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Monsieur Georges Niangoran- Bouah Idéologie de l'or chez les Akan de Côte-d'Ivoire et du Ghana In: Journal des africanistes. 1978, tome 48 fascicule 1. L'or dans les sociétés Akan. pp. 127-140. Abstract Georges Niangoran-Bouah first recalls the Akan's conception of gold : alive in the state of a nugget, dead in the state of powder. In the first form gold is both dangerous and beneficial, and cannot be commercialised : gold powder, on the contrary, circulates as a means of exchange. The author then analyses the role played by gold in the institutions and social life of the Akan. In religion, gold is used at the time of the introduction of a new cult, on the occasion of yam festivals, and for royal funerals ; in passing, the history of the renowned Ashanti's Golden Stool and the symbolism it represents is recalled. Gold is also used in legal procedures — an oath on gold has the value of an ordeal — and in medicine, it is used in making up certain remedies. In economics, gold dust has a monetary function : the weights employed for weighing it each have their name, and these names indicate the type of goods that can be procured with the corresponding quantity of gold dust. Finally, the display of gold is the decisive moment in feasts which, in certain Akan societies, mark the social promotion of rich men. Citer ce document / Cite this document : Niangoran-Bouah Georges. Idéologie de l'or chez les Akan de Côte-d'Ivoire et du Ghana. In: Journal des africanistes. 1978, tome 48 fascicule 1. L'or dans les sociétés Akan. pp. 127-140. doi : 10.3406/jafr.1978.1808 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1978_num_48_1_1808

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Monsieur Georges Niangoran-Bouah

Idéologie de l'or chez les Akan de Côte-d'Ivoire et du GhanaIn: Journal des africanistes. 1978, tome 48 fascicule 1. L'or dans les sociétés Akan. pp. 127-140.

AbstractGeorges Niangoran-Bouah first recalls the Akan's conception of gold : alive in the state of a nugget, dead in the state of powder.In the first form gold is both dangerous and beneficial, and cannot be commercialised : gold powder, on the contrary, circulates asa means of exchange. The author then analyses the role played by gold in the institutions and social life of the Akan. In religion,gold is used at the time of the introduction of a new cult, on the occasion of yam festivals, and for royal funerals ; in passing, thehistory of the renowned Ashanti's Golden Stool and the symbolism it represents is recalled. Gold is also used in legal procedures— an oath on gold has the value of an ordeal — and in medicine, it is used in making up certain remedies. In economics, golddust has a monetary function : the weights employed for weighing it each have their name, and these names indicate the type ofgoods that can be procured with the corresponding quantity of gold dust. Finally, the display of gold is the decisive moment infeasts which, in certain Akan societies, mark the social promotion of rich men.

Citer ce document / Cite this document :

Niangoran-Bouah Georges. Idéologie de l'or chez les Akan de Côte-d'Ivoire et du Ghana. In: Journal des africanistes. 1978,tome 48 fascicule 1. L'or dans les sociétés Akan. pp. 127-140.

doi : 10.3406/jafr.1978.1808

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/. des Africanistes, 48, 1 (1978), pp. 127-140.

Idéologie de l'or chez les Akan

de Côte d'Ivoire et du Ghana

PAR GEORGES N I A N G О R A N - В О U A H *

/. Idéologie de l'or.

Dans la mythologie akan, les êtres et les objets qui peuplent l'univers sont des créatures d'Odumankaman l et de l'homme. Odumankaman a créé des êtres et des objets non matériels et crée des êtres et des objets matériels. Dans le premier groupe, les Akan rangent la parole, les esprits, les génies et l'air. Dans le second groupe, ils mentionnent l'eau, la terre, la pierre, les métaux, les éléments de la flore, les éléments de la faune et les humairs. L'artisan de l'Univers a aussi créé des êtres animés et des êtres inanimés. Toutes ces créatures ont vu le jour avant l'homme, et toutes ces créatures sont des êtres qui naissent, vivent et meurent. Ainsi, le rocher mort devient caillou, le caillou mort devient sable, le sable mort devient poussière considérée comme cellule de base de la pierre.

L'homme, imitant l'action du créateur divin, a créé des objets abstraits et des objets matériels. Dans le premier groupe, les Akan rangent les institutions sociales et dans le second groupe, ils rangent les armes, les outils, le mobilier, la maison, les moyens de transport et les ornements du corps. Les informateurs expliquent que l'homme a complété son œuvre en créant, comme Odumankaman, des êtres animés qui naissent, vivent, se nourrissent et meurent. Les Akan font ici allusion au groupe des machines fabriquées à partir des métaux naturels. Ce sont ces derniers, disent-ils, qui confèrent à la machine son principe de vie car le métal, créature d'Odumankaman, possède un principe de vie.

C'est dans ce contexte général qu'on raconte que l'or, métal se trouvant à l'état pur dans la nature, n'est pas une créature simple, il est le métal des métaux, il est le plus noble, car inaltérable et éternel. L'or possède un esprit fort et redoutable, il joue dans le groupe des métaux le même rôle que l'homme joue dans le groupe des mammifères.

* Institut ďethno-sociologie. Université d'Abidjan. 1. Être comparable à Dieu.

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Être vivant, l'or ne demeure pas en place dans la nature, il se déplace d'un point à un autre de la terre. Il peut se rendre visible et invisible. En pépite, il est vivant ; mort il devient poudre. Pépite et poudre d'or jouent des rôles précis dans la société akan.

Il n'est pas rare d'entendre dire ici que l'or se rencontre dans l'air et dans le ciel sous forme d'arc-en-ciel ; il se trouve aussi dans l'eau, c'est ce qui explique le fait que Гагс-en-ciel ne se montre qu'après la pluie.

L'or se trouve dans les endroits montagneux où la terre est noire, dans les lits des rivières et souvent dans les endroits où l'igname pousse de façon spontanée. Quand l'or sort de la terre pour se montrer dans le ciel en arc-en-ciel, il aboie comme un chien et sa sortie est toujours précédée d'une épaisse fumée. L'or parle, il parle comme un chien, il aboie. Le chien symbolise le feu, il symbolise aussi l'or.

La tradition populaire conseille, à qui se trouverait en présence de fumée sortant du flanc d'une colline de se déshabiller et de jeter son cache-sexe à l'endroit précis d'où sort la fumée. Touché par le cache- sexe, la fumée se matérialise et se transforme en pépite d'or. On indique qu'avant de s'emparer de ce métal frais, il convient de l'arroser du sang sacrificiel d'un poulet, d'un mouton ou même de quelques gouttes de sang de celui qui est témoin du phénomène. En possession des pépites, l'heureux bénéficiaire ne doit adresser aucune parole à un voisin s'il n'est pas seul dans le voisinage. Il est également tenu de présenter son butin à un arbre avant de mentionner le fait à un voisin. On raconte que présenter à un individu l'or trouvé dans le sol ou dans le lit d'un cours d'eau provoque la mort à court terme de ce dernier.

L'or trouvé dans la nature ne doit pas être commercialisable car c'est un présent offert par les divinités et les génies, il reste de ce fait intimement lié à l'âme, à la fortune, à la destinée de celui qui l'a trouvé.

Rencontrer l'or dans la nature est un heureux présage et, de ce fait, l'or ne se montre qu'à quelques rares privilégiés que les dieux ont décidé de rendre heureux. Par contre, rencontrer ou avoir de l'or en rêve est un signe de grand malheur et de ruine.

En pays akan, le premier conseil qu'un jeune, arrivé à l'âge adulte, reçoit de ses parents est de ne pas voler l'or, on lui dit à longueur de journée que ce métal est un fétiche dangereux et maléfique ; l'or tue par mort violente et son action s'exerce sur la progéniture du voleur et l'atteint.

Ces conseils sont le plus souvent suivis à la lettre au point que, dans le sud de la Côte-d' Ivoire, chez les Ebrié de la région d'Abidjan, aucun habitant ne touche un objet d'art en or se trouvant dans la rue. Dans le cas contraire, celui qui ramasse l'or dans la rue fait annoncer la nouvelle au village par le crieur. public à l'intention фл malheureux propriétaire. , . . . . _ £ . :

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IDÉOLOGIE DE L'OR CHEZ LES AKAN 129

Connaissant désormais l'idée que les Akan se font de l'or nous convions à présent le lecteur à voir concrètement comment ces peuples vivent cette idéologie dans leurs activités de tous les jours.

//. L'or dans la vie sociale des Akan.

A. — L'or et la religion.

1) Installation d'un nouveau culte. Considéré comme un être vivant doué d'un esprit fort et redoutable, l'or reste un des éléments essentiels et indispensables pour l'installation du culte de Tano et de Bia 2, divinités de cours d'eau. Après les différents rituels, on offre de l'or au propriétaire du culte d'origine pour obtenir son droit de transfert. De retour au village, le prêtre installe un autel à son domicile. Il est également recommandé de planter à l'emplacement choisi pour installer l'autel un arbre sacré (asselé). Avant de mettre la plante en terre, l'officiant dépose de la poudre d'or dans le trou creusé pour recevoir l'arbre.

L'or ainsi mis en terre, à la racine de la plante donnera plus de vigueur à cette dernière et accentuera son caractère sacré. On installe ensuite, au pied de l'arbre ainsi planté, un récipient en bronze (ayawa) dans lequel le devin place une boule blanche de kaolin et une pépite d'or pour matérialiser et symboliser la divinité dont le culte se trouve installé à cet endroit.

2) Le culte des ancêtres. Le principal objet du culte des ancêtres chez les Akan, c'est le siège sacré. C'est sur ce meuble, considéré comme un autel, qu'on offre boissons, nourritures et sacrifices aux mânes des ancêtres du clan. C'est également à cet endroit qu'on invoque l'esprit du fondateur du royaume. En général, le pied de ce tabouret est creux et ajouré. Il est conçu de cette façon pour recevoir les reliques (dents, cheveux, ongles) des ancêtres et une pépite d'or.

L'or placé à cet endroit représente le feu spirituel et la vitalité des ancêtres. Pendant le rituel des offrandes aux mânes des ancêtres et aux génies protecteurs sur le tabouret-autel, le patriarche qui officie place également sur le meuble une pépite d'or. Le métal sacré demeure une journée à cet endroit, le temps que dure la cérémonie. Cette dernière pièce d'or demeure toujours chez le patriarche, elle ne doit jamais être vendue ni mise en gage. Sa présence confère au patriarche respect, puissance économique, autorité morale et spirituelle sur l'ensemble des membres de la famille et sur l'ensemble des sujets du royaume. C'est cet or qui donne crédit et valeur aux serments, aux prières et aux jugements rendus par le patriarche en nom et place des ancêtres.

2. Rivières se trouvant dans l'est de la Côte-d'Ivoire.

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II arrive que le tabouret-autel soit lui-même en or massif. C'est le cas des Ashanti de Kumasi avec Sikadjua Koffi et c'est le cas également du tabouret en or de Kouadio Adingra Kuman, roi des Abron-Gyaman de Bondoukou. Ces objets de culte en or symbolisent l'âme du roi, l'âme de l'État et l'âme de la nation. Un proverbe d'ici dit : le roi est mortel, le tabouret (royauté, État et nation) est immortel. Le caractère permanent et immortel du tabouret vient du fait de sa nature en or massif et pur qui défie l'épreuve du temps.

La légende évoquée pour expliquer l'origine des tabourets en or est celle du tabouret des Ashanti qui remonterait au XVIIe siècle sous le règne du roi Osei Tutu, fondateur du royaume de Kumasi. L'histoire dit que Sikadjua Kofïi (nom du tabouret en or massif) était descendu du ciel un vendredi. Le nom Koffi est celui que porte tout individu de sexe masculin né ce jour de la semaine.

Directement descendu du ciel, ce tabouret était venu se placer devant le monarque Osei Tutu en présence de son prestigieux devin Konfuo Anokye et en présence des anciens du royaume réunis en assemblée. La scène fut interprétée par le devin officiel comme marquant la volonté des dieux et des ancêtres de reconnaître Osei Tutu comme leur seul et unique représentant sur la terre. L'événement a contribué à mettre en évidence la nature divine du personnage du roi Osei Tutu3 et à placer entre ses mains le pouvoir temporel et spirituel. A partir de ce jour mémorable et historique, Osei Tutu devint l'unique chef de tout l'Ashanti, monarque de droit divin et grand prêtre du royaume.

Des informateurs abron-gyaman avancent l'idée qu'en réalité la légende de Sikadjua Koffi ne daterait que du roi Osei Bonsu. C'est au temps de ce dernier que les Ashanti avaient défait et mis à mort Kouadio Adingra Kuman, roi des Gyaman, à la bataille du Tain près de Bondoukou. Les Ashanti, comme butin de guerre et comme tribut, avaient emporté à Kumasi le tabouret en or massif du monarque défait. C'est le siège abron qui serait devenu Sikadjua Koffi des Ashanti, qui restent, aujourd'hui, les seuls Akan à détenir officiellement un tabouret en or massif. Sikadjua Koffi est toujours accompagné de trois cloches et de trois clochettes. Deux des cloches sont en laiton et une en or massif. Les trois clochettes en or sont anthropomorphes et représentent l'effigie de trois guerriers de haut rang vaincus par les Ashanti. Un des personnages est figuré ayant les bras croisés sur la poitrine ; le deuxième personnage a un bras sur la poitrine et l'autre sur la hanche, le troisième personnage a les deux mains posées sur la hanche. A.A.Y. Kyere- maten écrit : « It has been regarded as a sacred object, the gift of the gods, and has been a source of inspiration to chivalrous deeds » 4.

3. Les Ashanti appéleóť ce monarque : Osei 1 utu, Gnamin Kèsié (Osei Tutu, le plus grand Dieu).

4. A.A.Y. Kyerematen : 1964, p. 25. •

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3) L'or et le souverain régnant. La fête des ignames est célébrée deux fois par an. La première, celle des ancêtres et des divinités, ne concerne que les rois et les chefs de clan. La seconde, populaire et grandiose, intéresse toutes les couches de la population villageoise.

La fête des ignames marque le début de l'année nouvelle. Son but est de débarrasser le pays des souillures de toutes sortes, de rendre la terre fertile, les champs prospères, les femmes et les animaux féconds. La tradition veut que le roi, grand prêtre du pays, purifie son corps et ait la paix dans l'âme pour présider les cérémonies cultuelles de nouvel an.

Le riiucl de purification de l'âme du souverain se fait une fois l'an. Il a lieu souvent une semaine avant la première fête des ignames.

Ли jour rituel, à Nzaranou (Côte-d'Ivoire), le roi, une de ses épouses (la première en date) et ses enfants se mettent en habits blancs. Ce jour, l'épouse de cérémonie ne doit avoir aucune activité ménagère. A l'heure indiquée, le maître de cérémonie, généralement l'individu qui symbolise l'âme (kra) du roi, installe le dja5 du royaume sur la couchette du souverain aménagée spécialement à cet effet, ce dja contient aussi de l'or en pépite et en poudre. Kra va ensuite chercher le repas rituel qu'il place dans la même pièce, prend un peu de boisson (vin de raphia ou liqueur d'importation) et invoque longuement l'âme du roi en versant quelques gouttes de cette boisson sur le dja et place dessus quelques miettes du repas cérémoniel. Le maître de cérémonie invite ensuite les membres de la famille royale (roi, épouse et enfants) à consommer le repas qu'ils mangent en silence après récitation, par le souverain, d'une prière de son invention à son propre kra (âme) et aux mânes de ses ancêtres.

Le repas rituel terminé, les convives sortent et se tiennent debout devant la porte, laissant l'officiant récupérer les restes du repas qu'il placera sur le toit de la maison rituelle, près du crâne du mouton sacrifie pour les besoins du rituel. Kra jette ensuite l'eau d'une calebasse sur le crâne du mouton et sur les restes du repas. Au moment où l'eau commence à s'égoutter du toit, l'officiant invite les intéressés à pénétrer dans la chambre en passant sous les gouttes d'eau. Il s'arrange pour que chacun reçoive quelques gouttes de cette eau sur le corps. Dans la chambre, le souverain et sa famille vont s'étendre sur une couchette préparée à cet effet près du dja, et ensemble, ils crient à haute voix :

Kra, Ko da о !, âme, la cérémonie est terminée, va te coucher ! Cette phrase rituelle met fin à la cérémonie de purification de l'âme du souverain régnant ; le roi, grand prêtre du royaume, réconcilié avec les ancêtres et avec les divinités, l'âme purifiée au contact du dja contenant de l'or, et la paix dans le cœur, peut enfin attendre avec sérénité la fête des ignames.

S. Paquet sacré qui renferme les biens en or du clan. C'est également dans ce paquet que les Patriarches akan rangent la collection complète des poids à peser l'or (djayôbwé).

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4) L'or et la dépouille mortelle du roi. Chez les Baoulé, quand un roi meurt, on procède à la momification de sa dépouille mortelle avant de l'inhumer. C'est avec des feuilles d'or pur qu'on ferme les orifices considérés comme sièges de la vie : les yeux, la bouche, les oreilles, les narines. La tradition dit qu'autrefois on faisait un masque en or grandeur nature qui couvrait le front, les yeux, le nez, les oreilles et la bouche. Ce rituel, dit-on, est destiné à maintenir au lieu d'inhumation une partie de la force vitale du roi libérée par la mort. Ce rituel permet à la force vitale du roi de s'incarner dans un fils du pays et dans la terre afin qu'elle produise davantage de nourriture pour la population et pour le bétail.

Ce rituel explique le fait que, chez les Akan, la dépouille mortelle de tout individu arrivé à l'âge adulte ne dort jamais en terre étrangère sauf exceptions (mort à la guerre, mort disparu, etc.). La présence de l'or dans les tombes royales explique également en partie le fait que chez ce peuple, le lieu d'inhumation des rois demeure secret ou surveillé jour et nuit par les gardiens des tombeaux des rois.

5) L'or et le comput du temps du règne. Les monarques dignes de ce nom ont un kuduo (boîte en bronze ou en laiton) comportant un couvercle orné dans lequel ils rangent leur menus biens de première nécessité, quand ils sont en déplacement.

Chaque année, au moment des cérémonies à'Adae (cérémonies marquant le nouvel an), le roi dépose une pépite d'or d'environ 20 g dans le kuduo de telle sorte qu'à sa mort, le nombre de pépites d'or trouvé dans le kuduo correspond à son nombre d'années de règne. L'or ici symbolise le temps de règne, le temps historique. Car les actions coutumières et les habitudes de vie à perpétuer et à transmettre aux jeunes générations sont situées dans un temps de règne de monarques plus ou moins influents, dans une séquence de temps qui influencera leur vie, leurs activités économiques, politiques et religieuses.

B. — L'or et la justice.

1) Les responsabilités civiles. Dans les temps anciens, après l'âge puber- taire (15 ans), les garçons jugés par les parents intelligents et capables de se débrouiller seuls dans la vie, recevaient de ces derniers, le jour anniversaire de leur naissance, un petit dja complet et contenant de l'or en poudre dont l'importance était fonction de la fortune des parents. Les rois et les chefs, dans quelques cas, étaient tenus d'accomplir cette formalité pour les enfants des courtisans.

Le jeune homme qui avait droit à cet honneur était considéré comme ayant atteint l'âge des responsabilités civiles, c'est-à-dire l'âge où l'on peut entreprendre des opérations commerciales avec toutes les responsabilités que cela implique.

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La cérémonie indique aussi que le jeune homme, arrivé à l'âge adulte, est désormais libéré de la tutelle paternelle et familiale, il est désormais libre d'organiser sa vie et ses activités économiques comme il l'entend, selon son kra (tempérament, fortune, destinée), selon ses propres principes en accord avec les habitudes de son ethnie et de son village. L'or symbolise ici la fin de la tutelle paternelle, il signifie aussi succès et prospérité dans la gestion des entreprises personnelles.

2) La paix du village. Traditionnellement, chez les Baoulé du Centre de la Côte-d'Ivoire, quand deux individus de même village, après de chaudes discussions, sont prêts à en venir aux mains, le chef de village, prévenu et informé des raisons du conflit, tire de son dja deux petits masques en or qu'il remet aux belligérants. Accepter les masques c'est prendre l'engagement ferme de cesser toute hostilité. Celui qui refuse le masque est condamné à payer une forte amende en espèce (or) et en nature (mouton). Quelque temps après la remise des masques, le chef réunit son conseil de notables pour fixer d'un commun accord la date du jugement des belligérants et leurs complices.

En pareille situation, le fait pour un Abouré de dire : ntalé été (je tiens la tête — le masque), met un terme au conflit. L'expression place celui qui l'a prononcée sous la protection des ancêtres et des génies protecteurs du village.

Le masque symbolise la paix, la concorde et l'entente des habitants garanties par le portrait en or des ancêtres fondateurs du village ou du royaume.

3) L'or et l'ordalie. Le fait d'emprunter une somme d'argent à un ami ou à un tiers est un acte vil, déshonorant et humiliant. Un tel acte ne peut se faire que dans le plus grand secret, en dehors de tout témoignage. Au moment de sa conclusion, il n'engage que les parties en présence : l'emprunteur et son créancier. En principe, les opérations de ce genre se font tard dans la nuit, au second chant du coq, c'est-à- dire au moment où l'étoile du matin, Vénus (Kotoklo), pointe à l'est. Pour les raisons que nous invoquons, Vénus est aussi appelée Étoile du pauvre. Dans l'opération, le créancier n'a pour garantie que la parole d'honneur du débiteur et l'espoir d'une malédiction qui frapperait ce dernier au cas où il n'honorerait pas ses engagements. Cette croyance tient à la nature essentiellement divine de la monnaie (or), métal sacré source de pouvoir maléfique.

On pense ici que l'or est capable de punir celle des parties qui se montre malhonnête et animée de mauvaises intentions au moment du remboursement du prêt. Emprunter est également considéré comme un acte religieux. Cette idée vient du fait que le prêteur, homme riche, aisé et comblé, est censé ignorer l'identité réelle de son partenaire. L'individu qui lui fait face peut bien être une image d'emprunt, c'est-à- dire présenter le physique d'un individu connu mais en réalité, c'est

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un génie déguisé qui vient vérifier les rumeurs de toutes sortes qui courent sur le compte du créancier. Cette raison fait que le prêteur se croit toujours obligé de donner satisfaction au demandeur et de se montrer magnanime. Cette croyance qui conditionne le comportement des riches face aux nécessiteux est très importante et explique en partie la courtoisie des membres de cette ethnie, le respect et l'hospitalité qu'ils ont pour l'étranger en général.

Si pour une raison ou pour une autre, une des parties contractantes meurt avant le terme fixé pour le remboursement, le survivant, selon les coutumes, est tenu de se signaler aux héritiers du défunt et de faire connaître la nature des rapports qui les liaient. La tradition veut que les héritiers ne mettent pas en doute la parole du survivant ; mais il arrive souvent que les héritiers contestent ses déclarations. En pareil cas, il est recommandé de recourir à l'ordalie, pour calmer les esprits. Chez les Abé et leurs voisins d'Agboville (Côte-d'Ivoire), le rituel au cours duquel le survivant subit l'ordalie se nomme anaéin. Ce terme désigne également une unité monétaire valant 14 g. or. A l'heure indiquée pour le serment, le patriarche de la famille du défunt prend le dja familial, l'ouvre et en sort une figurine en or, le plus souvent de valeur anaéin, la remet au survivant qui, figurine en main, se lève et expose à haute voix la nature de ses rapports avec le défunt. Au terme de son exposé, le survivant s'adresse à la dépouille mortelle du défunt, en disant cette phrase terrible : « si le récit que je viens de faire n'est pas exact, alors ne tarde pas à venir me chercher pour un jugement dans l'au-delà ; que mon mensonge se transforme en calamités de toutes sortes pour décimer ma famille ». Le serment terminé, la figurine rituelle en or est remise dans son dja. Ce rituel met un terme au conflit.

Accepter de passer anaéin, c'est vouloir se faire reconnaître par les tiers comme un homme sincère et intellectuellement honnête. L'or, dans cette cérémonie, garantit la parole donnée en l'absence de témoin et d'écrit. La parole donnée est l'un des piliers des civilisations de tradition orale.

С — L'or et la médecine.

En principe, on ne jette jamais rien de ce qui se trouve dans le dja. Les objets, parce qu'ils sont en contact avec ce paquet contenant les reliques des ancêtres, deviennent sacrés et, comme tels, demeurent indéfiniment dans le dja. C'est dans cet esprit que les Ebrié (Côte- d'Ivoire) cherchent et récupèrent soigneusement les grains de sable mêlés à la poudre d'or se trouvant dans le dja. Ils récupèrent ce mélange et l'utilisent dans la préparation des médicaments, contre les œdèmes de toutes origines.

Adjatentu (sable du dja mélangé à la poudre d'or) entre également dans la préparation de médicaments pour soigner tout individu ayant

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perdu l'usage de la parole. Ce remède guérit également l'asthme et des maladies de même nature.

Souvent les guérisseurs qui soignent des malades graves demandent aux parents responsables de ces derniers, une certaine quantité d'or (5 grammes). Le guérisseur offre cet or aux justiciers du monde de la nuit pour obtenir en échange l'âme du malade supposée retenue prisonnière par les sorciers mangeurs d'âmes. Il arrive qu'après le rituel d'échange (âme contre or) le malade recouvre sa santé hypothéquée pour des raisons multiples.

D. — L'or et l'économie.

Avant la colonisation, la poudre d'or était la seule monnaie en usage dans cette région du golfe de Guinée. C'est beaucoup plus tard que les cauris venant de l'Océan Indien et les manilles venant du Portugal entrèrent dans le pays. Pour acheter et pour payer, il faut peser les différentes unités monétaires à l'aide de la balance et de poids-monnaie. Chaque poids-monnaie est considéré comme monnaie de compte. C'est après pesée que la poudre d'or devient monnaie d'échange et élément de transactions commerciales. La monnaie de compte est en laiton, la monnaie d'échange est l'or.

Les poids-monnaie ne se donnent pas en échange de la marchandise achetée ; le propriétaire les garde, il ne remet au marchand qu'une quantité de poudre d'or en échange de la marchandise reçue.

La plus petite unité monétaire se nomme dama, elle pèse 0,014 g. ; la plus grande unité monétaire s'appelle ta, elle pèse environ 50 g. or. Entre ces deux valeurs, il y a 31 unités. Au total, disons que le système monétaire akan comporte 31U + 2U = 33 unités rangées à l'intérieur de 8 séries de valeurs monétaires différentes.

Pour fonctionner, le système utilise deux éléments : un élément faible dit valeur femelle et un élément fort dit valeur mâle. Les valeurs faibles servent à prêter et les valeurs fortes servent à rembourser. La différence entre la valeur mâle (monnaie forte) et la valeur femelle (monnaie faible) constitue le bénéfice' du créancier.

Les noms des différentes unités monétaires constituent un véritable code social. En voici quelques-uns :

Pwa : valeur monétaire qu'on remet à un enfant pour ses dépenses journalières.

Kokowa : prix d'achat d'un poussin vieux d'une semaine. Koko : prix d'achat d'un poulet vieux de trois mois. Dwoa : prix d'achat d'un panier d'amandes de palme. Bodommo : prix d'achat d'un collier de perles d'aigri en pâte de

verre.

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Nsano : prix d'achat de quatre canaris de vin de raphia (récompense à donner à un individu qui a rendu service).

Soa : prix d'achat d'une houe. Fiaso : prix d'achat d'une hache. Asoba : prix que l'enfant qui a offensé son père paye pour obtenir

le pardon de ce dernier. Tya : somme à donner pour décider un individu à entreprendre

une importante démarche nécessitant déplacement et frais. Gua : somme à payer pour réunir le conseil des notables en vue de

se prononcer sur un problème important. Tra : prix d'achat d'un mouton ou d'une chèvre. Ta : prix d'achat d'un enfant de sexe féminin sevré. Ndagnon : prix d'achat de deux enfants de même sexe ou de sexe

différent sevrés et appelés pour la circonstance jumeaux. Benna : somme pour payer l'adultère de la femme du roi ou du chef. La poudre d'or acquise de façon frauduleuse, dans les transactions

commerciales, par un commerçant malhonnête, ne porte pas malheur au voleur ; car la poudre d'or, c'est de l'or mort, donc moins dangereux que l'or en pépite, métal vivant qui ne tolère aucune injustice, aucune fraude, aucun vol.

E. — Rôle de l'or et ascension sociale.

La société Adioukrou est une société lignagère. Au-dessus de cette structure de base, il existe une société des riches. Le terme Angbandji désigne les cérémonies d'intégration d'un nouveau membre à la société des riches.

Angbandji, c'est la fête de l'or. Les cérémonies durent un mois. Elles commencent le premier lis de Fampo 6 (premier jour de la première semaine de la petite saison sèche).

Avant d'informer les membres angbandji de l'intention de proposer un candidat, l'oncle maternel de ce dernier réunit un conseil de famille auquel prennent part les membres des deux lignages (paternel et maternel). Ce conseil a pour rôle de connaître le montant des sommes à engager pour les cérémonies et ce que chaque membre présent sera en mesure de donner. Il est nécessaire de préciser que la famille maternelle de l'intéressé supporte les plus grands frais. La contribution de la famille paternelle reste symbolique.

La première obligation du candidat, à la date indiquée, consiste à offrir des boissons de toutes sortes : bangui (vin de palme), vin rouge, liqueur, etc., à tous les membres angbandji du village. Il doit ensuite

6. Lis : nom du premier jour de la semaine ; fampo : petite saison sèche.

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payer un droit d'une quinzaine de milliers de francs. Cette phase préliminaire est destinée à prouver aux membres de la société angbandji que le candidat est bien armé pour satisfaire leurs exigences.

Le doyen d'âge des sociétaires fixe au candidat la date du versement de la somme à payer pour être membre de la société angbandji en présence de tous les membres réunis. Le montant du droit peut atteindre plusieurs centaines de milliers de francs. La séance de vérification du montant demandé se fait en présence de l'assemblée des membres angbandji. C'est d'ailleurs une opération de pure forme car le candidat qui n'a pas la somme nécessaire, ne vient jamais affronter la société angbandji à laquelle il veut appartenir. Le candidat a la possibilité de demander un prolongement du délai fixé. Asôba ' ou 3 g. or est le montant du premier versement. La deuxième semaine, le candidat offre deux moutons : un à sa famille maternelle et un à sa famille paternelle. Quant aux membres de la société angbandji, ils n'auront droit qu'à un repas copieux accompagné de vin de palme. Le doyen prélève un peu de nourriture et de boisson qu'il offre aux ancêtres de la société en les priant de recevoir le nouveau membre, de le prendre sous leur protection, de lui donner bonheur, santé et beaucoup d'enfants ».

La troisième semaine, commence la retraite de l'initié ; elle dure une semaine. Une branche de palmier reste plantée devant sa maison. Mais auparavant, le candidat doit donner quatre bouteilles de liqueur aux membres de sa nouvelle société. Pendant la retraite (consignation au domicile), la fête continue. La population mange, boit aux frais du nouveau riche qui lui-même mène en privé une vie princière. Pendant ce temps, l'épouse de l'initié passe son temps à distribuer de la nourriture aux membres des deux lignages du mari. Chaque après-midi, habillée de blanc et couverte de bijoux d'argent, elle se fait accompagner de deux demoiselles d'honneur pour une promenade à travers le village. C'est également pendant cette semaine, sous un apatam de riches pagnes, qu'a lieu l'exposition publique du trésor (pépites d'or, poudre d'or, bijoux en or) du nouveau riche et celui de son clan.

La quatrième semaine, le nouvel angbandji donne encore à manger et à boire à tout le monde. Ce rituel précède une seconde retraite dont la durée varie selon le clan auquel appartient l'initié. Cette dernière retraite marque la fin des cérémonies à! angbandji.

Dans le pays adioukrou, celui qui n'a pas fait son angbandji et exposé l'or, est considéré, quelle que soit sa fortune, comme un homme de basse condition sociale. Il n'a pas le droit, au cours d'une réunion publique, de prendre la parole pour exposer ses idées, n'est pas respecté et n'a droit à aucune considération.

7. Asôba : accepter l'enfant l'enfant ou le membre ; c'est le nom d'une unité monétaire. 8. Marguerite Dupire : 1958, p. 29.

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1) Andimantchi (Ebrié). Le terme Adimantchi est composé de andi et de ntchi. Le premier signifie « exposer pour faire admirer » ; il s'applique surtout à une femme qui, après son accouchement, sort, parée de bijoux en or de grande valeur, se promener dans le village. Ntchi, c'est l'or. Andimantchi se traduit littéralement par : « exposer l'or ». Celui qui fait la cérémonie est ntandi (celui qui a exposé l'or publiquement). Andimantchi est la cérémonie au cours de laquelle un membre du clan fait un apport d'or, un don en or au trésor familial. Andimantchi est en même temps la cérémonie de passage d'un individu de condition modeste à la classe des notables et des riches. Elie permet de bénéficier du prestige, du respect dont jouit le roi. A ce titre, l'intéressé est consulté et son opinion compte dans tous les problèmes concernant les intérêts du village.

Les cérémonies Ů' andimantchi commencent toujours un yablè (dix-septième jour du mois rituel) de n'importe quelle saison.

Л l'origine, cette cérémonie était un véritable culte rendu à l'or et à cette occasion, les rois qui possédaient une grande quantité d'or étaient déifiés.

Les sept clans constitutifs de chaque village ont chacun un trésor constitué par l'or en pépites et en poudre et par des bijoux en or de grande valeur. Ce trésor est le résultat des apports, des dons et des contributions que les patriarches du lignage matrilinéaire avaient faits depuis que le peuple ébrié existe. Ces objets peuvent être mis en gage dans l'intérêt de tous les membres de la famille, mais jamais vendus.

L'apport minimum requis par les coutumes est 8 ta " (quatre cents grammes or).

Le jour réservé à la cérémonie du don de l'or au trésor clanique donne lieu, aujourd'hui encore, à de grandes réjouissances au cours desquelles on boit et mange aux frais du nouveau riche. Pendant les manifestations, on expose sur plusieurs tables toute la fortune en or du clan de l'intéressé.

L'exposition des biens en or du trésor au milieu de la cour du patriarche dure une journée et se termine le soir avec le coucher du soleil.

Il est à remarquer que l'honneur et le respect attachés au titre de ntandi (riche en or), est un privilège personnel qui n'est pas transmissible aux héritiers légitimes.

2) Le mariage. Un mariage ici ne peut être conclu que par la remise d'un lot de biens communément appelés « dot » ou compensation matrimoniale. Cette dernière comprend généralement des biens en nature et des espèces. La remise des biens en nature aux parents de l'épouse, les vins par exemple, constitue l'acte principal et décisif du mariage. Mais l'union ainsi réalisée ne peut être réellement scellée, bénie aux

9. Cette unité monétaire vaut 50 g d'or; 8 ta valent 50 X 8 — 400 g.

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yeux de la communauté villageoise que dans la mesure où elle est garantie par été suke (somme d'argent en or). Cette somme, autrefois comme aujourd'hui, est 1 ta — 50 grammes d'or pur. Elle est remise aux paternels de l'épouse par le père du conjoint.

Été suké est en fait une contrainte morale exercée sur l'épouse afin qu'à tout moment elle n'abandonne pas le domicile conjugal pour des motifs futiles. En eifet, les coutumes exigent que les parents de l'épouse remboursent été suké (garantie du mariage) avant que l'épouse ne quitte le domicile conjugal. Étant donné que l'or en question se trouve chez le père ou chez les paternels, l'épouse ne sera pas en mesure de le restituer séance tenante pour se libérer. Informés du conllit, le père et l'oncle interviendront mais dans le sens d'une réconciliation des conjoints.

Été suké garantit le mariage, le rend solide, sérieux et durable. Sa restitution met un terme au mariage ; il y a alors un divorce avec son cortège de problèmes sociaux.

L'or unit, scelle le mariage ; il rompt et dissout les liens conjugaux. Finalement, sans or, il n'y a pas mariage ; le mariage, c'est l'or.

Conclusion.

Véritable être vivant au pouvoir surnaturel, l'or est censé pouvoir donner bonheur, réussite, santé, longévité, et fortune à tous ceux qui l'associent à leurs activités politiques, sociales et religieuses, non pas comme monnaie, mais comme un dieu soucieux des intérêts et du devenir de ses fidèles.

OUVRAGES CITÉS.

Dupire, Marguerite et Boutillier, Jean-Louis, Le pays adioukrou et sa palmeraie, Paris, ORSTOM, 1958.

Kyf.rf.m \тгм, A. A. Y., Panoply of Ghana, Londres, Longmans, 1964. NiANGORAN-BoLAH, Georges, Symboles institutionnels chez les Akan, L'Homme, XIII,

1-2 (1973), pp. 207-232. La division du temps et le calendrier traditionnel des peuples lagunaires de Côte-d' Ivoire, Paris, Institut d'ethnologie, 1964, pp. 104-114.

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SUMMARY

Georges Niangoran-Bouah first recalls the Akan's conception of gold : alive in the state of a nugget, dead in the state of powder. In the first form gold is both dangerous and beneficial, and cannot be commercialised : gold powder, on the contrary, circulates as a means of exchange. The author then analyses the role played by gold in the institutions and social life of the Akan. In religion, gold is used at the time of the introduction of a new cult, on the occasion of yam festivals, and for royal funerals ; in passing, the history of the renowned Ashanti's Golden Stool and the symbolism it represents is recalled. Gold is also used in legal procedures — an oath on gold has the value of an ordeal — and in medicine, it is used in making up certain remedies. In economics, gold dust has a monetary function : the weights employed for weighing it each have their name, and these names indicate the type of goods that can be procured with the corresponding quantity of gold dust. Finally, the display of gold is the decisive moment in feasts which, in certain Akan societies, mark the social promotion of rich men.