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Séance n°2 (26 janvier et 2 février 2016) Renverser l’ordre du monde. Une histoire des féminismes. Doc.1 : Carla Bruni-Sarkozy dans Vogue le 3 décembre 2012 Dans ma génération, on n’a pas besoin d’être féministe. Il y a des pionnières qui ont ouvert la brèche. Je ne suis pas du tout militante féministe. En revanche, je suis bourgeoise. J’aime la vie de famille, j’aime faire tous les jours la même chose. J’aime maintenant avoir un mari. Je suis une vraie bourge ! J’ai fini par devenir ma mère, à certains égards, malgré mes huit ans d’analyse ! Doc.2 : Marie Hélène Bourcier, Comprendre le féminisme (2012) L’aventure du féminisme n’est rien de moins qu’une transformation sociale radicale, collective et subjective, qui dépasse largement le cadre des droits et de la revendication de l’égalité. Qu’est-ce que le féminisme ? Vaste question à laquelle on répond souvent par une batterie de dates ou une histoire controversée. (…) Comprendre le féminisme, c’est aussi s’intéresser aux problèmes qu’il pose et se pose. À sa boîte à outils, à ses mutations et à ses contradictions, à ses limites et ses ressources, aux objectifs d’une révolution politique et culturelle majeure en marche depuis le XIX e  siècle. À sa manière de faire du sujet, de la politique, de la culture, de l’art, du cinéma, des médias, de fabriquer de la féminité et la masculinité. De changer le sexe et le rapport au savoir. De s’embourgeoiser, de s’assagir ou de faire peur. D’avoir changé la vie de milliers de femmes et échoué à en convaincre  beaucou p d’autre s. D’être div isé. Doc.3 : Faire l’histoire de la pensée féministe : pourquoi ? […] Rendre les choses intelligibles là où la confusion paraît inévitable. Tel fut le pari d’une histoire de la pensée féministe, d’une généalogie de l’exclusion des femmes de la démocratie, d’une lecture de la tradition philosophique relativement à la différence des sexes. Le féminisme apparaît comme un désordre, une passion, une hystérie, rarement comme un engagement raisonné dans l’espace politique. Le féminisme relève de l’humeur et non de la réflexion, tel est l’habituel commentaire des contemporains d’un mouvement féministe. Le pari fut de retrouver le sens, la logique, les raisons et les fondements de l’acte féministe dans l’histoire. Retrouver l’histoire était nécessairement retrouver le sens. Par exemple, être une féministe révolutionnaire en 1848 implique une réflexion sociale et politique au même titre que les autres acteurs de cette révolution. Le pari du sens est bien évidemment le pari de la pensée. Le geste féministe, quand il paraît avoir ses raisons, est reconnu dans sa singularité relative. Le féminisme serait une opinion, serait, comme mouvement social et politique, l’expression multiple d’opinions diverses. L’opinion est l’expression d’un sujet, sujet singulier. Mais l’opinion comme engagement historique et politique est renvoyée à sa limitation. Il fallait montrer que l’opinion s’appuie sur une élaboration réfléchie, sur de la pensée. Par exemple, l’opinion de Clémence Royer concernant le suffrage des femmes s’appuie sur son idée de l’évolution de l’humanité. Si elle est provisoirement contre le droit de vote, c’est parce que les femmes, pense-t-elle, ne sont pas prêtes, historiquement parlant. Derrière l’opinion, il y a de la pensée. Proposer une intelligibilité de l’émancipation, de la subversion féministe nécessitait en retour de formuler la domination, comme son envers. Or si la subversion est renvoyée à l’humeur et à l’opinion particulière, la domination est tue ; elle relève non pas du bruit désordonné, mais du silence délibéré. Il faut donc reconstruire un puzzle dont on ne connaît pas le dessin. Il y a deux raisons connues, explications à l’absence de champ d’exploration de la différence des sexes ; ce que la psychanalyse présente comme le nécessaire refoulement de la sexualité avec ses conséquences dans les complexes mécanismes de la sublimation ; ce que la politique esquive en refusant de faire de la domination masculine un des enjeux de sa science. Disons que si la psychanalyse travaille depuis un siècle à élaborer sa science et son art (on ne tranchera pas), la science politique n’a pas encore accepté une pensée sur la domination masculine. D’où la nécessité de convaincre de l’intelligibilité du domaine de réflexion. Légitimer une pensée sur la différence des sexes, égalité et inégalité des hommes et des femmes, est une exigence de la modernité politique. C’est une affirmation fort minoritaire en France aujourd’hui, plus acceptée en Amérique du Nord. Geneviève Fraisse, « A Contre-Temps », Genre & Histoire [En ligne], n°2, Printemps 2008. [http://genrehistoire.revues.org/index233.html] Doc.4 : « Féminisme ». Un mot. De multiples définitions Doc.4A : Doctrine, le mouvement qui préconise l’extension des droits et du rôle de la femme dans la société.  Charles Fourier, philosophe français, figure du socialisme utopique. Cité dans le Grand Robert de la langue française , vol.III, p.668 Doc.4B : Individu mâle qui présente certains caractères secondaires du sexe féminin et, par extension. État d’un homme qui présente des traits psychologiques attribués à la femme. Larousse médical du XIX e  siècle

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Séance n°2 (26 janvier et 2 février 2016)Renverser l’ordre du monde. Une histoire des féminismes.

Doc.1 : Carla Bruni-Sarkozy dans Vogue le 3 décembre 2012Dans ma génération, on n’a pas besoin d’être féministe. Il y a des pionnières qui ont ouvert la brèche. Je ne suis pas dutout militante féministe. En revanche, je suis bourgeoise. J’aime la vie de famille, j’aime faire tous les jours la mêmechose. J’aime maintenant avoir un mari. Je suis une vraie bourge ! J’ai fini par devenir ma mère, à certains égards, malgrémes huit ans d’analyse !

Doc.2 : Marie Hélène Bourcier, Comprendre le féminisme (2012)L’aventure du féminisme n’est rien de moins qu’une transformation sociale radicale, collective et subjective, qui dépasselargement le cadre des droits et de la revendication de l’égalité.Qu’est-ce que le féminisme ? Vaste question à laquelle on répond souvent par une batterie de dates ou une histoirecontroversée. (…) Comprendre le féminisme, c’est aussi s’intéresser aux problèmes qu’il pose et se pose. À sa boîte àoutils, à ses mutations et à ses contradictions, à ses limites et ses ressources, aux objectifs d’une révolution politique etculturelle majeure en marche depuis le XIXe siècle. À sa manière de faire du sujet, de la politique, de la culture, de l’art,du cinéma, des médias, de fabriquer de la féminité et la masculinité. De changer le sexe et le rapport au savoir. Des’embourgeoiser, de s’assagir ou de faire peur. D’avoir changé la vie de milliers de femmes et échoué à en convaincre

 beaucoup d’autres. D’être divisé.

Doc.3 : Faire l’histoire de la pensée féministe : pourquoi ?[…] Rendre les choses intelligibles là où la confusion paraît inévitable. Tel fut le pari d’une histoire de la pensée

féministe, d’une généalogie de l’exclusion des femmes de la démocratie, d’une lecture de la tradition philosophiquerelativement à la différence des sexes. Le féminisme apparaît comme un désordre, une passion, une hystérie, rarementcomme un engagement raisonné dans l’espace politique. Le féminisme relève de l’humeur et non de la réflexion, tel estl’habituel commentaire des contemporains d’un mouvement féministe. Le pari fut de retrouver le sens, la logique, lesraisons et les fondements de l’acte féministe dans l’histoire. Retrouver l’histoire était nécessairement retrouver le sens.Par exemple, être une féministe révolutionnaire en 1848 implique une réflexion sociale et politique au même titre que lesautres acteurs de cette révolution.Le pari du sens est bien évidemment le pari de la pensée. Le geste féministe, quand il paraît avoir ses raisons, est reconnudans sa singularité relative. Le féminisme serait une opinion, serait, comme mouvement social et politique, l’expression

multiple d’opinions diverses. L’opinion est l’expression d’un sujet, sujet singulier. Mais l’opinion comme engagementhistorique et politique est renvoyée à sa limitation. Il fallait montrer que l’opinion s’appuie sur une élaboration réfléchie,sur de la pensée. Par exemple, l’opinion de Clémence Royer concernant le suffrage des femmes s’appuie sur son idée del’évolution de l’humanité. Si elle est provisoirement contre le droit de vote, c’est parce que les femmes, pense-t-elle, nesont pas prêtes, historiquement parlant. Derrière l’opinion, il y a de la pensée.Proposer une intelligibilité de l’émancipation, de la subversion féministe nécessitait en retour de formuler la domination,comme son envers. Or si la subversion est renvoyée à l’humeur et à l’opinion particulière, la domination est tue ; ellerelève non pas du bruit désordonné, mais du silence délibéré. Il faut donc reconstruire un puzzle dont on ne connaît pas ledessin.Il y a deux raisons connues, explications à l’absence de champ d’exploration de la différence des sexes ; ce que lapsychanalyse présente comme le nécessaire refoulement de la sexualité avec ses conséquences dans les complexesmécanismes de la sublimation ; ce que la politique esquive en refusant de faire de la domination masculine un des enjeuxde sa science. Disons que si la psychanalyse travaille depuis un siècle à élaborer sa science et son art (on ne trancherapas), la science politique n’a pas encore accepté une pensée sur la domination masculine. D’où la nécessité de convaincrede l’intelligibilité du domaine de réflexion.Légitimer une pensée sur la différence des sexes, égalité et inégalité des hommes et des femmes, est une exigence de lamodernité politique. C’est une affirmation fort minoritaire en France aujourd’hui, plus acceptée en Amérique du Nord.

Geneviève Fraisse, « A Contre-Temps », Genre & Histoire [En ligne], n°2, Printemps 2008.[http://genrehistoire.revues.org/index233.html]

Doc.4 : « Féminisme ». Un mot. De multiples définitionsDoc.4A : Doctrine, le mouvement qui préconise l’extension des droits et du rôle de la femme dans la société.  

Charles Fourier, philosophe français, figure du socialisme utopique.Cité dans le Grand Robert de la langue française, vol.III, p.668

Doc.4B : Individu mâle qui présente certains caractères secondaires du sexe féminin et, par extension. État d’un hommequi présente des traits psychologiques attribués à la femme.

Larousse médical du XIXe siècle

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 Doc.4C : Le féminisme, c’est-à-dire cette confusion des sexes qui tend non plus à l'équivalence des conditions, mais àleur identité.

Lafayette, député radical, 1925

Doc.4D :  Analyse faite par des femmes (i.e. à partir de l’expérience minoritaire) des mécanismes de l’oppression desfemmes en tant que groupe ou classe par les hommes en tant que groupe ou classe, dans diverses sociétés, et volontéd’agir pour son abolition.

 Nicole-Claude Mathieu, L’Anatomie politique, Paris, Côté-femmes, 1991, p.135.

Doc.4E : « Cas d’aspiration collective vers l’égalité »(Léon Abensour, Histoire générale du féminisme, 1921)

Doc.4F : Au sens large, le féminisme inclut l’ensemble argumentaire qui dénonce les inégalités faites aux femmes et quiénonce des modalités de transformation de ces conditions. Il comprend des réflexions théoriques, des études empiriques etdes propositions politiques et sociales. Le féminisme est un mouvement diversifié dont les combats ont évolué au fil desannées et selon les pays. Revendiquant d’abord le droit de vote pour les femmes (fin du XIXe et début du XXe siècle), lalutte des mouvements féministes a ensuite touché les aspects juridiques, économiques et culturels. Les féministes ont ainsiété actives dans plusieurs dossiers : l’abolition des discriminations dans la vie professionnelle, la décriminalisation del’avortement, l’implantation de garderies, la dénonciation de toutes les formes de violence exercée contre les femmes

dans la vie privée comme dans la vie publique.Quelques noms s’imposent. D’abord, Mary Wollstonecraft (XVIIIe siècle) et Flora Tristan (XIXe siècle) au Royaume-Uni et en France. Puis Clara Zetkin (XXe siècle), à l’origine de la journée du 8 mars, ou encore Alexandra Kollontaï dansle contexte de la révolution bolchévique en Russie. Après la Deuxième Guerre mondiale, le mouvement est marqué par ungrand nombre de personnalités: Simone de Beauvoir, Kate Millet, Élisabeth Badinter, Shulamith Firestone, Ti-GraceAtkinson ou Luce Irigaray. Les préoccupations féministes ont également été transposées dans des œuvres culturelles,notamment en littérature. Par exemple: la britannique Doris Lessing (Nobel 2007), auteure du livre  Le carnet d’or (The

golden notebook), un livre phare du féminisme publié en 1962. Le mouvement s’inscrit aussi dans des organisationscomme la  National Organization for Women  aux États-Unis, fondé en 1966 ou à travers des événements comme laConférence internationale sur les femmes à Nairobi (1985).Considéré comme un des grands mouvements du XXe  siècle, il a bouleversé la division traditionnelle des rôles, lasuprématie masculine dans la famille et la structure de la main-d’œuvre dans un grand nombre de pays.Les victoires de ce mouvement sont variables. Dans certains pays, le mouvement fait face à des blocages importants de lapart des gouvernements, des groupes religieux ou des segments les plus traditionalistes de la société. Dans d’autres, lesprincipales revendications du mouvement ont été intégrées aux législations et aux ensembles culturels.

Article « Féministe » publié sur Perspective Monde,Outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945

(Université de Sherbrooke, Canada)[http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1504]

Doc.5 : Le féminisme de la « première vague »

« The Suffragette that knew ju-jitsu »

(The Punch, around 1910)

Suffrage Parade (New York, 1912)

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Doc.6 : Le féminisme de la « deuxième vague » 

Féminisme noir aux Etats-Unis (1970’s) 

Manifestation à Québec, Avril 1978

Doc.7 : Nouveaux féminismes ?Beyoncé féministe ? aux MTV Music Awards (2014) 

Femen à Kiev (décembre 2011)