commerçant lui-même.

En tant qu’universalité de fait, le fonds de commerce est un bien meuble incorporel : il est

considéré dans son ensemble, indépendamment des éléments qui le constituent, comme un

bien meuble incorporel. Il peut toutefois être composé de biens immobiliers.

B. La cession-vente du fonds de commerce

§1 – Les conditions de validité de la cession

Il s’agit d’une vente du fonds lui-même. On retrouve les conditions de validité du droit

commun : un accord sur le prix et l’objet de la vente. En pratique, ces conditions peuvent

poser difficulté, notamment, concernant la clause de prix. Pour rappel, le prix du fonds est

valorisé en tant que tel. Souvent, on lie ce prix à la rentabilité future du fonds. Certains ont

remis en question la validité de certains mécanismes d’évaluation du fonds de commerce sur

cette base, en disant que le prix n’était pas nécessairement déterminable et qu’il pourrait y

avoir annulation de la transaction. Il n’y a pas de règle générale, il faut voir au cas par cas le

mécanisme mis en place et l’évaluer en tenant compte du fait qu’il ne peut pas être admis

qu’in fine le montant du prix soit sous la maitrise totale de l’acheteur.

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L’objet de la transaction peut aussi poser problème de par la nature même du fonds de

commerce. On admet qu’il suffit, normalement, de viser le fonds de commerce pour avoir

légalement déterminé l’objet de la transaction.

On considère en général que pour permettre la qualification de cession de fonds de

commerce, il faut la réunion des éléments essentiels du fonds, en fonction de l’activité en

cause et des circonstances de la transaction.

§2 – Les conditions d’opposabilité de la cession

Il faut l’existence d’un mécanisme permettant à tout le moins d’informer les tiers de la

modification qui s’est produite. En matière de fonds de commerce, il n’y a malheureusement

pas de règle générale. On doit dès lors dépecer l’opération et rendre opposable la cession des

éléments qui constituent le fonds. Lorsqu’on cède un contrat, il faut dépecer les créances et les

dettes. Il en va de même ici.

Il y a certaines règles d’opposabilité qui vont permettre d’opposer l’opération au fisc.

Elles consistent en un enregistrement du transfert et en un payement de ces droits

d’enregistrement. Il faut également envoyer une copie de l’acte au receveur du cédant. Ces

formalités administratives sont importantes pour éviter tout problème au regard du fisc.

§3 – Les obligations des parties

Comme tout vendeur, le cédant est tenu par la garantie des vices cachés (art.1641 et

svts du Code civil). Il n’y a pas de présomption de mauvaise foi du vendeur du fonds.

Le cédant doit également assurer la garantie d’éviction. On ne peut rien entreprendre,

en tant que vendeur, qui puisse priver l’acheteur de la jouissance du bien vendu. On considère

que cette interdiction de se rétablir après la cession est toujours présumée dans la convention.

Une fois le fonds cédé, il existe une présomption de clause de non-concurrence entre le cédant

et le cessionnaire. L’obligation de non-concurrence ne peut valoir que dans la zone

géographique dans laquelle le cessionnaire du fonds peut exercer son activité. Il faut

également prévoir la limite dans le temps de l’obligation de non-concurrence. On va apprécier

cette durée en fonction du temps qu’il aurait raisonnablement fallu à l’acheteur du fonds pour

capter la clientèle liée au fonds. Cette obligation de non-concurrence ne vaut que sur les

activités liées au fonds de commerce en cause.

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C. La mise en gage sur fonds de commerce

Le commerçant a besoin de crédit. Le droit économique a créé des instruments qui

permettent de faciliter l’obtention de crédit, au bénéfice des commerçants et en permettant au

créancier de minimiser son risque. On a décidé d’inventer une garantie spécifique portant sur

le fonds lui-même : c’est le gage sur fonds de commerce.

Nb : le gage est une convention par laquelle le débiteur remet une chose mobilière à son

créancier en sûreté de sa dette. C’est un contrat réel qui nait de la remise du bien comme

garantie de la dette.

Cette remise du bien n’avait aucun sens dans la mise en gage d’un fonds de commerce.

La spécificité du gage sur fonds de commerce a été de créer une opération de mise en gage

sans dépossession du fonds de commerce donné en gage. C’était une mesure de relance de

l’économie en facilitant l’obtention de crédit. Dès la création de cette institution, ont cohabités

deux régimes de gage : celui du Code civil et celui de la loi de 1919.

Le gage sur fonds de commerce, depuis ces dernières années, n’est plus choisi par les

banques et donneurs de crédit comme garanties en cas de prêts octroyés aux commerçants. Il

y a, semble-t-il, un désintérêt pratique de cette institution. Pourquoi ? Il y a deux raisons.

D’une part, la clientèle en tant que telle est difficile à valoriser. D’autre part, il y a un conflit

entre créanciers et bailleurs des lieux loués. Les bailleurs ont un privilège sur tous les biens

meubles qui garnissent le commerce. Ainsi, tous ces biens risquent de tomber sous le

privilège des bailleurs. Pour trancher le conflit entre créanciers, on s’en réfère à la date de

constitution du bail ou du gage. Dans ce cas, le bailleur est toujours gagnant. Cela va

augmenter le risque du prêteur. C’est pourquoi les banques ont imaginé d’autres garanties.

Depuis quelques années, sont apparues dans les conventions de prêt les clauses de mise en

gage des créances. On vise principalement les créances liées à des services bancaires car elles

sont en possession des banques.

Dans le nouveau régime, le gage sur fonds de commerce l’a emporté et s’impose à tout

type de gage portant sur des meubles corporels. Le droit commercial s’impose ainsi au droit

civil.

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Livre II – Introduction au droit des sociétés

I. Les principes et concepts

La première finalité du droit des sociétés est de donner à des entrepreneurs une structure

juridique de coopération. L’idée est que, par cette structure, ces associés vont pouvoir

fonctionner sur un pied d’égalité afin d’organiser cette coopération et de se partager les

bénéfices. On a voulu offrir à ces entrepreneurs un certain confort.

La deuxième finalité est d’assurer aux tiers, que sont les créanciers, une protection

spécifique grâce à la prise en compte de leurs intérêts légitimes comme partenaires, détenteurs

d’enjeux (actionnaires). On pense notamment aux règles de transparence et de publicité.

Il y a, aujourd’hui, une nouvelle finalité : le corporate governance. L’idée première est de

garantir aux associés le contrôle de l’activité des administrateurs en renforçant, par l’intérieur,

leurs droits ainsi que l’efficacité de la mise en exercice de ces droits. On va améliorer la

situation de différents détenteurs d’enjeux, d’intérêts. Les grands détenteurs d’enjeux, dans

une société, sont  ceux qui gèrent la société (les administrateurs gérants), ceux qui contrôlent

la société (les actionnaires majoritaires) et ceux qui, bien que ne disposant pas d’un tel

pouvoir de contrôle, ont apporté le fruit de leur épargne collective dans le capital de la société

(les actionnaires minoritaires).

Une quatrième finalité est que cette société va permettre de garantir une allocation

maximale des ressources. Le marché veille à la transparence, à ce que les actionnaires soient

traités de manière égalitaire dans le but d’inciter à investir dans ces entreprises. Elle permet la

mise en place de régimes qui permettent à des tiers d’exercer un contrôle sur la société.

1. Les fondements et sources du droit des sociétés

A. Les fondements et finalités du droit des sociétés

La doctrine s’est posé la question de savoir si l’on pouvait systématiser, par une approche

explicative, le phénomène de l’institution juridique qu’est la société. Au départ, l’approche est

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plutôt contractuelle. Qu’est-ce que la société ? C’est un contrat particulier, régi par le Code

civil. L’élément fondamental, explicatif, de la société commerciale, devrait être la théorie de

la libre volonté des parties. Néanmoins, avec cette approche, on bute rapidement sur des

phénomènes inexplicables par cette approche contractuelle.

Ex. : -la reconnaissance de la personnalité juridique : toutes les sociétés commerciales se

voient reconnaitre la personnalité juridique. On ne peut trouver, dans l’autonomie de la

volonté, le fondement juridique de la personnalité morale.

-certaines sociétés fonctionnent avec une responsabilité limitée : l’associé, le fondateur, voit

le risque pris dans la création de la société limité à son apport. On ne peut pas, par contrat,

limiter sa responsabilité par rapport à des tiers.

Il est par contre vrai que le droit des contrats joue un rôle qui peut être important, surtout au

moment de la constitution de la société.

Une autre approche consiste à rejeter l’approche contractuelle au motif que la société doit

être perçue et appréhendée comme une institution permanente, une organisation spécifique

organisée par la loi. C’est le Code des sociétés qui vient organiser les différents organes de la

société et son fonctionnement. C’est, en fait, la loi qui explique la société commerciale dans

cette théorie institutionnelle. Et cette loi est indépendante de la volonté des parties, de l’idée

de contrat. On a pu faire à cette théorie le même type de critique que pour l’approche

contractuelle. Cette approche légaliste n’explique pas l’ingérence du droit des contrats.

On a tenté de dépasser ces deux théories :

- La théorie fonctionnelle  : l’idée est de rechercher la finalité, la fonction de la société.

Le problème est alors de se mettre d’accord sur ce que devraient être la fonction et la

finalité d’une société commerciale. On se met d’accord sur l’idée que la société

commerciale a pour but de créer du profit. Il est déjà plus difficile de trouver un

accord sur le type de profit visé ici. Une société, c’est avant tout un investissement.

Cette théorie fonctionnelle ne permet pas de s’accorder pleinement et de manière

précise sur ce que pourrait être la finalité de la société commerciale et du droit des

sociétés.

- La théorie structurelle, réaliste  : on voit la société comme une structure dans laquelle

coexistent des mécanismes contractuels et institutionnels.

Il faut, de plus en plus, tenir compte de l’approche de la corporate governance (approche

anglo-saxonne, datant du début des années 90, qui se focalise sur les relations entre les

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détenteurs d’enjeux internes et externes de la société). L’idée ici repose sur des principes

d’indépendance, de transparence, d’intégrité, de responsabilité. Cela se marque par toute une

série de techniques de réalisation dans la société.

Ex. : faire siéger au conseil d’administration tant des administrateurs exécutifs que non-

exécutifs. Cela permet de garantir une plus grande indépendance des membres du conseil

d’administration.

- l’organisation de comités consultatifs : on peut comprendre que, dans certaines

circonstances, on prenne en compte l’intérêt des détenteurs d’enjeux différents dans

l’entreprise par rapport aux montants qui sont versés au sein de la société.

L’objet de ces règles de corporate governance est de prévenir les conflits d’intérêt, et

éventuellement y apporter des solutions respectueuses. Ces règles naissent surtout, au départ,

pour les sociétés côtés en bourse. Elles apparaissent de plus en plus souvent comme un label

de qualité. En matière de droit des sociétés, en 2004, on a créé et arrêté le Code Lippens :

c’est un code créé par une commission dans le secteur financier, à l’initiative de l’autorité des

services et marchés financiers. Cette commission publie, fin 2004, le Code belge de

gouvernance d’entreprise. Il renferme une série de règles qui doivent permettre aux sociétés

côtés de régler des conflits d’intérêt. En 2009, est apparue une deuxième version de ce Code.

Le législateur s’en est inspiré pour ajouter, dans le Code de société, des règles de

gouvernance. D’autres codes ont été imaginés, certains spécifiquement pour les PME.

Cette approche permet de compléter les règles existantes, d’améliorer l’organisation

interne des sociétés commerciales. Elle n’a pas, à priori, vocation à expliquer le phénomène

de l’institution juridique de la société commerciale.

Une autre approche est celle de l’analyse de la théorie économique pour anticiper et

évaluer les effets des normes juridiques, tant à l’égard des individus qu’à l’égard de l’intérêt

général. L’idée est de trouver, dans l’analyse de la théorie économique, des moyens qui

permettent de prévoir l’effet de la norme, principalement sur le marché.

B. Les sources du droit des sociétés

Les sources du droit des sociétés commence avec le Code de commerce. Celui-ci a été

vite dépassé. On a pris, en 1873, une première loi qui a remplacé le titre 1er du Code de

commerce. On a voulu faciliter la création de sociétés.

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En 1935, on ressent le besoin de coordonner l’ensemble disparate de lois et de règles qui

avaient pour objet l’organisation des sociétés commerciales. On a regroupé ces textes par

arrêté royal (Lois coordonnées sur les sociétés commerciales). Depuis 1935 on a modifié et

complété ces lois. Fin des années 90, a décidé d’adopter le Code de droit des sociétés que

l’on connait aujourd’hui (7 mai 1999).

Il faut retenir l’influence grandissante du droit européen. Celui-ci impose aux Etats de

prendre des règles en matière de droit des sociétés. Tant les traités fondateurs que les

directives européennes ont influencé le Code des sociétés.

Ex. : - directive de 1968 qui coordonne les garanties exigées aux sociétés afin de protéger les

intérêts des associés

- directive de 1976 qui règle la constitution, les variations du capital,…

- directive de 1978 sur les comptes consolidés

Toutes ces modifications successives ont rendu la matière imbuvable. Lorsqu’on a codifié

le droit des sociétés, on n’a pas inséré de nouvelles règles. Il s’agissait d’un vrai travail

d’ordonnancement de la législation existante. Ce code a été adopté par la loi du 7 mai 1999 et

est entré en vigueur en 2001. Depuis, il est retouché pratiquement chaque année. En 2002, on

a inséré des nouvelles dispositions relatives à la corporate governance.

Au départ, le droit des sociétés est considéré comme un droit d’exception. Il est régi par le

droit civil et par des lois particulières. A partir de 1873, on inverse la machine : le droit civil

n’est plus applicable qu’à titre supplétif. Il faut bien comprendre que l’évolution se fait dans

une logique de conjonction, de rapprochement, plutôt que dans une logique d’opposition. En

1995, on a abandonné la théorie des cadres légaux obligatoires : on ne concevait pas que l’on

exerce une activité commerciale autre qu’en tant que société commerciale règlementée par le

Code des sociétés. A partir du moment où l’on abandonne le cadre légal, on admet la société à

forme civile   : on peut imaginer qu’une société ait un objet commercial, mais avec une forme

civile (on applique donc les règles du contrat de société qui se trouvaient dans le Code civil en

1995). En matière de droit des sociétés, on fait l’inverse et l’on admet des sociétés à forme

commerciale qui ait un objet civil (ex. : s.p.r.l de l’avocat ou du médecin). On a inséré, dans

le Code des sociétés, d’anciennes dispositions du Code civil au titre de droit commun du Code

des sociétés. Il s’agit des articles 18 et suivants.

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2. La définition de la société et la taxinomie

A. La définition

Article 1er du Code des sociétés : « une société est constituée par un contrat aux termes

duquel deux ou plusieurs personnes mettent quelque chose en commun pour exercer une ou

plusieurs activités déterminées et dans le but de procurer aux associés un bénéfice patrimonial

direct ou indirect ».

On a imaginé, dans le Code des sociétés, des sociétés qui n’ont pas pour finalité de

procurer un bénéfice patrimonial : ce sont les sociétés à finalités sociales. Ces sociétés

peuvent être commerçantes car l’objet de l’activité est commerciale.

(Art.661 et suivants du Code des sociétés)

Dès l’instant où l’on opte pour une responsabilité limitée, les règles contractuelles,

émanant des statuts, n’ont plus tellement d’importance. La vie de la société est plutôt

organisée par les règles obligatoires du Code.

B. Les sociétés commerciales, les sociétés civiles et les associations

L’article 3 du Code des sociétés énonce que la nature civile et commerciale d’une

société est déterminée par son objet. A la lecture des statuts, on voit s’ils décrivent des actes

de commerce ou pas. Si tel est le cas, il s’agira de sociétés commerciales. Il faut faire

attention de distinguer l’objet et la forme de la société. Dès lors que les sociétés civiles

peuvent adopter une forme commerciale, la distinction entre les deux devient plus difficile.

Les mêmes règles s’appliqueront. La différence se situera au niveau de la question de savoir si

l’on applique à la société les règles spécifiques au droit commercial (ex. : peut-on la mettre en

faillite ?).

Le groupement européen d’intérêt économique (G.E.I.E) et le groupement d’intérêt

économique (G.I.E) ont été introduits en droit belge par les lois des 12 et 17 juillet 1989. Le

G.I.E est une société commerciale caractérisée par son objet spécifique. Les groupements

d’intérêt sont des sociétés disposant d’une pleine capacité juridique. Elles n’exercent pas en

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tant que telle l’activité économique. Elles ont pour objet de permettre de faciliter et

développer l’activité économique de ses membres. C’est une activité auxiliaire qui ne se

substitue pas à celle des membres (art.839 du Code des sociétés).

Il faut distinguer les sociétés des associations. Les asbl ont été crées par une loi de 1921,

profondément modifiée en 2002. Les asbl ont aussi la personnalité juridique. Elles ont une

finalité légale qui est l’absence de but de lucre. Elles ne sont donc pas régies par le Code de

sociétés. Elles ne peuvent rechercher leur propre enrichissement ni l’enrichissement de leurs

membres. Toute l’ambigüité de l’asbl réside dans le fait qu’il y ait une certaine forme

d’activité économique. On va donc admettre l’exercice d’activités lucratives, mais dans

certaines limites ; ces activités lucratives doivent être accessoires, … Il restait néanmoins un

problème quant au contrôle de ces activités. On a constaté un certain nombre d’excès dans le

cadre de la gestion d’asbl. C’est entre autre pour cette raison que l’on a créé les sociétés à

finalités sociales.

Les sprl starter font partie d’une des mesures prises pour relancer l’économie et aider les

PME. On a modifié pour ce faire les statuts de la sprl starter. La sprl starter répond à un

besoin spécifique. Pour comprendre, il faut préciser que lorsqu’on crée une société, il faut la

capitaliser (injecter de l’argent dedans). Puisque les tiers ne peuvent récupérer leurs créances

sur les biens des fondateurs, il faut que l’instrument créé pour l’exercice de l’activité

économique puisse servir de garantie aux tiers des fondateurs. La particularité de ces sprl est

que l’on peut les créer en injectant un capital d’1 euro. Cela permet de ne pas s’engager

directement à amener les 18 500 euros qui doivent être souscrits pour créer une sprl. La sprl

starter est en quelque sorte une société momentanée : elle est là pour aider à prendre un bon

départ. La loi prévoyait que les sprl starter se transforment en sprl, après 5 ans ou à partir du

moment où elle occupait 5 travailleurs temps-plein. Au niveau des principes, cela pose

problème dans le sens où l’on diminue les garanties des tiers. Il faut donc apporter des

garanties, dans la constitution de la société, pour rassurer les tiers. C’est pour cela que l’on a

imposé des règles particulières au moment de la constitution de la société. Notons que ces

sociétés ne sont ouvertes qu’aux personnes physiques. On va aussi obliger ces sociétés à se

faire assister par des professionnels du chiffre (ex. : réviseur, expert-comptable) et à prévoir

un plan financier particulier qui devra contenir tous les éléments permettant de convaincre du

sérieux de l’entreprise qui sera développé sous la sprl. On veut ainsi assurer que ces sprl ne

sont pas une « enveloppe vide ». Après quelques années, il y a eu une certaine déception.

Cependant, le nombre très bas de faillite de ces sociétés était encourageant. Peu de sociétés

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étaient créées, mais celles qui étaient créées paraissaient plus fiables que les autres. Le

législateur a donc gommé le caractère temporaire. Il a supprimé le passage automatique en

sprl après 5 ans ou à partir du moment où la société emploie 5 travailleurs à temps plein.

C. Les sociétés sans personnalité juridique et avec personnalité juridique

A l’article 2, §1er, du Code des sociétés, on énonce les sociétés organisées par le Code

mais qui n’ont pas la personnalité juridique :

- La société de droit commun (art.46) : c’est une société à objet civil ou commercial qui

ne bénéficie pas de la personnalité juridique. Depuis la loi du 13 avril 1995, il est

possible de constituer une société civile ou commerciale sans qu’elle acquière la

personnalité morale, dès lors que les formalités requises en matière d’acquisition de la

personnalité morale (art.68) n’ont pas été accomplies, que l’acte de société n’a pas été

constaté par écrit ou que les fondateurs aient, par négligence ou par choix, omis de

procéder au dépôt de l’acte constitutif de la société au greffe du tribunal de commerce

dans le ressort territorial duquel la société a son siège social.

- La société momentanée (art.47) : elle a un temps de vie limitée, c’est-à-dire le temps

nécessaire à l’accomplissement de l’activité qui lui est spécifiquement déterminé. On

en retrouve notamment dans le cadre de l’exécution des marchés publics : on va

former une société momentanée dont l’objet sera de répondre à l’appel d’offre et

d’exécuter le marché attribué.

- La société interne  (art.48) : c’est l’ancienne société en participation. On y retrouve des

gérants et des participants. Sa particularité est d’être en grande partie occulte, non

transparente par rapport aux tiers. Les participants ne sont généralement pas connus.

C’est par exemple le cas d’un gros entrepreneur qui serait le gérant de la société

interne. Supposons qu’il achète un terrain pour construire un centre commercial et

qu’il ait du mal à se financer. Il va s’associer à des prestataires de services. Ceux-ci

seront les participants. Ils vont financer le projet. Le gérant est le seul point de contact

avec les tiers.

Ces sociétés n’auront jamais la personnalité juridique et sont soumises à des règles

simplifiées.

Les sociétés avec personnalité juridique sont les sociétés à forme commerciale (art.2, §2).

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Abordons le cas de la société en commandite. C’est une des premières formes de société.

Elle vient d’une coutume d’usage propre au commerce maritime. Elle est créée au départ d’un

contrat entre un marin et un capitaliste, un financier. Le capitaliste fournissait le navire et/ou

les marchandises contre la promesse de participer au bénéfice du produit de l’aventure. Cela

permettait aussi de contourner les règles imposées à l’époque, notamment l’interdiction du

prêt à intérêt. Puisqu’on ne prête pas, on décide de s’associer. Les commandités sont les

commerçants, anciens marins dont la responsabilité est limitée. Le commanditaire est le

capitaliste qui apporte le capital à la société. Celui-ci a aussi une responsabilité limitée à sa

participation à la société.

D. Les sociétés de personnes avec personnalité juridique et les sociétés de capitaux

Les sociétés de personnes sont des sociétés dans laquelle la personnalité des associés a

une importance capitale et essentielle dans la création de la société. On retrouve, à la base, un

contrat intuitu personae. On les retrouve principalement sous forme de société à

responsabilité illimitée. Il y a une organisation spécifique de la société : les titres

représentatifs du capital ne sont pas librement cessibles. Les parts sociales de ces sociétés sont

soit incessibles, soit leur cession requiert un large accord des associés. Dans ces sociétés, le

statut personnel d’un associé aura une influence directe sur la vie ou la survie de la société

(ex. : en cas de décès). Les modifications des statuts requièrent une majorité renforcée.

Il faut bien comprendre le concept de responsabilité illimitée. Par responsabilité limitée,

on vise le fait que celui qui apporte du capital dans la société voit son risque limité à son

apport. La différence réside dans le risque pris dans l’aventure. Dans les deux cas, ces sociétés

ont la personnalité morale. Durant la vie de la société, il n’y a pas vraiment de différence. La

différence joue en cas de mise à mort de la société. Le tiers pourra, le cas échéant, se faire

payer le prix chez les associés dans le cas d’une société à responsabilité illimitée.

Dans les sociétés de capitaux, la personnalité des associés est indifférente. Ce qui importe,

ce sont les capitaux mis en commun. L’idée de la société anonyme, société de capitaux par

excellence, est de mettre en place un outil capable de rassembler un maximum de fonds en

vue de l’investir dans l’activité économique de la société. Le statut personnel des associés n’a

aucune influence sur la société de capital. L’idée est de pérenniser le fonctionnement de la

société. Les statuts peuvent être modifiés selon des règles normales de majorité. Il faut

pouvoir faire évoluer cette société.

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Le capital d’une société s’inscrit d’abord dans le passif de la société comme dette par

rapport à l’associé fondateur, ensuite par rapport à l’associé qui injecte du capital. La

particularité entre le capital et l’actif de départ constitutif de ce capital est que ce capital est

intangible. L’actif, quant à lui, ne cesse de changer. Il représente, en réalité, la vraie valeur de

la société.

Il existe des règles particulières relatives au capital pour ne pas permettre la

transformation de la société en enveloppe vide.

Les sociétés de capitaux sont principalement les sociétés anonymes, les sociétés

européennes, les sociétés de commandite par action,…

On peut distinguer, parmi les sociétés de capitaux, les sociétés cotées en bourse et celles

qui font appel public à l’épargne, et les autres sociétés.

E. Les grandes, petites ou moyennes sociétés

/

F. Les groupes de société

/

3. Le contrat de société

C’est un contrat pluripartite, sauf exceptions. Les parties suivent un but commun. Le

contrat est consensuel, synallagmatique. Il peut être assorti d’un terme. L’influence du droit

des obligations est ici clairement perceptible.

A. La forme

Pour les sociétés dépourvues de personnalité juridique, il n’y a aucune forme exigée. Pas

même un écrit. On peut même imaginer la constitution d’une société de manière orale. Le

Code des sociétés lui-même, en son article 49, rappelle que le contrat de société peut se

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former par toute voie de droit. Il est néanmoins clair que, d’un point de vue probatoire et pour

éviter une insécurité juridique entre elles, les parties ont besoin d’un écrit.

Pour les sociétés avec personnalité juridique, il faut un écrit mais la forme diverge selon le

type de société. On retrouve deux grandes catégories de société : les sociétés à responsabilité

limitée et illimitée. On veut compenser l’irresponsabilité (possibilité d’étendre le gage des

créanciers) ; dans les sociétés à responsabilité limitée, il faudra que ces sociétés soient

constituées par actes authentiques. Il n’est ainsi pas étonnant de voir les notaires très actifs en

droit des sociétés.

B. Les conditions générales de validité

Cf. droit des contrats (consentement – capacité – objet- cause)

C. Les éléments caractéristiques ou conditions spécifiques

§1 – La pluralité d’associés

Il faut une pluralité d’associés, sauf exceptions prévues par le Code (les sociétés privées à

responsabilité limitée unipersonnelle : une seule personne suffit). Si l’on compare le contrat

de société à d’autres types de conventions, celui-ci a la particularité qu’il n’y a pas d’intérêts

opposés entre les parties.

§2 – La participation aux bénéfices et la contribution aux pertes

Chaque associé doit participer aux bénéfices et contribuer aux pertes. Tous les associés

doivent avoir une vocation aux bénéfices mais doivent aussi s’engager à faire face aux pertes.

L’article 32 du Code des sociétés consacre l’interdiction des conventions léonines. La

convention léonine prévoit qu’un associé décide de s’affranchir des pertes de la société ou de

s’accorder tous les bénéfices. La sanction prévue par l’article 32 est extrêmement grave : c’est

la nullité de la convention (pas de la clause). Il existe certaines clauses qui créent une

disproportion considérable entre la participation aux bénéfices et la contribution aux pertes. Il

s’agit d’un exemple de clause léonine, interdite par l’article 32.

Les associés ne sont pas obligés de faire un partage équitable des bénéfices.

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Il faut noter qu’il ne s’agit que de clauses dans des conventions entre associés. Rien

n’interdit de se faire garantir par un tiers pour limiter le risque pris. Le tiers peut garantir un

associé contre tout risque financier dans l’aventure qu’il prend dans la société.

Il faut un affranchissement total, ou quasi-total, ou bien il faut une attribution totale ou

quasi-totale des bénéfices. C’est assez difficile à apprécier en pratique. Il s’agit d’une

appréciation, au cas par cas, de toutes les circonstances et conditions dans lesquelles

s’intègrent les clauses du contrat.

La clause, pour être interdite, doit viser des bénéfices ou des pertes futures. Il faut que les

pertes soient subies et les bénéfices réalisés pour que la convention soit licite.

La clause doit avoir pour objet de porter atteinte au pacte social   ; c’est l’idée du risque

partagé entre les associés. Il y a eu un débat au niveau des conventions dites de « portage »

(moyen de financement). Elles ont été attaquées sur base de l’article 32, dès l’instant où il y

avait cet élément de détermination fixe du prix qui pouvait avoir comme conséquence une

non-prise de risque pendant la période de portage.

§3 – Les apports

Ces apports sont essentiels pour comprendre la structure sociétale. L’idée de l’apport c’est

que l’on va mettre à disposition de la société un patrimoine social. Chaque fondateur doit

s’engager à apporter quelque chose.

On distingue la souscription du capital (lorsqu’on s’engage à l’apport) et la libéralisation

du capital (lorsqu’on exécute l’engagement d’apporter). Si l’apport est une somme d’argent,

exécuter l’engagement consiste à payer cette somme d’argent. Une des premières conditions

est que ces biens, ces choses apportées, aient une valeur économique. L’important est

d’apporter une valeur qui va pouvoir permettre à la société de disposer de moyens pour

fonctionner.

Pour une société commerciale ayant la personnalité juridique, il va y avoir une cession des

biens : ils sortent du patrimoine de l’apporteur pour entrer dans le patrimoine de la société.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que cet apport représente le capital de la société et ce

capital c’est du passif, en termes de comptabilité. La valeur de tous ces apports forme le

capital de la société, qui est mis au passif bilantaire ; c’est une dette de la société par rapport

aux créanciers que sont les fondateurs, les associés.

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Pour qu’il y ait apport, il faut qu’il soit réel, effectif. On va apprécier, valoriser, l’apport

en question. La valorisation est simple lorsque l’apport est en numéraire. A côté des apports

en numéraire, il y a les apports en nature. Ce sont les apports qui ne consistent précisément

pas en numéraire (ex. : art.218 et suivants du Code des sociétés). Ils portent sur des biens

meubles, corporels, incorporels, immeubles,… autres que de l’argent. Pour qu’on accepte de

qualifier ces actes d’apports, il faut que ces biens soient susceptibles d’évaluation. Il faut aussi

que les droits de propriété sur ces biens, les droits exclusifs équivalents, soient cessibles.

Les apports en nature posent une difficulté car il y a un danger de possible surévaluation

des biens en question. Si on surévalue un apport, on est susceptible de tromper le tiers. La

surévaluation pose aussi problème en interne. En termes de droits, on est rémunérés en

fonction de ce qui est évalué. C’est pourquoi on a prévu, dans le Code des sociétés, des

procédures d’évaluation des apports en nature. Cela passe en général par un système de

double rapport. D’abord, les fondateurs doivent établir un rapport et donner leur estimation de

la valeur de l’apport ainsi qu’une justification de cette estimation. Ensuite, un réviseur

d’entreprise ou un commissaire va contrôler l’évaluation. Il va vérifier que la méthode des

fondateurs est correcte et que la valeur n’est pas manifestement disproportionnée par rapport à

la réalité. Pour les s.a., on retrouve cette procédure à l’article 444 du Code des sociétés.

L’apport en industrie recouvre l’accomplissement de prestations intellectuelles ou

manuelles. L’apport se libère par l’exercice d’une activité. Il n’y pas ici de lien de

subordination, il s’agit uniquement de contrepartie. Ce type d’apport pose difficulté dès

l’instant où il faut l’évaluer. De même, l’exécution du travail en tant que telle est incertaine.

Devant ces incertitudes, le Code de société a interdit ce type d’apport pour certains types de

sociétés (ex. : pour les s.a. ou les s.p.r.l). Ce type d’apport ne donne lieu à l’octroi de titres

représentatifs du capital que dans les s.p.r.i en raison de la difficulté d’en fixer la valeur et,

surtout, de l’impossibilité de contraindre son souscripteur à le libérer.

§4 – L’affectio societatis

C’est une condition particulière qui transcende la définition de l’article 1er. Dans le

contrat de société, on trouve cette volonté de collaboration sur une base égalitaire, en

partageant toujours solidairement les risques de l’aventure.

C’est sans doute ce qui se rapproche le plus de l’idée d’intérêt commun que l’on retrouve

à l’article 19. Cette condition semble utile et doit être conservée. Cette idée même de

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collaboration égalitaire se justifie dans le sens où elle vise un élément subjectif à chaque

associé. On est dans un registre plus subtil que l’intérêt commun. Cela permettrait, par

exemple, de justifier la dissolution des sociétés (art.45).

Cette condition permet également de lutter contre des apports fictifs. Si l’apport est fictif,

le capital n’est pas réel. Les fondateurs sont solidairement responsables (art.441 du Code des

sociétés). Une partie du capital ne correspondra pas à la réalité. Si l’apport est manifestement

surévalué, les fondateurs seront responsables du dommage qui pourrait en résulter.

§5 – Une organisation économique ayant un intérêt social propre

Cet intérêt social est d’une part la résultante de la convention entre les parties. La société

n’est pas seulement un contrat, et n’est pas un contrat comme les autres. Elle permet de mettre

en place une organisation. Celle-ci vise un ensemble de personnes liées par les décisions de

certaines d’entre elles, au sein de l’organisation de la société. C’est une réalité qui fait la

spécificité de la société, et donc de la convention qui la crée. C’est la loi, et les statuts, qui

déterminent les règles de gestion de ces sociétés.

L’intérêt social est l’intérêt de la société. Cela dépasse l’intérêt commun des associés.

C’est particulièrement vrai dès l’instant où, comme toute société commerciale, les sociétés ont

la personnalité juridique. Dès cet instant, un intérêt propre à la société y trouve alors son

assise. On retrouve ici l’influence des règles de corporate governance et cette mouvance qui

défend une conception large de la notion de société. La société est un outil et l’utilisation de

cet outil doit viser les intérêts des associés.

Une autre approche consisterait à dire que l’intérêt de la société est un concept qui doit

dépasser l’intérêt des associés et des fondateurs. Il faudrait prendre en considération l’intérêt

de tous les détenteurs d’enjeux participant à l’activité économique de la société. Cet intérêt

social doit être compris dans cette perspective-là. Attention toutefois : l’intérêt s’apprécie in

concreto, est circonstanciel. Cette interprétation doit quand même être respectueuse des droits

fondamentaux des associés. On ne peut, sur la base uniquement de l’intérêt social, bafouer les

droits des associés, dont l’un des plus fondamental est de pouvoir continuer à être associé.

En tant qu’associé, les droits acquis permettent de contrôler la gestion de la société. Ce

contrôle s’exerce au sein de l’assemblée générale. En tant qu’actionnaire, on a également droit

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à une partie des bénéfices. De même, on a droit à une certaine égalité de traitement entre les

associés.

D. La nullité

En tant que contrat, il peut faire l’objet de la sanction traditionnelle de la nullité. On doit

constater que la sanction fait l’objet de nombreux assouplissements par rapport à la nullité de

droit commun. Cet assouplissement se justifie par l’idée de sécurité juridique. Au niveau des

causes de nullité, elles sont diverses : si la constitution n’a pas lieu dans la forme requise, si

l’on n’indique pas, dans l’acte de constitution, la dénomination de la société, de l’objet social

ou des apports, si le nombre de fondateurs n’est pas respecté, si l’objet social est illicite ou

contraire à l’ordre public,…

Les sociétés sans personnalité juridique sont soumises au droit commun. Si une des

conditions de validité du contrat n’est pas remplie, celui-ci est frappé d’une nullité relative.

- Art. 227 et 454 du Code des sociétés

4. La personnalité morale

On a vu que les sociétés commerciales se voyaient attribuer la personnalité morale (art.2

du Code des sociétés), moyennant une formalité volontaire qui doit être remplie par les

fondateurs.

Lorsqu’on reconnait la personnalité juridique, on reconnait la qualité de sujet de droit à

une entité qui n’est en fait qu’une création en vue d’intérêts différents des personnes qui la

créent et l’animent ensuite, dans des conditions dictées par la loi. Une fois que la personnalité

juridique est attribuée à cette entité, elle jouit à priori des mêmes droits, de la même capacité,

que les personnes physiques. Elle a un patrimoine, des droits et des obligations et va répondre

de ses dettes sur son patrimoine propre. Elle peut normalement avoir aussi les mêmes activités

qu’une personne physique (ex. : une société peut siéger au conseil d’administration d’une

autre société). Elle pourra également être titulaire de droits intellectuels ( ! : les personnes

morales ne peuvent être titulaires de droits d’auteur ; le droit ne naitra que dans le chef de la

personne physique). Dans le même ordre d’idée, une société peut subir un préjudice moral. De

même, elle peut, selon des modalités particulières certes, être pénalement responsable.

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A. L’acquisition de la personnalité morale

Avant 1995, il y avait la théorie des cadres légaux obligatoires : quiconque voulait créer

une société devait entre dans un des moules prévus par le législateur. Si ces formalités

n’étaient pas respectées, la société s’écartait de cette forme et était requalifiée comme société

en nom collectif irrégulière. Aujourd’hui, on a abandonné ces cadres légaux obligatoires. On

a, dans le même temps, subordonné le processus d’acquisition de la personnalité morale à une

obligation administrative (art.2, §4, du Code des sociétés) qui consiste en un dépôt visé à

l’article 68 (dépôt de l’extrait des statuts qui doit être fait auprès du greffe du tribunal de

commerce en fonction du lieu de son futur siège social).

La sanction est que l’on n’acquière pas la personnalité juridique. La société est alors

considérée comme une société de droit commun, mais sans personnalité juridique. Une fois

qu’elle est acquise, la personnalité juridique se conserve. Elle durera jusqu’à la clôture de la

liquidation.

Lorsqu’on décide de constituer une société, il y a un certain nombre de tâches et activités

à faire pour permettre la création de cette société. Il faut premièrement négocier les statuts.

Avant d’avoir acquis la personnalité juridique, les membres de la société peuvent passer des

actes au nom de la société. Il s’agira d’une société en formation. Les promoteurs de la société

seront responsables des engagements qu’ils prennent au nom de la société en formation.

L’article 60 du Code des sociétés prévoit que tous ceux qui ont pris un engagement avant

acquisition de la personnalité juridique en sont solidairement responsables vis-à-vis des actes

posés à l’égard des tiers, sauf si la société a déposé l’extrait d’acte dans les deux ans de la

naissance de l’engagement et si les engagements sont repris, ratifiés par la société dans les

deux mois qui suivent le dépôt. Si ces deux conditions sont remplies, l’engagement sera

réputé avoir été contracté par la société dès l’origine. Lorsqu’on est dans le cadre d’une

société en formation, il faut le mentionner. Il faut aménager la preuve que l’engagement est

fait au nom de la société en formation. Si tel n’est pas le cas, l’acte pris ne sera pas valable et

donc nul. Il n’y aucune obligation de reprise de l’acte par la société, c’est une faculté.

B. Les attributs de la personnalité morale

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La société commerciale possède des droits et des obligations, mais qui sont différents de

ceux de ses associés. Elle agit par ses organes, qui vont véritablement l’incarner et qui, par ce

fait-là, la représentent. L’organe, c’est la société. S’il y a une décision du conseil

d’administration de passer un tel contrat, c’est la société qui a décidé de passer un tel contrat.

L’acte de l’organe, c’est l’acte de la société. C’est une fiction, cela fait partie des spécificités

de fonctionnement d’une société qui a la personnalité juridique. Elle est donc directement

engagée par les actes posés par l’organe et inversement, elle sera tenue par les actes, fussent-

ils fautifs, posés par les organes dans le cadre de l’exécution de leur convention. Si un

administrateur qui était chargé de gérer une négociation importante a commis une faute en

décidant de rompre les négociations, il n’empêche que s’il y a une action en justice, elle sera

introduite valablement contre la société. C’est elle qui a commis la faute, si faute il y a. Elle

va acquérir un patrimoine, un nom, un siège social, acquérir une nationalité.

Cette personnalité acquise par la personne morale va être limitée par des spécificités qui

tiennent au droit des sociétés indépendamment du fait qu’il existe des spécifiés qui naissent de

la nature même de la société. Une société ne se fiance pas, elle ne devient pas non plus

employée, elle n’acquiert pas des droits d’auteur,… Il y a d’autres limitations comme la

spécialité légale qui limite la capacité de la société commerciale qui a acquis la personnalité

juridique. Cela implique que la société ne peut qu’accomplir des actes en vue de la finalité

que le législateur a instituée. La finalité principale de la société est ce but de lucre. La

conséquence est qu’en principe, elle ne peut poser aucun acte qui ne pourrait pas être justifié

dans le cadre de cette finalité. La pratique est nettement plus large et il est très rare qu’un acte

puisse être sanctionné de nullité pour la violation de la spécialité légale, car on a une

conception extrêmement large du but de lucre qui a été construite et défendue en

jurisprudence. On dit qu’il y a but de lucre dès l’instant où l’acte est accompli, même

indirectement, dans le cadre de l’objet social de la société. La sanction est la nullité possible

de l’acte. C’est pour cela que l’on a admis des actes qui sont gratuits.

Ex.: le payement de dettes par une société mère pour sa société filiale, on dit que cela a un

sens, même si juridiquement elle n’est pas tenue. Cela n’est pas considéré comme un acte

gratuit, même si juridiquement cela n’a pas de contrepartie.

La jurisprudence est très large quant au but de lucre, de sorte qu’il n’y ait pas d’actes qui

puissent être remis en question, toujours donc dans cette idée de maintien d’une sécurité

juridique optimale. Si la société est un outil performant, on ne doit pas pouvoir remettre en

cause les actes posés trop facilement.

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§1 – La spécialité légale et la spécialité statutaire

C’est la finalité légale. Lorsqu’on parle de spécialité statutaire, on parle de l’objet

social qui est contenu dans les statuts. L’idée est que la société a été constituée en vue

d’exercer l’activité définie, décrite dans les statuts de la société. Donc, elle ne peut poser que

des actes qui sont en lien avec cette activité. L’acte qui n’entrerait pas dans l’objet social ne

liera pas la société. Si un administrateur d’une société achète un immeuble et le revend au

nom de la société, ce n’est pas décrit dans l’objet social, cela ne rentre pas dans l’objet social.

C’est d’abord un problème de représentation. La société n’est pas liée par l’acte qui est posé

dès l’instant où il n’entre pas dans le cadre de l’objet social fut-il ou est-il été posé par un

organe de la société. La spécialité statutaire n’interdit pas pour autant de poser des actes

contraires au statut. Ce n’est pas un principe qui sanctionne toute violation des statuts.

C’est le principe, mais il existe des exceptions. Dans le cadre des sociétés

commerciales les plus usuelles (r.l., s. a., s.p.r.l.), il existe d’autres règles. En ce qui concerne

les actes qui dépassent l’objet social, ce dépassement n’est pas opposable aux tiers de bonne

foi.

Ex.: art. 526 du Code des sociétés pour les s.a. : « la société est liée par les actes accomplis

par le conseil d’administration, par les administrateurs ayant qualité pour la représenter

(…), par les membres du comité de direction, ou par le délégué à la gestion journalière,

même si ces actes excèdent l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que

l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer, compte tenu des circonstances, sans

que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve ». Le seul fait que ce soit

publié ne suffit pas à présumer la mauvaise foi des tiers qui ne sont pas censés aller devoir

voir les statuts à chaque fois qu’ils ont un contact avec un organe. La spécialité légale est liée

à la notion même de personnalité morale, mais la spécialité statutaire est propre aux sociétés

commerciales.

§2 – Le patrimoine social

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L’acquisition de la personnalité juridique permet à la société de disposer d’un

patrimoine propre. C’est extrêmement utile, on a vu un système qui prévalait pour les sociétés

commerciales: un système d’apport, les biens sont apportés. S’ils ont la personnalité juridique,

il y a cession (le bien passe d’un patrimoine à un autre: de l’associé fondateur à la société).

Puisque c’est un patrimoine propre à la société, les créanciers de la société n’ont de droits à

faire valoir qu’à l’égard de ce patrimoine-là, et pas à l’égard du patrimoine des associés

fondateurs. S’ils veulent se faire payer ou prendre des mesures d’exécution, ce sera toujours à

l’égard de la société. Mais pas à l’égard du patrimoine des associés et des personnes qui

constituent la société. De même, les créanciers des associés ne peuvent pas agir sur le

patrimoine de la société. La seule exception, c’est dans le cadre d’une société à responsabilité

illimitée ou en termes de la liquidation de la société. S’il reste des dettes sociales à payer et

que l’actif de la société est insuffisant, on pourra alors effectivement prendre des actions sur

le patrimoine des associés fondateurs. Durant toute la durée où la personnalité juridique est

acquise, mise en œuvre et utilisée par la société, il y a séparation stricte du patrimoine dans

tous les cas. Ce n’est qu’in fine qu’il y a un régime distinct selon le type de société. Tout cela

se fait dans le but de permettre l’exercice plus facile de l’activité, une diminution des risques

et un confort donné aux entrepreneurs. La société, elle, contrairement à une personne

physique, n’a qu’un patrimoine. Tout ce qu’elle a est normalement en rapport avec son

activité économique.

§3 – La représentation par des organes

Les sociétés agissent par leurs organes et ces organes voient leurs pouvoirs déterminés

par le Code des sociétés et par les statuts, étant entendu que l’on ne peut pas créer d’organes

en dehors du cadre légal. On ne peut pas créer d’organes différents de ceux reconnus et

organisés. On n’est pas libre de créer tous les organes que l’on veut, cela fait partie de

l’institution réglementaire qui caractérise la société. Ce n’est pas la société qui va donner

instruction à ses organes. Il n’y a pas, dans le fonctionnement de la société, une fiction qui

veut que ce soit la société qui charge les organes de faire quelque chose. L’organe agit, c’est

la société qui agit. Le but est la sécurité juridique. Il n’est pas question de laisser ouverte trop

grande la porte aux contestations des actes posés: les tiers doivent pouvoir déduire de cette

qualité, de la loi qui l’organise et des statuts, de faire confiance à cette qualité. On peut

remettre en cause la qualité d’organes, mais pas besoin d’un mandat spécial pour agir.

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Il y a différents types d’organes, selon le type de sociétés: :

- les organes de délibération prennent les grandes décisions internes de la société. C’est

normalement l’assemblée générale, qui regroupe les associés, les actionnaires et agit surtout

dans l’ordre interne de la société (ex. : voter la décharge des administrations, introduire une

action en responsabilité, etc.). Elle intervient rarement à l’égard d’un acte posé à l’égard d’un

tiers. Elle ne joue par un rôle actif dans l’exercice des activités même de la société, mais dans

le cadre de son organisation.

- les organes de gestion sont ceux qui exercent l’activité économique de la société et qui,

souvent, agissent à l’égard des tiers. Ils posent tous les actes d’administration et de disposition

qui sont nécessaires à la société dans l’exercice de son activité. C’est le plus souvent le

conseil d’administration, le comité de direction, les délégués à la gestion journalière pour les

sociétés anonymes.

- les organes de représentation ont pour compétence de pouvoir représenter la société et agir

en justice, introduire une action. Ils sont souvent des organes de gestion, spécialement,

parfois, mandatés.

- les organes de contrôle : dans certaines sociétés, on a l’intervention de commissaires,

réviseurs d’entreprise, et ils interviennent en exécution de missions légales prévues par le

Code des sociétés et qui les charge de contrôler la bonne santé financière, la tenue des

comptes, etc.

- les organes de liquidation. Le liquidateur devient un organe de la société. Le curateur

devient un organe de la société.

Il y a l’idée que l’organe qui agit dans le cadre de ses fonctions s’identifie à la

personne morale. Mais cela ne veut pas dire que les administrateurs en tant que tel ne risquent

pas d’engager leur responsabilité au cas où ils commettent par exemple, une faute de gestion.

Une certaine immunité semble transparaitre de la théorie de l’organe, mais en réalité la

société peut se retourner contre son administrateur, lui reprocher sa faute et lui demander une

indemnisation. De même un tiers, peut, le cas échéant, décider de s’attaquer à un

administrateur de société dès lors qu’il considère que ses agissements ont pu lui porter

préjudice. Il y a divers moyens de mettre en cause la responsabilité des administrateurs et des

gérants. Différents types de responsabilités peuvent être engagées en fonction de ceux qui

sont responsables (extra-contractuelle vis-à-vis des tiers –art.1382/13823 du Code

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civil/contractuelle à l’égard de la société/pénale dès lors que l’administrateur commettrait une

infraction). A l’égard de la société, les administrateurs sont tenus de leur faute dans

l’exécution de leur mandat. Les articles 527 et 528 du Code des sociétés déterminent la

responsabilité des administrateurs dans une s.a. Dès l’instant où le Code des sociétés est

connu, où les statuts sont publiés, on doit pouvoir penser que les administrateurs vont agir

conformément à ce Code et ces statuts. A l’égard des tiers, on a le même système : les

administrateurs peuvent être responsables vis-à-vis des tiers pour les fautes commises dans

leur gestion. Il faut néanmoins que les tiers puissent prouver qu’ils ont subi un dommage suite

à la faute commise par l’administrateur. On prévoit une solidarité entre les administrateurs si

la faute est déduite de la violation du Code/des statuts.

§4 – La dénomination sociale

Comme toute personne, la société a un nom. Ce nom, c’est sa dénomination sociale.

Avant, on distinguait la raison sociale (=identification de la société par la suite des noms des

personnes physiques qui la composaient) et la dénomination sociale. On parle désormais, en

toutes hypothèses, de dénomination sociale. A l’article 65 du Code des sociétés, il est stipulé

que cette dénomination sociale doit être différente de celle de tout autre société. L’idée est

que lorsqu’on crée la société, on doit se choisir un nom. Forcément, ce nom doit être différent

des autres sociétés ; il s’agira d’éviter la confusion entre deux sociétés tant il est vrai que la

confusion peut aussi amener à des pratiques déloyales. Il y a plusieurs moyens de protéger sa

dénomination : acquérir un droit de propriété intellectuelle (le droit à la marque) sur la

dénomination, se protéger par les règles de droit commun et règles des actions ouvertes en cas

de pratiques commerciales déloyales,… L’article 65 lui-même, en son deuxième alinéa,

ouvre une action particulièrement efficace. Cette procédure est plus facile à mettre en œuvre

que celle relative au droit à la marque ou aux pratiques commerciales déloyales. Il suffit de

montrer que soit le nom est identique, soit qu’il peut créer une confusion. Attention toutefois,

il est possible d’avoir des dénominations sociales différentes des noms commerciaux avec

lesquels on agit sur le marché (ex. : Belgacom et Proximus).

Il est important d’indiquer sa dénomination sociale suivie de l’abréviation de sa forme

dans ses documents.

§5 – Le siège social et la nationalité

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Le siège social est en quelques sortes l’équivalent du domicile des personnes physiques. Il

permet de localiser la société et d’ainsi déterminer, par exemple, le lieu où un certain nombre

de formalités doivent être accomplies. Cela permet aussi de déterminer le lieu de certains

évènements de la vie de la société, de même que la compétence des tribunaux.

Le problème est de savoir ce qu’est le siège statutaire. A priori, c’est le lieu désigné dans

les statuts comme étant devenu siège social de la société. En pratique, souvent, on se rend

compte que le siège réel de la société ne correspond pas ou plus nécessairement au siège

social déterminé par les statuts. Dès lors, il y a, le cas échéant, des discussions sur la question

de savoir si, à titre d’exemple, on a cité la société au bon endroit.

Trib. Comm. de Bruxelles, 9 janvier 1985

Le principe, en droit belge, est que s’il y a une différence entre le siège social et le siège réel,

c’est le siège réel qui l’emporte.

Il s’agissait d’un exploit d’huissier signifié à une société. L’assignation n’avait pas eu lieu à

Anvers, où la société avait son siège statutaire, mais à Bruxelles dans les bureaux de la

société. Dans cette décision, le tribunal analyse et compare quelles sont les activités de la

société, tant à son siège social qu’au lieu de la signification. Le tribunal part du principe

admis que le siège réel d’une société est l’endroit où sont prises effectivement toutes les

décisions essentielles, déterminantes, qui intéressent la vie de la société elle-même, et qui

dépassent le cadre d’un siège d’exploitation. En l’espèce, le tribunal constate qu’à Anvers, il

ne se passe plus que les assemblées générales, tandis que Bruxelles est devenu le lieu de

toutes les activités commerciales et administratives de la société. Le tribunal estime qu’il n’y

a donc pas lieu d’invalider la citation introduite à Bruxelles.

La solution, jurisprudentielle, a été entérinée dans le Code de droit international privé.

A l’article 110, on constate que le critère de rattachement est déterminé en fonction de

l’établissement principal. A l’article 4, §3 du Code de DIP, on énonce que cet établissement

principal se détermine en particulier en fonction du centre des affaires, et du centre des

activités, et subsidiairement en fonction du siège statutaire. On a donc conservé le système

belge en Belgique mais le Code de DIP énonce que s’il y a un droit étranger applicable et qui

désigne le droit de l’état en vertu duquel la personne morale a été instituée, on laisse alors

tomber le système belge. Le Code de DIP fait ici preuve de réalisme. Consciente que son

critère lui est propre, le droit belge laisse tomber son système en cas de conflit.

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En ce qui concerne la nationalité, il s’agit de la nationalité de la loi applicable à la société.

5. La dissolution de la société

A. Les causes de dissolution communes à toutes les sociétés

- Art.39 du Code des sociétés : il consacre les causes de dissolution de plein droit des

sociétés. Certaines causes toutefois sont typiques des sociétés de personne.

- Art.45 du Code des sociétés

- par l’expiration du temps pour lequel elle a été contractée

- par l’extinction de la chose, ou la consommation de la négociation : c’est l’exemple typique

de la société momentanée (mise en œuvre dans le cadre de l’exercice d’une activité

déterminée).

- par la mort naturelle d’un des associés

- par l’impossibilité de l’activité de la société

- par l’interdiction ou la déconfiture

- par la volonté qu’un seul ou plusieurs expriment de ne plus être en société : si l’un des

associés veut partir, on doit mettre fin à la société. Tout le problème sera de continuer les

activités de la société sans l’associé.

- par la dissolution judiciaire pour juste motifs

B. Les causes de dissolution propres à certaines sociétés de personnes

- la réunion de toutes les parts entre les mains d’un associé (ne s’applique pas aux

s.a/sociétés en commandite par actions, cf.art.646, §1er, ni au s.p.r.l, qui peuvent être

unipersonnalles).

- la renonciation notifiée par l’un des associés (ne s’applique qu’à la société à durée illimitée

– art.43 du Code)

- les causes personnels à un associé (ex. : l’interdiction, la mort, la déconfiture)

C. Les causes de dissolution propres aux sociétés anonymes et aux sociétés privées ou

coopératives à responsabilité limitée

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- les pertes graves subies par ces sociétés (art.332, al.1er et 3e, 431, al.1er et 3e, 633, al.1er et 4e)

- la diminution de l’actif net sous le capital minimum à libérer (art.333, 432 et 634)

- l’incessibilité des parts dans une s.p.r.l (art.251, al.4, et 252, al.4)

Livre III – Libertés et concurrence dans l’espace européen

On admet qu’il n’est pas possible de donner un plein effet à l’exercice de la liberté

d’entreprendre si l’on ne reconnait pas, dans le même temps, la liberté de concurrence. On fait

de la liberté de concurrence une implication naturelle de la liberté d’entreprendre. Derrière la

liberté de concurrence, on retrouve les grandes théories économiques libérales du XIXème

siècle. L’idée est que cette liberté sert aux individus pour faire du profit et que ce profit sert à

l’intérêt général. Cette vision des choses est idyllique (« l’homme est un loup pour

l’homme »). Dans un monde idyllique, si chacun exerce sa liberté, on maximise les richesses

de tous.

Le droit de la concurrence, c’est le droit qui réunit l’ensemble des règles ayant pour

objet de rendre effective la liberté de concurrence et d’éviter que cette concurrence ne

dégénère. Le droit de la concurrence intervient en amont de l’exercice effectif de la liberté

d’entreprendre. Il pose, en réalité, les conditions qui garantissent que chacun pourra exercer sa

liberté d’entreprendre de façon égalitaire par rapport aux autres acteurs du marché. Les

sociétés font en sorte de ne pas devoir « jouer le jeu » de la concurrence. Elles éliminent le jeu

normal de la concurrence.

Le droit de la concurrence est né aux Etats-Unis au XIXème siècle. Les Etats-Unis ont

pris les premières lois antitrust. Actuellement, il y a trois régimes spécifiques qui sont des

règles conçues pour éviter trois situations dans lesquels les acteurs pourraient s’affranchir du

jeu normal de la concurrence. Le premier régime concerne l’interdiction des ententes illicites

(ex. : plusieurs sociétés qui s’entendent sur les prix). Un second concerne l’interdiction des

abus de positions dominantes. Le troisième est celui des concentrations.

Le droit de la concurrence comprend tant des règles de fond que des règles de

procédure. On met en place des autorités administratives indépendantes qui vont jouer à la

« police du marché ». Chaque Etat dispose de son autorité de la concurrence, chargée de faire

appliquer, ou de s’assurer que sont appliquées les règles du droit de la concurrence.

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On ne va pas étudier le droit national de la concurrence mais les grands principes

européens. Le droit de la concurrence est totalement harmonisé par l’Europe sur le fond. Les

lois nationales doivent être appliquées en conformité avec le droit européen, ce qui laisse peu

de place. Ce sont les articles 101 et suivants du TFUE qui déterminent les règles de base. Ce

qui reste particulier, national, ce sont les règles de procédure et les sanctions.

Au niveau des sources nationales, le livre V du Code des droits économiques porte sur

la protection de la concurrence. Une loi du 13 avril 2013 a réorganisé, profitant de la

codification, toute la procédure de contrôle du conseil de la concurrence et les possibles

recours.

Il faut préciser d’entrée de jeu que toutes les ententes ne sont pas illicites. Dès l’instant,

par exemple, où l’on met en place des régimes d’approvisionnement exclusif, il s’agit d’une

entente dans le sens où cette convention restreint nécessairement la concurrence. Selon les

cas, les ententes sont admises, parce que bonnes pour la concurrence et le consommateur, ou

sont refusées.

Le but du droit de la concurrence est de protéger le marché. Il n’est pas là pour protéger

les entreprises en elles-mêmes. Il ne protège pas les concurrents : il protège la concurrence.

Le droit de la concurrence en tant que tel ne permet pas à une société sur un marché de réussir

son activité. Il crée des dégâts et admet des dégâts sur le marché. En droit de la concurrence,

on va même tenir compte des handicaps des acteurs sur le marché. Quand une société se plaint

d’un non-respect du droit de la concurrence et qu’on analyse sa situation pour voir si la

pratique a un effet anti-concurrentiel sur elle, on va prendre en considération les handicaps de

cette société (ex. : problèmes techniques, mauvaise organisation,…). Le droit de la

concurrence ne permet pas d’obvier à ses propres carences.

I. Les libertés   : vers la création d’un marché intérieur

européen1. La libre circulation des marchandises

A. L’union douanière

§1 – Les deux préalables : un tarif douanier et une nomenclature douanière communs

§2 – Les droits de douane

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B. Les mesures d’effet équivalent

§1 – La définition

§2 – L’arrêt Cassis de Dijon

§ 3 – L’arrêt Keck et Mithouard

C. Les monopoles d’Etat

D. Au-delà des dispositions sur la libre circulation, les dispositions complémentaires

2. Interlude   : la directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000

A. Le principe dit du « pays d’origine »

B. Les restrictions aux flux transfrontières

3. Les libertés d’établissement et de prestations de services   : des articles et svts du

TFUE à la directive Bolkestein

A. Introduction

B. Les dispositions du TFUE sur les libertés d’établissement et de prestations de services

et leur interprétation jurisprudentielle

§ 1 - La liberté d’établissement : les articles 49 à 55 TFUE

§ 2 - La libre prestation des services : les articles 56 à 62 TFUE

§ 3 - Une évolution commune

C. La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relativeaux services dans le marché

intérieur et sa transposition en droit belge

§ 1 - Le champ d’application de la directive

§ 2 - La liberté d’établissement des prestataires selon la directive

§ 3- Le régime de la libre prestation des services

§ 4 - Les véritables innovations de la directive

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II. Le droit de la concurrence

On a eu, pendant tout un temps, un régime d’autorisations préalables   : les entreprises qui

se lançaient dans un accord visé par l’ancien article 81 ou par l’article 101 et dont ils avaient

raison de penser que cet accord pouvait remplir les conditions d’illicéité devaient saisir la

Commission Européenne et demander, préalablement à l’exécution de l’accord, de valider

l’entente en question. C’était un véritable régime d’exemption individuelle. Il s’agissait d’un

système extrêmement lourd qui empêchait les entreprises de mettre en œuvre, d’exercer, leur

activité. Un autre problème était que la Commission était extrêmement sévère. Très vite, la

Commission n’avait pas les moyens de gérer ces autorisations. Le problème s’est encore accru

avec le nombre constat de nouveaux membres, et donc des demandes d’autorisation et

d’exemption, le cas échéant. En 2003, on a complètement changé le système. A partir du

Règlement 1-2003, on assiste à un changement complet : on substitue au régime d’exemption

et d’exception légale un régime qui consiste à dire que les entreprises doivent tenir leurs

responsabilités. C’est un régime souple qui responsabilise les entreprises. Un des problèmes

du régime d’autorisation préalable était aussi que les autorités nationales ne pouvaient

intervenir en matière d’ententes illicites. Dans le nouveau régime, le deuxième changement

radical consiste à permettre aux autorités nationales d’appliquer les articles 101 et 102, même

si la Commission aura toujours une compétence concurrente avec les autorités nationales. Il a

aussi fallu s’assurer d’une harmonisation du contenu des règles dès lors que l’on décentralise

le pouvoir de décision. La Commission s’est lancée dans un travail d’harmonisation de

l’interprétation des règles contenues à l’article 101, étant entendu que cette harmonisation est

aussi assurée par la jurisprudence de la Commission et de la CJUE qui peut, le cas échéant,

être saisie. La Commission a aussi pris une série de mesures, des lignes directrices, qui sont

des guides interprétatifs des dispositions en cause pour aider les autorités nationales à prendre

des décisions cohérentes par rapport aux autres autorités et surtout par rapport à la

jurisprudence des autorités de contrôle européennes (ex. : directive sur la notion d’affectation

du commerce entre Etats membres). Au moment où l’on a changé l’approche du contrôle de

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l’entente illicite, on a, dans le même temps, travaillé sur les conditions d’application de

l’interdiction.

1. Les ententes (art.101 du TFUE)

A. Le domaine d’application du droit européen

C’est le Règlement 1-2003 qui donne compétence aux autorités nationales pour

appliquer directement les dispositions du TFUE. Il admet l’effet direct de ces

dispositions, nonobstant toute disposition nationale contraire. Le critère de distinction

entre l’application des règles européennes et nationales est contenu dans la portée de

l’expression « affectation du commerce entre Etats membres ».

On énonce que la pratique doit être susceptible d’affecter le commerce entre Etats

membres. Ce que l’on vise ici, c’est l’effet sur le commerce interétatique. La pratique

doit influencer ou doit être susceptible d’influencer les relations commerciales ou

économiques entre plusieurs Etats membres. Si la pratique n’est pas susceptible de cela,

cela relèvera du droit national en question.

L’affectation s’entend de la probabilité qu’un comportement puisse exercer une

influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle et sensible sur les relations entre

Etats membres. Il suffit donc de prouver avec suffisamment de sérieux que l’on doit

raisonnablement s’attendre à cet effet dès l’instant où la pratique est identifiée. Il faut

arriver à prouver que cette condition est remplie in concreto. En pratique, on va mettre

en avant les critères pour apprécier le caractère sensible, ou non, des effets sur le

commerce interétatique en fonction, par exemple, du volume des échanges concernés,

des chiffres d’affaire réalisés par les produits consommés, … Ces critères sont contenus

dans les lignes directrices et vont permettre d’objectiver l’influence en question.

Arrêt Manfredi, 13 juillet 2006, C-295/04

Des questions préjudicielles ont été posées à la Cour dans le cadre de recours

d’indemnités contre des compagnies d’assurances. Les assurés veulent obtenir le

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remboursement de majorations de primes d’assurance. Il s’agissait d’assurances

obligatoires dont ils prétendent que l’augmentation des prix est due à une entente

illicite entre les différentes compagnies d’assurance. L’entente illicite, comme souvent,

se serait exprimée par des échanges d’informations entre les compagnies en vue de

coordonner les prix et la fixation des primes au sein des différentes compagnies. Le

résultat, en l’espèce, est que les prix étaient plus élevés que si les différentes

compagnies s’étaient fait concurrence. La première question qui se pose est de savoir si

une telle entente peut constituer une infraction à l’article 101, compte tenu notamment

du fait de la participation à l’entente d’entreprises n’appartenant pas aux Etats

membres. La Cour a expliqué les critères à prendre en considération pour appliquer les

règles de droit européen et pour faire cette répartition dans l’application des lois

nationales et européennes. La Cour commence par dire que l’affectation, l’effet sur le

commerce interétatique, découle de différents facteurs qui, pris isolément, ne seraient

pas nécessairement déterminants. Le premier critère consiste à savoir si les participants

à l’entente sont établis dans différents pays de l’Union. C’est le premier à prendre en

considération. Un second critère consiste à savoir quelle est l’étendue géographique des

pratiques en cause. Un dernier critère prend en compte les conséquences de la pratique.

Il faut se demander si cette pratique va dresser des barrières à l’activité de prestataires

étrangers. La Cour rappelle que pour constituer une violation de l’article 101, il doit

exister un degré suffisant de probabilité que l’entente ou la pratique concernée puisse

exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur la vente des

polices de ces assurances dans l’Etat membre concerné, par des opérateurs établis dans

d’autres Etats membres, et que cette influence ne soit pas insignifiante.

L’effet d’énervement doit être sensible, d’une importance suffisante. Si on a une

entente qui n’affecte que très peu le marché, on n’appliquera pas non plus les règles de

droit européen mais on a par contre les lignes directrices. Tout cela reste très abstrait,

d’autant qu’on considère qu’il doit y avoir dans le chef des autorités une appréciation in

concreto : il s’agit d’analyser concrètement la situation et se fonder sur des éléments

tangibles pour justifier la constatation que cette condition est remplie.

Il y a, derrière l’application du critère, des enjeux économiques et politiques qui

doivent être compris. La Commission a, en général, la maitrise de la situation,

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principalement en matière d’entente et d’abus de position dominante. Il n’est donc pas

étonnant que ce critère soit interprété de manière extrêmement large par les institutions

européennes. C’est ce qui rend difficile la compréhension du critère et de son

application. La mise en œuvre de ce critère est complexe en raison de l’interprétation

large qui lui est donnée.

L’effet sur le commerce étatique est encore différent de l’effet anti-concurrentiel. La

différence se marque, le cas échéant, au niveau du critère de la sensibilité à prendre en

considération. Le droit européen ne s’intéresse pas aux comportements qui n’ont pas

d’influence significative sur le marché.

Une des conséquences du Règlement 1-2003 est que le droit peut être appliqué par

les autorités nationales. Dans chaque pays, on trouve une autorité de contrôle (Conseil

de la concurrence). En Belgique, c’est une autorité administrative qui a, au surplus, un

pouvoir juridictionnel. Puisque c’est un organe juridictionnel, ses décisions sont elles-

mêmes susceptibles de recours par l’entreprise (en Belgique : recours devant la Cour

d’appel – Cour de Cassation).

A l’article 5, §1, du Règlement, on affirme la compétence des autorités nationales

pour appliquer les articles 101 et 102 du TFUE. On y énonce également les pouvoirs

des autorités nationales. Entre autre, elles peuvent faire cesser la violation des articles

101 et 102, exerçant ainsi une mission juridictionnelle. Elles peuvent aussi ordonner des

mesures provisoires. L’urgence que l’on fait valoir devant l’organe de contrôle de la

concurrence est une urgence que l’on invoque à l’égard du marché lui-même : il faut

démontrer qu’il va subir un dommage difficilement réparable si l’autorité n’intervient

pas pour prendre une mesure provisoire (ex. : interdire une nouvelle tarification d’un

service). Les autorités peuvent aussi accepter des engagements ; l’entreprise confrontée

à une plainte, à une potentielle violation, peut, avec l’aval de l’organe de concurrence,

trouver une solution et modifier son comportement. Elles peuvent aussi infliger des

amendes, astreintes ou tout autre sanction prévue par le droit national.

L’article 6 prévoit que les juridictions nationales sont compétentes : on peut donc

saisir un juge du fond et lui demander la cessation de la violation des articles 101 et/ou

102. Ces dispositions sont directement applicables sur le territoire étatique. C’est une

réponse à l’ancien système où seules les autorités européennes étaient compétentes.

Le problème est d’organiser la coopération entre les autorités européennes et

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nationales. Si c’est l’autorité nationale qui est saisie d’un dossier où l’on invoque la

violation des articles 101 et 102, se met automatiquement en place une procédure selon

laquelle l’autorité nationale doit informer la Commission Européenne dès l’instant où

elle prend des mesures (art.11, §3). Dès l’instant où l’autorité nationale considère qu’il

y a bien violation, elle est obligée de suspendre sa décision pour informer la

Commission Européenne de la décision qu’elle va prendre dans le dossier (art.11, §4).

Si la Commission décide de se saisir de l’affaire, c’est elle qui l’emporte (art.11, §6). Il

y a aussi des dispositions qui organisent l’échange d’informations (art.11, §3 et art.12).

Des pouvoirs d’enquête sont reconnus aux articles 27 et suivants. On impose un strict

respect des droits de la défense des entreprises, d’accès au dossier, etc.

B. Le champ d’application de l’article 101 du TFUE

La notion d’entreprise européenne est la même que celle déjà rencontrée. Ce n’est

donc pas une notion qui se ramène à la notion de société ou de commerçant. C’est une

notion plus large et qui présente des spécificités. On vise toute personne, organisme, qui

poursuit une activité économique. En réalité, si l’on veut dépecer la matière, on peut

relever trois conditions : il faut poursuivre une activité économique, pour son propre

compte et en jouissant du pouvoir de déterminer de manière autonome son

comportement sur le marché. Peu importe ici la nature de l’activité (qu’elle ait un but de

lucre ou non,…), de même que le statut juridique de l’entité. Le seul critère qui compte

c’est la question de savoir si elle exerce une activité qui consiste à offrir un

produit/service sur un marché. Certaines activités seront ainsi exclues (les activités non-

économiques, ex. : les activités des autorités publiques lorsqu’elles exercent la

puissance publique). Ces prestations ne sont évidemment pas soumises au droit de la

concurrence. A priori, les autorités publiques ne sont pas soumises au droit de la

concurrence dans l’exercice de la puissance publique. S’est néanmoins développée une

théorie des actes détachables qui permet de leur appliquer les règles du droit de la

concurrence. On va « dépecer » les actes et comportements de l’autorité pour voir si les

comportements dont on parle ne peuvent pas être appréhendés indépendamment de la

mise en œuvre de leur mission d’autorité publique.

Ex. : Eurocontrol qui exerce des activités annexes de contrôle aérien. Dans le cadre de

cette activité, elle n’est pas soumise aux règles du droit de la concurrence. Mais dès

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l’instant où elle preste d’autres services, au bénéfice de compagnies aériennes par

exemple, elle sera soumise au droit de la concurrence pour cette prestation.

CJUE, 10 janvier 2006

Tout part d’une demande d’une fondation italienne. C’est une caisse d’épargne qui

demande l’exonération d’une retenue fiscale sur les dividendes qu’elle distribue. En

Italie, les dividendes distribués font l’objet d’une retenue à la source, un précompte. La

loi fiscale italienne prévoit un régime d’exonération particulier : une exemption de

cette retenue pour les fondations qui poursuivent exclusivement des buts de

bienfaisance. Il existe des fondations bancaires spécifiques soumises à ce régime. La

caisse d’épargne de l’administration fiscale de pouvoir bénéficier de ce régime, ce que

l’administration refuse. La caisse d’épargne fait un recours qui est rejeté. La Cour de

cassation italienne décide de poser une question préjudicielle car elle se pose la

question de la compatibilité de ce régime avec le régime prévu en droit de la

concurrence concernant les aides d’Etat. La question est de savoir si la caisse d’épargne

est une entreprise au sens de l’article 101. La CJUE déclare qu’à priori, la qualification

d’entreprise parait exclue à la fondation bancaire dès lors que son activité se limite aux

versements de contributions à des organismes sans but lucratif et que cette activité ne

semble pas s’exercer sur un marché en concurrence. Il se pourrait aussi, dit la Cour,

que même en restant dans le cadre de ces missions, la caisse d’épargne effectue

certaines opérations et transactions économiques. Ce faisant, elle pourrait être en

concurrence et se faire qualifier d’entreprise, et ainsi être soumise à l’article 101. La

Cour conclut que dans cette hypothèse, la fondation bancaire doit être considérée

comme entreprise malgré sa mission sociale. Elle serait en effet susceptible d’être

considérée comme entreprise dès lors qu’elle rentre en concurrence sur des marchés

spécifiques avec d’autres dans lequel elle va elle-même offrir des biens et services.

Si l’on exerce une activité commerciale en posant certaines pratiques susceptibles de

poser des difficultés en matière de droit de la concurrence, il faut que ces

comportements soient exercés pour le compte de l’entreprise et non de manière

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autonome.

TPI, 15 septembre 2005 – Daimler Chrysler

On est dans un recours qui vise à l’annulation d’une décision de la Commission prise

sur base de l’article 101. Depuis 1995, des plaintes de consommateurs arrivent à la

Commission, concernant des entraves à l’exportation de véhicules neufs Mercedes. La

pratique fréquente est d’empêcher les exportations parallèles de véhicules dans

l’Union. La Commission investigue et constate diverses infractions commises par

Mercedes Benz-même ou par ses filiales belges et espagnoles, dans le cadre du marché

du commerce de détail de voitures de tourisme. Ces filiales belges et espagnoles

passent elles-mêmes par des intermédiaires pour la vente de véhicules. Faut-il

considérer ces intermédiaires comme des entreprises distinctes ou comme faisant partie

des entreprises qui les utilisent ? Il s’agit, en l’espèce, d’une relation entre un

commettant et son intermédiaire. La problématique ici est que la notion d’entreprise est

plutôt une notion économique qu’une notion juridique. En droit européen, ce qui

importe n’est pas tant le fait que les entités aient ou non des personnalités juridiques

distinctes, mais plutôt de savoir si elles forment ensemble une unité économique qui

pourra être qualifiée d’entreprise. En droit européen, une entreprise peut être constituée

de différentes sociétés commerciales aux personnalités juridiques distinctes qui

forment une unité économique. L’important, en droit de la concurrence, est l’unité de

comportements que l’on peut relever entre les différentes entités. C’est ce que

commence par rappeler l’arrêt Daimler Chrysler. Si ces intermédiaires et la société

constituent une unité économique, il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 101. Il n’y a pas

d’entente possible. Le TIP rappelle qu’il a été jugé que si un intermédiaire exerce une

activité au profit de son commettant, il peut en principe être considéré comme organe

auxiliaire intégré dans l’entreprise, tenu de suivre les instructions du commettant et

formant ainsi avec cette entreprise une unité économique. Pour déceler si ces

intermédiaires doivent être qualifiés d’entreprise, on va vérifier s’ils prennent des

risques à leur charge dans les opérations qu’ils posent pour le compte de l’entreprise-

commettant. Si oui, c’est le signe de l’indépendance des intermédiaires. La Cour de

conclure que l’on n’applique pas l’article 101 dans les rapports entre les intermédiaires

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et l’entreprise. S’il n’y a pas d’autonomie, il n’y a pas lieu d’appliquer les règles du

droit de la concurrence. S’il n’y a pas de comportement indépendant possible entre les

intermédiaires et l’entreprise, on n’applique pas les règles du droit de la concurrence.

Dans le cas des filiales et des maisons-mères, à priori, on va regarder quelle est

l’autonomie possible de la filiale par rapport à sa maison-mère. Il y a une présomption

réfragable selon laquelle la filiale n’a pas d’indépendance. Elle formera, avec sa

maison-mère, une unité économique, une entreprise au sens du droit de la concurrence.

Qu’est-ce qu’une entente ? A la lecture de l’article 101, on parle d’accords, de

décisions d’associations d’entreprises et de pratiques concertées.

L’accord   : c’est un accord de volonté. Il y a un consentement réel entre parties,

c’est-à-dire qu’elles vont exprimer leur volonté commune de se comporter sur le

marché d’une manière déterminée et, ce faisant, renoncer à une certaine

autonomie de comportement sur le marché. La forme est indifférente. Il peut être

bilatéral, multilatéral, écrit, oral,… Ce n’est pas toujours une convention, mais

ça peut l’être (ex. : mise en œuvre d’un réseau de distribution). Il faut décrypter

l’expression de la convention pour déterminer si elle a pour objet ou pour effet

recherché l’effet restrictif de concurrence. Il faut déterminer si les parties se sont

réellement mises d’accord sur un comportement spécifique. Peu importe aussi

que ces accords soit valides, ou non, obligatoires entre parties,… L’important,

c’est que les parties se considèrent elles-mêmes tenues par ces accords. Peu

importe encore que les accords soient effectivement exécutés, ou pas, dès

l’instant où ils pourraient l’être. Ce qui est exclu, dans l’expression de ces

accords, ce sont les comportements purement unilatéraux (ex. : refus de vente

unilatéral d’un grossiste à un acheteur potentiel dès l’instant où il ne s’entend

pas avec les autres acheteurs pour refuser ≠ boycott). Il faut aussi que le

consentement soit libre, non-vicié.

La décision d’association d’entreprises   : on vise les décisions d’associations

professionnelles. C’est la décision de l’association professionnelle qui est

sanctionnée, et non l’entente qu’elle révèlerait entre les entreprises qui la

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composent. La décision d’association anticoncurrentielle va s’imposer à tous les

membres de l’entreprise. Sa portée est donc particulièrement dangereuse pour le

marché. Lorsqu’on vise la décision en tant qu’entente, c’est la décision

collective que l’on vise. On ne vise pas un accord entre les membres, on vise

l’association elle-même. Cette décision d’association peut prendre différentes

formes (règlements, règles déontologiques, recommandations,…).

La pratique concertée   : c’est l’idée que tous les acteurs ou certains acteurs

présents sur un marché donné adoptent des comportements parallèles (ex. : ils

ont les mêmes prix et adaptent leurs prix au regard de ce que font les autres). Ce

parallélisme de comportement peut mettre en avant des contournements tentés

de l’article 101. Il s’agit d’une forme de coordination entre entreprises qui, sans

avoir été jusqu’à la réalisation d’une convention ou d’un accord, substituent

sciemment une coopération pratique entre elles au risque de la concurrence. Il

faut un fait générateur, une coordination, un élément qui exprime cette volonté

de coordonner les comportements entre eux. C’est l’élément de prise de contact.

Le fait générateur, la coordination, entraine un résultat : une coopération entre

les entreprises. La pratique concertée n’est pas une adaptation intelligente à

l’évolution du marché. Cette dernière est parfaitement admise car elle ne révèle

pas cette idée de coordination recherchée par les différents acteurs. Le problème

peut se poser au niveau de la preuve. Il faut réunir les deux conditions

(coordination – coopération). A ce titre, les organes de concurrence ont des

pouvoirs d’investigation énormes. Il s’agira de prouver via un faisceau d’indices

sérieux, précis et concordants qu’il faudra mettre en avant.

La charge de la preuve : il faut arriver à démontrer que le parallélisme que l’on

constate ne peut s’expliquer que par une entente. Ainsi, dans l’affaire Pâtes de bois, il a

été établi que le parallélisme de comportements entre producteurs dans leur pratique de

prix ne constitue pas en soi la preuve d’une concertation préalable entre les producteurs.

C.J.C.E, 31 mars 1993 – arrêt Pâtes de bois

Il s’agit d’une demande d’annulation devant la Cour d’une décision qui constatait une

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entente illicite entre une quarantaine de producteurs de pâtes de bois. Un des griefs de

la Commission portait sur l’existence d’une concertation relative au prix annoncé. La

Commission avait constaté un parallélisme de comportement de plus de six ans, sur

base de plusieurs éléments (système commun d’annonce de prix, simultanéité des

annonces de modification de prix,…). Ces constatations, liées à la preuve qu’il y avait

eu des contacts réguliers entre les sociétés en cause, avaient amené la Commission à

constater l’existence de l’entente.

La Cour avait estimé que la preuve des contacts n’avait pas été suffisamment rapportée.

Elle s’était demandé si les trois autres points suffisaient pour conclure à l’entente. C’est

là qu’elle a pu énoncer le principe selon lequel un parallélisme de comportement ne

peut exister que si la concertation en constitue la seule explication plausible. Le

parallélisme de comportements peut résulter des conditions spécifiques d’un marché

constitué d’un ensemble d’oligopoles où les liens de coopération entre les producteurs

et les acheteurs et entre les producteurs eux-mêmes sont si étroits que le marché est

naturellement transparent.

L’entente, en soi, n’est pas interdite. L’entente est parfois même bénéfique. Pour

que l’entente soit critiquable, il faut qu’elle porte atteinte à la concurrence, c’est-à-dire

qu’elle doit influencer de manière restrictive la concurrence sur le marché.

On distingue deux types de situation, ce qui implique une différence au niveau de

l’étendue de la charge de la preuve. La première situation est celle d’une entente qui

présente directement un objet anti-concurrentiel, la seconde est celle d’une entente qui

présente seulement des effets anti-concurrentiels. Un objet anti-concurrentiel résulte

nécessairement de la nature même de l’entente. Il suffit de constater que l’objet de

l’accord porte sur une restriction objective de la concurrence. Dans ce cas, il est

tellement évident que ce type de comportement ne peut que provoquer des restrictions

de la concurrence que ses effets négatifs sur le marché vont être présumés de la

constatation objective que l’entente a pour objet de mettre en place une situation anti-

concurrentielle. Dans la deuxième situation, l’entente n’a pas directement un objet anti-

concurrentiel mais pourrait avoir un effet anti-concurrentiel (ex. : deux entreprises

décident de produire ensemble une voiture. Si les parties disposaient déjà,

individuellement ou conjointement, d’une part importante du marché en cause et que la

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production conjointe vient renforcer cette position, on peut penser qu’il pourrait y avoir

un effet anti-concurrentiel). On ne présume pas ici l’effet anti-concurrentiel : la

Commission ou l’organe national devra prouver, à tout le moins, la potentialité des

effets anti-concurrentiels. Cette potentialité doit être démontrée avec une certitude

suffisante. Il ne suffit pas de l’affirmer, il faut le démontrer. Encore une fois, l’effet doit

être sensible. Il faudra aussi prouver un lien de cause à effet entre la pratique et l’effet

négatif sur le marché.

L’effet anti-concurrentiel que l’on va devoir démontrer devra être évalué par

rapport à un marché de référence. Ce marché doit être déterminé. Il est nécessaire, pour

évaluer l’impact de la concurrence d’une pratique anticoncurrentielle, de déterminer, au

préalable, les contours du marché dont le fonctionnement a été ou risque d’être affecté.

C’est ce que l’on nomme marché en cause (terminologie européenne) ou marché

pertinent (terminologie en droit interne). Un marché est un périmètre à l’intérieur

duquel s’exerce réellement ou potentiellement la concurrence entre les entreprises en

cause. Pour déterminer ce marché, on va identifier l’ensemble des produits et services

offerts par les entreprises en cause qui sont en mesure d’exercer, les uns sur les autres,

une pression concurrentielle. La détermination du marché nécessite une double

attention : l’une porte sur le produit/service en cause, l’autre sur la zone géographique

en question. On part du principe que le marché est le lieu sur lequel se rencontre l’offre

et la demande de ces produits. Par le critère de substituabilité, on regarde quels produits

et services vont donner un contenu au marché de référence. Par substituabilité, on

entend interchangeabilité. Il n’y a de concurrence possible qu’entre les produits qui sont

susceptibles de faire l’objet d’un choix tant par les destinataires que parmi les offreurs

de biens ou services. La nature intrinsèque du produit/service (ses caractéristiques

essentielles) constitue sans doute un critère pertinent de substituabilité. Les autorités de

la concurrence ajoutent parfois un autre critère pour déterminer le marché en cause :

celui de la capacité des entreprises à adapter, à faible coût ou à bref délai, leur

production ou leurs services de manière à entrer dans le jeu concurrentiel.

On parle d’élasticité de l’offre et la demande. Pour savoir si deux produits ou

services sont substituables, au niveau de la demande, on applique un test qui peut

paraitre simpliste mais qui est difficile à mettre en pratique et qui permet de mieux

comprendre cette notion d’interchangeabilité de l’offre des biens produits. Il s’agit

d’augmenter de manière significative le prix d’un produit dont on soupçonne qu’il

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présente un caractère de substituabilité avec l’autre et d’analyser le comportement des

destinataires.

Ex. : les rasoirs jetables – électriques – mécaniques mais non jetables. Un marché ?

Deux marchés ? Trois marchés ? Si on augmente le prix du rasoir électrique, est-ce que

les gens vont se rabattre le rasoir mécanique ? Si oui, alors on est sur le même marché.

Au niveau de l’offre, on se pose des questions différentes. Dans l’ensemble de ce

marché, l’un pourra jouer sur son prix pour attirer les autres. A partir du moment où ce

« transfert de clients » est possible, il y a concurrence et on est sur un marché où l’offre

est en concurrence. C’est sur ce marché-là qu’il faudra déterminer les effets anti-

concurrentiels de l’entente.

Pour l’élasticité de l’offre, il s’agit de se demander : est-ce que le prestataire de

télécommunications peut, sans difficulté, devenir prestataire de communications sur

internet sans augmenter ses coûts (exemple) ?

L’aspect géographique influence la demande d’un produit ou d’un service de trois

manières :

- la distance entre l’offre et la demande- telle que l’absence de disponibilité du bien

dans une zone géographique déterminée- influence la substituabilité d’un

produit/service

- la culture et les habitudes sociales d’un milieu ont également un effet direct sur la

substituabilité

- certains marchés sont géographiquement limités par la présence de contraintes ou de

normes légales réglementaires, et ce même si la politique européenne tend à démanteler

ces barrières à la circulation des biens et services.

C. Les ententes prohibées et les ententes légitimes au sens de l’article 101, §3, du

TFUE

Il faut comprendre, d’emblée, qu’il y a de « bonnes » ententes et de « mauvaises »

ententes. Elles peuvent être horizontales (au même niveau de production d’un

bien/service, ex. : entre les fabricants de chaussure) ou verticales (entre des acteurs

économiques qui n’agissent pas au même degré du processus de production d’un

bien/service, ex. : entre un producteur et un grossiste). C’est toute la problématique de

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la distribution qui intervient au niveau des ententes verticales, et notamment de la

distribution sélective. C’est l’idée que l’on a un producteur, un grossiste, qui va choisir

des revendeurs en les soumettant à certaines conditions particulières, permettant seules,

si elles sont remplies, d’admettre les revendeurs dans leur réseau de distribution (ex. : en

matière de cosmétique, de parfumerie). Pour certains biens/services, tout le monde ne

peut pas « jouer au vendeur ». Cela joue un rôle restrictif de concurrence. La CJCE a

rappelé, à diverses reprises, que ces accords de distribution sélective influencent

nécessairement la concurrence dans le marché commun.

CJCE, 13 octobre 2011

Il y avait une clause contractuelle qui exigeait que les ventes de produits cosmétiques

soient effectuées dans un espace physique en présence obligatoire d’un pharmacien

diplômé. Il y a atteinte à la concurrence si on se rend compte que le produit ou la vente

du produit n’implique pas son interdiction

Les ententes prohibées

Les modalités des ententes sont infinies, il est difficile de les déterminer

explicitement. Le TFUE va donner certains exemples. Le premier, le plus connu, est la

pratique qui consiste à fixer de façon directe/indirecte les prix d’achats/de vente ou

d’autres conditions de transaction. Le cas le plus simple est l’alignement de prix   : on

rend obligatoire un prix aux différents participants à l’accord et on tue dès lors toute

possibilité de concurrence sur le prix. L’idée est de maintenir artificiellement un prix

supérieur à celui qu’il pourrait être si la concurrence jouait pleinement. La manière dont

on fixe le prix peut être extrêmement variée. On peut, par exemple, voir des ententes

dans de simples conseils de prix ou des prix indicatifs. On peut aussi décider entre

plusieurs entreprises de ne pas accorder de rabais pour maintenir les prix artificiellement

élevés. On peut aussi s’entendre sur une application identique des conditions de crédit.

On peut aussi imaginer une agence de vente qui permettrait d’écouler l’ensemble des

produits d’entreprises différentes.

Lorsqu’on parle de cartel d’achat, on vise la situation où les acheteurs s’entendent

et fixent entre eux les prix de rachat dans le but de fixer un prix plus bas que ce que le

vendeur pourrait obtenir si la concurrence jouait.

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Un autre exemple réside dans les pratiques d’entente qui ont pour objet de

contrôler la production, les débouchés ou les développements. On entend par là que l’on

fixe des volumes à produire, par exemple. Les entreprises s’autolimitent dans leur

production contre des compensations, par exemple. On évite de laisser jouer le marché

comme il devrait le faire en pleine concurrence et on s’entend pour le partager. Il y a

l’idée d’éviter le cloisonnement des marchés. Un cloisonnement classique consiste à

empêcher les importations parallèles. Cela arrive souvent dans le cadre des réseaux de

distribution organisés.

Ex. : dans l’affaire Distillers, une entreprise fut condamnée pour avoir différencié les

prix vis-à-vis de ses distributeurs suivant le marché envisagé par ces derniers (national

ou marché national et étranger

Le fait est que l’on ne veut pas qu’il y ait une concurrence qui provienne de

l’étranger et on empêche les membres du réseau officiel de réexporter les biens vers

d’autres pays où ils risqueraient d’être moins chers que leurs collègues de ce pays. C’est

tout le problème des limites à l’exportation. Dans une union économique comme en

Europe, dès l’instant où l’on prohibe l’exportation, c’est toute l’offre qui diminue et le

consommateur est toujours perdant. L’exportation favorise une meilleure concurrence

sur les territoires. C’est aussi un frein à l’innovation et au progrès. On voit aussi

fréquemment des clauses d’interdiction de revente. On impose à l’acheteur de ne pas

pouvoir utiliser le bien acheté pour une autre finalité que celle qui est imposée. C’est

une manière de limiter la production et donc de la contrôler.

Un troisième exemple consiste dans la pratique de répartir les marchés, les

sources d’approvisionnement. On est souvent dans des accords verticaux qui visent à

accorder en exclusivité une clientèle à une entreprise en aval. On va cloisonner un

marché en accordant une protection territoriale absolue à un vendeur, de sorte

qu’aucune concurrence ne soit à priori possible.

Ex. : l’affaire Brasserie luxembourgeoise  (TPI 27 juillet 2005) : plusieurs brasseries

luxembourgeoises avaient, en l’espèce, signé une convention en vertu de laquelle elles

s’interdisaient toute vente de bières aux débits ayant conclu un accord de fourniture

exclusive, dénommé « clause de bière », avec tout autre brasserie partie à la

convention. Par une décision du 5 décembre 2001, la Commission considéra

l’infraction au droit de la concurrence établie dès lors que les signataires à ladite

convention avaient, ce faisant, entendu maintenir leurs clientèles respectives dans le

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secteur horeca luxembourgeois et entraver la pénétration de ce secteur par des

brasseurs étrangers. Le tribunal considéra que la Commission avait correctement établi

l’existence d’une concordance de volontés entre les parties sur l’application de la

convention et qu’elle avait correctement apprécié la gravité et la durée de l’infraction

et évalué les amendes infligées.

Un autre type d’entente illicite est l’application de conditions inégales à

prestations équivalentes. Ce sont les pratiques discriminatoires qui sont ici visées.

Ex. : on accorde des conditions plus favorables à des entreprises plus proches de notre

groupe d’entreprise que d’autres.

On peut ainsi arriver à des politiques d’exclusion du marché ; par exemple, dans un

marché avec peu d’offrants, on doit nécessairement nous accorder ou nous vendre

mutuellement des produits et services. Pour éviter qu’un nouvel offrant entre sur le

marché, on peut décider de ne pas traiter avec lui. On a donc une discrimination qui ne

permet pas aux lois de la concurrence de s’appliquer.

Un autre type d’entente illicite est l’acceptation des prestations supplémentaires.

L’idée de ce type d’accord est de permettre à l’une des parties de garantir sa place sur

un autre marché grâce à l’accord intervenu avec son partenaire.

Ex. : des grossistes de légumes conviennent d’achat, ils s’interdisent non seulement

toute importation mais s’obligent aussi à acheter leurs légumes dans un lieu bien précis

(aux ventes d’enchères de Rotterdam). Les vendeurs étrangers ne pourront vendre qu’à

ces ventes aux enchères. Cela cloisonne le marché en amont via les offrants de produits

étrangers. Cela empêche les exportateurs étrangers de vendre leurs légumes aux Pays-

Bas par un autre canal que celui des ventes aux enchères de Rotterdam.

L’idée est de soumettre une condition supplémentaire qui n’est pas nécessaire au contrat

principal, dans le but d’améliorer notre situation concurrentielle.

Les ententes admises dans le cadre de l’application de l’ article 101, §3, du TFUE –

Principe généraux

Certains accords peuvent servir l’intérêt général ou être bons pour la concurrence en

l’emportant sur les intérêts du libre jeu de la concurrence.

Ex. : la distribution sélective – les réseaux de distribution automobile : on a un réseau

de concessionnaires agréés qui distribuent seuls une marque de voiture. Les conditions

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de vente du produit sont nécessairement plus figées. A priori, c’est donc une entente

illicite. Selon une autre approche, on peut relever des effets positifs à la distribution

sélective : le consommateur bénéfice, grâce à cette organisation particulière de la

distribution, d’un service de meilleure qualité (ex. : des réparateurs spécialement

formés par la marque), le producteur peut optimaliser sa production du fait de la

remontée rapide de l’information,… On se rend compte d’une foule d’avantages est liée

à un réseau de distribution qui a, à priori, des effets anti-concurrentiels. Pourquoi, dès

lors, ne pas l’admettre ?

Des exceptions viennent ainsi nuancer cette interdiction d’entente. Le jeu de

l’exemption explique le système du Règlement 1-2003 (interdiction -> demande

d’autorisation). Soit on se demande si l’entente est conforme à l’une des conditions

prévues, soit il y a l’exemption par catégorie   : on prend un règlement européen qui

détermine la manière dont la Commission va interpréter les conditions d’exemption au

regard d’une catégorie particulière de produits ou de services ou une catégorie

d’ententes particulières. La Commission peut, dans le cadre des compétences qui lui

sont confiées par l’article 103, définir secteur par secteur, types d’accords par types

d’accords, la façon dont elle interprète l’article 101, §3.

Ex. : Règlement 330/2010 qui va déterminer comment, dans les accords verticaux, on va

pouvoir bénéficier de l’exemption en suivant les règles d’interprétation mises en avant

dans le règlement.

Les Lignes Directrices du 27 avril 2004 répondent à un souci de fixer, de

manière plus précise, l’interprétation à donner aux conditions d’exemption de l’article

101.

Même si on répond à toutes les conditions d’un règlement d’exemption, la

Commission peut quand même reprocher d’avoir inséré, au vu des circonstances propres

aux parties, des clauses qu’elle considère contraires à l’article 101. Les autorités

nationales et la Commission peuvent toujours, moyennant preuve, déclarer que l’accord

est contraire à l’article 101.

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Règlement n°330/2010 :

Article premier

Définitions

1. Aux fins du présent règlement, on entend par:

a) «accord vertical», un accord ou une pratique concertée entre deux ou plusieurs entreprises opérant chacune,

aux fins de l'accord ou de la pratique concertée, à un niveau différent de la chaîne de production ou de

distribution, et relatif aux conditions auxquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens

ou services;

b) «restriction verticale», une restriction de concurrence dans un accord vertical entrant dans le champ

d'application de l'article 101, paragraphe 1, du traité;

c) «entreprise concurrente», un concurrent actuel ou potentiel; «concurrent actuel», une entreprise présente sur

le même marché en cause; «concurrent potentiel», une entreprise qui, en l'absence de l'accord vertical, pourrait

entreprendre, de façon réaliste et non selon une possibilité purement théorique, les investissements

supplémentaires nécessaires ou supporter les autres coûts de transformation nécessaires pour pénétrer sur le

marché en cause rapidement en cas d’augmentation légère, mais permanente, des prix relatifs;

d) «obligation de non-concurrence», toute obligation directe ou indirecte interdisant à l'acheteur de fabriquer,

d'acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou les

services contractuels, ou toute obligation directe ou indirecte imposant à l'acheteur l'obligation d'acquérir auprès

du fournisseur ou d'une autre entreprise désignée par le fournisseur plus de 80 % de ses achats annuels en biens

ou en services contractuels et en biens et en services substituables sur le marché en cause, calculés sur la base

de la valeur ou, si cela est de pratique courante dans le secteur, du volume des achats qu'il a effectués au cours

de l'année civile précédente;

e) «système de distribution sélective», un système de distribution dans lequel le fournisseur s'engage à ne

vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu'à des distributeurs sélectionnés

sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs s'engagent à ne pas vendre ces biens ou ces

services à des distributeurs non agréés dans le territoire réservé par le fournisseur pour l'opération de ce

système;

f) «droits de propriété intellectuelle», les droits de propriété industrielle, les savoir-faire, les droits d'auteur et les

droits voisins;

g) «savoir-faire», un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant

de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci; dans ce contexte, «secret» signifie que le savoir-faire n'est

pas généralement connu ou facilement accessible; «substantiel» se réfère au savoir-faire qui est significatif et

utile à l'acheteur aux fins de l'utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels;

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«identifié» signifie que le savoir-faire est décrit d'une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier

s'il remplit les conditions de secret et de substantialité;

h) «acheteur», entre autres, une entreprise qui, en vertu d'un accord relevant de l'article 101, paragraphe 1, du

traité, vend des biens ou des services pour le compte d'une autre entreprise;

i) «client de l'acheteur», une entreprise non partie à l'accord qui achète les biens ou services contractuels à un

acheteur partie à l'accord.

2. Aux fins du présent règlement, les termes «entreprise», «fournisseur» et «acheteur» comprennent leurs

entreprises liées respectives.

Sont considérées comme «entreprises liées»:

a) les entreprises dans lesquelles une partie à l'accord dispose, directement ou indirectement:

i) de plus de la moitié des droits de vote, ou

ii) du pouvoir de désigner plus de la moitié des membres du conseil de surveillance, du conseil d'administration

ou des organes représentant légalement l'entreprise, ou

iii) du droit de gérer les affaires de l'entreprise;

b) les entreprises qui, dans une entreprise partie à l'accord, disposent, directement ou indirectement, des droits

ou des pouvoirs énumérés au point a);FR 23.4.2010 Journal officiel de l’Union européenne L 102/3

c) les entreprises dans lesquelles une entreprise visée au point b) dispose, directement ou indirectement, des

droits ou des pouvoirs énumérés au point a);

d) les entreprises dans lesquelles une entreprise partie à l'accord et une ou plusieurs des entreprises visées aux

points a), b) ou c), ou dans lesquelles deux ou plus de deux de ces dernières entreprises disposent ensemble des

droits ou des pouvoirs énumérés au point a);

e) les entreprises dans lesquelles les droits ou les pouvoirs énumérés au point a) sont détenus conjointement par:

i) des parties à l'accord ou leurs entreprises liées respectives visées aux points a) à d), ou

ii) une ou plusieurs des parties à l'accord ou une ou plusieurs des entreprises qui leur sont liées visées aux points

a) à d) et un ou plusieurs tiers.

Article 2

Exemption

1. Conformément à l'article 101, paragraphe 3, du traité, et sous réserve des dispositions du présent règlement,

l'article 101, paragraphe 1, du traité est déclaré inapplicable aux accords verticaux.

La présente exemption s'applique dans la mesure où ces accords contiennent des restrictions verticales.

2. L'exemption prévue au paragraphe 1 ne s'applique qu'aux accords verticaux conclus entre une association

d'entreprises et ses membres, ou entre une telle association et ses fournisseurs, si tous ses membres sont

détaillants de biens et sous réserve qu'aucun des membres individuels de cette association, conjointement avec

ses entreprises liées, ne réalise un chiffre d'affaires annuel total qui dépasse 50 millions d'euros. Les accords

verticaux conclus par ces associations sont couverts par le présent règlement sans préjudice de l'application de

l'article 101 du traité aux accords horizontaux conclus par les membres de l'association et aux décisions

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adoptées par l'association.

3. L'exemption prévue au paragraphe 1 s'applique aux accords verticaux contenant des dispositions concernant

la cession à l'acheteur ou l'utilisation par l'acheteur de droits de propriété intellectuelle, à condition que ces

dispositions ne constituent pas l'objet principal de ces accords et qu'elles soient directement liées à l'utilisation,

à la vente ou à la revente de biens ou de services par l'acheteur ou ses clients. L'exemption s'applique sous

réserve qu'en relation avec les biens ou les services contractuels, ces dispositions ne comportent pas de

restrictions de concurrence ayant un objet identique à celui de restrictions verticales non exemptées en vertu du

présent règlement.

4. L'exemption prévue au paragraphe 1 ne s'applique pas aux accords verticaux conclus entre entreprises

concurrentes. Toutefois, l'exemption s'applique lorsque des entreprises concurrentes concluent entre elles un

accord vertical non réciproque et que:

a) le fournisseur est un producteur et un distributeur de biens, tandis que l'acheteur est un distributeur et non une

entreprise qui fabrique des biens concurrents; ou que

b) le fournisseur est un prestataire de services à plusieurs niveaux d'activité commerciale, tandis que l'acheteur

fournit ses biens ou services au stade de la vente au détail et n’est pas une entreprise concurrente au niveau de

l'activité commerciale où il achète les services contractuels.

5. Le présent règlement ne s'applique pas aux accords verticaux faisant l'objet d'un autre règlement d'exemption

par catégorie, sauf si ce dernier le prévoit.

Article 3

Seuil de part de marché

1. L'exemption prévue à l'article 2 s'applique à condition que la part de marché détenue par le fournisseur ne

dépasse pas 30 % du marché en cause sur lequel il vend les biens ou services contractuels et que la part de

marché détenue par l'acheteur ne dépasse pas 30 % du marché en cause sur lequel il achète les biens ou services

contractuels.

2. Aux fins du paragraphe 1, lorsque, aux termes d'un accord multipartite, une entreprise achète les biens ou

services contractuels à une entreprise partie à l’accord et vend les biens ou services contractuels à une autre

entreprise partie à l’accord, la part de marché de la première entreprise doit respecter le seuil de part de marché

prévu dans ce paragraphe, en tant qu’acheteur et fournisseur, pour que l'exemption prévue à l’article 2

s’applique.

Article 4

Restrictions retirant le bénéfice de l'exemption par catégorie — restrictions caractérisées

L'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement,

isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet:

a) de restreindre la capacité de l'acheteur de déterminer son prix de vente, sans préjudice de la possibilité pour le

fournisseur d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces

derniers n'équivaillent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l'effet de pressions exercées ou d'incitations

par l'une des parties;

b) de restreindre le territoire sur lequel, ou la clientèle à laquelle, un acheteur partie à l'accord, peut vendre les

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biens ou services contractuels sans préjudice d’une restriction quant à son lieu d’établissement, sauf s'il s'agit

de:

i) restreindre ses ventes actives sur un territoire ou à une clientèle que le fournisseur s'est exclusivement

réservés ou qu'il a alloués à un autre acheteur, lorsque cette restriction ne limite pas les ventes réalisées par les

clients de l'acheteur,

ii) restreindre les ventes aux utilisateurs finals par un acheteur agissant en tant que grossiste sur le marché,

iii) restreindre les ventes par les membres d'un système de distribution sélective à des distributeurs non agréés,

dans le territoire réservé par le fournisseur pour l'opération de ce système, et

iv) restreindre la capacité de l'acheteur de vendre des composants destinés à l'incorporation à des clients qui

pourraient les utiliser pour la fabrication de biens analogues à ceux qui sont produits par le fournisseur;

c) de restreindre les ventes actives ou les ventes passives aux utilisateurs finals par les membres d'un système de

distribution sélective qui agissent en tant que détaillants sur le marché, sans préjudice de la possibilité

d'interdire à un membre du système d'exercer ses activités à partir d'un lieu d'établissement non autorisé;

d) de restreindre les fournitures croisées entre distributeurs à l'intérieur d'un système de distribution sélective, y

compris entre des distributeurs agissant à des stades commerciaux différents;

e) de restreindre, dans le cadre d'un accord entre un fournisseur de composants et un acheteur qui incorpore ces

composants, la capacité du fournisseur de vendre ces composants en tant que pièces détachées à des utilisateurs

finals, à des réparateurs ou à d'autres prestataires de services qui n'ont pas été désignés par l'acheteur pour la

réparation ou l'entretien de ses biens.

Article 5

Restrictions exclues

1. L'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux obligations suivantes contenues dans des accords

verticaux:

a) toute obligation directe ou indirecte de non-concurrence dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans;

b) toute obligation directe ou indirecte interdisant à l'acheteur, à l'expiration de l'accord, de fabriquer, d'acheter,

de vendre ou de revendre des biens ou des services;

c) toute obligation directe ou indirecte imposée aux membres d'un réseau de distribution sélective de ne pas

vendre les marques de fournisseurs concurrents déterminés.

Aux fins du premier alinéa du paragraphe 1, point a), une obligation de non-concurrence tacitement

renouvelable au-delà d'une période de cinq ans est considérée comme ayant été conclue pour une durée

indéterminée.

2. Par dérogation au paragraphe 1, point a), la limitation de la durée à cinq ans n'est toutefois pas applicable

lorsque les biens ou services contractuels sont vendus par l'acheteur à partir de locaux et de terrains dont le

fournisseur est propriétaire ou que le fournisseur loue à des tiers non liés à l'acheteur, à condition que la durée

de l'obligation de non-concurrence ne dépasse pas la période d'occupation des locaux et des terrains par

l'acheteur.FR 23.4.2010 Journal officiel de l’Union européenne L 102/5 3. Par dérogation au paragraphe 1,

point b), l'exemption prévue à l'article 2 s'applique à toute obligation directe ou indirecte interdisant à l'acheteur,

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à l'expiration de l'accord, de fabriquer, d'acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services, lorsque les

conditions suivantes sont remplies:

a) l'obligation concerne des biens ou des services en concurrence avec les biens ou services contractuels;

b) l'obligation est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a exercé ses activités pendant la

durée du contrat;

c) l'obligation est indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur;

d) la durée de l'obligation est limitée à un an à compter de l'expiration de l'accord.

Le paragraphe 1, point b), ne porte pas atteinte à la possibilité d'imposer, pour une durée indéterminée, une

restriction à l'utilisation et à la divulgation d'un savoir-faire qui n'est pas tombé dans le domaine public.

Il faut relire, une fois de plus, la disposition, principalement le §3 ; il énumère les

conditions cumulatives pour qu’une entente ne soit pas considérée comme illicite:

- l’amélioration de la production ou de la distribution, ou la promotion du progrès

technique ou économique : c’est l’idée que l’on doit démontrer que l’entente est

porteuse de gains, de bénéfices. On va devoir le faire, non pas d’un point de vue

subjectif (l’intérêt des parties), mais d’un point de vue objectif ; il faut démontrer le lien

et l’intérêt pour le marché. Il faut démontrer le bénéfice apporté par l’accord, en termes

de production. Il peut y avoir, pour le marché lui-même, un avantage du fait de cette

entente. On va devoir démontrer que le réseau mis en place permet une spécialisation

plus grande des distributeurs et in fine un meilleur service aux consommateurs (livraison

plus rapide, plus grande,…).

- une partie équitable du profit doit être réservée aux utilisateurs : il ne suffit pas que le

gain bénéficie aux entreprises parties à l’entente, mais il faut aussi démontrer que

l’utilisateur du produit va en sortir gagnant. Pour ce faire, on va prendre en compte

toutes les circonstances de fait propres au marché en cause. Le bénéfice le plus évident

est la diminution du prix possible grâce à l’entente. Ca peut aussi être la qualité du

service qui s’est améliorée au bénéfice de l’acheteur.

- le caractère indispensable des restrictions   : c’est une application du principe de

proportionnalité : s’il existe un autre moyen qui ne porte pas atteinte à la concurrence, il

faut le favoriser. Plus la restriction de concurrence est forte, plus l’effet est important,

plus on sera sévère au regard de cette condition. Une restriction sera ainsi jugée

indispensable si son absence réduisait ou compromettait fortement le gain d’efficacité

souhaité par l’accord.

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- le maintien d’une concurrence   : l’accord, l’entente en question ne peut avoir pour effet

de faire disparaitre toute concurrence sur le marché. Si tel est le cas, elle doit être

rejetée. Pour en juger, il faut prendre en considération l’importance de la définition du

marché. Plus le marché va être petit, plus l’effet anti-concurrentiel risque d’être

démontré. Il s’agira de démontrer qu’il y a encore, malgré l’accord, de réelles

possibilités de se procureur les mêmes biens et services auprès d’autres concurrents ou

qu’il existe des moyens de substitution qui peuvent entrer dans le marché en question et

qui permettent de répondre aux mêmes besoins des utilisateurs qui vont être impactés

par l’accord.

2. Les abus de position dominante (art.102 du TFUE)

Le principe est posé à l’article 102 du TFUE. Il n’y a pas ici de régime

d’exemption. Ce n’est pas la position dominante elle-même qui est incompatible avec le

marché commun, mais son abus. Ce qui est interdit, c’est l’exploitation abusive d’une

situation de prédominance sur un marché. L’abus est d’ailleurs réprimé en toute

hypothèse, il n’y a aucune échappatoire

A. La position dominante : notion et hypothèse

A priori, c’est une entreprise, individuellement, qui est en position dominante et qui

commet l’abus. On peut toutefois imaginer la même situation mais avec plusieurs

entreprises. A ce moment-là, on flirte avec l’idée d’entente. Dans ces cas-là, il s’agira

d’attaquer tant sur base de l’article 101 que 102. Il existe même des cas où l’on va

pouvoir démontrer des abus de position dominante sans entente.

La position dominante sur un marché doit être distinguée de la notion de monopole.

Dans une situation de monopole, il n’y a pas de concurrence puisque l’entreprise est

seule. Il y a différentes situations de monopoles. Il existe plusieurs types de monopoles

(le monopole d’Etat avant la libéralisation,…). Le monopole existe plus rarement du fait

du marché lui-même (monopole de fait). Il en sera ainsi lorsque l’activité requiert un

investissement tel qu’une seule entreprise peut se le permettre ou que l’entrée de

concurrents s’avère très difficile. Elle est parfois liée à une innovation technologique

que l’entreprise a développée. Bien souvent, dans ce cas, le droit des brevets ou de la

propriété intellectuelle vient au secours de l’entreprise pour consacrer ce monopole.

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Ex. : au début de la mobilophonie en Belgique, Belgacom a lancé son offre. Pendant un

certain temps, il n’y a pas de concurrent car cela signifie investir dans un nouveau

réseau. Pour entrer dans ce type de marché, il y a une barrière naturelle, à savoir

l’investissement requis. Ce qui explique l’existence de certains monopoles.

Un monopole implique forcément une position dominante. Cette position, en tant que

telle, n’exclut pas une concurrence sur le marché.

La position dominante

La notion de position dominante est une notion économique, de fait. C’est l’idée

qu’une entreprise, sur un marché donné, est véritablement capable d’influencer le

marché en cause et de l’influencer de sorte qu’elle puisse ne pas tenir compte des autres

acteurs. L’idée derrière cette position est celle d’un pouvoir économique d’influence sur

le marché en cause dont l’appréciation relève du pur fait.

La jurisprudence énonce que l’entreprise en position dominante a le pouvoir de faire

obstacle au maintien de la concurrence effective sur le marché en cause en lui

fournissant la possibilité de comportement, c’est-à-dire que l’on a un pouvoir

économique tel qu’on peut adopter des comportements qui contrecarrent le jeu de la

concurrence sans tenir compte de la réaction que cela peut avoir chez les

concurrents/consommateurs.

Ex. : je peux augmenter mes prix sans faire attention à la réaction des concurrents ; ils

ne sont de toutes façons pas capables d’absorber la demande supplémentaire et le

consommateur a besoin du produit.

Quels sont les critères de la position dominante ? Il s’agit, dans un premier temps, de

déterminer le marché en cause. Le marché en cause est défini en tenant compte du

critère géographique et de substituabilité du produit. En ce qui concerne la

substituabilité, on ne prend pas uniquement en considération l’usage attendu, la finalité

du bien, mais également les caractéristiques propres du bien.

Ex. : CJCE, 14 février 1979 : on a considéré que le marché des bananes était un

marché spécifique, particulier et indépendant des autres fruits frais. On a pour cela pris

en considération l’utilisation ultime de la banane : la manger. On a aussi pris en

compte les caractéristiques intrinsèques de la banane : c’est un fruit très adapté pour

les personnes âgées et les bébés.

Il faut aussi déterminer quel est le marché géographique sur lequel il y a position

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dominante. C’est le territoire sur lequel s’exerce la concurrence entre ces produits

substituables et dans des conditions égales. L’article 102 vise « le marché intérieur ou

une partie substantielle de celui-ci ». On donne une plus grande importance à l’approche

économique du marché. L’offre du produit doit affecter le commerce

intracommunautaire. Il ne faut pas nécessairement considérer l’ensemble du marché

commun car une position dominante sur l’ensemble de ce marché serait plutôt

exceptionnelle. Il faut déterminer une zone dans laquelle les conditions de concurrence

du produit ou service en cause sont similaires ou suffisamment homogènes pour tous les

opérateurs économiques.

Ex. : le réseau de télécommunication que se partagent Voo, Telenet et Belgacom dans

trois régions différentes qui peuvent constituer chacune un marché.

Il faut apprécier la structure du marché et le comportement de l’entreprise en cause

sur le marché pour pouvoir arriver à la constatation, le cas échéant, d’une position

dominante. La Commission considère que lorsqu’on a plus de 60% de parts du marché,

on est en position dominante, tandis qu’en dessous de 40% on ne l’est pas. Plusieurs

nuances peuvent être apportées. Souvent, on peut relativiser le résultat de l’application

du critère des parts de marchés. Il n’y a pas nécessairement d’automatisme entre des

parts élevées de marché et une position dominante. D’une part, il faut avoir égard au

marché en cause et à ses caractéristiques pour pouvoir lire les résultats des parts du

marché.

Ex. : si on détient 95% des parts de marché dans la 1ère année de lancement d’un

nouveau produit, on n’est pas forcément en position dominante.

D’autre part, il faut mettre cette part de marché en perspective avec les autres. Il

faut également prendre en compte l’évolution de la part du marché. Il faut aussi avoir

égard au dynamisme, ou à l’absence de dynamisme, du marché. Un autre élément qui

sera pris en considération c’est la capacité des concurrents à satisfaire la demande

additionnelle. Tous ces éléments permettent de relativiser les résultats bruts de parts de

marché. C’est pour cela que les autorités de contrôle de la concurrence ne se basent

jamais uniquement sur les parts de marché pour conclure ou exclure l’existence d’une

position dominante.

Pour aller plus loin, l’affaire Continental Can est assez exemplative. Continental

Can est un groupe d’entreprises américaines leaders sur le marché de la production de

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certains emballages (conserves métalliques). La particularité du groupe état de produire

des machines permettant de fabriquer les emballages. Ces deux marchés sont différents

mais liés. Il veut augmenter sa demande en Europe. Lors de l’acquisition de nouvelles

entreprises, une plainte est déposée auprès des autorités de contrôle de la concurrence.

La question est de savoir si l’entreprise se trouve en position dominante. L’analyse des

parts de marché démontre que celles du groupe sont très élevées. La Commission va

relever une série d’autres éléments qui vont venir confirmer ces parts de marché

importantes et cette position dominante qui transparait. D’abord, elle relève la fameuse

puissance économique et financière du groupe. Un deuxième élément relevé par la Cour

concerne les connaissances techniques du groupe ; elle constate un savoir-faire tout à

fait particulier qui donne de facto un avantage concurrentiel. De plus, la Cour constate

une intégration verticale du groupe : il produit les emballages mais aussi les machines.

La Cour constate que le groupe maitrise tout le processus de production permettant une

gestion optimale et efficace des stocks. Cette intégration verticale va permettre au

groupe d’avoir un contrôle sur les concurrents : il vend ses machines aux concurrents. In

fine, la Cour a fait l’analyse des marchés voisins clairement distincts pour constater que

le groupe était également présent dans les marchés proches mais non assimilables. Cela

accentue leur capacité concurrentielle car la palette d’offres est plus large que les

concurrents. Le cumul de ces éléments a fait apparaitre l’existence d’une position

dominante.

L’abus

On part d’abord d’une approche finaliste de la notion d’abus : on a égard au but

d’utilisation qui est faite de la position dominante. Si une société utilise cette position

dominante pour obtenir des avantages qu’elle ne pourrait pas obtenir en cas de

concurrence normale, on risque d’être devant un cas d’abus. On vise l’abus de résultat.

Il faut le différencier de l’abus de structure   ; l’idée est de pouvoir intervenir avant même

que les avantages soient acquis sur le marché grâce à la position dominante et par le

simple fait que le comportement de l’entreprise a modifié la structure du marché à son

avantage. Par abus de structure, on reproche à l’entreprise d’avoir, à son bénéfice,

modifié la structure du marché et ainsi créé une diminution de la concurrence possible

sur le marché. Le problème est que les autorités de concurrence se sont rapidement

senties mal à l’aise vis-à-vis d’opérations qui se trouvaient en amont d’une recherche

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d’avantages liés à la position dominante. On pense notamment aux modifications de

structure du marché par l’entreprise qui lui permettaient alors d’augmenter une position

dominante existante. C’est l’idée de l’abus de structure : on utilise la position dominante

pour modifier le marché lui-même et renforcer le degré de domination de l’entreprise.

La Cour a évolué dans sa jurisprudence. Dans l’arrêt Hoffman – La Roche du

13 février 1979, la Cour a mis en avant l’idée que l’abus devait faire obstacle au

maintien et au développement de la concurrence mais il fallait qu’il y ait recours à des

moyens différents de ceux qui concernent une compétition normale : « Constituent un

abus de structure les comportements d’une entreprise en position dominante qui sont de

nature à influer sur la structure du marché où, à la suite précisément de la position

dominante de l’entreprise en question, le degré de la concurrence est déjà affaibli, et

qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui

gouvernent à une compétition normale des produits ou services sur la base des

prestations des opérateurs, au maintien du degré de concurrence existant sur le marché

ou au développement de cette concurrence ».

Les essential facilities

C’est une théorie relative à l’abus de position dominante. L’idée est ici qu’une

entreprise dominante qui détiendrait une ressource rare (ex. : infrastructure gazière) doit

permettre l’accès aux entreprises qui en auraient elles-mêmes besoin pour

commercialiser leurs propres produits/services sur un marché en aval, moyennant une

juste rémunération. A priori, on ne peut forcer l’entreprise dominante à donner à son

concurrent les moyens de la détruire. Cette théorie essaye de tendre à un équilibre entre

des intérêts divergents : ceux de l’entreprise elle-même et l’intérêt général, du marché,

du consommateur final,… Il faut des conditions assez strictes pour appliquer cette

théorie. Il faut que l’entreprise en amont ait une forte position dominante, voire de

monopole. Il faut, dans le même temps, que, pour l’entreprise qui demande l’accès, il

n’y ait pas d’autre alternative rentable qui s’offre à elle. Il faut aussi, et c’est important,

que l’infrastructure du dominant soit capable d’accepter, d’intégrer la demande

supplémentaire. Deux conditions supplémentaires ont encore été ajoutées : la première

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exige la démonstration du refus ou des conditions discriminatoires d’accès à

l’infrastructure, la seconde nécessite la preuve de l’existence de capacités suffisantes de

l’infrastructure pour l’offre de concurrents, sans quoi le refus d’accès serait justifié.

Il faut bien saisir le caractère exceptionnel des effets de cette théorie puisqu’au

nom de la liberté de concurrence, on va, en réalité, diminuer l’exercice de liberté de

contracter de l’entreprise en position dominante auquel on oppose la théorie. On touche

aussi, en cas d’accès aux infrastructures par exemple, au droit de propriété de

l’entreprise. D’un point de vue strictement juridique, il est difficile de justifier et de

motiver en droit la limitation d’un droit au nom d’une simple liberté. Cette théorie

exprime et vise une de ces hypothèses où la liberté de concurrence vient limiter les

droits subjectifs des entreprises. Au travers de cet exemple, on fait passer l’intérêt

général devant l’intérêt particulier de l’entreprise en cause. Bien souvent, cette

entreprise aura investi des sommes énormes dans l’infrastructure en question.

B. L’abus de position dominante

Le traité liste une série d’exemples.

Le premier exemple porte sur la mise en place d’une politique de prix prédateurs.

Comme en matière d’entente, l’imagination des entreprises est à peu près sans limite.

Une entreprise en position dominante qui touche à ses prix pour faire de la concurrence

se met toujours en danger tant on se méfie des effets qui peuvent être tirés par une

entreprise en position dominante via une politique de prix agressifs. C’est une stratégie

« prédatrice » dans le sens où deux éléments doivent être remplis : il faut un sacrifice

consenti par l’entreprise en position dominante (=une pratique de vente à perte 1°) et,

dans le même temps, il faut que cette politique s’accompagne d’une éviction

anticoncurrentielle (2°).

1° Lorsqu’on parle de vente à perte, on est dans l’idée que le prix d’un produit/service

fixé par l’entreprise dominante ne supporte pas les coûts que cette même entreprise doit

supporter en vue de fournir ce produit/service. Il y a nécessairement un test à faire par

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rapport aux coûts pour déterminer s’il y a une vente à perte. Il faut effectuer un test où

l’on va comparer le prix demandé pour le produit/service avec son coût. Le problème,

c’est que l’on ne connait pas ces coûts. Des règles sont prévues pour protéger la

confidentialité des informations de l’entreprise. Se pose la question de savoir quels

coûts prendre en considération pour effectuer ce test. Il y a des tests qui sont mis en

œuvre et admis par la Commission et les autorités de concurrence. Sans rentrer dans le

détail, il y a deux types de coûts : les coûts variables et les coûts totaux. Lorsqu’on

produit un bien/exécute un service, il existe des coûts directement liés à la production

supplémentaire/au service rendu, au cas par cas. Ces coûts vont varier en fonction de la

quantité de produits offerts/services prestés : c’est ce que l’on appelle les coûts

variables. Dans ce test, on limite les coûts pris en considération puisque l’on exclut tous

les coûts fixes. Le deuxième test est le « test du coût total moyen ». Ici, on obtient le

coût total moyen en divisant le coût total (coûts fixes + coûts variables) par le nombre

d’unités produites. On prend ici en considération beaucoup plus de coûts que dans le

premier test. Il faut distinguer où l’on se situe, avec le prix, au regard de ces deux tests.

Si l’on se situe avec un prix inférieur aux coûts variables, la Commission estime qu’il

s’agit à coup sûr d’un abus et que l’on est en présence de prix prédateurs. Il s’agit ici

d’une présomption réfragable à condition de mettre en avant les raisons objectives qui

ont poussé à mettre les prix si bas. Si on se situe entre les coûts variables et les coûts

totaux, alors il n’y a pas de présomption qui joue : il faudra véritablement prouver qu’il

y a eu, outre une vente à perte qui se situe entre les coûts totaux et variables, une

volonté d’éviction anti-concurrentielle. Si l’on est au-dessus des coûts totaux, il n’y a

pas de vente à perte et on ne peut dès lors considérer qu’il y a une politique de vente à

perte.

2° On ne peut condamner une politique de prix trop bas, sauf à prouver cette idée de

prédation. C’est l’idée que l’on baisse les prix non pas pour faire plaisir aux

clients/consommateurs mais pour mettre les concurrents dans une situation difficile

puisqu’ils seraient incapables de suivre ou de s’adapter à ces prix. Avec le jeu de l’offre

et la demande, ils ne seraient dès lors plus capables de vendre. Il va donc falloir prouver

l’existence d’une éviction ou d’un effet anti-concurrentiel. On ne demande jamais aux

autorités de la concurrence d’apporter la preuve d’un effet anti-concurrentiel mais d’une

potentialité suffisamment certaine. Un des indices est le fait de savoir si oui ou non, en

fin de politique prédatrice, la société en position dominante va relever ses prix de

manière substantielle et ainsi récupérer les pertes qu’elle aura admis avoir en vue de

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« faire mal » à la concurrence.

Un autre abus de position dominante via la politique des prix est la pratique des

rabais de fidélité. On retrouve ces pratiques en amont du processus de production. Ce

n’est pas une pratique qui se situe au niveau de la vente au détail. Cette pratique est

celle d’un grossiste par rapport à ses clients qui eux-mêmes fourniront le vendeur au

détail/l’utilisateur final. C’est l’idée que l’entreprise en position dominante est

véritablement un fournisseur indispensable dans la chaine de production qui serait le

fournisseur de tout ou partie des besoins des acheteurs. Ceux-ci sont pratiquement

obligés de s’approvisionner auprès de l’entreprise dominante. Celle-ci, sur la base de ce

pouvoir d’influence, mène au surplus une politique de rabais à l’égard de ses clients

pour les fidéliser à long terme et éviter qu’ils puissent s’approvisionner auprès d’une

autre entreprise. Une entreprise ne peut offrir, à son profit, l’exclusivité auprès d’un

client, sous peine de voir les autorités de contrôle de la concurrence constater un abus de

position dominante. On franchit ici un pas supplémentaire par rapport à l’idée de

fidélisation.

Une autre politique de prix qui va ou peut mener à la constatation d’un abus de

position dominante est celle des prix-ciseaux, autrement appelée compression des

marges. On joue ici sur deux marchés à la fois. Deux affaires ont défrayé la chronique

ces dernières années.

Illustrations :

- Deutsch Telecom : C’est l’opérateur téléphonique allemand qui avait le monopole

avant la libéralisation du marché. Cette entreprise, sortie d’une longue période de

monopole, est contrainte par la législation allemande, en juin 1997, à fournir à ses

concurrents un accès au réseau téléphonique allemand qu’elle exploite. A l’époque, on

considérait qu’il n’était pas économiquement viable de dupliquer le réseau existant. Si

l’on contraint d’ouvrir les infrastructures sans réguler les prix, l’entreprise dominante

risque bien d’augmenter artificiellement le prix d’accès à l’infrastructure. Les

allemands ont décidé de réguler d’une manière qui laisse une marge de manœuvre à

Deutsch Telecom en imposant un plafonnement des prix pour des services regroupés

par paniers. Il n’empêche que Deutsch Telecom gardait une marge de manœuvre au

sein de ces paniers. Des plaintes sont déposées en 1999 et 2003 contre Deutsch

Telecom. On lui reproche une politique de compression des marges (diminution des prix

de détail et augmentation des prix d’accès des concurrents). Selon la Commission, la

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différence entre les prix de détail que Deutsch Telecom offrait à ses abonnés et les tarifs

d’accès tarifés à ses concurrents était insuffisante pour permettre à ses concurrents

d’offrir leurs services en faisant un profit raisonnable. L’argument de Deutsch Telecom

consistait à revendiquer l’application pure et simple de la régulation des prix qui lui

était imposée par la loi allemande. Cet argument a été rejeté par la Cour qui a

considéré qu’il n’y avait pas ici rejet en soi des règles de la concurrence dès lors que la

Deutsch Telecom disposait d’une marge de manœuvre suffisante et ne pouvait pas se

prévaloir d’agir en stricte conformité à la loi.

CJUE - 17 février 2011 C-/05

Il s’agit ici d’une question préjudicielle. La Cour vient confirmer l’existence d’un abus

dans une pratique de prix-ciseaux. Dans cette affaire, il semblerait que l’on puisse

confirmer qu’il ne faut pas nécessairement être en position dominante sur les deux

marchés : il suffit d’être en position dominante sur le marché en amont et non sur le

marché de détail.

En matière de téléphonie mobile, le problème se pose également. Lorsqu’on passe

un appel de notre opérateur vers un autre opérateur, il faut acheminer la

télécommunication jusqu’à l’utilisateur appelé. Cet accès a un coût que chaque

opérateur est tenu de payer à l’opérateur auprès duquel son propre client téléphone (coût

de terminaison). Chaque opérateur est en position dominante de cette terminaison

d’appel. On peut imaginer, dans le chef de chacun, une politique répréhensible de prix-

ciseaux, à la lumière de l’arrêt précité de la Cour.

Le dernier cas de figure de la politique de prix est celui des prix exagérés. Une

société en position dominante qui, parce qu’elle est en position dominante, peut tout à

fait décider d’augmenter ses prix au maximum, qui n’ont rien à voir avec la valeur

économique du produit/service. Sur base de l’idée de l’imposition de prix à des

conditions inéquitables visées par le littéra 1 de l’article 102, alinéa 2, les autorités de

la concurrence sanctionnent le prix exagéré. A partir de quand y aura-t-il exagération

du prix ? Les autorités de la concurrence ne sont pas des autorités de régulation des prix.

On considère généralement qu’il faudra démontrer, sur base d’un faisceau d’indices,

qu’il n’y a plus de proportion entre le prix demandé et le bien/service. Pour ce faire, on

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peut, par exemple, mettre en avant la marge bénéficiaire prise par l’entreprise. Un autre

indice est celui de la comparaison du prix du même bien/service sur un marché

comparable, en démontrant que le prix sur le marché en cause est nettement plus élevé

que dans des marchés équivalents.

Il faut tout de même admettre qu’au bout de ce passage en revue de quelque uns

des abus de position dominante, on se rend compte que l’entreprise en position

dominante est en position délicate dès lors qu’elle modifie ses prix. L’entreprise est

suspecte dès lors qu’elle baisse ou augmente ses prix. Si l’entreprise décide de suivre les

prix de ses concurrents, elle risque aussi d’être suspectée d’entente avec ses concurrents.

Le refus de vente est susceptible également de constituer un abus de position

dominante. Le refus de vente crée la suspicion. On peut, évidemment, avoir de bonnes

raisons de ne pas vendre. En droit de la concurrence, on obligera souvent de justifier le

refus à posteriori. Des pratiques consistent, par exemple, à ne pas vendre aux « ennemis

de ses amis ».

Un autre cas visé par le traité est l’interdiction de contrats couplés   : on subordonne à

la conclusion d’un contrat à l’acceptation de prestations supplémentaires qui, par leur

nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec leur objet. On vise ici,

plus spécifiquement, le moyen dont use une entreprise qui dispose d’un pouvoir notable

sur un marché d’assurer son entrée sur un second marché qui n’est pas encore sous sa

domination.

Microsoft c. Sun

Sun développe des serveurs de groupes de travail permettant un travail en commun

entre différents utilisateurs. Ce logiciel n’est pas compatible avec le système

d’exploitation Windows ; il faut le paramétrer d’une manière particulière. Pour cela,

Sun a besoin d’informations techniques. Microsoft refuse de délivrer ces informations.

Sun dépose plainte devant la Commission. Microsoft invoque ses droits de propriété

intellectuelle. A priori, s’il s’agit véritablement de l’exercice de droits de propriété

intellectuelle, la réponse de Microsoft est, en droit, difficilement critiquable. En droit

civil, la théorie de l’abus de droit peut corriger l’abus excessif de droits subjectifs.

Jamais, néanmoins, on ne va imposer au titulaire du droit de se justifier de manière

subjective sur la manière dont il a objectivé ses droits. En droit de la concurrence, on

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va utiliser le critère de l’intention (critère subjectif). Pour comprendre l’affaire

Microsoft c. Sun, il faut regarder en arrière sur les nombreux cas de jurisprudence

relatifs au sujet. On a ainsi vu émerger l’idée que le droit de la concurrence peut venir

limiter l’exercice des droits de propriété intellectuelle mais dans des cas exceptionnels.

La Cour est ainsi venue poser des conditions : le refus doit empêcher l’apparition d’un

produit nouveau que l’auteur du refus n’offre pas et pour lequel il existe une demande

potentielle1, le refus doit être injustifié (ce qui pose problème au niveau de la charge de

la preuve), l’auteur du refus doit se réserver un marché dérivé en excluant toute

concurrence sur le marché.

La Cour va refuser de se prononcer sur l’existence des droits de propriété intellectuelle.

On peut même avoir l’impression qu’elle va nier l’existence potentielle ou réelle de ces

droits. Ce faisant, elle met en œuvre un raisonnement qui est très favorable à la liberté

de la concurrence. Elle constate que Microsoft est en situation de position dominante

du système d’exploitation et que cette position dominante empêche pratiquement

d’elle-même des entreprises de se faufiler sur des marchés dérivés qui tournent sur le

système d’exploitation Windows. Elle part du principe que la position dominante est

presque en elle-même condamnable. Partant de cette situation-là, elle applique les

critères vus précédemment (ex. : le caractère indispensable de l’accès au service). Elle

remarque que ce refus peut empêcher le développement d’un marché distinct sur

lequel, le cas échéant, Microsoft n’est pas présent. La Cour fait sauter l’idée du produit

nouveau, comme si cette condition était intrinsèquement attachée à l’idée de propriété

intellectuelle. Comme la Cour se met dès le départ en dehors d’un raisonnement sur les

droits de propriété intellectuelle, elle se permet de ne pas prendre cette condition en

compte, ce qui lui permet d’arriver à une constatation d‘abus de position dominante.

Un tel arrêt emporte des conséquences, notamment au niveau de la sécurité juridique,

de la négation des droits subjectifs et de la tentation d’un marché de contrefaçon.

IMS Health – C.J.C.E, 29 avril 2004

1 C.J.C.E, 9 avril 1995 : La société Magill est une entreprise qui édite des programmes télévisés. Une télévision refuse en invoquant ses droits d’auteur sur la grille de programme. La question est de savoir si ce refus de fournir les programmes en cause au nom d’un droit de propriété intellectuelle peut être considéré comme abusif au sens de l’article 101. Il y a ici une véritable idée de restriction de la concurrence.

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Il s’agit ici du refus d’utiliser la nomenclature d’un produit dans le cadre d’analyses de

marché. IMS Health produit des analyses de marché. Elle refuse d’autoriser un

concurrent, qui lui en fait la demande expresse, à pouvoir utiliser cette nomenclature. A

cette occasion, la Cour reformule les conditions qui doivent être remplies pour que l’on

y voit un abus de position dominante : le refus doit porter sur un produit indispensable

pour l’exercice d’une activité sur le marché, l’entreprise demanderesse doit

offrir/vouloir offrir des produits nouveaux que le titulaire des droits n’offre pas et pour

lesquels il existerait une demande potentielle, le refus ne doit pas être justifié par des

considérations objectives et le refus doit permettre de se réserver un marché en

excluant toute concurrence.

3. Les concentrations

Il y a plusieurs motivations à la base des entreprises qui se le lancent dans de telles

opérations et, souvent, il y a la motivation de créer une économie d’échelle. Dès

l’instant où les regroupements d’entreprise réduisent le nombre de joueurs sur le

marché, il a nécessairement un effet négatif possible sur la concurrence.

L’idée est de trouver une règlementation permettant de trouver un équilibre entre

des intérêts divergents et qui a pour objet de jauger les concentrations.

Les concentrations horizontales se situent au même niveau de production, sur un

même marché. Dans les concentrations verticales, on agit sur deux niveaux de

production différents. Le risque ici est que l’opération ait pour conséquence d’exclure

un concurrent sur l’un ou l’autre marché. Un autre type de concentration que l’on ne

retrouve pas dans les ententes sont les concentrations conglommérales ; les entreprises

ne sont pas du tout concurrentes, l’idée est plutôt d’étendre des lignes de produit/service

pour la société.

Ex. : un leader dans le marché des écrans plats qui achète une société qui vend des

appareils vidéo permettant de visionner des dvds.

Ce qui distingue les concentrations de l’entente est que dans le cas de l’entente il

faut deux entreprises à l’entrée et la sortie de l’entente. Dans la concentration, il y a un

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phénomène d’unification des entreprises en cause. Il y a, comme conséquence de la

concentration, création d’une seule entreprise. Il y a nécessairement risque pour la

concurrence puisqu’il y a un rétrécissement des acteurs sur un/plusieurs marchés.

Le consensus quant au régime à adopter a été difficile à obtenir. S’est posée la

question du transfert de compétences des Etats vers les autorités européennes. Les Etats

ont souvent des intérêts particuliers en jeu dans les opérations de rapprochement

d’entreprises qui ont lieu sur leur territoire. Une série de règlements ont été

successivement adoptés (4064/1989, 139/2004,…).

Il faut garder à l’esprit que l’on est dans l’idée de préserver la concurrence et le

marché. On veut opérer un contrôle sur les conséquences de l’opération de

rapprochement concernant les structures du marché, celles-ci doivent rester ouvertes à la

concurrence après les opérations envisagées.

A. Le champ d’application du Règlement 139/2004

L’article 2, §1, énonce l’objet de la règlementation, ainsi que comment, et à l’égard

de quels principes, on va contrôler et analyser les concentrations soumises audit

règlement. L’idée de comptabilité de la concentration avec le marché commun est la clé

de compréhension de cette règlementation. L’article 2, §1, littera b énonce une série

de critères à prendre en compte. Les autorités de contrôle sont investies d’une tâche de

contrôle et d’analyse des opérations en cause.

A l’article 2, §2, on explique réellement comment cela fonctionne. Cette disposition

résume tout le système.

Le champ d’application est ici dépendant de la manière dont on va définir la notion

même de concentration. A nouveau, tout est dans le texte (art.3). La concentration est

intrinsèquement liée à l’idée que l’opération sous-jacente à celle-ci va avoir pour effet

un changement durable du contrôle des entreprises en cause.

La première hypothèse de situation qui opère un changement durable est la fusion

de deux ou plusieurs entreprises (ou parties d’entreprises) antérieurement

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indépendantes. Il y a deux types de fusion : la fusion par absorption (deux sociétés

distinctes et l’une disparait et l’ensemble de son patrimoine rentre dans la société

absorbante) et la fusion où les deux sociétés distinctes fusionnent, disparaissent et sont

dissoutes pour former ensemble une nouvelle société, une nouvelle entité juridique.

La deuxième hypothèse résulte de l’acquisition par une/plusieurs personnes

détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins par une ou plusieurs entreprise, du

contrôle direct ou indirect de l’ensemble/ des parties d’une/plusieurs autres entreprises,

par prise de participation au capital, par achat d’éléments d’actif, par contrat ou tout

autre moyen. On se retrouve ici dans une autre situation, moins facile à cerner car moins

évidente. On retrouve ici la distinction entre la notion juridique de société et la notion de

société en droit de la concurrence (entité économique).

Une troisième hypothèse de situation de concentration est la création d’une

entreprise commune entre deux entités pour autant qu’elle accomplisse de manière

durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome (« entreprise commune

de plein exercice »).

Ex. : deux sociétés créent une troisième société ensemble et celle-ci va reprendre une

activité qui était auparavant une activité spécifique pour les deux sociétés créatrices de

la nouvelle entité ; deux sociétés, pour diminuer leurs coûts, vont mettre en commun

leurs moyens relatifs à la recherche et le développement. Elles créent une troisième

société qui va reprendre l’activité de recherche et de développement.

Pour se retrouver dans une telle situation, l’entreprise commune doit exercer l’ensemble

des fonctions exercées par l’entreprise créatrice.

Dans ces trois hypothèses, la notion essentielle est l’élément de contrôle. L’article

3, alinéa 2, qui est extrêmement précis, énonce ce qu’il faut entendre par contrôle : c’est

la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise. Ce

contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent alors, seul ou

conjointement, cette possibilité d’exercer une influence. Il y a l’idée d’une prise de

contrôle conjointe entre deux entreprises partenaires. Cette prise de contrôle peut se

faire de manières différentes et par le biais de moyens variés et diversifiés. Il ne faut pas

s’arrêter aux opérations classiques qui viennent en tête. Il y a mille et une autres

manières de prendre le contrôle et la maitrise d’une société.

L’alinéa 5 exclut de tout le système certaines concentrations qui sont

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circonstancielles, souvent momentanées. On vise par exemple des opérations effectuées

par des mandataires juridiques.

Le règlement prévoit des critères très précis qui permettent de déterminer le

caractère communautaire, ou pas, de la concentration, étant entendu que si la

concentration présente une dimension communautaire, c’est la Commission qui est

compétente pour en connaitre. Le cas échéant, ce sont les autorités nationales qui sont

compétentes. A l’article 1er, §2, on énonce les conditions pour qu’une concentration ait

une dimension communautaire. Il y a toutefois des exceptions, fruits du compromis

opéré entre l’Europe et les Etats. Il existe un second jeu de critères : on retombe sur un

deuxième critère visé à l’article 1, §3. Si l’on veut encore aller plus loin, le texte est

truffé d’exceptions et de possibilités qui permettent aux Etats de prendre tout ou partie,

de manière plus ou moins passive, du contrôle de la concentration en cause (exception

de l’intérêt légitime2 : art.21, §4/ exception du marché national : art. ???/

B. La procédure et l’examen d’admissibilité par la Commission

Une notification se fait à la Commission (art.4) à différents moments selon le type

de concentration. On se situe ici à la fin des opérations de concentration. Les opérations

de concentration ont déjà été négociées. La notification entraine la suspension des

opérations (art.7). A ce moment-là, on ne peut plus mettre en œuvre cette opération tant

qu’elle n’a pas été déclarée aux parties par décision de la Commission, qui doit

intervenir dans un certain délai. Passé un certain délai, l’opération sera déclarée

compatible. On a voulu forcer les autorités à prendre des décisions dans un laps de

temps assez rapide, pour ne pas bloquer les opérations pendant trop de temps. La

procédure est organisée en deux temps : une décision de compétence – 25 jours (si la

Commission s’estime compétente, elle va faire une déclaration de possibilité

d’incompatibilité de l’opération avec le marché commun) et une décision de

consolidation/d’infirmation du résultat de la première phase – 90 jours. Le délai peut

être augmenté car, bien souvent, ce ne sera pas « oui » ou « non » mais « peut-être », et

le « peut-être » se négocie. Pendant ce temps, la Commission peut ordonner certaines

mesures.

Le Règlement admet que certaines restrictions de concurrence doivent être

2 Dès que l’on touche à un intérêt national.

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admises car accessoires aux opérations en cause (ex. : clauses de non-concurrence

passées entre l’acheteur et le vendeur pour après la vente). L’article 8, §1er, al.2,

prévoit que les restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation de la

concentration sont couvertes par l’admission de celle-ci. Cette extension est

automatique. En cas de doute sur la qualification d’ « accessoire » d’une restriction, la

Commission se devra de prendre une décision à cet égard afin d’éviter toute insécurité

juridique. La Commission a l’obligation, soulignée dans les Lignes directrices, de

prendre en compte, et ce à la décharge des partenaires de la concentration, les gains

d’efficacité que permet la concentration. Trois conditions cumulatives sont cependant

posées :

- ces gains devront aboutir à un avantage pour le consommateur

- la concentration doit être le moyen nécessaire et sans alternative moins

anticoncurrentielle de l’obtention de ces gains

-les gains doivent être vérifiables selon des critères précis, objectifs et convaincants.

Les Lignes directrices prévoient, enfin, un autre cas d’admissibilité : celui où il est

établi que l’entreprise qui est l’objet de la concentration eût été contrainte de quitter le

marché en raison de ses difficultés financières si cette reprise n’intervenait pas.

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Livre IV – Les pratiques du marché et la protection du

consommateur

Le principe, c’est la liberté de commerce consacrée par le décret d’Allarde. Il y a deux

manières de concevoir la liberté d’entreprendre. Il s’agit d’une liberté publique et l’Etat est

tenu de garantir cette liberté. Il ne peut réduire cette liberté d’entreprendre comme il l’entend.

On a vu la Cour de cassation et le Conseil d’Etat affirmer le caractère obligatoire du décret

d’Allarde. D’un point de vue de droit public, on voit deux types de règles reconnues : la

liberté d’entreprendre doit être garantie par l’Etat et l’Etat ne peut régir la matière en cause

sans habilitation législative. Une autre manière d’appréhender la liberté d’entreprendre se

situe au niveau du droit privé. En effet, elle implique des relations entre personnes privées qui

constituent le fondement du droit économique moderne. Le nouveau code de droit

économique commence d’ailleurs pas affirmer le principe de liberté d’entreprendre. Celle-ci

produit certains effets juridiques dans les relations entre acteurs sur le marché. Le fait

d’invoquer cette liberté n’est pas neutre d’un point de vue juridique.

La liberté d’entreprendre est une liberté publique, celle de créer ou d’exploiter une

entreprise économique dans des conditions normales de concurrence, proclamée par la loi, qui

a valeur de principe et qui va guider dans le contrôle de légalité des mesures qui viendraient

limiter la liberté d’entreprendre. Cet aspect public est prédominant. Il est néanmoins temps de

mettre en avant son aspect privé. La liberté d’entreprendre, si elle a un sens au niveau

juridique, a nécessairement une portée juridique dans les relations entre les acteurs de droit

privé. Depuis longtemps, c’est la qualification de droit subjectif qui est le plus souvent utilisée

dès l’instant où l’on parle d’un pouvoir juridique reconnu à une personne de droit privé. Dans

les relations interindividuelles, les libertés de commerce, d’entreprendre et de concurrence

peuvent être qualifiées de libertés civiles. La différence entre la liberté et le droit subjectif

réside dans le fait qu’un droit subjectif (subjectif = nait de la volonté de la personne, et non

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pas de la simple application de la loi) est toujours un pouvoir exclusif reconnu à une personne,

tandis qu’il n’y a pas de liberté qui comporte de pouvoir exclusif. Une autre différence réside

dans le caractère non-conditionné de la liberté. Le droit subjectif est conditionné dans son

existence. Cette idée de condition permet de comprendre une autre différence :

paradoxalement, le droit, parce qu’il est conditionné, est inégalitaire tandis que la liberté est

égalitaire. On va donc ouvrir des actions particulières aux titulaires du droit subjectif où il

suffira de dire que le droit est énervé pour obtenir la cessation de l’atteinte (ex. : action en

contrefaçon). C’est là que réside la différence au niveau juridique : l’opposabilité du droit

subjectif induit un devoir strict de respect pour le reste du monde. Tel n’est pas l’effet de la

liberté. L’effet d’une liberté sur autrui consiste en un « devoir de tenir compte » de cette

liberté.

Toutes les questions du droit de la concurrence se résolvent dans le cadre d’un confit

de libertés. On ne sait, à priori, déterminer qui a raison ou a tort dès lors que deux libertés

s’entrechoquent. C’est là que l’on peut affiner l’effet de l’exercice d’une liberté.

L’exercice d’une liberté se fait en deux temps. Dans un premier temps, on peut

distinguer l’effet légitimateur de la liberté. Il est ainsi frappant de constater à quel point la

jurisprudence actuelle développe et se fonde sur la liberté de commerce et d’entreprendre-

ainsi que sur la liberté de concurrence- pour justifier à propri des actes posés par des acteurs

de la vie économique qui peuvent porter atteinte à d’autres acteurs

Ex. : Anvers, 28 septembre 2000 : la liberté de commerce légitime et permet qu’un concurrent

établisse un commerce identique dans l’immeuble quitté par un autre commerçant et continue

ses activités commerciales trente mètres plus loins.

Dans un second temps, l’exercice d’une liberté a un effet d’opposabilité   : celui-ci

impose aux tiers d’en tenir compte dans leurs propres comportements, et ce sous peine

d’adopter des comportements qui seront considérés comme illicites. Les conflits de libertés

sont des conflits d’équilibre. Ce qui est déséquilibré, c’est de commettre un acte illicite.

Quand une liberté entre en conflit avec un droit, l’acte illicite est l’atteinte au droit. En cas de

conflit entre deux libertés, il s’agira d’analyser toutes les circonstances pour déterminer si l’on

est resté, oui ou non, dans un équilibre acceptable.

Il existe des actions ouvertes pour se plaindre des pratiques commerciales d’une

entreprise, qui sont l’expression de la liberté d’entreprendre. Toute l’attention du juge portera

ainsi sur le contrôle des équilibres.

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Il y a quelque chose d’ambigu avec la liberté : comme les droits, on ne peut nous

enlever une liberté. La reconnaissance de cette liberté est d’ordre public.

Ex. : un contrat par lequel on loue une chambre à quelqu’un en y interdisant l’accès à des

garçons : nullité de cette clause.

Toutes les libertés sont soumises à un nombre incalculable de règles : ce sont des

libertés surveillées. L’exercice des libertés économiques est règlementée de manière

importante. La liberté d’entreprendre ou de concurrence est encadrée par la « police du

commerce, de l’économie » : ce sont des règles qui vont s’appliquer à l’exercice de la liberté

d’entreprendre pour éviter les excès. Il est impossible de tracer un contour des règles qui

« surveillent » la liberté d’entreprendre. Un premier groupe de règles permet de lutter contre

les déséquilibres structurels entre les professionnels et consommateurs. Le droit va intervenir

pour rétablir l’équilibre entre consommateur et professionnel (ex. : on impose à l’entreprise

de donner une information sur le produit, on impose un devoir de conseil, on impose

d’informer le consommateur sur ses droits, tels que le droit de rétractation,…). Un second

groupe de règles protège les entreprises contre elles-mêmes, dans leur relation entre elles

(ex. : les règles qui vont garantir une concurrence honnête et loyale entre entreprises). On

vise ici à éviter à priori ou à sanctionner à posteriori certains excès dans l’exercice des

libertés en cause, et ce, en vue de maintenir une concurrence loyale entre commerçants et, de

manière plus générale, entre les acteurs économiques intervenant sur les différents marchés.

Un troisième groupe de règles va encadrer l’utilisation des nouveaux outils de communication

issus des nouvelles technologies de l’information, et ce au regard des risques particuliers

qu’induit ce mode de commercialisation de biens et services, notamment en faisant exploser

les frontières physiques traditionnelles. Des règlementations nouvelles apparaissent afin

d’assurer la sécurité juridique des transactions qui s’effectuent au moyen de ces technologies

et d’accroitre la confiance qui lui accordent ses utilisateurs. Un quatrième groupe de règles

vise à protéger les libertés et droits fondamentales dans le cadre de l’exercice d’une activité

économique et commerciale, que ce soit dans l’organisation interne de l’entreprise ou dans les

rapports que celle-ci entretient avec les tiers.

Ex. : règlementation des traitements de données à caractère personnel

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I. La loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à

la protection du consommateur

Le livre VI du Code de droit économique entrera en vigueur le 31 mai 2014.

L’origine de cette matière (théorie de la concurrence déloyale) remonte au XIXème

siècle. Il n’y avait pas de législation, on n’appliquait donc les articles 1382 et 1383 du Code

civil. On n’appliquait qu’une sanction de réparation par le biais de l’octroi de dommages et

intérêts. Fin des années 20, début des années 30, c’est la grande crise économique. On s’est

vite rendu compte que c’était en quelque sorte l’anarchie sur les marchés. Les acteurs du

marché se permettaient de plus en plus de choses et tombaient dans des excès qui n’étaient

pas sanctionnés, bien qu’extrêmement nocifs, tant pour les consommateurs que pour les autres

acteurs du marché. Le législateur, qui tentait aussi de relancer l’économie, a imaginé un

moyen d’imposer l’honnêteté aux entreprises sur le marché. Cela part du constat : introduire

une action sur base de 1382/1383 n’est pas efficace. C’est une action au fond (longue

procédure, mise en état judiciaire) et la décision est tournée vers le passé. Les commerçants

n’avaient que faire d’une réparation à posteriori : ce qu’on voulait, c’était la cession du

comportement dommageable. On a d’abord imaginé une règlementation pénale économique,

plus lourde, plus sévère. Devant l’échec de la responsabilité extracontractuelle et pénale, le

législateur a ensuite eu une idée novatrice : la cessation commerciale (arrêté royal de

pouvoirs spéciaux n°55 du 23 décembre 1934). L’idée est de saisir un juge comme en référé

(on admet que la procédure de mise en état soit appliquée) et de lui permettre d’ordonner la

cessation des pratiques commerciales déloyales.

L’article 1er de l’arrêté pose un principe, qui se fonde lui-même sur un standard. A

l’article 3, on prévoit la procédure comme en référé devant le tribunal de commerce qui n’est

alors compétent que pour faire cesser l’acte. La première idée du législateur fut de punir

pénalement ceux qui ne respectent pas les règles du jeu. On va imaginer des règles qui vont

frapper durement, strictement, les contrevenants.

D’autres arrêtés royaux ont été promulgués en la matière mais on n’a pas réuni les

textes juridiques sur le sujet. On est restés sur cet arrêté royal pendant de très nombreuses

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années. Il faudra attendre 1971 pour que l’on adopte la première loi moderne belge sur les

pratiques du commerce (loi du 14 juillet 1971). Elle va unifier les règlementations

antérieures. On garde bien évidemment le principe de l’interdiction des actes contraires aux

usages honnêtes mais on prend des dispositions nouvelles. C’est la première loi de protection

des consommateurs. Véritablement, cette loi apparait comme une étape dans le

développement en cours, principalement au niveau européen, concernant l’arrivée du droit de

la consommation.

Le 14 juillet 1991, on adopte une nouvelle loi, dans laquelle on introduit pas mal de

nouveautés (ex. : règlementation de la publicité). En 1991, on prend l’acquis de ces années

d’applications jurisprudentielles et on adopte des règles plus claires que l’on insère dans la loi

sur la protection du marché et du consommateur. On trouve aussi, pour la première fois, un

régime sur les clauses abusives (=clauses qui sont normalement valables et valides au regard

du droit commun mais que l’on considère comme illicites au vu du déséquilibre structurel

existant dans la relation entre le professionnel et le consommateur). Ce régime vient de

directive européennes. On règlemente aussi les ventes à distance. Un contrat est conclu à

distance lorsque les deux parties ne sont pas physiquement l’une en face de l’autre (ex. :

contrat par téléphone). Les dispositions spécifiques des ventes à distance vont s’appliquer en

e-commerce. Ces règles sur la vente à distance viennent d’être complètement modifiées suite

à l’implémentation d’une directive de 2011. On retrouve aussi dans cette loi l’interdiction

générale des actes contraires aux usages honnêtes.

A différentes reprises, sous pression de l’Union Européenne, on a modifié le régime.

On a introduit, en 1997, des dispositions importantes concernant la publicité comparative.

Avant 1997, c’était interdit, sauf exceptions. Dès 1997, c’est l’inverse : elle est admise, sauf

exceptions.

On se rend compte, fin des années 90, que l’on a besoin d’une grande réforme. Celle-

ci a lieu par le biais de deux lois : les lois du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et la

protection du consommateur et sur les règles relatives à l’action en cessation, mais aussi à

l’exercice de la liberté d’établissement en application du droit européen.

Le Code de droit économique abroge les lois de 2010 en le coulant dans plusieurs

livres du Code, le principal étant le livre VI.

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C’est une matière pratique, jurisprudentielle, qui suit les nouveaux moyens de

commercialisation et de vente des produits et services. C’est donc normal qu’elle évolue sans

cesse.

1. Définitions et champ d’application de la L.P.M.P.C – livre VI du Code de droit

économique

A partir du moment où une loi tente de règlementer une relation spécifique, il est

nécessaire de baliser le champ d’application d’une telle législation. Il est important de définir

les concepts que l’on utilise, tant pour déterminer le champ d’application personnel que

matériel. Dès que l’on passe par des directives pour arriver à une harmonisation entre les pays

membres, il faut passer par des définitions qui vont s’imposer dans chaque état. Le droit

européen part du principe que plus on définit, moins on risque de divergences au sein des états

membres.

L’entreprise

La loi de 1971 s’adressait aux commerçants et artisans au sens du Code de commerce. En

1991, on va utiliser une définition générique différente de celle de 1971 (on utilisait la notion

de commerçant) : celle de vendeur. On a voulu de se dégager de la notion de commerçant afin

d’étendre au maximum le champ d’application des règles de protection du marché et du

consommateur. On va, par exemple, faire rentrer dans le champ d’application de la loi les

entreprises publiques, les a.s.b.l, … En 2010, on a décidé de reprendre la notion d’entreprise

qui vient du droit de la concurrence. L’article I.1 comprend une définition de l’entreprise au

littera 1 : c’est toute personne physique/morale poursuivant, de manière durable, un but

économique, y compris ses associations. On suppose ici que l’entreprise s’exerce dans le

cadre d’une certaine organisation. On peut avoir certaines difficultés quant à certaines

pratiques. La question est de savoir s’il faut leur appliquer la loi sur les pratiques du marché.

On se rend vite compte qu’un cas n’est pas l’autre. En pratique, il faut, en fonction de la

situation, déterminer si l’on se situe face à une entreprise ou pas. Le champ d’application

reconnu à la notion d’entreprise se veut le plus large possible (tous les anciens commerçants,

les a.s.b.l, Test-Achats, les sociétés de gestion de droit d’auteurs,…), le vrai critère étant

l’exercice de cette activité économique de manière organisée. Par « associations

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d’entreprises », il faut entendre les associations professionnelles qui regroupent des

entreprises. A priori, les associations d’entreprise n’exercent pas elles-mêmes l’activité ; ce

sont leurs membres. On a voulu éviter toute discussion quant au fait que l’on pourrait avoir

des actions en cessation commerciale qui seraient introduites pour des violations de l’article

101 commises par des associations d’entreprise.

Notons que la forme juridique de l’entité n’a pas aucune importance. Toute entité, même

les indépendants, est susceptible de devenir une entreprise par le simple fait qu’elle réponde à

cette définition relative au but économique poursuivi par l’entité à travers l’offre de biens et

services sur un marché.

La loi de 2010 prévoyait d’exclure de la notion d’entreprise les professions libérales. On

avait prévu, à l’article 2, la définition de la profession libérale, tandis que l’article 3 excluait

les professions libérales. Cette exclusion a disparu car il y a eu des recours qui portaient sur

l’existence d’une discrimination entre certaines professions libérales qui rentraient dans le

champ d’exclusion mais qui n’étaient pas organisés autour d’un ordre. Des questions

préjudicielles ont été posées devant la Cour Constitutionnelle, ainsi qu’un recours en

annulation de la disposition. On s’est rendus compte qu’il y avait une discrimination entre

ceux qui étaient soumis à la loi de 2010 (logopèdes,...) et ceux qui n’entraient pas dans la

définition, et étaient exclus du champ d’application de la loi (dentistes, kiné,…). Il y avait une

différence de règlementation vis-à-vis de professions qui, objectivement, ne présentaient

aucune différence. La disposition a été considérée comme discriminante, outre le fait qu’elle

était contraire au droit européen qui n’a jamais fait de distinction entre les professions

libérales et les autres (C.Const., 6 avril 2011).

Le consommateur

La notion de consommateur dans le Code de droit économique est différente de celle qui

figurait dans la loi de 2010. En élaborant le livre VI, on a implémenté une directive spécifique

de 2011/83/UE sur les droits des consommateurs. Elle comprend une définition distincte du

consommateur. L’ancienne loi de 1991 parlait de toute personne physique/morale qui acquiert

ou utilise à des fins excluant tout caractère professionnel des produits mis sur le marché. A

partir de 2010, on ne parle plus que de personnes physiques. La raison de cette omission est

technique : les directives européennes prises en la matière ne visent que les personnes

physiques .Le Code de droit économique, en son article I.1. littera 2, reformule cette

définition : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son

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activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. Si on compare cette définition à

l’ancienne, on remarque que la finalité des actions n’est plus définie par rapport à cette

acquisition de produits mis sur le marché. Il semblerait que l’on appréhende la relation

économique dans sa globalité, de manière à pouvoir intervenir à n’importe quelle étape du

processus d’acquisition du bien. Il y a un élargissement dans l’appréhension de la relation

visée dans la définition. On définissait le consommateur en excluant la finalité

professionnelle. A partir du moment où l’on remplace les « finalités professionnelles » par les

« activités commerciales, industrielles, libérales et artisanales » et que toutes ces notions

peuvent avoir un sens bien précis, peut-on être certain d’avoir un champ d’application égal ou

aussi large que l’interprétation donnée de la finalité professionnelle ? Un autre problème se

situe dans les considérants de la directive, dans le cas des activités mixtes. Cette

problématique de l’affectation mixte avait déjà donné lieu à des batailles d’interprétation

juridique. A la lecture des considérants de la directive, on constate qu’elle défend une

interprétation permettant de considérer que le consommateur reste consommateur dès l’instant

où l’affectation professionnelle n’est que secondaire. Il y a deux manières d’appréhender

l’affectation. La nature-même du bien peut aider pour déterminer l’affectation de ce bien.

L’élément subjectif (intention véritable de l’acheteur) également peut éclairer sur l’affectation

du bien. La plupart du temps, on admet qu’il n’y a pas de critère qui s’impose de soi et qu’on

doit combiner les deux. Une partie de la doctrine et de la jurisprudence refuse toutefois ce

raisonnement et, en cas d’affectation mixte, dénie à l’acheter la qualité de consommateur sur

la base d’une interprétation stricte du texte (« excluant tout caractère professionnel »).

Les produits

La définition se trouve à l’article I.1. 4°. Il s’agit des biens et services, les biens

immeubles, les droits et obligations. Les biens (biens meubles corporels) et services (toute

prestation effectuée par une entreprise dans le cadre de son activité professionnelle ou en

exécution de son objet statutaire) sont eux-mêmes définis. Ces définitions ne posent pas de

problème, si ce n’est dans l’hypothèse de la vente à distance : le régime va varier, selon que

l’on est devant une vente de produits ou services.

2. Les pratiques du marché déloyales et les pratiques commerciales déloyales

A. Généralités

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On a distingué, petit à petit, les actions qui pouvaient être introduites par des

consommateurs parce que l’acte contrevenait à leurs intérêts et celles introduites par les

entreprises pour les mêmes raisons.

La loi de 1991 interdisait tout acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale

(article 93 : « est interdit tout acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale par

lequel un vendeur porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts professionnels d’un ou

plusieurs autres vendeurs »). Dans la LPMPC, on ne vise plus les actes contraires aux usages

honnêtes mais aux pratiques honnêtes du marché.

A la suite d’une directive de 2005 (2005/29 du 11 mai 2005 relatives aux pratiques

commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur) et d’une loi

d’implémentation de 2007, on a eu un double régime : l’un relatif aux relations entre

entreprises entre elles, l’autre relatif aux relations entre entreprises et consommateurs.

Aujourd’hui, il n’existe plus que la règle relative aux entreprises (art.VI.104). Tout le régime

applicable aux consommateurs est réintroduit aux articles VI.92 à VI.103.

La grande nouveauté de la loi de 1991 fut l’introduction de la branche « consommateur ».

Jusque-là, l’action en cessation commerciale ne pouvait être introduite que par les entreprises.

Le législateur européen a constaté que les législations des états membres étaient fort

différentes d’un état à l’autre ; il y a vu la possibilité de distorsion sensible de concurrence, ce

qui faisait obstacle au bon fonctionnement du marché et justifiait donc son intervention. Le

problème principal résidait dans la participation des uns et des autres à des transactions

transfrontières. Cette directive avait donc pour but de rapprocher les législations des états

membres en ce qui concerne les pratiques commerciales déloyales, en ne visant que celles

pouvant porter atteinte aux intérêts des consommateurs. A partir du moment où le législateur

européen veut harmoniser de manière aussi totale, il ne peut plus se contenter d’un standard

ouvert : il invente donc un nombre de règles bien plus élevé et plus compliquées car on a

voulu diminuer au maximum la marge de manœuvre d’interprétation des juges nationaux.

En 2007, lorsque la directive devait être implémentée, le législateur belge eut à faire un

choix difficile : soit se lancer dans une réforme en profondeur de la loi de 1991, ce qui l’aurait

immanquablement mis en retard au regard du calendrier de mise en œuvre de la directive, soit

–et c’est l’option qui sera retenue, insérer le régime de la directive dans la règlementation

existante, opérant alors par modifications ponctuelles de la loi.

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L’ancien double régime est repris tel quel dans le livre VI du Code de droit

économique. Il n’y a que les numéros d’articles qui changent :

- l’article 95 devient l’article VI.104

- les articles 83 à 94 deviennent les articles VI.92 à 109

S’il y a un acte illicite qui est commis, le président du tribunal ordonnera la cessation.

On peut aussi obtenir d’autres sanctions, en vertu du droit commun. Il existe aussi des

sanctions à caractère pénal.

B. La relation entre entreprises : l’interdiction des actes contraires aux pratiques honnêtes

du marché (anciennement « usages honnêtes en matière commerciale »)

Le régime est contenu à l’article VI.104 du Code de droit économique. Comme c’était

déjà le cas en 1934, on ne dit pas ce qu’est un acte qui serait contraire aux pratiques honnêtes

du marché. Depuis 1934, c’est la jurisprudence, aidée par la doctrine, qui est venue donner

corps à ce standard, au gré des cas de jurisprudences. On a essayé, d’un point de vue

doctrinal, de systématiser cette notion. Force est de reconnaitre que l’on n’est pas parvenu

aujourd’hui à une définition. Le problème est de savoir comment aborder l’idée de l’acte

contraire aux pratiques du marché. La première approche consiste à dire qu’il existe des

pratiques honnêtes du marché. Il reviendrait au président du tribunal de relever les bonnes

pratiques commerciales. Dans un second temps, il constate si l’acte est contraire aux pratiques

qu’il a relevées. Dans la pratique, il le fera parfois. Il peut, par exemple, aller puiser dans les

règles de bonne police pour déterminer quelles sont les pratiques au regard desquelles il

convient d’analyser l’acte soumis à sa sagacité. C’est toutefois assez rare. On n’est pas arrivé

à définir positivement ce que sont les pratiques honnêtes du marché. Cela ne veut pas dire que

l’on n’a pas essayé ni réfléchi ; on a juste réfléchi par élimination. Par exemple, très vite, s’est

dégagée une règle qui ne faisait pas l’objet d’un usage ni d’une application majoritaire : si on

fait de la publicité par le biais de l’envoi à des adresses e-mails, on doit permettre aux

destinataires de ces e-mails de s’y opposer. Il s’agit parfois de règles d’ordre moral, plus

éthiques. Là encore, c’est juste une possibilité.

L’idée d’honnêteté n’implique pas forcément l’intention ni la perception du caractère

illicite. On a, en pratique et à la suite d’une longue évolution, essayé de systématiser les cas

d’actes contraires. Il y en a deux qui reviennent chaque fois. Le premier cas est celui de l’acte

devenu contraire dès l’instant où il viole une loi/règlementation obligatoire qui s’impose à

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l’entreprise dans le cadre de son activité économique. Le contentieux de l’acte illicite ne peut

néanmoins devenir un contentieux de légalité. La différence entre les deux contentieux est très

ambigüe. Il y a eu certaines actions où l’on n’était plus dans le cadre d’une violation de la loi

qui s’impose, mais dans un contentieux quasi-administratif.

Ex. : Belgacom a dû obtenir une autorisation du C.S.A. Il y avait, au centre de l’activité de

Belgacom, le football. Il y a eu toute une série de procès intentés à l’encontre de Belgacom

pour empêcher son entrée sur le marché télé. Une de ces actions avait pour objet de

reprocher à Belgacom d’avoir obtenu une licence que BE Tv considérait comme illicite ou

non-valide au regard des critères d’autorisation qui s’imposaient au C.S.A. L’autorisation

avait été donnée, mais BE Tv s’attaquait à la validité- même de cette autorisation. Si on

introduit l’action en cassation de cette manière, il est possible d’obtenir une décision très

rapidement. Devant le Conseil d’Etat, la procédure est beaucoup plus longue. La

jurisprudence majoritaire refuse d’intervenir dans ce genre d’affaires au prétexte que l’on

n’est plus dans un contentieux subjectif, mais dans un contentieux de légalité.

Le deuxième type de comportement considéré comme contraire aux pratiques du marché

vise la situation où il n’y a pas de règle générale et abstraite qui s’applique dans le cas soumis

au président du tribunal. On vise l’acte qui heurte une règle de référence constatée par le juge

et s’imposant aux entreprises dans le contexte où il a été posé. Le juge va alors essayer

d’imaginer ce que devait être le comportement « normal » de l’entreprise confrontée aux

circonstances de fait qui étaient les siennes lors du moment où elle a posé la pratique

litigieuse. Cela s’apparente à la notion de « bon père de famille diligent ». Le travail du juge

consiste à examiner la pratique en cours. Cette manière de faire est évidemment à relier avec

l’historique et le fait que, au départ, le contentieux normal permettant de sanctionner des actes

contraires aux pratiques du marché, c’est le contentieux de responsabilité.

Il faut qu’il y ait aussi une atteinte aux intérêts professionnels de l’autre entreprise. C’est

ce qui permet de limiter le cadre des actions en cessation. C’est ici l’idée que cela

contrevienne aux intérêts économiques d’autrui. Il faut prouver que l’acte est potentiellement

dommageable. Cet acte doit porter atteinte aux intérêts des autres professionnels.

Les types d’actes aux pratiques honnêtes du marché sont aussi divers que multiples. A

titre d’exemple, on peut distinguer les actes portant atteinte :

- au fabricant ou au vendeur (ex. : dénigrement, atteinte au nom)

- à l’entreprise (ex. : débauchage du personnel)

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- aux biens/services (ex. : atteintes par l’emballage, forme et couleurs des biens créant une

confusion)

- à la clientèle (ex. : débauchage d’anciens préposés ou associés d’un concurrent)

- par et à la publicité (ex. : publicité créant un avantage concurrentiel injustifié, reproduction

d’images sans le consentement d’autrui)

- aux prix (ex. : vente au rabais agressive en vue de l’élimination d’un concurrent)

C. Les relations entre entreprises et consommateurs : les pratiques commerciales

déloyales

On retrouve à l’article VI.95 le principe de l’interdiction qui existe à l’égard des pratiques

commerciales déloyales. Le réflexe à avoir consiste à chercher s’il y a une définition des

notions en cause. En l’occurrence, c’est souvent le cas car le droit européen veut éviter une

trop grande marge de manœuvre des juges nationaux. On se trouve ici dans les définitions

particulières du livre VI, qui sont insérées dans le livre I (article I.8). La plupart de ces

définitions sont utiles pour comprendre ce régime d’interdiction des pratiques commerciales

déloyales.

Par « pratique commerciale » (art.I.8.23°), on entend « toute action, omission, conduite,

démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part

d’une entreprise, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un

produit ». Ces pratiques commerciales visent à peu près toutes les pratiques que l’on peut

imaginer dans le cadre de la vente/promotion d’un bien/service. Dans la notion de pratique

commerciale, on intègre celle de publicité. En droit belge, on a toujours distingué les

dispositions relatives à la publicité et celles relatives aux pratiques commerciales déloyales.

Or, ici, on nous dit que la publicité est une pratique commerciale au sens de ce régime. Cela

signifie qu’il faut admettre que, dans ce chapitre, alors même que d’autres dispositions visent

spécifiquement la publicité, les pratiques commerciales englobent la publicité. Il y a des actes

posés par une entreprise qui ne sont pas en relation directe avec la vente/promotion d’un

produit. Ils sortent alors du champ d’application.

Ex. : lorsqu’une entreprise publie ses comptes annuels à destination des investisseurs.

Ces dispositions prévoient un système de protection en 3 étapes. On a gardé une

interdiction de standard de comportement, fortement limité et défini (1° art.VI.93). Ensuite, il

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y a un régime intermédiaire qui interdit les pratiques commerciales trompeuses et agressives

(2° art.VI.97 et svts). Enfin, il y a des « listes noires », listes de comportements qui sont en

réalité des pratiques commerciales agressives et trompeuses qui seront toujours interdites :

aucune marge d’interprétation n’est laissée au juge (3° :art.VI.100 et svts).

1° : L’acte doit être considéré comme contraire aux exigences de la diligence

professionnelle (condition objective) et altérer/être susceptible d’altérer de manière

substantielle le comportement économique du consommateur moyen qu’elle touche ou

auquel elle s’adresse, ou si elle s’adresse à un groupe de consommateurs déterminé, le

comportement économique du membre moyen de ce groupe, par rapport au produit

concerné (conception subjective).

Ces conditions sont cumulatives. Pour bien comprendre cette disposition, il faut s’en

référer aux définitions.

Ce régime est relativement compliqué. Il faut remarquer que l’on ne parle plus d’atteintes

aux intérêts du consommateur. Cette condition n’existe plus dans la nouvelle disposition.

En réalité, on se réfère à la décision du consommateur de moyen et de l’effet de la

pratique sur sa décision. Devant le juge, il ne s’agira pas de se mettre à sa propre place

pour prouver l’effet négatif de la pratique. Il faut se référer à l’effet qu’aura pu avoir la

pratique sur le consommateur moyen, on ne devra donc jamais tenter de prouver un effet

concret dans le chef de la partie plaignante.

2° : On aborde une approche qui se fait par des définitions et des interdictions, à nouveau.

Les règles se veulent moins vagues que le régime de protection primaire exposé au 1°.

Les pratiques trompeuses sont les pratiques qui contiennent de fausses informations (ex. :

typique : on ment sur les qualités de nos produits/services). Les pratiques agressives

visent les pratiques de contrainte, de harcèlement, en ce compris le recours physique pour

tenter de vendre un produit.

3° : Il s’agit de longues listes de comportements qui sont d’évidence déloyaux. Il suffit de

les constater pour en obtenir la cessation ; plus question de passer par les pratiques

standard ou les définitions.

Ex. : donner au consommateur l’impression qu’il ne pourra quitter les lieux avant qu’un

contrat n’ait été conclu.

Pratiquement, on appréhendera donc la pratique de l’entreprise au travers de trois tests

successifs :

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1) La pratique est-elle reprise dans une liste visée par le texte, Si oui, elle est interdite en

soi.

2) La pratique répond-elle aux conditions propres énoncées relativement énoncées aux

pratiques « trompeuses » ou « agressives » ? Dans l’affirmative, elle est également

interdite en soi.

3) Si la pratique a passé avec succès les deux premiers tests, on la confrontera à la norme

générale standard.

D. Questions particulières

Commentaire de l’article «   Pour une théorie de l’acte de concurrence illicite affranchie

des articles 1382 et 1383 du Code civil   » , Thierry Leonard

L’article se divise en deux parties : l’un pour démontrer la portée des articles 1382/1383,

l’autre pour démontrer que cela ne colle pas avec les conditions mises en avant dans la

jurisprudence.

Le premier point aborde tout l’historique de l’action en cessation. En 1934, lors de

l’introduction de l’action en cessation, on constate que la volonté du législateur était de

créer une action qui n’est pas l’action en responsabilité. Les auteurs de l’époque mettaient

notamment en avant les différences au niveau des sanctions. On perçoit véritablement les

deux actions comme différentes. A partir du moment où on se pose la question de

l’application de l’action en cessation dans le cadre des actions en contrefaçon, on en vient

à considérer que l’action en cessation ne serait finalement qu’une application des articles

1382/1383 et d’une sanction de responsabilité extracontractuelle. A l’époque, il y avait

déjà certaines législations sur la propriété intellectuelle qui prévoyaient une procédure de

cessation. Par principe, la Cour de cassation, par un arrêt du 16 mars 1939, a refusé que

l’on utilise l’action en cessation pour contourner les conditions de défense des droits de

propriété intellectuelle et aboutir, le cas échéant, au même résultat. Pour exclure cette voie

de droit, on s’est basé sur une opinion, à l’époque partagée par tout le monde, selon

laquelle l’action en contrefaçon n’est pas une action en responsabilité contractuelle. On

exclut la voie de l’action en cessation commerciale en disant que l’on sort du champ de la

responsabilité extracontractuelle s’il s’agit d’une contrefaçon. On a voulu exclure de la

notion d’acte de concurrence illicite tous les actes trouvant uniquement leur source dans

une faute contractuelle. Or, l’action en cessation commerciale n’est ouverte que pour des

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pratiques qui relèvent de la responsabilité extracontractuelle. Dans un arrêt de 1943, la

Cour de cassation se retrouve « coincée ». A l’époque, la doctrine et la jurisprudence

admettent l’action en cessation dans le cadre de la violation du contrat. Quand la Cour de

cassation doit trancher le problème, elle se retrouve coincée par son arrêt de 1939. Si elle

admet l’ouverture de l’action en cessation commerciale pour la violation d’un contrat, cela

revient à dire que cette action n’est pas limitée au cadre de la responsabilité

extracontractuelle. Elle devrait donc ainsi admettre l’application de la cessation aux

actions en contrefaçon.

Par son arrêt du 25 novembre 1943, la Cour de cassation considéra que l’acte de

concurrence déloyale se limitait au domaine de l’article 1382 du Code civil. Cet arrêt reste

et devient une règle que l’on ne remet plus en question. Depuis cet arrêt de 1943, on

considère que l’action en cessation commerciale est une application de 1382/1383 en

matière commerciale.

Les conséquences de la qualification de la nature de l’action comme étant

extracontractuelle sont de deux ordres. La première conséquence serait de devoir imposer

les mêmes conditions de la responsabilité à la cessation. La seconde conséquence est que

l’on ferme la voie à l’action en cessation dans le champ contractuel. La fermeture de la

voie de l’action en cessation commerciale est, en pratique, extrêmement ennuyante.

Les conditions de la responsabilité civile ont été interprétées en fonction de la finalité des

articles 1382/1383. En droit belge, il y a l’idée que la responsabilité, en droit commun, est

subjective. Derrière cette condition de subjectivité se cache un idéal de justice : il serait

injuste d’imposer à quelqu’un de réparer les conséquences d’un acte posé si l’on se rend

compte qu’il ne pouvait pas savoir que l’acte est illicite. Cette facette subjective de la

faute n’a de raison d‘être qu’au regard de l’idée de réparation. La question est de savoir si

on la retrouve en matière de cessation commerciale et s’il faut imposer cette condition

pour obtenir la cessation de l’acte objectivement illicite. La sanction de cessation vise le

rétablissement de la légalité. Dans cette logique, la question de l’imputabilité ne peut pas

se poser, sous peine de remettre en cause l’efficacité de la sanction. Ni la doctrine ni la

jurisprudence ne reprennent cette condition.

Une autre différence entre les deux actions réside au niveau de la condition de dommage.

Dans le cas de l’action en cessation, la condition est l’atteinte aux intérêts du

consommateur moyen/de l’entreprise. Cela n’empêche que celui qui introduit l’action

devra faire la preuve d’un intérêt personnel à l’action (intérêt né et actuel). Ce n’est

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toutefois qu’une condition de procédure. Pour obtenir la cessation, il faut simplement

démontrer que la pratique porte potentiellement atteinte soit aux intérêts professionnels

d’une entreprise, soit aux intérêts du consommateur moyen. Pour prouver qu’il y a eu un

dommage, il faut prouver qu’il y a eu une perte. Le dommage est défini comme la perte

d’un avantage ou d’un bénéfice qui ne peut être illégitime ou illicite. Il suffit de comparer

deux situations, l’une avant et l’autre après le préjudice. La violation d’intérêts n’est pas,

en soi, un dommage. Dès lors que le dommage ne peut être qu’éventuel, il est plus correct

et moins ambigu de constater que la cessation n’implique pas la preuve d’un dommage.

L’acte de concurrence illicite ne vise pas toute illicéité mais celles qui provoquent/sont

susceptibles de provoquer une atteinte aux intérêts du consommateur.

S’il n’y a pas faute, ni dommage, quid du lien causal ? Si le dommage n’est pas une

condition de l’action en cessation, un lien causal entre le dommage et l’acte déloyal n’est

pas plus requis, à défaut d’objet.

Le débat quant à l’existence d’un fait justificatif ou d’une cause étrangère exonératoire n’a

aucun sens devant le juge des cessations. Si l’acte s’explique par un cas de force majeure

ou un cas fortuit ou que la faute d’un tiers exclut la faute de celui qui a posé l’acte

contesté, ce dernier n’en est pas moins illicite.

Dès lors que l’on écarte les articles 1382/1383 aux fondements de l’action en cessation

commerciale, quels seraient alors ces fondements ? C’est l’idée de liberté. La

problématique de l’action est celle du conflit entre deux libertés. L’exerce de la liberté de

l’un porte atteinte à l’exercice de la liberté de l’autre. Le fondement de cette matière est

l’exercice de ces libertés privées économiques qui s’entrechoquent dans le cadre de la

tentative de départ des entreprises de capter une clientèle : là réside l’essence de l’activité

économique. La seule manière de réguler ces libertés est de traquer l’illicéité dans

l’exercice de celles-ci.

Il y a, dans l’article, quatre sources potentielles à l’illicéité qui pourraient être considérées

comme quatre catégories de pratiques malhonnêtes ou déloyales.

1° le conflit pur de libertés : attribuées égalitairement à tous, douées d’un effet

d’opposabilité propre inférant un devoir de prise en compte de la liberté d’autrui, les

libertés civiles s’opposent entre elles, ne peuvent donner lieu, à priori, à la constatation de

la prédominance de l’une sur l’autre. Egales dans leur reconnaissance, elles doivent

s’équilibrer entre les règles de droit régissant, d’une part, cet exercice, et, d’autre part, leur

attribution. L’illicéité prend ici la forme du non-respect du devoir général de prise en

compte des libertés économiques/civiles d’autrui rompant l’attribution égalitaire de celles-

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ci.

2° la violation de la loi : ce que sanctionne le tribunal de commerce, c’est la violation du

caractère obligatoire de cette loi. Il faut que la loi indique quel est le comportement

qu’elle attend de nous. Celui qui exerce sa liberté doit, comme tout un chacun, respecter

les devoirs qui naissent d’une disposition légale ou règlementaire qui lui impose ou

interdit un comportement déterminé.

3° la violation des droits subjectifs d’autrui : les libertés civiles et économiques, opposées

à des pouvoirs qualifiés de droits subjectifs, y trouvent autant de limites strictes,

indépendamment de la recherche d’une faute au sens de la responsabilité civile

extracontractuelle. Les libertés civiles s’arrêtent aux droits subjectifs d’autrui. Pas plus

que pour les deux autres types d’actes de concurrence illicite, le fondement de l’illicéité de

l’acte d’atteinte au droit subjectif ne se trouve dans l’action en responsabilité

extracontractuelle. C’est l’effet d’opposabilité qui fonde cette illicéité.

4° la violation des obligations contractuelles librement consenties   : le non-respect des

obligations contractuelles consenties en faveur de son cocontractant dans l’exercice de ses

libertés économiques constitue un type d’acte de concurrence illicite potentiel pour autant

qu’il s’agisse d’une atteinte à un droit de créance exercé en vue de la jouissance des

intérêts professionnels du créancier ou qu’il s’agisse d’un droit reconnu au consommateur

dans sa relation avec l’entreprise. Le non-respect des obligations contractuelles constitue

un acte illicite puisqu’il y a violation d’une obligation juridique qui s’impose au débiteur

par la force obligatoire du contrat.

L’illicéité, selon cette approche, se situe en amont de toute problématique de

responsabilité, qu’elle soit contractuelle ou extracontractuelle. Elle nait d’une application

des règles de conflits de pouvoirs et intérêts qui s’opposent dans le cadre de l’exercice des

libertés économiques des entreprises. Il n’y a donc aucune raison d’exclure du champ de

l’action en cessation un acte d’origine purement contractuelle. La nature contractuelle ou

extracontractuelle de l’acte est sans influence sur la sanction de la cessation d’un acte de

concurrence illicite, elle n’influencera que les juges du fond saisis par des actions ne

responsabilité contractuelle/extracontractuelle.

On peut déduire de ce qui précède qu’il reviendrait aux seuls juges du fonds saisis d’une

éventuelle action en responsabilité de résoudre une éventuelle difficulté relative à la

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théorie du concours de ces responsabilités. Le fondement de la théorie du concours se

situe essentiellement dans la crainte de voir la victime d’une violation fautive d’une

obligation contractuelle échapper à certaines des obligations auxquelles elle s’était

volontairement soumise quant aux modalités de réparation, soit en acceptant des clauses

de limitation/exonération de responsabilité, soit des clauses limitant le dommage

réparable. Or, la cessation de l’acte de concurrence illicite laisse sauve l’application de

telles clauses. Le juge de cessations ne se prononce pas sur la responsabilité de l’auteur de

l’acte. Son intervention se situe donc en amont de toute question de responsabilité et, par

conséquent, de celle du concours également.

!!! Le 29 avril, une loi du 28 mars 2014 a été publiée au Moniteur Belge. Elle a fait passer

certaines dispositions du Code de droit économique. Le même jour de publication, deux

arrêtés royaux sont passés (28 mars 2014-4 avril 2014). Celui du 28 mars 2014 prévoit

que le livre VI du Code de droit économique entre en vigueur le 31 mai 2014. Les

dispositions relatives à la procédure de l’action en cessation (livre XVII) entreraient en

vigueur aussi le 31 mai 2014. Celui du 4 avril 2014 prévoit que le livre XII (qui remplace

la loi de 2003 sur le commerce électronique) entrera en vigueur le 31 mai 2014. La loi du

28 mars 2014 sur l’action en responsabilité colective va, quant à elle, entrer en vigueur le

1er septembre 2014. D’autres dispositions issues du livre XVII, concernant cette action en

responsabilité collective, vont également entrer en vigueur le 4 septembre 2014.

E. Aspects procéduraux de l’action en cessation commerciale

Avant, il y avait certaines dispositions dans la loi procédurale et la loi « de fond ». Depuis

l’arrêt de 1939, on excluait la compétence du juge des cessations pour les actions relatives aux

droits de propriété intellectuelle. On a instauré cette exclusion de compétence dans la loi sur

les pratiques du commerce, ce qui a été vivement critiqué : on s’est rendu compte que cela

créait des situations discriminantes. Plusieurs actions ont été introduites, notamment devant la

Cour Constitutionnelle. On était arrivé à la conclusion que cette disposition avait une validité

plus que douteuse. On a introduit, dans la loi de 2010, une nouvelle disposition qui donne au

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président du tribunal de commerce une compétence de connaitre d’un acte de contrefaçon. En

règle, dorénavant, le président du tribunal de commerce est compétent tant pour l’atteinte à la

propriété intellectuelle que pour l’action en cessation commerciale. Toutefois, il n’a pas la

compétence d’ordonner la réparation.

L’article XVII.5 prévoit une prescription particulière

.

L’article XVII.6 décrit la procédure. Il prévoit que les voies de recours ne suspendent pas

l’exécution du jugement (« jugement exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans

caution »).

L’article XVII.7 du Code prévoit la liste des personnes qui peuvent intenter l’action

(« tout intéressé », « les ministres compétents », certains groupements professionnels,…).

L’article XVII.10 prévoit la règle particulière en matière de publicité : on introduit

toujours, à priori, l’action devant l’annonceur. Par cette règle, on introduit une espèce de

responsabilité en cascade dans le cas où l’annonceur n’est pas domicilié en Belgique.

Ex. : publicité pour Quick qui passe sur Pure FM, on introduit l’action contre Quick.

L’article XV.71 prévoit que l’action ne subit pas les conséquences du principe selon

lequel le pénal tient le civil en état.

3. Le régime de la publicité

A. Introduction

Le régime de la publicité ne fait l’objet d’aucune disposition précise. Autour des pratiques

publicitaires qui se développent entre 1934-1937 et 1971, se développe toute une

jurisprudence. En 1971, d’une certaine manière, on a codifié les règles admises

communément au regard du travail de la jurisprudence autour du standard de l’interdiction des

usages contraires en matière commerciale. Par la suite, cette règlementation (qui n’est que

partielle) va évoluer, principalement du fait de la législation européenne et de diverses

directives qui vont être prises.

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Aujourd’hui, on a plus, comme auparavant, une section bien définie sur la publicité.

L’article VI.17 concerne la publicité comparative et reprend l’ancien article 19 de la loi de

2010. Les articles 93 et svts, relatifs aux pratiques commerciales déloyales à l’égard des

consommateurs, vise notamment la publicité. La publicité tombe alors sous le champ du triple

régime énoncé plus haut (pratiques trompeuses-agressives-liste noire). Des dispositions

spécifiques relatives à la publicité entre entreprises sont contenues aux articles VI.105 à

VI.109. On suit, finalement, la logique des règlementations européennes qui consiste en un

découpage de la matière.

Il faut premièrement passer par une compréhension des concepts. Il faut se référer à

l’article I.8.13°. Il stipule que la publicité est toute communication ayant comme but

direct/indirect de promouvoir la vente de produits, quels que soient le lieu ou les moyens de

communications mis en œuvre. Il y a deux éléments prépondérants dans la notion de publicité.

pour qualifier une pratique de publicitaire, il faut la réunion d’un élément objectif (la

communication) et un élément subjectif (il faut que, par cette communication, on ait

l’intention de promouvoir directement/indirectement la vente de produits), étant entendu

qu’aujourd’hui le contexte dans lequel intervient cette communication transcendée par

l’intention de vendre le produit importe peu puisque la définition elle-même se veut neutre au

regard des techniques et médias que l’on peut utiliser. La communication, c’est tout acte qui

assume la transmission d’une information, quel que soit le moyen, le lieu,… En pratique, la

publicité se débusque dans toute situation de communication.

Il faut prouver l’intention de vendre. Celle-ci est parfois discutable, selon les cas. Il faut

partir du principe que l’on a, en cette matière, l’habitude de faire une interprétation assez

extensive de la notion de publicité. Le fait que ce soit de la publicité implique des charges, des

modalités de prestations, qui peuvent être considérées comme handicapantes, non-

commerciales par les prestataires.

La notion de publicité est devenue complètement indépendante de commercialité, de but

de lucre, etc. L’important, c’est qu’il y ait la réunion de ces deux éléments subjectif et

objectif.

La promotion du produit ne doit pas forcément viser une diffusion « auprès du public »

(marketing direct=processus et techniques mis en œuvre par les entreprises pour tenter de

cibler, de la manière la plus précise possible, le client potentiel à l’achat au regard du produit

en question). Peu importe le spectre des destinataires visés. Peu importe aussi que le public

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soit professionnel ou consommateur. Peu importe la qualité et la place du destinataire dans le

processus de production et de vente. La promotion indirecte suffit : il faut parfois se méfier

car la communication n’a pas nécessairement comme but de promouvoir le produit mais peut

avoir un effet indirect de promotion.

Ex. : la mention de l’existence d’un brevet sur l’emballage d’un produit ; derrière l’idée de

brevet, les destinataires professionnels comprendront que le producteur est le seul à fabriquer

le produit, ce qui a une incidence au niveau de l’achat.

Par publicité comparative, on entend toute publicité qui explicitement/implicitement

identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent (article VI.8.14°).

A la lecture des définitions, on constate que la publicité, au sens du livre VI, ne peut

émaner que d’une entreprise ; à priori, un consommateur qui communique sur une vente qu’il

ferait, à titre privé, n’est pas soumis au régime de la publicité. La publicité comparative ne

parle pas, à priori, d’entreprises. A partir du moment où elle se définit à l’égard des

concurrents, on peut supposer que l’on vise les entreprises.

B. Le régime des publicités comparatives (art.19 et 96, 2°, de la L.P.M.P.C)

La publicité comparative a toujours suscité des débats. Il est vrai que, selon le point de

vue duquel on se place, on peut défendre des opinions contraires quant à l’effet positif, ou

non, de la publicité comparative. Les entreprises et la législation européenne considèrent

qu’elle est positive pour le consommateur dès l’instant où il a la possibilité de comparer et

d’ainsi faire un choix plus éclairé dans sa décision d’acheter, ou non. Il est peut-être toutefois

illusoire de penser que le consommateur est dans une situation dans laquelle il peut vérifier ce

qui est dit dans la publicité comparative. Selon d’autres points de vue, ce serait donc mauvais

pour le consommateur qui se fait « balader » au gré des envies des annonceurs. En Belgique,

jusqu’en 1997, on avait interdit la publicité comparative, sauf exceptions. On a été obligé de

revoir sa copie suite à une directive de 1997 : il a fallu insérer un régime totalement inverse.

La notion de publicité comparative n’est pas des plus évidentes. C’est la condition

d’identification des concurrents qui pose problème. Il y a plusieurs cas de figure imaginables.

La situation la plus simple est la comparaison explicite (ex. : X dit qu’il est moins cher que Y).

Il n’y a rien d’illicite là-dedans, cela relève de la notion même de publicité comparative. Le

problème se pose dès lors que l’identification du produit concurrent/des entreprises

concurrentes se fait de manière implicite.

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Ex. : en 1983, Coca-Cola s’opposait à une publicité de Pepsi qui se fondait sur des résultats

de tests de dégustation (la majorité choisissait Pepsi). A l’époque, cette action était gagnée à

coup sûr car c’était le principe inverse de celui d’aujourd’hui. Le juge avait admis qu’il

s’agissait bien d’une publicité comparative car Coca-Cola avait 80% de parts du marché.

Lorsqu’on essaye d’identifier une publicité comparative, il ne faut jamais se mettre dans la

peau d’un concurrent, qui se sentira toujours menacé. Il faut se mettre dans la tête du

destinataire (consommateur/entreprise), ce qui a été confirmé par la Cour de cassation, dans

un arrêt du 29 avril 2004, ce qui ne nécessite pas cependant une identification directe de la

concurrence sans examen plus précis de la part du destinataire.

Une notion qui pose aussi problème est celle de concurrent. La condition de concurrence

n’est pas une condition d’intentement de l’action en matière de pratiques commerciales

déloyales. En matière de publicité comparative, néanmoins, on réintroduit la condition de

concurrence. Le concept de concurrent paraît imposer que la publicité fasse naitre, dans le

chef de son destinataire, l’impression qu’il existe un lien de concurrence entre l’annonceur et

l’entreprise cible de comparaison. Ce lien est généralement retenu lorsque, du point de vue du

destinataire de la publicité, les biens/services offerts par l’annonceur et celui visé par la

comparaison sont substituables.

CJCE, 19 avril 2007, C-381/05

En l’espèce, il s’agit d’une société belge (De Landtsheer S.A.) qui produit et commercialise

des bières sous la marque « Maheur ».En 2001, elle lance, sous la dénomination « Malheur

Brut Réserve » une bière dont le processus est inspiré de la méthode de production des vins

mousseux et utilise l’expression « champagne bier ». En mai 2002, le comité de défense des

vins de Champagne et Veuve Clicquot citent De Landtsheer devant le Tcomm de Nivelles,

aux fins d’interdire l’usage de la mention « champagne bier ». Par jugement du 26 juillet

2002, la société belge se fait condamner par le président du Tcomm de Nivelles, qui ne

donne que partiellement raison aux griefs des représentants de champagne. La société belge

fait appel et la Cour d’appel saisit la CJCE par le biais de questions préjudicielles (la

référence à un type de produit, de manière générale, suffit-elle à démontrer l’existence de

publicité comparative ?)

La Cour répond que le simple fait qu’il n’y ait qu’une référence globale à un type de produit

n’exclue pas l’application de la qualification de publicité comparative et du régime qui

l’accompagne, pour autant que le concurrent puisse y être identifié comme étant

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concrètement visé par la publicité. Peu importe que, via l’identification de produits, un grand

nombre d’entreprises puisse être identifiés. Quant à la condition de concurrence, la Cour dit

qu’il convient de mettre en place certains critères et d’envisager l’état actuel du marché ainsi

que les possibilités d’évolution dans le contexte de libre circulation des marchandises. Il faut

prendre en considération les possibilités d’offre sur l’ensemble du territoire et le fait que les

consommateurs ne vont pas forcément réagir tous de la même façon. Il faut prendre en

considération les caractéristiques concrètes du produit, qui induisent des habitudes de

consommation différentes.

En ce qui concerne le régime mis en place, il faut avoir égard à l’article VI.17 (ancien

article 19 de la LPMPC). On y trouve trois conditions :

- §1, 2° : la publicité comparative illicite doit comparer des biens/services répondant aux

mêmes besoins ou ayant le même objectif

- §1, 3° : la publicité doit comparer objectiver une/plusieurs caractéristiques essentielles,

pertinentes, vérifiables et représentatives des biens/services, dont le prix peut faire partie.

L’annonceur doit, malgré lui, faire preuve d’une certaine neutralité dans la manière dont il va

présenter la comparaison entre son propre produit/service et les produits/services des

concurrents. Le prix est un élément objectivable, il peut donc faire l’objet d’une comparaison.

- §1,6° : pour les biens ayant une appellation d’origine, la comparaison doit se rapporter dans

chaque cas à des biens ayant la même appellation. C’est à nouveau l’idée de caractère

substituable entre les produits.

Il y a également cinq interdictions « classiques » en termes de publicité (article VI.17,

§1). La publicité comparative ne peut :

- être trompeuse

- engendrer une confusion sur le marché entre l’annonceur et un concurrent ou entre les

marques, noms commerciaux ou autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et

d’un concurrent

- entrainer le discrédit ou le dénigrement des marques, des noms commerciaux ou autres

signes distinctifs, biens, services, activités ou situations d’un concurrent

- tirer indument profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à

d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de biens concurrents

- présenter un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un

service portant une marque ou un nom commercial protégés.

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17 septembre 2012

Il s’agissait d’une publicité dans le domaine de de l’électroménager de cuisine (friteuses

permettant une cuisson de frites avec quantité réduite d’huile). Dans le cadre de la campagne

publicitaire (internet, brochures, autocollants,…) consacrée par Philips pour sa friteuse « Air

Fryer » est né un litige entre les parties. Devant la présidente du Tcomm, la question se posait

de savoir si toutes ces mentions étaient correctes au regard du régime de publicité

comparative. Il y a eu plusieurs débats. La motivation de la présidente était assez poussée :

elle explique qu’il faut se mettre à la place du consommateur moyen face à la mention et la

publicité en question. Au niveau de la publicité comparative, son raisonnement est le

suivant : l’article VI.17 impose uniquement que la publicité compare objectivement une

caractéristique vérifiable et l’exigence d’objectivité n’empêche pas une comparaison

d’éléments subjectifs.Il revenait à Seb de démontrer que les études n’étaient pas fiables s’il

voulait s’attaquer au caractère objectif de la publicité.

C. Les publicités interdites entre entreprises

Il existe différentes types de publicités qui sont interdites. Le premier est la publicité

trompeuse (« est interdite toute publicité d'une entreprise qui, tous les éléments pris en

compte, d'une manière quelconque, y compris sa présentation ou l'omission d'informations,

induit en erreur ou est susceptible d'induire en erreur la personne à laquelle elle s'adresse ou

qu'elle touche »). On vise les publicités trompeuses tant par action (dire quelque chose de

faux) que par omission (ne pas dire quelque chose d’essentiel). On parle ici du destinataire de

la publicité, on ne fait plus référence au consommateur moyen. On interdit la tromperie sur les

caractéristiques des biens et services (leur disponibilité, leur nature, leur composition, leur

mode de fabrication,…), sur le prix ou le mode d’établissement ainsi que les conditions de

fournitures du bien/ de prestations du service, sur la nature, les qualités, les qualifications et

les droits dont fait état l’entreprise elle-même (il faut que la présentation erronée soit

susceptible d’affecter le comportement économique, ou porte préjudice/soit susceptible de

porter préjudice à une entreprise : on réintroduit la condition spécifique de préjudice de l’effet

de la tromperie). L’idée de tromperie se retrouve tant à l’égard des publicités « normales »

que comparatives.

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Un deuxième type de publicité interdite est la publicité dénigrante (article VI.105.2°). La

portée de cette interdiction n’est pas toujours aisée à comprendre. On est dans le cas d’une

publicité dénigrante dès l’instant où l’on peut percevoir, dans une communication, un élément

ou une allégation qui est de nature à porter atteinte au crédit ou à la réputation d’un opérateur

économique, de ses produits/services ou de son activité. Il n’est jamais évident de savoir

jusqu’où l’on peut aller (ex. : jusqu’où peut-on aller sous couvert de l’humour ?). Force est de

constater la sévérité avec laquelle les juges vont apprécier ces comportements. Il y a toutefois

des situations où le caractère dénigrant de la publicité est évident (ex. : envoyer une lettre aux

clients en stipulant que l’on a gagné haut la main un procès contre un concurrent).

A l’article VI.105.3°, on interdit toute publicité qui permet, sans motif légitime,

d’identifier une ou plusieurs entreprises. Cette disposition pose problème. Elle est ancienne et

faisait partie de l’arsenal juridique qui interdisait, par principe, les publicités comparatives.

Comment l’interpréter dès lors que l’on a vu que les publicités comparatives sont licites,

moyennant le respect de certaines conditions. Certains estiment que l’on ajoute une condition,

à savoir un intérêt légitime qu’il faudrait mettre en avant pour comparer. Pour rappel, la

publicité comparative n’a de sens qu’entre concurrents. Certains ont donc estimé que cette

disposition-ci ne vaut qu’entre entreprises non-concurrentes. Tout le problème réside dans

l’interprétation de « l’intérêt légitime ». On pourrait interpréter de manière limitative l’article

VI.105 pour donner son sens à l’article VI.17. Une certaine jurisprudence ainsi que le droit

européen tendent à interpréter cette notion au bénéfice des publicités comparatives.

Un autre type de comportement interdit est celui qui permet que la violation de ces

dispositions soit commise.

Cf. articles VI.106 et suivants pour les autres pratiques interdites.

D. Les publicités interdites envers les consommateurs

Cf. le système exposé plus haut (normes standards-publicités agressives/trompeuses-listes

noires).

Exemples :

- une publicité de Gaia pour le foie gras avait fait l’objet d’une plainte devant le jury

d’éthique publicitaire. Le plaignant souffrait de la maladie visée dans la publicité (stéatose

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non-alcoolique). Il se disait choqué par les termes de Gaia concernant le foie gras, mais

surtout parce que Gaia parle de foie malade pour pousser à l’achat de son produit et au rejet

des produits qui vendent du foie gras. Le plaignant est scientifique et ne peut accepter cette

manière de faire. On a donné raison au plaignant. En appel, les dispositions invoquées

étaient celles sur les pratiques commerciales déloyales trompeuses. Il y avait deux débats,

l’un sur le fait de savoir s’il n’y avait pas atteinte à la législation sur la protection des

animaux (rejeté), l’autre sur la mise en avant du fait que les animaux, dont le foie est vendu

dans l’alimentation, sont, en règle générale, soumis à expertise avant la mort et après

l’abattage, expertise réalisée par une vétérinaire professionnel. Sur cette base-là, le jury

d’éthique considéra que Gaia ne pouvait laisser entendre, peu importe ses raisons, aux

consommateurs qu’on leur sert le foie d’un animal malade car c’est contraire à la vérité

objective qui ressort de l’application des législations de protection de la chaine alimentaire.

E. Les règles spécifiques à l’utilisation de nouvelles technologies de l’information

comme outils publicitaires

Le secteur de la publicité s’est très vite et très tôt approprié les nouvelles technologies de

l’information pour les utiliser comme médias par lesquels il était facile de transmettre les

publicités qui, auparavant, suivaient les voies plus « traditionnelles » (voie postale, télé,

radio). La publicité sur internet permet de laisser des traces. Si l’on arrive à récupérer les

traces laissées par les internautes, il est possible, pour les publicitaires de « profiler », ce qui à

son tour permet de mettre en œuvre des campagnes de marketing direct bien plus efficaces

que les campagnes traditionnelles. Tout l’enjeu du marketing direct consiste à prévoir, à

l’avance, les goûts, tendances et besoins des consommateurs. Ce faisant, on met, très

rapidement, des techniques en place qui sont considérées comme attentatoires, intrusives. Dès

l’instant où tout message transmis sur internet suppose un envoi de données entre serveurs, il

suffirait de les unifier pour construire un profil autour de la personne du consommateur.

Aujourd’hui, les choses évoluent avec le phénomène des réseaux sociaux, avec un même but :

Facebook s’approprie tout ce que l’on fait sur le site. Bien qu’il ne vende pas ces

informations, il l’utilise pour faire du profilage, ce qui explique la « personnalisation » de

notre page d’actualité. Jusqu’à présent, le traçage de Facebook était centralisé dans le service

lui-même. Désormais, Facebook tente de prendre possession d’autres services pour nous

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traquer en dehors de sa « zone » (ex. : rachat d’applications). Tout cela fait partie d’une

stratégie liée à la publicité.

Sur internet, la publicité doit non seulement être, dès sa réception, identifiable comme

telle, ou à tout le moins, elle doit comporter en elle-même la mention « publicité » de manière

lisible, apparente et non-équivoque. En outre, la personne pour le compte de laquelle la

publicité est faite doit aussi être clairement identifiable. Enfin, la loi exige une identification

claire et en tant que telle des offres promotionnelles, concours et jeux. Les conditions pour

bénéficier des offres ou participer à ces concours doivent être aisément accessibles et

présentées de manière précise et non-équivoque.

La question de l’envoi de publicité non sollicitées par courrier électronique (spamming ou

pollupostage) est récurrente depuis que ce dernier s’est imposé comme le vecteur essentiel des

communications pour les entreprises. Il est assez normal que la technique du courrier

électronique soit utilisée aujourd’hui par des annonceurs en vue de la transmission de

publicités commerciales. En tant que telles, celles-ci sont soumises tant aux règles de droit

commun de la publicité qu’aux dispositions particulières de la loi e-commerce.

Il existe à ce propos des règlementations spécifiques. L’une est l’opt-in   : on ne peut

envoyer de la publicité qu’une fois obtenu le consentement du destinataire. Il y aussi la lutte

contre le spam lui-même, c’est-à-dire l’interdiction d’utiliser le courrier électronique comme

média publicitaire, sauf consentement.

Désormais, toute la matière se situe dans le livre XII consacré aux droits de l’économie

électronique. Avant, ces dispositions étaient insérées dans la loi du 11 mars 2003 sur le e-

commerce. Elle est en passe d’être abrogée puisque ces dispositions sont inclues dans le

Code.

Il faut aller lire les définitions sur la publicité, au sens du livre XII. Celle-ci se trouve à

l’article I.18.6°. La publicité vise toute forme de communication destinée à promouvoir

directement/indirectement des biens/services ou l’image d’une entreprise/organisation ou

d’une personne ayant une activité commerciale, industrielle ou artisanale ou exerçant une

activité règlementée. Cette définition est indépendante de toute technique utilisée sur le web,

ce qui permet d’inclure toutes les techniques nouvelles qui permettraient de jouer au rôle de

support à la communication en cause (fenêtres pop-ups, bannières, e-mails, redirection vers

d’autres sites,….). Au niveau du champ matériel, cette définition se veut le plus neutre. Il y a

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des exclusions à la notion de publicité, qui sont propres aux médias utilisés. Pour l’application

du livre XII, on exclut les informations permettant l’accès direct à l’activité de l’entreprise, de

l’organisation ou de la personne (ex. : une adresse de site, le fait d’introduire du contenu sur

un site) de même que les communications élaborées d’une manière indépendante, en

particulier, lorsqu’elles sont fournies sans contrepartie financière. Il faut savoir que tout accès

à internet est contractualisé. Il faut donc pouvoir limiter le champ d’application de ces

dispositions protectrices pour éviter que tout ne soi règlementé, ce qui contredit la liberté

d’exercice et d’expression (cette dernière prévaut sur ce type de média).

Ex. : si on envoie un lien hypertexte vers un site publicitaire, on peut tomber sous l’exclusion

dès l’instant où l’on n’est pas rémunéré pour référencer cette adresse.

Il y a deux catégories de règles : les unes sont spécifiques quant à l’identification des

personnes qui transmettent les messages publicitaires (article XII.12., les autres sont relatives

à la loyauté et la transparence. Dans le cas des offres promotionnelles (article XII.12.3°), on

souligne souvent le problème de l’accessibilité de ces conditions, de même que la possibilité

de conserver les conditions de souscription.

On voit que ce régime légal n’est pas abondant, pour la simple raison que tous les autres

régimes sont applicables sur internet aussi.

Il existe aussi un régime particulier relatif au spam (article XII.13). Il faut se rendre

compte que la disposition couvre un champ d’application matérielle assez large. A l’article

I.18.2°, on définit le courrier électronique par tout message sous forme de

texte/voix/son/image envoyé par un réseau de télécommunications, qui peut être stocké dans

le réseau ou dans le terminal du destinataire, jusqu’à ce que ce dernier le récupère. La pub par

sms, par exemple, entre dans le champ d’application du régime. Concernant les opérateurs

eux-mêmes, il y a des règles spécifiques mais nous n’entrerons pas dans le détail.

Par consentement libre et informé, on veut dire qu’il faut offrir une vraie information sur

les finalités publicitaires. En toutes hypothèses, à partir du moment où l’on joue avec l’opt-in,

il y a un droit d’opposition qui doit être reconnu. Il s’agit d’un droit à renoncer pour l’avenir à

ce que l’on continue à transmettre des messages publicitaires.

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4. De quelques pratiques règlementées

On vise ici des pratiques qui ne tombent pas sous le régime général abordé ci-dessus et qui

font l’objet d’une règlementation propre.

A. Les dispositions générales relatives aux contrats conclus avec des consommateurs

(art.40 à 44 de la L.P.M.P.C- article VI.37 à 44 du CDE)

Ces dispositions sont avant tout des règles relatives à la manière dont doivent être rédigées

les contrats (ex. : les clauses doivent être rédigées de manière et compréhensible), mais aussi

relatives à l’interprétation des contrats (inversion du principe de droit commun : en cas de

doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut). Il

y a des sanctions spécifiques qui sont également prévues. On prévoit aussi des règles

particulières applicables à des conventions spécifiques.

L’article VI.43, nouveau, prévoit que, sauf convention contraire, l’entreprise livre les

biens et en transfère la possession physique au consommateur sans retard mais au plus tard 30

jours après la conclusion du contrat. En cas de manquement à l’obligation de livraison au

moment convenu avec le consommateur, celui-ci peut enjoindre le fournisseur d’effectuer la

livraison dans un délai supplémentaire. Si le fournisseur n’exécute toujours pas son

obligation, le consommateur a droit de mettre fin unilatéralement au contrat. Il y a d’autres

cas où le consommateur peut mettre fin immédiatement au contrat, sans cette injonction,

principalement dans les cas où l’entreprise a refusé de livrer le bien ou lorsque le délai de

livraison est essentiel pour le consommateur.

B. La règlementation des clauses abusives (art.73 à 78 de la L.P.M.P.C)

§1 – Un champ d’application particulièrement large

§2 - La clause ou la condition abusive au sens de la L.P.M.P.C

§3 – Les sanctions

§4 – La Commission des clauses abusives (art.77 et 78)

C. Les ventes promotionnelles

D. Les offres conjointes ou jumelées

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II. La loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des

services de l’information (e-commerce)

Dans le titre I du livre XII, on retrouve l’ancienne loi sur l’e-commerce. De nos jours, il

est très difficile d’imaginer un monde sans internet et sans réseau. L’e-commerce de demain

se fera vraisemblablement via les smartphones. L’e-commerce n’est qu’une prise de contact

particulière ayant pour but de vendre : c’est l’utilisation des nouveaux médias pour offrir et

vendre ses services. Très tôt, le monde du commerce a compris toutes les possibilités et toutes

les opportunités en termes de développement économique qui apparaissaient au vu de

l’évolution des nouvelles technologies, et principalement d’internet.

Au niveau belge, on est un peu à la traîne en termes de commerce via mobile. Dans l’e-

commerce pur, on a eu du mal à décoller. La raison de ce retard est que l’on n’a pas de moyen

de payement pratique et adapté au système d’achat via mobile.

Dans les années 90, lorsque le phénomène « arrive », un optimisme considérable est

généra par la découverte des nouvelles technologies. Beaucoup d’entreprises pressentent la

révolution. Une « bulle internet » se crée rapidement et éclate au début des années 2000,

lorsqu’on se rend compte qu’il y a beaucoup de projets, mais peu d’acheteurs : les

consommateurs ne suivent pas. Les gens ont tout simplement peur de passer des actes

juridiques en ligne. Il y a une insécurité juridique nouvelle qui est assez grande, il y a de

nouveaux problèmes juridiques qui naissent autour de l’utilisation d’internet (ex. : le

problème de la preuve dont les règles sont tournées, à l’époque, vers l’exigence du papier).

On a également problème au regard du caractère international.

On est aussi face à une insécurité physique, voire psychologique de l’internaute qui se

méfie de l’outil car on se rend compte que son utilisation peut avoir des conséquences

dommageables pour ses biens (ex. : non-envoi ou envoi défectueux des produits commandés)

ou pour sa personne (ex. : nouvelles atteintes à sa vie privée – problématique du « droit à

l’oubli »).

C’est pour ces raisons que l’e-commerce a mis tant de temps à se développer.

L’Union Européenne prend très vite conscience du problème et va prendre les règles de la

règlementation en matière de commerce électronique et, de manière générale, en matière de

nouvelles technologies.

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Dès l’instant où l’on dispose des institutions européennes, on peut imaginer disposer de

règlementations applicables dans toute l’Union Européenne.

Dès le 8 juin 2000 (2000/31CE), l’Union Européenne prend une directive sur le

commerce électronique. En Belgique, elle est transposée par deux lois du 11 mars 2003 et

divers arrêtés royaux. Aujourd’hui, ces lois constituent le livre XII du CDE. Pourquoi deux

lois ? L’une concernait la procédure, l’autre concerne les règles particulières à respecter dans

la relation de commerce électronique. Cette dernière est assez dense et s’attaque à plusieurs

difficultés. On a imaginé un système où l’on va limiter les responsabilités des intermédiaires

(=ceux qui restent neutres par rapport à l’information qui transite par ses services, ex. : le

fournisseur d’accès à internet).

1. Articulation des textes applicables

Le problème de la règlementation du commerce électronique est que plusieurs types de

dispositions vont s’appliquer cumulativement (LPMPC + loi sur l’e-commerce). Dans le

livre VI, on trouve notamment des règles spécifiques portant sur les contrats à distance. Il

faudra donc les appliquer, en plus de la loi sur l’e-commerce.

Le livre VI ne concerne que les relations entre entreprises et consommateurs tandis que la

loi sur l’e-commerce protège les internautes dans leurs relations avec un prestataire de

service. Toute une série de protections prévues peuvent, avec l’accord du cocontractant, ne

pas être appliquées dans la relation dès l’instant où l’on est dans une relation entre entreprises.

On peut donc contractuellement déroger aux règles sur l’e-commerce si on n’est pas dans une

relation avec un consommateur.

Champ d’application Livre VI - LPMPC Livre XII – loi sur l’e-

commerce

Rationae personae Les consommateurs Les internautes

Rationae materiae Les relations entre

consommateurs et

entreprises, par tout moyen

de communication

Les relations entre

internautes et prestataires de

services, uniquement par

communication électronique

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A l’article I.8.15°, on définit la notion de contrat à distance comme « tout contrat

conclu entre l'entreprise et le consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou

de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée de l'entreprise et du

consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à

distance, jusqu'au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu ». La définition a

changé car la matière a été profondément modifiée par une directive de 2011, qui a été

implémentée dans le nouveau code.

Ex. : on est contacté par téléphone et la convention se conclut par le transfert d’un document

écrit on n’est pas dans un contrat à distance, même si tout le processus de négociation

s’est fait par une technique de vente à distance.

Dans le livre VI, peu importe le moyen utilisé. En ce qui concerne le livre XII, il faut

nécessairement l’utilisation d’un moyen électronique.

Il y a plusieurs types de règles prévues pour les contrats conclus en ligne. On prévoit,

d’une part, des obligations d’information, et, d’autre part, des obligations spécifiques qui

accompagnent la conclusion du contrat.

2. Les obligations d’information préalables à la commande

- Articles VI.45 et XII.6 du CDE

Pour assurer la transparence et la sécurité juridique, les prestataires de services sont

obligés de fournir une information préalable aux possibles destinataires de leurs services. ces

informations sont relatives aux prestataires eux-mêmes, aux biens et services mis sur le

marché, ainsi qu’aux prix.

A la lecture de ces articles, on voit que l’on va loin dans le type d’informations à donner à

l’internaute, encore plus lorsqu’il s’agit d’un consommateur.

L’article XII.6 concerne les informations avant commande. Ces informations vont

souvent apparaitre sur un hyperlien mis sur chaque page du site. L’important est de pouvoir

permettre au consommateur de conserver les informations. Les informations visées à l’article

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VI.45, alinéa 1er, concerne les informations qui doivent être fournies avant la conclusion du

contrat à distance.

Des sanctions spécifiques sont attachées à la violation de certaines obligations

d’information (ex. : être dispensé de certains frais voire ne pas être lié par le contrat si

l’entreprise n’a pas respecté ces exigences d’information).

Les nouvelles règles introduites dans le livre VI tiennent parfois compte du type de

technologie utilisée, car il y a parfois des contraintes de temps, d’espace. Dans ce cas-là, le

législateur prévoit de faire une distinction entre les informations essentielles devant être

transmises et les informations portant sur d’autres éléments qui ne doivent pas être transmises

au moment de la passation du contrat.

Ex. : on demande l’adresse e-mail et on enverra, par la suite, les informations qui n’ont pu

être transmises lors de la conclusion du contrat via le smartphone.

3. Les obligations spécifiques en cas de commande

/

4. Règles spécifiques à la conclusion du contrat

Obligation de mettre en place des dispositifs techniques d’identification et de correction des

erreurs de saisie ( article XII.8 )

Cette disposition est propre aux moyens électroniques. L’idée est qu’il faut éviter que

les gens ne concluent des conventions par erreur. Dans les relations entre professionnels, on

peut déroger à la mise en place de ces moyens, pour autant que cela ait été conclu

contractuellement.

Obligation d’accuser réception de la commande ( article XII.9 )

Cet accusé de réception doit être adressé au client sans délai, et par voie électronique.

Cela sert aussi à conserver la preuve de la commande telle qu’elle a été comprise par le

prestataire de service.

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Obligation de confirmation ( article VI.45, §7 )

On vise des informations sur la commande, ainsi que des informations spécifiques

(voy. notamment l’article VI.45, §1er). Cette confirmation doit avoir lieu sur un support

durable (article I.8.19° : tout instrument permettant au consommateur ou à l'entreprise de

stocker des informations qui lui sont adressées personnellement d'une manière permettant de

s'y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les

informations sont destinées et qui permet la reproduction à l'identique des informations

stockées).

La mise en œuvre du droit de rétractation ( article VI.47 )

Le consommateur dispose d’un délai de 14 jours pour renoncer au contrat conclu. Si

l’information préalable sur l’existence du droit de rétractation, celui-ci peut s’exercer pendant

un délai prolongé de 3 mois. C’est un droit discrétionnaire, le consommateur n’a pas à se

justifier. L’idée est de limiter l’achat compulsif. Il y a des règles particulières pour calculer le

point de départ du délai :

- pour les contrats de vente de biens : le délai commence à courir à partir du moment où l’on a

pu prendre possession du bien.

- pour les contrats de vente de services : le délai commence à courir à partir du jour de la

conclusion du contrat.

Si le consommateur décide d’user de son droit de rétractation, il est tenu d’en informer

l’entreprise avant l’expiration du délai. On trouve, dans la loi, un formulaire standard de

rétractation (annexe 2 du livre VI). Si l’on n’utilise pas ce formulaire, il faut à tout le moins

que la déclaration soit dénuée d’ambiguïté.

En cas d’exercice du droit de rétractation, l’entreprise doit rembourser dans les 14

jours de la réception de l’information du consommateur qui lui indique sa volonté d’exercer

son droit de rétractation (article VI.50, §1er). Les seuls frais restant à charge du

consommateur sont les frais de renvoi, mais des règles lui permettent d’y échapper si certaines

informations n’ont pas été données.

Le consommateur est aussi tenu de renvoyer le bien sans retard excessif, au plus tard

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14 jours suivant la communication de sa décision de se rétracter du contrat. Le Code va

jusqu’à expliquer ce que l’on peut faire avec le bien préalablement à la mise en œuvre du droit

de rétractation. Une règle particulière permet de différer le remboursement, pour tenter

d’éviter l’exercice excessif du droit de rétractation.

Il y a des exceptions au droit de rétractation (article VI.53).

5. Le régime de la preuve

C’est le prestataire de service qui a la charge de la preuve du respect des obligations

imposées par la loi. C’est pratiquement une obligation d’archivage.

Souvent, l’écrit était une condition de validité du contrat, au-delà de la problématique de

la preuve. Ce type d’obligation posait problème dans les transactions passées en ligne. Ce

formalisme rendait impossible la passation de certains contrats. Il a fallu imaginer des règles

permettant d’obvier à ce problème. Certaines dispositions ont précisément cet objet. Elles sont

de deux types : une règle générale (article XII.15, §1er : lorsqu’on est confronté à une

exigence de forme dans le « monde réel », il faut identifier les exigences fonctionnelles), l’au

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