COURRIER INTERNATIONAL N°1320 du 18 au 24 Février 2016

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  • 8/17/2019 COURRIER INTERNATIONAL N°1320 du 18 au 24 Février 2016

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     SCIENCES EINSTEIN AVAIT RAISON CONTROVERSE LE ROYAUMEUNIDOITIL SORTIR DE L’UE ? SYRIE  ALEP, OU LE DESTIN DE L’EUROPE 

    LA FRANCE TRANQUILLE

     La presseétrangère ventdebout contre

     la prorogation de l’état d’urgence

       A    f   r    i   q   u   e   C   F   A   3   2   0   0   F   C   F   A

       A    l   g    é   r    i   e   4   8   0   D   A

       A    l    l   e   m   a   g   n   e   4 ,   5   0   €

       A   n    d   o   r   r   e

       4 ,   5   0   €

       A   u   t   r    i   c    h   e   4 ,   5   0   €

       C   a   n   a    d   a   6 ,   9   5   $   C   A   N 

       D   O   M   4 ,   9   0   €

       E   s   p   a   g   n   e   4 ,   5   0   €

       E  -   U   7 ,   5   0   $   U   S

       G  -   B   3 ,   8   0   £

       G   r    è   c

       e   4 ,   5   0   €

       I   r    l   a   n    d   e   4 ,   5   0   €

       I   t   a    l    i   e   4 ,   5   0   €

       J   a   p

       o   n   8   0   0   ¥

       M   a   r   o   c   3   8   D   H 

       P   a   y   s  -   B   a   s   4 ,

       5   0   €

       P   o   r   t   u   g   a    l   c   o   n   t .   4 ,   5   0   €

       S   u    i   s   s   e   6 ,   2   0   C   H   F

       T   O   M   7   9   0   C   F   P

       T   u   n    i   s    i   e   6 ,   5   0

       D   T   U

    N° 1320 du 18 au 24 février 2016courrierinternational.comFrance : 3,90 €

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    4. Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016

    SommaireÉDITORIALJEAN-HÉBERTARMENGAUD

    La terreur n’estpas la guerre

    Sommes-nous vraiment “en guerre” comme le prétendentFrançois Hollande et Manuel Valls ? Avec tout le respect que nous

    devons aux victimes des attentatsde janvier et novembre 2015et à leurs proches, la réponse est non.Ou alors les mots n’ont plus grand sens,pourraient dire ces millions de Françaisqui ont perdu un père, un grand-pèreou un arrière-grand-père entre 1914et 1918. Certes la France fait la guerreen Irak et en Syrie. Certes Daech estun monstre tentaculaire d’une violencerare. Pourtant, sur notre sol, ce n’estpas une guerre mais du pur terrorisme

    – qui, lui, n’est pas nouveau. Sansremonter à la Terreur robespierriste(100 000 morts), la France a souffertces dernières années, avec les attentatsdes rues Copernic, des Rosiers, deRennes, du RER B, de Toulouse etMontauban… Alors pourquoi, cettefois-ci, vouloir appliquerdes mesures exceptionnelles – étatd’urgence, déchéance de nationalité,modification de la Constitution… ? Après les attentats du 11 mars 2004à Madrid, les plus meurtriers quel’Europe ait jamais connus (191 morts),l’Espagne n’a pas jugé bon d’appliquerl’“état d’exception” – proche de notreétat d’urgence. Après ceux du 7 juillet2005 à Londres (55 morts), Tony Blairn’a jamais évoqué de déchéancede nationalité pour les coupables binationaux nés au Royaume-Uni. Alors que cherche François Hollande ?Surfer sur une émotion légitime ?Chercher à droite des voix qu’il saitdéjà avoir perdues à gauche ?

    La manipulation, si c’est le cas, estgrossière, les sondages le prouvent déjà.D’autant plus que ces mesuresn’empêcheront jamais des fousde Daech de se faire exploseren pleine foule.

    En couverture :

    Dessin de Bertrams, Pays-Bas, pour Courrier international.

    p.28 à la une

       M   I   K   E   P   A   R   K

       B   E   R   T   R   A   M   S ,   P   A   Y   S     B   A   S

    SUR NOTRESITE

    Enquête. Comment Israëlse débarrasse de ses réfugiés

    africains.

    Web doc. Dimanche 21 février,

    deuxième volet de notre sérieconsacrée aux amours interdites.

    Inde : Mohammed et Shanara,amour sans frontière.

    Diaporama. La semaineen images.

    Retrouvez-nous aussi sur

    Facebook, Twitter et Instagram

    LA FRANCE TRANQUILLEDe la prolongation de l’état d’urgence au débatsur la déchéance de nationalité, la presseétrangère vilipende dans son ensemble le virageà droite du gouvernement français. PourForeign Policy, le tout-sécuritaire ne résout rien.La Stampa, elle, en appelle à l’Etat de droit.

    p.10

    Controverse.Le Royaume-Unidoit-il sortir de l’UE ?A la veille du sommet européen de Bruxelles, les 18 et 19 février, où seront discutéesles réformes négociées par David Cameron, partisans et adversaires du Brexit s’étripentdans la presse britannique.

    le  mo nde

    da ns7 jo ur

    s

    KamasiWashington,

    le jeuneguerrierdu jazz

    Le charismatique saxophoniste est devenuun phénomène comme on n’en avait plus vudepuis trente ans dans sa discipline,s’enthousiasme The New York Times.

     360°

    p.18

     Algérie. Maudite rente pétrolièreLa chute des prix du baril a fortement affecté le pouvoir d’achat des Algériens. Colèred’un éditorialiste d’Algérie-Focus alors que le débat sur la privatisation des entreprises publiquesfait rage.

    p.12

    Syrie. Poutine : une stratégie payanteLa chute d’Alep pourrait marquer un tournant dans la guerre, écrit e Guardian.La défaite des rebelles laisserait face à face les forces de Bachar El-Assad et Daech.Exactement ce que voulaient les Russes.

        w    w    w .    c

        o    u    r    r     i    e    r     i    n    t    e

        r    n    a    t     i    o    n    a     l .    c    o    m p.38

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    6. Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016

    Edité par Courrier international SA, société anonymeavec directoire et conseil de surveillance au capitalde 106 400 €.Actionnaire:  La Société éditrice du Monde.Président du directoire, directeur de la publication :  Arnaud Aubron.Directeur de la rédaction, membre du directoire: Eric Chol.Conseil de surveillance : Louis Dreyfus, président.Dépôt légal février 2016. Commission paritaire n° 0717c82101.ISSN n°1154-516X Imprimé en France/Printed in France

    Rédaction 6-8, rue Jean-Antoine-de-Baïf, 75212 Paris Cedex 13 Accueil 33 (0)1 4646 16 00Fax général 33 (0)1 46 46 16 01 Fax rédaction 33 (0)1 46 46 16 02 Site web www.courrierinternational. comCourriel [email protected] de la rédaction Eric Chol Directrice adjointe de la rédaction ClaireCarrard (1658)Rédacteur en chef  Jean-Hébert Armengaud (1657) Rédacteurs enchef adjoints Raymond Clarinard (1677), Hamdam Mostafavi  (1733)Rédactriceen chef technique Nathalie Pingaud (1625) Direction artistique Sophie-AnneDelhomme (1631) Conception graphique Javier Errea Comunicación

    É Virginie Lepetit (chef d’édition, 1612), Fatima Rizki (1730)7 Paul Grisot (chef de rubrique, 17 48), E Gerry Feehily (chef de service, 1695), Danièle Renon (chef de service adjointe,Allemagne, Autriche, Suisse alémanique, 16 22), Laurence Habay (chefde service adjointe, Russie, est de l’Europe, 16 36), Judith Sinnige(Royaume-Uni, Irlande, Pays-Bas, 1974), Carole Lyon (Italie, Belgique 1736),Nathalie Kantt (Espagne, Argentine, 1668), Hugo dos Santos (Portugal, 1634),Iwona Ostapkowicz (chef de rubrique, Pologne, 1674), Emmanuelle Morau (chefde rubrique, France, 19 72), Alexandre Lévy (Bulgarie), Iulia Badea-Guéritée(Roumanie, Moldavie, 1976), Solveig Gram Jensen (Danemark, Norvège, Suède),Alexia Kefalas (Grèce, Chypre), Agnès Jarfas (Hongrie), Kika Curovic (Serbie,Monténégro, Croatie, Bosnie-Herzégovine), Marielle Vitureau (Lituanie), KaterinaKesa (Estonie), Alda Engoian (Caucase, Asie centrale), Larissa Kotelevets(Ukraine)A Bérangère Cagnat (chef de service, Amérique du Nord,1614), Gabriel Hassan (Etats-Unis, 1632), Sabine Grandadam (chef de ser vice,Amérique latine, 16 97), Paul Jurgens (Brésil), Martin Gauthier (Canada)A Agnès Gaudu (chef de service, Chine, Singapour, Taïwan, 16 39), ChristineChaumeau (Asie du Sud-Est, 1624), Ysana Takino (Japon, 16 38), Zhang Zhulin(Chine, 17 47), Guillaume Delacroix (Asie du Sud), Elisabeth D. Inandiak(Indonésie), Jeong Eun-jin (Corées) M-O  Marc Saghié (chef de service,1669), Ghazal Golshiri (Iran), Pascal Fenaux (Israël), Philippe Mischkowsky (paysdu Golfe), Pierre Vanrie ( Turquie)A Ousmane Ndiaye (chef de rubrique,1629), Hoda Saliby (chef de rubrique, Maghreb, 1635), Sébastien Hervieu (Afriqueaustrale) T Pascale Boyen (chef des informations, Economie,1647), Catherine Guichard (Economie, 1604), Carole Lembezat (chef de rubrique,Courrier Sciences, 16 40), Virginie Lepetit (Signaux) M 360° MarieBéloeil (chef des informations, 1732), Corentin Pennarguear (Tendances, 1693),Camille Drouet (Courrier Voyages, 1609), Mélanie Liffschitz (Histoire, 1696)

    S I Hamdam Mostafavi (responsable, 17 33), Carolin Lohrenz(chef de service adjointe, 19 77), Clara Tellier Savary (chef d’édition), CaroleLyon (rédactrice multimédia, 17 36), Lucie Geffroy (rédactrice multimédia,Courrier Enquêtes, 16 86), Hoda Saliby (rédactrice multimédia, 16 35), LauraGeisswiller (vidéo, 1665)C E Ingrid Therwath (1651)M  Marie-Laëtitia Houradou (responsable, 16 87), PatriciaFernández Perez, Paul-Boris Bouzin

    T Raymond Clarinard (responsable, Courrier Histoire), CarolineLee (chef de service adjointe, anglais, allemand, coréen), Julie Marcot (chefde service adjointe, anglais, espagnol, portugais), Isabelle Boudon (anglais,allemand), Françoise Escande-Boggino (japonais, anglais), Françoise

    Lemoine-Minaudier (chinois, anglais), Mélanie Liffschitz (anglais, espagnol),Ngoc-Dung Phan (anglais, italien, vietnamien), Olivier Ragasol (anglais,espagnol) R   Jean-Luc Majouret (chef de service, 16 42), MarianneBonneau, Philippe Czerepak, Fabienne Gérard, Françoise Picon, EmmanuelTronquart P Sophie-Anne Delhomme (responsable), JonnathanRenaud-Badet, Alexandre Errichiello, Pierrick Van-Thé  I  LucBriand (chef de servic e, 1641), Lidwine Kervella (16 10), Stéphanie Saindon(1653), Céline Merrien (colorisation) M Bernadette Dremière (chef deservice, 1667), Catherine Doutey, Gilles de Obaldia, Josiane Petricca, DenisScudeller C  Thierry Gauthé (1670)I Catherine Doutey(1666) I Denis Scudeller (168 4), Rollo Gleeson (développeur)

    D  Eric Carle D NathalieCommuneau, Nathalie Mounié (chef de fabrication, 45 35) Impression,brochage Maury, 45330 Malesherbes

    O : Milan Baumgarten, Antoine Bénistant, Jean-Baptiste Bor, Isabelle Bryskier, Aurélie Carrier, Fatou Dedjinou, EkaterinaDvinina, Benjamin Fernandez, Raphaël Godechot, Sabrina Haessler*, EtienneLallemand, Jean-Baptiste Luciani, Valentine Morizot, Robin de Obaldia,Jessica Robineau, Leslie Talaga

    P MPublicité, 80, boulevard Blanqui, 75013 Paris, tél.: 01 57 28 2020Directrice générale Corinne Mrejen Directeur délégué David Eskenazy ([email protected], 38 63) Directeurs de clientèle Laëtitia de Clerck(laetitia.decler [email protected], 37 28) Chef de publicité Marjorie Couderc([email protected], 37 97) Assistante commerciale CaroleFraschini ([email protected], 38 68) Partenariat et publicitéculturelle  Guillaume Drouillet ([email protected], 10 29)Régions Eric Langevin (eric.langevin @mpublicite.fr, 3804)Annonces classées Cyril Gardère ([email protected], 3888) Site Internet Alexandre deMontmarin ([email protected], 3807) Agence Courrier Marie-Laëtitia Houradou (1687), Emmanuelle Cardea (1608)

    G A  Bénédicte Menault-Lenne (responsable, 16 13)Romain Poirrier Droits Eleonora Pizzi (16 52) Comptabilité  01 48 88 45 51D Hervé Bonnaud Res-ponsable des ventes France Christophe Chantrel Chef de produit CaroleMerceron (0 805 05 01 47, 01 57 28 33 78) Diffusion internationale SaveriaColossimo (01 57 28 32 20) Communication et promotion Brigitte Billiard,Christiane Montillet M Sophie Gerbaud (directrice, 16 18), Véro-nique Lallemand (16 91), Véronique Saudemont (17 39), Kevin Jolivet (16 89)

    Modifications de services ventes au numéro, réassorts 0805 05 01 47Service clients Abonnements Courrier international, Service abonnements,A2100 - 62066 Arras Cedex 9. Tél. 03 21 13 04 31 Fax 01 57 67 44 96 (du lundi auvendredi de 9 h à 18 h) Courriel  [email protected]

    Courrier international, USPS number 013-465, is published weekly 49 timesper year (triple issue in Aug and in Dec), by Courrier International SA c/oDistribution Grid. at 900 Castle Rd Secaucus, NJ 07094, USA. PeriodicalsPostage paid at Secaucu s, NJ. and at additional mailing Offi ces. POST-MASTER: Send address changes to Courrier International c/o Express Mag,P.O. box 2769, Plattsburgh, NY 12901-0239.

    SommaireLes journalistes de Courrier international sélectionnent et traduisent plus de 1 500 sourcesdu monde entier. Voici la liste exhaustive des sources que nous avons utilisées cette semaine :

     Algérie -Focu s  (algerie-focus.com) Alger, en ligne.  Animal Polit ico   (animalpolitico.com) Mexico, en ligne.  Al-Arab y Al -Jadid   (alaraby.co.uk)Londres, en ligne. The Atlantic Washington, mensuel. The Economist  Londres, hebdomadaire. El Español  (elespanol.com) Madrid, en ligne.Financial Times Londres, quotidien. Foreign Policy  Washington, bimestriel. The Guardian Londres, quotidien. The Hindu Madras, quotidien. TheIndependent   Londres, quotidien.  Al-Jumhuriya   (aljumhuriya.net) Istanbul, en ligne. Kompas  Jakarta, quotidien. Maghreb émergent (maghre-

    bemergent.com) Alger, en ligne.  Al-Mod on  (almodon.com) Beyrouth, en ligne. The New York Times New York, quotidien. ElPaís Madrid, quotidien. La Stampa Turin, quotidien. Süddeutsche Zeitung Munich, quotidien. The Spectator  Londres, hebdo-madaire. Der Tagesspiegel Berlin, quotidien. Telegram   Zagreb, hebdomadaire. Le Temps Genève, quotidien. Veidas  Vilnius,hebdomadaire. El-Watan Alger, quotidien.

    ← Toutes nos sources Scannez cette vignette et accédez à la rubrique “Nos sources”de notre site courrierinternational.com  où vous trouverez un descriptif de chaque source et le lien vers son site.

    ASIE22. Inde. La Chine partenaireindispensable

    23. Indonésie. La case prisondans le parcours terroriste

    EUROPE

    24. Migrants. La colèredes Allemands de Russie

    25. Croatie. Jésus-Christ super-croate

    26. Espagne. L’infante miseau ban

     A la une28. France : l’urgence permanente

    Transversales

    34. Economie. Royaume-Uni :le blues des “curry houses”

    36. Sciences. Einstein avait raison

    7 jours dans le monde7. Economie . Une étincelle peutmettre le feu aux Bourses

    10. Controverse. Le Royaume-Unidoit-il quitter l’UE ?

    D’un continent à l’autre

    MOYENORIENT

    12. Syrie. Poutine, une stratégiepayante

    14. Egypte. La vie humainene compte plus

    AMÉRIQUES

    16. Santé. Le virus Zika menaceles naissances

    17. Etats-Unis. Barack Obamame manque déjà

    AFRIQUE

    18. Algérie. Maudite rente pétrolière

    360°38. Musique. Kamasi Washington,le jeune guerrier du jazz

    42. Idées. La Syrie, tragédielinguistique

    44. Tendances. Des sacs de derrièreles barreaux

    47. Plein écran. Bons “bonbons”de Moscou

    Erratum

    Une erreur de date s’est glisséedans l’éditorial du n°1319, “Les fuséessont à l’Est” (p. 4). C’est évidemmenten 1983 que François Mitterrand

    a prononcé cette phrase et non en 2003, comme nous l’avonsmalencontreusement écrit.Dans le même numéro, nous avonsorthographié de deux façonsdifférentes le nom du leadernord-coréen (p. 8) : il fallait lire KimJong-un et non Kim Jung-un.

    Ce numéro comporte un encart FAE sur la totalité des abonnés de Francemétropolitaine.

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      7

    7 jours dans

    le monde.    Dessin de Martirena, Cuba.

    ÉCONOMIE

    Une étincelle peut mettre le feuaux BoursesDepuis des semaines, la tendance baissière des marchés renforce les inquiétudes des investisseurs,au risque de provoquer une véritable crise. Un phénomène potentiellement dévastateur.

    SOURCE

    LE TEMPS

    Genève, Suisse

    Quotidien, 49 000 ex.

    www.letemps.ch

    Né en mars 1998 de la fusion

    du Nouveau Quotidien 

    et du Journal de Genève et

    Gazette de Lausanne, ce titre

    de centre droit, prisé des

    cadres, se présente commele quotidien de référence

    de la Suisse romande.

    —Le Temps Genève

    Les marchés boursiersdéclinent dangereusementces dernières semaines,au point d’entrer dans une phase baissière : i ls ont cédé 20 % parrapport à leur plus haut niveau.Mauvaise nouvelle pour les opé-rateurs financiers mais aussi pourceux qui ne demandent rien à per-

    sonne, et surtout pas à la Bourse.C’est notamment le cas des inves-tisseurs à travers leur caisse depension, soit nous tous.

    Les causes d’une telle baisse,très marquée pour certainesactions comme Crédit suisse– qui cède près de 40 % –, sontmultiples. On ne les compte pourainsi dire plus. Cela va de l’éco-nomie américaine et de la Fed audynamisme chinois en berne, enpassant par les prix du pétroleau plus bas depuis treize ans, etnous en passons.

    Le monde a changé quand lesChinois ont commencé à faire

     joujou avec leur monnaie l’été der-nier, que Janet Yellen a annoncé

    que la banque centrale américainese montrerait désormais moinsaccommodante en ouvrant uncycle de relèvement graduel destaux et que les prix du brut ontcommencé à s’effondrer. Tousces faits ont mené à des désé-quilibres que l’économie mon-diale peine à digérer. La Boursedonne la température du patient,pense-t-on.

    Et pourtant, économie etBourse sont très directementliées. Quand le FMI annonceen début d’année qu’il revoit sesprévisions de croissance mon-diale à la baisse, cela ne fait pasdu bien à votre portefeuille d’ac-tions. Mais la Bourse peut aussiavoir sa propre dynamique dont ilconvient de se méfier car elle peutêtre décorrélée de l’activité réelle.C’est le risque de réflexivité, cherà George Soros. Pour ce dernier,qui a théorisé sur ce thème dansun livre resté célèbre, parfois lesactions baissent… parce que lesactions baissent. De manièreplus savante, c’est le risque dela prophétie autoréalisatrice,

    Fini le papierRoyaume-Uni — “Même si onarrête d’imprimer, l’esprit et l’im- pact de notre journal continuent”,écrit The Independentaprès avoirannoncé l’arrêt de son éditionpapier. A partir du 27 mars, tousles contenus ne seront acces-sibles qu’en ligne. Le journal degauche, qui souffre depuis desannées d’une baisse des ventes et

    des recettes publicitaires, espèreainsi redevenir rentable. “Il n’y atout simplement pas assez de per- sonnes qui sont prêtes à payer pourdes journaux papier”,explique lequotidien, qui affi rme avoir cepen-dant “de grandes ambitions inter-nationales” pour son site web.

    Rencontre

    historiqueDIPLOMATIE Granma consa-

    cre sa une du13 février à larencontre “his-torique”entre lepape Françoiset le chef del’Eglise ortho-doxe russe, le

    patriarche Cyrille, à La Havane, en“terrain neutre” . C’est la première

    rencontre des deux dignitaires reli-gieux depuis le schisme de 1054.Le quotidien cubain, autoproclamé“organe offi ciel du comité centraldu Parti communiste de Cuba”,cite Raul Castro, qui s’est félicitéque “La Havane [soit] à nouveau unlieu d’entente et de dialogue”.

    Nouveau départLibye — “Le Conseil présiden-tiel, réuni à Skhirat, au Maroc, aannoncé dans la nuit du 14 févrierla formation d’un gouvernementd’union nationale” , rapporte LibyaAl-Mostakbal . C’est la deuxièmetentative de formation d’un gou-

     vernement depuis l’accord interli- byen du 17 décembre, la premièreayant échoué le 19 janvier. Fayez Al-Sa rraj, qui dir ige le Conseilprésidentiel, est appelé à deve-nir Premier ministre. En atten-dant son approbation par lesfactions libyennes rivales, lanouvelle équipe a reçu les félici-tations du médiateur de l’ONU,Martin Kobler, qui espère “unnouveau départ”.

    Contexte

    ●●● “L’appel à l’aide des

    banques”, titre Handelsblatt 

    le 16 février, rappelant que

    “la forte chute des cours

    de ces dernières semaines

    a généré un climat de crise

    dans les banques

    européennes”. Le quotidien

    allemand explique quele secteur attend une

    intervention de la Banque

    centrale européenne (BCE),

    qui rachète déjà chaque mois

    pour 60 milliards d’euros

    d’actifs – principalement

    des obligations d’Etat –afin de soutenir l’économie

    européenne. Les banquiers

    souhaitent que la BCE

    rachète aussi des obligations

    émises par les banques,

    qui, les unes après lesautres, sont sous pression.

    Le 15 février, Mario Draghi,

    président de la BCE, a laissé

    entendre qu’il n’hésiterait

    pas à intervenir si la situation

    le justifiait. Pourtant, selon

    Handelsblatt, “les banques

    ne peuvent pas compter sur

    une aide rapide des gardiens

    de la monnaie unique”.

    anticipation qui modifie des com-portements de telle sorte qu’ellefait advenir ce qu’elle a annoncé.

    Les Bourses ne vont peut-êtrepas aussi mal qu’elles en ont l’air.Mais une simple étincel le suffi t àfaire croire à tout le monde que leschoses sont bien pires que prévu,entraînant ainsi des ventes mas-sives. Ces temps-ci, par exemple,tout le monde s’inquiète au sujet

    des banques : sont-elles assezsolides pour gérer toute une sériede risques ? Les autorités de régu-lation, les banquiers eux-mêmes,ont beau jurer que les établisse-ments financiers sont bien plussolides qu’en 2008, au momentde la chute de Lehman Brothers,la Bourse les met au défi de prou- ver que cela est vrai en fa isantplonger leur cours. Au risque deréaliser ce qu’elle craint le plus, àsavoir la chute d’une banque quientraînerait toutes les autres. Ilne reste plus qu’à espérer qu’il n’yait pas d’étincelle pour mettre lefeu aux marchés.

    —Stéphane Benoit-Godet 

    Publié le 12 février 

  • 8/17/2019 COURRIER INTERNATIONAL N°1320 du 18 au 24 Février 2016

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    7 JOURS8. Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016

    ILS PARLENT

    DE NOUS

    STEFAN DE VRIES, correspondant

    de la radio néerlandaise RTL Nieuws

    Notre-Dame-des-Landes :le référendum,arme des lâchesFrançois Hollande a annoncéun référendum local sur le projetcontroversé d’aéroport.Est-ce une bonne idée ?

    Le référendum est toujoursl’instrument des lâches.

    Utilisé régulièrement parles citoyens, ça pourraitêtre un bel instrumentde démocratie directe.

    Mais, en France, on en

    fait un usage démagogique.Hollande veut dégager saresponsabilité de ce projet.C’est politiquement maladroit et juridiquement dangereux, car ceréférendum devrait être national– l’aéroport est un projet piloté parl’Etat. Au niveau local, ça ne devraitdonc être qu’un sondage. Et encore,sur quel périmètre ? Le département,la région, une zone plus vaste ? Denombreuses zones sont concernées.Le problème est loin d’être réglé.

    A-t-on besoin d’un nouvelaéroport ?Par rapport à beaucoup d’autres pays,la France compte déjà de trèsnombreux aéroports. Il y en a parexemple plusieurs en Bretagne, larégion voisine. Ce projet est doncdiscutable. Mais c’est un problèmetrès français : les élus locauxdemandent souvent à “papa”– c’est-à-dire l’Etat – de leur financer

    une gare TGV, une autoroute ouun aéroport, pour montrer à leursadministrés qu’ils obtiennentdes choses. Sans toujours étudierle bien-fondé de tels projets.

    La France a-t-elle un problèmeavec l’écologie ?C’est simple : la France n’a pasde politique écologique, à l’inversede l’Allemagne, où les citoyens sontassociés à ce genre de projets. Dansl’Hexagone, dès qu’il y a un problèmeenvironnemental – boues rougesen Méditerranée, pollution à Paris,algues vertes en Bretagne –, on fermeles yeux et on fait comme si leproblème n’existait pas. La classepolitique française est trop éloignéedes préoccupations des citoyens.

    LA PHOTO

    DE LA SEMAINE

    Les universités s’enflamment

    INDE  Le gouvernement de Narendra Modi ne s’attendait sans doute pas à une telle levée de boucliers.

    L’arrestation d’un leader étudiant de gauche, Kanhaiya Kumar, à qui il est reproché d’avoir participé à unemanifestation en faveur de l’indépendance du Cachemire, a mis le feu aux campus dans tout le pays. De

    violentes échauffourées ont eu lieu à New Delhi le 15 février.  “Encore une attaque déplorable contre la liberté

    d’expression”, s’insurge The Hindu, pour qui “le gouvernement s’efforce très clairement d’étouffer toute formede dissidence”. Une arrestation d’autant plus regrettable qu’elle survient à un moment “mal choisi”, explique

    The Times of India, tandis que le pays a besoin de réformes majeures.

    150 000

    manchots Adélie sont morts de faim depuis2010 en Antarctique, dans la zone du cap

    Denison, rapporte The Guardian, citant une

    étude d’Antarctic Science. Il y a cinq ans,

    un iceberg à la dérive “grand comme la ville

    de Rome” a fusionné avec la banquise,

    repoussant la colonie de manchots Adélie

    à près de 60 kilomètres du bord de mer

    – et donc de l’accès à la nourriture. En dépit

    de cette hécatombe, cette étude permet

    de “comprendre l’impact des icebergs

    et de l’extension des mers de glace le long

    de la côte est de l’Antarctique”.

    La corruptionronge le PP

    ESPAGNE “Avec sa démission, Aguirre décoche une flèche à Rajoy”,titre La Vanguardia le 15 février,après la décision, la veille, d’Espe-ranza Aguirre, présidente du Partipopulaire à Madrid, de quitter lePP. Elle est touchée de près parles accusations de corruption quifrappent le parti depuis des mois,puisque c’est elle qui avait choisicomme secrétaire général du PPFrancisco Granados, aujourd’huisoupçonné d’être impliqué dansune vaste affaire de corruption.Sa démission apparaît comme “un geste que les militants du PP ex i- geaient” , écrit le journal catalan.Depuis plusieurs mois, le particonservateur fait face à de nom-

     breuses plaintes pour corruption.

    Moines contresoldats

    THAÏLANDE  “Affrontementsentre moines et so lda ts ”,   titreThe Nation  le16 février. Deséchauffouréesse sont produites

    lors d’un rassemblement pour sou-tenir le révérend Somdej Chuang,élu en janvier à la tête de la Sangha– le clergé bouddhiste –, mais dontle Premier ministre refuse d’offi -cialiser la nomination, lui repro-chant d’être proche de l’ex-Premierministre Thaksin Shinawatra, ren- versé en 2006. Il s’agit de“la pre-mière grande manifestation publiquedepuis le coup d’Etat de 2014”, notele quotidien.

       A   N   I   N   D   I   T   O

       M   U   K   H   E   R   J   E   E       R   E   U   T   E   R   S

  • 8/17/2019 COURRIER INTERNATIONAL N°1320 du 18 au 24 Février 2016

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    7 JOURS.Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016  9

    ÉTATS-UNIS

    La Cour suprême, enjeu de la campagneLa mort du juge conservateur Antonin Scalia pourrait faire basculer lamajorité de la plus haute juridiction américaine et peser sur les élections.

    — Courrier international Paris

    Le juge le plus important de son temps” , “un juristed’une importance colossale”  : les chroniqueursaméricains n’ont pas assez de superlatifspour évoquer le décès, le 13 février, d’Antonin Scalia,qui a siégé trente ans à la Cour suprême. Cet ultra-conservateur, nommé par Ronald Reagan, a défenduavec brio l’“originalisme”, c’est-à-dire l’idée que les

     juges doivent s’en tenir à la lettre et au sens origi-nel de la Constitution. Il s’est opposé vigoureuse-ment à l’avortement, à la discrimination positive etaux droits des homosexuels.

    Sa mort à 79 ans “laisse un énorme vide dans la plus haute juridiction du pays”, note le San FranciscoChronicle. Elle ouvre aussi “la possibilité d’un réali- gnement” de la Cour suprême, où les conservateursavaient une courte majorité ces dernières années :cinq membres contre quatre. “Son possible rempla-cement par un juge progressiste ou même centriste pourrait avoir de profondes conséquences sur de nom-breux dossiers : des réglementations sur la pollution àla politique d’immigration, en passant par le contrôledes armes, le droit de vote et la liberté en matière dereproduction”, avertit le quotidien.

    Pas étonnant donc que la bataille se soit immé-diatement engagée autour de sa succession. D’uncôté, le président démocrate Barack Obama entend bien user de son pouvoir de nomination dans sadernière année de mandat. De l’autre, les républi-cains, qui contrôlent le Sénat, ont annoncé qu’ils

     voulaient empêcher la confirmation par la Chambrehaute du juge désigné par le président. Un blocagequi leur permettrait de laisser au futur président,

    élu en novembre, le soin de choisir un nouveau juge, de préférence conserv ateur.S’ils tiennent parole, “l’une des premières actions du

    nouveau président sera de nommer un juge qui déter-minera l’équilibre du pouvoir à la Cour suprême”, sou-ligne de son côté le Los Angeles Times. Ce qui metla Cour suprême “au centre de la campagne présiden-tielle”. Le San Francisco Chronicle abonde : “Ce siège vacant à la Cour suprême accroît l’enjeu de l’électionde2016 à de nombreux niveaux.”  La désignation d’unnouveau juge à la Cour suprême sera un des grandsenjeux des élections législatives et en particulier surles élections au Sénat (34 sièges sont en jeu), pré-

     vues en même temps que la présidentielle. Ce choixà venir est déjà “au premier plan dans la campagne”.

    Pour le Los Angeles Times, les démocrates bénéfi-cieront peut-être davantage de ce nouveau thème de bataille électorale. La question pourrait mobiliserdes catégories d’électeurs qui leur sont largementacquises, car “beaucoup des décisions de la Cour [les]affectent directement: son arrêt [légalisant] le mariage gay a ouvert des opportunités aux Américains homo- sexuels ; ses arrêts sur le droit à l’avortement sont unequestion centrale pour les femmes démocrates ; et beau-coup, parmi les Africains-Américains, les Latinos et les

     Asiatiques-Américains, sont mobilisés autour des ques-tions de droit de vote.” Une chose est sûre, résume le San Francisco

    Chronicle : la nomination d’un neuvième juge à laCour suprême “sera un test quant à la capacité du pays à dépasser les clivages partisans, sur une questiond’une énorme importance”. Etant donné les premièresdéclarations dans un camp comme dans l’autre, cen’est pas gagné.—

    120 jours pour un miracleHAÏTI “Jocelerme Privert,62 ans, dirigera les destinées d’Haïtiau moins jusqu’au 14 mai 2016,date prévue pour la prestation de ser ment du pro chain pré sid entélu au suffrage universel”, rap-porte Le Nouvelliste. Si l’élec-tion d’un président provisoire

    par l’Assemblée nationale “estune première”, note le quotidiende Port-au-Prince, “le présidentde la Saint-Valentin” aura fort àfaire. “Le président sortant Martellyavait cinq ans et n’a pas pu com- pléter un seul processus élec toral,analyse le journal. Privert, lui,dispose de cent vingt jours pouraccomplir un miracle.”

    Prisons en criseMEXIQUE “Mais qui s’étonnedu chaos à Topo Chico ?” titre SinEmbargo au lendemain d’unemutinerie sanglante dans uneprison de Monterrey, dans le nord-est du pays, qui a fait 49 victimesle 11 février. A Monterrey, commedans la plupart des prisons dupays, “la surpopulation, l’autocra-tie, les abus et la torture sont mon-

    naie courante”, rappelle le journal,qui reproche au gouvernementde mener une politique répres-sive fondée exclusivement surl’incarcération. L’affrontementgénéralisé dans un établissement“incontrôlé”   souligne “la crisede notre système pénitentiaire”,conclut Sin Embargo.

    La “guerredes camions” est déclaréeUKRAINERUSSIE  Depuis le12 février, des activistes ukrai-niens bloquent les poids lourdsimmatriculés en Russie qui

     veulent tra vers er le territoi reukrainien, dans le but d’inter-rompre le transit de marchan-dises russes ou destinées à laRussie. “Depuis le 14 février au soir, précise l’hebdomadaire DzerkaloTyjnia, le gouvernement de Kiev esten discussion avec Bruxelles à ce sujet.”  Le mouvement s’étend etil est maintenant en cours dansneuf régions du pays. En retour,Moscou a ordonné l’interdictionde circulation des camions ukrai-

    niens sur le territoire russe.

    Les jours sontcomptésÉCONOMIE  D’après leFinancialTimes, la Ba nque centrale euro-péenne envisage sérieusement deretirer de la circulation les billetsde 500 euros, qui sont de plus

    en plus “perçus comme un outilau service d’activités illégales”,comme l’a expliqué le 15 févrierMario Draghi, cité par le quoti-dien. “Les terroristes internatio-naux, les blanchisseurs d’argent etles acheteurs allemands de voitures vont devoir choisir un autre moyende paiement”, ironise le journal.

       H   E   C   T   O   R   R   E   T   A   M   A   L       A   F   P

    ↓ Dessin de Bob Englehart,Etats-Unis.

       C   A   G   L   E   C   A   R   T   O   O   N   S

    → Dessin de Kazanevsky, Ukraine.

  • 8/17/2019 COURRIER INTERNATIONAL N°1320 du 18 au 24 Février 2016

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    7 JOURS10. Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016

    OUI

    Le libre-échange

    nous suffi t—The Spectator Londres

    Sortir de l’UE ? Pour quoi faire ? s’in-dignent les européistes convain-cus. Pour que le Royaume-Uni soit

    comme la Norvège ? Comme la Suisse ? Qu’onexporte des horloges à coucou ? C’est ça que vous voulez, alors ?” 

    La seule solution quand on se trouve dansun immeuble qui menace de s’effondrer est

     bien évidemment d’en sortir ; mais je com-prends que certains ne puissent se satis-faire d’une telle réponse. Même si resterdans l’UE est plus dangereux que d’enpartir – la crise de l’euro et des migrantsne fait que s’aggraver et le Royaume-Unis’y retrouve mêlé malgré lui –, la peur duchangement est inscrite dans notre ADN,et nous votons en conséquence. Les euro-philes savent que la plupart des référen-dums maintiennent le statu quo, et c’estpourquoi ils cherchent à capitaliser sur

    notre recherche de stabilité.Que faut-il proposer à la place ? Quel leque soit l’alternative, on continue à fairepartie de la zone de libre-échange euro-péenne qui va de l’Islande à la Turquie(celles-ci n’appartiennent pas à l’UE).Personne à Bruxelles n’affirme que leRoyaume-Uni devrait sortir du marchécommun s’il quittait l’UE, même pas leseurophiles. Ils préfèrent parler de cesemplois qui “dépendent de nos relations com-merciales avec l’UE”. En espérant que cer-tains électeurs comprendront “dépendentde notre adhésion à l’UE”.

    Toutes sortes de territoires qui ne sontpas membres de l’UE, de l’île de Man auMonténégro, ont accès à la zone de libre-échange européenne. Alors quel modèledevrions-nous suivre ? Les pays compa-rables au Royaume-Uni, qui ne sont pas

    CONTROVERSE

    Le Royaume-Unidoit-il sortirde l’UE ?Lors du Conseil européen des 18 et 19 févrierà Bruxelles, les Etats membres devraientdiscuter des réformes négociées

    par le Premier ministre britannique.A la veille du sommet, le Brexit divisela presse britannique.

    et 5 en Norvège, le Royaume-Uni devraitpouvoir s’attendre à faire encore mieux.

    Nous pouvons imaginer un accord fondésur le libre-échange et la coopération

    intergouvernementale. Nous récupére-rions notre souveraineté parlementaire etnous pourrions ainsi signer des accords

     bilatéraux avec des pays hors UE, commele font la Norvège et la Suisse – un avan-tage de taille puisque tous les continentssont en forte croissance hormis l’Antarc-tique et l’Europe. Et bien sûr nous reste-rions [toujours] en dehors de Schengen.

    Fédéralistes. Serions-nous obligés depayer des frais de participation ? Selon lePr Herman Matthijs, de la Libre Université

    de Bruxelles, qui a mis au point le seuloutil qui compare ce qui est compa-rable, la contribution par tête annuellede l’Islande est de 50 euros, celle de laSuisse de 68 euros et celle de la Norvègede 107 euros – une somme élevée parceque la Norvège insiste pour participerà une foule de programmes d’aide et derecherche de l’UE. L’Islande a choisi departiciper à moins d’activités et pa ie doncmoins. Si le Royaume-Uni faisait commel’Islande, il paierait 229 euros.

    Pourquoi les autres Etats membres per-mettraient-ils au Royaume-Uni de signerun tel accord ? Parce que ce serait dansl’intérêt de tous. Le Royaume-Uni a u ndéficit commercial avec l’UE, qui est seu-lement en partie compensé par son excé-dent commercial avec le reste du monde.Le jour où nous sortons de l’UE, nousdeviendrons donc immédiatement sonplus gros marché d’exportation. Pourquoiles deux camps chercheraient-ils donc àmettre en danger le commerce outre-Manche ? Par ailleurs, il est très diffi cile,selon les règles de l’OMC, d’imposer une

     barr ière commerciale là où il n’y en avaitpas auparavant.

    De nombreux Européens fédéralistesfont activement campagne pour que leRoyaume-Uni obtienne avec l’UE unerelation uniquement économique – ce que

    des micro-Etats ou d’anciens pays com-munistes, sont l’Islande, la Norvège et laSuisse. Ces trois pays préfèrent leur situa-tion à la nôtre : 60 % des Islandais, 79 % des

    Norvégiens et 82 % des Suisses ne veulentpas devenir membres de l’UE. Qui pour-rait le leur reprocher ? La Norvège et laSuisse sont les deux pays les plus richesde la planète.

    La Norvège est membre de l’Espace éco-nomique européen [EEE] ; la Suisse del’AELE [Association européenne de libre-échange]. L’EEE a été créé en 1992 commeune sorte d’antichambre de l’UE. Il s’agis-sait au départ d’un mécanisme de transi-tion destiné à l’adoption des législationseuropéennes – cette “démocratie faxée”

    que les europhiles n’arrêtent pas d’évo-quer. [En 2001, le Premier ministre norvé-gien, Jens Stoltenberg, décrivait son payscomme une “démocratie faxée”  : la Norvègequi attendait que les législations euro-péennes soient faxées par la Commission.]

    Intox. Passons sur la métaphore légère-ment datée – les Européens sont d’incor-rigibles nostalgiques. Ils arg umentent quela Norvège n’a aucun droit de regard surles régulations européennes qu’elle doit

    appliquer chez elle. Or c’est plus un pro- blème en théorie qu’en pratique.Selon le secrétariat de l’AELE, l’UE a

    produit 52 183 articles de loi entre 2002et 2013 et la Norvège en a adopté 4 724,soit 9 %. D’après une réponse écrite à unequestion parlementaire en Islande la pro-portion est la même : 6 326 sur 62 809 déci-sions légales européennes entre 1994 et2014. Mais, plutôt que d’utiliser les statis-tiques offi cielles, les européistes ont préférérelayer les propos d’un ministre norvégien“eurofanatique” selon lequel “trois quartsde nos lois”  viennent de Bruxelles et ontsolennellement converti cette intox en unpourcentage sérieux de 75 %.

    En Suisse, il n’y a aucune ambig uïté : lepourcentage est nul. Certes il a rrive auxSuisses de reprendre les régulations del’UE pour des raisons d’économie d’échelle,

    même si plus souvent la Suisse et l’UEadoptent les mêmes réglementations mon-diales. Mais, si les exportateurs suissesdoivent répondre aux critères de l’UE

    quand ils vendent à l’UE (tout commeils doivent répondre aux exigences japo-naises quand ils vendent au Japon), ils n’ap-pliquent pas ces critères à leurs propresentreprises, alors que le Royaume-Uni doitaujourd’hui appliquer 100 % des régula-tions de l’UE à 100 % de son économie.

    La Suisse ne participe pas pleinement aumarché commun des services. Ce qui ne

     veut pas dire qu’UBS ne peut pas travai l-ler à Francfort, mais que les institutionsfinancières suisses ne font pas partie dela même structure régulatrice que celles

    de l’UE. Si elles veulent faire des affairesdans les pays de l’UE, elles doivent adop-ter des règles différentes. L’avantage estque Zurich n’a pas à se préoccuper desrégulations onéreuses et parfois vicieusesqui menacent Londres comme la direc-tive sur les gestionnaires de fonds d’in- vestissement alternat ifs, l’interdict ionde la vente à découvert, le plafonnementdes bonus des banquiers, la taxe sur lestransactions fina ncières.

    Et maintenant les statistiques qui font

    mal. L’UE absorbe 64 % des exportationssuisses, contre 45 % des exportations bri-tanniques. Les europhiles aiment raconterque la moitié environ de nos exportationssont vendues sur le marché de l’UE, orce chiffre a chuté de 10 % depuis 2006.Jusqu’où faudra-t-il qu’elles dégringolentpour que nous abandonnions l’idée defusionner nos institutions politiques ?

    Pour résumer, la Norvège est bien mieuxlotie que le Royaume-Uni actuellement, etla Suisse est mieux lotie que la Norvège.Mais en cas de Brexit, avec ses 65 mi llionsd’habitants contre 8 millions en Suisse

    La Norvège est bien mieuxlotie que le Royaume-Uniactuellement

  • 8/17/2019 COURRIER INTERNATIONAL N°1320 du 18 au 24 Février 2016

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    7 JOURS.Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016  11

     Dessin de Bojesen,Danemark.

    Jacques Delors appelait “un partenariat pri-

     vilégié” et Guy Verhofstadt “une adhésionassociée”. Cela leur permettrait d’avancersur leurs projets d’une armée européenne,d’un système fiscal commun, etc., alors quele Royaume-Uni serait à la tête de quelque20 Etats européens et territoires, qui fontpartie du même marché commun maissans gouvernement commun.

    “L’Islande se porte bien mieux en dehors del’UE, dit le Premier ministre SigmundurDavíd Gunnlaugsson. Le chômage est au

     plus bas, notre pouvoir d’achat n’a jamais été

    aussi élevé et c’est nous qui contrôlons nos res- sources naturelles, notre monnaie et nos lois.” 

    L’Islande compte 300 000 habitants.Le Royaume-Uni est la cinquième écono-mie mondiale, c’est la quatrième puissancemilitaire, un membre éminent du G7, et iloccupe l’un des cinq sièges permanentsau Conseil de sécurité de l’ONU. Je penseque nous pouvons nous permettre de faire

     bande à part.—Daniel Hannan

    Publié le 23 janvier 

    NON

    Ne pas se couperde la réalité

    —The Independent Londres

    David Cameron cherche désespérémentà convaincre son Parlement que leprojet d’accord proposé par l’Union

    européenne[lire ci-contre] prévoit les “chan- gements importants”  qu’il avait promis d’in-troduire dans la relation du Royaume-Uniavec l’Europe. Mais indépendamment desconcessions qu’il obtiendra et de l’adhésionou non de son parti à l’accord, la Grande-Bretagne se considère comme un pays àpart, supérieur à l’Europe, comme si elle

    lui faisait une faveur en restant membre del’UE. Cette position repose sur l’idée faussede l’exception britannique, un cas de nom-

     brilisme aggravé.Penchons-nous sur la Grande-Bretagne

    telle que l’Ukip [Parti pour l’indépendancedu Royaume-Uni] l’envisage après la sortie del’Union européenne : “Une Grande-Bretagne

    confiante, fière, dont l’identité nationale repose sur notre héritage judéo-chrétien et sur nosimmenses ressources naturelles.”  Cette défi-nition exclut d’emblée tout individu ne pou-

     vant être aisément identifié comme d’origine britannique. La mention de l’héritage judéo-chrétien fait manifestement référence auxBritanniques blancs d’Europe de l’Ouest.Ceux qui, à gauche, proposent une sortie del’UE n’imaginent même pas à quoi ressem- blerait la Grande-Bretagne : elle deviendraitun pays inculte, nationaliste, isolationniste,fermé à tous ceux qui ne rentrent pas dansle moule historique.

    L’arrogance britannique vient du fait quele pays a dû lutter pour se faire une placedans le monde au lendemain de l’Empireet des deux guerres mondiales qui ontmarqué la première moitié du XXe siècle.Cette période a vu les Etats-Unis accéderrapidement au rang de puissance impé-riale dominante. L’importance relative dela Grande-Bretagne a fortement décliné,même si le pays conserve un siège au Conseilde sécurité des Nations unies. Bref, nous

    ne sommes plus dans la cour des grandset nous pourrions même être prochaine-ment relégués avec les petits.

    Depuis que le pays a relativement peu depoids dans l’arène internationale, nous avonstendance à idéaliser l’époque de sa “grandeur”et à vouloir nous la réapproprier. En réalité,il n’y avait bien sûr que les élites au pouvoirqui bénéficiaient des richesses coloniales,comme c’est toujours le cas. Les gens ordi-naires, dont beaucoup adhèrent aujourd’hui

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    LE MONDE

    ACTUELLEMENTAU CINÉMA 

    Contexte

    Les réformesnégociées parDavid Cameron

    ●●● Le président du Conseil

    européen, le Polonais Donald

    Tusk, a annoncé le 2 février

    quatre réformes qui répondentaux demandes de M. Cameron.

    D’abord, il proposeun mécanisme de “frein

    d’urgence”  pour limiter les aides

    de l’Etat aux travailleurs migrants

    de l’UE pour quatre ans

    maximum. Deuxièmement,

    le texte prévoit des garanties pour

    le Royaume-Uni – en dehors de

    la zone euro – pour lui permettre

    de contester des décisions prises

    par l’Eurogroupe qui pourraient

    être contraires aux intérêts

    de la City. Troisièmement,

    il prévoit un “carton rouge”

    qui permettrait aux Parlements

    nationaux de mettre leur veto

    aux propositions de loieuropéennes, à condition qu’ils

    représentent plus de 55 %

    du total des sièges. Enfin, l’accord

    permettrait au Royaume-Uni

    d’être exempté d’“une union sans

    cesse plus étroite entre les

    peuples européens”, une phrasedu traité de Lisbonne. Les Etats

    membres devraient valider

    le texte proposé par M. Tusk

    lors du Conseil européen

    des 18 et 19 février. Le cas

    échéant, le référendum sur le

    maintien ou non du Royaume-Uni

    dans l’Union européenne pourrait

    avoir lieu le 23 juin.

    à des partis comme l’Ukip ou à la campagne

    pour sortir de l’UE, ne menaient pas vrai-ment grand train. Qu’est-ce qui soutient

     vraiment l’économie et améliore le niveau de vie des citoyens ordinaires ? L’immigration.La meilleure preuve de notre manque d’as-surance quant à l’importance de la Grande-Bretagne est l’insistance sur la “relationprivilégiée” que le pays entretient avec lesEtats-Unis. M. Cameron ne se tient plus de

     joie quand Barack Obama l’appelle “frangin”[dans un entretien avec The Mail on Sunday le 4 janvier 2015, le Premier ministre britan-

    nique déclarait que le président américainl’appelle parfois “bro”, ce qui se traduit par“mon frère”].

    Cette crise identitaire est la raison pourlaquelle on tend à exagérer le rôle joué parla Grande-Bretagne dans la fin du fascisme,ce qui suscite parfois des critiques réalistessur les liens que le gouvernement britan-nique conserve avec certains des régimesles plus autoritaires du monde. Le Premierministre a employé ce genre d’argumentfallacieux quand Vladimir Poutine a qua-lifié la Grande-Bretagne de “petite île”, cequi, il faut bien l’admettre, correspondaittout à fait à la réalité.

    Beaucoup de gens, influencés par desdiscours simplistes et des statistiques tru-quées, imputent à l’UE la responsabilitéde leurs problèmes, attribuant à l’immi-gration européenne le manque d’emploiset l’instabilité économique du pays. Mais,si la Grande-Bretagne sort de l’Union, cesproblèmes risquent de s’aggraver au lieude s’atténuer. La migration en provenancede l’UE n’est pas un facteur d’insécurité.

    C’est l’économie néolibérale, soutenue etencouragée par notre gouvernement, quiest responsable de ces problèmes structu-rels. L’Union européenne représente unemeilleure option qu’une Grande-Bretagneisolationniste, raciste et coupée de la réa-lité que produirait un Brexit. Il est tempsque notre pays accepte la place qu’il occupedans le monde, et en Europe.

    —Amit Singh

    Publié le 4 février 

    La Grande-Bretagne seconsidère comme un payssupérieur à l’Europe

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    12. Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016

    Syrie. Une stratégiepayante pour PoutineEn bombardant massivement la ville syrienne d’Alep,le président russe veut tuer toute opposition au régimesyrien et affaiblir l’Europe, qui subira seule la montéede Daech et la crise des réfugiés.

    Amériques........ 16Afrique .......... 18

    Asie ............. 22

    Europe ........... 24

    d’uncontinent

    à l’autre.moyen-

    orient

    ↙ Sur le panonceau : Pourparlers de paix sur la Syr ie. “Qu’est-ce que vous dites ?

    — Hein ? — Je ne vous entends pa s !— Pardon ?” Dessin de Kal paru dan s

    The Economist, Londres.

    —The Guardian (extraits) Londres

    La chute d’Alep pourrait marquer untournant décisif dans la guerre enSyrie et avoir de lourdes répercus-

    sions non seulement sur la région, mais aussipour l’Europe. Le dernier assaut des forcesgouvernementales contre la ville assiégée,dans le nord de la Syrie, a poussé des mil-liers d’habitants à prendre le chemin de l’exilces derniers jours. C’est aussi un momentcrucial dans les relations entre les puis-

    sances occidentales et la Russie, dont lesforces aériennes jouent un rôle détermi-nant sur le terrain.

    La défaite des rebelles hostiles au régime –qui tiennent la ville depuis 2012 – ne laisse-rait plus que deux forces en présence dans lepays : Bachar El-Assad et l’organisation Etatislamique (Daech). Tout espoir de solutionnégociée avec l’opposition syrienne dispa-raîtrait. C’était précisément l’objectif de laRussie et l’une des principales raisons deson intervention militaire.

    Ce n’est pas un hasard si les bombarde-ments sur Alep – ville symbole de l’insur-rection contre Bachar El-Assad en 2011– ont débuté en même temps que les négo-ciations de paix à Genève [le 31 janvier].Naturellement, les discussions se sont rapi-dement enlisées. Le renforcement du sou-tien militaire russe au régime syrien visait àtorpiller toute possibilité pour l’oppositionde participer à l’avenir du pays. Il s’agissaitde faire échouer tous les plans officielle-ment présentés par les pays occidentauxet les Nations unies. Tout cela en parfaite

    contradiction avec l’intention affichée parMoscou de rechercher une solution poli-tique au conflit.

    Et les conséquences seront lourdes. S’il ya une chose que les Européens ont appriseen 2015, c’est qu’ils n’étaient pas à l’abri desondes de choc en provenance du Moyen-Orient. Et s’ils ont tiré une leçon de la guerreen Ukraine depuis 2014, c’est que la Russien’est pas la meilleure amie de l’Europe. C’estun Etat révisionniste qui n’est pas au-des-sus d’une agression militaire.

     Alors qu’Alep est au bord du gouffre, cesévénements mettent plus que jamais enlumière le lien entre la tragédie syrienne etle déclin stratégique de l’Europe et de l’Oc-cident en général. Un phénomène que laRussie ne se contente pas d’observer atten-tivement, mais qu’elle alimente. La montéedes instabilités correspond parfaitement àl’objectif de domination du pouvoir russe,qui exploite chaque hésitation ou contra-diction de ceux qu’il a identifiés commeses ennemis.

    Le sort d’Alep déterminera une bonnepartie de l’avenir du pays. La disparition desforces d’opposition au régime renforceraitle mythe selon lequel l’EI est le seul défen-seur des musulmans sunnites, alors que sesmilitants terrorisent les populations tom- bées sous leur contrôle. Le dossier syrien estplein de tragique ironie, notamment parce

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    MOYEN-ORIENT.Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016  13

    UN FILM DE

    ABBAS FAHDEL

    PARTIE 1 / AVANT LA CHUTE

    PARTIE 2 / APRES LA BATAILLE

    “L’ŒUVRE D’UNE VIE”TÉLÉRAMA

    ACTUELLEMENT

    que la stratégie occidentale contre Bachar

    reposait sur la constitution d’une opposi-tion au régime capable un jour de délogerles djihadistes de leur fief de Raqqa.

    Si les hommes sur lesquels comptait l’Oc-cident pour combattre l’EI sont aujourd’huiassiégés et exterminés à Alep, vers qui l’Oc-cident pourra-t-il se tourner ? Le Kremlinaffirme depuis le début qu’il veut lutter contreles islamistes de l’EI, mais, à Alep, ses bom- bardements visent précisément les groupessyriens qui combattent le plus efficacementles hommes de l’EI. S’il subsistait encore des

    doutes sur les objectifs de la Russie en Syrie,le sort d’Alep les a certainement dissipés.

    Tchétchénie. Vladimir Poutine a employéla même méthode qu’en Tchétchénie : atta-quer les populations civiles de plein fouetpour faire sortir les rebelles et les détruire.Le pouvoir syrien et les renseignementsrusses entretiennent des liens étroits depuisl’époque soviétique. A l’image de VladimirPoutine, qui a physiquement fait éliminer

    aux civils dans ces prisons relèvent d’unepolitique gouvernementale d’extermina-tion et peuvent être assimilés à des crimescontre l’humanité.

    Plusieurs groupes armés, dont l’Etatislamique (EI) et le Front Al-Nosra, tor-turent eux aussi leurs prisonniers. Maisles informations les plus accablantes durapport, qui couvre les exactions com-mises dans les centres de détentiondu régime entre le 10 mars 2011 et le30 novembre 2015, concernent les méthodesde torture utilisées par les forces de sécu-rité syriennes. Parmi les Syriens mortsdans les geôles du régime, il y a même desenfants de 7 ans. Les parents d’un jeune de13 ans, arrêté lors d’une manifestation à Saïda

    —Foreign Policy (extraits) Washington

    Depuis que la guerre civile a éclatédans le pays, en 2011, quelque9,5 millions de Syriens ont fui leur

    foyer. Mais des dizaines de milliers d’autres,incarcérés par les forces du régime, n’ontpas eu cette chance. Plus de 500 survi- vants des geôles syriennes ont été enten-dus par des enquêteurs des Nations uniesdans le cadre d’un rapport qui a été publiéle 8 février. La quasi-totalité d’entre euxont été torturés ou témoins de tortures aucours de leur détention, et plus de 200 ont vu un codétenu mourir en prison, souventaux mains des forces de l’ordre. Selon lerapport de l’ONU, les traitements infligés

    Mourir dansles prisons d’AssadUn rapport de l’ONU sur les centres de détention en Syrieaccable le régime pour les traitements infligés aux prisonniers.Des exactions assimilées à des crimes contre l’humanité.

    tous les interlocuteurs pouvant négocier

    un accord de paix en Tchétchénie, BacharEl-Assad assimile toute forme d’oppositionpolitique à du “terrorisme”. Et de même qu’iln’y a jamais eu d’accord en Tchétchénie, ilne peut pour Poutine y avoir de négociationavec l’opposition syrienne.

    Les objectifs de Moscou ne s’arrêtent pas là, bien au contraire. Si Poutine cherche à restau-rer l’influence russe au Moyen-Orient, c’estsurtout l’Europe qui l’intéresse. Le refus amé-ricain de lancer des frappes aériennes aprèsl’emploi par le régime d’armes chimiques,

    en 2013, a été un moment clé. C’est ce qui apoussé Vladimir Poutine à tester les limitesdes puissances occidentales directement surle continent européen. Le président russea certainement été surpris par le soulève-ment populaire ukrainien, mais il a rapide-ment su imposer sa volonté par l’usage dela force, et par l’annexion de territoires. Ila réussi son pari en déclenchant une guerrehybride en Ukraine contre laquelle les puis-sances occidentales restaient impuissantes.Résultat, l’attitude de la Russie en Ukrainefait vaciller les fondements de l’ordre euro-péen issu de la fin de la guerre froide, unhéritage historique que Poutine se verrait

     bien remodeler à l’avantage de la Russie.L’intervention militaire russe a également

    mis l’Otan dans une position délicate, unde ses piliers se trouvant directement surla ligne de front. Voilà des mois que le tor-chon brûle entre Moscou et Ankara. Et leKremlin vient d’adresser un avertissementà la Turquie : défense d’envoyer des forcesen Syrie pour défendre Alep. La réaction duprésident turc est un autre casse-tête pour

    ses alliés occidentaux.Tout cela alors que les gouvernements

    européens cherchent désespérément à obte-nir l’aide d’Ankara sur la question des réfu-giés. Si la Turquie devient source de problèmepour l’Otan sur le front moyen-oriental, laRussie pourra se frotter les mains. Mêmechose si une nouvelle vague de migrantsdéferle sur l’Europe : la crise des migrantsa creusé de profondes divisions entre par-tenaires européens au grand bénéfice despartis populistes d’extrême droite, dont

     bon nombre sont des alliés politiques dela Russie. La crise des migrants a mis àmal des institutions clés de l’Union euro-péenne (UE) ; elle a redoublé le risque d’unBrexit [sortie du Royaume-Uni de l’UE] ; etelle a considérablement affaibli la positiond’Angela Merkel, initiatrice des sanctionseuropéennes contre la Russie.

    Il serait exagéré de dire que Poutine avaittout prévu depuis le début. Le président russea autant subi les événements qu’il a tenté deles contrôler. Le Kremlin n’est pas respon-sable de la guerre civile en Syrie, pas plus

    qu’il n’est impliqué dans tout ce qui se trameen Ukraine. Mais la façon dont il a cynique-ment réussi à placer ses pions devrait aler-ter davantage les puissantes occidentaleset les Nations unies.

    —Natalie NougayrèdePublié le 5 février 

    Drôle de trêve

    ●●●“Faire la guerre pour préparer

    la paix. Ou plutôt faire la guerre pour

    imposer ses conditions de paix. La logique

    a beau être ancienne, elle n’a rien perdu

    de son efficacité, écrit L’Orient-Le Jour. Les Russes en ont fait une nouvelle

    démonstration en concluant avec

    les autres acteurs extérieurs du conflitsyrien un accord de ‘cessation

    des hostilités’ [le 12 février à Munich].

     Après avoir repris l’avantage sur le

    terrain, le régime syrien et ses alliés

    russo-iraniens sont en train de convertir

    leurs avancées militaires sur la scène

    diplomatique. Le timing de l’annonce

    de la trêve intervient à un moment où

    l’opposition est laminée et où le départ

    du président Assad n’est plus d’actualité.

    La ‘cessation des hostilités’ n’entrant en

    vigueur que dans quelques jours,le régime et ses alliés peuvent encorerenforcer leur avantage sur le terrain.”

    Déjà Assad ne croit pas à la trêve…

    Par ailleurs, “les bombardements turcs

    contre les forces kurdes syriennes

    de l’YPG vont à contresens de l’accord

    sur un cessez-le-feu, souligne Milliyet. Mais, pour Ankara, cette offensive est

     justifiée par le fait que malgré cet accord

    l’armée d’Assad, soutenue par

    des bombardements russes, intensifie

    ses opérations terrestres, facilitant

    notamment l’avancée des forces de l’YPGen Syrie. La Turquie estime ainsi qu’il faut

    empêcher que ces combats provoquent

    aussi un important mouvement

    de réfugiés vers la Turquie. Ankaraveut montrer qu’il a son mot à dire

    dans la gestion de la crise syrienne.” 

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    MOYEN-ORIENT14. Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016

    ee N N   P P   NS NS

      SS

    aa bb’’ee   aiaitt

    lala   eellelle

    PePetititete hh niniimimpepertrtinin nntete

    anan a e s.a es. eteneten z-z- ,, c estc est aa nouvenouve ee oqueoque uc eu c e e ses

    ditiditionsons new-yorknew-york ises,ises, l’autl’aut urur queque outout lele mondemonde s’arracs’arrachehe etet queque

    eses emmeemmess s rent.s rent. etteette r ncarnat onr ncarnat on em ngwayem ngway,, osop eosop e

    charismatiquecharismatique à là l’app tit’app tit insatiable,insatiable, a ta toutout dede l’hommel’homme parfait.parfait.

    SeulementSeulement voilà,voilà, anan estest etet ilil olol dansdans lala for t.for t.

    LeLe v ritablev ritable uteuruteur, A, Arthurrthur Bramhall,Bramhall, estest d vastd vast parpar lala perteperte dede onon

    .. en onceen once progress vementprogress vement ansans aa press onpress on usquusqu

    alleraller ee r fugierr fugier ansans nene grotte.grotte. CombienCombien dede tempstemps uiui faudra-t-ilfaudra-t-il

    reprendrereprendre dudu poilpoi l ee lala b teb te etet d noncerd noncer cettecette upercherieupercherie

    [au sud de Damas] en 2011, n’ont revu leur

    fils que lorsque son corps leur a été rendu,mutilé et sans vie.

    Il est fréquent que des gardiens torturentà mort des prisonniers en présence de leurscamarades de cellule. A Damas, en 2014, desdétenus ont été contraints de s’aligner devantun mur pendant que des gardiens rouaientde coups de pied l’un de leurs semblables. Vomissant du sang, celui-ci leur a demandéde rapporter à sa famille ce qu’ils avaient vu.“Il en est mort, a témoigné un survivant auxenquêteurs indépendants de l’ONU.Nous lui

    avons fermé les yeux, l’avons enveloppé dansune couverture militaire et avons lu la prièredans notre cœur.” 

    Un survivant d’une prison de Homs araconté comment des gardiens avaient tuéun vieil homme en lui brûlant les yeux avecune cigarette, en transperçant son corps avecun objet tranchant chauffé et en le pendantpar les poignets jusqu’à ce que mort s’en-suive, trois heures plus tard. Mais parfoisla mort vient plus lentement. En 2014, unhomme, détenu dans une prison de l’arméesyrienne, a survécu trois jours après avoirsubi des mutilations génitales.

    Lorsque leurs plaies s’infectent après destortures, les prisonniers ne reçoivent pasde soins. A Alep, dans une prison du ser- vice de renseignement des forces de l’airsyriennes, des gardiens ont abandonné undétenu dans un couloir après avoir constatéqu’il ne pouvait plus tenir sur sa jambe bles-sée. Ce n’est que quelques jours plus tardqu’on s’est aperçu qu’il était mort et, quandsa famille est venue chercher son corps, ilétait méconnaissable. Selon les témoignages

    recueillis par les enquêteurs de l’ONU, les

    conditions carcérales sont sensiblement les

    mêmes dans tout le pays. Les cellules sonttellement surpeuplées que, souvent, les pri-sonniers ne peuvent s’asseoir qu’à tour derôle. L’accès aux toilettes étant limité, il estfréquent qu’ils fassent leurs besoins dansleur cellule. Et les infestations par les pouxet la gale comptent parmi les plus courantes.

    De nombreux prisonniers sont sous-ali-mentés ou ne reçoivent que des alimentspourris qui provoquent des vomissementset des diarrhées. Ceux qui sont hospitali-sés savent que les soins qui leur sont dis-

    pensés ne leur permettront pas de survivre.Et ils doivent souvent aider à envelopper lescorps des détenus qui n’ont pas été emme-nés à l’hôpital à temps.

    D’autres succombent à des troubles psy-chologiques liés aux conditions abomi-nables ou à l’isolement dans lesquels ilsont vécu. Des survivants rapportent que

     beaucoup de leurs codétenus sont mortsdans leur cellule après avoir cessé de s’ali-menter ou de boire.

    Le rapport donne également à penser que beaucoup de prisonniers ont été sommaire-ment exécutés par les forces de l’ordre. En2013, on a commencé à trouver des cadavresdans la rivière Queiq, à Alep. Au moins140 corps portaient des impacts de balleset avaient les mains liées dans le dos.Selon des témoins, les victimes étaientoriginaires de régions contrôlées par lerégime. Aux familles qui ont voulu se pro-curer un certificat de décès, les autoritésont expliqué que leur proche avait été vic-time d’une crise ca rdiaque.

    —Siobhán O’Grady 

    Publié le 8 février 

    grande crédulité quant à la sincérité desresponsables égyptiens. Ils doivent aussiet surtout avoir la mémoire courte et êtreaveugles. Car en Egypte les assassinats poli-ciers sont devenus une triste routine, unesorte de rituel du quotidien qui s’accom-pagne de toutes sortes de supplices et d’unedébauche de sadisme.

     Après le rapatriement et l’autopsie de sadépouille en Italie, les autorités italiennesont déclaré que Giulio Regeni avait subides traitements d’une “sauvagerie animale” .Elles pensent qu’il avait été arrêté et inter-rogé par des services de l’appareil de sécu-

    rité égyptien au sujet des contacts avec les

    —Al-Araby Al-Jadid Londres

    Il n’y a qu’une seule chose que lesrégimes militaires savent bien faire :tuer. Sans distinction entre ressortis-

    sants nationaux et étrangers. [La preuve enest] le jeune doctorant italien Giulio Regeni,qui a été retrouvé mort dans une banlieuedu Caire [le 3 février]. Sa mort en rappelle beaucoup d’autres que l’Egypte a connusdepuis le coup d’Etat du 3 juillet [2013, quandle maréchal Abdelfattah Al-Sissi, à la tête del’armée, a pris le pouvoir].

    On enlève, on torture, on assassine, puison se débarrasse du cadavre comme onpeut, au bord d’une route ou ailleurs. Peuimporte que la victime soit un étranger,un simple quidam, un membre des Frèresmusulmans ou un opposant au régime. Leprocédé est le même.

    On nous dira qu’il ne faut pas incriminerla police avant la fin de l’enquête. Ceux quiaffi chent cette prudence et refusent de tirer

    des conclusions hâtives doivent être d’une

    ÉGYPTE

    La vie humainene compte plusLe meurtre au Caire du jeune chercheur italien Giulio Regenirévèle combien l’Etat policier mène une politique de terreuren toute impunité.

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    MOYEN-ORIENT.Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016  15

    SiSi l’oursl’ours parpar dudu MaineMainendrndre Ne N YoYo k,k, ombienombien

    d’ tatd’ tat m ricainsm ricains traverse-t-iltraverse-t-il ??

       T   T   o  i  s o  i  s  !  !   n   p n   p   a  r  t   a   n  t a  r  t   a   n  t   d   d     M   a  i   n  e , M   a  i   n  e ,  i  i   d   o  i d   o  i  t  r   a  v  e  r  s  e  r t  r   a  v  e  r  s  e  r  l  el  e    N  e    w N  e    w    H   a    m   p  s   h  i H   a    m   p  s   h  i  e , e ,  l  el  e     M   a  s  s   a  c   h   u  s  e  t  t M   a  s  s   a  c   h   u  s  e  t  t  e  e  l  el  e

        C   o   n   n  e  c  t  i  c   u  t C   o   n   n  e  c  t  i  c   u  t   a  v   a   n  t a  v   a   n  t   d  ’   a  r  r  i  v  e  r d  ’   a  r  r  i  v  e  r   d   a   n d   a   n  l  ’   É  t   a l  ’   É  t   a   d  ed  e    N  e    w N  e    w    Y   oY   o  r   kr   k

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    Elizabeth.

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    alors dit : «

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    wwwwww.10-18.fr.10-18.fr

    LaLa   aagegeauau

    syndicalistes et militants de l’opposition qu’ilavait noués dans le cadre de ses recherches.

    Sa mort rappelle celle de Mohamed Al-Gundi en 2012. Il avait été arrêté et tor-turé à mort dans un centre de la Sécuritécentrale au Caire, après avoir participé à lamanifestation du deuxième anniversairede la révolution du 25 janvier. Cela rappelleégalement le cas de Khaled Al-Saïd, le jeunehomme sauvagement battu à mort [en juin2010], moins d’un an avant le début de larévolution, et qui était devenu une icône dela jeunesse révolutionnaire, contribuant lar-gement à la mobilisation de la rue.

     A la fin des années 1990, il y avait déjà euun cas similaire. Il s’agissait d’un étudiantafghan inscrit dans une université du Caire.Il avait eu l’outrecuidance de critiquer lePremier ministre de l’époque. Lui aussi avaitété retrouvé mort, près des pyramides, avecdes traces de torture sur le corps.

    Qui donc est l’assassin coupable de tousces crimes ? Tout le monde le sait. C’estl’Etat policier, dans lequel les méthodes des

    baltaguias [gros bras recrutés pour exécuterles basses œuvres de la police] sont mon-naie courante. Le président Sissi lui-mêmese permet de proférer des menaces dans sesdiscours et de promettre “vengeance” auxfamilles de policiers ou soldats morts en ser- vice. Et que dire du ministre de la Justice, qui

    incite publiquement au meurtre de Frères

    musulmans [Ahmed Al-Zanad a déclaré àla télévision égyptienne, le 27 janvier : “En

    tuer 400 000 ne me suffi t pas” ] ? Sans parlerdes policiers qui sévissent sans qu’aucunresponsable ne leur mette des limites.

    Il est regrettable que certains ne s’inté-ressent au cas de Regeni que sous l’angle dece que sa mort signifie pour la rechercheuniversitaire. La liberté académique est eneffet menacée, à l’instar de toutes les autreslibertés. Or le vrai problème est que lesmilitaires n’accordent aucune valeur à la

     vie humaine ; pourquoi en accorderaient-ils à la liberté et aux droits de l’homme ?

    Il faut se souvenir de la mort des tou-ristes mexicains, tués par l’aviation égyp-tienne dans le Sinaï [en septembre 2015],mais aussi et surtout des 800 personnesmitraillées par les forces de l’ordre le14 août 2013 lors de la dispersion d’un cam-pement, qui protestaient contre le coupd’Etat de Sissi. Puis des 37 personnes brû-lées vives dans un véhicule de transportde prisonniers quatre jours plus tard. Ouencore de la militante de gauche Shaima Al-Sabbagh, tuée par le tir de fusil d’unpolicier alors qu’elle s’apprêtait à déposerdes fleurs sur la place Tahrir en mémoirede la révolution, le 24 janvier 2015.

    Rien ne devrait nous surprendre de lapart de ce régime militaire fascisant. Avecl’aide de ses chiens de garde dans les médiaset le concours d’“intellectuels” au tropismemilitaire, la torture et les assassinats ontgagné leurs titres de noblesse et passentdésormais pour une preuve de patriotisme,le tout au nom du slogan galvaudé de l’“af- firmation de l’autorité de l’Etat”.

    —Khalil Al-Anani

    Publié le 8 février 

    Les autorités italiennes

    ont déclaré que GiulioRegeni avait subi destraitements d’une“sauvagerie animale” 

     Dessin de Hajo paru dan s As-Safir, Beyrouth.

    —Al-Modon (extraits) Beyrouth

    La mobilisation des médecins ravivel’espoir des Egyptiens, épuisés pardeux ans et demi de dégradation

    sécuritaire, que ce soit du fait des bruta-lités du régime ou de celui des attentatsterroristes dans le Sinaï. Sans oublier lesénormes difficultés économiques queconnaît le pays.

    “C’est encore la révolution de janvier[2011]”, ont scandé les médecins lors deleur assemblée générale du vendredi 12février. Ils réclament le jugement desagents de police qui s ’en sont pris à deuxmédecins dans un hôpital du Caire fin janvier. Ils ne les ont pas seulement insul-tés et frappés, ils ont également posé leur

     botte sur la tête des médecins.Le personnel de l’hôpital a réagi en fai-

    sant grève. Une réunion de médiation,destinée à étouffer la crise, entre un repré-sentant du ministère de l’Intérieur et dessyndicalistes a tourné court.

    Les médecins sont décidés à répondre

    aux campagnes de dénigrement lancées

    Même les médecins se mobilisentLa grogne contre le régimetouche à présent des catégoriessocioprofessionnellesgénéralement peu enclinesà l’action politique.

    par les médias du régime, qui accusent les

    deux victimes de fautes professionnelles etsoulignent le piteux état du secteur hospi-talier. Et ce alors même que les médecinssont les premiers à se plaindre de l’inca-pacité de leur ministère de tutelle à leurassurer des conditions de travail décentes.

    Redescendre dans la rue. Leur fortemobilisation et l’écho que celle-ci a ren-contré sur les réseaux sociaux reflètentla grogne croissante contre le régime. Orce ne sont pas les Frères musulmans qui

    s’expriment, mais des catégories socialesqui s’étaient démobilisées [depuis que la vie politique semblait se réduire à unelutte entre les Frères musulmans et lesadeptes du régime].

    C’est en cela que la mobilisation desmédecins représente un vrai défi pour lerégime. Si celui-ci deva it répondre à leursrevendications et transférer les policiersdevant la justice, cela donnerait l’impres-sion d’une “reculade”. La rue égyptiennene semblerait plus maintenue sous sa mainde fer et d’autres catégories socioprofes-sionnelles pourraient à leur tour déciderde redescendre dans la rue. Si au contraireil décide de rester ferme et de protéger sonappareil répressif, il se mettra à dos delarges couches de la population, dans unconflit qui n’aura rien à voir avec le face-à-face binaire “armée - Frères musulmans”.Les médecins ont donné deux semaines augouvernement pour répondre à leurs reven-dications. Deux semaines durant lesquellesla mobilisation risque d’aller croissant.

    —Ahmed Ragab

    Publié le 13 février 

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    16. D’UN CONTINENT À L’AUTRE Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016

    —The Atlantic (extraits)Washington

    La rapide propagation du vir us Zika en Amériquelatine et son possible lienavec une explosion du nombre demalformations chez les nouveau-nés ont poussé les gouvernementsà prendre une décision sans précé-dent dans l’histoire de l’humanité :inciter la population à s’abste-nir momentanément d’avoir des

    enfants. Face à une épidémie quel’Organisation mondiale de la santé(OMS) a récemment qualifiée d’“ur-

     gence internationale”, le Salvador arecommandé aux femmes d’évi-ter toute grossesse jusqu’en 2018,le Brésil et la Colombie leur ont

    suggéré d’attendre quelques moisou plus. Imaginez que vous cher-chiez à tomber enceinte ou que vousl’êtes déjà et que vous entendiez cemessage de votre gouvernement.Le prendriez-vous au sérieux ? Etsi vous et vos semblables y consen-tiez, à quoi ressemblerait la sociétédans cinq ou vingt-cinq ans ? Desclasses quasiment désertes ? Une jeune génération décimée et inca-pable de subvenir aux besoins desgénérations précédentes ? Bref,

    quelles seraient les conséquenceséconomiques et sociales de ce videdans la population d’un pays oud’une région ?

    “Il est difficile d’en définir leseffets, car nous ignorons commentcette épidémie va évoluer”, observe

    José Miguel Guzmán, ancien démo-graphe des Nations unies qui tra- vaille aujourd’hui pour la sociétéde conseil ICF International [auxEtats-Unis].

    Sachant qu’il y a entre 10 et11 millions de naissances par anen Amérique latine, la populationdiminuerait d’autant si toutes lesgrossesses étaient reportées d’unan. “Cela ne représenterait pas un pourcentage élevé, puisque la popu-lation de l’Amérique latine est de

    l’ordre de 634 à 635 millions d’habi-tants”, précise M. Guzmán. Mais,compte tenu du déclin des taux denatalité depuis plusieurs décen-nies, cette population pourraitaugmenter plus lentement ou secontracter plus tôt que prévu. Le

    Santé. Le virus Zikamenace les naissancesL’épidémie a incité plusieurs pays du sous-continent américain

    à demander aux femmes de différer leur projet de grossesse.Mais les conséquences pourraient être graves.

    facteur déterminant sera la durée

    de l’épidémie. Selon M. Guzmán,les populations ont tendance àrebondir après un déclin passa-ger dû à une guerre, une épidé-mie, un désastre économique ouune autre crise. Si l’épidémie dureun ou deux ans, elle peut créer un“vide [prolongé] dans la pyramidedes âges”. Mais les couples d’Amé-rique latine, qui ont généralementdeux enfants, pourraient alors accé-lérer leurs projets de grossesse

    pour rattraper le temps perdu. Unefemme de 28 ans qui souhaitaitavoir son premier enfant à 30 anset le second à 34 pourrait déciderpar exemple de les avoir respecti-

     vement à 32 et 34 ans.“Pendant un an, il y aurait beau-

    coup moins d’enfants à l’école, maisdeux ans plus tard, il y en aurait ledouble”, avance M. Guzmán. Lesrépercussions socio-économiquesseraient probablement négli-geables : pendant un ou deux ans,il pourrait y avoir moins d’élèvespar classe et donc, peut-être, unemeilleure éducation pour eux, maiscette dynamique n’aurait pas unimpact majeur sur le système d’en-seignement et le marché du travail.

    Mais si l’épidémie de Zika devaitdurer cinq ans ou plus, les calculspourraient être différents. Dansce cas – très hypothétique –, unegrande partie des femmes quiauraient reporté leurs projets degrossesse pendant toute la durée del’épidémie auraient plus de 35 ansau moment de procréer, un âgeoù les grossesses présentent unplus grand risque, et certaines “ne

     pourraient plus avoir d’enfants”. La baisse du taux de natalité qui s’en-suivrait risquerait de ne pas êtrecompensée par le rebond ultérieur,et la génération qui verrait le jourserait bien moins nombreuse qued’ordinaire.

    Un tel changement dans la pyra-mide des âges pourrait poser desproblèmes en Amérique latine, oùl’économie souterraine joue un rôleimportant et où les particuliersn’ont guère l’habitude d’épargner

    pour leurs vieux jours. Les per-sonnes âgées dépendent davantagedu soutien matériel de leurs enfantset petits-enfants que de pensions deretraite et de prestations de sécu-rité sociale insuffisantes. SelonM. Guzmán, les pays de la région

     vieillissent avant de s’enrichir, un

    problème qui risque d’être exa-cerbé par des efforts prolongéspour juguler l’épidémie de Zika.

    Un autre aspect de la question estle bien-fondé des récentes recom-mandations gouvernementalesfaites aux femmes : éviter toutegrossesse. Des spécialistes de lasanté publique mettent en causeces conseils politiquement sen-sibles dans des pays majoritaire-ment catholiques, où les lois sur

    l’avortement comptent parmi lesplus sévères au monde. (Commentdire à une Salvadorienne de ne pastomber enceinte dans l’intérêt de lasanté publique tout en continuantà pénaliser l’avortement dans tousles cas de figure ?)

    M. Guzmán n’est pas convaincu,pour sa part, que le virus Zika etles avertissements alarmistes desgouvernements provoquent unnet déclin des taux de natalité.En Amérique latine, souligne-t-il, la plupart des naissances nesont pas programmées. Selon uneétude réalisée en 2014 par l’Insti-tut Guttmacher [spécialisé dansles statistiques sur les naissanceset l’avortement aux Etats-Unis etdans le monde], 56 % des gros-sesses en Amérique latine et dansles Caraïbes ne sont pas désirées.Un taux qui, en dépit d’une cer-taine baisse, demeure le plus élevédu monde.

    C’est pour cette raison qu’il nesuffira pas d’encourager les femmesà reporter les grossesses, comme sila fécondité ne relevait que de leur

     volonté.“Ces femmes, ces couples ontbesoin d’un accès rapide et efficace àdes contraceptifs de qualité et à desméthodes modernes de contracep-tion. Or c’est quelque chose qui faitencore défaut en Amérique latine.” 

    Des inégalités creusées. Cet

    accès est particulièrement diffi-cile pour les catégories les pluspauvres de la population – notam-ment pour les femmes à faiblesrevenus et les adolescentes –,dans une région où les disparitéséconomiques sont les plus fortesde la planète. Cette inégalité semanifeste sous différents aspects,entre autres le peu de chances despauvres de recevoir une bonne édu-cation, y compris sexuelle, celle-ciétant souvent limitée ou dénatu-

    rée par les autorités de l’Eglise.(Néanmoins, en Amérique latine,67 % des femmes en âge de pro-créer qui sont mariées ou qui viventen concubinage recourent à desméthodes modernes de contracep-tion, alors que le pourcentage est

    amériques

    En Amérique latine,la plupart desnaissances ne sontpas programmées

    ↙ Dessin d’ Arcadio parudans La Prensa Libre, San José.

  • 8/17/2019 COURRIER INTERNATIONAL N°1320 du 18 au 24 Février 2016

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    AMÉRIQUES.Courrier international — n 1320 du 18 au 24 février 2016  17

    de 56 % pour le monde en dévelop-

    pement dans son ensemble.) Lestaux élevés de viols dans la régioncontribuent eux aussi à la prédomi-nance des grossesses non planifiées.

    “Si l’on considère que l’incidencedu virus Zika sera plus forte parmiles plus pauvres, où les femmes ontmoins de moyens pour éviter les gros- sesses, on obtient la pire combinai- son : inégalité, manque d’accès à la planification familiale et un mous-tique qui a la particularité d’affec-

    ter particulièrement les pauvres, remarque M. Guzmán. Pour des familles en grande précarité, l’obliga-tion de s’occuper d’enfants [atteintsde microcéphalie] qui ne pourrontêtre ni actifs ni productifs aura unimpact important sur leur capacitéà transformer leur vie et à enrayerle cycle de la pauvreté.” 

     A ce jour, M. Guzmán n’a vuaucun gouvernement latino-amé-ricain s’engager sérieusement àélargir l’accès des femmes auxméthodes de planification fami-liale dans le cadre d’une politiqued’urgence contre le virus Zika.Selon lui, les appels à reporter lesgrossesses sont réducteurs si uneplus grande importance n’est pasaccordée aux droits et aux besoinsdes femmes. Sans cette réorienta-tion, ils risquent aussi de ne pasêtre largement entendus.

    —Uri Friedman

    Publié le 1er  février 

    possède, et dont nous pensionspeut-être à tort qu’ils allaient desoi, ont brusquement disparu ouse sont faits rares.

    Le premier de ces éléments,et le plus important, est l’inté-grité. L’administration Obamaa été remarquablement