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1 DEBUSSY revisited

DEBUSSYClaude Debussy réutilisa sa musique début 1914 dans les Six épigraphes antiques, composées pour piano à quatre mains, que nous présentons en version flûte et piano. Prélude

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DEBUSSY revisited

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S O M M A I R E

Page titre 1

Sommaire 2

Description de la proposition 3

Programme musical 5

Notes de Programme 6

Association Bis !! 9

Biographies des intervenants 10

Les textes 12

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LA PROPOSITION

100 ans après le décès du compositeur Claude Debussy, Nicolas Van Dinh (piano) et Elisabeth

de Merode (flûte, voix) vous proposent un programme en hommage à ce compositeur

français qui a renouvelé le langage musical de son temps.

De la poésie…

Claude Debussy : "Les musiciens qui ne comprennent rien aux vers ne devraient pas mettre en

musique."

L’œuvre de Claude Debussy est fondamentalement tournée vers la littérature et la poésie. Il

nourrit essentiellement son style auprès des poètes symbolistes, comme Stéphane Mallarmé

dans le Prélude à l’après-midi d’un Faune.

Debussy écrit: « La musique de ce Prélude est une illustration très libre du beau poème de

Stéphane Mallarmé. Elle ne prétend nullement à une synthèse de celui-ci. Ce sont plutôt des

décors successifs à travers lesquels se meuvent les désirs et les rêves d’un faune dans la

chaleur de cet après-midi. Puis, las de poursuivre la fuite peureuse des nymphes et des

naïades, il se laisse aller au soleil enivrant, rempli de songes enfin réalisés, de possession

totale dans l’universelle nature. »

Le compositeur n’a donc aucune visée narrative ou descriptive. Il crée une sorte de rêve

orchestral, suite de tableaux aux couleurs sans cesse changeantes. Commentaire musical

infiniment subtil, il illustre le thème de la sensualité.

En effet, Debussy réussit ici un exercice délicat : mettre en avant un poème, le faire scintiller,

lui apporter une intensité qui le pare et lui donne sa plénitude. La beauté du poème n’est pas

transformée : elle est mise en valeur par la musique.

Claude Debussy sera avec Franz Schubert un des compositeurs les plus reconnus pour

l’évocation de poésie. Sa musique transpose le texte. Il ne faudrait pas s’imaginer que

Debussy pratique la musique dite « descriptive » ou « imitative ». Il ne décrit pas l’image, mais

exprime son affect. La force suggestive de la musique tient à elle-même.

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Une flûte nouvelle…

Grâce à lui, la flûte a pris une importance croissante au courant du vingtième siècle. La flûte

ayant gagné en puissance, tessiture, justesse et virtuosité depuis la révolution industrielle (et

le facteur Theobald Boehm), le compositeur semble apprécier particulièrement ce « nouvel »

instrument. Il lui confie d’ailleurs le rôle principal dans sa première œuvre symphonique

importante, encore le Prélude à l’après-midi d’un faune, proposée ici en version pour flûte

piano.

Pierre Boulez: « C’est avec la flûte du Faune que commence une respiration nouvelle de l’art

musical, non pas tellement l’art du développement musical que sa liberté formelle, son

expression et sa technique. L’emploi des timbres y est essentiellement nouveau, d’une

délicatesse et d’une sûreté de touche tout à fait exceptionnelle ; l’emploi de certains

instruments comme la flûte, le cor ou la harpe, y est caractéristique de la manière dont

Debussy les employa dans ses œuvres les plus tardives ; […] on peut dire que la musique

moderne commence avec L’Après-midi d’un Faune. » (in Encyclopédie de la Musique,

Fasquelle, 1958)

Pour honorer pleinement Claude Debussy, nous avons donc choisi un programme inspiré de

poésie et de littérature, avec de la flûte : le Prélude à l’Après-midi d’un Faune en version flûte

et piano, inspiré du poème de Stéphane Mallarmé ; les Chansons de Bilitis, inspirées des

poèmes de Pierre Louÿs : pour voix & piano et flûte & piano ; un prélude pour piano inspiré

de Baudelaire ; Syrinx pour flûte seule composée pour la pièce de théâtre de Gabriel Mourey

et nous terminons avec la sonate pour violon et piano, arrangée ici pour flûte et piano.

Poésie + musique ?

La rencontre entre un texte et une musique est le fruit d’une collaboration dans la chanson

ou dans l’opéra : le texte a éclos en fonction d’une mise en musique à laquelle il est destiné, il

naît chanté, ou à chanter. Mais tel n’est pas le cas du poème : celui-ci est écrit pour lui-même,

par le poète.

D’ailleurs le poème gagne, pour être savouré, à être parlé, serait-ce en un murmure

intérieur : son énonciation fait partie du plaisir qu’il dispense, comme d’une nécessaire mise

en bouche.

Pour « revisiter » la musique de Claude Debussy, comme indique le nom du projet, nous

voulons ici partir du texte et énoncer les poèmes, en extraits diffusés, amplifiés. Comme si

nous prenions en bouche les poèmes avec Claude Debussy, comme pour tenter de

s’approprier avec le public l’inspiration première du compositeur.

Les extraits des poèmes récités par Elisabeth de Merode sur bande son seront mélangés à des

souffles et des bruitages inspirés des thèmes représentés : la sensualité, mythologie,

mélancolie. Le tout transformé en sound scape constituera le fil rouge liant les différentes

pièces de musique.

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PROGRAMME MUSICAL

- Prélude à l’après-midi d’un faune pour flûte et piano - Trois chansons de Bilitis :

I, la flûte de Pan II, la Chevelure III, le tombeau des Naïades

- Bilitis pour flûte et piano I, Pour invoquer Pan, dieu du vent d’été II, Pour un tombeau sans nom III, Pour que la nuit soit propice IV, Pour la danseuse aux crotales V, Pour l’Egyptienne VI, Pour remercier la pluie au matin

- Prélude pour piano : les sons et les parfums tournent dans l’air du soir - Syrinx pour flûte seule - Sonate pour flûte et piano :

I, Allegro vivo II, Intermède III, Finale

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NOTES de PROGRAMME :

Prélude à l’après-midi d’un faune

Le Prélude à l’après-midi d’un faune, composé entre 1892 et 1894, est sous-titré « Églogue

pour orchestre d’après Stéphane Mallarmé ». Lors de la création, le poète est enthousiaste.

Pour remercier le compositeur, il écrit le quatrain suivant sur une partition :

Sylvain d’haleine première

Si la flûte a réussi

Ouïs toute la lumière

Qu’y soufflera Debussy.

C’est la première œuvre symphonique majeure de Claude Debussy. Elle remporte d’emblée

un vif succès et assure la réputation du compositeur. En 1912, elle sera chorégraphiée

par Nijinski, avec les Ballets russes de Diaghilev.

Chansons de Bilitis

Les plus belles leçons de Debussy n’ont pas été fournies par les musiciens mais par les poètes

et les peintres, estimait Pierre Louÿs, son premier biographe.

Debussy s’intéresse très tôt au recueil de poèmes teintés d’érotisme de Pierre Louÿs publié

en 1894 : les Chansons de Bilitis. L’auteur présente son ouvrage comme une traduction de

l’œuvre d’une poétesse antique dont il invente la biographie. En 1897-99, le compositeur en

tire trois mélodies rêveuses, ici présentées : La Flûte de Pan, La Chevelure et Le Tombeau des

Naïades, qui sont de vrais chefs d’œuvres, plus particulièrement Le Tombeau des Naïades.

Dans l’interprétation musicale de la mélodie, c’est le poème qui doit demeurer en avant : sa

version chantée semble non seulement belle mais naturelle et n’est possible qu’à une voix de

femme chaude et sensuelle, mais aussi adolescente et presque virginale, sans trop d’enflure

sonore.

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En 1900, il est sollicité par Pierre Louÿs qui projette une récitation publique de douze de ses

poèmes : 1/ Chant pastoral ; 2/ Les Comparaisons ; 3/ Les Contes ; 4/ Chanson ; 5/ La Partie

d’osselets; 6/ Bilitis ; 7/ Le Tombeau sans nom ; 8/ Les Courtisanes égyptiennes ; 9/ L’Eau pure

du bassin ; 10/ La Danseuse aux crotales ; 11/ Le Souvenir de Mnasidica ; 12/ La Pluie du

matin.

Pour illustrer cette récitation, Debussy choisit des instruments dont la sonorité lui évoque

l’antiquité grecque, ce qui donne une formation insolite : deux flûtes, deux harpes, un célesta

et des crotales. La musique est composée de brefs préludes ou intermèdes qui s’intercalent

entre les poèmes dont ils sont des ponctuations poétiques. Comme pour le Prélude à L’Après-

midi d’un Faune, il ne faut y voir aucune intention descriptive mais un libre commentaire

musical qui accompagne le climat tour à tour bucolique, sensuel, nostalgique ou espiègle de

chaque poésie.

Claude Debussy réutilisa sa musique début 1914 dans les Six épigraphes antiques, composées

pour piano à quatre mains, que nous présentons en version flûte et piano.

Prélude pour piano : « les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ».

Composés entre 1909 et 1913, les préludes de Debussy représentent l'aboutissement de sa

pensée pianistique.

Chaque prélude est une œuvre à part entière. Elles nous invitent au voyage et à la rêverie.

« Quand on n'a pas les moyens de se payer des voyages, il faut suppléer par l'imagination. »

(Debussy)

Feuillage, étoffe, personnages féeriques, parfums, poésie, rivières, tempêtes, humour,

histoire(s), contrées lointaines ; la musique nous plonge dans un univers et nos sens

s’éveillent, hors du temps et de la barre de mesure. Le ton est noyé, les accords flottants.

Les sons au clavier deviennent alors autant de pigments rares et les pinceaux de Debussy

chantent, s’évadant de tous cadres.

Syrinx pour flûte

Syrinx (à l’origine La Flûte de Pan) est une courte pièce pour flûte seule en un mouvement

composée en 1913. Encore une fois, c’est la flûte que Debussy a choisie pour évoquer

l’Antiquité grecque.

L’œuvre est l’unique fragment d’une musique de scène qu’il projetait de composer

pour Psyché, une pièce de son ami Gabriel Mourey. Bien que le mouvement descendant de la

phrase initiale suggère une certaine mélancolie, ces trois minutes de lyrisme intense

n’illustrent pas, comme on l’a longtemps cru, la dernière mélodie que le dieu Pan joue avant

de mourir. Elle s’insère en fait dans une scène à l’atmosphère pleine de sensualité où l’on

assiste au dialogue entre deux nymphes : l’une, qui n’a jamais rencontré le dieu Pan, est

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effrayée et veut lui échapper ; l’autre s’efforce de la rassurer. C’est alors que retentit la

musique du dieu, qui engendre l’amour chez tous ceux qui l’entendent.

Ces quelques notes suffisent à changer complètement l’attitude de la nymphe qui, enivrée

comme ses comparses par l’amour divin, exprime ainsi son trouble : « Mais voici que Pan de

sa flûte recommence à jouer. Il semble que la Nuit ait dénoué sa ceinture et qu’en écartant

ses voiles elle ait laissé, pour se jouer, sur la terre tomber toutes les étoiles […] Danser, oui je

voudrais, comme tes sœurs, danser […] Par la chair d’elles toutes coule un feu divin et de

l’amour de Pan toutes sont embrasées. Et moi, la même ardeur s’insinue en mes veines ; O

Pan, les sons de ta syrinx, ainsi qu’un vin trop odorant et trop doux, m’ont grisée ; O Pan, je

n’ai plus peur de toi, je t’appartiens ! »

Syrinx est le premier solo composé pour la flûte moderne Boehm et la première pièce solo

d’importance depuis la Sonate en la mineur de Carl Philipp Emanuel Bach, 150 ans auparavant

(1763).

Sonate pour flûte et piano

Les dernières années de Debussy sont assombries par la maladie et la 1ère guerre mondiale

qui renforce encore ses sentiments nationalistes.

Il aura encore la force d’écrire la sonate pour violon et piano (arrangé ici pour flûte et piano).

Il s’éteint le 25 mars 1918 sans avoir vu la fin de la guerre.

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Association Bis !! Adresse : Rue de Carouge 91 1205 Genève Portable : +41774826220 Mail : [email protected]

L’Association Bis !!

Fondée en 2017 par Elisabeth de Merode, l’association Bis !! met en valeur la

création et veut susciter l’interaction entre diverses formes d’arts vivants et

contemporains pour produire des concerts ou des spectacles musicaux.

Grâce à cette nouvelle compagnie établie à Genève, elle souhaite créer un lien

avec la vie culturelle particulièrement riche de Genève et tisser des liens avec

des institutions sociales et scolaires afin d’amener la musique en des lieux qui la

fréquentent peu. L’objet de sa recherche partira donc tout d’abord d’un

échange établi avec des artistes de Genève.

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BIOGRAPHIES DES INTERVENANTS

ÉLISABETH DE MERODE, flûte et voix

Élisabeth étudie la flûte au Koninklijk Conservatorium Brussel avec Carlos Bruneel (flûte-solo

de la Monnaie). Durant ses études, elle gagne la bourse Erasmus pour intégrer la classe de

Hansgeorg Schmeiser à l’Universität für Musik und Darstellende Kunst à Vienne. Elle se

spécialise dans le Théâtre Musical et obtient un master à la Haute Ecole des Arts de Berne

(avec une bourse ESKAS en 2009-2010), ainsi qu’un Master in Performance avec Verena

Bosshart, avec mention ‘très bien’. Elle a joué dans l’Orchestre Philharmonique de Liège, le

Symfonieorkest van Vlaanderen, le Brussels Philharmonic, Cascophil et Collegium Frascati.

Parallèlement à ses activités pédagogiques (animatrice au Musée des Instruments de

Musique à Bruxelles et professeure dans plusieurs académies de Belgique et de Suisse), elle a

différents projets de musique de chambre (concerts à Rome, Addis Abeba, Strasbourg,

Washington, Chicago…) et de théâtre musical, comme le projet Whaletracking MD (Berlin,

Luxembourg, Athènes), Der Wunsch, Indianer zu werden à l’opéra de Berne, avec la

compagnie BIN°OCULAIRE (www.binooculaire.ch), XiViX op.1515 de Klangbox (Milan,

Monthey, Zurich, Berne), comme soliste dans des festivals tels qu’Usinesonore en Suisse, les

fêtes de Gand, le Feniks Festival et TAT en Flandres. En septembre 2017 elle sera finaliste du

concours Nicati dans la catégorie soliste.

Grâce à son association Bis !!, elle organise également ses propres projets. Sa dernière

production est ancrée sur Genève : la création du spectacle Redwoods avec 8 dates sur 7 lieux

est subventionnée par la Ville de Genève, la Loterie Romande, Pro Helvetia entre autres.

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NICOLAS VAN DINH, piano

Né à Marseille, Nicolas débuta le piano auprès du pianiste et chef d'orchestre Serge Paloyan. Il

poursuivit ensuite sa formation de musicien au conservatoire de sa ville natale où il obtiendra

trois 1er prix : piano, formation musicale et musique de chambre.

A 16 ans, il est lauréat du concours jeune talent "Enfant du Monde".

Son exécution du concerto en do mineur de Beethoven va changer sa vision de la musique.

Elle deviendra alors pour lui une vocation qui va le conduire à se produire de nombreuses fois

en France et en Suisse. Après s'être perfectionné auprès de Bernard D'Ascoli, il intègre la

Haute Ecole de Musique de Genève où il obtient brillamment un Bachelor et un Master of

Arts en interprétation musicale ainsi qu’un Master of Pedagogy dans la classe de Sylviane

Deferne.

En parallèle, il a pu s'imprégner du jeu pianistique de nombreux grands maîtres lors de

masterclass ( M. Pressler, R. Brautigam, B. Rigutto, J-M Luisada, P. Roger...).

De plus, une deuxième passion l’anime : transmettre son amour de la musique. De 2014 à

2017, il enseigna au Conservatoire de Musique de Genève puis depuis septembre 2017, à

l’Institut Jaques Dalcroze de Genève.

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LES TEXTES

Stéphane Mallarmé/Prélude à l’après-midi d’un Faune

« Ces nymphes, je les veux perpétuer. Si clair, Leur incarnat léger, qu’il voltige dans l’air Assoupi de sommeils touffus. Aimai-je un rêve ? Mon doute, amas de nuit ancienne, s’achève En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais Bois mêmes, prouve, hélas ! que bien seul je m’offrais Pour triomphe la faute idéale de roses.

Réfléchissons.. ou si les femmes dont tu gloses Figurent un souhait de tes sens fabuleux ! Faune, l’illusion s’échappe des yeux bleus Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste : Mais, l’autre tout soupirs, dis-tu qu’elle contraste Comme brise du jour chaude dans ta toison ! Que non ! par l’immobile et lasse pâmoison Suffoquant de chaleurs le matin frais s’il lutte, Ne murmure point d’eau que ne verse ma flûte Au bosquet arrosé d’accords ; et le seul vent Hors des deux tuyaux prompt à s’exhaler avant Qu’il disperse le son dans une pluie aride, C’est, à l’horizon pas remué d’une ride, Le visible et serein souffle artificiel De l’inspiration, qui regagne le ciel. Ô bords siciliens d’un calme marécage Qu’à l’envi des soleils ma vanité saccage,

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Tacite sous les fleurs d’étincelles, CONTEZ » Que je coupais ici les creux roseaux domptés » Par le talent ; quand, sur l’or glauque de lointaines » Verdures dédiant leur vigne à des fontaines, » Ondoie une blancheur animale au repos : » Et qu’au prélude lent où naissent les pipeaux, » Ce vol de cygnes, non ! de naïades se sauve » Ou plonge.. » Inerte, tout brûle dans l’heure fauve Sans marquer par quel art ensemble détala Trop d’hymen souhaité de qui cherche le la : Alors m’éveillerai-je à la ferveur première, Droit et seul, sous un flot antique de lumière, Lys ! et l’un de vous tous pour l’ingénuité. Autre que ce doux rien par leur lèvre ébruité, Le baiser, qui tout bas des perfides assure, Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsure Mystérieuse, due à quelque auguste dent ;

Mais, bast ! arcane tel élut pour confident Le jonc vaste et jumeau dont sous l’azur on joue : Qui, détournant à soi le trouble de la joue Rêve, dans un solo long que nous amusions La beauté d’alentour par des confusions Fausses entre elle-même et notre chant crédule ; Et de faire aussi haut que l’amour se module Évanouir du songe ordinaire de dos Ou de flanc pur suivis avec mes regards clos, Une sonore, vaine et monotone ligne. Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne Syrinx, de refleurir aux lacs où tu m’attends ! Moi, de ma rumeur fier, je vais parler longtemps Des déesses ; et, par d’idolâtres peintures, A leur ombre enlever encore des ceintures : Ainsi, quand des raisins j’ai sucé la clarté, Pour bannir un regret par ma feinte écarté,

Rieur, j’élève au ciel d’été la grappe vide Et, soufflant dans ses peaux lumineuses, avide D’ivresse, jusqu’au soir je regarde au travers. O nymphes, regonflons des SOUVENIRS divers. » Mon œil, trouant les joncs, dardait chaque encolure » Immortelle, qui noie en l’onde sa brûlure

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» Avec un cri de rage au ciel de la forêt ; » Et le splendide bain de cheveux disparaît » Dans les clartés et les frissons, ô pierreries ! » J’accours ; quand, à mes pieds, s’entrejoignent (meurtries » De la langueur goûtée à ce mal d’être deux) » Des dormeuses parmi leurs seuls bras hasardeux ; » Je les ravis, sans les désenlacer, et vole » A ce massif, haï par l’ombrage frivole, » De roses tarissant tout parfum au soleil, » Où notre ébat au jour consumé soit pareil. Je t’adore, courroux des vierges, ô délice Farouche du sacré fardeau nu qui se glisse,

Pour fuir ma lèvre en feu buvant, comme un éclair Tressaille ! la frayeur secrète de la chair : Des pieds de l’inhumaine au cœur de la timide Que délaisse à la fois une innocence, humide De larmes folles ou de moins tristes vapeurs. » Mon crime, c’est d’avoir, gai de vaincre ces peurs » Traîtresses, divisé la touffe échevelée » De baisers que les dieux gardaient si bien mêlée ; » Car, à peine j’allais cacher un rire ardent » Sous les replis heureux d’une seule (gardant » Par un doigt simple, afin que sa candeur de plume » Se teignît à l’émoi de sa sœur qui s’allume, » La petite, naïve et ne rougissant pas :) » Que de mes bras, défaits par de vagues trépas, » Cette proie, à jamais ingrate, se délivre » Sans pitié du sanglot dont j’étais encore ivre. Tant pis ! vers le bonheur d’autres m’entraîneront

Par leur tresse nouée aux cornes de mon front : Tu sais, ma passion, que, pourpre et déjà mûre, Chaque grenade éclate et d’abeilles murmure ; Et notre sang, épris de qui le va saisir, Coule pour tout l’essaim éternel du désir. À l’heure où ce bois d’or et de cendres se teinte Une fête s’exalte en la feuillée éteinte : Etna ! c’est parmi toi visité de Vénus Sur ta lave posant ses talons ingénus, Quand tonne un somme triste ou s’épuise la flamme. Je tiens la reine ! Ô sûr châtiment.. Non, mais l’âme

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De paroles vacante et ce corps alourdi Tard succombent au fier silence de midi : Sans plus il faut dormir en l’oubli du blasphème,

Sur le sable altéré gisant et comme j’aime Ouvrir ma bouche à l’astre efficace des vins ! Couple, adieu ; je vais voir l’ombre que tu devins. »

Pierre Louÿs/Chansons de Bilitis

La flûte de Pan « Pour le jour des Hyacinthies, il m’a donné une syrinx faite de roseaux bien taillés, unis avec de la blanche cire qui est douce à mes lèvres comme du miel.

Il m’apprend à jouer, assise sur ses genoux ; mais je suis un peu tremblante. Il en joue après moi, si doucement que je l’entends à peine.

Nous n’avons rien à nous dire, tant nous sommes près l’un de l’autre ; mais nos chansons veulent se répondre, et tour à tour nos bouches s’unissent sur la flûte.

Il est tard, voici le chant des grenouilles vertes qui commence avec la nuit. Ma mère ne croira jamais que je suis restée si longtemps à chercher ma ceinture perdue. »

La chevelure « Il m’a dit : « Cette nuit, j’ai rêvé. J’avais ta chevelure autour de mon cou. J’avais tes cheveux comme un collier noir autour de ma nuque et sur ma poitrine.

« Je les caressais, et c’étaient les miens ; et nous étions liés pour toujours ainsi, par la même chevelure la bouche sur la bouche, ainsi que deux lauriers n’ont souvent qu’une racine.

« Et peu à peu, il m’a semblé, tant nos membres étaient confondus, que je devenais toi-même ou que tu entrais en moi comme mon songe. »

Quand il eut achevé, il mit doucement ses mains sur mes épaules, et il me regarda d’un regard si tendre, que je baissai les yeux avec un frisson. »

Le tombeau des naïades Le long du bois couvert de givre, je marchais ; mes cheveux devant ma bouche se fleurissaient de petits glaçons, et mes sandales étaient lourdes de neige fangeuse et tassée.

Il me dit : « Que cherches-tu ? — Je suis la trace du satyre. Ses petits pas fourchus alternent comme des trous dans un manteau blanc. » Il me dit : « Les satyres sont morts.

« Les satyres et les nymphes aussi. Depuis trente ans il n’a pas fait un hiver aussi terrible. La trace que tu vois est celle d’un bouc. Mais restons ici, où est leur tombeau. »

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Pour invoquer Pan, dieu du vent d’été

« Il faut chanter un chant pastoral, invoquer Pan, dieu du vent d’été. Je garde mon troupeau et Sélénis

le sien, à l’ombre ronde d’un olivier qui tremble.

Sélénis est couchée sur le pré. Elle se lève et court, ou cherche des cigales, ou cueille des fleurs avec des herbes, ou lave son visage dans l’eau fraîche du ruisseau.

Moi, j’arrache la laine au dos blond des moutons pour en garnir ma quenouille, et je file. Les heures sont lentes. Un aigle passe dans le ciel.

L’ombre tourne : changeons de place la corbeille de figues et la jarre de lait. Il faut chanter un chant pastoral, invoquer Pan, dieu du vent d’été. »

Pour un tombeau sans nom

« Mnasidika m’ayant prise par la main me mena hors des portes de la ville, jusqu’à un petit champ inculte où il y avait une stèle de marbre. Et elle me dit : « Celle-ci fut l’amie de ma mère. »

Alors je sentis un grand frisson, et sans cesser de lui tenir la main, je me penchai sur son épaule, afin de lire les quatre vers entre la coupe creuse et le serpent :

« Ce n’est pas la mort qui m’a enlevée, mais les Nymphes des fontaines. Je repose ici sous une terre légère avec la chevelure coupée de Xantho. Qu’elle seule me pleure. Je ne dis pas mon nom, »

Longtemps nous sommes restées debout, et nous n’avons pas versé la libation. Car comment appeler une âme inconnue d’entre les foules de l’Hadès ? »

Pour la danseuse aux crotales

« Tu attaches à tes mains légères tes crotales retentissants, Myrrhinidion ma chérie, et à peine nue hors de la robe, tu étires tes membres nerveux. Que tu es jolie, les bras en l’air, les reins arqués et les seins rouges !

Tu commences : tes pieds l’un devant l’autre se posent, hésitent, et glissent mollement. Ton corps se plie comme une écharpe, tu caresses ta peau qui frissonne, et la volupté inonde tes longs yeux évanouis.

Tout à coup, tu claques des crotales ! Cambre-toi sur tes pieds dressés, secoue les reins, lance les jambes et que tes mains pleines de fracas appellent tous les désirs en bande autour de ton corps tournoyant !

Nous, applaudissons à grands cris, soit que, souriant sur l’épaule, tu agites d’un frémissement ta croupe convulsive et musclée, soit que tu ondules presque étendue, au rythme de tes souvenirs. »

Pour l’Egyptienne

« Je suis allée avec Plango chez les courtisanes égyptiennes, tout en haut de la vieille ville. Elles ont des amphores de terre, des plateaux de cuivre et des nattes jaunes où elles s’accroupissent sans effort.

Leurs chambres sont silencieuses, sans angles et sans encoignures, tant les couches successives de chaux bleue ont émoussé les chapiteaux et arrondi le pied des murs.

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Elles se tiennent immobiles, les mains posées sur les genoux. Quand elles offrent la bouillie elles murmurent : « Bonheur. » Et quand on les remercie, elles disent : « Grâce à toi. »

Elles comprennent le hellène et feignent de le parler mal pour se rire de nous dans leur langue ; mais nous, dent pour dent, nous parlons lydien et elles s’inquiètent tout à coup. »

Pour remercier la pluie au matin

« La nuit s’efface. Les étoiles s’éloignent. Voici que les dernières courtisanes sont rentrées avec les amants. Et moi, dans la pluie du matin, j’écris ces vers sur le sable.

Les feuilles sont chargées d’eau brillante. Des ruisseaux à travers les sentiers entraînent la terre et les feuilles mortes. La pluie, goutte à goutte, fait des trous dans ma chanson.

Oh ! Que je suis triste et seule ici ! Les plus jeunes ne me regardent pas ; les plus âgés m’ont oubliée. C’est bien. Ils apprendront mes vers, et les enfants de leurs enfants.

Voilà ce que ni Myrtalê, ni Thaïs, ni Glykéra ne se diront, le jour où leurs belles joues seront creuses. Ceux qui aimeront après moi chanteront mes strophes ensemble. »

Baudelaire/Prélude pour piano

Harmonie du soir

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ; Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ; Valse mélancolique et langoureux vertige ! Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ; Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ; Valse mélancolique et langoureux vertige ! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige, Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir ! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ; Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige. Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir, Du passé lumineux recueille tout vestige ! Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige... Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !