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Hegel Vol. 3 N° 2 – 2013 89 89 © aln.editions Hépathologie Syndrome de Budd-Chiari Budd-Chiari syndrome Nawel Afredj Service d’Hépatologie, CHU Mustapha, Alger (Algérie) [email protected] Résumé Le syndrome de Budd-Chiari (SBC) est une affection rare ; sa prévalence est estimée à 1/1000 000 habitants/an dans le monde. En Algérie, la prévalence du SBC n’est pas connue, cependant 115 cas de SBC ont été colligés dans notre seul centre hospitalier entre 2004 et 2010. Le SBC primitif relève de pathologies thrombogènes diverses, congénitales ou acquises. Elles sont dominées par les syndromes myéloprolifératifs (SMP), retrouvés dans 50 % des cas. Dans notre série, l’affection prothrombotique la plus fréquente était comme attendu le SMP. Hormis la fréquence de l’association maladie cœliaque et Syndrome de Budd-Chiari, Il n’y avait pas de particularité concernant la répartition étiologique du SBC chez nos patients. La prise en charge thérapeutique du Budd-Chiari repose sur le traitement symptomatique des complications de la cirrhose, le traitement anticoagulant, les techniques de désobstruction vasculaire, notamment le shunt intrahépatique porto-systémique par voie trans-jugulaire (TIPSS). A un stade avancé, la transplantation hépatique doit être envisagée. Cet arsenal thérapeutique a permis d’améliorer considérablement le pronostic du SBC, avec une survie à 5 ans de 90 %. Nos patients n’ont pu bénéficier des techniques de radiologie interventionnelles, ce qui a lourdement grevé leur pronostic. Ainsi, la survie à 3 ans était de 54 % seulement. La mise en place des techniques de radiologie interventionnelle permettrait de façon certaine, l’amélioration du pronostic du SBC chez nos patients. Mots clés Budd-Chiari ; Syndromes myéloprolifératifs ; Thrombose ; TIPS Abstract Budd-Chiari syndrome (SBC) is a rare disease. Its frequency is estimated at 1/1000 000 inhabitants/year worldwide. In Algeria, the prevalence of SBC is not known; however, 115 cases of SBC were collected only in our hospital between 2004 and 2010. Etiologies of BCS are dominated by myeloproliferative disorders (MPD), found in 50% of cases. Other congenital or acquired prothrombotic disorders may be involved. In our patients, the most common prothrombotic condition was, as expected MPD. Apart from the frequency of the association of celiac disease and Budd-Chiari syndrome, there was no distinction regarding the etiological distribution of SBC in our patients. Therapeutic management of BCS is based on the symptomatic treatment of cirrhosis complications, anticoagulant therapy, endo-vascular techniques, including transjugular intrahepatic porto-systemic shunt (TIPSS). In advanced stage, liver transplantation should be considered. These treatments have greatly improved the prognosis of SBC, with a 5-year survival rate of 90%. Our patients did not benefit from interventional radiology techniques, which heavily worsened prognosis. Thus, the 3-year survival was only 54%. The development of interventional radiology will certainly improve the prognosis of SBC in our country. Keywords Budd-Chiari; Myeloproliferative syndromes; Thrombosis; TIPS DOI : 10.4267/2042/51154

Budd-Chiari syndrome - Institut de l'information scientifique et …documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/51154/... · 2018. 3. 19. · de poser le diagnostic de SBC dans

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Syndrome de Budd-ChiariBudd-Chiari syndrome

Nawel AfredjService d’Hépatologie, CHU Mustapha, Alger (Algérie)[email protected]

Résumé

Le syndrome de Budd-Chiari  (SBC) est une affection rare  ; sa prévalence est estimée à 1/1000 000 habitants/an dans le monde. En Algérie, la prévalence du SBC n’est pas connue, cependant 115 cas de SBC ont été colligés dans notre seul centre hospitalier entre 2004 et 2010. Le SBC primitif relève de pathologies thrombogènes diverses, congénitales ou acquises. Elles sont dominées par les syndromes myéloprolifératifs (SMP), retrouvés dans 50 % des cas. Dans notre série, l’affection prothrombotique la plus fréquente était comme attendu le SMP. Hormis la fréquence de l’association maladie cœliaque et Syndrome de Budd-Chiari, Il n’y avait pas de particularité concernant la répartition étiologique du SBC chez nos patients.

La prise en charge thérapeutique du Budd-Chiari repose sur le traitement symptomatique des complications de la cirrhose, le traitement anticoagulant, les techniques de désobstruction vasculaire, notamment le shunt intrahépatique porto-systémique par voie trans-jugulaire (TIPSS). A un stade avancé, la transplantation hépatique doit être envisagée. Cet arsenal thérapeutique a permis d’améliorer considérablement le pronostic du SBC, avec une survie à 5 ans de 90 %. Nos patients n’ont pu bénéficier des techniques de radiologie interventionnelles, ce qui a lourdement grevé leur pronostic. Ainsi, la survie à 3 ans était de 54  % seulement. La mise en place des techniques de radiologie interventionnelle permettrait de façon certaine, l’amélioration du pronostic du SBC chez nos patients.

Mots clés

Budd-Chiari ; Syndromes myéloprolifératifs ; Thrombose ; TIPS

Abstract

Budd-Chiari syndrome (SBC) is a rare disease. Its frequency is estimated at 1/1000 000 inhabitants/year worldwide. In Algeria, the prevalence of SBC is not known; however, 115 cases of SBC were collected only in our hospital between 2004 and 2010. Etiologies of BCS are dominated by myeloproliferative disorders (MPD), found in 50% of cases. Other congenital or acquired prothrombotic disorders may be involved. In our patients, the most common prothrombotic condition was, as expected MPD. Apart from the frequency of the association of celiac disease and Budd-Chiari syndrome, there was no distinction regarding the etiological distribution of SBC in our patients.

Therapeutic management of BCS is based on the symptomatic treatment of cirrhosis complications, anticoagulant therapy, endo-vascular techniques, including transjugular intrahepatic porto-systemic shunt (TIPSS). In advanced stage, liver transplantation should be considered. These treatments have greatly improved the prognosis of SBC, with a 5-year survival rate of 90%. Our patients did not benefit from interventional radiology techniques, which heavily worsened prognosis. Thus, the 3-year survival was only 54%. The development of interventional radiology will certainly improve the prognosis of SBC in our country.

Keywords

Budd-Chiari; Myeloproliferative syndromes; Thrombosis; TIPS

DOI : 10.4267/2042/51154

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Hegel Vol. 3 N° 2 – 201390

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Le syndrome de Budd-Chiari (SBC) est une affection connue depuis plus d’un siècle. Pourtant son cadre nosologique est resté imprécis, jusqu’à ce qu’un panel d’experts en pathologie vasculaire hépatique se réunisse en 2003 pour proposer la définition que nous connaissons actuellement. C’est l’ensemble des manifestations cliniques résultant d’un obstacle au drainage veineux hépatique, l’obstacle pouvant être situé au niveau des veines sus-hépatiques (VSH), ou de la veine cave inférieure (VCI) sus-hépatique, jusqu’à son abouchement à l’oreillette droite [1].

Le SBC est dit primitif lorsque l’obstacle est endo-veineux. Il peut être secondaire à un envahis-sement ou à une compression vasculaire par un processus extrinsèque, tumoral ou non [1,2].

Le SBC est une affect ion rare. Son incidence dans les pays d’Europe est infér ieure à 1/1 000 000 habitants par an [3]. Aucune donnée concernant l’incidence de cette affection en Algérie, ni même au Maghreb n’est disponible. Nous avons cependant observé un accroissement du nombre de cas diagnostiqués dans notre service depuis 2002, pour atteindre une incidence de 18 cas par an.

Pour que le SBC soit cliniquement symptomatique, au moins deux veines hépatiques doivent être obstruées. Cette obstruction veineuse aura pour conséquences [4,5] :

• Un syndrome phlébitique qui associe douleur, f ièvre et syndrome inflammatoire ;• Une hyperpression sinusoïdale responsable d’une hépatomégalie congestive, d’une ascite et d’une hypertension portale. Un réseau de dérivations veineuses va se développer entre les territoires veineux obstrués et les veines restées perméables ;• Une diminution de la perfusion hépatique, responsable de phénomènes ischémiques, d’une nécrose hépatocytaire péri-centrolobulaire et d’une insuf f isance hépatique si l’ischémie se prolonge.

Ces perturbations du flux sanguin hépatique sont associées à des phénomènes de remodelage du parenchyme hépatique, notamment une hypertrophie du segment I, une dysmorphie hépatique et des nodules de régénération pseudo-HNF de volume variable.

La symptomatologie clinique varie selon le siège, l’étendue et la rapidité d’installation de l’obstacle veineux hépatique et il n’y a pas de corrélation entre le tableau clinique et l’ancienneté des lésions. On distingue trois formes cliniques [4,5] :

• La forme a iguë as soc iant douleur s de l ’hypochondre droi t , f ièv re, hépatomégal ie, hypertransaminasémie > 5N, en l’absence de signes d’hypertension portale (HTP). Un tableau d’hépatite fulminante peut être observé dans 2-10 % des cas ;• La forme chronique, prédominante (50 %), réalisant un tableau de cirrhose avec une ascite pouvant être exsudative, souvent réfractaire aux diurétiques et une circulation veineuse collatérale superficielle thoraco-abdominale  ; circulation cavo-cave entre la VCI et la VCS, plus latérale que la porto-cave qui est plus médiane ;• La forme subaiguë ou aiguë sur chronique, retrouvée lorsqu’une thrombose aiguë vient se surajouter sur une thrombose chronique asymptomatique. Elle réalise un tableau de SBC aigu, avec des signes d’hépatopathie chronique et d’HTP.

Figure 1 Circulation veineuse collatérale de type

thoraco-abdominale chez un patient ayant un Budd-Chiari au stade de cirrhose

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Hegel Vol. 3 N° 2 – 20139191

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Ces formes cliniques conditionnent le pronostic. Dans différentes études européennes, les taux de survie les plus bas ont été associés aux formes subaiguës [6]. Dans 10 à 20 % des cas, lorsque le réseau de dérivations veineuses est efficace, le SBC est asymptomatique [7]. Dans notre série, 115  cas de SBC ont été colligés entre 2004 et 2010. La forme chronique était nettement prédominante, observée dans 63 % des cas. Une présentation aiguë de la maladie a été retrouvée dans moins de 10 % des cas, fulminante dans 3 cas.

En pratique, certaines situations doivent nous faire évoquer un SBC, notamment en cas d’ascite réfractaire contrastant avec des fonctions hépatiques conservées, en cas d’hépatite fulminante associée à une hépatomégalie, ou en cas de cirrhose avec circulation veineuse superficielle thoraco-abdominale. Enfin, lorsqu’un patient suivi pour une pathologie thrombogène, notamment un syndrome myéloprolifératif ou une maladie de système, présente une perturbation du bilan hépatique, il faut savoir évoquer cette pathologie [1].

Le diagnostic du Budd-Chiari est radiologique. Il repose sur des examens d’imagerie non invasifs, notamment l’écho-doppler et l’angio-IRM ou angio-scanner. L’IRM est préférée à l’angio-TDM, car non irradiante. L’écho-doppler est l’examen à réaliser en première intention [8,9]. Il permet de poser le diagnostic de SBC dans 90 % des cas [10,11]. Il reste opérateur-dépendant. Cet examen permet de visualiser l’obstacle des VH et/ou de la VCI sus-hépatique sous forme de sténose, de thrombose ou de compression. Un aspect fin, échogène des VH témoigne du caractère ancien de la thrombose. Les dérivations veineuses inter-sus-hépatiques, sous-capsulaires sont typiques du SBC. Enfin, une hypertrophie du segment I laminant la VCI en arrière, associée ou non à une dysmorphie hépatique est souvent rencontrée en cas de SBC.

Figures 2 et 3 Sténose d’une VH droite (écho et doppler)

Figure 4 Circulation collatérale intra-hépatique (doppler couleur)

Figure 5 Hypertrophie du lobe caudé, aspect en «patch-work» du parenchyme hépatique

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Hegel Vol. 3 N° 2 – 201392

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L’angio-IRM ou l’angio-scanner triphasique peuvent être réalisés en deuxième intention [1]. Ils permettent de mieux visualiser les troubles de la perfusion hépatique réalisant un aspect en «  patchwork  » du parenchyme hépatique et les nodules pseudo-HNF. Ces nodules prennent fortement le contraste au temps artériel. Ils sont mieux visualisés à l’IRM qu’au scanner [12]. Ces examens permettent de compléter le bilan lésionnel, en montrant une cartographie complète de la vascularisation portale, cave et hépatique. Le siège des thromboses veineuses au cours du SBC est variable selon les régions géographiques. En Algérie, comme en Europe, la thrombose intéresse le plus souvent les VH  [2,3,13]. L’atteinte isolée de la VCI est cependant rare dans ces régions-là, fréquente en Asie [2,3,13]. La cavographie et la biopsie hépatique ne font plus partie des examens à visée diagnostique au cours du SBC [4].

Le SBC primitif est en général l’expression hépatique d’une thrombophilie sous-jacente. Il s’agit le plus souvent d’un syndrome myéloprolifératif (SMP). Les étiologies du SBC sont rapportées dans le tableau ci-dessous [1-5].

* Résistance plasmatique à la protéine C activée** Méthylène-tétra-hydrofolate réductase

Figure 6 Nodules pseudo-HNF du foie droit

Syndrome myéloprolifératif 50 % Thrombophilie héréditaire 35 % Déficit protéines C, S, Antithrombine RPCA* (mutation du facteur V Leiden) Mutation du facteur II, MTHFR** Thrombophilie acquise 15 % Syndrome des anti-phospholipides ++ Maladie de Behcet (5-40 %), Hémoglobinurie Paroxystique Nocturne (2-6 %), Contraceptifs orauxCause locale 5 %

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Hegel Vol. 3 N° 2 – 20139393

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Lorsque le bilan étiologique est exhaustif, la cause du SBC est retrouvée dans 70 à 95 % des cas selon les séries publiées et une association étiologique retrouvée dans 25-35 % des cas [1-5]. Chez nos patients, la répartition étiologique était comparable à celle rapportée ci-dessus. Les SMP étaient prédominants, retrouvés dans 34,6 % des cas. Cette affection doit être suspectée en cas d’élévation du taux de plaquettes au-delà de 200 000, malgré la présence d’une spléno-mégalie [14]. La mutation V617F JAK2, découverte en 2005 sur le chromosome 9 est un critère majeur du diagnostic des SMP. Cette mutation doit être systématiquement recherchée en cas de SBC, examen complété par une biopsie de moelle osseuse si la mutation est absente [4]. La maladie de Behçet est une cause fréquente de thrombose dans le bassin méditerranéen. Elle a été retrouvée chez 3 de nos patients, tous décédés des suites du SBC. En effet, sur les 456 cas de Behçet répertoriés par le groupe algérien de travail sur la maladie de Behçet, une thrombose de la VCI a été retrouvée dans 3 % des cas (n=14). La mortalité imputée au SBC dans ce travail était de 100 % [15]. L’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) est une cause rare de SBC. Elle a été retrouvée dans 3,4 % des cas dans notre travail (n=4). Il faut penser à l’HPN chez un patient présentant un SBC devant toute anémie avec LDH élevés, aplasie médullaire ou extension de la thrombose à d’autres territoires veineux, notamment au système porte ou aux veines cérébrales. Une cytométrie de flux à la recherche d’une diminution de l’expression des CD55 et de CD59 par les éléments figurés du sang doit être réalisée afin de confirmer ce diagnostic [16]. La cause la plus fréquente de thrombophilie héréditaire est la mutation Leiden du facteur  V  [1-5]. En l’absence de test génétique, la Résistance de la Protéine C Activée (RPCA) peut aider à poser le diagnostic. Les protéines C, S et antithrombine sont des protéines anticoagulantes intervenant à différents niveaux dans la fibrino-formation. Le déficit en protéine C est le plus fréquemment associé au SBC [1-5], mais dans un contexte d’insuffisance hépatique, ce déficit est difficile à interpréter. Une enquête familiale doit être réalisée avant de retenir ce diagnostic. Enfin, le SBC peut être secondaire à une compression des voies de drainage veineux hépatique par un processus tumoral ou un kyste hydatique (KH), ce qui a été retrouvé chez 6 de nos patients. Il s’agissait d’un KH dans 5 cas et d’un carcinome hépatocellulaire dans un cas.

Des scores pronostiques ont été créés pour évaluer de façon spécifique le pronostic au cours du SBC, notamment le score de Rotterdam, le score de Clichy et le MELD modifié  [6,13,17]. Comparé aux autres scores, le Rotterdam score présente la meilleure performance diagnostique pour la prédiction du pronostic au cours de cette affection. Les patients classés stade I de Rotterdam ont une probabilité de survie à 5 ans de 90 % versus 42 % lorsqu’ils sont classés stade III de Rotterdam. Après évaluation de ces scores sur une plus large cohorte de patients atteints de SBC, on a démontré que leurs performances étaient insuffisantes pour prédire le pronostic des patients en pratique.

Le traitement du SBC repose sur les anticoagulants, le traitement étiologique pour éviter la récidive de la thrombose et le rétablissement du drainage veineux hépatique [1-5]. Une anticoagulation prolongée et immédiate est recommandée par toutes les sociétés savantes. Le recours à une HBPM avant les AVK (anti-vitamine K) n’est pas consensuel en dehors du contexte de thrombose aiguë. L’objectif sous AVK est d’obtenir un INR entre 2 et 3. Ce traitement anticoagulant n’est cependant pas dénué de risques, notamment hémorragique. Dans notre série, un accident aux AVK est survenu dans 16,5 % des cas. Une surveillance étroite des patients est de rigueur. En pratique, nous préconisons pour diminuer le risque hémorragique, de ligaturer de façon prophylactique les grosses varices œsophagiennes avant la mise en route des AVK et d’éviter les paracentèses sous AVK. Le rétablissement du drainage veineux hépatique repose sur l’angioplastie en cas de sténose courte des VH ou de la VCI et le TIPSS (shunt intrahépatique porto-systémique par voie transjugulaire). Une évaluation de la fonction cardiaque est nécessaire avant d’envisager ce geste. Les principales complications du TIPS sont l’encéphalopathie hépatique, souvent infra-clinique et la thrombose du shunt, moindre avec les prothèses couvertes. Le TIPSS ne doit pas être indiqué en cas de cirrhose avec insuffisance hépatique terminale. La transplantation hépatique (TH) est indiquée en cas de cirrhose décompensée avec insuffisance hépatique avancée. C’est le seul traitement chirurgical admis en cas de SBC [18]. Le risque de récidive de la thrombose après TH n’est pas négligeable, d’où la nécessité de maintenir les AVK en post-opératoire. Ces traitements ont permis d’améliorer le pronostic des patients atteints de SBC, qui peut atteindre les 90 % à 3 ans et dépasser les 70 % à 10 ans dans les centres spécialisés [19,20]. Dans notre série, le taux de survie à 3 ans n’était que de 54 %, du fait de la non-disponibilité des techniques de radiologie interventionnelle et de la TH à donneur cadavérique.

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Hegel Vol. 3 N° 2 – 201394

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Conclusion

Le syndrome de Budd-Chiari n’est pas rare en Algérie. Ses étiologies sont dominées comme dans les séries européennes par les syndromes myéloprolifératifs. C’est une pathologie de diagnostic facile, mais sa prise en charge thérapeutique reste un challenge en l’absence de moyens thérapeutiques adéquats.

Nous remercions le Docteur S. Faraoun du service de radiologie de l’Hôpital Mustapha d’Alger (CPMC) qui nous a fourni l’iconographie.

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Liens d’intérêt : aucun