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SAMANTHAYOUNG
FountainBridge
Traduitdel’anglais(Écosse)parBenjaminKuntzer
YoungSamantha
FountainBridgeMaisond’édition:J’ailu
Traduitdel’anglais(Écosse)parBenjaminKuntzer
©SamanthaYoung,2013Pourlatraductionfrançaise©ÉditionsJ’ailu,2015Dépôtlégal:juin2015
ISBNnumérique:9782290105603ISBNdupdfweb:9782290105597
Lelivreaétéimprimésouslesréférences:
CompositionnumériqueréaliséeparFacompo
Présentationdel’éditeur:PourEllieCarmichael,ç’atoujoursétécommeuneévidence:AdamSutherland,lemeilleuramidesongrandfrèreBraden,étaitl’hommedesavie.Incroyablementsexy…maisunpoilhyperprotecteur.D’ailleurs,Adamneluiapasrenduleschosesfacilesàl’adolescence,lorsqueEllieavaitsespremiers«rencards».Sasévéritéétait-elleunepreuved’affectionoucarrémentcelled’uneattiranceirrémédiablequ’iléprouvaitpourelle?TroismoisaprèsavoiremménagéavecAdam,Ellie seplongedans les journaux intimesqu’ellea rédigésdesannéesdurant.Descarnetsdans lesquelsellea toutracontédanslesmoindresdétails, etquirelatentledébutd’unehistoired’amouravecceluiqu’elledésiraitdepuissilongtemps…
Biographiedel’auteur:Diplôméed’histoiremédiévaleàl’universitéd’Édimbourg,SamanthaYoungestl’auteurd’unedizainedelivres.Curieuse,passionnée,éclectique,elles’adonneàplusieursgenresderomance.SeslivresDublinStreet, LondonRoadetJamaicaLanesontdesbest-sellers.
Couverture:NicholasEveleigh©GettyImages
©SamanthaYoung,2013
Pourlatraductionfrançaise©ÉditionsJ’ailu,2015
DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu
Semi-poche
DublinStreetLondonRoadJamaicaLane
Sommaire
Couverture
TitreCopyright
Biographiedel’auteur
DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu
Chapitre1
Chapitre2
Chapitre3
Chapitre4
Chapitre5
Chapitre6
Chapitre7
Chapitre8
Chapitre9
1
C’est toujours lamêmechose,quandonchercheunmachinaumilieud’un tasdemachins : lemachin que l’on veut se trouve toujours en bas de la pile. Je laissai finalement tomber le derniercartondel’autrecôtédelapièceetessuyailasueurquicoulaitsurmonfront.
Quandj’avaisemménagéavecAdamtroismoisplustôt,jeluiavaispromisdetriersousquinzejours toutes les vieilleries que j’avais empilées dans sa chambre d’amis.Malheureusement, j’avaismanqué àma parole et n’avais pas hésité àme retrancher derrièremon opération pour éviter lesremontrances qui auraient dû pleuvoir.Huitmois plus tôt, onm’avait diagnostiqué une tumeur aucerveau,certesbénignemaisnonmoinsterrifiante.Cettedécouverten’avaitpasseulementtraumatisémafamilleetmesamis,ycomprisJoss:elleavaitégalementfaitofficedecoupdepiedauxfessesàAdam, qui avait fini par reconnaître être amoureux demoi.Depuis, nous n’avions quasiment pluspasséunejournéel’unsansl’autre.Mêmesinotrerelationavaitévolué,nousrestionsnous,etAdams’efforçait de ne pasme traiter comme si j’étais en sucre.Toutefois, j’avais constaté qu’il fermaitdésormaislesyeuxsurcertaineschosesqu’iln’auraitjamaislaissépasserauparavant–parexemple,en m’autorisant à encombrer son duplex chic et impeccable avec tout mon bazar ; j’ignoraiscependantsic’étaitàcausedelatrouillequ’ilavaiteueouparcequenousétionsdésormaisencoupleetqu’ilfallaitbienfairequelquesconcessions.
Jem’attaquaiauderniercartonavecungrognementtriomphantetdéchirailescotchd’emballage.Ce que je cherchais se trouvait à l’intérieur. Je souris. J’étais déjà en train de décharger tousmesvieuxjournauxintimessurleparquetd’Adamquandjemerendiscomptequ’ilsrisquaientdelerayer.Grimaçant,jefisunepetitedanseidiote,commesicelapouvaitpermettred’adoucirl’impact.
Celaneservitàrien.Jem’agenouillaipour ramassermescarnets et traquer lamoindregriffure. Il n’yenavaitpas.
Dieumerci.Adamétait architecte.Ce qui signifiait qu’il tenait à ce que son intérieur soit tel qu’ill’entendait ; en l’occurrence, parfait. D’autant plus que l’intérieur en question lui avait coûté unefortune.Lesplanchersenboismassifenétaientlapreuve.Adamavaitdéjàchangésonmodedeviepourmoi,effectuantunvirageàcentquatre-vingtsdegréspourpasserdudragueurinvétéréaupetitamidévoué;ducélibatairepropriétairefierdesonespaceimmaculéaucompagnongagalaissantsapetite amie délurée et décidément trop romantique joncher son magnifique duplex de bibelotsinsolitesqu’elledénichaitdansdesendroitsinsensés.
Ilm’avait littéralementautoriséeà laissermonempreintedanschaquepièce;endommagersonjoliparquetn’étaitdoncpas lemeilleurmoyende le remercier. J’embrassai leboutdemesdoigtsavantdelesapposersurleslattesenguised’excuse.
—Els,c’étaitquoi,cebruit?Çava?
Lavoixpuissanted’Adamretentissaitdepuis l’autreboutducouloir. Il étaitdans sonbureau,àtravaillersurlederniercontratqueBradenetluiavaientdécroché.
— Oui, oui, répondis-je en passant mes journaux en revue pour m’assurer de les avoir tousrécupérés.
J’étaistellementconcentréesurmatâchequejenel’entendismêmepasarriver.—Qu’est-cequetufabriques?Ilavaitparléjusteau-dessusdematêteetjesursautaidesurprise,perdantl’équilibre.Ilétouffaunricanementetjelevailesyeuxverslui.—Jevaistemettreuneclocheautourducou.Adam ne répondit pas et s’accroupit pour examiner mes carnets. Comme chaque fois que je
l’observais,monventresenoualégèrementetmapeausemitàpicoter.Avecsonépaissechevelurebrune et son corps de rêve, façonné à force de séances de musculation quotidiennes, Adam étaitvraimentunbelhomme–etdevenait carrément irrésistibledèsqu’il ouvrait labouche. Il avait unsourirepleindemaliceetdesyeuxmarronfoncépétillantsd’intelligencequis’illuminaientquandlaconversation lui plaisait ; enfin, son timbre riche semblait directement relié aux zones érogènesféminines.Ilplantasonregardincroyabledanslemien.
—Ilyalongtempsquejenet’aiplusvuetepromeneravec.—Avecmescarnets?(J’opinai,m’efforçantdelesclasserparordrechronologique.)J’aiarrêté
d’écrire.—Pourquoi?—J’aiarrêtéquandons’estmisensemble.Jenevoyaisplusl’intérêtdecontinueràlesnoircir,
alorsqu’ilsmeservaientsimplementd’exutoirepourexprimermessentimentsàtonégard.Seslèvress’ourlèrentauxcommissures.— Mon amour, murmura-t-il avant de remonter une courte mèche de cheveux derrière mon
oreille.Jefronçailessourcilsenmerappelantquejen’avaisplusmalonguetoisonblonde.J’adoraisma
chevelure, etAdamaussi.Mais les chirurgiens avaient dû en raser une partie pour accéder àmoncerveau.J’avaisd’abordtentédecamouflerlazoneavecunfoulard,quej’avaisremiséauplacarddèsquemescheveuxavaientcommencéàrepousser,melaissantconvaincreparmamèred’adopterunecoupe«chicàlagarçonne».
J’étaissortiehorrifiéedusalondecoiffureetnem’étaislégèrementdétenduequelorsqueAdamm’avait affirmé qu’il me trouvait particulièrement mignonne et sexy. Et Joss avait achevé de merassérénerenmerappelantquetoutvalaitmieuxqu’unetumeur.
Elle avait raison. Si cet événement m’avait appris une chose, c’était à ne plus me faireune montagne de n’importe quoi. Ce qui n’accélérait malheureusement pas la repousse. À cetteépoque,jelesavaisencoreàpeineaumenton.
—Danscecas,pourquoitulescherchais?medemandaAdamenenramassantun,qu’ilsemitàfeuilleterd’unairdistrait.
Celam’étaitégal.J’étaisd’unnaturelassezouvert,surtoutavecAdam.Jen’avaispashontedecequej’avaisécrit.Etilsavaitdéjàtoutdemespensées.
—PourJoss,répliquai-jejoyeusement,toutélectriséeparl’idée.Laveilleau soir, JossetmoipapotionschezBradenet elle–dansmonancienappartementde
DublinStreet–,quandellem’avaitannoncéquesonmanuscritprogressaitbien.Auteur,denationalitéaméricaine,JossétaitvenueàÉdimbourgpouréchapperàsonpassé tragique.Sonhistoirem’avaitbrisélecœur.Alorsqu’ellen’avaitquequatorzeans,elleavaitperdutoutesafamilledansunaccident
devoiture.Jenepouvaispasm’imaginercequ’elleavaitdûressentir.Jesavaissimplementquecelal’avaitprofondémentmarquée.
Jel’avaistoutdesuiteappréciéequandelleétaitvenuechezmoipourseprésenter,àl’époqueoùje cherchais une colocataire ; je m’étais cependant aussitôt rendu compte qu’elle souffraitprofondémentetj’avaisdécidéd’essayerdelasoutenir.Elleétaitplutôtsecrète,maisdepuisqu’elleavaitcommencéàsortiravecmongrandfrèreBraden, j’avaispuobserversa lentemétamorphose.ElledisaitqueBradenetmoiavionstousdeuxcontribuéàlafairechanger,maisilétaitleprincipalartisandecetteréussite.Ill’avaittantaidéequ’elleavaitfiniparentreprendrel’écritured’unromans’inspirant de l’histoire de ses parents. C’était un immense pas en avant pour elle, et ellem’avaitavouéêtresurprised’apprécierautantl’exercice.Celam’avaitdonnéuneidéepoursonlivresuivant.
—Pourquoi,«pourJoss»?s’étonnaAdam.—Parcequ’à l’intérieur, ilya toutenotrehistoire. (Je luisouris.)Etqueçaferaitunexcellent
récitd’amour.J’espèrequ’elles’enservirapoursaprochaineromance.Pouruneraisonoupouruneautre,Adamsemblaitsurlepointd’éclaterderire.—Saprochaineromance?—Benoui,prochaine.Cellequisuitlaprécédente,quoi.L’histoiredesesparentsenestune.—N’empêche, je doute que Joss se qualifie d’auteur de sentimental.Àvrai dire, je l’aimême
entendues’endéfendre.—Moiaussi.Jerangeaimontoutpremier journaldans lecarton.Jossn’allaitpasen tirergrand-chose,étant
donné que j’avais sept ans quand j’avais griffonné à l’intérieur. Je parlais surtout demes poupéesBarbieetSindyetdu faitque,cettedernièreayant lespiedsplats, ellenepouvaitpaséchanger seschaussuresaveccellesdesacopine.Celamerendaitdingue.
—Maisjetrouvequecettedameprotestebeaucouptrop.Queçaluiplaiseounon,elleécritdesromances. Je lapoussedanscesens,etavec tous lesdramesauxquelselleassiste,ceseraitbien lediablesiellenepersistaitpasdanscettevoie.
Ilgloussa,tenanttoujoursl’undemescarnetsouvertentresesmains.—Etdonc,tuasécritsurmoidanschacund’eux?demanda-t-ilenparcourantlespages.Oui,eneffet.J’avaiseuungroscoupdecœurpourAdamdèsl’âgededixans;ilenavaitalors
dix-sept.Cettetoquades’étaitaffirméeàmesquatorzeans,etn’avaitcessédepuis.Jebalançaiunautrejournald’enfancedanslecartonetmesaisisdusuivantsurlapile.
—Jet’aimedepuistrèslongtemps,moncher,murmurai-je.—J’aimeraisbienleslire,répliqua-t-ildoucement.La solennité de son tonme fit relever la tête.Ses yeux scintillaient, remplis d’une tendresse et
d’uneémotionquimecoupaientchaquefoislesouffle.—J’aimetout,cheztoi.Mêmeleschosesquej’aimanquéessanslesavoir.Ilfaisaitréférenceaufaitqu’ilavaitpasséunebonnepartiedesonexistenceànepassedouterun
seulinstantdemessentimentspourlui.Jeme sentis fondre. J’étais particulièrement fleur bleue, etmême si cela en aurait surpris plus
d’un,Adams’attachaitàcomblermonbesoinderomantismeavecundévouementquimetransportaitdejoie.Ilsavaittrouverlesmotspourmebouleverser…etcelam’excitaittellementquec’étaittoutbénefpourlui.
Je lui adressai un sourire tendre avant de me pencher de nouveau sur les journaux jusqu’àretrouverceluiquejecherchais.Enlefeuilletant, je tombaisur l’extraitquejevoulais luimontrer.Jeluitendislecarnetenluiindiquantlepassagedudoigt.
—Tiens,commenceparici.J’avaisquatorzeans.Adamhaussaunsourcil–sansdouteàl’idéededécouvrirmesétatsd’âmed’adolescente–,puis
mepritlejournaldesmains.Jesavaisexactementcequ’ilallaitylire.Jem’ensouvenaiscommesic’étaithier.
Lundi9marsJeviensdevivreunejournéetrèsbizarre.Toutapourtantcommencécommen’importequelautre
jour. Quand je me suis levée, Clark était en retard pour aller au travail, et j’ai dû me chargerd’Hannahcarmamans’occupaitdeDeclan.J’aiessayédeprendremonpetitdéjtoutenluidonnantlesien,etducoupj’aidûchangerdechemised’uniformeparcequeHannahpensequeleporridge,c’estjustefaitpourdécorer.Malheureusement,cen’étaitpasledernierincidentdelajournée.Quandj’airejointAllieetJunedevantl’école,j’aitoutdesuitesuquequelquechosedéconnait…
Dèsque la clochedudéjeuner sonna, jemeprécipitaihorsdemaclassed’espagnol commesij’avaisleschiensdel’enferauxtrousses.Jem’efforçaisderéprimermespleurs.J’essayaisvraimenttrèsfort,parcequejenevoulaispasquel’undecesimbécilessachequ’ilsm’avaientblessée,maisdèsquejefranchislesportesdel’école,lesvanness’ouvrirenttoutesgrandes.
Ceschuchotements,cesinjures…C’étaithorrible.Çanem’étaitencorejamaisarrivé.Pasdecettemanière.Généralement,lesgensm’aimaientplutôtbien.J’étaissympa!Jen’étaispas…jen’étaispasune«salope».
Mes larmes redoublèrentquand lesgarçonsde laclassedudessussemoquèrentdemoienmevoyantdétaler.Lesmainstremblantes,jesortisletéléphonequeBradenm’avaitoffertpourNoëletappelaimongrandfrère.
—Els,toutvabien?Dèsquej’entendissavoix,denouveauxsanglotsm’échappèrent.—Ellie?(Soninquiétudenefaisaitpaslemoindredoute.)Ellie,qu’est-cequisepasse?—Bri…(Jetentaideneplusbégayerentremeslarmes.)Brian…(Meseffortsn’étaientpastous
récompensés.)Fairmont…I-ilestencinquièmeannée,eti-iladitàtoutlemondequ’ilavaitc-couchéavecmoiàlaf-fêted’anniversaired’Alliesamedisoir.
Jem’arrêtaipourmetapircontreuneclôture,maintenantquej’étaisassezloindel’écoleprivéerelativementcoûteuseàlaquellemonpèreabsentéistem’inscrivaitchaqueannée.Jen’avaisquevingtminutes de marche depuis la maison de mes parents sur St. Bernard’s Crescent, et j’hésitaissérieusementàsécherl’après-midipourmeterrerchezmoi.
—Quelpetitmerdeux.LacolèredeBradenrésonnajusquedansmamain.—Ilsmetraitenttousdeputeetdesalope,etilschuchotententreeuxensemoquantdemoi.Et
maintenant,Junenemeparleplus.—Bordel,maispourquoi?—Parcequ’elleenpincepourBrian. Jen’aimêmepas…Braden…Je luiaidit,genre,quatre
motssamedisoir.Ilm’ademandédel’embrasser,etjeluiairépondu:«Danstesrêves,ouais.»—Est-cequequelqu’und’autret’aentenduluidireça?—Ouais,ilyavaitsescopains.Jereniflai.—Etdonc,tuasrefusélesavancesdecepetitvicieuxetilalancéunerumeur.(Bradenjurade
nouveaudanssabarbe.)Bon,oùes-tu,là?
—Jerentreàlamaison.Jenetiendraipastroisheuresdeplus.—Ma puce, tu ne peux pas revenirmaintenant. Ils n’aiment pas trop les gens qui sèchent les
cours,danstonécole.Retournem’attendredevantl’entrée.Jevaisréglerça.Rienqu’àl’entendre,jedevinaiqueBrianFairmontallaitdécouvrirqu’onn’embêtaitpaslapetite
sœurdeBradenCarmichael.Jerangeaimontéléphoneetm’essuyailevisage,pourunefoissoulagéequemamanrefusedeme
laissermemaquilleravantmesquinzeans.Etmêmealors,jen’auraisdroitqu’àdumascaraetàdel’anticerne ;pour le fondde teint–etencoreplus le rougeà lèvres–, j’allaisdevoirattendremesseizeans.
Mescopineslatrouvaientbizarre.Jeme sentais déjàmieux, de savoir queBraden allait voler àma rescousse.Mon grand frère
n’était en réalité quemon demi-frère.Nous avions lemême père,DouglasCarmichael. Papa étaitquelqu’unàÉdimbourg.Ilpossédaituneentreprised’immobilier,plusieursrestaurantsainsiquedesappartementsàlouer.Ilétaitpleinauxas,ets’ilaccordaitdutempsàBraden,ilsemblaitestimerquedépenser de grosses sommes d’argent pour moi suffisait à compenser le fait qu’il me négligeaitdepuis mon arrivée sur cette planète. Et son manque d’intérêt me faisait souffrir. Énormément.Heureusement, j’avais Braden, qui avait aidémaman àm’élever. Et puis, il y avait Clark.Mamanl’avait épousé cinq années plus tôt, et depuis qu’il était entré dans sa vie, il n’avait jamais cachévouloirdevenirmonvéritablepapa.Etill’était,bienplusqueDouglasCarmichaelneleseraitjamais.
Je me demandais parfois comment Braden et moi pouvions être issus d’un père pareil. Nousétionstousdeuxtropgentilspourêtresesenfants.PrenezBraden:aprèsavoirsoigneusementévitédetravaillerpourlui,ilavaitsoudaindécidéquelquesannéesplustôtdejouerunrôledansl’«empire»Carmichael;depuis,ilsetuaitàlatâchepourrendreDouglasheureux.
Non content de bosser comme un dingue, Braden était en outre complètement absorbé par sapetiteamiede l’époque,Analise,uneétudianteaustraliennequ’il fréquentaitdepuispeu. Il semblaitvraiment beaucoup l’aimer. Pourtant, il se débrouillait toujours pour me consacrer du temps. Ouplutôt,pourmetirerd’horriblessituations,commecellequejesubissaisjustementàl’école.
—Ellie.C’était une voix familière. Et pas celle que jem’attendais à entendre. Une portière de voiture
claqua à l’instant où je tournais la tête. J’écarquillai les yeux en voyant AdamGerard Sutherlandcontourner sa Fiat vieille de six ans – une automobile qui, selon Braden, plombait les financesd’Adam,carcelui-ciétudiaitàlafacd’Édimbourgetquesegarerenvilleestunvéritableenfer.
Je craquais un peu surAdamdepuismes dix ans, j’étais donc considérablementmortifiée queBraden l’aitenvoyémetirerdecemauvaispas.Mêmesicelan’auraitpasdûmesurprendre : tousdeuxsepartageaientlerôledeprotecteurdepuisquej’étaistoutepetite.
—Adam…Jeblêmisetveillaiàm’essuyerlevisagepourm’assurerqu’ilnerestaitpasquelqueslarmes.À sa façon deme dévisager en serrant les dents, je compris que cela n’avait rien arrangé : je
devaisavoirlesyeuxtoutrougesetgonflés.—Bradens’excuse,ilauneréunionàlaquelleilnepeutpaséchapper,dit-ilens’approchant.Ilportaituntee-shirtimmaculéetparfaitementrepassé,ainsiqu’unjeandélavé.Adamétaitbien
pluspropresurluiquelamoyennedesétudiants.Mêmesavieilleguimbardeétaitnickelàl’intérieur.—Ilm’atéléphoné.J’aimonaprès-mididelibre.Viensici,mapuce.Sansme laisser le temps de réagir, ilme prit dans ses bras et jeme plaquai automatiquement
contresapoitrineenessayantdenepasrecommenceràpleurer.
—Alors,oùestcepetitmerdeux?Jem’écartailégèrement,soudaininquiètedelevoirsiouvertementfurieux.—Qu’est-cequetuvasfaire?—Ilaquinzeans?—Seize.—Seize.(Ileutunemouedédaigneuse.)Jenepeuxdécemmentpasluicasserlagueule,maisje
peuxluifoutrelatrouilledesavie.BradenetAdam juraientbeaucoup, etne seprivaientpasde le fairedevantmoi.Mamanserait
furieusededécouvrircombienilslefaisaient.Heureusementpoureux,onm’avaitinculquédepuislanaissancequ’onneproféraitpasdejuronsdevantÉlodieNichols,etjenerépétaisdoncjamaisàlamaison les grossièretés que Braden et Adam m’apprenaient. Mais pour être tout à fait honnête,j’entendaisbienpireàl’école.Pasplustardquecejour-là,d’ailleurs,oùlesinsultesétaientdirigéescontremoi.
Denouveau,leslarmesmemontèrentauxyeux.Adams’enrenditcompteetilplissalespaupières.—Els,oùilest?Jepoussaiunlongsoupir.—Del’autrecôtédubâtiment,derrièrelacantine.—D’accord.Adamfranchitleportaildel’écoleàgrandspasetjem’empressaiàsasuite,feignantdenepas
remarquerlesregardscurieuxdemescamaradesetleschuchotementsexcitésqu’ilséchangeaientencomprenantqu’ilétaitlàpourmedéfendreetqu’ilallaitsepasserquelquechose.
Je rougis néanmoins d’embarras, et mon cœur s’emballa en imaginant le châtiment qu’AdamréservaitàBrianpourm’avoirfaitpasserlapirematinéedemavied’élève.
Quand nous arrivâmes à l’angle du bâtiment, Adam s’arrêta et considéra un regroupement degrands. Les quatrième et cinquième années se retournèrent un à un vers nous, ouvrant des yeuxstupéfaitsenmevoyantainsiaccompagnée.
—C’estlequel?medemandaAdamd’untonneutre.—Celuiquialeblazernouéautourdelataille.—Legrandblondaveclabouteilledejusdefruits?Celuiquial’aird’uncon?—Oui,c’estça.— Espèce de petit… grogna-t-il en se dirigeant vers Brian, qui lâcha sa boisson et serra les
poings.SescopainslebousculèrentducoudeetilsepréparaàaffronterAdam.Ilétaitblême.Adamvintseposterjustedevantlui.Ilbaissalatêtepourleregarderdanslesyeux,etcequ’illui
racontalaissalesautresélèvespantois.—Alors?demandasoudainAdamd’unevoixforte.Brianmarmonnaquelquechose.—Plusfort,espècedepetitenfoirédementeur.— Je n’ai pas couché avec elle ! s’écria-t-il. Je ne l’ai pas touchée… (Il se tourna vers moi,
semblantm’implorer du regard de rappelermon chien de garde.) Je suis désolé ! ajouta-t-il. J’aimenti,j’avoue!
Un murmure dans la foule attira mon attention vers la cantine ; mon ventre se noua quandj’aperçusM.Mitchell,quifusillaitAdamdesyeux.Cedernierdutsentirlepoidsdesonregard,carilsetournaverslui.Ilnes’écartapasdeBrianpourautant.
—Qui êtes-vous ? s’enquitM.Mitchell d’un ton belliqueux tout en s’approchant de lui à viveallure.Vousn’avezrienàfairedansl’enceintedel’école.
—Je suis justevenupour avoirunepetite conversationavecM.Fairmont ici présent.Tout estrentrédansl’ordre.
Adamhaussa les épaules, comme s’il n’était pasun jeunehommedevingt et un ansvenantdemenacerunadolescentdeseize.
—Brian,est-cequeçava?—Euh,oui,monsieurMitchell.Brianreculad’unpas,serapprochantdelaprésencerassuranteduprofesseurdegéographie.—Adam!l’appelai-je.Je voulais qu’il parte avant de s’attirer des ennuis. Ma voix contraria l’enseignant, qui se
rembrunit.—MademoiselleCarmichael,voussavezpertinemmentquelesvisiteurssontinterditsdurantles
heuresdeclasse.—Pardon,monsieurMitchell.—Detoutefaçon,j’allaispartir.AdamadressaàBrianundernierregardmenaçant,puisiltournalestalonsetrevintversmoien
prenant tout son temps. Il ne supportait pas qu’on lui donne des ordres. Puis il me passa un brasautourducouetmeforçaàleraccompagnerjusqu’auportail.Nulnepipamotennousvoyantpasser.Tous me contemplaient comme si j’étais particulièrement cool. Enfin, c’était forcément le cas,puisqueAdamSutherlandmetenaitparlesépaulesets’étaitpointéàl’écolepourforcerBrianàdirelavérité.
Adammesurpritàsourire.Enentendantsonrire,jemesentistoutechose.—Çavamieux?medemanda-t-ilàl’entréedel’école.—Oui.Merci.—Qu’est-cequetufoutaisàunefêteunsamedisoir?Jefronçailessourcilsfaceàsonattitudepaternaliste.—J’aiquatorzeans,Adam.C’étaitl’anniversaired’unecopine.Etpuis,jenepouvaispassavoir
qu’ilyauraitdesgrands.Ilhochalatête.—Faisattentionàtoi,d’accord?—Ouais.Je baissai les yeux, me sentant soudain honteuse de l’avoir impliqué dans mon drame
d’adolescente.—Viensici.Il m’attira contre lui et m’embrassa délicatement sur le front avant de me serrer très fort.
Maintenantquejenepleuraisplussurmonsort,j’étaisparfaitementconscientedenotreproximité.Ilsentaitextraordinairementbon,etsoncorpsétaittoutenmuscles;c’étaitagréable.
Unétrangepicotementnaquitdansmonbas-ventreetjesentismapeaudevenirbrûlante.Jereculaienhâteetessayaidedissimulermagêneavecunemoueincertaineetungestemaladroitdelamain.
Adammegratifiad’unsouriremystérieux,puisdéclara:—N’hésitepasàm’appelersituasbesoind’aide,d’accord?J’acquiesçai.—Trèsbien,mapuce.Onsevoitplustard.—Aurevoir.
Ilmesouritdenouveau.Unsecondfrissonmeparcourut.Tandisquejeleregardaismonterdanssavoitureetpartir,jecomprisquemoncoupdecœurpourAdamvenaitdes’intensifier.Moncerveaun’étaitdésormaisplusseul:toutmoncorpschargéd’hormonesadolescentesétait,luiaussi,attiréparAdam.
2
Adamavaitlefrontplisséquandilrelevalesyeuxdujournalpourmesourire.—Jenesaispastropquoipenserdufaitd’excitersexuellementunejeunefilledequatorzeans.
ÇafaitunpeutropLolitaàmongoût.Sonmalaisemefitrire.—Cen’estpascommesituéprouvaislamêmechosequemoiàl’époque.Etpuis,honnêtement,
maintenantquenoussommesensemble,tuauraispréféréquejesoisexcitéeparunautregarçon?Ilsepenchadenouveausurlespages.—Unpointpourtoi,marmonna-t-il.—Tiens.(Jeluitendisunautrecarnet,ouvertàunpeuplusdelamoitié,etrécupéraiceluidemes
quatorzeans.)Celui-làdatedel’annéesuivante.
Samedi23septembreJe suis à deux doigts de dire à Adam d’arrêter de me traiter comme sa petite sœur. Nous ne
sommespasfrèreetsœur!J’aimeraistellementqu’illecomprenne…
Jeretinsmarespiration le tempsdepasser lemascarasurmescils.Enmecontemplantdans lemiroirdelacoiffeuse,j’expirailentementetm’enjoignismentalementdemedétendre.Malgrétousmes efforts, je ne pouvais faire disparaître les papillons que j’avais dans le ventre. Je finis parcapituleretmepenchaidenouveauverslaglacepourm’appliquerunenouvellecouchedemascara,puisqu’ils’agissaitduseulmaquillagequemamanm’autorisaitàporter.J’avaisdelongscils,maissiclairsquepersonnenes’enrendaitcompteavantquejemettedurimmel.Etmaintenantqu’ilsétaientnoirs,mesyeuxbleupâlegagnaientenprofondeur.
J’espéraisaussiquelemaquillagemevieillissait.Mêmesij’étaisgrande,jerestaismaigreavecde petits seins, et les taches de rousseur qui constellaient l’arête de mon nez me donnaient plusl’impressiond’avoircinqansquequinze.
J’avaisunrencard.Montoutpremier.AvecSamSmith.Ilétaitensixièmeannée,cequisignifiaitqu’il avait deux ans de plus quemoi ; il était cool etmignon, et ilmeplaisait vraiment, vraimentbeaucoup.
Jel’aimaisautantquejepouvaisaimerunautregarçonqu’Adam.MêmesiAdamn’étaitplusungarçon.Onfrappaàlaportedemachambretandisquejemebrossaislescheveuxpourlacentièmefois.— Entrez ! dis-je, légèrement agacée parce qu’il devait s’agir de ma mère, qui semblait être
encoreplusexcitéequemoiàl’idéedemonrendez-vous,maiségalementinquiète.
Àmagrandesurprise,cefutlatêted’Adamquiapparutdansl’embrasure.Moncœurs’emballacommechaquefoisquejelevoyais,etjemefendisd’unlargesourire.—Qu’est-cequetufaisici?Il entra dansma chambre et referma derrière lui. Il sembla consterné quand jeme levai pour
l’accueillir.Ilm’examinadepiedencap,etjevistressaillirlesmusclesdesesmâchoires.Jeportaisunerobeblanche,droiteetsansmanches.Sonencolureétaitdespluspudiques,etmon
cardiganmecachaitlesbras;j’avaisenoutreenfilédescollantsnoirs,maisjesupposaisqu’unerobesicourtelefoutaitenrogne.Etlesimplefaitdemerappelerqu’ilmeconsidéraitcommeunepetitesœuràprotégerme foutait en rogne. Je croisaibrusquement lesbrasdevantmoi, et ilme regardadanslesyeux.
—ClarkaditàBradenquetuavaisunrencardcesoir.Ontenaitàêtrelàpourl’occasion.Quiest-ce?
Sontondominateurm’exaspéraauplushautpoint.—C’estjusteungarçon.—Etquelâgeacegarçon?medemanda-t-ildoucementenserapprochantdemoi.—OùestBraden?—Enbas.Maisn’esquivepaslaquestion.Quelâge?—Samadix-septans.—Quoi?(Ilpritunebrusqueinspiration.)EtÉlodieestd’accord?IlnementionnapasClark,celui-ciétantbienpluscoulantquemamansurcegenredechoses.—Elleestsuperexcitéepourmoi,situveuxtoutsavoir.—Ellen’arrêtepasdepépiercommeunpouletpaniqué.—C’estparcequeSamnevaplustarderàarriver.Jemedérobaiàsonregard,n’appréciantpasdutoutl’inclinaisonobstinéedesonmenton.—Oùest-cequ’ilt’emmène?—Auciné,puisauresto.—Tuserasrentréeavantonzeheures?Jeramassaimonsacàmainsurmonlitenexagérantunsoupir.—Oui…—Ettunelelaisseraspastetoucher.Cen’étaitpasunequestion.Jeplissaialorslespaupièresd’unairmenaçantetm’immobilisai.Ilvintsepostersiprèsdemoi
quejedusleverlatêtepouraffrontersonregard.—C’estunrencard,Adam,chuchotai-je.Toucherfaitpartiedujeu.—Pasquandilestquestiond’unefilledequinzeans.Surtoutquandils’agitdetoi.Jetressaillisalors,prenantcelapouruneinsulte,etAdamfitlagrimace.—Els,cen’estpascequejevoulaisdire.Cequejeveuxdire…c’estquetun’espasn’importe
quellefille.—Écoute,Bradenm’adéjàtenulemêmediscoursilyatroisheuresautéléphone.—Ellie.(Adammedécochaunregardsignifiantclairement«Ferme-laetécoute-moi».)Tues
quelqu’unde trèsspécial.Tuméritesungarçonquienaitconscience,qui tecomprenneetn’essaiepasdeseservirdetoi,d’accord?
—Deseservirdemoi?(Jehaussai lessourcils,surprise.)JesuisàpeuprèssûrequeSamneferaitjamaisça.
—Els, tuesunegrandesentimentale,et tuesencore jeune.Lesgarçonsdecetâge…sont loind’être romantiques. Ils n’ont qu’une chose en tête, une seule. Et il n’est pas question que ce porcl’obtiennedetapart.
Agacée à l’idée qu’ilme prenne pour une petite fille naïve, je le bousculai pour sortir demachambre.
—Tun’aspasunenanabourréequit’attendquelquepart?—Espèce de sale insolente, grogna-t-il tandis que jeme dirigeais vers l’escalier. Je préférais
quandtuétaispetiteettoutemignonne;aumoins,tunerépondaispas.Jelevailesyeuxaucieletsursautaienentendantsonneràlaporte.—Jevaisouvrir,annonçaAdamavecdétermination.J’écartai les bras pour lui barrer la route.Malheureusement, je n’avais pas assez demembres
pourempêcherClarkdepasseraussi,etiljaillitduséjouravecunairnoirquejeneluiavaisencorejamaisvu.
Oh,oh.Finalement,peut-êtrequeClarkn’étaitpassidétenduqueçaàl’idéedecepremierrendez-vous.—Merde…jurai-jetoutbasendévalantlesdernièresmarches.Bradensortitdusalon,unebouteilledebièreàlamain.J’ouvrisdesyeuxtoutrondsenlevoyant
subitement apparaître, et quand il se rembrunit en apercevantma robe, je courus devant lui etmeprécipitaiversClark,quiachevaitd’accueillirmoncavalier.
—Elleestjusteici,dit-iltandisquejelebousculaisenluiadressantunregardinterrogateur.Ilavaituneminesévèreetintimidante.C’étaitbizarre.—Sam…Uneexplosiondepapillonsseproduisitdansmonventrequandjeledécouvris.Ilétaitaussigrand
queBraden,bienquebeaucoupplusmaigre,etsescheveuxchâtainclairenbataillesemblaientavoirlepouvoir.Toutlemondeàl’écoleneparlaitquedesacrinière.Touteslesfillesvoulaientêtrecellequiluipasseraitlamaindanslescheveux.J’avaisbonespoirqu’aprèscettesoiréejeseraisl’heureuseélue.
Sam s’écarta deClark avec inquiétude et ses joues se creusèrent de deux fossettes quand il setournaversmoi.
—Salut,Ellie.Tuestrèsbelle.—Pasdutout.Bradensematérialisasoudainderrièrenous.Jefermaidouloureusementlespaupièresenvoyant
Adamarriveràsasuite.TousdeuxfoudroyaientSamduregard.—Ellen’aquequinzeans.Tâchedenepasl’oublier.Oh,monDieu.Tuez-moi.Parpitié,tuez-moi.— Si tu l’approches de trop près, je m’arrangerai pour que tu perdes le sens du toucher, le
menaçaAdamd’unairsombre.Définitivement.—Toutpareil,renchéritBraden.Quandj’osairouvrirlesyeux,lagorgenouée,jevisSam,livide,considérerBradenetAdamtels
deuxVikingsd’unautretempsvenusledécapiter.—Mais qu’est-ce que vous faites ? (La voix demamanme procura un intense soulagement.)
Écartez-vousdecetteporte.Adam et Braden cédèrent la place àmamère.Grande et svelte, elle restaitmagnifique ; à cet
instant,jelaperçustelunange.—Merci,chuchotai-jeavecgratitude.
Endécouvrantmon expression déconfite, elle se retourna vers les troismâles dominants pourleur décocher un regard plein de reproches. J’étais quelque peu apaisée de savoir que, quand jepartirais avecSam, elle leurpasserait un savonà côtéduquel lesmenacesqu’ils avaientproféréesenversSamseraientdupipidechat.
Quandellenousfitànouveauface,elletenditlamainàSam.—ÉlodieNichols.Jesuisraviedeterencontrer,Sam.—Moiaussi,madameNichols, répliquadiscrètementSam,manifestementpasencore remisde
sesémotions.—Allez,fileztouslesdeux.Sesprunellessemirentàpétillerquandelleremontaunemèchedecheveuxderrièremonoreille
etm’embrassasurlajoue.—Passeunebonnesoirée,machérie.Rentreavantonzeheures.—Merci,maman.—Tuastontéléphone?J’acquiesçaietsortisrapidement,poussantdoucementSamdansledospourgagnerlarueauplus
vite.Ilrestamuettandisquenousmarchionsversl’arrêtdebus.—Nefaispasattentionàeux,finis-jeparluiconseiller.Ilstetaquinent.Ilsefenditd’unsourirefaiblardetconsultasamontre.—Lefilmcommencebientôt.Onferaitbiendesedépêcher.
Je claquai la porte derrière moi, tentant d’annihiler mentalement les larmes de rage qui
menaçaientdejaillir.—C’esttoi,machérie?m’appelamamandepuisleséjour.Malheureuseetayantgrandbesoind’uncâlinmaternel,jemetraînaidanslecouloirpourallerla
rejoindre.Ilétaitdixheurestrente,etBradenetAdamétaientencorelà.MamanetClarkétaientdanslesfauteuils,lesgarçonssurlecanapé,ettouslesquatresemblaient
s’êtresubitementdésintéressésdelatélépourseconcentrersurmoi.Jecomprisd’unregardpourquoiilsétaientrestés,etmesyeuxs’humidifièrent.—Commentças’estpassé?medemandamaman.Savoixsebrisaquandelledécouvritmonexpression.—Trèsmal, aboyai-je avantdeme tournerversBradenetAdam. Il neveutplus jamais sortir
avecmoiàcausedevousdeux.—Tantmieux,réponditlaconiquementBraden.Tuestropjeune,detoutefaçon.Mamansoupira.—Ellen’estpastropjeune.—Si,insistaAdam.Etregardecommeelleesthabillée.—Elleaquinzeans,renchéritBraden.Elleatoutletempsdefairedesrencontres.Pourl’instant,
elledevraitseconsacreràsesétudes.—Oh,Braden,tuparlescommeunvieuxchnoque.—Jenetecomprendspas,Élodie,soupiraAdam.Jepensaisquetutemontreraisplusvigilante.—Vigilante?répétamaman.C’étaitjusteunesortie.Leurs chamailleries attisèrent ma colère et mon humiliation. Le garçon le plus gentil, le plus
mignon et le plus cool de l’école m’avait proposé un rencard, et mon frère et son meilleur amiavaienttoutgâché.
—Jel’aimaisbien,leurdis-jesubitement,d’unevoixdoucemaisassezchargéed’émotionspourinterrompreleurconversation.
Toussetournèrentversmoi,etalorsqu’unelarmemeroulaitsurlajoue,j’ajoutai:— Je l’aimais vraiment bien. Tous les deux, vous avez tout gâché, et vous vous en fichez
complètement.Unedouleursourdedanslapoitrine,jegravisl’escalierencourant,toutenfaisantminedenepas
entendreBradenappelermonnom.—Jevaisarrangerça,luiditAdam.Je forçai encore l’allure, claquai la porte dema chambre etme jetai surmon lit pour pleurer
toutesleslarmesdemoncorpsdansl’oreiller.J’entendisfrapperàmaportemalgrémesreniflementsincessants,etjeredressailementonjuste
letempsdegrogner:—Va-t’en.Jereplongeailafiguredansmoncoussinetattendis.SachantcombienAdamétaittenace,jenefuspassurprisequ’ilnem’obéissepas.J’entendisma
portes’ouvriretleslattesduparquetgrincer.Lematelass’enfonçasurmadroitequandils’yassit,etilsoupira.
—Jesuisdésolé,s’excusa-t-ilavecsincérité.Mapuce,jesuisdésolé.Jenerépondisrien.Laboulequim’obstruaitlagorgegrossitencorequandjemerendiscompte
quec’étaitlapremièrefoisqu’Adammefaisaitdumal.—Els…Jemetournaiverslui.Nemelaissantpasattendrirparsonairinquiet,jedisavecfroideur:—Va-t’en,Adam.Ilsepassalamaindanslescheveuxetserapprochademoi.—Écoute…Jemesenscommeuncon,Els.Jenevoulaispasfoutreenl’airtasoirée.Bradennon
plus.—Oh,jesuissûrequequandtuasmenacéSamdeprivationsensorielle,tunepensaispasàmal.—Bon sang, pestaAdam.Tu es vraiment tropmaligne pour ton âge. J’ai l’impression deme
disputeravecuneadulte.—Comment tupeux savoir cequeça faitde sedisputer avecuneadulte?Tune restes jamais
assezlongtempsavectescopinespourlesénerver.Ilpinçaleslèvresetencaissamarepartieensecouantlatête.—Bonsang…répéta-t-il.Après une bonneminute de silence,Adamm’observa de nouveau. Il ne paraissait plus du tout
amusé,maisonnepeutplussérieux.—Sicemerdeuxt’alarguéeparcequ’iln’estpasassezmaturepourcomprendrel’inquiétudede
tafamille,c’estqu’iln’estpasfaitpourtoi.Lemot«famille»mitlefeuauxpoudres.Jeledévisageaiavecfroideuretcrachai:—Tun’espasmonfrère,Adam.Arrêtedefairecommesic’étaitlecas.Endécouvrantdans sesprunelles lechagrinquemesmotsavaientprovoqué, j’eusencoreplus
enviedepleurer.—Jelesais,Ellie.Nosregardssecroisèrentetjemesentisinstantanémentrougir.—Ahbon?murmurai-je,lesoufflecourt.
Unelueurtraversasesyeuxetilseleva,soudainmalàl’aise.— Je te laisse tranquille. Je voulais juste que tu saches que je ne t’avais pas blessée
volontairement.Commejenerépondaispas,ilpoussaunsoupirlasetpartit.Alorsqu’ilrefermaitmaporte,j’entendisBradendemander:—Çava?—Elleestfurax.Ilvautmieuxlalaisserunpeutouteseule.—J’aienviedeluiparler.—Braden…—Jeterejoinsenbas,l’interrompit-il.Puis ilouvritmaporte, entraet refermasilencieusementderrière lui. Il s’approchadu lit, l’air
inquiet.—Els,ma puce… dit-il d’une voix un peu bourrue. (Il s’assit près demoi.) Je suis vraiment
navré.Jefondisalorsenlarmesetenfouismatêtecontresontorse,lelaissantmeserrertrèsfortenme
murmurantdesparolesapaisantes.
3
—TuaspardonnéàBraden?Adamfronçalessourcilsenmerendantlecarnet.Jehaussailesépaules,récupéraimonjournaletledéposaiprèsduprécédent.—Tum’asplusblesséequelui.Pasvolontairement,biensûr,maisjevoulaisquetumeperçoives
commeunefemme,pascommeunepetitefille.Adammeconsidéracommesij’étaiscinglée.—Tuétaisunepetitefille.Tun’avaisquequinzeans.—Etdonc,tunem’asjamaisregardéeautrement?Pasmêmecesoir-là…pasmêmedanscette
robecourte?letaquinai-je.—Non, admit-il duboutdes lèvres, commepournepasme froisser.Tun’étais encoreque la
petitesœurdeBraden.Celanem’offusquapas.Aveclerecul,j’auraistrouvélégèrementinquiétantqu’Adamaitapprécié
moncorpsmenuetdépourvudeformesdel’époque.Toutefois,j’étaiscurieuse.—Quandest-cequeçaachangé?—Jenetelediraipas…—Pourquoi?—Parcequec’estuntrucdemecs,çarisquedetemettreenpétard.J’étaisdèslorsplusintriguéequejamais.—Jeneleprendraipasmal.Dis-le-moi.S’ilteplaît,lesuppliai-jeavecunemouecraquante.—Trèsbien.(Ilm’observaavecméfiance.)C’étaitlelendemaindetondix-huitièmeanniversaire.Jemecreusailatêtepouressayerdem’ensouvenir.Sérieux?—Lematinoùtum’asditsuruntonparfaitementdésinvoltequetuavaisperdutavirginité.C’étaitàcet instantqu’ilavaitcomprisqu’ilnourrissaitdessentimentsàmonégard?Putain…
Jossavait raison.Lesmecssontvraimentrestéscoincésau tempsde lapréhistoire.Alorsquecettematinéemerevenaitendétail,jelaissaiéchapperunpetitrire.Adamavaitdoncétéjaloux.Waouh.Cen’étaitvraimentpascommeçaquejel’avaisinterprétéàl’époque.
—Jesavaisquetuétaisfurieuxaprèsmoi,maisjepensaisquetuétaisencoredanstonrôledegrandfrèresurprotecteur.
—Nan.(Ilsecoualatêted’unairmaussade.)J’étaisseulemententrainderegarderlapetitesœurdemonmeilleuramim’annoncerqu’elleavaitcouchépourlapremièrefois,etenvoyantsaboucheenflée d’avoir trop été mordue et ses cheveux ébouriffés… J’étais tout excité. (Il me dévisagealonguement,commepourmieuxse remémorer lasituation.)Moncorpsa réagià tesparolesavant
moncerveau.Etsoudain,jemesuisdemandéquelgoûtavaientteslèvresetlerestedetoncorps,etj’aivoulusavoircequeçaferaitdesentirtesjambesautourdemondospendantquejetepénétrais…
Jemetortillailégèrementetunevaguedechaleurdéferlaenmoitandisquejem’imaginaisAdamcaressercesdélicieusespenséesbienlongtempsavantquejenem’enaperçoive.
—Ensuiteseulement,j’aiétéénervé.D’abordaprèsmoi,pouréprouverça;puis,aprèscetypequit’avaitpossédée;etenfinaprèstoi…pourl’avoirlaisséfaire.
Nosregardssecroisèrentetmonsoufflesefitcourt.Je savais que si je ne répondais pas très vite, nous finirions par faire l’amour par terre avant
mêmed’avoir fini notre petit voyagedans le temps ; et franchement, j’appréciais énormément cesretoursenarrière.Jem’éclaircislagorge,mesaisisd’unnouveaujournaletmemisàlefeuilleter.
Jetrouvail’entréerecherchéeetlamontraiàAdam.—Commed’habitude,j’enrevenaisàtoi,murmurai-je.
Dimanche30avrilJ’aiperdumavirginitélanuitdernière.AvecLiam.Çan’étaitpascensésepassercommeça.Ce
n’estpasdelui,quej’avaisenvie.Enplus,jem’étaispromisdelefaireavecquelqu’undontjeseraisamoureuse.Çam’a faitmal.Audébut.Puisplusdu tout.C’étaitmêmeplutôtagréable.Maisautrechose m’a fait mal hier soir, et contrairement au dépucelage, la douleur a perduré. Et perdureencore…
Lasalledebaldel’hôtelMarriottétaitpleineàcraquer.Enregardantautourdemoi,jemerendiscomptequejeneconnaissaispastoutlemonde.
Ilyavaitdoncunesacrée foule,etAllieavaitdéjàannoncéquemondix-huitièmeanniversaireétait uneparfaite réussite– et la soirée était loind’être finie.Noncontentd’avoir réservé la salle,BradenavaitaussirecrutéunDJetuntraiteur.Mafamilleavaitinvitécertainsprochesetamisvenusaccompagnés;j’avaismoi-mêmeinvitédescopains,quisemblaientavoirconviélesleurs.Bref,ilyavait unmonde fou, lebuffet était presque complètement épuisé, et la pistededanse était noiredemonde.
Jeregardaislepersonneldeservicesortirdel’arrière-salleavecdesplateauxdenourriture,etmerembrunisquandunefillemignonnefut interpelléeparAdamsursonpassage.Jen’entendispascequ’illuidit,maiselleéclataderireetinclinalatêteenfaisantvolersescheveuxdefaçonaguicheuse.Jelesobservai,tâchantderéprimerlapointedejalousiequim’obstruaitlagorge.
—Jet’aidéjàditquetuétaissupersexy,cesoir?Jefusattirécontreuncorpschaleureux.Jedressailementonettournaidiscrètementlatêtepour
contemplerlevisagemagnifiquedeLiamFenton.Ilétaitpenchésurmoietmesouriait,lesprunellespétillantes. Ilétait légèrementenivré,maispasaussibourréqu’Adam,quiétaitdéjà« joyeux»uneheureavantledébutdelasoirée.Commed’habitude,ilétaitarrivéseul.Àforced’entendreBradenenriredepuisdesannées,j’avaisfiniparcomprendrequ’Adamétaitunvraicoureur,etjen’avaisjamaisrencontréuneseuledesescopines–sansdouteparcequ’iln’enavaitjamaiseude«véritable».
Liam,enrevanche,semblaits’efforcerderesterlucide.Jepensaissavoirpourquoi.Ilavaitdix-neufans,étudiaità l’universitédeNapier,etnousnousétionsrencontrés l’annéeprécédente, tandisquejevisitaislafac.Nousétionsrestésencontact,échangeantdese-mailsjusqu’àcequeLiam–sansquejelevoievenir–meproposedesortiraveclui.Nousnousétionsunpeutripotés,etilm’avaitdonné mon premier orgasme, mais je me refusais à coucher avec lui. J’avais regardé tant de
comédies sentimentales et lu tant de romans à l’eau de rose que je m’étais convaincue que mapremièrefoisseraitavecunepersonnedontjeseraisamoureuse.Mêmesij’aimaisbienLiam,ets’ilm’attirait,jenenourrissaispasencoredevéritablessentimentsàsonégard.Cependant,jepensequ’ils’imaginaitque,commejefêtaismesdix-huitans,ceseraitlegrandsoir.Etjesupposaisquec’étaitpourcelaqu’ils’échinaitàresteraussisobrequepossible.
J’étaisunpeunerveuseàl’idéed’avoiràledissuaderdepasseràl’action.Jeluisourisethochaitimidementlatête.—Tul’aspeut-êtrebiendéjàditunefoisoudeux.Ilritetlaissaglissersesmainsjusqu’àmeshanches.—Ehbien,çaméritequejelerépète.Touslesgarsprésentscesoirmeprennentpourunsacré
veinard,etilsontbienraison.Ses lèvreseffleurèrent lesmiennes,etcefutagréable.Extrêmementagréable.Maisdepuismon
premierbaiseravecPeteRobertson–lorsd’unesoiréebowlingentreamis,quelquesmoisaprèsmonrendez-vouscatastrophiqueavecSam–,jen’avaisjamaisressenticedontparlaientleslivres.J’avaisdepuis embrassé cinqgarçons, et pas unde ces baisers n’avait rendumapeaubrûlante, fait vibrermoncorpsentier,nifaitnaîtreunenuéedepapillonsaucreuxdemonventre.Jecommençaisàcroirequeceshistoiresm’induisaientenerreur…
—Pardondevousinterrompre,maisj’aimeraisdanseraveclareinedelasoirée.Jem’écartaiimmédiatementdeLiamenentendantlavoixd’Adametjemeretournaiverslui.Il
dévisageaitmoncavalierd’unregardsignifiant«Tuascinqsecondespourôtertessalespattesavantquejetedémolisseleportrait».Celafaisaitdeuxansetdemiquej’avaiscommencéàfréquenterdesgarçons, etAdam etBraden s’amusaient toujours à les terroriser. Par chance, Liam n’était pas dugenreàselaisserfacilementimpressionner.
Ilmesaisitparleshanches.—Jevaistechercherunautreverre.Retrouve-moiavecAllieetlesautres.J’opinaietl’observaisefrayeruncheminparmileshôtes.Une main chaude posée sur mon poignet attira mon attention. Adam me serra contre lui en
souriant à pleines dents. Dès que mon corps frôla le sien, j’éprouvai de nouveau ce picotementhabituel ;cette sensationseconcentraentremes jambesquand ilpassaunbrasautourdema taille.Puisilplaquamamainsursontorse.Jeposaidemoi-mêmemonautrepaumesursonépauleetnousnousmîmesàonduleraurythmedelamusique.Notreproximitéentravaitlégèrementmarespiration,mêmesijefaisaisdegroseffortspourleluidissimuler.Sesdoigtsmecaressèrentlebasdudos,etma robe étant un dos-nu, je sentis sa peau contre ma peau.Mon corps réagit d’une façon que jeconnaissaisbien,etjebaissailesyeux,incapabledesoutenirsonregard.
J’étaismontéedansledortoirdeLiamdeuxsemainesauparavant,etnousnousétionsembrasséset pelotés.Nous étions allés unpeuplus loin que je n’en avais l’habitude,mais j’étais curieuse, etquand il avait glissé ses doigts sousma jupe, puis sousma culotte, pourme toucher, j’avais faillitomberdulit.J’avaissentiunedéchargedanslesseinsetl’entrecuisse.Ilavaitalorsapposésonpoucesurmonclitoris et s’étaitmis à lemasser lentement, jusqu’à cequemoncorps sedéchaîne et quej’éprouveuneincroyableexplosiondeplaisir.
Adamn’eutmêmepasbesoindememettrelamainentrelesjambes.Illuisuffisaitdemetoucher,etcespicotementsfamiliersm’envahissaienttoutentière.
—Tupassesunbonanniversaire?Jerelevailatête,meretrouvantnezànezaveclui.Jemesuraisunmètresoixante-quinze,àpeine
cinqcentimètresdemoinsqu’Adam,maisavecmestalonsdedixcentimètres,j’étaisenréalitéunpeu
plusgrandequelui.Ilm’examinadepiedencapetsouritensecouantlatête,tandisquejerépliquais:—Ouais,superbon.—Tuasdéjàouverttescadeaux?—Non.Jecomptaislefaireplustard,maisjecroisquetoutlemondeestdéjàtropbourrépour
s’ensoucier.Ycompristoi.—Jenesuispasbourré.Justeunpeuéméché,c’esttout.(Ilplissalespaupières.)Tunel’espas
nonplus,j’espère?Jelevailesyeuxauciel.—Adam,jesuismajeure,désormais.—Çaveutdireouiounon?—J’aibudeuxverres.Nousrestâmessilencieuxquelquesinstants,etjem’autorisaiàmedétendrecontrelui.Cefutalors
qu’ilfléchitlesdoigtsdansmondosetqu’unfrissonmeparcourut.Adamdutsentirmaréaction,carilsecrispa,etjem’empressaid’observersonexpression.Sesyeuxsombresabritaientunelueurquejen’yavaisencorejamaisvue.
Mabouches’assécha.Ilmescrutaun instantavantdemeserrerplus fort. J’enfonçai lesonglesdans sonépaule.Les
parolesqu’ilprononçaensuitefaillirentmefairetomberàlarenverse.—Tueslaplusbellechosequej’aiejamaisvue,Els.J’écarquillai alors les yeux, le cœur battant à tout rompre. Adam me trouve belle ? Non, pas
simplementbelle:laplusbellechosequ’ilaitjamaisvue.Waouh.Monsouffles’accéléra.—Adam…répliquai-jedoucement.J’ignoraiss’ilavaitditceladefaçonplatonique,ous’ils’étaitenfinrenducomptequejen’étais
plusunepetitefille.—Jen’arrêtepasdem’inquiéterpourtoi,confessa-t-il.Tuestellementdouceetgentille…trop,
parfois.J’aipeurquequelqu’untefassedumalsansquejesoislàpourl’enempêcher.J’avaiseffectivementtendanceàchercherlesbonscôtésdechacunetj’avaisunpeulecomplexe
du héros – jeme demandais bien d’où çame venait –,mais j’étais loin d’être une incapable.Et àprésent,j’étaisdevenueunefemme.Jepouvaisprendresoindemoi,etc’estcequejeluirétorquai.
Adamfronçalessourcils.—Ce n’est pas ce que je voulais dire. Beaucoup d’hommes s’intéressent à toi, Ellie, et il est
parfoisdifficilederepérerlesbranleurs.Parexemple,letypeaveclequeltuesvenuecesoir.Ilflirtebeaucoup…avectoutcequiadesnichonsetdelonguesjambes.
Jelefusillaiduregardettentaidelerepousser.—Liamestungentilgarçon.—Liamnecherchequ’uneseulechose.Jesuisbienplacépoursavoirque…—Allez, tu l’asassezaccaparée, intervint soudainBraden,qui s’étaitmatérialiséprèsdenous.
Moiaussi,jeveuxdanseravecelle.Adam raffermit son étreinte ; puis, comme s’il s’était soudainement rendu compte de ce qu’il
faisait, il souritàBradenetme lâcha. Ilm’adressaundernier regardavantdedisparaître,et jemeretrouvaidanslesbrasdemonfrère.
Putain,qu’est-cequivientdesepasser?Est-cequ’AdamSutherland…Était-il…?S’agissait-ild’autre chose que d’un simple conseil d’ami ? Sa façon de me toucher, de me regarder, de me
parler…Celam’avaitsemblédifférent.Moncœurbattaitàtoutrompre,tandisqu’unelueurd’espoirflottait en moi. J’oubliai complètement le pauvre Liam en me laissant distraire par mes propresrêvasseries.
—Je suis fierde toi,meditBradend’un tonbourru,m’arrachant àmespensées, alorsque jem’imaginaisdéjàchoisirmarobedemariéeetmademoiselled’honneur.
Jeluisouris,surprisedel’entendredireça.—Fierdequoi?—Depleindechoses.Que tuaiesétéadmiseà la facd’Édimbourg.Que tuveilles sibien sur
Élodie et Clark, et que tu sois aussi aimante avec Hannah et Dec. Que tu sois une petite sœur sigéniale.Çaaétéuneannéedifficile,Els,etjeteremercieinfinimentpourtonaide.
Jemeblottiscontre lui,débordantd’affection.Aprèsêtre tombéamoureuxetavoirépouséuneAustralienne,Analise,Bradenavaitdemandéledivorcequandill’avaitsurpriseàcoucheravecl’undesesplusvieuxcopainsd’écoledansl’undesesappartementsàlouer.Lasalopeluiavaitfaitvivreunenferdurant lesneufderniersmoisde leurrelationetavait finipar le tromperavec l’undesesamis. La trahison ultime. Pis, c’était notre père qui avait découvert le pot aux roses et s’étaitdébrouillé pour queBraden les découvre en pleine action. C’était sa façon de faire. Plutôt que deprendresonfilsentrequatre’z’yeuxetdeluiannoncerlanouvelleenleménageant,ilavaitpréférélevoirprendre lavéritéenpleine figure.Celan’avaitpassemblédérangerBraden.J’avaismêmeétésurprise qu’il en soit reconnaissant à notre père. Pour ma part, je trouvais que ce dernier s’étaitcomportécommeunsalopardd’égoïste.
Bradensemblaliredansmespenséesetsoupira.—Papaestnavrédenepasavoirpuvenircesoir,Ellie.Etmoiaussi.—Net’excusepaspourlui.Jemedétournaietcontemplaileplafondpouressayerderetenirmeslarmes.Onpourraitpenser
qu’après dix-huit années de négligence incessante je serais habituée.Malheureusement, la douleurn’avaitjamaistotalementdisparu.Jen’arrivaispasàcomprendrecequeDouglasCarmichaeltrouvaitd’aussi détestable chezmoi, ni pourquoi il m’évitait volontairement dès qu’il en avait l’occasion.Putain, jecélébraismondix-huitièmeanniversaireet iln’étaitpas foutudebougersongrosculderichardpourvenirmelesouhaiter?
J’entendisBradenjurerdanssabarbe.Ilentretenaitunerelationrelativementcordialeavecnotrepère,etjenevoulaispascauserlemoindreproblèmeentreeux,jeluipressaidonclesbrasdefaçonrassuranteetluisouris.
—Çava.Çavamêmeplusquebien.Jesuisentouréedemafamilleetdemesamis,detouslesgenspourquijecompte,Braden.C’esttoutcequim’importe.
Nousnous étreignîmes et le rythmede lamusique s’accéléra soudain.Maman etClarkvinrentalorsnousrejoindre.
Jemetrémoussaiunpeuaveceux,toutengloussantparcequ’ilsreproduisaientdespasdedansequepluspersonnen’avaitdûvoirdepuisaumoinsvingtans.
Alorsquelasoiréeseprolongeait,jefispeuàpeuletourdemafamilleetdemesamis,toutenscrutantlafouleenespérantrepérerAdam.J’avaisleventretoutnouéetjeneparvenaispasàoubliersesparoles.
«Tueslaplusbellechosequej’aiejamaisvue,Els.»J’avaisrejointAllieetLiam,quiplaisantaiententreeux,sansquejesachedequoi ilsparlaient.
Moncerveaun’arrêtaitpasderevivrelesderniersévénements.
Quandilcommençaàfairetropchaud,jecommandaiunebouteilled’eauaubaretm’éclipsaiparlaportedederrière. Il s’agissaitd’une issuede secoursdonnantdansunepetite alléeoù toutes lespoubelles de l’hôtel étaient entreposées. J’inspirai une grande bouffée d’air, profitant du calmesoudain. J’allaisprendrequelquesminutespour réfléchiràcequis’étaitpassé–etpourm’assurerquejen’avaispastoutinterprétédetravers.
Unlégersourirem’étirait les lèvresquandunrâlesuivid’ungémissementmetétanisèrent.Lesbennesàorduresétaientsituéesentreunepetitealcôve,d’oùprovenaientlesbruits,etmoi.Moncœurs’accélérasubitementlorsquejecompriscequecelasignifiait.Augrognementsuivant,jemecouvrislabouchedelamainpourmeretenirdeglousser.
—Oui,fitunevoixdefemme.Ohoui,Adam,continue.Mon gloussement mourut brutalement et le sang se mit à battre à mes tempes. Une boule
m’obstruait lagorge ;pourtant,quelque instinct sombreetmasochistemepoussaàm’approcheràpasdeloup.
Touslesespoirsqueladéclarationd’Adamavaitfaitnaîtrevenaientdepartirenfumée.Etenlevoyantbesognerl’unedesserveusescontrelemurenbrique, jeprisconsciencedema
stupidité.Quelleimbécile,puérileetnaïve!Puislacolèrepritledessus.Etlafrustration.Etl’idéeque,quelquepart,jen’étaispasassezbien:
pasassezbienpourAdam,pasassezbienpourmonpère.Jeplissailesyeux.Unepersonnecependantmejugeaitdigned’elle,alorspourquoilarepousser
plus longtemps ?Dans l’espoir vain de bouquets de fleurs, de sonnets et d’une déclaration faite àgenoux ? Cela n’arriverait jamais. C’était la vérité, il fallait bien l’admettre. Le sexe n’était riend’autrequedusexe.Riendemagiquelà-dedans.
C’étaitdésormaistrèsclair.Je n’étais pas d’un naturel colérique, mais j’étais consumée par la jalousie. Je retournai
silencieusementdansl’hôtel.Unefoisàl’intérieur,jen’arrêtaispasdevisualiserAdam,entraindesefrottercontrelaserveuse.J’avalaiunenouvellegorgéed’eauetprisunegravedécision.J’allaistoutfairepoureffacercesimagesdematête.
Clarkdiscutaitavecsonfrèredanslasalledebal.Parchance,mamann’étaitpasaveceux,carellen’auraitpasaiméentendremarequête.
— Els, que comptes-tu faire de tous ces cadeaux ? me demanda-t-il en me désignant la tabledresséeàceteffetdanslefonddelasalle.
—Clark,est-cequejepeuxvousdemanderunimmenseservice,àmamanetàtoi?Ileutunsourireencoin,devinantl’objetdemaquestion.—Tuveuxqu’onlesrapportepourtoi,c’estça?—Siçanevousdérangepas,j’aimeraisbienfinirlasoiréeenboîte,avecmesamis.Clarkm’étudialonguement,puissoupira.—Fileavantquetamèrenetevoie.Etsoisprudente.J’acquiesçai et lui déposai un rapide baiser sur la joue.Puis je fis volte-face et allai retrouver
Liam et Allie, qui dansaient ensemble au milieu de la piste. J’attirai mon cavalier à l’écart, enadressantàAllieunsourired’excuses.
—Quoideneuf?medemanda-t-ilenmeserrantbrièvementcontrelui.Jeleregardaidroitdanslesyeux,eteusunpincementaucœurenm’entendantluidired’unair
trèssuggestif:—Viens,onyva.Ilsecontractasubitementetfronçalessourcils.
—Justetoietmoi?—Ouais.—Etoùveux-tualler?Jemeblottiscontrelui,afinqu’ilnepuisseplusdouterdemesintentions.—Oùvoudrais-tum’emmener?LesouffledeLiamsebloqua.Ilsemblaavoirdumalàdéglutir.—Onpourraitseprendreunechambre.—D’accord.Nous partîmes rapidement, nous éclipsant de la soirée avant que maman ou Braden ne nous
remarquent.J’avaislesnerfsàfleurdepeauquandnousnousapprochâmesdelaréception,etj’eusdumalàmeretenirdevomirlorsqueLiamnousobtintuneclé.
Jetremblaisdetousmesmembresquandl’ascenseurnousemmenaaupremierétage,etdèsquenousfûmesàl’intérieurdelachambreetqueLiamsemitàm’embrasser,ilmesentitfrémircontrelui.
—Tuessûrequec’estcequetuveux?mechuchota-t-il.L’image que j’essayais désespérément d’oublier s’imposa de nouveau à moi. Je voulais des
picotementsetdespapillonsd’excitation,jevoulaisdelapeaubrûlantesousl’effetdelapassion.Jevoulaisdelaconfianceetdelasécurité,del’affectionetdurire.Jevoulaisdelafidélitéetdel’amitié.Jevoulaisdel’amour.
Malheureusement, le destinm’avait joué un tour cruel et j’étais tombée amoureuse de la seulepersonneaumondequejenepourraisjamaisséduire.
Etcen’étaitpasparcequ’ilneseraitjamaismienquejedevaism’arrêterdevivre.Aucunedemesamiesn’étaitencorepucelle.Lavirginitéétait-elledevenueunfardeau?Autrefois,ils’agissaitd’uncadeau. J’aimais en tout cas me l’imaginer comme ça. En réalité, j’imaginais qu’il s’agissait àl’époque surtout de marquer son territoire, mais nous étions désormais au XXIe siècle. Jen’appartenaisàpersonne.Jepouvaisoffrirmavirginitéàquijevoulais.
—Ouais,murmurai-jeenretour.(Jecommençaiàdéfairelecordonquiretenaitmarobe.)Ouais,j’ensuissûre.
Par chance, Liam prit tout son temps. Il me fit jouir avant d’enfiler un préservatif et de mepénétrer, de sorte que j’étais aussi prête que possible à le recevoir. J’eusmalmalgré tout. Puis ladouleurdiminua,etcelas’arrangea.Liampritbeaucoupdeplaisir.Ilessayadeseretenirjusqu’àceque je jouissedenouveau,mais çan’arrivapas.Tandisqu’il allait et venait enmoi, jenepouvaism’empêcherdepenserquejevenaisdefoutreenl’airtousmesplans.
Jem’étaispromisdepuismesquatorzeansquelapremièrefoisquejeferaisl’amour,ceseraitavecdessentiments.
Aulieudequoi,jemeretrouvaisdansunechambred’hôtelquelconquependantqu’ungarçonquej’appréciais sansplusprofitaitducadeauque jevenaisnégligemmentde lui faire.QuandLiameutterminé,j’avaisungrospoidssurlecœur.
Jerestaiéveilléeà l’écouterronflerprèsdemoi,memaudissantdem’être laissédirigerpar lacolèreetlajalousie.
Je restai allongéependantdeuxbonnesheureset finispardécréternepluspouvoir resterdanscettechambred’hôtel.Peuaprèsquatreheuresdumatin,jesortisàpasfeutrésetdemandaiuntaxiàl’accueil.Lafemmedelaréceptionavisamescheveuxenbatailleetmarobesuggestiveetcomprit
exactementcequis’étaitpassé.Lerictusqu’ellearboramefitmesentirméprisable,etjemerendisvitecomptequec’étaitparcequejem’étaiscomportéedelasorte.
J’essayaideretenirmeslarmesdurantletrajetduretour,etplusencorequandjefranchislaportede chez moi aussi discrètement que possible. J’étais en train de gravir l’escalier quand une têteémergeadelacuisine,meflanquantunetrouillebleue.Jeprisuneprofondeinspirationetportai lamainàmapoitrine,commepourempêchermoncœurd’enjaillir.
Adamse tenaitdans l’embrasurede laporteetmefitsigned’approcher.Lefaitqu’ilse trouvedans la cuisine de maman n’avait rien de surprenant. Braden et lui couchaient souvent chez mesparents après une grosse fête de famille, carClark préparait toujours un fantastique petit déjeunerpour lutter contre la gueule de bois. Ce qui me surprit, en revanche, fut de le trouver debout àm’attendre.Tandis que jeme dirigeais vers lui, je le revis en pleine action avec la serveuse, et lacolèrem’envahitdenouveau.
Jelerejoignisdanslacuisine,etilfermalaportederrièremoi.Jeremarquaisesyeuxinjectésdesang. Une odeur de café flottait dans l’air, et je vis un croque-monsieur fumant sur une assiette.Apparemment,ilprenaitunpeud’avancesurlepetitdéj.J’étaistellementoccupéeàrepérertouscesdétailsquejeneperçusmêmepassafureur.
—Putain,oùest-cequetuétais?siffla-t-il.Je lui décochai un regard assassin, lui en voulant injustement d’avoir causé la perte de ma
virginité.—Dehors.—Oùça?—Justedehors.Ilfronçalessourcils.—Avecqui?—Liam.Ilserembrunitaussitôtetfitunpasversmoi,observanttouràtourmacheveluredésordonnéeet
ma bouche. Son regard resta rivé dessus jusqu’à ce que j’y porte les doigts enme demandant cequ’elleavaitdesifascinant.
—Qu’est-cequetufaisais?medemanda-t-ilsoudaind’untonrenfrogné.Cefutlagoutted’eauquifitdéborderlevase.—J’aidix-huitans,Adam.Jepeuxbienbaiseravecmonpetitcopain.Iltressaillitsoudain,commesijel’avaisgiflé.—Baiser?s’étrangla-t-il.Jehaussailessourcils,commesimoncœurnebattaitpasprésentementlachamade.—Unpetitcadeauquejemesuisoffert.Ilmedétailladenouveau.—Es-tuentraindemedire…quetuasétédépuceléecettenuit?Jehochailentementlatête,percevantdanssavoixuntonlégèrementmenaçant.Adamplissaalorslespaupières.Jerestaideboutdevantluiàmetortillertandisqu’ilm’examinait.
Jemesentisrougirfaceàsonairscrutateur,sanstropcomprendrecequiarrivait.Puisilclarifialasituation en tournant les talons pour quitter la cuisine. Et, sans le moindre égard pour ceux quipouvaientencoredormir,ilsortitenfurieenclaquantlaported’entréederrièrelui.
J’exhalailonguementencommençantàcomprendrecequisepassait.Adamseconsidéraitcommemongrandfrère.Aucungrandfrèren’aimaitentendrequesapetite
sœurs’était«envoyéeenl’air».Pisencore,jemedemandaisijel’avaisautantdéçuquejem’étais
déçuemoi-même.Ilmeconnaissait.Ilsavaitquejecroyaisauxétoiles,auxcouchersdesoleiletauxhappyends.J’étaisalléeàl’encontredemespropresconvictionsentirantuncoupavecungarçonquejeconnaissaisàpeine.
Leslarmesaffluèrentalors,etjecourusmeréfugierdansmachambre,lavisiontoutembrumée.Je sortis une culotte et unpyjamapropres et les emportai avecmoi à la salle de bains.Pendant lademi-heurequisuivit,jerestaisousladoucheàpleurertoutesleslarmesdemoncorps.
Aumoins,j’aiapprisunegrandeleçon,merépétai-je.J’avaisapprisque,dansl’existence,ilyacertaineschosesqu’onneretrouvejamais.
4
Adamreposalecarnetetmeconsidéraavecuncertainregret.Jenevoulaispasqu’ilsesentemal,justequ’ilsacheque,mêmesimapremièrefoisn’avaitpasétéaveclui,j’avaistoujoursrêvéqu’ilensoitautrement.
—Monamour,jesuisdésolé,chuchota-t-il.Jefronçailessourcilsetsecouailatête.—Non,cen’estpasceque…Jevoulaissimplementquetusachesqueçaavaittoujoursététoi.—Maistapremièrefoisauraitdûêtrespéciale,Els.Romantique.Jehaussailesépaules.—C’estlegrandordredel’univers,lerassurai-je.Cen’estpasça,lepire.Papa…—Douglasestmortquelquesjoursaprèstonanniversaire,murmuraAdam,achevantmaphraseà
maplace.—Ouais,répondis-jesurlemêmeton,merappelantcombienj’avaisétéperdueàsondécès.J’avais évidemment eu beaucoup de chagrin, sans savoir si je faisais le deuil du concept de
«papa»ou celui deDouglasCarmichael.Pour ne rien arranger, ilm’avait laissé enhéritageunetonnedefric,quej’avaismisuneéternitéàaccepter.Et,pendantlongtemps,j’avaisdûruminerlefaitqu’ilétaitmortalorsquej’étaisencorefurieuseaprèslui.
Adamglissasurleparquetpourserapprocheretpassasesbrasautourdemoi.—Ellie, jepensaisque tuavaisarrêtéde tesentircoupableàcausedeça? Ilétaitnul,comme
père.Tuavaistouslesdroitsd’êtreencolère,quoiqu’ilsoitarrivé.J’opinai et me blottis contre lui, inhalant l’odeur de son après-rasage. Il sentait bon. Il avait
toujourssentibon.Nousrestâmesassissilencieusement,jusqu’àcequ’Adamreprenne:—Jemesouviensàpeinedecequej’aifaitaveccetteserveuse,siçapeutterassurer.Etj’avais
complètementoubliét’avoirditquetuétaisbelleetquejem’inquiétaispourtoi.Pasétonnantquetutesoisimaginédeschoses.J’étaisbienbourré,cesoir-là.
—Jesais.Maistuavaisraison,pourLiam.IlafiniparmetromperavecAllie.Adamsecrispa.—C’estpourçaquetuesfâchéecontreelle?Pourquoinem’enas-tujamaisparlé?—Parcequetuluiauraisdémolileportrait.—Pasfaux.Jesouris.—Toujoursentraindetebattrepourmoi.—Avectoi,monamour.Paspourtoi.
Apprécianténormémentcettedernièreréflexion,jemetournaipourl’embrasser,savourantcettesensationfamilièredesabouchecontrelamienne.Jem’écartaialorsetinclinailatêted’unairpensif.
—Jecroyaisquetuavaiscommencéàmevoirautrementl’annéequiasuivimesdix-huitans?—L’annéequia suivi? (Adamfronça les sourcils, réfléchituneminute,puis sedétenditense
rappelantl’événementauqueljefaisaisréférence.)Notrepresque-baiser.Pendant qu’il lisait l’entrée correspondant àmondix-huitième anniversaire, j’avais retrouvé le
passagerelatantlejouroùilavait,croyais-je,cessédemevoircommelapetitesœurdeBraden.Jeluitendislejournalenquestionetilsouritalorsquelessouvenirsaffluaient.
Vendredi5juilletCesoir,j’aieumonpremiervrairencard.Unrencarddesplus…TORRIDES.Saufquejenesaispastropavecquijesuisréellementsortie…
TandisqueChristianm’aidait à sortirdu taxi, jemedemandais s’il allait être lebon.Christianétaitbeau,charmant,unvéritablegentleman–etilavaitdelaclasse.Jen’attendaisplusqu’ilmefasserire,mais jenedoutaispasquecelaarriveraitdèsquenousnoussentirionsplusà l’aise l’unavecl’autre.
Ilmesouritdenouveaualorsque je lissais l’ourletdemarobenoire.Celle-ciétait légèrementremontéedanslavoiture.
—Tuessuperbe.Jem’empourprai.Quandilmecontemplaitdelasorte,jemesentaissuperbe.Jeportaisunetenue
unieetsansmanchesrelativementsage,étantdonnélahauteencolureetlefaitqu’ellemetombaitàmi-cuisses. Toutefois, ellememoulait tellement qu’elle ne laissait guère de place à l’imagination.C’étaitunerobeàlafoissophistiquéeetsexy.
Jel’avaisachetéeplustôtdanslajournée,exprèspourChristian.Nousnousétionsrencontrésausyndicatétudiant.Christianétaitenprépadedroit;ilavaitdeux
ansdeplusquemoietétaitissud’unefamillemanifestementaisée.IlspossédaientunepropriétédanslesHighlands.Maisévidemment,cen’étaitpasdutoutpourcelaqu’ilmeplaisait.J’avaisappréciésafaçondesecomporterlorsdenotrepremièrerencontre–safraîcheuretsonauthenticitém’avaientvraimentséduite.Etm’avaientdonnél’impressiondepouvoirêtremoi-même.
Christian m’avait expliqué que, même si sa famille vivait dans les Highlands, ils avaientégalement une maison à Corstorphine, une ville grouillant d’activité dans la banlieue ouestd’Édimbourg.Sesparentsl’avaientachetéequandsasœurétaitvenuevivreicietavaiteusonpremierenfant.Elleétaitdésormaisenceintedutroisième,etlafamilleentières’étaitinstalléeenvillepourserapprocherd’elle.Jetrouvaisquecelaendisaitlongsureux,etj’étaisd’autantplusimpatientedelesrencontrer.
Àmongrandravissement,ChristiannousavaitréservéunetableàLaCour,pournotrepremierrendez-vous.Jen’avaismêmepaseul’occasiondeluidirequeBradenenétaitl’heureuxpropriétaire,l’ayanthéritéedemonpère.
Jem’apprêtaisàleluirévélerquandilsemitàévoquerlemenuenréfléchissantàceque,selonlui, jedevrais commander. J’allais lui répliquerque je savaisparfaitementceque jevoulais, ayantdéjàmangélàunnombreincalculabledefois,quandj’entendisAdamm’appeler.
Christianetmoinousarrêtâmesalorsquelemaîtred’hôtelnousmenaitànotretable,etj’avisaiAdam, installéaubeaumilieude lasalleen faced’unemagnifiquebrunette. Je réprimai l’accèsdejalousiequejesentispoindreenmerappelantque jesortaisavecunhommefabuleux,alorsquelacavalièred’Adamn’étaitsansdoutequ’unautredesescoupsd’unsoir.C’étaitunvraidonJuan.
Maisc’étaitmondonJuan,etjenepusm’empêcherdemedirigerversluiavecungrandsourirecar,commed’habitude,j’étaisraviedelevoir.
Adammesouritenretour,maissonhumeurvacillalégèrementquandilremarquamoncavalier.Il l’examina rapidement avant de reposer surmoi ses yeuxmagnifiques. Ilme considéra puismedéclaraavectendresse:
—Tuesvraimentsuperbe,Els.Soncomplimentnemefitpasseulementrougir:j’avaislevisageenfeu.—Merci,murmurai-jeavantd’adresserunsourirepoliàsacavalière.Bonsoir.Ellemefusilladuregard.Mmm,super.—Adam,jeteprésenteChristian.Adamlesaluad’unhochementdetêtecrispéavantdedésignersacavalièred’ungestedelamain.—VoiciMegan.—Meagan,lecorrigea-t-elleavechargne.JevisAdamréprimerunsoupir.Oh,oh.Apparemment, lasoiréenesedéroulaitpascommeil
l’auraitsouhaité.—Ondevraitrejoindrenotretable,meditChristianenmetirantdoucementparlecoude.JesourisunefoisdeplusàAdam.—Passezunebonnesoirée.—Toiaussi,mapuce.JetournailestalonspoursuivreChristianquandjesentistirersurl’ourletdemarobe.Jebaissai
lesyeuxetvisAdamarracherl’étiquetteduprix.Jerosisetilm’adressaunclind’œil.Je fermai brièvement les paupières. J’avais laissé l’étiquette. Ce genre de trucm’arrivait sans
arrêt.Bonsang,j’espéraisqueChristiannes’enétaitpasaperçu.Quandj’ouvrisdenouveaulesyeux,j’articulaisilencieusementun«merci»àAdam,enneprêtantaucuneattentionàsacompagne.IlmesouritàpleinesdentsetjerissouscapeavantderejoindreChristianànotretable,del’autrecôtédelasalle.
—Quiétait-ce?medemanda-t-illeplusnaturellementdumondetandisquenousnousasseyions.—Lemeilleuramidemonfrère,répondis-jed’untondétaché.Onagrandiensemble.Christianhochalatêtepuischoisitunebouteilledevinblanc.Jepréféraislerouge.Nousdiscutâmesenattendantleretourduserveur,etChristianmeparlad’ungaladecharitéqu’il
organisait.Ilsetutletempsdepassercommande.Pourtouslesdeux.Prenantlepartidetrouvercelacharmantplutôtqu’insupportable,jel’informaiquenousétionsdanslerestaurantdemonfrèreetluiannonçai que je savais parfaitement ce que je voulais. Il fut impressionnéd’apprendre queBradenpossédaitLaCour,etjepassailescinqminutessuivantesàluiénumérerlesautresbiensdemonfrère.
Aprèsquoi,nousreparlâmesdelui.Le temps que notre deuxième plat arrive,mes espoirs de le voir être « le bon » s’étaient déjà
considérablement amenuisés. Il ne sembla pas une fois s’intéresser réellement à moi, et plus jeprenais consciencede sonégocentrisme,plus j’avaisdemal àoublier laprésenced’Adam.Adam,dontlesprunellespétillaientchaquefoisquej’ouvraislabouche.
Je venais d’avaler ma première bouchée de steak quand un téléphone carillonna. Debussy.Sérieusement?Mêmesasonnerieétaitpompeuse.
Oui,àcepointdelasoirée,touteattiranceavaitbeletbiendisparu.Christiansortitsonportabledesapocheetrépondit.Ilécarquillalesyeux.—J’arrivetoutdesuite.Ilrangeal’appareiletseleva.Jeledévisageai,absolumentatterrée.Allait-ilmeplanterlà?Enpleinrendez-vous?
—Masœurestsurlepointd’accoucher,m’expliqua-t-il.(Iljetaalorsuneliassedebilletssurlatable.)Resteici.Finistonrepas.(Ilsepenchapourm’embrassersurlajoue.)Jeterappelle.
Puisildisparut.Jenepouvaispas complètement ledétesterdem’abandonnerde la sorte lorsdenotrepremier
rendez-vous,carsasœurallaitavoirunbébé.Jem’avachissurmachaise.Christianétaitàn’enpasdouter quelqu’un de bien. En plus d’être incroyablement égocentré. Avec le recul, je me rendiscompte qu’il s’était comporté exactement de la même façon la semaine précédente au syndicatétudiant,maisdansmapetitetêtederomantiquej’avaisprisçapourdel’ouvertureetdel’honnêteté.
J’examinaimanourritured’unairabattu.Unemain vint se poser sur mon dossier et une ombre apparut au-dessus de ma tête. Je levai
lesyeuxetvisAdampenchésurmoi,laminerenfrognée.—Oùest-cequ’ils’estbarré?gronda-t-il.Dieuquejel’aime!—Sasœurestentraind’accoucher.Adamsedétenditmaisrestaprèsdemoi.—Çava,promis-je.Çan’allaitpasdutout.J’étaisauborddeslarmes.Etilenavaitconscience.Ilseredressaetappelal’undesserveursparsonprénom.—Vouspouveznousinstalleràunetableplusgrande?—Naturellement,monsieurSutherland.—Adam,non,protestai-je.Jeneveuxpasfoutreenl’airtasoirée.Ilmesaisitlamainetmeforçaàmelever.—Tut’eshabilléespécialementpourcerendez-vous,mapuce.Ilfautaumoinsquetufinissesde
manger.Adamm’entraîna jusqu’à lanouvelle tableet invitasacavalièreànousrejoindred’unsignedu
menton. Il s’installa près de moi tandis que Meagan s’asseyait en face ; ses prunelles vertestrahissaientsonagacement.
—Ellievasejoindreànous,l’informa-t-ild’untonnesouffrantaucunecontestation.—Désolée,marmonnai-jeenguised’excuse.—Iln’yapaslieudel’être,répliquaAdamavecfermeté.Lesserveurss’empressèrentderapporternosassiettes,ettandisquenousreprenionslecoursde
notrerepas,Adamm’interrogeasurChristian:—Ehbien. (Je soupirai après avoir avaléun succulentmorceaudeviande.) Jusqu’à il y aune
quarantainedeminutes, je le trouvaisparfait.C’étaitavantqu’ilnecommandemonplatetnefassequeparlerdelui.
Adamsefenditd’unlargesourire.—Et ses cheveux ? Je parie qu’il peut causer de samèche pendant une bonne quarantaine de
minutes.Delamoussecoiffantequ’ilutiliseetpourquoi,delaquantitéqu’ilfautpourobtenirpilelabonnehauteuretlabonnecourbure…
Je me mis à glousser tandis qu’il continuait à me taquiner. C’était vrai. Christian avaiteffectivementunehouppetteimpressionnante.Troisquartsd’heureauparavant,jetrouvaisqu’elleendisait longsur sapersonnalitéet sonstyle.Àprésent, j’étaisconvaincuequ’Adamavait raison :cetypepassaitprobablementplusdetempsquemoidevantlemiroir–etcen’estjamaisbonsigne.
Adammefitrirependanttoutlerepas,sibienquejefinisparoubliermasoiréegâchée.JenemesouvinsdelaprésencedeMeaganquelorsqueleserveurvintnousdébarrasseretnousproposerla
cartedesdesserts.ElleserappelaànousenfaisantraclersachaisesurlesoletenfusillantAdamduregard.
— J’avais oublié, j’ai une réunion tôt demainmatin.Merci pour le dîner,Adam.À un de cesjours.
Sansluilaisserletempsderépondre,ellequittalerestaurantsursesescarpinsdemarque.Jemesentissubitementminable.Adametmoin’avionspasuneseulefoistentédel’incluredans
nosconversations.C’étaitfranchementimpoli.Ildutremarquermaminecoupablecarilsecoualatête.—Net’enfaispas,mapuce.Ellen’apasarrêtédeseplaindredepuisquejesuisallélachercher.
Sijemesuiscomportécommeunconnard,c’étaitensignedereprésailles.Jeluiadressaiunsourirecompatissant.—Ilsembleraitqu’onsesoitmutuellementsauvésdenosrencardsfoireux.Sonvisages’illumina.—C’est bien ça. (Il baissa alors les yeux sur le menu.) Bon, qu’est-ce que tu prends pour le
dessert?—Cen’estpasindispensable,luidis-jedoucement.Onpeutpayeretrentrer,jenevoudraispas
sabotertasoiréepluslongtemps.Ilm’observaparendessous,commes’ilmeprenaitpourunefolle,etrépliqua:—Choisistondessertetferme-la,Els.Jem’efforçaidedissimulermonsourirederrièrelacarte.
Noussortîmesdansladoucenuitestivale,Adammepritlebraspourlepassersouslesien.—Oùest-cequ’onva,maintenant?Jecillaidesurprise.Nousavionsfinidemanger,etjesupposaisquenousrentrerionschacunchez
soi.—Euh,qu’est-cequiteferaitplaisir?—LeVoodoo Rooms, ce n’est qu’à cinqminutes demarche. Je connais les barmans, ils nous
trouverontunetable.Je hochai la tête, tout en essayant de convaincre mon cœur de ne pas s’emballer. Adam
m’emmenait boire un verre. Nous n’étions encore jamais sortis dans un bar juste tous les deux.Parfois,ons’yretrouvaitavecBraden,maisjamaisentêteàtête.
Tandisquenousavancions,brasdessus,brasdessous,jem’autorisaiànousimaginerencouple.C’estcequedoiventsedirelesgensquel’oncroise.Mapoitrinemebrûlait.
L’amournonpartagéestloind’êtreaussiromantiquequedansleslivres.— Y a-t-il une personne ici que tu ne connaisses pas ? le taquinai-je dans le but de paraître
détendue.Adamsourit.—Jen’aipasencoretoutàfaitrencontrétoutlemonde.Saréponsemefitglousser.AdametBradenparlaientd’Édimbourgcommede«leurville»,et
c’étaitpresqueàprendreausenspropre.Ilsavaientdesrelationspartout,etchaquefoisquejesortaisaveceux,nouspassionslamoitiédenotretempsàsaluercertainesdeleursconnaissances.D’aucunsdiraient qu’Adam n’aurait jamais entretenu ce lien avec la métropole s’il n’avait pas grandi avecBraden,sonmeilleuramidetoujours.
Contrairementànous,Adamnevenaitpasd’unefamillefortunée.Sonpèreetsamèreétaientdesgensordinaires,quin’avaientjamaisvraimentdonnél’impressiondevouloirêtreparents.Ilsavaient
euleurfilsparaccident.Etmêmes’ilsnes’étaient jamaismontrésnégligentsoucruels, ilsavaienttoujoursétédistants,etAdamavaitpassél’essentieldesonenfancechezBradenouàmaudirelesétésquecelui-cipassaitenEuropeavecsamère.
Dèsqu’Adamavaiteudix-huitans,ilavaitemménagédansunlogementétudiant,contractantunedetteénorme;sesparentsenavaientprofitépourfilerenAustralie. Ils luidonnaientdesnouvellesenvironune fois parmois.QuandAdamavait décroché sondiplôme,Braden avait remboursé sonemprunt ; naturellement,Adamétait trop fier pour accepter,maismon frère avait fini par le faireboireetparenregistrersonaccordmalarticulésursoniPhone.J’avaisentendulapreuve.Ilavaitsisouventrépété«jet’aime,monpote,tuesbeau»àBradenquej’avaisfaillifairepipidansmaculottetantj’avaisri.
Lesorigines socialesd’Adamne changeaient toutefois rien.Même siBradenn’avait pas été làpourluiouvrirtoutescesportes,j’étaisconvaincuequ’avecsoncharmeetsoncharisme,Adamauraitdetoutefaçonétéunhommequetoutlemondeconnaissait,appréciaitouenviait.Oudonttouteslesfillesrêvaient.
QuandnousarrivâmesauVoodooRooms,lacuisineétaitentraindefermeretlasalleétaitbondée.—Adam!s’écriaunbarmanennousvoyantentrer.Jevaisvoustrouverunetable.Il en débusqua effectivement une, qu’il essuya à l’aide d’une lavette humide. Il me dévisagea
tandisquejem’asseyaisetadressaàAdamunsourireapprobateurquimefitrougirjusqu’àlaracinedescheveux.
—Qu’est-cequejevoussers?—JevaisprendreunMacallanetunebièreaugingembre.Ettoi,mapuce?—Unmojito,s’ilteplaît.Adam me rejoignit dans le box et glissa son bras sur le dossier, derrière ma tête. Pour une
obscureraison,jemesentaisatrocementmalàl’aiseetnesavaisquedire.—Désoléequetonrencardsesoitmalpassé.Adamhaussalesépaules.—Cen’estpasgrave,jepréfèrearroserçaavectoi.—Arroserquoi?Il me décocha un léger sourire, un air de bonheur enfantin sur le visage. Son regard
m’émoustilla.Ilfallaitvraimentquejemefassesoigner.—Jesuisdésormaisofficiellementarchitecte!J’entrouvrisleslèvresetenroulaispontanémentlesbrasautourdesoncou.—Félicitations!Ilpouffadansmonoreilleetjefusprised’unfrissonensentantlecontactdesesmainspuissantes
etcréativesdansmondos.—Merci,mapuce.—Est-cequeBradenestaucourant?demandai-jeenmereculantpourpouvoirleregarder.—Ouais.Ilm’afélicitéenmeproposantunCDI.J’éclataiderire.Celaluiressemblaitbien.Adam avait obtenu la partie pratique de sa formation en travaillant au côté de l’architecte de
Braden.Cependant, depuis un an, il suivait lui-mêmedesprojets, et dèsqu’il avait eu l’expériencerequise,ils’étaitinscritauprèsdel’ordredesarchitectes.
—Jesuissincèrementheureusepourtoi.—Jesais.C’estpourçaquej’aimemieuxfêterl’événementavectoiplutôtqu’avecMegan.—Meagan,lecorrigeai-je.
—Peuimporte,maugréa-t-il.Quandnosverres arrivèrent, je l’interrogeai sur le contrat qui les occupait tant,Braden et lui,
depuis quelque temps. Lui me demanda comment se passaient les cours. Je m’étais inscrite à undoublecursusenartethistoiredel’art,caressantl’espoirdedevenirunjourgaleristemais,aufildemesétudes,jem’étaismisentêtedefairecarrièredanslemondeuniversitaire.
Clark, qui enseignait l’histoire antique dans lamême fac, était particulièrement fier et excité àl’idéedemevoirmarchersursespas.Quand j’avaisannoncéàBradenvouloirpasserundoctoratd’histoirede l’art, ilm’avait, commede coutume, regardée telle une folle,mais ilm’avait ensuiteembrasséesurlefrontenmedisantdefairecequimerendaitheureuse.
Letempssemblas’accélérer,etj’enfusbientôtàmontroisièmemojito.J’étaisdèslorsblottieauplusprèsd’Adam,àm’esclaffertantqu’ilmerégalaitdeleursanecdotesloufoques,àBradenetàlui,auboulotcommeailleurs.
Enapparence,ilsétaientdeuxjeuneshommesextrêmementmûrsd’environunquartdesiècle.Jen’étaispasdupe.J’essuyaimeslarmesderireetbusunenouvellegorgée.—Vousêtesvraimentdesclowns.—Chut,c’estunsecret.Jeluisouris,etlesourirequ’ilm’adressaenretoursefigeasubitement.—Quoi?fis-je,lesoufflecourt.Ilavalasasaliveetsecoualatête.—Rien.Jemedisjusteparfoisqueletempsfileàtoutevitesse.—Jesais.Noussommesdesadultesàprésent,letaquinai-je.Ilscrutamonvisage,l’airénigmatique.—Oui,c’estvrai,murmura-t-il.Et sa façon de le dire électrisa l’air alentour. J’auraismême juré avoir cessé de respirer. Ses
prunellesétaientsombresetintenses,etjesentaislachaleurdesonregarddescendresensuellementlelongdemoncorps.Gênée,jem’humectaileslèvres,etilobservamabouche.
Puisnosyeuxsecroisèrent.J’ignore lequel d’entre nous fit le premier pas. En tout cas, nous nous retrouvâmes bientôt si
proches que nos lèvres se touchaient presque. Je sentais son souffle semêler aumien.Les odeurscombinéesduwhiskyetd’Adammettaientmeshormonesenébullition.Mapoitrinesegonflaitetsevidaitàtouteallure,tantj’étaisexcitée,impatiente.
Jemerapprochaitrèslégèrementetnosbouchess’effleurèrent.Àpeine.Toutefois,cefrôlementsilégersuffitàprovoquerunedéchargededésirenmoi.
Adamfitunbruitdegorge,etjefusalorsconvaincuequ’ilallaitacheverdecomblerladistancequinousséparait…
Maisjen’enauraisjamaisconfirmation.Sontéléphonesemitàsonner,faisantl’effetd’unseaud’eauglaciale jetédansnotrebox. Jeme reculai brusquement et le vis se rembrunir en se rendantcomptedecequiavait failli seproduire.Lesdentsserrées, ilplongea lamaindans lapochedesavestepour en extraire sonportable.La sonnerie s’était déjà tue. Ilme regarda et annonçad’unairsombre:
—Braden.Je supposais que c’était lui qui venait de l’appeler,mais il pouvait y avoir un double sens. Je
comprisd’ailleursquec’était lecasquandilpayapournosconsommationsetmemitdansuntaxi,interrompantbrutalementnotresoirée.
J’étais Ellie, la petite sœur de Braden. À ses yeux, je resterais à jamais la benjamine de sonmeilleurami,cequimeplaçaitenterritoireinterdit.
Allongée dans mon lit cette nuit-là, je maudis Adam Sutherland sans relâche. S’il n’avait pasencoreéradiquémesderniersespoirsavantcettesoirée,c’étaitdésormaischosefaite.
Unfrottementsurmeslèvres.Uncontactinfime,quiavaitsuffiàfairejaillircetteétincellequej’appelaisdemesvœuxdepuis
mesquinzeans.Leprochainmecàseprésenterdansmavieallaitavoirdupainsurlaplanchepourêtreàlahauteur.
5
—J’aiflippé,admitAdam.(Ilmedécochaunsourireespiègle.)Jen’aijamaisautantbandédemaviepourunbaiserraté.Depuis,j’avaisenviedetebaiserchaquefoisquejetevoyais.
Je lebousculaipar jeuetm’empourprai.Adamsemontraitaussigrossiercar ilsavaitquecelam’embarrassaitautantquecelam’excitait.J’avaistoujoursdétestéentendreutiliserlemot«bai…»pour décrire une relation sexuelle, parce que je trouvais cela distant, dépourvu d’émotions.Maisdepuisqu’Adametmoiétionsencouple, j’avaisapprisque,quandonétaitamoureuxdequelqu’unquinousaimaitenretour,ilexistaitunvasteéventailderapportspossibles.Etaufinal,j’estimaisque« faire l’amour » impliquait tendresse, douceur et lenteur,mais que quand cela devenait farouche,sauvage et passionné, « bai… » convenait mieux. Adam était également compétent dans les deuxdisciplines.
Jesongeaiàcequ’ilvenaitdedireetfronçailessourcils.—Tuasbiencachétesémotions.Ilsoupira.—Jen’ensuispassisûr.(Ilsepenchadenouveausurlecarnetetsonfrontseplissa.)Aufait,
qu’est-ilarrivéàceChristian?—Jel’aigentimentenvoyépromenerquandilm’arappeléepourmeproposeruneautresortie.—Jediraisbien«lepauvre»,maisc’estmoiquit’aidésiréependantcinqansavantdet’avoir
enfin.—Etc’estuniquementtafaute.Jechoisisl’extraitsuivant.Unenuitquejen’étaispasprèsd’oublier.—Neufmoisavantl’arrivéedeJoss…Unexcellentexempleprouvantquec’esttafaute.
Dimanche23octobreCettefois,çayest.Jelaissetomber.Jesuishumiliée.Confuseethumiliée.Etblessée.Etencore,lemotestfaible…
J’étaiscenséepassermasoiréedusamediàsiroterdescocktailsetàparlerd’autrechosequedela fac avec Jenna et des copines. Au lieu de quoi, je me retrouvais dans un taxi en direction del’appartementd’AdamàFountainBridge.J’auraispuyalleràpied,maisj’étaispresséed’yarriverpourm’assurerquetoutallaitbien.
Etjetenaisvraimentàleremercierdem’avoirsoutenue,commeill’avaittoujoursfait.Lasemaineécouléen’avaitpasétéparticulièrementbonne.Etcen’estriendeledire.J’avais été trahie.Encore.Mais cette fois, c’était pire que jamais. Je sortais avecRich Stirling
depuiscinqmois.Depuiscetemps,jepensaisêtreavecungentilgarçonquibossaitàGlasgowpouruneagencederecrutement.Puisj’avaisdécouvertqu’ilm’avaitenréalitéapprochéeuniquementdanslebutd’espionnerBradenpourlecomptedesonentreprise.Lepromoteurimmobilierpourlequelil
travaillaitétaitprêtàtoutpourluipiquerunmarchésurlazonecommercialedesquais.IlavaitdoncembauchéRichdansleseulbutdedécouvrirlasommequeBradencomptaitengagerpourlebailafindelesupplanter.
Jen’étaispasamoureusedeRich,maisj’avaislaissécettepetiteordureentrerdansmavieetdansmonlit–etjeluiavaisoffertunepartiedemoi.Jenecroispasm’êtreunjoursentieplusstupidedetoute ma vie. Mes proches n’arrêtaient pas de me reprocher d’être trop gentille et de manquerd’instinct vis-à-vis des personnes, de laisser des connards s’introduire dans mon existence. Jecommençaisàcroirequ’ilsn’avaientpastoutàfaittort.
Jesavaisquejepouvaismerenfermersurmoi-même,empêcherlesautresdesejouerdemoi,memontrer plus sélective…Mais je n’aurais plus été moi, et ç’aurait été une victoire pour les genscommeRich.Jerefusaisdoncdechanger,etcela,ensoi,étaitunepetitesatisfactionpersonnelle.
Néanmoins,celafaisaitunmalfoud’êtreaussi impuissante,denepaspouvoirsevengerd’unemanière ou d’une autre. Ainsi donc, quand Braden était venu chez moi – dans ce magnifiqueappartementdeDublinStreetqu’ilavaitrénovéavantdemel’offrir–pourm’annoncerqu’AdametluiavaientfaitquitterlavilleàRichlaveilleausoir,j’avaisretenumonsouffle,sachantexactementàquoim’attendre.
Sanssurprise,ilm’avaitapprisqu’ilavaitdûempêcherAdamdelebattreàmort,etqu’ill’avaitramenéchezluipourlecalmeretluiplongerlesmainsdansdelaglace.Apparemment,Adamavaittenuà faire savoirauplusgrandnombrecequ’ilpensaitdeceuxquinous trahissaient,Bradenoumoi-même.Ilnelesaimaitpas.Etquandiln’aimaitpas,celasesentait.
Dès queBraden était parti, j’avais tourné en rond chezmoi, paniquée, enme demandant quoifaire.Devais-jetéléphoneràAdampourleremercier?Luirendrevisitepourlefaireenpersonne?Luireprocherd’avoireurecoursàlaviolence?Non,cedernierargumentneprendraitpasaveclui.Iln’étaitpasquelqu’undeviolent.Enréalité,mêmes’ilétaitparfois intimidantets’ilavaitmenacénombred’importunsquandj’étaisplusjeune,c’étaitlapremièrefoisqu’ils’enprenaitphysiquementà quelqu’un pourme défendre. Et jem’attendais un peu à ce qu’il aille trouver Rich.Adam avaitexploséetquittéentrombelamaisondesparentsquandBradenleuravaitfaitpartdelanouvelle.Ilm’en avait d’abord parlé, j’en avais néanmoins eu des sanglots plein la gorge quand je l’avaisentenduraconterl’histoireunenouvellefois.
Aprèsmûre réflexion, j’avais finalementdécidéd’annulerma sortie entre copines. J’avaisprisunelonguedouche,jem’étaisséchélescheveux,lesavaislissés,puisj’avaisenfiléunejupelonguetaillebasse,desUggsetunpetitpullenlaineàcolroulé.Jevoulaism’habillerdefaçondécontractée,maischaquefoisquejevoyaisAdam,j’aimaisluirappelerd’unefaçonoud’uneautrequej’étaisunefemmedansuncorpsdefemme–mêmesicelanechangeaitrienàl’affaire.Bienqu’ilm’aitprouvéàplusieurs reprises que je ne lui étais pas complètement indifférente, Adam était toujours restéparfaitement platonique depuis que nos lèvres s’étaient frôlées au Voodoo Rooms trois annéesauparavant. J’étais entre-temps sortie avec trois garçons dans l’espoir de tourner la page.Envain.Aucund’euxnesoutenaitlacomparaison,ettoutesmesrelationsavaienttournécourt.
Meméfiantdumauvaistemps,j’avaisenfiléunecourtevesteenlaineetpasséuneécharpe,avantdehéleruntaxijusteenbasdemonimmeuble.Cen’étaitqu’alorsqu’ilserangeaitdevantchezAdamquejem’étaisditquej’auraisdûl’appelerpourleprévenirdemonarrivée.Aprèstout,nousétionssamedisoir.
Ilapeut-êtredelacompagnie.Monestomacsenouadefaçondéplaisanteàcetteidée.Ladernièrefoisquejem’étaisprésentée
chezluiàl’improviste,quatremoisplustôt, j’avaiscroiséunefillenomméeVicky.Nonseulement
j’avais été horrifiée d’être une fois de plus témoin de ses récréations sexuelles, mais j’avais étéchoquéededécouvrirquemon frère et luipartageaient leurs conquêtes.Pas enmême temps,Dieumerci.Mais je savais que Braden était sorti avec Vicky auparavant. Afin d’apaiser mes tendancesromantiques violemment ébranlées, Adam m’avait expliqué a posteriori que Braden et Vickyn’avaientrienvécudesérieux,etquequandcelle-ciavaitannoncéàBradenqu’elleétaitattiréeparAdam,Bradens’étaitempressédeleluirépéteret–la,la,la,la,la,la,la!Jen’avaispasentendulafindesonexplication,préférantmeboucherlesoreillesetchantonneràlamanièred’uneenfant.
Tout ce qui avait trait au sexe nem’était pas naturel.Non seulement celam’embêtait quemonfrère, qui avait naguère été secrètement romantique, passe de conquête en conquête sans jamaissemblervouloirsecaser,maisj’étaisencoreplusagacéedevoirAdaml’encouragerdanscettevoie.Jenesauraismêmepasdécrirecombienj’étaisfurieuseaprèsVicky.
Aprèsavoirdemandéauchauffeurd’attendreuninstant, jesortismontéléphoneetcomposailenumérod’Adam.
—Salut,mapuce,m’accueillit-ild’unevoixpleinedesollicitude.Ils’inquiétaitmanifestementencoredesavoircommentjegéraislatrahisondeRich.—Salut,répliquai-jedoucement,melaissantsubmergerparsontimbrechaleureux.Jesuisenbas.
Çat’embêtesijemonte?—Aucontraire.Jet’ouvre.Je raccrochai, payai ma course et entrai dans le vestibule, le cœur battant la chamade. Adam
actionnaleportier.Dès que je montai dans l’ascenseur, mes mains devinrent moites. C’était bizarre, mais me
retrouver seule avec lui me chamboulait de plus en plus au fil des années. J’avais chaque foisl’impression de vivre un premier rendez-vous,même si je le connaissaismieux que pratiquementn’importequid’autre.
Ilm’attendaitdevantl’ascenseur,lesbrascroisés,l’épaulecolléeaumontantdeporte.Ilétaitvêtud’un tee-shirt blanc uni et d’un vieux jean. Il était pieds nus, les cheveux en bataille, et avait bienbesoindeseraser.
Ilétaittellementcanonquejecraignisdememettreàhyperventilersurplace.J’allai le rejoindre et lui tendis la bouteille de vin que j’avais apportée. Il s’en saisit avec un
sourireénigmatiquequim’arrachaunsoupir.—C’étaitsoitça,soitunetapesurlesdoigts.J’examinaiostensiblementsesjointuresmeurtries.Seslèvrestressaillirent.—Alors,vapourlevin.Jelesuivisdanssonduplex,appréciantcommechaquefoissonintérieuraménagéavecgoût.Un
vasteescaliernousaccueillaitdèsl’entrée,desservantdeuxchambresspacieuses,unesalledebainsetunbureau.Lebasformaitunimpressionnantsalon,donttouteuneparoiétaitvitréedusolauplafond,au bout duquel se trouvait une grande cuisine avec îlot central, comptoir mange-debout, table etchaises.
Unendroitvraimentcossu–qu’ilavaitlargementlesmoyensdesepayer.NonseulementBradenlerémunéraitgrassement,maisAdamavaitenoutreinvestidansdel’immobilierlocatifaucoursdesdeuxannéesécoulées,cequiarrondissaitconsidérablementsesfinsdemois.
J’observai à nouveau les lieux, un sourire en coin. Contrairement à mon appartement, celuid’Adamétaitimpeccablementordonné.Toutavaitétéchoisiavecsoinetrangéàsaplace.Enréalité,
sijen’avaispassudesourcesûrequ’Adamétaitleplushétérodeshétéros(misàpartBraden,biensûr),sonduplexm’auraitprobablementconvaincueducontraire.
—Jecroisque jevaisavoirgrandbesoinde l’ouvrir, annonça-t-ild’unevoix taquine. Je sensarriveruneleçondemorale.
Jemedébarrassaidemavested’unhaussementd’épaulesetretiraimonécharpe,toutenlorgnantsonculdélicieuxs’éloignerdemoi.Cethommeavaitlederrièreleplusappétissantdetoutel’histoiredesderrières.J’allailerejoindredanslacuisineetleregardainousservirunverreàchacun.Adamseretournaquandj’arrivaiàsahauteur,etjelevislouchersurlapeaunueentrelebasdemonpulletlehautdemajupe,avantdesedétournerrapidement.Jemecongratulaiintérieurement.Tuasbienchoisitatenue.
—Tiens,grommela-t-ilenmetendantmonverre.Nosyeuxsecroisèrenttandisquenousbuvionsunegorgée.—Jesuisvenueteremercier,annonçai-jealorssolennellement.Ilsecoualatête.—Ellie,cen’estpaslapeine.(Ilserembrunit.)C’étaitunplaisir,crois-moi.—Bradenm’aditqu’ilavaiteudumalàt’arracheràRich.—Ils’estfoutudetoi,Ellie.Ilt’abienbaisée.—Littéralement,murmurai-je.Ilsecrispa.—Nete…commença-t-ild’untonmenaçant.Jesuisàdeuxdoigtsderetournerchopercettepetite
raclure.Jenepusm’empêcherde jubiler enpercevantcette sincéritédans savoix. J’étais auxangesde
savoirqu’Adamtenaitautantàmoi. Il refusaitpeut-êtredemeconsidérerautrementquecomme lapetitesœurdeBraden,maisc’étaitnéanmoinsrassurantdesavoirqu’iléprouvaitcertainssentimentsàmonégard.
—Jedevraisteréprimander.J’attrapaisamainlibre,meservantdesesblessurescommed’uneexcusepourle toucher.Je la
soulevai pour l’examiner de plus près. Ses phalanges n’étaient pas seulement contusionnées, ellesétaientenflées,etcelledumilieuétaitmêmeouverte.
Jeprisuneprofondeinspiration.—Combiendefoisl’as-tucogné?Adamsepenchasurnosmains.—J’aid’abord frappé lemuràcôtédesa tête.Mais lamenacen’apassuffi, il a falluqu’il la
ramène alors qu’il aurait eumieux fait de fermer sa gueule, et je crois lui avoir décoché quatrebeignesavantqueBradenmeretienne.
Je le scrutai avec intensité, ne sentant plus du tout le petit frisson d’excitation quim’avait peuavantparcourue.
—Est-cequ’ilétaitencoreconscient?—Àpeine.(Ilplissalesyeux.)Tut’inquiètespourlui?—Jenevoudraissurtoutpasquetuaiesdesennuis.Ilseradoucitetretiradoucementlapaumequejetenaisencore.—Net’enfaispas,mapuce.Seloncertainessources, jen’étaispasdutoutavecRichhiersoir.
Unegrossedizainedetémoinsconfirmerontquej’étaisauBarKohlàl’heuredeladiteagression.Jehochailatête,pasrassuréepourautant.—Els,commentvas-tu,sérieusement?demandaAdamavechésitation.
Aulieudeluirépondredirectement,jefisvolte-faceetmedirigeailentementverslecanapéenl’écoutantmesuivre.Jem’installaiconfortablementet ils’assit toutprèsdemoi,étendantsonbrassurledossier.Jetrouvaienfinlecouragedesoutenirsonregardetjehaussailesépaules.
—Jesuistropconne.Ilfronçalessourcilstoutenpinçantleslèvres.—Nedispasça.—Jesuistropconne,insistai-je.Jesuiscomplètementidiote,naïveet…humiliée.Ilseglissaplusprèsdemoi,metouchantdélicatementlepoignetpourmeréconforter.— Tu n’as pas à te sentir humiliée. C’est un connard qui s’est joué de toi. C’est lui, le con.
L’espèce de gros crétin qui va bientôt se rendre compte que, pendant cinq mois, il a été le pluschanceuxdeshommes.Ilvaleregretter,machérie.
«Machérie».Jedusmeconcentrerpourarriveràrespirer.Adamnem’avaitencorejamaisappeléeainsi.Ily
avaitquelquechosedeparticulièrement intimedanscesurnom.Çameplaisaitbien.Çameplaisaitplusquebien.
Jeluisouris.—Tutrouvestoujourslesmotsjustes.—C’estparceque jenedisque lavérité.Tuesuniqueen tongenre,Els.N’importequel type
auraituneveineincroyabledesortiravectoi.Sesparolesmefirentl’effetd’unecaressesurtoutlecorps.Ilm’observaencoinavantd’avaler
unenouvellerasadedevin.Jemedisqu’ilattendaitpeut-êtreunsigned’encouragement.Certes, j’étais la petite sœur de Braden, mais j’étais également Ellie, la fille dont il pensait
apparemmenttantdebienetdontilavaitdéjàditqu’illatrouvaitbelle.J’ignoraissic’étaitàcausedel’alcooloudufaitqu’ilaitunefoisdeplusprismonparti,maisjeledésiraisplusquejamaisetjedécrétaisuruncoupdetêtequ’ilétaitplusquetempsqu’illesache.
Je le laissai me réconforter tandis que nous finissions nos verres. Une heure s’était écoulée.J’avais retirémesUggspourmerecroquevillersur lecanapé,collée toutcontre lui.Sonbrasétaittoujourssur ledossieret,chaquefoisque jeriais, je lui touchais lebicepsou luiserrais legenou.J’étais quelqu’un d’affectueux et de tactile, mais il ne s’agissait pas que de ça, et Adam en avaitconscience.Jelevoyaisdanssesprunellesetj’espéraisquemonplanporteraitsesfruits.
Onaurait pu croireque ladouleur et la trahisonm’auraient dissuadéedem’ouvrir à lui,maisj’étaisincapabled’agircontrenature.Jen’étaispasquelqu’underenfermé,etjenecomptaissurtoutpasl’êtreavecAdam.
Tandisqueladeuxièmeheures’écoulait,j’étaisplusdéterminéequejamaisàfaireévoluernotrerelation. J’en avais vraiment marre de sortir avec des garçons dont je n’arrivais pas à tomberamoureuse,etcelamerendaitencoreplusmaladequ’ilssefoutentdemoi.
Adam était en train deme parler d’une discussion qu’il avait eue sur Skype avec samère unesemaineauparavant;apparemment,sesparentsprévoyaientderevenirpasserquelquessemainesenÉcosse au mois d’avril. Je m’étirai alors, feignant de vouloir me faire craquer le dos. Cela fitremonterunpeupluslebasdemonpull,dévoilantmonventreparfaitementplattoutenmettantmesseinsenvaleur.Quandjereprismapositioninitiale,Adamavaitcessédeparler.Ilserraitlesdents.
—Putain,Ellie,àquoitujoues?medemanda-t-ild’unevoixrauque.Mêmesij’étaisécarlateàl’idéedemefaireéconduire,jehaussainonchalammentlesépaules.—Jem’étire.Ilm’examinadelatêteauxpiedsetsecontractadavantage.
—Tuvoistrèsbiendequoijeparle.Lespetitscontacts,leflirt,l’étirement…Lecœurbattant lachamade, je remontai lesgenoux jusqu’à toucher l’extérieurdesacuisse. Je
m’humectaileslèvres,nerveusemaistoutexcitéeàl’idéequ’ilpuissemecaresserenretour.—Jepensequetulesaistrèsbien,soufflai-je.Nosregardssecroisèrent.L’airsemblasedensifierentrenous.Adamdéglutitdouloureusement.—Ellie,chuchota-t-il.Sansbaisserlesyeux,jetendisunemaintremblanteetlaremontailentementlelongdesajambe.
J’avais presque atteint l’endroit où, àma grande satisfaction, son érection déformait sa braguette,quandilm’arrêtaavecdétermination.
Jelaissaiéchapperunhoquetdesurpriselorsqu’ilmetiraverslui.Ilprofitademondéséquilibrepourm’attraperparlanuqueetm’embrasseràpleinebouche.
Jemesentisfondre.Jeplongeai lesdoigtsdanssescheveux,déplaçaimes jambesafindememettreàcalifourchon
sursesgenoux.Noslèvressescellèrent.C’étaitencoreplusfortquetoutcequej’avaispuimaginer.Ma peau me brûlait et toutes mes terminaisons nerveuses étaient en éveil ; j’avais des
fourmillementsdanstoutlecorps.Adamavaitungoûtdevin,dechaud,de…confort.Jegémissaiscontresabouche,etilserralesbrasautourdemataille,parvenantàm’attirerencoreplusprès.Notrebaiser passionné se fit luxurieux en une fraction de seconde. Soudain, nous nous mordions, noslanguess’agitaientpourexplorerlesmoindresrecoinsdelabouchedel’autre.
Nousn’étionspasencoreassezproches.Toutdisparutdansunebrumedetensionsexuellesiélectriquequejenedouteraisplusjamaisdes
romans sentimentaux. Je sentais sesmains rugueuses surmes chevilles, remontant le long demesmollets,puisjusqu’àl’arrièredemescuissestandisqu’illibéraitmajupeetlaretroussaitautourdemataille.Ilmecaressaalorslesfesses,lespinça,sibienqu’unedéchargedechaleurm’envahit,mefaisanthaleter.
Adamgrognaenaccentuant lapressionsurmeshanches. Ilmeplaquaitcontresonérection,desortequejelasentaisjusteentremescuisses–seulslefincotondemaculotteetl’épaisseurdesonjeanséparaientnosdeuxintimités.Jerecherchaiscettefrictiondélicieuse,lechevauchantjusqu’àcequenosbouchess’écartentuninstantpournouslaisserreprendrenotresouffle.
J’avaisbesoindelesentirplusprès,del’éprouverenmoi.Jem’affalaisurluietenfouismesdoigtsdanssesépaulestoutenfrottantplusfort.Adam gronda et s’écarta de moi le temps de retirer mon haut. Je levai les bras, et il m’en
dépouilla à gestes précipités et désordonnés, m’ôtant le soutien-gorge dans la foulée. Il prit mesmainsencoupeetj’arquailedospourm’offrirunpeuplusàlui.
—Tuestellementparfaite…murmura-t-ild’untonrauque.Putain,tellementparfaite…Ilrefermalaboucheautourdemontétonet jelaissaiéchapperunpetitcrideplaisir tandisque
j’approchaisdel’orgasme.Lefaitdemesentirsiexcitéedutattiserunpeuplusledésird’Adam.Jepoussaiunglapissement
etmeretrouvaiàplatdossurlecanapé;lesyeuxbrumeux,jevisAdamsedébarrasserdesontee-shirt avant de baisser ma jupe et mon pantalon. Ses abdominaux bien dessinés se contractèrentdélicieusementetjesentismonentrecuisses’humidifier.
Ilétaitsibeauquec’enétaitpresqueinjuste.Nos lèvres se retrouvèrent et il se pencha surmoi. Son torse nu vint effleurermesmamelons
durcis,etj’écartaigrandeslesjambespourlelaissersepositionner.Ilportaitencoresonjean,etla
rugositédutissuétaitunevéritabletorturesensuelle.Tandis que nos baisers se faisaient de plus en plus pressants, je n’aspirais qu’à accélérer le
processus.Jetendislamainverssonpantalonetendéfisleboutonetlabraguette.Puisjetiraisursonboxer, plongeant la main à l’intérieur pour en extirper sa virilité. Sa verge était chaude, dure etpalpitante.Jen’arrivaispasàcroirequecemomentsoitenfinarrivé.Àprésent, jesavaisvraimenttoutdelui.
—Putain,grogna-t-ilcontremabouche,remuantleshanchesalorsquejepressaissonglandsurmonclitoris.
Je le lâchai ensuite pour lui saisir les flancs, puis j’agitai à mon tour le bassin tandis qu’ilcontinuait à me chauffer. Il m’embrassa de nouveau, farouchement, et je sentis son érectiondescendre…
J’ouvris davantage les cuisses et fis glissermesmains le long de son dosmusculeux jusqu’àbaisserunpeuplussonjean.Puisjeluiattrapailesfessesetl’attiraiàmoi.
—Adam,jet’enprie,suppliai-je.Adam…Ilsefigea.Instantanément.M’entendreprononcersonnomdissipalebrouillardsexuelquinous
enveloppaittousdeux.Nosregardssecroisèrentquandilrelevalatête,lecorpsflottantau-dessusdumien,lesmuscles
crispés.Simonexpressiondevaitêtrestupéfaite,Adamarboraituneminehorrifiée.Sonregardmedonnaenviededisparaîtredansmacoquille.Celamefitplusmalquejamais.Il se redressamaladroitement, remontasonboxeret son jean,puis jetama jupesurmoncorps
pourdissimulermanudité.—Ellie,onnepeutpasfaireça.Ilsecoualatêteetserelevad’unbond,s’empressantderamassersontee-shirtpourl’enfiler.Jeressentaisunmélangedesentiments–delaconfusion,deladouleur,delafrustration–,jemis
doncuntempscertainàmerasseoir.—Putaindemerde,Ellie,habille-toi,aboyaAdam.Ilmefallutrassemblertoutmoncouragepournepasbroncher–pournepaspleurer.Tandisquejeremettaismesvêtements,lesmainstremblantes,Adampoussaunprofondsoupir.—Mapuce,jesuisdésolé,jenevoulaispas…Savoixétaitchargéederegret.Jenerépondisrien.JemecontentaidelissermeshabitsetderécupérermesUggs,m’efforçantde
reprendreunecontenance.Jenepouvaistoutdemêmepasm’effondrerenlarmesdevantlui.Jem’yrefusais.
—Ellie?Je finis par le regarder en me relevant. Il avait l’air presque aussi abattu que moi. Maigre
consolation.—Ellie,tueslapetitesœurdeBraden.Jenepeuxpas…Onnepeutpas…Ilmedésignalecanapéd’ungestedésespéréavantdesepasserlamaindanslescheveux.Jemerendisalorscompted’unechoseatroce:si,pourmoi,cequiavaitfaillisepasserétaitné
d’uneprofondeaffection,d’uneattirancepartagéeet–oui–desentimentsamoureux,Adamsemblaitpenserquec’étaituniquementsexuel.Iln’avaitpasvoulumefairel’amour,maismesauter.
Une boule de chagrin se logea dans ma gorge ; je n’étais qu’à deux doigts de m’écroulerlamentablementenlongssanglotsdésespérés.Jefisvolte-face,contournailecanapé,lescheveuxmedissimulantlevisage.J’attrapaimavesteaupassageetmedirigeaiverslaporte.
—Ellie!s’exclamaAdam,paniqué,maisj’étaisdéjààmoitiédehors.Ellie,bordel!l’entendis-jehurler tandis que je claquai le battant derrière moi et dévalai l’escalier, sachant que l’ascenseurn’arriveraitsansdoutepasàtempspourm’autoriserunesortierapide.
Les larmes ruisselaient le long de mes joues tandis que je descendais les marches au pas decourse,m’efforçantderetenirlespleursbruyantsquimenaçaientdem’échapper.
—Ellie,s’ilteplaît!Adamétaitdésormaisderrièremoi.Jeforçail’allure,neprêtantnulleattentionàsescrism’enjoignantderevenir.Letempsqu’ilsortedel’immeuble,jeremontaisdéjàlarueencourantdansl’espoird’attraperle
busquis’apprêtaitàrepartir.Jemontaijusteàtempsàl’intérieur,puismelaissaitombersurunsiège,soulagée.Jeneregardaiqu’alorslenumérodelaligne.
Peum’importaitoùj’allais,tantquec’étaitloin,trèsloind’ici,trèsloindelaplusgrosseerreurquej’eussejamaiscommise.
Plusieursfois,durantmonadolescence,j’avaispleuréjusqu’àm’endormir.Deuxdecesfois,madétresseavait euun rapportavecAdam.Mais, chez laplupartdesadolescents, tous lesévénementsvaguement négatifs ressemblent de près ou de loin à la fin du monde. Fort heureusement, cettetendanceàl’exagérationtendàsedissiperàl’âgeadulte.C’étaitdumoinsmoncas.Ainsidonc,quandjedisquejem’endormiscettenuit-làensanglotant,jelefissansexcès.Ladouleurquej’éprouvaisétaitréelle.Véritable.Crue.
Pendant huit bonnes heures, je restai convaincue d’avoir eu la preuve qu’Adam Sutherland nem’aimaitpasdelamêmemanièrequejel’aimais;j’avaisenoutreacquislaconvictionquej’avaisgâchénotrerelationet foutuen l’air l’unedeschosesauxquelles je tenais leplusaumonde:notreamitié.
Jedormisàpeineetmeréveillaitôtlematinpourboireunetassedethé,seuledansmongrandappartement,lesyeuxgonflés,portantauxpiedsdeschaussettesdépareillées.
Le coup administré àma porteme fit sursauter, et j’arrosaimes genoux de liquide brûlant. Jeravalaiunjuronetdéposaiprécautionneusementmatassesurlatablebasse.Jesortisdusalonpourgagnerlevestibuleenténébré.
—Ellie,ouvre!exigeaAdamàtraverslelourdpanneaudebois.Ellie!J’avaisenviedeluiparler.J’avaisenviederectifierletir,derevenirenarrière,maisjesavaisque
si je le laissais entrer, il lui suffirait d’un regard pour comprendre que moi, Ellie NicholsCarmichael,j’étaispleinementetentièrementamoureusedeluietquelesévénementsdelanuitpasséem’avaientanéantie.
Je n’ouvris donc pas. Jem’adossai aumur du couloir etme laissai glisser jusqu’au plancherglacial.Jel’écoutaitambourineràmaporteenrépétantmonnom.J’écoutailetéléphonesonnerdansmachambre.J’écoutaiAdammelaisserunmessage.Jel’écoutaipesterens’enallant.
Quand je me réveillai, j’étais roulée en boule sur le sol. Je clignai les paupières, tâchant derassemblermesesprits,etfusdenouveausubmergée.Jen’eustoutefoispasletempsdem’apitoyersurmonsort,car jemerendiscomptequec’était lasonneriedu téléphonequim’avait tiréedematorpeur.Jemelevaiavecungémissement–mondosetmoncoun’ayantmanifestementpasappréciémoninconfortablepositiondesommeil–etcourusdansmachambrepouryrépondre.Àencroirel’heureindiquée,j’avaisdormiunpeuplusdedeuxheures.
Monestomacsenouaàlavueduportraitd’Adamsurl’écran.Jeprisuneprofondeinspirationetdécrochai.
—Ellie,Dieumerci.(Ilpoussaunsoupirdesoulagement,etjelevisualisaientraindesetriturerlescheveux,anxieux.)Jesuispassétoutàl’heure.
—Jedormais.Jemesuisresserviduvinenarrivant,j’étaisunpeudanslesvapes,mentis-je.—Els,jenesaismêmepasparoùcommencer.Jesuisdésolé.Putain,tellementdésolé.—Adam…—Jeneveuxpasteperdre,Els.Jen’arrivepasàcroirequej’aiedéconnéàcepoint,maisilfaut
quetumepardonnes.Jenepeuxpasteperdre.Quandildisaitdeschosespareilles,j’avaisdumalàledétester.Pisencore:j’étaisincapablede
tourner la page. Mais je savais que, désormais, j’allais vraiment devoir faire un effort pour yparvenir – et pas seulement me contenter de me promettre d’essayer. Je devais impérativement yparvenir.Jenepouvaispaspassermavieàmelanguir.Jeprisdoncunegravedécision.
—Cen’estrien,Adam,luiaffirmai-jedoucement.C’étaituneerreur.Ons’estlaisséemporterparl’élandumoment.Etjesuisnavréedet’avoirplantécommeça.J’étaisgênée,c’esttout.
J’entendissonsoupirdesoulagementetj’essayaideravalerleslarmesquimepiquaientlenez.—Els,tun’aspasàtesentirgênée,d’accord?—D’accord.—Alors…(savoixn’étaitplusqu’unmurmure)…çava.Onrestenous?—Onrestenous,réussis-jeàrépondremalgrélessanglotstoutproches.—Jenevoudraispasqu’ilsubsistelemoindremalaiseentrenous.—Net’enfaispas.Onyveilleratouslesdeux.—Trèsbien,mapuce.Tantmieux.Oublionsça.Çanevoulaitriendire.Jeravalaiunefoisdeplusmespleurs.—Oui.Çanesignifiaitabsolumentrien.
6
—C’estcommeunaccidentdevoiture…(Adamsoupiraetmerendit lecarnetensepassant lamainsurlevisage.)C’estdouloureuxderevivreçaselontonpointdevue,maisjesuisincapabledemedétourner.(Ilmemontraunautrejournal.)Jeveuxensavoirplus.
N’appréciantpasdeluivoirlestraitsaussitirés,jesecouailatête.—Adam,toutça,c’estdupassé.Jenevoulaispastefairedelapeine,jepensaisjuste…ehbien,
que maintenant que nous étions ensemble, je pouvais prendre un peu de recul et observer notrehistoire avec davantage de détachement. Et tu me connais. (Je haussai les épaules.) Toutes lesangoisses existentielles nées autour de çame semblent passionnées. (Puis je fronçai les sourcils.)Maisvisiblement,tun’espasdemonavis,alorsjepréfèrelesranger.
Ilrefermasagrossemainautourdelamiennetandisquejem’apprêtaisàrassemblermescarnets.Jeleregardai;ilsecouaitlatêteavecunlégersourire.
—C’estparfoisdurdelireàquelpointmastupiditét’afaitsouffrir,maisj’aimebienmemettredanstatête.Ilestplaisantdesavoirque,pendantquejemedébattaisaveclefaitdetomberamoureuxdelapetitesœurdemonmeilleurami,ellem’aimaitpoursapartplusquejeneleméritais.
Jeluisourisàmontour.—Premièrement:tulemérites.Etdeuxièmement(jeluidésignailescarnets,puislecoupleque
nousformions),c’estcarrémentromantique,pasvrai?Adaméclataderiredevantmonobstinationàfairedenotrehistoireunrécitàl’eauderose.—Peut-être.Maisnelerépèteàpersonne,j’aiuneréputationàtenir.Jeparcouruslesjournaux,cherchantlareliureencuirvioletdudernierd’entreeux.—Moncœur,tuasdétruittaréputationenannonçantàBradenCarmichaelquetuétaisamoureux
demoi.—Cepetitenfoirélesavaitdepuisledébut,grommelaAdamd’untonsinistre.Ilauraitpunous
épargnerdelongsmoisd’inquiétude.Jetrouvaienfinleboncarnetetlefeuilletai.—Tuveuxparlerdesquelquesmoisdurantlesquelstuasététoutbonnementinsupportable?—Onpeutdireça.Maisn’oublionspasquejen’étaispasleseul.— Tout ce que j’ai fait, c’est recommencer à sortir ; et encore, j’ai attendu dix mois après
l’épisodeducanapé.Tut’esemportéunpeuvite.Jeluibalançailecarnetdessus,etilleramassaavecunfroncementdesourcils.—Jen’aifaitquerevendiquermonbien.—Non,tumarquaissimplementtonterritoire,sansmêmerevendiquertonbien.
Il gloussa et se concentra sur le carnet sans répondre. Nous savions l’un comme l’autre quej’avaiscomplètementraison.
Dimanche13aoûtJen’aipaseuletempsd’écriredepuisplusieursjours,enpartieàcausedemesétudes,etenpartieparcequeruminermacolèrem’aprisénormémentdetemps.
Toutacommencévendrediaprès-midi,lorsqu’unesimpleconversationavecNicholass’estachevéesurunefolleenvied’étranglerAdam…
Tandis que Joss et moi nous dirigions vers lesMeadows, où nous devions retrouver Braden,Adam,JennaetEdpourunpique-nique, j’envisageaisde luiparlerdeceque j’avaisdécouvertsurAdam la veille, pendant que je prenais le café avecmon ami et camarade de promoNicholas. Jen’avais pas encore eu l’occasion dem’en ouvrir à elle, car elle travaillait en horaires décalés auClub39. Je savaisqu’elle serait furieusepourmoi.Et j’avais besoinde son énervement–de cettemotivation–pourm’éloignerd’Adametvoircommentilréagiraitàcela.
Ilnousavaitfalluplusieursmoispourpasseroutreàlagêned’avoirfaillicoucherensemble,etmalgrétoutleschosesn’étaientpluspareilles.Envérité,ellesnel’étaientplusdepuisbienlongtemps,probablementdepuisnotrepresquebaiser,quandj’avaisdix-neufans.
Ilnefaisaitaucundoutequ’Adamavaitcouchéavecd’autresfillesdepuisl’épisodeducanapé,etcelamefaisaitplussouffrirquejenepourraisl’expliquer.J’avaisdumalàpasseràautrechose.Jen’avaispaseuunseulrencardendixmois.
Cet état de fait était cependant sur le point de changer. Après avoir évoqué avecNicholasmapérioded’inactivité,ilm’avaitditquej’auraisplusdechanced’obtenirunrendez-voussimoncopainAdamcessaitd’aller intimider tousmespotentielscavaliers.Surpriseet légèrement troubléeparcecommentaire,jeluiavaisdemandédedévelopper,etilm’avaitavouéqu’ilavaitpenséàm’inviteràsortir plusieursmois plus tôt. Sachant que j’étais très proche deBraden etAdam,mais jugeant lerisquemoindreaveccedernier,Nicholasluiavaittéléphonépourluidemanderconseil.Adamavaitrépondu:«Net’approchepasd’elleoujetedéfoncelagueule.»
C’étaitquoi,cedélire?Sansdéconner?Je trouvaiscela tellementdéplacé…J’ignorais totalementqu’Adamintimaitàdesgarçonsbien
sous tous rapportsdenepasm’approcher. Ilpouvait faire legigolodans toutÉdimbourg,mais jen’avaispasledroitaumoindrerendez-vous?Çan’allaitpassepassercommeça.
EtjevoulaistoutdéballeràJoss.Mêmesiellesemontraitextrêmementsecrètequantàsonpassé,ellem’avaitprouvéqu’elleétaituneamiefidèle.J’avaisbesoindel’entendremediresijepouvaisounon faire despetits coupsvaches àAdam.Honnêtement, j’en avais tellementmarred’être la petitefille modèle pendant qu’il allait voir à droite à gauche, sachant de toute façon que je resteraisamoureusedelui…Sesactesavaientétabliqu’ilpouvaitsemontrerpossessif,cequisignifiaitqu’ilmepercevaitquelquepartcomme«sa»propriété.J’allaisluifairevoirqu’ilsetrompaitlourdement,etquejeneluiappartiendraispastantqu’ilnechercheraitpasautrechosequ’uncoupd’unsoir.
Malheureusement, Joss semblait avoir la tête ailleurs, jedécidaidoncque cen’était pas lebonmomentpourluienparler.JemedemandaissisadistractionavaitquelquechoseàvoiravecBraden.Elles’étaitcomportéebizarrementaveclui,assezbizarrementpourquejeleremarquealorsquejeme remettais d’unemigraine. Nous étions en train d’acheter des livres avecHannah quand c’étaitarrivé.Lemaldetêtem’avaitfrappéesubitement,commecelaarrivaitrégulièrementdepuislesdeuxderniersmois.Lesmauxdetêteétaientatroces,s’accompagnantgénéralementdefourmillementsetd’unesensationd’engourdissementdans lebras.Lescrisesme laissaientàboutde forces.En toutehonnêteté,jen’avaisplusbeaucoupd’énergiedepuisquelquetempsdéjà.Jemerépétaisqu’ilfallait
que j’aille voir un docteur,mais chaque fois que jeme décidais à prendre rendez-vous, une peurhorriblemeremuaitlesentraillesetjerepoussaisaulendemain.
Bref,lamigrainem’avaitfrappée,etJossétaitmorted’inquiétude–jenecroyaispasuninstantàsoncôté« jem’enfousdesautres».NousavionscroiséBradenetVicky.Etsi j’étaisfurieusequemonfrèrerecoucheavecVickyetl’aitramenéedansnosvies–etdanslepaysaged’Adam–,jenepusm’empêcherderemarquerlatensionquirégnaitentreBradenetJoss.Jedoisavouerque,lorsdeleurpremièrerencontre,jem’étaisfixépourobjectifdejouerlesentremetteuses,maislesdernièresrévélations avaient mis ces intentions à mal. Malgré tout, Braden me posait toujours des tas dequestionssurJossetlareluquait–souvent.Jecommençaisàcroireque,endépitdeleursdénégationsrespectives, il y avait anguille sous roche. Je ne savais pas trop quoi en penser depuis que Jossm’avaitaffirménepaschercherderelationstable.Ilétaitdifficiledeconnaîtresavéritableopinionsurquoiquecesoit,etjenevoulaispaslesvoirsouffrir,Bradenouelle.
Préférant tenirma langue sur un certain nombre de sujets, jem’efforçai de conserver un tonbadinetjoyeuxavecJossenattendantderejoindrenosamis.Braden,Adam,JennaetEdsetrouvaientauparc,assissurune largecouvertureenchenille.Deuxpaniersàpique-niqueétaientouvertsprèsd’eux.JelouchaiimmédiatementsurAdamavantdemedétournerenconstatantqu’ilmeregardaitetdereporterlesyeuxsurBraden.
Jossmefitrireentaquinantmonfrèredèsnotrearrivée,chosequepeudegensendehorsdelafamille osaient faire. Je crois que, secrètement, il adorait ça. Je me laissai alors tomber sur lacouverture à côté d’Adam. Il m’enveloppa instantanément de son bras puissant et me serraaffectueusementcontrelui.
—Contentdetevoir,Els.Toutl’intérêtdecepique-niqueétaitdeprendredesnouvellesdeBradenetAdam.Ilstravaillaient
sidursurleurnouveauprojetquenousnelesvoyionspresqueplusjamais.Ilsmemanquaienttouslesdeux,maissurtoutAdam.Humersonparfumet lesentir toutcontremoisuffirentpresqueàmefaireoubliermesbonnesrésolutions.Presque.
—Oui,moiaussi.Jeluiadressaiundemi-sourireetmelibérainonchalammentdesonétreinte.Jemetournaivers
JennaetEdpourlessaluercommeilsedevait,nefaisantaucuncasdelatensionquiirradiaitsoudaind’Adam.Ilmeconnaissaittropbienetavaittoutdesuitecomprisquequelquechosen’allaitpas.
Tantmieux.JevisJosslireunSMSetl’entendisdireàBradenqu’elleavaituneurgence.Jel’observaiavec
inquiétude,medemandantsoudainsilacausedesadistractionn’étaitpasplusgravequejenel’avaiscru.
—Toutvabien?Tuveuxquejet’accompagnequelquepart?Josssecoualatêteetagitasontéléphonedansmadirection.—Non,çava.Rhianasimplementbesoindediscuter.Çanepeutpasattendre.Désolée.Elle semblait fuir le regarddeBradenet,quand jepivotaiverscedernier, je levis considérer
Jossd’uneétrangemanière.Nelacroyait-ilpas?RhianétaitlameilleureamiedeJoss.EllehabitaitàLondres et avait eu pas mal de problèmes personnels dernièrement, si bien qu’il était tout à faitplausiblequ’elleaitbesoindediscuter.
—Àplustard.Josss’éloigna,salonguequeue-de-chevaloscillantdanssondos.J’observaiBradenl’examinerd’unefaçonquimemettaitmalàl’aise.Nonseulementilarborait
l’airdéterminéqu’ilavaitquandilétaitrésoluàobtenirquelquechose–souventunbienimmobilier,
plusrarementunefemme–,maissesprunellesluisaientégalementd’excitation.Jenel’avaisencorejamais vu contempler quelqu’un de la sorte. Mon côté romantique était aux anges. Mon côtépragmatique l’étaitbeaucoupmoins,car j’étaisconvaincuequeJossetBraden incarneraient soit lecoupleidéal,soitundésastreendevenir.
Plus tarddans l’après-midi,aprèsque j’eussnobéAdamaupointde lemettrehorsde lui,messoupçonsconcernantBradenfurentconfirmésquandilnecessademetannerausujetdeJossduranttoutlevoyageduretour.Lorsqu’ilmedéposaàDublinStreet,jesavaissansl’ombred’undoutequ’ilallaittoutfairepourlaconquérir;etayantgrandiaveclui,j’étaisbienplacéepoursavoirque,quandilvoulaitvraimentquelquechose,ilpouvaitsemontrerparticulièrementtenace–surtoutquandladitechoseétaitquasimentimpossibleàobtenir.Jenepouvaisqu’espérerqueJossneleferaitpassouffrir.
J’avais consacré tout le pique-nique à me rapprocher de Jenna et à rire aux plaisanteries deBradenetEd.Durantlestroisheuresqueduralerepas,jenedusadresserlaparoleàAdamqu’uneseulefois,faisantdegroseffortspourévitersonregard.C’étaitd’autantplusdifficilequelui-mêmecherchaità toutprixàétabliruncontactvisuel.Parchance, iln’eutpas lamoindreoccasiondemedemander ce qui n’allait pas,ma petite séance de torture fonctionna donc encoremieux que je nel’avaisespéré.
J’avaiseneffetdécouvertavecgrandplaisirquelui-mêmeconsidéraitcelacommedelatorture,car quand Braden et moi avions quitté le parc, Adam avait la mine déconfite. En temps normal,Bradenauraitremarquénotrepetitmanège,maisilsemblaitaussisongeurqueJoss.
Je fus encore plus heureuse de découvrir, plus tard, au cours d’une conversation avec JosstournantautourdeBraden,qu’ellepartageaitmonopinion :Adamavaitbesoind’unebonne leçon.S’il ne voulait pas demoi dans sa vie sentimentale, alors j’allais devoir l’exclure de lamienne àgrandscoupsdepompe.J’étaisdéterminéeàcontinuerdeletourmenterlesoirmême.
Monfrère,AdametmoiétionsallésboiredesverresavecDarren–lemanagerduFire,laboîtedenuitdeBraden–etsafemme,Donna.Jeportaisundos-nunoirmaintenuparunrubanensoie;l’avant était plus sage, avec un col haut et un pan en mousseline de soie qui me tombait dixcentimètresendessousdeshanches.Jel’avaisassortiàunjeanskinnynoir,siserréqu’ilmefaisaitcomme une seconde peau. Mes cheveux étaient ramassés en un chignon désordonné qui megrandissait encore, etmes talons de dix centimètres étaient de lamême couleur argentée quemesbouclesd’oreillesenformedelarmes.
Jefaisaisunpeuplus«femmefatale»qu’àmonhabitude,cequiserviraitmesaffaires.Lesyeuxd’Adams’étaientembrasésquandjem’étaisretournéeaprèsavoirsaluéDonna,luidévoilantleversodematenue.
Celam’avaitmisehorsdemoi.Cequim’énervaencoreplusfutqueBradendécided’allerauClub39.Sachantcequ’ilavaiten
tête concernant Joss, je n’étais pas très à l’aise de le laissermettre ses plans à exécution pendantqu’elleétaitautravail.Toutefois,ilrefusadem’écouteretDonnavoulaitdécouvrirlebar.
Mon agacement franchit un nouveau palier lorsque Adamme tira par le bras alors que nousremontionsGeorgeStreet.
—Tuvasfinirparmedirecequinevapas,outupréfèresquejedevine?demanda-t-ild’untonsec.
Jehaussailesépaulessansleregarder.—Jenevoispasdequoituparles.
—Ellie,nejouepasàça.Çanetevapasdefairelaconnasse.Jetressaillis,maiscontinuaid’avancer.—Tusaiscequinemevapaségalement?D’êtrecélibataire.Maisapparemment,jen’aipasle
choix.—Putain,dequoituparles?s’exclama-t-ilàmi-voix,pournepasqueBradennousentende.J’éclairaisalanternesanséleverleton.—Tusaistrèsbiendequoijeparle,espèced’abrutidemâledominant.—Toutvabien?s’inquiétaBraden.Jehochaibrusquementlatêteetm’empressaid’aller lerejoindre.Tandisquenousapprochions
duClub39,jepoussaiunsoupiretdéclarai:—Braden,j’espèrequetusaiscequetufais.Ilm’adressaunsourirepleindemalice.—Toujours.Tusais,Darrenconnaît levideurd’ici.(Ilsetournaverssonamipourmettreson
planmachiavéliqueenaction.)Darren,situpassaisdevantpourallernouscommanderunverre?Onsechargedetrouverunetable.
L’intéresséacquiesçaetdescenditlesquelquesmarchesmenantàl’entréedubar,sanssesoucierdesrécriminationsdespersonnesquifaisaientlaqueue.Ilsalualegorillequisurveillaitlaporteetilsdiscutèrentpendantquelquesminutes.Puisilsetournaversnousetnousmontradudoigt,etl’instantsuivantnousétionsinvitésàlerejoindre.Darrendisparutàl’intérieuretjevisBradensaisirlebrasdeDonna.
Je le fusillai du regard, même s’il me tournait le dos. Donna était une jolie brune et Bradencomptaitseservird’ellepourrendreJoss jalouse.Jesavaiscommentmonfrèrefonctionnait.Cetteidée luiplaisait carelle luipermettaitde se servird’uneautre femmepourarriverà ses fins, sanspour autant se retrouver embarqué dans une relation dont il n’avait pas envie. Braden adoraitprovoquerdevivesréactions, ildevaitespérerquecelledeJossserait tonitruante.Pourmapart, jefaisaisconfianceàcelle-cipourgérerlasituationavecl’admirableconfianceensoidontellefaisaithabituellementpreuve.
Malheureusement,mesespoirsfurentvitedouchés.Dèsquenousfûmesàl’intérieurduClub39,jel’aperçusderrièrelebaretvissonexpressionsedurcirquandBradensepenchapourmurmureràl’oreille de Donna. Puis il regarda Joss droit dans les yeux, et je vis dans les prunelles de cettedernièreunelueurdéplaisante.Puisellesedétourna.
J’avaisenvied’attraperBradenetAdamparlatêteetdelesfrapperl’uncontrel’autre.Etsurtout,j’avaisenviedelesplanterlàtouslesdeux.MaisAdamnem’auraitpaslaisséefaire.Il
mepoussadanslebasdudosquandBradennousdégotaunetable.Jechassaisamain,feignantencorel’indifférence. J’allai rejoindre mon frère à grands pas et m’arrêtai net quand Donna et lui, puisAdam, se glissèrent sur une banquette. Debout devant eux, je n’arrivais pas à savoir lequelm’insupportaitleplus.
—Ellie,posetonculici,aboyaAdamàmonintention.Jeplissailesyeuxetsecouailatête.Adamserembrunitavantque j’aieeu le tempsdem’éloignerde lui,et ilm’attrapapar lebras
pourmeforceràm’installer.Soncorpsétaittoutcontrelemien,etjemedébattaispourm’éloignerquandlacaressesensuelledesesdoigtssurmondosnumetétanisa.Ilrefermasamainsurmatailleetmecontraignitàmerapprocherdavantage,puiscollasabouchecontremonoreille.
—Si tuarrêtaisde tecomportercommeunegamine insupportable, j’arrêteraisd’agirenmâledominant.
J’abandonnai toute résistance,mais restaivolontairement tenduepourqu’il sacheque j’étaisencolèreaprèslui.Durantl’heurequisuivit,ilmemaintinttoutcontrelui,lapoignepossessiveetbienplusqu’amicale.
Bradenne le remarquamêmepas.Sesyeux lançaientdeséclairsà l’encontredeJossetdesoncollègueCraig, qui avaient commencé la soirée en s’embrassant et n’avaient depuis plus cessé deflirteretdes’amuser.
J’aimaisbiencecôtédésinvoltedeJoss.Braden,apparemment,nepartageaitpasmonopinion.Enfin,celaluiplaisaitdanslathéorie,mais
ilnesupportaitpasqu’ellesecomportedelasorteavecunautremec.Cemini-dramequise jouaitdevantmoi suffit presque àme faire oubliermes propres soucis,mais quandBraden, visiblementexcédé,selevaets’approchaducomptoirpendantlapausedeJoss,puisparvintàconvaincrel’autrebarmandelelaisserentrerdanslapièceréservéeaupersonnel,jefusforcéederéfléchiràmapropresituation.
DarrenetDonnaétaientalléschercherd’autresverres.Adametmoirestionsseulssurlabanquette.Ilmecaressalahanchedefaçonapaisante,cherchantmanifestementàmedétendre.—Alors,medit-il à l’oreille, ce qui renforça cette impressiond’être isolés tousdeux au sein
d’une petite bulle d’intimité. Tu vasme dire pourquoi tu te comportes comme une connasse avecmoi?
—Arrêtedemetraiterdeconnasse,rétorquai-jeenpivotantbrusquementlatête,sibienquenosnezsetouchaientpresque.
Mon regard se perdit dans la profondeur de ses yeux sombres, et je dus me détourner pourrecouvrermonsouffle.
—Alorsarrêtedetecomportercommetelle.—Jesuisagacée,expliquai-je.J’aibienledroitd’êtreagacée.—Tuveuxbiendétailler?Jeme remis face à lui, parvenant cette fois à dissimulerma douleur etma confusion car son
expressions’étaitradoucie.—Pourquoias-tumenacéNicholasquandil t’ademandédesconseilsavantdemeproposerde
sortiraveclui?Ilcompritalorslanatureduproblèmeetpoussaunlourdsoupir.—Iln’estpasassezbienpourtoi.—Cen’estpasàtoid’enjuger.Ilenfonçaparréflexesesdoigtsdansmachair.—Maisc’estàmoideteprotéger.Jefermailesyeux,unefoisdepluspeinéeparsesparoles.—Jenet’appartienspas.Nousrestâmesassissilencieusementuncourtinstant.Bientôt,ildesserrasonétreinte.Jeluiadressaiunregardinterrogateurquandjesentissesdoigts
remonterdansmondos.Avecunelenteurabominable, il lesfit redescendre le longdemacolonnevertébrale,etjerougisensentantmestétonsdurcirostensiblementsouslafineépaisseurdetissu.
—Tuenessûre?murmura-t-ild’untonrauque.J’écarquillailesyeuxetledévisageai.Unefouledesentimentscontrairessebousculaientdansma
tête.QuandDonna etDarren revinrent s’asseoir près de nous,Adamm’enlaça de nouveau et posa
tendrementsamainsurmahanche.Jerestaiainsi,souslechoc,àmedemandercequ’ilentendaitparlà.
7
Adamgrimaçaensetournantversmoi.—Jet’aivraimentfaitpasserdessignauxcontradictoires.Jegloussai.—Tucrois?Ileutunsourirepenaud.—Jesuisdésolé,Els.Tum’avaisénervé.J’essayaisdetefairecomprendrequetuétaisàmoi.Ce
n’étaitpasjuste.Jehaussailesépaules.—Tuétaispartagé,jetepardonne.D’autantqueçafaituneexcellentehistoire.Iléclataderirependantquejerécupéraislejournal,entournaisquelquespagesetleluirendais.—CettesoiréeauClub39n’étaitpasaussiterriblequecelleauFire.—Putain,jenesuispassûrdevouloirrevivreçaselontonpointdevue.—Jen’aiomisaucundétail.Ilarquaunsourcilsuspicieux.—Aucun?Jesecouailatêteetm’empourprai.Ilmevit,rougedehonte,etmepritlecarnetdesmains.—Monamour,c’esttorride.
Dimanche16septembreC’estfini.Jelaissetomber.Peuimportecequ’ilyavaitentreAdametmoi…Toutestvraimentterminé…
Je n’étais pas du tout impatiente de sortir au Fire, car cela signifiait être coincée en boîte àregarderAdamflirter avec toutcequibouge,maisc’était importantpourBraden : ilorganisait lasoiréed’intégrationdesétudiantsdepremièreannée,etjeluiavaispromisd’êtreprésente.
Comme d’habitude, Joss et lui étaient tellement accaparés par leurs histoires qu’ils neremarquèrent même pas la tension existant entre Adam et moi. Ce genre de tension horriblementgênante,mêléeàunecertainefrustration,quiexistaitentrenousdepuisnotreaccrochageauClub39.
Tout avait commencé quand j’avais accepté un rendez-vous avec un garçon nommé Jason quej’avais rencontré auStarbucks. Jason était canonet semblait gentil, je nevoyaisdonc aucunmal àprendreunverreaveclui.SaufqueBradenavaitinforméAdamdemesplans,etquecedernieravaitpassé la soirée entière àm’appeler pourme poser des questions stupides. Il avait encore une foisgâchémonrendez-vous.Ilétaitimmatureetavaitdenouveaudépassélesbornes.
J’avaisévidemmentoubliélarésolutionpriseaprèslasoiréechezlui,etreprisnotrepetitjeudeséduction débile au lieu de tourner la page. J’avais espéré une réaction et je l’avais obtenue.Mais
depuisquejel’avaisengueulé,ilavaitchangédutoutautout.Ilessayaitdenejamaisseretrouverseulavecmoi,etquand,parmalheur,celaarrivait,ils’efforçaitden’aborderquedessujetsdontilauraitpuparleravecuneparfaiteinconnue.
Cela me tapait sur le système depuis des semaines. Ça, ainsi que mes soucis concernant mesétudes et les migraines récurrentes dont je n’arrivais pas à me débarrasser. J’avais envie de luidéballertoutesmesfrustrations.ChacunavaitledroitàlagentilleEllie,ladouceEllie,laElliequetoutlemondeconnaissaitetappréciait.ToutlemondesaufAdam,quidevaitsubirlaEllierevêche,épuisée,aucœurameretbrisé.
PendantqueBradenretenaitJosspourluiservirsonpetitsermondemâledominantausujetdesarobe,Adammemenadansunboxprivéenfacedubar.Jefussurprisedelevoirs’asseoirtoutcontremoi.
—Attention, lemenaçai-jed’un toncassant, tuesen trainde transgresser ta règledumètrededistanceentrenous.
Ileutunemoueméprisante.—Necommencepas.Pascesoir.—Nijamais.Sesyeuxlancèrentdeséclairs.—Tusaispourquoijen’aijamaisderelationsérieuse,Ellie?Pouréviterd’avoiràsubirça.Mais
là,j’ail’impressiond’êtreencouple,etsansavoiraucunavantage.Sadéclarationmeblessaunefoisdeplus,etjeluidécochaimonregardleplussombre.—Tuaspeut-êtreplutôtl’impressiond’avoirbriséuneamitié?Maintenantqu’ilétaitaussipeinéquemoi,jemesentaiscoupable,etlaculpabiliténefitqu’attiser
macolère.Jenevoulaispasmesoucierdel’avoirblessé.Adam s’apprêtait à me répondre quand unmouvement attira notre attention. Nous vîmes Joss
approcherdenotrebox.Adamlasuppliaduregarddes’asseoiravecnouspourluiépargnerderesterseulavecmoi.
Jefuspresqueaussisoulagéequeluiquandelles’installaàcôtédemoi.—Bradennousenvoiedesboissons,dit-elleenembrassant lasalledu regard.Jenesavaispas
qu’ilattendaitd’autresamis,cesoir.Jepensaisquec’étaitjustenousetdesinconnus.—Non,répliquai-jedistraitement.(Mamauvaisehumeurempêchamoncerveaudecontrôlerma
bouche.)Bonnombredesesexetautrescopinesdebaiseadorentdanser.Il lesa invitéesavecleurclique.
—Ellie.Àquoitujoues?Ilmefallutcetterepartiebrutaled’Adampourmerendrecompte,ensuivantsonregard,queJoss
s’étaitcrispéeenentendantmoncommentairemaladroit.Mortifiée,jevoulusfaireamendehonorableenluiassurant:—Oh,merde,Joss,iln’yavaitaucunsous-entendu.Enfin,cesfillesnecomptentpas…—Bourrons-nouslagueule,suggéra-t-ellejoyeusement.Jemesentis incroyablementcoupabledel’avoirmisemalà l’aiseetdeluiavoirfaitdouterde
monfrère.—Jenecroispasquecesoitunebonneidée,intervintAdam.AttendonsplutôtBraden.Toutefois,celui-cipassauneéternitéàflirteretàdiscuteraveclesconvives.L’ambianceànotre
tableétaitdésormaissitenduequechacuncherchaitunmoyendelafuir.Jossetmoirejoignîmeslapiste de danse, et je lui tins compagnie un moment, jusqu’à ce que j’aille chercher de quoi merafraîchir.Enapprochantducomptoir,j’avisaiAdametressentisunehabituellebrûlureàlagorge.Il
portaitunechemisesombreauxmanchesretrousséesetunpantalonnoir.Unetenuetrèssimple,maistrès sexy. Il l’était toujours.Et il le futd’autantplusquand il sepencha surune fille juchée suruntabouret à l’autre bout du bar.Elle inclina la tête en arrière pendant qu’Adamprenait appui sur lecomptoirpour lui chuchoterdesparoles à l’oreille.Elle éclatade rire et il redressa légèrement latête, si bien qu’ils étaient presque assez proches pour s’embrasser. Ce qu’il lui avait murmuré fitnaîtresurseslèvresunsourirecharmeur,etlabrûluredansmagorgesemuaenunegrosseboule.
Adamse tournaalorsversmoi, commes’ilm’avait sentie ledévisager. J’avais toujours eudumal à cacher mes émotions quand j’éprouvais quelque chose de très fort, et je me détournairapidementavantqu’ils’enrendecompte.
—Qu’est-cequejetesers?medemandafinalementl’undesbarmans.—Unebouteilled’eau,répliquai-jed’unevoixéteinte.Il se penchaversmoi pourme faire répéter.Alors que je réglaisma commande, je sentis une
maindanslebasdemondos,etsonparfumvintmechatouillerlesnarinesquelquesinstantsavantqueseslèvresnem’effleurentl’oreille.
—Els,ditAdamd’unevoixcalmemaischargéed’émotion.Jenesuscommentrépondre.Jegardailesyeuxrivéssurmabouteilleentâchantdeconserverla
maîtrise de mes nerfs, sachant que je me rapprochais chaque jour un peu plus de l’instant où jejoueraisenfincartessurtable.
—Mapuce,tuveuxbienmeregarder?J’obtempérai,cherchantsursonvisagedesréponsesqu’ilrechignaitàmedonner–desréponses
qu’ilnemelivreraitpeut-êtrejamais.Ilretirasamaindemondosetmecaressatendrementlajoue.—Laplusbellechosequej’aiejamaisvue,murmura-t-il.Cesmotsmefirentmal,carilssignifiaientunnouveauvoyageàborddecesmontagnesrussesde
signauxcontradictoires.Jem’écartaideluiengrimaçant.—Nefaispasça.Illaissaretombersesmains.—Ellie…Jedésignailafilleàl’autreboutducomptoir,dontlesyeuxsemblaientdésormaismelancerdes
poignardsinvisibles.—Est-cequetuluiasditlamêmechosequ’àmoi?—El…Unevaguedemurmurespuisdecrisl’interrompit;nousnousretournâmesalorsetvîmesBraden
sereculeraprèsavoirfrappéquelqu’un.—Gavin,hoquetai-je.Adamallaimmédiatementsoutenirsonamietjelesuivisdeprès,lecœurbattantlachamade.Ils
avaientétéamisàl’école,maisengrandissantGavinétaitdevenuunsalauddepremierordre.Pourune raison ou pour une autre, Braden avait continué de le fréquenter. Dumoins jusqu’à cinq ansauparavant,quandill’avaitsurprisàcoucheravecAnalise.
—JeteprésenteGavin.L’amiquiabaiséAnalise.Ettoi,pourquoituluiparlaiscommesivousvousconnaissiez?
Oh, bonDieu, Joss le connaît ? L’espace d’un instant, je fus prise d’un frisson de panique enimaginant l’histoire se répéter pour mon frère. Puis je me rappelai qu’il s’agissait de Joss, qui,malgrétoussesdéfauts,nesemontreraitjamaisinfidèle.Jen’eusqu’àobserverlasurprisesurson
visagepourmerendrecomptequ’ilnes’agissaitqued’unhorriblemalentendu–dumoinsdupointdevuedeJoss.
—Iltravailleàmasalledesport,expliqua-t-elle.Ilm’aaidéeunefois.EllerelevalatêteversBradenetluijuraqu’elleignoraitquiilétait.Etsubitement,lessentimentsqu’elleéprouvaitpourmonfrèresevirentcommelenezaumilieu
delafigure.Ellen’eneutprobablementpasconscience,carsielles’enétaitrenducompte,elleauraitétémortifiée de se savoir si transparente. Cependant, je fus ravie de le découvrir, et regrettai queBradensoittropénervépours’enapercevoirégalement.
—Ondiraitbienquetuastournélapage,Bray.(GavinreluquaJossd’unefaçonquimedonnalefrisson,etjevislesépaulesd’Adamsecrisperdevantmoi.)J’aimeraisbienquel’histoireserépète,carçafaitdessemainesquej’aienviedelasauter.Qu’est-cequetuendis,Joss?Çateplairaitdetetaperunvraimec?
Je n’avais encore jamais vumon frère frapper quelqu’un,mais il bondit surGavin avant quequiconquepuisses’interposer.Adams’yessayamalgré tout,mais jesavaisque,quelquepart, ilnevoulait pas priver Braden du plaisir de tabasser cet enfoiré de traître. Il parvint néanmoins àl’empêcherdeluiporterunnouveaucoupdepoingquandGavinditquelquechosedesigrossierquej’eusmoi-mêmeenviedeluicognerdessus.
Avantl’arrivéedelasécurité,jecraignaisqu’AdamnelâcheBradenpourpouvoirsejoindreaucombat.PauvreJoss.Elles’inquiétaitmanifestementbeaucouppourBraden,hérisséd’adrénalineetde colère – je ne l’avais encore jamais vu dans cet état –, jusqu’à ce que celui-ci l’attrape par lepoignetetlaforceàlesuivredanssonbureau.
Jen’osaimêmepasimaginercequiallaits’ydérouler.Je restai plantée là, tremblant encore de tous mes membres, alors que chacun reprenait ses
activités.Adametmoinousdévisagions,aumilieudelapistededanse;nousessayionstousdeuxdenousrappeleroùnousenétionsetdecomprendrecequivenaitdesepasser.
Lafilledubars’approchadeluid’unairlangoureux;sarobeenjerseymoulaitidéalementsoncorpsparfait.Elleétaitlégèrementpluspetitequemoi,maisavaitdavantagedefessesetdehanches.Jemesentissoudainhorsducoupdansmarobedroiteetchatoyante.Elles’arrêtadevant luiet luiposalamainsurlebrasdefaçonpossessive.
—Laisse-moit’offrirunverrepournousremettredenosémotions.Lorsque Adam se retourna vers moi, je tâchai désespérément de dissimuler ma souffrance, à
l’inversedelafoisprécédente;jeprisdoncunelongueinspirationetluidisplatement:—Vas-y.Detoutefaçon,j’allaisrentrer.Jepassaidevantluisansluilaisserletempsderépondre,mefrayaiuncheminàtraverslafouleet
sortisdanslarue.Soudain,unemainserefermaautourdemonbiceps,etjefusétonnéededécouvrirAdam,savestesurl’épaule.
—Jeteraccompagne.—Cen’estpaslapeine.Ilrestamuetmaisnemelâchapas.Fatiguéedemebattre,jelelaissaihéleruntaxietfistoutela
routeavecluijusqu’àDublinStreetdansleplusgrandsilence.Unefoisaupieddemonimmeuble,ilpayalacourseetgrimpaavecmoilesmarchesmenantà
l’entrée. Il attendit patiemment que je sorte mes clés et me suivit jusqu’à l’intérieur de monappartemententénébré.Jefisquelquespasdanslevestibulepouralleractionnerl’interrupteur,puisjemedébarrassaidemestalons.
—Tupeuxpartir,maintenant.
Aulieudequoi,Adamclaqualaporteetmedévisagea.Je poussai un léger soupir, lasse de nos disputes. Maman disait toujours que j’étais une
amoureuse,pasuneguerrière.Ellem’avaitmêmeoffertuntee-shirtclamantcetétatdefait.—Tupeuxyaller,Adam.Mercidem’avoirraccompagnée.—Qu’est-cequetuattendsdemoi?medemanda-t-ild’unevoixempliedecolère.Jemereculaijusqu’aumuretl’observai,inquiète,serapprocherdemoi.Jedressailementonet
entrouvrisleslèvresdesurprisequandilplaquasesmainsau-dessusdematêtepourm’empêcherdepartir. Il fit alors glisser sonnez le longdumien et immobilisa sa bouche juste au-dessusdemeslèvres.Jedéglutis,retrouvantfinalementmavoix.
—Ettoi,qu’est-cequetuattendsdemoi?répliquai-je.Enguisederéponse,ilm’embrassaavidement.Commeladernièrefoisqu’ilm’avaitembrasséedelasorte,lerestedumondesembladisparaître,
etavecluilaréalitéettoutcequicomptait.J’enroulailesbrasautourdesoncou,plongeaimesdoigtsdanssescheveux,plaquantmapoitrinecontrelasiennetandisquenousnousdévorions.
Adamatténuanotrebaisercarnassieretdélaissamaboucheendoloriepourmeplaquerunesériedebisousdélicatssurlajoueetdanslecou,toutenremontantsamainlelongdemacuisse.
Je reculai contre lemur avec ungémissement guttural et fermai les yeux tandis que sa languerevenaits’introduiredansmabouche. Ilglissa lamainsousmaculotteendentelleetm’arrachaunrâledeplaisirenmepénétrantduboutdesdoigts.
Puisilseretira,lesouffleaussicourtquelemien,toutenmecaressant.Jefermaidenouveaulespaupières.Alorsqueleplaisircroissait,jeluisaisislebraspouraccentuerlapression.
—Adam…suppliai-je.—Regarde-moi,déclara-t-ilcontremabouche. (J’ouvris instantanément lesyeuxetcroisai ses
prunellesflamboyantes.)Jeveuxtevoirjouir.Jem’empourpraialorsdavantage,maisnemedétournaipas,sentantsesdoigtsalleretveniren
moi tout en ondulant les hanches contre sa main. Ma vision commençait à se voiler. Le souffled’Adamétaitdeplusenplus rauque, etquand il apposa sonpouce surmonclitoris etque je jouisenfin,mecontractantautourdeluidurantmonorgasme,iljurabruyammentetreposalatêtedanslecreuxdemoncou.
Mes jambes tremblaientviolemmentquand je redescendisdemonnuage. J’étais sidéconcertéequej’enavaisleslarmesauxyeux.Lesoufflechaudd’Adammeglissasurlapeauquandilredressalementonpourmechuchoteràl’oreille:
—J’aipresquejouirienqu’enteregardant.Jefusprised’unfrisson,sentantlespicotementsrevenir.—Tumefais tellementbander,avoua-t-ilenmesaisissant lamainpourlaposersur l’érection
quidéformaitsonpantalon.Lajubilationfitbrièvementdisparaîtreledoute,etunpuissantsentimentdetriomphem’envahit
tandisque je lui frottais l’entrejambeen l’entendantpousserdesgrognementsdeplaisir.Déjà, il aenviedemoi.Aumoinsunechosequiletourmente.
—Situnet’arrêtespas,monamour(ilretiramamainavecunsoupirderegret),jevaisexploser.Ilvitalorsleslarmesbrillerdansmesyeuxetmerepoussaavecunnouveaujuron.Ilsepassala
maindanslescheveux,soupiraetdit:—Jen’auraispasdûfaireça,Els.Jesuisdésolé.Sonvisagesefroissaetj’ylusuneformed’autoflagellation.
—Pourquoi?demandai-jedoucement. (J’avaisbesoindesavoirunebonne foispour toutescequinousarrivait.)Pourquoin’aurais-tupasdûfaireça?Pourquoinepourrait-onpas…?
Sesmagnifiquesprunellessombrestrahirentsasurprise,commes’iln’arrivaitpasàcroirequejenecomprennepas.
—ÀcausedeBraden,Els.C’estmonmeilleurami.Ilestcommeunfrère.Jenepeuxpascourirlerisquedemefâcheravecluiàcausede…
Ilmedésignad’ungesteimpuissant.Toutelachaleurdel’orgasmequ’ilm’avaitprocuréfutdissipéepar ladoucheglacialequeces
motsprovoquèrent.Jem’écartaidumurentâchantderavalerlaboulequim’obstruaitlagorge.—Maisj’enaienvie.J’enaienvieparcequejet’aime.Tulesais,quejet’aime.Sonabsenced’étonnementconfirmamessoupçons.Jesecouailatêteetpartisd’unrireamerenessuyantleslarmesquiavaientcommencéàtomber.—Pendant toutescesannées,etencoreaujourd’hui, tum’as toujoursditque tucherchaisàme
protéger.Etpourtant,tudisetfaisdeschosesquimetroublent,quim’incitentàcroirequetupartagesmessentiments,puisturedeviensfroidcommelapierreettudraguesd’autresfillesdevantmoi.
Leslarmestombaientdésormaisdeplusenplusvite,etjevoyaislesyeuxd’Adamsetroublerdechagrin.Peum’importait.Ilfallaitquejevidemonsac.
—Laseulepersonnequimefaitréellementdumal,c’esttoi.Etjecontinuedetelaisserfaire.—Ellie…(Ilavançaversmoi,l’airpeiné.)Jet’aimeaussi,admit-il.Cesmotsquiauraientdûmeréjouirm’ôtèrentcependanttoutespoir.Jesecouailatête.—Maispasassez.—Tusaisquec’estfaux.Els,tuesmieuxplacéequequiconquepourcomprendre.Sitoietmoi
sortons ensemble et que tout part en vrille, je perds aussiBraden. Je perds les deux personnes aumondequicomptentlepluspourmoi.
J’avais envie de le comprendre. J’avais pour habitude d’essayer de savoir pourquoi les gensagissaientdetelleoutellemanière,carjecroyaisenlabontédechacun.Maisj’avaisconsciencequejel’aimaisassezpourtoutrisquer–ycomprisnotreviecommune–pourtrouverautrechose,etlefait qu’il en ait moins envie que moi m’indiquait que mes sentiments n’étaient pas complètementréciproques.Jenevoulaispasentamerunerelationavecunepersonneque j’aimaisplusqu’ellenem’aimeraitjamais.
—Rentrecheztoi,Adam,dis-jedoucement.C’estfini.Ilécarquillalesyeuxdestupeur.—Ellie…—JeferaisemblantpourBraden.Quandonseretrouveratousensemble,jeferaicommesirien
n’avait changéentrenous. (Je soutins son regard, ayantbien l’intentionde rester forte le tempsdemettreuntermeànotreamitié.)Maisquoiqu’ilpuisseyavoirentrenous,c’estterminé.Nem’appelleplus,neviensplusmevoir.Jamais.Jeneveuxplusquetum’approchesàmoinsd’yêtreobligé.Celamefaitbeaucouptropsouffrir,etsitum’aimesuntantsoitpeu,tumerendrasceservice.
Jenel’autorisaipasàrépondre.J’enétaisincapable.Jetournailestalonsetremontailecouloirjusqu’àmachambre.Jefermailaportederrièremoietm’appuyaicontreelle,essayantdereprendremonsouffle.
Levestibulerestasilencieuxpendantuneéternité,puisj’entendisenfinlaported’entrées’ouvriretserefermerdélicatement.
Labrûluredansmagorgedonnanaissanceàdepuissantssanglots,etjemelaissaiglissercontrelebattant,peinantàrespirer…
8
—Aprèsça,j’aivéculespiressemainesdemavie.Adamtournalespages,survolantlesraresentréessuivantes.Jeluipassailamainderrièrelanuqueetserraidoucement.—Moiaussi,moncœur.Ilmetiraparlepoignetpourm’embrasserdistraitementlesjointures.—LemariagedeJennaetEdaétéunevraietorture.J’étaiscomplètementd’accordaveclui.Nousétionstousdeuxvenusaccompagnés.J’yétaisallée
avecNicholas,histoiredebienmarquerlecoup,etAdamavaitramenéunefillequelconque.Etmêmesi j’avaisvoletégaiementdurant toute la soirée,memontrant sousmonmeilleur jour,et si j’avaisobstinément refusé de regarder en direction d’Adam, cela avait été l’une des expériences les plusdouloureusesdetoutemonexistence.
Adamentrelaçasesdoigtsauxmiensetposanosmainssursongiron.—Tiens,dit-ilenmemontrantunpassageducarnet.—Qu’est-cequec’est?Jefronçailessourcilsenessayantdemerelire.—J’aiavancéjusqu’aumomentoùjemesuisréveillé.
Lundi17décembreJ’écrisaussi vitequepossible car je voisqu’Adamest sur lepointdem’arrachermon stylo etd’essayerpar tous lesmoyensdeme forcerà reportermon
attentionsurlui.Etcommej’aimebienlesméthodesqu’ilcompteutiliser,jevaisdevoirposercejournal.Leweek-endaétéparticulièrementépuisant,maisjemesuisréveilléecematinplusfortequedepuisbienlongtemps.Jeviensdeprendreconscienced’unechosemerveilleuse,etaprèslasemainequej’aipassée,jenepensaispasquecelapouvaitencorem’arriver…
Jemeconcentraissurunefissureauplafondpouressayerderepousser lapeuret ledésespoir.Unepartenfouiedemoin’arrêtaitpasdevouloir remonterà lasurfacepourmemurmurerenmecompressantlapoitrinedel’intérieur:«Jenesuispasprêteàmourir.»
Arrête,arrête,arrête,arrête,arrête,arrête…Jenedevaispaspenserdetelleschoses.C’étaitpourtantcequejecachaisdepuisdesmois:quandmonmédecinm’avaitditquej’aurais
besoinde lunettes, j’avais réprimémescraintes instinctivesetm’étaisconcentréesurcette solutionavecsoulagement.
Pourtant,lesmigrainesavaientperduréetlafatigues’étaitamplifiée,àl’instardel’angoissequejem’efforçaisdedissimuleràtous.
J’avaisfaituneattaquedansmacuisine.J’avaisététerrifiéemaisaussiétrangementsoulagéeenattendantmonIRMàl’hôpital.J’avaisunepeurbleue,maisj’étaiségalementimpatientededécouvrirenfincequiclochaitchezmoi.
Unetumeur;unetumeuraucerveau.J’essayai de reprendre mon souffle. Nous avions attendu les résultats pendant dix jours. Une
tumeur au cerveau, mais ils ne pouvaient pas m’en dire plus. Il me restait vingt-quatre heures àattendreavantdesavoirsielleétaitounoncancéreuse.
Je voulais gérer l’angoisse avec sérénité, pas seulement pour moi, mais aussi pour Braden,maman, Clark, Hannah et Declan. Je voulais le faire pour Joss, sachant combien tout cela seraitdifficilepourelle.
Unelarmeroulasurmajouetandisquejerepensaisàlaréactiondecettedernière.Jel’avaisvuepaniquer, puis se renfermer complètement. Elle m’avait abandonnée alors que j’avais plus besoind’ellequejamais.
Bradenétaitfurieuxet,malgrétoussesefforts,ilflippaitcomplètement,autantpourellequepourmoi.Soninquiétudemerendaitmalade,jeluidemandaidoncd’allerdiscuteravecmamanetClark.Comprenantquej’avaisbesoinderesterseuleunmoment,ilm’accordacerépit.
Jen’arrivaispasàmerésoudreaupire.Jen’étaispascommeJoss.Enfin,jevoulaism’ypréparer,mais jen’étais pasdenaturepessimiste.Et j’étais sansdoute trop jeune.Onpense toujoursque çan’arrivequ’auxautres.Onal’impressiond’êtredansuncauchemar,c’esttellementsurréaliste…Unpeucommesionvoyaitlavied’unautredéfilertelunfilm.
Montéléphonesonnaetjetournailatêteversmatabledechevet.Adam.Je pris une inspiration douloureuse et tendis la main vers mon portable. Depuis mon
hospitalisationdixjoursplustôt,Adamavaitrenoncéàsapromessetacitederesterhorsdemavie.Ilm’appelaitchaque jouretvenaitmevoiraussi souventque je l’yautorisais.Tropépuiséepourmebattre,jeleluipermettaischaquefois.
—Allô,répondis-jed’unevoixquin’étaitpaslamienne.Ilyeutuncraquementauboutdelalignequandiltoussota.—Bradenvientdem’appeler.Jemecontractaienentendantlarudessedesontimbre,sontonmeurtri.—Ouais.—Putain,Ellie,grogna-t-il,àl’agonie.Mapuce…—Non.Jesecouailatêteetmemordislalèvrepouressayerderéprimermesémotions.Dèsquejeme
sentiscapabledeparlersansfondreenlarmes,jerepris:—Onnesaitrienencore.—Ilfautquejeviennetevoir.J’arrivedansdixminutes.—Non, s’il te plaît, répondis-je d’une voix cassante en m’asseyant. (Mon cœur battait à tout
rompreàl’idéedelevoirdébarquericipourmesoutenir.)Jeneveuxpas.—Faischier,Els.Jegrimaçaiàl’entendresibouleversé.—Jet’enprie,Adam.—J’enaibesoin.J’aibesoind’êtreavectoi.Jet’aime,Ellie.Putain,jesuisfouamoureuxdetoi.Ilpleurait.Jenel’avaisencorejamaisvunientendupleurer.Entreseslarmesetsaconfession,jememisà
sangloterdeplusbelleetmelaissairetombersurmonoreiller,letéléphonecolléàl’oreille.Puisjechuchotai:
—Resteseulementenligneavecmoi,d’accord?
Ilseraclalagorge,avantderépliquerd’unevoixchevrotante:—Toutcequetuvoudras,monamour.Jesoupiraietmeblottisunpeupluscontremonportable.—Onnesaitrienencore,répétai-je.—Siçasetrouve,c’estbénin,renchérit-il.—Danstouslescas,jesuisdéterminéeàmebattre.—Etjemebattraiavectoi.—Chut,luidis-jedoucement.Nefaispasdepromesse.Pascelle-là.—J’aiassezperdudetemps,Els.Jesouristristement,troplassepouraborderlesujet.—Perds-enencoreunpeu,s’ilteplaît.Fais-lepourmoi.
Ilrestaunmomentsilencieux,puisrépliqua:—Justeunpeu,monamour.Untoutpetitpeu.
Adamrestaautéléphoneavecmoipendantdeuxheures,mêmesinousneparlâmesguère,nous
contentantdenousécoutermutuellementrespirer.NousfinîmesparraccrocherauretourdeBraden,maisAdamrefusademelaisserluidireadieu;c’étaitlapremièrefoisquej’entendaisunetellepeurdanssavoixquandjeprononçaiscemot.
C’était beaucoup. C’était énorme. Mais c’était une chose d’admettre une fois de plus qu’ilm’aimait,etc’enétaituneautredel’avoueràBraden.Detoutefaçon,jedevaisd’abordtraversercettecriseavantd’envisagerunaveniravecAdam.
Je regardai un peu la télé avec mon frère, pelotonnée contre lui tandis qu’il me caressait lescheveux de façon apaisante. Maman et Clark s’étaient violemment disputés avec lui parce qu’ilsvoulaientvenirmevoir,maisBradenleuravaitrétorquéqu’ilsnepouvaientrienfairepourl’instantetque,tantquej’étaisdanslesvapes,mieuxvalaitquejeresteaucalmeetn’aiepasàm’inquiéterdevoircequ’ilsenduraient.Jeleurpassaiunrapidecoupdefilpourqu’ilspuissententendremavoix,etj’en profitai pour leur proposer de m’amener à mon rendez-vous du lendemain. Je crus d’abordqu’ilsallaientbien,maisClarkdutmettreun termebrutalà laconversationquandmamansemitàsangloter.Biensûr,celamefitpleurerégalement,maisjemecalmaiassezvite.Àmesurequelanuittombait et que la soirée avançait, la peur de ce que le médecin allait m’annoncer me tétanisasubitement.
Bradenm’aidaàretourneraulit,puismeremplitunmugd’eauchaudeetdewhisky.Ils’assitàcôtédemoiletempsquejeleboive,etilmeregardam’endormirenfin.
Jerouvrisbrusquementlespaupièresenentendantgrincerlaportedemachambre.J’étaisalorsroulée en boule dansmon lit, et à la faible lueur lunaire qui filtrait à travers la grande fenêtre jedistinguaiJoss,deboutdansl’embrasure.
Surprisepar savisite,mais luienvoulant toujoursdem’avoir faitdéfautunpeuplus tôt, je lacontemplaisilencieusement.
Jecomprisàsonhoquetrépriméqu’ellepleurait.Joss.Jesavaisqu’elleétaitpartieparcequecelaréveillaitchezellelessouvenirsdel’accidentquiavaittuésafamille.Jesavaisquec’étaitlapeurquil’avait poussée à fuir, mais à la voir pleurer ainsi, je compris combien elle tenait àmoi. Elle nevoulaitpasmeperdre.
Leslarmesquiruisselèrentsurmesjoueslapoussèrentàapprocher.Ellegrimpasurmonlitets’installaàmoncôté;jememissurledos.Jossposaalorslatêtesurmonépauleetsecollaàmoi.
Ellepritmamainentrelessiennes.—Jesuisdésolée,chuchota-t-elle.—Cen’estrien,luiaffirmai-jeavecsincérité.Tuesrevenue.—Jet’aime,EllieCarmichael.Tuvassurmonterça.Aurais-je gagné l’amour et l’affectiond’unepersonneaussi pauméeque JocelynButler ? Pour
moi,c’étaitcommeunpharedansunmondedeténèbres,etjefussubmergéeparl’émotion.J’essayaideravalermessanglotsenrépondantdansunmurmure:
—Jet’aimeaussi,Joss.
QuandBradennous réveilla le lendemainmatin, il avait préparé lepetit déjeuner.Malgrémonrendez-vousavecleneurochirurgien,jevoyaisbienquequelquechosen’allaitpasentreJossetlui.Jedécouvrisqu’ilsavaientrompu,etm’efforçaidenepasmesentircoupable.Envain.
Il était évident que j’étais malgré moi responsable de leur séparation – c’était à cause de laréactionqu’avait eue Joss en apprenant l’existencedema tumeur.En entendant le ton cinglant queBradenemployaitavecelle,etenvoyant lasouffrancequecelaprovoquaitchezmonamie, j’avaisenvie d’intervenir. Je voulais réparer ce que j’avais contribué à briser. Mais ils me le refusèrentévidemmentetmeforcèrentàallermedoucher.
J’entendis l’intensité de leur dispute par-dessus le ruissellement de l’eau, puis le bruit d’uneassiettequisebriseetdenouveauxcris.Inquiète,jefermailerobinetetsortismaladroitementdelabaignoire ; ils ne faisaient dès lors plus que chuchoter. J’enfilai une robe de chambre, prête àm’interposerentreeuxaubesoin.
Aulieudequoi,alorsquejeremontaislecouloiràpasdeloup,j’entendisBradenavoueràJossqu’ill’aimaitetqu’ilsebattraitpourlarécupérer.Qu’iln’abandonneraitjamais.Laromantiquequej’étaismanquas’évanouirsur-le-champ.
—C’estbiença,tuesmalade,luirétorquaJoss.—Non,l’interrompis-jeenentrantdanslacuisine,unsourireauxlèvres.Ilsebatpourobtenirce
qu’ilveut.—Cen’estpasleseul.Jetournailatête,surprise,enentendantcettevoixinattendueetj’observai,lecœurbattant,Adam
s’approcher demoi à grands pas. Il avait vraiment une sale tête, avec ses cheveux en bataille, sescernesetsesyeuxinjectésdesang.
Fatigué,mal rasé, il restait incroyablement beau ; quant à sa façon deme regarder, comme sij’étaisunobjetprécieuxethorsdeportée,c’étaittoutbonnementmagnifique.
Ils’arrêtadevantmoi,mepritlamainetlaportaàseslèvres,fermantlesyeuxpourl’embrasser.Quandilrouvritlespaupières,jevisqueseslarmesdelaveilleétaientrevenues;j’eneuslesoufflecoupé.Jecomprisàsonairdéterminéqu’ilétaitvraimentsincèreenmedisantqu’ilneperdraitplusbeaucoupdetemps.Moinsdevingt-quatreheures.
C’estpourquoijelelaissaifairequandilmesaisitlapaumeetm’attiradanslacuisine,allantseposterjustedevantBraden.Jesavaisque,d’iciàquelquesheures,jedécouvriraissij’auraisounonleplusgrandcombatdemonexistenceàmener;et,toutbienconsidéré,laseulepersonnequejevoulaisvoirlutteràmoncôtéétaitAdamGerardSutherland.Nousavionsunehistoirecommune,etjevoulaiscontinuerdel’écrireaveclui.
—J’aiquelquechoseàtedire.Jesentaislatensionvibrerdanstoutlecorpsd’Adam.Illefait.Ilestvraimententraindetoutrisquerpourmoi.
Jeluipressailamain.Braden croisa les bras sur sapoitrine ; il nousdévisagea tour à tour, et je compris qu’il avait
comprismaisn’entendaitpasluifaciliterlatâche.—Vas-y.—Tuescommeunfrère,pourmoi.Jeneferaijamaisrienquipuisseteblesser.Etjesaisqueje
neme suis pas vraiment comporté comme un frère pour Ellie, mais je l’aime, Braden. Je l’aimedepuislongtemps,etjenepeuxpasnepasêtreavecelle.J’aidéjàperdubienassezdetemps.
JecroisquenousretînmestousdeuxnotresouffleenattendantlaréponsedeBraden.Aprèsuneminutederéflexion,celui-cisetournaversmoietsonregards’adoucit.
—Est-cequetul’aimes?Adamm’observaetjefussurprisededécouvrirunelueurdedoutedanssesprunelles.Quelidiot.
Jeserraisonbrascontremoipourlerassurer,puissourisàmonfrère.—Oui.Puis, tout naturellement, comme si Adam ne se faisait pas un sang d’encre en anticipant sa
réaction,Braden se contenta de hausser les épaules et se penchamachinalement vers la bouilloirepourl’allumer.
—Disdonc,ilétaittemps.Vouscommenciezàmedonnermalaucrâne.Jemecontractaisoudainenlevoyantréagirdelasorte.Ilestaucourantdepuisledébut?Adam
etmoi avions vécu tant de douleurs et de chagrins au cours des derniersmois, alors que Bradenconnaissaitlessentimentsquenouséprouvionsl’unpourl’autre…
—TuesvraimentunfoutuM.Je-Sais-Tout,luilançaJoss.(EllebousculaBradenets’arrêtapournousglissertoutdoucement:)Jesuisheureusepourvous.
Puiselledisparutdanslasalledebains.Bradenpartitd’unpetitrire.—Ellem’aimevraiment.Laportedelasalledebainsclaqua,cequilefitrirederechef.Adamluilançaunregardnoir.—J’espèrequ’ellevatefairevivreunenfer,espèced’enfoiréprétentieux.Bradenricanaetsetournaversmoi.—Jedevaism’assurerquetuétaisprêtàtebattrepourelle.Ellelemérite.Adamsoupiraetpassasonbrasautourdemesépaulesavantdem’embrassersur lesommetdu
crâne.—Jelesaismieuxquepersonne.Jefermailespaupièresetprisunelongueinspiration,remerciantl’Êtredivinquivenaitd’allumer
unenouvellelumièredansmonmondedeténèbres.
Je restai allongée un bon moment à sourire contre mon oreiller. Non seulement je m’étaisréveilléeensentantAdamcollécontremondos,sonfrontsurmanuque,sonbraspuissantautourdema taille et sa jambe droite coincée entre lesmiennes,mais jem’étais également éveillée avec lalégèretéliéeausoulagement.Jem’étaiséveilléeenmesentantplusfortequedepuisuneéternité.
Mêmesijelussursonvisagequ’ilvoulaitm’accompagner,AdamrestachezmoiavecBraden,Joss,HannahetDec,tandisquemamanetClarkm’accompagnaientchezleneurochirurgien.
LeDrDunhamétaitunhommeagréable,d’unepetitequarantained’années,quinousrassuraenquelquesmotsàpeine:«Vousn’avezrienàcraindre.»Ilnousconfirmaquelacausedessymptômesphysiques était un gros kyste, relié à deux tumeurs minuscules, qui exerçait une pression tropimportante.Ildevaitévidemmentretirertoutça,maisétantdonnéleuremplacement–ensurfacedu
cerveau–, lesrisquesliésà l’opérationétaientminimes.Enoutre, ilyavaitpeudechancesquelestumeursserévèlentcancéreuses,mêmes’illesenverraitenbiopsiepours’enassurer.Monopérationétaitprévuedansquinzejours.Sij’étaisterrifiéeàl’idéedepassersurlebillard,lesoulagementden’avoiràmenerqu’uncombatdérisoireétaitintenseetsalvateur.
Quandjerentraichezmoiaveccesbonnesnouvelles,Adammesurpritenm’embrassantdevantmesparents.Jefusencoreplusstupéfaitedeconstaterqu’ilsnefurentpasétonnéslemoinsdumonde.Puisnousnousrendîmestousaupubvoisinpourrassemblernosespritsetessayerdenousremettredesvingt-quatreheureslespluséprouvantesdemonexistence.J’étaisassiseentreAdametHannahet,malgrétoutcequim’arrivait,jemesentaislapluschanceusedesfemmesenmevoyantainsientouréeparmafamilleetmesamis.
MamanetClarkramenèrent lespetitsà lamaison,BradenpartitàcontrecœurpourpermettreàJoss de souffler, et celle-ci disparut pour nous laisser un peu d’intimité. Nous achetâmes de lanourritureàemporter,etjedévoraimapartenarrivantchezmoi.
Adametmoirestâmesensuiteaulitàdiscuterunpetitmoment,maisiln’yavaitpasgrand-choseàdireetj’étaistropfatiguéepourmeconcentrersuruneconversationsérieuse.Apparemment,Adaml’étaitaussi,carildisparutbrièvementavecnosrestesetrevintselovercontremoiavantd’éteindrelalumière,sansmêmeprendreletempsdesedéshabiller.
Lesdélicatsrayonsdesoleilmeréveillèrentendouceur.Jemesentaisforte,prêteàrenverserdesmontagnes,etAdamSutherlandétaitblotticontremoi.
C’étaitassezmagnifique.Sescheveuxmechatouillèrentlecouquandilremuasonbrassurmataille.— Tu es réveillée, mon amour ? murmura-t-il d’une voix rendue encore plus sexy par le
sommeil.Monsourires’élargit.—Ouais.(Jeluicaressaidoucementl’avant-bras.)Tusaisque,depuisquejeteconnais,jen’avais
jamaisdormiprèsdetoi?Tuémetsdesbruits.Jesentissapoitrinesecouéed’unrire.—Desbruits?Je me retournai pour pouvoir le regarder dans les yeux et souris à pleines dents quand il se
penchasurmoi.—Tufaisdes«mmm».Adamsouritàsontour.—C’estquoi,des«mmm»?—Tusaisbien.Commequandonmangequelquechosedebon.Ilfitlagrimace.—Commedes«miam,miam»?—Exactement.Saufquetufais«mmm»…—Jecroisquetuviensdeporteruncoupàmavirilité.J’éclataiderireetluicaressailajoue.—Net’enfaispas.Çanem’apasdérangée.J’aijusteimaginéquetousces«mmm»étaientpour
moi.Adamme serra contre lui et remontama jambe autour de sa cuisse. Son regard ensommeillé
s’illuminaquandilseposasurmeslèvres.—C’étaitlecas.
—Commentcelapourraitêtre lecas,étantdonnéque tunesavaismêmepasque tufaisaisdesbruits?
—Parcequejerêvedetoi,répondit-ildutacautac.(Ilsentitmasurpriseetmeserraplusfortencore.)Çafaitplusieursannées,maintenant.
—Etqu’est-cequejefais,danscesrêves?demandai-je,lesoufflecourt.Unevaguedechaleurenflaitdansmapoitrine,etuneautreencoreplusbrûlanteaffluaitdansmon
entrejambe.Ilme caressa les fesses puism’attira assez près pour que je perçoive son érectionmatinale à
traversletissudesonpantalon.Mestétonsdurcirentenréactionetjeprisunegrandeinspiration.—Parfois,onfaitl’amour.D’autresfois,onbaise.Monsouriresefanaetjeleregardaidroitdanslesyeux.—Jen’aimepascemot.Ileutunlégerrictus.
—Tutrouvesçaantiromantique.Ilmeconnaissaittropbien.Jehaussailesépaulesavecincertitude.—Els,lefaitquejeveuilletebaisernesignifiepasquejenet’aimepas.Ayantbesoindeplusdeprécisions,jefisglissermesmainsjusqu’àsontorse.—Qu’est-cequeçaveutdire,alors?Savoixétaitrauque,désormais.—Quandjeveuxtebaiser,c’estquejesuisd’humeuràfaireçabrutalement.À mon grand étonnement, ses paroles m’excitèrent. Je me tortillai légèrement contre lui et
m’empourprai.—Jenecroispasavoirdéjàété…Jen’étais toujourspascertainedepouvoirprononcerce terme.J’avaismaintesfoisreprochéà
Jossdel’utilisersansarrêt,maisquandAdaml’employaitdanscesens…—Dis-le,chuchota-t-iltoutcontremabouche.J’aienviedetel’entendreprononcer,monamour.Jehoquetaietsoutinscourageusementsonregard.—Je…Jen’aijamaisétébaisée,murmurai-je.Jenepensaispaspossiblequesonérectioncroissedavantage,etpourtant…Ilfitglissersamain
entrenos corps, puis sousmaculotte, introduisantdoucement et délicatement sesdoigts enmoi. Ilpoussaungrognement.
—Mon amour… (Il se pencha sur moi pour m’embrasser, titillant ma langue du bout de lasienne.)J’ail’impressionquetuaimeraisbienquejetebaise.
Enguisederéponse,jel’embrassai.Unbaiserprofondetlangoureux,censél’encourager,maisquiserévélaenfaitsentimentaletdésespéré.
Adammefitroulersurledosetm’écartalescuissespourpouvoirs’installerentreelles.Quandilinterrompit notre baiser, ce fut pourmedévisager avecune adoration telle que j’en eus le soufflecoupé.
—Jenevaispastebaisercematin,monamour.Jevaisplutôttefairel’amour.Pourlereste,nousattendrons que tu sois pleinement rétablie. (Ses prunelles s’assombrirent alors.)Tu en auras grandbesoin.
Jeluisouris,merendantsoudaincomptequ’Adamétaitlà,dansmesbras,àparlerdenotreavenircommun.Unrêvedetreizeansdevenuréalité.
—Tunepeuxpassavoircombienjet’aime.
Ilhochalentementlatêtetoutenremontantmachemisedenuit.—Autantquejet’aime.Pour la première fois, je m’autorisai à le croire vraiment. Ces trois petits mots sortis de sa
bouche résonnèrent dansma poitrine. J’achevai d’ôterma chemise de nuit,me retrouvant presquenue,àsamerci.Jeluiadressaiunsouriretimide.
—Tusais,peum’importecequ’onfaitcematin.Tupeuxdisposerdemoicommebontesemble.Étonnamment,celalefitgémiretillaissatombersatêtesurmonépaule.—Moncœur?Ilpivotaversmoietdéposaunbaisersurmapeaunue,remontantsamainlelongdemescôtes
pourprendreencoupel’undemesseins.Jesursautailégèrementàcecontact,etilrépondit:—Commentsefait-ilquejesoisaussichanceux?Intelligente,douce,magnifique,passionnée…
etellemeditquejepeuxdisposerd’ellecommebonmesemble…(Ilgloussa.)Ildoityavoirunvicecaché.(Jem’empourpraiprofondément,cequilefitsourire.)Merde,j’aioubliémodeste.
—Arrête.Je le repoussai affectueusement au niveau des épaules, mais j’avais sincèrement besoin qu’il
s’arrêtesijenevoulaispasfondreenlarmes.Ilritdenouveau,etcegrondementsourdcontremapoitrinem’émoustillaauplushautpoint.Il
m’embrassaencoredanslecouavantdes’asseoiràcalifourchonsurmoietderetirersontee-shirt.Jeme régalais de le reluquer,memordant les lèvres tout en savourant cette visionprécieuse. J’avaisoubliéàquelpointilétaitbeau,avecsesépauleslargesetsesmusclessaillants.Desabdominauxàsedamner.
Il défit sa ceinture sans me quitter des yeux. Je frissonnai d’impatience quand il baissa sabraguette.
—Cematin, jevais te faire l’amour, parceque c’est cequi convient ànotrepremière fois.Etpuis,mêmesitutesensbien–etjevoisquetutesensbeaucoupmieux–,toncorpsdoitavoirbesoinderepos.Onvadoncfaireçalentement,maissûrement.
Il enleva son pantalon et son boxer, et l’apparition de sonmembre érigé, fier et palpitant,melaissapantoise. Jecomprenaismieuxpourquoicesalopardétait si sûrde lui. Il sebaladaitavecçadanslecaleçon.
—Tufaisdespetits«mmm»,medit-ilenricanant,toutenseretournantpourfairetombersonjeanparterre.
—Pasdutout!protestai-jeenrougissantunefoisdeplus.Jemerendiscompteque je lescrutaisavecunetelle intensitéqu’ilétait fortprobablequej’aie
poussédetelsgémissements.—Carrément.Etc’étaitsuperadorable.Ilglissalesdoigtssousl’élastiquedemaculotte.Jesoulevailesfessespourl’aideràlaretirer,ce
qu’ilfitenmarquantquelquespausesrégulièrespourmedéposerdesbaisers.Ilsoulevamongenougauche, et je l’observai avecdeplus enplusd’excitation embrassermonmollet, l’intérieur demajambe,jusqu’enhautdemacuisse.
—Tuasdesjambesinterminables,chuchota-t-ilenplantantsesyeuxdanslesmiens.J’aihâtequetulesrefermesautourdemoipendantquejeseraientoi.
—Adam…J’étaiscomplètementàsamerci.Je répétai son nomquand sa langue vintme lécher délicatement le clitoris. Ilm’embrassa,me
léchaetmesuçagoulûmentjusqu’àmefairejouirpuissamment.
L’orgasme à peine fini, il prit un demes tétons dans sa bouche. Il joua avec unmoment, sanscesserdemesusurrerdescomplimentsetdesmotsd’amour;j’étaisbientôttellementémoustilléequejelesuppliaidemeprendre.
En le sentant se positionner entre mes jambes, je me contractai brièvement. Ayant senti maréaction,Adamentrelaçasesdoigtsauxmiensetmeplaqualesmainssurlelittoutenmeregardantdans les yeux, m’envoûtant littéralement. Il entrouvrit les lèvres d’extase quand il me pénétraprofondément. Je laissai échapper un petit hoquet et soulevai instinctivement les hanches, nousprovoquantàtousdeuxundélicieuxfrissondeplaisir.Adamm’examinad’unairtendre.
—Jet’aime,EllieCarmichael,chuchota-t-ilavecsincérité.J’acquiesçaitoutenondulantlebassinetrépondisenhaletantlégèrement:—Jet’aime,Adam.Ilmeserradouloureusementlesmainsetseretirapresqueentièrementavantdes’enfoncertout
entier.Jeremuaicontreluietnoustrouvâmesunrythmelentetrégulierquis’intensifiajusqu’àcequeje n’en puisse plus.Mes jambes étaient désormais refermées autour de son dos et mes cuisses lepressaientpuissamment,l’encourageantàpoursuivre.
—Adam!m’écriai-jeenpoussantcontresesmains,voulantletoucher,leserrercontremoi.Plusfort,s’ilteplaît.
Ungrondementrauquenaquitdanssagorge,etilseretirauniquementpourmepilonnerdeplusbelle.Jememisàmarmonnerdesparolessansqueuenitête,répétantessentiellementlemot«Oui»,tandisqu’ilmultipliaitlescoupsdeboutoir.
—Jouispourmoi,Els,medemanda-t-il enme regardantdroit dans lesyeux. Jouispourmoi,monamour.
Et comme j’étais encline à le faire depuis des années, je lui donnai satisfaction. Il accéléra lacadence et je poussai un cri puissant quand l’orgasmem’emporta.Adam apposa sa joue contre lamienneetsecontracta.Jeflottai,absente,dansleslimbespostcoïtalesquandilfutprisd’unspasmeviolentetserépanditenmoi.
Noushaletionstousdeux,moitesdesueur.Jesourisenobservantleplafond.Voilàcequiarrivaitquandonvenaitdeprendrelemeilleurpieddesavie.
—Waouh,chuchotai-jeenluipassantlesbrasautourducorps,maintenantqu’ilm’avaitlâchélesmains.
Adamseredressa,unairdesatisfactionsur levisage.Sesyeuxsombres,enrevanche, luisaientintensément.
—C’estencoreloinducompte,répliqua-t-il.J’aiattenducemomenttoutemavie.Jememordislalèvrecarcettedéclarationmemitleslarmesauxyeux.Ilremarquamonémotion,souritetmedéposaunbaiser.Puisilfronçalessourcilsenseretirant.—Finalement,c’étaitunpeudesdeux.—Quoi?—J’aicommencépartefairel’amour,maisc’esttafautesij’aifinipartebaiser.—Mafaute?—«Adam.»(Ilm’imitad’unevoixlégèrementvoilée.)«Plusfort,s’ilteplaît.»(Ilsecoualatête
etj’éclataiderire.)D’habitude,jesaismecontrôler,maislà…Ravie,jel’emprisonnaientremescuisses.—Serais-tuentraind’admettrequej’aidel’emprisesurtoi,AdamGerardSutherland?Ilplissalefrontetsecoualatêteensignededénégation,maissemittrèsviteàopiner.Jepouffai
doucement.Ilfermalespaupièresdansuneexpressiond’agréabledouleuretm’attrapasoudainparla
taillepournousretourner,sibienqu’ilseretrouvaàplatdosetmoicouchéesurlui.Ilm’étreignitfermementetjemedétendis.Jesusàquoiilpensait:ilvoulaitsimplementm’embrasserunmomentpourserappelerquej’allaisbien.
Unefoisencore,jefusstupéfaitedemerendrecomptequ’ilétaitamoureuxdemoi.Jesourisetmepelotonnaicontrelui.
Aprèsquelquessecondes,ilmurmura:—Tuessouspilule,hein?— Tu ne crois pas que tu aurais dû me poser la question avant de me prendre comme un
sauvage?Ilmesouritdetoutessesdents.—Àvraidire,jenepensaisqu’àmonbesoindeteprendrecommeunsauvage.—Ehbien,net’enfaispas.Jesuissouspilule,luiassurai-jeenmeréinstallantsursontorse.—Detoutefaçon,çan’auraitpasététrèsgrave,marmonna-t-ilenmecaressantlescheveux.Jemeraidis.—C’est-à-dire?—C’est-à-direquesiunaccidentarrivait,çaneseraitpastrèsgrave.Jeparled’avoirunenfant
avectoi.Je restai tétanisée, le temps de bien analyser le sens de ses paroles. Combien de fois avais-je
entenduBradenplaisanteravecAdamsursapeurpaniquedemettreunefilleenceinte?C’étaitl’unedesraisonspourlesquellesBradensoupçonnaitAdamdenejamaiscoucherdeuxfoisaveclamême.Danssonesprittordudegarçon,ilpensaitqueçalimitaitlesrisquesd’accident,oudumoinsqueçadiminuaitleschancesqu’unenanal’apprécieassezpourprovoquerun«accident».
—Tuveuxqu’onfasseunenfantensemble?Mavoixsebrisaavantlafindelaquestion.Jesentissesdoigtsdévalerlelongdemondosdansunecaressequimefitfrissonner.—Ellie,jeveuxtoutfaireavectoi.Mesyeuxs’humidifièrent,etjeredressailatêteavantderépliquerdoucement:—Jenetesavaispassiromantique.Seslèvrestressautèrentetilsecoualatêtesurl’oreiller.— Je ne le suis pas, mais je ferais tout pour toi, y compris me taper plus de comédies
sentimentalesqu’unhommenedevraitavoiràsubir.Jeneveuxquetonbonheur.Etj’aibeaucoupderetardàrattraper.(Ilécartalescheveuxquitombaientsurmonvisage.)Maisavectoi,c’esttellementfacile. (Il tira doucement sur l’une demesmèches, l’air soudain sérieux.) Et je te préviens : si turépètes un seul mot de tout ça à ton frère, ou à qui que ce soit d’autre, ça ne restera pas sansconséquence.
Jesecouailatêteensouriant.—Jenedirairien,jetelepromets.J’aimesavoirdestrucssurtoiquetoutlemondeignore.—Danscecas,onestquittes.—Qu’est-cequetuveuxdire?Il me retourna une fois encore et je ris quand il me plaqua au matelas. Dès qu’il m’eut
immobilisée,mes jambesenrouléesautourdesa taille, ilm’embrassaetserecula légèrementpourmurmurer:
— Je suis le seul à savoir que la douce petite Ellie Carmichael aime quand je dis descochonneries.
Unefoisdeplus,jemesentisrougir,maisjenelecontredispas:ilavaitcomplètementraison.
9
—Bon,j’aidécidéquetunepouvaispaslesdonneràJoss,décrétaAdamenrefermantlejournal.Enréalité,tuvaspeut-êtredevoirlesbrûler.
Jeluiprislecarnetetl’ajoutaiàlapile.—Pourquoi?—Parcequetulivresbeaucoupdedétails,Els.Passeulementsurnoscoucheries,maisaussisur
cequejetedisavant,aprèsetpendant.J’essayaidenepasrireetéchouailamentablement.—Tuveuxparlerdestrucsromantiques?Ilmedécochaunregardfroid.—HorsdequestionquetulespassesàJoss.ElleiraittoutraconteràBradenetjen’auraispasfini
d’enentendreparler.—TusaisqueJossessaiedefaireattention,Bradenétantmonfrère,maisilarrivequedeschoses
luiéchappent;etd’aprèselle,ilsaitaussiêtreromantique.Adamhaussalessourcils,etsaboucheseretroussamalicieusement.—Romantiquecomment?Jeluisouris.—Commesij’allaistelerévélerettefournirdesarmespourletorturer.—Ceseraitlamoindredeschoses,situluienfournissaispourmetorturer.Jericanaidelevoirainsis’inquiéter.Jesecouaidonclatêteetrépondisnonchalamment:—Jeneleferaipas.—Tuneferaspasquoi?—J’aidécidédenepaspasserlescarnetsàJoss.Inclinantlatêted’unairincertain,ilm’interrogeaduregard.Jehaussailesépaules.—Jecomptaislefairejusqu’àcedernierpassage.Reliretoutçam’arappelécequenousavions
ressenti, ce que nous ressentons encore et à quel point ça fait partie de nous. Ça n’appartient àpersonned’autre, et jepensequec’est trèsbiencommeça.Cettehistoire est lanôtre.Notrepassé,notreprésent.Etd’unecertainefaçon,notrefuturaussi.Mêmesijel’adore,tuasraison:jenepeuxpaslesluidonner.
Je désignai les carnets et memis à quatre pattes pour les ranger. Adamm’immobilisa enmeposantlesmainssurleshanches.
Jejetaiunregardpar-dessusmonépaule,écarquillantlégèrementlesyeuxenlevoyantàgenouxderrièremoi,l’airplusaffaméquejamais.J’entrouvrisleslèvresetiltiramesfessesverslui,frottant
sonérectioncontremonentrejambe.—Maisqu’est-cequetufais?demandai-jedansunsoupir.Au lieu deme répondre, il se servit d’unemain pour défaire la braguette demon short et de
l’autrepourbaissercelledesonjean.— D’ici à quelques instants, nous allons monter à l’étage pour faire l’amour, mais là, je
m’apprêteàbaisermafuturefemmesurleslivresdenotrehistoire.D’unemanièreoud’uneautre,ilavaitréussiàemployerlemot«bai…»danslaphraselaplus
romantiquequisoit.Maisjen’enavaiscure.Jehaletaiquandilondulacontremoietrépondisd’unevoixrauque:
—Etleparquet?Onrisquedelerayer.Ilmecaressa lacolonnevertébralepuis reposa lesmains surmeshanchesafindem’attirerau
plusprèsdelui.—Tupensessincèrementquejemesoucieduparquet,àcetinstantprécis?Jesecouailatête,surlepointderougiràl’idéedecequim’attendait.—Sansdoutepas.Ileutunsouriremalicieux.—Etsionécrivaitensembleleprochainchapitre,monamour?