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Juillet 2004 Exemplaire personnel de : M. Promotion 2003-2005 « Romain GARY » Direction des études Séminaire relatif au « Dialogue social » Groupe n° 4 : Dialogue social et restructurations

Dialogue social et restructurations

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Page 1: Dialogue social et restructurations

Juillet 2004 Exemplaire personnel de : M.

Promotion 2003-2005 « Romain GARY »

Direction des études

Séminaire relatif au

« Dialogue social » Groupe n° 4 : Dialogue social et restructurations

Page 2: Dialogue social et restructurations

1

INTRODUCTION..............................................................................................................................................................4

1 LE MODELE FRANÇAIS DE DIALOGUE SOCIAL EST CRITIQUE POUR SA FAIBLE EFFICACITE

FACE AUX RESTRUCTURATIONS D’ENTREPRISES.............................................................................................5

1.1 UN SYSTEME FRANÇAIS DE DIALOGUE SOCIAL QUI N’ATTEINT PAS SES OBJECTIFS FACE AUX RESTRUCTURATIONS

D’ENTREPRISES .................................................................................................................................................................5

1.1.1 De la «participation des salariés à la gestion des entreprises » à la sauvegarde de l’emploi............... 5

1.1.1.1 Un principe d’information-consultation au cœur de la participation des salariés à la décision

économique ..............................................................................................................................................................5 1.1.1.2 Un encadrement législatif étroit de la procédure d’information-consultation sur le licenciement

économique s’inscrivant dans l’objectif de sauvegarde de l’emploi ........................................................................6 1.1.1.3 Un dialogue social orienté vers le reclassement des salariés....................................................................7

1.1.2 Une information-consultation marquée par une « obsession de la forme »........................................... 8

1.1.2.1 Un système français de dialogue social sur les restructurations qui ne se fixe pas l’objectif de l’accord 8 1.1.2.2 Une influence des salariés qui s’exerce par l’instrumentalisation de la procédure et le recours au juge..9 1.1.2.3 Des incertitudes sur les délais qui induisent des phénomènes de contournement ..................................11

1.1.3 Une faible influence du dialogue social sur le volet économique des restructurations ....................... 12

1.1.3.1 Une position marginale du dialogue social dans le processus décisionnel de la firme...........................13 1.1.3.2 Un évitement des débats de fond par les acteurs ....................................................................................13 1.1.3.3 Un contrôle limité du juge sur les motifs de la décision économique ....................................................14

1.1.4 Des résultats décevants en matière de reclassement............................................................................ 15

1.1.4.1 Une priorité accordée par le législateur au reclassement qui ne se traduit pas toujours dans la pratique

15 1.1.4.2 De fortes inégalités entre salariés ...........................................................................................................16

1.1.5 Un dialogue social qui néglige l’anticipation des restructurations ..................................................... 16

1.2 UN DIALOGUE SOCIAL QUI PREND MAL EN COMPTE L’EVOLUTION ACTUELLE DES RESTRUCTURATIONS .............17

1.2.1 Une conciliation parfois délicate avec le droit des marchés financiers............................................... 17

1.2.2 Un dialogue social centré sur le cadre national, qui atteint ses limites face au développement des

restructurations transfrontalières ........................................................................................................................ 19

1.2.2.1 L’accélération des restructurations transfrontalières éloigne le décideur stratégique du niveau national

19 1.2.2.2 Un dialogue social sans prise sur le contrôle communautaire des concentrations..................................19

1.2.3 Un dialogue social qui prend mal en compte les mutations de la structure des entreprises................ 20

1.2.3.1 Les transformations de la structure de l’entreprise.................................................................................20 1.2.3.2 Des transformations qui font obstacle à l’efficacité du dialogue social sur les restructurations ............21

2 DE NOUVELLES PRATIQUES DE DIALOGUE SOCIAL PLUS EFFICACES FACE AUX

RESTRUCTURATIONS D’ENTREPRISES ................................................................................................................25

2.1 UN DIALOGUE SOCIAL MOINS FORMEL SUR LES RESTRUCTURATIONS : LES ACCORDS DE METHODE ....................25

2.1.1 Un dispositif expérimental ................................................................................................................... 25

2.1.2 Une influence accrue pour les représentants des salariés dans le cadre d’une procédure sécurisée.. 26

2.1.3 Une meilleure articulation des niveaux d’information des salariés..................................................... 26

2.2 VERS UN DIALOGUE SOCIAL ORIENTE VERS LE MAINTIEN ET LE RETOUR A L’EMPLOI..........................................27

Page 3: Dialogue social et restructurations

2

2.2.1 Une meilleure anticipation................................................................................................................... 27

2.2.2 Des pratiques de dialogue social orientées vers le reclassement......................................................... 27

2.2.3 La nécessaire participation des salariés à la définition des besoins et au suivi du plan ..................... 28

2.3 LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE D’OUTILS DE DIALOGUE SOCIAL TRANSNATIONAL...........................................29

2.3.1 Le comité d’entreprise européen, un outil fondé sur le principe d’autonomie contractuelle............... 29

2.3.2 Un outil qui doit s’adapter pour être pleinement efficace face aux restructurations d’entreprises..... 30

2.4 UN DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL QUI RESTE LE FAIT D’INITIATIVES ISOLEES .................................................31

2.4.1 La gestion concertée des relations entre les grandes entreprises et leur environnement ................... 32

2.4.1.1 Une implication initiée par des démarches volontaires ..........................................................................32 2.4.1.2 Une impulsion relayée par les pouvoirs publics.....................................................................................32

2.4.2 La compensation de la faiblesse du dialogue social dans les petites entreprises ................................ 35

2.4.3 L’association des partenaires sociaux territoriaux à l’anticipation des mutations économiques........ 36

2.4.3.1 Une concertation avec les partenaires sociaux au niveau régional qui se réoriente vers l’anticipation des

mutations économiques..........................................................................................................................................36 2.4.3.2 Une nécessaire coordination des instances.............................................................................................37

3 PROPOSITIONS POUR UN DIALOGUE SOCIAL PLUS EFFICACE FACE AUX

RESTRUCTURATIONS D’ENTREPRISES ................................................................................................................38

3.1 RAPPROCHER LE DIALOGUE SOCIAL DES CENTRES DE DECISION..........................................................................38

3.1.1 Donner au CEE les compétences et les moyens d’être l’interlocuteur du décideur stratégique.......... 38

3.1.1.1 Renforcer les compétences du CEE .......................................................................................................38 3.1.1.2 Donner au CEE les moyens d’exercer des compétences renforcées ......................................................40 3.1.1.3 Développer une culture syndicale commune..........................................................................................40

3.1.2 Mieux prendre en compte les dépendances économiques dans le dialogue social sur les restructurations

41

3.1.3 Mieux articuler les différents niveaux nationaux de dialogue social sur les restructurations ............. 42

3.2 DEVELOPPER UN DIALOGUE SOCIAL TERRITORIAL PERMETTANT UN MEILLEUR TRAITEMENT ET UNE MEILLEURE

ANTICIPATION DES RESTRUCTURATIONS .........................................................................................................................43

3.2.1 Développer un dialogue social fondé sur la coopération entre entreprises......................................... 43

3.2.2 Elaborer une politique concertée d’anticipation et d’accompagnement des mutations économiques au

niveau de la région............................................................................................................................................... 43

3.3 FAVORISER LE DIALOGUE SOCIAL SUR L’ANTICIPATION ET LE SUIVI DES RESTRUCTURATIONS ...........................44

3.3.1 Développer un dialogue social opérationnel sur l’anticipation et l’évaluation des restructurations dans

l’entreprise........................................................................................................................................................... 44

3.3.1.1 Développer des outils de dialogue social sur la gestion anticipée des emplois ......................................44 3.3.1.2 Développer un dialogue social opérationnel sur la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi et

l’évaluation du reclassement des salariés ...............................................................................................................45 3.4 REDEFINIR LE ROLE DES POUVOIRS PUBLICS DANS UN SYSTEME FAVORISANT L’AUTONOMIE CONTRACTUELLE .46

3.4.1 Définir le cadre juridique de l’autonomie contractuelle...................................................................... 46

Page 4: Dialogue social et restructurations

3

3.4.1.1 Encourager le développement des accords de méthode .........................................................................46 3.4.1.2 Définir une procédure supplétive plus efficace en l’absence d’accord de méthode ...............................47

3.4.2 Développer le rôle de suivi et d’évaluation des pouvoirs publics, en vue de la diffusion des bonnes

pratiques 48

3.4.2.1 Comparer les bonnes pratiques au niveau européen...............................................................................48 3.4.2.2 Améliorer le suivi et l’évaluation par les pouvoirs publics nationaux de la gestion des restructurations

49 3.4.2.3 Définir et encourager les restructurations d’entreprise socialement responsables .................................50

Page 5: Dialogue social et restructurations

4

INTRODUCTION

Les restructurations d’entreprises occupent le devant de l’actualité. L’annonce en

février 1997 de la fermeture de l’usine Renault à Vilvoorde ou celle, en janvier 2001, de la

suppression de 1800 emplois au sein du groupe Danone, ont ainsi cristallisé la critique contre

les licenciements économiques, fréquemment accusés de ne répondre qu’à l’intérêt immédiat des

actionnaires de l’entreprise.

Le terme de restructuration, qui désigne des modifications substantielles de

l’organisation des entreprises destinées à améliorer leur compétitivité, s’est acclimaté dans le

langage économique au cours des années 1970. Mais si les restructurations contemporaines semblent

faire écho aux grandes restructurations industrielles qui ont marqué l’économie française depuis les

années 70, elles se distinguent de ces dernières sur deux points essentiels.

Tout d’abord, elles ne sont plus limitées à des périodes de crise économique et à

l’industrie mais revêtent désormais un caractère permanent et se sont généralisées à tous les secteurs

de l’économie. C’est ce qui conduit certains auteurs à privilégier la notion plus globale de

« mutations économiques ».

Par ailleurs, loin d’être limitées aux frontières d’un seul pays, elles sont aujourd’hui,

dans un nombre croissant de cas, des restructurations transnationales qui jouent de l’attractivité

économique des différents territoires nationaux.

Le dialogue social apparaît comme un enjeu de premier ordre à tous les stades d’une

restructuration. En amont, il s’agit, pour les partenaires sociaux, d’améliorer leur anticipation de la

restructuration en partageant des outils de diagnostic et en mettant en œuvre des stratégies de

formation et d’adaptation. Au moment de la restructuration, il s’agit de mettre en œuvre des

procédures de concertation qui permettent une conciliation optimale des intérêts en jeu : intérêt de

l’entreprise qui doit améliorer ou conserver sa compétitivité, intérêt des salariés qui doivent obtenir

une juste compensation (indemnité, reclassement…), intérêt des territoires qui doivent conserver un

tissu économique dynamique. En aval, il s’agit d’associer le dialogue social au suivi et à

l’évaluation des mesures sociales et territoriales, qui accompagnent la restructuration.

Pourtant, la manière dont se déroule le dialogue social sur les restructurations fait

l’objet, en France notamment, de critiques récurrentes et sévères. Souvent décrit comme

procédurier et conflictuel, il se bornerait à une application formaliste des procédures prévues par le

Code du travail. Concentré sur le licenciement économique davantage que sur sa prévention, peu

inventif sur les mesures d’accompagnement et pratiquement absent de leur suivi, il ferait preuve de

peu d’efficacité sociale. S’appuyant sur le modèle traditionnel de l’entreprise, il serait inadapté aux

mutations structurelles de celui-ci.

Si le modèle français de dialogue social est critiqué pour ses faibles résultats face aux

restructurations (1), de nouvelles pratiques se développent (2), dont l’extension permettrait

d’améliorer l’efficacité économique et sociale des restructurations (3).

Page 6: Dialogue social et restructurations

5

1 LE MODELE FRANÇAIS DE DIALOGUE SOCIAL EST CRITIQU E POUR SA FAIBLE EFFICACITE FACE AUX RESTRUCTURATIONS D’ENTREPRISES

1.1 Un système français de dialogue social qui n’at teint pas ses objectifs face aux restructurations d’entreprises

Héritier d’une vision « citoyenne1 » du rôle des salariés dans l’entreprise, le principe

d’information-consultation a été utilisé par le législateur à partir des années 1970 dans un objectif de

sauvegarde de l’emploi (1.1.1). Pourtant, le dialogue social sur les restructurations au niveau de

l’entreprise est largement empreint de formalisme (1.1.2). Il se traduit par une faible influence sur la

décision économique (1.1.3) et des résultats décevants en matière de reclassement (1.1.4)

qu’explique en partie une insuffisante anticipation (1.1.5).

1.1.1 De la «participation des salariés à la gestio n des entreprises » à la sauvegarde de l’emploi

1.1.1.1 Un principe d’information-consultation au cœur de la participation des salariés à la

décision économique

Selon l’architecture dessinée à la Libération, c’est au comité d’entreprise que revient

le rôle principal dans le dialogue social sur les restructurations d’entreprises. Ses compétences, pour

la première fois définies par l’ordonnance du 22 février 1945 qui dispose qu’il est « obligatoirement

informé des questions intéressant l’organisation, la gestion et la marché générale de l’entreprise »,

ont été consacrées par le Préambule de la constitution de 19462.

Héritier de ces textes fondateurs, le principe d’information-consultation des salariés

sur les restructurations de leur entreprise est doté d’une portée très générale. Sa définition fait

aujourd’hui l’objet du premier alinéa de l’article L. 432-1 du Code du travail, dont la rédaction est

inchangée depuis la création de ce Code en 1973, et qui dispose que « dans l’ordre économique, le

comité d’entreprise est obligatoirement informé et consulté (…) sur les mesures de nature à affecter

le volume ou la structure des effectifs ».

En ne limitant pas la portée de l’information-consultation sur les

restructurations au seul licenciement économique, le Code du travail aménage donc des

possibilités de discussion sur des mesures telles que les concentrations, cessions d’activité ou

réorganisations stratégiques comportant un impact prévisible ou potentiel sur l’emploi. Le Code du

travail prévoit même certaines hypothèses particulières de restructurations auxquelles il attache des

conséquences spécifiques concernant la procédure d’information-consultation :

- en cas de « modifications de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise,

notamment en cas de fusion, de cession [ou] de modification importante des structures de

1 Jean AUROUX, Les droits des travaillleurs, rapport au Président de la République et au Premier ministre, La

documentation française, 1982. 2 Constitution du 27 octobre 1946, alinéa 8 « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la

détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».

Page 7: Dialogue social et restructurations

6

production », le comité d’entreprise doit être informé et consulté sur les modifications

projetées et les mesures qui sont envisagées à l’égard des salariés1 ;

- à la suite de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations

économiques, le comité d’entreprise est « réuni immédiatement » en cas de dépôt d’une offre

publique d’achat ou d’échange portant sur l’entreprise. Il peut « se prononcer sur le

caractère amical ou hostile de l’offre » et exprimer le souhait d’entendre le représentant de

la société qui en est à l’origine2. En cas de refus, celle-ci « ne peut exercer les droits de vote

attachés aux titres de la société faisant l’objet de l’offre ».

- le comité d’entreprise est informé et consulté « préalablement à tout projet important

d’introduction de nouvelles technologies » susceptible d’avoir des conséquences sur

l’emploi3.

Mais en outre, au titre du deuxième alinéa de l’article L. 432-1, le comité d’entreprise

est saisi « en temps utile » des « projets de compression des effectifs ». Il « émet un avis sur

l’opération projetée et ses modalités d’application ». Aussi, c’est au titre du licenciement

économique que l’information-consultation du comité d’entreprise prend le plus de relief.

1.1.1.2 Un encadrement législatif étroit de la procédure d’information-consultation sur le

licenciement économique s’inscrivant dans l’objectif de sauvegarde de l’emploi

L’institution d’une procédure spécifique justifiée par l’impact social des restructurations

Confronté à l’accélération des licenciements économiques à partir des années 1970,

le législateur a souhaité réorienter la procédure d’information-consultation vers l’objectif de

préservation de l’emploi. Cette volonté s’est traduite par la création d’une procédure

d’information-consultation spécifique au licenciement économique, issue de la loi n° 75-5 du 3

janvier 1975 et symboliquement placée au sein du livre III du Code du travail4.

La création de cette procédure par le législateur trouve sa justification dans le fait que

les décisions de l’entreprise, lorsqu’elles concernent un certain volume d’emplois, n’engagent pas

seulement l’employeur, mais la collectivité. Il s’agissait donc d’instaurer un « principe du

contradictoire »5 en vue de la prise en compte de l’intérêt social dans le processus de décision.

En outre, la Cour de cassation6 a précisé que la procédure de consultation au titre

du licenciement économique devait s’accompagner de la saisine du comité d’entreprise sur le

projet de restructuration au titre de l’article L. 432-1. La procédure du livre IV doit être

nécessairement engagée avant la procédure du livre III et cette dernière ne peut se conclure avant

l’achèvement de la procédure du livre IV.

1 article L. 432-1 du Code du travail, troisième alinéa 2 article L. 432-1 du Code du travail, quatrième alinéa 3 article L. 432-2 du Code du travail

4 intitulé « Placement et emploi »

5 Antoine LYON-CAEN, « Le comité d’entreprise et les restructurations », in Droit social, Mars 2004, pp. 285 à 289. 6 C.Cass., soc., 16 avril 1996.

Page 8: Dialogue social et restructurations

7

Un encadrement étroit qui distingue la France des autres Etats européens

Cet encadrement étroit trouve son expression dans une certaine rigidité des

procédures du livre III, dont le déroulement détaillé est imposé par les textes : sont ainsi

inscrits dans le Code du travail la tenue de deux réunions du comité d’entreprise (le recours à

l’expert-comptable donnant lieu à une troisième réunion), ainsi que les délais devant les séparer, qui

sont fonction du nombre de salariés licenciés1 (cf. annexe n°1).

Les interventions successives du législateur, qui ont parfois repris les innovations

négociées entre partenaires sociaux au niveau national interprofessionnel, mais ont fréquemment

revêtu un caractère autonome, ont progressivement accru cette rigidité dans l’objectif d’assurer

la sauvegarde de l’emploi. C’est ainsi que la loi de modernisation sociale2 avait imposé le caractère

successif des deux procédures et renforcé les contraintes de la procédure du livre IV3, mais aussi,

quoique de façon moins marquante, du livre III4. Toutefois, la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 a

suspendu ou annulé la quasi-totalité des dispositions de la loi de modernisation sociale qui

contribuaient à renforcer les procédures d’information-consultation. La suspension de ces

dispositions doit permettre aux centrales syndicales de négocier un accord national

interprofessionnel sur les restructurations en vue de sa reprise par la loi. Dans l’attente de cet accord,

le texte de janvier 2003 a souhaité, de plus, inviter les partenaires sociaux à définir eux-mêmes, au

niveau de l’entreprise, ces modalités par un accord dit « de méthode » (voir infra).

Cette description exhaustive des procédures d’information-consultation

distingue la France de ses partenaires européens5. Si, dans la plupart des pays de l’Union

Européenne, les règles de fond et les procédures d’information-consultation au titre du licenciement

économique sont complexes et détaillées, l’encadrement y est cependant plus souple : la loi se

contente de fixer un délai maximal pour aboutir à un accord (Espagne et l’Italie) ou un intervalle

minimum entre le début de la procédure et la notification des licenciements (Royaume Uni).

1.1.1.3 Un dialogue social orienté vers le reclassement des salariés

L’utilisation du principe d’information-consultation à des fins de préservation de

l’emploi s’est accompagnée de l’orientation de la procédure créée par le législateur vers le

reclassement des salariés. Inspiré par l’accord national interprofessionnel du 10 février 1969 et issu

de la loi du 2 août 1989, l’article L. 321-4-1 du Code du travail dispose ainsi que « dans les

entreprises employant au moins cinquante salariés, lorsque le nombre de licenciements est au moins

égal à dix dans une même période de trente jours, l’employeur doit établir un plan de sauvegarde

de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du

personnel dont le licenciement ne pourrait être évité ».

1 Au plus 14 jours en cas de licenciement portant sur moins de 100 emplois, 21 jours entre 100 et 250 licenciements et

28 jours au-delà (L 321-3. du Code du travail). 2 loi n°2002-73 du 17 janvier 2002.

3 Notamment : imposition de deux réunions au titre du livre IV, possibilité de recourir à un expert-comptable au titre de

ce livre, création d’un « droit d’opposition » se traduisant par la saisine suspensive d’un médiateur en cas de cessation

totale ou partielle d’activité se traduisant par suppression d’au moins 100 emplois. 4 Possibilité d’une réunion supplémentaire du comité d’entreprise au titre du livre III en cas de constat de carence.

5 Yves CHASSARD (sous la direction de), Les conditions du licenciement économique collectif pour motif économique,

comparaison entre sept pays d’Europe, rapport pour le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité.

Page 9: Dialogue social et restructurations

8

L’étendue et la portée de l’obligation de reclassement qui incombe à

l’employeur ont été précisées par la jurisprudence. Elle tend d’abord au reclassement interne des

salariés dont l’emploi est supprimé. La licéité du licenciement est subordonnée à l’impossibilité de

ce reclassement interne1. A défaut, elle vise à assurer le reclassement externe du salarié, en imposant

aux entreprises d’y consacrer des moyens proportionnés à leur capacité financière. La jurisprudence

a frappé de nullité le licenciement économique dont les mesures d’accompagnement tendant au

reclassement interne ou externe seraient insuffisantes2.

Si l’objectif de reclassement est énoncé par le législateur communautaire3, la

comparaison des législations européennes en la matière montre que la volonté d’orienter le dialogue

social sur le licenciement économique vers le reclassement est une spécificité française4. Aucune

obligation de reclassement interne n’existe au Royaume-Uni, en Belgique, en Suède, tandis que son

périmètre se limite à l’unité de travail en Espagne. S’agissant du reclassement externe, la situation

française apparaît également atypique : aucune contrainte ne pèse en effet sur les employeurs belges,

italiens, espagnols ni allemands. La comparaison internationale du niveau des indemnités de

licenciement témoigne elle aussi, en dépit de normes conventionnelles fréquemment plus favorables,

d’une préférence marquée du législateur français pour les dispositifs de reclassement au détriment

d’une logique indemnitaire plus poussée chez nos partenaires européens.

1.1.2 Une information-consultation marquée par une « obsession de la forme 5 »

1.1.2.1 Un système français de dialogue social sur les restructurations qui ne se fixe pas

l’objectif de l’accord

Comme l’écrit Antoine Lyon-Caen, l’intention du législateur manifestée par

l’encadrement étroit de la procédure d’information-consultation procède d’une logique de

« démonstration »6 par le chef d’entreprise du bien-fondé de son projet. Mais le législateur n’assigne

pas à la procédure d’information-consultation l’objectif de l’obtention d’un accord avec les

représentants des salariés, ni sur le projet économique, ni sur les mesures d’accompagnement social.

Le droit français paraît dès lors situer l’ensemble de la procédure de dialogue social qu’il aménage

sur les restructurations en deçà des objectifs fixés par les textes communautaires. Ainsi tant la

directive 75/129 du 17 février 1975 que les textes ultérieurs disposent que l’information-

1 C. Cass., Soc., 21 février 1992, repris par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 à l’article L321-1 du Code du travail. 2 Ce principe d’origine jurisprudentielle a été intégré au Code du travail par la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, après

laquelle l’article L. 324-4-1 du Code du travail dispose que « la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant

qu’un plan visant au reclassement des salariés s’intégrant au plan social n’est pas présenté par l’employeur aux

représentants du personnel (…).» 3 La directive 98/59 du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux

licenciements collectifs dispose que « la consultation [avec les représentants des travailleurs] porte au moins sur les

possibilités d’atténuer ou de réduire les licenciements ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par

le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des

salariés licenciés. » 4 Yves CHASSARD, op. cit.

5 Bernard BRUNHES, « Le droit du licenciement économique, les humeurs d’un praticien », in Droit social, janvier

2003, pp. 40 à 43. 6 Antoine LYON-CAEN, « Le comité d’entreprise et les restructurations », in Droit social, Mars 2004, pp. 285 à 289.

Page 10: Dialogue social et restructurations

9

consultation des représentants des travailleurs en cas de restructurations doit s’effectuer « en vue

d’aboutir à un accord »1 sur les deux volets.

A la différence de la France, les Etats de l’Union européenne ont fréquemment

développé des dispositifs incitatifs conduisant en pratique à l’adoption d’accords entre partenaires

sociaux au niveau de l’entreprise (voir encadré n° 1).

Encadré n° 1:

Les dispositifs d’incitation à l’accord dans différents pays européens2

En Allemagne, les partenaires sociaux doivent d’abord essayer de trouver un

compromis sur le volet économique de la restructuration. En cas d’échec, la direction est

légalement obligée de négocier un plan social avec le conseil d’entreprise. Elle est alors

fortement incitée à trouver un accord, car en cas de blocage, la négociation se poursuit en comité

de conciliation (Einigungsstelle). Celui-ci est composé à égalité de représentants de la direction

et des salariés et présidé par un juge arbitre, qui a le pouvoir de trancher le litige lorsqu’il ne

parvient pas à concilier les parties.

En Espagne, l’intervention de l’administration incite à trouver un accord. L’employeur désireux de procéder à un licenciement collectif est en effet tenu d’ouvrir une

phase de consultation, en vue d’aboutir à un accord, avec le syndicat majoritaire. La négociation

porte à la fois sur les aspects économique et social de la restructuration. Si aucun accord n’est

conclu dans les trente jours, l’administration dispose du pouvoir d’autoriser ou non les

licenciements. La conclusion d’un accord permet donc à la direction de se prémunir contre

l’incertitude associée à l’autorisation administrative.

En Italie, l’incitation est de nature financière. L’entreprise qui procède à des

licenciements collectifs doit verser 9 mois de salaire par salarié licencié à l’Institut national de la

prévoyance sociale, en charge de l’indemnisation des chômeurs. Ce montant est réduit à 6 mois

lorsque la direction parvient à un accord avec les organisations syndicales.

1.1.2.2 Une influence des salariés qui s’exerce par l’instrumentalisation de la procédure et le

recours au juge

Des moyens de procédure

La loi Auroux n° 82-915 du 28 octobre 1982 a souhaité garantir l’effectivité de la

procédure en disposant que « le comité d’entreprise doit disposer d’informations précises et écrites

transmises par le chef d’entreprise, d’un délai d’examen suffisant et de la réponse motivée du chef

d’entreprise à ses propres observations » (article L. 431-5 du Code du travail). Elle a en outre

1 Cette formule est reprise notamment par l’article 2 de la directive 98/59 du 20 juillet 1998 concernant le

rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs, qui a remplacé les deux

directives 75/129 et 92/56, ainsi que par l’article 7 § 2 de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 concernant le

rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert

d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements. 2 Yves CHASSARD, op.cit.

Page 11: Dialogue social et restructurations

10

inscrit à l’article L. 321-7-1 du Code du travail le droit pour lui de se faire assister par un expert-

comptable rémunéré par l’entreprise.

Toutefois, l’ensemble de ces moyens peut faire l’objet d’une utilisation à des fins

dilatoires, dans l’objectif d’améliorer la position de négociation des salariés. Ainsi, la procédure du

live IV n’étant pas soumise à un délai précis, il en résulte un levier d’action pour les représentants

du personnel, qui peuvent faire peser une menace sur la date à laquelle la procédure du livre III

pourra être achevée, et les licenciements prononcés. De même, le recours à l’expert est fréquemment

utilisé, non en raison de l’impact qui est attendu de ses propositions, mais du droit qu’ouvre sa

saisine à la tenue d’une réunion supplémentaire1 du comité d’entreprise au titre du livre III.

Le recours fréquent au juge

La loi du 3 juillet 19862, en supprimant l’autorisation administrative de licenciement,

a fait du juge le principal garant du respect des principes du modèle français de dialogue

social. Si la loi a maintenu au profit des directions départementales du travail une obligation

générale de notification ainsi qu’un pouvoir de contrôle de la procédure et du fond du plan de

sauvegarde de l’emploi, le constat de carence que l’inspecteur du travail peut dresser en cas de

manquement est dépourvu de toute conséquence juridique. La capacité d’influence de

l’administration réside désormais bien davantage dans le rôle qui lui est dévolu en matière de

gestion des aides publique à l’emploi.

Le caractère judiciairement sanctionnable de l’ensemble des éléments de forme et de

fond de l’information-consultation, ainsi que les moyens d’intervention rapides dont il dispose,

font du juge un acteur efficace dans le contrôle de sa bonne application. L’intervention en urgence

du juge des référés permettra ainsi la suspension de la mise en œuvre du plan pour non

accomplissement des procédures d’information-consultation prévues par le Code du travail ou pour

insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi. Le juge répressif pourra même sanctionner des

peines prévues par ce Code le délit d’entrave constitué de la méconnaissance des obligations

d’information-consultation3.

Les sanctions encourues en cas de méconnaissance des obligations de procédure ou

de fond sont particulièrement dissuasives. En cas d’absence de consultation des représentants du

personnel ou d’insuffisance (a fortiori de défaut) du plan de sauvegarde de l’emploi, appréciée

concrètement au regard de la situation de l’entreprise et des salariés, la nullité de celui-ci est alors

prononcée. En outre, la jurisprudence ultérieure a déduit de cette disposition une obligation de

réintégration des salariés abusivement licenciés4. Le défaut de cause réelle et sérieuse, en dépit de la

faculté du juge de proposer la réintégration du salarié, est, en pratique, frappé de sanctions à

caractère civil conduisant à l’indemnisation des salariés licenciés.

1 qui allonge la procédure d’un délai de 20 à 22 jours (art. L. 321-7-1).

2 Loi 86-797 du 3 juillet 1986. L’ordonnance 45-1030 du 24 mai 1945 avait instauré un principe d’autorisation

administrative préalable à tout licenciement quel qu’en soit le motif. Ce rôle de l’administration avait été restreint, mais

avec une plus grande effectivité, aux seuls licenciements pour motif économique par la loi 75-5 du 3 janvier 1975, qui

confiait aux directions départementales du travail le soin d’autoriser les licenciements pour motif économique sur la base

d’une appréciation des difficultés économiques rencontrées par les entreprises. 3 articles L. 483-1 (pour les comités d’entreprise) et L. 483-2 (pour les délégués du personnel) du Code du travail. 4 C. Cass., Soc., 13 février 1997, SA La Samaritaine.

Page 12: Dialogue social et restructurations

11

Le contrôle du caractère réel et sérieux du motif (voir infra) relève du conseil des

prud’hommes saisi d’un recours individuel formé contre un licenciement économique. En outre, la

jurisprudence de la Cour de cassation a reconnu

à cette juridiction un droit de contrôle

de la légalité

du plan de sauvegarde de l’emploi1. Le conseil des prud’hommes a

ainsi la faculté de prononcer la

nullité du licenciement sur la base de ce motif, sans être lié par un éventuel jugement contraire du

tribunal de grande instance.

La pression exercée par l’office du juge, liée à la sévérité potentielle des sanctions,

est utilisée par les représentants du personnel dans le but de favoriser l'ouverture d'une

négociation. L’objectif des salariés peut d’ailleurs porter sur des éléments très éloignés des motifs

de la saisine (amélioration du dispositif de reclassement, augmentation des primes de départ ou

recours accru aux mesures d’âge). Ainsi, la saisine du juge, fréquemment « instrumentalisée2 »,

contribue à transformer la nature de la procédure d’information-consultation.

Encadré n° 2:

Instrumentalisation de la procédure et recours au juge : le cas d’Altadis

Un projet de restructuration portant sur 686 emplois est présenté par la direction

de l’entreprise au comité central d’entreprise (CCE) le 2 juillet 2003 et au comité d’entreprise

européen (CEE) le 19 septembre. Ce dernier fait valoir son droit à expertise. Le secrétaire du

CCE refuse ensuite de signer l’ordre du jour de la réunion suivante avant la remise des

conclusions de l’expert du CEE. Il obtient satisfaction devant le juge des référés. Il obtient en

outre des délais supplémentaires et une nouvelle réunion du CEE pour la remise des conclusions

de l’expert. Il sollicite alors (le 1er décembre) une nouvelle expertise, qui donne lieu à la

présentation des conclusions au cours d’une nouvelle réunion (23 janvier 2004).

Le 6 février, la DDTEFP du Nord dresse un constat de carence provisoire,

justifié par l’insuffisance du dispositif de reclassement. Ce constat est retiré après modification

du plan. A l’issue de sa dernière réunion (16 avril 2004), le CCE saisit le juge des référés, qui

suspend la procédure, avant que le juge du fond n’annule le plan de sauvegarde de l'emploi le

16 juin, en dépit du retrait du constat de carence.

Dès lors le recours au juge et l’emploi d’instruments dilatoires constituent-ils souvent

les seuls moyens pour les représentants des salariés de contraindre la direction de l’entreprise à

engager une véritable négociation. Toutefois, la nécessité de recourir à ces voies détournées « oblige

à des démarches procédurières, longues, coûteuses et douloureuses » 3.

1.1.2.3 Des incertitudes sur les délais qui induisent des phénomènes de contournement

La comparaison des données relatives aux licenciements économiques avec celles des

autres formes de licenciement suggère l’existence de phénomènes de substitution entre les modes de

licenciements. Si les inscriptions à l’ANPE pour motif de licenciement économique présentent en

1 C. Cass., Soc., 30 mars 1999, ALEFPA c/ Berthollet. 2 Chrisophe WILLMANN, Le licenciement pour motif économique, III, Plan de sauvegarde de l’emploi et reclassement

collectif, jurisclasseur droit du travail, Dalloz, 2003. 3 Bernard BRUNHES, « Le droit du licenciement collectif, les humeurs d’un praticien », in Droit social, janvier 2003,

pp. 40 à 43.

Page 13: Dialogue social et restructurations

12

effet une décrue quasiment constante depuis 1993, on observe, à l’inverse, que les licenciements

pour motif non économique ont fortement augmenté sur la période récente (cf. annexe n°3).

Ces substitutions entre les formes de licenciements traduisent un phénomène de

contournement des dispositions applicables au licenciement économique et, plus précisément, un

détournement de la procédure de licenciement pour motif personnel. Aussi, le choix de la

procédure de licenciement semble tenir davantage « à des stratégies gestionnaires de

l’employeur qu’à des causes objectivement différentes » 1. S’il tient partiellement à la complexité

des procédures d’information-consultation sur les licenciements économiques, ce phénomène

s’explique bien davantage par les incertitudes pesant sur leur déroulement. Celles-ci se traduisent,

soit par des délais qui peuvent fortement varier en fonction du déroulement des procédures

contentieuses, soit par une insécurité juridique quant à la validité du plan de sauvegarde de l’emploi

et donc des licenciements. De fait, si les délais de mise en œuvre de toute la procédure des livres III

et IV du Code du travail peuvent être longs en France, l’analyse du contenu des accords de méthode

(voir infra) montre que les directions sont prêtes à allonger ces délais en échange d’une sécurisation

de ceux-ci.

1.1.3 Une faible influence du dialogue social sur l e volet économique des restructurations

Les études réalisées sur le sujet2 montrent que la procédure d’information-

consultation n’exerce qu’un faible impact sur le projet économique de l’employeur. Ainsi, selon

une étude réalisée par le cabinet Syndex3 portant sur 170 restructurations, la réduction du nombre de

suppressions d’emploi du fait des alternatives économiques présentées en comité d’entreprise

représentait environ 10 % des suppressions prévues à l’origine.

Cette faible influence du dialogue social peut s’expliquer par une position souvent

marginale dans le processus décisionnel (1.1.3.1), par un évitement des débats de fond par tous les

acteurs (1.1.3.2), et par la relative faiblesse des pouvoirs du juge dans le contrôle des motifs de la

restructuration (1.1.3.3).

Encadré n° 3 :

L’ impact inégal des propositions alternatives

Nos études de cas révèlent une influence des représentants des salariés sur le volet

économique parfois nulle (Air France/KLM, Arcelor, Milupa), parfois faible (Danone), parfois plus

importante lorsque est utilisée la menace ou la saisine du juge (GIAT-Industries, Altadis).

Ainsi, les propositions alternatives formulées par les représentants des salariés

d’Arcelor dans le cadre de la restructuration du secteur des produits plats ont été élaborées avec

l’aide d’un expert saisi dans le cadre de la procédure de droit d’alerte. Toutefois, en dépit de la

reconnaissance par la direction de la qualité et de la cohérence du travail de l’expert, ces

1 Maria-Térésa PIGNONI , Patrick ZOUARY, « Les nouveaux usages du licenciement pour motif personnel »,

Premières informations et premières synthèses, n°28.2, DARES, juillet 2003. 2 Louis MALLET, Brigitte REYNES, Francine TEYSSIER, Christine VICENS, « A quoi servent les plans sociaux ? »,

Travail et emploi, n° 72, pp.79-99. 3 Dominique PAUCARD, « Les alternatives économiques proposées par les représentants du personnel », Regards, n°2,

2003.

Page 14: Dialogue social et restructurations

13

propositions n’ont exercé aucun impact sur la décision stratégique. La direction de l’entreprise a

ainsi souligné qu’elles tendaient à remettre en cause la stratégie même du groupe et non à proposer

des modalités différentes pour la mise en œuvre de celle-ci1.

A l’inverse, dans le cadre de la négociation des modalités du plan « GIAT 2006 », les

propositions formulées par les experts mandatés par le comité d’entreprise sur la base de l’accord de

méthode du 16 mai 2003 ont incontestablement joué un grand rôle dans la discussion2. Ces

propositions, s’appuyant sur les commandes prévues en loi d’orientation pour la Défense, ont abouti

à une modification significative du nombre d’emplois supprimés, portant sur les trois quarts de celle

proposée par les experts.

1.1.3.1 Une position marginale du dialogue social dans le processus décisionnel de la firme

Le dialogue social conduit dans l’entreprise, au sens de la société juridique, n’assure

plus, dans un nombre croissant de cas, l’accès au décideur effectif du projet économique. Ainsi, dans

une entreprise transnationale, le comité d’entreprise national n’a comme interlocuteur qu’un

exécutant des décisions prises au niveau du groupe (cf. 1.2.2). Dans une entreprise sous-traitante, la

direction, lorsqu’elle entreprend une restructuration, ne fait souvent que tirer les conséquences de

décisions du donneur d’ordre, qu’elle subit autant que ses salariés (cf. 1.2.3).

La consultation du CE est ainsi souvent placée très en aval de la chaîne de décision.

On ne s’étonnera donc pas qu’elle soit parfois très tardive. Certains projets de restructuration

connaissent, dès avant le déclenchement de la procédure d’information-consultation, un

commencement d’exécution3, qui les rend difficilement réversibles. Cette dérive a conduit la Cour

de cassation à rappeler que l’information-consultation doit avoir un effet utile, ce qui suppose qu’elle

n’intervienne pas trop tard dans le processus de décision, quand le projet n’est plus modifiable4.

Cette jurisprudence est cependant trop récente pour que ses effets sur le comportements des firmes

soit mesurable.

1.1.3.2 Un évitement des débats de fond par les acteurs

En définissant le licenciement pour motif économique comme « le licenciement

effectué par un employeur pour un plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant

d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail,

consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » (art. L.

321-1)5, la loi n°89-549 du 2 août 1989 a introduit un risque juridique pour l’employeur

1. Ce dernier

1 Entretiens avec M. Jean-Louis PIERQUIN, DRH du groupe Arcelor, Luxembourg, 19 avril 2004, avec M. Louis

Miguel FERNANDEZ, Fédération Européenne de la Métallurgie, coordinateur syndical au sein du groupe, et avec M.

Rémi BOYER, assistant du PDG et secrétaire de la Direction Générale du groupe Arcelor, 3 mai 2004 2 Entretien avec André GOLLIARD, délégué central CFDT. 3 L’entreprise peut ainsi commencer à investir dans les sites où elle compte déplacer sa production avant de consulter les

représentants du personnel. Ayant déjà engagé des fonds, elle se coupe toute possibilité de revenir en arrière et incite

ainsi les élus à se cantonner au volet social. Cette pratique, mise en évidence par Myriam CAMPINOS-DUBERNET

dans « Des restructurations discrètes » (Travail et emploi n°95, juillet 2003), est considérée comme fréquente par

Dominique PAUCARD, consultant à Syndex. 4 C. Cass., Soc., 18 juin 2003.

5 Il faut signaler que la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 prévoyait de restreindre cette définition en

subordonnant la licéité du licenciement économique à des « difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être

surmontées par tout autre moyen ». Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré cette disposition comme portant « à la

Page 15: Dialogue social et restructurations

14

cherche à s’en prémunir en présentant des motivations stéréotypées, dont la fonction n’est pas

d’ouvrir une discussion contradictoire avec les élus mais de favoriser l’acceptabilité de sa décision.

Celle-ci ne sera pas présentée comme un choix, par nature contestable, mais comme une nécessité

résultant de « difficultés économiques » ou d’une « insuffisance de compétitivité »2. Un praticien a

ainsi relevé que l’intervention poussée du législateur avait contribué à créer une situation dans

laquelle « la vérité est sacrifiée à l’acceptabilité et le fond de la stratégie à la forme de

l’argumentation »3.

De leur côté, les organisations syndicales françaises manifestent, à la différence de

certains syndicats étrangers et notamment allemands4, une certaine réticence à accepter la

possibilité d’un compromis sur le terrain économique5. Certains observateurs ont ainsi relevé

l’existence d’un clivage entre une attitude très conflictuelle sur le terrain économique, ou, au

contraire, l’abandon total de ce terrain au profit de celui des mesures sociales d’accompagnement6.

Outre ces questions de posture syndicale, la pertinence des propositions alternatives

que les représentants des salariés peuvent formuler sur le projet économique est largement

subordonnée à l’assistance d’un expert-comptable, disposant de plus d’un délai suffisant. Or les

délais prévus par le livre III du Code du travail ne permettent guère l’étude approfondie de situations

complexes. Certains observateurs ont ainsi interprété la jurisprudence Sietam comme issue d’une

volonté de « casser les délais trop courts du livre III »7.

1.1.3.3 Un contrôle limité du juge sur les motifs de la décision économique

Enfin, le contrôle du juge est moins approfondi sur le volet économique que sur le

volet social. Certes, les licenciements réalisés dans le seul but d’améliorer la rentabilité de

l’entreprise sont considérés comme dépourvus de cause réelle et sérieuse8. Mais la jurisprudence de

la Cour de cassation défend au juge de contraindre l’employeur à choisir, entre plusieurs solutions,

la plus favorable à l’emploi, considérant qu’il se substituerait ainsi à l’employeur dans l’exercice de

son pouvoir de gestion9.

liberté d’entreprendre une atteinte manifestement excessive au regard de l’objectif de sauvegarde de l’emploi »

(décision n°2001-455 DC, considérant 50). 1 Le défaut de « cause réelle et sérieuse » au regard de cette définition est sanctionné par le versement d’une indemnité

de six mois minimum de salaires bruts. 2 Frédéric BRUGGEMAN, Dominique PAUCARD, Marc LAPOTRE, Pascal THOBOIS, Plans sociaux et reclassement,

quand l’innovation est promue par les représentants des salariés, étude de douze cas, rapport commandé par la DARES,

juin 2002 3 Bernard BRUNHES, « le droit du licenciement collectif, les humeurs d’un praticien », in Droit social, janvier 2003. 4Entretien avec Claude-Emmanuel TRIOMPHE, Délégué Général de l’Université Européenne du Travail.

5 Cf. les analyses de Jacques FREYSSINET, in Thierry LEMASLE, Pierre-Emmanuel TIXIER (dir.), Des

restructurations et des hommes. 6 Attitudes analysées comme étant respectivement incarnées par la CGT et la CFDT. Entretien avec Pierre FERRACCI,

président du groupe Secaphi-Alpha, 11 juin 2004. 7 Entretien avec Gilles BELIER, avocat.

8 C. Cass. Soc., 1er décembre 1999. 9 C. Cass., assemblée plénière, SAT, 8 décembre 2000.

Page 16: Dialogue social et restructurations

15

1.1.4 Des résultats décevants en matière de reclass ement

1.1.4.1 Une priorité accordée par le législateur au reclassement qui ne se traduit pas toujours

dans la pratique

L’efficacité globale des dispositifs de reclassement est difficile à évaluer, car seuls

les dispositifs financés par l’Etat font l’objet d’un suivi exhaustif au niveau national, et non les

dispositifs financés par les entreprises1. Mais certains éléments indiquent des résultats décevants.

S’agissant par exemple des cellules de reclassement financées par le Fonds National de l’Emploi, on

constate qu’en 2002, 53,3 % des salariés en sortie de cellule ont été reclassés et seulement 29 % en

contrats à durée indéterminée2. La restructuration de la branche biscuits du groupe Danone donne

par ailleurs un exemple de comparaison internationale : fin juin 2003, soit un an après la mise en

œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi, le taux de reclassement s’établissait à 62% dans les

établissements français du groupe, contre 76% en Italie et de 85 à 100% dans les autres pays

européens.

On peut expliquer cette situation par plusieurs éléments :

- la logique quantitative qui gouverne l’élaboration des plans de sauvegarde de l’emploi,

induite par le principe de proportionnalité3. Ces plans sociaux sont ainsi jugés avec sévérité

comme des « catalogues de mesures variées, peu argumentées par rapport à des entreprises et à

des salariés précis » 4.

- l’inadéquation des mesures de reclassement au public concerné, constat commun à la plupart

des études5 sur l’accompagnement des restructurations en France, qui s’explique par la rigidité

des dispositifs pouvant figurer au plan de sauvegarde de l’emploi, énumérés par le Code du

travail6.

- la faible association des représentants des salariés à l'évaluation et au suivi des résultats

obtenus en matière de reclassement, en dépit des dispositions du Code du travail qui prévoient

que le plan de sauvegarde de l’emploi « doit déterminer les modalités de son suivi »7.

L’association des représentants des salariés au choix du prestataire, la définition conjointe d’un

cahier des charges, le pilotage paritaire de la cellule ne sont guère généralisés en dépit de leur

influence positive sur les résultats obtenus (cf. infra).

Il résulte de ces facteurs une certaine méfiance des salariés à l’égard des dispositifs

de reclassement. Ainsi, à l’usine Danone d’Evry, la moitié des 110 salariés restant à reclasser ont

refusé de bénéficier de l’aide apportée par le Relais Emploi Mobilité mis en place par le groupe.

1 En dépit de la mise en place récente par la DARES d’une enquête statistique portant sur le suivi des licenciements

économiques de plus de cinquante salariés (voir annexe n°3). 2 Les dispositifs publics d’accompagnement des restructurations, DARES, Premières informations n° 35.1, août 2003. 3 Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’effort de reclassement doit être pertinent et proportionné aux

possibilités de l’entreprise (Technomed, 12 avril 1999). 4 Louis MALLET et al., 1997, LIRHE (CNRS Toulouse), « A quoi servent les plans sociaux ? », Travail et emploi n°72.

Cette étude a été conduite sur 46 établissements situés dans quatre départements de Midi-Pyrénees, ayant procédé à des

licenciements collectifs entre 1992 et 1994. 5 Louis MALLET et al., 1997, LIRHE (CNRS Toulouse), op. cit. ; Thierry COLIN et al., 1996, GREE (CNRS Nancy),

« La loi sur les plans sociaux face aux logiques gestionnaires », Travail et emploi n°69. 6 Il en est ainsi par exemple du congé de conversion, dont la durée est fixée à neuf mois et ne peut être modulée. 7 Article L. 321-4 du Code du travail (disposition introduite par la loi de modernisation sociale).

Page 17: Dialogue social et restructurations

16

En définitive, si l’information-consultation du comité d’entreprise sur le plan de

sauvegarde de l’emploi n’est fréquemment pas dénuée d’influence sur le contenu de celui-ci, celle-

ci tend le plus souvent à l’amélioration des indemnités de licenciement et des mesures d’âge. Si

les préretraites financées par le Fonds national de l’emploi (FNE) et les préretraites progressives

sont en diminution (elles concernaient 35 389 personnes en 1998 et 18 742 en 2001), de même que

les pré-retraites relevant de l’ARPE (allocation de replacement pour l’emploi) (78 827 personnes en

1998 et 39 507 en 2001), les dispositifs de préretraite financés par les entreprises continuent de

constituer l’un des éléments les plus fréquents dans les transactions sur le contenu des plans de

sauvegarde de l’emploi.

1.1.4.2 De fortes inégalités entre salariés

Le plan de sauvegarde de l’emploi, un dispositif minoritaire

Le Code du travail n’impose l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi que

dans l’hypothèse où le licenciement économique porte sur plus de dix salariés dans une même

période de trente jours dans les entreprises qui en comptent habituellement plus de cinquante. Des

études convergentes estiment que seuls 15 à 20% des licenciements pour motif économique ont

lieu dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi1. Il faut d’ailleurs remarquer que ces

seuils sont plus élevés que dans la plupart des pays européens : 5 licenciements sur 30 jours en

Allemagne, 10 licenciements sur 90 jours en Espagne, 5 licenciements sur 120 jours en Italie.

De fortes inégalités parmi les bénéficiaires des plans de sauvegarde de l’emploi

Cette inégalité tient en premier lieu à l’application du principe de proportionnalité.

C’est ainsi que le manque de moyens se manifeste avec une particulière acuité dans le cas des

entreprises confrontées à une situation de redressement ou de liquidation judiciaire. Une inégalité

supplémentaire tient à la taille de l’entreprise, dont dépendent la plupart des dispositifs obligatoires

de reclassement. Ainsi, la mise en place d’un « congé de reclassement » par la loi de modernisation

sociale n’a été rendue obligatoire que pour les entreprises (sociétés ou groupes) de plus de 1000

salariés.

Ces inégalités sont toutefois atténuées par les dispositifs financés par l’Etat au

titre du Fonds national de l’emploi (FNE), dont l’attribution est aujourd’hui le rôle principal dévolu

à l’administration du travail en matière de licenciements économiques. C’est ainsi que l’aide du

FNE à la mise en place d’une cellule de reclassement est réservée aux entreprises de moins de 2000

salariés.

1.1.5 Un dialogue social qui néglige l’anticipation des restructurations

Si l’exigence de reclassement trouve son « expression privilégiée2 » dans le plan de

sauvegarde de l’emploi, elle constitue un principe beaucoup plus général. Celui-ci se traduit par

l’exigence de gestion prévisionnelle des emplois, qui constituait l’un des objectifs de la loi du 2

1 Frédéric BRUGGEMAN, Dominique PAUCARD, op. cit. 2 Christophe WILLMANN, op.cit..

Page 18: Dialogue social et restructurations

17

août 1989. L’ambition de cette loi était en effet d’initier, selon les termes de la circulaire

d’application, « une approche nouvelle qui comporte deux volets : un volet économique visant

l’adaptation des entreprises par une gestion préventive de l’emploi et des formations ; un volet

social tendant au reclassement des salariés, au renforcement du dialogue social et à l’amélioration

des garanties offertes »1.

Sa traduction la plus concrète porte sur l’obligation de consultation annuelle du

comité d’entreprise sur « l’évolution de l’emploi et des compétences » ainsi que sur les actions « de

prévention et de formation que l’employeur envisage de mettre en œuvre (…) particulièrement au

bénéfice des salariés [les plus fragiles] » énoncées par l’article L. 432-1-1 du Code du travail. En

outre, en cas de « mutations technologiques importantes et rapides », le chef d’entreprise est tenu

d’élaborer un « plan d’adaptation », sur l’élaboration et la mise en œuvre duquel le comité

d’entreprise est « régulièrement informé et périodiquement consulté » (article L. 432-2). Toutefois,

il faut observer que, dans la pratique, les procédures de consultation du comité d’entreprise sur ce

thème demeurent assez largement formelles2. Leur mise en œuvre ne donne guère lieu à une réelle

confrontation de la nature des qualifications aux besoins d’évolution que pourraient justifier la

concurrence ou l’évolution des technologies.

En outre, une jurisprudence controversée3 a renforcé l’effet attractif de la procédure

de licenciement économique sur la gestion anticipée des emplois. En effet la mise en œuvre d’un

plan de mobilité se concluant par un licenciement économique des salariés refusant une adaptation

de leur contrat de travail est ainsi regardée par le juge comme formant un unique élément, relevant

de la seule dénomination du licenciement économique. Les mesures de mobilité ne peuvent, dans

cette hypothèse, être traitées comme de simples adaptations sans conséquences pour l’emploi, mais

doivent être intégrées à un plan de sauvegarde de l’emploi.

La gestion anticipée des emplois est également un objet de négociation collective.

Toutefois, en l’absence de négociation obligatoire au niveau de l’entreprise, celle-ci est

essentiellement le fait des branches. C’est ainsi que seuls 2% des accords d’entreprise signés entre

1992 et 1998 portaient sur la question de la formation professionnelle, et le plus souvent dans le

cadre d’accords plus généraux abordant principalement les conditions de travail4.

1.2 Un dialogue social qui prend mal en compte l’év olution actuelle des restructurations

1.2.1 Une conciliation parfois délicate avec le dro it des marchés financiers

L’accélération contemporaine des restructurations d’entreprises s’inscrit dans le

mouvement de déréglementation financière qui a débuté aux Etats-Unis au milieu des années

1970. Du fait de cette évolution, les restructurations sont de plus en plus liées à des modifications de

1 Circulaire d’application de la loi du 2 août 1989, octobre 1989.

2 Entretien avec Pierre FERRACCI, Président du Groupe Alpha, 11 juin 2004. Cf. également les analyses de Frédéric

BRUGGEMAN et Dominique PAUCARD, in « Un bilan des pratiques françaises et du dispositif d’accompagnement

des restructurations », Syndex, 2001. 3 C. Cass. Soc., 3 décembre 1996, deux arrêts Framatome et Majorette.

4 La place de la négociation en matière de formation professionnelle, Ecole nationale d’administration, Promotion

« René Cassin », Mémoire réalisé dans le cadre du séminaire « Formation professionnelle », octobre 2002.

Page 19: Dialogue social et restructurations

18

la composition du capital des entreprises1, ce qui implique de concilier les exigences posées par le

Code du travail avec celles qui sont issues du droit des marchés financiers.

Dans ce contexte, la règle d’antériorité de la consultation du comité d’entreprise

posée par l’article L. 431-5 du Code du travail (cf supra), dont le manquement est constitutif de

délit d’entrave, paraît entrer en contradiction avec l’interdiction, formulée par le droit des marchés

financiers, de divulguer des informations confidentielles susceptibles d’influencer les cours d’une

société cotée. Cette dernière infraction, constitutive de délit d’initié, fait l’objet de l’article L. 465-1

du Code monétaire et financier2 qui prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et une amende de

150 000 euros.

L’article 100 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 avait souhaité

faire clairement prévaloir les règles posées par le droit du travail3. Toutefois, ces dispositions, qui

faisaient l’objet d’un nouvel article L. 431-5-1 du Code du travail, ont néanmoins été suspendues

par la loi du 3 janvier 2003.

L’ incertitude juridique créée par la contradiction entre les deux types de droit est

en partie levée dans un sens favorable à l’antériorité de l’information du comité d’entreprise par les

dispositions aménageant, d’une part, une obligation de discrétion, s’imposant aux membres du

comité d’entreprise aux termes de la loi Auroux n° 82-915 du 28 octobre 1982 (article L. 432-7 du

Code du travail), et, d’autre part, limitant le délit d’initié au cas d’une communication « en dehors

de l’exercice normal de [la] profession ou [des] fonctions ». La décision rendue par le Conseil

constitutionnel4 saisi à propos de la loi de modernisation sociale avait ainsi écarté le grief tiré de la

contrariété de celles-ci avec la législation boursière en s’appuyant sur l’obligation de discrétion.

Cependant, ce principe ne laisse pas moins subsister des difficultés pratiques

importantes, compte tenu des implications économiques et juridiques de la divulgation

d’informations susceptibles d’influencer les cours5. A cet égard, l’obligation de discrétion est

fréquemment présentée comme insuffisante. Le législateur communautaire a par ailleurs semblé

retenir une solution différente des dispositions nationales en prévoyant, à l’article 6 la directive du

11 mars 20026, une possibilité de déroger à la règle d’information du comité d’entreprise « en temps

utile » lorsque celle-ci, « selon des critères objectifs, entraver[ait] gravement le fonctionnement de

l’entreprise ».

1 Cf. l’analyse de Benjamin CORIAT, « Les restructurations : de quoi parle-t-on ? Regards croisés sur un objet mal

identifié », intervention au séminaire de l’IRES sur les restructurations, séance du 30 octobre 2003. 2 Issu de l’article 10-1 de l’ordonnance n°67-833 du 28 septembre 1967. 3 « Le chef d’entreprise ne peut procéder à une annonce publique dont les mesures de mise en œuvre sont de nature à

affecter de façon importante les conditions de travail ou d’emploi des salariés qu’après avoir informé le comité

d’entreprise ». 4 Décision n° 2001-455 DC, 12 janvier 2002, considérant 50. 5 Joël GRANGE, « Comité d’entreprise, annonces publiques et restructurations », Droit Social, n° 7/8, juillet-août 2002,

pp. 704-714. Le Secrétaire Général du groupe Air France a souligné, lors d’un entretien, l’extrême embarras que cela

pouvait susciter . 6 Directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre relatif à l’information et la

consultation des travailleurs dans la Communauté européenne.

Page 20: Dialogue social et restructurations

19

1.2.2 Un dialogue social centré sur le cadre nation al, qui atteint ses limites face au développement des restructurations transfrontalière s

1.2.2.1 L’accélération des restructurations transfrontalières éloigne le décideur stratégique

du niveau national

L’internationalisation des entreprises connaît sa traduction la plus spectaculaire dans

l’augmentation rapide, depuis le milieu des années 1990, du nombre et du volume des fusions-

acquisitions transfrontalières.1 Les entreprises de l’Union européenne participent activement à ces

opérations avec environ la moitié des acquisitions mondiales en 2000 contre un quart pour les

entreprises américaines. Le nombre de fusions-acquisitions réalisées par des entreprises françaises

s’accroît rapidement depuis 1997 et concerne aujourd’hui de plus en plus de transactions

transfrontalières : les fusions transfrontalières représentaient, en volume, 40,9% du total des fusions

entre 1994 et 1996 et 46,4% entre 1996 et 19982.

Aussi, l’internationalisation des entreprises tend à déplacer le lieu de la décision

stratégique du niveau national vers le niveau transnational, où le dialogue social apparaît encore

faiblement développé (voir infra). Il en résulte une faible effectivité des procédures d’information-

consultation menées dans le cadre national, qui ne peuvent donner lieu à discussion avec un

interlocuteur réellement investi de pouvoirs de décision stratégique.

1.2.2.2 Un dialogue social sans prise sur le contrôle communautaire des concentrations

Ce phénomène pose la question de la place réservée aux représentants des salariés

dans le contrôle par la Commission européenne des opérations de concentration d’entreprises. Le

nouveau règlement sur les concentrations n°139/2004 adopté le 20 janvier 2004 et entré en vigueur

le 1er mai 2004 diffère peu de celui de 1989, tant s’agissant des objectifs assignés au contrôle qu’en

ce qui concerne l’intervention des salariés dans la procédure. Sur ce dernier point, son article 18

dispose que « Si des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant, et notamment

(…) des représentants reconnus des travailleurs des entreprises, demandent à être entendues, il est

fait droit à leur demande».

Toutefois, les objectifs assignés au contrôle des concentrations par le règlement ne

permettent pas la prise en compte de l’impact social d’une opération dans la décision de

l’autoriser ou non. La Commission ne se reconnaît pas non plus la compétence de vérifier que les

obligations d’information et de consultation prévues par les législations nationales ont bien été

respectées, ce dont l’empêchent, de surcroît, la brièveté des délais d’instruction. L’attention portée

aux droits des salariés pourrait découler de l’association de la Direction générale « Emploi » à la

procédure mais, dans les faits, son influence demeure très limitée.

Afin de remédier à l’absence de prise en compte de l’impact social des opérations de

concentrations, certains observateurs ont proposé de créer une instance européenne de

1 Sur le caractère cyclique des fusions-acquisitions, voir R. KHABER, J.-L. MOURIER et C. PARISOT, « Vers une

nouvelle vague d’OPE/OPA » in Problèmes économiques n° 2842, 4 février 2004. 2 Source : European Commission Amdata, « Mergers and Acquisitions », European economy, supplement A 21,

February 1999, Office of Official Publications of the European Community.

Page 21: Dialogue social et restructurations

20

régulation sociale chargée de formuler un avis dans la procédure de contrôle de la concurrence,

voire disposant d’un droit d’opposition1.

1.2.3 Un dialogue social qui prend mal en compte le s mutations de la structure des entreprises

Comme l’internationalisation des entreprises, les mutations de la structure de

l’entreprise (développement des groupes et de la sous-traitance) ont pour conséquence d’éloigner le

niveau de la décision stratégique des instances de représentation des salariés2. En outre, la

structure des entreprises répond à des schémas d’une grande variété3, qui font obstacle à la

détermination par des règles de portée générale du niveau pertinent de dialogue social.

1.2.3.1 Les transformations de la structure de l’entreprise

Le groupe, un phénomène en croissance forte

Tant la croissance externe des entreprises que l’externalisation d’activités non

stratégiques ont conduit à la multiplication des groupes d’entreprises. Défini comme

l’organisation dans laquelle une société, appelée tête de groupe, contrôle4 une ou plusieurs autres

sociétés appelées filiales, le groupe est dépourvu de personnalité juridique, mais exerce une

influence centralisée sur les décisions stratégiques des entreprises qui en sont membres.

De plusieurs études réalisées par l’INSEE5 il ressort que tant le nombre que les

effectifs des groupes ont crû fortement depuis 1980 :

1980 1989 1999

Nombre de groupes 1 306 2 383 9 584

Effectif des groupes (en milliers) 4 278 5114 6 924

Nombre d’entreprises insérées

dans des groupes

9 187 19 422 61 900

Source : INSEE

1 Entretien avec Claude-Emmanuel TRIOMPHE. 2 Cf. les analyses de Virginie XHAUFLAIR sur l’entreprise « en réseau ». Voir notamment « Les incohérences entre les

structures traditionnelles du dialogue social et la réalité organisationnelle d’un réseau », communication au XIVème

Congrès de l’AGRH, Grenoble, 20-22 novembre 2003. 3 Selon P. VELTZ (Globalisation et territorialisation des groupes, 1998) : « certaines firmes abordent la (…)

globalisation en renforçant la centralisation (…), alors que d’autres groupes jouent la carte de la décentralisation dans

le cadre d’un schéma plus fédéral ». 4 Dans les enquêtes de l’INSEE, ce contrôle est apprécié par l’intermédiaire d’une variable binaire (ou dichotomique)

qui prend la valeur « 1 » en cas de détention majoritaire des droits de vote. 5 Notamment : Anne SKALITZ, Au-delà des entreprises : les groupes, INSEE Première, mars 2002 ; Nicole

CHABANAS, Les entreprises françaises des groupes vues à travers les enquêtes « liaisons financières » de 1980 à

1999, Division « synthèse des statistiques d’entreprises » de l’INSEE, février 2002 ; Hervé LOISEAU, Des groupes de

la taille d’une PME, INSEE Première, mars 2001 ; Images économiques des entreprises au 1er janvier 2002, INSEE

Résultats n° 13, décembre 2003.

Page 22: Dialogue social et restructurations

21

Toutefois, si l’image du groupe est essentiellement attachée à celle des grands

groupes, dont l’effectif dépasse 10 000 salariés, il faut toutefois relever que le nombre de ceux-ci est

resté relativement stable sur la période 1980-1999 (73 en 1980, 87 en 1999). Le phénomène le plus

marquant concerne en revanche la forte croissance des micro-groupes, dont l’effectif est inférieur à

500 salariés :

1980 1989 1999

Nombre de micro-groupes 627 1230 8 008

Effectif des micro-groupes

(en milliers)

76 216 934

Nombre d’entreprises insérées

dans des micro-groupes

1 966 5 524 30 708

Source : INSEE

Il convient néanmoins de relever que la généralisation du groupe d’entreprises se

manifeste de façon très inégale entre les secteurs. Au 1er janvier 2002, les effectifs salariés intégrés

dans des groupes dépassaient 95% du total du secteur de l’énergie, contre moins de 20% dans la

construction.

Le développement de l’externalisation et de la sous-traitance

Justifiée par le recentrage des entreprises sur leur cœur de métier,

l’externalisation par les entreprises d’activités fonctionnelles ou industrielles1 est constatée dans

l’ensemble des secteurs de l’économie. L’externalisation d’activités de services explique ainsi une

part significative de la diminution de la part relative du secteur secondaire dans la valeur ajoutée.

Les activités de services représentaient en 2000 25% du chiffre d’affaires des entreprises

indutrielles2. Les activités de sous-traitance ont quant à elles connu une croissance de 12% en 2000

suivie d’une nouvelle augmentation de 4% en 20013.

1.2.3.2 Des transformations qui font obstacle à l’efficacité du dialogue social sur les

restructurations

Un risque d’ineffectivité du dialogue social

L’intégration des entreprises au sein de groupes, qui se traduit par le transfert à une

tête de groupe de l’ensemble des capacités de décision stratégique, conduit progressivement à une

inadéquation entre le niveau de décision et celui du dialogue social. Celui-ci s’accomplit au

niveau du périmètre social, auquel demeurent attachées les institutions représentatives du personnel

intéressées par la procédure d’information-consultation, et notamment le comité d’entreprise. C’est

ainsi, par exemple, que la direction française de Milupa à Colmar a accompli l’ensemble de la

1 L’INSEE distingue en effet l’externalisation des activités de services associées à la vie de l’entreprise (gardiennage,

restauration, entretien, maintenance) du recours à des entreprises sous-traitantes pour des activités qui relèvent du

processus industriel. Seul le premier phénomène est baptisé du terme d’ « externalisation » au sens strict. 2 Les services à l’industrie, prestations intellectuelles et gestion du quotidien, Sessi, « Le quatre pages des statistiques

industrielles » n° 149, juillet 2001 3 La sous-traitance industrielle en 2001, Sessi, « Le quatre pages des statistiques industrielles » n° 175, avril 2003.

Page 23: Dialogue social et restructurations

22

procédure d’information-consultation sur la restructuration de ce site sans disposer du pouvoir

stratégique permettant d’en modifier les modalités1.

Le législateur a souhaité remédier à cette situation en créant, par la loi du 29 octobre

1982, le comité de groupe. Toutefois, ses compétences demeurent inférieures à celle du comité

central d’entreprise. Il ne reçoit qu’une information annuelle comparable à celle diffusée au CE dans

le cadre de l’art. L. 432-1-1 et la loi ne prévoit pas sa saisine au titre de l’information-consultation

sur les restructurations. Quant aux représentants du personnel des entreprises sous-traitantes, quelle

que soit la dépendance économique de celles-ci, ils ne sont intégrés à aucune structure de dialogue

social avec la direction de leur donneur d’ordre.

Outre le défaut de structure pertinente, les représentants des salariés d’une filiale ou

d’un sous-traitant ont des difficultés d’accès à l’information pertinente. La loi de modernisation

sociale a toutefois remédié partiellement à cette situation en prévoyant que « lorsque le projet de

restructuration et de compression des effectifs soumis au comité d’entreprise en vertu de l’article L.

432-1 est de nature à affecter le volume d’activité ou d’emploi d’une entreprise sous-traitante,

l’entreprise donneuse d’ordre doit immédiatement en informer l’entreprise sous-traitante. Le

comité d’entreprise de cette dernière, ou à défaut les délégués du personnel, en sont immédiatement

informés et reçoivent toute explication utile sur l’évolution probable de l’activité et de l’emploi. »2

Mais la loi n’a pas défini le contenu de l’information devant être délivrée à l’entreprise sous-

traitante, ni créé les conditions d’un dialogue entre les salariés de celle-ci et la direction de

l’entreprise donneuse d’ordre.

La démultiplication des effets de seuil

L’augmentation du recours à la sous-traitance, le phénomène d’externalisation et la

création des groupes conduisent à un accroissement du nombre de salariés travaillant dans des PME

et notamment dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Les PME représentent aujourd’hui

60% des emplois du secteur marchand.

Il résulte de cette évolution une augmentation du nombre des entreprises ne disposant

pas d’institutions représentatives du personnel nécessaires à la mise en œuvre des procédures

d’information-consultation sur les restructurations. C’est ainsi que seuls un tiers des salariés

français sont représentés par un comité d’entreprise3. Si dans les entreprises dont l’effectif est

supérieur à dix salariés, les attributions économiques du comité d’entreprise peuvent être exercées

par les délégués du personnel, les deux tiers des établissements employant entre onze et cinquante

salariés ne sont pas non plus pourvus de délégués du personnel.

Cette faiblesse des institutions élues dans les petites entreprises se double d’une

représentation syndicale déficiente. Dans les entreprises employant entre 10 et 49 salariés, la loi

permet aux syndicats représentatifs de désigner un délégué du personnel comme délégué syndical

(article L 412.11 dernier alinéa du Code du travail), mais cette possibilité est peu utilisée en

pratique. Le délégué syndical est ainsi quasiment absent des entreprises de moins de 100 salariés. En

moyenne, seuls 20% des établissements de 10 salariés et plus sont effectivement couverts par un

1 Entretien avec Bertrand GUILLOT, Directeur général de Milupa, et Bernard BREGUEVILLE, secrétaire du comité

d’entreprise, juillet 2004. 2 nouvel article L. 432-1-2 du Code du travail 3 Jean-Emmanuel RAY, Droit du travail, droit vivant, Editions liaisons, Paris 2003.

Page 24: Dialogue social et restructurations

23

délégué syndical, proportion qui n’atteint que 5,6% dans les entreprises de 10 à 19 salariés et 18%

pour celles de 20 à 49 salariés (contre 55,1% pour les entreprises de 50 à 99 salariés)1. Le droit

français a cherché à pallier ce défaut de représentation syndicale en développant le système du

mandatement, qui rencontre cependant certaines limites (cf. encadré n° 4 ).

Encadré n°4 :

La négociation collective dans les entreprises

dépourvues de délégués syndicaux

Le législateur a essayé de remédier à la faiblesse de la présence syndicale dans les PME en

disposant que les accords de branche peuvent autoriser, sous certaines conditions, la signature

d’accords collectifs d’entreprise par des salariés mandatés et des institutions représentatives du

personnel. La loi du 4 mai 2004 reprend ainsi en partie les dispositifs mis en place par des

législations antérieures2, tout en élargissant les capacités d’intervention des acteurs susceptibles de

pallier le défaut de délégués syndicaux et en mettant au premier plan les élus du personnel au

détriment des salariés mandatés3.

Si la loi du 4 mai 2004 est trop récente pour qu’on puisse en évaluer les effets, on peut

constater que les précédentes tentatives législatives n’avaient pas eu l’effet escompté. Le succès

obtenu par le mandatement au moment de la négociation des accords de réduction du temps de

travail (en grande partie dû au fait que les aides étatiques étaient conditionnées à la conclusion d’un

accord) ne s’est pas confirmé par la suite. L’ambition du législateur lors des lois Aubry qui était de

faire du mandatement une voie d’accès des PME à la représentation syndicale, ne s’est pas

concrétisé, le salarié mandaté devenant rarement délégué syndical ou délégué du personnel, même si

l’on peut penser que cette absence de pérennisation est due en partie au caractère temporaire du

dispositif de l’époque4.

Il faut noter que la loi du 4 mai 2004 prévoit la possibilité de conclure des accords collectifs

« d’intérêt local » dans le cadre de commissions paritaires territoriales professionnelles ou

interprofessionnelles instituées conventionnellement. S’amorce ainsi le développement d’une

négociation collective territoriale (cf. infra).

Mais les effets de seuil induits par le morcellement des entreprises concernent

également les outils de reclassement des salariés. Le plan de sauvegarde de l’emploi n’est ainsi

établi que dans le cas de licenciements portant sur au moins dix salariés dans les entreprises qui en

emploient habituellement plus de cinquante, soit dix personnes dans chacune des entités concernées.

Dans ce cas, les délégués du personnel ou le comité d’entreprise seront informés et consultés, mais

avec un moindre pouvoir d’influence.

1 Source : Enquête Acemo-IRP 1999, citée par le rapport du Sénat n° 179 sur le projet de loi relatif à la formation

professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. 2 Notamment par les lois du 12 novembre 1996 et par les lois dites « Aubry » du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000. Ces

dispositifs dérogatoires de négociation, subordonnés à la conclusion d’un accord de branche, sont désormais applicables

quelle que soit la taille de l’entreprise. 3 Georges BORENFREUND, « La négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux », in

Droit social, n° 6, juin 2004, pp. 606- 619. 4 DARES, Premières synthèses, Travail et emploi, mai 2001, n° 19.1 ; IRES, « le mandatement dans le cadre de la loi du

13/06/1998 », août 2000.

Page 25: Dialogue social et restructurations

24

S’agissant des obligations de reclassement, tant interne qu’externe, celles-ci sont

désormais appréciées au niveau du groupe1. Les salariés des filiales pourront donc bénéficier des

moyens de l’ensemble du groupe. Milupa, entreprise de 120 salariés mais filiale d’un groupe

multinational réalisant un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros, a ainsi bénéficié de mesures

d’accompagnement qu’une entreprise indépendante de même taille n’aurait jamais pu financer.

Toutefois, le juge restreint toutefois la portée de cette obligation aux entreprises du groupe « dont le

secteur d’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation le permettent »2. En revanche, les salariés

des entreprises sous-traitantes, quelle que soit leur degré de dépendance économique, ne

bénéficient pas des moyens de reclassement de leur donneur d’ordre.

1 C. Cass. Soc., 5 avril 1995, Thomson Vidéocolor

2 Pour une analyse de ces limites cf. D. BOULMIER, « destruction des emplois : une nécessaire responsabilisation des

groupes par une substitution du groupe réel au groupe virtuel », in Droit Social, n° 1, janvier 1998, pp. 44-53.

Page 26: Dialogue social et restructurations

25

2 DE NOUVELLES PRATIQUES DE DIALOGUE SOCIAL PLUS EFFICACES FACE AUX RESTRUCTURATIONS D’ENTREPRISES

2.1 Un dialogue social moins formel sur les restruc turations : les accords de méthode

2.1.1 Un dispositif expérimental

Jugeant inadaptée la procédure d’information-consultation sur les restructurations

prévue par le Code du travail, plusieurs entreprises avaient souhaité formaliser par accord des

modalités d’organisation de leurs discussions dans le cadre des livres III et IV1 du Code du travail.

En autorisant des « accords de méthode » à déroger à la procédure légale, la loi du 3 janvier 20032

n’a pas seulement consacré et sécurisé ces pratiques, mais a profondément renouvelé l’approche

du législateur en matière d’information-consultation sur les licenciements économiques. L’article 2

de la loi dispose ainsi que « à titre expérimental et le cas échéant par dérogation aux dispositions

des livres III et IV, des accords d'entreprise peuvent fixer les modalités d'information et de

consultation du comité d'entreprise lorsque l'employeur projette de prononcer le licenciement pour

motif économique d'au moins dix salariés sur une même période de trente jours. »

Le législateur a précisé le rôle des accords dans chacun des deux domaines de

discussion :

- sur le volet économique, « ces accords peuvent fixer les conditions dans lesquelles le

comité d'entreprise est réuni, a la faculté de formuler des propositions alternatives au

projet économique à l'origine d'une restructuration ayant des incidences sur l'emploi et

peut obtenir une réponse motivée de l'employeur à ses propositions. »

- sur le volet social, « ces accords peuvent aussi déterminer les conditions dans lesquelles

l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi prévu à l'article L. 321-4-1 du Code du

travail fait l'objet d'un accord ».

Pouvant être conclus durant une période de dix-huit mois après la promulgation de la

loi et d’une durée maximale de deux ans, les accords de méthode ne peuvent toutefois déroger aux

dispositions intéressant le contenu de l’information communiquée au comité d’entreprise et les

pouvoirs de l’administration du travail. En outre, ils sont exclus lorsque l’entreprise se trouve en

situation de redressement ou de liquidation judiciaire. Enfin, leur validité est subordonnée à la

consultation préalable du comité d’entreprise.

1 Ainsi par exemple Carrefour ou Aventis 2 Loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciement économique.

Page 27: Dialogue social et restructurations

26

2.1.2 Une influence accrue pour les représentants d es salariés dans le cadre d’une procédure sécurisée

Les accords de méthode ont permis d’accorder aux représentants des salariés une

influence accrue dans la procédure d’information-consultation, en contrepartie de l’assurance

donnée aux directions d’une plus grande sécurité juridique dans le déroulement des procédures.

De nombreux accords ont ainsi attribué des moyens supplémentaires au comité

d’entreprise, permettant notamment un dialogue social plus nourri sur les orientations stratégiques.

Celui de GIAT-Industries, signé le 16 mai 2003, prévoyait ainsi le recours à deux cabinets d’experts

disposant de trois mois pour formuler des propositions alternatives.

La qualité de l’information transmise aux représentants des salariés a également

été renforcée. C’est ainsi que l’accord de méthode de Phillips France signé le 6 mars 2003 a prévu

une transmission de l’ensemble des documents relatifs aux procédures des livres III et IV dès la

première réunion du comité d’entreprise. Des informations relatives aux décisions stratégiques de

l’entreprise ont pu être divulguées dans le cadre d’instances spécifiques. L’accord de méthode de

Rhodia crée ainsi une « instance de dialogue stratégique » qui, pour permettre des échanges libres

sur la stratégie du groupe, est de composition très restreinte et dont les membres sont soumis à une

obligation de confidentialité.

Enfin, les accords de méthode signés depuis la promulgation de la loi n’ont que

rarement tendu à réduire les délais de la procédure d’information-consultation. Le cas le plus

fréquent est au contraire celui d’un allongement de ces délais contre leur sécurisation. Si les

accords ne pouvaient pas légalement exclure le recours au juge ou l’utilisation du droit de grève, ils

ont en revanche permis d’éviter une utilisation dilatoire des moyens de procédure dont disposent les

salariés. A ce titre, ils ont bien constitué l’instrument d’un échange de la « simplification

conventionnelle des procédures contre un enrichissement du fond »1 qui justifie leur pérennisation.

2.1.3 Une meilleure articulation des niveaux d’info rmation des salariés

La conclusion d’accords de méthode a favorisé une meilleure articulation entre les

différents niveaux d’information-consultation. L’accord de méthode de Rhodia a ainsi consacré

l’antériorité de la saisine du comité d’entreprise européen et l’unicité du recours à l’expert dans le

domaine économique. Celui de Wärtsilä, signé le 17 novembre 2003, a garanti un accès direct des

membres du comité d’entreprise aux décideurs stratégiques, en organisant des réunions avec les

dirigeants finlandais, sans passer par l’intermédiaire du comité d’entreprise européen. Il a en outre

permis la délocalisation du comité central d’entreprise sur le site de Mulhouse pour l’ensemble de la

procédure d’information-consultation, et prévu la participation à ses réunions de représentants du

comité d’établissement de ce site.

1 sur les termes de ce « marché », voir notamment Jean-Emmanuel RAY, Droit du travail, droit vivant, Editions liaisons,

2003, p. 302.

Page 28: Dialogue social et restructurations

27

2.2 Vers un dialogue social orienté vers le maintie n et le retour à l’emploi

2.2.1 Une meilleure anticipation

La capacité d’anticipation des restructurations constitue une condition déterminante

du succès du reclassement. Ainsi, l’annonce de la restructuration de la branche des aciers plats du

groupe Arcelor a eu lieu en janvier 2003, alors que la fermeture des sites continentaux ne doit

intervenir qu’en 2005 ou 2006 en Belgique (site de Liège) et 2010 en Lorraine (site de Florange).

C’est grâce à cette capacité d’anticipation s’inspirant de l’objectif de « responsabilité sociale de

l‘entreprise » que le groupe Arcelor entend mener des restructurations socialement responsables

permettant notamment d’éviter tout chômage (100% des salariés devant bénéficier de mesures d’âge

ou être reconvertis à l’intérieur ou à l’extérieur du groupe).

La volonté d’accroître l’efficacité du reclassement des salariés s’est également

traduite dans la faculté ouverte par plusieurs accords de méthode de mettre en œuvre par

anticipation certaines dispositions du plan de sauvegarde de l’emploi avant la fin de la

procédure d’information-consultation. C’est ainsi, par exemple, que le plan de reconversion des

salariés du site de l’Ardoise, aciérie de la filiale d’Arcelor Ugine et ALZ, a été engagé dès mars

2003, soit quinze mois avant la fermeture de celui-ci. Cette démarche permis l’obtention d’un taux

de reclassement supérieur à 85%, dont 57% en interne1.

La négociation de certains accords de méthode en amont peut aussi encourager le

dialogue social sur la gestion prévisionnelle des emplois et compétences ou la validation des acquis

de l’expérience (VAE)2, alors même que le dialogue social sur toutes ces formes de gestion

anticipée des emplois semble aujourd’hui peu développé et peu adapté aux enjeux des

restructurations3. Ainsi la direction de l’entreprise Schneider Electric, sachant que les implantations

françaises du groupe allaient connaître une période de restructuration, a-t-elle signé avec les

syndicats un accord de méthode sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences4. Il

crée un « groupe paritaire d’information, de concertation et de négociation » qui sera saisi de tous

les projets de réorganisation.

2.2.2 Des pratiques de dialogue social orientées ve rs le reclassement

Un dialogue social nourri sur les mesures de reclassement permet également de

développer des mécanismes d’accompagnement novateurs apportant des aides et des garanties à

même de rassurer les salariés sur cette démarche. Ainsi, dans le cas de la fermeture du site de

l’Ardoise (groupe Arcelor), la négociation avec les organisations syndicales a abouti notamment à la

mise en place d’un dispositif de soutien étoffé et d’incitations financières destinées à encourager les

1 Chiffre de mai 2004. 2 Dispositif mis en place par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Dans le cadre de la délivrance de

diplômes reconnaissant une capacité professionnelle, le jury est composé à parité employeurs/salariés. 3 Entretien avec Dominique CENTLIVRE, spécialiste de la gestion prévisionnelle des emplois et membre de DRH de

Fos-sur-Mer. 4 Accord du 20 juin 2003. Cf. Entreprises et Carrières, n° 680, 26 août/ 1er septembre 2003.

Page 29: Dialogue social et restructurations

28

salariés de l’Ardoise à la mobilité au sein du groupe1 et les aider dans leur recherche d’emploi

(assistance de SODIE2, formation, prime à l’embauche versée à l’entreprise d’accueil) ou de reprise

d’activité (prêts et assistance technique de la SODIE).

L’adaptation des mesures de reclassement au public visé est également une

condition du succès. Dans le cas de l’Ardoise, l’encouragement à la mobilité a été favorisé par la

mise en place d’un accompagnement personnalisé dans chacun des sites d’accueil. De même, la

durée du congé de reclassement a fait l’objet d’une modulation entre quatre et neuf mois en fonction

du profil du salarié.

2.2.3 La nécessaire participation des salariés à la définition des besoins et au suivi du plan

Le dialogue social sur le reclassement permet de définir en accord avec les

représentants des salariés les caractéristiques qui rendent les mesures de reclassement à la fois pérennes et acceptables. Certains accords, comme l’accord de méthode signé chez Rhodia,

donnent ainsi une définition de « l’offre valable d’emploi », à partir de critères portant sur le statut

de l’emploi (CDI, CDD), l’éloignement géographique, la qualification, et la rémunération. Cet

accord prévoit en outre une définition en commun du cahier des charges du prestataire chargé du

reclassement ainsi que le choix de ce prestataire par un jury composé à parité de représentants de la

direction et des salariés.

L’implication des représentants des salariés dans le suivi et l’évaluation des

résultats obtenus en matière de reclassement est un facteur important de réussite de celui-ci. La

définition, par le biais du dialogue social, de mécanismes de suivi des mesures d’accompagnement

permet en effet d’impliquer les acteurs dans la durée, et de construire une véritable logique de

projet3. Le plan de sauvegarde de l’emploi d’Altadis prévoit ainsi la mise en place d’une

« commission locale d’accompagnement et de suivi », composée de représentants des salariés et de

la direction, ainsi que du représentant du Directeur du travail. Elle établit le bilan des offres

d’emplois proposées et des reclassements réalisés et a la faculté de formuler des orientations à

destination du prestataire chargé du reclassement.

Toutefois, la mise en œuvre, par le dialogue social, de mesures permettant d’assurer

un véritable retour à l’emploi présente un coût élevé, du fait tant de l’inscription dans la durée des

dispositifs que du coût de la mise en place de mesures plus personnalisées4.

1 Il s’agissait de tirer parti de la relative proximité (100 km) d’une autre usine du groupe, située à Fos-sur-Mer,

connaissant une activité dynamique et susceptible d’offrir des emplois à environ la moitié des salariés du site, soit

directement, soit après une formation adaptée. 2 Société de reclassement créé à l’origine par le groupe Usinor.

3 Entretien avec Noël HURET, ancien directeur adjoint de SODIE, cabinet spécialisé dans la conduite des actions de

revitalisation et de reclassement, 4 une étude comparative sur la gestion des crises industrielles en Europe a évalué le coût social et territorial d’une

restructuration rapporté au nombre de personnes concernées entre 15.000 et 152.000 euros par salarié. Cf. La gestion des

crises industrielles locales en Europe, études de cas réalisée par Bernard Brunhes Consultants pour la Commission

européenne (DGV), septembre 2000.

Page 30: Dialogue social et restructurations

29

2.3 La mise en place progressive d’outils de dialog ue social transnational

A la suite du mouvement rapide d’internationalisation des entreprises, le niveau

transnational s’est progressivement imposé comme un niveau pertinent d’information-consultation

des salariés. C’est ainsi, par exemple, que Danone a constitué dès le milieu des années 1980 un

« comité d’information et de consultation » destiné à constituer un forum de discussion des

questions stratégiques d’intérêt transnational et de leurs conséquences sociales. Ce comité a été

formellement consacré en 1996 par un accord signé avec l’Union internationale des travailleurs de

l’alimentation (UITA), fédération internationale des syndicats agroalimentaires.

La directive n° 94/45/CE du 22 septembre 1994 relative à l’institution d’un comité

d’entreprise européen (CEE) a néanmoins marqué une profonde innovation en consacrant pour la

première fois dans le droit positif une instance de dialogue social transnational au niveau de

l’entreprise.

2.3.1 Le comité d’entreprise européen, un outil fon dé sur le principe d’autonomie contractuelle

Fondé sur le principe de l’autonomie contractuelle, le CEE est mis en place par

accord dans les entreprises ou les groupes de « dimension communautaire »1 après négociation au

sein d’un « groupe spécial » qui doit assurer une représentation de l’ensemble des Etats membres

dans lesquels l’entreprise est implantée. L’accord constitutif détermine les compétences du comité.

Toutefois, la directive comprend des prescriptions subsidiaires pouvant s’appliquer en cas de

négociation infructueuse, qui prévoient notamment sa consultation ou celle de son comité restreint

en cas de « circonstances exceptionnelles affectant considérablement les intérêts des travailleurs,

notamment en cas de délocalisation, de fermeture d’entreprises ou d’établissements ou de

licenciements collectifs ». Cette compétence ne vaut toutefois que pour les seules questions qui

concernent « au moins deux établissements ou entreprises situées dans des Etats membres

différents ».

Fin avril 2004, 650 des 1800 entreprises ou groupes potentiellement concernés,

réunissant 11 millions de salariés, avaient créé un CEE2. Conséquence de l’hétérogénéité des

systèmes nationaux dont il est l’émanation, le CEE est doté de compétences qui peuvent varier

fortement d’une entreprise à l’autre. Une enquête3 réalisée en 2002 par la Confédération européenne

des syndicats (CES) montre ainsi que ce rôle se limite à une information dans 70% des cas. Mais

particulièrement remarquable est le rôle acquis, dans environ 5% des cas, par le CEE dans le

domaine de la négociation : « En ce qui concerne les restructurations, le comité d’entreprise

européen a servi, dans certains cas, de forum au sein duquel la direction et les travailleurs sont

parvenus à un consensus sur les modalités de réaménagement de leurs activités en Europe4 ».

1 C’est-à-dire, aux termes de l’article 2 de la directive, employant au moins 1000 travailleurs dans les Etats membres

dont 150 dans deux Etats membres différents. 2 Source : Commission européenne.

3 Conférence organisée par la CES à Aarhus, 2002. 4 Commission, 20 avril 2004.

Page 31: Dialogue social et restructurations

30

2.3.2 Un outil qui doit s’adapter pour être pleinem ent efficace face aux restructurations d’entreprises

S’il constitue aujourd’hui la principale enceinte de dialogue social transnational, au

développement d’une culture syndicale transnationale, le comité d’entreprise européen n’est pas

encore parvenu à s’imposer totalement face aux instances nationales de dialogue social. La

faiblesse des échanges entre les instances représentatives nationales et européennes contribue à

isoler le CEE et reflète le manque de légitimité dont il souffre parfois auprès des représentants

nationaux. La faible connaissance mutuelle de ses membres, imputable à la jeunesse de l’institution,

limite la coopération entre les représentants des salariés des différents pays. Ces difficultés

expliquent en partie les réticences de certaines directions d’entreprise à mettre en place une

information pleinement transparente1.

Le succès du CEE est moins net encore face aux logiques nationales du

comportement des acteurs sociaux. L’enjeu immédiat en termes de suppressions d’emplois des

projets de restructurations soumis au CEE a entraîné, dans la plupart des cas, un repli des

représentants sur la défense des sites implantés dans leur pays2. Celle-ci a parfois conduit à des

alliances stratégiques entre représentants salariés et patronaux d’un même pays qui font apparaître

les CEE davantage comme des « puzzle de nationalités3 » que comme de véritables instances

collégiales.

Enfin, des incertitudes juridiques ont pesé sur la mise en œuvre des procédures de

consultation du comité d’entreprise européen sur les restructurations. Elles portent tout d’abord sur

l’interprétation de la notion de consultation, définie comme « l’échange de vue et l’établissement

d’un dialogue » ; cette imprécision aboutit, selon le modèle national de dialogue social dominant

dans l’entreprise, à concevoir la consultation comme une simple obligation d’information (modèle

anglais), une obligation de recueillir l’avis des syndicats (modèle français) ou comme une obligation

de négocier (modèle suédois). Elles concernent en outre l’articulation avec les instances

nationales d’information-consultation, quant à l’antériorité ou non de la consultation du niveau le

plus élevé. Elles tiennent enfin à l’effet utile attendu de la consultation du CEE. Les dispositions

subsidiaires prévoient en effet une réunion « dans les meilleurs délais » en cas de « circonstances

exceptionnelles » et non, comme les textes d’harmonisation des procédures nationales4, une

consultation « en temps utile ».

Ces incertitudes reflètent en définitive les hésitations sur le rôle et les

responsabilités qui doivent incomber au CEE. Le souhait de lever ces ambiguïtés et de renforcer

le rôle des CEE a conduit la Commission à entreprendre, le 20 avril 2004, une consultation des

partenaires sociaux européens en vue d’une révision de la directive de 1994. Mais la Commission a

posé les limites dans lesquelles s’inscrira en tout état de cause sa proposition de révision, qui ne

1 Relevées par la Commission in Comités d’entreprise européens : vers l’optimisation du potentiel d’implication des

travailleurs au profit des entreprises et de leur personnel ; Première phase de consultation des partenaires sociaux

interprofessionnels et sectoriels communautaires dans le cadre du réexamen de la directive sur les comités d’entreprise

européens, 20 avril 2004, même si celle-ci ajoute qu’à la faveur du renouvellement des accords, « les réserves

initialement exprimées ont été surmontées et qu’un plus grand climat de confiance s’est établie entre les parties ». 2 « Les comites d’entreprise européens face aux concentrations, alliances et restructurations », Les Cahiers de la

Fondation, Janvier-juin 2002, n° 51-52. 3 Entretien réalisé avec Claude-Emmanuel TRIOMPHE, Délégué Général de l’Association pour le développement de

l’Université Européenne du Travail. 4 formule employée notamment par la directive du 20 juillet 1998 sur les licenciements collectifs ainsi que par celle du

12 mars 2001 sur les transferts d’entreprises,

Page 32: Dialogue social et restructurations

31

saurait en particulier revenir sur le principe d’autonomie contractuelle des partenaires sociaux1.

Aussi, selon la Direction générale « Emploi » de la Commission, les modifications apportées

devraient-elles concerner essentiellement le renforcement de l’exigence d’effet utile de

l’information-consultation, les règles d’articulation avec les instances nationales, ainsi que le recours

à l’expertise et la qualification des membres des CEE2.

Encadré n°

Une « bonne pratique » en matière de CEE : le cas d’Arcelor

Le comité d’entreprise européen d’Arcelor a été fondé par un accord du 27 mai 2002,

à la suite de la fusion, quelques mois plus tôt, du français Usinor avec l’espagnol Aceralia et le

luxembourgeois Arbed. Son accord constitutif prévoit une compétence plus large que le minimum

fixé par la directive puisque sa saisine a lieu, non seulement sur les « questions économiques et

sociales de nature stratégique qui concernent l’ensemble du groupe ARCELOR ou au moins deux

entreprises situées dans deux Etats membres de l’Union », mais encore pour celles qui « excèdent le

pouvoir des instances de décision dans un seul Etat membre et qui affectent considérablement les

intérêts des travailleurs ». Cela permet, concrètement, de saisir le CEE d’Arcelor d’un projet de

restructuration qui n’affecte qu’un seul pays dès lors que celui-ci n’est pas le pays du siège (le

Luxembourg).

Sa formation plénière compte cinquante-sept membres, dont quarante-sept

représentants des salariés. Toutefois, en vue de maintenir son caractère opérationnel, il se réunit

périodiquement en comité restreint de seize membres, qui peut être élargi, en fonction de l’ordre du

jour, aux représentants du personnel ou de la direction d’un site concerné par un projet de

restructuration. Le comité restreint a seul compétence pour décider de la saisine de l’assemblée

plénière ou de la formation de conseil restreint élargi, ainsi que pour déterminer la procédure

applicable aux sujets traités.

2.4 Un dialogue social territorial qui reste le fai t d’initiatives isolées

Les mutations du modèle traditionnel de l’entreprise (multiplication des groupes,

externalisation des activités non stratégiques) ont renouvelé les liens de l’entreprise avec son

territoire. Si les grandes entreprises, disposent d’une faculté d’arbitrage accrue entre les territoires,

elles doivent néanmoins tenir compte de l’avantage procuré par les ressources de ceux-ci et le tissu

économique local3. Les petites entreprises peuvent quant à elles développer des partenariats

sectoriels en vue d’améliorer l’anticipation et le traitement des restructurations.

Aussi, le développement d’un dialogue social organisé au niveau de la région ou du

bassin d’emplois répond à un triple objectif : fournir un cadre aux relations entre les grandes

1 « Le succès remporté par ce principe de la priorité à la négociation entre les partenaires sociaux eux-mêmes, et son

insertion en tant qu’élément clé des instruments communautaires ultérieurs en matière d’implication des travailleurs, en

font l’une des pierres angulaires de l’approche adoptée par la Communauté dans ce domaine, qui devrait être

maintenue dans le mode de fonctionnement futur de la directive », Commission européenne, op. cit. 2 Entretien avec François VASQUEZ, ancien chef d’unité adjoint, DG emploi, Commission européenne. 3 Pierre VELTZ, Des territoires pour apprendre et innover, Editions de l’Aube, Paris, 1994.

Page 33: Dialogue social et restructurations

32

entreprises et leur territoire d’implantation ; compenser les faiblesses du dialogue social dans les

petites entreprises ; élaborer un diagnostic partagé sur l’anticipation des mutations économiques et

coordonner les décisions opérationnelles prises dans ce domaine.

2.4.1 La gestion concertée des relations entre les grandes entreprises et leur environnement

2.4.1.1 Une implication initiée par des démarches volontaires1

Confrontées à partir des années 1970 à l’accélération des licenciements économiques,

plusieurs grandes entreprises ont développé des actions de redéveloppement dans les bassins

d’emplois où elles étaient implantées. Ces actions tendaient, non seulement à assurer le reclassement

des salariés licenciés, mais aussi à maintenir un dynamisme économique des territoires dans lesquels

les usines étaient implantées.

C’est ainsi que l’entreprise Saint-Gobain a accompagné la suppression de 15 000

emplois entre 1980 et 1985, notamment dans les Bouches-du-Rhone, par un programme d’action en

faveur des petites et moyennes entreprises locales. Ce dispositif s’appuyait d’abord sur une aide à la

création d’activités et une prime à l’embauche2. Mais ces aides financières ont été complétées par

des programmes de coopération opérationnelle avec les PME, qui portaient notamment sur des

actions de formation en faveur des salariés des petites entreprises et d’appui à la gestion

prévisionnelle de l’emploi. L’entreprise y trouvait à l’origine un intérêt ponctuel, pour limiter les

risques de conflit social. Progressivement, cette démarche curative est devenue préventive, puis

permanente, s’organisant sur tous les sites où le groupe était implanté. Le management trouvait en

effet des avantages à resserrer les liens entre l’entreprise et le territoire : gestion plus flexible des

effectifs (par des mouvements de main d’œuvre continus entre l’entreprise et les PME du bassin

d’emploi), amélioration de la qualité des recrutements (meilleure connaissance de la main d’œuvre

locale, actions de formation), contrôle de la qualité des produits fournis par les sous-traitants.

2.4.1.2 Une impulsion relayée par les pouvoirs publics

La survenance rapprochée de plusieurs restructurations de grande ampleur en 2001 et

2002 (Metaleurop, Matra, GIAT-Industries) a incité l’Etat à développer de nouveaux dispositifs

tendant à la responsabilisation des entreprises à l’égard de leur territoire d’implantation (article

118 de la loi de modernisation sociale) et à la définition commune de projets de revitalisation

(contrats de site). Les modalités de mise en œuvre et de suivi de ce dispositif font appel à des formes

de dialogue social élargi, dans lesquelles aux partenaires sociaux sont adjoints les acteurs publics

compétents en vue de la définition d’un projet commun de développement du territoire.

1 Marie RAVEYRE, « implications territoriales des groupes et gestion du travail et de l’emploi » in revue de l’IRES n°

35, 2001. 2 Ce dispositif était de portée générale dans une zone géographique déterminée autour des sites de Saint-Gobain, mais le

montant de la prime était modulé selon que l’embauche concernait ou non un salarié de cette entreprise. Il faut souligner

que ces actions ont été menées indépendamment de la composition capitalistique de l’entreprise, publique de 1981 à

1986

Page 34: Dialogue social et restructurations

33

Les actions obligatoires de revitalisation négociées avec l’Etat

L’article 118 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 impose ainsi

aux entreprises de plus de mille salariés ou insérées dans un groupe comprenant plus de mille

salariés de « prendre des mesures permettant la création d’activités et le développement des emplois

dans le bassin d’emploi affecté par la fermeture partielle ou totale du site ». Le montant que

l’entreprise est tenue de consacrer à ces actions est fixé par le Préfet du département dans une

fourchette comprise entre deux et quatre fois le montant mensuel du SMIC par emploi supprimé.

Les actions de revitalisation, qui figurent au plan de sauvegarde de l’emploi, font l’objet d’une

convention signée entre le Préfet et l’entreprise.

Le législateur a saisi l’occasion créée par cette obligation financière pour inciter les

acteurs locaux et les partenaires sociaux à définir conjointement un projet de revitalisation. Le

même article dispose en effet que « les organisations syndicales de salariés et d’employeurs, les

représentants des organismes consulaires ainsi que les élus intéressés sont réunis par le

représentant de l’Etat dans le département avant la signature de la convention susvisée. Ils sont

également associés au suivi de la mise en œuvre des mesures prévues par celle-ci ».

A cette disposition fait écho celle du premier alinéa du même article, qui concerne les

entreprises dont l’effectif est compris entre cinquante et mille salariés. En dehors de tout dispositif

contraignant, cet alinéa prévoit que le Préfet « peut réunir » les mêmes interlocuteurs lorsqu’une

telle entreprise « procède à des licenciements économiques susceptibles par leur ampleur d’affecter

l’équilibre économique du bassin d’emploi considéré ».

Les contrats de site : un appui public au traitement concerté des restructurations

Initié en janvier 2003, le dispositif du contrat de site a été consacré par le Comité

interministériel d’aménagement du territoire (CIADT) du 26 mai 2003. Portant sur des

restructurations de grande ampleur frappant des bassins d’emplois déjà fragiles, il comporte un

double objectif :

- concentration des financements publics (FNADT,1 FRED

2, DOCUP

3, CPER

4,

financements des collectivités locales) et privés (article 118 de la loi de modernisation

sociale) en vue de la revitalisation du territoire ;

- définition commune d’un projet de développement, associant les partenaires sociaux, les

pouvoirs publics et les acteurs économiques, dans le cadre d’un comité de site.

Onze sites sont actuellement concernés par le dispositif (dont cinq au titre de la

restructuration de GIAT-Industries). Les actions de redéveloppement financées dans le cadre des

contrats de site mobilisent des financements s’élevant entre 15 et 70 millions d’euros par contrat.

1 Fonds national d’aménagement et de développement du territoire

2 Fonds de restructuration de la Défense

3 Documents uniques de programmation des fonds structurels européens 4 Contrats de plan Etat-régions

Page 35: Dialogue social et restructurations

34

Des dispositifs qui s’efforcent de concilier souplesse et responsabilisation

S’il vise à responsabiliser les entreprises quant à l’impact de leurs décisions sur le

tissu économique local, l’article 118 de la loi de modernisation sociale n’en conserve pas moins une

certaine souplesse, qui explique que ni la nature du dispositif, ni le plafond de l’obligation

financière n’aient été réellement contestés par les représentants des entreprises. Cette souplesse tient

d’abord au montant de l’obligation financière, qui peut faire l’objet d’une modulation importante par

le Préfet de département selon l’impact réel de la restructuration sur le tissu économique local. Mais

elle tient surtout à la nature des actions qui peuvent y contribuer : aides à l’embauche, financement

et appui technique à la prospection d’un repreneur de l’outil industriel1 ou du site.

Les instances de concertation instituées par l’article 118 de la loi de modernisation

sociale ou relatives aux contrats de site sont, elles aussi, caractérisées par leur grande souplesse, qui

permet leur adaptation aux spécificités locales. Présidées par le Préfet de département, elles sont

ouvertes à l’ensemble des partenaires sociaux, pouvoirs publics et acteurs économiques intéressés à

la définition commune d’un projet de développement pour le bassin d’emploi. Elles peuvent

s’organiser à leur convenance et définir elles-mêmes la portée de leurs discussions.

Le succès de ce dispositif se traduit par un investissement réel des entreprises dans la

réindustrialisation des sites, comme en témoignent par exemple les actions entreprises par le groupe

Danone, à Calais (ouverture en septembre 2003 d’un centre d’appel employant 400 personnes sur le

site de l’ancienne usine) et à Château-Thierry (démarrage fin 2003 de la production d’une usine de

biscuits régionaux, créant 60 emplois). 3500 entreprises ont été contactées en Europe et la mise en

œuvre des projets s’est faite avec l’accompagnement financier et technique du groupe.

Mais une faible association des salariés et un appui public qui demeure cantonné au

traitement curatif

Si elles affichent l’ambition d’associer les partenaires sociaux territoriaux et sont

notamment ouvertes aux représentants des salariés de l’entreprise, les instances du type « article

118 » ou « comité de site » sont toutefois confrontées à une faible implication2 de ces derniers. Les

actions mises en œuvre ne bénéficient pas directement aux personnes licenciées, tandis que la

pérennité de la réindustrialisation n’est pas toujours assurée. Ces limites expliquent certainement

pour une part la forte réticence des représentants des salariés à s’impliquer dans ce processus, en

dehors de cas ponctuels (notamment le comité de site Metaleurop ou les actions de revitalisation

conduites par la SOFRED dans le bassin d’emplois de Saint-Chamond3).

Par ailleurs, les deux dispositifs créés en 2002 sont marqués par leur cantonnement

au traitement curatif, explicable par le contexte ayant présidé à leur création.

1 Cas de l’entreprise Milupa.

2 Entretien avec Marie-Caroline THERY, chargée des mutations économiques la DATAR. 3 Entretien avec André GOLLIARD, délégué central CFDT de GIAT-Industries.

Page 36: Dialogue social et restructurations

35

2.4.2 La compensation de la faiblesse du dialogue s ocial dans les petites entreprises

Le développement d’un dialogue social inter-entreprises est une réponse au déficit de

représentation des salariés dans les petites entreprises. Aujourd’hui peu développé, il pourrait

cependant s’appuyer sur des formes nouvelles de coopération inter-entreprises.

Les commissions paritaires locales, un outil de dialogue social mutualisé à

développer

Les compétences confiées par la loi aux commissions paritaires locales1 (CPL) en

font les instruments les plus adaptés pour favoriser le développement du dialogue social inter-

entreprises sur le traitement et l’anticipation de restructurations. Toutefois, instaurées par la loi du 3

janvier 1985, ces commissions professionnelles ou interprofessionnelles n’ont jusqu’à présent pas

connu de développement marqué dans le domaine de la gestion des mutations économiques. Leur

action a consisté principalement en le développement d’activités s’assimilant aux œuvres sociales

des comités d’entreprise au bénéfice des salariés des petites entreprises qui en sont dépourvues. Des

initiatives en matière de licenciements existent pourtant. Ainsi, dans les Deux-Sèvres, une CPL a

mis en place une cellule mutualisée de reclassement pour faire face au dépôt de bilan de plusieurs

PME. La loi du 4 mai 2004 a souhaité souligner le rôle déterminant que pourraient jouer les CPL

dans ce domaine, en les invitant à négocier des accords d’intérêt local « notamment en matière

d’emploi et de formation continue ».

Les SPL, un potentiel de dialogue social inexploité

La notion de Systèmes productifs locaux (SPL) a été développée par la DATAR2 à

partir de 1999 en vue de désigner des organisations productives particulières concentrées sur un

territoire, constituées de petites et moyennes entreprises spécialisées autour d’un métier ou d’un

produit, qui coopèrent en mutualisant des moyens, des outils, et des savoir-faire. Ces entreprises

entretiennent des actions communes de natures très variées portant sur la mutualisation de leurs

moyens ou de leurs savoir-faire, et, dans certains cas, sur leurs orientations stratégiques.

Il faut particulièrement remarquer, s’agissant de l’anticipation des restructurations,

les actions conduites dans le cadre de SPL dans le domaine de la gestion des emplois et des

compétences. Il en est ainsi, par exemple, de l’opération « Mutex », SPL du textile roannais créé

afin de faire face à la concurrence des pays à faible coût de main d’œuvre. L’opération a ouvert la

voie à un groupement d’employeurs, le GEM, qui permet de procéder à des échanges de salariés

entre entreprises en fonction des cycles d’activité ou des besoins spécifiques de compétence. Cette

démarche concilie par conséquent les besoins des industriels (disponibilité d’une main d’œuvre

qualifiée) avec les attentes des salariés (sécurisation du parcours professionnel, formation continue).

L’exercice commun de compétences relevant, lorsqu’il existe, du droit à

l’information du comité d’entreprise, justifie pleinement le développement d’un dialogue social

mutualisé au niveau de structures de coopération inter-entreprises telles que les SPL. Le

dialogue social dispose en effet, à ce niveau, d’une matière à discuter plus importante et d’une

1 Aux termes de l’article L. 132-30 du Code du travail, les commissions paritaires locales « négocient et concluent des

accords d’intérêt local, notamment en matière d’emploi et de formation continue », « examinent les réclamations

individuelles et collectives » ainsi que « toute question relative aux conditions d’emploi et de travail des salariés

intéressés. » 2 Paulette POMMIER , Les systèmes productifs locaux, la Documentation française, collection Territoires, 2002.

Page 37: Dialogue social et restructurations

36

capacité d’influence accrue. Il semble donc souhaitable de faire émerger une représentation des

salariés au sein des SPL. Les CPL pourraient trouver dans ces coopérations matière à exercer leurs

compétences, notamment dans le domaine de l’emploi et de la formation continue.

2.4.3 L’association des partenaires sociaux territo riaux à l’anticipation des mutations économiques

2.4.3.1 Une concertation avec les partenaires sociaux au niveau régional qui se réoriente vers

l’anticipation des mutations économiques

Le développement de la compétence régionale en matière de formation

professionnelle depuis les années 1960 a donné lieu à la mise en place d’instances qui assurent la

participation des partenaires sociaux à la politique de l’emploi et de formation professionnelle

définie par l’Etat ou la région :

- le conseil économique et social régional (CESR), assemblée consultative placée auprès

du Conseil régional, qui est composée de représentants des partenaires sociaux ainsi que

du monde associatif ;

- Le comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle

(CCREFP), qui a remplacé en 2002 le Comité régional de la formation professionnelle,

de la promotion sociale et de l’emploi (COREF). Consulté sur les programmes de l’Etat

et de la région en matière de formation professionnelle, il est « le lieu de concertation

régionale de l’Etat, de la région et des partenaires sociaux en matière d’emploi et de

formation professionnelle1 ».

En outre, les commissions paritaires interprofessionnelles régionales de l’emploi

(COPIRE), instances paritaires instituée par l’Accord national interprofessionnel de 1969, sont

compétentes en matière de formation et d’emploi, sans que leur rôle puisse être normatif. L’ANI du

5 décembre 2003 indique qu’elles « étudient chaque année, dans leur champ de compétence, les

orientations de formation professionnelle et peuvent transmettre aux commissions paritaires

nationales de l’emploi (CPNE) des propositions de mise en œuvre d’actions de formation répondant

à des besoins décelés au niveau régional. »2

A cet ensemble d’instances compétentes en matière de formation professionnelle est

venu s’ajouter depuis 2003 un dispositif dit d’ « anticipation et d’accompagnement des mutations

économiques », qui a fait l’objet du CIADT du 13 décembre 2002 à la suite des rapports « Viet »3 et

« Aubert »4. Son organisation a été précisée par une circulaire du Premier ministre du 28 janvier

2003. Animé au niveau national par une Mission interministérielle sur les mutations économiques

(MIME), ce dispositif connaît une déclinaison régionale reposant sur deux instances :

- un observatoire régional des mutations économiques, décrit comme un « outil

d’observation concertée des mutations économiques5 » associant les partenaires sociaux,

1 Gérard LINDEPERG, Les acteurs de la formation professionnelle : pour une nouvelle donne, rapport au Premier

ministre, 2000. 2 ANI du 5 décembre 2003 relatif à l’accès des salariés à la formation professionnelle tout au long de la vie. 3 Claude VIET, Rapport de synthèse de la mission exploratoire sur l’accompagnement des mutations économiques, La

documentation française, janvier 2003. 4 Jean-Pierre AUBERT, rapport sur les mutations industrielles, octobre 2002. 5 Circulaire n° 4.965/SG du Premier ministre, 28 janvier 2004.

Page 38: Dialogue social et restructurations

37

les responsables économiques et consulaires ainsi que les acteurs publics et associatifs en

vue de favoriser un croisement des informations et une « diffusion des bonnes

pratiques1 » ;

- Un groupe inter-services d’appui aux mutations économiques, animé par un

correspondant régional de la MIME, et regroupant les services de l’Etat compétents en

matière de mutations économiques2.

2.4.3.2 Une nécessaire coordination des instances

La multiplication des structures compétentes en matière de formation

professionnelles n’a pas permis jusqu’à présent l’émergence au niveau régional d’un lieu effectif

d’élaboration d’une politique coordonnée en matière de formation, du fait tant du cloisonnement

des instances que de leur faible activité3.

La mise en place du dispositif MIME renforce ce besoin de coordination. Si la

jeunesse du dispositif d’anticipation des mutations économiques explique que l’association des

partenaires sociaux ne puisse encore faire l’objet d’un bilan, il faut remarquer que cette association

est affichée comme l’un de ses principaux objectifs4. Toutefois, la circulaire du Premier ministre

précitée assigne aux observatoires régionaux des mutations économiques la mission de « permettre

aux acteurs régionaux, de bien identifier, en fixant des priorités, les actions à entreprendre par les

différents acteurs concernés sur une base régionale territoriale et sectorielle ». Aussi, il semble

nécessaire de préciser l’articulation de cette instance avec le CCREFP. De même, au sein de l’Etat,

il apparaît souhaitable de préciser l’articulation du groupe d’appui avec les enceintes préexistantes5

qui réunissent les représentants des services régionaux ou départementaux pour évoquer les cas

d’entreprises rencontrant des difficultés.

Par ailleurs, il apparaît nécessaire de définir le lien qui doit exister entre le

dispositif d’anticipation des mutations économiques et celui relatif à la formation professionnelle. En effet, une fois établi un diagnostic partagé quant à la fragilité d’un bassin

d’emplois et à la survenance prévisible de restructurations, les actions concrètes qui peuvent en être

déduites doivent essentiellement porter sur l’adaptation des salariés à l’évolution de leur métier.

Ceci impose une bonne coordination de l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle en

aval des travaux de l’observatoire régional des mutations économiques.

1 ibid.

2 La circulaire évoque, de façon non limitative, la direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation

professionnelle, la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, la trésorerie générale de

région, le chargé de mission DATAR et le délégué aux restructurations de défense. 3 Gérard LINDEPERG, op.cit, 2000.

4 Circulaire précitée : « les partenaires sociaux ont un rôle éminent à jouer. Il convient de les associer aux réflexions et

aux dispositifs en matière d’anticipation et d’accompagnement des mutations économiques. » 5 Le Comité régional de restructuration industrielle (CORRI), compétent pour traiter les cas d’entreprises dont l’effectif

ne dépasse pas 400 salariés, le Comité départemental pour l’examen des problèmes de financement des entreprises

(CODEFI), compétent pour les entreprises dont l’effectif ne dépasse pas 250 salariés, la Commission d’action publique,

destinée à prévenir les comportements frauduleux.

Page 39: Dialogue social et restructurations

38

3 PROPOSITIONS POUR UN DIALOGUE SOCIAL PLUS EFFICAC E FACE AUX RESTRUCTURATIONS D’ENTREPRISES

3.1 Rapprocher le dialogue social des centres de dé cision

3.1.1 Donner au CEE les compétences et les moyens d ’être l’interlocuteur du décideur stratégique

L’accélération des restructurations internationales justifie que le niveau transnational

de dialogue social reçoive la compétence principale dans la discussion du projet stratégique de

l’entreprise. Si des initiatives émanant de plusieurs entreprises ont abouti à développer des instances

ad hoc de dialogue social transnational, le comité d’entreprise européen (CEE) demeure dans ce

domaine l’outil le plus abouti et le seul qui fasse l’objet de dispositions normatives.

Dans le souci de laisser une large autonomie aux partenaires sociaux pour définir les

modalités d’application de ce principe, la plupart des propositions suivantes recourent à l’instrument

des « dispositions subsidiaires » de la directive sur les CEE. Bien qu’applicables uniquement en cas

de négociation infructueuse, celles-ci définissent en effet un standard minimum pour les accords

constitutifs des CEE. Leur modification est donc susceptible de faire évoluer ces derniers.

3.1.1.1 Renforcer les compétences du CEE

Proposition n°1 : affirmer la compétence de principe des CEE sur toute restructuration

transfrontalière

Les dispositions subsidiaires applicables en cas de négociation infructueuse prévoient

une saisine du CEE uniquement lorsque le projet en cause concerne au moins deux établissements

situés dans des Etats membres différents.

Ce critère aboutit à exclure de la compétence du CEE les restructurations qui ne

concernent que des établissements situés dans un même Etat, quand bien même celui-ci n’est pas

l’Etat du siège. Dans cette hypothèse, les instances représentatives du personnel n’ont donc pas

accès à un interlocuteur investi de pouvoirs de décision stratégique. Aussi, il conviendrait

d’élargir ce critère. Les dispositions subsidiaires pourraient prévoir la consultation du CEE dès lors

que l’ensemble du processus de décision ne se situe pas à l’intérieur d’un même Etat-membre, à

l’exemple de la directive n°2001/86/CE du 8 octobre 2001 relative à l’implication des travailleurs

dans la société européenne.

Proposition n° 2 : assurer l’antériorité de la consultation du CEE sur celle des instances

nationales d’information-consultation

Page 40: Dialogue social et restructurations

39

L’antériorité de la consultation du CEE sur le projet stratégique de l’entreprise est

une condition nécessaire à la pleine effectivité de son rôle en matière économique1. Pour être

applicable dans tous les Etats de l’Union, cette règle devrait être inscrite dans la directive CEE à

l’occasion de sa révision. En l’absence de modification en ce sens, elle pourrait être posée par la loi

française.

Afin d’éviter la redondance des consultations, un mécanisme pourrait être mis à

l’étude, portant sur l’instauration par la loi d’une faculté de dessaisissement du CCE ou du CE au

profit du CEE quant à l’information-consultation menée dans le cadre du livre IV du Code du

travail. Cette faculté pourrait être prévue par un accord d’entreprise soumis à avis conforme du

comité central et comportant une clause de sauvegarde lui permettant de recouvrer, à sa demande ou

lorsque la nature du projet le justifie, l’usage de sa compétence.

Proposition n° 3 : assurer une meilleure représentation des établissements concernés par

une restructuration au sein du CEE

Afin de permettre une bonne prise en compte des intérêts des salariés de chaque pays

dans le dialogue sur la décision stratégique, le dessaisissement des instances nationales devrait

s’accompagner d’une meilleure association aux travaux du CEE.

Le comité restreint semble l’instance la plus adaptée pour atteindre cet objectif. Selon

l’objet de ses travaux, des délégués des salariés des établissements directement concernés

pourraient y participer, sans que cette possibilité ne soit réservée aux seuls délégués déjà membres

du CEE, comme c’est le cas aujourd’hui. Les délégués d’établissement seraient soumis aux mêmes

obligations statutaires que les autres membres du CEE.

Proposition n° 4 : faciliter la suppression du comité de groupe en cas de constitution d’un

CEE

Dans les entreprises multinationales, le CEE est plus proche du décideur stratégique

que le comité de groupe. Dès lors, le maintien de celui-ci est surtout porteur de complexité.

Comme le proposait le rapport « de Virville » 2, il conviendrait d’instaurer la

possibilité de suppression du comité de groupe par l’accord créant le CEE ou par une délibération

de cette instance, s’accompagnant du transfert des compétences du premier au second. Le droit

actuel (article L. 439-24 du Code du travail) subordonne en effet cette possibilité à l’approbation du

comité de groupe, qui ne s’obtient guère aisément en pratique.

1 Cette question, jugée dans un sens favorable à l’antériorité dans le cas d’Altadis, n’a pas encore donné lieu à une

jurisprudence de la Cour de cassation. 2 Michel de VIRVILLE (dir.), Pour un Code du travail plus efficace, rapport au Ministre des affaires sociales, du travail

et de la solidarité, janvier 2004, proposition n° 25.

Page 41: Dialogue social et restructurations

40

3.1.1.2 Donner au CEE les moyens d’exercer des compétences renforcées

Le rôle principal dévolu au comité d’entreprise européen dans la discussion du projet

stratégique suppose que les conditions de fonctionnement opérationnel de ce dernier soient

améliorées.

Proposition n° 5 : prévoir une obligation de saisine du CEE « en temps utile » sur les

restructurations

Les dispositions subsidiaires de la directive prévoient l’information et la consultation

du CEE (ou du comité restreint) « dans les meilleurs délais » en cas de restructurations. A cette

formule pourrait se substituer celle, employée notamment par la directive du 20 juillet 1998 sur les

licenciements collectifs ainsi que par celle du 12 mars 2001 sur les transferts d’entreprises,

prévoyant une consultation « en temps utile ». Cette formule présente en effet l’avantage d’inscrire

les délais de cette consultation dans le cadre d’une obligation de résultat (avant que les modalités de

décision ne soient définitivement arrêtées et en vue de maintenir sa capacité à les influencer) et non

de moyens.

Proposition n° 6 : inscrire dans la directive révisée l’objectif d’une consultation du CEE

« en vue d’aboutir à un accord » sur les projets de restructuration

La formule d’une information-consultation « en vue d’aboutir à un accord » est, en

effet, elle aussi présente dans les deux directives citées ci-dessus. En dépit de son caractère normatif

incertain, elle assigne à la procédure d’information-consultation un objectif qu’il paraît souhaitable

de rappeler.

Proposition n° 7 : renforcer la formation des représentants des salariés au CEE

La nécessité pour les représentants salariés siégeant au CEE d’étudier des problèmes

internationaux complexes justifie que le régime de leur droit à formation soit, au minimum, aligné

sur celui des autres représentants du personnel. En outre, cette formation pourrait comprendre des

éléments spécifiques, justifiés par la nature du mandat : économie, langues étrangères, formation à la

négociation dans un contexte multinational, systèmes sociaux des Etats de l’Union européenne. Tout

en renforçant le caractère opérationnel des CEE, cette formation favoriserait le rapprochement des

cultures syndicales nationales.

3.1.1.3 Développer une culture syndicale commune

Proposition n°8 : développer le rôle de coordination des fédérations européennes de

branche

L’affirmation du rôle du CEE comme interlocuteur de la direction du groupe sur ses

décisions stratégiques implique une cohésion plus grande entre les délégations syndicales nationales.

Page 42: Dialogue social et restructurations

41

A cet égard, le rôle des fédérations européennes, jugé « majeur1 » dans la constitution des comités

d’entreprise européens, pourrait être consacré dans le cadre du fonctionnement opérationnel de ces

comités.

Si, dans le CEE d’Arcelor, le représentant de la Fédération européenne de la

métallurgie (FEM) joue ainsi un véritable rôle de coordination, il semble difficile d’imposer la

généralisation de cette pratique. Une telle mesure pourrait être considérée par les organisations

syndicales nationales comme une mise sous la tutelle des fédérations européennes.

C’est pourquoi la directive pourrait prévoir une présence systématique, avec voix

consultative, d’un représentant de la fédération de branche concernée au CEE. Doté à l’origine d’un

simple rôle de conseil, ce représentant pourrait progressivement, et de façon informelle, développer

des pratiques de coordination et de rapprochement des cultures syndicales nationales.

Proposition n° 9 : réserver la représentation des travailleurs au CEE aux salariés disposant

d’un mandat institutionnel national

Ainsi que le souligne la Commission européenne2, le fait que « la directive ne

cherche pas à déterminer le mode de sélection des représentants des travailleurs » a permis son

« intégration sans heurts au système de relations sociales propre à chaque Etat membre ».

Toutefois, en vue d’accroître la légitimité de l’instance, il conviendrait d’éviter que les représentants

des travailleurs au niveau européen ne soient pas investis par ailleurs d’un mandat institutionnel

national (élus du personnel ou représentants syndicaux).

3.1.2 Mieux prendre en compte les dépendances écono miques dans le dialogue social sur les restructurations

Proposition n° 10 : Développer la participation des salariés des sous-traitants au dialogue

social sur les restructurations de leurs donneurs d’ordre

Des actions au bénéfice des salariés des sous-traitants peuvent aujourd’hui être

inscrites au plan de sauvegarde de l'emploi sur une base volontaire. Il conviendrait d’inciter plus

fortement les grandes entreprises à le faire, en intégrant ces mesures dans l’appréciation globale du

caractère proportionné du plan de sauvegarde de l'emploi. Une ligne concernant ces mesures

pourrait être insérée à l’article L. 321-4-1 ; une circulaire serait adressée aux DDTEFP pour préciser

les modalités de prise en compte de cette rubrique dans leur appréciation globale du plan de

sauvegarde de l'emploi.

Par ailleurs, les salariés et les directions des sous-traitants étant ainsi intéressés à la

discussion du plan de sauvegarde de l'emploi, une faculté de participation aux réunions du CE du

donneur d’ordre tenues au titre du livre III pourrait leur être ouverte.

L’éligibilité au plan de sauvegarde de l'emploi et la faculté de participation aux

réunions du CE devrait cependant être limitée aux entreprises les plus dépendantes. Elles pourraient

1 Commission européenne, ibid. 2 Commission européenne, ibid.

Page 43: Dialogue social et restructurations

42

par exemple être réservées aux entreprises réalisant plus de 50 % de leur chiffre d’affaires avec le

donneur d’ordre.

3.1.3 Mieux articuler les différents niveaux nation aux de dialogue social sur les restructurations

L’articulation des instances nationales de dialogue social doit viser deux objectifs :

- répartir les rôles entre les différents niveaux, en évitant les redondances et en attribuant

à chaque instance les compétences qu’elle est la mieux placée pour exercer ;

- assurer une coopération entre les instances, afin d’éviter que les décisions ayant fait

l’objet d’un consensus à un niveau ne soient rejetées par un autre.

La répartition pertinente des thèmes de discussion entre les différents niveaux dépend

dans une large mesure des caractéristiques de l’entreprise : fonctionnement plus ou moins autonome

des établissements, force de la représentation du personnel au niveau de l’établissement, etc.

L’accord de méthode semble donc l’instrument le plus adapté à sa définition (cf. proposition n°21).

Les propositions suivantes n’ont donc vocation à s’appliquer qu’en l’absence d’un tel accord.

Proposition n° 11 : Accroître l’influence des comités d’établissements sur les mesures de

reclassement externe

Situés au plus près des bassins d’emploi, les comités d’établissement peuvent

apporter une contribution déterminante à la qualité des mesures de reclassement externe. Pourtant, la

loi place leur consultation sur ce thème après la remise des conclusions de l’expert auprès du CCE,

soit lors de la deuxième réunion de cette instance. L’expert ne peut donc tenir compte de l’avis des

comités d’établissement.

Il conviendrait de prévoir une saisine du comité d’établissement au titre du livre III

succédant immédiatement à la première réunion du CCE.

Proposition n° 12 : Mieux associer les directions des sites d’accueil à la définition des

mesures de reclassement interne

Les règles actuelles ne prévoient pas d’association des directions des sites d’accueil

à la définition des mesures de reclassement interne. Une telle association permettrait pourtant une

définition plus pertinente des mesures d’accompagnement à la mobilité entre sites.

Aussi, le Code du travail pourrait autoriser la participation de représentants des

directions des sites d’accueil aux réunions du CCE se tenant dans le cadre du livre III.

Page 44: Dialogue social et restructurations

43

3.2 Développer un dialogue social territorial perme ttant un meilleur traitement et une meilleure anticipation des restru cturations

3.2.1 Développer un dialogue social fondé sur la co opération entre entreprises

Proposition n°13 : favoriser le dialogue social sur l’anticipation et le traitement des

restructurations dans le cadre de coopérations entre petites et moyennes entreprises

L’absence d’institutions représentatives du personnel dans les petites entreprises peut

être surmontée par la mise en place d’outils de dialogue social mutualisé entre entreprises d’un

même secteur d’activité sur une base territoriale.

A cette fin, les DDTEFP, en lien avec les chambres de commerce, pourraient

contribuer à une meilleure connaissance au sein des entreprises des commissions paritaires locales

instituées par la loi du janvier 1985.

Les pouvoirs publics pourraient également faire un plus grand usage des instruments

d’incitation à leur disposition pour développer le dialogue social au sein des structures de

coopération inter-entreprises:

- la DATAR, animatrice du réseau des Systèmes productifs locaux, pourrait accorder une

plus grande place au dialogue social dans les exemples de bonnes pratiques dont elle

assure la promotion1 ;

- dans le cadre de leurs politiques d’appui aux coopérations interentreprises, l’Etat et les

collectivités locales pourraient inciter les bénéficiaires de leurs aides à développer le

dialogue social, en les invitant à se rapprocher des commissions paritaires locales

existantes ou à susciter leur création.

3.2.2 Elaborer une politique concertée d’anticipati on et d’accompagnement des mutations économiques au niveau de la région

Compte tenu des incertitudes actuelles pesant sur les dispositifs d’anticipation des

mutations économiques (cf. 2.4), il apparaît nécessaire de préciser le fonctionnement de la chaîne de

décision aboutissant à la mise en œuvre d’une politique concertée. Deux niveaux sont à considérer :

l’élaboration d’un diagnostic partagé et la coordination des actions conduites par chacun des acteurs

dans le cadre de ses compétences.

Proposition n°14 : assurer concrètement l’association des partenaires sociaux à

l’observation des mutations économiques, en vue de l’élaboration d’un diagnostic partagé

1 Depuis son premier numéro en juin 2001, un seul article de SPL Info, la lettre d’information de la DATAR, a été

consacré au dialogue social.

Page 45: Dialogue social et restructurations

44

par tous les acteurs

La circulaire du 28 janvier 2003 relative au dispositif MIME prévoit la participation

des partenaires sociaux aux observatoires régionaux des mutations économiques. Il convient

toutefois de préciser les modalités concrètes de cette association, en vue d’encourager leur

participation opérationnelle aux activités des groupes de travail de ces observatoires.

Leur participation permettrait en effet d’enrichir les travaux de l’observatoire, grâce

aux informations produites par leurs propres organes d’observation, les observatoires prospectifs des

métiers et des qualifications1.

Une circulaire pourrait instruire aux correspondants régionaux de la MIME de définir

avec les partenaires sociaux de la région les modalités de leur participation aux groupes de travail de

l’observatoire régional des mutations économiques.

Proposition n° 15 : assurer une bonne coordination des décisions prises en aval de ce

diagnostic partagé, notamment en matière de formation professionnelle

Les actions conduites par chacun des acteurs dans son champ de compétences

doivent s’inscrire dans une stratégie commune, définie sur la base d’un diagnostic partagé. Cette

coordination apparaît particulièrement importante en matière de formation professionnelle, étant

donné la multiplicité des intervenants et l’importance que revêt cette politique pour le traitement des

mutations économiques.

Le CCREFP, seul organe tripartite de la région, apparaît le mieux placé pour être le

lieu de cette coordination. Son fonctionnement devrait cependant être aménagé afin de permettre la

négociation en son sein de contrats d’objectifs, voire de contrats portant sur les actions à

entreprendre par chaque acteur. Le plan régional de développement des formations professionnelles

(PRDF), dont le projet de loi sur les responsabilités locales prévoit le renforcement, pourrait y être

contresigné par les partenaires sociaux.2

3.3 Favoriser le dialogue social sur l’anticipation et le suivi des restructurations

3.3.1 Développer un dialogue social opérationnel su r l’anticipation et l’évaluation des restructurations dans l’entreprise

3.3.1.1 Développer des outils de dialogue social sur la gestion anticipée des emplois

Proposition n° 16 : étendre la possibilité offerte au CE de se faire assister d’un expert lors

de la consultation annuelle relative à l’emploi et à la formation

1 L’ANI du 5 décembre 2003 encourage leur création auprès des commissions paritaires nationales de l’emploi de

chaque branche en vue d’ « accompagner les entreprises dans leur politique de formation et les salariés dans

l’élaboration de leur projets professionnels ». 2 Aujourd’hui, le CCREFP est simplement consulté à son sujet.

Page 46: Dialogue social et restructurations

45

La possibilité pour le comité d’entreprise de faire appel à un expert-comptable lors de

la consultation annuelle du comité d’entreprise, prévue par l’article L. 434-6 du Code du travail, se

limite actuellement à l’examen de la situation économique de l’employeur. Ce même article dispose,

certes, que « la mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique,

financier ou social nécessaires à l’intelligence des comptes et à l’appréciation de la situation de

l’entreprise », mais il n’étend pas sa compétence à l’examen des emplois et qualifications prévue à

l’article L. 432-1-1 du Code.

Dans le but de rendre pleinement effective la consultation du comité d’entreprise

pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, il apparaît souhaitable de lui accorder

des outils comparables à ceux dont il dispose déjà dans le cadre de l’examen annuel des comptes.

Afin de promouvoir une approche globale de la stratégie de l’entreprise, il serait souhaitable que la

mission sur les emplois et qualifications puisse être assurée par l’expert chargé de l’examen des

comptes. Cependant, ces compétences n’étant pas encore très développées chez les intervenants

traditionnels de l’expertise auprès des CE, il faudrait prévoir la possibilité de recourir à un autre

opérateur. Dans ce dernier cas, celui-ci devrait être agréé par l’administration du travail. Dans les

deux cas, la mission serait à la charge de l’employeur.

3.3.1.2 Développer un dialogue social opérationnel sur la mise en œuvre du plan de sauvegarde

de l'emploi et l’évaluation du reclassement des salariés

Proposition n° 17 : mettre en place une concertation avec les représentants des salariés sur

le choix du prestataire chargé du reclassement et son cahier des charges

Des pratiques d’entreprise ont développé la participation des représentants des

salariés au choix du prestataire chargé du reclassement des salariés. Une telle disposition figure par

exemple dans l’accord de méthode de l’entreprise Rhodia1.

De telles pratiques pourraient être encouragées par les lignes directrices sur les

restructurations socialement responsables (cf. infra).

A défaut d’accord de méthode, la procédure actuelle de consultation sur le choix du

prestataire serait renforcée. Le Code du travail préciserait ainsi que l’employeur devrait, lors de la

présentation de son projet au comité d’entreprise, motiver le choix du prestataire retenu pour la mise

en œuvre des mesures de reclassement au regard d’un cahier des charges.

Proposition n° 18 : imposer que les structures chargées du reclassement rendent compte

régulièrement de leur activité et de leurs résultats à des comités de suivi paritaires

Le Code du travail dispose que le plan de sauvegarde de l’emploi « doit déterminer

les modalités de son suivi » et que « ce suivi fait l’objet d’une consultation régulière et approfondie

du comité d’entreprise et des délégués du personnel » (article L. 321-4 du Code du travail). Il ne

prévoit cependant pas de contact direct entre la structure chargée du reclassement et les

1 Sous la forme d’un jury composé de représentants du personnel et de la direction.

Page 47: Dialogue social et restructurations

46

représentants du personnel. L’implication active des représentants des salariés dans le processus de

suivi des opérations de reclassement contribue pourtant à améliorer leur efficacité (cf. 2.2).

Le Code du travail pourrait donc confier le suivi du reclassement à un comité

composé à parité de représentants de la direction et du personnel. La structure chargée du

reclassement rendrait compte de son activité à ce comité, qui se réunirait en temps que de besoin. Le

comité pourrait adresser des orientations à la structure. La DDTEFP assisterait aux réunions du

comité de suivi et pourrait y formuler toutes propositions utiles en vue d’améliorer le reclassement

des salariés.

Proposition n° 19 : permettre le recours à l’expert dans le cadre du suivi de la mise en

œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi

L’attribution d’un rôle plus important des représentants des salariés dans le suivi et

l’évaluation des obligations de reclassement de l’entreprise suppose qu’ils disposent des

compétences adaptées à cette nouvelle mission.

Le comité de suivi paritaire pourrait donc bénéficier de l’éclairage donné par l’avis

d’un expert-comptable ou, comme ci-dessus (voir proposition 13), d’un expert de son choix en

matière de gestion des effectifs et des compétences. Celui-ci serait rémunéré par l’employeur dans la

limite de deux missions pendant toute la durée de mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi,

et au minimum pendant un an.

3.4 Redéfinir le rôle des pouvoirs publics dans un système favorisant l’autonomie contractuelle

Dans un système faisant désormais une plus large place à l’autonomie contractuelle,

le rôle des pouvoirs publics doit être redéfini. Il pourrait se structurer autour de deux axes : définir le

cadre juridique de l’autonomie contractuelle (3.4.1) et encourager les restructurations socialement

responsables, par le suivi, l’évaluation et la diffusion des bonnes pratiques (3.4.2).

3.4.1 Définir le cadre juridique de l’autonomie con tractuelle

3.4.1.1 Encourager le développement des accords de méthode

Proposition n° 20 : pérenniser le dispositif des accords de méthode

L’accord de méthode a été créé à titre provisoire (dix-huit mois) par la loi du 3

janvier 2003 et a permis tant la définition de procédures plus efficaces d’information-consultation

qu’une évolution très nette vers la contractualisation du dialogue social sur les restructurations des

entreprises.

La pérennisation de ce dispositif apparaît donc souhaitable. Elle pourrait

s’accompagner de l’extension de leur durée maximale à trois ans. Leur caractère majoritaire et la

consultation préalable du comité d’entreprise seraient maintenus.

Page 48: Dialogue social et restructurations

47

Proposition n° 21 : établir une obligation de négociation trisannuelle en vue de la conclusion

d’un accord de méthode dans les entreprises de plus de 250 salariés

Afin d’encourager à la signature d’accords de méthode ou à l’enrichissement des

accords existants, le Code du travail pourrait instaurer une obligation de négociation trisannuelle

portant sur les éléments suivants :

- les modalités de la consultation du comité d’entreprise sur la stratégie globale de l’entreprise

et ses effets sur l’emploi ;

- la définition et le suivi d’un dispositif de gestion anticipée des emplois ;

- les modalités d’information et de consultation en cas de restructuration ;

- l’articulation entre les différents niveaux de représentation des salariés dans le cadre des

procédures d’information et de consultation des livres III et IV du Code du travail.

La faculté de déroger aux dispositions des livres III et IV serait limitée aux deux

derniers points.

3.4.1.2 Définir une procédure supplétive plus efficace en l’absence d’accord de méthode

Proposition n° 22 : unifier la procédure d’information-consultation au titre du licenciement

économique

La complexité de la procédure actuelle tient largement à la nécessité d’accomplir des

procédures relevant de deux livres différents du Code du travail. En l’absence d’accord de méthode,

il convient d’y remédier par l’instauration d’une procédure unifiée, dans le respect de l’intention

initiale du législateur de 1975.

Cette procédure unifiée devrait prévoir des délais suffisants pour permettre

l’élaboration d’alternatives crédibles au projet de l’employeur. Ainsi, dans une contribution à la

négociation interprofessionnelle sur les restructurations, le cabinet Alpha1 a proposé la procédure

suivante, composée de cinq réunions :

- une première réunion de présentation du projet de restructuration, au cours de laquelle le CE

peut décider de se faire assister d’un expert-comptable ;

- une deuxième réunion d’examen des solutions alternatives élaborées par le CE ;

- une troisième réunion de bilan portant sur le projet de restructuration retenu par la direction ;

incluant la pertinence du motif économique et du contenu du projet, ainsi que les critères

fixant l’ordre des licenciements ;

- une quatrième réunion de présentation du projet de licenciement et des mesures du plan de

sauvegarde de l'emploi ;

- une cinquième réunion au cours de laquelle le CE donne son avis motivé au sujet du projet

de restructuration, du projet de licenciement et du plan de sauvegarde de l'emploi.

1 Gestion de l’emploi et restructurations, Groupe Alpha, mars 2004.

Page 49: Dialogue social et restructurations

48

L’unification des deux procédures induit une sécurisation des délais qui bénéficie à

l’employeur, mais qui fait perdre un moyen d’influence aux salariés (cf. 1.1.2.2). Elle devrait donc

être équilibrée par des incitations plus fortes à la recherche d’un accord. Ainsi, le dialogue sur le

volet économique devrait évoluer vers une véritable concertation. Celle-ci serait conclue par la

signature par les deux parties d’un document établissant leurs points d’accord et de désaccord et

précisant les motifs de leurs positions.

Proposition n° 23 : assurer une plus grande sécurisation juridique des plans de sauvegarde

de l’emploi

L’annulation du plan de sauvegarde de l'emploi emporte de lourdes conséquences

pour la direction, qui doit alors entièrement recommencer la procédure. C’est pourquoi le délai de

forclusion s’imposant aux recours en annulation formés devant le tribunal de grande instance contre

un plan de sauvegarde de l’emploi devrait être raccourci. Ce dispositif pourrait faire l’objet d’une

modulation selon que le plan de sauvegarde de l’emploi a fait ou non l’objet d’un accord, en vue

d’inciter à l’obtention d’un accord.

Proposition n° 24 : développer les mécanismes de médiation sur une base volontaire

Afin de remédier à la judiciarisation excessive du système de dialogue social français,

il apparaît souhaitable de favoriser le recours à la médiation, tant sur le contenu du projet de

restructuration que sur les mesures sociales d’accompagnement. Cependant, celle-ci ne pourra

disposer de chances réelles de succès que si elle s’effectue sur la base d’un accord des deux parties

sur le choix d’une personnalité reconnue par tous pour ses compétences et son impartialité.

Des médiateurs professionnels agréés par le Ministère des affaires sociales pourraient

donc être mis à disposition des entreprises confrontées à une restructuration.

3.4.2 Développer le rôle de suivi et d’évaluation d es pouvoirs publics, en vue de la diffusion des bonnes pratiques

3.4.2.1 Comparer les bonnes pratiques au niveau européen

Proposition n° 25 : mettre en place une « méthode ouverte de coordination » en vue de la

diffusion aux Etats de l’Union européenne d’orientations sur les restructurations

Les initiatives réussies et les bonnes pratiques au niveau européen gagneraient à être

confortées par une démarche politique les appuyant et visant à les promouvoir. Si l’harmonisation

des politiques et des pratiques nationales n’est pas envisageable du fait de la divergence forte des

cultures sociales, la méthode de coordination ouverte est un outil approprié pour faire converger les

politiques nationales. Utilisée avec succès dans le domaine de la politique de l’emploi, elle se fonde

en effet sur :

Page 50: Dialogue social et restructurations

49

- l’identification et la définition en commun d’objectifs à remplir, assortis d’instruments de

mesure et d’évaluation (statistiques, indicateurs) permettant de situer la progression des Etats

membres vers les objectifs fixés ;

- le développement d’outils de coopération comparatifs stimulant la diffusion de « bonnes

pratiques ».

Dans ce cadre global, les pouvoirs publics français, s’inspirant des bonnes pratiques

de autres pays européens, pourraient définir un système national de suivi et d’évaluation du dialogue

social sur les restructurations.

3.4.2.2 Améliorer le suivi et l’évaluation par les pouvoirs publics nationaux de la gestion des

restructurations

Proposition n° 26 : fiabiliser l’outil statistique national de collecte de données exhaustives

sur les licenciements économiques

L’obligation de notification des licenciements économiques à l’autorité

administrative connaît une faible effectivité au sein des plus petites d’entre elles, notamment en cas

de liquidation (voir annexe n°3). Aussi les données disponibles ne reposent-elles que sur les

inscriptions à l’ANPE des salariés licenciés, ce qui induit un biais statistique dans l’interprétation de

ces résultats et ne permet pas de disposer d’une ventilation géographique ou sectorielle des

licenciements économiques.

Aussi conviendrait-il d’améliorer la fiabilité de cet outil statistique. La connaissance

fine de l’évolution des restructurations d’entreprise constitue en effet une condition sine qua non de

l’évolution des dispositifs destinés à les anticiper ou en réduire les effets.

L’organisation d’une remontée périodique d’informations détenues par les tribunaux

de commerce vers les DDTEFP permettrait également d’améliorer la qualité des données recueillies.

A défaut cependant de pouvoir obtenir une information exhaustive, il serait

souhaitable de procéder à des enquêtes par sondage.

Proposition n° 27 : généraliser le suivi des résultats obtenus par les plans de sauvegarde de

l’emploi

Il serait souhaitable de développer des outils d’évaluation des dispositifs de

reclassement mis en place par les entreprises. Une connaissance précise de ces résultats n’est

actuellement disponible que pour les dispositifs financés par l’Etat dans le cadre des aides publiques

à l’emploi.

La DARES a récemment mis en place une enquête tendant à améliorer la

connaissance des résultats obtenus par l’ensemble des dispositifs de reclassement un an après le

licenciement. Mais le champ de celle-ci ne concerne que les licenciements portant sur un effectif

supérieur à cinquante salariés. Il serait souhaitable d’étendre cette enquête à l’ensemble des

Page 51: Dialogue social et restructurations

50

licenciements économiques ou, à défaut, à l’ensemble de ceux donnant obligatoirement lieu à

l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

Proposition n°28 : mettre en place un dispositif d’évaluation des accords de méthode

Le caractère expérimental des accords de méthode suppose que ceux-ci fassent

l’objet d’une évaluation générale. Celle-ci est destinée à recenser les bonnes pratiques qu’ils font

apparaître en vue de leur diffusion par l’intermédiaire d’instruments non contraignants, voire de leur

reprise par le législateur dans le cadre de la procédure supplétive.

Cette mission d'évaluation devrait être réalisée au niveau régional, niveau pertinent

pour l’étude et la prospective, et gagnerait à être élaborée de manière interministérielle et

interinstitutionnelle. C'est pourquoi elle pourrait être confiée aux observatoires régionaux des

mutations économiques, qui transmettraient les bonnes pratiques recensées à la MIME.

3.4.2.3 Définir et encourager les restructurations d’entreprise socialement responsables

Le concept de responsabilité sociale des entreprises (RSE) qui émerge en Europe

pourrait être étendu à la gestion des restructurations, pour favoriser le développement des

restructurations d’entreprise socialement responsables. En effet les caractéristiques de la RSE1

(engagement volontaire pour aller au-delà des obligations découlant des lois et conventions

applicables ; caractère durable et transparence de l’exécution de ces engagements ; volonté de

dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes) peuvent trouver une application privilégiée dans le

développement du dialogue social pour une gestion anticipée des restructurations.

Si les démarches socialement responsables doivent par définition être volontaires,

l’Etat a un rôle de régulation à jouer. Il peut tout d’abord contribuer à la transparence du système,

par exemple en imposant des règles sur l’information diffusée par les entreprises sur leurs pratiques

en matière de RSE. Ainsi, la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations

économiques impose aux entreprises cotées de fournir des informations sociales et

environnementales dans leurs rapports annuels.

Il peut également encourager la diffusion des bonnes pratiques en les évaluant et en

les faisant connaître.

Proposition n°29 : encourager les restructurations socialement responsables par

l’élaboration de lignes directrices et d’un guide des bonnes pratiques

Face au foisonnement d’engagements unilatéraux des entreprises en matière de

responsabilité sociale (codes de bonne conduite, chartes, etc.), à l’effectivité très inégale, une

intervention régulatrice de l’Etat paraît nécessaire. Elle pourrait passer par l’élaboration

d’instruments non contraignants définissant le contenu des restructurations socialement

responsables. Ces instruments fourniraient aux partenaires sociaux des standards de référence, et

1 Commission européenne, Livre vert sur la RSE, juin 2001 et Communication sur la RSE et le développement durable,

juillet 2002.

Page 52: Dialogue social et restructurations

51

favoriseraient la diffusion des bonnes pratiques. Pour ne pas rester figés, ils devraient cependant être

régulièrement adaptés à partir des pratiques de terrain.

A cet effet, des instruments non contraignants (lignes directrices et guide de bonnes

pratiques) pourraient être élaborés par la direction des relations du travail et la MIME à partir des

bonnes pratiques recueillies par cette dernière (cf. proposition n°25). Certaines de ces propositions

pourraient être reprises par le législateur dans le cadre de la procédure supplétive ou comme

principes impératifs.

Les lignes directrices devraient définir les critères d’une restructuration socialement

responsable. A titre d’exemple, les critères suivants pourraient être dégagés et précisés :

- une approche fondée sur l’anticipation et la prévision

- un dialogue social nourri et continu sur les volets économique et social de la restructuration

- un processus de suivi exigeant du reclassement (obligation de résultats) impliquant fortement

les représentants des salariés

- l’accompagnement par un dispositif de développement de l’employabilité (formation,

validation des acquis de l’expérience, gestion anticipée des emplois)

Ces lignes directrices pourraient être accompagnées d’un argumentaire destiné à

identifier les avantages économiques de la restructuration d’entreprise socialement responsable pour

inciter à son développement (attirer, retenir et motiver une main d’œuvre hautement qualifiée,

diminuer la résistance au changement, favoriser la réussite des fusions-acquisitions, améliorer

l’image de l’entreprise…).

Elles seraient complétées d’un guide des bonnes pratiques, recensant des actions

précises et les accompagnant d’une évaluation de leurs résultats.

Proposition n°30 : rétablir l’obligation d’étude d’impact social et territorial de tout projet

de restructuration

La loi de modernisation sociale avait instauré cette obligation pour toute cessation

totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome ayant pour

conséquence la suppression d'au moins cent emplois, prévoyant que les organes de direction et de

surveillance de la société statuent « sur présentation d'une étude d'impact social et territorial établie

par le chef d'entreprise et portant sur les conséquences directes et indirectes qui découlent de la

fermeture de l'établissement ou de l'entité économique autonome et sur les suppressions d'emplois

qui en résultent. ». Ces dispositions ont été suspendues par la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003.

Une telle obligation contribuerait pourtant à inclure dans les démarches de RSE les

critères d’une restructuration socialement responsable. Transmise aux organes de surveillance, mais

aussi aux représentants des salariés, l’étude d’impact permettrait d’encourager le dialogue social sur

les restructurations. Fournie aux DDTEFP, elle favoriserait l’évaluation par les pouvoirs publics et

la diffusion des bonnes pratiques. Elle pourrait enfin servir de diagnostic pour la définition des

actions de revitalisation dans le cadre de l’article 118.

Page 53: Dialogue social et restructurations

ANNEXES

Page 54: Dialogue social et restructurations

1

LISTE DES ANNEXES

1: SCHEMA RECAPITULATIF DE LA PROCEDURE D’INFORMATI ON-CONSULTATION SUR LES LICENCIEMENTS ECONOMIQUES 2: LEGISLATIONS SUCCESSIVES APPLICABLES A L’INFORMA TION-CONSULTATION DU COMITE D’ENTREPRISE SUR LES LICENCIEMENTS ECONOMIQUES 3: LES DONNEES STATISTIQUES RELATIVES AUX LICENCIEM ENTS ECONOMIQUES ET AUX PLANS DE SAUVEGARDE DE L’EMPLOI 4: LES CRITERES D’UNE RESTRUCTURATION SOCIALEMENT RESPONSABLE A LA LUMIERE DE DEUX CAS D’ENTREPRISE : DANONE ET ARCELOR

Page 55: Dialogue social et restructurations

2

ANNEXE 1: SCHEMA RECAPITULATIF DE LA PROCEDURE D’INFORMATION-

CONSULTATION SUR LES LICENCIEMENTS ECONOMIQUES

Le schéma suivant illustre, après la loi du 3 janvier 2003, le déroulement de la procédure

d’information-consultation sur les licenciements économiques de plus de dix salariés dans les

entreprises de plus de cinquante salariés munies d’un comité d’entreprise, en cas de

concomitance des livres III et IV et de recours à l’expert comptable.

Convocation de l’IRP sur le double volet économique et social de l’opération

avec information sur le projet de licenciement (critères fixant l’ordre des

licenciements compris) et sur un projet sérieux de PSE)

Envoi simultané à la DDTE de la convocation et des documents joints

3 jours calendaires minimum (obligatoire si CE : préconisé si DP)

Première réunion consultative du CE Décision éventuelle de recours à un expert-compatable

19 jours calendaires minimum

et 21 jours maximum

Remise du rapport de

l'expert

Le lendemain au plus tôt

Envoi des projets de licenciements à la DDTE + PV de la première réunion [LRAR]

et date de la deuxième réunion

Convocation du CE pour une deuxième réunion

Envoi simultané à la DDTE de la

convocation et des documents joints

3 jours calendaires minimum

Deuxième réunion consultative du CE

14 jours calendaires maximum si lic.< 100 ;

21 jours si lic. 100 et < 250 sal. ;

28 jours si lic. >250 sal.

Convocation du CE pour une troisième réunion

Envoi simultané à la DDTE de la convocation et

des documents joints

3 jours calendaires minimum

Troisième réunion consultative du CE

Fin du délai de proposition par la DDTE

d'amélioration du PSE

A l'issue de la réunion (le jour même ou le lendemain)

Demande de dossiers Pré-PARE aux ASSEDIC

Communication à la DDTE du PSE définitif et de la liste

des salariés dont le licenciement est envisagé

+ PV de la deuxième réunion Information sur le congé de reclassement et/ou le Pré-PARE

Envoi des lettres de notification de licenciement avec proposition du congé de reclassement et/ou du Pré-PARE

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Délai pour accepter le congé de reclassement ou le Pré-PARE

Pro

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Demande éventuelle du salarié de communication des critères retenus pour fixer l'ordre des

licenciements par LRAR (dans les 10 jours de son départ effectif)

10 jours calendaires maximum

Réponse de l'employeur par LRAR

Fin de préavis éventuellement reporté à la fin du congé de

reclassement

1 an Droit

à la priorité de réembauchage

Source : Jean-Emmanuel RAY, Droit du travail, droit vivant, Ed liasions, 2003.

Page 56: Dialogue social et restructurations

3

ANNEXE 2: LEGISLATIONS SUCCESSIVES APPLICABLES A L’INFORMATIO N-

CONSULTATION DU COMITE D’ENTREPRISE SUR LES LICENCIEMENTS ECONOMIQUES

1/ Les lois n°73-4 du 2 janvier 1973 et n°75-5 du 3 janvier 1975 instaurent pour la

première fois une procédure de consultation des représentants du personnel lors d'un

licenciement économique. Elles donnent en outre un nouveau rôle à l'Etat, en instituant une

autorisation administrative préalable à tout licenciement économique.

2/ Les lois n°86-797 du 3 juillet et n°86-1320 du 20 décembre 1986 (dite loi

« Séguin ») suppriment l'autorisation administrative de licenciement et limitent le rôle de

l’administration au contrôle du respect de la procédure. La procédure est encadrée dans des

délais très brefs : tenue de deux réunions distantes entre elles de 7 jours, 14 jours ou 21 jours

selon le nombre des licenciements projetés (moins de 100, de 100 à 250, plus de 250). Ces délais

ne permettent pas un recours effectif à l’expert.

3/ La loi « Soisson » n°89-549 du 2 août 1989, complétée par les lois des 29 juillet

1992, 27 janvier 1993 et 20 décembre 1993, met en place une procédure d’information-

consultation à deux volets : un volet économique et un volet social. Cette architecture ne variera

pas jusqu’à aujourd’hui. Cependant, jusqu’à la jurisprudence Siétam, la procédure est

entièrement conduite dans le cadre du livre III. Elle porte notamment sur la situation de

l’entreprise, la limitation du nombre de licenciements et le reclassement des salariés dont le

licenciement n’a pu être évité (L 321-4).

Le CE remet donc formellement deux avis dans le cadre de la procédure du livre III, un

sur le projet économique et l'autre sur le projet de plan social.

4/ La jurisprudence Siétam (Cass. Soc., 16 avril 1996) impose, en cas de licenciement

économique, de consulter le CE au titre de la procédure générale livre IV, en plus de la

procédure spécifique du livre III. Les deux procédures s’articulent de la manière suivante :

- la procédure du livre IV est nécessairement engagée avant la procédure du livre III ;

- la procédure du livre III ne peut se conclure avant celle du livre IV.

Les deux procédures peuvent être conduites concomitamment (Cass. Soc., 2 mars 1999),

à condition que les réunions distinguent bien les deux phases de la consultation (ordres du jour et

dossiers remis aux participants distincts).

La procédure du livre IV n'étant encadrée par aucun délai prédéfini, il en résulte un levier

d'action pour les représentants du personnel, qui peuvent faire peser une menace sur la date où la

procédure du livre IV pourra être achevée, et les licenciements prononcés.

5/ La loi n°2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002 entérine le principe de la

double procédure, mais impose de les tenir l’une après l’autre : la procédure LIII ne peut être

ouverte qu'à l'issue de la procédure du livre IV. Par ailleurs, un droit au recours à un expert est

institué pour la procédure du livre IV. En contrepartie, celle-ci se trouve inscrite dans un délai

maximum prédéfini (21 jours). Dans cette articulation, bien que les dispositions du livre III

n'aient guère été retouchées par cette loi, cette procédure se trouve de fait largement réduite aux

discussions sur le plan de sauvegarde de l’emploi, puisqu'une consultation sur le projet de

restructuration a déjà été effectuée dans le cadre du livre IV.

Page 57: Dialogue social et restructurations

4

6/ La loi n°2003-6 du 3 janvier 2003 (dite loi « Fillon ») suspend certaines des

dispositions de la LMS, en particulier pour ce qui concerne l'articulation des procédures, et

rétablit donc le schéma antérieur.

Un grand nombre d’accords de méthode ont cependant tiré parti de la faculté de

dérogation qu’elle a ouverte pour instituer une procédure unifiée, précisément encadrée dans un

calendrier et comportant généralement deux phases successives d’examen du projet économique

et des mesures d’accompagnement social.

Page 58: Dialogue social et restructurations

5

ANNEXE 3: LES DONNEES STATISTIQUES RELATIVES

AUX LICENCIEMENTS ECONOMIQUES ET AUX PLANS DE SAUVEGARDE DE L’EMPLOI

1. Le recueil de données sur les licenciements pour motif économique

Les entreprises ayant recours à des licenciements pour motif économique sont tenues aux

termes du Code du travail et quelle que soit leur taille, de procéder à une notification auprès de

l’administration du travail. Toutefois, les données obtenues par l’intermédiaire de cet outil sont

sujettes à un nombre important de non-déclarations, particulièrement chez les plus petites

entreprises faisant l’objet d’une liquidation1.

La DARES dispose de données exhaustives portant les inscriptions à l’ANPE suite à un

licenciement économique, mais cette quantité peut différer sensiblement de la précédente

(licenciement donnant lieu à reclassement sans passage par le chômage). C’est pourtant celle qui

fait l’objet d’une communication publique.

Cette administration a toutefois mis en place en 2003 un outil d’analyse du contenu des

plans de sauvegarde de l’emploi au moment de la clôture des procédures livre III, ainsi que de

suivi de ces plans douze mois plus tard. Il s’agit d’accéder au motif du plan, au nombre

d’emplois supprimés et aux dispositifs de reclassement externes et internes. Mais celui-ci ne

concerne à ce stade que les licenciements de plus de 50 salariés (donc un champ plus restreint

que l’ensemble des plans de sauvegarde de l’emploi) et, en tout état de cause, est mis en œuvre

depuis trop peu de temps pour fournir des données réellement exploitables.

Au plan international et notamment européen, il n’existe pas d’administration chargée

d’assurer une collecte exhaustive des données relatives aux restructurations d’entreprise, le cas

échéant au-delà d’un certain seuil. L’observatoire européen des mutations industrielles, basé à

Dublin, effectue un recensement des opérations annoncées par la presse, ce qui, à défaut de

données crédibles en valeur absolue, permet une appréciation tendancielle du phénomène.

2. Evolutions des licenciements et plans de sauvegarde de l’emploi

Contrairement à l’image que peuvent donner les annonces fortement médiatisées de

restructurations, le nombre d’inscriptions à l’ANPE pour motif de licenciement économique

présente une décrue sur les dix dernière années :

1 Entretien avec Jean-Pierre BARNET, Directeur départemental du travail des Hautes-Pyrénées.

Page 59: Dialogue social et restructurations

6

Toutefois, les licenciements pour motif non économique présentent, au cours de la même

période, un profil qui paraît opposé au précédent :

Il faut y voir la traduction de phénomènes de substitution entre les formes de

licenciements, qui illustrent le contournement de la procédure de licenciement pour motif

économique par un détournement de plus en plus fréquent de la procédure de licenciement pour

motif individuel. Le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi présente quant à lui un profil

étroitement relié au cycle macro-économique.

Inscriptions trimestrielles ANPE pour licenciements non économiques

(source: DARES)

60 000

80 000

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inscriptions trimestrielles ANPE pour licenciement économique

(source: DARES)

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Page 60: Dialogue social et restructurations

7

nombre de plans sociaux par trim

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oct-01

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oct-02

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oct-03

Page 61: Dialogue social et restructurations

8

ANNEXE N° 4 : LES CRITERES D’UNE RESTRUCTURATION SOCIALEMENT

RESPONSABLE A LA LUMIERE DE DEUX CAS D’ENTREPRISE : DANONE ET ARCELOR

Nous avons choisi d’alimenter nos analyses sur les relations entre dialogue social et

restructurations par six études de cas pratiques portant sur des exemples récents de

restructurations.

Les entreprises étudiées ont été choisies en fonction de l’ampleur et de l’impact des

restructurations qu’elles ont connues ou connaissent, mais aussi en fonction de leur caractère

européen ou international, de leur taille (firme multinationale ou PME) ou de leur statut (public

ou privé). Ainsi ont fait l’objet d’une analyse approfondie et de rencontres sur le terrain Danone

(branche « biscuits ») Arcelor, Giat-Industries, Air-France, Altadis et Milupa (fililale finlandais

Lumico).

Les conditions de réussite d’une restructuration socialement responsable dépendent d’un

grand nombre de paramètres qui tiennent à l’activité de l’entreprise, son histoire ou l’image

qu’elle entend développer. Toutefois, les cas que nous avons étudiés nous conduisent à identifier,

dans deux d’entre eux, la présence de facteurs de réussite qu’il nous semble possible de

transposer, en les adaptant, à d’autres firmes.

I) Une volonté de la direction et des moyens importants permettent à l’entreprise de mener des actions sociales et territoriales ambitieuses

1) Une longue expérience des restructurations et une tradition forte d’implication

dans le dialogue social dans un secteur où l’anticipation est favorisée par un

cycle technologique long : groupe Arcelor (Usinor, Arbed, Aceralia)

Alors que par le passé les réductions d’effectif ont souvent provoqué des réactions

violentes car elles n’étaient pas anticipées, depuis quelques années, Arcelor a décidé de

communiquer largement sur le sujet. Dans le cas du site de l’Ardoise dont la fermeture a été

décidée par le groupe, le dialogue social a, par exemple, été engagé 15 mois avant la fermeture

du site. Cette anticipation des restructurations est rendue possible par un cycle

technologique long : un haut-fourneau ou un train de laminage est un investissement lourd dont

la durée de vie est connue à l’avance. Le marché de l’acier, s’il connaît des fluctuations, est

relativement prévisible. Il est donc possible, dans ce secteur, d’avoir une stratégie économique

qui anticipe à moyen terme (5 à 10 ans) les adaptations nécessaires de l’outil de production. La

direction générale d’Arcelor a ainsi déjà diagnostiqué que ses sites de production espagnols ne

seront plus compétitifs à partir de 2006-2007 si rien n’est fait, alors même qu’ils sont

actuellement rentables.

Au surplus, Arcelor est, de l’avis de l’ensemble des interlocuteurs que nous avons

rencontrés (à l’intérieur et à l’extérieur du groupe), une entreprise socialement responsable dans

le sens où elle gère ses restructurations en accordant une attention toute particulière à la

reconversion de ses salariés et à la revitalisation économique des territoires. Il s’agit

également d’un groupe puissant qui emploie plus de 100.000 salariés et réalise un chiffre

d’affaire de plus de 26 milliards d’euros. Il se situe au premier rang mondial pour la production

d’acier. Le groupe a donc l’assise financière qui lui permet d’aborder de manière

ambitieuse une restructuration. Dans le cas de la restructuration de l’Ardoise, les informations

qui nous ont été communiquées par la direction montrent que l’entreprise a accepté de payer un

Page 62: Dialogue social et restructurations

9

coût élevé (autour de 60.000 € par salariés) pour mener à bien le reclassement des salariés et la

réhabilitation du site. Selon la direction, c’est le prix à payer pour démontrer le caractère

socialement responsable de l’entreprise et il reste, dans tous les cas, inférieur au coût d’une grève

dure.

2) un accompagnement social exemplaire et un investissement réel dans la

réindustrialisation des sites témoignant de la volonté constante du groupe de

montrer que son comportement réel n’est pas différente de son image : Danone

(branche biscuits)

Il faut rappeler tout d’abord que le plan de restructuration annoncé en mars 2001 par

Danone s‘est traduit par la suppression de 2597 emplois en Europe, dont 800 en France (Lu),

dans les usines fermées ou diminuant de capacité, et la création de 817 emplois dans les sites

augmentant de capacité. Le plan de sauvegarde de l’emploi de LU, qui a fait l’objet d’un accord

avec la CFDT, FO et la CFTC-CGC mais pas avec l’organisation majoritaire (CGT), prévoit :

- des mesures d’âge : 168 salariés

- des mesures de reclassement interne : proposées de manière prioritaire dans les six

premiers mois du PSE. On peut retenir aujourd’hui qu’environ 28% des salariés (160) ont

choisi cette forme de reclassement, ce qui est considéré comme un succès (généralement, le

taux est de 21-22%). Il faut noter que des mesures d’accompagnement substantielles

(prime à la mobilité : de 70 000 à 80 000 €, découverte du poste, droit au renoncement, prise

en charge du déménagement, aide à la recherche d’un logement et d’un emploi pour le

conjoint…) étaient prévues et que la garantie d’une absence de licenciement sauf faute grave

est donnée pendant cinq ans.

- des mesures de reclassement externe : mises en place via des Relais emploi mobilité

(REM) financés par le groupe. Ces REM sont de véritables cellules de reclassement,

opérant en partenariat avec l’ANPE mais avec un suivi individualisé un bilan de compétences

individualisées, recherchant les offres d’emploi, agissant comme prescripteur de formations

nécessaires (financées par le groupe) et continuant à suivre le salarié dans son nouveau

parcours professionnel jusqu’à la fin du PSE. En avril 2004, 197 salariés étaient reclassés et

56 en formation qualifiante.

Ce PSE peut être qualifié d’ambitieux au regard de son bilan positif (72% des salariés

sont reclassés ou bénéficient d’une mesure d’âge) même si inférieur à celui des autres sites de la

branche biscuits en Europe (96% de salariés reclassés).

Qualitativement, ce PSE se caractérise par la durée exceptionnelle de sa mise en œuvre,

ce qui a permis d’augmenter notablement les solutions de reclassement, tout en laissant le temps

de la digestion psychologique du traumatisme causé pour les salariés par la fermeture de l’usine

dans laquelle ils avaient travaillé près de 30 ans. Il ne faut pas omettre en effet que ces salariés

sont en majorité des ouvriers, caractérisés par une entrée précoce dans la vie active et une

employabilité réduite du fait de la spécialisation et parcellisation des tâches.

Par ailleurs, on note un investissement réel dans la réindustrialisation des sites,

comme en témoignent les actions entreprises à Calais (ouverture en septembre 2003 d’un centre

d’appel employant 400 personnes sur le site de l’ancienne usine) et à Château-thierry (démarrage

fin 2003 de la production d’une usine de biscuits régionaux, créant 60 emplois). Pour ce faire,

3500 entreprises ont été contactées en Europe et la mise en œuvre des projets s’est faite avec

l’accompagnement financier et technique du groupe.

Ce facteur de réussite doit cependant être apprécié au regard de l’impact toujours limité

de la réindustrialisation sur la restructuration elle-même, du fait d’une temporalité et des

Page 63: Dialogue social et restructurations

10

exigences de qualification différentes (il faut beaucoup de temps pour réindustrialiser et les

qualifications demandées font appel à al polyvalence : les emplois créés ne sont donc pas offerts

à ceux qui le perdent). Par ailleurs, la stabilité de la réindustrialisation peut être toute relative (cf.

Daewoo). Ces limites expliquent certainement pour une part la forte réticence des représentants

des salariés à s’impliquer dans ce processus.

.

II) un dialogue social européen élargi et abondant : le cas Danone

Aux titres des principes généraux, le groupe Danone s’est toujours prononcé pour une

représentation forte des salariés au travers de structures collectives (« double projet économique

et social ») et pour leur affirmation via le canal des organisations syndicales.

1) Un CIC (Comité d’information et de consultation), CEE avant la lettre, né de la

volonté commune de la direction et de l’UITA

Dans les années 84-85, des contacts ont été noués entre l’Union internationale des

travailleurs de l’alimentation (UITA), avec le soutien de la FGA-CGT, et Antoine Riboud, afin

de mettre sur pied des rencontres annuelles entre la direction et les représentants des syndicats

des filiales Danone des pays de l’Europe géographique. Ces rencontres, dont l’organisation

pratique était assurée par l’UITA et le financement par le groupe Danone, se tenaient à Genève et

rassemblaient environ trente syndicalistes d’organisations affiliées à l’UITA. Elles permettaient

un échange d’informations sur les questions d’actualité et les préoccupations des syndicalistes.

L’un des objectifs clairement affirmé était de renforcer, ce faisant, l’esprit et la « culture »

Danone dans des filiales provenant d’autres groupes et porteuses de cultures différentes. Cet

aspect prendra d’autant plus de poids que le développement du groupe s’est fait et se fera pour

l’essentiel par rachats et fusions.

Le CIC s’est transformé en 1996 en application de la directive sur les comités

d’entreprise européen. Ceci s’est traduit d’abord par la négociation et la signature d’un accord

formel sur la constitution du CIC (mars 1996), alors qu’il n’existait jusque là que par la volonté

des deux parties et sur la base d’un simple échange de courrier entre l’UITA et Danone, par la

participation aux réunions de représentants de syndicats non affiliés à l’UITA (essentiellement la

CFTC, la CFE-CGC et la CGT française, Agrocomplex en Russie) et, à titre d’observateurs, des

secrétaires régionaux de l’UITA pour représenter les salariés/es des activités hors-Europe.

2) Depuis 1996, une structuration du DS européen à deux niveaux mais dont le rôle

est limité à l’information -consultation et dont les moyens pourraient être plus

importants

Le CIC est composé aujourd’hui d’environ 50 personnes (30 salariés et 20 permanents

non salariés du groupe). Chaque délégation est constituée d’au moins un permanent syndical et

un syndicaliste salarié du groupe ou davantage en fonction de l’importance des activités de

Danone dans le pays considéré. Il se réunit une fois par an pendant une journée complète avec la

direction générale. Le CIC est présidé conjointement par le directeur général des ressources

humaines et par le coordonnateur international, à savoir un secrétaire syndical de l’organisation

française Fédération générale agro-alimentaire CFDT (FGA-CFDT). Le secrétariat de l’UITA est

représenté par le coordonnateur UITA et par le secrétaire général de l’organisation. L’ordre du

jour est fixé en consultation entre l’UITA et le groupe Danone. Il est en général constitué par une

présentation de la marche du groupe et des perspectives, habituellement assurée par le président

du groupe (Antoine, puis Franck Riboud) et une session de questions/réponses au Président sur

les préoccupations des syndicalistes. Une autre partie de la réunion est consacrée à une

Page 64: Dialogue social et restructurations

11

discussion plus en détail d’une ou plusieurs questions d’intérêt commun (récemment, la

restructuration des biscuits en Europe, bien sûr, mais aussi la mise en place d’un nouveau

système d’information et de communication Themis, la position de Danone en matière de qualité

et de sécurité alimentaire, la sous-traitance, etc.).Cette journée est précédée d’une demi-journée

de préparation hors de présence de la direction, et suivie d’une demi-journée d’évaluation et de

préparation des suites à donner également sans la présence de la direction.

Le Comité restreint, qui se réunit pour préparer les réunions du CIC et à chaque fois

qu’une décision a des répercussions en matière d’activité, est composé quant à lui de permanents

syndicaux non salariés.

Des accords (ou ”avis communs”) ont été conclus entre le groupe et l’UITA mais en

dehors du CIC: la direction du groupe et le secrétariat de l’UITA sont convenus dès 1989 de la

nécessité de tracer des lignes directrices sur certaines questions. Ces lignes directrices sont

formalisées dans des accords négociés par un petit groupe de pilotage qui comprend, du côté

UITA, quatre ou cinq syndicalistes et des représentants de la direction du groupe. Le CIC n’est

en aucune manière impliqué dans la négociation et la conclusion d’accords. L’UITA

considère en effet que les comités européens ou structures similaires ne doivent pas devenir des

structures de négociation. La négociation doit rester, au niveau international comme au niveau

national, de la responsabilité des organisations syndicales.

Ainsi ont vu le jour : accord sur la nature et la fréquence des informations à délivrer aux

représentants syndicaux et élus du personnel par leur direction (septembre 1989) ; plate-forme

d’action en faveur de l’égalité professionnelle hommes/femmes (septembre 1989) ; plate-forme

formation qualifiante (1992) ; déclaration commune sur le droit syndical (mai 1994) ; avis

commun en cas de modification d’activité affectant l’emploi ou les conditions de travail (mai

1997) ; avis commun sur les normes sociales applicables à l’ensemble des entreprises concernées

par le projet de réorganisation du pôle biscuits en Europe (octobre 2001). Pour l’essentiel, ces

accords sont fondés sur l’application des conventions pertinentes de l’Organisation mondiale du

travail (OIT). L’actualité est à la négociation de critères sociaux que fournirait la direction

générale au CIC chaque année. Ils porteraient entre autres sur l’emploi (nombre, nature des

contrats) et les conditions de travail (durée du travail, taux d’absentéisme, taux d’AT et gravité,

etc.).

Les accords « Avis commun sur l’emploi » (1997) et « avis commun restructuration

biscuits » (2001) sont particulièrement intéressants s’agissant de leur portée sur les

restructurations :

L’avis commun de 1997 provient de la perception de l’inquiétude des salariés confrontés

à des restructurations qui surviennent brusquement et sont effectuées en dehors de toute règle et

de toute considération du sort des salariés/es. L’objectif était donc de garantir à l’ensemble des

salariés/es du groupe l’application de mesures minimales qui devaient permettre que l’avenir des

personnes touchées soit garanti d’une manière ou d’une autre (délai de prévenance, formation

qualifiante, maintien de l’emploi chez Danone, aide à la recherche d’emploi hors-Danone,

mesures d’âge, aide à la recherche d’activités de substitution sur le site, etc.).

En 2001, cet accord a été décliné pour répondre aux attentes des salariés/es touchés/es par

la restructuration des activités biscuits en Europe. Le résultat de l’application de ce nouvel avis

commun se traduit par un taux de solutions trouvées aux salariés/es concernés/es de (chiffres

décembre 2003): 100% en Belgique ; 100% aux Pays-Bas ; 94% en Italie ; 92% en Hongrie ;

85% en Irlande ; 68% en France ; 66% au Royaume-Uni.

Les accords UITA/Danone ont pour objectif d’être appliqués dans les sociétés du

groupe mais leur caractère non contraignant et leur champ d’application incertain en

limitent l’efficacité.

Page 65: Dialogue social et restructurations

12

Il est en effet difficile de faire le bilan précis de l’application car la reprise de ces accords

au niveau national et local dépend beaucoup de l’implication des équipes syndicales sur le

terrain. Des exemples nombreux montrent que ces accords ont servi concrètement à améliorer les

situations existantes, par exemple par rapport à la communication d’informations aux

syndicalistes dans les filiales d’Europe centrale et orientale, ou, en France (St Méloir des Ondes),

à la consultation des syndicalistes en cas de fermeture d’un établissement.

Il est toutefois clair que les accords UITA/Danone souffrent de ce qu’ils ont été conçus

davantage comme des lignes directrices que comme des engagements contraignants. Il leur

manque un dispositif de contrôle de leur application et de correction des situations non

conformes. Par ailleurs, la direction générale et l’UITA ont une vision différente de la portée des

accords. La direction affirme que ces accords ont vocation à application pleine et entière dans les

pays de l’OCDE mais sont difficiles, voire impossibles à appliquer dans les pays émergents.

L’UITA renvoie à un certain nombre de déclarations et d’écrits qui précisent bien le caractère

général des accords.

Plus généralement, c'est la problématique de l'encadrement juridique des accords

d'entreprise internationaux qui est un peu flou. Sans être de véritables accords au sens strict du

terme, ils emportent quand même des effets juridiques. La portée juridique de la saisine d'un

tribunal international (CJCE par ex) pour non application de certaines de ses dispositions ne

serait sans doute pas nulle.

3) Un DS mondial en devenir

L’UITA est tout à fait favorable à la mise en place d’un comité mondial qui couvre

l’ensemble des activités du groupe Danone, avec représentation des salariés non européens. Le

groupe refuse cette représentation de même qu’il a récemment réitéré son opposition à la mise en

place de comités similaires au CIC dans d’autres régions du monde, arguant du fait qu’il

n’existait pas dans les autres régions la même cohérence et le même cadre juridique qu’en

Europe. Mettre en place un comité mondial supposerait qu’il y ait une culture du dialogue

sociale préexistante et des interlocuteurs dans les pays concernés par cet élargissement éventuel

du CIC, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Il faut néanmoins souligner que les échanges lors de la réunion du CIC (présentation du

président, questions des syndicalistes et réponses de la direction générale), ne se limitent jamais

à la seule Europe géographique mais se réfèrent à l’ensemble du groupe.

III) L’importance de la coordination syndicale : l’exemple de la Fédération européenne de la métallurgie

La FEM joue un rôle clé dans le développement du dialogue social au sein du groupe

Arcelor, notamment sur le thème des restructurations. Elle effectue en particulier un rôle très

important de coordination syndicale à trois niveaux : entre les membres du groupe salarial du

CEE, entre le CEE et les trois représentants des salariés au sein du Conseil d’administration, et

entre le CEE et les syndicats nationaux.

Elle dispose pour cela de différents outils. Tout d’abord, elle est présente au sein du CEE

et à son comité restreint par l’intermédiaire d’un invité permanent. Elle anime, ensuite, un

« Groupe de dialogue social » qui comprend un représentant de chaque syndicat présent chez

Arcelor, le coordinateur de la FEM, le Président du CEE, son Secrétaire, et qui a pour tâche de

développer le dialogue social au sein du groupe. Il s’agit d’un projet pilote que la FEM

souhaiterait voir se généraliser à l’ensemble des CEE. Elle participe encore à un « groupe

restreint », qui se réunit deux fois par an avec les trois représentants des salariés qui siègent au

conseil d’administration du groupe, pour préparer ses réunions. Elle anime encore une rencontre

annuelle de tous les niveaux de représentation des salariés au sein d’Arcelor (organisations

Page 66: Dialogue social et restructurations

13

syndicales nationales, FEM, membres du CEE et du CA) dont l’objet est de définir une stratégie

globale des représentants des salariés. La FEM peut, enfin, être invitée à certaines discussions

entre les syndicats d’un pays et la direction ; ce fut le cas pour la négociation avec IG-Metall sur

le sort des salariés allemands, en juillet 2003.

Selon le DRH d’Arcelor, le rôle de la FEM est très positif, car elle fait bénéficier le CEE

de son expérience internationale, et joue, en définitive, un rôle de médiateur entre le groupe

salarial et la direction. C’est ce qui lui permet ensuite d’essayer de diffuser cette attitude

pragmatique et coopérative auprès des organisations syndicales présentes au CEE. Toujours

selon le DRH, des syndicats « idéologiques » se sont ainsi ralliés à des déclarations

particulièrement modérées pilotées par la FEM, notamment sur la nécessité pour la métallurgie

de se restructurer.

IV) Le développement de l’employabilité

1) Limiter les mesures d’âge : la sortie des CGPS chez Usinor est exemplaire de la

difficulté pour une entreprise de sortir des mesures d’âge et de la révolution

induite dans le dialogue social

Les conséquences sociales des restructurations ont été à l’origine traitées au moyen des

conventions générales de protection sociale (CGPS) qui offraient aux salariés la possibilité de

partir dès 55 ou 50 ans. Ce système très coûteux, mais qui assurait la paix sociale et était en

conséquence tout à fait consensuel, a été remis en cause à la fin des années 1980, l’entreprise

comme l’Etat n’ayant plus les moyens de le financer, et parce qu’il devenait également

nécessaire de licencier des salariés de moins de 50 ans – d’où l’émergence de la notion de

reclassement.

Un outil propre a alors été développé par Usinor et Sacilor, sous la houlette du Premier

Ministre Pierre Mauroy, pour traiter le coût social et territorial des restructurations : les sociétés

de conversion appelées SODIE (5 sociétés à l’époque, réparties sur le territoire national). Elles

avaient pour objectif de recréer de l’emploi sur les territoires touchés par les restructurations. A

leurs débuts, elles ont cependant été peu efficaces, du fait d’un manque de professionnalisme qui

a conduit à mal sélectionner les entreprises à soutenir (effets d’aubaine). C’est ce qui explique le

grand scepticisme des organisations syndicales sur le dispositif. A partir de 1986, un effort

conséquent de professionnalisation a donc été mis en œuvre, qui a conduit à la mise en place de

dispositifs originaux combinant les actions de revitalisation industrielle et les activités de

reclassement des salariés.

Le hasard de la conjoncture économique a voulu que le cahier des charges de ces

« nouvelles » SODIE ait été négocié avec les organisations syndicales pendant une période de

croissance (signature de l’accord emploi en 1989). Des obligations très fortes ont donc été

données aux SODIE, d’autant plus que le système des départs anticipés avait habitué les salariés

à ce que l’entreprise ne licencie jamais lors des restructurations. La crise survenue au début des

années 1990 a conduit l’entreprise à appliquer ces dispositifs dans une période économique

difficile, et à anticiper une vague de restructurations qui n’avait été planifiée qu’à partir de 1995

(ce qui aurait permis de faire partir plus de salariés en préretraite à 55 ans !). Les obligations très

fortes que l’entreprise s’était donc imposée en méconnaissance de cause ont ensuite été saluées

et reprises comme modèle par les pouvoirs publics (notamment par la loi de modernisation

sociale : article 118, congé de reclassement, outils et méthodes d’accompagnement) et par les

autres entreprises : SODIE est depuis 1995 une société indépendante d’Arcelor qui offre ses

services à différents donneurs d’ordre. Ses concurrents ont également reproduit une des

spécificités initiales de SODIE, la combinaison de deux missions (reclassement et revitalisation

du territoire).

Page 67: Dialogue social et restructurations

14

Il faut souligner que paradoxalement, ces dispositifs considérés aujourd’hui comme des

modèles n’ont pas toujours fonctionné de manière satisfaisante chez Usinor-Sacilor. En effet, du

fait de la mauvaise conjoncture économique, les offres de reclassement étaient parois

insuffisantes. De plus, l’idée même de reclassement était souvent étrangère à la culture des

partenaires sociaux (syndicats et employeurs) qui avaient toujours été habitué à garder tous les

salariés dans l’entreprise. Mais ces difficultés ont été à l’origine de nouvelles

innovations (utilisation du temps partiel, passage à une logique compétences avec la signature de

l’accord A Cap 2000).

2) Des pratiques de formation et de validation des acquis intéressantes chez Danone

Afin de développer les compétences des salariés, il a été mis en place, chez Lu-Evry, un

Certificat de Formation Générale, pour leur permettre d’acquérir les compétences nécessaires à

l’obtention d’un CAP, en partenariat avec l’éducation nationale, et dans le cadre de la branche

Alliance7. Cela correspondait bien aux besoins de formation dans un bassin d’emploi marqué par

les difficultés sociales (surendettement, drogue…) dont les salariés, malgré leurs salaires

supérieurs à la moyenne, n’étaient pas exempts. Certains syndicats ont dans les années 90

appeler au boycott de ces formations et le message du groupe n’a pas été de son côté

suffisamment relayé pour être compris par les salariés.

Par ailleurs, la validation des acquis de l’expérience a démontré son efficacité dans le

cadre de la restructuration : 65% des 180 salariés qui en ont bénéficié se sont reclassés

facilement.

Page 68: Dialogue social et restructurations

15

LISTE DES PERSONNES RENCONTREES

Cas pratiques

ARCELOR

- M. PIERQUIN, Directeur des Ressources Humaines du groupe

- Mme ROOS, Adjointe au Directeur des Ressources Humaines du groupe

- M. BOYER, Assistant du Président Directeur Général du groupe et Secrétaire de la

Direction Générale

- M. LAPLANCHE (CGT), Secrétaire du comité d’entreprise européen

- M. FERNANDEZ, Fédération Européenne de la Métallurgie

- M. TOLLET, coordonnateur droit social Europe du groupe

- M. GEORGES-FRANÇOIS, ancien DGAS d’Usinor

- Mme CENTLIVRE-PETIT, spécialiste de la GPEC, membre de la DRH de l’usine de

Fos-sur-Fos

- M. LAPEYRE, ancien administrateur salarié d’Arcelor

- Site de l’Ardoise :

� M. ERBEL, Directeur des Ressources Humaines d’Ugine et ALZ, ancien Directeur des

Ressources Humaines de l’unité opérationnelle Inox Plats

� M. RUAT, membre de la section CFDT

- M. HURET, ancien DG de la Sodie, conseiller technique du Ministre de l’Emploi, du

Travail et de la Cohésion sociale

- M. DEGUILLAUME, président de Hommes et entreprises,

- M.PERIES, ancien président de SODIE

DANONE

- M. BLANC, chargé de la restructuration de la branche biscuit

- M.PLOUVIN, directeur des relations sociales

- M. MANGIN, responsable du Relais Emploi Mobilité sur le site LU (Evry)

- M. DALBAN-MOREYNAS, coordonnateur de l’Union Internationale des Travailleurs

de l’Alimentation (UITA)

MILUPA

� M. GUILLOT, DG de l’entreprise Milupa.

� Mme HERZOG, directrice adjointe.

� M. BREQUEVILLE, secrétaire du CE de Milupa Colmar.

� M. CASTILLE, consultant du cabinet BPI.

ALTADIS

Page 69: Dialogue social et restructurations

16

- Mme OCKRENT, directrice de la communication

- M. FILIPPI, directeur des relations sociales

- M. ROUX secrétaire du comité central d’entreprise

GIAT

- M. GOLLIARD , délégué central CFDT

- M. BILAUD, Préfet des Hautes-Pyrénées

- M. FLEURY, directeur du centre GIAT de Tarbes

- M. DENIS, chargé du reclassement auprès du centre GIAT de Tarbes

AIR FRANCE

- M. PICHOT, Secrétaire général

- M. CABRERA, secrétaire général CFDT Air France et secrétaire du comité de groupe

européen d’AF

- M. ROCAMORA (CGT), secrétaire du Comité central d’entreprise d’Air France

- Mme. PAIRAULT-MEYZER, Directrice Relations du travail

- M. PLISSONNIER, DRH Hub Roissy

- M.POSTIC, DRH Air France Industrie

Union Européenne

Commission européenne :

- M. THERY, directeur de cabinet du Commissaire européen chargé du commerce, Pascal

LAMY

- M. VASQUEZ, Directeur Général adjoint de la DG Emploi

- M. RAKOVSKI, Directeur unité concentration à la DG Concurrence

- M. ZIEGLER

Syndicats

- Mme ANDRE, secrétaire générale adjointe de la CES

Etats membres :

- Belgique : Etienne DELATTRE, ministère de l’emploi belge, DG relations individuelles

du travail.

Ministères et services déconcentrés

MINISTERE DE L’EMPLOI, DU TRAVAIL ET DE LA COHESION SOCIALE

- DGEFP � Mme LEGRAND, chef de bureau FNE

Page 70: Dialogue social et restructurations

17

� M. DUPUIS, chef de bureau des interventions sectorielles

- DRT � M. COMBREXELLE, directeur des relations sociales

- DARES � David ANGLARET, Sous-direction travail, emploi et relations professionnelles

MINISTERE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE

- INSEE

M. BRION, chargé de la synthèse des statistiques d’entreprises

DATAR

- Mme THERY, responsable des restructurations économiques

MIME

- M. AUBERT, chef de la Mission interministérielle sur les mutations économiques

(MIME)

SERVICES DECONCENTRES

- M. BANDELIER, DDTEFP adjoint du Haut Rhin

- Mme BASCOUL, chef du bureau action économique et emploi, préfecture du Haut Rhin

- Mme DELOTS, correspondante de la MIME en Alsace.

Collectivités territoriales

� M. CHICAN, chargé de mission mutations économiques au Conseil Régional d’Alsace

Syndicats

- M. HUC, Force Ouvrière, Secrétaire Général de la Fédération de la Métallurgie

- M. PELLAT-FINET, vice-président délégué, et M. VEYSSET, vice-président chargé des

affaires sociales, CGPME

- M. Pierre KHALFA, secrétaire général de SUD

Juges

- M. CHAGNY, conseiller à la chambre sociale de la Cour de cassation

- M. GARCIN, vice-président, TGI de Nanterre.

- Mme TAILLANDIER, TGI de Nanterre.

- M. de CHARRETTE, Président de la chambre sociale de la Cour d’Appel de Bordeaux

- M. WACQUET, ancien président de la Chambre sociale à la Cour de cassation

Page 71: Dialogue social et restructurations

18

Avocats

- M. BELIER

- M. HENRY

- M. LYON-CAEN, avocat au Conseil d’Etat

Universitaires, chercheurs

- M. TRIOMPHE, délégué général de l’Université Européenne du Travail

- M. CAPRON, Professeur à l’université Paris VIII

Cabinets

- M. PELLAS, cabinet SYNDEX

- M. BRUGEMANN, cabinet SYNDEX

- M. PAUCARD, cabinet SYNDEX

- M. GADAUD, Cabinet de conseil en négociation « Résolution »

- Mme KEISERGRUBER, Cabinet Bernard BRUNHES Consultants

- M. Alain SCHWEITZER, Directeur de la conduite du changement et des restructurations,

Cabinet SECAFI ALPHA

Page 72: Dialogue social et restructurations

19

LISTE DES ABREVIATIONS

ANPE Agence nationale pour l'emploi

CAE Conseil d'analyse économique

CBE Comités de bassins d’emploi

CCE Comité central d’entreprise

CCI Chambre de commerce et d'industrie

CCREFP Comités de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle

CE Comité d'entreprise

CEE Comité d'entreprises européennes

CEPME Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises

CES Conseil économique et social

CESR Conseil économique et social régional

CFDT Confédération française démocratique du travail

CGT Confédération Générale du Travail

CIADT Comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire

CODEFI Comité départemental pour l’examen des problèmes de financement des

entreprises

COPIRE Commissions paritaires interprofessionnelles régionales de l'emploi COREF Comités régionaux de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de

l'emploi

CORRI Comité régional de restructuration industrielle

CPNE Commission Paritaire Nationale pour l'emploi

DARES Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques

DATAR Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale

DDCRF Direction départementale de la concurrence et de la répression des fraudes

DGB Deutscher Gewerkschaftsbund (principale organisation syndicale centrale en

Allemagne)

DGEFP Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle

DRASS Direction régionale des affaires sanitaires et sociales

DRCCRF Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression

des Fraudes

DRIRE Direction Régionale de l'Industrie de la Recherche et de l'Environnement

DRT Direction des relations du Travail

DRTEFP Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle

EEE Espace Economique Européen

FEM Fédération Européenne de la Métallurgie

FNADT Fonds national d'aménagement et de développement du territoire

INSEE Institut national de statistique et d'études Economiques

IRES Institut de Recherches Economiques et Sociales

LOLF Loi organique relative aux lois des finances

MIME Mission interministérielle sur les mutations économiques

OCDE Organisation de coopération et de développement économique

OPA Offre publique d’achat

OPE Offre publique d’échange

PME Petite et moyenne entreprise

PSE Plan de sauvegarde de l’emploi

TGI Tribunal de grande instance

TPE Très petite entreprise

TPG Trésorier Payeur Général

UNICE Union des Confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe

URSAFF Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations

Familiales

Page 73: Dialogue social et restructurations

20

BIBLIOGRAPHIE

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DOCUMENTS NATIONAUX

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o Commission européenne, Rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'état

d'application de la directive concernant l'institution d'un comité d'entreprise

européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire

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DATAR

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www.force-ouvriere.fr/

Mouvement des entreprises de France

www.medef.fr

Experts CE

Cabinet Secafi-Alpha

www.secafi-alpha.com

Cabinet Syndex

www.syndex.fr

Re-lier, responsabilite du lien social dans l’entreprise reseau

www.relier.org

SESSI

www.industrie.gouv.fr/sessi/sessi.htm

Université Européenne du Travail

www.uet.org