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484 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIV - n° 9 - octobre 2015 DOSSIER La belle histoire de HER2 S. Watson C. Louvet Ciblage de HER2 dans les adénocarcinomes œsogastriques : aspects diagnostiques et thérapeutiques Targeting HER2 in esogastric cancers: diagnostic and therapeutic aspects S. Watson*, C. Louvet** * U830 génétique et biologie des cancers, institut Curie, Paris. ** Département d’oncologie médi- cale, institut mutualiste Montsouris, Paris. L e cancer de l’estomac représente le deuxième cancer digestif dans le monde en termes de fréquence. Le pronostic global des tumeurs gastriques est très réservé, la survie globale ne dépas- sant pas 15 % à 5 ans tous stades confondus, ce qui en fait la deuxième cause de décès par cancer dans le monde. Le seul traitement curatif repose sur l’exérèse chirurgicale des formes localisées. La chimiothérapie périopératoire par sel de platine et 5-FU augmente la survie sans récidive et la survie globale et constitue désormais la référence en l’absence de métastase. Les formes inopérables et métastatiques peuvent béné- ficier d’un traitement palliatif par chimiothérapie, mais leur pronostic reste médiocre. L’identification de cibles moléculaires et le développement de thérapies spécifiques constituent donc des enjeux majeurs dans la prise en charge de cette pathologie. Le gène HER2/neu est situé sur le chromosome 17. L’implication de HER2 (Human Epidermal growth factor Receptor 2) dans la transformation tumorale est consécutive dans plus de 95 % des cas à un mécanisme d’amplification génique qui conduit à la surexpression de HER2 à la surface des cellules, elle-même respon- sable d’une activation non régulée du récepteur et des voies de signalisation sous-jacentes, et, finalement, d’une augmentation de la prolifération cellulaire. HER2 et cancer œsogastrique : aspects diagnostiques L’amplification de HER2 a été décrite dans des lignées cellulaires d’adénocarcinomes gastriques dès 1986. Depuis, en cancérologie humaine, de nombreuses études ont rapporté un taux de surexpression de HER2 variant de 9 à 28 % (tableau I) [1]. La surexpression de HER2 est plus fréquente chez les patients de sexe masculin et d’âge avancé, dans les tumeurs de la jonction œsogastrique (cardia et bas œsophage) et dans les adénocarcinomes bien différenciés de type intestinal de la classification de Lauren. L’immunohistochimie (IHC) permet la détection du niveau d’expression de la protéine HER2 à la membrane des cellules tumorales. Les adéno- carcinomes œsogastriques surexprimant HER2 présentent comme particularités une hétéro- généité intratumorale de marquage qui concerne au moins 30 % des cellules tumorales et un marquage membranaire souvent incomplet. Un score IHC spécifique au cancer œsogastrique a donc été établi (score de Hoffman) [2], basé sur le type de prélè- vement (biopsie ou pièce opératoire), l’intensité du marquage, son caractère complet ou incomplet, le pourcentage de cellules marquées et le degré du grossissement microscopique auquel le marquage membranaire est clairement identifiable (tableau II). Lorsque le statut de HER2 est équivoque en IHC, la réalisation d’une hybridation in situ (ISH) permet de détecter l’amplification du gène HER2/neu au niveau chromosomique, par fluorescence (FISH) ou par réaction colorimétrique (CISH). L’amplification génique est définie par un nombre de copies du gène supérieur à 6 ou un rapport entre le nombre de copies du gène HER2/neu et le nombre de copies du chromosome 17 supérieur à 2. En pratique courante, il est recommandé que seules les tumeurs HER2 2+

Ciblage de HER2 dans les adénocarcinomes œsogastriques ... · intestinal de la classification de Lauren. L’immunohistochimie (IHC) permet la détection ... (score de Hoffman)

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484 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIV - n° 9 - octobre 2015

DOSSIERLa belle histoire

de HER2

S. Watson

C. Louvet

Ciblage de HER2 dans les adénocarcinomes œsogastriques : aspects diagnostiques et thérapeutiquesTargeting HER2 in esogastric cancers: diagnostic and therapeutic aspectsS. Watson*, C. Louvet**

* U830 génétique et biologie des cancers, institut Curie, Paris.

** Département d’oncologie médi-cale, institut mutualiste Montsouris, Paris.

Le cancer de l’estomac représente le deuxième cancer digestif dans le monde en termes de fréquence. Le pronostic global des tumeurs

gastriques est très réservé, la survie globale ne dépas-sant pas 15 % à 5 ans tous stades confondus, ce qui en fait la deuxième cause de décès par cancer dans le monde. Le seul traitement curatif repose sur l’exérèse chirurgicale des formes localisées. La chimiothérapie périopératoire par sel de platine et 5-FU augmente la survie sans récidive et la survie globale et constitue désormais la référence en l’absence de métastase. Les formes inopérables et métastatiques peuvent béné-ficier d’un traitement palliatif par chimiothérapie, mais leur pronostic reste médiocre. L’identification de cibles moléculaires et le développement de thérapies spécifiques constituent donc des enjeux majeurs dans la prise en charge de cette pathologie.Le gène HER2/neu est situé sur le chromosome 17. L’implication de HER2 (Human Epidermal growth factor Receptor 2) dans la transformation tumorale est consécutive dans plus de 95 % des cas à un mécanisme d’amplification génique qui conduit à la surexpression de HER2 à la surface des cellules, elle-même respon-sable d’une activation non régulée du récepteur et des voies de signalisation sous-jacentes, et, finalement, d’une augmentation de la proli fération cellulaire.

HER2 et cancer œsogastrique : aspects diagnostiquesL’amplification de HER2 a été décrite dans des lignées cellulaires d’adénocarcinomes gastriques dès 1986.

Depuis, en cancérologie humaine, de nombreuses études ont rapporté un taux de sur expression de HER2 variant de 9 à 28 % (tableau I) [1]. La surexpression de HER2 est plus fréquente chez les patients de sexe masculin et d’âge avancé, dans les tumeurs de la jonction œsogastrique (cardia et bas œsophage) et dans les adénocarcinomes bien différenciés de type intestinal de la classification de Lauren.L’immunohistochimie (IHC) permet la détection du niveau d’expression de la protéine HER2 à la membrane des cellules tumorales. Les adéno-carcinomes œsogastriques surexprimant HER2 présentent comme particularités une hétéro-généité intratumorale de marquage qui concerne au moins 30 % des cellules tumorales et un marquage membranaire souvent incomplet. Un score IHC spécifique au cancer œsogastrique a donc été établi (score de Hoffman) [2], basé sur le type de prélè-vement (biopsie ou pièce opératoire), l’intensité du marquage, son caractère complet ou incomplet, le pourcentage de cellules marquées et le degré du grossissement microscopique auquel le marquage membranaire est clairement identifiable (tableau II). Lorsque le statut de HER2 est équivoque en IHC, la réalisation d’une hybridation in situ (ISH) permet de détecter l’amplification du gène HER2/neu au niveau chromosomique, par fluorescence (FISH) ou par réaction colorimétrique (CISH). L’ampli fication génique est définie par un nombre de copies du gène supérieur à 6 ou un rapport entre le nombre de copies du gène HER2/neu et le nombre de copies du chromosome 17 supérieur à 2. En pratique courante, il est recommandé que seules les tumeurs HER2 2+

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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIV - n° 9 - octobre 2015 | 485

RésuméHER2 est surexprimé dans 15 à 20 % des adénocarcinomes œsogastriques. La surexpression de HER2 doit préférentiellement être recherchée sur des biopsies diagnostiques en cas de tumeur localisée. Il faut réaliser un nombre de biopsies au cours des fibroscopies diagnostiques, en raison de l’hétérogénéité intratumorale de la surexpression de HER2. Le trastuzumab est la première thérapie ciblée anti-HER2 à avoir montré une augmentation de la survie globale en première ligne métastatique chez les patients surexprimant HER2. De nombreuses thérapies ciblées anti-HER2 de modes d’action différents sont en cours de développement en situations néo-adjuvante et métastatique.

Mots-clésHER2/ERBB2

Adénocarcinome gastrique

Thérapies ciblées

Immunohistochimie

Hybridation in situ

Summary

HER2 is overexpressed in 15 to 20% of oesogastric adeno-carcinomas. In case of local-ized tumor at diagnosis, HER2 status should be preferentially assessed on diagnostic biop-sies. An extensive number of diagnostic biopsies should be carried out during the initial endoscopy due to the high frequency of HER2 intratumoral heterogeneity in oesogastric adenocarcinoma. Trastuzumab was the first anti-HER2 targeted therapy successfully approved to treat first-line metastatic HER2-overexpressing gastric cancers. Several new anti-HER2 targeted therapies including monoclonal antibodies and tyrosine kinase inhibitors are currently under investigation in numerous clinical trials involving HER2-overexpressing gastric cancer patients.

Keywords

HER2/ERBB2Gastric adenocarcinomaTargeted therapiesImmunohistochemistryIn situ hybridization

Tableau I. Principales études évaluant l’impact pronostique du statut de HER2 dans les adénocarcinomes œsogastriques.

Étude Année Patients (n) Technique de détection

Surexpression de HER2 (%)

Effet pronostique péjoratif

Y. Yonemura et al. 1991 260 IHC 11,9 Survie globale p < 0,005

M. Tateishi et al. 1992 179 IHC 12 NS

T. Mizutani et al. 1993 226 IHC 14,2 Survie globale p < 0,001

Lee et al. 1996 225 IHC 27,4 NS

M. Tanner et al. 2005 231 CISH 12,2 SS p = 0,009

Park et al. 2006 182 IHC 15,9 Survie globale p < 0,05

H.I. Grabsch et al. 2010 924 IHC 9 NS

M.D. Begnami et al. 2011 221 IHC et FISH 12 Survie globale p < 0,05

Y.Y. Janjigian et al. 2012 381 IHC et CISH 20 NS

M. Terashima et al. 2012 829 IHC 13,6 NS

K. Shitara et al. 2013 364 IHC et CISH 15,9 NS

A. Okines et al. 2013 415 IHC et CISH 10,9 NS

He et al. 2013 197 IHC et FISH 18,3 NS

Sheng et al. 2013 726 IHC et FISH 13 NS

Kurokawa et al. 2014 1148 IHC et FISH 15,7 Survie globale p < 0,001

Son et al. 2014 139 IHC 15,1 NS

CISH : Chromogenic In Situ Hybridization ; FISH : Fluorescence In Situ Hybridization ; IHC : immunohistochimie ; NS : non significatif (sans impact sur la survie).

Tableau II. Critères diagnostiques pour l’établissement du score HER2 en immunohistochimie dans les adénocarcinomes œsogastriques.

Score IHC Profil de marquage pièces opératoires Profil de marquage biopsies Surexpression de HER2

0 Pas de marquage ou marquage dans moins de 10 % des cellules tumorales (identifiable au grossissement × 40)

Absence de réactivité dans l’ensemble des cellules tumorales

Négative

1+ Marquage à peine visible dans plus de 10 % des cellules tumorales : les cellules ne sont marquées que sur une partie de leur membrane (identifiable au grossissement × 40)

Marquage à peine visible dans un amas de cellules tumorales cohésives adjacentes

Négative

2+ Marquage membranaire complet, basolatéral ou latéral, d’intensité faible à modérée dans plus de 10 % des cellules tumorales (identifiable au grossissement × 10-20)

Marquage membranaire complet, basolatéral ou latéral, d’intensité faible à modérée dans un amas de cellules tumorales cohésives adjacentes

Équivoque

3+ Marquage membranaire complet, basolatéral ou latéral, d’intensité modérée à intense dans plus de 10 % des cellules tumorales (identifiable au grossissement × 2,5-5)

Marquage membranaire complet, basolatéral ou latéral, d’intensité modérée à intense dans un amas de cellules tumorales cohésives adjacentes

Positive

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486 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIV - n° 9 - octobre 2015

Ciblage de HER2 dans les adénocarcinomes œsogastriques : aspects diagnostiques et thérapeutiques

DOSSIERLa belle histoire

de HER2

Tableau III. Principales études évaluant l’efficacité d’agents thérapeutiques anti-HER2 dans les adénocarcinomes œsogastriques surexprimant HER2.

Étude Molécule testée Situation Patients (n)

Statut HER2 Schéma Résultats

Bang et al. Phase III2010

Trastuzumab Métastatique

Première ligne

594 IHC3+ ou ISH+ Sel de platine + 5-FU + trastuzumab

Sel de platine + 5-FU

Augmentation de la SG (p = 0,0046)

C. Gravalos et al. Phase II2011

Trastuzumab Métastatique ou localement avancé

Première ligne

22 IHC3+ ou IHC2+/ISH+

Cisplatine + trastuzumab TR = 32 % TCM = 64 %

Dai et al. Phase II2012

Trastuzumab Métastatique

Deuxième ligne

22 IHC3+ ou ISH+ Docétaxel + trastuzumab TR= 59,1%

Kurokawa et al. Phase II2014

Trastuzumab Métastatique ou localement avancé

Première ligne

56 IHC3+ ou IHC2+/ISH+

Cisplatine + S-1 + trastuzumab

TR = 68 % TCM = 94 %

Sato et al. Phase III2014

Lapatinib Métastatique ou localement avancé

Deuxième ligne

261 FISH+ Paclitaxel + lapatinib

Paclitaxel

Augmentation non significative de la SG

(p = 0,1)

Kang et al. Phase II2014

Trastuzumab + pertuzumab Métastatique ou localement avancé

Première ligne

30 IHC3+ ou ISH+ Cisplatine + capécitabine + trastuzumab + pertuzumab

TR = 86 %

IHC : immunohistochimie ; ISH : In Situ Hybridization ; SG : survie globale ; TCM : taux de contrôle de la maladie ; TR : taux de réponse.

Tableau IV. Thérapies ciblées en cours de développement dans les adénocarcinomes œsogastriques surexprimant HER2.

Molécule Mode d’action Phase de développement

Indication Schéma Clinicaltrial.gov

Pertuzumab Anticorps monoclonal anti-HER2-HER3

III Métastatique ou localement avancéPremière ligne

Trastuzumab + sel de platine + 5-FU NCT01774786

II Néo-adjuvant Trastuzumab + cisplatine + 5-FU/capécitabine

NCT02205047

T-DM1 Anticorps monoclonal anti-HER2 lié à un cytotoxique

II/III Métastatique ou localement avancéPremière ligne

- NCT01641939

II Métastatique ou localement avancéAu-delà de la première ligne

Capécitabine NCT01702558

LJM716 Anticorps monoclonal anti-HER3 I Métastatique ou localement avancéAu-delà de la première ligne

Trastuzumab NCT01602406

MM-111 Anticorps monoclonal anti-HER3 II Métastatique ou localement avancéAu-delà de la première ligne

Trastuzumab + paclitaxel NCT01774851

Lapatinib Inhibiteur de tyrosine kinase anti-HER2

II MétastatiquePremière ligne

Capécitabine + oxaliplatine NCT02015169

II/III Néo-adjuvant Épirubicine + cisplatine + capécitabine

NCT00450203

II Métastases hépatiques résécables Capécitabine + oxaliplatine NCT02015169

Poziotinib Inhibiteur de tyrosine kinase pan-HER

I/II Métastatique ou localement avancéAu-delà de la première ligne

Paclitaxel + trastuzumab NCT01746771

ASLAN 001 Inhibiteur de tyrosine kinase pan-HER

II Métastatique ou localement avancéAu-delà de la première ligne

- NCT01614522

AUY922 Inhibiteur de HSP90 II Métastatique ou localement avancéAu-delà de la première ligne Résistance au trastuzumab

Trastuzumab NCT01402401

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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIV - n° 9 - octobre 2015 | 487

DOSSIERDeuxième partie

en IHC soient étudiées en ISH, et la surexpression de HER2 est classiquement définie par un score de 3+, en IHC, ou de 2+, en IHC avec amplification en ISH.Plusieurs études récentes se sont intéressées à l’évo-lution du statut de HER2 au cours de la maladie et à la concordance entre les différents prélèvements tumo-raux disponibles. Si la concordance entre les pièces opératoires et les métastases semble très élevée, une étude récente portant sur l’analyse en IHC et en CISH de 228 couples de biopsies diagnostiques de tumeur primitive et de pièces opératoires a montré une discordance dans 6 % des cas entre le statut de HER2 sur la biopsie et sur la pièce opératoire (3). Ce taux de discordance était sensiblement augmenté en cas de réalisation d’une chimio thérapie périopéra-toire, avec une tendance à la négati vation du statut de HER2 sur les pièces opératoires chez les patients ayant reçu une chimiothérapie néo- adjuvante. Au total, le statut de HER2 devrait donc être évalué préférentiellement sur des biopsies diagnostiques réalisées avant chimio thérapie néo-adjuvante pour les patients atteints d’une tumeur localisée.

Conséquences cliniques et thérapeutiquesImpact pronostique

La valeur pronostique de la surexpression de HER2 dans les adénocarcinomes œsogastriques a fait l’objet de nombreuses études et controverses (tableau I, p. 485) [4]. Dans une première série japonaise de 260 cancers gastriques analysés en IHC, la surexpression de HER2 était associée à une survie défavorable. Depuis, cette valeur pronos-tique a été retrouvée dans plusieurs études, HER2 semblant être associé à un stade avancé au diag-nostic, à la présence de métastases ganglionnaires et à une moins longue survie spécifique (5). Les controverses sur la valeur pronostique de la sur - expression de HER2 peuvent être la conséquence de l’hétérogénéité des critères diagnostiques utilisés dans les différentes études. Le développement actuel des thérapies anti-HER2 tendra probablement à faire disparaître l’impact pronostique de la surexpression de HER2 sur la survie spécifique.

Prise en charge thérapeutique

Depuis 2009, les adénocarcinomes œsogastriques métastatiques surexprimant HER2 peuvent

bénéficier d’un traitement par thérapie moléculaire ciblée anti-HER2 (tableau III).

◆ TrastuzumabEn 2009, l’essai de phase III ToGA a étudié l’intérêt de l’association du trastuzumab à une chimio thérapie par sel de platine et 5-FU dans les adénocarcinomes œsogastriques métastatiques surexprimant HER2 (6). Les patients inclus devaient avoir une expression de HER2 cotée 3+ en IHC ou un résultat positif en ISH pour être randomisés. Au total, 504 patients ont été inclus et randomisés en 2 bras : chimiothérapie par cisplatine + 5-FU versus chimiothérapie + trastuzumab. La médiane de survie globale a été significativement augmentée avec le trastuzumab : 11,1 versus 13,8 mois (p = 0,0046). L’analyse en sous-groupes a montré un bénéfice particulièrement important du trastuzumab chez les patients IHC2+/ISH+ et IHC3+, la médiane de survie globale atteignant 16 mois. Dans cet essai, les patients du groupe trastuzumab recevaient un traitement d’attaque par 6 cycles de chimio-thérapie + trastuzumab, puis la chimiothérapie était arrêtée et le trastuzumab poursuivi en mono-thérapie jusqu’à progression. À l’inverse, les patients du groupe chimiothérapie seule ne recevaient pas de traitement d’entretien après les 6 cycles initiaux de chimiothérapie. La poursuite du traitement d’en-tretien par trastuzumab après l’arrêt de la chimio-thérapie a probablement contribué à l’augmentation de la survie comparativement aux patients ayant reçu la chimiothérapie seule. Le trastuzumab possède désormais l’autorisation de mise sur le marché dans les adénocarcinomes œsogastriques surexprimant HER2 en première ligne métastatique, en asso ciation avec une chimio thérapie par sel de platine et 5-FU.L’intérêt de la poursuite du trastuzumab après progression sous une première ligne métastatique comportant du trastuzumab n’est pas encore établi. Le bénéfice en survie d’une seconde ligne méta-statique à base d’irinotécan ou de taxanes dans les cancers œsogastriques a été démontré récem-ment (7). À l’heure actuelle, aucune donnée n’est disponible dans les cancers œsogastriques concer-nant l’intérêt de la poursuite du trastuzumab après progression ; des essais cliniques sont en cours pour valider cette stratégie de manière prospective.En cas de tumeur localisée, la chimiothérapie périopé-ratoire par sel de platine et 5-FU est le standard théra-peutique depuis la publication de l’essai de phase III MAGIC (8, 9). L’intérêt d’intégrer le trastu zumab à la chimiothérapie conventionnelle en situation péri-

1. Okines A, Cunningham D, Chau I. Targeting the human EGFR family in esophagogastric cancer. Nat Rev Clin Oncol 2011;8(8):492-503.2. Hofmann M, Stoss O, Shi D et al. Assessment of a HER2 scoring system for gastric cancer: results from a validation study. Histo-pathology 2008;52(7):797-805.3. Watson S, Validire P, Cervera P et al. Combined HER2 analysis of biopsies and surgical speci-mens to optimize detection of trastuzumab-eligible patients in eso-gastric adenocarcinoma: a GERCOR study. Ann Oncol 2013;24(12):3035-9.4. Pietrantonio F, De Braud F, Da Prat V et al. A review on biomar-kers for prediction of treatment outcome in gastric cancer. Anti-cancer Res 2013;33(4):1257-66.5. Chen C, Yang JM, Hu TT et al. Prognostic role of human epi-dermal growth factor receptor in gastric cancer: a systematic review and meta-analysis. Arch Med Res 2013;44(5): 380-9.6. Bang YJ, Van Cutsem E, Feyereislova A et al.; ToGA Trial Investigators. Trastuzumab in combination with chemothe-rapy versus chemotherapy alone for treatment of HER2-positive advanced gastric or gastro-oeso-phageal junction cancer (ToGA): a phase 3, open-label, rando-mised controlled trial. Lancet 2010;376(9742):687-97.7. Hironaka S, Ueda S, Yasui H et al. Randomized, open-label, phase III study comparing irino-tecan with paclitaxel in patients with advanced gastric cancer without severe peritoneal meta-stasis after failure of prior com-bination chemo therapy using fluoropyrimidine plus platinum: WJOG 4007 trial. J Clin Oncol 2013;31(35):4438-44.8. Cunningham D, Allum WH, Stenning SP et al.; MAGIC trial participants. Perioperative chemotherapy versus surgery alone for resectable gastroeso-phageal cancer. N Engl J Med 2006;355(1):11-20.9. Ychou M, Boige V, Pignon JP et al. Perioperative chemo-therapy compared with surgery alone for resectable gastroeso-phageal adenocarcinoma: an FNCLCC and FFCD multicenter phase III trial. J Clin Oncol 2011;29(13):1715-21.10. www.clinicaltrials.gov.

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Références bibliographiques

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Page 5: Ciblage de HER2 dans les adénocarcinomes œsogastriques ... · intestinal de la classification de Lauren. L’immunohistochimie (IHC) permet la détection ... (score de Hoffman)

Ciblage de HER2 dans les adénocarcinomes œsogastriques : aspects diagnostiques et thérapeutiques

DOSSIERLa belle histoire

de HER2

opératoire pour les adénocarcinomes œsogastriques surexprimant HER2 est actuellement en cours d’in-vestigation dans plusieurs essais de phase III.

◆ Autres thérapies anti-HER2Grâce à l’amélioration de la compréhension du rôle de HER2 dans les cancers œsogastriques, d’autres thérapies anti-HER2 sont en cours de développement dans cette indication (tableau IV, p. 486) [10].Le lapatinib bloque la signalisation de HER2 en inhi-bant son activité tyrosine kinase. Il a été évalué dans le cancer œsogastrique métastatique surexprimant HER2 dans l’essai asiatique Tytan, en association avec le paclitaxel (11). Cette étude n’a pas montré d’avantage de la combinaison lapatinib + paclitaxel sur le paclitaxel seul en termes de survie globale ; cependant, l’analyse en sous-groupes a montré des résultats prometteurs pour les patients HER2 3+ en IHC, témoignant de l’importance de la définition anatomopathologique de la surexpression de HER2 dans l’adénocarcinome œsogastrique. D’autres essais de phase III sont en cours pour évaluer l’efficacité du lapatinib en association avec d’autres molécules, dont les sels de platine et la capécitabine.Le pertuzumab est un anticorps monoclonal anti-HER2 qui inhibe sa dimérisation avec le récepteur HER3. Une étude de phase II a récemment montré que l’association du pertuzumab à la combinaison

trastuzumab + sel de platine en première ligne méta-statique conduisait à un taux de réponse de plus de 80 % dans les cancers œsogastriques HER2+ (12). Le pertuzumab est actuellement en cours d’évaluation dans des études de phase III dans cette indication.Le trastuzumab emtansine (T-DM1) combine un anticorps monoclonal anti-HER2 (le trastuzumab) à un agent cytotoxique dirigé contre les micro-tubules (le DM1). Dans le cancer du sein, l’essai de phase III EMILIA a montré que le T-DM1 augmentait la survie sans progression de plus de 3 mois compa-rativement à l’association capécitabine + lapatinib, après progression sous trastuzumab et taxanes (13). Dans le cancer gastrique, l’hétéro généité intra-tumorale de la surexpression de HER2 suggère que le T-DM1 devrait préférentiellement être associé à une chimiothérapie systémique. Des essais sont en cours pour évaluer l’intérêt de la molécule en situations méta statique et périopératoire dans les cancers gastriques.D’autres stratégies anti-HER2 sont en cours de déve-loppement dans les cancers œsogastriques, notam-ment de nouveaux inhibiteurs de tyrosine kinases, des vaccins anti-HER2 et des thérapies géniques visant à la réparation du gène HER2/neu via l’introduction d’adénovirus. Ces stratégies sont encore à un stade préliminaire d’investigation mais apportent d’ores et déjà des résultats encourageants. ■

S. Watson déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

C. Louvet déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

D I A P O R A M A

COORDINATEURPr Christophe Tournigand (Créteil)

RÉDACTEURDr Jean-Philippe Madiou (Paris)

ACTUALITÉS SUR LE CANCER COLORECTALD’après le 40th ESMOEuropean Society for Medical Oncology

Vienne, 25-29 septembre 2015

Sous l’égide de Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson - Rédacteur en chef : Pr Jean-François Morère (Villejuif)Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique. Le contenu est sous la seule responsabilité du coordonnateur, des auteurs et du directeur de la publication qui sont garants de son objectivité.

Avec le soutien institutionnel de

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11. Bang YJ. A randomized, open-label, phase III study of lapatinib in combination with weekly paclitaxel versus weekly paclitaxel alone in the second-line treatment of HER2 amplified advanced gastric cancer (AGC) in Asian population: Tytan study. ASCO® GI 2013: abstr. 11.12. Kang YK, Rha SY, Tassone P et al. A phase IIa dose-finding and safety study of first-line pertuzumab in combination with trastuzumab, capecitabine and cisplatin in patients with H E R 2 - p o s i t i v e a d v a n c e d gastric cancer. Br J Cancer 2014;111(4):660-6.13. Verma S, Miles D, Gianni L et al.; EMILIA study group. Trastu-zumab emtansine for HER2- positive advanced breast cancer. N Engl J Med 2012;367(19): 1783-91.

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