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CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE FINANCIERE La cour des comptes M. Michel LASCOMBE et M. Xavier VANDENDRIESSCHE Novembre 2000

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CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE FINANCIERE

La cour des comptes

M. Michel LASCOMBE et M. Xavier VANDENDRIESSCHE

Novembre 2000

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CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE

FINANCIERE

LA COUR DES COMPTES

Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE

JURISPRUDENCE COMMENTEE

CE, Ass., 23 février 2000, Société Labor Métal et autres, req. n° 195715

Gestion de fait – Procédure ; principe du contradictoire ; respect des droits de la défense ;

impartialité ; présomption d’innocence

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, présentés pour la SOCIETE LABOR METAL, demandant au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt n° 18086 en date du 7 novembre 1997 par lequel la Cour des comptes les a déclarés à titre définitif comptables de fait des deniers de l'Etat ; 2°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; Vu les autres pièces du dossier ; le code des juridictions financières ; l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 relative à la Cour des comptes, ensemble le décret n° 85-199 du 11 février 1985 relatif à la Cour des comptes ; la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; e décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 et relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat ; l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : Considérant, d'une part, que Mme Danièle LABORIE ne figure pas parmi les personnes déclarées comptables de fait par l'arrêt attaqué ; qu'elle est, dès lors, sans intérêt et, par suite, irrecevable à en demander l'annulation ; Considérant, d'autre part, que la requête sommaire ne mentionnait pas Mme Frédérique BASCHET parmi les requérants ; que son nom n'apparaît que dans le mémoire complémentaire enregistré le 17 août 1998, après l'expiration du délai de recours ; qu'ainsi, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que la requête est irrecevable également en tant qu'elle émane de Mme Frédérique BASCHET ; Sur les conclusions de la SOCIETE LABOR METAL tendant à l'annulation de l'arrêt n° 18086 du 7 novembre 1997 de la Cour des comptes : Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, d'une part, que l'article L. 131-2 du code des juridictions financières dispose : "La Cour des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait... Les dispositions définitives des arrêts portant sur des gestions de fait sont délibérées après l'audition, à leur demande, des personnes déclarées comptables de fait..." ; qu'aux termes de l'article 26 du décret du 11 février 1985 susvisé : "La Cour des comptes rend des arrêts par lesquels elle statue à titre provisoire ou à titre définitif. La procédure devant la Cour est écrite. Les dispositions provisoires des arrêts enjoignent, en tant que de besoin, au comptable de rapporter, dans un délai fixé par la Cour et ne pouvant être inférieur à un mois, toutes explications ou justifications à sa décharge" ; Considérant, d'autre part, que l'article L. 136-1 du code des juridictions financières est ainsi rédigé : "La Cour des comptes adresse au Président de la République et présente au Parlement un rapport annuel, dans lequel elle expose ses observations et dégage les enseignements qui peuvent en être tirés" ; qu'aux termes de l'article L. 136-5 du même code : "Le rapport de la Cour des comptes... est publié au Journal officiel de la République française..." ; Considérant que la deuxième chambre de la Cour des comptes, statuant provisoirement par un arrêt n° 12575 du 20 décembre 1995, a déclaré conjointement et solidairement comptables de fait de l'Etat, à raison de douze mandats de paiement : le commissaire général Pigeaud, ancien directeur du commissariat de l'armée de terre en circonscription militaire de Rennes, le commissaire colonel Thoer, directeur adjoint, le commissaire commandant Hiraut, chef du bureau du soutien logistique, le commandant Martinez, ancien chef de la section "campement, couchage, ameublement", la SOCIETE LABOR METAL, M. Arnaud Laborie, président de la SOCIETE LABOR METAL, Mme Frédérique Baschet, directeur général de cette même société ; qu'ont été également incluses dans le périmètre de la gestion de fait, chacune à raison du mandat qui la concernait, les sociétés Burostock, Burotext, Difpap-Aprim, Difpap-Buro, Digilease System, Guelusse, Informatique et associés, Ordec, Nosem, Roudaut, Sodematub-Naudin et Claude Varenne ; que le rapport public de la Cour des comptes pour l'année 1996, édité en octobre 1996 par le Journal officiel, a fait état, aux pages 61 à 68, du "détournement des procédures d'achat au sein du commissariat de l'armée de terre" et de l'engagement d'une procédure de gestion de

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fait à l'encontre des personnes responsables, dans des termes suffisamment précis pour permettre le rapprochement avec l'affaire en cours devant la deuxième chambre de la Cour des comptes ; qu'enfin, par l'arrêt attaqué, n° 18086 du 7 novembre 1997, cette même chambre, statuant définitivement, a mis hors de cause le commissaire colonel Thoer, le commissaire commandant Hiraut, le commandant Martinez et M. Arnaud Laborie et a confirmé la déclaration conjointe et solidaire de gestion de fait visant les autres personnes mises en cause dans l'arrêt provisoire ; Considérant que, eu égard à la nature des pouvoirs du juge des comptes et aux conséquences de ses décisions pour les intéressés, tant le principe d'impartialité que celui des droits de la défense font obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle prononçant la gestion de fait soit régulièrement rendue par la Cour des comptes alors que, comme en l'espèce, celle-ci a précédemment évoqué cette affaire dans un rapport public en relevant l'irrégularité des faits ; que, par suite, la SOCIETE LABOR METAL est fondée à soutenir que la Cour des comptes ne pouvait plus régulièrement statuer et à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; Sur les conclusions de la SOCIETE LABOR METAL tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10

juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE LABOR METAL une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; DECIDE: Article 1er : L'arrêt de la Cour des comptes n° 18086 du 7 novembre 1997 est annulé. Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE LABOR METAL une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991. Article 3 : Les conclusions de Mmes Danièle LABORIE et Frédérique BASCHET sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LABOR METAL, à Mme Frédérique BASCHET, à Mme Danièle LABORIE, à M. Arnaud Laborie, au commissaire général Pigeaud, au commissaire colonel Thoer, au commissaire commandant Hiraut, au commandant Martinez, aux sociétés Burostock, Burotexte Difpap-Aprim, Difpat-Buro, Digilease System, Guelusse, Informatique et associés, Ordec, Nosem, Roudaut, Sodematub-Naudin et Claude Varenne, au procureur général près la Cour des comptes, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la défense.

Cour des comptes, Chambres réunies,

Avis sur la portée des arrêts du Conseil d’Etat des 23 février et 19 avril 2000,

Labor Métal et autres concernant les procédures des juridictions financières

I - La Cour des comptes a siégé toutes chambres réunies, les 20 avril, 17 mai et 14 juin, sur convocation du premier président1, pour examiner les conséquences de la décision du 23 février 2000 par laquelle le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé un arrêt du 7 novembre 1997 déclarant la société Labor Métal et ses dirigeants comptables de fait des deniers de l’Etat. Cette jurisprudence avait été confirmée par trois autres décisions le 19 avril 20002. II - La Cour a entendu MM. Magnet et Doyelle en leurs rapports, le procureur général de la République en ses conclusions et MM. Logerot et Limouzin-Lamothe en leurs observations. Après en avoir délibéré, la Cour a exprimé l’avis qui suit. III - Le Conseil d’Etat a fondé les décisions précitées sur ce que « tant le principe d’impartialité que celui des droits de la défense font obstacle à ce qu‘une décision juridictionnelle prononçant une gestion de fait soit régulièrement rendue par la Cour des comptes alors que, comme en l’espèce, celle-ci a précédemment évoqué cette affaire dans un rapport public en relevant l’irrégularité des faits ». Il incombe à la Cour d’en tirer les conséquences. IV- Sur les suites à donner aux affaires qui ont fait l’objet des décisions précitées : Dans deux desdites décisions3, le Conseil d’Etat a expressément déclaré qu’il n’y avait pas lieu à renvoi devant la Cour. Celle-ci ne peut donc plus en connaître, mais devra en tirer les conséquences. Il appartiendra aux chambres réunies, convoquées par le Premier

1 En application de l’alinéa 4 de l’article R. 112-18 du code des juridictions financières. 2 Le 19 avril 2000, le Conseil d’Etat a annulé trois autres arrêts de la Cour des comptes des 7 novembre 1997 et 6 mai 1998 qui avaient déclaré la société Labor Métal et diverses autres parties comptables de fait des deniers de 1’Etat. 3 Décisions n° 195716 et 195717 lues le 19 avril 2000, Société Labor Métal et autres, M. Boillaud.

président, de statuer juridictionnellement sur les suites à donner aux deux autres4. V - Sur l’application du principe énoncé par les décisions précitées : 1°) Ces décisions ont été rendues dans des affaires où la Cour s’était exprimée par la voie de son rapport public annuel. Le principe énoncé par le Conseil d’Etat selon lequel la Cour ne peut pas régulièrement statuer sur une affaire de gestion de fait sur laquelle elle a, dans l’exercice de sa fonction de contrôle, précédemment exprimé une opinion, doit, par identité de motifs, s’appliquer dans tous les cas où elle se serait exprimée dans les autres communications rendues publiques : rapports sur l’exécution de la loi de finances, rapports sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale, rapports publics particuliers, publication au Journal officiel des observations faites à l’issue du contrôle d’un organisme faisant appel à la générosité publique, communications aux commissions des finances du Parlement. En ce qui concerne les communications administratives confidentielles : référés, communications du procureur général envoyées à la demande des chambres, lettres des présidents de chambre, rapports particuliers sur les comptes et la gestion des entreprises publiques, relevés de constatations provisoires et définitifs, le même principe doit aussi s’appliquer car elles sont susceptibles de faire l’objet d’une publication par leurs destinataires ou par des tiers. Or dans un tel cas, la jurisprudence du Conseil d’Etat (section, 12 février 1993, Mme Gaillard) considère que ces communications deviennent publiques. Toutefois l’application dudit principe suppose que ces communications émanent de la Cour elle-même, délibérant dans l’une de ses formations plénières (chambre du conseil, chambres réunies) ou de celles de ses autres formations (chambres, sections ou formations interchambres) qui seraient ultérieurement appelées à connaître juridictionnellement des mêmes affaires.

4 Décision n° 195715 lue le 23 février 2000, Société Labor Métal et autres, et décision n° 199641 lue le 19 avril 2000, M. Lambert

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Elle ne s’étend pas au procureur général, qui conserve la possibilité de qualifier, de sa propre initiative, dans les communications qu’il adresse, les faits relevés à l’instruction. 2°) Les décisions susvisées ont été rendues dans des affaires de gestion de fait. La question de l’application du principe énoncé ci-dessus aux arrêts que la Cour rend dans le jugement des comptes des comptables publics doit être examiné comme prévu au point VIII et-après. En attendant, il convient d’appliquer ce principe à l’égard des arrêts provisoires. Dès lors qu’ont été rendus les arrêts définitifs correspondants, et alors même qu’ils seraient frappés de pourvoi en cassation, lequel n’est pas suspensif, la Cour peut librement s’exprimer sur les questions jugées. 3°) En conséquence, il est recommandé : a/ Que les présidents de chambre fassent procéder, de concert avec le rapporteur général du comité du rapport public et des programmes, à un recensement des affaires qui ont été traitées dans les communications de la Cour, publiques ou non, ou même dans les relevés de constatations provisoires, afin de vérifier qu’elles n’ont pas été exposées en des termes qui pourraient être considérés comme préjugeant des arrêts à rendre) soit en gestion de fait, soit en toutes autres matières, en première et dernière instance ou en appel ; b/ Dans les cas où de tels termes auraient été employés, que les chambres ou autres formations délibérantes ainsi placées en situation d’irrégularité s’abstiennent de se prononcer par voie d’arrêt sur ces affaires, sauf pour le Premier Président à attribuer le cas échéant l’affaire à une autre formation dans des conditions qui seront étudiées par le groupe de travail proposé au paragraphe VIII ; c/ A l’avenir, que les rapports ou communications qui expriment les opinions collégiales de la Cour ne traitent pas d’affaires susceptibles de suites juridictionnelles de sa part ou n’en traitent qu’en des termes qui ne puissent être considérés comme préjugeant de ces affaires, soit quant à la qualification juridique des faits, soit quant à leur imputation à des personnes expressément désignées ou même simplement reconnaissables, aussi longtemps qu’elles n’auront pas abouti à des arrêts définitifs ; d/ Que les mêmes précautions soient observées dans la rédaction des relevés de constatations provisoires communiqués en cours d’instruction aux services ou organismes contrôlés ; f/ Que les déférés à la Cour de discipline budgétaire et financière soient conçus en des termes qui établissent clairement que les qualifications et imputations qui y sont faites n’expriment que l’opinion de la formation de laquelle ils émanent et ne peuvent préjuger des arrêts qui seront ultérieurement rendus ; g/ Que les présidents de chambre, contre-rapporteurs et greffiers veillent à ce que les affaires juridictionnelles, notamment les gestions de fait, et les réponses faites aux arrêts provisoires soient traitées dans les délais les plus brefs compatibles avec le respect des règles de procédure et les autres obligations des rapporteurs. VI - Sur les motifs d’abstention et de récusation individuelle des membres de la Cour : Le principe ci-dessus énoncé, applicable à la Cour en tant qu’institution, laisse subsister les causes d’abstention et de récusation qui s’appliquent de droit commun à tous les juges, pris personnellement. Ainsi, tout magistrat qui se serait publiquement exprimé sur des affaires portées devant la Cour ne peut ultérieurement connaître de ces mêmes affaires en qualité de juge. De même, ceux des membres de la Cour qui auraient participé aux délibérations desquelles est résulté un arrêt cassé ne peuvent, sur renvoi, siéger aux chambres réunies qui doivent connaître de la même affaire. En conséquence, il est rappelé : a/ que tout magistrat qui, dans l’exercice de ses fonctions antérieures ou actuelles ou autrement, se serait publiquement exprimé sur des affaires dont il aurait ultérieurement à connaître comme juge doit se déporter ou acquiescer aux récusations qui pourraient être proposées par les parties ;

b/ que ceux des membres de la Cour qui auraient participé, soit au stade provisoire, soit au stade définitif, aux délibérations desquelles est résulté un arrêt cassé doivent s’abstenir de siéger aux chambres réunies appelées, sur renvoi, à connaître de la même affaire. VII - Sur les affaires qui sont de la compétence des chambres régionales et territoriales des comptes : Le principe posé par les décisions précitées du Conseil d’Etat doit, par identité de motifs, s’appliquer aux chambres régionales et territoriales des comptes. Toutefois, son application doit être adaptée aux règles d’organisation et de fonctionnement propres à ces chambres. En vertu de l’article L. 212-16, deuxième alinéa, du code des juridictions financières, le conseil supérieur des chambres régionales des comptes doit être consulté sur ces questions. En conséquence, il est demandé que le présent avis soit transmis par le premier président au conseil supérieur des chambres régionales des comptes pour que celui-ci fasse auxdites chambres les recommandations appropriées à leur situation. Néanmoins, certaines des communications provenant des chambres régionales sont transmises par l’intermédiaire de la Cour, qu’il s’agisse d’insertions au rapport public ou de référés. Il incombe à celle-ci de vérifier, avant de les faire siennes, qu’elles sont formulées en des termes qui ne mettent pas les chambres ou elle-même en situation de méconnaître le principe posé par le Conseil d’Etat. Il lui incombe d’autre part, dans l’exercice de sa fonction de juge d’appel, de faire respecter ce principe et, lorsqu’il a été méconnu en première instance, d’annuler le jugement et de statuer au fond, du fait que ces affaires ne peuvent pas faire l’objet d’un renvoi. VIII - Sur l’éventualité de modifications de l’organisation et de la procédure de la juridiction des comptes : Les difficultés contentieuses qui ont fait l’objet des décisions susvisées résultent pour partie des évolutions récentes de la jurisprudence du juge de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme dont il convient d’examiner si, au regard des dispositions législatives ou réglementaires ou même des pratiques internes relatives aux juridictions financières, elles sont de nature à remettre en cause l’organisation et les procédures de celles-ci. En conséquence, il est recommandé que soit entrepris un examen, en partie commun à la Cour et aux chambres régionales et territoriales des comptes, des dispositions du code des juridictions financières ou même des pratiques qu’il serait nécessaire de modifier pour prévenir le retour de ces difficultés. IX - Le présent avis a été délibéré par la Cour, toutes chambres réunies le 14 juin 2000, présents MM. Joxe, Premier Président, MM. Marmot, Logerot, Mignot, Collinet, Brunet, présidents de chambre, MM. Siebauer, Limouzin-Lamothe, Chabrun, Capdeboscq, Mme Legras, MM. Bonacossa, Billaud, Recoules, Malingre, Rossignol, Martin, Mmes Froment-Meurice et Ruellan, conseillers maîtres.

PARQUET GENERAL - CONCLUSIONS N° 5051 DU 6 AVRIL 2000 Nous, Procureur général de la République ; Vu le rapport n° 2000-130-0 revêtu du soit-communiqué du Premier Président de la Cour des comptes ; Considérant que par l’arrêt du 23 février 2000, société Labor Métal et autres, le Conseil d’Etat a annulé sans renvoi l’arrêt n° 18 086 du 7 novembre 1997 par lequel la Cour avait définitivement déclaré gestionnaires de fait des deniers de l’Etat la société Labor Métal, le commissaire général Pigeaud, Mme Frédérique Baschet et, chacune en raison du mandat qui la concernait, onze autres sociétés ; Considérant que, par décision n° 1051 du 9 mars 2000, le Premier Président de la Cour des comptes a saisi cette dernière, toutes chambres réunies, pour formuler un avis sur la portée de cet arrêt du Conseil d’Etat, en ce qui concerne d’une part les procédures de la Cour des comptes sur le rapport du Président Jacques Magnet, d’autre part les procédures des chambres régionales des comptes sur le rapport de M. Alain Doyelle, conseiller référendaire, président de la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardenne ;

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Que le rapport relatif à la portée de l’arrêt du Conseil d’Etat en ce qui concerne les procédures de la Cour des comptes a été déposé par le Président Magnet le 21 mars 2000 et enregistré au greffe central sous le n° 2000-130-0 ; qu’il Nous été communiqué le 23 mars 2000 par le Premier Président de la Cour des comptes ; Que ce rapport dont Nous avons pris connaissance avec intérêt, appelle de Notre part les observations suivantes ; 1) Sur le champ d’application de la décision du Conseil d’Etat en ce qui concerne la Cour des comptes L’arrêt Labor Métal ne se fonde pas sur l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui dispose que : « Toute personne a droit à ce que sa cause doit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi... ». Ce faisant, cette décision ne remet donc pas en question la jurisprudence antérieure du Conseil d’Etat qui avait exclu la déclaration de gestion de fait du champ d’application de cette disposition (voir CE, 6 janvier 1995, Nucci, Rec. C. comptes p. 157 à 164 et 6 janvier 1995, Gouazé, idem p. 164 à 169) ; Le Conseil d’Etat a choisi de fonder la protection qu’il entend assurer aux justiciables sur deux principes généraux du droit, le principe d’impartialité et celui des droits de la défense, auxquels il prête la vertu d’une protection sensiblement équivalente à celle dont lesdits justiciables jouiraient dans un procès pénal ou concernant des accusations en matière pénale au sens de l’article 6 de la convention européenne par application, notamment, du principe de la présomption d’innocence ; Sur la base de ces principes, le Conseil d’Etat avait le choix entre deux solutions dès lors qu’était constatée la partialité de la formation de la Cour qui avait décidé de la déclaration définitive de gestion de fait dans la mesure où certains de ses membres avaient participé à la chambre du conseil de 1996 au cours de laquelle avait été délibérée l’insertion au rapport public faisant mention de la gestion de fait Labor Métal :

- s’engager dans la voie de la récusation individuelle ou multiple des membres de la Cour ayant à la fois, sur la même affaire, opiné en chambre du conseil et jugé au sein de la deuxième chambre. C’est la voie qui a été suivie par la société Labor Métal dans les requêtes en récusation qu’elle avait déposées devant la Cour en 1997. Dans cette hypothèse, cette dernière aurait conservé la possibilité théorique de juger à nouveau après cassation dès lors qu’il aurait été possible de donner aux chambres réunies une composition excluant les membres de la chambre du conseil ayant adopté le rapport public 1996 ;

- mettre en cause la Cour des comptes elle-même par une décision ne se limitant pas à l’examen de l’impartialité des membres de la formation qui a rendu le jugement attaqué mais embrassant, par le biais de la théorie de l’apparence, l’institution sur laquelle pèse en son ensemble une suspicion de partialité. Telle est la voie suivie par le Conseil d’Etat. Sa décision est proche de celle d’un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 2 juillet 1999, Debus contre Commission des opérations de bourse - COB) qui est également fondé sur la disqualification institutionnelle de la COB comme le montre le dernier considérant de cet arrêt « Qu’en l’espèce, la procédure est entachée de nullité depuis le 17 mars 1998, date à laquelle le président et les membres de la COB ont arrêté le rapport annuel de 1997 en des termes portant atteinte à la présomption d’innocence dont bénéficie M. Olivier Debus … » ;

1-1 Une décision apparemment limitée mais dont le champ d’application pourrait être important Dans son expression littérale, la décision du Conseil d’Etat est limitée à l’incidence de l’évocation de faits dont l’irrégularité est soulignée dans un rapport public, c’est à dire en dehors du procès et avant le terme de celui-ci, sur les procédures de gestion de fait et les décisions juridictionnelles prises dans le cadre de cette procédure dont au premier chef la déclaration définitive de gestion de fait ;

Ainsi cet arrêt ne remet en cause ni les textes applicables à la Cour et aux chambres régionales des comptes et en particulier ceux relatifs à l’organisation de ces juridictions, ni l’exercice par celles-ci des deux fonctions de contrôleur et de juge, ni enfin les précédentes jurisprudences qui limitent l’application de l’article 6-1 aux procédures d’amendes (CE. 16 novembre 1998, SARL Deltana et Perrin ; 6 janvier 1995, Nucci et même date, Gouazé, cités supra) ; Mais dans la perspective d’une évolution éventuelle de la jurisprudence du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation concernant le champ d’application de l’article 6-1 de la convention européenne, la portée de l’arrêt Labor Métal pourrait être beaucoup plus importante qu’il n’y paraît à première vue et ceci d’un triple point de vue ;

- elle est fondée sur des principes généraux du droit dont l’application n’a aucune raison d’être limitée à un seul pan des procédures juridictionnelles des juridictions financières ;

- le Conseil d’Etat en tire des conséquences générales en matière d’expression de la Cour ce qui va plus loin que la seule forme d’expression qu’est le rapport public ;

- la possibilité pour la Cour de s’exprimer publiquement pourrait présenter des inconvénients même si la juridiction décidait de ne pas ouvrir une procédure de gestion de fait et de s’en tenir à une simple mise en garde. En effet, la publicité donnée éventuellement aux irrégularités constitutives de gestion de fait en les qualifiant juridiquement de façon précise interdirait à la Cour de se saisir de l’affaire au plan juridictionnel si sa mise en garde n’était pas suivie d’effet. Elle empêcherait également de donner suite à un réquisitoire que le Procureur général, saisi des mêmes faits par une autorité administrative, serait sollicité de prendre ;

1-2 Une cassation sans renvoi et sans évocation La décision est surprenante dans la mesure où. elle annule sans évoquer, solution qui semble contraire aux textes régissant les procédures devant le Conseil d’Etat, en particulier l’article 11 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif et d’aboutir ainsi à un déni de justice. On peut cependant interpréter l’article 11 de la loi de 1987 comme n’étant pas venu supprimer la cassation sans renvoi qui préexistait mais comme ayant fixé les modalités du renvoi après cassation ; En effet, en cas d’annulation, le Conseil se pose prioritairement la question de savoir s’il est dans une situation de cassation sans renvoi (CE section 15 décembre 1961, Sabatini, Rec. p. 710). Ensuite et dans la négative, il examine s’il doit renvoyer le litige au juge du fond ou régler le litige lui-même ; La cassation sans renvoi repose sur l’idée qu’il ne reste plus rien à juger ou qu’on ne peut plus juger, donc que l’annulation suffit à mettre fin au contentieux. Elle est pratiquée fréquemment par la Cour de Cassation en application de l’article L. 131-5 du code de l’organisation judiciaire et notamment de son premier alinéa qui l’autorise à casser sans renvoi « lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond ». Tel est le cas notamment lorsque les erreurs de procédures sont telles que toute la procédure est irrémédiablement viciée et ne peut être reprise ; Dans cette hypothèse qui est proche de l’espèce Labor Métal, toute la procédure est annulée et il y a cassation sans renvoi car il ne reste rien à juger. Pourtant la pièce introduisant l’instance par la mise en mouvement de l’action publique, soit le réquisitoire introductif du procureur de la République, n’est pas dans tous les cas annulée. Elle ne l’est par le juge de cassation que si elle est elle-même viciée, par exemple pour incompétence du ministère public en l’espèce ou pour cause de prescription des faits au moment de la mise en mouvement de l’action publique. Par ailleurs, dans un certain nombre de cas de cassation sans renvoi par la Cour de cassation, l’acte de saisine peut subsister ; Dans le cas d’espèce Labor Métal, il faut admettre que toute la procédure postérieure à la date de publication du rapport public est viciée par la violation du principe d’impartialité et qu’en conséquence l’arrêt attaqué ainsi que les actes d’instruction et de

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procédure intervenus depuis cette date sont annulés5. Le réquisitoire du Procureur général comme l’arrêt provisoire de déclaration de gestion de fait, tous deux intervenus à une date antérieure à la publication du rapport public, subsistent ; Mais selon le Conseil d’Etat qui a estimé qu’il ne pouvait plus juger en raison du vice qui affectait la procédure, la Cour s’est elle-même disqualifiée, aucune de ses formations ne pouvant désormais reprendre l’affaire sous quelque forme que ce soit comme l’indique clairement la formulation de l’arrêt de cassation : « la société Labor Métal est fondée à soutenir que la Cour des comptes ne pouvait plus régulièrement statuer ». Cette position vaut également pour le rapporteur qui serait appelé à examiner les suites à donner à l’arrêt provisoire car il fait partie de la formation de jugement qui aurait à connaître de son instruction. On se trouve ainsi dans un cas où la cassation ne laisse plus rien à juger car en dépit du fait que l’acte de saisine initiale reste intact, la Cour a été reconnue dans l’impossibilité structurelle de reprendre l’instance ; Pour autant, la Cour ne pourra être suspectée de déni de justice. L’examen de la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris et des conséquences qu’en a tiré la Commission des opérations de bourse (COB) en fournit l’illustration. Dans l’arrêt Debus déjà cité, la cour d’appel a annulé sans évoquer au motif « qu’en l’espèce, la procédure est entachée de nullité depuis le 17 mars 1998, date à laquelle le président et les membres de la COB ont arrêté le rapport annuel de 1997 en des termes portant atteinte à la présomption d’innocence dont bénéficie M. Olivier Debus, affectant de ce fait la validité des diligences que le rapporteur désigné le 17 décembre 1997 a accomplies par application de l’article 3 du décret du 23 mars 1990 ». Il en est de même dans l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 mars 2000, société KPMG contre COB où la Cour annule sans évoquer en considérant « que si dans le contentieux de pleine juridiction institué par l’article 12 de l’ordonnance du 28 septembre 1967, la cour d’appel de Paris, après avoir annulé la décision objet du recours, a le pouvoir de se prononcer, conformément à l’article 9-2, sur les pratiques dont la COB était saisie, elle ne peut en user lorsque la nullité affecte, comme en l’espèce, l’ensemble des actes de la procédure, viciée dès l’origine ». A partir de ce constat, la Cour d’appel qui ne peut renvoyer, ne peut pas pour autant juger au fond car elle ne peut user de son pouvoir d’évocation lorsque la nullité affecte la validité de l’instruction antérieure à la décision annulée ; La COB dont la saisine subsistait à l’annulation n’en a pas moins choisi de ne pas reprendre les instances concernées, à partir dé la constatation qu’elle était placée dans l’impossibilité d’instruire et de statuer à nouveau dans les conditions d’impartialité structurelle requises par la Cour d’appel ; Même s’il pouvait être admis que la Cour conserve une possibilité de revenir sur l’affaire en considérant qu’elle est toujours saisie et que la décision du Conseil d’Etat n’exclut pas un renvoi implicite, la juridiction ne pourrait que renvoyer l’affaire devant les chambres réunies (articles 8 et 34 du décret du 11 février 1985 modifié). Il conviendrait alors au préalable de s’assurer que cette formation peut se réunir avec un quorum de treize membres n’ayant pas participé à la chambre du conseil ayant adopté le rapport public de 1996. Si cette condition était réalisée, la Cour ne pourrait que prononcer un arrêt de non-lieu à statuer. En effet, il faut rappeler que la Cour n’est pas souveraine, qu’elle est soumise à la censure de son juge de cassation et que toute tentative pour revenir sur la décision Labor Métal en s’en écartant ne pourrait conduire qu’à une nouvelle cassation. Apparemment satisfaisant juridiquement car il viendrait formellement clore la procédure de la gestion de fait ouverte par le réquisitoire du parquet général, un arrêt de principe de non-lieu à statuer permettrait au ministre de la Défense et au ministre de 1’Economie, des finances et de l’industrie de se pourvoir en cassation s’ils le désiraient. Mais dans cette hypothèse, on ne voit pas les motifs qui pourraient conduire le Conseil d’Etat, à revenir sur sa jurisprudence et à ne pas rejeter le pourvoi ; 2) Sur les conséquences de cette décision sur les procédures actuelles de la Cour

5 Soit l’arrêt n° 22410 du 12 mars 1998 par lequel la Cour a provisoirement fixé la ligne de compte et prononcé une amende.

Il convient de s’interroger sur les suites à donner à l’arrêt Labor Métal en ce qui concerne les procédures actuelles de la Cour. 2-1 Les conséquences sur les procédures de gestion de fait a) Sur les affaires Labor Métal La position que vient de prendre le Conseil d’Etat concerne non seulement l’affaire dont il est ici question mais aussi les autres procédures de gestion de fait dans lesquelles est impliquée la société Labor Métal dont il y a tout lieu de penser qu’elles recevront la même solution même si la Cour pourrait attendre de connaître les autres décisions du Conseil d’Etat pour déterminer ce qu’elle doit faire ; La conséquence sera que, les arrêts définitifs n’existant plus, les arrêts suivants seront également censés ne plus exister6 ; b) Sur les procédures de gestion de fait en cours et qui ont été exposées dans un rapport public Sur ce point, les présentes conclusions n’abordent pas le problème posé à la Cour en sa qualité de juge d’appel qui sont étudiées dans les conclusions n° 5051 de ce jour relatives aux conséquences de l’arrêt Labor Métal sur les procédures des chambres régionales des comptes (rapport n° 2000-160-0 de M. Doyelle) et se bornent à évoquer les questions posées à la Cour en sa qualité de juge de première instance ; Il existe un certain nombre de gestions de fait au stade de l’arrêt provisoire qui ont fait l’objet d’une mention dans un rapport public et pour lesquelles une déclaration définitive de gestion de fait n’est pas encore intervenue ; Ces gestions de fait devraient faire l’objet d’une analyse au cas par cas par les rapporteurs chargés d’examiner les suites à donner à l’arrêt provisoire. Il faudrait se poser la question de savoir s’il y a eu une expression publique de la Cour sur chacune d’entre elles. Dans l’affirmative, il faudrait analyser soigneusement le texte en cause pour vérifier s’il est susceptible ou non de subir la censure au regard de la jurisprudence Labor Métal. Il convient à cet égard d’apprécier si la Cour a seulement exposé des irrégularités « en des termes mesurés », pour reprendre l’expression du commissaire du gouvernement Seban dans ses conclusions sur l’arrêt Labor Métal, ou si elle s’est livrée, avant de trancher l’affaire sur le plan juridictionnel, à un « pré-jugement » ou à une « prise de position définitive » dans une communication administrative. En effet, la qualification des faits peut être explicite ; elle peut également être implicite et voilée par le biais d’expressions rappelant plus ou moins nettement les éléments, constitutifs de la gestion de fait7. De ce point de vue, l’anonymisation peut ne pas suffire à éviter une personnalisation aisée ; A cet égard, il y a lieu d’être prudent et de s’interroger sur les suites à donner à ces procédures, principalement à celles d’entre elles qui paraîtraient les plus fragiles au regard du critère principal de la jurisprudence Labor Métal qui est celui de la qualification juridique des faits au regard de l’article 60-XI de la loi de finances du 23 février 19638 ;

6 Il s’agit des arrêts n° 22 994 du 7 avril 1999 faisant suite à l’arrêt définitif n° 19513 du 6 mai 1998 attaqué en cassation, du 21 octobre 1998 faisant suite à l’arrêt définitif n° 18084 du 7 novembre 1997 attaqué en cassation et l’arrêt n° 21401 du 21 octobre 1998 faisant suite à l’arrêt définitif n° 18082 du 7 novembre 1997 frappé de pourvoi en cassation. 7 Cf. à cet égard, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 juillet 1999, Debus contre COB déjà cité, sur l’analyse des termes utilisés par la COB dans son rapport annuel qui ont conduit à estimer réunis les éléments de fait de l’infraction boursière poursuivie et, en conséquence, à regarder M. Debus comme coupable de celle-ci. Le rapport de M. Doyelle sur les conséquences de l’arrêt Labor Métal sur les procédures des chambres régionales des comptes contient une analyse détaillée et pertinente des expressions publiques qui peuvent être constitutives d’un pré-jugement. 8 Cf. à ce sujet l’expression utilisée par le commissaire du gouvernement à la p. 3 de ses conclusions « Cette publication décrivait en détail les faits ; mais elle ne se bornait pas à des

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La conduite à tenir serait donc au cas par cas soit de continuer la procédure si elle paraît irréprochable, soit de prendre, sur la motivation de la violation de la présomption d’innocence et du principe d’impartialité, un arrêt de non-lieu à statuer ; En effet si le moyen peut être soulevé par le comptable de fait entre l’arrêt provisoire et l’arrêt définitif, auquel cas il faudra y répondre, la question se pose de savoir si la Cour doit le soulever d’office en première instance. Si la récusation individuelle ou multiple n’est jamais d’ordre public (Cf. à ce sujet Nos conclusions n° 3260 du 16 septembre 1997 sur le rapport n° 1997-367-2 de Mme Garaud relatif aux demandes de récusation présentées notamment par la société Labor Métal, point V), il n’en est pas de même de la partialité institutionnelle. Comme l’indique M. Seban, commissaire du gouvernement, dans ses conclusions (p. 16) « .. .le moyen tiré d’un défaut d’impartialité est d’ordre public et donc recevable en cassation lorsqu’i1 est fondé, ce qui est bien le cas si vous nous avez suivis, sur la violation d’un principe général du droit ou d’une règle générale de procédure applicable même sans texte (voir CE, 30 novembre 1994, SARL Etude Ravalement Constructions, préc.) » . Dès lors, la Cour pourrait être amenée à soulever d’office ce moyen dans le cas d’expression publique constituant manifestement un pré-jugement, sauf à s’exposer à un risque de pourvoi en cassation fondé sur ce moyen ; 2-2 Les autres conséquences D’autres conséquences sont à tirer dès à présent de l’arrêt Labor Métal ; a) Sur le pouvoir d’expression de la Cour En premier lieu, la jurisprudence Labor Métal est susceptible de s’appliquer à toutes autres formes d’expression publique de la Cour en dehors du rapport public annuel : rapports publics particuliers, rapport sur l’exécution de la loi de finances, rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale, publication au Journal Officiel des observations faites à l’issue du contrôle d’un organisme faisant appel à la générosité publique (article 52-1 du décret du 11 février 1985). Il faudrait en outre veiller à ce que des magistrats ne soient pas appelés à prendre publiquement position soit individuellement, soit collectivement, sur des affaires dont ils sont actuellement ou seront vraisemblablement, dans un avenir prévisible, appelés à connaître comme juge. Cette précaution concernerait toutes les formes d’expression publique en dehors de celles propres à la juridiction et prévues par les textes (auditions parlementaires devant la Mission d’Evaluation et de Contrôle, communiqués de presse, interviews dans les médias, etc.) ; En second lieu et même si le Conseil d’Etat ne s’est prononcé que sur le fait que ce soit dans un document à la fois destiné à une large publicité et adopté par une formation très solennelle de la Cour (la chambre du conseil) que la juridiction ait, préalablement à la déclaration définitive de gestion de fait, pris explicitement partie sur la qualification juridique des faits, il serait imprudent d’en déduire toute absence de risque juridique dans le cas où des appréciations analogues figureraient. dans des communications administratives confidentielles : référés, notes du parquet, lettres du président, rapports particuliers d’entreprises publiques, relevés de constatations provisoires. A cet égard, les points suivants sont à prendre en considération :

- une des ces communications pourrait être utilisée par son destinataire dans une instance contentieuse dans l’hypothèse où celui-ci serait ensuite recherché en responsabilité par le juge des comptes et ou l’irrégularité des faits aurait été évoquée dans ladite communication ;

- une évocation d’irrégularités avec la mention que ces irrégularités seraient susceptibles d’entraîner la mise en jeu de la responsabilité du comptable patent pourrait être exploitée par celui-ci qui ne manquerait pas de soutenir devant la Cour puis éventuellement devant le Conseil d’Etat qu’il a fait l’objet d’un pré-jugement avant l’ouverture de l’instance juridictionnelle le concernant ;

constatations de fait, elle procédait déjà à une véritable qualification juridique de ces faits ».

- il ne peut être exclu qu’une communication de la Cour soit, d’une manière ou d’une autre, portée à la connaissance de personnes faisant l’objet, devant la juridiction, des procédures juridictionnelles en cours qui y seraient évoquées ;

- toutes les communications de la Cour sont susceptibles de faire l’objet d’une publication par leurs destinataires sans que l’avis de la juridiction soit sollicité. Il faut noter à cet égard qu’une divulgation intempestive, toujours possible par la voie d’une fuite organisée ou accidentelle, n’est qu’une circonstance aggravante. L’hypothèse n’est pas d’école et l’on peut utilement se rappeler à ce propos les termes de la jurisprudence du Conseil d’Etat (Section, 12 février 1993, Mme Gaillard) qui montre que le texte litigieux devient public parce que la presse s’en saisit et également penser aux fuites possibles à la suite des envois facultatifs ou obligatoires des communications de la Cour au parlement prévus aux articles L. 135-2, L. 135-3, L. 135-5 ;

Les conséquences à tirer de ces considérations concernent les pratiques de la Cour en matière de rédaction de ses communications. Il n’est certes pas interdit au regard de la jurisprudence Labor Métal d’évoquer les faits dans une communication publique ou confidentielle mais il convient d’adopter désormais une démarche prudente. En effet, il serait risqué de s’écarter d’une évocation la plus neutre possible des faits bruts, sans commentaires et sans qualification. Il serait avisé de ne commenter une affaire que lorsqu’elle est parvenue à un stade définitif de la procédure sans préjuger des phases ultérieures de celle-ci. A cet égard, l’accélération du traitement des dossiers, notamment des gestions de fait, serait de nature à permettre à la juridiction de s’exprimer publiquement en temps utile dans le rapport public ; Dans certains cas, la Cour pourrait préférer la voie de l’expression publique mais ce faisant elle s’interdirait d’ouvrir la procédure de sa propre initiative ou sur réquisitoire du Parquet, ou de la poursuivre si elle était déjà ouverte ; Elle pourrait également envisager un recours accru au Parquet, les règles d’impartialité n’étant pas applicables au ministère public. Ainsi le soin d’évoquer les faits et leur irrégularité et de solliciter une régularisation, sous peine de l’ouverture d’une procédure contentieuse, pourrait être laissé au Procureur général par la voie d’une note du parquet qui soulignerait que cette communication est effectuée en vertu de ses pouvoirs propres et non à la demande de la Cour ; b) Sur l’organisation des travaux de la Cour Il convient d’éviter que des magistrats ayant connu en première instance ou en appel des affaires jugées après cassation par les chambres réunies puissent siéger au sein de cette instance pour les mêmes affaires. Rien dans les textes actuels n’interdit de se récuser et il pourrait être recommandé aux membres titulaires et suppléants des chambres réunies de se récuser le cas échéant. On peut noter sur ce point que le Premier Président et les présidents de chambre, membres ès qualité des chambres réunies, peuvent être normalement remplacés au sein de cette formation dans les conditions prévues par l’article 15 du décret du 11 février 1985 modifié. Si on voulait aller jusqu’à exclure entièrement la chambre qui a rendu l’arrêt litigieux de la formation des chambres réunies, il faudrait modifier en ce sens l’article 8 dudit décret qui fixe la composition de cette formation ; 3) Sur les risques possibles en ce qui concerne les procédures de la Cour Comme cela a été dit, l’arrêt Labor Métal concerne principalement les pratiques de la Cour et n’impose pas à lui seul de modifications substantielles des procédures ; Mais derrière cette décision se profile une extension de l’application du principe d’impartialité soit dans le cadre des principes généraux du droit, soit dans celui de l’article 6-1 de la convention européenne ; Ni la Cour européenne des droits de l’homme, ni le Conseil d’Etat n’ont pour l’instant remis en cause la non-application des dispositions de l’article 6-1 au jugement des comptes. Pour les

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débets en effet, la non-application de cet article repose sur des arguments tenant au caractère public, et non privé, des fonctions exercées par les comptables, à l’origine de leurs obligations qui résultent du règlement général sur la comptabilité publique et non de contrats, au fondement de leur responsabilité, régie par une loi de finances qui est un acte de droit public par excellence. Le Conseil d’Etat s’en tient à la position qu’il a affirmée à propos du jugement des comptes des comptables de fait, comme le rappelle le commissaire du gouvernement Seban dans ses conclusions sur l’arrêt Labor Métal : la Cour des comptes n’entre pas dans le champ d’application de l’article 6 de la convention lorsqu’elle statue sur les comptes des comptables de fait (CE, 16 novembre 1998, SARL Deltana et M. Perrin). Il en est de même lorsqu’elle juge les comptes des comptables patents (CE, 16 juin 1991, ville d’Annecy, Rec. 1991 et 3 avril 1998, Mme Barthélémy, receveur des fondations de l’Institut de France) ; Certes à terme ne peut être exclue une remise en cause de cette position qui repose sur le principe de la distinction d’un contentieux objectif et d’un contentieux subjectif, distinction souvent traduite par l’aphorisme « la Cour juge des comptes et non des comptables ». De surcroît, l’article 6-1 ne se limite pas à la matière pénale et traite aussi des « contestations sur des droits et obligations de caractère civil ». Or il reste que, du fait des sûretés qui grèvent ses biens, le comptable public patent ou de fait, déclaré débiteur, peut se trouver lésé dans ses droits patrimoniaux. Les risques de voir la procédure du jugement des comptes entrer un jour ou l’autre dans le champ d’application de la convention européenne paraissent toutefois lointains et on peut penser que le Conseil d’Etat n’est pas prêt ici de changer son point de vue On peut en revanche craindre une extension du champ d’application des principes généraux du droit et des dispositions particulières de l’article 6-1, déjà acquise pour les amendes, à l’ensemble des procédures de la Cour relatives à la gestion de fait. Certes des modifications aux textes ont déjà été apportées s’agissant de l’introduction de l’audience publique en 1996 ou sont imminentes s’agissant de l’exclusion du rapporteur du délibéré suite à l’avis du Conseil d’Etat dans le cadre de la codification qui arrive à son terme (articles R 141-13, R 245-5 et R 262-102 du code des juridictions financières). Mais ces modifications sont très ponctuelles et elles sont limitées aux procédures propres au prononcé des amendes. Elles présentent en outre le sérieux inconvénient de superposer des procédures (audition et audience publique, double arrêt et audience publique) ce qui est source de lourdeur, de complication et d’opacité, les procédures des juridictions financières devenant ainsi de plus en plus incompréhensibles pour le justiciable ; Le temps est peut être venu de réfléchir au devenir de ces procédures dans leur ensemble. Dans cette perspective, il importe de déterminer leurs points faibles, de déceler les zones à risques au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, du Conseil d’Etat et des juridictions judiciaires dont il est frappant de constater la convergence actuelle autour de l’application des principes généraux du droit (présomption d’innocence, impartialité, droits de la défense), des principes généraux de procédure (séparation des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement) et des dispositions de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (procès équitable, délai raisonnable) et de modifier en conséquence ces procédures ; Il apparaît dans cette perspective que les zones à risque sont :

- les délais mis pour juger et apurer les gestions de fait. Il suffit de se reporter aux statistiques qui figurent dans la mercuriale du parquet pour constater que la Cour n’est pas toujours irréprochable en la matière et que la notion de délai raisonnable est directement en cause ;

- la participation du rapporteur au délibéré qui subsistera dans les procédures même après les modifications introduites par la codification en cours, celle-ci n’intéressant que le prononcé des amendes (Cf. supra). A cet égard, Nous ne pouvons que rappeler les conséquences à tirer de l’arrêt du Conseil d’Etat du 3 décembre 1999, Didier/Conseil des marchés financiers sur les pouvoirs des rapporteurs et les principaux points soulevés à ce sujet

dans Notre note du 14 janvier 2000, notamment en ce qui concerne l’application des quatre critères d’impartialité définis par Cet arrêt, ainsi que les conclusions d’appel n°

4892 du 24 janvier 2000 relative à l’affaire Région d’Alsace et Société RMR ;

- d’une façon générale, la confusion dans nos procédures des phases de poursuite, d’instruction et de jugement peut être critiquée. C’est ce que vient de faire la Cour d’appel de Paris à propos de la Commission des opérations de bourse dans son arrêt du 7 mars 2000, Société KPMG/COB, qui critique dans la procédure suivie par cette instance que « le collège de la Commission a, successivement, dans les conditions ci-dessus mentionnées, décidé la mise en accusation de la société KPMG sur des faits qu’il a constatés, formulé les griefs visant la personne poursuivie, statué sur sa culpabilité et sanctionné cette dernière », tout en précisant que le principe du cumul de ces fonctions n’est pas en lui-même contraire à l’exigence d’impartialité, mais que les modalités concrètes de sa mise en œuvre doivent en garantir l’apparence. Il apparaît que cet arrêt va dans le même sens que celui qui est amorcé par le Conseil d’Etat, notamment dans l’arrêt Didier susvisé soit une séparation de plus en plus marquée dans les procédures devant les juridictions financières entre les fonctions de poursuite (l’autosaisine apparaît comme particulièrement critiquable), d’instruction et de jugement. Mais une telle dissociation de la fonction d’instruction et de jugement porte probablement en germe la nécessité de distinguer la phase de contrôle (tout en conservant l’unité du celui-ci) et la phase de poursuite, d’introduire cette dernière par un réquisitoire du ministère public, de confier l’instruction à un rapporteur distinct de celui qui a fait le contrôle et de faire disparaître la règle du double jugement provisoire puis définitif. Sur tous ces points, renvoyons à Nos conclusions sur le rapport de M. Doyelle ;

4) Sur le contenu de l’avis des chambres réunies S’agissant de la Cour des comptes, l’avis des chambres réunies pourrait, parmi les questions évoquées ci-dessus, aborder les points suivants :

- le champ d’application de l’arrêt Labor Métal s’agissant des décisions juridictionnelles concernées, des communications administratives concernées et plus largement des divers moyens de communication des juridictions financières (point en partie commun à la Cour et aux chambres régionales des comptes) ;

- les recommandations relatives aux procédures en cours et susceptibles de soulever des difficultés suite à cette jurisprudence (point également commun) ;

- les recommandations en matière d’expression des juridictions financières dans leurs communications publiques ou non (point commun) ;

- l’accélération souhaitable des procédures juridictionnelles ;

Pour le reste (étude des modifications éventuelles à apporter aux procédures). un groupe de travail associant des magistrats de la Cour et des chambres régionales des comptes, mais aussi la commission consultative de la Cour et le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, pourrait être constitué pour se livrer à la réflexion qui paraît indispensable, notamment sur les principales zones à risques évoquées ci-dessus, en vue d’élaborer les solutions et éventuellement les modifications législatives et réglementaires susceptibles de sécuriser les procédures des juridictions financières.

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NOTE Qui saisit ne peut juger, qui instruit ne peut juger,

qui a jugé ne peut rejuger, qui a donné un avis ne peut juger9.

Depuis un peu plus de vingt ans, la Convention européenne des droits de l’homme et les principes qui en découlent inspirent de plus en plus largement les règles et procédures de droit interne, en particulier s’agissant des juridictions administratives10. La juridiction financière était jusqu’à présent restée relativement « épargnée » par ces évolutions puisque seul le régime juridique des amendes pour gestion de fait avait fait l’objet de modifications par l’introduction du caractère public de l’audience.

Mais l’évolution allait se précipiter au cours des dernières années ; d’abord, à la suite du revirement entrepris en matière de publicité des audiences disciplinaires11, l’affaire « Lorenzi » allait donner au Conseil d’Etat (CE, 30 octobre 1998, M. Lorenzi, Rec. CE 374 ; RF fin. publ. 1999. 189, note Pierucci) d’étendre l’applicabilité des stipulations de l’art. 6 Conv. EDH à la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF, Arrêt du 16 juin 1999, La Revue du Trésor 2000. 129 avec nos observations).

Avec ce qu’il faut bien appeler « l’affaire » Labor Métal, c’est le juge des comptes lui-même qui est en première ligne ; certes, si le Conseil d’Etat réaffirme que les stipulations de la Conv. EDH ne sont pas applicables à la procédure de gestion de fait, il annule néanmoins l’arrêt de la Cour des comptes pour violation de principes généraux du droit : le principe d’impartialité, le principe des droits de la défense et le principe de la présomption d’innocence : en l’espèce, encourt la cassation l’arrêt de déclaration définitive de gestion de fait dès lors que les irrégularités avaient d’ores et déjà été relevées dans le rapport public de la Cour des comptes, délibéré et adopté dans sa formation la plus solennelle : la Chambre du conseil. On précisera, à titre liminaire, que les irrégularités dénoncées par la Cour, tant dans son rapport public 1996 que dans l’arrêt contesté, ne faisaient absolument aucun doute ; en témoignent tant la réponse du ministre de la Défense (rapport p. 66) que les constatations du Commissaire du gouvernement Seban selon lequel “la Cour des comptes a découvert un système rudimentaire mais efficace de caisse noire. Avec la complicité d’un fournisseur, la société Labor Métal, fabricant de mobilier métallique, certains services du commissariat de l’armée de terre passaient des marchés fictifs de fournitures. Ces marchés donnaient lieu à de fausses certifications de service fait, les sommes correspondantes étaient versées à la société Labor Métal, qui, après avoir prélevé une commission, les mettait à la disposition du service pour régler diverses factures, telles que la décoration des bureaux d’officiers généraux”.

Si l’arrêt du Conseil d’Etat a déjà fait l’objet de plusieurs commentaires12, l’état du droit s’est trouvé très récemment modifié par l’intervention, à la demande du Premier Président de la Cour des comptes, en application de l’art. R.112-18 alinéa 4 CJF, d’un avis des

9 P. Crocq, Le droit à un tribunal impartial, in Droits et libertés fondamentaux, sous la direction de R. Cabrillac, M.A. Frison-Roche et T. Revet, Dalloz 1997 p. 359. 10 S. Braconnier, Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et droit administratif français, Bruylant 1997 ; M. Cliquennois (Dir.), La Convention européenne des Droits de l’Homme et le juge français, L’Harmattan 1997. 11 CE. Ass. 14 février 1996 , Maubleu : JCP 1996/II/22669, note M. Lascombe et D. Vion. 12 RD publ. 2000. 335, note X Prétot p. 323 ; AJDA 2000. 464, chr. M. Guyomar et P. Collin p. 404 ; RFD adm. 2000. 435, concl. Seban ; RFFP juin 2000 n° 70 p. 207, note G. Orsoni ; Dr Adm. 2000 n° 61, note Henry-Michel CRUCIS. Voir aussi CE, 19 avril 2000, Lambert, req. n° 199641 qui annule l’arrêt de la Cour des comptes n° 19513 du 6 mai 1998 ; CE, 19 avril 2000, Sté Labor Métal et autres, Boillaud, req. n° 195717 et 195766 qui annule l’arrêt de la Cour des comptes n° 18082 du 7 novembre 1997 ; CE, 19 avril 2000, Sté Labor Métal et autres, Boillaud, req. n° 195716 et 195765 qui annule l’arrêt de la Cour des comptes n° 18084 du 7 novembre 1997.

Chambres réunies sur la portée des arrêts Labor Métal13. Contrairement à ce que certains commentateurs avaient pu penser initialement, il apparaît que les arrêts du Conseil d’Etat vont très au-delà d’une simple question de procédure en matière de gestion de fait et sont susceptibles de remettre en cause certains des éléments les plus fondamentaux des procédures suivies par notre juge financier. Sans prétendre ici traiter de manière exhaustive l’ensemble de cette question, on voudrait néanmoins insister sur les difficultés et les ambiguïtés qui découlent directement de la solution retenue par le Conseil d’Etat (I.) pour tenter ensuite d’en évaluer les conséquences (II.).

I. Les ambiguïtés de la solution retenue par le Conseil d’Etat L’affaire Labor Métal aurait pu permettre au Conseil d’Etat d’abandonner sa jurisprudence restrictive antérieure relative à la non-applicabilité des stipulations de la Conv. EDH à la procédure de gestion de fait. Qu’il ne l’ait pas fait n’étonnera pas l’analyste, tant les conséquences d’un tel revirement pourraient s’avérer importantes, y compris sur ses propres missions. Mais la Haute assemblée a cependant tenu à faire application des principes qui constituent l’ossature même du droit au procès équitable. Le Conseil d’Etat est parvenu ainsi à imposer le respect des principes issus de la Conv. EDH tout en réaffirmant son inapplicabilité.

A. La gestion de fait n’est pas une « accusation en matière pénale »

Avec une constance qui frise peut-être à l’obstination, le Conseil d’Etat a, une nouvelle fois (CE 6 janvier 1995, Gouazé, Rec. CE 12 ; AJDA 1995. 163), réaffirmé l’inapplicabilité de l’art. 6 Conv. EDH à la procédure de gestion de fait, exception faite de l’amende (CE, 16 décembre 1998, SARL Deltana et M. Perrin, RFD adm. 1999. 246) ; la Cour des comptes adopte la même position (C. comptes 11 mars et 29 avril 1993, Carrignon et autres, Ass. Animation sociale grenobloise, Cne de Grenoble, Rec. C. comptes 20 ; RF fin. publ. 1994 n° 47, p.177 ; La Revue du Trésor 1993. 542 ; D. 1994. J. 534, note Magnet ; 9 décembre 1993, Médecin et Oltra, Comité des fêtes, des sports et des arts de la ville de Nice, Rec. C. comptes 125).

Nul doute par conséquent sur ce point : la gestion de fait ne constitue ni une contestation portant sur des droits et obligations à caractère civil ni une accusation en matière pénale (C. comptes 4 mai 1993, Association Œil émergence et autres, Cne de La Ciotat, Rec. C. Comptes 62 ; La Revue du Trésor 1993. 697 ; RF fin. publ. 1994 n° 47, p. 177 ; 4 mai 1995, Médecin et autres, Association Nice-communication : Rec. C. comptes 24 ; La Revue du Trésor 1995. 539 ; 18 décembre 1995, Commune d’Illkirch-Graffenstaden, La Revue du Trésor 1996. 324). Plus précisément, la déclaration de gestion de fait n'est pas une décision à caractère pénal (CE 12 décembre 1969, Darnac, Rec. CE 578). Elle constitue seulement un moyen permettant de faire supporter pécuniairement par le gestionnaire de fait ou par ses héritiers la responsabilité des opérations irrégulières ainsi effectuées (C. Comptes 2 mars 1972, Ravault, Rec. C. comptes 19). Le Parquet général près la Cour prend acte de cette réaffirmation de l’inapplicabilité de l’art. 6 en relevant que « Le Conseil d’Etat a choisi de fonder la protection qu’il entend assurer aux justiciables sur deux principes généraux du droit, le principe d’impartialité et celui des droits de la défense, auxquels il prête la vertu d’une protection sensiblement équivalente à celle dont lesdits justiciables jouiraient dans un procès pénal ou concernant des accusations en matière pénale au sens de l’article 6 de la convention européenne par application, notamment, du principe de la présomption d’innocence ».

Cette irréductible foi dans l’inapplicabilité des stipulations de l’art. 6 est pourtant loin de faire l’unanimité et continue de poser des problèmes quasiment insurmontables dans l’articulation des procédures juridictionnelles.

1. La « coloration pénale »

13 Nous adressons nos plus vifs remerciements à M. le Premier Président pour nous avoir autorisé à publier l’Avis des Chambres réunies et à Mme le Procureur général de nous avoir communiqué et autorisé à publier ses conclusions.

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Sans revenir ici sur les hésitations doctrinales et jurisprudentielles quant à la nature de la gestion de fait, on rappellera que le Président Braibant avait souligné la « coloration pénale » de cette procédure (concl. sous CE, 12 décembre 1969, Darrac, Rec. CE 578). Le Commissaire du gouvernement Seban démontre d’ailleurs magistralement dans ses conclusions les points de convergence entre procédure pénale et gestion de fait : déclenchement de la procédure par une véritable « action publique », traitement des comptables de fait présumés comme de véritables « prévenus » devant une juridiction répressive, obligation de compter devant le juge des comptes, prononcé éventuel d’une amende, prise en compte du comportement personnel et de la « loyauté » des comptables de fait. A cet égard, le Commissaire du gouvernement note avec raison que « le jugement de la gestion de fait laisse ainsi une place à une recherche subjective des intentions et des responsabilités, et la déclaration de gestion de fait, si elle n’est pas une sanction, est certainement une mesure prise en considération de la personne ».

2. Le « malaise » juridictionnel

La lecture des arrêts de la Cour des comptes et du Conseil d’Etat révèle que ces hautes juridictions sont assez embarrassées sur la question de la mise en œuvre de l’art. 6 Conv. EDH. En effet, la Cour estime, qu’à supposer que l’art. 6 Conv. EDH soit applicable, la procédure de gestion de fait n’y serait pas substantiellement contraire (C. comptes 11 mars et 29 avr. 1993, Carrignon et autres, Ass. Animation sociale grenobloise, Cne de Grenoble : Rec. C. comptes 20 ; La Revue du Trésor 1993. 540 ; D. 1994. J. 534, note Magnet ; RF fin. publ. 1994 n° 47, p.179). Elle a par ailleurs ajouté que les principes qui sont à la base de la Convention s'imposent à elle lorsqu'elle statue sur une déclaration de gestion de fait (C. comptes 26 mai 1992, Médecin et autres, Association Nice-communication : Rec. C. comptes 49 ; La Revue du Trésor 1992. 662 ; Rev. adm. 1992. 528 ; GAJF 4° éd. n° 38). Le débat est encore obscurci par la jurisprudence financière elle-même, qui n’hésite pas à qualifier le comptable de fait de “justiciable”, alors que ce sont les comptes qui sont en jugement, et qui insiste fréquemment sur la dimension de sanction et de réparation que connaît la procédure. Si l’on comprend bien le raisonnement, le droit au procès équitable garanti par l’art. 6 n’est pas applicable … mais son “esprit” s’applique quand même.

Le Commissaire du gouvernement Seban ne défend pas une autre position dans l’affaire Labor Métal ; en effet, il n’hésite pas à invoquer la violation de la présomption d’innocence révélée par l’insertion au rapport public 1996 de l’affaire Labor Métal. Or, on ne peut pas à la fois soutenir que la Conv. EDH n’est pas applicable à l’instance de gestion de fait et invoquer des affaires pour lesquelles « le détour par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales avait été nécessaire car, en droit interne, la présomption d’innocence, consacrée par l’article 9 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et par l’article 11 du code de procédure pénale, n’est applicable qu’à la matière pénale stricto sensu ». Le Commissaire du gouvernement le reconnaît lui-même quand il affirme que “Le parallèle qu’on pourrait être tenté de faire avec la présente affaire trouve ici une limite très évidente, car la Cour des comptes, lorsqu’elle statue en matière de gestion de fait, n’entre pas dans le champ de l’article 6 de la convention”.

Il ne reste plus alors au Commissaire du gouvernement qu’à échafauder un raisonnement, certes intellectuellement séduisant, mais passablement alambiqué, consistant à soutenir que la simple éventualité du prononcé de l’amende pour gestion de fait pourrait justifier que “certaines garanties de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et en particulier le principe de la présomption d’innocence prévu au paragraphe 2, soient respectées durant toute la phase préalable au débat contentieux sur l’amende pour gestion de fait”. Et d’invoquer la jurisprudence de la Cour de Strasbourg (Cour EDH, 28 octobre 1993 "Imbrioscia c/ Suisse" (série A n° 275) ; 23 janvier 1995 "Allenet de Ribemont c/ France ; 8 février 1996, John Murray c/ Royaume Uni, Rec. 1996-I p. 49, Rev. science crim. 1997 p. 476 ; 26 septembre 1996, Miailhe c/ France (n° 2), Rec. 1996-IV p. 1338) relatives à l’application des stipulations de l’article 6 par. 2 relatives à la présomption d’innocence devant une autorité administrative en principe non soumise au respect des prescriptions de l’article 6.

Fort heureusement, le Commissaire du gouvernement a finalement renoncé à cette solution qui “reviendrait en pratique à assujettir la Cour des comptes au respect des stipulations de l’article 6 par. 1”, ce que le Conseil d’Etat se refuse toujours à admettre. Il conclut toutefois qu’il convient néanmoins de “s’inspirer” des principes issus de l’art. 6 ! Ainsi, comme le notent des commentateurs particulièrement avisés, “si la procédure de gestion de fait n’est pas, en droit, soumise aux stipulations de la Convention, le Conseil d’Etat n’en a pas moins, de facto, fait application des principes dont elles s’inspirent, conférant ainsi aux règles de droit interne leur pleine efficacité pour garantir les droits des justiciables” (M. Guyomar et P. Collin, AJDA 2000.408).

Nous ne pouvons dés lors qu’unir notre voix (X. Vandendriessche, La déclaration de gestion de fait, RFFP 2000 n° 66 p. 21) à celle de Xavier Prétot (RD publ. 2000. 335) qui regrette, à juste titre, que la décision du Conseil d’Etat soit imprécise dans ses fondements, préférant la référence aux principes généraux du droit plutôt qu’à la Conv. EDH) et oppose la frilosité du Conseil d’Etat à la clarté des positions de la Cour de cassation. Peut-être serait-il souhaitable de lever le voile et d’admettre comme le suggérait récemment encore G. Orsoni (note sous Labor Métal, RFFP 2000. 207), au moins pour la gestion de fait, le principe de l’applicabilité de l’art. 6 Conv. EDH. Il faut ainsi admettre que « La gestion de fait est devenue une procédure de plus en plus détachée du jugement des comptes du comptable régulier, avec une orientation répressive qui ne s’assume pas » (R. Hertzog, La nécessaire réforme de la procédure de gestion de fait, RFFP 2000 n° 66 p. 87). Comme le notait le Parquet, « l’article 6-1 ne se limite pas à la matière pénale et traite aussi des “contestations sur des droits et obligations de caractère civil”. Or il reste que, du fait des sûretés qui grèvent ses biens, le comptable public patent ou de fait, déclaré débiteur, peut se trouver lésé dans ses droits patrimoniaux ».

Comme le notait déjà l’Avocat général Lafortune (Concl. sur Cass. com. 1er décembre 1998, Oury c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull. 1998 IV n° 283, Gaz. Pal. 24-25 février 1999, p. 8), « le caractère punitif et dissuasif des sanctions pécuniaires susceptibles d’être infligées par la COB pour manquement à ses règlements justifie, comme en matière pénale, le respect par l’autorité de sanction de la présomption d’innocence dont bénéficie la personne poursuivie ». Le raisonnement vaut, a fortiori, s’agissant de la procédure de gestion de fait, relevant d’une véritable juridiction et susceptible d’entraîner le prononcé d’une amende lourde, pouvant atteindre le montant des détournements opérés.

B. Les incertitudes entourant la notion d’impartialité Le droit français n’a pas attendu la jurisprudence de la Cour EDH pour exiger de ses juges et de ses juridictions le respect d’un devoir absolu d’impartialité ; celle-ci doit tout à la fois exister pour chaque magistrat pris individuellement, et c’est le système de la récusation qui s’applique, et pour le Tribunal lui-même grâce à la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime. On ne peut que se féliciter que le Conseil d’Etat ait rappelé l’absolue nécessité du respect de ce principe tout en regrettant que les solutions offertes aujourd’hui par le droit positif semblent très largement insuffisantes. En effet, la voie de la récusation (1) a effectivement été actionnée en l’espèce devant la Cour des comptes, mais sans succès ; quant à la suspicion légitime (2) , elle n’est pas opératoire devant une juridiction qui, seule de son espèce, ne connaît pas de juridiction susceptible de statuer sur renvoi.

1. La récusation comme remède à l’impartialité “individuelle” ou “subjective”

Le principe d’impartialité suppose que chaque magistrat composant une formation de jugement puisse être valablement considéré comme individuellement impartial. La Cour avait d’ailleurs indiqué, dans la présente affaire, que la stricte application des règles de procédure inscrites au NCPC relatives à la récusation permet de satisfaire pleinement les exigences de l’équité et de l’impartialité qui sont dues à tout justiciable (C. comptes 24 septembre 1997, affaire des marchés fictifs passés par les services du commissariat de l’armée de terre (5 espèces), La Revue du Trésor 1998. 42, note R. Ludwig).

Ainsi, la Cour fait application aux chambres régionales des comptes du principe selon lequel tout justiciable a un droit reconnu de récuser

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son juge ou de demander le renvoi à une autre juridiction, si la juridiction est suspecte de partialité, du moins tant que celle-ci n'a pas statué définitivement sur la responsabilité du comptable (C. comptes 13 juin 1991, Médecin et autres, Association Nice-Communication, Rec. C. comptes 64 ; La Revue du Trésor 1994. 270 ; GAJF 4° éd. n° 9). Elle estime même que ce principe lui est également applicable, dès lors que les dispositions du NCPC ne sont pas inconciliables avec son organisation et son fonctionnement (C. comptes 24 septembre 1997, préc.).

Par analogie avec les règles issues du Nouveau code de procédure civile, il est prévu que la demande doit être présentée devant la juridiction à laquelle appartient le magistrat dont est sollicitée la récusation (C. comptes 14 novembre 1996, ancien Président du Conseil général du Gard, La Revue du Trésor 1997. 538) avant que celle-ci ait rendu une décision fixant définitivement la situation des comptables en cause. Le ou les magistrats récusés peuvent acquiescer à la demande ou faire connaître les motifs pour lesquels ils s’y opposent (art. 347 NCPC).

La Cour a eu à se prononcer sur la question de savoir si une demande de récusation fondée sur la participation de magistrats, tout à la fois à la procédure de gestion de fait et aux délibérations du rapport public qui avait mentionné l’affaire en cause, était recevable. Elle a répondu négativement en considérant que nul ne peut dessaisir les magistrats de la Cour de l’exercice de leur compétence juridictionnelle au motif qu’ils ont rempli leur mission d’information et de prévention, l’une et l’autre étant d’ordre public et du ressort exclusif de la Cour. Au surplus, dès lors que les analyses présentées dans le rapport public se limitent à constater des faits et ne contiennent aucune imputation personnelle ni aucune qualification juridique, les magistrats présents aux délibérations de la Chambre du Conseil n’avaient pas connu l’affaire comme juges ; selon la Cour, le rapport public se limitait « à constater des faits et qu’aucune imputation personnelle ni aucune qualification juridique n’y pouvaient être relevées » (C. comptes 24 septembre 1997, préc.). Cette décision de principe est importante à plus d’un titre : en premier lieu, elle avait permis de mettre fin à l’incident de récusation dans l’affaire Labor Métal et on ne peut que regretter que le Conseil d’Etat n’ait pu statuer en cassation, le pourvoi étant devenu sans objet dès lors que la Cour des comptes avait, dans l’intervalle, rendu son arrêt de déclaration définitive de gestion de fait. Surtout, la Cour adopte ici une position de principe aujourd’hui largement remise en cause : un magistrat ne peut être suspecté de partialité parce qu’il exerce les attributions que la loi lui confie. Autrement dit, et le raisonnement est très largement transposable à l’institution elle-même (cf. infra), l’argument tiré du défaut d’impartialité était considéré comme sans objet, le cumul des fonctions et des tâches étant légalement organisé.

En revanche, dans ses conclusions, le Commissaire du gouvernement Seban pose explicitement la question de l’impartialité des magistrats qui avaient siégé en Chambre du Conseil pour adopter le rapport public et qui avaient ensuite participé au délibéré de la 1ère section de la 2ème chambre qui a statué sur la gestion de fait : “la question se pose de savoir si ces magistrats disposaient personnellement de l’impartialité nécessaire pour se prononcer au contentieux sur une affaire sur laquelle ils avaient déjà été amenés à se former une opinion lors de la délibération du rapport public annuel (…) [il convient que] l’opinion des magistrats ne se forme que par le procès et ne soit pas influencée par des idées préconçues ou des suggestions venues de l’extérieur, et que, d’autre part, les parties puissent raisonnablement avoir la conviction qu’il en est ainsi. "Justice must not only be done, it must be seen to be done". Peut-être la Cour aurait-elle fait l’économie de la cassation par le Conseil d’Etat si elle avait favorablement accueilli la demande de récusation des six magistrats concernés. En effet, il est de jurisprudence constante qu’un membre d’une juridiction administrative qui a publiquement exprimé son opinion sur un litige ne peut participer à la formation d’un jugement statuant sur le recours formé contre une décision statuant sur ce litige " (CE, 22 juin 1928, Élections de Limoux, Rec. p. 780 ; Sect., 18 février 1949, Viet, Rec. p. 84 ; Sect., 21 octobre 1966, Société française des mines de Seintein, Rec. p. 564, AJDA 1966 p. 608 chron. J.-P. Lecat et J. Massot ; 18 janvier 1983, Guillemaut, Rec. T. p. 828 ; 17 avril 1985, Confédération des associations autonomes des sinistrés, Rec. T. p. 736). Le Commissaire du gouvernement Seban a évoqué cette possibilité, mais pour la rejeter

aussitôt : “on peut supposer qu’une instance aussi nombreuse, comprenant tous les présidents de chambre et conseillers-maîtres, ne débat guère du détail des affaires, qui est examiné dans d’autres formations, les chambres et le comité du rapport public. Dans ces conditions, il nous semblerait assez artificiel de faire retomber le blâme sur les six magistrats en cause et, en vérité, le problème ne se fût guère posé en termes différents s’ils s’étaient récusés. Car au-delà de leur impartialité personnelle, il faut s’interroger sur celle de la Cour des comptes elle-même”.

L’avis des Chambres réunies rappelle ainsi pour l’avenir que « tout magistrat qui, dans l’exercice de ses fonctions antérieures ou actuelles ou autrement, se serait publiquement exprimé sur des affaires dont il aurait ultérieurement à connaître comme juge doit se déporter ou acquiescer aux récusations qui pourraient être proposées par les parties et que ceux des membres de la Cour qui auraient participé, soit au stade provisoire, soit au stade définitif, aux délibérations desquelles est résulté un arrêt cassé doivent s’abstenir de siéger aux chambres réunies appelées, sur renvoi, à connaître de la même affaire ».

Faut-il aller plus loin et confier à des rapporteurs différents le contrôle juridictionnel et l’examen de la gestion, au risque de faire perdre à la juridiction financière son unité, sa cohérence et son efficacité ? Nous ne le pensons pas tant ces deux types de contrôle sont étroitement imbriqués, l’efficacité de l’un reposant très largement sur le déroulement de l’autre.

2. La suspicion légitime à l’encontre de la juridiction Si c’est la juridiction dans son ensemble qui est suspecte de partialité, notamment parce qu’elle a connu de l’affaire précédemment dans le cadre d’une activité non juridictionnelle, il est loisible aux parties de solliciter le renvoi de l’affaire à une autre juridiction pour cause de suspicion légitime (art. 356 s. Nouv. CPC).

Force est de constater que le dessaisissement d’une juridiction pour suspicion légitime n’est pas prévu par les textes relatifs au juge des comptes. Toutefois, la Cour a considéré que, selon une règle générale de procédure, tout justiciable est recevable à demander à la juridiction immédiatement supérieure qu’une affaire dont est saisie la juridiction compétente soit renvoyée devant une autre juridiction du même ordre, parce que, pour des causes dont il appartient à l’intéressé de justifier, le tribunal compétent est suspect de partialité ; aucune disposition législative expresse n’a écarté l’application de cette règle, prévue aux art. 356 s. NCPC, pour les juridictions financières et elle n’est pas inconciliable avec leur organisation (C. comptes 11 octobre 1990, Médecin, Vérola et Chapelin, La Revue du Trésor 1991. 124 ; 10 février 1994, comptable de la Commune de Corte, La Revue du Trésor 1994. 270 ; 14 novembre 1996, ancien Président du Conseil général du Gard, La Revue du Trésor 1997. 538).

Reste que la requête à fin de renvoi pour suspicion légitime doit être portée devant la juridiction immédiatement supérieure, ce qui pose évidemment le problème de la Cour, juridiction seule de son espèce. La “juridiction supérieure” en l’espèce ne pourrait être que le Conseil d’Etat appelé à statuer sur un pourvoi en cassation (cf. infra) ; or, la Cour avait considéré qu’exerçant de plein droit et sans partage toutes les compétences qui lui sont attribuées par la loi, elle ne connaît pas, dans son ordre, de juridiction supérieure (C. comptes 24 septembre 1997, affaire des marchés fictifs passés par les services du commissariat à l’armée de terre (5 espèces)préc.).

Au surplus, il a été jugé que l’intervention de la déclaration définitive de gestion de fait rend sans objet le pourvoi en cassation formé contre l’arrêt de la Cour ayant rejeté une demande de renvoi pour suspicion légitime (CE 3 février 1993, Médecin, Vérola et Chapelin, Rec. CE T. 697 ; La Revue du Trésor 1993. 621), ce qui rend relativement illusoire cette voie de droit.

L’état du droit en la matière n’est donc, s’agissant de la Cour des comptes, pas satisfaisant ; il pose, plus largement, le problème des juridictions supérieures et, tout particulièrement, du Conseil d’Etat. Car si l’on admet que la Haute assemblée puisse accueillir de telles requêtes formées à l’égard de la Cour des comptes, quelle juridiction serait-elle susceptible d’accueillir une revendication identique, mais cette fois à l’égard du Conseil d’Etat lui-même ?

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C. Les difficultés de la notion de pré-jugement La solution retenue par le Conseil d’Etat repose toute entière sur l’idée qu’en se prononçant successivement dans son rapport public et dans le cadre de son activité contentieuse, la Cour des comptes a violé les droits de la défense en pré-jugeant le litige. Il convient donc de se pencher sur la notion même de pré-jugement (1) avant que d’envisager la délicate question du cumul, au sein d’une même institution d’activités administratives et juridictionnelles (2).

1. La notion de pré-jugement Ce qui est reproché à la Cour n’est pas d’avoir fait mention dans le rapport public des faits litigieux mais d’en avoir relevé l’irrégularité. Le Commissaire du gouvernement note ainsi que “les opérations réalisées par la direction de Rennes sont décrites avec un grand luxe de détails sous le titre " La constitution de réserves occultes ". On lit ainsi : " Il est apparu que les douze entreprises, titulaires apparentes des commandes et dont certaines exerçaient des activités sans rapport avec la fabrication et le commerce de meubles, servaient de prête-noms au véritable fournisseur, lequel était en réalité la société déjà citée et impliquée dans les montages précédents […] Pour obtenir le paiement, la DICAT de Rennes a apposé sur les factures produites à l’appui des mandats de fausses certifications du service fait et de faux numéros d’inventaire, ces derniers extraits d’une comptabilité fictive mise en place à cette occasion. " (pp. 64-65)” (…) la société LABOR-MÉTAL n’était pas citée nommément, mais l’allusion était apparemment suffisamment transparente pour que la presse, commentant cette publication, l’ait aisément identifiée”. Le Commissaire du gouvernement va même encore plus loin puisqu’il considère, de manière assez originale, que ces constatations équivalaient à une déclaration de gestion de fait.

Par suite, la société Labor-Métal a vu ses droits de la défense violés dès lors que, dans une formation solennelle, la Cour des comptes avait « préjugé » de sa position juridictionnelle future : “la Cour des comptes a formé une première opinion sur les faits de l’affaire, et estimé qu’ils révélaient des irrégularités constitutives de gestion de fait, sur la base d’un rapport de vérification du commissariat de l’armée de terre, qui ne figure pas au dossier de la procédure juridictionnelle : c’est ce que révèlent les mentions du rapport public. Cette opinion a été validée par la formation la plus solennelle de la Cour, la chambre du conseil : de ce fait, elle est devenue l’opinion de la Cour elle-même” (concl. Seban).

Pour éviter le grief de « pré-jugement », il incombe par conséquent à la Cour de « s’en tenir à des éléments factuels en se gardant de les qualifier et s’abstenir de toute affirmation définitive » (Guyomar et Collin, AJDA 2000. 408). Le Commissaire du gouvernement indique ainsi qu’il « ne s’agit pas d’interdire que la Cour des comptes signale dans son rapport les affaires qui donneront lieu à des suites contentieuses, mais d’exiger qu’elle le fasse en des termes mesurés, qui excluent tout pré-jugement et toute prise de position définitive. Nous ne pensons pas que cette légère contrainte soit de nature à remettre en cause l’impact du rapport public ». Le Parquet près la Cour indique ainsi que la Cour doit désormais prendre le plus grand soin dans la rédaction de ses communications en évoquant les faits « de la manière la plus neutre possible, des faits bruts, sans commentaires et sans qualification ».

Mais, que signifie d’exiger de la Cour qu’elle signale dans son rapport “en des termes mesurés, qui excluent tout pré-jugement et toute prise de position définitive” ? En effet, soit l’insertion au rapport public est justifiée précisément parce qu’elle vise à dénoncer des irrégularités ; dans cette hypothèse, les “litotes”14 que la Cour pourra utiliser ne changeront en rien l’existence d’une véritable prise de position définitive ; soit au contraire il n’y a pas d’irrégularité, ou celle-ci est simplement présumée, et la Cour s’abstiendra très logiquement de mettre en cause qui que ce soit sur la base de simples présomptions. Comme le relève G. Orsoni, “si l’on traite d’une gestion de fait en évoquant les éléments qui en sont constitutifs, point ne serait besoin de la qualification par la Cour, celle-ci s’imposerait d’elle-même, ou alors les termes du rapport seraient tellement édulcorés que sa

14 X. Prétot (RD publ. 2000. 329) relevait déjà : « A charge pour les rédacteurs du rapport public de tourner sept fois la plume dans l’encrier et d’user de la périphrase et de la litote … ».

lecture perdrait beaucoup de son intérêt.” (G. Orsoni, RF fin. publ. 2000. 207). Comme le note le Parquet, il serait avisé « de ne commenter une affaire que lorsqu’elle est parvenue à un stade définitif » ; cette légitime prudence risque fort d’ôter au rapport public son actualité et donc son attrait pour les juristes et les médias.

Au surplus, il semble bien que cette « légère contrainte » ne soit pas de nature à faire disparaître le vice de procédure ayant conduit à la cassation. En effet, dans leur contrôle des autorités de régulation intervenant en matière économique, la Cour d’appel de Paris et la Cour de cassation ont retenu une conception beaucoup plus stricte de la notion de pré-jugement.

En effet, la Cour de cassation a validé le raisonnement de la Cour d’appel de Paris qui avait estimé que la Commission des opérations de bourse avait violé la présomption d’innocence dans la mesure où le président de la COB s’était exprimé dans la presse sur certaines procédures en cours, en des termes assez généraux mais comportant déjà une prise de position sur les faits (Cass. com. 1er décembre 1998, Oury c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull. 1998 IV n° 283, Gaz. Pal. 24-25 février 1999, p. 8, concl. Lafortune, note J.M Degueldre, L. Gramblat, M. Herbière) ; pourtant, le principal intéressé n’était pas cité dans l’article de presse en cause et aucune infraction précise n’avait été mentionnée par le Président de la COB (v. déjà Cass. com. 18 juin 1996, Conso c/ Agent judiciaire du Trésor et autre, Bull. 1996 IV n° 179 : violation de la présomption d’innocence résultant d’un entretien accordé par le Président de la COB stigmatisant le comportement d’une entreprise pour ses “lacunes dans l’information” et la “mise en place d’un mécanisme de dissimulation”).

De même, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 2 juillet 1999, arrêt n° 31, LPA 15 octobre 1999, note C. Ducouloux-Favard) a considéré que violait le principe de présomption d’innocence applicable à la Commission des opérations de bourse, l’insertion au rapport public de la COB d’un passage mentionnant des “faits susceptibles de constituer des délits d’initiés” ; la COB avait ainsi, selon la Cour d’appel, pris parti sur les pratiques litigieuses et manqué au respect de la présomption d’innocence, alors même que l’insertion au rapport public avait été réalisée de manière anonyme et à des fins d’information, la neutralité des termes employés ne permettant d’identifier ni la date de l’opération ni la personne mise en cause. La Cour en avait logiquement déduit que la COB ne pouvait « dans les rapports publics rendant compte de son action, s’exprimer sur des affaires en cours d’instruction en des termes définitifs laissant entendre que les infractions poursuivies sont d’ores et déjà établies ». Ne serait-il pas souhaitable d’adopter la même solution s’agissant de la Cour des comptes ?

Quoi qu’il en soit, il incombe désormais à la Cour de réaliser un recensement exhaustif de toutes les affaires de gestion de fait en cours de procédure juridictionnelle qui auraient fait l’objet d’une intervention non-juridictionnelle préalable (rapports publics particuliers, rapport sur l’exécution de la loi de finances, rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale, publication au Journal Officiel des observations faites à l’issue du contrôle d’un organisme faisant appel à la générosité publique) afin de déterminer si la Cour peut être suspecte de pré-jugement ou de prise de position définitive. Dans l’affirmative, elle n’aura plus d’autre issue que de mettre un terme à la procédure par le prononcé d’un non-lieu à statuer. Si une telle position est de nature à donner satisfaction au comptable de fait présumé, elle ne peut toutefois satisfaire entièrement la rigueur juridique. En effet, la décision de non-lieu sera, tout autant que les autres éléments de la procédure, entachée du grief d’impartialité. Certes, on voit mal le comptable de fait présumé introduire un pourvoi en cassation sur ce motif ; mais, comme le relevait le Commissaire du gouvernement Seban dans ses conclusions, « ... le moyen tiré d’un défaut d’impartialité est d’ordre public » et devrait donc être soulevé d’office par la Cour elle-même.

Au surplus, les affaires de gestion de fait risquent désormais de voir la durée de l’instance aller bien au-delà du délai raisonnable ; en effet, si la Cour poursuit une affaire de gestion de fait en estimant que l’intervention administrative préalable ne peut s’assimiler à un pré-jugement, quel comptable de fait présumé renoncera à introduire un pourvoi devant le Conseil d’Etat pour lui faire dire le contraire ? La gestion de fait n’est déjà pas très rapide dans son déroulement ; elle

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risque de le devenir de moins en moins, ce qui ne manquera pas d’entraîner d’autres complications au regard des principes issus de l’art. 6 Conv. EDH.

Mais ce n’est pas là la seule difficulté ; en effet, on en vient assez vite à s’interroger sur le point de savoir si ce qui est déterminant est l’existence d’un pré-jugement ou la publicité qui lui a été donnée. Le Commissaire du gouvernement invoque en effet « la pression que l’opinion publique exerce sur la Cour une fois qu’elle a dénoncé une affaire dans son rapport public », pression lui interdisant quasiment de se déjuger à l’occasion de la procédure contentieuse. Cette crainte ne semble toutefois guère justifiée s’agissant de magistrats dont la tradition d’indépendance s’est forgée au cours des siècles. Au surplus, les conditions d’application de la règle du double arrêt ont démontré précisément que la Cour était très attachée au refus absolu de toute idée de pré-jugement : combien d’affaires de gestion de fait présumées n’ont pas dépassé le stade de la déclaration provisoire, les éléments constitutifs n’étant finalement considérés comme n’étant pas réunis ? Chacun sait que la Cour n’hésite pas à se « déjuger », si l’on permet cet abus de langage, préférant le non-lieu à gestion de fait à la poursuite d’une procédure hasardeuse. Par ailleurs, les avis ou délibérations des formations les plus solennelles de la Cour n’ont pas toujours eu raison de l’indépendance des magistrats de la Cour et des Chambres qui la composent : la Doctrine s’en plaint d’ailleurs souvent amèrement, les “divergences” de jurisprudence entre les chambres composant la Cour ne sont pas rares (que l’on songe par exemple aux règles en matière de fixation du point de départ des intérêts de débet). En clair, l’unanimisme n’est pas de règle rue Cambon.

Quoi qu’il en soit, le Parquet note avec prudence et raison que le risque d’impartialité existe également « dans le cas où des appréciations analogues figureraient dans des communications administratives confidentielles : référés, notes du parquet, lettres du Président, rapports particuliers d’entreprises publiques, relevés de constatations provisoires ». En effet, si ces interventions prennent explicitement parti, notamment sur la qualification juridique des faits, elles peuvent parfaitement constituer un pré-jugement qui pourra être exploité, dans le cadre de la suite de la procédure, par le comptable de fait présumé.

Pour régler définitivement cette difficulté, le Commissaire du gouvernement Seban propose que les affaires de gestion de fait soient désormais soumises à une seule chambre spécialisée de la Cour des comptes dont les membres ne participeraient plus aux délibérations de la Chambre du Conseil. On peut craindre que, compte tenu des présupposés du raisonnement suivi par le Conseil d’Etat et son Commissaire du gouvernement, une telle solution ne change rien au fond du problème. En effet, on le rappellera, le Conseil d’Etat a considéré que l’insertion au rapport public suite à la délibération de la chambre du conseil avait révélé l’opinion de la Cour elle-même. Comment alors une chambre spécialisée pourrait-elle « déjuger » la Cour elle-même ?

2. Le cumul d’activités administrative et juridictionnelle

Les ambiguïtés entourant la notion de pré-jugement posent à l’évidence la question de la pérennité du cumul au sein de la Cour des comptes (mais peut-être au-delà) d’activités de nature administrative et juridictionnelle.

Certes, la Cour de Strasbourg considère qu’aucun principe général du droit interne ne fait obstacle à ce qu’un même organe administratif exerce tour à tour des attributions d’ordre consultatif et juridictionnel, à condition que cette succession n’aboutisse pas à un véritable pré-jugement (Cour EDH, 28 septembre 1995 Procola c/ Luxembourg, série A n° 326, Gaz. Pal. 17-18 novembre 1995 p. 27 note L.-E. Pettiti, RTDH 1996 p. 275 note D. Spielmann, D. 1996 p. 301 note Benoit-Rohmer ; RFD adm. 1996 p. 777 note Autin et Sudre ; JCP 1996.I.3910 note F. Sudre, RUDH 1996 p. 1 chron. F. Sudre et al., JDI 1996 p. 253 chron. E. Decaux et P. Tavernier, AFDI 1995 p. 485 chron. V. Coussirat-Coustère). Cette opinion est confirmée par le Conseil d’Etat (cf. CE, 5 avril 1996, Syndicat des Avocats de France, Rec. CE 119) et par les commentateurs “autorisés” (AJDA 2000. 406) qui considèrent que le cumul entre fonctions administratives et juridictionnelles n’est pas prohibé pour autant que les magistrats

ayant émis un avis sur la question soumise à la juridiction se “déportent” au moment où l’affaire vient au contentieux.

Le Commissaire du gouvernement Seban avait d’ailleurs estimé que “l’obligation d’impartialité ne saurait interdire à une juridiction, et il en va a fortiori de même d’un organisme administratif, d’exercer les diverses fonctions qui relèvent de son office, même lorsque celui-ci comporte à la fois des fonctions d’instruction et de jugement).

Reste que cette position est très loin d’être unanimement partagée. En effet, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 1ère ch. H, 7 mars 2000, société KPMG contre COB, n° 1999/15862) a estimé que l’impartialité du collège de la COB était discutable dès lors qu’il avait successivement décidé la mise en accusation de la société poursuivie sur des faits qu’il a constatés, formulé les griefs à son encontre, statué sur sa culpabilité et prononcé des sanctions. Ainsi, “sans re-mettre en cause le principe du cumul, au sein d’une autorité administrative, des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement, lequel ne serait pas, par lui-même, contraire à l’exigence d’impartialité, la Cour énonce qu’il y a lieu de rechercher si, compte tenu des modalités concrètes de mise en œuvre de ces attributions, spécialement au regard de la composition des organes appelés à statuer, cette exigence a été ou non méconnue” (MicheL BAZEX, Caroline ADAM et Sophie BLAZY ; Lettre Juris-Classeur du Droit Public des Affaires mai 2000 p. 2). La Cour de cassation (6 novembre 1998, Sté Nord Na Mona, M. Guillotel, Bull. inf. C. cass, 1er février 1999 n° 486, Gaz. Pal. 1998. 2. 865, n° 349 p. 12, note F.J. Pansier, J.B. Bladier et J. Guigue) a, pour sa part, sanctionné le fait que le même juge estime une obligation non sérieusement contestable en référé-provision et participe ensuite à la formation qui a statué au fond15.

Ainsi, comme le notait le Commissaire du gouvernement Seban, “sans doute faudra-t-il s’interroger sur la pratique du Conseil d’État, qui est dans le sens qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre le fait d’avoir participé aux travaux de la section administrative qui a émis un avis sur un projet de décision et celui de participer au jugement du recours formé contre cette décision”. Il va de soi que la même interrogation doit s’appliquer à la Cour des comptes.

II. Quelles conséquences pour la juridiction financière ? On le sait, le Conseil d’Etat a cassé l’arrêt de la Cour des comptes sans décider ni du renvoi ni de l’évocation de l’affaire. Le refus du renvoi à la Cour semble logique dès lors que c’est son impartialité même en tant qu’institution qui a été mise en cause. A partir de ce constat, deux solutions étaient envisageables : soit considérer que le vice de procédure avait eu pour effet de faire disparaître le litige, ce qui permettait au Conseil d’Etat de casser sans renvoi ; soit, au contraire estimer que c’est la Cour des comptes qui avait été en quelque sorte disqualifiée, et qu’il appartenait donc au Conseil d’Etat, sur le fondement de l’art. 11 de la loi du 31 décembre 1987, de reprendre la procédure et de la mener à son terme. C’est la solution que devait proposer M. Seban dans ses conclusions, estimant même qu’il incombait au Conseil d’Etat de rouvrir l’instruction afin de permettre aux personnes mises en cause par les arrêts provisoires de la Cour d’y répondre.

Mais le Conseil d’Etat n’a pas, sur ce point, suivi son Commissaire du gouvernement se contentant, d’une manière assez laconique, d’annuler l’arrêt de la Cour des comptes et, comble d’ironie, d’allouer une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 à la Société Labor Métal. La solution adoptée par le Conseil d’Etat est ainsi comparable à celle qu’avait retenu la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 2 juillet 1999, Debus contre Commission des opérations de bourse – COB) : « en l’espèce, la procédure est entachée de nullité depuis le 17 mars 1998, date à laquelle le président et les membres de la COB ont arrêté le rapport annuel de 1997 en des termes portant atteinte à la présomption d’innocence

15 Les juridictions administratives, pour leur part, n’ont pas suivi cette position estimant que le fait qu’une même juridiction connaisse d’une affaire au stade du sursis puis à celui du fond, ne pouvait être considéré comme une violation du principe d’impartialité des juridictions (CAA Paris, 21 octobre 1999, Territoire de la Polynésie française, AJDA 2000. 275 et obs. C.L p. 233).

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dont bénéficie M. Olivier Debus … » (v. aussi CA Paris, 7 mars 2000, société KPMG contre COB : préc.).

Cette solution peut s’apparenter à un véritable déni de justice dès lors que l’affaire Labor Métal, dans ses différents aspects, apparaît désormais comme définitivement close, et ce malgré l’ampleur et la certitude des irrégularités qui avaient été commises. On ne peut en effet soutenir qu’il ne reste plus rien à juger dès lors que l’acte de saisine de la Cour (le réquisitoire du Procureur général) et la déclaration provisoire de gestion de fait n’ont fait l’objet d’aucune annulation ; seuls les actes de procédure intervenus après la délibération de la Chambre du conseil ayant décidé l’insertion au rapport public 1996 sont frappés de nullité.

Si la Cour devait néanmoins considérer que la décision du Conseil d’Etat peut s’apparenter à un renvoi implicite, elle ne pourrait rien faire d’autre, en Chambres réunies, que prononcer un non-lieu à statuer en raison des termes mêmes de l’arrêt du Conseil d’Etat et des motifs de la cassation. Une telle situation, qui ne satisfait pas l’équité et ne permet pas au juge des comptes de remplir son office, ne peut être considérée comme satisfaisante. Il ne restera plus finalement à la Cour que de reprendre, de manière expresse ou implicite, une procédure ancienne, l’inscription des affaires Labor Métal aux « surséances indéfinies ».

Plus largement, les arrêts Labor Métal doivent conduire à une véritable réflexion sur une nécessaire rénovation des procédures en usage devant les juridictions financières. Ceci concerne tout particulièrement les difficultés liées à l’auto-saisine de la Cour ou des Chambres ainsi que la question de la participation du rapporteur au délibéré.

A. Le problème de l’auto-saisine On le sait, la juridiction financière est dans la situation originale d’un juge qui n’a pas à être saisi (art. L.111-9 CJF) dès lors que sa juridiction est justifiée par le fait même de manier ou de détenir des “deniers publics”. La procédure de gestion de fait peut ainsi être ouverte d’office par la Cour elle-même (art. R.112-8 CJF). C’est précisément dans l’exercice de ses diverses fonctions de contrôle non juridictionnel que la Cour sera amenée à déceler une gestion de fait et à déclencher, d’elle-même, la procédure : référé (C. Comptes 2 mars 1990, référé n° 5476, Rec. C. comptes 158 ; 13 septembre 1991, M. Coste et trois sociétés, Rec. C. comptes 80), vérification des comptes d’un organisme public (C. Comptes 15 octobre 1996, maire d’Istres, Président du SAN et de l’AOSVI, La Revue du Trésor 1997.208) ou contrôle de la gestion de l’organisme mis en cause (C. Comptes 14 janvier 1998, Président et secrétaire général du Comité d’expansion de la Dordogne, La Revue du Trésor 1998. 340) ; contrôles sur les organismes bénéficiant de concours financiers publics (art. L.111-7 CJF), en particulier lorsque le juge des comptes découvre une association para-administrative (C. Comptes 27 juin 1990, référé n° 5551, Rec. C. comptes 248 ; 1er octobre 1992, référé n° 5822, Rec. C. comptes 246 ; 15 février 1993, référé n° 5874, Rec. C. comptes 174 ; 17 février 1992, 18 avril 1994 et 6 novembre 1995, APRODI, La Revue du Trésor 1996. 246), un démembrement du service public (C. Comptes 4 août 1944, Lamirand : Rec. C. comptes 34) ou encore quand il s’aperçoit que les fonds de l’organisme privé restent, en fait, à la disposition de la collectivité publique (C. Comptes 19 et 26 septembre 1962, Barjot, Rec. C. comptes 32).

La Cour a bien précisé que ces deux procédures (le contrôle non juridictionnel et le déclenchement de la gestion de fait) sont totalement autonomes ; tout particulièrement la limite temporelle affectant le contrôle de la gestion n’a pas pour effet de limiter réciproquement l’étendue de la procédure de gestion de fait (C. Comptes 4 juillet 1996, 16 janvier 1997, Président du Conseil général des Bouches-du-Rhône et autres, La Revue du Trésor 1997. 359. V. aussi C. Comptes 10 juillet 1997, ancien trésorier de l’Agence régionale de développement Nord Pas-de-Calais, La Revue du Trésor 1997. 744). L’irrégularité affectant éventuellement la procédure de contrôle des comptes et de la gestion n’a aucun effet sur la gestion de fait et sa reconnaissance (C. Comptes 14 janvier 1998, ARECOG, La Revue du Trésor 1998.171 ; 7 avril 1999, arrêt n° 22419, Commune de Gourbeyre, La Revue du Trésor 2000. 357 avec nos obs.).

Mais l’art. R.112-8 CJF prévoit également que la Cour peut être saisie par le Procureur général qui dispose ici d’un très large pouvoir discrétionnaire (sauf s’il est lui-même saisi par l'une des autorités que les textes autorisent à le faire). Reste que le réquisitoire introductif ne limite pas les possibilités de la juridiction qui peut toujours inclure dans la gestion de fait d'autres opérations irrégulières que l'instruction révélera (C. Comptes 3 mai 1956, Commune de Rittershofen, Rec. C. Comptes 27).

Il est bien clair que cette dualité dans le déclenchement de la procédure de gestion de fait en tant qu’elle permet à la juridiction de s’auto-saisir ne pourra plus subsister longtemps tant elle apparaît contraire au devoir d’impartialité du juge. Comme le notait le Commissaire du gouvernement Seban, « si l’auto-saisine est en principe interdite aux juridictions, c’est bien pour qu’elles ne se mettent pas en situation d’apparaître juge et partie, pour que leur impartialité demeure insoupçonnable ». Cette innovation procédurale est relativement simple à mettre en œuvre dès lors que, on l’a vu, la Cour peut également être saisie par le Parquet. Il suffirait donc, qu’à l’avenir, les gestions de fait ne soient déclenchées que sur réquisitoire du Procureur général de la République et que la Cour abandonne, en pratique, la faculté de se saisir proprio motu. Ainsi, « on peut se demander s’il ne conviendrait pas de formaliser davantage une procédure de « mise en examen des comptes » au cas où l’actuel jugement provisoire ne serait plus considéré comme en faisant office de manière satisfaisante » (R. Hertzog, La nécessaire réforme de la procédure de gestion de fait, RFFP 2000 n° 66 p. 87).

Enfin, l’avis des Chambres réunies confirme que le procureur général conserve la possibilité de qualifier, de sa propre initiative, dans les communications qu’il adresse, les faits relevés à l’instruction. Il semble bien que cette possibilité doive être systématiquement utilisée et que l’évolution de la juridiction des comptes passe aujourd’hui par un renforcement des moyens et du rôle du Parquet.

B. La question de la participation du rapporteur au délibéré

Le respect des droits de la défense et l’exigence d’impartialité prennent tout leur sens dès lors qu’est abordée la question de la participation du rapporteur au délibéré. En effet, il est de jurisprudence constante qu’une “juridiction ne peut comprendre un membre dont l’indépendance ou l’impartialité pourrait être contestée. Il s’agit d’une règle générale de procédure” (CE, 2 mai 1973, Mme Arbousset, Rec. CE, p. 180 ; RD publ. 1973, p. 1066, concl. Braibant), relevant d’un principe général du droit (CE, 5 avr. 1996, Synd. avocat de France, Rec. CE 118). Ce principe est évidemment également garanti par la Cour EDH (1er octobre 1982, Persack ; 26 octobre 1984, de Lubber). Selon la Cour EDH, l’impartialité n’est pas violée alors même qu’un même magistrat a participé à la phase préalable au contentieux et à l’instance dès lors que le justiciable n’a pas à douter de l’impartialité de son juge (accomplissement d’actes d’instruction sommaires puis jugement au fond : 26 février 1993, Padovani c/ Italie, Série A n° 257 B ; vérification de l’existence d’indices suffisants de culpabilité puis présidence de la formation de jugement : 22 avril 1994, Saraiva de Carvalho c/ Portugal, Série A n° 286 B).

Comme le notait le Commissaire du gouvernement Seban, “ne pourraient ainsi siéger au sein de la formation de jugement d’une juridiction administrative, les juges-rapporteurs disposant des mêmes pouvoirs qu’un juge d’instruction, mesures de contraintes ou possibilité de renvoi devant la juridiction. Dans une telle hypothèse, ils seraient conduits à prendre des décisions ou mesures, susceptibles d’être regardées par la partie intéressée comme un pré-jugement, et donc comme un manque « objectif » d’impartialité, s’ils venaient à siéger dans la formation de jugement.” La position contentieuse du Conseil d’Etat est toutefois relativement restrictive (CE, 8 décembre 1995, Mouvement de défense des automobilistes, AJDA 1995. 739) dans la mesure où la Haute assemblée estime, au sujet des sanctions pécuniaires prononcées par le Conseil du marché à terme, que « l’article 6 de la CEDH n’énonce aucune règle ou aucun principe dont le champ d’application s’étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions et qui gouvernerait l’élaboration ou le prononcé de sanctions, quelle que soit la nature de celles-ci, par les autorités administratives qui en sont chargées par la

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loi ». Le Conseil d’Etat a ainsi récemment rappelé que l’art. 6 Conv. EDH ne s’opposait pas à la participation du rapporteur au délibéré de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins, alors même qu’il incombe au rapporteur de faire à l’audience un exposé des faits consistant en une présentation de l’affaire (CE, sect., 3 décembre 1999, Leriche, req. n° 195512) : “Considérant, d’une part, que si (…) un des membres composant la section disciplinaire est désigné comme rapporteur et peut procéder, dans ce cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d’instruction qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et observations des parties et dont les résultats sont versés au dossier pour donner lieu à communication contradictoire, de telles attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction”.

De même, la haute assemblée a considéré que les pouvoirs dont était investi un rapporteur devant le conseil des marchés financiers, autorité administrative siégeant en formation disciplinaire et statuant sur des accusations à caractère pénal, n’étaient pas de nature à affecter l’impartialité des décisions de cet organisme (CE, 3 décembre 1999, Didier, req. n° 207 434). Le Conseil d’Etat relève en effet que le rapporteur n'est pas à l'origine de la saisine, ne participe pas à la formulation des griefs, n'a pas le pouvoir de classer l'affaire ou, au contraire, d'élargir le cadre de la saisine ; les pouvoirs d'investigation dont il est investi pour vérifier la pertinence des griefs et des observations de la personne poursuivie ne l'habilitent pas à faire des perquisitions, des saisies ni à procéder à toute autre mesure de contrainte au cours de l'instruction.

Quant à la Cour de cassation, (Cass. com. 1er décembre 1998, Oury c/ Agent judiciaire du Trésor, Bull. 1998 IV n° 283, Gaz. Pal. 24-25 février 1999, p. 8, concl. Lafortune, note J.M Degueldre, L. Gramblat, M. Herbière), elle fait une application beaucoup plus stricte du principe d’impartialité (cf. J.F. Brisson, Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6 § 1 de la Convention EDH, AJDA 2000. 847) ; en effet, c’est précisément sur le fondement de la présence du rapporteur au délibéré avec voix délibérative qu’est intervenue la cassation s’agissant de la COB : “l’un des membres de la Commission [des opérations de bourse], nommé rapporteur, a été chargé de procéder à une instruction sur les faits avec le concours des services administratifs et à toutes investigations utiles ; c’est dés lors à bon droit que la Cour d’appel a décidé qu’il ne pouvait pas participer au délibéré” (v. aussi Cass. ass. plén., 5 février 1999, COB, Lettre Juris-Classeur du Droit public des affaires mars 1999 p. 70 note M. Lombard). Bien plus, la Cour a jugé contraire au principe d’impartialité la participation du rapporteur au délibéré, même sans voix délibérative, dès lors qu’il avait procédé aux investigations utiles pour l’instruction des faits dont était saisi le Conseil de la concurrence (Cass. com., 5 octobre 1999, SNC Campenon Bernard et a. c/ ministre de l’Economie, n° 1681 P). L’Avocat général Lafortune devait ainsi préciser que « la présence du rapporteur, cheville ouvrière de la procédure de sanction, et du rapporteur général, même sans voix délibérative, a pu donner l’impression que les sanctions prononcées à l’encontre des entreprises mises en cause, n’avaient pas été décidées dans des conditions d’impartialité, selon une procédure équitable ménageant les droits des personnes poursuivies, satisfaisant tout à la fois aux exigences de l’article 6 de la Convention et à celles du principe fondamental des droits de la défense ». Ainsi, « cette décision est une avancée importante des droits de la défense sur le plan des principes, tant il est vrai que la présence au délibéré du rapporteur, qui tout au long de la procédure écrite comme orale, soutient les griefs, alors que les parties ne sont plus présentes et à même de se défendre, laissait planer un doute certain sur l’im-partialité de la prise de décision au sein du Conseil de la concurrence. Lors du délibéré, les membres du Conseil ne devraient donc plus disposer d’informations autres que celles qui auront été contradictoirement débattues, soit au cours de l’instruction écrite, soit au cours de la séance » (MicheL BAZEX, Caroline ADAM et Sophie BLAZY ; Lettre Juris-Classeur du Droit Public des Affaires novembre 1999 p. 3).

“Il résulte de cet exposé rapide une diversité, et c’est un euphémisme, dans les solutions pratiquées par les deux ordres de juridictions à propos des actes émis par les autorités de régulation. Le

problème est que cette cacophonie risque de perdurer, en raison de l’éclatement des compétences contentieuses. Les actes qui sont soumis au juge judiciaire seront plus largement confrontés aux garanties de procédure de l’article 6 CEDH, tandis que les actes qui demeurent soumis au juge administratif resteront en deçà de cette garantie. Cette distinction, si elle devait se pérenniser, apporterait des arguments à ceux qui souhaitent une unification des contentieux par un transfert total de la compétence au juge judiciaire. Il est donc temps pour le Conseil d’Etat de réagir“ (Martine Cliquennois, Variations actuelles du droit au juge, in « Etudes en l’honneur de Pierre Sandevoir », L’Harmattan 2000 p. 25 et s.).

S’agissant de la Cour des comptes, ce sont les articles R.112-18, R.112-19, R.131-6 et R.131-8 qui déterminent la fonction du rapporteur dans la procédure de jugement des comptes. “Le rapport établi à la suite de l'instruction contient, pour chaque observation faite par le rapporteur, une apostille c'est-à-dire une proposition de décision pour la chambre. S'agissant d'un document interne, le rapport n'est communiqué ni aux comptables en cause ni aux tiers ; la Cour a précisé que la communication du rapport violerait le secret des délibérations en permettant au requérant de connaître l’opinion personnelle d’un des juges (C. comptes, 15 décembre 1995, Maire de Tarascon, La Revue du Trésor 1996 p. 175). En revanche, le rapport est transmis, obligatoirement dans les cas prévus à l’art. 4 al. 5 du décret du 11 février 1985, à l’initiative des présidents de chambre ou encore à sa demande, au ministère public qui rédige ses conclusions sur le rapport. Le rapport, éventuellement accompagné des conclusions du parquet, est alors transmis à un conseiller maître contre-rapporteur. Celui-ci revoit le rapport, s'assure que les observations et propositions du rapporteur sont bien fondées et, au besoin, provoque les mesures supplémentaires d'instruction nécessaires” (M. Lascombe et X. Vandendriessche, La Cour des comptes, Encyclopédie juridique Dalloz 1996).

Le rapporteur est investi des plus larges prérogatives et le fait de faire obstacle, de quelque façon que ce soit, à l'exercice de ses pouvoirs est punissable de 100 000 F d'amende (art. L.140-1 CJF) ; les agents des services financiers, ainsi que les commissaires aux comptes des organismes contrôlés, sont déliés du secret professionnel (art. L.140-4 CJF).

Pourtant, comme le montre l’arrêt ci-dessous reproduit, la Cour n’a pas hésité à confirmer sa jurisprudence antérieure en considérant que la participation du rapporteur au délibéré ne violait pas le principe d’impartialité.

Cour des comptes, 27 janvier 2000 Sté RMR, Région Alsace Attendu que la société requérante, se référant aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui dispose notamment, dans son article 6, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial, fait valoir que cette indépendance et cette impartialité ont été, en l’espèce, altérées par la participation au délibéré du rapporteur, qui disposerait de tous les pouvoirs d’investigation d’un juge d’instruction, aurait seul la maîtrise complète du dossier et, à ce titre, jouerait un rôle central dans la formation de jugement et posséderait donc une influence prépondérante dans le délibéré auquel il participe ; Attendu que le moyen invoqué ne concerne que les dispositions du jugement relatives à l’amende qui a été infligée à la société RMR, à l’exclusion de toutes autres, les juridictions financières ne devant être regardées comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale que lorsqu’elles sont saisies d’agissements pouvant donner lieu à amendes ; que ce point n’est d’ailleurs pas contesté par le requérant ; Attendu que les critères d’applicabilité des principes posés par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tels qu’ils ont été définis par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 3 décembre 1999, ne paraissent qu’imparfaitement adaptés à la situation des rapporteurs devant les juridictions financières ; Attendu, en particulier, que, lorsqu’elle est appelée à délibérer en matière de gestion de fait et à se prononcer sur l’amende susceptible d’être infligée, une chambre régionale des comptes se trouve saisie, en vertu des textes et procédures en vigueur, soit par réquisitoire du

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ministère public, soit d’office par elle-même à l’occasion du jugement d’un compte relevant de sa compétence obligatoire, qui est d’ordre public ; Attendu que les pouvoirs d’investigation du rapporteur consistent essentiellement en prérogatives de communications de pièces, qui ne le conduisent en aucune manière à exercer, directement ou par commission, quelque contrainte que ce soit sur les personnes ; que sur le fondement des investigations ainsi conduites, le rapporteur se borne, comme en matière administrative contentieuse ou en matière civile, à présenter à la formation de jugement à laquelle il appartient des propositions résultant des constatations qu’il a faites ; que ces propositions, quelque connaissance du dossier qu’elles impliquent, ne sauraient pour autant constituer un pré-jugement ; Attendu que le rôle du rapporteur tout au long de son instruction, et au terme de celle-ci lorsqu’il est conduit à présenter à la formation du jugement, statuant en audience publique, la possibilité de prononcer une amende pour immixtion sans titre dans les fonctions de comptable public, ne saurait en aucune manière être comparé à celui d’un juge d’instruction qui, au terme de la procédure qu’il a diligentée, conclut par ordonnance, et sous sa seule responsabilité de juge unique, au non-lieu ou au renvoi devant la juridiction pénale compétente ; qu’il n’assure pas davantage la fonction de procureur intervenant, par voie de réquisitions pour déférer une affaire au juge d’instruction ou proposer à ce dernier les éventuelles suites à leur donner ; qu’enfin, c’est au ministère public et non au rapporteur qu’il revient de requérir l’application de l’amende susceptible d’être infligée ; Attendu, dès lors, qu’il ne revient pas, en l’espèce, à la Cour des comptes, statuant en appel, de se prononcer, au-delà des textes qui lui sont applicables, sur la mise en œuvre de critères décou1ant de l’applicabilité de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux procédures spécifiques qui régissent l’intervention des juridictions financières ; qu’il en résulte que le moyen invoqué ne saurait être accueilli ;

Il convient de noter que l’arrêt ci-dessus a été rendu aux conclusions contraires du procureur général près la Cour des comptes :

“si l’on reprend les différents critères retenus par le Conseil d’Etat, il apparaît que le rapporteur devant une juridiction financière sta-tuant en matière d’amende pour gestion de fait qui a par ailleurs instruit l’affaire conduisant à une déclaration définitive de gestion de fait ou ultérieurement, rédigé le rapport à fin de jugement du compte produit par le comptable de fait, s’il n’est pas nécessairement à l’origine de la saisine de la juridiction, contribue de manière décisive à la formulation des griefs en examinant si les éléments constitutifs de gestion de fait sont réunis et en proposant lors du jugement du compte des suites motivées ; qu’il a toute latitude, au cours de l’instruction, pour envisager l’extension du champ de la gestion de fait et du nombre des personnes mises en cause ; que, s’il n’est pas investi de tous les pouvoirs conférés à un juge d’instruction devant une juridiction pénale, il peut toutefois mener toutes investigations utiles sur pièces et sur place et dispose d’un large droit de communication pour obtenir tout document ou renseignement, y compris auprès de tiers et pour des informations couvertes par certains secrets professionnels (bancaire, fiscal ;..) ; qu’au demeurant, le champ de ses investigations n’est pas limité, comme celui d’un juge d’instruction, par l’ouverture préalable d’une information judiciaire par le ministère public ; qu’en définitive, l’appréciation portée par le Conseil d’Etat sur les pouvoirs du rapporteur devant le conseil des marchés financiers « qui ne diffèrent pas de ceux que la formation (...) collégiale (...) aurait elle-même pu exercer » ne paraît pas pouvoir être transposée à l’égard du rapporteur devant le juge des comptes prononçant une amende dans les conditions ci-dessus exposées ; Estimons, dans ces conditions, qu’en application de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dont la valeur est supérieure au décret du 23 août 1995 précité, la participation du ou des rapporteurs au délibéré d’une formation de jugement d’une chambre régionale des comptes infligeant une amende pour gestion de fait est de nature à entacher l’impartialité

dudit jugement dès lors que ce ou ces rapporteurs a ou ont participé à l’instruction conduisant au jugement de déclaration définitive de gestion de fait ou au jugement du compte produit par le comptable de fait”. On notera que la codification réglementaire des textes relatifs à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes intervenue peu après est allée dans le sens du ministère public. Effectuée par les décrets n° 2000-337 et 338 du 14 avril 2000, pour l’essentiel à droit constant, elle a modifié la procédure contentieuse en ce qui concerne précisément les condamnations à l’amende (amende pour gestion de fait, amende pour retard dans la production des comptes ou dans les réponses aux. injonctions) : par dérogation aux règles applicables dans les autres cas, le rapporteur ne participe plus au délibéré (art. R. 141-13 pour la Cour des comptes, art. R. 245-5 pour les chambres régionales des comptes).

L’évolution de la jurisprudence plaide incontestablement en faveur de la solution retenue par le Parquet près la Cour des comptes. Il conviendra ainsi d’élargir la fonction d’instruction confiée au rapporteur sur la base du réquisitoire introductif, également notifié aux parties ; le rapporteur ne pourrait étendre sa saisine à d’autres personnes ou d’autres opérations et son rapport serait, en fin d’instruction, communiqué aux parties qui pourraient y répondre ; le rapporteur pourrait participer à l’audience mais ne prendrait pas part au délibéré

C. Les Chambres régionales des comptes Comme le souligne l’avis de Chambres réunies, le « principe posé par les décisions précitées du Conseil d’Etat doit, par identité de motifs, s’appliquer aux chambres régionales et territoriales des comptes. Toutefois, son application doit être adaptée aux règles d’organisation et de fonctionnement propres à ces chambres. En vertu de l’article L. 212-16, deuxième alinéa, du code des juridictions financières, le conseil supérieur des chambres régionales des comptes doit être consulté sur ces questions. En conséquence, il est demandé que le présent avis soit transmis par le premier président au conseil supérieur des chambres régionales des comptes pour que celui-ci fasse auxdites chambres les recommandations appropriées à leur situation ».

Dès maintenant, il incombe toutefois à la Cour d’assurer le respect du principe d’impartialité en tant que juge d’appel et de « filtrer » les demandes d’insertion au rapport public émanant des Chambres régionales afin de ne pas laisser prise au grief de « pré-jugement ».

On peut légitimement supposer que les innovations introduites par l’avis ci-dessus reproduit seront appliquées aux Chambres régionales des comptes, notamment parce que la Cour pourra en assurer le respect par le jeu de l’appel formé à l’encontre les jugements des chambres, éventuellement introduit par le Commissaire du gouvernement de l’endroit en application des recommandations à lui adressée par le Procureur général.

Par ailleurs, les conséquences de l’arrêt Labor Métal valent également pour les communications publiques émanant des chambres régionales (lettres d’observations, avis de contrôle budgétaire, avis sur les marchés ou conventions de délégation de service public, avis sur certaines délibérations prises par le conseil d’administration d’une société d’économie mixte locale, etc.). A cet égard, il conviendra d’éviter à l’avenir que les Chambres ne prennent, publiquement ou non, position sur une affaire pouvant faire l’objet d’une saisine juridictionnelle, y compris par le ministère public ; ayant déjà fait connaître sa position sur la qualification des faits, elle ne pourrait plus se prononcer, de manière impartiale.

Les Chambres devront se livrer au même recensement que celui qui s’impose aujourd’hui à la Cour ; s’agissant tout particulièrement des lettres d’observation, il ne semble guère possible d’imaginer que celles d’entre elles qui exprimeraient un pré-jugement, puissent faire l’objet d’une modification, proprio motu, par la Chambre ; en effet, la procédure de rectification d’erreur matérielle n’est explicitement prévue que pour les jugements et les avis de contrôle budgétaire. Au surplus, elle ne saurait faire disparaître l’existence même du pré-jugement. Par voie de conséquence, il ne resterait plus qu’à prononcer un non-lieu dans le cadre de la procédure juridictionnelle, sauf à s’exposer à la censure du juge d’appel. Dans cette dernière hypothèse, la Cour aurait alors à annuler le jugement frappé de

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partialité, sans renvoi ni évocation. Reste que si la Cour constate la « partialité » du juge de première instance, il lui serait encore loisible, statuant en appel, d’annuler le jugement en cause, d’évoquer l’affaire et de reprendre la procédure ex nihilo en prononçant une nouvelle déclaration provisoire de gestion de fait. Cette hypothèse ne manquera pas d’alourdir la charge de travail de la Cour qui aura ainsi à statuer, sur évocation, sur des affaires de gestion de fait relevant initialement des Chambres régionales. Toutefois, cette solution présenterait l’incontestable avantage de permettre aux Chambres de statuer au fond, respectant ainsi les contraintes inhérentes à l’ordre public financier, la Cour ayant ultérieurement à apprécier le grief tiré de la partialité présumée du juge de première instance.

S’agissant maintenant des affaires évoquées dans le Rapport public de la Cour sur initiative des Chambres régionales (hypothèse relativement fréquente depuis 1990), il reviendrait très certainement à la Cour de prononcer un non-lieu, le renvoi à une autre Chambre régionale ne pouvant être véritablement « effectif » dès lors que la Cour elle-même serait suspecte de « partialité » ; on renverra toutefois à nos observations ci-dessus pour stigmatiser le caractère un peu « ubuesque » d’une telle situation puisque la partialité de la Cour devrait l’empêcher tout autant de statuer au fond que de prononcer un non-lieu.

Il convient enfin de noter que, depuis la loi du 15 janvier 1990, les observations émanant des Chambres régionales constituent un élément déterminant du dispositif légal tendant à garantir la transparence financière et la démocratie locale ; or, l’application de la solution issue de l’arrêt Labor Métal conduira à tempérer les ardeurs des Chambres qui devront certainement veiller à ne pas évoquer, dans ces observations, les affaires susceptibles d’entraîner des suites juridictionnelles ou à ne les évoquer qu’après que les solutions juridictionnelles aient été rendues au fond, soit, en général, plusieurs années après les faits. La démocratie financière n’a rien à gagner à cette complexité croissante des procédures. Le risque ne peut être exclu dès lors que les Chambres privilégient leurs attributions non juridictionnelles, quitte à abandonner leurs suites contentieuses. Par ailleurs, on sait qu’il n’est pas rare qu’une lettre d’observations provisoires soit l’occasion pour la juridiction d’attirer l’attention de l’ordonnateur concerné sur des pratiques de nature à entraîner une déclaration de gestion de fait et d’en réclamer la régularisation ; cette pratique est dès lors susceptible d’être abandonnée au profit d’une mise en cause immédiate du comptable de fait présumé par une déclaration provisoire de gestion de fait. Ici encore, comme dans le cas de la Cour, il conviendrait certainement de donner toute sa place au ministère public qui, en application de l’art. R.212-19 CJF, peut adresser des communications aux personnes susceptibles de faire l’objet d’une déclaration de gestion de fait en les informant, à défaut de régularisation, de son intention de déclencher une saisine de la juridiction.

D. La Cour de discipline budgétaire et financière En application de l’art. L.311-2 CJF, la CDBF se compose du premier président de la Cour des comptes, président, du président de la section des finances du Conseil d'Etat, vice-président, de deux conseillers d'Etat et de deux conseillers maîtres à la Cour des

comptes. Or, en application de l’art. R. 112-17 CJF, la chambre du conseil est composée du premier président, des présidents de chambre et des conseillers maîtres près la Cour des comptes.

Du rapprochement de ces deux séries de dispositions et des arrêts du Conseil d’Etat résulte une difficulté sérieuse : si une affaire pendante devant la CDBF a fait l’objet préalablement d’une insertion au rapport public de la Cour des comptes dans les conditions ci-dessus évoquées, les magistrats de celle-ci seront nécessairement soupçonnés de « partialité » et de pré-jugement ; ils auront donc l’obligation de se déporter ou de satisfaire à une demande de récusation.

Si l’absence de l’un des membres de la formation de jugement n’empêche pas la CDBF de siéger dès lors que le quorum est atteint (CE 30 janvier 1953, Longeron, Rec. CE 46), on risque fort d’aboutir à une juridiction qui ne serait plus alors composée que des membres du Conseil d’Etat. Certes, alors même que la composition de la Cour repose sur un équilibre entre membres de la Cour des comptes et membres du Conseil d’Etat, l’absence d’un membre venant rompre cet équilibre n’empêche pas la juridiction de siéger (CE 14 novembre 1957, Soc. Huchet frères, Rec. CE 616 ; 29 décembre 1993, Sieur Guisset La Revue du Trésor 1994. 189). On reste toutefois perplexe quant à l’avenir de la Cour de discipline dans de telles conditions.

Par voie de conséquence, il faudra veiller à ce que les affaires soumises à la Cour de discipline n’aient pas fait l’objet préalablement d’un « pré-jugement » dans les conditions ci-dessus évoquées. Par suite, le parquet recommande à juste titre qu’à l’avenir « les déférés à la Cour de discipline budgétaire et financière soient conçus en des termes qui établissent clairement que les qualifications et imputations qui y sont faites n’expriment que l’opinion de la formation de laquelle ils émanent et ne peuvent préjuger des arrêts qui seront ultérieurement rendus ».

Il résulte de tout ce qui précède que les conséquences à tirer de l’affaire Labor Métal seront très probablement considérables. Au delà des aspects évoqués ci-dessus, on pourrait aussi légitimement s’interroger sur la pérennité de la règle du double arrêt comme garantie ultime du principe du contradictoire. En effet, la procédure juridictionnelle devant le juge des comptes organise justement une confusion entre les fonctions d’instruction et de jugement par la succession des dispositions provisoires et définitives. Il est bien clair que c’est la même formation de jugement qui assure « l’instruction » (dispositions provisoires) et le jugement (dispositions définitives). Cette procédure, si chère à la Cour des comptes, a peut-être vocation à disparaître pour être remplacée par un modus operandi plus directement inspiré des traditions anglo-saxonnes : le déclenchement de la procédure relèverait du ministère public et de lui seul ; l’instruction serait confiée à un rapporteur ne participant pas au délibéré et la formation de jugement serait exclusivement cantonnée à sa fonction juridictionnelle. Nul doute qu’une telle procédure serait plus conforme aux exigences tirées de l’art. 6 Conv. EDH ; il n’est pas certain qu’elle serait une meilleure garantie des droits des justiciables.

Résumés de jurisprudence

Cour de cassation, chambre criminelle, 8 avril 1999 Juge des comptes et action civile devant le juge

pénal ; préjudice collectif ;observation de gestion Le lecteur de La Revue du Trésor sera sans doute étonné de trouver dans notre chronique une décision de la Cour de cassation rendue sur l’une des nombreuses péripéties des affaires ayant affecté la gestion de la ville de Grenoble il y a quelques années. Pourtant, le raisonnement du juge criminel présente, en l’espèce, un grand intérêt quant aux liens qui peuvent se nouer entre une instance pénale et une décision du juge financier.

Résumons rapidement la situation qui, sur le plan des faits, est d’un grand classicisme. La ville de Grenoble a concédé le service des eaux à la Société « Compagnie de gestion des eaux du sud-est

(COGESE). Cette concession n’a pas été régulièrement réalisée (absence de concours et choix du concessionnaire en fonction des dons et avantages personnels qu’il était en mesure de procurer au Maire de l’époque). Ces pratiques, incompatibles avec une concurrence saine et loyale entre les différents prestataires d’eau, a provoqué un préjudice à chacun des consommateurs mais aussi, par atteinte à l’intérêt général des consommateurs, un préjudice distinct dont l’Union Fédérale des Consommateurs « Que Choisir » demandait réparation.

Se posait donc pour le juge judiciaire la question de l’évaluation de ce préjudice collectif. La Cour d’appel de Chambéry par un arrêt du 10 juin 1998 estimait qu’il lui était possible de chiffrer ce préjudice par référence à un rapport rendu par la Chambre Régionale des Comptes daté du 21 novembre 1995. Elle estimait, au vu de ce rapport qu’il lui

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était possible de fixer le préjudice subi par l’UFC « Que choisir » à la somme de 300.000 francs. C’est ce moyen que contestaient les requérants estimant que la référence au rapport de la Chambre Régionale des Comptes conduisait la Cour a statuer sur un motif inopérant et donc à priver sont arrêt de base légale.

La Cour de cassation confirme le raisonnement de la Cour d’appel qui pouvait donc valablement se fonder sur des observations définitives du juge des comptes dans sa mission de contrôle de la gestion d’une collectivité territoriale pour déterminer l’existence et le montant d’un préjudice collectif subi par les habitants de cette collectivité.

EXTRAIT Sur le moyen unique de cassation proposé pour Jean-Jacques Prompsy pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 38 et suivants et 42 à 47 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, 432-11 et 433-1 du nouveau Code pénal, 177 de l’ancien Code pénal, 2, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation du principe du libre choix du délégataire d’un service public, défaut de motifs et manque de base légale ; « en ce que l’arrêt a déclaré l’Union Fédérale des Consommateurs de l’Isére “Que Choisir” recevable et bien fondée à solliciter 300 000 francs de dommages et intérêts, à la charge notamment de Jean-Jacques Prompsy, au titre du préjudice subi par les usagers de l’eau du fait des hausses du prix de l’eau, consécutives à l’affermage du réseau de la ville de Grenoble ; « aux motifs que la concession du service de l’eau de la ville de Grenoble a été effectuée, non après mise en concours de plusieurs candidats, examen des prestations fournies par chacun d’eux, et choix de celui présentant le maximum d’avantages pour les consommateurs tant au point de vue de la qualité des services rendus qu’à celui de leur prix, comme cela aurait dû l’être, mais uniquement parce que la Cogese, via le groupe Merlin et la société Lyonnaise des Eaux, était en mesure de procurer au maire les dons et avantages à usage personnel ci-dessus énumérés ; qu’il résulte de cette manière de procéder, incompatible avec une concurrence saine et loyale entre les différents prestataires d’eau, et contraire à l’intérêt général des consommateurs représentés par l’Union Fédérale des Consommateurs “Que Choisir”, un préjudice distinct à la fois du préjudice matériel de chacun d’eux, et du préjudice social réprimé par l’action publique ; que s’il a été jugé par la cour d’appel de Lyon qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que les délits objet des poursuites aient entraîné une hausse de l’eau (page 70), la présente Cour, afin d’évaluer le préjudice général des consommateurs, retient les éléments suivants extraits du rapport de la Chambre régionale des Comptes en date du 21 novembre 1995 : - après la concession de l’eau à Cogese la situation devait être bénéficiaire pour la commune dans un premier temps, et ne devait s’inverser qu’à partir de la douzième année, si bien qu’au terme des 25 ans d’affermage, le solde pour la commune, exprimé en francs constants non actualisés devait se révéler négatif à hauteur de 179 millions (rapport page 15), tout cela pour un service identique à celui assuré précédemment par les services techniques de la ville ; « au moment où elle lui a remis ses deux services de l’eau et de l’assainissement, la commune a accepté de procurer à son fermier des moyens financiers beaucoup plus importants que ceux avec lesquels elle les avait fait jusque-là fonctionner ; elle a donc consenti à ce que les usagers des deux services supportent au bénéficie du fermier des augmentations programmées à l’avance des tarifs, mais sans les assortir des justifications nécessaires dans les contrats conclus” (rapport page 33) ; - “il apparaît que les décisions prises cette année-là (1989) pour la gestion des service de l’eau et de l’assainissement communaux ont eu pour les usagers et contribuables grenoblois un impact négatif’ “il existe ainsi de solides raisons de renégocier les conventions d’affermage afin de redresser leur économie dans l’intérêt des usagers de la ville de Grenoble - (rapport page 34) ; que le dossier contient ainsi tous les éléments pour fixer à la somme de 300 000 francs le préjudice collectif des usagers de l’eau de la ville de Grenoble, représentés par l’Union Fédérale des Consommateurs “Que Choisir” » ; « alors de première part que, l’Administration délégante a le libre choix du partenaire chargé de l’exploitation d’un service public, aucune obligation de publicité du projet de délégation ni de mise en

concours préalable à la conclusion du contrat ne pesant sur elle antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n 93-122 du 29janvier 1993 ; que c’est donc au mépris de ces principes que la cour d’appel a considéré qu’en l’espèce, l’attribution, en 1989, du service des eaux de la ville de Grenoble à la société Cogese ne pouvait s ‘expliquer que par les dons et avantages offerts au maire de cette ville, Alain Carignon, par les actionnaires du fermier désigné, dès lors que le choix de celui-ci s’était effectué selon une procédure prétendument irrégulière, sans mise en concours préalable et examen comparatif de la qualité des prestations et niveaux de prix proposés par les candidats « comme cela aurait dû l’être » ; qu’en déduisant en ces termes l’existence d’un lien (indirect) de causalité entre les actes de corruption - dont il est désormais acquis, selon l’arrêt de la Cour de Lyon du 9 juillet 1996, sur ce chef définitif, qu’ils ont entouré l’affermage du réseau des eaux grenobloises - et le préjudice inhérent, pour les usagers, aux augmentations tarifaires prévues au contrat, la cour d’appel a violé les principes relatifs aux concessions du service public et, par fausse application, la loi précitée du 29janvier 1993 ; « alors de deuxième part que, pour justifier d’un lien de causalité entre, d’une part, les délits de corruption retenus - selon l’arrêt de la Cour de Lyon du 29 juillet 1996, sur ce point définitif- à la charge d’Alain Carignon et de certains dirigeants des groupes Merlin et Lyonnaise des Eaux, à raison des avantages procurés par ces derniers au susnommé, alors maire de Grenoble, en vue de l’attribution du service des eaux de cette ville à la société Cogese, et, d’autre part, le préjudice subi par les consommateurs du fait des hausses des tarifs d’eau prévues au contrat, la cour d’appel a énoncé que la commune avait consenti à ce que, par le biais de ces hausses de prix, dénuées de justifications contractuelles apparentes, le fermier bénéficiât de moyens financiers beaucoup plus importants que ceux avec lesquels elle avait elle-même fait précédemment fonctionner le réseau ; qu’en s’en tenant à ce constat, en lui-même impuissant à établir que la modification du mode d’exploitation du réseau par remise à un partenaire privé - par définition soumis à des impératifs de profit ou du moins d’équilibre financier qui ne s’imposent pas à la personne publique gérant elle-même l’exploitation d’un service public -, eût pu se faire, s’il n ‘y avait eu corruption, sans répercussion sur les prix facturés aux usagers, la cour d’appel, faute de la moindre recherche sur ce point, n’a en définitive rien caractérisé d’autre qu’un lien de causalité purement hypothétique ; que, ce faisant, elle n ‘a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 du Code de procédure pénale et 1382 du Code civil ; « alors de troisième part, qu’en prétendant encore justifier de l’atteinte que les actes de corruption susvisés auraient portée à l’intérêt collectif des usagers de l’eau grenoblois, par une référence aux énonciations du rapport de la Cour régionale des Comptes faisant état du déficit que l’opération d’affermage serait supposée créer, au bout de la 25ème année, la cour d’appel n ‘a en cela rien caractérisé d’autre que la survenance future - si ce n’est éventuelle - d’un préjudice, au détriment des contribuables de la commune dont l’intérêt collectif ne se confond pas avec celui des consommateurs d’eau au seul nom desquels pouvait agir l’Union Fédérale des Consommateurs de l’lsère, Que Choisir” ; que, ce faisant, elle a statué par un motif inopérant et donc impuissant à conférer une base légale à sa décision au regard de l’ensemble des textes susvisés” ; Sur le second moyen de cassation proposé pour Marc-Michel Merlin pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, 433-1 du Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation de la loi pénale ; « en ce que l’arrêt attaqué a condamné le prévenu à verser solidairement une somme de 300 000 F à I’UFC, au titre de la réparation du préjudice collectif des usagers de l’eau de la ville de Grenoble ; « aux motifs que la concession du service de l’eau de la ville de Grenoble a été effectuée, non après mise en concours de plusieurs candidats mais uniquement parce que la Cogese, via le groupe Merlin et la société Lyonnaise des Eaux, était en mesure de procurer au maire les dons et avantages à usage personnel tels que mise à disposition privée d’un appartement situé boulevard Saint-Germain à Paris, prise en charge des collaborateurs de l’équipe parisienne,

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versements au profit d’un journal régional pour promouvoir son image et celle de la ville de Grenoble, utilisation gratuite de taxis aériens, croisières familiales et leçons d’anglais ; que cette manière de procéder, contraire à l’intérêt général des consommateurs, a engendré un préjudice distinct à la fois du préjudice matériel de chacun d’entre eux et du préjudice social réprimé par l’action publique ; que si la Cour de Lyon dont l’arrêt a été partiellement annulé a jugé qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que les délits, objet des poursuites aient entraîné une hausse de l’eau, la présente Cour, afin d’évaluer le préjudice général des consommateurs retient les éléments extraits du rapport de la Chambre régionale des Comptes en date du 21 novembre 1995 selon lesquels si la situation de la commune devait dans un premier temps être bénéficiaire, elle devait s ‘inverser au terme de la douzième année de sorte qu’à l’issue des vingt cinq années d’affermage, le solde négatif devait s’élever à la somme de 179 millions de francs, en francs constants non actualisés, pour un service identique à celui précédemment assuré par la ville ; que des augmentations programmées à l’avance des tarifs ont été imposées aux usagers par le fermier et qu’en définitive, au vu de l’impact négatif de ces contrats, il existe de solides raisons de renégocier les conventions d’affermage afin de redresser leur économie dans l’intérêt des usagers de la ville de Grenoble ; qu’ainsi le dossier contient tous les éléments pour fixer à la somme de 300 000 F le préjudice collectif des usagers de l’eau de la ville de Grenoble et qu’en conséquence, Alain Carignon, Marc-Michel Merlin et Jean-Jacques Prompsy, tous condamnés pour corruption en raison de leurs agissements pour l’attribution de la concession du traitement de l’eau, doivent l’être également solidairement dans le paiement à la partie civile de la somme sus-mentionnée ; « alors que, le délit de corruption active est sans relation directe ou indirecte avec le dommage collectif allégué par une association de consommateurs et résultant exclusivement de la décision de la personne investie du mandat électif et du pouvoir décisionnel ; qu’en effet, le délit de corruption active commis par un particulier est uniquement caractérisé par l’agissement consistant à solliciter l’élu ou à accepter sa proposition destinée, moyennant versement d’une rémunération, à consentir un avantage lié à la fonction ; qu’un tel fait n’est pas susceptible, en lui-même, de constituer la cause génératrice du préjudice qui, éventuellement, peut résulter pour les consommateurs, des actes de la fonction de l’élu attribuant la concession du service de l’eau de la commune à une société dont le Président a accepté la proposition susvisée, de sorte qu’en se prononçant ainsi, l’arrêt attaqué n’a pas légalement justifié sa décision ; « alors qu’en tout état de cause, si le juge apprécie souverainement le préjudice découlant d’une infraction, il en est autrement lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, erronés ou contradictoires ; qu’en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait, pour déterminer le montant du préjudice collectif prétendument subi par les usagers de l’eau de la ville de Grenoble, représentés par l’Union Fédérale des Consommateurs “Que Choisir” invoquer le solde négatif à hauteur de 179 millions de francs, supporté par la commune et par les contribuables grenoblois au terme de 25 ans d’affermage, exprimé en francs constants non actualisés ; qu’en se fondant ainsi sur des motifs erronés assimilant le préjudice des contribuables à celui des consommateurs, lesquels ne sauraient justifier la condamnation prononcée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; Les moyens étant réunis, Attendu que, pour condamner Jean-Jacques Prompsy et Marc-Michel Merlin, définitivement déclarés coupables de corruption active, à payer des dommages-intérêts à I’UFC “Que Choisir”, les juges relèvent que la concession du service de l‘eau de la ville de Grenoble a été attribuée par Alain Carignon, maire de cette ville, à la société Cogese, filiale commune du groupe Merlin, dont Marc-Michel Merlin était l’un des dirigeants, et de la Société Lyonnaise des Eaux, dont Jean-Jacques Prompsy était le directeur commercial et le directeur de l’eau pour la France, uniquement parce qu’elle était en mesure de procurer au maire les dons et avantages personnels promis ; qu’ils retiennent, en se fondant sur les conclusions du rapport de la Chambre régionale des comptes que la commune a accepté de fournir au concessionnaire des moyens

beaucoup plus importants que ceux employés auparavant et qu’elle a consenti à ce que les usagers supportent au bénéfice de la société Cogese des augmentations de tarifs programmées à l’avance et non justifiées dans les contrats conclus que les juges en déduisent que les agissements des prévenus sont en lien avec lesdites augmentations de tarifs ; qu’ils concluent que les usagers de l’eau de la ville de Grenoble, représentés par l’UFC, ont subi un préjudice collectif distinct à la fois du préjudice matériel de chacun d’eux et du préjudice social relevant de l’action publique ; Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et abstraction faite des motifs critiqués par la première branche du moyen proposé pour Jean-Jacques Prompsy, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié tant l’existence du lien de causalité entre l’infraction et le dommage que l’importance du préjudice collectif des usagers, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; D’où il suit que les moyens doivent être écartés ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; I - Sur le pourvoi d’Alain Carignon ; le déclare IRRECEVABLE ; II - Sur les pourvois de Jean-Jacques Prompsy et Marc-Michel Merlin ; les REJETTE.

Cour des comptes 7ème chambre Arrêt n° 23407, 5 mai 1999

Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME)

Responsabilité pécuniaire des comptables publics ; pièces justificatives ; pièces contractuellement prévues ; contrôle que doit opérer le comptable. (Débet). Créances incertaines ; absence de responsabilité du comptable malgré l’absence de diligence. Admission en non valeur.

Dès lors qu’un contrat prévoit qu’un paiement ne peut intervenir que dans la mesure où l’ordre est accompagné de certaines pièces, le comptable engage sa responsabilité s’il paie sans disposer desdites pièces par le fait qu’il se prive ainsi des moyens de contrôler la régularité du paiement à effectuer (C. comptes 7 avril 1999, Commune de Saint-Denis, La Revue du Trésor 1999. 775).

Une dette était contestée par depuis l’origine par le débiteur de l’ADEME. L’ordonnateur de l’agence admettait le caractère discutable de la créance mais n’avait pas annulé le titre. Le comptable aurait donc du poursuivre le recouvrement du titre en faisant les diligences nécessaires. Le titre a été admis en non-valeur, mais là encore, cette procédure n’a pas pour effet de décharger le comptable de responsabilité. En l’espèce, le parquet, faisant preuve de magnanimité, propose de lever l’injonction du fait de l’attitude de l’ordonnateur ; la Cour retiendra simplement le caractère incertain de la créance. Cette attitude n’est pas sans rappeler celle déjà retenue par la Cour dans son arrêt du 7 avril 1999 (C. Comptes 7 avr. 1999, Commune de Saint-Denis, La Revue du Trésor 1999. 767.)

S’agissant d’une créance pour laquelle le comptable successeur n’avait pas émis de réserve alors qu’elle n’avait pas été recouvrée, le parquet proposait nonobstant de faire peser la responsabilité sur le comptable ayant pris en charge la créance et non sur le dernier comptable en fonction. Il estimait en effet que l’irrécouvrabilité étant doublement imputable au premier comptable, il convenait de maintenir l’injonction seulement à son encontre. La Cour ne suit pas le Parquet dans ce raisonnement mais constatant que le dernier comptable en poste estime que la créance n’est pas irrécouvrable, lève l’injonction à son égard.

Enfin, on apprend que les fourniture de timbre sont imposées à la TVA dès lors quelles ont incorporées dans une prestation de service comme c'est le cas lorsqu’elles sont insérées dans un marché de routage.

EXTRAIT 1°) Levées d’injonctions Sur l’injonction n° 3

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Attendu que, par l’injonction n° 3 de l’arrêt susvisé des 29 octobre 1997 et 21 janvier 1998, il était enjoint à M. Tricoire d’apporter la preuve des diligences faites pour le recouvrement d’une créance de 50 000 F détenue sur l’association « Les amis de la Terre » au titre de l’exercice 1990 pour une étude sur une déchetterie ; Attendu que les justifications produites par le comptable ont fait apparaître que la créance était incertaine ; - L’injonction n° 3 est levée ; Sur l’injonction n° 5 Attendu que, par l’injonction n° 5 de l’arrêt susvisé des 29 octobre 1997 et 21 janvier 1998, il était enjoint à M. Tricoire d’apporter la preuve des diligences faites pour le recouvrement sur la société Key-Promotion International d’une créance de 689 432,86 F faisant l’objet du titre de recette n° 93-0394A correspondant aux inscriptions des participants à un colloque organisé du 12 au 15 juin 1991 par l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME), établissement public dont le patrimoine a été dévolu à 1’ADEME, Attendu qu’il résulte des réponses du comptable qu’il n’est pas certain que la créance soit définitivement irrécouvrable ; - L’injonction n° 5 est levée ; Réserve est faite sur les restes à recouvrer figurant au bilan de sortie de l’exercice 1993 ; Sur l’injonction n° 6 Attendu que, par l’injonction n° 6 de l’arrêt susvisé des 29 octobre 1997 et 21 janvier 1998, il était enjoint à M. Tricoire d’apporter la preuve des diligences faites pour le recouvrement d’une créance de 307 431,39 F détenue sur la Compagnie des bases lubrifiantes (CBL) ; Attendu qu’il résulte des justifications produites par le comptable que le non-recouvrement de la créance, consécutif à la défaillance de la société CBL, ne peut être imputé à M. Tricoire ; L’injonction n° 6 est levée ; Sur l’injonction n° 7 Attendu que, par l’injonction n° 7 de l’arrêt susvisé des 29 octobre 1997 et 21 janvier 1998, il était enjoint à M. Tricoire de justifier du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à un achat de timbres-poste en 1994, pour une somme de 7248,88 F ; Attendu qu’il résulte des justifications produites par le comptable que les fournitures de timbres sont imposables à la TVA lorsqu’elles sont incorporées dans une prestation de service ; L’injonction n° 7 est levée ; 2°) Constitution en débet Sur l’injonction n° 1 Attendu que, par l’injonction n° 1 de l’arrêt susvisé des 29 octobre 1997 et 21 janvier 1998, il était enjoint à M. Jeantet d’apporter la preuve du reversement, ou toute autre justification à décharge, d’une somme de 380 898,45 F, montant de deux factures respectivement de 367 658,45 F et 13 240 F payées par mandat 921-M-70001 193 du 17 juillet 1992 à la société Key-Promotion International ; Attendu qu’aux termes de l’article 10 du marché 1.16.0003 du 7 juillet 1992 passé entre l’ADEME et ladite société pour l’organisation par l’ALFME, établissement public dont le patrimoine a été dévolu à l’ADEME, de la manifestation « Hydro-Energia » du 12 au 15 juin 1991, la somme précitée ne devait être versée par l’ADEME qu’après remise par la société des bulletins d’inscription originaux des participants à la manifestation ; Attendu que ces bulletins originaux n’ont pas été remis et que dans sa réponse, le comptable ne fournit qu’une liste de personnes dont rien ne garantit qu’elles ont participé à la manifestation, se contentant de mentionner que, malgré de nombreuses recherches dans les archives du service communication à Paris et à Valbonne, il n’a pas été trouvé trace des bulletins d’inscription originaux et que les archives de l’entreprise ont été détruites ; Attendu qu’ainsi M. Jeantet n’a pas justifié le versement de la somme de 380 898,45 F à la société Key-Promotion International ni fourni la preuve du reversement de ladite somme dans la caisse de

l’établissement ; qu’il se trouve donc dans le cas prévu par le paragraphe VII de l’article 60 de la loi susvisée du 23 février 1963 ; qu’il y a lieu, en conséquence, de le constituer débiteur de l’ADEME pour la somme de 380 898,45 F ; Attendu qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi précitée du 23 février 1963, « les débets portent intérêt au taux légal à compter de la date du fait générateur, ou, si cette date ne peut être fixée avec précision, à compter de celle de leur découverte » ; qu’en l’espèce, cette date est le 31 août 1992, date de paiement du mandat ; - M. Jeantet est constitué débiteur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie pour la somme de 380 898,45 F, augmentée des intérêts de droit à compter du 31 août 1992 ;

CONCLUSIONS DU PARQUET Sur les injonctions n° 1 et n° 5 Aux termes de l’article 10 du marché 1 160 003 du 7 juillet 1992 passé entre l’ADEME et la société Key-Promotion International pour l’organisation de la manifestation dite Hydro-énergia, le solde du marché ne pouvait être versé qu’après remise par Key-Promotion. International des bulletins d’inscription originaux des participants à cette manifestation ; Or, M. Jeantet a réglé le solde du marché (380 898,45 F) sans exiger la production desdits bulletins d’inscription ; La liste des participants, transmise le 10 décembre 1998 en réponse à l’arrêt des 29 octobre 1997 et 21 janvier 1998, ne saurait suppléer l’absence, au moment du paiement, des pièces justificatives originales contractuellement prévues ; En payant le solde du marché sans vérifier la production des justifications, M. Jeantet n’a pas assuré les contrôles qui lui incombaient en application des articles 12B et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; Il doit donc être déclaré débiteur envers 1’ADEME de la somme de 380 898,45 F augmentée des intérêts de droit calculés à compter de la date de paiement du mandat ; Par ailleurs, Key-Promotion International avait, par convention Pli-1002 du 1er février 1991, été chargée d’encaisser les droits d’inscription des participants et de les reverser à l’ADEME ; L’absence de production des bulletins d’inscription originaux a donc eu également pour conséquence de compromettre l’action en recouvrement de ces droits d’inscription entreprise par 1’ADEME, en 1993, par le biais de l’émission d’un titre de recettes n° 93-0394 A d’un montant de 689 432,86 F ; Ce titre de recettes initialement pris en charge par M. Jeantet n’a jamais été recouvré, les comptables successifs ayant hésité à engager les procédures de recouvrement contentieux, alors qu’ils doutaient du bien-fondé (et notamment du montant) de cette créance ; Les successeurs de M. Jeantet n’ayant pas émis de réserves sur ce point, Nous avions, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt du Conseil d’Etat du 23 juin 1989 Commune de Romainville, recommandé à la Cour dans Nos conclusions n° 3304 du 20 octobre 1997, d’adresser l’injonction au dernier comptable en fonctions au cours des exercices en jugement, M. Tricoire, avec réserve de responsabilité sur ses prédécesseurs ; Malgré l’absence de réserve, la Cour n’a pas déchargé M. Jeantet de sa gestion. Le caractère irrécouvrable du titre qu’il a pris en charge en 1993 lui étant en quelque sorte doublement imputable (insuffisance des diligences accomplies et absence de production des justifications qui auraient permis d’établir et de faire valoir plus efficacement les droits de l’établissement), une injonction de versement de la somme de 689 432,86 F pourrait lui être adressée, tandis que celle prononcée à l’égard de M. Tricoire serait levée ; Sur l’injonction n° 3 Il résulte des réponses transmises à la Cour que la créance de 50 000 F de 1’ADEME sur l’association « les Amis de la Terre » est, depuis sa mise en recouvrement, contestée par cette dernière ;

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Alertés par le comptable, les services de 1’ ADEME ont admis que la créance n’était pas parfaitement établie, et le service « budget-finances » a même proposé, le 31 janvier 1995, un abandon de créance au directeur général ; Cette démarche étant restée sans suite, le comptable a sollicité et obtenu l’admission en non-valeur de la créance, en mars 1998 ; La procédure d’admission en non-valeur n’était certainement pas appropriée en l’espèce ; Cependant, même s’il est juridiquement envisageable de faire reproche au comptable de n’avoir pas été plus actif dans ses tentatives de recouvrement d’un titre que l’ordonnateur n’a jamais formellement accepté d’annuler, et même si l’admission en non-valeur ne lie pas le juge des comptes, il paraîtrait sévère de mettre à la charge de M. Tricoire le montant d’une créance dont les services de l’ordonnateur ont reconnu le caractère discutable ; Sur l’injonction n° 6 La créance sur la société CBL est désormais irrécouvrable ; Toutefois, le comptable ayant dans les délais réglementaires déclaré cette créance au passif de la société, lors de son admission en règlement judiciaire, il y aurait lieu de lever l’injonction ; Sur l’injonction n° 7 La prestation de la société SFDD ne s’analyse pas comme une simple revente de timbres-poste, exonérée de la TVA, en vertu de l’article 261 C30 du code général des impôts ; il s’agit de dépenses d’affranchissement insérées dans un marché de routage ; L’injonction devrait donc être levée ;

Cour des comptes, 7ème chambre Arrêt n° 23616, 12 juillet 1999

Ecole nationale vétérinaire d’Alfort. Réserves sur la gestion du prédécesseur ; formes et contenu des réserves du comptable entrant ; responsabilité relative aux restes à recouvrer ; atténuation de responsabilité (non) ; Rectification d’erreur matérielle.

Dès lors que le comptable successeur a émis des réserves suffisamment précises (C. comptes 17 décembre 1987, OPHLM de Meaux, Rev. adm. 1989. 38 ; C. comptes 1er décembre 1995, note du Parquet n° 6008, Rec. C. comptes 292) dans les délais impartis (C. comptes 20 mars 1997, Commune de Saint-Savinien, La Revue du Trésor 1997. 453), il y a lieu pour le juge financier de les accepter. Les dires du comptables prédécesseur, affirmant que le poste a été pris en charge sans réserve sont en l’espèce contredits par la matérialité des faits. Pourtant, il n’est possible de présenter des réserves que sur la gestion de son prédécesseur et non sur sa propre gestion : le juge n’a pas lieu de tenir compte de telle réserves.

Le comptable, sous la gestion duquel se sont produites les discordances, ne peut se retrancher derrière le dysfonctionnement du système informatique pour s’exonérer de sa responsabilité (Ch. Rég. Comptes Limousin 19 mars 1998, Lycée agricole d’Ahun, La revue du Trésor 1998. 670). De même ne peut-il reporter la responsabilité sur son prédécesseur s’il n’a pas fait de réserve précise en temps utile quand bien même cette attitude serait motivée par la volonté de ne pas altérer la santé dudit prédécesseur.

Enfin on notera que l’existence d’une erreur matérielle dans le montant fixé de la somme à recouvrer n’oblige pas le juge à prendre une nouvelle décision provisoire dès lors que l’erreur est en faveur du comptable ; une simple rectification d’erreur matérielle dans le cadre de la décision définitive est suffisante.

EXTRAIT Sur la réserve présentée par M. SOROSINA le 30 juin 1989 Attendu que M. Sorosina a émis le 30 juin 1989 une réserve figurant à l’état de développement du solde du compte 4681 pour l’exercice 1988, à l’encontre de la gestion de son prédécesseur ; Attendu que M. Sorosina a été installé en tant que comptable de l’école nationale vétérinaire d’Alfort le 1er mars 1989 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 60-III de la loi du 23 février 1963 susvisée et de l’article 17 du décret n° 64-1022 du 29 septembre 1964 modifié, la responsabilité pécuniaire des comptables publics s’étend à toutes les opérations du poste comptable qu’ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu’à la date de cessation de fonction ; que cette responsabilité peut être dégagée à l’égard de la gestion de leurs prédécesseurs à condition qu’une réserve ait été formulée lors de la remise de service ou dans un délai de six mois suivant celle-ci ; Attendu que la réserve susvisée, dont la portée est précisément définie, a été formulée dans les délais requis et qu’il y a donc lieu de l’accepter ; Sur l’injonction unique prononcée à l’encontre de Mme Grégoire par l’arrêt susvisé du 18 juillet 1991 ; Attendu que par une injonction unique, la Cour, au motif que l’état de développement du solde du compte 4681 (restes à recouvrer des exercices antérieurs) faisait apparaître au 31 décembre 1986 une différence de quatre mille neuf cent quatre vingt dix francs et soixante centimes (4 990,60 F) avec le solde de ce compte, inchangée depuis lors, a enjoint à Mme Grégoire d’apporter la preuve du reversement de cette somme ou toute autre justification ; Attendu qu’il y a lieu de rectifier une erreur matérielle de l’arrêt, qui aurait dû porter la somme de quatre mille neuf cent soixante douze francs et soixante centimes (4 972,60 F) au lieu de 4 990,60 F ; que la rectification de cette erreur étant favorable à Mme Grégoire, il n’y a pas lieu de renouveler l’injonction ; Attendu que Mme Grégoire expose que son successeur a pris en charge sans réserve le poste comptable et qu’il a en conséquence endossé la responsabilité des opérations antérieures ; que toutefois ledit successeur a bien fait des réserves dans les délais et formes réglementaires prescrits et qu’en conséquence Mme Grégoire demeure seule à devoir répondre de la discordance mentionnée ; Attendu que Mme Grégoire fait valoir que les discordances qui ont affecté successivement les soldes comptables des exercices 1982 à 1986 sont liées à une défectuosité du système informatique alors en usage ; qu’elles sont apparues au temps de son prédécesseur à l’égard duquel elle s’est refusée, puisqu’il était souffrant, de formuler elle-même des réserves ; que si de telles raisons peuvent justifier une mesure administrative en faveur de l’intéressée, elles ne sauraient fonder la décision du juge des comptes ; Considérant, dans ces conditions, que Mme Grégoire se trouve dans le cas prévu par le paragraphe VII de l’article 60 de la loi susvisée du 23 février 1963 ; qu’il y a donc lieu de la constituer débitrice de l’école nationale vétérinaire d’Alfort à hauteur de 4 972,60 F Considérant, qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi précitée du 23 février 1963, « les débets portent intérêt au taux légal à compter de la date du fait générateur ou, si Cette date ne peut être fixée avec précision, à compter de celle de leur découverte » ; qu’en l’espèce, cette date est celle de la clôture de l’exercice 1986 ; L’injonction prononcée à l’encontre de Mme Grégoire est levée ; Mme Grégoire est constituée débitrice de l’école nationale vétérinaire d’Alfort pour la somme de quatre mille neuf cent soixante douze francs et soixante centimes (4 972,60 F), augmentée des intérêts de droit à compter du 31 décembre 1986 ; Sur la réserve présentée par M. SOROSINA le 1er juin 1993 Attendu que M. Sorosina a formulé une réserve générale quant au visa du compte financier 1992, motivée par les détournements de fonds opérés au cours de cet exercice ; Attendu qu’aux termes de l’article 60-III de la loi du 23 février 1963 susvisée et de l’article 17 du décret n° 64-1022 du 29 septembre 1964 modifié, la responsabilité pécuniaire des comptables publics s’étend à toutes les opérations du poste comptable qu’ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu’à la date de cessation de fonction ; que cette responsabilité ne peut être dégagée qu’à l’égard de la gestion de leurs prédécesseurs, et à condition qu’une réserve ait été formulée dans les six mois suivant l’installation ; Attendu qu’en l’espèce la réserve a été émise en dehors des délais prévus et qu’elle ne porte pas sur la gestion du prédécesseur du

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comptable en fonction mais sur sa propre gestion ; qu’il n’y a donc pas lieu d’en tenir compte ; Réserve à l’encontre de M. Sorosina. Il est, en conséquence, sursis à la décharge de M. Sorosina pour l’ensemble de sa gestion, qui demeure de ce fait en état d’apurement ; Attendu que la décharge de Mme Grégoire, pendant les années 1986, du 1er février 1989, au 28 février, ne pourra intervenir qu’après l’apurement du débet ci-dessus prononcé ; Attendu que M. Sorosina ne pourra recevoir décharge de sa gestion du 1er mars 1989 au 31 décembre 1996 qu’après la levée de la réserve prononcée ci-dessus à son égard et de la reprise des soldes du bilan de sortie de 1996 ; Il est sursis à la décharge de Mme Grégoire et de M. Sorosina.

Cour des comptes, 1ère chambre Arrêt n° 24636, 28 octobre 1999

Trésorier-Payeur Général de l’Eure Responsabilité pécuniaire des comptables publics ; recette ; diligences adéquates (oui).

Des procédures gracieuses ou contentieuses peuvent, dès lors qu’elles sont suspensives, justifier l’inaction du comptable. Pourtant, dès que le juge se sera prononcé définitivement, il conviendra que le comptable reprenne les poursuites pour que les diligences puissent être considérées comme rapides, si par ailleurs, elles sont adéquates.

En tout cas, le fait qu’un plan d’apurement des dettes semble respecté peut constituer une diligence adéquate.

EXTRAIT Sur l’injonction n° 3 Trésorerie de Routot-Bourg-Achard - OUITIS Ahmed - Restes à recouvrer 682 092,68 F (situation au 23 février 1998) au titre de l’impôt sur le revenu des années 1981 à 1983 Attendu que la Cour a enjoint à M. CHAUSSENDE de faire connaître la nature des diligences engagées, leurs résultats et l’état actuel des sûretés garantissant les créances ; Attendu que le 29 janvier 1987, le contribuable a présenté au directeur des services fiscaux une réclamation suspensive de paiement assortie de garanties prises le 15 avril 1987 et renouvelées le 16 avril 1991, sous la forme d’inscriptions hypothécaires sur divers biens immobiliers, d’une valeur totale estimée à 1 099 000 F ; Qu’un dégrèvement partiel de 92 379 F a été prononcé le 9 juillet 1993 ; Que M. Ouitis s’est pourvu devant le tribunal administratif de Rouen qui, par jugement du 16 juillet 1996, a notifié un dégrèvement de 154 199 F ; Que le 30 septembre 1996, M. Ouitis a fait appel devant la Cour administrative d’appel de Nantes et que l’instance est toujours en cours ; Attendu que dans sa réponse, le comptable fait valoir que les poursuites ont été reprises à compter du 16 janvier 1997 par la notification d’un commandement afin d’interrompre la prescription ; Que des oppositions ont été pratiquées sur des loyers d’immeubles appartenant au redevable ; Que compte tenu des contestations de l’intéressé et des garanties existantes, elles ont fait l’objet de mainlevée ; Que les hypothèques légales inscrites sur plusieurs immeubles d’une valeur estimée à 1 099 000 F, figurent au premier et deuxième rang et garantissent totalement la dette M. Ouïtis ; Attendu que le comptable a ainsi satisfait à l’injonction ; L’injonction n° 3 est levée. Sur l’injonction n° 4 Compte 411-32 « Reversement de fonds sur dépenses de ministères à annuler - créances des années

antérieures » Titre n° 91/93 émis le 18juin 1993 par la préfecture de l’Eure à l’encontre M. Gérondeau Albert pour 90 513 F ; Attendu que la Cour a enjoint à M. CHAUSSENDE de préciser la nature des diligences exercées et les perspectives d’apurement de la créance ; Attendu que le titre a été émis aux fins de recouvrement de loyers impayés et que M. Gérondeau est actuellement redevable de deux autres titres soit une dette totale de 153.302 F ; Que les diligences mentionnées au dossier étaient imprécises ; Attendu que dans sa réponse la comptable indique qu’un commandement a été notifié le 22 novembre 1993 et qu’une demande de validation de saisie-arrêt des rémunérations des époux Gérondeau a abouti par décision judiciaire le 2 juin 1994, sans que ces saisies soient productives ; Qu’un dernier avis avant poursuites adressé le 28 mars 1997 a provoqué une demande de délais de paiement de la part de l’intéressé et que le plan d’apurement semble respecté ; Attendu que le comptable a produit les documents prouvant ses diligences ; L’injonction n° 4 est levée.

Cour des comptes, 1ère chambre Arrêt n° 25098, 28 octobre et 8 novembre 1999

Receveur général des finances de Paris Responsabilité pécuniaire des comptables publics ; recette ; diligences adéquates (oui).

Dés lors que des restes à recouvrer apparaissent dans les comptes d’un comptable, celui-ci est invité à faire preuve des diligences qu’il a entrepris pour obtenir le paiement des recettes en cause. C’est le juge des comptes qui estimera si ces diligences sont adéquates, complètes et suffisamment rapides pour exonérer le comptable de sa responsabilité.

En l’espèce ont été jugées comme adéquats :

- l’émission d’un avis à tiers détenteur notifié au notaire chargé de la vente d’un immeuble appartenant à l’épouse du redevable, solidairement responsable du paiement des impôts ;

- la reprise, après plusieurs années d’interruption (rappr. C. comptes 3 mai 1990, Receveur des impôts de Paris-sud, Rec. C. comptes 42), de poursuites à l’égard d’un contribuable, parfaitement localisé et disposant de plusieurs sources de revenus (Ch. Rég. Comptes Nord-Pas-de-Calais 19 août 1993 et 9 mars 1994, CH de Seclin, Rec. C. comptes 25), poursuites complétées d’avis à tiers détenteur ayant déjà permis de ramener la dette de 182.635 F à 128.783.78 F ;

- l’impossibilité de localiser un contribuable ayant fait l’objet d’une inscription au fichier des personnes recherchées, la consultation du fichier SPI national n’ayant apporté aucun élément nouveau ;

- l’émission d’un avis à tiers détenteur notifié au service des domaines chargé par décision de justice de la succession d’un contribuable décédé.

EXTRAIT Sur l’injonction n° 1 de l'arrêt de 13 juin 1996- Trésorerie de Paris 7 - MARECHAL Alain - Restes à recouvrer 664 308,20 F au titre de l'impôt sur le revenu des années 1980 et 1981 ; Attendu que la Cour a enjoint à M. VIDAL de faire connaître les diligences effectuées en vue de la saisie et de la vente des biens immobiliers afin de recouvrer la somme de 664 308,20 F due par M. MARECHAL Alain au titre de l'impôt sur le revenu des années 1980 et 1981 ; Attendu qu'au titre de l'injonction n° 8 de l'arrêt des 7 et 25 février 1993 sur la gestion 1990, le comptable a précisé que les avis à tiers détenteur notifiés à différentes banques ne permettent que des recouvrements rares et de faibles montants ;

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Qu'une hypothèque légale du Trésor a été renouvelée le 13 décembre 1994 sur des biens immobiliers, sis à Paris, et appartenant à Mme MARECHAL ; solidairement responsable du paiement des impôts ; Attendu que, dans sa réponse à l'arrêt du 13 juin 1996, le comptable précise que la procédure de saisie immobilière des biens de Mme MARECHAL a été interrompue à la suite de la mise en vente amiable du bien estimé à 640 000 F en 1997 ; Que le 8 février 1999, un avis à tiers détenteur a été notifié au notaire chargé de la vente ; Attendu qu'il ressort de ce qui précède que le comptable a justifié ses diligences ; - L’injonction n° 1 est levée ; Sur l'injonction n° 2 de l'arrêt précité - Trésorerie de Paris 7 - GIUDICELLI Jean - Restes à recouvrer de 182 635 F au titre de l'impôt sur le revenu des années 1971 à 1974 ; Attendu que la Cour a enjoint à M. VIDAL de faire connaître les diligences effectuées en vue du recouvrement de la créance d'un montant de 182 635 F due par M. GIUDICELLI Jean au titre de l'impôt sur le revenu des années 1971 à 1974 ; Attendu qu'au titre de l'injonction n° 11 de l'arrêt des 7 et 25 février 1993 sur la gestion 1990, le comptable a précisé qu'aucune poursuite n'a été effectuée entre 1985 et 1990 ; que par la suite, une saisie exécution a été pratiquée à la nouvelle adresse indiquée par les services fiscaux (rue de Bièvre, Paris 5ème) ; que cet acte de poursuite n'a pas été contesté ; Qu'une opposition notifiée à la SCPI « Elysées Lafitte Résidence » a permis de recouvrer environ 4 000 F par semestre ; Que le redevable est parfaitement localisé et qu'il exerce une activité libérale de styliste à la dernière adresse connue ; Attendu que dans sa réponse à l'arrêt du 13 juin 1996, le comptable précise que, d'après les renseignements obtenus par les services fiscaux, le contribuable a plusieurs sources de revenus ; Que les avis à tiers détenteur notifiés à divers organismes ont ramené la dette à 128 783,78 F ; Attendu que le comptable a ainsi satisfait à l'injonction ; - L’injonction n° 2 est levée ; Sur l'injonction n° 3 de l'arrêt précité - Trésorerie de Paris 10-1 - BEVILACQUA Noël - Restes à recouvrer de 1 546 640,00 F au titre de l'impôt sur le revenu des années 1981 à 1984 ; Attendu que la Cour a enjoint à M. VIDAL de faire connaître les démarches entreprises auprès des services fiscaux pour obtenir des renseignements exploitables en vue du recouvrement de la créance de 1 546 640,00 F due par BEVILACQUA Noël au titre de l'impôt sur le revenu des années 1981 à 1984 ; Attendu qu'au titre de l'injonction n° 17 de l'arrêt des 7 et 25 février 1993 sur la gestion 1990, le comptable a précisé qu'il était probable que M. BEVILACQUA ne puisse pas régler la totalité de sa dette ; Que les impositions ont été émises sur la base de taxations d'office ; Attendu que, dans sa réponse à l'arrêt du 13 juin 1996, le comptable précise que la dernière demande de renseignements adressée au centre des impôts concerné n'a apporté aucun élément exploitable permettant le recouvrement de la dette et que la consultation du fichier SPI national n'a apporté aucun renseignement nouveau ; Attendu que M. BEVILACQUA a fait l'objet d'une inscription au fichier des personnes recherchées, et que, faute de pouvoir localiser le redevable, la créance a été admise en non-valeur le 25 février 1999 ; Attendu que le comptable a justifié ses diligences ; - L'injonction n°3 est levée ; Sur l'injonction n° 4 de l'arrêt précité - Trésorerie de Paris 16-2 – LEANDRI Etienne - Restes à recouvrer 9 399 401,85 F au titre d'impôts sur le revenu des années 1965 à 1968 ; Attendu que la Cour a enjoint à M. VIDAL de faire connaître les mesures envisagées pour apurer la somme à recouvrer qui

s'établissait comme suit : 8 527 422,85 F au titre d'impôts sur le revenu des années 1965 à 1968 mis en recouvrement le 31 mai 1970 ; 384 382 F au titre de l'impôt sur le revenu 1983 mis en recouvrement le 31 juillet 1984 ; 487 597 F au titre de l'impôt sur le revenu des années 1979 et 1980 mis en recouvrement le 31 juillet 1985 ; soit un total de 9 399 401,85 F ; Attendu qu'au titre de l'injonction n° 22 de l'arrêt des 7 et 25 février 1993 sur la gestion 1990, le comptable a indiqué qu'une reconnaissance de dette a été signée le 27 septembre 1986 et que le redevable pensait être en mesure d'effectuer un versement substantiel en l'acquit de sa dette mais qu'il n'y a cependant pas donné suite ; Que deux commandements ont été notifiés le 17 novembre 1988 et le 19 septembre 1993 ; qu'un procès-verbal de carence a été adressé le 5 janvier 1990 à l'adresse du 49 avenue Foch ; Que des avis à tiers détenteur notifiés le 12 janvier 1994 à trois établissements bancaires n'ont pas permis de recouvrer la créance ; Que M. LEANDRI n'a aucun bien immobilier et ne bénéficie d'aucune pension ; Attendu que, dans sa réponse à l'arrêt du 13 juin 1996, le comptable précise que le redevable est décédé le 22 janvier 1995 ; Que la gestion de la succession a été confiée à l'administration des Domaines par décision de justice du 6 novembre 1996 ; Que, dès le 29 novembre 1996, un avis à tiers détenteur a été notifié aux Domaines pour la totalité de la dette, soit 10 072 494,12 F ; Attendu que le comptable a satisfait à l'injonction ; L'injonction n° 4 est levée.

Cour des comptes, 1ère chambre Arrêt n° 24248, 8 novembre 1999

Trésorier-Payeur Général des Vosges Responsabilité pécuniaire des comptables publics ; recette ; diligences adéquates (oui).

Le caractère rapide des diligences n’impose pas nécessairement qu’elles soient effectuées sans délai. Même espacées, des diligences régulières sans résultats peuvent satisfaire à ce critère en particulier si elles ont permis, in fine, de trouver, avec le redevable, un terrain d’entente pour un paiement échelonné (injonction n° 2).

Il n’est pas nécessaire que les diligences entreprises par le comptable soient couronnées de succès pour qu’elles soient adéquates. Ainsi dès lors que tout a été entrepris et que le dossier a été suivi de manière satisfaisante, le comptable peut voir sa responsabilité dégagée (injonction n°1).

EXTRAIT Sur l’injonction n° 1 de l’arrêt du 11 septembre 1997 Trésorerie d’Epinal, Viard Alain - Restes à recouvrer 123 006,74 F, au titre de l’impôt sur le revenu 1985 et de la taxe d’habitation 1989 ; Attendu que la Cour a enjoint à M. NICOL de la BELLEISSUE de préciser l’état des recherches entreprises pour apprécier la solvabilité du contribuable et les perspectives d’apurement de la créance ; Attendu que le contribuable n’a effectué aucun versement ; Que les avis à tiers détenteur adressés le 17 juillet 1996, le 18 septembre 1996 et le 18 août 1997 n’ont pas donné de résultat ; Attendu que dans sa réponse, le comptable précise que M. Viard cherche à se soustraire à l’impôt et organise son insolvabilité ; Que la saisie mobilière effectuée le 10 septembre 1990 n’a pas été suivie d’une vente compte tenu de la faible valeur des biens ; Qu’une demande au fichier SPI du 31 juillet 1997 fait apparaître, comme seul bien, un terrain non bâti acquis par le redevable en indivision pour la somme de 70 000F en 1971 et que ledit bien est grevé par une hypothèque des services fiscaux pour une dette de TVA de 287 431,08F ;

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Que le seul moyen de recouvrer la créance est la mise en œuvre d’une contrainte par corps ; Attendu que le comptable a produit des correspondances et des reconnaissances de dettes interruptives de prescription et que le dossier est suivi de manière satisfaisante ; L’injonction n° 1 est levée Sur l’injonction n° 2 - Compte 411-182 « Redevables. Autres recettes diverses du budget général », Titre n° 7 émis le 29 octobre 1992 par le secrétariat général pour l’administration de la police à l’encontre de Mme Flot, MM. Boshart et Charton pour 62 020 F. ; Attendu que la Cour a enjoint à M. NICOL de la BELLEISSUE de justifier l’absence de diligences à l’égard de M. Charton ; Attendu que le titre cité en référence a pour objet le paiement de réparations civiles à l’Etat par Mme Blot, MM. Boshart et Charton, solidairement responsables dans une affaire de rébellion à agent de la force publique ; que seuls, M. Boshart et Mme Blot s’acquittent de leurs dettes ; que les recherches entreprises pour poursuivre M. Charton semblent avoir cessé à la fin de l’année 1992 ; Attendu que dans sa réponse le comptable fait valoir que M. Charton change souvent de domicile ; que les recherches effectuées pour le localiser, bien qu’espacées dans le temps, ont été régulières mais sans résultats ; Attendu qu’en mars 1997, le redevable s’est à nouveau manifesté et a accepté de signer un contrat de débit d’office de 200 F par mois ; Attendu que les explications demandées par la Cour ont ainsi été fournies et qu’il a été satisfait à l’injonction ; L’injonction n° 2 est levée.

Cour des comptes 1ère chambre Arrêt n° 24446, 2 décembre 1999

Trésorier-Payeur Général de la Creuse Responsabilité pécuniaire des comptables publics ; recette ; diligences adéquates (oui).

Lorsque le contribuable est une société en difficultés financières, il appartient bien entendu au comptable de produire à la procédure judiciaire. Mais il doit également s’informer auprès du syndic sur l’état des procédures et agir auprès de lui pour tenter d’obtenir paiement des sommes dues. Dès lors que les informations du syndic sont apportées et permettent d’une part de connaître exactement la situation de la société redevable et d’autre part de s’assurer que le comptable n’a pas omis ses obligations, l’injonction pourra être levée.

EXTRAIT Sur l’injonction n° 1 de l’arrêt susvisé du 6 novembre 1997 (gestion 1994) Contributions directes - trésorerie d’A US USSON — SA. des Ets. SALLANDROUZE Frères - taxe professionnelle 1990 en reste pour 341 604 F. Attendu que la société a été mise en redressement judiciaire le 1er octobre 1991 ; que les créances ont été normalement déclarées au représentant des créanciers ; Attendu qu’un plan de redressement est intervenu le 20 décembre 1991 ; que la cession à la SA Sallandrouze, société nouvelle, a été entérinée par jugement du 5 décembre 1995 clôturant le redressement judiciaire ; Attendu que le comptable devait produire un certificat précisant : les informations apportées par le syndic dont la réponse était attendue ; l’état des deux procédures (Ets. Sallandrouze Frères et SA Sallandrouze) et notamment les raisons de la non-application du plan de redressement voté le 20 décembre 1991 pour les Ets. Sallandrouze Frères ; les répartitions obtenues ; l’état et les perspectives d’apurement ; Attendu qu’il a été satisfait à l’injonction

• Ets Sallandrouze Frères : reddition des comptes le 18 décembre 1997 polir 2 036 320,24 F, sans désintéressement du Trésor ;

• SA. Sallandrouze : redressement judiciaire le 20 février 1996 ; plan de cession le 26 juillet 1996 à la société Manufacture royale du parc pour 1 700 001 F, dont 1,2 MF payables en 48 mensualités et le reste en 10 mensualités ;

L’injonction n° 1 de l’arrêt susvisé du 6 novembre 1997 est levée. Sur l’injonction n° 2 (gestion 1994) Contributions directes - trésorerie d’A UBUSSON - HENRAD Raymond - impôts locaux 1984 en reste pour 111.298,89 F. Attendu qu’un règlement judiciaire est intervenu le 6 décembre 1984 suivi de la liquidation de biens le 19 novembre 1985 ; Attendu que le comptable devait produire un certificat précisant : les informations apportées par le syndic dont la réponse était attendue ; l’état de la procédure ; les répartitions obtenues ; les perspectives d’apurement ; Attendu qu’il a été satisfait à l’injonction production du compte de la liquidation et résumé des opérations effectuées par le trésorier d’Aubusson ; absence de désintéressement du Trésor ; L’injonction n° 2 de l’arrêt susvisé du 6 novembre 1997 est levée. Sur l’injonction n° 5 (gestion 1994) Contributions directes - trésorerie de GUERET-PIQUERELLE -LA. SOLIC (société limousine des carburants) - taxes foncières 1983 à 1989 — reste 633 364,08 F Attendu que le comptable devait produire un certificat précisant le régime exact d’apurement collectif prononcé par jugement du 19 avril 1989 (liquidation de biens ou liquidation judiciaire) ; l’état ou les perspectives d’apurement, au besoin les dates et modes d’apurement ; les raisons pour lesquelles le paiement des taxes foncières nées après le règlement judiciaire du 20 février 1985, dettes de masse, n’a pas été demandé au syndic puis au liquidateur ; Attendu qu’il a été satisfait à l’injonction copie de deux jugements (redressement judiciaire, régime général, en date du 22.03.89 et liquidation judiciaire du 19.04.89) ; commandement de payer les taxes foncières 1986 à 1989 adressé à l’administrateur judiciaire répartitions aux seuls créanciers hypothécaires ; L’injonction n° 5 de l’arrêt susvisé du 6 novembre 1997 est levée. Sur l’injonction n° 6 (gestion l994) Attendu que deux conventions ont été signées en 1984 et 1985 entre le préfet de la Creuse et l’entreprise Gibard, représentée à partir de 26 février 1985 par Me Rodde, administrateur judiciaire, dans le cadre de la contribution des bénéficiaires et des entreprises au financement de l’allocation spéciale du fonds national pour l’emploi (F.N.E.) ; Attendu que deux titres de perception ci-dessous précisés ont été émis par le directeur départemental du travail et de l’emploi ; - titre n° 38 du 23 octobre 1986, pour 38 968 F, suite à convention n° 23-85-0006-A du 24 mai 1985, représentant exclusivement la participation des salariés ; - titre n° 28 du 3 avril 1987, pour 25 782 F, suite à convention n° 23-84-010 de 1984 ; Attendu que l’entreprise Gibart avait été mise en état de règlement judiciaire par jugement du 26 février 1985 (avant signature, le 24 mai 1985, de la convention n° 23-85-0006-A) et en liquidation de biens le 7 août 1985 ; qu’un jugement de clôture pour insuffisance d’actif est intervenu le 5 décembre 1995 ; Attendu que le comptable devait produire un certificat précisant : la date de production au syndic du titre n° 28 émis le 3 avril 1987 pour 25 782F suite à convention n° 23-84-010 de 1984 ; la preuve de la prise en compte de créances chirographaires du Trésor à l’arrêté de créances par Me Rodde ; pour le titre n° 38 émis le 23 octobre 1986 pour 38 968 F suite à convention 23-85-0006-A du 24 mai 1985, la date à laquelle le paiement a été demandé au syndic pour la première fois ; les suites données aux rappels ; l’état d’apurement des deux titres ; éventuellement, les circonstances, date et mode d’apurement ; Attendu que les deux titres susvisés ont fait l’objet d’un règlement total de la part du mandataire judiciaire le 25 septembre 1997 ;

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L’injonction n° 6 de l’arrêt susvisé du 6 novembre 1997 est levée.

Cour des comptes 1ère chambre Arrêt n° 24694, 2 décembre 1999

Trésorier-Payeur Général de la Nouvelle-Calédonie Trop payé ; Aides, subventions et primes ; Régularisation

Le passage en janvier 1988 du cyclone « Anne » sur la Nouvelle-Calédonie avait conduit le haut commissaire de la République à attribuer aux communes sinistrées des subventions limitées, pour chaque commune, à un certain pourcentage du montant de l’opération de remise en état des biens communaux endommagés. Les comptables étaient autorisés par arrêté à octroyer aux communes un acompte. Dans l’hypothèse où l’acompte s’est révélé supérieur à la subvention qui était normalement due, apparaissait dans les comptes un trop payé dont il appartenait aux comptable d’obtenir le remboursement. Dans les deux cas rapportés ci-dessous, le remboursement est organisé, après des procédures distinctes, sous la formes de versements échelonnés, dont trois sur quatre sont déjà intervenus. Les injonctions sont donc levées.

S’agissant de créances à l’égard de collectivités publiques, il appartient au comptable de mettre en œuvre les procédures de recouvrement prévues par le Code des juridictions financières (saisine de la Chambre régionale des comptes aux fins de constatation du caractère obligatoire de la dépense ; demande de mandatement d’office).

EXTRAIT Sur l’injonction n° 1 de l’arrêt susvisé Attendu que l’arrêté n° 1985 du 18 août 1988 du haut-commissaire de la République a attribué à la commune de Bourail une subvention limitée à 20 % du montant de l’opération de remise en état des biens communaux endommagés par le cyclone “Anne” en janvier 1988 ; que l’article 3 dudit arrêté autorisait l’octroi d’un acompte égal à la moitié des sommes remboursables, le reliquat étant versé au fur et à mesure des mandatements effectués par la commune bénéficiaire en appliquant à ces mandatements le taux de subvention précité ; Attendu que le maire de Bourail a fourni le 15 décembre 1988 un relevé de dépenses cumulées égales à 677 580 F ; qu’ont été payés successivement un premier mandat n° 126 de 523 105 F émis le 3 octobre 1988, correspondant à l’acompte, puis un second mandat n°

297 de 523 099,50 F émis le 26 décembre 1988 ; Attendu que, lors de l’instruction, le 13 février 1995, il a été demandé au comptable de produire les pièces complémentaires justifiant le paiement effectué ou la preuve du reversement de la somme de 910 688,50 F dans la caisse de l’Etat (soit :1 046 204,50, montant de la subvention totale, moins 677 580 x 20 %) ; Attendu que le comptable a donné son accord le 18 décembre 1995, suite à la demande du maire en date du 4 décembre 1995, pour un étalement du remboursement sur 4 ans, la somme de 4 139 500 F CFP devant être inscrite annuellement aux budgets 1996 à 1999 ; Attendu que par l’injonction n° 1, il était enjoint à M. CAILLARD de produire un certificat faisant connaître l’état des versements, ou à défaut la preuve de l’engagement auprès de la chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie de la procédure prévue à l’article L 263-21 du code des juridictions financières ; Attendu qu’est intervenu le versement de 3 acomptes de 227 672,22 F (13 août 1996), 227 672,22 F (3 juin 1997) et 227 544,73 F (12 février 1999), le solde dû s’élevant à 227 799,93 F pour l’échéance de 1999 ; - L’injonction n° 1 est levée. Sur l’injonction n° 2 Attendu que l’arrêté n° 1987 du 18 août 1988 du haut-commissaire de la République a attribué à la commune de Dumbéa une subvention limitée à 26,33 % du montant de l’opération de remise en état des biens communaux endommagés par le cyclone « Anne » de janvier 1988 ; que l’article 3 dudit arrêté prévoyait que la subvention serait versée par moitié au commencement des travaux et le reliquat au fur et à mesure des mandatements effectués par la

commune bénéficiaire en appliquant à ces mandatements le taux de subvention précité ; Attendu que le maire de Dumbéa a fourni les 5 mai et 8 novembre 1988 des relevés de dépenses cumulées égales à 1 069 972 F dont 352 316F étayés par des factures ; Attendu qu’après paiement d’un premier mandat n° 116 de 542 389,92 F émis le 12 septembre 1988, correspondant à l’acompte, a été payé un second mandat n° 153 d’un même montant émis le 14 novembre 1988 ; que la subvention totale ainsi allouée, soit 1 084 779,84 F, excède le montant résultant du taux de 26,33 % applicable aux dépenses dont la commune a demandé le remboursement ; Attendu que, lors de l’instruction, le 13 février 1995, il a été demandé au comptable de produire les pièces complémentaires justifiant le paiement effectué ou la preuve du reversement de la somme de 992 015 F dans la caisse de l’Etat (soit 1 084 779,84 moins 352 316 x 26,33 %) ; Attendu que le comptable a demandé le 21 mai 1996 à la chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie que soit spécifié le caractère de dépense obligatoire en application de l’article L 263-21 du code des juridictions financières ; Attendu que par l’injonction n° 2 il était enjoint à M. CAILLARD de produire un certificat précisant la suite donnée par la chambre territoriale des comptes (avis, mise en demeure) et éventuellement par le haut-commissaire, ainsi que l’état d’apurement du titre ; Attendu qu’il y a été satisfait : • la procédure entamée auprès de la chambre territoriale des comptes a été suspendue, le conseil municipal de Dumbéa ayant, par délibération du 28 novembre 1996, reconnu sa dette envers l’Etat et prévu un paiement en quatre années ; • après le versement de 3 acomptes de 249.515F (17 janvier 1997), 247.500F (18 novembre 1997) et 247 500F (6 novembre 1998), le solde dû s’élève à 247 500 F représentant l’échéance de 1999 ; L’injonction n° 2 est levée.

Cour des comptes 1ère chambre Arrêt n° 24699, 2 décembre 1999

Trésorier-Payeur Général de la Polynésie Française Autorité de la chose jugée ; Gestion de fait non constituée ; Responsabilité pécuniaire des comptables publics ; Diligences adéquates ; Réduction ou annulation des ordres des recettes ; Recettes recouvrées.

Dès lors que la Cour, en appel d’un jugement déclarant comptables de fait diverses personnalités rapporte le jugement et estime que l’examen des pièces de dépenses et leur justificatifs montraient que le comptable public n’avait pas versé une subvention à une personne ne pouvant y prétendre, il convient d’en tirer les conséquences et de lever la réserve prononcée sur la gestion du comptable concerné.

Constitue une diligence adéquate le fait d’émettre un nouveau titre en remplacement du précédent erroné quant à la désignation du débiteur (Ch. Rég. Comptes Nord-Pas-de-Calais 19 août 1993 et 9 mars 1994, CH de Seclin, Rec. C. comptes25).

Enfin, le juge doit lever les injonctions lorsque les titres de recettes qui n’étaient pas recouvrés sont annulés totalement, réglés totalement ou que, ayant été partiellement annulés, le solde en est réglé (Ch. rég. comptes Nord-Pas-de-Calais, 4 février 1994, CHS Ulysse-Trélat à Saint-André, La Revue du Trésor 1995. 54). Le comptable doit pourtant dans ce cas vérifier que la prise en charge doit être réduite (C. Comptes 11 décembre 1991, LEP Jean-Monnet à Lille,Rec. C. Comptes 111).

EXTRAIT 1. - Réserve de l’arrêt susvisé (gestions 1989 à 1992 de M. LAURENT) Attendu que, par mandats émis les 29 décembre 1989 et 12 février 1991, M. LAURENT a payé deux subventions accordées par l’Etat au syndicat d’initiative de Pare-Nui pour l’organisation des fêtes du centenaire de la Ville de Papeete, que ces subventions ont été

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versées pour un total de 100 ME CEP sur un compte bancaire qui n’était pas celui du syndicat mais celui du comité organisateur ; Attendu que l’arrêt des 31 mars et 5 avril 1993, rendu par la Cour a déclaré comptables de fait des deniers de la commune de Papeete, du Territoire de la Polynésie française et de l’Etat, dix-neuf membres du conseil municipal de Papeete qui s’étaient constitués en comité d’organisation des fêtes du centenaire de la ville ; Attendu que, par arrêt du 17 octobre 1996, la Cour (4e Chambre) a rapporté l’arrêt de gestion de fait susvisé des 31 mars et 5 avril 1993 et renvoyé l’affaire devant la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française, considérant que l’examen des pièces de dépenses et de leurs justificatifs avait été régulièrement fait et n’engageait donc pas la responsabilité du comptable payeur ; - La réserve prononcée sur les gestions 1989 à 1992 de M. LAURENT est levée ; Attendu qu’il ne subsiste plus de charge à son encontre, M. LAURENT est déchargé de sa gestion pendant les années 1989, du 1er janvier, à 1992, au 30 novembre, date de sa sortie de fonctions. En conséquence, M. LAURENT est déclaré quitte et libéré de sa gestion terminée le 30 novembre 1992. Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions mises ou prises sur ses biens meubles et immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour sûreté de ladite gestion, et son cautionnement peut être restitué ou ses cautions dégagées. 2 - Levées d’injonctions (gestion 1992 de M. KIEGER) Sur l’injonction n° 1 de l’arrêt susvisé Attendu que deux titres n° 480 et 481 émis le 10 octobre 1989, pour 81 127 F et 1 349 F, par la direction du commissariat de la marine de Papeete à l’encontre de la SARL RICHMOND Frères restaient à recouvrer pour 82 476 F, que ces titres émis pour remboursement de frais d’hospitalisation auraient dû l’être au nom d’une société S.T.M.T. déclarée en redressement judiciaire le 26 novembre 1990 puis cédée à une autre société le 24 février 1992 ; que la déclaration de la créance n’a pu être effectuée ; Attendu que par l’injonction n° 1 il était enjoint à M. KIEGER de produire un certificat précisant les diligences engagées pour faire émettre ces titres au nom du véritable débiteur et en recouvrer le montant ; Attendu qu’il y a été satisfait : • l’annulation des titres demandée à la direction du commissariat de la marine le 3 décembre 1996 est intervenue le 17 décembre 1997, • un titre a été émis le 17 décembre 1997 à l’encontre de la société S.T.M.T. (société en redressement judiciaire le 26 novembre 1990 — clôture pour insuffisance d’actif intervenue le 13 octobre 1997) qui a été admis en non-valeur le 18 mai 1998 ; - L’injonction n° 1 est levée. Sur l’injonction n° 3 Attendu que le titre n° 498 a été émis, le 12 décembre 1991, par le ministère de l’équipement, du logement, des transports et de la mer à l’encontre du service des phares et balises pour 20 637F, suite à une cession de matériels ; Attendu que par l’injonction n° 3 il était enjoint à M. KIEGER de produire un certificat précisant l’état d’apurement du titre, à défaut, celui des poursuites engagées et leur résultat ; Attendu qu’il y a été satisfait, les six titres étant soldés ; - L’injonction n° 3 est levée. Sur l’injonction n° 4 Attendu que le titre n° 13 a été émis le 26 avril 1989 par le vice-rectorat, pour 23 235 F, à l’encontre de I’IRCANTEC en raison de la titularisation de M. BOURGEOIS, que le titre n° 2 a été émis, le 10 septembre 1991, par le ministère de l’éducation nationale (universités) pour 20 332 F, à l’encontre de 1’IRCANTEC, en raison de la titularisation de Mme FAYOLLE ;

Attendu que par l’injonction n° 4 il était enjoint à M. KIEGER de produire un certificat précisant l’état d’apurement des titres, à défaut, celui des poursuites engagées et leur résultat ; Attendu qu’il y a été satisfait, le titre n° 13/89 ayant été annulé le 10 octobre 1996, le titre n° 2/91 le 13 novembre suivant ; - L’injonction n° 4 est levée. Sur l’injonction n° 5 Attendu que les titres n° 14 et 15 ont été émis le 13 juillet 1989 pour 12 659 F et 4 141 F, par la direction du commissariat de la marine à l’encontre de la Caisse de prévoyance sociale, à la suite de trop-perçus sur versement de cotisations « maladie » ; Attendu que par l’injonction n° 5 il était enjoint à M. KIEGER de produire un certificat précisant l’état d’apurement des titres, à défaut, celui des poursuites engagées et leur résultat ; Attendu qu’il y a été satisfait, le règlement par la Caisse de prévoyance sociale étant intervenu le 21 février 1997 ; - L’injonction n° 5 est levée. Sur l’injonction n° 6 Attendu que les titres n° 1078, 1123, 1124 et 1141 ont été émis par le vice-rectorat à l’encontre de la Caisse de prévoyance sociale, pour remboursement d’indemnités journalières, les 15 juillet 1987, 26 novembre 1987 (2 titres) et 31 décembre 1987, pour les sommes respectives de 36 317F, 39 558F, 3001 F, et 2112 F Attendu que par l’injonction n° 6 il était enjoint à M. KIEGER de produire un certificat précisant l’état d’apurement des titres, à défaut, celui des poursuites engagées et leur résultat ; Attendu qu’il y a été satisfait : • le titre n° 1124 a été annulé en totalité (3 001 F), • les titres n° 1078 et 1123 ont été annulés partiellement pour 10 489,63 F et 25 315,20 F, • les titres n° 1078, 1123 et 1141 ont été soldés le 27 avril 1999 ; - L’injonction n° 6 est levée. -

Cour des comptes 1ère chambre Arrêt n° 24703, 2 décembre 1999

Payeur du Territoire des Iles Wallis et Futuna Responsabilité pécuniaire des comptables publics ; Pièces justificatives ; Pénalités de retard..

Sur l’injonction n° 1 de l’arrêt susvisé Attendu que, par l’injonction n° 1 de l’arrêt susvisé, il était enjoint à M. PIFE d’apporter la preuve : a) du reversement des sommes suivantes : - 122 760 F, pour la surfacturation sans avenant concernant la 2ème tranche de travaux [application uniforme du tarif 9b (2 000F CFP. le m3) au lieu du tarif 9a (1 380F CFP. le m3)] dans le cadre du marché négocié conclu par l’Etat avec l’entreprise DUMEZ International, le 30 août 1990, en vue d’assurer des travaux de viabilisation et le revêtement de la liaison routière entre l’aéroport de Hihifo, Katika et Mata-Utu - RT.2. - RI.3 ; - 65 340 F. pour les pénalités de retards non liquidées sur la tranche de travaux (dans la limite du mandat pour solde, n° 101 du 17 octobre 1991) sur marché conclu le 22 mai 1990 ; - 28 174,56F, pour les pénalités de retards non liquidées sur la 2ème tranche de travaux b) de l’émission d’un titre de reversement pour la somme de 25 638,88 F. soit 90 978,88 F (retards de la 1ère tranche) moins 65 340 F (mandat pour solde n° 101 du 17 octobre 1991) et de son recouvrement, ou toute autre justification à décharge ; Attendu qu’il y a été satisfait : - le payeur a produit la preuve que les travaux commencés le 28 juillet 1990 ont été interrompus le 12 octobre suivant par ordre de service n° 2 daté de la veille, qu’ils ont été repris à compter du 14 mai 1991 par ordre de service n° 3 daté du même jour, que leur

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réception a été effectuée le 16 juillet suivant, soit avec un retard de deux et non de trente-deux semaines, - il a été admis qu’il avait fallu recourir aux matériaux extraits du site de Malaetolï (tarif 9b) au lieu de Vailala (tarif 9a) à la suite de difficultés rencontrées avec les responsables coutumiers du second site ; - L’injonction n° 1 est levée.

Cour des comptes, 4ème chambre Arrêt n° 24680, 16 décembre 1999

Syndicat intercommunal des monts du Lyonnais Appel du ministère public ; Responsabilité pécuniaire des comptables publics ; omission, insuffisance ou retard de perception.

Par principe, le non recouvrement d’une recette ne peut engager la responsabilité du comptable que si celui-ci à pris en charge la recette. (C. comptes 25 mai 1993, AP de Marseille, Rec. C. comptes 67). Cependant, le comptable a aussi un rôle de surveillance. Aussi, quand le comptable a connaissance des faits générateurs des créances, il lui incombe de faire les diligences nécessaires pour obtenir de l’ordonnateur l’émission des titres en temps utile (C. Comptes 1er octobre 1997, lycée Yves Thépot à Quimper, La Revue du Trésor 1998. 165). Il en est ainsi également dans le cadre de créances contractuelles (C. comptes 29 janvier 1989, Lettre du Président n° 3255, Rec. C. comptes 185). Il en est ainsi encore d’un titre de recette d’intérêts de retard lorsque le contrat dont le comptable a connaissance les prévoit expressément (Ch. rég. comptes Bretagne, 17 mars 1988, SIVOM de Pont-l’Abbé, Rec. C. comptes 155).

C’est pour l’application de ces principes que le ministère public relève appel d’un jugement de la Chambre Régionale des Comptes Rhône-Alpes qui avait donné décharge et quitus à trois comptables successifs. Or, comme le relève la Cour, l’un des comptables disposait des éléments nécessaires pour s’apercevoir que la recette encaissée ne soldait pas le compte des avances en garantie d’emprunt (C. comptes, 25 juin 1936, Commune de Bordeaux, Rec. C. comptes 45). Il lui appartenait dans ce cas de provoquer l’émission d’un titre de recettes à hauteur de la créance irrecouvrée (C. Comptes 1er octobre 1997, lycée Yves Thépot à Quimper, La Revue du Trésor 1998. 165).

EXTRAIT Attendu que la Chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes, statuant sur les comptes du Syndicat intercommunal des monts du Lyonnais pour les exercices 1992 à 1995, et après avoir constaté le non recouvrement d’une créance de 156 738,40 F à l’encontre de la Société d’équipement de la région de Lyon (SERL), créance correspondant à une avance en garantie d’emprunt consentie par le syndicat à la SERL en tant que concessionnaire, a enjoint aux trois comptables du syndicat en fonction pendant cette période d’apporter la preuve des diligences faites en vue du remboursement de cette créance ; Attendu qu’au vu de la réponse faite le 28 avril 1998 par l’un de ces comptables, Mme Kervella, elle a, par jugement du 20 janvier 1999, levé cette injonction et donné décharge et quitus aux trois comptables ; Attendu que le requérant fait appel de ce jugement au motif que, lors de l’enregistrement du remboursement des avances en garantie d’emprunt effectué par le concessionnaire en mai 1992, M. Rouland, comptable alors en fonction, aurait du s’apercevoir que la recette encaissée par ses soins ne soldait pas le compte des avances en garantie d’emprunt, et provoquer dès lors l’émission d’un titre de recettes complémentaire à hauteur de la créance irrecouvrée ; Attendu que Madame Kervella, dans sa réponse du 28 avril 1998 et contrairement à ce qui est allégué dans le jugement susvisé du 20janvier 1999, n’avance aucun élément susceptible de dégager la responsabilité des comptables successifs, se bornant à indiquer que les intérêts moratoires qui lui étaient dus n’ont été réclamés que tardivement par la Caisse des dépôts et consignations, et que la délibération du 19 février 1993 par laquelle le syndicat a donné

quitus à la SERL, son concessionnaire. ne laissait plus au receveur du syndicat la possibilité de réclamer le remboursement de ces intérêts ; Attendu d’autre part que les pièces du dossier font bien apparaître que M. Rouland, au moment de l’enregistrement du reversement des avances en garantie d’emprunt fait en mai 1992, disposait bien d’un avoir établi par le concessionnaire pour la somme de 1 531 112,22 F portant la mention « reversement des avances en garantie d’emprunts », au lieu de la somme de 1 687 850,62 F inscrite dans la comptabilité du concédant ; qu’il disposait donc des éléments nécessaires pour assurer en temps utile la mise en recouvrement de la différence de ces sommes, soit 156 738,40 F ; qu’en négligeant de le faire, il a compromis définitivement le remboursement de cette créance ; que le jugement du 20 janvier 1999 doit dès lors être infirmé ; Attendu qu’aux termes de l’article 22 du cahier des charges de la concession, modifié par l’article 3 de son avenant unique, le déficit apparaissant au bilan de clôture de l’opération doit être pris en charge à parts égales entre le syndicat et la SERL ; que, dès lors, la responsabilité de M. Rouland doit être limitée à la moitié de la créance non récupérée par suite de sa négligence, soit 78 369,20 F ; Attendu que les responsabilités de Mmes Delage et Kervella dans ce non recouvrement ne sont pas directement établies ; qu’il convient toutefois de pouvoir les engager, dans le cas où l’action poursuivie contre M. Rouland aboutirait à les mettre en cause ; Par ces motifs, ORDONNE ce qui suit : STATUANT DÉFINITIVEMENT, La requête du Commissaire du gouvernement près la Chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes est déclarée recevable ; Le jugement susvisé du 20 janvier 1999 est infirmé ;

EXTRAIT DES CONCLUSIONS DU PARQUET Rappelons que si les comptables n’ont généralement pas connaissance des créances des personnes publiques avant leur mise en recouvrement par les ordonnateurs, certaines créances sont inscrites dans la comptabilité tenue par les comptables ; tel est le cas des créances afférentes aux prêts et aux avances ; C’est ainsi qu’en l’espèce, l’avance de 156 738,40 E, datant de 1985 et constituant le montant des intérêts moratoires dus en raison du versement tardif de deux annuités de remboursement d’un emprunt contracté auprès de la Caisse des dépôts et consignations par le concessionnaire, s’est trouvée inscrite dans la comptabilité du concédant au compte 2521, alors même qu’elle a été omise dans la comptabilité de la Société d’équipement de la région de Lyon ; La question essentielle qui se pose à la Cour est d’apprécier si à l’occasion de la passation en mai 1992 des écritures relatives à l’encaissement de la recette prévue par le protocole de liquidation, M. Rouland a disposé « d’éléments » d’information lui permettant de s’apercevoir que l’avance susmentionnée n’avait pas été prise en compte dans le protocole de liquidation de l’opération de concession ; Les pièces du dossier font apparaître qu’il lui a été produit un « avoir » établi par le concessionnaire pour la somme de 1 531 112,22 F portant la mention « reversement des avances en garantie d’emprunts », au lieu de la somme de 1 687 850,62 F inscrite dans la comptabilité du concédant ; Pour Notre part, sommes d’avis que M. Rouland a disposé d’informations précises et indiscutables, même si la constatation de l’omission de l’avance en cause nécessitait le rapprochement de plusieurs documents détenus dans le poste comptable ; En conséquence, invitons la Cour à infirmer le jugement de la chambre régionale et à mettre en jeu la responsabilité de M. Rouland en lui enjoignant d’apporter la preuve du versement de la somme de 78 369,20 F dès lors que l’application des dispositions du contrat de concession n’aurait permis au syndicat que de récupérer la moitié de sa créance.