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A UX M AINS ,DES 'ROGRÈS ou PROFITS? RECHERCH DOMINIQUE PRÉDALI AliAS · te ... ------------_ .. _-; OM MERCE?

Dominique Predali_La Sante Aux Mains Des Predateurs (Big Pharma Lobby Laboratoires Médicaments OMS Maffia Pharmaceutique)

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  • AUX M AINS ,DES ~j:?, 'ROGRS ou PROFITS? RECHERCH

    DOMINIQUE PRDALI

    AliAS te ...

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    OMMERCE?

  • La Sant aux mains des

    Prdateurs

  • Les ditions ALiAS e t c. .. se dclinent en quatre collections dont les symboles e, t, c ...

    constituent la signaltique :

    ALiAS etc ... 2001

    La collection thique & enqutes La collection tendances & tmoignages

    La collection croquis & camets La collection l'air du temps

    Le site des ditions ALiAS e t c ... :

    ISBN: 2-84726-002-1 Tous droits rservs. Aucune partie de ce livre ne peut tre reproduite ou transmise sous aucune forme ou par quelque moyen lectronique ou mcanique que cc soit, par photocopie , enregistrement ou par quelque forme d'entreposage d'information ou de systme de recouvrement, sans la permission crite de l'diteur.

  • D ominique Prdali

    La Sant aux mains des

    Prdateurs

    ALiAS etc ... 99 bis, avenue du Gnral Leclerc

    75014 PARIS

  • 6

    paratre dans la collection thique & enqutes aux ditions ALiAS etc ...

    LOPA Silencieuse, de Noreena Hertz

    La Biopiraterie, de Vandana Shiva

    Collection dirige par Dominique Prdali

    D m 'IINIQUE PREDAU

  • 7

    Table des matires

    Les prdateurs page 9

    Le Lobbying des labos page 33

    La globalisation du business de la maladie page 67

    Chronique d 'une pauvret calcule page 91

    OPA sur l'OMS page 111

    L'apartheid de la sant page 149

    Notes page 168

    Annexes page 179

    Bibliographie page 183

    Adresses page 186

    Glossaire page 189

  • LI SAl\' AUX MAINS DES PRDAITURS 9

    Les prdateurs

    Il ne m'a pas fallu plus de deux jours de recherches sur les "Big Pharma" pour dcouvrir la frnsie avec laquelle elles recrutaient des cobayes bon march "volontaires" dans le tiers-monde. Leur rle est, souvent leur insu, de tester des mdicaments interdits de test aux Etats-Unis. Mdicaments qu'ils n'auront jamais les moyens de s'offrir. John Le Carr (The Guardian 12/02/01).

    ... les biens dsormais recherchs dans les pays du tiers-monde seront les organes de leurs habitants ainsi que le matriel gntique des plantes que leurs populations ont protg et slectionn par leur travail et leur savoir-faire au cours des sicles. A l'ordre du jour des relations Nord-Sud : bio-esclavage et biopiraterie. Chastonay, Froidevaux et Papart (Le Monde diplomatique 03/99 ).

  • 10 Dm.!!NlQuE PRDAU

    Les Big Pharma

    Dans la jungle pharmaceutique, les prdateurs rpondent aux doux noms de Pfizer, GlaxoSmitnKline, Merck, Aventis, AstraZeneca, Bristol-Myers Squibb. Certains de ces masto-dontes psent plus lourd que le produit national brut (PNB) de grand nombre de pays du tiers-monde. Les cinq plus gros, connus sous le nom Big Five psent deux fois plus lourd que le PNB de toute l'Afrique subsaharienne. Ces monstres n'obissent personne, sauf leurs actionnaires insatiables qui rclament des ta ux de rentabilit de 20 %, 30 %, voire 40 %. Pour les obtenir et se maintenir sur le march mondial, les laboratoires doivent lancer sur le march des pays industria-liss deux ou trois molcules susceptibles de dpasser 1 milliard de dollars de ventes (Le Monde, 10 oct. 2000). La recherche du profit et de la comptitivit ncessaires pour pouvoir offrir aux action-naires les taux qu'ils demandent favorise certaines pratiques tombant sous le coup de la loi: entente sur les prix, formation de cartels et exprimentations hasardeuses dans le tiers-monde ou sur des populations marginalises et prcaires - toxicomanes, rfugis, etc. (Le Matin, Genve, 27 mai 2000).

    Quid de la D claration d 'Helsinki ?

    La globalisation de l'exprimentation des mdicaments a cr un systme domin par la recherche du profit dans lequel les orga nismes de contrles multiples ne peuvent plus voir la totalit de l'image ni inspecter les expriences de manire efficace. Ce qui se traduit par des condi-tions dplorables pour les malheureux cobayes humains et des risques accrus pour les utilisateurs une fois l'agrment accord . Les conomies ralises sont normes : au dbut des annes 90, la dure moyenne des tudes cliniques pour dvelopper un nouveau mdicament aux tats-Unis tait de dix ans. Et le dlai d'approbation rglementaire est de vingt mois. Entre 1993 et 1998,

  • LA SANrt AUX MAINS DES PREDATEURS Il

    il passe dix mois et la dure des essais moyenne est de cinquante-quatre mois.

    Une enqute explosive du Washington Post publie fin 2000 fait scandale. Elle dvoile la manire dont les transnationales pharmaceutiques font les exprimentations pour tester leurs mdicaments sur les tres humains: au Nigeria, en Thalande, en Amrique latine, en Europe de l'Est et en Suisse. Les pratiques dnues de dontologie, les sommes verses aux mdecins, les tests fausss ainsi que le profit dmesur que les enquteurs rvlent, choquent l'opinion. tel point que le gouvernement amricain est forc de faire une enqute. Il va mme jusqu' crer un comit national au ministre de la Sant pour contrler toutes les recherches faites l'tranger et finances ou cofinances par l'argent du contribuable. Le directeur de ce nouveau bureau, E. Greg Koshi, annonce que cet Office of International Activities traitera des problmes tels que ceux soulevs par l'enqute du Washington Post, The Body Hunters ' Cependant, il ne peut contrler que les recherches finances ou cofin ances par le gouvernement des USA. Tho-riquement, ce bureau devrait tre redondant: il existe offi ciellement une lgislation internationale destine protger les sujets humains. La Dclaration d' Helsinki adopte par la 18' Assemble mdicale mondiale en juin 1964 en Finlande, qui reprend la Dclaration de Genve, est parfaite-ment claire : La sant de mOn patient doit tre ma premire considration. Le Code d'thique Mdicale International dclare: Seul l'intrt du patient doit tre pris en compte par le mdecin qui pratique un acte mdical qui risque d'affaiblir l'tat physique et mental du patient .. . Le but de la recherche biomdicale impliquant des sujets humains est d'amliorer les procdures en matire de diagnostic, de prophylaxie et de thrapeutique.

  • Les chasseurs de corps

    Lampang, dans une petite ville du Nord de la Thalande, un militaire amricain, le lieutenant-colonel Merlin Robb, fait une tude d'observation passive : un moyen plus efficace et oprationnel sur la transmission du virus du Sida des futures mamans sropositives leurs bbs. Pourtant une tude prcdente en 1994 en France et aux tats-Unis sur des femmes enceintes porteuses du virus du Sida dmontre que l'AZY diminue de trois-quarts les risques d'infection pour le bb. Au cours de l'entretien avec le jul}' du National Institue of Health (NHI) auquel il demande une bourse d'tude, Robb dclare qu'il n'envisage pas d'utiliser l'AZY car de toute faon ce/a ne priverait pas les femmes et leurs enfants car ils auraient eu beaucoup de mal s'en procurer en Thalande. Le jul)' approuve cette dmarche et accorde un million de dollars Rob. Grce ce moyen d'observation plus efficace, vingt-deux enfants naissent ainsi sropositifs.

    Dans deux maternits de Bangkok, des futures mamans sropositives s' inscrivent pour participer un test amricain visant rduire la tra nsmission de la maman l'enfant. Les cher-cheurs divisent les femmes en deux groupes dont l'un reoit de l'AZY et l'autre, un placebo. Chez les femmes qui prennent de l'AZY, les trois-quarts des bbs ne sont pas contamins. Chez les autres femmes, 80% des bbs naissent sropositifs. Ce qui n'empche pas les chercheurs de continuer donner du placebo pour faire des comparaisons beaucoup plus rapides et donc d'acclrer la recherche.

    Un article de Brian Deer dans le Sunday TImes Magazine du 3 octobre 1999 intitul The Vaxgen Experiment , accuse le Dr Donald Francis et son quipe de chercheurs de prati-quer des expriences non thiques dans le cadre de la recherche d'un vaccin contre le Sida en Thalande. Star du milieu mdical, Donald Francis est le premier alerter les banques du sang

  • LA SANf AUX \lAINS DroS PRDATEURS 13

    amricaines en affirmant qu'un virus est responsable de l'pidmie. Il participe la campagne d'radication de la variole en Inde et l'Organisation mondiale de la sant (OMS) l'envoie au Soudan pour tudier la premire pidmie d'Ebola. nans l'histoire du Sida de Randy Shilts, And The Band Played On, Francis est trs prsent. Dans le film ponyme avec Richard Gere et Anjelica Huston, son rle est tenu par Matthew Modine.

    A l'hpital de Taksin, il fait faire des tests placebos en double aveugle. Il forme deux groupes de 2 500 volontaires srongatifs. Le premier groupe de 1 250 participants reoit une srie de sept vaccins au rythme de un tous les six mois. Lautre groupe reoit un placebo.

    Le National Institute of Health (NIH), l'Agence amricaine des aliments et des mdi-ca ments , la Food and Drug Administration (FDA ), la Banque Mondiale et les agences des Nations Unies soutiennent l'exprimentation avec le gouvernement amrica in . En mai 1997, Bill Clinton dclare: Si le xxr sicle doit tre le sicle de la biologie, faisons en sorte qu'un vaccin contre le Sida soit son premier grand triomphe.

    Donald Francis peroit un salaire mensuel de 300 000 S (soit 320000 euros) pour ses fonctions de prsident de la VaxGen Corporation, la socit qui dveloppe le vaccin. VaxGen appartient pour 25 % Genentech Inc., un leader en biotechnologie. Genentech est une filiale de Hoffman-La Roche, la transnationale suisse. Tous sont prts pour une production grande chelle. Lorsque les actions de l'entreprise sont lances sur le march Nasdaq de New York fin juillet, elles passent de 13 $ 26 $, soit 200% d'augmentation. Le potentiel est norme, l'OMS estime que la demande annuelle pour le premier vaccin contre le Sida serait de six cent cinquante millions de doses et l'Unicef pense l'ajouter ses programmes pour le traitement de cent mill ions d'enfants.

  • 14 DOMINIQUE PRDALI

    Banco en Thalande

    Depuis le coup d'tat de 1992, la Thalande devient l'un des pays de prdilection en Asie des expriences rapides et peu onreuses. Des centaines d'tudes sont en cours pour le compte des grands groupes pharmaceutiques, sponsoriss par les Centers of Disease Control, ou centres de contrle des maladies, et l'OMS. Le vaccin contre le Sida ainsi que des mdicaments destins stimuler le systme immunitaire sont en tte du hit-parade des tests. Non seulement le pays ne manque pas de malades mais, en plus, un nombre considrable de malades est recrut parmi les tribus des montagnes qui ne parlent pas le tha. Ce qui pennet de ne pas expliquer ce qui se passe pour demander "le consentement infonn" avoue un activiste, Chiang Mai, Brian Deer. Malgr les questions qu'il pose aux onze personnes qui avalent quotidiennement des pilules, Brian Deer ne parvient pas obtenir le nom du mdicament ou des laboratoires impliqus. Lun des cobayes qui il demande o VaxGen recrute ses sujets, l'envoie KhlongToei, un bidonville sur les quais. Une vraie mine de sujets potentiels : drogus, malades de la tuberculose, du Sida ou des deux.

    la fin des annes 80, la Thalande fait figure de pionnier dans la lutte contre le Sida. Mais depuis le coup d'tat de 1992, Ies choses ont chang. La mme anne, le ministre de la Sant dclare que tout ce battage autour du virus a fait beaucoup de tort au tourisme. Les budgets allous aux actions de prvention contre cette maladie ont, depuis, t amputs d'un tiers. Les plus grosses restrictions budgtaires affectent les initiatives visant les toxicomanes. Il y omit un projet "aiguilles propres" au dbut des annes 90 mais c'est tennin Il, dit un porte-parole de la Duang Prateep Foundation, une institution caritative de Khlong Toei. Un officiel du ministre de la Sant confirmera que le projet est arrt en 1992. Le nombre de sropositifs est pass de 31 % en 1994 47 % cinq ans plus tard. Lorsque le journaliste questionne les officiels du ministre de la Sant

  • LA SANT AUX MAINS DES PRDATEURS 15

    pour savoir si le gouvernement permet que les toxicos soient plus exposs aux risques pour qu'ils soient plus utiles aux exprimentations, ceux-ci rpondent que si AidsVax est commercialis, une usine d'un million de dollars sera construite en Thalande. Brian Deer ne russit pas obtenir d'informations, mme auprs du personnel de Mdecins sans frontires Bangkok qui se tait lorsqu' il pose des questions sur ces expriences. Les toxicos se prtent aux expriences contre de la mthadone plus 10 dollars de frais chacune des dix-sept visites du programme.

    Dans un premier temps, le National Institute of Health s'oppose au projet VaxGen et dcrte que c'est une perte de temps. Le Dr Jonathan Mann, ancien chef de projet de lutte contre le Sida de l'OMS sous Mahler, le dnonce comme une violation des droits de l'Homme. Aprs le dcs de Mann et de sa femme dans un accident d'avion, le NIH change d'avis et accorde 4,6 millions de dollars Donald Francis.

    Le comit de rdaction du Journal of Aids Research and Human Retravin/ses est un vri-table Who's Who du Sida. Mais Francis paie 10 000 $ l'diteur pour un numro spcial. Pour les donateurs, il fait appel ses amis du Berkeley Internationa l Vaccine Institute qu'il a aid crer et pour lequel il a obtenu 25 millions de dollars de la fondation Bill Gates. Il offre galement le poste de vice-prsident de VaxGen un membre du COC dnomm Heyward.

    Le Dr John Moore du Aaron Diamond Aids Research Center de New York craint que les pressions politiques et institutionnelles forcent la mis en vente du vaccin avant que les bienfaits ou les risques ne soient prouvs, au risque de reproduire les problmes du vaccin contre la polio commercialis trop tt en 1955. Des centaines d'enfants sains furent ainsi contamins par le vaccin. Le prsident Dwight Eisenhower expliquera qu'en raison de la forte pression subie pour commercialiser le \'accin, les scientif"lues ont pris tm petit raccourci .

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    Le virus du Sida est un rtrovirus qui change sans arrt. Deer explique que son plus proche cousin est le vi rus de la grippe, lui aussi en perptuelle mutation. La vaccination introduit une autre pression slective qui peut aggraver la situation ou pas, selon l'antigne uti lis. Ce qui veut dire qu'un sujet sa in vaccin contre le Sida peut encourir des risques plus importants cause du vaccin s'il le contracte ultrieurement. Au cours d'une interviw avec Francis, Deer lui fait admettre que le vaccin fait aux toxicomanes de Bangkok n'est pas appropri au type de virus qui les infecte ou qui risque de les infecter. Donc, il ne leur donne pas le meilleur produit dispo-nible pour les soigner. Francis le reconnat tout en soutenant qu'il n'enfreint pas les rgles thiques parce qu'il ne leur promet pas de les gurir. Le mdecin, qui oublie galement de signaler que le vaccin risque d'aggraver leur tat, se contente de leur dire qu'on ne sait rien des effets secondaires. JI dclare Deer que de toute faon, il ne ferait pas plus de morts que le virus lui-mme!

    Bingo au Nigeria

    Pfizer a des diffi cul ts obtenir un accord de mise sur le march amricain pour son mdicament le Trovan. La Food and Drug Administration (FDA) se fait prier alors que les analystes de Wall Street prdisent un milliard de dollars par an en cas de commercialisa tion du mdicament. La FDA exige des tests supplmentaires. Pour acclrer le processus, Pfizer dcide de profiter de l'aubaine d'une pidmie de mningite au Nigeria pour tester le Trovan sur des enfants. Les parents ne sont pas informs qu'il s'agit d'une exprience, pas plus que des risques d'effets secondaires de ce mdicament. Et ce en dpit de la rvision du trait d'Helsinki, signe par les reprsentants de quarante-cinq pays qui ont dcrt non thique l'utilisation de placebos sur certains sujets au cours d'expriences, lorsque des traitements l'efficacit reconnue sont disponibles. La dclaration n'a pas force de loi aux Etats-Unis, mais elle exerce une grande force morale. Les chercheurs n'ont pas le droit d'utiliser un mdicament exprimenta l ou un placebo

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    sur des sujets atteints de maladies potentiellement mortelles s'il existe des traitements l'efficacit reconnue, D'autre part, lorsqu'ils travaillent avec des sujets de pays dfavoriss, les chercheurs sont tenus de leur donner le meilleur traitement disponible dans les pays riches,

    Lexprience est catastrophique, les enfants meurent, mais da ns l'intrt de la recherche, l'quipe de Pfizer continue les tests avec le Trovan plutt que de leur donner des mdi-caments normalement prescrits pour ce type de mningite, Pfizer en profite aussi pour offrir le double de leur salaire aux mdecins et aux infirmiers qui travaillent pour d'autres organisations, Les spcialistes mdicaux et les travailleurs de sant internationaux protestent, dnoncent l'exp-rimentation comme tant non thique et accusent Pfizer de ne pas avoir inform les enfants qu'ils participaient une exprience, La transnationale proteste et va jusqu' qual ifier les tests d'en-treprise humanitaire , Elle finit aussi par avoir gain de cause avec la FDA Au bout de quelques mois, le Trovan est retir du march aprs avoir provoqu des morts et des lsions graves du foie ,

    LOrganisation mondiale de la Sant (OMS) et le Conseil international des sciences mdicales reprennent la Dclaration d'Helsinki dans les Directives internationales proposes pour la recherche biomdicale impliquant des sujets humains en 1982, dans une version nette-ment plus soft : La participation d'tres humains en tant que sujets la recherche biomdicale doit tre subordonne, dans la mesure du possible, la possibilit pour ceux-ci d'y consentir librement en toute connaissance de cause",

    Quid du consentement inform ?

    En Chine, en 1995, l'Universit d'Harvard, son co-sponsor Millenium Pharmaceuticals Inc, et le gouvernement amricain font, avec des millions de dollars privs et publics,

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    des recherches gntiques dans une rgion extrmement dfavorise. Aprs une tude pilote en Chine, Millenium accepte de payer trois millions de dollars pour la collecte de l'ADN de milliers d'habitants d'Anhui en collaboration avec Harvard, le Brigham and Women's Hospital associ Harvard, et l'Anhui Medical University. Cinq mois plus tard, le groupe sudois Astra AB (main-tenant AstraZeneca), accepte d'investir 53 millions de dollars pour la recherche gntique des maladies respiratoires. Millenium reoit aussi 70 millions de dollars de Hoffmann-La Roche pour la recherche sur l'obsit et le diabte, plus 500 000 dollars pour une collaboration avec Harvard sur l'ADN de quatre cents familles obses dans la province d'Anhui.

    On a promis aux participants qu'ils recevraient des soins mdicaux gratuits , dit un mdecin, mais le projet de recherche ne nous a jamais donn les fonds pour le faire . Les participants sont des volontaires pousss par le gouvernement, qui l'on promet des soins mdicaux gratuits, une aubaine inoue pour eux depuis la rforme du systme de sant chinois. Ils ne recevront jamais les soins promis. En revanche, Millenium qui repart sans avoir fait la moindre dcouverte escompte sur l'ADN de la population, est maintenant une entreprise qui vaut plusieurs milliards de do llars avec des actions qui ont plus que doubl en trois mois.

    Le texte de l'OMS fait galement tat des exprimentations sur les enfants, les malades mentaux et les prisonniers. Les reporters du Washington Post dvoilent qu'en Argentine et en Suisse, les volontaires ne savent pas qu'ils participent des tests. Au Nigeria, Pfizer qui n'a pas pris la peine d'obtenir l'autorisation des parents pour les enfa nts malades, fabrique de fa ux documents. Les malades mentaux recruts en Suisse ou en Europe de l'Est ne sont pas plus informs qu'en Argentine o les familles des victimes prouvent que les signatures de patients attestant qu'ils sont d'accord sont fausses. Et ceux qui ont sign ne savaient pas quoi ils s'engageaient. Les dossiers mdicaux sont tout aussi fanta isistes, avec des lectrocardiogrammes qui ne sont pas ceux

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    des sujets. Le seul dfendre le projet dont le nom de code est Guardian est le chef de projet Luis Garre, un cardiologue qui Hoeschst paie 2 700 $ par cobaye inscrit. Pharmacia & Upjohn paient les mdecins sud-amricains environ 1300 $ par patient. Eli Lilly et Johnson & Johnson offrent entre 1 000 et 2 000 $ par sujet en Europe de l'Est alors que le salaire mensuel d'un spcialiste est de 178 $.

    La chasse est ouverte

    Les fameuses directives de l'OMS, toujours trs sensibilise aux impratifs finan-ciers des transnationales, envisagent dj l'poque une amplification du phnomne: Etant donn que le cot de la recherche et du dveloppement devient rdhibitoire dans les pays dvelopps, il n'est pas improbable qu'on assiste une accentuation de la tendance entreprendre des travaux l o ils pwvent tre mens bon compte avec un minimum de restrictions ! En 1991, l'OMS va plus loi~ encore en dclarant tout simplement que la Thalande est le pays idal pour tester les vaccins contre le Sida. Elle persiste et signe trois ans plus tard en encourageant les chercheurs trouver un moyen peu onreux de rduire la transmission du Sida de la mre l'enfant.

    La tendance s'est effectivement accentue, comme prvu par l'OMS. Aux tats-Unis, la FDA accepte les tesls l'tranger pour les mdicaments commercialiss aux tats-Unis depuis 1980. Entre 1995 et 1999, ils se multiplient par trois. Ce qui reprsente pratiquement un tiers des mdicaments. En Amrique du Sud, le nombre de chercheurs travaillant pour la FDA sur des mdicaments destins au march des tats-Unis passe de 5 453 entre 1991 et 1999, de 1 429 pour la mme priode en Europe de l'Est, et de 2 266 en Afrique du Sud. Selon les prvisions , les chiffres devraient se multiplier par dix en Amrique du Sud d'ici 2004. En Argentine,

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    entre 1995 et 1999, les tests ont doubl, avec deux cents pour 1999. Au Brsil, avec prs de mille tudes en cours, l'augmentation est de 200%. Pour les huit premiers mois de l'an 2000, le tout petit tat de Costa Rica avec ses 3,6 millions d'habitants a reu plus de quarante-deux nouvelles demandes d'entreprises amricaines et europennes: Nous colonisons une rgion pour les tests cliniques , dclare Juan Pablo Guzman au Washington Post l'occasion de la confrence annuelle de la Drug Information Association San Diego. Guzman qui a travai ll sur des tests cliniques pour Searle et Pharmacia, poursuit: Nous devons penser qu'il y a de l'or au bout du voyage.

    Pfizer, Roche et Merck effectuent 80 % de leurs expriences en Amrique latine, le nouvel El Dorado de l'industrie pharmaceutique. Ses quatre cent cinquante millions d'habitants, regroups pour la plupart dans les grandes villes, ont le bon got de souffrir des maladies qui frap-pent les pays riches, de l'arthrite au cancer en passa nt par les infections qui vont de l'otite au Sida.

    Mickael Day explique, dans le New Scientist (avril 1998), le processus qui a permis de commercialiser l'albendazole en 1994. Philippe E. Coyne Jr., l'poque examinateur mdical pour la FDA, demande SmithKline d'essayer d'obtenir l'accord pour un mdicament destin traiter le ver so litaire du cerveau, un problme rare, mais en progression aux tats-Unis. Coyne qui, entre temps, part travailler pour la Banque Mondiale dit que les mdecins inondent la FDA de demandes pour obtenir la permission d'utiliser l'albendazole de manire, compatissante pour viter la chirurgie. SmithKline n'a pas demand l'accord auparavant car elle ne pouvait pas faire l'investissement ncessaire . Ce qui dcide l'entreprise tenter sa chance, c'est le fait que l'albendazole soit utilis comme mdicament non approuv pour la diarrhe chronique des malades du Sida. SmithKline n'a pas les donnes pour soutenir cette utilisation, pas plus que des tudes sur le tnia du cerveau, mais Coyne pense que l'entreprise pourrait rassembler les donnes suffisantes pour obtenir l'accord.

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    En rgle gnrale, une socit base une application pour un nouveau mdicament sur des tests humains intensifs qu'elle sponsorise elle-mme. Les normes sont moins strictes pour les maladies rares. SmithKline soumet un seul test pivot, une exprimentation de 1993 au Prou impliquant cinquante-huit patients, partiellement support par SmithKline et supervis par Robert H. Gilman, un chercheur de la John Hopkins University.

    Lorsque la FDA inspecte les dossiers des patients soumis au test, elle dcouvre que pratiquement la moiti n'ont pas de dossiers mdicaux, que les symptmes ne sont pas indiqus et que l'on continue administrer le mdicament plusieurs patients alors que leur tat de sant se dtriore. Deux morts provoques par le traitement selon Gilman ne sont pas signales Smith Kline. Dans une lettre Gilman, le directeur des investigations de la FDA, David A. Lepay, crit qu 'il aurait poursuivi Gilman pour violation des rglementations fdrales si l'tude pruvienne avait fait partie de sa juridiction. Dans une interview, Gilman dclare que la FDA avait des attentes irralistes pour une tude mene dans un pays du tiers-monde nullement prpar pour participer un test pour un nouveau mdicament. Selon lui, l'tude a t bien mene et par ailleurs publie dans un journal mdical.

    Les examinateurs de la FDA dchiffrent les donnes peu fiables et parfois illisibles fournies par SmithKline. La transnationale fournit galement soixante-cinq articles de journaux sur d'autres tudes faites l'tranger sur l'albendazole (ALB ), mais les examinateurs y dcouvrent galement des erreurs. Les rsultats ne donnent pas suffisamment de preuves pour confirmer que l'ALB est un mdicament efficace et sans danger.

    Coyne, qui a travaill comme examinateur des applications mdicales, recommande qu'on donne l'accord. Les officiels de la FDA acceptent. Gilman obtient ensuite une bourse de la

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    FDA pour poursuivre une tude plus importante Lima. Pour Mark J. Goldberger, directeur de la Division of Special Pathogen and Immunologic Drug Products, les donnes, bien qu'imparfaites, mritent quand mme l'accord. Les spcialistes restent sceptiques. C'est un mdicament trs sr, mais il n'est sans risques que s'il est utilis sur la bonne personne dans un emironnement sr, affirme SmithKline.

    Tout ceci obit une logique trs simple dit Peter Lurie de Public Citizen , Les familles en Amrique latine participent des tests pour des produits qu'elles ne pourront jamais se payer. Les pays riches ont les moyens, les chercheurs et les malades qui peuvent payer les mdicaments tests dans les pays pauvres qui eux, n'en profiteront pas , mais qui ont suffisamment de cobayes. Les avantages sont normes pour les transnationales, car non seulement elles font des conomies colossales en argent et en temps, mais les rglementations et les contrles sont beaucoup moins stricts que dans les pays du Nord. Quand les malades ou leurs familles meurent, ils ne portent pas plainte. A Budapest, il est plus facile de troul'er des patients qui acceptent explique, Gabor Faludi, le chercheur qui a sign avec Novak. Les patients des pays occidentaux - et plus particulirement les Amricains - ont un sens surdvelopp de leurs droits et craignent qu 'on leur fasse du mal . Beaucoup signent sans savoir lire ou sans comprendre le sens du document. Parfois aussi, le document est expliqu par un traducteur la solde des firmes. Une fois de plus les accords d' Helsinki sont clairs: les participants doivent tre pleinement informs des risques qu'ils encourent avec le test. Le principe du Code de Nuremberg de 1947 < le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel ) est la base des recommandations internationales des exprimentations sur les humains. !rme Petrimae dclare au Washington Post que, lorsqu'il arrive Ble en janvier 1999, il ignore tout des mdicaments qu'on va tester sur lui. Lorsqu'il repart trois semaines plus tard, il n'en sait pas plus: Ils m'ont dit quelque chose propos d'une maladie de peau. Tous ces fonnulaires, et nous n'avons pas reu une seule copie. a ne me plaisait pas du tout, mais une fo is l-bas, il tait trop tard pour changer d'avis. La clinique a t ferme depuis que les autorits helvtiques ont dcouvert

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    que l'oprateur de la clinique remplissait les lits avec des gens qui ne savaient pas qu'ils prenaient part des expriences, des rfugis qui demandaient l'as ile politique et des toxi comanes . Il a quand mme russi faire cent soixante et une expriences pour les plus grandes entreprises pharmaceutiques mondiales.

    Les sujets ont le droit d'arrter l'exprience tout moment. Pourtant la plupart, comme lrme Petrimae, pensent qu'une foi s sur place, il est trop tard pour changer d'avis. En Hongrie, 99 % des femmes sont persuades qu'elles ne peuvent pas quitter l'hpital dans lequel elles se trouvent pour tester l'aripiprazole, un mdicament antipsychotique l'tude pour Bristol-Myers Squibb et Otsuka Pharmaceuticals.

    La rtention d'informations

    Les cobayes ne sont pas informs des problmes que les drogues testes ont provoqus sur les patients volontaires des pays riches . Glaxo WeUcome, par exemple, continue faire tester son Lotronex par sept mille cinq cents personnes dans le monde alors qu 'elle accepte de le retirer volontairement du march amricain la demande de la FDA. Lorganisme signale des complica-tions ainsi que trois dcs probablement lis au Lotronex. Glaxo maintient que le mdicament n'a pas provoqu de mort.

    Lorsque la FDA refuse Maxim Pharmaceuticals lnc. la permission de faire essayer un nouveau mdicament par des malades du foie et exige des tests supplmentaires sur les animaux, Maxim part pour la Russie. En trois semaines, les mdecins russes font les exprimentations sur cent quarante neuf patients sans tre informs des inquitudes de la FDA. Les tests sont

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    contrls par des mdecins qui ne signalent pas les problmes provoqus par le mdicament de peur de perdre une source de revenus inespre. Quant au contrle des sites de tests, il est aussi peu fiable. En Hongrie, il n'y a qu'un seul mdecin charg de contrler les deux cents sites de tests au rythme de trente visites par an.

    Sur quarante-quatre tests cliniques au Chili pratiqus en 1995, la facult de mdecine catholique dcouvre des problmes thiques dans vingt d'entre eux. Le plus courant est le consentement obtenu de manire frauduleuse ou l'absence de consentement des participants. Au Costa Rica, une inspection des essais faits par l'institut priv du Costa Rica, Institute of Clinical Investigations Costa Rica (ICIC) pour valuer l'antibiotique Trovan de Pfizer, rvle des donnes incompltes et des radios manquantes pour pratiquement la moiti des sujets utiliss. Irrgularits que la FDA se garde bien de communiquer.

    Chaque nouveau mdicament doit tre tudi sur environ quatre mille personnes; les dlais dans les pays industrialiss peuvent donc tre trs longs. D'aprs des estimations de l'indus-trie pharmaceutique, chaque jour de retard dans la commercialisation d'un nouvea u mdicament cote 1,3 million de dollars en perte de ventes. Plus vite les tests cliniques sont faits , plus l'entreprise gagne d'argent , dit aux journalistes du Washington Post un chercheur qui travaille pour Searle et Pharmacia. En faisant les essais dans les pays pauvres o les cobayes ne manquent pas, les exp-rimentations sont rapides et peu onreuses . Un cadre de Bristol-Myers Squibb affirme qu'il faut compter environ la 000 $ par patient pour un test en Europe de l'Ouest contre 3 000 $ en Europe de l'Est. Ce n'est d'ailleurs pas le seul avantage selon Anna Romany, la directrice com-merciale de Johnson & Johnson. Non seulement ils ne cotent rien, mais tous ces patients qui ont t privs de soins mdicaux sont des pages blanches pour la recherche! Des sujets rvs ! Les lois sont galement moins svres: en Bulgarie, des chercheurs peu scrupuleux ont cop

  • LA SANTE AVX MAINS DES PRD.
  • 26 DOMINIQUE PRDAU

    Pour le plus grand bien de la recherche

    Un ditorial brlant du New England Journal of Medicine compare les expriences en Asie, en Afrique et dans les Carabes l'tude de Tuskegee. Lditeur du journal, le Dr Marcia Angell, crit que la recherche sur le Sida dans le tiers-monde est similaire ce scandale: Le fait est que de nombreuses tudes faites dans le tiers-monde ne pourraient pas tre faites dans les pays qui colllmanditent la recherche. Finalement, il me semble que nous ne sommes pas loin de Iilskegee.

    Le point de mire de l'ditorial est une srie d'expriences faites dans quinze pays sur l'utilisation de l'AZI pour empcher la transmission du Sida par les futures mamans sropositives leurs bbs. Le gouvernement amricain a financ neuf des tudes sur plus de douze mille femmes au travers de son National Institute of Health (NIH) et des Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Parmi les quinze pays participant l'tude on retrouve les tats-Unis, la France, la Cte d'Ivoire, l'Ouganda, la Tanzanie, l'Afrique du Sud, le Malawi , la Thailande, l'thiopie, le Burkina Faso, le Zimbabwe, le Kenya et la Rpublique Dominicaine.

    Pour ces expriences, les femmes sont divises en groupes de contrle, dont l'un reoit un placebo. Lassociation de consommateurs Public Citizen dnonce cette pratique et affirme que les mdecins qui ont fa it les expriences ont viol leur obligation thique vis--vis de ces femmes en ne leur donnant pas d'AZI.

    Le Dr Angell reprend ces charges dans son article. Le principe thique fondamental qui est en jeu est: Lorsqu'il existe un mdicament l'efficacit reconnue, on n'a pas le droit d'utiliser un placebo. Ce n'est qu'en l'absence d'un traitement efficace connu qu'on peut utiliser un placebo pour le comparer un nouveau traitement potentiel. Ce principe a t codifi dans la Dclaration

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    d'Helsinki de l'OMS en 1964 qui dcrte que daYIS n'importe quelle tude mdicale, chaque patient - y compris ceux d'un groupe de contrle s'il y en a - devrait tre assur de bnficier des meilleurs diagnostic et mtbode thrapeutique prouvs .

    La bote de Pandore

    Entre 70 et 75 % des mdicaments approuvs par la Food and Drug Administration (FDA) pour des expriences cliniques aprs des tudes satisfaisantes sur les animaux s'avrent dangereux ou inefficaces sur les humains. '. Mme des effets cliniques limits ne rvlent pas tous les risques. Un rapport de la U.S. General Accounting Office (GAO) indique que sur les 198 nou-vea ux mdicaments lancs sur le march entre 1976 et 1985, 102 (soit 52 %) ont provoqu des effets dangereux que les tests n'ont pas su prvoir ' .

    Mme entre janvier et aot 1997, au moins cinquante-trois mdicaments en vente ont t rebaptiss sui te des effets secondaires dangereux ' .

    Dans les mdicaments de l'tude du GAO, huit sont des benzodiazpines, similaires au Valium, Librium et nombreux autres sdatifs de cette famille. Deux sont des antidpresseurs htrocycliques, similaires des drogues existantes. D'autres ne sont que des variantes des antibiotiques de la famille des cphalosporines, des antihypertenseurs et des traitements pour la fertil it. Aucun n'est ncessaire mais tous sont dangereux. Les risques pris par les participants aux expriences et par les consommateurs ne se font pas au nom de la mdecine, mais de la part de marchs des grands groupes.

  • 28 DOMINIQUE PREOALI

    En 1993 une exprience avec utilisation de placebo pour dmontrer l'efficacit du vaccin contre la coqueluche sur les enfants est interdit aux tats-Unis. Le National Institute of Health exigeant un contrle placebo, le laboratoire lance l'exprience en Italie, moins svre sur les exprimentations humaines. Les tudes avec utilisation de placebo et contrle en double aveugle sont considres comme l'talon or par la communaut mdicale. Mais lorsqu'un traitement l'efficacit reconnue est disponible, l'utilisation de placebo est interdite.

    Le vaccin contre la rougeole Edmonston-Zagreb high titre (EZ HT) est prvu pour le tiers-monde - et cela inclut les quartiers ethniques blacks et hispaniques du centre-ville de Los Angeles dans le cadre de recherches sponsorises par les Centers for Disease Control (CDC). Il provoque de nombreuses morts de bbs, surtout des petites fi lles dans plus de vingt pays du tiers-monde dont Hati, le Sngal, la Guine Bissau. Hati, le vaccin est dos des taux entre dix et cinq cents foi s suprieurs la normale. Los Angeles, les parents ne sont pas informs que le vaccin cette dose n'est pas autoris aux tats-Unis et que leurs enfants sont utiliss comme cobayes. Le vaccin normalement dos ne doit pas tre administr aux enfants de moins de quinze mois. Pour les tests, il est utilis sur des bbs de quatre mois au Mexique, Hati et en Afrique o l'tude est arrte en raison des morts dues une immunodpression qu'il provoque chez les enfants. Le nombre de morts est plus lev chez les petites filles qui ont reu des doses plus leves qu'aux petits garons. Des chercheurs franais alertent l'OMS et insistent pour que le problme soit tudi 6 Leur dcouverte est confirme par d'autres tudes et le vaccin est retir du march. Ltendue de ce dsastre potentiel est touffe. LOMS avait prvu 250 millions de doses pour une vaste campagne de vaccination qui aurait eu pour rsultat entre 15 et 18 millions de morts de six mois trois ans aprs le vaccin. Aucune responsabilit publique n'est reconnue. Les mmes agences et souvent les mmes chercheurs, ont les mmes partenaires de recherche comme les gouvernements militaires d'Ouganda et de Thalande. Quand un journaliste du

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    Washington Post demande un chercheur clbre ce qu'il pense des conditions de consentement info rm dans ces conditions, il reprend Rett Butler dans le film Autant en emporte le l'ent : Franchement mon cher, je m'en contrefiche.

    Le premier bb est vaccin Los Angeles deux mois aprs que l'OMS a t prvenue. Les parents ne sont pas informs des effets secondaires. On ne leur dit pas que le vaccin est dcon-seill aux bbs de moins de quinze mois. Leurs droits humains ont t viols. Droits protgs par le Code de Nuremberg, la Dclaration d'Helsinki et les lois amricaines crs pour les sujets humains dans les expriences mdicales. La presse est pratiquement muette: il n'y a que trois journaux qui rapportent l'affaire le 17 juin : le Los Angeles Times, le Washington Post et le Philadelphia Inquirer et deux semaines plus tard, le Washington Post. Lditorial du 20 juin 1996 du Los Angeles Times assure ses lecteurs qu'aucun des 1 500 bbs n'a souffert cause du vaccin non autoris et demande au CDC de s'assurer que des expriences ne se reproduisent pas.

    David Satcher, le directeur du CDC se dit choqu d'apprendre que les parents des bbs de Los Angeles n'avaient pas t informs de l'aspect exprimental du vaccin '. Lorsque paraissent les articles du Washington Star sur l'exprience de Tuskegee, le ministre de la Sant et les officiels du CDS sont choqus . Satcher s'excuse pour cette erreur , ajoutant qu'il est important que les minorits fassent confiance la recherche sponsorise par le gouvernement. Lerreur, c'est--dire le fait que les parents n'aient pas t informs, est un simple oubli. Lun des porte-parole dit Nous ne considrions pas le vaccin comme exprimental tout simplement parce qu'il tait utilis depuis des dcennies dans d'autres pays . Un autre officiel dit aux journalistes en mai 1995 que tout ceci est une non-histoire . Un mois plus tard, un autre dirigeant change de registre et reconnat que le vaccin est la bote de Pandore . Le vaccin EZ haute dose a t spcialement dvelopp pour le tiers-monde et les minorits ethniques amricaines. Le vaccin EZ standard est

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    effectivement utilis en Europe, en Yougoslavie depuis 1970 et par l'OMS depuis 1988, mais celui de l'tude est entre dix et cinq cents fois plus fort et administr des bbs plus jeunes. Le vaccin est retir en juin 1992 aprs une tude de l'OMS.

    Un article de Paul Brown dans le Guardian du 23 sept. 2000 rapporte que des milliers d'Indiens Yanomami ont t contamins par la rougeole et des centaines en sont morts pour permettre aux scientifiques amricains d'observer les effets de la slection naturelle sur des socits primitives selon un livre publi par le journaliste Patrick TIerney. Le professeur Terry Turner of Cornell University qui corrige le manuscrit crit Louise Lampher, prsidente de l'American Anthropology Association (AM) pour lui signaler l'ampleur d'un cas de corruption et criminalit sans prcdent dans l'histoire de l'anthropologie . Le livre accuse le gnticien d'avoir utilis le EZ HT pour dclencher une pidmie de rougeole qui dcime des centaines voire des milliers d'Indiens Yanomami, et toujours selon le livre, l'quipe de chercheurs refuse toute assistance mdicale sur les ordres stricts de Nee!. Il insiste sur le fait qu'ils ne sont sur place que pour observer et prendre des notes sur l'pidmie et qu'ils doivent se contenter de jouer leurs rles de scientifiques, sans fournir d'aide mdicale .

    Le vaccin Edmonston Z B a t approuv par la FDA et recommand par l'OMS. Les autorits mdicales du Venezuela donnent galement leur accord pour que les deux anthro-pologues Neel et Chagnon utilisent le EZ au moins un an avant qu'une pidmie de rougeole ne touche les vi llages Yanomami

    Le Dr Samuel L. Katz de la Duke University, co-dveloppeur du vaccin en 1958, affirme dans un message e-mail au comit UC Santa Barbara que Tierney, un journaliste freelance, lui posa it des questions indiscrtes sur la nature du vaccin Edmonston B. En fait, Katz avait

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    affirm que le mme vaccin avait t administr au moins 18 millions d'enfants sans provoquer d'effets secondaires plus graves qu'une pousse de fivre et trois morts : un patient atteint du Sida et deux immunodprims souffrant de leucmie ' .

    L'le du Dr Moreau

    Le nom de Willowbrook ", aux tats-Unis, est devenu synonyme de fosse aux serpents" dans les annes 60 lorsque le snateur William Conklin dnonce les conditions de vie lamentables de l'tablissement. En 1968, le snateur Robert Kennedy y fait une visite surprise et rapporte que les salles sont moins confortables et gaies que les cages d'un wo. Mais celui par qui le scandale arrive est un jeune reporter de tlvision, Geraldo Rivera, qui lui aussi fait une visite surprise et filme l'horreur des lieux. Le spectacle des enfants nus, abandonns et qui jouent dans leurs excrments, mangent de la soupe avec les mains, qui pleurent et gmissent, choque profon-dment l'Amrique. Geraldo Riviera cre une fondation et, avec l'aide de John Lennon et Yoko Ono, donnent un concert au Madison Square Garden pour acheter la maison et le terrain et en fai re une institution moderne et accueillante.

    D'autres expriences sont faites dans les annes 90, toujours sur les populations ethniques . Des millions de femmes noires, mexicaines, philippines ont fait l'objet de tests pour le vaccin contre le ttanos. Certains vaccins contenaient des hormones provoquant des fausses couches ou la strilit. En 1995, Human Life International, une organisation catholique militant pour les droits de l'Homme, accuse J'OMS de promouvoir un vaccin canadien contre le ttanos contenant l'hormone choriogonadotrophine humaine (HCG). L'organisation se pose des questions lorsque le vaccin est prescrit sous la forme inhabituelle de cinq injections multiples sur

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    trois mois et uniquement aux femmes en ge d'avoir des enfants. Un nombre suspect de ces femmes font des fausses couches et souffrent de saignements vaginaux. Toujours selon l'orga-nisation, la Philippine Medical Association charge d'analyser le vaccin dcouvre que 20 % des vaccins contre le ttanos de l'OMS contiennent cette hormone. I.:OMS nie en bloc et les mdias n'en parlent pas ' .

    Une thorie sur l'origine du Sida avance qu'il a t provoqu par des vaccins contre la polio contamins parce qu'ils ont t cultivs sur des reins de singes verts et administrs aux Africains la fin des annes 1950. Dans The River : A Journey ta the Source of HN and AIDS, Edward Hooper explique comment le vaccin est fabriqu en utilisa nt des reins de singes et comment l'anctre du virus a saut la barrire de l'espce grce au vaccin. Les professeurs amri-cains Essex et Alroy, de l'quipe du professeur Gallo, vont dans le mme sens 10 D'autres cher-cheurs pensent que les diffrentes campagnes de vaccination de l'OMS, et plus particulirement celle de l'radication de la variole en Afrique dans les annes 70, sont responsables de l'pidmie qui se dclenche dans les annes 80. Les sept pays les plus touchs en Afrique sont ceux o les gens ont t vaccins de manire intensive. De mme que le Brsil, le pays d'Amrique latine le plus touch, est aussi celui o l'on a le plus vaccin. Le 11 mai 1987 on peut lire dans le Times: Certains experts redoutent qu'en supprimant une maladie on ait pen/lis une autre maladie de devenir la pandmie qui sl~t alliourd'hui alors qu 'elle n'tait qu'une maladie endmique dans le tiers-monde. Bien que les mdecins reconnaissent aujourd'hui que le virus du vaccin peut activer d'autres virus,ils sont diviss quant au dclencheur de l'pidmie de Sida. Un conseiller de l'OMS dclare notre journal: Maintenant, ie suis convainw que la thorie mettant en cause la ,'acc ination antiva-riolique est bien l'explication de l'explosion du Sida.

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    2

    Le Lobbying des labos

    Washington grouille de milliers de lobbyistes industriels. Ils s'agglutinent autour d'un axe de bureaux luxueux et de restaurants chers qui s'tend de la Maison Blanche au Capitole ...

    Dans ce panthon de la puissance des entreprises, aucune industrie n'a autant de pouvoir que la Pharmaceutical Research and Manufacturers Association (PhRMA) , l'Association de la recherche et de l'industrie pharmaceutique. )} Julian Borger (The Guardian, 13/02/01).

    La fo lie des fusions

    Un giga ntesque jeu de Go plantaire entre transnationales leur permet, coup de millions de dollars, de redessiner le monde en fonction de leurs intrts. Fusions-acquisitions, restructurations, offres publiques d'achat souvent hostiles et licenciements se multiplient dans un secteur o les perspectives de ga ins mirifiques sont promises par les dcouvertes dans le domine de la gnomique et par la globalisation du commerce. Comme les autres, les {( Big Pharma

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    s'adonnent la folie des fusions, Folie qui se traduit par des entreprises de plus en plus im por-tantes et de moins en moins nombreuses , Il fut un temps, il n'y a pas si longtemps, o les firmes gantes que PhRMA reprsentait n'taient pas plus grandes que des nations, Ma inte-nant, aprs une priode de folie de mgafusions, ce sont des behemoths* qu i psent plus lourd que des continents, 1

    Avec les mariages prvus ou en cours, le nombre de prte ndants possibles se restreint. En dcembre 2000, la fusion de Glaxo Wellcome avec SmithKline Beecham donne naissance au gant GlaxoSmithKline, GSK pour les intimes, Merrill Lynch dcrit la nouve lle firme comme une dynamo globale , Numro deux mondial derrire Pfizer, GSK est leader sur le march des mdicaments anti-infectieux, des produits respiratoires, des vaccins, des produits gastro-intestinaux et mtaboliques, Elle est numro deux des produits pour le systme nerveux, Le chiffre d'affaires combin des deux s'lve 27,2 milliards de dollars, ce qui reprsente 7 % du march pharmaceu-tique global, 31S'fois le budget sant de l'Ouganda et 27 fois celui du Bangladesh, avec ses cent vingt-cinq millions d'habitants' Le bnfi ce brut, c'est--dire la diffrence entre les ventes et les cots de fa brication de Pfizer, qui a repris Warner-Lambert, se chiffrent 8,9 milliards de dollars, soit 30 % des ventes J, Son chiffre d'affa ires est suprieur au produit national brut (PNB) de cent quinze pays en voie de dveloppement. Ces rsultats sont dus en grande partie aux conomies d'chelle de 430 millions de dollars ra lises grce la fusion avec Warner-Lambert et aux quatre mille licenciements, La valeur en bourse de Pfizer est maintenant de 266 milliards de dollars" presque deux fois le PNB de l'Afrique du Sud,

    Merck Sharp & Dohme affiche des bnfices de 6,9 milliards de dollars, pratiquement le PNB de la Rpublique dmocratique du Congo, ceux de Bristol-Myers Squibb sont quivalents au PIB du Gabon, Et la se ule vente des mdicaments contre le Sida commercialiss par Glaxo est morutrcs bibliques, lil-re dt job, 40 : 10.

  • L\ SANTt AUX MAINS DES PRDATIURS 35

    gale au PIB du Tchad: 1,6 milliard de doUars. La progression de cette industrie, qui rapporte prs de 400 milliards de dollars par an, est excellente. Pour l'an 2000, les dix plus grands laboratoires pharmaceutiques des tats-Unis ralisent un chiffre d'affaires de 179 milliards de dollars et un bnfice brut de 121 milliards de dollars. La marge nette des dix plus grands laboratoires se situe entre 30 % et 18,6 % ; c'est la marge la plus leve de toutes les industries 5 .

    Traditionnellement, les labos pharmaceutiques ont inject les dollars ncessaires dans les entreprises de biotechnologie, leur fournissant ainsi les fonds pour la recherche et le dvelop-pement ainsi que les circuits de distribution pour leurs produits. De nombreuses entreprises de biotechnologie ont t reprises ou ont fusionn avec les firmes pharmaceutiques. Monsanto Corp. " le Microsoft des biotechnologies de l'agriculture , fusionne avec Pharmacia & Upjohn. Novartis est le mastodonte qui nat en 1996 des pousailles des Suisses Sandoz et Ciba-Geigy, l'poque la plus grosse fusion de l'histoire pharmaceutique. Glaxo s'unit Burroughs Wellcome Inc. en 1995 et Pharmacia s'allie Upjohn la mme anne. Rhne-Poulenc, propritaire de Pasteur-Mrieux-Connaught, fusionne avec Hoechst-Agrevo pour donner la mgacorporation Aventis. Lorsque Astra choisit Zeneca en 1998 pour donner AstraZeneca, c'est la fusion la plus importante de l'histoire europenne.

    la publication des bans pour Glaxo et SmithKline, l'analyste pharmaceutique Hemant Shah confie Associated Press que le march du mdicament finirait par tre contrl par six ou dix mgasocits. C'est dj le cas pour l'agroalimentaire. En 1999, le FinancialTlmes voque les pressions l'origine du mouvement de consolidation frntique qui pousse les firmes fusionner. Parmi elles, et non des moindres, les brevets qui tombent dans le domaine public et le besoin de se muscler en marketing. Les firmes attribuent cette vague de fu s ions~acquis itions au besoin de se consolider. Devenir de plus en plus importantes pour faire face aux dpenses

  • 36 DOM1N1Ql,;E PREDAU

    normes que reprsente le dveloppement de nouveaux mdicaments. Thoriquement, pour crer un nouveau mdicament de l'prouvette au produit emball lanc sur le march, il faut quinze ans. Et pour 10 000 composants dans la course, un seul anivera sur le march , dit Frank Rice, cadre et analyste de l'industrie pharmaceutique. Officiellement, les cots levs de la recherche, qui compte de nombreux checs, sont responsables du prix lev des mdicaments. En 1999, trente-six mdicaments, dont les ventes annuelles atteignent 1,9 milliard de dollars, ont vu expirer leur brevet. Le 2 aot 2001 est un jour noir pour Eli Lilly le fabricant de la pilule rose. minuit, le brevet du Prozac, qui lui seul rapporte 2,6 milliards de dollars de ventes en l'an 2000, prend fin. Avant 2005, les brevets d'une vingtaine de mdicaments best-sellers, dont la vente reprsente environ 25 millions de dollars de chiffre d'affaires, vont tomber dans le domaine public ' .

    La Bourse est aussi une raison importante des fusions. Le secteur pharmaceutique est le secteur lgal qui connat la plus grosse croissance. Les actionnaires exigent des taux de plus en plus levs .

    Le poids des Big Pharma

    Les cinq plus gros labos du monde psent plus lourd que le PNB de tous les pays de l'Afrique subsaharienne et leur infiuence sur les rglementations de l'OMC est dmultiplie parce qu 'i ls peuvent utiliser leur richesse pour faire directement pression sur les leviers du pouvoir occidental . (Julian Borger, The Guardian, 13 fv. 2001).

    Les couloirs du Congrs Washington pullulent de lobbyistes. C'est la conclusion d'une enqute mene par Public Citizen, l'ONG cre par Ralph Nader. La proportion est de un lobbyiste

  • LA SAl\flt AUX ~IAJl\S DES PR DATEURS 37

    pour deux membres du Congrs. Le groupe de pression le plus puissant de tous est la Pharmaceutical Research and Manufacturm Association (Phmv!A), qui reprsente les plus importantes compa-gnies pharmaceutiques et de biotechnologie aux tats-Unis avec des poches si profondes et une agressi"t couper le souffle, mme selon les nOl1nes courantes de la politique amricaine (ibid.).

    Il y a dix ans, la participation de l'industrie pharmaceutique aLLX campagnes prsiden-tielles s'levait 2,9 millions de dollars partags entre les Dmocrates et les Rpublica ins. Sous la forme de hard money , c'est--dire des donations rglementes par la loi destines une cam-pagne lectorale spcifique, qui reprsente 45 % des contributions totales 1 . Toujours pour les lections de l'an 2000, les industriels du mdicament donnent 55 % de leurs contributions sous forme de soft money , des sommes d'argent liquides lgales non rglementes payes aux comi-ts nationaux pour les frais gnraux.

    Les enjeux de l'lection de l'an 2000 sont diffrents. La batai lle sur le prix des mdica-ments fait rage aux tats-Unis et la guerre des brevets l'tranger avec la marche arrire de Bill Clinton inquitent les labos. Clinton, sous la pression des groupes d'activistes, est contraint et forc de rsister au lobbying des Big Pharma . Il les accuse de pratiquer une politique de prix sans rapport avec le cot rel des mdicaments . Il s'tonne que l'industrie du mdicament puisse dpenser 1 milliard de dollars en publicit et en lobbying plutt que de consacrer cette somme la recherche et au dveloppement de nouveaux mdicaments ' . Le prsident demande aussi, toujours sous la pression des activistes, la libralisation des gnriques contre le Sida dans les pays du tiers- monde. Ce qui n'enchante gure les labos prts tout pour dfendre leurs marges, mme dpenser la somme record de 24,4 millions de dollars pour la campagne prsi-dentielle, du jamais vu ! Ils misent 70 % de ce trsor de guerre sur leur poulain Bush qui remporte le grand prix. Linvestissement en vaut largement la chandelle : PhRMA a mis ses pions

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    rpublicains ternellement reconnaissants en place la Maison Blanche, au Snat et au Congrs. PhRMA n'a pas besoin de fai re du lobbying dit le membre du Congrs Sherrod Brown, l'industrie est dj dans la Maison Blanche. Une vritable anne de loblry'istes, di t Public Citizen. Washington, cent trente-quatre firmes de lobbying travaillent pour l'industrie pharmaceutique. Le lobby pharmaceutique est de loin le plus puissant et le plus riche de tous. Ses six cent vingt-cinq lobbyistes sont plus nombreux maintenant que les membres du Congrs. Bristol-Myers Squibb, ne compte pas moins de 15 cabinets de lobbying et cinquante-sept lobbyistes son service.

    Pour acheter le Congrs de 1997 2000 inclus, les dix plus grandes firmes dpensent 183 millions de dollars. Pfizer Inc. avec 28,6 millions de dollars, verse le plus, suivi de Schering-Plough Corporation avec 25,8 millions et de Merck & Co. [ne. avec 22,2 millions de dollars (voir annexe ).

    L'autre poulain de l'industrie ph~rmaceutique , aprs Bush est Orrin Hatch, un Rpublicain conservateur, qui prside la section judiciaire du Snat, donc bien plac pour influencer les litiges sur les brevets. Pour lui, l'investissement est de 340 000 S plus un jet priv ' .

    Un autre lment cl de cette OPA des labos sur le gouvernement amricain, est ce qu'on appelle le principe des portes tambours ou des tourniquets . Portes qui communi-quent entre le gouvernement et l'industrie pharmaceutique. Plus de la moiti de ces lobbyistes sont d'anciens membres du Congrs ou des membres du personnel du Congrs ou des employs du gouvernement. Quant aux anciens membres du Congrs, beaucoup trava illent maintenant pour l'industrie pharmaceutique. Beaucoup d'entre eux dirigeaient des comits lgislatifs et ont toujours des liens troits avec les personnes au pouvoir. Le ministre de la Dfense, Donald Rum-sfeld, est l'ancien directeur gnral de la firme G. D, Searle ". Mitch Daniels, le nouveau di recteur

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    de la gestion et du budget de la Maison Blanche est l'ancien prsident du gant pharmaceutique Eli Lilly. Les deux membres de l'quipe de transition de Bush, Anne Marie Lynch et Bill Walters, sont des membres de PhRMA. Trois autres sont issus de l'industrie pharmaceutique Il.

    Les contributions en soft money se font de manire indirecte. L:exemple donn par Public Citizen est celui du plus gros bnficiaire de ce type de contributions: Citizens for Better Medicare (CBM), qui a dbours 35 millions de dollars en publicit pour la campagne prsiden-tielle. peu prs le budget publicitaire du film Mission Impossible 2. CBM, un organisme but non lucratif est une filiale dclare de PhRMA qui le finance pratiquement 100 %. Son directeur est un ancien directeur du marketing de PhRMA. CBM reverse presque immdiatement 98 % de l'argent de l'industrie pharmaceutique un producteur charg de la publicit: Alex Castella nos. Parmi les principaux clients de ce monsieur, la campagne prsidentielle de George Bush et le comit National Rpublicain. Alex Castella nos est clbre grce ses messages publicitaires subliminaux. Pendant une discussion tlvise au cours de laq uelle AI Gore prsentait son programme de rforme de sant, le mot Rats flashait de manire subliminale sur l'cran. La psychose du bioterrorisme en gnral et de l'anthrax (bacille du charbon) , en particulier, fait les choux gras des Big Pharma. Le lobby pharmaceutique profite largement de la situation pour ren-forcer sa position Washington depuis septembre 2001 Un vrai partenariat entre le gouvernement fdral et les {Innes phannaceutiques amricaines selon l'un des reprsentants des transnationales cit par le New York Times (04/1lI0 1, cit). Un rapprochement d'autant plus troit depuis qu 'e lles entendent participer la lutte contre le bio-terrorisme. Les dirigeants des firmes ont d'ailleurs ren-contr le prsident Bush pour en discuter et lui proposer les services de scientifiques trava illant pour l'industrie ainsi que des mdicaments prix rduit. Johnson & Johnson, GlaxoSmithKline, Bristol-Myers Squibb et Abbott Laboratories offrent d'ailleurs des mdicaments gratuits: Nous voulons faire tout ce que nous pouvons pour aider dclare un porte-parole de Johnson &

  • 40 DO.\ IINIQUE PRDAU

    Johnson " . En change, les Big Pharma exigent d'tre exempts des rglementations antitrust, une rduction des dlais pour commercialiser les nouveaux mdi ca ments pour affronter la guerre biologique ainsi que l'immunit juridique pour tous les vaccins mis au point cet effet. Sidney Wolfe, de l'ONG Public Citizen , qui dplore le manque de transparence de ces runions, fermes au public et aux fabricants de mdicaments gnriques, y voit un prcdent dangereux .

    Ladministration Bush qui ne partage pas ces craintes a demand aux dirigeants phar-maceutiques d'identifier les barrires qu'ils souhaitent liminer pour mener ce combat patriotique. Parmi les obstacles liminer on trouve , la dure des brevets que l'industrie souhaite prolonger. Psychose aidant, elle espre faire passer un projet de loi dj approuv par le Snat pour prolonger le monopole des brevets de six mois sur grand nombre de mdicaments existants. Mesure qui lui rapportera des milliards de dollars. En temps normal dclare un lobbyiste de Barr Laboratories, la presse se rgalerait des problmes de prolongation de brewts qui se jouent en ce moment. Mais comme tout le monde se focalise sur l'anthrax, les grosses {Innes phannaceutiques savent qu'on ne les sU71'ei/le pas autant en ce moment ". Bristol-Myers demande trois ans d'extension pour un mdicament contre le diabte, le Glucophage. Ce qui se traduirait concrtement par l milliard de dollars de ventes pour chaque semestre de prolongation de brevet. Eli Li lly en profite pour fai re pression sur le Congrs afin qu'il revienne sur des recommandations limitant l ' uti~sation d'un des mdicaments antipsychotiques. La transnationale n'apprcie pas la restriction de son mdicament dans les hpitaux militaires des vtrans du Vietnam suite aux objections vigoureuses formules par des mdecins de ces hpitaux. Elle estime que si le Congrs commenait imposer quels mdicaments prescrire, cela crerait un prcdent dangereux ".

  • LA SANT AUX MAINS DES PRDATEURS 41

    Impossible n 'est pas franais

    La recette est la mme partout. Prenons pour exemple: le vaccin contre l'hpatite B en France. La remarquable enqute d'Eric Giacometti La sant publique en otage explique par le menu tous les rouages de cette catastrophe. Ici, les homologues de PhRMA s'appellent SNIP, le Syndicat national des industries pharmaceutiques et PR International, cabinet de lobbying inter-national dont le directeur est aussi directeur de Phanllaceutiques, la revue de l'industrie. Les labos dans la course sont SmithKline-Beecham, dont le patron est le prsident du SNIP, Pasteur-Mrieux-MSD, et Pierre Fabre. Le hard monel' parfaitement lgal pour financer partiellement la campagne lgislative de Philippe Douste-Blazy, est une donation des laboratoires Pierre Fabre et du SNIP. Les autres participants s'appellent Charles Pasqua qui signe un accord avec SKB pour faire vacciner gratuitement toutes les classes de cinquime du dpartement des Hauts-de-Seine. Cette opration est finance par le conseil gnral dont il est le prsident. Il ne fa ut pas oublier Franois Bayrou, l'poque ministre de l'ducation nationale qui accepte l'opration de vaccina-tion gratuite pour 500 000 enfants lance par Douste-Blazy, alors ministre de la Sant. Le soft money se trouve du ct du Comit franais pour l'adolescence, le CFA (une association but non lucrati0, SmithKline-Beecham et le Synergie groupe communication mdicale, le SGCM, une SARL qui s'occupe de la communication du CFA. Les deux appartiennent la mme personne: le Dr Sauveur Boukris. S'y ajoutent quelques spcialistes comme le Pr Pierre Bgu, vice-prsident du comit national technique de vaccinations jusqu'en 1998, membre du conseil scientifique de Prvenir, le cercle de la vaccination financ par Pasteur-Mrieux, animateur des ateliers de SmithKline-Beecham, rdacteur d'articles de revues finances par Pasteur-Mrieux Perfonnance Mdecine et par Smith Kline-Beecham : Im pact Mdecin Le Pr Alain Goudeau cosigne avec Pierre Bgu, le Pr Coursaget, quelques hpatologues, le Dr Meulien, directeur de recherche et dveloppement chez Pasteur et le Dr Francis Andr, vice-prsident de SmithKline-Beecham,

  • le rapport d'expertise sur les hpatites virales pour la MGEN.

    Dans son enqute, Eric Giacometti explique que jusqu'en 1992 les vaccins sont revendus pratiquement sans marge. Le march est si peu porteur que Glaxo et quelques autres revendent leur dpartement vaccin. A l'heure actuelle, les vaccins n'ont pas de pmpectives. On ne vaccine pas deux fois les gosses , explique Charles Mrieux, PDG de Mrieux avant sa fusion avec l'Institut Pasteur (cit par Eric Giacometti) . Monsieur Mrieux se trompe lourdement. Le vaccin contre l'hpatique B. commercialis en 1992 avec l'autorisation de l'OMS caracole en tte du hit-parade des ventes mondiales avec 4 milliards de francs (0,61 milliards d'euros). C'est un vaccin trs cher, ncessitant de nombreux rappels. I.:OMS, les spcia listes de l'hpatite B, les gouvernements et les transnationales pharmaceutiques, chiffres l'appui, encouragent la ca mpagne de vaccination dans les pays industrialiss. Les autres n'ont videmment pas les moyens de se l'offrir. Lorsque aprs la catastrophe que l'on sail en France et dans les autres pays, Bernard Kouchner, secrta ire d'tat la sant, annonce le 1" octobre 1998 qu'il arrte la vaccination dans tous les collges de France en vertu du principe de prcaution , l'OMS proteste vigoureusement. Cette dcision remet en question le colloque organis par ses soins du 28 au 30 septembre sur la scurit du vaccin. Elle dclare qu'une telle dcision va entraner une perle de confiance du public dans ce vaccin et d'autres pays risquent de suspendre cette vaccination ou d'en retarder l'introduction . I.:quipe de Kouchner donne la liste des participants au colloque: onze reprsentants des firmes qui fabriquent le vaccin, dont Merck, Smith Kline-Beecham, et Pasteur-Mrieux plus une dizaine de mdecins impliqus dans la campagne de vaccination sur un total de quarante-trois participants. I.:OMS riposte en accusant le secrtaire d'tat d'avoir cd aux pressions du lobby antivaccination. Un an et demi auparavant, le 23 mai 1997, l'OMS dclare dans son bulletin international: Au cours de l'anne coule, la presse populaire et la tlvision franaises ont propag des rumeurs faisant tat d'un lien possible entre la ,'accination contre l'hpatite B et des pousses de sclrose en plaques ou d'autres maladies

  • LA SANT AVX MAINS DES PRt DATEVRS 43

    dmylinisantes. A la suite de ces 71Ilneurs, on a enregistr un recul considrable de la vaccination contre l'hpatite B et cette dsinfonnation pourrait se rpalldre dans d'autres pays .

    Les pots-de-vin de Big Phanna

    Le 24 juin 1985, Der Spiegel titre Comment l'industrie phannaceutique achte Bonn . Le magazine allemand rvle que depuis des annes l'industrie pharmaceutique gra isse la patte des politiciens de la Bundesrepublik de Bonn. Ces pots-de-vin sont destins faire passer une loi favorable la Pharma-Branche. Des politiciens, des fonctionnaires et les labos allemands Bayer, Hoechst, Boehringer et Merck ainsi que des laboratoires plus petits sont impliqus dans une affaire de corruption et fraude fiscale. Le ca rtel pharmaceutique est trs puissant en Allemagne depuis trs longtemps; en 1985, son chiffre d'affaires est dj de 20 milliards de marks. Les producteurs de pilules s'achtent toute la base de la lgislation, les responsables des agrments pour les mdi-caments du ministre de la Sant ainsi que des chercheurs. Le but de l'opration est de contrer une loi qui devait tre la rforme du sicle, destine endiguer le flot de mdicaments et mieux contrler la scurit du patient. Jusqu'en 1961, l'industrie pharmaceutique allemande fonctionne sans vraie rglementation. Aprs cette date, cause de la catastrophe de la tha lidomide, le CDU impose l'enregistrement des mdicaments, sans toutefois se soucier de leur efficacit. Malgr la pression de Bruxelles en 1965, le gouvernement allemand ne modifie pas cette loi. Il attend 1973, pour prendre, avec le ministre de la Sant, Katharina Focke, la dcision d'valuer l'efficacit des mdicaments, les dangers et les effets secondaires. Lindustrie pharmaceutique parvient au bout de quelques annes, grce au lobbying d'un certain Hans Otto Scholl, faire en sorte qu'elle ne soit plus applique. Directeur de la recherche clinique chez Hoescht, il est aussi juriste et dput dmo-crate du Landtag de Mainz. La caisse noire de la Pharma-Branche lui permet d'acheter Bonn.

  • 44 Dm,llf\IQUE PREDALI

    Londres, c'est le journal d'information pharmaceutique Scrip qui rvle le scandale des pots-de-vin ita liens. Les firmes pharmaceutiques achtent les hauts fonctionnaires du ministre de la Sant pour obtenir les autorisations de mise sur le march et la fixation des prix des mdica-ments. Les pots-de-vin remplissent les caisses du parti libral et les poches des fonctionnaires. Le personnage cl de l'affaire, le Pr Dulio Poggiolini est directeur de la Direction du mdicament en Italie et membre des instances europennes du mdicament. Dans son ga ng, le gratin italien : Francesco de Lorenzo, ministre de la Sant et Antonio Vittoria, prsident de la facult de pharmacie de Naples et membre du comit charg de fixer le prix des mdicaments au ministre de l'Industri e. La gnros it de Glaxo, SmithKline-Beecham, Pfizer, Scherring, Sandoz .. . se chiffrerait 60 millions de dollars, rien que pour Poggioli ni .

    Les autorisations de mise sur le March (AMM)

    En France, les AMM sont dlivres sur les conseils de diffrentes agences: l'Agence nationale pour le dveloppement de l'valuation mdicale (Andem), l'Agence du mdicament, l'Agence franaise du sang, l'Agence franaise de lutte contre le Sida. LAgence du mdicament a l'autorit d'valuer et de contrler les produits pharmaceutiques depuis la loi du 4 janvier 1993 pour renforcer l'administration existante. Le rglement de l'Agence demande que soient publis tous les ans, les liens des experts avec les laboratoires, socits de conseil ou de communication: l'obligation imprieuse pour les membres des commissions de s'abstenir de participer aux tral'aux, aux dlibrations et aux vote.l sur un dossier dans lequel ils auraient un intrt financier direct ou indirect ". Ce rapport met en vidence les liens d'intrts que la majorit des experts ont avec les labos. En 1995, seize membres sur vingt-et-un , et vingt-deux sur vingt-sept en 1996, sont rmunrs de manire ponctuelle ou rgulire ou ont une participation financire au capital des laboratoires.

  • LA SANT AUX ~MJr\S OF.5 PREDATEURS 45

    Le prsident du syndicat national de l'industrie pharmaceutique, Bernard Mesur, est au conseil d'administration de l'Agence. L.:un des membres du conseil scientifique, le Pr Jean-Pierre Bader dclare des liens avec Astra, Sea rle, Synthlabo, Roche, Beaufour, Yanouchy etc. L.:Agence ne change pas ses experts pour autant ; elle explique au contraire qu'il serait ridicule de se priver des me illeurs experts simplement parce qu'ils ont des liens avec l'industrie pharmaceutique.

    Lenglet et Topuz donnent l'exemple du Pr Franoise Forrette, membre permanent de l'Agence du mdicament mais aussi signataire de la demande d'AMM pour le Cognex, un mdi-cament pour traiter la maladie d'Altzheimer du groupe Parke Davis. Le signataire de la demande d'AMM est l'expert qui a supervis l'essai du mdicament. Le Pr Forrette est galement la prs i-dente du conseil scientifique de l'association de patients de cette maladie: France Altzheimer. Le protocole est respect par le professeur qui s'clipse au moment des dbats portants sur ce mdicament comme le stipule le rglement de l'Agence . La revue Prescrire met des doutes quant l'effi cacit du mdicament dont la toxicit sur le foie, en revanche, est connue 16 L.:autorisation de mise sur le march est accorde la condition expresse de fai re un suivi systmatique des cinq mille premiers patients. L.:tude n'est jamais publie.

    L'tau de Big Pharma se resserre

    L.:ditorial du 14 avril 2001 du journal mdical The Lancet, a pour titre L'tau de 'Big Phanna" se resserre . Les conflits d'intrts entre les objectifs commerciaux et le droit de savoir du public ne font pas toujours bon mnage. Surtout lorsque les sponsors qui financent la recherche sont les laboratoires. Les efforts des fabricants de mdicaments pour supprimer,

  • 46 DO~!lN IQuE PRDALI

    attnuer ou obscurcir les dcouvertes qui ne servent pas leurs objectifs commerciaux ont t largement dvoils dans toute leur horreur pendant la tragdie de la thalidomide. Les rglementa-tions internationales sont plus svres aujourd'hui, mais les tactiques des Big Pharma n'ont pas beaucoup chang. The Lancet cite l'exemple d'un confrre amrica in, le Journal of the American Medical Association (JAMA), qui publie une tude incomplte parce que le sponsor refuse de donner toutes les informations l'quipe de recherche.

    Nous dclarons que nous infonnerons Bayer AG des rsultats de nos tests par crit, ne les publierons et ne les commercialiserons pas sans autorisation crite de Bayer AG . C'est l'une des clauses du contrat que le labo demande un chercheur du University College Hospital, en Irlande, de signer. Le Pr Cormican demande Bayer de la Ciprofloxacine fabrique par le groupe pour ses tudes sur la rsistance aux antibiotiques. Cormican qui n'est pas d'accord sur cette restriction contacte Bayer qui refuse de la changer. Il crit la Commission europenne. Une rponse signe par Philippe Jean en date du 13 mars 2001, qualifie le problme de dlicat . Tout ce qu'il peut faire, dit-il, est de rappeler aux entreprises pharmaceutiques l'intrt public de ce type de recherche .

    Boots-Knoll paie les chercheurs de l'university de Californie San Francisco 250 000 S pour dmontrer que leur mdicament, le Synthroid pour traiter les troubles de la thyrode est suprieur trois autres produits fabriqus par la concurrence. Ce produit est leader sur le march avec des ventes de 600 millions de $ par an. Les recherches faites par Betty Dong de l'universit de Californie San Francisco avec ses associs, dmontrent que les quatre produits sont bioquivalents. Le Synthroid utilis par prs de huit millions d'Amricains n'est pas meilleur que les produits gnriques sur le march. Boots interdit Betty Dong de publier le rsultat de ses travaux. Aprs sept annes de litiges, grce un article du Wall Street Journal, l'tude est finalement publie dans le New England Journal of Medicine. La publication dclenche d'ailleurs

  • w\ SANT AUX ;\IAIN$ DES PRDATEURS 47

    une srie de procs la demande des utilisateurs du mdicament. En 1999, Boots-Knoll accepte de payer prs de 42 millions de dollars, trente-sept tats pour rgler l'amiable l'accusation de publicit mensongre affirmant que son traitement de la thyrode tait suprieur aux traitements gnriques. La somme n'est qu'une fraction des bnfices qu 'elle a pu raliser pendant les sept ans d'interdiction de publication du rapport.

    En 2000, des chercheurs de l'universit de Californie San Francisco publient une tude dont les conclusions indiquent que Remune, le mdicament tudi, n'apporte rien de plus des patients qui utilisent dj la trithrapie. Le fabricant, Immune Response Corp. of Carlsbad, Calif., demande entre 7 et 10 millions de dollars, de dommages et intrts l'universit pour prjudice commercial.

    Au Japon l'association pharmaceutique (JPMA) donne des recommandations pour les sponsors des essais cliniques en 1995 aprs la mise en accusation d'une filiale de Glaxo. Zeria Pharmaceutical est accuse d'avoir pay des mdecins pour changer des rapports d'tudes sur le lacidipine ". Deux mdecins sont arrts et Zeria se fait rappeler l'ordre.

    En 1998, une tude publie dans le New England foumal of Medicine passe en revue soixante-dix articles sur l'utilisation des inhibiteurs calciques pour traiter une tension artrielle leve, publis en 1995 et 1996 IS. Les recherches indiquent que les risques d'attaques cardiaques sont plus levs avec ces bloquants . Les auteurs des articles qui soutenaient l'utilisation des inhi-biteurs avaient tous, sauf un , t financs par les fabricants contre 43 % d'a uteurs qui les criti-quaient ".

  • 48 DoM I:-.I IQUE PR~Dt\ 1.I

    En 1988, Drummond Rennie, diteur de JAtVlA, regrette que le financement de la recherche mdicale par des fonds privs cre une course vers le fond thique . Les cas connus de rtention ou de suppression d'informations ne sont que la partie visible de l'iceberg. Dans son livre Tainted Truth : The Manipulation of Fact in America , la vrit altre: la man ipulation des faits en Amrique, Cynthia Crossen remarque la correspondance entre les rsultats obtenus dans les recherches publies et les intrts financiers des sponsors. Elle crit : Richard Dmidson, professeur de mdecine l'universit de Floride ... confione ce qu'il souponnait - les tudes sur les nO!l\'eaux mdicaments sponsorises par les socits phamUlceutiques risquaient de favo riser davantage ces mdicaments que les tudes finances par des organismes non commerciaux. Il n'existe pas de cas o le mdicament ou le traitement fabriqu par la socit qui sponsorise la recherche n'a t jug infrieur au produit d'une autre socit " . Les tudes comparatives des chercheurs Mildred Cho et Lisa Bro sur les nouve lles thrapies indiquent que 98 % des tudes finances par les fabricants par-viennent des conclusions satisfaisantes sur la scurit et l'efficacit des produits contre 78 % pour les tudes finances par des sources indpendantes 21

    En 1999, des chercheurs de l'universit Northwestem Chicago tudient la relation entre les financements et les conclusions des recherches faites sur les nouveaux mdicaments contre le cancer. Ils dcouvrent que les tudes sponsorises par les groupes pharmaceutiques ont presque huit foi s plus de chances d'tre favorables que les conclusions des tudes finances par des organisations non lucratives " .

    Plus de la moiti des chercheurs universitaires qui avaient reu des dons de laboratoires pharmaceutiques ou de biotechnologie ont reconnu que leurs bienfaiteurs entendaient inOuencer leurs travaux par divers moyens, du droit de regard avant la publication d'a rticles scientifiques la proprit industrielle des dcouvertes commercialisables " .

  • LA SA.I\'T AUX MAINS DES PROr\TEURS 49

    Le prix Nobel Paul Berg, professeur de biochimie de l'univers it de Stanford dclare : Parfois si vous acceptez une bourse d'une socit, vous tes tel/u de signer IIne clause stipulant que vous ne distribuerez rien sans son accord. Cela a un impact ngatif sur la science ".

    De nombreuses coles mdicales incluent des clauses dans les accords avec les socits dclarant que les chercheurs sont libres de publier, mme si les rsultats sont ngatifs. Mais mme avec ce type de clause, on peut vous harceler, faire pression sur vous avec la menace de suppression d'autres fina ncements confie un chercheur Susan Okie du Washington Post (5 aot 2001 ). C'est souvent une catastrophe pour les universits aux ressources limites qui ont besoin des mannes de l'industrie. Les salaires des chercheurs expliquent que ceux-ci puissent tre tents par les offres allchantes des laboratoires.

    En 1996, le Canadian HIV Trials NetlVork, financ par des fonds publics et donc suppos indpenda nt, organise une confrence sur le traitement contre le Sida. Pourtant, les reprsentants du marketing et de la vente participent activement et pleinement la mise en place de recommandations sur quand et comment soigner les personnes sropositives ou malades du Sida avec les mdicaments de leurs entreprises. Sept membres sur les dix-huit du groupe sont des reprsentants de firmes pharmaceutiques dont les produits sont discuts et dont les socits vont retirer des avantages financiers la suite des recommandations de la confrence. Lun des partici-pants remarque que totlS nient lin conflit d'intrt . Il note: L'intgrit des i'lfonnations et des recom-mandations est compromise; et pourtant les patients prendront des dcisions de traitement bases sllr IIne confrence de consensus fausse et biaise " .

    Manger du chocolat pourrait J;ter les caries dentaires , explique le Princeton Dental Resource Center financ par M&MJMars. Les pastilles de zinc pourraient rduire la dure d'un

  • 50 DO" '~'QUE PRDALI

    rhume fait savoir un chercheur qui possde neuf mille actions d'un fabri cant de .. pastilles de zinc.

    En 1999, on apprend que le laboratoire Wyeth-Ayerst a pay un ngre pour crire une diza ine d'articles pour faire la promotion d'un mdicament contre l'obsit: le fen-phen. Deux articles sont publis dans des revues pharmaceutiques avant qu'on ne dcouvre les effets secondaires dangereux et que le mdicament soit interdit la vente. Les articles sont signs par d'minents spcialistes, dont l'un jure ne rien savoir de l'histoire et se sentir trs mal l'aise " Lauteur, Norma Bauman, confirme que l'industrie pharmaceutique loue les services d'agences de relations publiques pour crire des articles destins aux revues mdicales et qu'elle paie des mdecins pour qu'ils prtent leur nom ... C'est bien pay, environ 3 000 S pour un article de six dix pages. Le New England Journal of Medicine publie en 1986 une tude et en rejette une autre sur l'antibio-tique Amoxicilline. Les deux tudes parviennent des conclusions contradictoires partir des mmes donnes. Les auteurs de l'tude favorable avaient reu une bourse de 1,6 million de dollars du fabricant. Lautre auteur ava it refus tout financement 17 .

    Les archives de l'industrie du tabac, rendues publiques lors des procs des malades contre les industriels de la ciga rettes disponibles sur Internet sont une vritable mine. Au dbut des annes 1990, l'industrie du tabac offre treize scientifiques la somme de 156000 $ simple-ment pour quelques lettres aux plus connus des journaux mdicaux. Un biostatisticien, Nathan Mantel reoit 10 000 $ pour une seule lettre de huit paragraphes publie dans le JAMA et un chercheur sur le cancer, Gio Batta Gori a reu 20 137 $ pour crire quatre lettres favorables trois journaux: The Lancet, Journal of the National Cancer Institute et The Wall Street Journal. Lexercice est d'autant mieux pay que les lettres taient dj rdiges par les cabinets de relations publiques.

    En 1999 une tude de Krimsky examine soixante-deux articles publis dans deux cent

  • LA. SANT AUX :-.tAINS DES PRDATEURS 5\

    dix revues scientifiques et dcouvre que 0,5 % seulement des articles contiennent des informations sur les liens de l'auteur avec les entreprises " .

    Noyauter les mdias

    Quelques mois aprs l'ditorial du Lancet, la plus grande partie des journaux mdicaux anglo-saxons battent leur coulpe et dclarent que malgr leur vigilance, des conflits d'intrts ternissent leur image. The New England Journal of Medicine, The Lancet, The Annals of Internai Medicine et JAMA sont parmi ceux qui acceptent de publier un d itorial commun en septembre 2001 pour faire part de leur nouvelle politique. Les rdactions se rservent le droit de refuser la publication d'tudes sponsorises par des fabricants pharmaceutiques sans la preuve formelle de l'indpendance des chercheurs impliqus. Bert A. Spilker, vice-prsident de PhRMA qualifie les proccupations des diteurs de {( carrment absurdes "

    La presse mdicale franaise, l'exception de la revue Prescrire, est essentiellement finance par la publicit des labos et donc largement contrle par eux. {( Les finnes lisent trs attentivement tout ce qui est crit ... Elles peuvent sanctionner les journaux en refusant par la suite d'acheter des placards publicitaires crit le Dr Elisabeth Maurel-Arrighi dans la revue pratique l

  • 52 DOMINIQUE PRDAll

    PR International, dont le directeur est l'ancien rdacteur en chef du Quotidien du Mdecin. Dans un art icle intitul Journaliste mdical, un si beau mtier (Pratiques n' 12), Eric Giacometti explique le fonctionnement de ce Club. La technique consiste runir deux fois par an l'essentiel des journaux mdicaux, des mdias grand public et de la presse mdicale pour les inviter faire des voyages touristiques. L o les labos sont malins, c'est qu'ils n'invitent pas en leur nom, mais pour discuter de thmes de sant avec d'minents spcialistes. Ils n'apparaissent qu'en fin de sances, au cours d'ateliers pour prsenter leurs mdicaments. Destinations de rve, htels somptueux, repas gastronomiques et visites guides compltent le tableau. The Lancet confirme: Le dur systme du marketing de l'industrie phannacetltique semble del'enu rln trait incontournable de la mdecine moderne. Les voyages tous frais pays, les rceptions au champagne et les faveurs accordes aux mdecins et aux journalistes font partie de la routine. JI

    Convaincre les mdecins

    Au cours d'une confrence internationale sur le management Paris en 1997, Kurt Briner le directeur gnral de SanoE Pharma, rejette l'ide d'un quelconque conflit d'intrts dans la communication de l'industrie pharmaceutique et les consommateurs. Il rejette avec indignation cette suggestion obscne: C'est insulter notre industrie, notre thique en tant que professionnels de la sant et l'expression du mpris des nombreuses obligations lga les auxquelles nous sommes lies par notre pratique thique n.

    Le secteur pharmaceutique est le secteur le plus rentable et les entreprises tablent sur un march croissant pour maintenir ses bnfices. Le budget publicit est croissant lui auss i. Un article de Devlin and Hemsley dans Scrip Magazine en 1997, estime que les entreprises

  • L\ SAlm AUX MAJ:-.JS DES PRDATEURS 53

    pharmaceutiques dpensent environ 35 % de leur chiffre en marketing, soit deux fois plus que pour la recherche et le dveloppement " .

    La pression que subissent les labos pour augmenter les ventes incite l'OMS parler d'un confiit d'intrts inhrent entre les buts commerciaux lgitimes des fabricants et les besoins sociaux, mdicaux et conomiques des fourn isseurs et du public pour choisir et utiliser les mdicaments le plus rationnellement possible " . Des tudes faites en Belgique, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et aux tats-Unis sur plus de vingt ans montrent que les mdecins, qui se reposent largement sur des sources d' informations commerciales, risq uent plus de ne pas prescri re correctement " . Les critres de cette enqute sont les bonnes doses et dures d'utilisation des mdicaments, la res-triction de mdicaments avec des effets seconda ires dangereux, l'utilisation de traitements autres que les mdicaments quand c'est possible, une meilleure connaissance des thrapies mdicamen-teuses et la prescription de mdicaments quivalents les moins chers qui existent.

    En France, 60 70 % des mdecins puisent leurs info nnations dans la visite mdicale d'abord, la presse ensuite affirme le prsident du Syndicat national de l'industrie pharmaceutique en 1994 " .

    Au Pakistan en 1996, Eli Lilly donne aux gnralistes une brochure d'informations pour les patients sur le Prozac pour qu'ils la dposent dans leurs salles d'attente. La brochure contient un questionnaire permettant aux patients de faire le diagnostic eux-mmes pour voir si effectivement ils souffrent de dpression. Si la rponse est oui , la solution est le Prozac, un comprim de Prozac par jour " . La stratgie est diffrente en France mais terriblement effi cace. Le laboratoire gagne d'abord les psychiatres sa cause en les rencontrant. Puis il se tourne vers les gnralistes par le biais d'une gigantesque campagne dans la presse mdicale. Cette campagne est

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    suivie par les visiteurs mdicaux qui viennent donner des chantillons gratuits. Les gnralistes sont conquis: ce sont eux qui prescrivent 85 % des botes de pilules roses. Puis Eli Lilly s'attaque aux consommateurs par des colloques, des actions de sensibilisation et par la presse. Les Franais, accros au Prozac dpensent maintenant un milliard de francs par an pour la pilule en or du labo.

    S'allier aux groupes de patients

    Pour lancer son nouvea u traitement contre la migraine, le Sumatripan (Imitrex), Glaxo Canada prpare soigneusement le terrain. John Martens, un pharmacien de Glaxo responsable de l'ducation des patients en Colombie Britannique explique la stratgie de la firme. Dans un premier temps, elle donne des bourses importantes un groupe de patients, la Canadian Migraine Foundation. Puis elle organise des runions publiques au nom de la fondation. Lorsque cette dernire proteste contre l'implication de plus en plus importante de Glaxo, le labo trouve tout simplement une autre organisation financer : la Canadian Association of Neuroscience Nurses ". Marten explique qu'il tait partie intgrante d'un processus consistant crer une demande pour un produit avant qu'il ne soit commercialis: Nous allions dans diffrentes communauts et organi-sions des sminaires de sant publics sur la migraine et ce sujet tait trs populaire ... Nous faisions payer 5 $ par sminaire, une autre tactique commerciale pour que les patients pensent que la chose n'est pas organise par un grand groupe phan1!aceutique~ Nous avons organis ce type de manifestations dans tout le Canada. Avec des ventes mondiales de 600 millions de dollars pour SU/natripa en 1995 (;bid.).

    On parle aujourd'hui d'pidmie d'obsit qui svit aux tats-Unis et gagne l'Europe. Avec 7 % des dpenses de sant aux tats-Unis consacrs combattre le supoids et ses effets, les firmes esprent dvelopper ce march en Europe. Eurobesitas, une nouvelle organisation

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    europenne pour les obses, leurs familles et les professionnels de la sant est un bon point de dpart, Finance par des entreprises pharmaceutiques impliques dans la fabrication de mdica-ments contre l'obsit, elle restera nanmoins indpendante selon un rapport dans le bulletin pharmaceutique J'.

    La Foundation on Economic Trends de Jeremy Rifkin, groupe de dfense amricain , accuse Genentech d'utiliser une uvre ca ritative, the Huma n Growth Foundation, Pour pouvoir "recruter" des milliers d'enfants en bonne sant de petite stature pour un traitement avec l'horm