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JOURNAL DU GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN UNE VOIX DIFFÉRENTE au Sénat Numéro 104 - MARS 2017 Mobilisation pour la gratuité des autoroutes Loi Travail Une abrogation toujours en débat Santé Le très mauvais bilan du quinquennat www.groupe-crc.org TRAVAIL LÉGISLATIF BLOC NOTES IDÉES IDÉAL Pour enfin faire vivre la ruralité COMBATTONS LES RÉFORMES TERRITORIALES ET LES RÉDUCTIONS BUDGÉTAIRES AFFAIRE THÉO Quand la police oublie d’être républicaine

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J O U R N A L D U G R O U P E C O M M U N I S T E R É P U B L I C A I N E T C I T O Y E N

UNE VOIX DIFFÉRENTE

au Sénat N u m é r o 1 0 4 - M A R S 2 0 1 7

Mobilisationpour la gratuitédes autoroutes

Loi TravailUne abrogationtoujours en débat

SantéLe très mauvais bilandu quinquennat

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Pour enfin faire vivrela ruralité

COMBATTONS LES RÉFORMES TERRITORIALES ET LES RÉDUCTIONS BUDGÉTAIRES

AFFAIRE THÉO Quand la police oublie d’être républicaine

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Àl’heure où les enjeux sur l’approvisionnement et la transitionénergétique sont des plus importants, à l’heure où la questionde la sécurité nucléaire se pose avec acuité, au moment oùdes milliers de nos concitoyennes et concitoyens sont privés

d’électricité à cause des tempêtes et où les agents EDF sont à piedd’œuvre, c’est une véritable imposture à laquelle se prépare la direction d’EDF ! Alors qu’elle a entamé plusieurs chantiers indus-triels de grande ampleur et après déjà de nombreuses suppressionsde postes au fil des années – 2 000 suppressions l’an dernier –, cene sont pas moins de 5 000 nouvelles suppressions qui sont annon-cées par le président de cette belle entreprise publique, soit 7 % del’effectif  ! Tous les secteurs seront touchés, la recherche et le déve-loppement ne sont pas épargnés et, dans mon département, les agentsdes boutiques EDF m’ont déjà alertée. EDF doit avoir les moyensd’assurer le service public de l’électricité dans la durée. Elle doitêtre le pivot de la transition énergétique et du développement desénergies renouvelables, alors que l’ouverture à la concurrence desconcessions hydrauliques la prive de la première d’entre elles. EDF,à l’instar de l’ensemble de nos services publics, doit être présentesur tous nos territoires. Madame la secrétaire d’État, quand l’Étataura-t-il une politique industrielle et énergétique de long terme co-hérente et déconnectée des enjeux financiers ? Quand jouera-t-il sonrôle de stratège pour assurer la sécurité des approvisionnements,notre indépendance énergétique et la préservation de nos savoir-faireirremplaçables ?

Annie David, question d’actualité au gouvernement, 14 février 2017.

Journal du groupe communiste républicain et citoyen. Palais du Luxembourg, 75291 Paris Cedex 06. Tél. : 01 42 34 21 24 - Fax : 01 42 34 38 11. www.groupe-crc.org / [email protected] de la publication : Marc Hainigue. Rédaction en chef et conception : Emmanuel Raynal. Création graphique et mise en page : Mustapha Boutadjine. ISSN : 1962-5766.

Imprimerie LNI, entreprise certifié PEFC et Imprim'vert. 295, avenue Laurent Cely, 92635 Gennevilliers cedex. Tél. : 01 40 85 74 85

BIEN DITL’imposture de la direction d’EDF

Dans cette page!

Le 24 mars 2016, après avoir modifié à plusieurs reprises le texte finalement présenté, le Gouvernement déposait sur le bureau de l’Assemblée nationale le projet de loi relatif autravail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels,

dit loi Travail ou loi El Khomri. Ce texte, particulièrement long et touffu, a provoqué de profondsclivages dans la société, avivant d’autant plus la colère du monde du travail que la procédure utilisée pour son adoption s’est avérée, selon nous, peu respectueuse des droits du Parlement.Ne pourrait-on pas, à la lumière des dispositifs contenus dans cette loi, s’interroger quant à l’efficacité réelle sur la situation de l’emploi, de la production, voire de la préservation de l’environnement, d’une loi qui in fine n’a pu empêcher, depuis son dépôt jusqu’à sa promulgation, la consolidation d’un chômage de masse marqué par la hausse de la précarité de l’emploi ?

Thierry Foucaud,bilan de l’application des lois, 21 février 2017.

La loi Littoral a trente ans, certes, et mérite des adaptations, biensûr, mais nous sommes convaincus que la lutte contre l’étalementurbain est impérieuse dans ces zones particulières. Le principe

de l’urbanisation continue est un bon principe pour densifier en zoneconstruite, mais la préservation de nos littoraux, ainsi que celle de tous les milieux naturels, face au risque de défiguration architecturale reste d’actualité. Restons vigilants dans ce domaine.Les atteintes au littoral, lorsqu’elles sont perpétrées, sont irréversibles.

Évelyne Didier, littoral et changement climatique, 11 janvier 2017.

En vérité, la BCE ne rend aujourd’hui de comptes qu’aux marchés financiers, au Gouvernement allemand et aux institutions financières internationales au service des mêmes logiques. Résultat, alors que l’euro

et l’énorme pouvoir de création monétaire qu’il constitue pourraient servir l’intérêt des Européens, l’Europe se prive d’un tel pouvoir au nom des dogmes libéraux qui nous ont pourtant conduits dans la crise. Le sort de pays européens entiers est donc livré aux mains de traders qui peuvent les ruiner en quelques secondes. Rien ne sera possible à termesans remise en cause profonde des traités, et dans ces traités du rôle et des missions de l’euro et de la Banque centrale européenne.

Pierre Laurent,débat sur le fonctionnement de la zone euro, 12 janvier 2017.

Je souhaite vous alerter sur la situation de l’Ehpad « Les Tamaris », situé à Crouy-sur-Ourcq, établissement public accueillant 60 résidents pour lequel la direction de l’établissement, les personnels, les familles des résidents et la

maire de la commune se mobilisent actuellement afin d’en assurer la pérennité.Outre le fait que nous manquons de places d’hébergement dans le secteur public,le maintien de cet Ehpad est également nécessaire pour répondre aux enjeuxd’avenir. Comme sur l’ensemble du territoire français, la Seine-et-Marne ne de-vrait pas échapper à un vieillissement de sa population. Selon l’Insee, le nombrede personnes de 60 ans et plus augmenterait, à lui seul, de 189 000 entre 2007 et 2040, soit une progression de 96 % en 33 ans. Sachant également que les établissements seine-et-marnais accueillent des usagers venant d’autres départements, notamment franciliens, il me semble indispensable de pérenniser au minimum ceux existants. Je me permets d’ajouter qu’une fermeture de l’établissement aurait des conséquences économiques très néfastes pour un territoire rural de la Seine-et-Marne.

Michel Billout,lettre au préfet de Seine-et-Marne, 17 janvier 2017.

Alors que la direction d’EDF avait reconnu en 2004 la faute inexcusable pour exposition à l’amiante et s’était engagée à ne pas faire appel des décisions

de condamnation de l’entreprise suite à un recours des salariés, la nouvelle direction a décidé de faire appel desdécisions des tribunaux des Affaires de sécurité sociale.Ce revirement de position de la direction d’EDF est incompréhensible et injuste pour les victimes de l’amiantequi pourraient voir la durée de leur procédure augmenteret les indemnités diminuer selon les juridictions. Nous demandons à l’État, actionnaire majoritaire d’EDF, deprendre ses responsabilités en prenant position clairementen faveur de la reconnaissance de la faute inexcusable del’employeur pour les personnes contaminées par l’amianteet de faire revenir l’actuelle direction d’EDF à l’engage-ment initial de l’entreprise.

Michelle Demessine, communiqué de presse, 16 février 2017.

LES 21 MEMBRES DU GROUPE CRC : Éliane ASSASSI, sénatrice de Seine-Saint-Denis, présidente du groupe CRC ; Patrick ABATE, sénateur de Moselle ; Marie-France BEAUFILS, sénatrice d’Indre-et-Loire ; Michel BILLOUT, sénateur de Seine-et-Marne ; Éric BOCQUET, sénateur du Nord ; Jean-Pierre BOSINO, sénateur de l’Oise ; Laurence COHEN, sénatrice du Val-de-Marne ; Cécile CUKIERMAN,sénatrice de la Loire ; Annie DAVID, sénatrice de l’Isère ; Michelle DEMESSINE, sénatrice du Nord ; Évelyne DIDIER, sénatrice de Meurthe-et-Moselle ; Christian FAVIER, sénateur du Val-de-Marne ;Thierry FOUCAUD, sénateur de Seine-Maritime, vice-président du Sénat ; Brigitte GONTHIER-MAURIN, sénatrice des Hauts-de-Seine ; Gélita HOARAU, sénatrice de La Réunion ; Pierre LAURENT,sénateur de Paris, secrétaire national du PCF ; Michel LE SCOUARNEC, sénateur du Morbihan ; Christine PRUNAUD, sénatrice des Côtes-d’Armor ; Évelyne RIVOLLIER , sénatrice de La Loire ; BernardVERA, sénateur de l’Essonne ; Dominique WATRIN, sénateur du Pas-de-Calais.

Michelle Demessine

Michel Billout

Pierre LaurentThierry Foucaud

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À NOTRE AVISPar MARIE-FRANCE BEAUFILS, sénatrice d’Indre-et-Loire.

Quand en février 2012 je m’adressais aux maires et élus locaux de mon département d’Indre-et-Loire, tous les espoirs étaient permis. La nou-velle majorité de gauche au Sénat devait donner

un nouvel élan à nos communes. Jean-Pierre Bel, lenouveau président du Sénat depuis le 1er octobre 2011appelait aux Etats Généraux de la Démocratie Locale et lançait un questionnaire auprès de tous les élus. En même temps que je disais mon inquiétude sur leslois qui étaient maintenues, j’appelais les maires à semobiliser. « Une réforme ambitieuse doit prendre encompte l’égalité des droits sur le territoire, le maintiende la commune, comme lieu principal d’exercice de la démocratie. La compétence générale, les coopéra-tions librement consenties par les élus et les citoyens,une fiscalité plus juste faisant contribuer ceux qui en ont les moyens, citoyens comme entreprises, nousdonneraient la possibilité d’administrer librement noscollectivités... Ce questionnaire peut nous aider à formuler des propositions pour que de véritablesÉtats généraux puissent ouvrir la voie pour une réflexion sur l’avenir de la démocratie territoriale. »En mai 2012 les espoirs ne pouvaient être que renforcés puisque le candidat devenu présidentavait nommé son ennemi : la Finance ! Il ne fallaitpas attendre très longtemps pour voir les parolesse transformer en actes... contraires. Dès le moisde juillet, le TSCG (traité pour la stabilité,

la cohérence et la gouvernance) appelé aussi Pacte budgé-taire européen était signé par le nouveau Président. Onnous avait annoncé une renégociation de ce traité, mais letexte proposé au vote était, à la virgule près, celui écrit parmonsieur Sarkozy et madame Merkel. C’est ce texte quiallait déterminer pour l’essentiel toutes les politiquesd’austérité pour les habitants et nos collectivités locales.

Pour aller dans ce sens, le projet de loi de programmation desfinances publiques pour les années 2012-2017 entérinaitles réductions de dotation. Nous avions fait, conjointe-ment, avec les sénateurs socialistes, des propositions bud-gétaires pour le budget 2012 qui auraient pu être reprisesdans le PLF 2013. Malheureusement nos collègues fai-saient le choix de voter ces politiques austéritaires. Cesorientations ont été maintenues et même aggravées pen-dant tout le quinquennat, jusqu’à ce jour. Les finances des collectivités locales n’ont fait que se dégrader. Plus de23 milliards ont été ainsi retirés des budgets des collectivi-tés territoriales pendant ces 5 ans. Ce n’est pas ce qui étaitespéré par les élus. Et surtout, c’est totalement contrepro-ductif. Les services publics locaux sont essentiels à la viedes habitants, ce sont de véritables outils de lutte contre les inégalités. De plus, l’investissement public des collecti-vités est particulièrement impacté, mettant en fragilité les patrimoines locaux. Cette baisse entraîne des répercus-sions sur l’activité économique du bâtiment et des travauxpublics et par conséquent sur l’emploi.

Mobilisation pour la gratuité des tronçons franciliens de l’A10 et l’A11. Page 14

Non à l’accaparement des terres agricolesUne initiative sénatoriale qui conforte le régime turc

La femme est (aussi) l’avenir de l’agricultureBLO

C NO

TES

La ruralité d’abord victime du modèle libéral. Page 4Quand la police oublie d’être républicaine

Des CHSCT pour davantage de salariésL’eau, un bien précieux à préserver et à partager

Les fonds vautours contre l’emploiL’abrogation de la loi Travail toujours d’actualité

TRAV

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Redonnons espoir à nos territoires

Quant à la réforme des collectivités territoriales, la méthode em-ployée a été la même. Le président Hollande ne déclarait-ilpas dans son discours de clôture des États généraux à laSorbonne le 5 octobre 2012 « Des arguments en termesd’économie sont souvent avancés pour supprimer unéchelon. Il ne résiste pas à l’examen dès lors qu’il n’estpas question d’abolir les compétences que cette collecti-vité exerce. À part diminuer quelques dizaines d’élus, où est l’économie ? Quant à la simplification espérée, elleaboutirait à l’éloignement le plus souvent de nos conci-toyens par rapport aux décisions prises sans effet sur l’efficacité même du service rendu. » Et une nouvelle fois,ce fut le contraire qui fut réalisé. Avec les lois NOTRe et MAPTAM, on a assisté à la mise en œuvre de fusions,de regroupements préparant à des suppressions de communes. Le gigantisme était à l’honneur, avec dessuper-métropoles, des communautés de communes impo-sées, des lieux de décisions éloignés. En septembre 2015,nous étions nombreux devant les préfectures à l’appel del’AMF, poussée à agir par le mécontentement des élus lo-caux, avec ce message : « Souhaite-t-on que les servicesde proximité rendus au quotidien à 66 millions de Français disparaissent ou soient drastiquement réduits ?Souhaite-t-on renoncer aux investissements publics ?Notre réponse est claire : c’est non ! Nous aimons tous notre commune, ne nous résignons pas à les voir disparaître : faisons cause commune pour dire NON à la disparition programmée des communes ! »

Cet appel, nous l’avons fait nôtre à l’époque, parce qu’il rejoi-gnait les propositions que nous défendons depuis toujours.Si nous voulons que nos territoires continuent à vivre en répondant aux besoins de leurs habitants, en termes notamment de présence des services publics, il est nécessaire de le remettre à l’ordre du jour.

Santé : le mauvais bilan du quinquennat. Page 12

Au Sénat comme ailleurs, une exigence de probité

L’adversaire, c’est toujours la finance ?IDÉE

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ÉAL

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C’est l’un des sujets les plus abordés au Sénat :projet ou proposition de loi, débats, col-loques, communiqués, proposition de réso-lution, la ruralité est sur toute les lèvres des

élus de la seconde chambre du Parlement. Lorsde ces rendez-vous, du PS à la droite, chacun sedispute le rôle du meilleur défenseur de ces ter-ritoires ruraux, de ces campagnes et villagessans qui la France ne serait pas la même. Àchaque fois aussi, ces chevaliers blancs de laruralité oublient de rappeler, sans doute amné-sie passagère, qu’ils ont souvent soutenu en-semble, ou alternativement, les politiques deréduction des dépenses publiques ainsi que lesdifférentes étapes d’une réforme territorialeayant pour effet de dynamiter notre modèlerépublicain. Précisément, ce qui plonge leszones rurales dans un profond désarroi…Cette amnésie politique s’est une nouvellefois manifestée lors d’un débat demandé parle groupe CRC et qui s’est tenu le 21 févrierdernier, avec cet intitulé, certes un peu long,mais résumant bien la situation : « Entre ré-forme territoriale et contraintes finan-cières : quels outils et moyens pour lescommunes en zones rurales ? » « Notrediagnostic est clair, a expliqué CécileCukierman en introduction : la ruralité souffre au-jourd’hui des modèles retenus nationalement, parceux que l’on qualifie d’experts et par les pouvoirspublics, pour l’aménagement du territoire, qui sou-mettent les femmes et les hommes, les entreprises etles territoires aux règles du capitalisme mondialiséde mise en concurrence et de rentabilité. Or la ru-ralité ou plutôt les ruralités ne peuvent entrer dansce moule libéral. Nous en tirons une conclusionsimple : il faut reconstruire des politiques pu-bliques respectueuses des valeurs républicainesde liberté, d’égalité et de fraternité, des politiquesfondées sur la notion d’utilité publique et d’inté-rêt général plutôt que sur celles de rentabilité etde rationalisation de l’action publique, de limi-tation des dépenses publiques et, donc, de miseen œuvre de l’austérité budgétaire à tous les ni-veaux de nos collectivités. Oui, l’État a un rôleà jouer et une responsabilité spécifique, en toutpoint du territoire national. À travers ceprisme, le bilan de ce quinquennat est redou-table parce que les logiques libérales misesen œuvre par la droite au pouvoir, loind’avoir été infléchies, ont même parfois étépoursuivies. Les services publics ont conti-

nué d’être, comme on dit pudiquement, mutualisés, c’est-à-dire regroupés afind’être moins dispendieux pour les deniers publics. Je pense notamment à tousles regroupements hospitaliers qui ont conduit à éloigner les patients des lieuxde soins. Je pense aussi bien sûr à la vie scolaire : trop d’écoles ont fermé, lesrègles de fermeture des classes et des écoles en milieu rural ayant été mécani-quement appliquées. » L’État organise aussi la disparition de ses services d’in-génierie, ressource pourtant essentielle en zone rurale ; des lignes ferroviaireset des gares sont fermées ; l’aménagement numérique se heurte à une volontéde rentabilité, le plan « France Très Haut Débit » ne comporte ainsi aucun en-gagement contraignant pour les opérateurs, ce qui conduit à son inefficacité.Volet de la réforme territoriale, la métropolisation des territoires, concrétiséepar la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation desmétropoles, contribue également à la crise des territoires ruraux. Elle draine lesrichesses vers les centres urbains,alors qu’un véritable aménage-ment du territoire consisterait à ir-riguer l’ensemble des territoires.Effet détonnant, surtout lorsqu’ilest conjugué à un développementaberrant de l’intercommunalité «Privés de moyens humains, finan-ciers et techniques, les élus locauxont de plus en plus de mal à assu-mer leur fonction, ce qui produitfrustration et découragement, a

!

Dans ces pages

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TRAVAIL LÉGISLATIFAu-delà des belles déclarations d’attachement à ces territoires,courantes sur les bancs du Sénat, la défense crédible des campagnes implique un refus des politiques d’austérité et un rejet de la réforme territoriale en cours, beaucoup plus rares dans l’hémicycle.

La ruralité est d’abord victime du modèle libéral

LE CHIFFRE

10 milliards d’eurosC’est, en moins de trois ans,ce qu’ont perdu les communes au titre des dotations budgétaires de l’État.

Cécile Cukierman

Jean-Pierre Bosino

DR

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TERRITOIRES COLLECTIVITÉS

DR

poursuivi la sénatrice de la Loire. La construction d’intercommu-nalités géantes par le relèvement des seuils posé dans la loiNOTRe a profondément déstabilisé le monde rural. Le seuil de 15000 habitants n’est pas adapté à de nombreuses réalités territo-riales. Surtout, ces regroupements se sont opérés de manière au-toritaire. Ils n’ont pas été fondés sur le libre consentement et lesprojets partagés, mais imposés par les préfets au travers de laCommission départementale de coopération intercommunale, lafameuse CDCI. Ce mépris démocratique a engendré un senti-ment d’impuissance. Des compétences de proximité ont étéconfiées à des échelons trop vastes et la démocratie y a perdu.Ces regroupements forcés ont également eu pour conséquence,faute de moyens et de savoir-faire, de confier de plus en plus demissions de service public à des entreprises privées. Si le prési-dent du Sénat, reprenant l’expression de l’Association desmaires ruraux, souhaite “oser la ruralité”, alors il faut aller aubout de cette réflexion et en tirer toutes les conséquences. Letemps n’est plus aux assises ou aux constats, nous avons de lamatière, notamment l’excellent rapport produit sous l’égide del’Assemblée des départements de France, l’ADF, par mon amiJean-Paul Dufrègne, ancien président du conseil général del’Allier. Ce rapport contient des propositions intéressantes etnovatrices qu’il conviendrait d’étudier très sérieusement. »Autre certitude, ce n’est pas en acceptant de se partager la pé-nurie que les collectivités urbaines, péri-urbaines ou ruralespourront sortir de la nasse. « Assez de doubles discours entre,d’un côté, les fermetures de gares, de liaisons SNCF, jugéestrop peu rentables, de trésoreries ou de bureaux de poste et,de l’autre, la défense de la ruralité, des territoires, des com-munes », a d’abord prévenu Jean-Pierre Bosino, second in-tervenant du groupe CRC. « D’un côté, on démantèle lesgrandes entreprises publiques, qui organisaient la péréqua-tion et faisaient en sorte que, même au fin fond de n’importequel village, par exemple en Auvergne, on avait accès au té-léphone, à l’électricité, a ensuite développé le sénateur del’Oise. De l’autre, on veut nous faire signer des contrats deréciprocité pour organiser la “solidarité territoriale”. Au-trement dit, on fait désormais peser sur les villes une soli-darité nationale qui était auparavant assurée par EDF,France Télécom, La Poste ou la SNCF. La désespérance estréelle, il ne faut pas la nier, mais elle n’est pas inhérente àla ruralité, c’est une conséquence directe du libéralisme etdes cures austéritaires imposées aux communes. On vou-drait nous faire croire que les communes sont responsablesde tous les maux, qu’elles coûtent et, surtout, qu’elles pè-sent sur les finances de l’État. Pour certains aspirants à lafonction présidentielle – il y en a quelques-uns en ce mo-ment ! –, les dotations aux collectivités ne sont qu’une lignebudgétaire que l’on peut sabrer pour réduire des dépensespubliques prétendument excessives. Les collectivités représentent à peine 9 % du déficit public, mais surtout,70 % de l’investissement public. Or, cet investissement estévidemment un levier pour la croissance et l’emploi. Il ya urgence à desserrer l’étau de l’austérité qui les étouffeet, à plus forte mesure, dans les zones rurales. En octobre,l’Association des maires ruraux de France dénonçait unprojet de loi de finances pour 2017 ruralicide. Dans untel contexte, tout est fait pour opposer artificiellement lesmaires ruraux aux maires urbains. Les élus du groupecommuniste le dénoncent depuis longtemps. »

INTERCOMMUNALITÉArrêts des regroupements intercommunaux contraints, décidés sans l’accorddes élus ni des populations. Maintien des communes et de leurs compétences.

DOTATIONSFin de la baisse des dotations aux collectivités. Réforme de la DGF afin de ré-équilibrer la dotation globale de fonctionnement en direction des communesrurales. Selon l’Association des maires ruraux de France, l’État verse au-jourd’hui 62 euros par habitant aux communes rurales, contre 124 euros auxgrandes villes. Taxation des actifs financiers des entreprises pour abondercette DGF, ce qui rapporterait plusieurs dizaines de milliards d’euros par an.

AMÉNAGEMENTMise en place d’une véritable politique d’aménagement du territoire pour garantir la maîtrise publique des réseaux de communication, qu’ils soient detransports ou numériques. Il faut en finir avec les politiques de privatisation et imposer l’intérêt général comme fil conducteur de l’action publique.

SERVICES PUBLICSInstauration d’un moratoire sur toutes les fermetures de services publics en zones rurales comme en zones urbaines.

NOUS PROPOSONS

AVIS DE RECHERCHEOù sont donc passés les sénateurs LR et centristes au cours de ce débat ?Comme quoi, la désertification de certains bancs parlementaires est parfoisaussi prononcée que celle qui frappe nos campagnes. On ne le voit pas surcette photographie, mais il faut également signaler que les rangs socialistesétaient eux aussi très clairsemés.

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TRAVAIL LÉGISLATIF

Dans ces pages!

On croyait à tort cela réservé à d’autrestemps, d’autres lieux, comme ces an-ciennes dictatures d’Amérique cen-trale. Mais c’est bien en France,

aujourd’hui, qu’un policier est mis en exa-men pour viol pour avoir introduit sa ma-traque dans l’anus d’un jeune homme aucours d’un banal contrôle d’identité. Sestrois collègues qui l’accompagnaient font,eux, l’objet d’une procédure pour vio-lences volontaires aggravées. « Malheu-reusement, ces faits ne constituent pas unévénement tragique et isolé, a estiméEliane Assassi lors d’une séance dequestions d’actualité au gouvernementle 9 février dernier ; ils font écho à despratiques pour le moins douteuses decontrôle policier et d’interpellationbien connues dans les quartiers popu-laires. » « Mon propos, a poursuivi laprésidente du groupe CRC, n’est pasde remettre en cause le travail et ladéontologie de l’ensemble de nosforces de sécurité, dont nous recon-naissons la qualité de l’engagement, qui plus est dans le contexteactuel, et avec le peu de moyens dont elles disposent. Mais unetension permanente, dont témoignent les forces de l’ordre et lescitoyens, existe dans ces quartiers. Nous reconnaissons la dégra-dation des conditions de travail de la police de terrain, mais ilconvient aussi d’entendre les voix des nombreuses associationset des citoyens. Tous évoquent des contrôles d’identité discrimi-natoires, parfois répétés, voire systématiques. Les palpationsde sécurité sont souvent faites hors des règles du code de déon-tologie des forces de sécurité, et s’apparentent trop fréquem-ment à une véritable atteinte à la dignité humaine. » En finiravec ce type d’agissements, parfois criminels comme danscette « affaire Théo », suppose de remettre à plat la doctrineet les pratiques du maintien de l’ordre, notamment dans lesquartiers populaires où elles relèvent davantage du contrôlesocial que de la volonté d’assurer une sécurité pour tous. Onse souvient aussi de l’attitude particulièrement provocanteet répressive des forces de l’ordre lors des manifestationscontre la loi Travail. Le retour de la police de proximité etla mise en place d’un récépissé de contrôle, notamment,permettraient d’apaiser les tensions. Mais ce récépissé,Bruno Le Roux n’en veut pas, indiquant dans sa réponseà Eliane Assassi sa préférence pour la généralisation descaméras mobiles. Pour le reste, le ministre de l’Intérieurs’est contenté d’un appel au calme bien limité. À droitenon plus, on ne souhaite visiblement pas faire la lumièresur une réalité qui dérange : Philippe Bas, le présidentLR de la commission des Lois a refusé la demande dugroupe CRC qui souhaitait que la commission organiseune série d’auditions de représentants de l’État et enparticulier de la police nationale, de syndicats, d’asso-

ciations de jeunesse et d’élus. Une option qui aurait permis au Parlement d’exercerpleinement son pouvoir de contrôle et son devoir d’information envers la popu-lation, sachant qu’il n’est pas possible d’instituer une commission d’enquête par-lementaire sur des faits qui font l’objet d’une enquête judiciaire en cours, commec’est le cas ici. Le pouvoir tire-t-il les conséquences des graves évènements d’Aul-nay-sous-Bois ? Élu avec la promesse de rompre avec la dérive sécuritaire des an-nées sarkosistes, Fançois Hollande, dans ce domaine aussi, a emboité le pas deson prédécesseur. L’adoption, en février 2017, du projet de loi relatif à la sécuritépublique en est le dernier exemple en date. Avec ce texte, que les sénateurs com-munistes ont désapprouvé, les policiers peuvent désormais ouvrir le feu dans cinqsituations nouvelles, jusque là réservées aux gendarmes. Une évolution qui ne ré-pond en rien au malaise de la profession et qui peut même conduire à favoriserles bavures, alors que le racisme et l’idéologie d’extrême-droite se propagent chezcertains policiers ; et qu’aucun n’effort n’est fait pour améliorer la formation àl’usage des armes, laquelle reste notoirement insuffisante. « L’alignement du cadred’usage des armes des policiers nationaux sur celui des gendarmes, qui permettrade s’affranchir du principe de riposte immédiate présidant normalement à l’ou-verture du feu, n’a pourtant pas toujours recueilli l’assentiment du Gouvernement,a rappelé Eliane Assassi lors de la discussion de ce projet de loi. Et pour cause,l’idée est depuis longtemps un leitmotiv du Front national, repris par certainssyndicats de police et par Nicolas Sarkozy en 2012. Depuis 2012, la même mesurea fait l’objet de cinq initiatives par-lementaires : quatre des Républi-cains et une de M. Masson. Toutesont été rejetées. Au-delà du projetde société qu’elle porte en elle,nous pensons pour notre partqu’elle est inutile, ineffcace, voiredangereuse pour nos forces de l’or-dre elles-mêmes. En 2013 déjà, lacommission des lois du Sénat rela-

Le viol présumé de Théo révèle, une fois de plus, des comportements inacceptables au sein des forces de l’ordre dont une minorité est gangrénée par le racisme. Formation, récépissé de contrôle, moyens humains et matériels adaptés, police de proximité, permettraient de renouer les liens brisés.

Quand la police oublied’être républicaine

LE CHIFFRE

1225C’est le nombre de fois que le défenseurdes droits a été saisi, en 2016, dans le cadred’affaires liées à l’intervention des forces del’ordre. Ce nombre était de 910 en 2015.

DR

Christian Favier

Éliane Assassi

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SÉCURITÉ QUARTIERS

tivisait l’idée selon laquelle les policiers sont dans une situation d’insécurité ju-ridique : “Seuls quelques cas d’usage des armes ont donné lieu à des mises encause de policiers”, rappelait le Sénat. D’après la direction générale de la policenationale, “seulement” 120 procédures liées à des cas de légitime défense et d’ou-verture du feu ont été transmises à l’IGPN au cours des cinq dernières années.Le nombre de condamnations qui en émane est plus marginal encore. » Il n’y avaitdonc pas lieu de légiférer, sauf à vouloir surfer sur certaines émotions et à joueravec le feu. La Commission nationale consultative des droits de l’homme jugeainsi « inacceptable » cette loi et reproche au gouvernement d’être « hermétiqueaux manifestations contre les violences policières ». Une loi, estime-t-elle aussi,qui va « renforcer la défiance de la population à l’encontre des forces de l’ordreet attiser les tensions ». Le sentiment d’une justice à deux vitesses, faible pour lespuissants, dure avec les faibles, condamnant avec célérité les voleurs de pommes,mais clémente avec les délinquants financiers en cols blancs, pousse également àl’exaspération. Il faudrait au contraire en finir avec une politique du tout carcéralqui a fait la preuve de son échec et relancer le triptyque prévention, sanction, ré-insertion « Notre attitude n’est pas laxiste, elle vise l’efficacité en dehors de l’émo-tion et de la démagogie, a expliqué à ce sujet Cécile Cukierman, lors de ladiscussion d’une proposition de loi émanant des sénateurs LR relative à l’efficacité

de la justice pénale. Donner la priorité aux peines alternatives, réorien-ter les peines vers la réinsertion, c’est une nécessité pour les victimescomme pour les coupables. En définitive, pour tendre vers une justicepénale efficace et humaine, il faudrait lancer un vaste chantier de ré-flexion et d’enquête sur les peines : leur sens, leur échelle et leurs mo-dalités. Peut-être qu’il faudrait s’inspirer de ce qui a été fait en lamatière depuis un certain nombre d’années dans les pays scandi-naves, où le droit pénal est très avancé, comme en Norvège, où lacriminalité est plutôt basse avec des taux de récidive très satisfai-sants, à mettre en lien avec un traitement humain et individualisé desprisonniers. Mais il n’y a guère de mystère : la Norvège consacre àla justice cinq fois plus de moyens que la France lorsqu’on les rap-porte au nombre d’habitants. Cela nous ramène inlassablement àla question des moyens indigents de notre justice. Inutile de multi-plier les textes, la justice pénale de notre pays ne sera efficace ethumaine que lorsque ses moyens seront revalorisés et les magis-trats augmentés. »

Vous êtes élu en banlieue parisienne. Quel regard portez-vous sur les quartiers populaires et leurs habitants ? Christian Favier. D’abord, je tiens à dire que je ne par-tage pas cette vision qui oppose deux France : une Francepaisible qui réussit, et une France en recul, celle des ban-lieues. La banlieue est très loin d’être uniforme et recou-vre des réalités urbaines, sociales, économiquestotalement différentes. Elle n’est pas dans un vase clos,isolée du reste du pays : pour exemple, nombre de Val-de-Marnais vont travailler à Paris tous les jours et vice-versa. Mon constat sur la banlieue et ses habitants estdouble. La première réalité, c’est que depuis trente ans,les politiques néolibérales de dérégulations sociales etéconomiques ont eu pour conséquence les fractures quiminent aujourd’hui notre société. La banlieue a subi cesfractures de plein fouet quand des choix catastrophiquesont conduit à la désindustrialisation, et donc à l’aug-mentation du chômage, à la baisse du pouvoir d’achatet à de nombreuses difficultés de vie pour chacun d’en-tre nous. Ces politiques ont aussi conduit à un urba-nisme égoïste, au service d’une minorité, où sonteffectivement apparus un centre protégé et des péri-phéries. Ces dernières comptant moins de services pu-blics, moins d’écoles, moins de policiers, parce quel’État ne joue pas suffisamment son rôle dans la ré-partition des moyens en fonction des besoins réels.Mon second constat, c’est que face à ce recul, il y adans mon département dit « de banlieue », des gensqui ont envie de réussir et qui apportent un dyna-misme sans précédent à la société. Rien que dans maville, à Champigny-sur-Marne, nous avons desjeunes qui sont médaillés aux derniers Jeux olym-piques et d’autres qui produisent leur pièce de Théâ-tre à Broadway. Si un département comme le nôtreest un candidat aussi sérieux à l’organisation de l’ex-position universelle, mais aussi un des atouts de lacandidature de Paris aux Jeux olympiques 2024,c’est bien que des énergies formidables font vivrela banlieue.

Comment expliquez-vous les tensions, parfois vio-lentes, qui agitent régulièrement ces quartiers ?Christian Favier. Parce que la société de classe et de sé-grégation dans laquelle nous vivons empêche des réussitesindividuelles et collectives. Quand un jeune de Choisy-le-Roi veut étudier le droit à la Sorbonne et que régulièrementen raison de sa couleur de peau, il est contrôlé plusieurs foispar la police avant de prendre le RER, c’est révoltant et dé-motivant pour lui. Quand une mère de famille qui habiteValenton doit faire trois heures de transport par jour parceque l’immense majorité des emplois de bureau sont concen-trés loin de chez elle, à Paris, ou dans les Hauts-de-Seine,c’est particulièrement usant. Des situations similaires, j’envois tous les jours. Indéniablement, il y a un sentimentd’abandon. Il est vrai que cette colère peut parfois débou-cher sur des tensions. Mais ces tensions sont très loin d’êtrel’apanage de la banlieue, elles gagnent toute notre sociétéqui est une société d’inégalités. Il faut donc cesser cette cor-rélation faite entre banlieues et violence parce qu’elle relèvede présupposés mensongers. En termes d’insécurité, je tiensà signaler que le taux de violences à la personne ou auxbiens est deux fois supérieur dans la capitale que dans leVal-de-Marne.

Faut-il voir dans l’affaire Théo un fait isolé ? Christian Favier. Nicolas Sarkozy a mis fin à la police deproximité et a supprimé 13 000 postes. Malheureusement,François Hollande n’est pas revenu sur ces mesures. Celaa d’abord des conséquences concrètes chez les policiersdont le métier est de plus en plus difficile. Quand je discuteavec eux, ils me témoignent des difficultés qu’ils rencon-trent dans des territoires face à des situations auxquelles ilsne sont pas formés. Il faut donc d’abord saluer le travail dela plupart d’entre eux qui, partout à travers le pays, sont auservice quotidien des citoyens et agissent pour faire vivreles valeurs de la République. Ceci dit, il est clair que cetteexaspération amène certains policiers à commettre des actesgraves, qui n’ont rien à voir avec la déontologie de leur mé-tier. C’est tout cela qui peut conduire parfois à des abus gra-vissimes, et je pense notamment à ce qu’a subi Théo.

Est-il possible, selon vous, de renouer les liens entre lapolice et la jeunesse ?Christian Favier. Avec ma collègue Laurence Cohen, nousavions fait venir au Sénat l’année dernière des jeunes denotre département. Certains habitants d’Ivry-sur-Seine af-firmaient être contrôlés plusieurs fois par jour ! Notregroupe a déposé une proposition de loi mettant en place unrécépissé contre les contrôles aux faciès, moyen d’éviter lesabus. La droite et le gouvernement ont choisi de rejeter cetteproposition. Je m’interroge en conséquence : avec le récé-pissé du contrôle aux faciès, Théo aurait-il subi ce qu’il avécu ? Je pense que non. Le rejet de notre loi est d’autantplus regrettable. Au-delà, la première manière de renouerles liens entre la police et les habitants, c’est d’affirmer quedans nos villes, nous avons aussi le droit à la sécurité et àla tranquillité. Comment les citoyens peuvent-ils accepterune situation qui fait que l’on compte 1 policier pour 115habitants dans le 8e arrondissement contre 1 pour 700 danscertaines villes du Val-de-Marne ? Je me suis battu pendantdes mois aux côtés des élus locaux à ce sujet, et nous avonsobtenu 14 policiers supplémentaires à Champigny-sur-Marne, zone de sécurité prioritaire, mais beaucoup de villesrestent en difficulté.

Pensez-vous que la réaction du gouvernement soit satisfaisante ?Christian Favier. Non, car elle ne répond pas à la situation.Voilà ce qu’aurait dû faire le gouvernement, et j’en fais mesquatre priorités pour la sécurité et la justice dans nos terri-toires : la création d’une nouvelle police de proximité, avecdes agents plus proches des citoyens, plus à leur écoute ;l’embauche de policiers supplémentaires pour faciliter leurtravail et mieux accompagner les citoyens dans leur quoti-dien ; des formations annuelles pour les policiers, afin demieux les accompagner dans leur métier ; la mise en placed’un récépissé contre le contrôle au faciès pour en finir avecles discriminations et les abus.

Christian Favier. Sénateur et président du Conseil départemental du Val-de-Marne.CINQ QUESTIONS À

Les banlieues, entre ségrégation et formidable énergie

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Les Comités d’Hygiène, de Sécurité etdes Conditions de Travail célèbrentcette année leur 35 ans d’existence.

Créés en1982 avec les lois Auroux, cesCHSCT ont constitué une avancée ma-jeure pour les droits des salariés. Maisleur rôle et leur fonctionnement se sonttrès vite heurtés à de multiples freins.« L’exercice de la démocratie socialedans le cadre de ces comités, déploreDominique Watrin, se trouve entravédans les faits par la dégradation desservices de santé au travail et parl’insuffisance du nombre d’inspec-teurs du travail comme d’agents dela branche accidents du travail/ma-ladies professionnelles de l’Assu-rance maladie. Sans représentantsde ces services lors de leurs réu-nions, les CHSCT perdent de leursens et ne permettent plus de veil-ler à l’amélioration des condi-tions de travail. En outre, le seuilrequis pour la constitution d’unCHSCT, et les stratégies de cer-tains employeurs pour éviter lefranchissement de ce seuil,conduisent à ce que des pansentiers du monde du travail setrouvent exclus des dispositifstendant à améliorer les condi-tions de travail. Il importenon seulement de permettreaux CHSCT de mieux jouerleur rôle, en accordant lesmoyens nécessaires aux ser-vices concernés, mais ausside combler les lacunes dudispositif actuel. » À l’ini-tiative du sénateur du Pas-de-Calais, le groupe CRCa donc déposé une propo-sition de loi s’appliquantplus particulièrementaux zones d’activités

économiques spécialisées. Dans ces zones « où lesentreprises partagent une même activité malgré destailles et des statuts différents, il apparaît néces-saire de créer des comités de site permettant decouvrir l’ensemble des salariés, explique Domi-nique Watrin. Ces comités, composés paritaire-ment, devront se réunir annuellement en présenced’un médecin du travail, d’un inspecteur du travailet d’un contrôleur de l’assurance maladie. Cettemise en place rendra possible une meilleure pro-tection des salariés et permettra de tendre, par lavalorisation des bonnes pratiques, vers l’harmoni-sation des conditions de sécurité et de travail detoutes les entreprises d’une même zone d’activitéspécialisée. » Un bilan statistique concernant desaccidents du travail et des maladies profession-nelles dans les établissements de la zone est dresséau cours de cette réunion. Le comité peut égale-ment examiner, à la demande de la moitié de sesmembres, toute question relative à l’améliorationdes conditions de travail. Autant de mesures, utilesquelle que soit la taille de la société, qui pourraients’appliquer, par exemple, à la zone de Capécure, àBoulogne-sur-Mer, l’une des nombreuses zones dece type en France : 3500 salariés y travaillent ausein d’une cinquantaine d’entreprises employant detrois à quatre-cents personnes, toutes spécialiséesdans la transformation des produits de la mer.

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TRAVAIL LÉGISLATIF

Dans ces pages!

Les membres du groupe CRC ont approuvé la proposition de résolution visant

à renforcer la lutte contre l’exposition aux perturbateurs endocriniens, présentée par le groupeécologiste et adoptée par le Sénat. « Ce texte fait écho à l’inquiétude légitime et croissante d’une majorité de citoyennes et de citoyens, a indiqué Annie David, constatant que l’influence persistante des lobbies industriels, notamment de l’agroalimentaire, s’exerce au détriment de la santé publique. »

Une influence qui se manifeste notamment au niveau de la Commission européenne, laquelle traine honteusement des pieds et refuse toujours d’interdire ces perturbateurs.

Des CHSCT pour davantage de salariés

En outre-mer, des inégalités qui perdurentLa création de comités de site pour les salariés travaillant dans des zones économiques

spécialisées permettrait de mieux les protéger.

Les élus du groupe CRC ont approuvé le projetde loi de programmation relatif à l’égalité réelleoutre-mer que le Sénat a adopté le 17 janvier

2017. S’ils ont salué l’ambition du texte, réduireenfin les inégalités criantes dont sont victimes lesterritoires ultramarins au regard de la métropole,ils en ont aussi pointé les limites évidentes : peu demoyens, beaucoup d’affichage et une adoption entoute fin de quinquennat, trop tardive et peu pro-pice à une mise en œuvre rapide. « Le projet de loiqui nous est proposé permet-il de combler tous cesretards et inégalités ? On peut raisonnablement seposer la question, a estimé Gélita Hoarau, sénatricede La Reunion. Comment croire que ce qui n’a pasété fait pendant soixante-dix ans pourra l’être endix, ce qui correspond à la durée de ce projet deloi de programmation ? Une nouvelle politiquepour les Outre-mer consisterait à les aider à rele-ver les nombreux défis auxquels ils sont confrontés.Le projet de loi qui nous est présenté le permet-ilréellement ? Sincèrement, encore une fois, je ne lepense pas, car ce projet de loi reste dans le schémaclassique de la loi d’intégration de 1946. Il ne tirepas toutes les leçons et les enseignements de sonapplication pendant soixante-dix ans, et notam-ment des inégalités créées. L’histoire nous a liésdès le départ avec la France, d’abord, puis avecl’Union européenne. Il convient de consolider lesacquis obtenus dans ce cadre. Cependant, nos en-vironnements géographiques connaissent des bou-leversements sur le plan tant démographiquequ’économique et nos pays ne peuvent pas se tenirà l’écart de ces grands bouleversements qui s’opè-rent à leurs portes. Il est donc vital pour La Réu-nion comme pour tous les outre-mer de disposerde compétences élargies pour pouvoir passer avecleurs voisins des accords de coopération et de co-développement solidaire dans des domaines aussidivers que le commerce, la santé, la sécurité ali-mentaire, l’éducation, la recherche, les énergies re-nouvelables, la lutte contre les effets duréchauffement climatique, etc. ». Illustration écla-tante de ces inégalités qui perdurent : le taux dechômage à La Réunion s’élève à 30 %. Appliquéen métropole, ce taux se traduirait par onze mil-lions de chômeurs…

DR

Dominique Watrin

Gélita Hoarau

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SOCIAL ENVIRONNEMENT

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Semaine de l’eau au Sénat ! Les 21, 22 et 23 fé-vrier, la Chambre haute a examiné successive-ment trois textes traitant, chacun à sa manière,

de cette précieuse ressource. Première vision, celledéfendue par Rémy Pointereau, sénateur LR duCher et ami bien connu des gros céréaliers. Sa pro-position de résolution, dont le titre ne peut que sus-citer l’unanimité, « Agir avec pragmatisme etdiscernement dans la gestion de l’eau », vise enfait à favoriser les agriculteurs. Ce à quoi s’est op-posé Christian Favier : « Il s’agit au fond de faireen sorte que la ressource en eau soit gérée prio-ritairement par et pour l’agriculture. Or, nousavons toujours considéré que la ressource devaitêtre partagée équitablement entre tous les ac-teurs, en répondant à la diversité des besoins.L’eau est un bien commun et assurer la consom-mation humaine d’une eau de qualité est notrepriorité. Je le redis, la ressource ne peut, mal-heureusement, que diminuer. L’agriculture doitchercher non pas à augmenter sa part – ce quise ferait immanquablement au détriment desautres utilisateurs –, mais à s’adapter à uneressource moindre, ce qui n’est pas contradic-toire avec une meilleure gestion de la res-source sur toute l’année. » La moitié desmasses d’eau est aujourd’hui dégradée du faitdes pollutions diffuses, d’origine essentielle-ment agricole, liées notamment à l’utilisationde produits phytosanitaires. « Préserver laressource doit ainsi nous inciter à limiterl’emploi des pesticides, voire à l’interdire.Or, sur cette question, la position du groupeLes Républicains est claire, a déploré le sé-nateur du Val-de-Marne : les amendementsque nous avons déposés en ce sens n’ontjamais obtenu son soutien. Pourtant, inter-dire les pesticides, c’est protéger la santéde tous, en premier lieu celle des agricul-teurs, parmi lesquels on ne compte plusles cas de cancers précoces. Par ailleurs,la simplification des procédures et desnormes est le sujet privilégié de M. Poin-tereau. Il est certes souhaitable de sim-plifier les procédures de nettoyage desrivières et des fossés, mais l’on ne net-toie pas n’importe quand et n’importecomment, sauf à tout détruire, et parfoispour longtemps. La norme n’a pas quedes aspects négatifs ; elle sert aussi,souvent, à protéger l’intérêt général. »Deuxième acte, avec cette fois uneproposition de loi déposée par legroupe écologiste, visant à la mise enœuvre effective du droit à l’eau pota-ble et à l’assainissement. Un objectifd’autant mieux partagé par les mem-bres du groupe CRC que ceux-ci ontdéposé, dès 2009, une proposition deloi similaire. Avec ce texte, les séna-teurs Verts souhaitent instaurer uneallocation eau qui serait versée auxménages les plus modestes. Com-

ment serait-elle financée ? Les réponses divergent. « Depuis des années, ce volet préventif du droit àl’eau achoppe principalement sur la question du fi-nancement, et cette nouvelle proposition voulait faireconsensus, a détaillé Bernard Vera. Pourtant, l’As-semblée nationale, par l’adoption d’un amendementdu Gouvernement et du groupe Les Républicains, asupprimé purement et simplement le financementprévu, fléchant simplement l’actuel produit de la taxesur les eaux embouteillées vers le lancement de l’al-location. Pour ce qui nous concerne, nous n’étionspas opposés par principe à ce type de lancement parune taxe additionnelle. Pour autant, le discours selonlequel les consommateurs de bouteilles d’eau peuventfinancer ce surplus, met totalement de côté le faitmême qu’en tout point du territoire la qualité de l’eaun’est pas la même et que certains de nos compatriotesn’ont pas le choix. Une récente étude de l’UFC-QueChoisir ? a d’ailleurs souligné ce point. Par ailleurs,cette source de financement met, encore une fois, lesseuls consommateurs à contribution, puisque – nousle savons – cette taxe serait directement répercutéesur le prix de l’eau embouteillée. Quand allons-nousenfin faire contribuer les majors de l’eau, et non lesconsommateurs ? Sur le fond, il faut être clair. Ce dis-positif d’accompagnement social pour l’accès à undroit fondamental n’est pas, dans notre esprit, unaboutissement, mais un premier pas vers un servicepublic de l’eau. En effet, s’il est important de pallierune inégalité manifeste, il reste fondamental de rap-peler que l’eau est un bien commun auquel tout lemonde a droit, un bien vital qu’il faut sortir des lo-giques marchandes. D’ailleurs, de nombreuses col-lectivités, et non des moindres, ont fait le choix d’unretour en régie publique. » Troisième et dernier volet,la proposition de loi du groupe LR permettant auxcommunes de conserver les compétences « eau » et « assainissement », en ne rendant plus obligatoire letransfert de ces compétences ainsi que le prévoit la loiNOTRe. Une loi que la droite sénatoriale a approu-vée, tout comme les différentes étapes du Big bangterritorial lancé par Nicolas Sarkozy et poursuivi parFrançois Hollande ! « Notre groupe est le seul groupeparlementaire à avoir conservé une position cohé-rente de défense des communes comme lieux vivantsde la démocratie, en se prononçant pour des EPCI li-

brement choisis, fondés sur desprojets communs et partagés, adonc d’abord rappelé Bernar Veraau cours de la discussion. Ainsi,alors que, pour notre part, nousavons combattu toutes ces lois, legroupe Les Républicains a voté laloi MAPTAM, la loi NOTRe et, bienentendu, la loi du 16 décembre2010 de réforme des collectivitésterritoriales, qui visaient clairementla réduction de la dépense publiqueet le transfert des services publicsau secteur privé. » Avant de souli-gner le caractère limité de cette pro-position de loi, en raison de sonchamp d’application réduit. : « Elle

ne concerne que les communautés de communes,ignorant les communautés d’agglomération, les com-munautés urbaines et les métropoles. Elle nes’adresse ainsi qu’aux territoires ruraux, alors que laproblématique est identique en milieu urbain. Le po-sitionnement adopté aujourd’hui par le groupe LesRépublicains indique clairement que nous sommesentrés en campagne pour les élections sénatoriales.Redonner du pouvoir aux collectivités locales exigeen premier lieu de leur donner les moyens d’assumerleurs compétences dans de bonnes conditions. Or labaisse généralisée des dotations a rendu la tâche par-ticulièrement ardue pour les communes. Pour notrepart, nous proposons de mettre fin à cette asphyxie fi-nancière. Sur le fond, nous partageons la volonté af-fichée par les auteurs de cette proposition de loi. Lacommune doit rester compétente en matière d’eau etd’assainissement, charge à elle de déléguer cettecompétence si elle le souhaite, par une démarche li-brement consentie. Nous voyons en outre dans lamarche forcée vers des intercommunalités de taillegéante, absorbant l’ensemble des compétences com-munales, une démarche antidémocratique et contre-productive, puisqu’elle éloigne les lieux de pouvoirde nos concitoyens. Or le contrôle de la qualité duservice public de l’eau et de l’assainissement doitpouvoir être exercé par nos concitoyens, au plusproche des réalités. »

Préservons ce bien commun qu’est l’eauAvec trois textes débattus en trois jours, le Sénat s’est penché en février sur la gestion de l’eau. Une ressource vitale qui doit être placée hors des logiques marchandes.

DR

LE CHIFFRE

18 milliardsd’eurosC’est le budget cumulé des syndicats del’eau. De quoi aiguiser l’appétit des grandsgroupes privés qui sont passés expertsdans la manière de tirer le maximum deprofits de la gestion de l’eau. Les régies pu-bliques disposent, elles, d’un autre savoir-faire : défense de l’intérêt général et prixaccessibles pour tous.

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Dans ces pages!

TRAVAIL LÉGISLATIF

Deux entreprises différentes, mais à chaque fois une même logique finan-cière qui conduit au désastre pour les salariés. En début d’année, à l’oc-casion de deux séances distinctes de questions d’actualité au

gouvernement, les élus du groupe CRC ont tenu a dénoncé publiquementl’action de fonds spéculatifs et le laisser-faire coupable du gouvernement.Premier dossier, le groupe Vivarte, évoqué dans l’hémicycle le 26 janvierpar Cécile Cukierman. Le premier groupe d’habillement français annoncela suppression de près de 2 000 emplois et la liquidation d’enseignes cente-naires présentes sur l’ensemble du territoire, alors que 4 000 emplois ontdéjà été supprimés en deux ans. « Cela fait plusieurs années que Vivarteest victime de fonds d’investissement vautours motivés par des objectifs decourt terme, sous le regard indifférent de l’État, lance la sénatrice de laLoire, alors que le groupe a reçu près de 44 millions d’euros d’argent pu-blic, dont 14 millions d’euros en 2016 au titre du crédit d’impôt pour lacompétitivité et l’emploi, le CICE. Devant l’attitude des actionnaires etdes fonds de pension, notre pays a besoin de mesures fortes pour assurerla défense de ces entreprises et de leurs salariés, dont les intérêts doiventpasser avant ceux des actionnaires. Madame la ministre, qu’allez-vousfaire ? Votre rhétorique n’est plus acceptable ! Comment pouvez-vousdire à ces milliers de salariés que rien ne sera fait ? Il vous reste quatresemaines pour inscrire à l’ordre du jour du Parlement la discussion d’unprojet de loi permettant de sanctionner les plans sociaux fondés sur unedémarche d’optimisation financière, quatre semaines pour protéger les entreprises et les salariés victimes de ce fléau ! Ce texte peut voir lejour ; cela dépend de la volonté gouvernementale. » Réponse de Myriam El Khomri : « L’État jouera pleinement son rôle, en se portantgarant du dialogue social et du respect par le groupe de ses obligationsen matière de transparence, d’activité et d’emploi. » Bref, les suppres-sions d’emplois seront validées, du moment qu’elles respectent les rè-gles de l’art. Réplique de Cécile Cukierman : « Vous auriez dû déposer

un projet de loi contre les licenciements boursiers, afin de sécuriser la situation dessalariés, plutôt que de casser le Code du travail, au printemps dernier ! » Deuxièmedossier, la cristallerie d’Arques, qui s’invite cette fois dans l’hémicycle le 23 févrierà l’initiative de Dominique Watrin. Arc International est le premier groupe verrierdu monde. C’est aussi la plus grosse entreprise industrielle du Pas-de-Calais, quiemploie encore plus de 5 000 salariés. Après une mauvaise passe, l’entreprise sem-blait se porter mieux. Mais aujourd’hui, ses propriétaires, des fonds spéculatifs étran-gers, risquent de l’abandonner. « Le fonds souverain russe semble réticent àdébloquer la deuxième tranche de 50 millions d’euros, le propriétaire américain nesemble pas décidé à remettre la main à la poche, et c’est l’avenir du groupe qui estde nouveau menacé, alerte Dominique Watrin. Comment en est-on venu à livrer lesdestinées d’un fleuron de l’industrie française à un fonds d’investissement américain,puis à un fonds souverain russe ? Pourquoi n’a-t-on pas fait entrer au capital del’entreprise Bpifrance, en 2015, puis la Caisse des Dépôts et consignations, en 2016,afin de s’assurer de la bonne conduite des affaires ? L’entreprise a un besoin urgentde liquidités pour éviter toute mauvaise surprise s’agissant du paiement des salaireset des fournisseurs, et il faudrait investir. Monsieur le secrétaire d’État, quels moyensl’État entend-il mettre en œuvre pour assurer la pérennité et le développement d’ArcInternational ? Quel rôle le Comité interministériel de restructuration industriellepeut-il jouer pour aider le groupe à obtenir l’appui de la Banque européenne d’in-vestissement ? Il y a urgence, monsieur le secrétaire d’État, à répondre à ces ques-tions ! » Réponse de Christophe Sirugue, chargé de l’industrie : « Le cabinet duministre de l’Économie et des finances et le mien sont en contact avec les responsa-bles de l’entreprise. Nous avons très récemment rencontré la direction du groupe,puis les partenaires sociaux, afin de faire le point sur la situation financière, maisaussi sur le projet industriel et, bien évidemment, sur l’environnement social. Despropositions d’accompagnement par les services du ministère de l’Économie et desFinances sur ces différents volets ont été présentées ». Et bla-bla-bla…

Les fonds vautours contre l’emploiChez Vivarte comme chez Arc International, la finance fait des ravages. Et le gouvernement laisse faire.

Le Sénat a rejeté, le 26 janvier 2017, le projet de loi ratifiant des or-donnances relatives aux règles budgétaires, financières, fiscales etcomptables applicables à la collectivité de Corse. Et cela n’a rien

d’anodin. Derrière cet intitulé long comme un jour sans pain et ce vo-cable technique, se cache en effet un texte gouvernemental qui constituele dernier acte législatif nécessaire à la mise en œuvre de la future col-lectivité unique de Corse. C’est pourquoi les membres du groupe CRCse sont réjouis de ce rejet, auquel ils ont eux-mêmes contribué en émet-tant un vote négatif. « En 2003, les électeurs corses avaient massive-ment rejeté ce projet, rappellent-ils dans un communiqué. L’Assembléede Corse avait fait la demande d’une loi spécifique ratifiée par un nou-veau référendum, ce que le gouvernement refuse obstinément. Sans nierles particularités liées à l’insularité, à l’identité de la Corse, nous dé-nonçons le caractère expérimental de la Collectivité unique pour re-mettre en cause plus largement l’échelon départemental et notammentson action en faveur des personnes âgées, des personnes handicapéeset des familles. Adopter la collectivité unique de Corse, c’est affaiblirles pouvoirs de l’action publique et supprimer des emplois publics.Surtout, c’est entériner le modèle de l’Europe des régions, facteur demise en concurrence des territoires, qui lèserait la Corse, face à desrégions aussi riches que la Catalogne ou la Toscane. Aux côtés desélus communistes de l’Assemblée de Corse, nous réaffirmons que lapriorité pour la Corse c’est au contraire d’en finir avec les inégalitéssociales et économiques que subissent les habitants, les travailleurs,les agriculteurs et les PME de l’Ile. En Corse comme dans l’ensembledu pays, il y a besoin d’une VIe République sociale qui permette un re-nouveau de l’action publique, pour des services publics performants à

travers les territoires, pour plus d’égalité et de solidarité nationales. »La Corse en a particulièrement besoin : elle possède le PIB régional leplus faible de France métropolitaine ; le revenu par habitant y est le plusbas du pays ; 21 % de sa population vivent en dessous du seuil de pau-vreté ; mais 10 % des ménages concentrent 33 % des revenus déclaréset les ménages les plus fortunés ont des revenus sept fois supérieursaux moins aisés. « Comme l’ont exprimé les syndicats et les travailleursde Corse, avec cette réforme, la République s’éloignerait un peu plusen Corse des problématiques qu’elle a pour tâche de résoudre, a dé-fendu Christian Favier au cours des débats. La suppression des dépar-tements, qui jouent un rôle essentiel au service des personnes âgées,des personnes handicapées, des enfants en danger, des populations lesplus fragilisées, est un risque majeur pour la cohésion sociale de laCorse. Poursuivre ce modèle de l’Europe des régions, fondé sur laconcurrence des territoires et des populations, est, à nos yeux, une pro-fonde erreur. Il s’agit d’un modèle qui, à rebours des exigences socialesde la Corse, a pour objet de permettre, à terme, des dérogations aucadre national du droit du travail. C’est enfin un modèle au service del’oligarchie économique, qui souhaite faire main basse sur l’île, commeelle l’a fait avec l’ancienne société maritime nationale, désormais géréesous la forme d’un consortium privé représentant 10 % du PIB de laCorse. Tout cela s’est fait au détriment des salariés, des agents du ser-vice public, des agriculteurs, des PME, notamment celles du tourismeet du BTP. »

La Corse, terrain d’expérimentation institutionnel

Annie David

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EMPLOI TRAVAIL

Examinée le11 janvier 2017, la proposition de loi dé-posée par le groupe CRC visant à abroger la loiTravail a été, sans surprise, rejetée par le Sénat.

Dans des proportions, cependant, qui en disent long surle décalage entre une partie de la classe politique et lescitoyens quand on sait que l’opposition au texte de My-riam El Khomri reste largement majoritaire chez lesFrançais : 25 voix pour, essentiellement celles des éluscommunistes ; 115 voix contre, essentiellement socia-listes et radicales ; la droite, centristes et LR, préférantcouragement ne pas participer au vote. Au-delà de cerejet, l’objectif de l’initiative est atteint, rien que pourses retombées médiatiques : entretenir la mobilisation,refuser la résignation, et contribuer à faire de l’abroga-tion de cette loi un enjeu majeur des élections présiden-tielle et législatives. Au cours de cet examen, lesmembres du groupe CRC se sont relayés pour expli-quer l’évidence : dans l’intérêt du pays, de son écono-mie, de ses salariés, cette loi doit être abrogée. Extraits.

Une loi illégitimeÉliane Assassi

« Notre attitude est sans ambiguïté ; elle se fonde surl’illégitimité de cette loi et sur sa profonde nocivité pourles salariés, et à terme pour notre économie. Oui Ma-dame la Ministre, cette loi, votre loi, est illégitime. Ellen’a pas été négociée, elle a été imposée par le 49-3 àl’Assemblée nationale à trois reprises. Votre texte n’adonc pas eu de majorité à l’Assemblée nationale. Il aété voté par défaut par l’habituel chantage à la dissolu-tion. Ce 49-3, votre ancien Premier ministre, M. Ma-nuel Valls, tente aujourd’hui, vainement etmaladroitement, de s’en débarrasser tel un sparadrapqui lui colle à la peau. Qui peut croire que ce 49-3 a étédégainé à l’insu de votre plein gré ? Pas grand monde !Non, il a été dégainé en toute connaissance de causepour imposer à votre majorité un texte de “casse dudroit du travail” qui ne figurait pas au programme deFrançois Hollande et qui tourne le dos à l’histoire de lagauche, fondée, pour une large part, sur les conquêtesdu monde des salariés, sur la construction du Code dutravail. Nous vous rappelons donc Madame la Ministre,que ce texte est un texte minoritaire et que le respectde la démocratie exige son abrogation. Non seulementvotre majorité ne vous a pas suivie à l’Assemblée na-tionale, mais, enquête après enquête, notre peuple resteopposé à cette loi. C’est pour cela que vous n’avez paspu tourner la page de la loi Travail et que le livre duquinquennat reste bloqué sur ces lignes du renonce-

ment, de cette politique contre nature qui a même sur-pris la droite sur son propre terrain, bloqué sur ceslignes du libéralisme, de la soumission sans frein, ou sipeu, des salariés aux exigences patronales. Comments’étonner, Madame la Ministre, que cette droite exigeplus aujourd’hui jusqu’au démantèlement du Code dutravail puisque vous en avez sapé les fondations ? C’estcette illégitimité profonde qui explique la vivacité decette demande d’abrogation, y compris au sein de vospropres rangs. »

Le dumping social organiséDominique Watrin

« La philosophie générale de la loi Travail est très lar-gement contestée non seulement par la majorité dessyndicats, mais également par le patronat, à l’exception,sans surprise, du MEDEF, qui s’accordent à reconnaîtreà la branche un rôle essentiel pour lutter contre laconcurrence sociale déloyale entre toutes les entreprises

d’un secteur d’activité, quelle que soitleur taille. À rebours de cette analyse, queje partage pleinement, la loi Travail offrreaux grandes entreprises une boîte à outilspour faciliter le dumping social et écono-mique. De plus, l’inversion de la hiérar-chie des normes ne peut pas êtrefavorable aux salariés quand on connaîtla réalité des relations sociales dans laplupart des entreprises françaises et lesdiscriminations subies par les représen-tants des salariés. En un sens, ce texte dé-nature la finalité même du code dutravail, qui doit d’abord protéger le sala-rié dans le rapport de subordination quile lie à son employeur et non déterminerle niveau de flexibilité, de précarité ou

d’éjectabilité de son contrat de travail. Dans le mêmetemps, la légitimité de l’action syndicale sera affaibliepar la possibilité pour des organisations minoritairesd’obtenir l’organisation d’un référendum d’entreprisepour valider un accord rejeté par les syndicats majori-taires. »

La médecine du travail sacrifiéeAnnie David

« Je crois que le travail peut et doit être facteur de santé.Mais votre loi, madame la ministre, ne s’en soucieguère, comme en témoigne le sort qu’elle réserve à lamédecine du travail et à l’inspection du travail. Aupa-ravant, la visite médicale à l’embauche permettaitd’identifier les risques auxquels les nouveaux salariéspouvaient être exposés et d’agir en amont, en adaptantle poste. Elle constituera dorénavant un simple rendez-vous d’information et de sensibilisation. Cette mesure,dite “de prévention”, est absurde, car une préventionefficace ne peut se faire que sur le lieu de travail. Deplus, les rendez-vous de suivi avec la médecine du tra-vail seront espacés : ils auront lieu tous les cinq ans, in-tervalle réduit à trois ans pour les travailleurs mineursou handicapés. Dans ces conditions, comment pouvez-vous croire que les visites garderont une quelconqueutilité ? Qu’elles permettront de détecter le mal-être, lesmauvaises postures ou le développement de maladiesprofessionnelles ? Tout cela sous prétexte d’un manquede médecins du travail ! »

La coquille vide du droit à la déconnexionLaurence Cohen

« Si le droit à la déconnexion, évoqué par certains danscet hémicycle, répond à un réel problème, la loi Travailne l’a encadré d’aucune obligation, d’aucune contrainteà la charge des employeurs. Il s’agit d’une coquillevide, dont l’inscription dans une charte dépend du bonvouloir des employeurs. Ce droit illusoire ne permetpas de garantir les revendications des salariés, notam-ment des cadres. Vous n’avez pas entendu les organi-sations syndicales qui vous ont fait des propositions —je pense, par exemple, à l’Union générale des ingé-nieurs, cadres et techniciens, l’UGICT-CGT. Ce quevous considérez comme une avancée majeure ne ré-pond pas réellement à l’enjeu de la santé au travail etdu développement du travail numérique et ne règle au-cunement la question de la charge de travail ni celle dela réduction du temps de travail. Alors qu’il était ques-tion d’inscrire une garantie positive pour les travailleursdans le marbre de la loi, nous nous retrouvons avec undispositif optionnel qui n’est plus, au final, qu’une co-quille vide. »

Les salariés de la Voix du Nord, premières victimesÉric Bocquet

« Aux termes de la loi Travail, les conditions du licen-ciement économique sont désormais clarifiées de sortequ’un licenciement économique puisse être prononcési l’entreprise est confrontée à une baisse des com-mandes ou de son chiffre d’affaires, à des pertes d’ex-ploitation ou à une importante dégradation de satrésorerie. Or M. Gabriel d’Harcourt, directeur déléguégénéral de La Voix du Nord, indiquait hier, sur le pla-teau de France 3 Régions : “Nous gagnons de l’argentactuellement. Nous sommes une entreprise rentable.”En effet, le chiffre d’affaires du groupe Rossel La Voixs’est élevé, en 2015, à 253,9 millions d’euros et, en2016, à 256 millions. Le groupe a dégagé des béné-fices. Dans votre intervention liminaire, madame laministre, vous avez dit que votre loi renforçait lesdroits des salariés. Je me demande comment les sala-riés confrontés à ce PSE qui leur tombe sur la tête vontentendre vos propos. Ils sont sous le choc et ont ex-primé aujourd’hui, par le biais d’un communiqué in-tersyndical unanime, leur opposition radicale à ce plansocial d’une ampleur inégalée. Le cas de La Voix duNord est un cas d’école : que vous le vouliez ou non,il existe un lien entre cette situation et votre loi. »

L’enjeu de l’abrogation de la loi El KhomriMême rejetée par le Sénat, la proposition d’abrogation de la loi Travail déposée par le groupe CRC a permis de prolonger le débat public et la controverse.

Abroger ne suffit pasL’abrogation n’est qu’un préalable, plaidentles sénateurs communistes, permettant en-suite de dessiner les contours d’un nouveauCode du travail, rénové et simplifié, répon-dant aux évolutions technologiques, écono-miques et sociales, tout en rétablissant etétendant les protections des salariés et leurpouvoir d’intervention.

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Voici comment, au nom du gouvernement, Ségolène Neuville, Secrétaired’État, est intervenue lors du débat sur la situation de l’hôpital, que legroupe CRC organisait le 12 janvier dernier : « Le gouvernement n’a eude cesse de montrer son attachement à l’hôpital public. Dire que le gou-

vernement a marchandisé la santé et considéré l’hôpital comme une entrepriseprivée, c’est faux (..) Nous avons redonné à l’hôpital public la place qu’il mé-rite dans notre système de santé. (..) J’aimerais que l’on me dise où est l’aus-térité ? Les moyens de l’hôpital public ont augmenté de 10 milliards d’eurosdepuis 2012 (..) Malgré le contexte budgétaire contraint, ce sont 31 000 per-sonnes de plus qui travaillent à l’hôpital depuis 2012. Évidemment, ils onténormément de travail en dehors de leurs congés, mais je ne peux pas vouslaisser dire à l’unanimité que les conditions se dégradent de façon permanente. (..) L’hôpital public a fait partie des priorités de ce quin-quennat (..) » Des phrases d’une grande suffisance, témoignant d’un dénide réalité, ou relevant de la méthode Coué, cherchant à nous faire passer,au mieux pour des alarmistes, au pire pour des menteurs. Dès lors, doit-on considérer que les personnels hospitaliers qui ne cessent de dénoncerleurs conditions de travail, leur mal-être, déplorer le suicide de col-lègues, les démissions en masse, sont également des menteurs ? Doit-on considérer que les comités de défense, appuyés par des élus locaux(bien souvent de toutes tendances politiques), qui s’activent pour éviterla fermeture de tel ou tel hôpital de proximité, de telle ou telle mater-nité, de tel ou tel service, mentent également ou s’alarment pour rien,puisque tout va bien dans le meilleur des mondes ? Les nombreuxvilles, quartiers et villages, à la recherche de médecins généralistes,de kinés, de dentistes, d’ophtalmos, d’orthophonistes, d’infirmiers,de gynécologues, tout ceci ne serait qu’affabulation, exagération ?Dans le monde du gouvernement, le problème des déserts médi-caux serait en voie de règlement, les délais d’attente aussi bien enmédecine de ville, que pour une opération à l’hôpital, ou pour unpassage aux urgences sont tout à fait acceptables. Sénatrices etsénateurs, présents sur le terrain, nous constatons quotidienne-ment qu’il n’y a aucune amélioration depuis 2012, tout aucontraire. Non seulement la loi HPST de madame Bachelot n’apas été abrogée, mais elle a été confortée par la loi Santé, pour-suivant l’affaiblissement du secteur public pour donner la partbelle au privé. Le renoncement aux soins, pour des raisons fi-nancières, concerne aujourd’hui un quart de la population.Les inégalités de santé augmentent. Dans chaque départe-ment, c’est le même scénario, des luttes se mènent pour ga-rantir l’accès aux soins pour toutes et tous, confortant notrePPL d’un moratoire sur les fermetures et les restructura-tions. En refusant de s’attaquer frontalement aux causes dece renoncement (maintien des franchises médicales et desforfaits hospitaliers, pas de prise en charge à 100 %...), legouvernement aggrave les coûts pour la collectivité, àmoyen et long terme, puisque nous savons que la faibleplace accordée à la prévention, le manque de suivi régu-lier, l’absence de diagnostic précoce a des conséquencesmédicales et donc financières plus importantes par lasuite. Nous dénonçons les 3 milliards d’économies im-posées aux hôpitaux entre 2014 et 2017, pour financerle CICE, le Crédit Impôt Compétitivité Emploi, qui,en plus, n’a aucune efficacité sur l’emploi ! Nous dé-plorons que les autres groupes parlementaires impo-sent l’austérité aux hôpitaux, en votant un objectifnational de dépenses d’assurance maladie, l’ON-DAM, aussi bas. Le gouvernement n’a eu qu’un

objectif, durant tout ce quinquennat, celui de réduire les déficits, quelles qu’enpuissent être les conséquences pour les patients et les soignants. Ainsi, MarisolTouraine se vante d’avoir « bouché » le trou de la Sécurité sociale, mais à quelprix ! C’est en réalité, moins de moyens accordés aux hôpitaux, avec notamment,des fermetures de lits, des hospitalisations plus courtes faute de places suffisantes,des soignants qui ne savent plus où donner de la tête et qui alertent sur la dégra-dation de la prise en charge des patients. Ces choix politiques sont dangereux, lepatient n’est plus au centre des soins et on demande aux directeurs d’hôpitauxd’être des gestionnaires sans état d’âme. Ils ont tout pouvoir et ne rendent descomptes qu’aux ARS. Certains en usent et en abusent pour faire plier les person-nels de santé, de l’aide-soignant au chef de pôle, avec comme seul objectif la ren-tabilité des soins, entrainant des drames humains dénoncés notamment parl’association Mégnien. Les objectifs budgétaires sont respectés, la Commissioneuropéenne est contente ! Nous soutenons le rôle irremplaçable de l’hôpital dansl’accès aux soins et nous faisons des propositions de financement, à chaquePLFSS, qui permettent d’améliorer notre système de santé sans le livrer « au toutmarchand ». Il est urgent de supprimer la T2A (tarification à l’activité), la taxesur les salaires dans les hôpitaux, tout comme il est impératif de mettre fin auxexonérations patronales, à l’évasion fiscale, qui sont autant de recettes en moinspour notre système de protection sociale. Quant à l’égalité salariale entre lesfemmes et les hommes, si elle était appliquée, elle constituerait des recettes sup-plémentaires, à hauteur de 52 milliards d’euros par an ! Afin de mettre un termeaux inégalités territoriales en matière d’accès aux soins, il faut aussi stopper lesGHT (groupements hospitaliers de territoire) dont la seule finalité, malgré les pa-roles rassurantes de la ministre, est la recherche d’économies ! De nombreux exem-ples pourraient hélas illustrer mon propos, je pense notamment au cas typique duGrand Hôpital Nord de Saint-Ouen, qui aura pour conséquence la fermeture del’hôpital Beaujon et de l’hôpital Bichat. Il faut une autre politique, celle qui placele patient au centre de la politique de santé, une politique démocratique avec in-tervention réelle des personnels comme des usagers et des élus, dans tous les choixde l’hôpital. Il faut développer les soins de proximité avec des coopérations entreétablissements et médecine de ville, il faut donner de réels moyens aux centres desanté qui, faut-il le rappeler, permettent un accès à toutes et tous avec une prise encharge à 100 % par la sécurité sociale grâce à la pratique du tiers payant et le res-pect des conventions en secteur 1. Mener ce combat dans l’hémicycle convergeavec toutes les mobilisations qui ont cours pour décréter un véritable état d’urgencesanitaire dont le pays a tant besoin.

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Dans ces pages!

IDÉES IDÉAL

DR

Malgré les dénégations du gouvernement, l’action du quinquennat en matière de politiquede santé se révèle catastrophique.

Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne.

Un très mauvais bilan de santé

Éric Bocquet

Laurence Cohen

Évelyne Rivollier

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Les récentes affaires, Pénélope Fillon et les assistants parlementaires duFront national, viennent une fois de plus entacher l’image des femmes ethommes politiques qui chaque jour travaillent à représenter au mieux les

Français. Cette minorité, qui n’en demeure pas moins visible, continue pardes pratiques d’un autre temps à creuser un fossé toujours plus grandissantentre les Français et leurs élus. En tant qu’élue de terrain pendant près de 25années, j’ai toujours souhaité apporter un maximum de transparence à mesadministrés, et ce, dans toutes les décisions que j’ai pu prendre tout au longde mes mandats. Aujourd’hui, en tant que nouvelle sénatrice, je souhaite ap-pliquer au sein du Palais du Luxembourg des valeurs qui m’ont toujours ac-compagnée, à savoir, des valeurs d’équité, de partage, de tolérance et dejustice. Pour moi, le rôle de l’élu est avant tout celui de servir l’intérêt généralavant l’intérêt particulier. Les derniers scandales qui ont touché le monde po-litique montrent que certains n’ont pas assimilé ce principe. Ceci est d’autantplus inquiétant que ceux-là seront candidats lors des prochaines élections pré-sidentielles… À moins que la justice ne prenne les devants en mettant enexamen ces « brebis galeuses » de la République. La crise économique afrappé de plein fouet la France. Depuis des années, la classe politique de-mande aux Français de se serrer la ceinture et de courber l’échine. En tantqu’élus, nous devons plus que jamais montrer l’exemple. Lorsque j’étaismaire de ma commune et face aux difficultés financières de celle-ci, nousavions décidé, maire et adjoints de diminuer nos indemnités de fonction. Lefonctionnement du groupe CRC, avec lequel je travaille aujourd’hui depuistrois mois, constitue en ce sens un parfait exemple de mise en commun, unemutualisation des savoirs, des compétences et de l’expérience des collabo-

rateurs. Cela génère une équipe réac-tive et homogène et qui peut travailleren profondeur les projets et proposi-tions de loi que nous étudions auSénat. Cette recherche de complé-mentarité, vous la trouverez aussidans mon équipe de collaborateursparlementaires. Mon assistante quiexerce à Roanne a été adjointe muni-

cipale et assistante de conseiller général. Elle a donc une solide expériencedu département de la Loire, du terrain et une très bonne connaissance desélus et du tissu associatif. Ces qualités me semblent primordiales, car je consi-dère que le sénateur est au service de son département qu’il représente auSénat. Le profil de mon assistant sur Paris est quant à lui différent. Sa connais-sance de la procédure parlementaire et des us et coutumes du Sénat m’ontpermis de me sentir à l’aise dans un univers que je connaissais peu. Enfin,durant ce mandat qui s’achèvera en septembre, j’ai la volonté avec mes col-lègues du groupe CRC de combattre des pratiques scandaleuses, tant sur leplan moral que sur le plan financier. La France, garante des libertés et desvaleurs démocratiques, demeurera en tant que telle, si et seulement si, les dé-cideurs politiques changent de mentalité. En tant que parlementaires, notrerôle est public, mais il est surtout celui de servir la République

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Au terme de ce quinquennat finissant, la question se pose. Qu’est-ce qui aété fait pour terrasser et maîtriser cet ennemi, joliment stigmatisé lors dutrès fameux discours du Bourget en janvier 2012 ? Les affaires financières

n’ont cessé d’émailler le mandat présidentiel, Cahuzac bien sûr, mais nous ci-terons aussi offshoreleaks, Luxleaks, UBS, HSBC, Panama Papers… Les der-nières réunions de la commission des finances du Sénat, tenues en févrierdernier, furent aussi l’occasion pour nous de tirer une forme de bilan. Nouseûmes notamment deux auditions en commission sur le thème : « les avan-tages concurrentiels de la place financière de Paris après le Brexit ». Pournous parler de ce sujet, des invités prestigieux du monde de la finance sontréunis. M. Proglio, représentait la Morgan Stanley France, une représentantede la Fédération Bancaire Française, la nouvelle directrice générale du Trésor,Mme Odile Renaud Basso, M. Boujnah PDG d’Euronext (la Bourse de Paris)et, cerise sur le gâteau, M. De Leusse, Président de la banque UBS France !Tous ensemble réunis dans une sorte d’union sacrée pour faire venir à Parisles activités financières qui voudraient fuir laCity. On croit rêver. Malaise dans la Répu-blique, le Ministère de la République aux côtésde la banque UBS pour porter ce message, labanque UBS aux prises avec la justice fran-çaise pour blanchiment de fraude fiscale et dé-marchage illicite, un jugement annoncé pourle printemps, l’amende pouvant atteindre 5 milliards d’euros. La semainesuivante, audition de M. William Coen, représentant le Comité de Bâlecensé réguler les banques après la crise financière. Une instance non juri-dique qui formule des propositions, non contraignantes aux professionnelsde l’industrie financière. A la question de savoir s’il estime que la régula-tion bancaire est suffisante, M. Coen répond : « Oui, nous en avons faitassez ». Et pourtant, tous les spécialistes s’accordent à dire que la financeinternationale est atteinte d’hypertrophie. Quelques chiffres pour illustrerce propos. De nombreuses activités désertent le secteur régulé pour se di-riger vers ce que l’on appelle en anglais le « shadow banking », la financede l’ombre. Ce sont ainsi 80 000 milliards de dollars qui sont gérés dansce système, hors de tout contrôle ! Pas moins de 38 % de la finance mon-diale. M. William Coen admet, à ce stade, que cette situation génère desrisques lourds. L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche rassureles marchés, mais suscite de grosses inquiétudes. La composition de sonadministration, avec trois anciens dirigeants de la banque Goldman Sachspourrait-elle expliquer que le Président américain s’attaque d’emblée àla régulation des banques et aux taux de l’impôt sur les sociétés ? La fi-nance est aux manettes, elle reste évidemment l’adversaire de tout pro-grès humain et fait courir à nos sociétés des périls considérables.Curieusement, dans la nouvelle campagne présidentielle qui s’engage,cette question ne vient jamais, on nous enferme dans le carcan et le piègeidéologique que les tenants de la finance ont construit ; déficit, dette etréduction de la dépense publique. Au fait, nos invités cités plus haut de-mandaient aux sénateurs d’assouplir le droit du travail français et sur-tout de ne pas alourdir les taxes. Telles sont les conditions pour queParis ait ses chances dans la course à l’échalote post-Brexit. Alors ca-marades sénateurs, on résiste ou on s’exécute ?

SANTÉ ÉCONOMIE

L’ennemic’est toujours

la finance ?Éric Bocquet, sénateur du Nord.

Le rôle de l’élu est avant toutcelui de servir l’intérêt géné-ral avant l’intérêt particulier.Les derniers scandales qui onttouché le monde politiquemontrent que certains n’ontpas assimilé ce principe.

Une exigence de transparenceÉvelyne Rivollier, sénatrice de la Loire.

La finance est aux manettes et reste évidemment l’adversaire de tout progrès humain.

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Faut-il supprimer l’ENA ? Question un brin provocante sur laquelle le Sénat s’est penché, le 1er fé-vrier 2017, à l’occasion d’un débat proposé par le groupe RDSE. Non, ont répondu pour leur part

les élus du groupe CRC, l’École Nationale d’Administration ayant surtout besoin de revenir à ses fon-damentaux républicains. Née au sortir de la guerre, l’ENA a vu le jour dans pays où une partie de l’admi-

nistration avait failli à sa tâche en se compromettant, plus ou moins, avec le régime de Vichy et les forcesd’occupation. La création de l’ENA devait donc clairement permettre de faire émerger une nouvelle généra-

tion de hauts fonctionnaires, issus de tous les milieux et animés par les valeurs de la République. Cette mission,c’est Maurice Thorez et Michjel Debré qui l’acteront, mais c’est tout le Conseil national de la Résistance qui l’initiera.

« Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, dès les années 1960, avaient constaté que le projet émancipateur de l’ENAavait été biaisé et ne servait finalement qu’à la perpétuation des élites, relève Éliane Assassi. Plus qu’une catégorie ou une

classe, le monde de l’énarchie est devenu une caste se perpétuant de génération en génération. Ainsi, les “camarades declasse à l’école” deviennent ”copains de promo à l’ENA” pour reprendre les termes des sociologues Michel Pinçon et Monique

Pinçon-Charlot. Reproduction des élites et homogénéité idéologique ont donc conduit, d’une part, à l’appauvrissement de lahaute fonction publique, et donc des serviteurs de l’intérêt général, et, d’autre part, à des pratiques particulièrement douteuses

de copinage entre les membres de cette caste. Certes, il est indispensable d’avoir une école pour former les hauts fonctionnaires,mais il est essentiel de revenir aux fondements de l’ENA et de mener une réforme particulièrement profonde pour permettre sa dé-

mocratisation. Il s’agit de faire de cette école un outil d’émancipation et de formation des plus hauts serviteurs de l’État, et donc des ser-vices publics. »

C’est un combat vieux de quinze ans qui s’est invitéau Sénat à l’occasion d’un séminaire public orga-nisé le 2 février 2017 à l’initiative de Bernard Vera.Élus, usagers, salariés, responsables d’associations

se sont retrouvés pour débattre et dresser le bilan de leur ac-tion en faveur de la gratuité des tronçons franciliens des au-toroutes A10 et A11. Deux tronçons qui possèdent uneparticularité dont se seraient bien passés les automobilistes: ils deviennent payants très rapidement lorsque l’on quittela capitale, contrairement aux autres tracés du même type.« Je veux saluer l’association A10 Gratuite, forte de plus d’un millier d’adhérents qui porte ce combat, a souligné le sénateur de l’Essonne en introduisant cette journéed’échanges. Je veux saluer sa persévérance, sa constancepour rassembler très largement, pour mobiliser les usagers,mais aussi les élus et l’ensemble des acteurs concernés. Nousapprécions tous le sérieux de ses analyses et la pertinencede ses propositions. Des dizaines d’élus locaux et des parle-mentaires sont mobilisés autour de l’association A10 Gra-tuite. Je crois que ce combat est soutenu par de trèsnombreux élus locaux, quelle que soit leur sensibilité poli-tique, car il s’agit d’un enjeu de territoire transpartisan. Ilnous a semblé utile, au bout de quinze ans de combat, delutte, de tenir une manifestation qui fasse le point de la si-tuation, qui évalue également l’ensemble des proposi-tions qui ont été faites pour avancer vers une gestion desinfrastructures autoroutières au service de l’intérêt géné-ral, des populations et des territoires. Nous avons penséqu’il était opportun de mettre en commun toutes lesforces, tous les acteurs de ce dossier, que ce soient desusagers, des syndicats des agents de COFIROUTE, oudes élus afin que ce séminaire puisse ouvrir de nou-velles perspectives permettant de faire aboutir cettejuste revendication de la gratuité des tronçons franci-liens A10 et A11. » Une juste revendication qui revêtdésormais un caractère d’urgence. Le péageconstitue un frein à l’utilisation de l’autoroute A10,entraînant une dispersion très importante des vé-hicules sur le réseau secondaire. Faute de trans-

ports en commun suffisamment structurants, chaque jour, desmilliers de salariés utilisent leur véhicule personnel pour se ren-dre sur leur lieu de travail et saturent ce réseau secondaire. Dansces conditions, la perspective de la construction en cours dupôle Paris Saclay, pôle scientifique de première importance,risque d’aggraver très largement la situation des territoires quisont directement au sud de Paris Saclay, si cette revendicationde la gratuité de l’autoroute A10 et A11 n’aboutit pas rapide-ment. « Une des caractéristiques du réseau autoroutier françaistient aux inégalités d’accès, a rappelé Jean-Claude Lagron, prési-dent de l’association A10 Gratuite. Les tarifs pratiqués ne sont pasidentiques, la desserte des territoires est très inégalitaire. Il en estainsi des autoroutes A10 et A11 franciliennes. À la différence desautres autoroutes historiques d’Île-de-France, ces tronçons sontpayants à 23 kms de Paris, et ce sur 36 kms, c’est-à-dire en pleincœur de la région, alors que les autres autoroutes le sont à environ50 kms de Paris ou à la sortie de l’Île-de-France. Cette situation ade multiples conséquences pour les populations et les collectivitéslocales concernées. Elle frappe directement et singulièrement lessalariés dans leurs déplacements domicile/travail quotidiens. Surles tronçons qui nous concernent un salarié devra acquitter jusqu’à

1300 € par an pour se rendre à sontravail. Elle touche aussi les villages etles riverains du réseau secondaire quisont sinistrés par les transferts de tra-fic et les pollutions provoquées par lepéage. Très concrètement nous de-mandons donc à l’État de mettre finà sa complaisance à l’égard desconcessionnaires en répondant à l’in-térêt général, c’est-à-dire en corri-geant l’injustice subie depuis 45 anspar les populations du Sud francilien.» Cette demande, les sénateurs dugroupe CRC la partagent totale-ment, comme l’a expliqué ÉvelyneDidier, sénatrice de Meurthe-et-Moselle et autre participante : « Lesréseaux des voies navigables, ferro-

viaires, routiers et autoroutiers, téléphoniques, de gaz, d’eau etd’électricité ont été à la fois des outils de développement danstoutes les régions parce qu’ils ont été déployés sur tout le territoiresans discrimination, des outils au service des personnes et des en-treprises : c’est ce qu’on appelle un aménagement équilibré du ter-ritoire. Par ailleurs, tous ces réseaux ont été construits par l’État :c’est notre patrimoine et notre bien commun. C’est pourquoi nousconsidérons que, si certains segments peuvent être rentables à unendroit, l’argent gagné doit servir à financer les secteurs déficitairespour assurer l’égalité des territoires. En aucun cas, de notre pointde vue, ces outils ne doivent servir à faire de l’argent pour desgroupes financiers qui gardent ce qui est rentable pour délaisserce qui est déficitaire. La nationalisation est notre position de prin-cipe. Elle se fonde sur l’idée d’un bien commun payé par les usagerset par l’impôt, sur la nécessaire maîtrise publique des infrastruc-tures de transports afin de garantir le droit à la mobilité. C’est laraison pour laquelle nous avons déposé une proposition de loi,avec mes collègues, pour à nouveau nationaliser les autoroutes. »

Pour en savoir plus : http://a10gratuite.free.fr

DIRECT DU GAUCHE

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BLOC NOTES

!

Dans ces pages

Des autoroutes pour tous D

R

Ils se mobilisent pour obtenir la gratuité des tronçons franciliens de l’A10 et l’A11 et se sont retrouvés au Sénat à l’invitation de Bernard Vera.

Bernard Vera

Michel Le ScouarnecÉvelyne Didier

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Non à l’accaparement des terres agricoles

Une initiative sénatoriale qui conforte le régime turc

La terre doit appartenir aux exploi-tants agricoles, pas aux spécula-teurs. C’est, en résumé, le

message délivré par Michel Le Scouarnec àl’occasion de l’examen, le 7 février 2017,

d’une proposition de loi visant à luttercontre l’accaparement des terres agri-

coles. Un texte que les membres dugroupe CRC ont approuvé, mêmes’ils regrettent que ses dispositionssoient trop limitées. La concentra-tion des terres est devenue unphénomène inquiétant, prenantchaque année une ampleur nou-

velle. « Après la spéculation sur laforêt et sur les grands vignobles de pres-

tige, a indiqué le sénateur du Morbihan,ce sont les terres intermédiaires qui sont au-

jourd’hui dans la ligne de mire d’investisseursayant beaucoup d’appétit, ce qui met en danger la

transmission et la pérennité des exploitations familiales, déjàaffaiblies par la crise et toutes les difficultés qu’elle engendre. La Chine n’est pas la seule dans lacourse à la terre. C’est le même type de montages sociétaires qui a permis la création de la fermedes mille vaches, dans la Somme. En effet, au-delà de la spéculation et des investisseurs étrangers,il y a aussi un mouvement très fort de renforcement des “unités agricoles à salariés” via “le déve-loppement de grandes exploitations sociétaires et le recours croissant à des entreprises de travauxagricoles” qui remet en cause le modèle de l’agriculture familiale. » Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en vingt ans, de 1995 à 2015, les parts de marché des personnes morales dans lesterres agricoles ont été multipliées par 4 en nombre, et par 2,5 en surface. En 2015, les sociétésont réalisé 10 % des transactions du foncier agricole, acquis 13 % des surfaces vendues, pour26 % de la valeur. Elles détiennent 2,7 millions d’hectares de terres en France et ont augmentéde 11 % leur surface d’exploitation entre 2010 et 2013. Un fonds financier chinois, à partir de2014 et en plusieurs étapes, a par exemple acquis un total de 1 750 hectares de terres céréa-lières dans l’Indre. Résultat : toute la production est aujourd’hui acheminée dans l’Empire duMilieu. Ce fonds a bénéficié d’une faille lui permettant cet achat : jusqu’à un décret de 2015,les SAFER, ces Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, n’étaient informéesque des transactions impliquant des exploitants, mais non des ventes de parts de société, etc’est justement par le truchement des ventes de parts que cette transaction a eu lieu. « Il en vadu foncier agricole comme de l’ensemble des secteurs économiques : les montages financiers ettechniques permettant de rentabiliser des investissements et d’encourager la spéculation se mul-

tiplient. Dans le secteur agricole, ces montages s’appuient sur une spécialisation territoriale desproductions, qui renforce la pression foncière, mais aussi sur le désarroi des agriculteurs, qui ac-ceptent de vendre leurs terres pour avoir un complément de retraite, indispensable vu l’indécencede leur situation en fin d’activité. Ils touchent en effet une retraite de misère, de 736 euros enmoyenne. Le groupe CRC pense donc que le Gouvernement aurait dû défendre un grand projet deloi sur le foncier agricole au lieu de mesures ponctuelles et éparses. » Mais là aussi, la déceptionest au bout du quinquennat. L’extension du droit de préemption des SAFER aux parts de so-ciété devrait s’accompagner d’une redéfinition de leurs missions, d’un élargissement de leursmoyens d’action et d’une consolidation de leur statut, pour les transformer éventuellementen établissements publics. Il convient également de leur assurer un financement pérenne,leur évitant de recourir à des fonds propres. La financiarisation des SAFER elles-mêmes doitêtre empêchée. Il est indispensable d’encadrer les prix des terres agricoles, de sorte qu’ils soienten corrélation avec le revenu agricole pouvant en être dégagé. « Les membres du groupe CRCont toujours été très attachés à un modèle d’exploitation familiale et à taille humaine, a enfin ré-sumé Michel Le Scouarnec, qui a l’immense mérite d’ancrer des actifs et des familles sur nos ter-ritoires, mais aussi de faciliter la transmission de ces structures. Pour nous, la terre devrait d’abordappartenir à ceux qui la travaillent. Nous défendons depuis longtemps le choix de politiques pu-bliques fortes dans le domaine agricole et une politique foncière rénovée qui permettent d’inverserles processus de concentration et d’hyperspécialisation territoriale des productions, de garantirl’accès des jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer et de favoriser les exploitations à taille hu-maine, en particulier là où la spéculation foncière est la plus forte. »

Boulette diplomatique ou lâche complaisance enversle régime turc ? Le mardi 14 février 2017, une délé-gation de cinq députés de la Grande Assemblée na-

tionale de Turquie est accueillie au Sénat sur l’invitation dugroupe d’amitié interparlementaire France-Turquie.Jusque là rien que de très normal, ce genre de visites étantcourantes entre assemblées. Sauf que la composition deladite délégation, pourtant annoncée comme pluraliste,ne l’est pas du tout. Exit la troisième force politique et par-lementaire turque, le HDP, qui n’est représentée par per-sonne. Seuls sont présents trois députés du partiprésidentiel, l’AKP, un député du CMP, le premier partid’opposition, kémaliste, et un député du MHP, la plus

petite formation politique représentée au Parlement turc, na-tionaliste. D’où l’indignation des sénatrices et sénateurs dugroupe CRC, qui ont fait le choix de ne pas participer à cetteinitiative, afin de protester contre cet oubli. Un oubli d’autantplus regrettable et troublant au regard des multiples violationsdes droits de l’homme commises par le régime de Recep Er-dogan. « Nous ne pouvons que regretter le message politique vé-hiculé par la Haute Assemblée en organisant cette rencontre,dénoncent-ils dans un communiqué. Dans un contexte de miseen place d’un régime autoritaire en Turquie sur fond de purges desopposants et de réforme constitutionnelle donnant de nombreuxpouvoirs au Président turc, l’initiative sénatoriale conforte M. Er-dogan dans sa politique de répression du parti HDP après avoir

fait lever l’immunité parlementaire de cinquante parlementairesdu HDP sur aucune base légale en mai 2016, emprisonner neufd’entre eux en novembre et interdire l’accès au siège du HDP à An-kara depuis décembre. Ils réitèrent leur soutien aux membres duHDP, attaqués par le gouvernement turc pour ses prises de posi-tion émancipatrices, et réitèrent leur demande d’un accueil officieldes dirigeants du HDP au Sénat. Plus largement, ils invitent le Par-lement et la diplomatie française à prendre clairement positionet à rappeler leur attachement à la démocratie. »

Décernée à Gérard Longuet,

figure de la droite sénatoriale, pour

cet argument qui vaut son pesant

d’euros : « Dans le secteur privé,

compte tenu de sa formation,

Pénélope Fillon aurait

certainement gagné deux fois plus

d’argent qu’elle n’en a gagné

comme assistante de son mari. »

Contrairement au sénateur de la

Meuse, on se gardera d’en déduire

qu’un emploi fictif payé avec de

l’argent public est donc deux fois

moins condamnable.

La médaille

du Palais

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BLOC NOTES

Les concentrations se multiplient, mettant en péril le modèle d’exploitations familiales à taille humaine.

Agriculture

DR

Page 16: COMBATTONS LES RÉFORMES TERRITORIALES ET LES …data.over-blog-kiwi.com/2/57/84/49/20180419/ob_4d624f_initiatives... · appelait aux Etats Généraux de la Démocratie Locale et

MARIE-FRANCE BEAUFILS s’est adressée à GuillaumePépy, le président du directoire de la SNCF, pour lui signifier sonopposition à la fermeture des guichets de la gare de Saint-Pierre-des-Corps, décidée unilatéralement par l’entreprise à compter dumois de février 2017. « Il suffit en effet d’aller en gare pour consta-ter les files d’attente aux guichets, écrit la sénatrice d’Indre-et-Loire et maire de la ville. Elles démontrent la nécessité d’uneprésence humaine permettant un échange, un besoin de conseilspour organiser les déplacements – surtout s’il y a des correspon-dances – et pour acheter les billets. Dans un rapport sur le droitet l’égalité d’accès aux services publics, le Défenseur des Droitssouligne l’existence de nombreuses personnes laissées de côté. Ils’appuie sur une enquête de l’Institut national de la consom-mation montrant que 16 % des foyers français ne sont paséquipés d’internet et que parmi ceux qui le sont, 30 % maîtri-sent mal son utilisation. La décision de fermer tous les gui-chets de la gare de Saint-Pierre-des-Corps pourrait laisserpenser que la SNCF se désengage de ses responsabilités alorsmême que plus de 12 000 voyageurs y passent chaque jour.

Sans le moindre guichet SNCF à l’avenir ? La gare de Saint-Pierre-des-Corps reste bien une gare nationale même après l’ouverture de la ligne nouvelle vers Bordeaux. »

CHRISTINE PRUNAUD a interpellé la ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social àpropos des conditions d’hébergement des salariés agricoles et plusparticulièrement des saisonniers ramasseurs de cocos de Paimpol. « Afin d’améliorer leurs conditions de vie au travail, certains employeurspeuvent fournir un logement à leurs salariés. Dans notre département,explique la sénatrice des Côtes-d’Armor, la réglementation n’autorisepas les agriculteurs du territoire à héberger les saisonniers sous tentesur leur exploitation. Aussi, de nombreux ramasseurs saisonniers venant de Roumanie, du Sénégal cherchent des solutions et dormentbien souvent à même le sol ou dans des abris bus... car ils se font refouler des campings touristiques. » Christine Prunaud a donc demandé que l’hébergement sous tente soit également autorisédans ce département, ce qu’a refusé Myriam El Khomri, en s’en remettant notamment au bon vouloir des employeurs.

PATRICK ABATE a écrit au secrétaire d’Etat chargé du Budget à propos de la suppression de postes à la Direction Généraledes Finances Publiques et les conséquences négatives en matièrede lutte contre la fraude fiscale qu’entraîne cette réduction du personnel. « Depuis 13 ans, plus de 35 000 emplois ont été supprimésà la DGFIP, souligne le sénateur de Moselle. Cette année encore, la loide Finances 2017 prévoit 1 512 nouvelles suppressions d’emplois lais-sant craindre des difficultés grandissantes : agents débordés, servicessupprimés, éloignement et limitation de l’accueil des usagers. Le dé-partement de la Moselle est l’un des trois départements les plus tou-chés de France par ces suppressions de postes. Une suppression debrigade départementale sur Metz est déjà actée après celle du Pôle deContrôle et d’Expertise de Saint-Avold, déjà orchestrée en septembredernier. Pourtant, une des missions des fonctionnaires des Financespubliques consiste au quotidien à lutter contre la fraude fiscale. Unefraude fiscale qui, rappelons-le, coute à la France chaque année entre60 à 80 milliards d’euros. Nous pouvons donc craindre que ces sup-pressions de postes privent le budget de l’Etat de recettes fiscales etconstituant ainsi de fausses économies. »

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NOUS NE SOMMES PAS DES PÉNÉLOPE ! C’est une première : payés beaucoup moins et travaillant beaucoup plus qu’une certaine PénélopeFillon, plusieurs dizaines de collaborateurs parlementaires ont manifesté devant le Sénat le 7 févrierdernier pour dénoncer la précarité de leur poste. Naturellement, les élus du groupe CRC leur ont ap-porté leur total soutien, eux qui savent parfaitement que leur travail, indispensable au bon fonction-nement des assemblées législatives, n’a rien de fictif. Gérard Larcher, lui, a été beaucoup pluspondéré, pour le moins, lorsqu’il a reçu ces collaborateurs et leurs syndicats, la CGT-CP, l’UNSA-USCPet l’AGAP, le 23 février. « Le Président du Sénat, écrivent ces trois organisations dans un communi-qué commun publié à l’issue de cette rencontre, n’a pris aucun engagement concernant notre principale revendication : la création d’un statut professionnel de collaborateur parlementaire enbonne et due forme, assorti des instances du dialogue social, comme par exemple un CHSCT. Nousle regrettons. Ce statut contribuerait à clarifier le fonctionnement de l’Institution en faveur deplus de transparence, à moderniser la gestion des ressources humaines mises à disposition desparlementaires et à sortir de l’insécurité juridique entretenue par la situation actuelle. Concernantnotre deuxième demande : la requalification des licenciements en motif économique, dans la perspective des 300 licenciements de nos collègues, attendus suite aux fins de mandat lors desélections sénatoriales du 24 septembre prochain, le président du Sénat a réservé sa réponse dansl’attente de l’expertise d’un cabinet spécialisé, mandaté par la questure. Une consultation gratuitede l’Inspection du travail aurait pourtant suffi à éclairer son jugement. » Et impertinents avec ça !

N° 104 - MARS 2017

Dans cette page

La délégation aux droits des femmes du Sénat a tenu le 22 février uncolloque intitulé « Être agricultrice en 2017 », dans le cadre d’unfutur rapport d’information qui devrait être publié en juillet pro-

chain, et dont je suis une des co-rapporteures. Les femmes ont toujoursoccupé une place cruciale dans les exploitations agricoles. Cependant,le métier d’agriculteur, comme tant d’autres, n’échappe pas aux stéréotypes de genre et est, avant tout, considéré comme un métierd’hommes. Or, les jeunes filles représentent à peu près la moitié desélèves de l’enseignement agricole. Elles sont fortement représentéesdans les services. Cependant en 2010, 41 % des nouveaux installésétaient des femmes. Toutefois, les inégalités demeurent, notammentdu point de vue de la superficie des exploitations. Les mots « défi »,« passion », « courage », « volonté », « engagements » et « innova-tion » ont fortement émaillé les propos des agricultrices présentesau colloque. Mais, les mots « préjugés », « pénibilité », « invisibi-lité » et « détresse » également. Comme dans tous les secteurs oùl’égalité est en berne, difficile à conquérir, les femmes sont pas-sionnées, courageuses, volontaires et engagées contre les stéréo-types pour faire reconnaître leur apport irremplaçable. Impératifd’autant plus important que le renouvellement des générationsdans l’agriculture et donc la place des femmes pour une transitionvers l’agro-écologie sont des conditions sine qua non pour assu-rer la sécurité et la qualité de notre alimentation, pour produire dela valeur ajoutée environnementale, aménager harmonieusementle territoire et leur permettre de vivre dignement de leur métier.Parmi les progrès à conquérir, il y a la progression des femmesdans les instances dirigeantes du monde agricole. Mais, toutaussi importantes sont les questions sociales avec, au premierplan, la retraite, particulièrement faible pour les agricultrices ;le statut juridique, trop de femmes travaillant encore sans statutvéritable ; la formation avec l’avenir de l’enseignement agricole public ; et bien entendu l’accès au foncier.

Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice des Hauts-de-Seine

La femme est (aussi) l’avenir de l’agriculture

Impressions d’élu

DR

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Patrick Abate

Christine Prunaud Brigitte Gonthier-Maurin