Della Porta G.B.: LA MAGIE NATURELLE (trad. in francese del Magiae Naturalis Sive de Miraculis Rerum Naturalium - Libri Quatuor)

7/28/2019 Della Porta G.B.: LA MAGIE NATURELLE (trad. in francese del Magiae Naturalis Sive de Miraculis Rerum Naturalium

1/335

J.-B. DE PORTA

LAmAGIE NATURELLE

ou LESSECRETS ET MIRACLES

DELA NATURE

Edition Conforme celle de Rouen 1 1631)

Q155 H. DARAGON, Libraire-EditeurP8141913 96-98, Rue Blanche, 96-98c 1 PARIS (IXe)GERSTEIN


2/335


3/335

I^c^f iL'TVv-vx


4/335


5/335

LAMAGIE NATURELLEou LES

SECRETS ET MIRACLESDE

LA NATURE


6/335


7/335


8/335


9/335

INTRODUCTION

Il y a plus de deux sicles et demi que la Magie Na-turelle de Giambatiista dlia Porta n'a plus t pu-blie en langue franaise et les rares exemplaires queVon parvient encore en trouver de temps autre, sevendent des prix trs levs.

Il nous a donc paru utile d'offrir nos lecteurs unedition nouvelle de cette uvre intressante et curieuse, un prix abordable pour tous.

Giambatiista delta Porta naquit Naples en 1540e y mourut en 1615.

// fut lev par un de ses oncles, homme fort instruit,qui avait remarqu sa rare et prcoce intelligence. Il fitd'tonnants progrs dans les langues anciennes, les let-tres, la philosophie; ds l'ge de dix ans, il composai!des discours remarquables en italien, en grec et en latin.A quinze ans, il parlait le latin avec la mme facilitei la mme lgance que sa langue maternelle.

Giau Vineenzo delta Porta, son frre, partageait sesgots ei son ardeur pour l'tude, et avec lui, Giambatiistaie passionna bientt pour les sciences. Comme itjxppar-


10/335

II INTRODUCTION

tenait une famille trs aise, il put, pour complterton instruction, parcourir la France, l' Italie, l'Espagne^le Portugal, V Allemagne et V Angleterre, visitant par-tout les bibliothques et les savants, amassant dans lesmuses, les laboratoires et les Universits des diverspays un fonds de connaissances norme, qui devait plustard justifier V immense rputation dont il jouit parmises contemporains. A une extrme curiosit, dit un deses biographes, il joignait une vive imagination, beau-coup de hardiesse d'esprit, et l'exemple de Cardan eld'Arnauld de Villeneuve qu'il prit pour matres, unpenchant dclar pour le merveilleux, ce qui le porta s'attacher toujours de prfrence aux choses bizarres elsingulires, et partager la confiance de ses contempo-rains dans les chimres de l'astrologie judiciaire.

Tout ce qui tait remarquable et curieux, bizarre e\mystrieux, attirait invinciblement son esprit et il cher-chait des solutions positives aux problmes qui, de sonttemps, taient rputs insolubles. Son rudition devintbientt telle qu'avant l'ge de vingt ans, il avait djcompos les trois premiers livres de sa Magie Naturelle.Il entretenait avec la plupart des savants de son poque,une correspondance suivie, crite en un latin impeccable,rappelant les plus beaux modles de l'antiquit.

Lorsque, aprs plusieurs annes de voyages et d'tudes l'tranger, dlia Porta revint Naples, il prit unepari active la fondation de l'Acadmie des Oziosi, ol'on n'admettait, contrairement au titre de la socit,que les travailleurs les plus acharns, puis, l'anne sui-vante, fonda lui-mme VAcadmie des Secreti, o Von


11/335

INTRODUCTION IH

n'tait reu qu' la condition de s'tre distingu par quel-que dcouverte scientifique.Le nom de cette dernire socit fit croire que les mem-

bres qui y taient admis s'occupaient exclusivemenid'arts magiques. Il n'en tait rien, mais ce qui avaitiuriout contribu accrditer cette opinion, c'est queGiambaiiisia delta Porta, qui tait le membre le plusen vue de cette Acadmie, y fit en effet des prdictions,dont quelques-unes, dit-on se ralisrent. Ds que lebruit de ces prophties ralises se rpandit dans lepays, on vit affluer chez lui une foule de gens qui de-mandaient le consulter sur l'avenir et sur leurs chancetde succs dans le monde.Sur la dnonciation de quelques religieux qui pr-tendaient que delta Porta avait dit publiquement qu'ilpossdait la puissance de commander aux lments et delire dans l'avenir comme dans un livre ouvert, d'voquerles morts et de disposer volont de la vie des hommes etdes animaux, le savant fut mand Rome par le PapePaul V pour venir s'y justifier. Delta Porta partit pourRome, et n'eut point de peine prouver aux autoritsecclsiastiques qu'il avait t grossirement calomni pardes gens envieux de sa vaste science. Le Pape accueillitsa justification, mais ne lui permit pas cependant derouvrir son Acadmie, qu'il avait ferme provisoirementlors de son dpart pour la Ville ternelle.

Pendant son sjour dans la cit des Papes, tous lessavants de l'Acadmie dei Lincei le ftrent et l'admirentau nombre de leurs membres.De retour Naples, delta Porta continua te livrer


12/335

iV INTRODUCTIONavec ardeur ses tudes favorites. Depuis un certainnombre d'annes dj, il avait runi dans sa maisonun riche cabinet de curiosits, que les savants trangersvenaient admirer, et o ils puisaient souvent les l-ments de leurs propres investigations scientifiques. Demme, il avait cr, dans le parc de la maison de cam-pagne qu'il possdait prs de Adaptes, un vritable jardinbotanique, o il cultivait surtout des arbres et des plantesexotiques.On a dit de lui, avec raison, que plus qu'aucun autre

savant de son temps, il rpandit le got des sciences na-turelles, auxquelles il rendit d'importants services. Ils'attacha le plus souvent ramener des lois gnralesles phnomnes alors inexpliqus et quelquefois les ex-pliquer par des causes naturelles] il dnona les ma-nuvres d'alchimistes charlatans et porta ses investiga-tions sur de nombreux points de physique. On lui doit ladcouverte de la chambre obscure, ainsi qu'un grandnombre d'expriences d'optique trs curieuses. Il a beau-coup crit sur les miroirs planes, convexes, ardents, etc.,et plusieurs auteurs lui attribuent mme la premireide des tlescopes.

Il y a malheureusement une ombre ce tableau; deltaPorta partageait les ides de ses contemporains et leurssuperstitions sur l'aslrologie, la magie, la puissance desesprits, et ses ouvrages fournullent de purilits, debizarreries, de secrets ridicules, qui cependant ne doi-vent pas faire oublier les services trs rels qu'il a rendusaux sciences physiques.

Les ouvrages de delta Porta sont nombreux et varis;


13/335

INTRODUCTION Vvoici la plupart d'entre eux, dans l'ordre chronologiquede leur publication :

Magiae Naturalis libri XX {Naples, 1589 in-folio),plein d'observations intressantes sur une foule de sujetsde botanique, de physique, etc., mais rempli aussi depurilits ridicules.De furtivis litterarum notis [Naples, 1583, m-4),Irait de Vcrilure chiffre, avec 180 procds diffrentsde cryptographie et les moyens de les multiplier indfi-niment.Phytognomonica [Naples, 1583, in-folio), trait des

proprits des plantes et des moyens d'en dcouvrir lesvertus par leur analogie avec les diffrentes parties ducorps des animaux.De humana physiognomia libri IV [Naples, 1586,

in-folio), ouvrage souvent rimprim et traduit en fran-ais, en 1655, par Ruaull. Lavater a beaucoup puisdans ce trait. Aux observations faites par AristotePolmon, Adamantius, delta Porta a joint beaucoup deremarques curieuses faites par lui-mme', aprs avoirconstat l'influence des affections de l'me sur le corps,il traite des diffrentes parties du corps, indique les li-gnes qui dclent le caractre des individus et s'attache comparer les physionomies humaines celles des ani-maux.

Villae libri XII [Francfort, 1792, in-49), ouvrage / i 9 "^dans le genre de la Maison Rustique et qui contientbeaucoup d'observations intressantes.De refractiono optices [Naples, 1593, zn-4), irait

sur la rfraction el l'anatomie de l'il.


14/335

VI INTRODUCTIONPneumaticorum libri III {Naples, 1601, in-4),

trait sur les machines Jiydrauliques.De clesti physiognomonia [Naples, 1601, m-4),

trait dans lequel, tout en admettant l'influence des astres,il combat certaines aberrations de V astrologie judiciaire.Ars reminiscendi [Naples, 1602, in-4^), sur les

moyens d'aider et de fortifier la mmoire.De distillationibus libri IX [Rome, 1603, in-4^),

trait o Von trouve l'tat exact de la chimie du temps dePorta.De aeris transmutationibus [Naples, 1609, in-A^),

trait de mtorologie o l'on trouve beaucoup d'idessaines.

Sur la fin de sa vie, delta Porta revint vers la culturedes leltres et composa des pices de thtre qui furentreprsentes avec succs. Chose presqu' incroyable, ce sa-vant pour ainsi dire universel, trouva encore le tempsde composer quatorze comdies en prose, deux tragdies(Ulysse et George) et une tragi-comdie (Pnlope). Lescomdies ont t runies et publies Naples (1726) en4 volumes in-12.


15/335

LA MAGIE NATURELLEou

LES SECRETS ET LES MIRACLES DE L\ NATURE

LIVRE PREMIERChapitre Premier

Qu'est-ce que la Magie naturelle ?Porphirius et Apule, qui occupent un rang consi-

drable parmi les Platoniciens, affirment que la magiea pris son nom et est ne en Perse, tandis que Suidasestime que son nom lui vient des Magusens : car lesgens de cette nation appellent mages ceux que les La-tins honorent du nom de Sages. Les Grecs les ont nom-ms philosophes, les Indiens gymnosophistes, lesEgyptiens les ont appels prtres, les cabalistes pro-phtes, les Babyloniens et Assyriens, Chaldens et leshabitants de la Gaule lyonnaise druides et bardes,qu'on appelait aussi autrefois Semnothes, et pour toutdire en un mot, la magie a reu des noms divers dansles diffrentes nations. Nous verrons que plusieurshommes ont lui, comme des astres flamboyants, grce cette science qu'ils ont porte un haut degr deperfection, comme par exemple Zoroastre, fils d'Oro-


16/335

LA MAGIE NATURELLE

mase chez les Perses, Numa Pompilius chez les Ro-mains, Thespion chez les Indiens, Herms chez lesEgyptiens, Buda chez les Babyloniens et Abbaris chezles Hyperborens. On divise la magie en deux parties, savoir en une infme, compose d'enchantements,d'esprits immondes, et ne d'une curiosit mauvaise,que les Grecs, plus savants, appellent Gotsia ou Theur-gia; c'est celle qui suscite les charmes et les fantmesou illusions, qui disparaissent soudain, sans laisserla moindre trace. L'autre partie est la magie naturelle,que chacun rvre ou honore, parce qu'il n'y a riende plus lev ni de plus agrable pour les amateursdes bonnes lettres, qui estiment qu'elle n'est autrechose que la philosophie naturelle, ou la suprmescience. Cette magie, doue d'une considrable puis-sance, abonde en mystres cachs, et fait connatreles choses qui gisent au sein de la nature, avec leursqualits et leurs proprits : c'est le sommet de toutephilosophie. Encore enseigne-t-elle que par l'aide deschoses, par leur mutuelle et opportune application,elle fait des uvres que le monde estime tre des mira-cles, qui surpassent toute admiration, de mme quetoutes les facults de l'entendement. C'est pourquoielle florissait principalement aux Indes et dans l'Ethio-pie, contres o se trouvaient quantit d'animaux,d'herbes, de pierres, et beaucoup d'autres choses quiconvenaient cet effet. Aussi je vous dirai vous quiallez l pour voir ces merveilles : ne croyez pas que leseffets de la magie naturelle soient autre chose que lesuvres de la nature : l'art est esclave de la nature et semet diligemment son service. Aussi comme en agri-culture la mme nature engendre les herbes, les planteset les bls, ainsi l'art les prpare. C'est pourquoi Plot in


17/335

LA MAGIE NATURELLE a appel bon droit le mage le ministre de la nature, etnon l'ouvrier ou l'artisan de celle-ci. Or, quel doit treson office, et combien il doit tre au courant des scien-ces, nous nous proposons de le montrer au chapitresuivant.

Chapitre DeuximeDe l'institution du Magicien, et ce que doit tre un

professeur de Magie naturelle.Maintenant, il convient d'exposer ce que le Mage

doit connatre et retenir, afin que, instruit de touteschoses, il puisse comprendre les secrets de la natureet ses admirables effets. C'est la partie active de la phi-losophie naturelle; or, je voudrais que celui qui doittre dou d'un si grand pouvoir, ft consomm enphilosophie, en connt toutes les parties. Un telpersonnage recherche les causes des commencementset les premiers lments des choses, et expose auxyeux de tous les richesses merveilleuses qui en pro-viennent; il indique la liaison rciproque et la con-jonction des lments, d'o provient la source descauses et d'o drive leur fin ou leur mort. Il tudiela science des choses humaines, d'o procde l'mo-tion des flots de la mer irrite, d'o proviennent lesaveugles mouvements qui frappent la terre, ceux desanimaux, btes quatre pattes, oiseaux voletant parles airs, animaux aquatiques, en somme de toute cra-ture qui a le bonheur de vivre. Il recherche aussi lanature des mtaux, les lieux et les noms de ceux-ci. Ilapparatra aux lecteurs que nous avons longuementet laborieusement travaill toutes ces matires, car


18/335

LA. MAGI :""\TURELLEil n'y a rien de plus malsant un artisan, que d'igno-rer les instruments qu'il emploie. Je voudrais aussique notre mage ne soit pas ignorant des choses de lamdecine, car la magie est une science du mme genreet est fort semblable celle-l ; on croit du reste quec'est sous cette forme qu'elle s'est d'abord fait con-natre et qu'elle a attir l'esprit humain. Elle est aussid'un grand secours, car elle enseigne composer lesmixtures et fixer les tempratures, ce qui se fait augrand bnfice des humains. De l est drive la con-naissance des plantes, tant indignes qu'trangres,qui est d'une si grande utilit qu'on peut dire que toutdpend de l. Il convient davantage encore d'treau courant des disciplines mathmatiques, car il y abeaucoup de choses qui oprent par la puissance desastres et leur chaleur, par le flchissement et le mou-vement infatigable des cieux, dispositions qu'enseignel'astrologie, qui fait connatre galement les propritset les vertus des choses caches.La magie contient une puissance et facult spcu-

lative, qui appartient aux yeux et pour les tromper,elle suscite de loin des visions dans les eaux, et dansles miroirs faonns en rond, concaves, tendus et di-versement ferms, toutes choses dont la plus grandepartie de la magie naturelle dpend. Tout bien consi-dr, la magie a asservi tous les arts, de sorte que celuiqui les ignorera doit tre bon droit forclos de l'hon-neur d'tre mage; et il convient de ne reconnatrepersonne pour magicien, moins qu'il ne connaisseces disciplines et ces sciences. Que donc le magiciensoit ouvrier par don de nature, et savant, car tantsavant sans artifice, ou ignare artisan, si d'aventureil n'a du naturel, tant toutes ces choses sont conjointes,


19/335

LA MAGIE NATURELLE Oil adviendra qu'il travaillera en vain et ne jouira de cequ'il dsire.

Or, il y en a qui sont si savants en ces choses qu'ilssemblent tre faonns de Dieu mme. Et je ne dis pascela pour vouloir insinuer que l'art ne puisse livrerquelque chose, et que toutes choses bonnes ne puis-sent encore tre faites meilleures.

Qu'il considre donc avec des yeux perants leschoses qui se prsentent lui, et que les ayant vues, ilmette soudainement la main l'uvre. J'ai voulu direceci, parce que si par ignorance, il s'gare, il ne nouspourra imputer ce vice, mais qu'il en accuse sa proprebtise, car un tel dfaut procde non de la noncha-lance de celui qui apprend, mais de l'imbcillit duprofesseur. Car si ces choses sont manies par les mainsde quelque personnage moins expert qu'il ne convient,il en adviendra cet inconvnient que moins on ajouterade foi la science, plus ou estimera fortuites les chosesvraies, et cela arrivera de toute ncessit.

Ainsi ajoutant les dettes actives aux passives, vousferez des choses merveilleuses; et si vous en recher-chez de plus merveilleuses encore, et que vous dsirezqu'on les estime telles, tez la connaissance de leurcause efficiente. Car celui qui connat les choses, prisemoins leur autorit, et ne les estime rares que pourautant que la cause lui en est cache. Si quelqu'un ateint sa lampe et qu'il l'approche de nouveau d'unmur ou d'une pierre et la rallume, il estimera que c'estl un cas merveilleux; mais il cessera de voir cettemerveille, comme dit Galien, lorsqu'il viendra re-garder le mur ou la pierre saupoudre de soufre. Etl'Ephsien dit que le miracle s'arrte l o il apparattre un miracle. Pour retourner notre magicien, il


20/335

6 LA MAGIE NATURELLEconvient qu'il soit riche, car nous pouvons difficile-ment travailler, si les richesses nous font dfaut. Nousdevons nous enrichir afin de philosopher et non pasphilosopher pour nous enrichir. Qu'il n'pargne doncpoint la dpense, mais soit prodigue dans ses recher-ches, et pendant que curieusement il poursuit soncours commenc, quelque soit la difficult qui se pr-sente, qu'il ne rechigne point au labeur, car les secretsde la nature ne se manifestent ni ne se dvoilent auxparesseux ni aux ignares. Epicharmus a parl fort sage-ment, lorsqu'il a dit que les dieux vendent tout auxhumains prix de labeur. Et si l'effet ne rpond pas cette description, sachez que quelque chose est endfaut, car nous n'avons pas crit ce bref discourspour les personnes rudes ou pour les apprentis, maispour les ouvriers ingnieux et subtils.

Chapitre TroisimeLes opinions des anciens sur les causes des oprations

merveilleuses.

Les effets de la nature que nous admirons souvent,ont tellement enflamm les esprits des anciens philo-sophes sur la connaissance des causes qu'ils en ontcrit des merveilles souvent, mais que souvent aussiils ont err : avant de passer outre, nous trouvons qu'ilest expdient de traiter des diverses opinions qui onteu cours chez eux. Premirement, pour commencerpar les plus anciens, les Egyptiens, qui semblent avoirrecherch les effets des cieux et avoir os mesurer leurimmensit, aprs qu'ils eurent tabli leur demeuredans les plaines et les campagnes spacieuses, et voyant


21/335

LA MAGIE NATURELLE 7que rien n'apparaissait sur la terre qui pt empcherla contemplation du ciel, et considrant les astres ra-dieux brillant d'une perptuelle clart, consacrrenttout leur labeur et vourent toute leur sollicitude connatre les influences des astres.

Or, comme la recherche laborieuse des causes ton-nait fort ces gens, ils attriburent tout au ciel et auxtoiles et prtendirent que chacun tirait de l son des-tin, du commencement la fin de son existence, ce quiproduisait des effets merveilleux.

De l est venu qu'au point de certaines heures, enun temps fix d'avance, toutes choses ont t prpa-res et arrtes aussi : ne passant plus outre, ils se sontarrts en leurs opinions. Aprs eux, les autres philo-sophes ont affirm que tout procdait des lments,et en ont fait les commencements ou causes de tout,comme Hippase Mtapontin, Heraclite, qui ont attri-bu cette prminence au feu, et Diogne ApoUoniateet Anaximne qui ont dfr ce pouvoir l'air. Tha-es de Milet a vant l'eau, Hsiode la terre; mais Hip-pon et Critias ont assign cette vivacit aux vapeurssortant des lments.

Il s'en trouve d'autres qui n'ont craint d'attribuercette excellence aux qualits, au nombre desquelson compte Parmnide qui la donne au froid et auchaud : la plus grande partie des mdecins ont tabliles racines de ces merveilles de la victoire du froid etl'humide, du chaud et du sec, quand ils se trouventrassembls ; toutes les expriences qu'ils ont tentesils soutiennent qu'elles sont faites avec ces lments elils sont d'avis qu'on peut trouver toutes les causesdes choses dans ces lments.

Empdocle d'Agrigente a ajout aux lments


22/335

8 LA MAGIE NATURELLEleur nombre n'tant pas suffisant la concorde et ladiscorde, affirmant que l'une engendre les choses etque l'autre les corrompt. Zenon a fait des dieux dematire ; mais les plus rcents philosophes, ayant con-sidr cette matire, ont jug que cela ne pouvait tresoutenu, d'autant plus que souvent les choses con-traires en qualits oprent de faon semblable, et del ils ont conjectur que, outre tous les lments ettoutes les qualits il devait y avoir quelque autre chose.Car Platon et Aristote qui ont atteint aux plus hautssommets de la philosophie, ont, en recherchant plusloin, trouv plusieurs autres choses, comme les vertusnes avec les formes substantielles, et d'autres encore,dont il sera parl aux discours suivants.

Chapitre QuatrimeD'o procdent les vertus des choses manifestes, et de

celles qui sont caches.

Tous les anciens se sont occups et ont obstinmentdbattu des vertus des choses dcouvertes et deschoses caches ; je n'ai pas jug utile de les reprendre,attendu qu'elles ont t traites abondamment par lecommun prcepteur de tous, le prince souverain despripatticiens.

Or, maintenant, afin que toutes choses apparaissentplus clairement dcouvertes, il convient de se souve-nir de certaines choses dont nous recevons force etvertu; cela profitera grandement trouver et com-poser des choses nouvelles, et aidera aussi ce queles studieux apprennent sparer et discerner, afinqu'ils ne troublent pas tout l'ordre du vrai. Et bien


23/335

LA MAGIE NATURELLEque d'un mme mlange dcoulent plusieurs effetsfort divers, toutefois ceci est tenu pour rsolu, savoirqu'ils procdent d'un seul commencement, comme onen verra plusieurs exemples au cours de notre discours.Et parce qu'il nous convient aussi de dmontrer

d'o elles sortent et drivent, nous prendrons notrenarration d'un peu haut : la composition de toutesubstance naturelle. Or, j'appelle substance, ce qui aliaison de l'une et de l'autre : la matire et la forme,comme principes et commencements de tout, et nerejetons pas les proprits des qualits qui, ds l'ori-gine, taient caches dans les lments ; ensemble ellesaccomplissent le nombre de trois. Lorsque les lmentsmlangs forment quelque chose, ce qui est form re-tient quelques qualits excellentes ; et bien que toutess'assemblent pour la production des effets, on croitcependant que le tout provient des mouvements su-prieurs, vu qu'ils s'attribuent les vertus des autresqui restent : car s'ils se combattaient galement, leurvertu demeurerait inconnue.

Encore la matire n'est-elle aucunement vide des.forces et vertus; je ne parle pas de cette matire pre-mire et simple, mais de celle qui nat de la vertu et dela substance des lments, et principalement des deuxprincipaux, savoir la terre et l'eau, qu'Aristote acoutume quelquefois d'appeler qualits secondes eteffets corporels, et que nous appelons offices aux forcesde la matire, soit encore que nous les appehons d'au-tres noms, comme le rare, l'pais, l'pre, le lger, ledur, et le froissable ou ais fendre, toutes choses quigisent au sein de la matire et qui nanmoins proc-dent toutes des lments.

Mais une telle vertu gt en la force de la forme qu'il


24/335

10 LA MAGIE NATURELLEn'y a {comme je crois) personne qui ne sache que tousles effets que nous voyons l'il nu ne soient premi-rement engendrs par elle, et n'ait un divin commen-cement. J'estime que toutes choses se peuvent fairepar la matire, et que rien ne se fait que par elle. Carsi l'ouvrier en excutant quelque statue, use du ciseauou du burin, il n'en use pas seulement comme tels,mais s'en sert afin que plus aisment il expdie sonouvrage. C'est pourquoi, comme il y a en chaque chosetrois causes efficientes, ne croyez pas qu'elles cessentou qu'elles demeurent oisives, mais soyez sr au con-traire que toutes fructifient, l'une toutefois plus lente-ment, et l'autre plus vigoureusement : mais sur toutesla forme travaille avec efficacit, fortifiant les autresparties, car si elle manquait ou faisait dfaut, elle lesrendrait vaines et elles seraient frustres, comme nonsuffisantes recevoir les dons clestes. Et bien queseule elle ne les puisse exprimer, que les autres sembla-blement ne manifestent les leurs : toutefois elles nedeviennent pas confuses, ni ne se diversifient, maiss'allient tellement entre elles qu'elles ont besoin d'uneaide et d'une vertu rciproque.Celui qui par une curieuse recherche de la raisonpourra connatre ces choses n'aura rien d'obscur dansl'esprit, et ne confondra pas la science et la vrit. Del ressort que cette vertu qui est appele propritde la chose, ne procde pas du temprament, mais de laforme, comme la plus excellente de toutes, puis dusuprme mouvement, et aprs de l'intelligence, et fi-nalement de Dieu mme, de sorte que la mme nais-sance qui est en la forme, apparat dans les proprits.Car, aprs que Dieu, comme dit Platon, eut par la di-vinit toute puissante et par mesure convenable, prc-


25/335

LA MAGIE NATURELLE 11mirement cr les cieux, les astres et les mmes com-mencements des choses, il forma consquemment lesgenres des animaux, des plantes, et les autres chosesinanimes. Mais afin que ces dernires cratures ne fus-sent d'une mme condition avec le ciel, ayant appel lesvertus et forces des cieux et des lments, il les a assi-gnes par degrs et par une loi fatale a ordonn que leschoses infrieures fussent assujetties et servissent auxsuprieures : de sorte que par l'influence des astres, ila mis en chaque crature sa forme, pleine de vigueuret de vertu. Et afin que la procration continue deschoses ne faiblt point, il commanda que chacune eut produire la semence ncessaire pour engendrer avecusure de nouvelles formes.

Ainsi ncessairement vous jugerez que les formesdivines sont descendues du ciel et constituent unecause trs noble que Platon, prince des philosophes,appelle me du monde et le souverain philosopheAristote universelle nature, et Avicenne donneur deformes. Ce libral donneur donne forme, non de chosecaduque, mais la tirant de soi, et premirement, ill'impartit aux intelligences et aux toiles; puis il l'oc-troie aux lments, comme instruments disposant lamatire. Quel est donc le personnage si insens ou simal faonn par la nature qui, en prsence de cettematire qui procde des lments du ciel, des mtel-ligences et finalement de Dieu mme, osera dire qu'ilne ressent rien de cette nature et ne sent rien de cettemajest divine, dont les uvres sont si admirablesqu'on ne peut rien former ni penser de plus.sublime?Nous avons nglig plusieurs arguments dans cediscours, parce que nous voulons plus amplementexposer les vertus de chaque chose en leur lieu et place.


26/335

12 LA MAGIE NATURELLE

Chapitre CinquimeCe que c'est que les anneaux de Platon et la chane d'or

d'Homre.Voil donc la liaison des choses, leur ordre et leur

disposition, servant la Providence divine, et o l'onpeut voir que toutes ces choses infrieures qui sontgouvernes premirement et par ordre, procdent deDieu mme et ne doivent qu' lui leur vertu et leurefficacit. Car Dieu (comme dit Macrobe) qui est lacause premire et principale des choses, et leur sourcemme, par la fcondit de sa majest a cr l'entende-ment, et celui-l l'aime, qui en partie dveloppe la rai-son. Virgile, qui est de cet avis, appelle l'me du mondeentendement dans les vers suivants :

L'esprit nat an deciaus, crailleurs renlendenient,Et parties infues fait admirablementMouvoir cette grande masse, et vient bref parlerAvec cet ample corps sagement se mler.

L'homme tant ainsi tabli au milieu de l'une etl'autre partie, est dou de raison, ce qui le fait excellerpar dessus les autres animaux, lesquels, tant d'une na-ture infrieure la sienne, ne font que crotre et sentir.Toutefois, on dit que les arbres, qui n'ont ni sens niraison, ne font que crotre, et en cela, on estime qu'ilsvivent. Le pote a exprim cette ide dans les verssuivants :

De l son tre a jiris l'heureux genre des hommesEt animaux foulant le monde o nous sommesDe l la vie aussi des volages oiseauxEt ces monstres hideux qui vivent dans les eaux.


27/335

LA MAGIE NATURELLE 13Vu donc que l'entendement procde de Dieu, et

l'me de l'entendement, lequel anime toutes chosesqui s'en suivent, la plante, l'animal et l'homme for-ment comme une corde tendue par une liaison rci-proque et conliiiue, de sorte que la vertu suprieure,rpandant ses rayons, en arrivera ce point que sion touche une de ses extrmits, elle tremblera et feramouvoir tout le reste. C'est pourquoi nous pourronsappeler cette liaison des anneaux ou une chane,comme qui dirait les anneaux de Platon et la chaned'or d'Homre. De ce pote excellent, voici ce sujetquels sont les beaux vers :

Et si voulez ds maintenant savoirCe que je puis, je vous le ferai voir :Il vous convient une chane d'or prendreD'ici terre, et tout vous en descendrePour employer votre divin pouvoirA me tirer en bas et me mouvoir.Vous aurez beau travailler, votre peineEnfin sera une entreprise vaine :Mais si je veux au ciel vous lever,Je le ferai sans en rien me greverEt tirerai par une mme chargeAvecque vous la terre et la mer large.Aprs cela attacherai d'un boutLa chane au ciel, et suspendrai le toutA cette fin que l'on connaisse mieuxQue je suis chef des hommes et des Dieux.

Par ce discours, on peut entendre que Dieu, crateurde toutes choses, par sa Providence a fait que les cho-ses infrieures soient gouvernes par les suprieures,et cela de par une loi ncessaire de la nature. Le mage,connaissant ces choses, marie le ciel avec la terre, etde l, comme ministre des merveilles, il tire et expose


28/335

14 LA MAGIE NATURELLE l'il nu les secrets cachs au seiu de la nature, etdvoile ce qu'il a reconnu tre vrai, pour que tous leshommes, pris de la science de l'ouvrier, le louent etrvrent son omnipotence.

Chapitre SiximeDes lments et de leurs vertus.

Jusqu'ici, nous avons trait de la naissance de laforme substantielle, et de l'ordre des choses. Mainte-nant nous allons nous efforcer de faire connatre leschoses cachr'S et leurs proprits diverses. Mais, pourne pas troubler l'ordre de notre exposition, qui com-mence aux lments, dont la nature a fait la semencepremire des choses, nous parviendrons peu peu aureste que nous jugerons ncessaire d'tre su et d'treconnu en notre uvre. Or, les semences de touteschoses sont les lments, autrement dit les corps sim-ples, qui sont le commencement matriel des corpsnaturels, sujets de continuels changements et desagitations continuelles, et qui remplissent tout cemonde sublunaire. Car le feu, le plus lger et le pluspur de tous les corps, afin d'viter la vue, s'est levet pos au sommet qu'on appelle ciel. L'lment le plusproche de celui-l est l'esprit, qu'on appelle air, unpeu plus pesant que le feu et remplissant tout l'es-pace; il s'paissit parfois en nues et alors se rsout enpluie. A ces lments succde l'eau, et aprs l'eau,apparat le dernier, nourri de la substance des autres,qu'on appelle terre, qui git tendue au-dessous detout, spacieuse, impntrable et trs solide : de sortequ'on ne peut rien toucher de solide, qui soit exempt


29/335

LA MAGIE iNATURELLE 15de matire terrestre, ni rien de vide, sans feu. Cetteterre donc est environne de tous les autres lmentset seule demeure immuable; car les autres sont por-ts a et l par un tournoiement et un mouvement decirconfrence. Toutefois chacun est enlac comme pardes bras et ils ont des qualits contraires. Mais la sagenature, par une mesure admirable et opportune, acompos l'architecture de cette machine.

Car considrant qu'en chacun il y avait double qua-lit, et en certains une socit aimable et assujettieau mme joug, et, en d'autres des qualits discordanteselle a donn chacun d'eux pour compagne l'une desdeux qualits, savoir celle laquelle il adhre.

Voil donc comment on les allie, savoir l'air avecle feu, car l'un est chaud, et l'autre sec et humide.

Or, le sec et l'humide sont contraires; toutefois,par la chaleur, leur compagne, ils se joignent ensemble.Ainsi, la terre est froide et sche, et l'eau froide et hu-mide, et toutefois, bien que ces deux lments, par lesec et l'humide, ne s'accordent pas et soient contraires,ils sont cependant allis, car autrement il leur seraitdifficile de s'accorder. Ainsi peu peu le feu se con-vertit en air par la chaleur et l'air en eau par l'humidit,l'eau en terre par la froideur, et la terre se joint au feupar le sec : voil donc comment ils procdent.Et aprs, tout rebours, ils se transforment de

nouveau; l'un se fait rciproqeument de l'autre; tou-tefois le passage ou changement est facile quand illeur arrive de rencontrer une qualit commune, commele feu et l'air par la chaleur, mais ceux qui sont oppo-ss par deux qualits contraires, comme le feu et l'eau,sont changs moins vite et plus difficilement. Que lesprmisses que nous avons poses ici, soient donc con-


30/335

16 LA MAGIE NATURELLEsidres comme les fondements de toutes choses, dontprocdent toutes les autres oprations.

Chapitre SeptimeDes qualits des lments, et de leurs oprations.

Dans les quatre corps dj dcrits, il y a quatre qua-lits lmentaires, qui mutuellement passent l'unedans l'autre et par lesquelles toutes choses qui ontconnaissance et sentiment, naissance et mort, com-mencement et fin, sont engendres et prissent : sa-voir la chaleur, le froid, l'humidit et la scheresse.Ces qualits sont dites principales, vu que principale-ment elles drivent des lments, et que d'elles dpen-dent les effets seconds. Deux de ces qualits, savoirla chaleur et la froideur, produisent des effets propres,alors que les deux autres, l'humidit et la scheresse,sont conserves et transmises par les autres. Elles sontnommes secondes, comme servant aux premires,et sont dites oprer en second lieu, amollir, mrir, r-soudre, rendre plus tendre et dh, comme quand lachaleur, travaillant quelque mlange, en tire la ma-tire impure et s'efforce le rendre gal son action : ce qu'il se fasse plus simple, il devient tendre. Ainsielle conserve le froid, l'paissit et le congle, paissitle sec et le rend plus pre. Cai alors qu'elle dvore l'hu-meur qui est en sa superficie, elle endurcit ce qu'ellene peut dvorer, ce qui produit une pret en son des-sus. Ainsi l'humide augment corrompt et souventpar soi fait une chose et par accident une autre, commede la constriction et expulsion. Encore produit-elled'autres choses semblables aux premires, comme le


31/335

LA MAGIE NATURELLE 17lait, l'urine, les menstrues, et attire-t-elle la sueur,effets que les mdecins appellent des qualits troi-simes, servant ainsi aux secondes, comme celles-ciservent aux premires. Et quelquefois elles oprenten certains membres, elles renforcent la tte, ou forti-fient les reins, ce qu'on a appel les qualits quatrimes.De la procdent diverses expriences, comme onpourra le voir en maint endroit de cet ouvrage; tou-tefois, avant de retracer l'histoire de ces expriences,il n'tait pas hors de propos d'avoir trait de ce quiprcde, afin que l'ouvrier instruit connt d'unemanire complte et sre les vertus de ces qualitset la mthode de travail suivre.

Chapitre HuitimeDiverses proprits fies choses caches qui drivent

de la mme forme.11 y a plusieurs proprits et vertus occultes des

choses, non par la qualit des lments, mais procdantde la forme, comme nous avons dit, et vu qu'elles d-rivent de celles-ci, il s'ensuit qu'une matire petiteproduit un grand effet, et qui mme est contraire cette matire : toutefois, pour travailler plus promp-tement, elle requiert une matire plus abondante. Or,on appelle ces proprits occultes et caches, parcequ'on ne les peut connatre par des dmonstrations.C'est pourquoi les sages anciens trouvrent bon d'ta-blir une certaine borne ou limite, outre laquelle ils nepourraient passer dans la recherche de la raison deschoses : attendu que dans les secrets de la nature, il ya beaucoup de choses caches, pleines d'nergie, dont


32/335

LA MAGIE NATURELLEl'entendement humain ne peut scruter les causes, niles comprendre. Car elles gisent ensevelies dans lesarcanes de la nature, en une majest cache, ce qui faitqu'on doit les admirer plutt que de les sonder. Tho-phraste, considrant cela, a sagement parl lorsqu'ila dit : Qui cherche la raison de toutes choses, te laraison avec la science. Et Alexandre dit de son ctqu'il y a plusieurs choses dont on ne peut rendre rai-son, d'autant plus qu'elles dpassent totalement lamesure et la capacit de 1 entendement humain etsbht seulement connues du Dieu immortel, qui estpre et auteur de toute chose. Car d'autant que ceschoses surmontent la nature et la force des lments,elles ne se peuvent enserrer ni comprendre en des d-monstrations : c'est pourquoi s'merveillant des chosestrouves par les philosophes, ils ont mieux aim enlaisser, la curiosit, que de s'efforcer d'en trouver laraison. Et non seulement merveills que cette divinegrandeur ait cr tous les animaux et que ceux-ci diff-rent en figure et en grandeur, mais pris de ce que se-lon la diversit de chaque espce, Dieu a donn cha-cun d'eux quelque proprit nave et particulire, parlaqyelle ils se distinguent et sont diffrents les uns desautres dans leurs murs et leur manire d'tre, nousen proposerons plusieurs exemples qui peut-tre se-ront agrables aux, lecteurs et qu'aucun bon esprit dureste ne ddaignera. Commenant donc, nous vousmontrerons d'abord le taureau, farouche et furieux,qui attachj .au figuier, est tout coup dompt et de-vient, dc}|ix et, apprivois; et d'ailleurs, en lui oignantles

i narines di'huile rosat, devenu tout tourdi, il secpritournp.si souyeijit en rond qu'il tombe, ainsi quel'iaffirme Zoroastre, qui a crit un trait des arrts


33/335

LA MAGIE NATURELLE 19choisis des anciens, appel Geoponica. Le coq aussis'attendrit si on le pend ce mme arbre. Les vau-tours et escargots, au dire d'Aristote, meurent de l'o-deur des roses. Si vous tirez avec les mains la barbed'une chvre range dans un troupeau, tout ce trou-peau s'arrtera, laissera l sa pture, et toutes leschvres seront tonnes et ne cesseront de s'mer-veiller, tant que celui qui a tir cette barbe ne l'aitlaisse. C'est Aristote qui le dit, bien que plusieursauteurs ont dit sur ce point la mme chose de l'herbenomme Erijngium, lui attribuant aussi cet effet,mais ils ont t abuss, je le crois, par la conformitqu'a cette diction latine Arnucus, qui signifie barbede chvre, mais cette plante ne rpond pas l'exp-rience. Si l'hyne vient regarder un homme ou unchien dormant, elle s'tend tout de son long auprs delui, et si son corps dpasse celui du dormant en lon-gueur, elle le rend insens, et afin qu'il ne lui puissenuire ou tenir tte, elle lui ronge les mains ; mais sielle est de mme longueur, prestement elle s'enfuit,comme raconte Nestor dans le discours de sa Panace.Si une hyne furieuse vient au-devant de vous, gar-dez-vous bien de la recevoir du ct droit, car elle vouscausera une si grande frayeur qu'il ne vous sera pluspossible de lui rsister. Mais si vous l'assaillez du flancgauche, vous la rendrez impuissante et vous la tuerezfacilement. L'ombre des hynes rend les chiens muetset sans force pour aboyer; sachant cela, lorsqu'ellessont poursuivies, elles courent contre la lumire del'astre du jour, et dans son ombre, battent de coupsvigoureux les gueules des chiens qui les pourchassent.Le lion, travaill par la fivre, est guri s'il dvore unsinge. Les chvres et les boucs sont venimeux pour


34/335

20 LA MAGIE NATURELLEl'agriculture, car certaines chvres corrompent lesoliviers plants et les vignes, de sorte que ces plantesdeviennent striles. C'est pourquoi on a bon droitimmol Bacchus, inventeur du vignoble, le bouc,et la chvre Minerve, afin que par la perte de leurtte, ils fussent punis de leurs forfaits. L'olive planteet cueillie de la main d'une pucelle, rendra ses fruitsplus savoureux; mais si cela se fait par la main d'unepaillarde, elle deviendra strile. Le serpent (ou la vi-pre) frapp d'un roseau, devient tout engourdi, et sivous le frappez de nouveau, reprenant ses esprits, ils'enfuit. Apule en parle ainsi : Si le serpent, se ca-chant dans une caverne, est saisi de la main gauche,il sera facilement tir de l, mais si vous le prenez dela main droite, vous ne pourrez l'on arracher. La vi-pre est toute pouvante si on jette un rameau dehtre contre elle. Les fourmis, afin que les tas de fro-ment ne laissent choir leurs grains hors des pis, sontsi adroites qu'elles en retirent la moelle. L'autruche,par une vertu secrte, digre le fer et le convertit ennourriture. Si vous mettez un cercle de serment au cold'un coq, vous l'empcherez de chanter. L'toile ma-rine a une telle puissance de digestion, qu'elle dvo-rera les couches ou coquilles et toiles entires et lesbrisera.

Il y a un petit poisson appel en grec Etheneis, etque les Latins appellent remova ou remiligo, petit merveille et qui, attach au gouvernail des navires,bien que ceux-ci soient pousss par un vent favorableet naviguant leur gr, peut par un frein robuste lesretenir et les arrter. Ce petit et puissant animal, soitque les vents soufflent en tempte, que les vagues s'l-vent et que les orages grondent, apaise toutes les forces


35/335

LA MAGIE NATURELL8 21des nerfs et les rend immobiles, comme si elles taientlies et retenues par des ancres.La torpille a une telle vigueur d'engourdissement

que, prise de loin, en touchant l'hameon, la soie, leroseau, ou le bton de la ligne du pcheur, elle engour-dira et amortira les membres de celui-ci, et usant de lamme violence envers tous les poissons qu'elle dsire,quelque lgers qu'ils soient, elle les engourdit si lour-dement qu'elle s'en repat volont. Elle a encoreune autre vertu : si vous l'appliquez sur la tte, elleen apaisera les douleurs; cela est confirm par l'ex-prience de Platon, d'Aristote, de Galien et le tmoi-gnage d'lian. Le livre marin provoque vomirtous ceux qui le regardent et incommode les femmesprtes accoucher, arrivant mme les faire avorter.Il n'y a pas en mer d'animal plus excrable et pluspernicieux que la pastinaca, dont l'aiguillon est sipuissant, que si vous le poussez dans un arbre ver-doyant et vigoureux, il le tuera sur le coup.Le laurier et le figuier ne sont jamais frapps de la

foudre du ciel, pas plus que le derrire du veau marin,la peau de l'hyne et la vigne blanche. C'est pourquoiles marins garnissent les voiles de leurs navires de ceschoses, afin que, foudroyes par l'injure du ciel, ellesne brlent et ne soient consumes. C'est aussi de ceschoses qu'Octave se fortifiait pour se garantir contreles violences de la foudre.

Tibre Csar avait coutume de prendre, pour viterla foudre, comme dfenseur le laurier, et s'en entouraitla tte; les empereurs ont aussi employ ce moyendans le mme but. Car ces plantes n'chappent passeulement la violence de la foudre, elles sont aussidoues d'une nature si puissante qu'elles peuvent re-


36/335

22 LA MAGIE NATURELLEpousser l'injure d'un adversaire : c'est pourquoi Tar-con jadis environna sa maison de vigne blanche. Lecorps qui est frapp et tu par la foudre, demeuresans tre corrompu, c'est pourquoi les anciens ontmis peu de soin brler les corps foudroys. D'ail-leurs, ils ne les couvraient pas davantage de terre,parce qu'ils ne sentaient pas de corruption et qu'ilstaient exempts de pourriture. Aussi c'est bon droitque nous estimons qu'on a bien fait de blmer lespotes qui ont crit que l'audacieux Phaton, charrondes chevaux clestes, frapp de la foudre, est all pour-rir dans les valles.

Ceci est galement merveilleux, c'est que par le re-gard d'un petit oiseau appel rupex, un homme entachde vrole recouvre la sant. La force de la Lysimachiaest si grande que, pose au joug des bufs hargneux,elle ne tarde pas rfrner leur ptulance. La buglosemise dans le vin augmente la liesse et la volupt del'esprit, et a acquis un tel degr d'excellence qu'on l'ap-pelle euphionona. Le balisic, ainsi que l'affirme Theo-phraste, agac par les injures et les violences, crotet s'allonge, et plus on le provoque, plus il grandit.Perse y a peut-tre fait allusion dans les vers suivants :

Ayant du serf ftard dit mainte injure trangeDont l'oisif basilic autrement ne s'arrange.Encore est-il certain que si on blesse la rue, elle croit

davantage, et que celle qui gt en cachette crotmieux, comme l'ont soutenu les anciens. Il en est demme du persil, quand on le foule lourdement despieds. Le diamant indien rsiste toute preuve, tantil est dur, mais s'il est arros de sang de bouc, il de-vient mou et ais rompre. De toutes les humeurs,


37/335

LA MAGIE NATURELLE 23la rhubarbe purge la colre seulement, la teigne dethym la mlancolie, et l'agaric le flegme. Les remdesqui ont t trouvs par les soins des mdecins, pour lagurison des animaux malades, ne sont pas moins int-ressants. En leur appliquant certaines herbes qui pro-voquent le vomissement, ils purgent le ventre duchien; l'ibis gyptien opre de la mme manire. Leschvres de Candie, blesses par des flches fichesdans-fefs cuisses, vont chercher le dictam et en man-geant cette herbe, font sortir ces flches de leur corps.

Les oiseaux de mer, ayant leurs becs ulcrs, man-gent de la sariette pour se gurir.Quand la tortue, ayant mang un serpent, devient

malade, elle prend de l'origan et recouvre la sant.Aprs que les ours ont savour les pommes de la man-dragore, de peur que le malaise occasionn par ln'augmente et qu'ils n'en meurent, ils vont au-devantet mangent des fourmis, ce qui les rend de nouveausains et saufs. De mme que si le cerf s'aperoit qu'ila mang quelque herbe vnneuse, il se purge aussitten prenant une herbe qu'on appelle artichaut.Quand un lphant a dvor un camlon qui s'ar-

rte sous les feuilles des arbres et qui, par sa couleur,a tromp l'animal, celui-ci, reconnaissant son erreur,y remdie en broutant les feuilles de l'olivier sauvage.Les panthres qui ont mang le venin rpandu par leschasseurs sur des morceaux de chair, pour les suffo-quer, cherchent la fiente humaine qui remdie leurmalaise et les gurit. La palumbe, le geai, le merle,gurissent leurs infirmits l'aide de feuilles de laurier.Les colombes et les coqs se nourrissant de la pari-taire, fournissent du guano l'agriculture. Les hiron-delles ont montr suffisamment que l'clair est salu-


38/335

24 LA MAGIE NATURELLEtaire la vue, parce que c'est ainsi qu'ils gurissentles petits, dont les yeux souffrent d'un mal quelcon-que. Certains animaux se transforment en une autreespce. Ainsi la chenille, ayant pris des ailes, devientpapillon. Les chenilles qui naissent dans les figuiersdeviennent des cantharides. Le serpent d'eau, aprsque les tangs ou marais sont desschs, devient ser-pent parfait. Il y a d'autres transmutations en cer-taines saisons, comme par exemple l'pervier ou lefaucon, la huppe, l'ritacus et le phnicuturus quimuent alors leur plumage. Le bec-figue et l'atripalaque les Grecs appellent melancoriphos se transfor-ment rciproquement l'un dans l'autre, de sorte quecelui qui aura t bec-figue en t deviendra atripalaau temps de la vendange. Ainsi le froment se changeeu ivraie et d'ivraie de nouveau il devient froment, etsem, il se transforme en avoine. Si on sme souvent lebasilic, ainsi que l'affirme Martial, il deviendra cressonou menthe aquatique. Aussi, par le tmoignage dupre Galien, il appert de cette mtamorphose natu-relle, car ayant sem du froment tir d'une part,et de l'orge bien net, de l'autre, afin qu'il connt cer-tainement l'exprience faite par d'autres, qu'iltrouva de l'ivraie dans le froment, mais bien peu dansl'orge. Cet auteur raconte encore bien d'autres choses,mais il nous suffira d'avoir donn les exemples quiprcdent, pour illustrer le sujet qui nous occupe.


39/335

LA MAGIR NATURELLE 25

Chapitre NeuvimeDe la sympathie ou de l'antipathie, savoir convenance

ou dsaccord : comme par eux on peut prouveret trouver les vertus des choses.

Ainsi il y a dans les animaux, dans les vgtaux etgnralement dans toutes les espces aux propritsoccultes une mme passion que les Grecs appellentsympathie et antipathie, et nous plus communmentconvenance et dsaccord. Car certaines de ces chosess'allient et s'enlacent sympathiquement, d'autres aucontraire sont en dsaccord et antipathiques l'une l'autre, sans qu'on puisse trouver la raison vritablede cette sympathie ou de cette antipathie.Et cette raison existe pourtant, car la nature n'a

form aucune chose sans lui donner son crateur, et iln'y a rien dans les choses caches de la nature quin'ait une secrte et particulire proprit. Empdocle,pris des merveilles qu'il voyait sous ses yeux, affirmeque toutes choses se faisaient par noise et concorde,et se dissipaient de mme; il ajoute que ces deux con-traires taient la semence ou la source de tout, qu'ilsse trouvaient dans les lments par quahts discor-dantes et accordantes, comme nous l'avons exposci-dessus. Il continue en disant que la mme chose setrouve dans les astres du ciel, allguant pour exempleque Jupiter et Vnus aiment toutes les autres pla-ntes, except Mars et Saturne. Voici du reste com-ment Marilius s'exprime sur ce sujet :


40/335

26 LA MAGIE NATURELLEAussi par propres lois les astres thrsOnt convenance entre eux et sont namours,Voire et heureusement l'un envers l'autre exerceDe mainte et mainte chose et trafic et commerce.

Ces choses se peuvent voir encore plus clairementdans les livres des astrologues, mais elles paraissentavec plus d'vidence encore dans les animaux. Parexemple, je citerai l'homme et le serpent, qui se has-sent d'une haine irrconciliable : de sorte que l'homme,ayant vu le serpent, soudain s'pouvante, et cet ani-mal pernicieux, se prsentant devant une femme en-ceinte, la fait avorter, et perd son fruit. La salive del'homme jeune a galement un grand pouvoir, car elletue les scorpions. Le crocodile du Nil et la panthresont des animaux trs cruels et trs dangereux pourl'homme, car le premier, l'allchant par des larmesfeintes, le dvore incontinent, et l'autre lui cause unepouvante mortelle. Le rat d'Inde est pernicieux pourle crocodile, car la nature le lui a donn pour ennemi,de sorte que lorsque ce violent animal s'gaie au soleil,il lui dresse des embches dont il meurt. Car s'aperce-vant que le crocodile dort la gueule ouverte, dcou-vrant ainsi un gouffre monstrueux, le rat entre par let se coule par le large gosier dans le ventre de la bte.Il ronge ses entrailles et sort enfin par le ventre de l'a-nimal mort. Toutefois cet animal ne s'accorde pasavec l'araigne, et combattant souvent contre l'aspic,il meurt. Le regard du loup est aussi trs nuisible l'homme; si c'est lui qui le regarde le premier, il luienlve la voix, si bien que s'il dsire mme crier, il nele peut plus, car il est soudain priv de l'usage de laparole. Mais si le loup se sent observ, il se tait, sacruaut se ralentit et il perd beaucoup de ses forces :


41/335

LA MAGIE NATURELLE 27d'o est venu le proverbe que Platon a nonc dansLe loup est en la fable. Si le loup mord un cheval, c'estchose sre qu'il sera merveilleusement lger et dispos la course; mais si par sa chute il foule la trace duloup, il sera tout pouvant et ses jambes deviendronttoutes engourdies, comme l'assure Pamphile.Le loup prouve une haine mortelle pour la brebis,qui le craint et le redoute tellement que si de la peauou toison de la brebis tue par le loup et file, on faitdes accoutrements, ils engendreront plutt des pouxque les autres. Les chairs aussi des brebis qui ont sentila dent du loup, deviennent plus tendres et plus savou-reuses. La queue et la tte du loup pendue dans l'ta-ble aux brebis, les consume de regret et de tristesse, desorte que laissant le soin de la pture, elles implorentaide et secours par leurs pitoyables blements. Lechien est l'ennemi du loup comme il est l'ami de l'hom-me; et celui-ci est aussi aim du cheval. Mais ce der-nier a pour ennemis les griffons et les ours.La musaraigne ou musette ne s'accorde pas avec le

crapaud et le serpent; c'est tel point que sitt qu'ellepeut apercevoir son ennemi, elle se dpouille de satoile et va lui planter son aiguillon au milieu du frontet par ce moyen cause sa mort. Le lion surpasse tousles animaux en gnrosit, et il effraie toutes les au-tres btes. Mais il s'pouvante au seul chant du coq,principalement s'il est blanc, et sa crte aussi lui ins-pire de la terreur. Le singe a horreur de la tortue ;quand il la voit, il s'enfuit en poussant des cris sauva-ges. L'lphant qui est le plus grand des animaux ter-restres, prouve une crainte extrme en entendant latruie pousser des grognements. Il est aussi en conti-nuelle lutte contre le dragon.


42/335

28 LA MAGIE NATURELLELe coq ne se soucie gure de l'lphant et ne le re-

doute point; il mprise cette grande et lourde masse,mais il craint le milan. Lorsque l'lphant est trans-port de fureur et de cruaut, s'il aperoit un mouton,il s'adoucit sur le champ, et son imptuosit cesse im-mdiatement. Par cette ruse, les Romains ont mis enfuite les lphants de Pyrrhus, roi des Epirotes, et ontremport sur lui une victoire clatante. La linotte hatl'ne et se bat trangement avec lui ; ainsi, quand l'nes'approche des arbrisseaux et des buissons pour segratter, et qu'en se frottant contre les branches, il d-truit les nids des oiseaux, de peur qu'il n'en fasse tom-ber les ufs ou les petits, la linotte vient leur se-cours et piquotte de son bec la partie molle des narinesde l'animal. L'pervier est le plus grand ennemi descolombes, mais elles sont protges par la cresserelle,dont la voix et le regard effraient l'pervier; aussielles ne s'loignent gure de la cresserelle, en laquelleelles ont toute confiance. La corneille et le chat-huantsont en guerre perptuelle ; ils pient les nids l'un del'autre et mangent les petits qu'ils y trouvent. Le chat-huant opre la nuit, mais la corneille travaille de jouret a plus de force que son ennemi. La belette est l'en-nemie de la corneille, et le milan ne supporte pas laprsence du corbeau. La force du milan rside surtoutdans ses ongles qui sont trs durs.

Le pivert-rouge n'aime ni le hron ni le bruant,le corbeau hait le vautour, la gupe est l'ennemieacharne du cheval et de lne. Quand l'ne dortdans son table, la gupe entre dans ses narineset son rveil, l'empche de manger. Le hron faitla guerre l'aigle, l'alouette au renard. Contre l'aigleun pervier volant de nuit, nomm cibidus, guerroie


43/335

LA MAGIE NATURELLE 29rageusement; acharns leur perdition, ils s'enirc-tuent.

Les animaux aquatiques se font aussi une guerrecontinuelle; le congre et la lamproie, par exemple, semangent rciproquement la queue. Les langoustes onten horreur les poulpes, qui les enlacent de leurs tenta-cules puissants et les touffent. Il y a aussi dans la merun vermisseau, nomm Oslrum, semblable au scorpion,de la grandeur d'une araigne, lequel avec son ai-guillon pntre sous les nageoires des poissons nommsThinnis et les presse de telle faon que, saisis de dou-leur et de rage, ils sautent sur les navires qui font voiledans leurs parages.Le chou et la vigne sont pernicieux l'un l'autre,

car bien que la vigne, par ses tendrons tordus, ait cou-tume d'enlacer toutes choses, nanmoins elle fuit lechou, et la rpugnance qu'elle a pour ce vgtal esttelle que, sentant le chou prs d'elle, elle se retourne,comme si quelqu'un l'avait avertie que son ennemiest dans son voisinage. Et ceci aussi est digne de re-marque : pendant que le chou cuit, si vous mettez unpeu de vin dans le rcipient o se fait la cuisson, lechou n'arrivera pas cuire point et ne conserverapas sa couleur. La vigne ne souffre pas non plus lelaurier, parce que par son odeur, elle empire sa condi-tion. L'ellbore et la cigu sont, comme on sait, dan-gereux pour l'homme; toutefois c'est chose notoireque les cailles mangent l'un et les tourneaux l'autre,ce que le pote Lucrce a trs bien exprim dans cesvers :

Il est ais voir mainte caille barbueS'engraisser maintes fois de Tamre ciguCombien qu' l'homme, n pour regarder les cieuxElle soit un poison pre et pernicieux.


44/335

30 LA MAGIE NATURELLEEt ailleurs, le mme pote dit :Et encore d'ailleurs, l'ellbore malinA nous humains appert dommageable veninMais la graisse il augmente aux chvres fort activesEt l'accrot mmement en ces cailles lascives.

La frule est une trs agrable pture pour l'ne,mais elle est un poison cruel pour les autres btes,qu'elle tue promptement; c'est pourquoi cet animalest vou Bacchus, de mme que la frule. Si le scor-pion rampe au pied de l'aconit, il en est tout pouvantet s'engourdit aussitt. Il y a une herbe nomme ceras-tis dont la vertu est telle, que si vous maniez entre vosmains sa graine, le scorpion ne pourra vous faire au-cun mal, mais vous pourrez au contraire l'crabouillertout votre aise. Les chats ne toucheront pas aux oi-seaux qui auront sous leurs ailes des graines de ruesauvage. La belette qui veut se battre avec un serpent,se fortifie aussi en s'armant de cette plante. Le lionfoulant les rameaux ou les feuilles de l'yeuse, devienttout coup trs craintif. Si le loup touche un oignon,il perd sa force, ce qui fait que les renards ont coutumed'en couvrir et d'en murer leurs gtes. Les feuilles duplatane chassent les chauve-souris, c'est pourquoi lescigognes en remplissent leurs nids, pour se prserverde leurs attaques.

Les oiseaux qu'on nomme harpae se munissent delierre, les corneilles, de verveine; la grive de myrte, laperdrix, de canne; le hron de carni, l'alouette de ladent-de-chien, ce qui a donn lieu ce vers :

Au lustre gracieux de l'herbe dent-de-chienL'alouette btit son gte et repos sien.


45/335

LA MAGIE NATURELLE 31Les cygnes voulant faire clore leurs petits, appor-

tent du vitex, ou agnus caslus dans leurs nids. Mais sinous avons racont les choses contraires ou nuisibles,combien trouverons-nous plus merveilleuses celles quisont agrables et bienfaisantes? Si j'ai dit que le ser-pent est l'ennemi de l'homme, je noterai par contreque le lzard l'aime et le chrit mme, et que savue le rjouit. D'ailleurs, quel animal est plus amide l'homme que le chien, qui le caresse jusques l-cher sa salive ? Et parmi les animaux aquatiques,qu'y a-t-il de plus aimable que le dauphin : il l'estmme tellement qu' bon droit on l'a appel philan-thropos, et c'est chose notoire, au dire d'Appion, qu'ilest sujet l'amour. Ainsi que le raconte Thophraste,on a connu des dauphins perdment amoureux, tel-lement que voyant de jolis petits enfants naviguer lelong du rivage dans des barquettes, ils en ont tsoudain pris. Le renard vit en bonne intelligence avecle serpent; les paons aiment les colombes; les merles,les grives et les perroquets sont vite pris d'amourpour les tourterelles. Ovide en parle ainsi dans les verssuivants :

Du verd oyseau, c'est chose bien notoire,Fort chrie est la tourterelle noire.

Les corneilles aiment les hrons et s'entr'aident con-tre l'insolence des renards, leur ennemi commun. Ily a la mme familiarit et la mme entr'aide entre lespoissons qui vivent en troupes. Il y a par exemple unerelle amiti entre la baleine et un petit poisson de lagrandeur du goujon, que volontairement elle laisserace petit animal nager devant elle pour lui servir de


46/335

32 LA MAGIE NATURELLEguide, et elle le suivra comme celui qui elle devra lascurit de sa vie; et quand il se repose, elle se repose,et quand il reprend sa course, elle fait de mmeet s'asservit entirement lui. Aussi, parmi lesplantes, les vignes aiment les ormeaux et les peupliers,tant et si bien qu'elles croissent magnifiquement au-prs d'eux, car, maries ensemble, elles pandent leurstendrons, montent mignonnement et embrassent deleurs liens les rameaux de ces arbres, de sorte qu'ils nepeuvent plus s'en dtacher, ce qui n'est pas le cas pourd'autres arbres. Les palmiers se chrissent d'un amourvhment; ils languissent l'un pour l'autre et sont tel-lement chatouills du dsir amoureux, que s'abaissant,ils inclinent leurs perruques ensemble et s'entr' entor-tillent par un aimable et doux attachement. Et si,ents l'un prs de l'autre, ils sont enlacs d'un nudde corde, ils s'embrasseront par un attouchementrciproque et jouiront des doux prsents de Vnus,de sorte que joyeusement ils lveront la rame deleurs ttes gracieuses. A cette folie les laboureursapportent un remde, que nous rapporterons plus tard,remde l'aide duquel cet amour forcen s'teint,et l'arbre ds lors est rendu fructueux. Leontius parleaussi de l'ardent dsir de ces plantes et il s'appuie surce qu'en ont dit les anciens. Le dsir vnrien, dit-il,est si grand et si vif dans la palme, qu'elle ne donnerarelche son amoureux dsir que le mle aim neTait console. Si on ne remdie son mal d'amonr, ellemeurt, ce qui n'est pas ignor de l'expert agriculteur.Aussi, pourvu du remde qu'il lui faut, afin qu'ilpuisse connatre celui auquel elle a le dsir de se joindrepar le mariage, il va chercher tous les palmiers qui sontautour de la languissante palme, et ayant touch l'un,


47/335

LA MAGIE NATURELLE 33il apporte sa main l'amante passionne, et des au-tres, il en fait de mme; et lorsqu'il sent que ses mainssont frottes comme d'un baiser, alors il reconnat quela palme annonce que son dsir est assouvi et elle faitbranler sa mignonne et gracieuse perruque. Alors leprudent laboureur va arracher des fleurs du tronc dumle et en couronne la tte de l'amante qui, par cemoyen charge du prsent de son amoureux, porte desfruits, et rjouie de ce gage d'amour, se rend fconde.Le fruit ne peut durer en la palme femelle si on ne r-pand pas des feuilles du mari avec de la poudre surelle. L'amour aussi est grand entre l'olivier et le myrte,ainsi que le rapporte Androcius, les vergettes de celui-ci rampent sur l'olivier et leurs racines, s'entremlant,s'entortillent mutuellement. Aussi ne plante-t-on au-cun autre arbre auprs de l'olivier, sinon le myrte;du reste, il est l'ennemi du figuier et mme de toutautre arbre. Le myrte aime aussi le voisinage du gre-nadier, car s'ils sont plants l'un ct de l'autre, ilsen deviendront plus fconds et plus fertiles. Si le gre-nadier est ent sur le myrte, il donnera beaucoup plusde pommes. C'est Didymus qui l'assure. Il y a aussiplusieurs autres arbres qui deviennent striles, si prsd'eux on ne plante un pieu ou que le mle ne soit toutprs d'eux. Le jeton de l'olivier sauvage te la strilitde l'olivier domestique, ainsi que l'expriment cesvers :

L.e sauvage olivier, fcondit nave,Octroie heureusement cette grasse oliveEt enseigne donner d'une largesse extrmeLes dons lesquels porter il ne peut pas lui-mme.

lintre les roses et les lys il y a une secrte sympa-


48/335

34 LA MAGIE NATURELLEthie, en sorte que naissant les uns prs des autres, ilss'entr'aident, et les lys et les roses en produisent desfleurs plus suaves et plus odorifrantes. L o on plantela squille, toutes autres plantes viendront heureuse-ment, comme toutes sortes d'herbes potagres serontfavorablement aides dans leur accroissement, si onsme prs d'elles de la roquette. Les concombres ai-ment autant l'eau qu'elles ont une aversion prononcepour l'huile. La rue ne sera jamais aussi belle que sousl'ombre du figuier ou mme ente dans l'corce decelui-ci. Le chat se rjouit de la prsence de la ver-veine, parce que cette plante fortifie ses yeux. Je croisque je peux clore ici ce chapitre, car m'est avis quenous vous avons amus, ami lecteur, plus qu'il n'-tait convenable.

Chapitre DiximeDes vertus des choses, qui sont dans les animaux

tandis qu'ils vivent.

Nous pouvons considrer et voir plusieurs beauxet excellents offices, qui oprent seulement pendantla vie, et s'vanouissent aprs le trpas ou gardenttrs rarement quelques-uns de leurs effets. Les yeuxdu loup hument la voix, le serpent nomm catoblepaset le basilic soudain tent la vie, l'echeneis, que lesLatins appellent rmora arrte le cours imptueux desnavires et l'autruche digre le fer. Mais quand ces ani-maux sont morts, ils n'ont plus ce pouvoir, car lorsquela vie s'vanouit et vient manquer, cette vertu dis-parat de mme. C'est pourquoi dans les prceptes dela magie naturelle, j'estime que si l'on veut avoir quel-


49/335

LA MAGIE NATURELLE 35que chose dos animaux, il le leur faut prendre tandisqu'ils vivent, et ce sera encore meilleur, si c'est pos-sible, s'ils demeurent en vie aprs, car si l'animal ex-pire, toute vertu expire avec lui. Car l'me, comme ditAlbert, aide beaucoup dans les choses qui naissentchez les animaux; mais le trpas ou la corruption lespervertit, et surtout les humeurs naturelles meurentavec les corrompues, au moyen de quoi on peut sepersuader que les parties vives travaillent plus vigou-reusement et ont des vertus plus efficaces. Les mde-cins sont tous d'accord ce sujet.

Chapitre OnzimeQu'aprs la mort, il reste encore quelques vertus dans

les corps dcds.

On peut remarquer qu'il existe encore une certaineefficacit ou vertu dans les choses prives de vie :certaines proprits ne cessent en effet d'oprer, voiremme avec plus de force. Les loups sont des ennemissi acharns et si mortels des brebis qu'ils se font re-douter encore aprs leur mort. Car si vous battez untambourin de la peau d'un loup, et que prs de luisoient d'autres tembourins couverts de peaux de mou-ton, lui seul les fera taire, ou bien, selon quelques au-tres auteurs, les peaux des autres tambourins se rom-pront. Le tambour mont de la peau d'un ours oud'un loup, et battu, chasse et fait fuir au loin les che-vaux. Si de tous les boyaux de ces animaux on faonnedes cordes, et qu'on en monte un luth, elles rendrontun bruit fcheux et il n'en sortira aucun son harmo-nieux. L'hyne et la panthre sont ennemies : celui


50/335

36 LA MAGIE NATURELLEqui se munit du cuir d'une hyne morte fera fuir devantlui toute panthre. Et si vous pendez les peaux de cesbtes l'une vis vis de l'autre, le poil de la peau de lapanthre tombera. La peau du lion consume et rongeles peaux de tous les autres animaux; les peaux desloups font de mme envers celles des agneaux et lesplumes de tous les oiseaux mme celles de l'aigletombent d'elles-mmes. Le brant et la linotte sontennemis et si obstins dans leur haine que, selon ceque l'on raconte, le sang de l'une et de l'autre, morts,ne peut tre mlang. Les pigeons ou colombes portentune telle amiti la cresserelle, au dire de Columelle,que si quelqu'un enferme les petits de la cresserelledans des pots de terre et en bouche les couvercles, etque ces pots, enduits de pltre, soient pendus auxquatre coins d'un colombier, les pigeons ne voudrontplus habiter d'autre lieu, tant ils aiment les petits,aprs leur mort. De mme les herbes, et tous autressimples ne cessent d'oprer, mme arrachs de leurstiges et desschs; ils conservent une amoureuse affec-tion et des vertus efficaces. Or, considrez ceci, vousqui dsirez oprer des choses merveilleuses, et pensez-y beaucoup et longtemps, afin qu'en travaillant, vousne soyez dus.

Chapitre DouzimeDe la mutuelle communication des choses, et qu'ellesoprent en leur substance totale et en leurs par-

ties.

Il y a dans les choses naturelles certaines communi-cations qui rciproquement travaillent et oprent, et


51/335

LA MAGIE NATURELLE 37que je vous conseille d'observer soigneusement. Dansune putain, voire mme la plus effronte du monde,on ne rencontre pas qu'une audace et une effronterietmraires, mais quelquefois aussi on y peut observerde la vertu. Car elle pourra faire que tout ce qu'elletouchera, ou portera sur soi, aura la vertu de donnerde l'audace et de rendre un homme impudent. J'endonnerai pour exemple ceci : savoir si quelque per-sonne se contemple souvent dans son miroir, ou se re-vt de ses dpouilles, elle deviendra semblable elleen impudence et en paillardise. Et non seulement lefer que l'aimant aura touch, est attir, mais celui-ci son tour allche et attire tous autres morceaux defer; un anneau que l'aimant aura attir soi en attireplusieurs autres, de sorte que tous ces anneaux sem-blent pendre comme une chane, tant la vertu de l'ai-mant est transporte de l'un l'autre anneau.

Les robes de deuil, dont on se sera servi aux obs-ques d'un tre cher, rendront la personne triste et par-fois mourante. Le mme phnomne s'observe encoredans d'autres choses. Ainsi j'estime digne de remarqueque les vertus des choses arrtent quelquefois touteleur substance dans certains endroits, et dans d'autresseulement quelques-unes de leurs parties. L'cheneis,comme nous l'avons vu dans un chapitre prcdent,retient et arrte un navire, non pas principalementpar l'une ou l'autre de ses parties, mais par toute sasubstance, et l'on connat plusieurs phnomnes dumme ordre. Il existe plusieurs animaux qui oprentselon leurs parties, savoir des yeux, comme le basilic,le serpent catoblepas, et le loup. Les fourmis fuientles ailes de la chauve-souris, et non son cur ou satte, et elles fuient le cur de la houppe, et non sa tte


52/335

38 LA MAGIE NATURELLEOU ses ailes; vous pourrez constater le mme phno-mne dans nombre d'autres animaux. Maintenant,nous allons enseigner comment il convient d'oprerpar la similitude des choses.

Chapitre TreizimeDes similitudes des choses, et de ceux qui doivent

oprer des vertus par elles, et tre recherchs.

Quand les choses que nous avons dit procder de laproprit de la substance totale, sont favorablementassembles, nous pouvons croire et nous l'avons vu,qu'elles s'allient par une affinit nave ou se combat-tent en vertu d'une haine trange. Mais laissons cela;notre intention est maintenant de traiter des chosesqui oprent par une certaine simiUtude. Il y faut em-ployer une diligence extrme, voire mme une dili-gence aussi grande que celle des anciens dans leurscrits. Or, nous voyons que les espces et les qualitsuniverselles des choses peuvent incliner, attirer et all-cher soi quelques autres, selon leur pouvoir, et lesconvertir en leur semblable ; et mme si elles sont ex-cellentes en opration, cela arrivera plus facilement,comme l'exprience tmoigne que le feu se met au sen-timent du feu et l'eau de mme. Et Avicenne affirmeque si quelque chose reste longtemps dans le sel, touten ressentira la saumure, et ce qui croupira en rap-portera de la puanteur. Ainsi l'homme accompagnd'un personnage hardi, se fera magnanime, et celui quifrquentera un craintif, deviendra couard et de curfaible. Si quelque animal a coutume de converser avecles hommes, il s'apprivoisera et deviendra gracieux.


53/335

LA MAGIE NATURELLE 39L'il droit de la belette, enchss dans un anneau,dlivre des charmes ou sorcelleries qui se font par lesyeux, comme nous l'expliquerons plus loin. Celui quiportera avec lui l'il d'un loup ou d'un hornme seravu avec plaisir. S'il porte avec lui les langues d'unloup ou d'un homme, les langues ou paroles des en-vieux ne lui nuiront pas. Si vous mangez l'estomacd'une poule avant votre souper, encore que vous dig-riez avec difficult, il vous fortifiera toujours votreestomac. Le cur du singe empche le battement ducur, et augmente sa hardiesse. Si la verge virginaledu loup est mange rtie, elle poussera la personne la luxure, si ses forces venaient dfaillir. Le ventredu livre sert donner la fcondit. Si vous mettez lecuir du talon droit du vautour sur le pied droit d'ungoutteux, ou le gauche sur le gauche, il apaisera ladouleur occasionne par la goutte. Finalement, enquelque partie du corps que cette humeur travaillela personne, un membre de l'oiseau sur le membresemblable s'appliquera avec profit pour la gurison.Vous pourrez apprendre plusieurs autres remdessemblables dans les coles de mdecine; ce n'est pasnotre intention de les rpter ici. Si vous voulez rendreune femme strile, considrez un animal strile, voireun de ceux dont l'excellente passion surmonte touteschoses, et vous obtiendrez le rsultat que vous dsirez.Si la sueur, l'urine, le cur, la matrice et la partienaturelle et les gnitoires du mulet sont imposs sur leventre, avals en breuvage ou mangs avec quelquesauce, ou amliors par quelque parfum et verssdans la bouche de la personne, il est certain que celaempchera la femme de concevoir et lui tera mmel'esprance d'une conception future. La sauge peut


54/335

40 LA MAGIE NATURELLEoprer de la mme faon car si on boit de sa dcoction,elle fera avorter ou rendra strile : voil pourquoi onl'appelle la plante perd-fruit. Si vous voulez rendrequelqu'un audacieux ou impudent, faites qu'il portesur lui la peau d'un lion, ou les yeux d'un coq, et ilmarchera courageux et invincible contre ses ennemiset les pouvantera. Si vous voulez aimer quelqu'unou tre aim de lui, cherchez les animaux que retientprincipalement le dsir amoureux, et qui sont sujets l'amour, comme les passereaux, les colombes, les tour-terelles et les hirondelles. Il sera ncessaire d'observersurtout l'heure laquelle elles s'abandonnent leurpassion amoureuse et sont en chaleur. De mme ce serapour vous chose utile et profitable de prendre les par-ties o rside principalement le chatouillement amou-reux, comme le cerveau, le cur, les gnitoires, la par-tie naturelle, la matrice, le sperme, les menstrues. Sivous dressez des embches aux femmes, prsentez leurles gnitoires ou le sperme, et si vous en voulez l'homme, les menstrues, la partie naturelle et la ma-trice. Si vous voulez faire caqueter quelqu'un et lerendre babillard, donnez-lui des langues et apprenez-lui le moyen d'en jouir. Vous lui prsenterez des lan-gues de grenouilles, de canes sauvages et d'oies. Ceciencore est considrer, savoir, que si pouvez pren-dre des animaux criards, et renomms pour l'impor-tunit de leur babil, et que vous posiez les langues deces btes sur la poitrine ou sous la tte d'une femmeendormie (ces animaux criant plus la nuit qu'autre-ment) elle dclarera tout le secret de son cur. Il y aencore plusieurs autres choses, que nous prfronstaire, parce qu'elles sembleraient mieux appartenir une leon superflue qu'utile et profitable.


55/335

LA MAGIE NATURELLE 41Or, pour savoir comment on pourra adroitement

administrer ces choses, nous l'enseignerons, Dieu ai-dant, ci-aprs, lorsque nous en traiterons plus ample-ment. Maintenant, nous allons parler de quelquesoprations clestes.

Chapitre QuatorzimeQue certaines vertus viennent du ciel et des astres, et

que de l plusieurs choses drivent.A mon avis, il n'y a point de doute que les choses

infrieures servent aux suprieures, et que de la naturethre dcoule et drive une vigueur et une efficacitcertaines, de sorte que les choses qui, en vertu d'une loinaturelle, sont sujettes mutation, arrivent se cor-rompre. J'estime que les Egyptiens ont eu raison d'at-tribuer toutes choses aux influences des cieux, con-sidrant que toutes leur sont asservies. C'est ce qu'af-firme Ptolme qui a dtermin les rgles des influen-ces clestes et en a tir plusieurs prsages. Aristoteayant constat que le mouvement des astres tait lacause et l'origine de toutes choses, dclare qu'ellesprissent galement sous la mme influence : nces-sairement, dit-il, ce monde a t fait sous leur actionet il se gouverne par elle. Le mme philosophe, sa-chant que le soleil pandait et dardait ici-bas la vertude ses rayons, a dit encore que la naissance et la mortde toutes choses dpendent de lui.

Platon dit qu'il y a quelques circuits clestes quisont cause de la fcondit et de la strilit. Le soleilgouverne le temps et les saisons, et rgle la vie univer-selle, Jambhque, se basant sur la doctrine des Egyp-


56/335

42 LA MAGIE NATURELLEtiens, dit: C'est chose certaine et indubitable que toutce qui apparat de bon nous est communiqu par lapuissance du soleil, et si nous recevons quelque chosedes autres corps clestes, c'est l'intermdiaire du so-leil que nous le devons. Heraclite appelle cet astreradieux la fontaine de la cleste lumire. Orphe lenomme lumire de vie, Platon feu cleste, tre anim;les physiciens le cur du ciel, et Plotin affirme que lesoleil a t rvr des anciens comme un dieu. Voilquant aux vertus du soleil. La lune n'opre pas moinstant par sa vertu propre que par celle du soleil, etd'autant plus mme qu'elle est plus rapproche denous. Albumasar affirme qu'en toutes choses c'est lesoleil et la lune qui font sentir leur action. Le trsdocte Herms a dit qu'aprs Dieu, le soleil et la lunesont l'origine de la vie dans tous les tres. Cette luneargente, voisine de la terre, surpasse tous les autresastres et est connue comme dame de toutes choseshumides . Sous son influence, les mers, les rivires etles flots croissent et dcroissent. Les flots de la mer,par le flux et le reflux, sont agits d'un perptuel mou-vement que tous attribuent la lune, qui tour tourhume les eaux et ensuite les dgorge, mais on ne saitpas d'o provient ce phnomne. Les germes et les se-mences des plantes ne ddaignent pas non plus l'tatdu ciel, et les laboureurs savent cela trs bien, parcequ'ils l'ont souvent prouv. Ainsi le bois croissantne grossit pas les fruits, mais quand le bois languit ets'amaigrit, les fruits s'en ressentent considrablement.Les gens experts et savants en agriculture estimentque le cours que fait chaque mois la lune est ncessaire la vie des plantes. Pendant que la lune erre par lessignes terrestres du Zodiaque, les arbres jettent force


57/335

LA MAGIE NATURELLE 43racines dans la terre, mais si marchant par l'air elles'arrte, l'arbre produira et pandra des rameauxnombreux remplis de feuilles, et crotra plutt par lehaut que par le bas. Le grenadier est un exemple mani-feste de ce que j'avance, car l'arbre portera autantd'annes qu'il y a de jours entre la vieille et la nou-velle lune. On dit aussi que si l'ail est sem alors que lalune est pose sous la terre et si on l'arrache quand elleest de nouveau cache sous le globe terrestre, il n'aurapas de mauvaise odeur.

Toutes les choses qui sont sujettes tre coupes et tomber abondent en humeurs alors que la lune re-prend sa nouvelle clart, deviennent vermoulues etpourrissent. C'est pourquoi Dmocrite dit, n'en d-plaise Vitruve, qu'on peut couper le bois sur le d-chu de la lune. Les philosophes chaldens tmoignentque l'herbe appele lunaria, qui a des feuilles rondes,faonnes en forme de croissants, bleues et entassesl'une sur l'autre, a reu cette dnomination parcequ'elle connat et observe les jours de la lune. Carquand elle crot, cette plante, en un jour, produit unefeuille, et quand elle vient dcrotre, elle la laisse. Onpeut encore voir mieux ce phnomne dans les ani-maux apprivoiss et dans les plantes; nous en pou-vons faire l'exprience journellement. La fourmi, quiest parmi les plus petits des insectes, sent les change-ments des astres, de sorte que dans le temps qui s'-coule entre la nouvelle et la vieille lune, elle cesse sonlabeur habituel et se repose, et pendant la pleine lune,elle travaille sans discontinuer, voire mme durant lesnuits.Les veines des souris rpondent galement au nom-

bre lunaire, car alors que son globe est plein et arrondi,


58/335

44 LA MAGIE NATURELLEelles croissent, et quand elle dcrot en concavit, elless'amincissent. D'ailleurs, les cheveux coups et lesongles rogns aprs l'espace qui est entre la nouvelleet la vieille lune, reviendront plus tt; coups et rognsavant cette poque, ils reviendront plus tard. Lespaupires des chats connaissent aussi les changementsde la lune, de sorte que tantt elles sont plus amples, ettantt plus troites. Si quelqu'un veut en faire l'exp-rience, qu'il se tienne dans une lumire gale et mo-dre, car la splendeur trop grande les arrte et lesretient, et une lumire moindre les relche et les faitgrandir.

Le scarabe manifeste et dcouvre les ges des as-tres, car il faonne un petit amas de fiente en rond,en forme d'une pelotte, et ayant creus une fosse sousla terre, il l'enferme l pendant vingt-huit jours, l'es-pace du premier au dernier quartier de la lune, etalors, ouvrant ce globe, il donne naissance une fa-mille nouvelle. L'oignon, qui est encore plus merveil-leux, seul parmi toutes les plantes potagres, connatles forces et les modifications des astres ; il vit et germeau dclin de la lune, et dcrot quand la lune est nou-velle. C'est pourquoi les prtres gyptiens n'en man-gent point, comme je l'ai lu dans Plutarque, au com-mentaire sur Hsiope.

Il y a un genre de tithimale, ou herbe lait appeleHelioscopius qui suit le soleil. Selon le cours du soleil,elle se contourne et se tient ouverte, veille, puis versle soir se laisse gagner au repos et au sommeil. Le ma-tin, elle semble se rjouir du retour du soleil, et la nuitelle ferme sa fleur.

Il y a encore plusieurs autres herbes solaires, commele souci. Aussitt que le soleil commence sa course ra-


59/335

LA MAGIE NATURELLE 45dieuse, il penche sa tte et s'incline l o l'astre setransporte. Autant en font les fleurs de la mauve et dela chicore.Le lupin aussi regarde le soleil son dclin et n'en-

tortille alors aucune de ses feuilles. Et s'il arrive que leMage importun cache le rayon solaire, qui indiquel'heure au laboureur, cette plante fait journellementoffice d'horloge et sert de montre. Et Thophraste ra-conte que sur les rives de l'Euphrate la fleur du loiusnon seulement s'ouvre et se ferme, mais que quelque-fois elle cache sa tige et d'autres fois la montre, depuisle coucher du soleil jusqu' minuit. Ainsi l'olivier, lesaule, le tilleul, l'orme et le peupher blanc indiquentle solstice, car ils contournent leurs feuilles et montrentun dos recouvert d'une petite barbe blanche. L'irionet l'herbe du pouliot, encore qu'ils soient privs deracines, pendus et attachs en un bois, fleuriront etont cette proprit de montrer l'galit des jours. LeSelivite (qui est autant que si vous nommiez lesrayons de la lune) est une pierre appele aproseliniim.Or, cette pierre porte empreinte en elle l'effigie de lalune qui la rend de jour en jour et croissante et dcrois-sante. Il y a aussi une autre pierre contenant une nuequi de la mme faon que le soleil se lve et finalementse plonge, s'entortille et se contourne quand il se cou-che. Le cynocphale se rjouit de la venue de la luneet lve les mains au ciel et orne sa tte d'un atourroyal; il a une telle conjonction avec elle qu'alors iljouit, tandis que dans l'intervalle du mois, elle ne luitpas de nui

Documents

Della Porta G.B.: LA MAGIE NATURELLE (trad. in francese del Magiae Naturalis Sive de Miraculis Rerum Naturalium - Libri Quatuor)