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Eni Puccinelli Orlandi Eduardo Guimarães La formation d'un espace de production linguistique. La Grammaire au Brésil In: Langages, 32e année, n°130, 1998. pp. 8-27. Abstract This article aims to coordinate the history of linguistic ideas with the constitution of a national language, taking the Portuguese language in Brazil as its specific object. So we need to study the relations between unity and diversity that are found in language studies as well as in the formation of a nation. Thanks to the notion of "Hyperlangue", we can analyse the processes of the constitution of the Brazilo-Portuguese language, which leads us to the question of national language and to the role played in this matter by the process of Brazilian grammatisation. We here analyse the birth of Brazilian grammars at the end of the 19th century in three respects: first, their definition of "grammar"; second, the problem of the marks of innovation/tradition in the development of Brazilian grammatisation; and third, lexical description as a tool for verifying the difference between Brazil and Portugal. Finally, we are led to study the relation between grammatisation and linguistic identity just as we do the relation between grammar and linguistic policy. Citer ce document / Cite this document : Puccinelli Orlandi Eni, Guimarães Eduardo. La formation d'un espace de production linguistique. La Grammaire au Brésil. In: Langages, 32e année, n°130, 1998. pp. 8-27. doi : 10.3406/lgge.1998.2153 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1998_num_32_130_2153

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Eni Puccinelli OrlandiEduardo Guimarães

La formation d'un espace de production linguistique. LaGrammaire au BrésilIn: Langages, 32e année, n°130, 1998. pp. 8-27.

AbstractThis article aims to coordinate the history of linguistic ideas with the constitution of a national language, taking the Portugueselanguage in Brazil as its specific object. So we need to study the relations between unity and diversity that are found in languagestudies as well as in the formation of a nation. Thanks to the notion of "Hyperlangue", we can analyse the processes of theconstitution of the Brazilo-Portuguese language, which leads us to the question of national language and to the role played in thismatter by the process of Brazilian grammatisation. We here analyse the birth of Brazilian grammars at the end of the 19th centuryin three respects: first, their definition of "grammar"; second, the problem of the marks of innovation/tradition in the developmentof Brazilian grammatisation; and third, lexical description as a tool for verifying the difference between Brazil and Portugal.Finally, we are led to study the relation between grammatisation and linguistic identity just as we do the relation betweengrammar and linguistic policy.

Citer ce document / Cite this document :

Puccinelli Orlandi Eni, Guimarães Eduardo. La formation d'un espace de production linguistique. La Grammaire au Brésil. In:Langages, 32e année, n°130, 1998. pp. 8-27.

doi : 10.3406/lgge.1998.2153

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Eni PUCCINELLI ORLANDI Eduardo GUIMARÂES

DL/IEL/UNICAMP

LA FORMATION D'UN ESPACE DE PRODUCTION LINGUISTIQUE.

LA GRAMMAIRE AU BRÉSIL

Introduction

L'articulation de l'histoire des idées (théories) linguistiques avec l'histoire de la constitution de la langue nationale apporte de nouveaux éléments à la compréhension de la grammaire et à l' exploitation du rapport de la langue à l'Etat. Elle travaille le rapport nécessaire entre unité (formelle) et diversité (concrète) dans le champ des études du langage.

D'un côté, l'histoire des idées linguistiques se produit dans des conditions déterminées où s'inscrit la constitution de la « langue nationale ». D'un autre côté la question de la « langue nationale » relevant du domaine de l'Etat, la production du savoir métalin- guistique s'inscrit dans un jeu complexe entre le rôle législateur de l'Etat, le rôle régulateur de l'instruction et la tradition grammaticale.

Qu'en est-il de cette articulation dans un pays américain de colonisation européenne ?

1. Le portugais au Brésil

Le Brésil a été « découvert » en 1500 mais la colonisation ne commence effectivement qu'en 1532 avec l'installation des Portugais au Brésil. Dès lors, la langue portugaise, transportée au Brésil, commence à être parlée dans un nouvel espace-temps. Ces nouvelles conditions de fonctionnement du portugais ne sont pas homogènes au long des siècles de colonisation. Nous pouvons distinguer quatre moments différents de 1532 jusqu'à la fin du XIXe siècle, moment où le portugais se constitue en langue nationale au Brésil.

1.1. Le premier moment va du début de la colonisation jusqu'à l'expulsion des Hollandais en 1654. Durant cette période la langue portugaise est parlée par un petit nombre de personnes, notamment par des lettrés, des grands propriétaires terriens (les « Senhores de Engenho ») et une petite minorité de fonctionnaires. Les langues des Indiens prédominent alors avec l'usage d'une espèce de langue franche, la « Lingua Gérai » x [langue générale] parlée par la majorité de la population. Les contacts entre Indiens de différentes tribus, entre Indiens et Portugais se font par la langue générale. La colonisation portugaise subit alors la concurrence d'autres projets coloniaux comme ceux

1. Cf. ici-même, Borges et Horta Nunes.

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des Hollandais qui entrent ainsi en confrontation linguistique avec le portugais. Mais au cours de cette période, le portugais est enseigné dans des écoles catholiques et employé dans les documents officiels, si bien qu'il apparaît déjà comme langue d'État.

Mais il y avait une forte dominance des Indiens et des Noirs à côté d'une population européenne. Un recensement fait par Anchieta en 1583 nous dit qu'il y avait au Brésil, dans les régions du Sud (Etat de Sâo Paulo), sur 57 000 habitants, 25 000 Blancs, 18 000 Indiens et 14 000 Noirs. Ces populations parlaient la langue générale.

1.2. Un deuxième moment va de 1654 à 1808, date de l'arrivée de la famille royale portugaise au Brésil lors de la menace d'invasion du Portugal par Napoléon.

Avec l'expulsion des Hollandais, les Portugais ont pris effectivement possession du territoire et avec l'accroissement de leur action colonisatrice le nombre des Portugais au Brésil s'accroît, augmentant du même coup le nombre de ceux qui parlent le portugais . Le rapport entre le portugais langue de colonisation et les différentes langues parlées au Brésil s'en trouve changé.

Le changement doit donc beaucoup à l'arrivée croissante de Portugais mais aussi de Noirs, c'est-à-dire au développement de l'esclavage au Brésil. Au XVIe siècle, 100 000 Noirs sont débarqués au Brésil, au XVIIe siècle ce chiffre atteindra 600 000 et 1 300 000 au XVIIIe siècle. Au fur et à mesure qu'augmente l'esclavage augmentent aussi les contacts entre les locuteurs des langues africaines et ceux qui parlent le portugais (cf. Bonvini et Taddoni Petter dans ce numéro).

Par ailleurs, les Portugais qui arrivaient au Brésil venaient de différentes régions du Portugal. Ainsi, une grande variété régionale de parlers portugais partageait le même espace de communication au Brésil. Dès le début de la colonisation, les Portugais eurent donc des rapports différente avec leur langue sur le territoire brésilien.

Le développement de l'usage du portugais entraîne une diminution de l'usage des langues franches à base indienne (la Lingua Gera), d'où sa progression dans le processus de colonisation.

De même qu'il est difficile de caractériser l'ensemble de la population, de même il est tout aussi difficile d'attribuer une forme spécifique à la langue qui la distinguerait du portugais d'origine (Orlandi, 1995). Cette indistinction — quel portugais parle-t-on ? — est le premier indice de l'historicisation du portugais au Brésil, ce qui le met à l'écart de l'évolution linguistique au Portugal (Orlandi, 1996).

L'action de l'Etat se fait sentir par la pratique colonisatrice en général mais plus précisément par l'imposition de l'enseignement de la langue portugaise à l'école. Il faut ici souligner l'action du Marquis de Pombal qui interdit l'enseignement des langues indigènes dans les écoles des Jésuites et qui rend obligatoire l'enseignement du portugais 2.

Dans ce nouvel espace-temps le portugais est à la fois la langue de l'Etat et la langue dominante.

1.3. Un troisième moment commence avec l'arrivée de la famille royale portugaise au Brésil pour s'achever en 1826, date à laquelle la question de la langue portugaise comme langue nationale au Brésil est officiellement formulée.

2. Cf. ici-même, pp. 52 et 84.

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La venue de la famille royale portugaise au Brésil déplace environ 15 000 Portugais vers le nouveau siège de la Cour portugaise. Cet événement va changer les rapports entre les langues parlées à Rio de Janeiro. Par ailleurs le roi Dom Joâo VI crée, à ce moment-là, la presse au Brésil et fonde la Bibliothèque Nationale, institution dont le rôle sera fondamental dans la vie culturelle et intellectuelle brésilienne jusqu'à aujourd'hui.

Il en résulte un effet d'unité du portugais au Brésil. Le portugais est la langue du Roi dont le gouvernement siège à Rio de Janeiro, alors capitale du Royaume Portugais.

1.4. Le quatrième moment commence en 1826, quatre années après l'Indépendance du Brésil, proclamée en 1822. En 1826, un député propose que les diplômes des médecins au Brésil soient rédigés en langage brésilien. L'année suivante, après les longues discussions qui ont suivi cette proposition, une loi établit que les professeurs doivent apprendre à lire et à écrire aux étudiants en utilisant la grammaire de la langue nationale. Ainsi, alors que se pose la question de la langue nationale au Brésil, on évite dans le même temps de la nommer officiellement soit langue portugaise, soit langue brésilienne 3.

Ce qui fait question, ce n'est pas seulement la prédominance d'une langue sur les autres, ni même la question de la langue de l'Etat, mais la langue en tant que signe de nationalité, c'est-à-dire dans son rapport à la nation. Et c'est dans ce sens que sera perçue la différence de la langue au Brésil par rapport à la langue au Portugal.

La question de la langue nationale est liée ici au processus de grammatisation 4 brésilienne du Portugais qui est en cours dès la deuxième moitié du XIXe siècle. Dès lors le Brésil a ses propres outils linguistiques de grammatisation, différents de ceux du Portugal. La grammatisation brésilienne apparaît comme un nouvel élément constitutif de cet autre espace de production linguistique (Guimarâes, 1994). En retenant la définition de l'hyperlangue de S. Auroux (1994), nous pouvons considérer que le portugais- du-Brésil inclut à partir de 1830 la question de la langue nationale puis le processus brésilien de grammatisation dont nous parlerons ci-dessous.

2. La Grammaire Brésilienne à la fin du XIXe siècle

À la fin du XIXe siècle, il y a prolifération de travaux brésiliens pour donner une assise explicite à leur vie intellectuelle : constitution des disciplines et d'un enseignement scolaire, publications dans les domaines de la langue et de la littérature. La grammaire est l'un de ces objets que, consciemment ou inconsciemment, les intellectuels de cette époque ont produit en vue de former des Brésiliens dans une société où le savoir avait sa place. Par rapport à la langue il ne s'agit pas seulement de savoir la langue que l'on parle mais de construire un appareil institutionnel (technologie scientifique et institutions) pour que le Brésilien sache qu'il sait sa langue. C'est dans ce sens que le processus de grammatisation brésilien du portugais fait partie d'un nouvel espace de production linguistique.

Ce qui caractérise ce nouvel outillage n'est pas nécessairement le fait que la grammaire au Brésil soit une autre grammaire, c'est essentiellement le processus selon lequel la grammaire au Brésil s'éloigne du modèle de la grammaire philosophique du Portugais

3. Sur ce sujet voir Os Sentidos do Idioma Nacionál (Diae, 1996). 4. « Par grammatisation on doit comprendre le processus qui conduit à décrire une langue à la base de

deux technologies encore aujourd'hui les piliers de notre savoir métal inguis tique : la grammaire et le dictionnaire » (Auroux, 1992).

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Jerónimo Soares Barbosa, en particulier, et de la tradition grammaticale portugaise en général. Formulé par des grammairiens qui ont initié la grammatisation brésilienne du portugais, à la fin du XIXe siècle, ce processus est lié à l'enseignement de la langue portugaise au Brésil comme nous allons le voir.

2.1. L'enseignement du portugais au Brésil et la grammatisation

Le processus de grammatisation brésilien est fortement marqué, d'une part par le rapport que le Brésil a eu avec les idées philosophiques et scientifiques d'autres pays que le Portugal et, d'autre part, par l'institution scolaire brésilienne qui a été mise en place à partir de la fondation du Lycée Dom Pedro II 5.

Un fait décisif dans ce processus de grammatisation brésilienne du portugais est le « Programa de Português para os Exames Preparatories » [Programme de Portugais pour les Examens Préparatoires] 6 organisé en 1887 par Fausto Barreto, professeur au Lycée Pedro II, à la demande du Directeur Général de l'Instruction Publique, Emidio Vitório. Une série de grammaires apparaissent en réponse à cette demande. Celles-ci respectent les instructions du programme et veulent rompre avec la tradition portugaise de la grammaire philosophique.

Quelques aspects du Programme de Fausto Barreto

Le programme 7 s'organise autour de 46 items. Les 5 premiers items traitent des « Remarques générales sur ce qui se comprend par grammaire générale, par grammaire historique ou comparative et par grammaire descriptive ou expositive. Objet de la grammaire portugaise et division de son étude. Phonologie : les sons et les lettres ; classement des вопв et des lettres ; vocales ; groupes vocaliques ; consonnes ; groupes consonantiques ; syllabe ; groupes syllabiques ; vocables ; notations lexicales ». L'item 6 comprend : « Morphologie : structure du mot ; racine ; thème ; terminaison ; affixes ; du sens des mots déduit des éléments morphologiques qui les constituent ; développement des nouveaux sens des mots ». Les items 7 à 11 concernent les classes de mots. L'item 12 traite des « Groupements de mots par familles et par association d'idées. Des synonymes, des homonymes et des paronymes ». Les 17 à 20 ont pour objet la formation des mots et les items 21 à 28 l'étymologie portugaise. Les items 30 à 41 traitent de la syntaxe. L'item 41 traite de la collocation des pronoms personnels [celle-ci est un élément constant des discussions portant sur la différence entre le portugais du Brésil et celui du Portugal]. Les items 42 à 46 traitent de la rhétorique et de la stylistique.

Voyons ce que disaient les grammairiens de l'époque à propos de ce programme

Julio Ribeiro dit dans son journal Procellarias que le Programme se fait sur des bases scientifiques et ajoute : « On ne peut pas le nier, le Programme est scientifiquement organisé sur les bases solides de la science du langage » (Julio Ribeiro, 1887, 92). Pour soutenir son argumentation, il souligne que le programme distingue lexicologie et syntaxe comme des parties de la grammaire, en conséquence l'orthographe n'est plus considérée

éuni des textes qu'il avait publiés dans le journal qui portait ce nom

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comme une partie autonome. Par ailleurs il montre que dans le Programme, la morphologie ne dépend pas de l'étymologie. Ainsi se justifie le fait que l'on propose l'étude des groupements de mots par famille et par association d'idées (id., 93).

Analysons maintenant la position de Maximino Maciel, qui rend compte de l'argument de la « nouveauté » dans le processus de grammatisation brésilienne, argument qui est à la base des commentaires de Julio Ribeiro (1881) auxquels nous avons fait référence plus haut. Maximino Maciel avait publié en 1887 sa Grammatica Analytica, rééditée comme Grammatica Descriptiva avec un appendice intitulé « Brève Retrospecto sobre о Ensino da Lingua Portugueza » [Retrospection Succincte sur l'Enseignement de la Langue Portugaise]. Maximino Maciel (1894) y déclare dès le début qu'« en 1887, la science du langage passe par une transition ». Pour lui, ainsi que pour Julio Ribeiro, la méthode historico-comparative a pris la place de celle des « anciens grammairiens portugais Soares Barbosa, Bento de Oliveira, Lage et d'autres ». En conséquence, dit-il, « beaucoup de professeurs qui suivaient les philologues étrangers s'étaient mis à diffuser les nouvelles doctrines soit dans l'enseignement privé soit dans diverses publications. Ils contribuaient ainsi à ouvrir la voie aux nouvelles formes d'études. Fausto Barreto était le centre de ce groupe auquel appartenaient également Hemetério dos Santos, Alfredo Gomes, Joâo Ribeiro, Pacheco Silva, Lameira de Andrade, Said Ah et c'était à partir de lui « qu'irradiaient les lignes générales » (Idem, 501). Fausto Barreto était professeur au Lycée Pedro II et cette position favorisait la diffusion du programme et la formulation des nouvelles doctrines.

Maximino Maciel ajoute encore que « ce programme a marqué une nouvelle époque dans l'enseignement des langues et qu'il a émancipé le vernaculaire des doctrines rétrogrades des auteurs portugais que l'on avait adoptées » (Idem, 502). En même temps, dit-il, « à partir de ce programme plusieurs grammaires sont apparues comme celles de Joâo Ribeiro, Pacheco Silva et Lameira de Andrade [déjà citée] ou encore comme celle d'Alfredo Gomes. Les grammaires de Joâo Ribeiro et d'Alfredo Gomes étaient utilisées surtout pour l'enseignement, celles de Lameira de Andrade et de Pacheco Silva pour la consultation » (Idem, 504). Ainsi « II y a eu avec la publication du Programme en 1887, une renaissance des études de la langue vernaculaire : dans la presse, dans l'enseignement privé, on éclairait, on discutait des faits de langue à la lumière dee nouvelles doctrines » (Idem, 504).

2.2. Les noms des grammaires

L'argument de la « nouveauté » pose au plan de la langue la question de la différence entre la langue parlée au Brésil et celle en usage au Portugal. À la fin du XIXe siècle, les titres des grammaires et le cours des études grammaticales s'inscrivent dans un processus de grammatisation qui crée l'espace de la différence avec la langue du Portugal sans pour autant porter atteinte à l'unité avec le Portugal.

La grammaire de Julio Ribeiro, l'un des initiateurs de la grammatisation brésilienne du portugais, s'intitule Grammatica Portugueza, tout comme la grammaire de Joâo Ribeiro. Ce titre fonctionne à partir d'une position de dénomination marquant le hen avec le Portugal. En 1887, année de la publication de la grammaire de Joâo Ribeiro, la Grammatica da Lingua Portuguesa de Pacheco Silva et Lameira de Andrade introduit le mot « langue » dans le titre, déplaçant ainsi l'épithète « portugais » de façon à qualifier de « portugaise » non pas la grammaire mais la langue, ce qui ouvre un espace pour la

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détermination « du Brésil ». Il faut aussi, dans le champ de la lexicologie et de la lexicographie, s'arrêter sur le Dicionário Brasileiro da Lingua Portuguesa [Dictionnaire Brésilien de la Langue Portugaise] de Antonio Joaquim de Macedo Soares, publié en 1888 et qui reprend une position déjà annoncée par le Vocabulàrio Brasileiro para servir de Complemento dos Dicionários de Lingua Portugueza de Brás da Costa Rubim publié en 1857.

Un autre procédé de dénomination est celui de la grammaire de Antonio Alvares Pereira Coruja (1835) dont le titre est Compendio de Grammatica da Lingua Nacionál. La position de dénomination évite la discussion du nom de la langue et pose la spécificité de la langue au Brésil par le syntagme « langue nationale » . C'est la même position tenue par Fausto Barreto et Carlos de Laet (1895) dans le titre retenu pour l'un des manuels les plus utilisés dans l'enseignement brésilien : Antologia Nacionál [Anthologie Nationale].

Cette question prend tout son intérêt quand on observe la position à partir de laquelle sont intitulées aujourd'hui les grammaires. E. Bechara (1968) — Moderna Gramática Portuguesa [Grammaire Moderne du Portugais] — reprend la position de dénomination de Julio Ribeiro. La détermination de « moderne » implique l'unité du portugais : la langue est toujours la même, c'est la grammaire qui est moderne. La grammaire de Celso Cunha (1970) — Gramática do Português Contemporâneo [Grammaire du Portugais Contemporain] — revendique le caractère universel de la langue portugaise (Gramática do Português) et pose la question de son unité aujourd'hui (contemporâneo). Il resitue cette unité dans la différence des époques. Cela est d'autant plus significatif si l'on sait qu'ensuite le Brésilien Celso Cunha (1985) publie avec le grammairien portugais Lindley Cintra une grammaire intitulée Nova Gramática do Português Contemporâneo [Nouvelle Grammaire du Portugais Contemporain]. L'unité est ici montrée par 1'аШапсе de deux auteurs : un Portugais et un Brésilien.

L'argument de la « nouveauté » contre la tradition ainsi que l'affirmation de l'unité linguistique avec le Portugal sont donc les deux points forts de la grammatisation brésilienne à la fin du XfXc siècle. C'est dans ce contexte que la notion d'« auteur » prend sens comme notion fondamentale pour la grammatisation brésilienne. Le « nouveau » et l'affirmation d'unité ne sont pas contradictoires. Ce sont des moyens de référer à l'existence d'une fonction auteur-brésilien de la grammaire qui distingue la grammati- sation brésilienne de celle pratiquée au Portugal.

En outre, les différents auteurs de grammaires — au XIXe s. — sont aussi professeurs, écrivains, historiens ou journalistes, occupant ainsi une double position institutionnelle. C'est donc à plus d'un titre qu'ils jouent dans la production des effets de sens de la brésiliannité. Joâo Ribeiro est alors l'un des historiens les plus remarquables du Brésil. Il a rompu avec une certaine tradition lusitanienne qui se limite à l'histoire des faits administratifs et politiques. H introduit une autre forme — issue de la filiation allemande (la Kulturgeschichte) — qui privilégie l'histoire du peuple, de la culture, permettant au Brésilien de se représenter et de se dire d'une façon autre que celle instaurée par l'histoire portugaise. Julio Ribeiro est très connu comme auteur du plus important roman naturaliste au Brésil (La Chair), ce qui lui confère une position singulière par rapport à la littérature qui a cours au Portugal. Ces différentes positions d'auteurs signifient implicitement que la langue, l'histoire, la littérature jouent, à partir d'une même place, un rôle dans la formation du Brésil. Néanmoins, pour que l'on prenne conscience de cette situation, il faut attendre que le travail intellectuel s'institutionnalise. En effet c'est par les écoles, les débats, les manuels, les publications en général que se formulera ce rapport

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de la science et de la langue avec la formation de la nation. Le politique interviendra avec l'avènement de la République au Brésil. Spécifiquement par rapport à la langue, être auteur d'une grammaire c'est avoir une responsabilité comme homme de science et tenir une position d'autorité par rapport à la singularité du portugais du Brésil.

C'est tardivement, en 1959, que s'instaure la Nomenclature Grammaticale Brésilienne (NGB). Cette Nomenclature a été établie par un Décret du Ministère de l'Education et de la Culture et a rendu obligatoire (officielle) pour l'enseignement au Brésil une nomenclature (fixe) des faits grammaticaux : parties de la grammaire, classes des mots etc. Cette Nomenclature décrétée par l'État annule les effets d'une position originale d'auteurs tenue jusqu'alors par les grammairiens. Ceux-ci ne parlent plus des faits du langage, ils répètent une nomenclature qui leur a été officiellement imposée.

2.3. La définition et les filiations des grammaires brésiliennes

Dans ce processus ď exploitation d'une fonction auteur-brésilien- grammairien, que deviennent les filiations revendiquées ? Dans quel espace les grammairiens construisent- ils la grammaire ? Pour répondre à ces questions, nous avons étudié selon quelles procédures certains grammairiens brésiliens définissent la grammaire, à la fin du XIXe siècle, et quelles sont leurs filiations dans la tradition grammaticale même si parfois celles-ci ne correspondent pas à leurs définitions.

a) Julio Ribeiro, de Sâo Paulo, professeur au Lycée Culto à Ciência de Campinas, représente la tendance de la Grammaire Philosophique dans sa filiation naturaliste. Il considère que les études grammaticales comme celles du Portugais Jerônimo Soares Barbosa relèvent d'une métaphysique et propose une grammaire limitée à un exposé des faits (il cite Whitney) : « la grammaire est l'exposé méthodique des faits du langage » (1881,1). П ajoute que celle-ci ne formule pas des lois et des règles, mais « expose ses faits, ordonnés de façon à ce qu'ils soient appris facilement » (id.).

Julio Ribeiro a un rapport très net à la grammaire philosophique, dans la tendance de Port-Royal (« le langage est l'expression de la pensée au moyen des sons articulés » (1881,2)). П distingue les types de grammaires comme suit : (a) Grammaire Générale : exposé méthodique des faits du langage en général ; (b) grammaire particulière : exposé méthodique des faits d'une langue déterminée ; (c) grammaire portugaise : exposé méthodique des faits de la langue portugaise.

П est important d'observer que Julio Ribeiro distingue l'apprentissage du bon usage par les bons orateurs ou par la grammaire : « En écoutant des bons orateurs, en parlant avec des gens instruits, en lisant des articles et des Uvres bien écrits, beaucoup de gens arrivent à bien parler et à écrire correctement sans avoir suivi des cours de grammaire. On ne peut pas nier pourtant que les règles du bon usage du langage exposées comme elles le sont dans les grammaires rendent plus facile l'apprentissage » (1881,1).

b) Joâo Ribeiro, professeur d'Histoire au Lycée Pedro II à Rio de Janeiro, définit la Grammaire comme « la coordination et l'exposé des règles du langage » (1887,9). Etant donné que Julio Ribeiro parle de faits de langage et que Joâo Ribeiro parle de règles, on pourrait penser que la définition de Joâo Ribeiro est plus formelle que celle de Julio Ribeiro qui prend en considération la diversité des faits. Pourtant il n'en est rien.

En effet, Joâo Ribeiro, même s'il privilégie la notion de règle dans sa définition, ajoute qu'« il faut comprendre toutefois qu'il n'y a pas à proprement parler de lois comme le voulaient les néogrammairiens (...). Les lois représentent plutôt des tendances dans un

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groupe ethnique et linguistique donné » (1887,9). Si l'on analyse plus en détail son texte, c'est sa filiation à la grammaire historique qui ressort. Il distingue : « (a) la Grammaire Générale : celle qui expose les principes logiques du langage (l'ancien concept de la grammaire philosophique) ; (b) la Grammaire Particulière : celle qui expose les principes et les particularités spéciales d'un idiome ; (c) la Grammaire Historique : celle qui étudie les faits de langue dans ses différentes périodes, dès son origine jusqu'à l'époque actuelle et (d) la Grammaire Comparée : celle qui est aujourd'hui la vraie Grammaire Générale, celle qui étudie les faits communs ou différents dans des groupes de langues ayant la même origine » .

Joâo Ribeiro explicite directement sa filiation : « la grammaire générale ou philosophique, valeur ancienne, est déjà tombée dans l'oubli. Néanmoins elle n'est pas stérile quand elle se fond dans des concepts d'histoire et de comparaison aujourd'hui indispensables à l'étude supérieure des langues ». En outre, il considère comme inséparables Grammaire et Dictionnaire : au delà des faits généraux mentionnés dans les grammaires il y a des faits isolés que « seule la pratique langagière ou le dictionnaire pourrait apprendre ».

Pour Joâo Ribeiro la grammaire, si elle n'est pas historique, eet normative : « la Grammaire Descriptive (ou expositive ou pratique) est l'art qui apprend à parler et à écrire correctement, c'est-à-dire, selon l'usage des gens érudits » (1887,10).

Il faut encore mentionner Maximino Maciel. C'est lui qui introduit explicitement la notion de norme dans la définition de la grammaire au Brésil. Selon M. Maciel (1894,1) « la grammaire est la systématisation logique des faits et des normes d'une langue quelconque » . Ce qui ne signifie pas que les autres grammairiens aient négligé la notion de

2.4. Lexique, sens, langue nationale

Dans ce réseau de filiations, l'argument de la « nouveauté » travaille aussi la confrontation des traditions. Ainsi, la prise en compte des brésilianismes dans la Gramática da Lingua Portugueza [Grammaire de la Langue Portugaise] de Pacheco Silva et Lameira de Andrade souligne, au sein même de la grammaire, une différence entre le Brésil et le Portugal. Cette grammaire s'inscrit dans la ligne de la grammaire de Joào Ribeiro.

Publiée sous l'influence du Programme pour les Examens Préparatoires, la grammaire de Pacheco Silva et Lameira de Andrade inclut un développement sur le lexique où apparaissent les différences entre le portugais du Brésil et celui du Portugal.

Cette caractérisation du portugais du Brésil par le lexique est déjà perceptible dès la première moitié du XIXe siècle, dans un texte du Vicomte de Pedra Branca. Ce texte, de 1824-25, est écrit en français et traite des « brésilianismes ». Le français fonctionne donc comme une espèce de métalangage pour caractériser la différence linguistique entre le Brésil et le Portugal, comme l'un des facteurs de séparation entre l'ancienne colonie et sa métropole. D'après le Vicomte de Pedra Branca, le portugais du Brésil présente deux différences par rapport à celui du Portugal : (a) le portugais du Brésil est plus doux dans le rythme ; (b) le portugais du Brésil comprend « des mots qui ont complètement changé de sens » et outre les mots, en réalité, plusieurs expressions qui n'existent pas dans la langue portugaise et qui ont été attribuées aux Indiens ou importées au Brésil par des habitants d'autres colonies portugaises.

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À l'appui de sa thèse, il présente deux listes de mots : une liste des noms qui diffèrent dans le sens et une autre qui mentionne les noms en usage au Brésil mais qui sont inconnus au Portugal. Voici quelques exemples de la première liste :

mots signification au Portugal signification au Brésil Chacota Chanson grivoise Moquerie Sotào Souterrain Mansarde

Voyons maintenant quelques exemples de la deuxième liste :

Capéta Lutin Yaiá Demoiselle Batuque Danse des nègres

Ce genre de relevé est à la base du travail de plusieurs lexicographes de la fin du XIXe siècle au Brésil tels que Macedo Soares et Baptista Caetano. П faut y inclure aussi Pacheco Silva car dans sa Grammatica Historien da Lingua Portugueza [Grammaire Historique de la Langue Portugaise] (1879) et dans sa Grammatica da Lingua Portugueza (1887) il introduit l'étude des provincialismes , des brésiliannismes, des indigénis- mes et des africanismes.

Citons quelques exemples pris chez Pacheco Silva. D'abord les mots qui ont des sens différents au Brésil et au Portugal :

Portugal Brésil Faceira Carnes das faces do boi Mulher casquilha

(Viande du visage du bœuf) (Femme coquette) Xacara romance (roman) casa de campo, arrebalde

(maison de campagne)

Puis des exemples de mots qui n'existent qu'au Brésil :

Aipim Mandioca (Rio de Janeiro) - Manioc Amolar Enfadar alguém - Déranger les gens Batuque Dança de Negros - Danse des noirs Boquinha Beijo - Baiser

La liste recourt soit à un synonyme supposé connu, soit à une définition en portugais du mot nouveau. Le grammairien travaille ici à l'intérieur de la langue en montrant la variation : aipim et manioc (Rio de Janeiro), les deux étant utilisés au Brésil. A la différence du Vicomte de Pedra Branca, Pacheco Silva s'adresse aux Brésiliens. Nous pouvons reconnaître ici une trace de filiation aux préoccupations linguistiques brésiliennes et dans le même temps, le repérage des différences qui s'établissent entre Brésiliens. C'est la question du rapport unité/diversité qui est travaillée et déplacée ici comme partout.

П faut d'autre part remarquer que la question de la différence implique toujours des questions de sens, l'important n'étant pas de dire simplement qu'il y a un nouveau mot mais que le mot signifie et qu'il signifie « x ». L'inclusion des brésilianismes dans la grammaire incorpore une description de la « nouveauté » par rapport à la langue parlée au Portugal.

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3. Grammatisation et identité linguistique

Quand noue parlons des idées linguistiques, nous nous référons à la définition de la langue, à la construction d'un savoir sur la langue, à la production d'instruments technologiques qui lui sont liés et aussi à son rapport avec l'histoire du peuple qui la parle.

Dans le cas présent il s'agit de l'histoire des idées linguistiques dans les conditions propres à l'histoire brésilienne : une colonie portugaise qui devient État indépendant au début du XIXe siècle. Comme nous l'avons dit, nous concevons les instruments technologiques de la grammatisation du portugais brésilien dans le sens où ce terme est défini par S. Auroux (1992,65). Or, la construction des technologies fait partie de l'histoire d'une société. Par l'analyse de la production de ces instruments technologiques, nous pouvons comprendre également la façon dont la société brésilienne s'est construite. En liant la question de l'instrumentation de la langue à celle de son institutionnalisation, nous nous donnons les moyens de comprendre comment une société, en constituant un nouvel espace politico-social, se donne une conscience historique de sa langue, à savoir ici le portugais des Brésiliens.

Notre démarche nous conduit ainsi à prendre en considération, dans notre étude linguistique du Brésil, le fait que la question de la langue s'est d'abord posée à propos d'évangélisation. Le premier enjeu des analyses linguistiques a été celui de la grammatisation d'une langue indigène 8.

A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, comme nous l'avons dit plus haut, les études de langage au Brésil deviennent une affaire brésilienne, la question n'étant plus celle du portugais mais celle du portugais du Brésil. Dès lors l'étude du portugais comme langue nationale commence à influencer la constitution des idées linguistiques au Brésil. Auparavant, la question de la langue n'était qu'une forme d'appropriation du Brésil par le Portugal.

La grammatisation brésilienne partagée entre le spécifique brésilien et le modèle portugais en arrive à la fin du XXe siècle à affirmer — au niveau de la politique linguistique officielle — que malgré des siècles de changements et de différentiacions il y a unité linguistique entre le Brésil et le Portugal.

Par ailleurs, on peut dire que la constitution de la langue nationale au Brésil est le produit de l'histoire contradictoire de la grammatisation brésilienne. En soutenant l'idée que la grammatisation d'une langue est une partie de l'histoire de cette langue, nous pouvons affirmer que les technologies linguistiques ne sont pas seulement des produits d'un savoir mais qu'elles contribuent à la constitution des faits de langue.

Par l'observation des matériaux à partir desquels se construisent les instruments linguistiques dès la découverte (XVIe siècle) jusqu'aux jésuites et voyageurs (XVIIe et XIXe

siècles) on peut observer le processus suivant. П y a d'abord investissement dans le rapport entre le mot et la chose (E. Orlandi, 1990

et 1996). La question porte sur le réfèrent : est-on en face de la même chose (la « chose » du BrésH par rapport à celle du Portugal) ? Les énoncés apparaissent toujours avec des

8. La première grammaire faite au Brésil a été Artes de Gramática da Lingua mais V sada na Costa do Brasil de José de Anchieta. C'était une grammaire du tupi faite au XVIe siècle comme instrument pour apprendre le tupi et rendre plus faciles les rapports avec les Indiens dans le travail de catéchèse. Sur ce sujet, voir p. 28.

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marques de nature deïctique (ici, dans cette terre, là-bas etc.). Le Portugais est celui qui, à partir de sa mémoire, reconnaît les choses, les êtres, les événements et les nomme. On se trouve dans une situation énonciative de « transport » de la situation énonciative portugaise (situation I). Mais comme nous sommes au Brésil, ce déplacement force des contours autres pour renonciation.

La différence devient de plus en plus une différence de l'ordre de la langue (rapport nom/nom) et non de rapport nom/chose. De là résulte le travail de classement, de fixation, d'organisation des listes de mots, de définitions (Mazière, 1994, J. H. Nunes, 1996).

Dans cette conjoncture énonciative, le portugais « transporté » finit par établir dans son propre site d'énonciation un autre rapport mot-chose dont l'ambivalence se traduit par la distinction : en Europe/au Brésil. Un espace d'interprétation commence à se construire avec des glissements de sens, des effets métaphoriques différents entre le portugais du Brésil et celui du Portugal. П se produit ainsi des "transferts" (nous distinguons "transport" et "transfert" : ce n'est que dans ce dernier cas qu'il y a travail de la mémoire locale, du savoir discursif produisant des glissements historicisés). On a affaire à des matérialités discursives qui produisent des effets de sens différenciés (Orlandi, 1993).

En face de cette réalité ambivalente, il y a configuration de nouvelles situations énonciatives, situation énonciative II.

À nouveau, dans un mouvement de savoir parallèle au précédent, la construction discursive du réfèrent cède sa place à la distinction, au classement. En d'autres termes, l'opération de référenciation nom-chose est remplacée par la pratique conceptuelle nom-nom (liste de mots, dictionnaires monolingues, etc.) qui procure à la langue pratiquée dans ces conditions — situation énonciative II — un régime de fonctionnement autre mais également dominé par la relation unité/diversité : l'unité ici ne réfère pas le portugais du Brésil à celui du Portugal mais aux variétés existant au Brésil.

L'unité nécessaire du portugais brésilien référé à son fonctionnement historiquement déterminé est une marque de sa singularité. Dans ces conditions, la variation n'a pas comme référence le Portugal mais la diversité concrète produite dans cet autre territoire, ce nouvel espace de langage.

Nous pouvons faire intervenir ici la notion ďhyperlangue (S. Auroux, 1994), comprise comme un espace de circulation, comme celle de langue fluide 9 en soulignant l'historicité présente dans cette notion et en introduisant la dimension discursive (non pas de la langue mais dans la langue). Cette définition trouve son écho surtout chez un des linguistes brésiliens les plus intéressants, initiateur de toute une tradition linguistique brésilienne. Il s'agit de Mattoso Câmara (1970) qui dit : « les différences par rapport à la langue standard entre le Brésil et le Portugal (...) résultent essentiellement du fait que la langue se parle en deux territoires nationaux distincts et séparés ». П avait ainsi déjà affirmé l'importance de la matérialité historique du territoire même, la géographie matérielle du pays étant partie de la détermination de l'historicité de la langue.

Par rapport à la situation du portugais brésilien, nous pouvons dire que l'extension de cet espace, cette déterritorialisation du portugais, se fait par des pratiques qu'instituent ce que nous sommes en train d'appeler « différentes situations énonciatives » . Pour bien comprendre le sens de ce parcours — l'historicisation de la langues — il est

9 . À la différence de la « langue imaginaire » construite comme ob j et fixé par la grammaire , la « langue fluide » est en perpétuel changement, éminemment prise dans l'historicité et le mouvement.

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nécessaire de considérer le fonctionnement discursif et pas seulement les règles formelles. Encore une fois, nous pouvons dire que ce ne sont pas les aspects empiriques ou abstraits qui nous font comprendre ce fait mais la matérialité, l'historicité de la langue (E. Orlandi, 1993, 1995).

Tout cela nous permet de dire que le portugais-brésilien ne se limite pas à la « contextualisation » (effet pragmatique) du portugais du Portugal (celui-ci ayant une quelconque littéralité originale), au Brésil. Le portugais brésilien est une historicisation singulière, effet de l'instauration d'un espace-temps singulier différent de celui du Portugal.

La déterritorialisation du portugais du Portugal déplace en fait sa validité initiale et le destitue de sa position dominante à vocation universalisante. Par son historicisation dans un autre territoire, le Brésil, le processus de constitution de la langue portugaise se réfère non pas à un modèle statique extérieur à son champ de validité, mais à son usage réel dans un nouvel espace-temps de pratiques langagières. La grammatisation dans un pays colonisé travaille selon un double axe : celui de l'universalisation, celui des déplacements. Avoir une grammaire, dans ces conditions, signifie avoir des droits à l'universalité, avoir des droits à l'unité (imaginaire) constitutive de toute identité. Par ailleurs, parler des « usages variés » c'est défendre une « autre » langue. En effet, une fois conquis le droit à l'unité, immédiatement on recommence à reconnaître les variétés : l'influence de la langue des Indiens, des langues africaines, etc. Cette reconnaissance est le propre de la constitution de l'unité du portugais brésilien. L'ambivalence du processus d'unification du portugais brésilien montre bien, dans le jeu entre unité/diversité, les enjeux du rapport entre la culture occidentale, la science et ses institutions, et une culture non occidentale, dite exotique. L'unité linguistique brésilienne est construite à partir d'une langue occidentale outillée (et pourvue d'une écriture) ayant une filiation (le latin) qui la légitime dans son rapport aux autres langues (les langues latines) dans l'ensemble linguistique occidental (cf. l'indo-européen). C'est déjà là une garantie scientifique pour le grammairien brésilien qui revendique une particularité linguistique grammaticale. Autrement dit, son travail sur la langue s'inscrit à l'intérieur de l'histoire scientifique occidentale. Par ailleurs le fait pour le portugais d'avoir cette histoire a sûrement contribué à l'impossibilité pour la Lingua Gérai de se présenter comme une alternative historique réelle dans la construction du pays Brésil, une nation avec son unité linguistique et sa légitimité institutionnelle.

4. Grammaire et politique linguistique

La forme historique des sujets et de la société se définissent dans les rapports entre Langue, Science et Politique. En même temps que la linguistique se constitue comme science, la question de la langue est affectée par le rapport du sujet à l'Etat. Les politiques générales d'un pays manifestent cette inter-relation dont la forme la plus visible est la formulation spécifique des Politiques Linguistiques : les invasions, les exclusions, les hiérarchies. La notion de politique linguistique acquiert ici un sens autre. Quand on définit quelle langue nous parlons, avec quel statut ou quand on détermine tel ou tel mode d'accès à cette langue — par l'enseignement, par la production des outils linguistiques, par la lecture des publications, par les rituels de langage, par la légitimité des accords, par la construction de toutes les institutions Linguistiques — nous pratiquons

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d'emblée les différentes formes de politique de la langue. En même temps, pour identifier cette langue, nous produisons un savoir, une analyse qui lui procure une configuration singulière.

En effet, il n'y a pas de politique linguistique sans grammaire et, en sens inverse, la forme de la grammaire définit les enjeux des politiques linguistiques (le rapport à la langueAe rapport aux langues).

Conclusion

II n'y a pas de continuité directe entre ces approches de la langue au Brésil, au XIXe siècle, et la linguistique telle qu'elle se constitue comme discipline scientifique avec Saussure et sa constitution plus tard au Brésil 10. Mais il y a déjà un travail de filiations qui prépare le terrain pour l'installation de la linguistique et il y a surtout un travail d'institutionnalisation du rapport du sujet brésilien avec la langue portugaise en même temps que se constituent les places de représentation des savoirs (école, grammaire, manuels, littérature) dans notre société. L'écriture, les savoirs sur la langue et l'identification avec une langue nationale sont décisifs pour la forme institutionnelle que se donnent notre société et notre politique. Ainsi nous pouvons dire que — même de façon indirecte et non dans une relation de cause et effet — Fexplicitation du rapport sujet- langue par l'institution scolaire et la production des grammaires lui donne un statut scientifique. C'est là un moment décisif à la fois pour la constitution de la forme historique du sujet brésilien (un sujet qui a une langue et qui connaît sa langue) et pour l'établissement de la linguistique.

Au Brésil, à la fin du XIXe siècle, le projet d'une grammaire brésilienne du portugais est revendiqué non seulement par des grammairiens fidèles à la tradition de la grammaire philosophique mais surtout par des philologues relevant de la filiation à la grammaire historico-comparative. Ces grammairiens produisent, à partir de ce moment-là, une connaissance de la langue qui va être remplacée peu à peu par l'étude de la linguistique. Ce changement s'accentue à partir des années 1950 quand le structuralisme de Mattoso Câmara ouvre la voie à la grammaire descriptive (cf. son Estrutura da lingua Portuguesa [Structure de la Langue Portugaise], 1970). Et c'est alors que la NGB [Nomenclature Grammaticale Brésilienne] est instituée, événement qui marque un changement fondamental dans la normalisation de la langue au Brésil. L'homogénéisation de la terminologie aplatit aussi les discussions des grammairiens. La question de la langue n'est plus de la compétence du grammairien, elle devient l'affaire des linguistes. Dès lors, la linguistique intervient dans les productions des grammaires du portugais au Brésil, ce qui ne sera pas sans conséquences bien sûr pour la discussion des différences entre le portugais du Brésil et celui du Portugal.

10. Rappelons que le Cours de Lettres e§t institué au Brésil dans les années 30, et que la linguistique n'entre officiellement à l'université que dans les années 60, le doctorat datant de 1968.

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Références

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« Langue Brésilienne », in LINX, n° spécial, Paris, 1995. ORLANDI E. P., 1996. « Le Théâtre de l'Identité : La Parodie comme Indice du Mélange des

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Alves. SlLVA Jr. M. P. et ANDRADE L., 1887. Grammatica da Lingua Portugueza, Rio de Janeiro,

Francisco Alves, 1907.

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CHRONOLOGIE (établie par E. Guimarâes) (Les idées linguistiques au Brésil et la langue nationale)

Date

1500

1532

1595

1654

1757

1789

1808

1822

Fait Politique

Découverte du Brésil.

Début effectif de la colonisation portugaise.

Expulsion des Hollandais.

Promulgation du « Edito dos In- dios ». П impoee la langue portugaise aux habitants du nord du Brésil, notamment aux Indiens.

Arrivée de la Famille Royale au Brésil.

Indépendance du Brésil.

Fait Culturel

Création de la Presse. Fondation de la Bibliothèque Nationale à Rio.

Système Éducatif

Arte de Gramtna- tica da Lingoa mais usada na Costa do Brasil du P. José de An- chiete (Jésuite).

Portugais du Brésil

Dicionário da Lingua Portu- gueza de Antonio de Moraec Silva. Premier dictionnaire monolingue de langue portugaise.

Observations

Grammaire de la langue Tupi, pour le développement du travail de catéchèse.

Changement du rapport des langues au Brésil.

Promulgué par le Gouverneur Francisco Xavier de M endonça Fur- tado, frère du Marquis de Pom- bal. C'est un événement linguistique : sa per- formativité change le rapport des sujets parlants avec la langue au Brésil.

Moraes Silva est brésilien : il publie son dictionnaire au Portugal.

Arrivée au Brésil de 15 000 Portugais venus avec le Roi.

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Date

1826

1827

1837

1850

1857

1870

1879

Fait Politique

Projet présenté au Parlement proposant que le§ diplômes des médecins soient rédigés en « Langue brésilienne ».

Approbation de la loi établissant l' enseignement obligatoire de la grammaire de la langue nationale.

Abolition du trafic d'esclave pour le Brésil.

Fait Culturel

Polémique entre le romancier brésilien José de Alencar et le portugais Pinheiro Chagas.

Système Éducatif

Fondation du Lycée Dom Pedro II

Portugais du Brésil

Vocabulário. Bra- sileiro para servir de complemento aos dicionários da lingua portu- guesa de Costa Rubim.

Grammatica His- torica da Lingua Portugueza de Pacheco Silva, Professeur au Lycée Pedro II.

Observations

Début de l'école publique au Brésil. Le Lycée Dom Pedro II va influencer les études du portugais au Brésil.

Ce fait a réorganisé l'activité économique brésilienne. П est immédiatement suivi de l'immigration allemande, italienne, japonaise et portugaise. Influence intellectuelle directe d'autrespayseuro- péene sur le Brésil : la France, l'Allemagne et l'Angleterre.

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Date

1881

1887

1888

1889

1891

1894

1895

1897

1902

Fait Politique

Abolition de l'esclavage.

Proclamation de la République.

Promulgation de la première Constitution Républicaine.

Fait Culturel

Fondation de l'Académie Brésilienne des Lettres.

Polémique entre Rui Barbosa et Carneiro Ribeiro à propos de la Rédaction du Code Civil.

Système Educatif

Etablissement du « Programme pour les Examens Préparatoires ». Organisé par Fausto Barreto, Professeur au Lycée Pedro II, il présente une forte influence du Comparatisme.

Antologia Nacionál de Fausto Barreto et Carlos de Laet, Professeurs au Lycée Pedro II.

Portugais du Brésil

Grammatica Por- tugueza Julio Ribeiro.

Grammatica da Lingua Portu- gueza de Pacheco Silva e Lameira de Andrade ; Grammatica Portu- gueza de Joâo Ribeiro ; Grammatica da Lingua Portugueza de Alfredo Comes ; Grammatica Ana- litica de M. Maciel.

Dicionârio da Lingua Portugueza de Macedo Soares. Grammatica Ana- Utica da Lingua Portugueza de José de Noronha Napoles Massa.

Réédition modifiée de la grammaire de Maxi- mino Maciel, ayant pour titre Grammatica Des- criptiva.

Observations

Influence décisive du Programme sur l'enseignement, du portugais à l'Ecole Secondaire.

Elle sera utilisée jusqu'aux années 1960.

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Date

1907

1919

1924

1931

1933

1937

1938

1939

1943

Fait Politique Fait Culturel

Proposition de changement orthographique par Medeiroe et Albuquerque, de l'Académie Brésilienne des Lettres. Cette proposition, basée sur la Ortografia Nacionál de Gonçalves Vienna, n'a pas de force normative.

Accord orthographique entre l'Académie Brésilienne des Lettres et l'Académie des Sciences de Lisbonne.

Décret établissant officiellement l'accord orthographique.

Création de la Faculté de Philosophie, Sciences et Lettres de l'Université de Sâo Paulo (USP).

Création de la Faculté Nationale de Lettres de l'Université du Brésil, à Rio de Janeiro.

Décret établissant l'orthographe brésilienne, avec des différences par rapport au Portugal.

Système Éducatif

Portugais du Brésil

Grammatica Ex positiva de Eduardo Carlos Pereira, Professeur du Ginásio Oficial de Sâo Paulo.

Manual de Ana- Use de José Oiti- cica, Professeur au Lycée Pedro IL

Gramâtica Secun- dària de M. Said AH.

Gramâtica His- tórica de M. Said Ali.

Pequeno di- cionário Brasi- leiro da Lingua Portuguesa.

Observations

Grammaire employée jusqu'à la fin des années 50, quand le Ministère de l'Education établit l'usage obligatoire de la Nomenclature Grammaticale Brésilienne (NGB).

Dirigé jusqu'à la dixième édition (1963) par Aurélio Buarque de Ho- landa Ferreira.

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Date

1944

1946

1957

1959

1961

1968

1970

1971

Fait Politique Fait Culturel

La commission établie par la Constitution de 1946 décide que le nom de la langue parlée au Brésil est Langue Portugaise.

Modifications de l'orthographe brésilienne.

Système Éducatif

Portugais du Brésil

Gramática Nor- mativa da Lingua Portuguêsa de Francisco da Sil- veira Bueno, Professeur à l'USP.

Gramática Nor- mativa da Lingua Portuguêsa de C.H. da Rocha Lima, Professeur au Lycée Pedro IL

Etablissement de la Nomenclature Grammaticale Brésilienne (NGB), par décision du Ministère de l'Éducation et delà Culture.

Moderna Gramática Portuguêsa de Evanildo Bre- chara.

Gramática Fundamental da Lingua Portuguêsa de Gladstone Cha- ves de Melo.

Estrutura da Lingua Portuguêsa de Mattoso Câ- mara ; Gramática do Português Contemporâneo de Celso Cunha.

Observations

La commission est formée par des membres de l'Académie des Lettres, de l'Académie des Philologie, des Présidents d'Universités, un représentant de l'Association Brésilienne de la Presse et l'Inspecteur de l'Enseignement Militaire.

La NGB fixe la structure de la grammaire normative au Brésil.

Estrutura da Lingua Portugesa est la première grammaire non normative faite au Brésil.

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Date

1975

1985

Fait Politique Fait Culturel §ystème Educatif

Portugais du Brésil

Novo Dicionário Aurélio.

Nova Gramática do Portugais Contemporâneo de Celso Cunha (Brésilien) et Lin- dley Cintra (Portugais).

Observations

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