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Journal de Biologie Médicale / Volume 2-Numéro 6 / Juil-Sept 2013 ARTICLES SCIENTIFIQUES ARTICLE ORIGINAL Etude retrospective des arthrites septiques à l'hôpital militaire Mohammed V Septic arthritis of retrospective study in Military Hospital Mohammed V N. Bennis, A. Hamidi, K. Hmamouch, A. Romli, Y. Sekhsokh, S. Hamzaoui Laboratoire de microbiologie, Hôpital Militaire Mohammed V, Rabat * Auteur correspondant : Noor BENNIS Laboratoire de microbiologie, Hôpital Militaire Mohammed V, Rabat E-mail : [email protected] Tél : +212 661 48 99 29 Résumé L’arthrite septique est une infection grave. Sa prise en charge est une urgence. Le traitement à l’aveugle est proscrit sous peine d’échec thérapeutique, source d’importantes destructions ostéo-articulaires. L’étude rétrospective proposée porte sur l’analyse bactériologique des liquides articulaires reçus au laboratoire de microbiologie de l’hôpital militaire Mohammed V de Rabat entre 2007 et 2009. L’objectif étant d’établir un profil épidémiologique de l’arthrite septique et un diagnostic différentiel avec d’autres étiologies arthritiques pour la mise en place d’un traitement approprié. L’étude montre une augmentation significative en 2008 de cas d’arthrites septiques. 55 % des patients ont une moyenne d’âge de 53,5 ans avec un sexe ratio H/F=2,5. 37 % proviennent du centre de rhumatologie et de rééducation fonctionnelle, 29 % du service de traumatologie, 21 % des urgences, et 7 % des services de réanimation et médicaux. Sur 168 prélèvements, 31 étaient positifs à l’examen direct dont 87 % étaient des Cocci gram positif. Par contre, 14 cas d’infections seulement ont pu être confirmés puis identifiés. 71 % des prélèvements positifs étaient purulents avec un taux de leucocytes supérieur à 20000/µl dans 86 % des cas et la présence de microcristaux dans 100 % des cas composés majoritairement d’urate de sodium. Le Staphylocoque doré est isolé dans 65 % des cultures contre 22 % pour les Staphylocoques à coagulase négative et 7 % pour le Pseudomonas et le Proteus, avec des profils de résistances variables. Le diagnostic bactériologique du liquide articulaire demeure donc à nos jours l’examen clé pour déterminer l’origine infectieuse de l’arthrite et son traitement. Mots clés : Arthrite, infection, antibiogramme 126

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Journal de Biologie Médicale / Volume 2-Numéro 6 / Juil-Sept 2013

ARTICLES SCIENTIFIQUESARTICLE ORIGINAL

Etude retrospective des arthrites septiques à l'hôpital militaire Mohammed V

Septic arthritis of retrospective study in Military Hospital Mohammed V

N. Bennis, A. Hamidi, K. Hmamouch, A. Romli, Y. Sekhsokh, S. HamzaouiLaboratoire de microbiologie, Hôpital Militaire Mohammed V, Rabat

*Auteur correspondant : Noor BENNIS Laboratoire de microbiologie, Hôpital Militaire Mohammed V, Rabat E-mail : [email protected] Tél : +212 661 48 99 29

Résumé L’arthrite septique est une infection grave. Sa prise en charge est une urgence. Le traitement à l’aveugle est proscrit sous peine d’échec thérapeutique, source d’importantes destructions ostéo-articulaires. L’étude rétrospective proposée porte sur l’analyse bactériologique des liquides articulaires reçus au laboratoire de microbiologie de l’hôpital militaire Mohammed V de Rabat entre 2007 et 2009. L’objectif étant d’établir un profil épidémiologique de l’arthrite septique et un diagnostic différentiel avec d’autres étiologies arthritiques pour la mise en place d’un traitement approprié. L’étude montre une augmentation significative en 2008 de cas d’arthrites septiques. 55 % des patients ont une moyenne d’âge de 53,5 ans avec un sexe ratio H/F=2,5. 37 % proviennent du centre de rhumatologie et de rééducation fonctionnelle, 29 % du service de traumatologie, 21 % des urgences, et 7 % des services de réanimation et médicaux. Sur 168 prélèvements, 31 étaient positifs à l’examen direct dont 87 % étaient des Cocci gram positif. Par contre, 14 cas d’infections seulement ont pu être confirmés puis identifiés. 71 % des prélèvements positifs étaient purulents avec un taux de leucocytes supérieur à 20000/µl dans 86 % des cas et la présence de microcristaux dans 100 % des cas composés majoritairement d’urate de sodium. Le Staphylocoque doré est isolé dans 65 % des cultures contre 22 % pour les Staphylocoques à coagulase négative et 7 % pour le Pseudomonas et le Proteus, avec des profils de résistances variables. Le diagnostic bactériologique du liquide articulaire demeure donc à nos jours l’examen clé pour déterminer l’origine infectieuse de l’arthrite et son traitement.

Mots clés : Arthrite, infection, antibiogramme

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AbstractSeptic arthritis is a serious infection. Its management is an emergency. Blind treatment is prohibited under penalty of therapeutic failure causing significant Osteoarticular destruction. This retrospective study aimed to perform a bacteriological analysis of synovial received at the Laboratory of Microbiology, Military Hospital Mohammed V of Rabat between 2007 and 2009. The aim is to establish an epidemiological profile of septic arthritis and a differential diagnosis with other causes for arthritis implementation of appropriate treatment. The study shows a significant increase of cases of septic arthritis in 2008. 55 % of patients have an average age of 53.5 years with a sex ratio M / F = 2.5, 37 % of patients from the center of Rheumatology and Rehabilitation functional, 29 % of Trauma, 21 % of emergencies, and 7 % of ICUs and medical. Of 168 samples, 31 were positive by direct examination of which 87 % were gram-positive cocci. However, only 14 cases of infection have been confirmed and identified. 71 % of positive samples were purulent with leukocyte counts greater than 20000/µl in 86 % of cases and the presence of microcrystals in 100 % of cases, mainly composed of sodium urate. Staphylococcus aureus was isolated in 65 % of the cultures against 22 % for coagulase-negative staphylococci and 7 % for Pseudomonas and Proteus with variable resistance profile. Bacteriological diagnosis of synovial fluid therefore remains today the key examination to determine the cause of infectious arthritis and its treatment.

key words : Arthritis, infection, antibiotic

IntroductionL'arthrite septique est une infection du tissu synovial par des micro-organismes vivants. Son diagnostic ainsi que son traitement sont une urgence. Des lésions irréversibles s'installent rapidement dans plus de 50 % des cas et engagent le pronostic vital, avec une mortalité supérieure à 10 % [1-3]. Deux voies de contaminations existent : soit directe, où les bactéries sont introduites dans l’articulation par des gestes traumatiques (injection intra-articulaire, plaies, fractures ouvertes, réductions chirurgicales des fractures ouvertes ou fermées, prothèse articulaire), soit indirecte par voie hématogène [2, 4]. En effet, la synoviale est très vascularisée, favorisant ainsi son envahissement par des bactéries présentes dans un foyer infectieux contigu (abcès cutané, spondylodiscite, méningite et endocardite [3]. Le genou est l'articulation le plus souvent atteinte, la hanche étant la deuxième par ordre de fréquence [2, 5].Compte tenu des conséquences désastreuses d'un retard thérapeutique dans l'arthrite septique, ou de l’utilisation d’une antibiothérapie à l'aveugle inappropriée qui risque de décapiter les prélèvements ultérieurs, le diagnostic biologique précoce est avant toute antibiothérapie une priorité absolue. Il permet de confirmer l’origine bactérienne de l’arthrite septique et d’établir un diagnostic différentiel avec d’autres types d’arthrites (réactionnelles, inflammatoires, microcristallines, virales…) [6]. Un prélèvement rigoureux et une interprétation minutieuse

des cultures et antibiogrammes par rapport à d’autres sites de prélèvements sont indispensables, faute d’imposerdes gestes lourds pour le patient alors que les prélèvements ont pu être contaminés [7]. Ce résultat risque d'inciter le clinicien à prescrire une antibiothérapie prolongée ou le chirurgien à effectuer une reprise chirurgicale injustifiée. Le diagnostic est de difficulté variable. L’arthrite septique est facilement évoquée devant une monoarthri te aiguë (douleur d’apparition brutale et inflammation aux articulations). On recherche alors une porte d'entrée (fond de gorge, lésion cutanée,urines, selles) qui conforte le diagnostic et oriente vers le micro-organisme qui serait responsable de l’arthrite septique [3]. Mais le diagnostic est beaucoup plus compliqué devant des formes atypiques comme c’est le cas lors d’une atteinte polyarticulaire ou un tableau articulaire ou infectieux d'expression atténuée chez le sujet âgé ou immunodéficient, ou encore une arthrite septique compliquée d’une arthropathie pré-existante spécialement la polyarthrite rhumatoïde [3, 8]. Il faut alors démontrer l'existence d'un épanchement articulaire par l'examen clinique ou l'échographie quand l'articulation est profonde [8], puis procéder à une biopsie synoviale avec analyse bactériologique. En effet, la synoviale constitue le principal site articulaire colonisé par les bactéries. La biopsie synoviale a donc une meilleure sensibilité que la simple ponction articulaire pour identifier le germe en cause. Son

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intérêt pratique est majeur en cas de suspicion d'infection par un agent infectieux peu agressif (staphylocoque blanc, sites de prélèvements sont indispensables faute d’imposersuspicion forte d'arthrite septique). Son rendement dans ces circonstances est d'environ 70 à 90 %.L’objectif fixé dans ce travail est d’établir un profil épidémiologique de l’arthrite septique et un diagnostic différentiel avec d’autres étiologies arthritiques pour la mise en place d’un traitement approprié.

Matériel et méthodesUn total de 168 prélèvements de liquides articulaires, de patients différents ont été recueillis au niveau de différents services de l’hôpital militaire Mohammed V. Les prélèvements sont réalisés si possible avant toute antibiothérapie, dans des conditions très strictes d’asepsie, après désinfection soigneuse de la peau pour éviter toute contamination du prélèvement par la flore commensale cutanéo-muqueuse au point de ponction. Les prélèvements sont transportés rapidement dans des tubes EDTA au laboratoire de microbiologie (<2 h à 20˚C). Un fichier de recueil des informations a été mis en place où sont spécifiées les données du patient à savoir : Nom, prénom, sexe, âge, service d’hospitalisation du pat ient et moti fs d’hospital isat ion.L’examen macroscopique consiste à noter si le liquide est transparent, trouble ou purulent, citrin ou hémo-rragique, d’aspect visqueux ou s’il coagule spontanément ou pas.L’examen microscopique, consiste en un examen cytologique sur une cellule de comptage (cellule de mallassez) qui permet de quantifier les hématies et les leucocytes/mm3. Une recherche des microcristaux dans le liquide articulaire à travers un microscope en contraste de phase, à partir d'un culot de centrifugation que l’on dépose entre lame et lamelle ; un examen direct après coloration au Gram à la recherche des bactéries (cocci ou bacille, Gram + ou -, disposition, taille) et une coloration de lame au GIEMSA pour établir la formule leucocytaire. Les bactéries susceptibles d’être isolées dans les liquides de ponctions possèdent des exigences bactériologiques variées : aérobies, anaérobies strictes, aéro-anaérobies, d’où la nécessité d’utiliser des milieux de culture sélectifs.La mise en culture s’effectue simultanément sur gélose au sang, incubée en aérobie à 37°C ; gélose chocolat supplémentée en polyvi tamines, incubée sous 5 % de CO2 à 37°C ; milieu tween en anaérobiose à 37°C 24-48 h ; gélose sabouraud pour la mise en évidence

des levures à 30°C 24-48 h ; milieux liquides enrichis, type bouillons cœur cervelle et flacons d’hémoculture aérobie et anaérobie.L'incubation des milieux de culture est prolongée (au moins sept jours) pour permettre la croissance des bactéries exigeantes, de croissance lente. Les cultures en aérobie et sous CO2 sont observées tous les jours, les cultures anaérobies toutes les 48 h, les bouillons d'enrichissement sont repiqués dès qu'un trouble ou qu'une culture est observée. Ils sont systématiquement repiqués après au moins sept jours d'incubation sur les milieux de culture gélosés et incubés à nouveau 48 h supplémentaires.Une fois la souche isolée en milieu de culture, elle est identifiée grâce aux galeries API correspondantes. Un antibiogramme est réalisé sur chaque espèce identifiée, selon les recommandations du dernier communiqué du Comité de l’Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie (CASFM).

Résultats Sur une série de 168 prélèvements, 31 prélèvements étaient positifs à l’examen direct avec 87 % de cocci Gram positifs contre 13 % de bacilles Gram négatifs. 14 cas d’infections seulement ont pu être isolés en culture et identifiés. Les 14 cas d'arthrites septiques confirmés correspondaient à 10 hommes et 4 femmes, avec un sexe ratio H/F = 2,5. L'âge moyen était de 53,5 ans, la tranche d'âge comprise entre 40 et 60 ans est la plus touchée par l'arthrite septique. La répartition selon la tranche d’âge est représentée sur la Figure 1.

La distribution des cas en fonction des services montre que 37 % des patients proviennent du centre de rhumatologie et de rééducation fonctionnelle, 29 % du service de traumatologie, 21 % des urgences, et 7 % des services de réanimation et médicaux :

Figure 1: Répartition des cas par tranche d'âge

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Sur les 14 cas, 5 ont été hospitalisés devant un tableau typique de monoarthrite aigue, 2 étaient des chirurgies post- traumatiques, 4 étaient suivis pour polyarthrite rhumatoide, 3 portaient des prothèses de genou.

L’étude macroscopique montre que 71,4 % des liquides de ponction articulaire étaient purulents contre 28,6 % hématiques.L’étude microscopique montre que 85,5 % des prélè-vements positifs, affichaient un nombre de leucocytes > 20000/mm3 contre seulement 7,1 % ayant un nombre de leucocytes < 1000/mm3. La recherche des microcristaux dans les l iquides articulaires était positive dans 100 % des cas positifs avec 93 % des cristaux identifiés comme urate de sodium contre 7 % identifiés comme pyrophosphate de calcium.L'analyse des résultats de l 'examen direct selon le groupe de germes identifiés et leur évolution durant les deux périodes 2007-2008 et 2008-2009 est repré-sentée dans le Tableau I . I l montre une hausse significative du nombre de patients hospitalisés pour arthrite septique ; soit le double entre 2008 et 2009.

Les bactéries isolées en culture sont représentées dans le Tableau II. Le Staphylocoque doré est isolé dans 65 % des cultures contre 22 % pour les Staphylocoques à coagulase négative et 7 % pour le Pseudomonas et le Proteus.

Les profils de résistance pour chacune des bactéries isolées sont représentés sur la F igure 2 pour le Staphylocoque doré et sur la Figure 3 pour le

Staphylocoque à coagulase négative. Quant aux bacilles Gram négatifs (n = 2), le Proteus était résistant à un seul antibiotique qui est la ciprofloxacine. Le pseudomonas quant à lu i é ta i t rés is tant aux su l famethopr ime, fosfomycine, r i fampic ine et au chloramphenicol.

DiscussionLes arthrites septiques de l'adulte constituent une pathologie peu fréquente (entre 2 et 10 cas pour 100 000 habitants/an) mais grave. Les principaux sujets à risque sont les personnes âgées. Dans notre étude, la tranche la plus touchée étant entre 40 et 60 ans, c’est également la tranche d’âge la plus touchée dans d’autres pays [9, 10].Tous les cas d’arthrite septique identifiés sont d’origine secondaire. Ils présentent tous une arthrite micro- cristalline compliquée d’une arthrite septique.

Tableau I : Distribution des bactéries trouvées à l'examen direct

Tableau II : Distribution des bactéries isolées en culture

2007-2008 2008-2009 Total

S aureus

S coagulase négative

Pseudomonas

Proteus

To t a l

Nbre Nbre Nbre% % %

1

1

1

0

3

8

2

0

1

11

9

3

1

1

14

7,14

7,14

7,14

0

21,42

57,14

14,28

0

7,14

78,58

6 4 , 2 8

21,4

7,14

7,14

100

Figure 2 : Profil de résistance du Staphylococcus aureus : (n=9)

Figure 3 : Profil de résistance du Staphylocoque à coagulase négative : n=3

2007-2008 2008-2009 Total

C o c c i à G r a m p o s i t i f

B a c i l l e à G r a m n é g a t i f

To t a l

Nombre % % %

8

1

9

19

3

22

27

4

31

88,88 %

11 , 12 %

100 %

86,36 %

13,64 %

100 %

87,09 %

12,90 %

100 %

Nombre Nombre

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En effet, les microcristaux ont été retrouvés dans 100 % des cas. De plus, d’autres facteurs de gravité sont addit ionnés comme un acte chirurgical où le port d’une prothèse ou l’inflammation chronique comme dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde. En effet, selon certaines études, il n’est pas rare d’avoir une association d’une arthrite microcristalline aggravée d’une arthrite septique [11].Sur les 168 patients, seuls 31 étaient positifs à l’examen direct. Il est probable que certaines arthrites devaient être d’origine virale ou tuberculeuse, d'autant plus que le Maroc est un pays endémique. En effet, les arthrites à mycobactéries n’ont pas été prises en compte, peut être devrait-on se pencher sur le diagnostic de certains virus comme l'hépatite B, les oreillons ou la rubéole [4], qui peuvent induire des polyarthrites non suppurées. On évitera ainsi un traitement antibiotique astreignant au patient. Malgré le tableau évocateur d’arthrite septique, il peut s’agir d’un autre type d’arthrite d’origine non infectieuse [4].Le principal problème qui se pose aujourd’hui, c’est le diagnostic différentiel avec les autres types d’arthrites non septiques, d’où l’objet de notre étude. Faut-il traiter tous les tableaux d’arthrites septiques négatifs à l’examen direct/culture? Aucune étude n’est capable de trancher de façon catégorique. Le risque pour le patient est élevé. Aucun examen biologique non immunologique ne permet d'éliminer l'origine infectieuse ou non d'une arthrite. La leucocytose, les taux de VS et de CRP, l'uricémie, la procalcitonine, le dosage des protéines, du glucose et des lactates, ont une faible sensibilité et une faible spécificité [3, 9]. Ils n'ont qu'une valeur d'orientation et ne peuvent être interprétés qu'en fonction du contexte clinique.De la même façon, les séro logies a ins i que la PCR ne sont justifiées que dans certains cas (Chlamydia trachomatis, essentiellement dans les pays occiden-taux, Borrelia burgdorferi dans les zones d'endémie) [6].Encore une fois, leurs résultats ne sont interprétables qu’en fonction du contexte clinique, car souvent, prédominent les réactions croisées et faux positifs. La sensibilité et la spécificité de ces tests demeurent décevantes. L’histologie synoviale n’est pas fiable pour différencier une ar thr i te sept ique d ’une autre in fect ion, part i - culièrement lorsque l’infection est torpide, décapitée, ou complique une arthropathie pré-existante [11]. Selon Streit et al. [12], Il semble que seule existe une différence significative au niveau du taux de CRP

synoviale entre une arthrite septique et une arthrite rhumatoïde; avec la hausse de la CRP synoviale au dessus de 50 (mg/l) pour l’arthrite septique. La proportion de malades ayant des cultures négatives était dans notre étude de 45 %. Ce chiffre varie d’une étude à l’autre selon les habitudes locales (le type de recrutement, les critères d'inclusion et la qualité de l'enquête bactériologique) : 7 % parmi les adultes d’un district sanitaire d’Amsterdam [13], 35 % à Lille, et, dans une étude prospective multicentrique réalisée en Ecosse 43 %, 19 % pour une équipe ayant effectué une étude rétrospective entre 1979 et 2005 sur 398 malades de tous services confondus à Clermont-Ferrand [13, 14]. Alors on doit être en mesure de se demander si la discordance entre le nombre de prélèvements positifs à l’examen direct et la culture ne provient pas du non respect des conditions de prélèvement, de transport, ou de la difficulté de mettre en évidence des bactéries de culture difficile ou fragiles (gonocoque, corynébactérie). Il serait également judicieux d'effectuer une deuxième lecture au bout de 48–72 h pour repérer des colonies ayant une morphologie di f férente des premières examinées d’une culture positive après 24 h [7].

Il n’existe pas de consensus quant à la démarche à suivre pour traiter un patient dont les résultats bactériologiques sont négatifs. Certains auteurs considèrent qu'un traitement antibiotique d'arthrite septique est justifié devant une suspicion clinique sans preuve bactériologique [13]. Un traitement probabiliste est basé sur : l'examen direct (Gram) du liquide articulaire, positif dans 50 % des cas [1, 2], d’où l’importance de rendre le résultat au clinicien dans les plus brefs délais ; la fréquence théorique des germes selon le service d’où l’intérêt de l’étude épidémiologique ; le lieu où le patient a contracté l'infection : domicile, hôpital ou service de réanimation et l'on peut s'attendre à des germes multirésistants ; la porte d'entrée : cutanée (staphylocoque), génitale (gonocoque, streptocoque), ur inaire (baci l le Gram négati f ) , pulmonaire, ORL (pneumocoque), infiltration(staphylocoque, entérocoque), cathéter veineux (staphylocoque) ; le terrain : toxicomane (Staphylococque doré, Pseudomonas), drépanocytose (salmonelle), lupus (salmonelle) ; des signes associés : cutanés, pulmonaires, méningite (méningocoque, pneumocoque), endocardite (streptocoque) [3, 9] ; les profils de résistance des bactéries les plus fréquemment isolées.les équipes du service de rhumatologie et d'immu-nologie clinique du CHU de Clermont-Ferrand ont conclu à travers leur étude sur 57 cas [13], que le diagnostic d'arthrite septique est peu probable en cas de négativité d'une

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enquête bactériologique menée dans de bonnes conditions : absence d'antibiotique préalable, ensemencement du liquide articulaire dans des flacons d'hémoculture au lit du patient, acheminement rapide du prélèvement au laboratoire. Quand la suspicion n'est pas importante, examen direct négatif et articulation d'accès facile (genou), il ne faut pas hésiter à faire plusieurs pré-lèvements articulaires avant de débuter le traitement a n t i b i o t i q u e d ’ a i l l e u r s d i f f i c i l e à s t o p p e r d a n s l a crainte d'une arthrite septique décapitée [3].En outre, i ls considèrent qu’i l s’agit d'une véritable infection si plusieurs prélèvements sont positifs avec les mêmes bactéries ayant les mêmes phénotypes de résistance aux antibiotiques ; d'une infection probable s i un ou deux pré lèvements sont posi t i fs : une confrontation bactériologique, anatomo-pathologique, clinique, radiologique et chirurgicale sera nécessaire pour décider de la conduite à tenir ; d'une probable contamination lorsqu'un seul prélèvement est positif dans un seul mil ieu de culture alors que plusieurs prélèvements effectués au site de l'infection sont restés négatifs ; d'un résultat ininterprétable lorsqu'un seul milieu de culture est positif dans l'unique prélèvement effectué [7]. Néanmoins, l'étude microbiologique du liquide articulaire demeure le seul examen fiable pour identifier la bactérie en cause dans l’arthrite septique, puis, de déterminer son prof i l de résistance aux antibiotiques. Dans certaines études, les espèces le plus fréquemment en cause dans l’arthrite aigüe sont le S aureus (55 %), puis le Streptococcus sp (27 %), les bacilles à Gram négatif (14 %) ; 3 % des germes restent inconnus. Seulement 50 % des patients présentent une hémoculture positive [7]. Dans notre étude, les Staphylocoques dorés sont responsables dans la grande majorité des infections ostéo-articulaires aiguës à hauteur de 65 % et 21 % pour les Staphylocoques coagulase négative (3 cas).

Ce pourcentage est en discordance avec d’autres études où le streptocoque vient en deuxième position [1, 4]. Il apparait que les 3 cas de Staphylocoques à coagulase négative qui ont pu être isolés, sont des patients porteurs de prothèse et atteints d'une arthrite microcristall ine. Les arthrites septiques à Staphylocoques coagulase négative demeurent très rares. Elles posent un problème diagnostic, car les Staphylocoques coagulase négative font partie de la flore commensale de l’organisme au niveau de plusieurs t i ssus . On hés i te à les d issoc ier d ’une probab le contamination et les incriminer comme agents infectieux. Le d iagnost ic posi t i f est a lors posé devant deux

hémocultures positives, ce qui était notre cas. D’après des études qui ont été menées au sein de l’hôpital Bichat par le service de rhumatologie, on assiste de plus en plus à l’apparition d’infections osseuses à staphylocoque à coagulase négative. D’après un report de cas de Krasniqi et al. [15] d’arthrite septique à Staphylocoques coagulase négative, le Staphylocoque epidermidis est de plus en plus incriminé dans des infections nosocomiales des cas d’arthrites septiques.D’ail leurs, le staphylocoque à coagulase négative possède un profil de résistance plus virulent que celui du Staphlocoque doré probablement dû au fait qu’il soit d’origine nosocomial. Dans notre étude, le Staphylocoque doré et le Staphylocoque à coagulase négative présentent un profil de sensibilité de 100 % pour la vancomycine, la tétracycline ou la fosfomycine qui possèdent un bon taux de pénétration dans l’articulation [10]. Quant aux deux cas de pseudomonas et proteus isolés en culture, ils sont secondaires au geste chirurgical. Il faut savoir que le pseudonomas est souvent impliqué dans les infections nosocomiales post chirurgicales [10].

ConclusionTout signe inflammatoire au niveau d'une articulation doit faire évoquer la possibil i té d'une infection. Le diagnost ic repose sur des données cl iniques, biologiques, radiologiques et surtout bactériologiques. L'étude cyto-bactériologique du liquide articulaire prélevé par ponction est l'élément clé du diagnostic. Tout retard diagnostique et donc thérapeutique peut conduire à la destruction du cartilage, des complications septiques systémiques et une mortalité. De ce fait, le prélèvement doit être pratiqué dans les plus brefs délais, dans des conditions strictes d'asepsie, au mieux en milieu chirurgical dans un flacon stérile contenant un anticoagulant, et ce en dehors de toute antibiothérapie au préalable. Vu la difficulté de différencier entre une arthrite non septique et une arthrite septique dont l’examen direct et la culture sont négatifs et la difficulté du choix du traitement devant un cas d’arthrite septique, l’étude épidémiologique et bactériologique au sein de nos services est primordiale pour établir un traitement probabiliste. Il montre que les Staphylocoques sont responsables de la grande majorité des arthrites septiques. Devant un taux aussi faible de prélèvements positifs confirmés en culture, il serait judicieux de revoir toute la pré-analytique, ainsi que les milieux de cultures utilisés. La prise en charge de ces patients doit être pluridisciplinaire.

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Journal de Biologie Médicale / Volume 2-Numéro 6 / Juil-Sept 2013

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