Ronan Guillou

CounTRY liMiT

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À Lucien

Ronan Guillou

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Texts / TextesMichel Poivert & Bill Kouwenhoven

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Ronan Guillou, The Visitor

Michel Poivert

Ronan Guillou, Le Visiteur

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F    Chacune des parties du livre de Ronan Guillou com-mence par un plan général. Il nous offre ainsi le point de vue de celui qui arrive et se prépare aux rencontres. Chacune d’entre-elles doit contenir sa propre histoire, exprimant par des expres-sions et des détails l’intensité d’une existence. Comme dans tout livre de photographies, la relation avec le spectateur se fait à la fois de façon directe, dans une émotion que dégage l’image par son sujet et sa composition, mais aussi dans la relation que les images entretiennent entre-elles. Rien n’est plus essentiel alors que l’inexprimable lien qui unit les moments singuliers, les êtres et les choses représentés. Avec Country Limit, le photographe a particulièrement cherché à dépasser la tradition du livre de voyage ou du journal intime. Il s’agit surtout de tenter un dialogue avec la photographie américaine et à travers elle de dépeindre les États-Unis tels qu’ils apparaissent en ce début de XXIe siècle.

Un livre de photographies réalisées aux États-Unis n’est toutefois pas nécessairement un livre sur les États-Unis. Tout comme la photographie américaine n’est pas seulement la photographie de l’Amérique. C’est pourquoi il faut tenter, avant d’entrer dans le livre de Ronan Guillou, de comprendre à quoi il se confronte en termes d’histoire de la photographie.

Au début des années 1970, le regard anthropologique et poé- tique de Bill Owens avec son livre intitulé Surburbia réalisé sur la côte Ouest des États-Unis rompt avec le style de la photographie documentaire américaine fondé par la Farm Security Administra- tion dans les années 1930, sur une esthétique du vernaculaire nourrie de la leçon d’Atget et du documentaire social de Lewis Hine comme de la straight photography de Paul Strand. Owens cherche alors une esthétique du quotidien qui intègre les pavil-lons flambant neufs de banlieue et oublie les bicoques en bois des pionniers dont Walker Evans avait fait de véritables monuments. Owens marque, semble-t-il, la fin d’une certaine photographie américaine avec la prise en compte de la classe moyenne et de l’esthétique du standard. Un événement marquant en 1975 con-forte cette nouvelle approche : l’exposition New Topographics : Photographs of a Man-Altered Landscape organisée par William

Jenkins à la George Eastman House de Rochester. Là, c’est toute une nouvelle génération qui exprime la dimension conceptuelle de la photographie en faisant des no man’s land, de l’architec-ture industrielle et de la périphérie les nouveaux codes de la poé-sie photographique, inspirée des propositions de Ed Ruscha et de ses fameux livres comme Twenty-six Gasoline Stations (1963).

Cette approche moins pittoresque de l’image des États-Unis n’a pas éteint une sorte de tradition photographique américaine que la couleur à l’époque a été capable de perpétuer avec William Eggleston ou Stephen Shore d’ailleurs présent dans New Topo-graphics. Indifférent à la poétique du standard, c’est celle d’une Amérique fidèle à sa tradition littéraire, cinématographique et fi-nalement mythique qui déploie sa poésie. Alors que les pratiques de la photographie contemporaine s’indexent sur celles de l’art contemporain, la photographie américaine devient véritable- ment un genre comme le western au cinéma, le roman noir en littérature, le rock en musique. Ce qui était son grand motif ico-nographique et psychologique, le vernaculaire et sa vétusté, l’a rattrapée, l’a recouverte : la photographie américaine est deve-nue un art du XXe siècle. Aller se mesurer au genre revient pour Ronan Guillou à explorer le thème qui structure toute la photo-graphie américaine : le Temps.

Signifié comme l’exploration d’un espace, Country Limit s’inscrit en fait dans la poétique de la temporalité. En devenant le person-nage du visiteur, Ronan Guillou construit de brefs récits visuels d’une Amérique aux prises avec ce qui est devenu le refuge de ceux qui sont relégués dans un espace intermédiaire, manifestation topographique de la désuétude. Le photographe compose ainsi son livre en jouant sur l’axe espace-temps : des trophées sur les bas- côtés de la route, des jeunes et des vieux, des fétiches de seconde mains vendus ou abandonnés, des arbres qui s’inclinent devant l’ordre de la modernité, des machines à écrire qui ne projettent plus que leur ombre, des ruines qui s’imposent comme un destin architectural, une animalité domptée, des gloires de jadis, la force des éléments et les déterminations de l’âge… et finalement le bout d’une route qui stoppe le regard, le voyage, et le livre lui-même.

Ronan Guillou, Le Visiteur

E    Each section of the book by Ronan Guillou starts with a general overview. He thus offers us the point of view of the new arrival as he prepares himself for encounters. Each one of the sec-tions must contain its own story, expressing through statements and details the intensity of an existence. As in any book of photo- graphs, the relationship to the spectator is formed at once in a di- rect manner, not only in an emotion that is released by the image through its subject and composition, but also in the relation that the images uphold among themselves. Nothing is more essential, therefore, than the inexpressible link that unites singular mo-ments, the beings and things that are represented. In Country Limit, the photographer specifically sought to exceed the tradition of the travel book or personal diary. The aim above all is to attempt a dialog with American photography and, through it, to depict the United States as it appears at the start of the 21 st century.

A book of photographs taken in the United States is not, however, necessarily a book about the United States, just as American photography is not only photography from America. That is why it is necessary to attempt, before embarking on this book by Ronan Guillou, to understand what he is confronting in terms of photographic history.

At the start of the 1970s, the anthropological and poetic gaze of Bill Owens, in his book realized on the American West Coast, entitled Suburbia, broke with the style of American documenta-ry photography founded by the Farm Security Administration in the 1930s towards an aesthetic of the vernacular, equally nurtured by learning from Atget, the social documentary of Lewis Hine, and the straight photography of Paul Strand. Owens there- fore seeks an aesthetic of the everyday which incorporates the brand-new suburban villas and forgets the pioneers’ little wooden places which Walker Evans had turned into veritable monuments. Owens marks, it seems, the end of a certain Amer-ican photography with a taking into consideration of the mid-dle class and the aesthetic of the standard. In 1975, a striking event reinforced this new approach: the exhibition New Topo-graphics: Photographs of a Man-Altered Landscape organized

by William Jenkins at the George Eastman House in Rochester. There, it was a whole new generation that expressed the concep-tual dimension of photography by turning no man’s lands, indus-trial architecture and the suburbs into new codes of photographic poetry, inspired by the proposals of Ed Ruscha and his famous books such as Twenty-six Gasoline Stations (1963).

This less picturesque approach to the image of the United States did not extinguish a sort of American photographic tradition that color at the time was capable of perpetuating with William Eggleston or Stephen Shore, who incidentally was present in New Topographics. Indifferent to the poetry of the standard, that is that of an America loyal to its literary, cinematographic, and fi-nally mythical tradition which unfolds its poesy. While the prac-tices of contemporary photography are indexed against those of contemporary art, American photography is truly becoming a genre like the Western in the cinema, the roman noir in literature, rock in music. What was American photography’s great icono-graphical and psychological motif, the vernacular and its dilapi-dation, caught up with it and obscured it: American photography has become an art of the 20 th century. In Ronan Guillou’s view, sizing up the genre involves exploring the theme that structures the whole of American photography: time.

Signified as the exploration of a space, Country Limit in fact falls within the poetry of temporality. By becoming the character of the visitor, Ronan Guillou constructs brief visual narratives of an America wrestling with what has become the refuge of those who are relegated to an intermediate space, the topographic manifestation of obsolescence. The photographer thus puts to-gether his book by playing on the space-time axis: trophies on the shoulders of the road, young and old people, sold or aban-doned second-hand fetishes, trees that bow before the order of modernity, typewriters that now only cast their shadow; ruins that assert themselves like an architectural destiny, a tamed an-imality, glories of yesteryear, the force of the elements and the determinations of the age… and finally the end of a road that halts the gaze, the journey, the book itself.

Ronan Guillou, The Visitor

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Chaque chapitre de cet album nous invite donc à nous approcher d’un lieu. Il ne s’agit pas d’un village ou même d’un hameau, plu-tôt de campements, de fragiles abris où nous nous trouvons dans la position du visiteur qui, après un long périple, rencontre une présence humaine. Et ces hommes, femmes ou enfants que nous approchons, semblent à la fois étranges et familiers. L’accès qui nous est donné par fragments à leur vie est un mélange de curiosité et de mystère. Les architectures sont souvent abandon-nées, les êtres humains et les animaux cohabitent comme s’il y avait là le vestige d’une arche de Noé : quel déluge ancien a précédé l’arrivée du visiteur ? Ce livre est tout entier celui d’un monde qui a basculé.

En s’intéressant à la géographie humaine des « country limit » — expression renvoyant aux panneaux « city limit » signalant l’ère d’étendue d’une ville à sa région —, Ronan Guillou a travaillé un point de vue qui correspond à ces zones. Ce point de vue est celui du seuil. Le photographe n’est-il toutefois pas toujours devant les choses ? Certes, mais ce devant contient une infinité de positions, de distances, d’attitudes intérieures : ce « devant » est aussi psycho- logique. Ce que le seuil indique sur le plan visuel et mental est cette position d’équilibre qui, en général, est une barrière que l’on ne peut franchir qu’une fois invité. Et si l’on reste sur le seuil, dans ce devant qui n’est pas le dedans, le regard occupe une place très particulière. C’est ce regard qu’a privilégié Ronan Guillou dans Country Limit, ce regard qui, comme son sujet, est dans l’incertitude.

Lorsque Ronan Guillou parle des États-Unis, il aime à raconter le choc que fut pour lui Paris, Texas de Wim Wenders, et notamment le début du film où le personnage marche dans le désert sur la musique de Ry Cooder. Et de sa prise de conscience alors, devant l’écran de cinéma : les États-Unis lui permettront de se considérer comme un personnage de fiction. C’est peut-être là que se situe la clef du livre : chaque séquence, et parfois chaque image, ouvre à un potentiel récit entre la fiction et la réalité. Le seuil que repré- sente le choix d’un point de vue et l’espace d’une exploration géo- graphique et humaine se conjugue ici avec la notion de marge

au sens d’une population marginalisée sur le plan social (et to- pographique). La vision de Ronan Guillou est donc sur un double axe : dans un point de bascule dedans-dehors et dans une con- centration sur ce qui forme l’à-côté de la ville et de la réussite économique.

Country Limit est une visite des États-Unis comme on explore un grenier à ciel ouvert. Tout le passé est là, comme une forme de relégation. Le temps est la seule chose que les États-Unis ne parviennent pas à transformer en victoire. Ronan Guillou nous montre que la photographie est l’art de cette défaite.

Ronan Guillou, Le Visiteur

Each chapter of this album therefore invites us to approach a location. It is not about a village or even a hamlet, rather en-campments, very fragile shelters where we find ourselves in the position of the visitor who, after a long journey, encounters a hu-man presence. And these men, women or children whom we ap-proach appear at once strange and familiar. The access to their life which is given to us by fragments is a blend of curiosity and mystery. The architectures are often abandoned; humans and animals cohabit as though there were the vestige of a Noah’s Ark: what ancient deluge preceded the visitor’s arrival? This book is, in its entirety, one about a world that has turned upside down.

By taking an interest in the human geography of the »country limits« — an expression that harks back to the »city limit« signs that indicate the ground extending from the town into its region — Ronan Guillou has elaborated a point of view that corresponds to these zones. This point of view is that of the threshold. However, is the photographer not always in front of things? This is true, but this »in front of« contains an infinity of positions, of distances, of interior attitudes: this »in front of« is also psychological. What the threshold indicates on the visual and mental plane is this position of balance which, in general, is a barrier that one can only step over once invited. And if one remains on the threshold, in this »in front of« which is not the inside, the gaze occupies a very particu-lar place. It is this gaze which Ronan Guillou favored in Country Limit, this regard which, like its subject, finds itself uncertain.

When Ronan Guillou talks about the United States, he likes to tell of the shock that Paris, Texas by Wim Wenders was for him, and especially at the start of the film where the character walks in the desert to the music of Ry Cooder. And about his realization at the time, in front of the cinema screen: the United States would allow him to consider himself a fictional character. This is proba-bly where the key to the book lies: each sequence, and sometimes each image, opens onto a potential narrative between fiction and reality. The threshold represented by the choice of a point of view and the space of a geographical and human exploration becomes conjoined, here, with the notion of margin in the sense

of a population marginalized at the social (and topographical) level. The vision of Ronan Guillou therefore lies on a double axis: on a tipping point of inside-outside and in a concentration on what forms the contrast to the city and economic success.

Country Limit is a tour of the United States as one explores an open-roofed loft. The whole past is there, like a form of relega-tion. Time is the only thing that the United States does not suc-ceed in transforming into victory. Ronan Guillou shows us that photography is the art of this defeat.

Ronan Guillou, The Visitor

Searching for America: Beyond the Beyond

Bill Kouwenhoven

À la recherche de l’Amérique : Au-delà de l’Au-delà

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F    Au premier abord, les photographies de Country Limit m’ont laissé perplexe. Je souhaitais trouver la bonne musique, ou la bonne histoire, capables d’expliquer l’extraordinaire étrangeté des espaces découverts par Ronan Guillou lors de ses voyages à travers l’Amérique, en quête de sa propre Amérique.

Le road movie littéraire ou visuel, digne de Karl May, Jack Kerouac, Robert Frank ou encore de Wim Wenders, a vraisemblablement fini par constituer un ensemble, quasi sacré, mais toujours vivant, tel que nous pouvons encore l’observer dans ces photographies.

Le road movie personnel de Ronan Guillou, parti à la recherche de nouveaux mondes où se nichent les clichés les plus évidents de l’Amérique, a porté ses fruits et fit naître son nouveau projet, Country Limit.

De toute évidence, il est aisé de jouer avec les clichés, les com-menter, ou les moquer ; et comme la plupart des clichés, ils ont peu à voir avec la réalité que dissimule la surface. Là n’est pas le véritable propos du travail de Ronan Guillou, même s’il s’agit aussi de ça.

À nous tous, il nous engage à réfléchir à ce que signifie la recher- che de l’Amérique, ce qu’est l’observation profonde du « Cœur- même » américain. Il montre ce que veut dire parcourir le « Grand Au-delà », dans le « Pays de Dieu », plus loin que les grandes ag-glomérations et les villes, ce qu’est qu’arpenter ces vastes éten-dues, une fois passés villes et villages, au-delà des limites signa-létiques et juridictionnelles des comtés.

Les espaces de Country Limit s’apparentent aux espaces blancs indiqués sur les cartes anciennes sous l’appellation de « Terra Incognita », assorties de commentaires du type « Ici résident les monstres ». Ces lieux dépassent notre connaissance. Ronan Guillou s’y rend et va même plus loin. Il s’agit non seulement d’un voyage derrière l’au-delà, mais aussi d’un voyage au-delà de l’au-delà. Il a exploré ces espaces blancs, de l’autre côté de ce que nous pensons connaître.

Country Limit est sa version de la recherche de l’Amérique. Un exemple de ce qu’est l’exploration au-delà de l’au-delà.

Comme les courageux Star Trekkers, le capitaine Kirk, le premier officier scientifique Spock et consorts, Ronan Guillou a lui aussi avancé audacieusement et pendant plusieurs années, dans sa quête d’autres mondes... En 2012 et 2013, son épopée l’a mené de la France à l’Amérique, à la recherche des mondes étranges du Sud et du Sud-Ouest du « Pays de Dieu », vers ces régions des États-Unis qui se déploient sous les incroyables ciels aux bleus profonds et les villages isolés rappelant les décors de tournage de nombreux films de science-fiction.

Observez les photos de la série Country Limit. Intéressez-vous à la manière dont vous et moi envisageons ces endroits situés au milieu de l’absolu nulle part. Reconsidérons notre supposée connaissance de ces lieux.

Ronan Guillou dirait que nous avons ici affaire à de vraies person- nes et à leurs réels lieux d’habitation. Oui, comme eux, nous som- mes tous les prisonniers d’un genre de Rêve Américain, fait de li-berté et d’indépendance. Comme vous et moi, eux vivent des vies réelles, mais dans un espace qui ressemble à ceux dépeints par Eschyle, Samuel Beckett ou Sam Shepard, ceux de Cowboy Mouth, et, bien plus tard, du légendaire Paris, Texas de Wim Wenders. Mais, vous le savez, nous sommes tous plus ou moins condamnés, et dans le monde réel, il n’y a pas tant de Happy Ends à la façon de la Warner Brothers, ou de celle des films avec John Wayne ou Bugs Bunny.

Les maisons brûlent. Les gens se marient. Les gens meurent. Les tempêtes surviennent. Les stations-service sont abandonnées. Nous jouons avec nos amants et nos chiens. Nous adorons nos ido- les. Nous tentons de réparer nos voitures. Nous essayons de nous en sortir. Tout est éclairé par un impressionnant ciel indifférent, où les Dieux nous ignorent tandis que nous adulons John Wayne incarnant Ethan Edwards, les bières Coors, les Chevrolets, les barbecues. Jésus, Elvis et Wilson Pickett sont peut-être morts pour certains de nos péchés, mais pas plus pour les miens que les leurs.

À la recherche de l’Amérique : Au-delà de l’Au-delà

E    When I first looked at Ronan Guillou’s photographs from Country Limit, I was perplexed. I wanted to find the right music or story to explain the extraordinary strangeness of the spaces Ron-an has found in his travels across America to find his own America.

The literary or visual road movie, such as one might remember from Karl May, Jack Kerouac, Robert Frank or, lo and behold, Wim Wenders, may have become an all but sacred thing, but it is alive and well as we see in these pictures.

Ronan Guillou’s personal road movie to seek out new worlds among the obvious clichés of America has born fruit with his new project, Country Limit.

Obviously, the clichés are easy to play with, to comment upon, and to deride; and like most clichés, as we shall see, they have little to do with realities beneath the surface. But Ronan’s work is not really about that even though it is.

And so, this causes us, all of us, to think about what it means to look for America, to look deep into the American Heartland, to look at what it means to wander beyond the cities and the towns into the »Great Beyond,« into »God’s Own Country,« to wander into that huge expanse past City and Town, and even to beyond the jurisdictional »Leaving Such and Such County Limit« signs.

For too many of us city slickers, whether we are born in Baltimore, New York, Boston, or in Paris or Berlin, the great open spaces that define the country of the American West and Southwest strike us with a fascination often tinged with dread. As one who has driven across the vast expanses that Ronan has driven, I can say I know the landscapes but not the country. I can also say, I never had the courage to take these pictures.

The spaces in Country Limit are like on those maps of old where white spaces were marked »Terra Incognita« and filled with the comments »There be monsters.« These are places beyond what we know. Ronan goes there and then goes yet further. This is not

just a journey into the back of the beyond, far away enough; it is a journey beyond the beyond. He has explored these white spac-es on the other sides of what we think we know.

Country Limit is his version of searching for America: it is a case of exploring the Beyond the Beyond.

Like those brave Star Trekkers, Captain Kirk, First Science Officer Spock, et al., Ronan Guillou also has over several years gone »boldly forth« to seek out other worlds… His epic voyage took him, however, from France to America during 2012 – 13 to search out strange worlds in the South and Southwest of »God’s Own Country«, those parts of the United States beneath the backdrop of those incredible deep blue skies and the isolated settlements that look like they were the settings of any number of science fiction movies.

Look at the pictures in Country Limit. Look at the way you, I, we, think we think about these places in the middle of absolute no-where. Consider what we think we know about these places.

As Ronan would say, we’re dealing with real people here and the real places they inhabit. Yes, we, and they, are all prisoners of some sort of American dream, of freedom and independence. They live real lives like you and I, albeit in a space that looks like it is set in a stage set from Aeschylus or Samuel Beckett or Sam Shepard, he of Cowboy Mouth, and, much later, Wim Wenders’ legendary Paris, Texas. But, as you know, we’re all a bit doomed, and in the real world, there are not so many Happy Endings a là Warner Brothers; those of John Wayne and Bugs Bunny.

Houses burn down. People get married. People die. Storms come. Gas stations are abandoned. We play with our lovers and our dogs. We worship our idols. We try to fix our cars. We try to get by. Everything is illuminated under an indifferent, awe-inspiring sky where the Gods ignore us whether we worship John Wayne’s Ethan Edwards, Coors Beer, Chevys, or barbeque. Jesus, Elvis and Wilson Pickett may have died for some of our sins, but not mine and not theirs.Rhetoric and mythology override the actual experience of the

Searching for America: Beyond the Beyond

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La rhétorique et la mythologie l’emportent sur l’expérience réelle de l’Ouest et du Sud-Ouest américain. Demandez donc à Larry McMurtry, auteur de Lonesome Dove et meilleur bibliothécaire de l’Ouest depuis le Mississippi jusqu’au Pecos. Nous sommes as-saillis de clichés. Le défi consiste à voir au-delà. Pour Ronan Guil-lou, les vies prosaïques, véritables, des personnes vivant dans ces lieux sont bien plus essentielles que les motifs des photographes issus des New Topographics, voire du légendaire Robert Frank.

Si les goûts de Stephen Shore, Robert Adams, et d’autres encore, les ont portés à explorer une vision plus analytique de l’ouest , et ceux de Robert Frank un côté plus dystopique, Ronan Guillou adopte une approche humaniste.

Regardez ses paysages, regardez ses personnages. Appréciez leurs conditions de gens vivant sous la grande Voûte Céleste, si loin et en même temps si proche de Dieu, loin des questions de plomberie ou d’électricité de leur habitation, dans les cam-pagnes reculées, très loin au-delà des pistes, des autoroutes, et souvent hors-réseau, tentant de vivre leur vie.

Ronan Guillou n’est pas un touriste, et il n’était pas non plus un pionnier. Ces dernières années lui ont donné le temps d’ap-prendre du paysage et des gens et de réaliser d’insondables pho-tographies de personnages faisant des choses étranges, à nos yeux dénuées de sens.

Appréciez la poésie de ses légendes, leurs allusions aux films, aux chansons, aux lieux, aux choses aussi élémentaires qu’un simple coup de fil à sa maman. Constatez les effets de la tem-pête, l’engagement familial pour la survie dans un lieu apparem-ment abandonné de Dieu, situé au-delà de l’au-delà.

Ce sont là des histoires épiques, de personnes réelles et pré-sentées comme telles. Parce que le décor fait de ciel bleu et de nuages étincelants ne peut que nous ramener à Delphes ou à Athènes il y a 2500 ans de cela. Les Dieux étaient proches alors, et ils jouaient avec nous. Aux yeux des Anciens, les Dieux sont

loin à présent... Et nous sommes seuls à jouer sur cette scène nue. Les Dieux jouent ici encore avec nous sous ces grands cieux, ces arches du proscenium où nous nous pavanons face à l’indif-férence du destin.

Ces cieux incroyables et les lieux qu’ils dominent sont les scènes où les pouvoirs véritables œuvrent sur la vie des protagonistes terrestres de Ronan Guillou, des agriculteurs aux commerçants, des Amérindiens à ceux qui se sont hasardés jusqu’à cette fron-tière apparemment lumineuse, ou qui s’y sont échoués.

De manière métaphorique, Ronan Guillou articule un espace hors des grandes villes. Il décrit un monde situé au-delà de la « ville », un royaume mythique, incroyable, qui existe au fond du « Cœur même » de l’Amérique : le Sud et le Sud-Ouest que con-tient ce vaste espace, du nom de « Country Limit ».

De son regard éclairé, avec passion et en même temps objecti-vement, Ronan Guillou nous dépeint son Amérique, un réel bien trop réel.

American West and Southwest. Ask Larry McMurtry, he of Lone-some Dove and the best Western library between the Mississippi and the Pecos. We are besotted with clichés. The challenge is to get beyond them. The real, prosaic lives of the people living there are something that Ronan Guillou recognizes as being far more important than the themes of the photographers of the New Topo- graphics or even of the legendary Robert Frank.

Where the likes of Stephen Shore and Robert Adams explored a more analytical view of the West, and Robert Frank a more dys- topian side, Ronan Guillou takes a more humanist approach.

Look at his landscapes, look at his people. Consider their circum-stances as people living under a Big Sky, so far from God and at the same time so close to God, far from everything like indoor plumbing and electricity and deep in the country, way on the other side of the tracks, far from the highway and often way off the grid, who are trying to live their lives.

Ronan is no tourist, and he was also no pioneer. He spent his time over some years to learn the landscape and the people and made enigmatic pictures of people doing strange things that might actually make sense to them if not to us.

Consider the poetry of his titles, consider their allusions to films, to songs, to places, to the basic things like calling home to one’s mother, to looking at what a storm can do, to the meaning of family scratching out a living in some seemingly God-forsaken place beyond the beyond.

These are epic stories of real people rendered real. The backdrop of blue sky and sparkly clouds looks just as we might imagine of Delphi or Athens 2,500 years ago. The Gods were close then, and they played with us then, too. As far as the Ancients might be concerned, the Gods are far away now… And we are so left to play alone upon this bare stage. And the Gods play with us still beneath those great skies, those proscenium arches where we strut out our lives under indifferent Fates.

These incredible skies and the settings they dominate are the stages where the true powers that be work behind the lives of Ronan’s earthly protagonists, from the farmers to the traders to the Native Americans and those who have thrust themselves on to — or have become stranded in — this seemingly bright frontier.

Ronan Guillou articulates a space, metaphorically, outside the big cities. He describes a world beyond the City, an incredible, mythi-cal realm that exists deep in the Heartland of America: the South and Southwest within that vast space, called »Country Limit«.

With his clear eye, Ronan Guillou paints his America, with pas-sion, and at the same time dispassionately, real; all too real.

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F    Ronan Guillou (Français –1968) vit à Paris, et travaille en France et aux États-Unis. Ses photographies sur l’Amérique ont conduit en 2011 à la publication d’un premier ouvrage — ANGeL — préfacé par le cinéaste et photographe Wim Wenders (Éditions Trans Photographic Press). Depuis, il continue de mener ses projets photographiques sur le territoire américain. Il a notamment pu- blié une carte de Las Vegas Valley (2013 — Éditions Poetry Wanted), et exposé en 2014 la série « Truth or Consequences », laquelle réunit la photographie, l’écriture et le son. Les travaux de Ronan Guillou sont présentés lors d’expositions personnelles et collectives en France et à l’étranger, et font partie de collections privées et pu-bliques. Country Limit est le deuxième livre de l’auteur.

Commissaire indépendant, Bill Kouwenhoven (né à Baltimore en 1961) a obtenu son Master of Arts dans le cadre du BA-MA Honors Program de la Johns Hopkins University, à Baltimore, en 1985 (Humanities Area Studies). De 1996 à 2001, il a travaillé comme rédacteur pour le magazine Photo Metro à San Francisco, avant de partir s’installer à Berlin. De 2003 à 2014, il est rédacteur inter-national du magazine HotShoe. Il collabore régulièrement avec plusieurs revues de photographie contemporaine aux États-Unis, en Angleterre et en Europe (Afterimage, Aperture, British Journal of Photography, Photonews, european Photography). Il est égale- ment l’auteur d’essais pour différentes monographies d’artistes. Bill Kouwenhoven vit et travaille à Berlin et New York.

Michel Poivert est Professeur d’histoire de l’art à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, critique et commissaire d’exposition, il est directeur de la rédaction de la revue Études photographiques. Il a notamment publié La photographie contemporaine (Flam- marion, 2010), L’image au service de la révolution (Le Point du Jour Éditeurs, 2006), Brève histoire de la photographie, essai (Hazan, 2015). Il a organisé les expositions « La Région humaine », Musée d’art contemporain de Lyon (2006), « L’Événement, les images comme acteurs de l’histoire », au Jeu de Paume à Paris, (2007, « Gilles Caron, le conflit intérieur » (Musée de l’Elysée, Lau-sanne, 2013), « Nadar, la Norme et le Caprice » (Multimedia Art Museum, Moscou, 2015).

E    Ronan Guillou (French –1968) lives in Paris, and works in France and the United States. His photographs on America led in 2011 to the publication of his first work — ANGeL — prefaced by cineaste and photographer Wim Wenders (Éditions Trans Photo-graphic Press). Since then, the author has continued weaving his photographic and human link with America. In 2013 he published a map of Las Vegas Valley (Éditions Poetry Wanted), and in 2014 exhibited the series »Truth or Consequences«, which combines photographs, sound, and writing. Ronan Guillou’s works are shown in solo and group exhibitions in France and abroad, and are part of private and public collections. Country Limit is the author’s second book.

An independent curator, Bill Kouwenhoven (Baltimore, 1961) received his Master of Arts in the BA-MA Honors Program of the Johns Hopkins University, Baltimore, in 1985, in Humanities Area Studies. From 1996 to 2001 he was editor of San Francisco- based Photo Metro magazine, and after moving to Berlin, he was International Editor of HotShoe magazine from 2003 – 2014. He is a frequent contributor to numerous contemporary pho-tography journals in the United States, England, and Europe (Afterimage, Aperture, British Journal of Photography, Photo- news, european Photography), and is the author of essays for artist’s monographs. Bill Kouwenhoven lives and works in Berlin and New York.

Michel Poivert is Professor of Art History at the University of Paris I Panthéon Sorbonne. A critic and curator, he is head of the edito- rial department at the review Études photographiques. Among others he has published La photographie contemporaine (Flam-marion, 2010), L’image au service de la révolution (Le Point du Jour Éditeurs, 2006), and »Brève histoire de la photographie«, essai (Hazan, 2015). He organized the exhibitions »La Région humaine«, Musée d’art contemporain de Lyon (2006), »L’Événement, les images comme acteur de l’histoire« at the Jeu de Paume in Paris, (2007, »Gilles Caron, le conflit intérieur« (Musée de l’Elysée, Lau-sanne, 2013), »Nadar, la Norme et le Caprice« (Multimedia Art Museum, Moscow, 2015).

Authors / Auteurs

Captions / Légendes

Junk Valley Wyoming 2012 5

Runnels CountyTexas 2012 6

Unlucky Mississippi 2012 7

The Blue Door Wyoming 2012 8 The Man Colorado 2012 9

Wireroom 2 Alabama 2012 11

Aftermath Colorado 2012 12

Sweety Kitty Alabama 2012 13 Mike Jones Clan Mississippi 2012 15

Veteran Tennessee 2012 17

Mississippi River Mississippi 2012 19

Storm 1 Mississippi 2012 20

Storm 2Mississippi 2012 21

Songs To Warm The Heart, Mississippi 2012 22

LaurieAlabama 2012 23

MeridianMississippi 2012 25

Granger’sMississippi 2012 26

Van Zandt County Texas 2012 27

Light Hole Louisiana 2012 28

PinkAlabama 2012 29

Wireroom 1Mississippi 2012 31

Willy JeanMississippi 2012 33

Wichita FallsTexas 2012 35

Time, Alabama 2012 36

MatadorTexas 2012 37

Red RoosterAlabama 2012 38

Trailer SistersAlabama 2012 39

WantedIdaho 2012 41

Sunday, Texas 2002 43

BillyMaryland 2011 45

Fake 2Mississippi 2012 46

Wireroom 3Virginia 2012 47

Lamar county 1Texas 2012 48

Lamar county 2Texas 2012 49

Country LimitNew Mexico 2012 51

Plains MarketColorado 2012 52

IntruderWyoming 2012 53

RealismColorado 2012 55

HamletWyoming 2012 57

Cody 1Wyoming 2012 59

Cody 3Wyoming 2012 60

Cody 2Wyoming 2012 61

TravisTexas 2012 63

Coca ColaIdaho 2012 64

BurroughsColorado 2012 65

Cedar HillsUtah 2012 67

Million Miles AwayColorado 2012 68

Zenith Colorado 2012 69

Quay CountyNew Mexico 2012 71

R.I.PTexas 2012 73

Quay County 1New Mexico 2012 74

Lawrence By The Cana-dian River, Texas 2012 75

Larimer CountyColorado 2012 77

Crisis UnitColorado 2012 79

SituationColorado 2012 81

Around DriggsIdaho 2012 82

Power Of ManWyoming 2012 83

TributeWyoming 2012 84

ApportionedMississippi 2012 85

Hatch 2New Mexico 2012 86

Hatch 1New Mexico 2012 87

Chris CollinsTexas 2012 89

ChristinaColorado 2012 91

Still OKUtah 2012 93

Robert LeeTexas 2012 94

Sand & ConcreteNew Mexico 2012 95

This Is For AnneVirginia 2012 97

Window HeroTexas 2012 98

PaducahTexas 2012 99

I Love That TreeNevada 2013 100

I Miss You MomNevada 2013 101

NeedlesCalifornia 2013 103

Hidden ChevyNevada 2013 104

No VacancyNevada 2013 105

Middle AgeNevada 2013 107

On The EdgeNevada 2013 109

Country Limit 2Nevada 2013 111

Country Limit

Acknowledgements / Remerciements

Imprint / Mentions légales

© 2015 Kehrer Verlag Heidelberg Berlin, Ronan Guillou and authors / et auteurs

Editor / ÉditeurRonan Guillou

Texts / TextesMichel Poivert, Bill Kouwenhoven

Design / Maquette Kehrer Design Heidelberg — Maximiliane Hüls

& Ronan Guillou

Printed and bound in GermanyISBN 978-3-86828-630-4

Isabelle Mesnil — NextLevel Galerie, Miranda Salt, Bill Kouwen-hoven, Michel Poivert, Héloïse Conésa, Françoise Bourhis– Robineau — Kodak, Marc Pussemier, Maud Prangey, Rémi Noël, Barbara Force, Philippe Guyomarc’h, Olivier Romano, Christian Lévêque, Corinna Schack, Eléonore Serbin, Sophie Cavaliero, Gilbert Ollivier, Lily Matras, Julien Joalland, Patrick Samama, Galerie Focale, Ville de Vichy, Maximiliane Hüls & Shiva Hamid — Kehrer Verlag Heidelberg.

E    The printed photographs in this book refer to manual prints made by Marc Upson, of Laboratoire Mupson in Paris. Marc, I can only express my deepest gratitude for your generous and unfailing support over many years. You rock! This book is also yours. Similarly, I would like to thank all of the people I en-countered during the Country Limit adventure, whether or not they appear in the book.

F    L’impression des photographies est faite d’après ti- rages réalisés selon la méthode traditionnelle par Marc Upson — Laboratoire Mupson, Paris. Marc, je te témoigne toute ma recon-naissance pour ton soutien généreux et indéfectible depuis de nombreuses années. You rock ! Ce livre est aussi le tien. Qu’elles apparaissent ou non dans l’ouvrage, j’adresse également toute ma gratitude aux personnes rencontrées sur le parcours de Country Limit.

Production / Fabrication Kehrer Design Heidelberg — Andreas Schubert

Image processing / IconographieKehrer Design Heidelberg — René Henoch

Proofreading / Suivi éditorialTom Grace (English), Annick Bonnefon (Français)

Translations / TraductionsMartine Passelaigue, Émilie Notéris (Anglais — Français),Andrew Cowin (French — English)

 Kehrer Heidelberg Berlin www.kehrerverlag.com

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