Amann. Le Protévangile de Jacques et ses remaniements latins. 1910

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    University of Ottawa

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    LEPROTVANGILE DE JACQUES

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    DOCUMENTSPOUR SERVIR A L'TUDE DES ORIGINES CHRTIENNES

    LESAPOCRYPHES

    DU

    NOliVEAU TESTAMENTPUBLIS SOUS 1. DIRECTION DEJ. BOUSQUET

    VICE-RECTEUR DE l'INSTITUT CATHOLIQUE DE PARISET

    E. AMANNDOCTEUR EN TUOLOGIR, LICENCII ES LETTRES

    PARISLETOUZEY ET AN, DITEURS

    7G BIS, RUE DES SAINTS-PERES1910

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    ,ES APOCRYPHES 1)11 NOUVEAU ESTAMENTIMJHLIKS SOUS . DIHEOTION I)

    J. B0USQUE:T et AMANNLE

    PHOTVANOILE DE JACQUESSES REMANIEMEINTS LAIINS

    INTRODUCTIONTEXTES, TRADUCTION ET COMMENTAIRE

    PAREMILE AMANND C It EN II ; L G I , LICENCI S LETTRES

    AUMONIER AU COLLGE STANISLAS

    PARISLETOUZEY ET N, DITEURS7 UIS, HUE DES SAlNTS-l'HES

    1910

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    NIHIL OBSTAT

    Parisiis, die 31 januarii 1910J. LEBRETON

    IMPRIMATURrari^iis, die jebruarii 1910

    A. BAUDRILLART,V. G., RECT.

    FEB291

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    A LA MEMOIREDE

    GUSTAVE MORELPROFESSEUR DE PATRor.OiilE

    A l'institut catholique de paris(1902-1905)

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    AVANT-PROPOS

    Le Proi^angile de Jacques occupe une place partparmi les Apocryphes du Noueau Testament. Il est, sanscontredit, l'un des plus anciens; et, grce son respectscrupuleux de l'orthodoxie, il a mrit d'exercer unegrande influence aussi bien dans l'Eglise latine que dansles Kglises orientales. Les lgendes vnrables qu'il a misesen circulation, et qui forment la source presque uniquede toutes les vies de la Vierge, se sont incorpores, plusou moins rapidement suivant les pays, l'enseignementordinaire des docteurs. Il ne peut pas tre indiffrent un thologien d'aujourd'hui de constater la grande placeque la Vierge a tenue ds le ii^ sicle dans la piet popu-laire, de suivre pas pas dans les textes les transforma-tions progressives des concepts primitifs, de voir la dvo-tion l'endroit de lu Mre de Dieu se faire, avec les sicles,plus dlicate et plus tendre. C'est ce que nous avonsessay de montrer, soit dans l'introduction, soit dans lecommentaire, et nous avons pens que le meilleur moyend'y aboutir tait de mettre sous les yeux du lecteur leplus grand nombre possible de textes.A dfaut des thologiens, nous esprons du moins int-resser les exgtes et les liturgistes. Peut-tre jugeront-ils curieuse la manire dont on a exploit, dans le pass,les crits bibliques, et pittoresque la faon dont les textesapocryphes ont su franchir les portes du sanctuaire. Iln'est pas jusqu' l'histoire de l'art, qui ne trouve intrt

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    VIII AVANT-PROPOS tudier d'un peu prs les sources des lgendes qui ont,pendant plusieurs sicles, soit Byzance, soit en Occidentinspir les artistes chrtiens. Nous avions song toutd'abord indiquer dans une note l'influence de nos textessur l'iconographie mariale. La complexit du sujet afait reculer notre incomptence. Le lecteur qui voudraitprendre une ide de la question trouverait de nombreuxmatriaux dans le volumineux ouvrage de Rohault deFleury sur /a Sainte Vierge, et une premire orientationdans les livres de M. Broussolle. Un chapitre de M. Maie,dans Uart religieux du XI11^ sicle en France, tudie d'unemanire approfondie un des points particuliers du sujet.

    Le texte que nous publions est celui de Tischendorf;nous avons ajout en notes les variantes les plus impor-tantes, ngligeant toutes celles qui taient purementverbales. Il ne pouvait tre question, dans une tudecomme celle-ci, de faire la collation et le classement desnombreux manuscrits non encore dits. Du reste l'accordgnral du texte de Tischendorf avec la version syriaque,plus ancienne que tous nos manuscrits, est une preuveque nous lisons le Lii^re de Jacques peu prs comme lefaisaient les chrtiens du v^ sicle. On en jugera par lacomparaison des variantes du Syriaque avec le texte grecactuel. Le texte latin des remaniements est beaucoupmoins facile tablir; un travail analogue celui deM. Bonnet sur les Actes apocryphes des Aptres s'impose-rait ici. Nous avons fait passer dans nos explicationsla substance des notes des prcdents diteurs. Le plusrcent des commentaires, celui de Meyer, nous a tparticulirement utile; si parfois nous avons cru devoirnous en carter, ce n*a pas t sans motifs srieux : le lec-teur en jugera.En publiant ce premier volume des Apocryphes duNouveau Testament, ce nous est un devoir bien agrablede remercier tous ceux qui nous ont aid de leurs conseilset de leur exprience. MM, Bousquet et Franois Martin,nous ont t d'un prcieux secours. Mais nous avons des

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    AVANT-PROPOS IXobligations toutes spciales M. Mangenot qui fut notrematre au Sminaire de Nancy et l'Institut catholiquede Paris. C'est lui, sa connaissance approfondie desdomaines les plus divers de la science ecclsiastique, son inlassable complaisance que ce livre doit d'tre un peumoins imparfait : nous lui disons ici notre bien vivegratitude.

    Paris, le 8 fvrier 1910.Emile Amann.

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    ADDENDA ET GORRIGENDAp. 12, note 1, au lieu de : /. ii; lire : .

    42, note 3, ligne 3, au lieu de:/, ; lire : -(.)6,.p. 62, note 1, lire -.Geschichte des j'udischen Volkes, t. ii, 2^ dition, 1898,

    p. 20.p. 73, ligne 22. Grce l'extrme obligeance de"M. E. Rostagno,conservateiu" des mss. la Bibliothque Laurentienne, nous sommes

    on mesure d'identifier le ms. de Tischendorf.C'est le Codex Lauren-lianus-Gaddianus 208. (Cf. Bandini, Calalog. suppl., t. ii, p. 203-204.)Voici le rsum de la description, qu'a bien voulu en faire pour nousM. Rostagno.^Manuscrit en parchemin, xiv^ sicle, 61 folios anciens,prcds do 4 f^^ rcents; 16 centimtres sur 12. Du manuscrit pri-mitif il manque le premier du premier cahier, et le deuxime ca-liior ton! entier, d'o une diffrence entre la numrotation anciennecl la lannrotation rcente. Le manuscrit renferme deux crits,un premier trait dont le titre a disparu avec le premier f"; et f** 57*le Transitus heale Marie Virginis. Le titre du premier trait peuttre restitu, au moins par conjecture, grce Vexplicit qu'on liti'o 57' : Explicit summa seu liber de Creatione niundi et Angelorumet de pueritia Christi et aliorum multorum bonorum. Amen. C'est unefarrago qui commence par l'expos du dogme de la Trinit, et racontel'histoire sommaire de la cration, celle des anges, etc. Voici les titresde quelques chapitres : de principio rnundi, de angelis, de ordinationeinundi,... de gloria et hcatiludine homiiium,... de sepiem viliis capi-talibus,... ddie fudicii,... de pnis inferni, de gloria paradisi, de divi-nis ojficiis,... de officio lamenlntionum, de ordine missarum et earumsignificatione. C'est ce dernier chapitre que se relie sans aucunetransition, comme un simple chapitre du trait prcdent, le texte dePseudo-Matthieu, i'' 29"^. / iiieftts illis erat i^ir in Jrusalem nomineJoachim. L'histoire se termine f 57'. Sanctus apostolus et evangelis-ta Joannes manu sua scripsit hune libellum ebraycis litteris consi-gnatum, quem Jeronimus doclor ille perspicuus hoc opus de ebraycoin latinum deduxil.

    p. 93, ligne 22, au lieu de : iv^ sicle ; lire : n^ sicle.p. 113, note 1, dernire ligne, au lieu de : xxiii; lire : 23.p. 136, note 1, ligne 10, lire : /,' /,.p. 156, ligne 12, ajouter : S. Thomas, Summa theol., III, q., a. 3

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    PROTEVANGILE DE JACQUESmentionne le Liber de ortu SaU'atoris, qu'il dclare d'ailleurs apo-cryphe.

    p. 234, ligne 7, rh* avry; ', c'est la leon de F" et H. A, di-sent :-, bi/ ; B, I : -o ; L : ; -jTr,;,'.. 265, commentaire, ligne 21, et page 266, texte, ligne 3, au lieu de :

    -jva ; lire :,. 266, ligne 6, au lieu de ; rfiv.n-x/ ; lire :.p. 319, commentaire, ligne 10. Le Talmud de Jrusalem, Sota, i,4-6; II ; m, 1-5 ; v, 1, dcrit minutieusement les crmonies de l'-preuA'e. On n'y trouve nulle part d'allusion cette particularitque l'homme souponn devait faire sept fois le tour de l'autel. Cepeut tre une dformation lgendaire d'une crmonie primitive.

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    INTRODUCTIONCHAPITRE PREMIERANALYSE DES TEXTES

    On trouvera dans le prsent volume, dits d'aprs Tis-ctiendorf ^, le texte grec du Prottangile de Jacques et lesremaniements latins qui l'ont remplac en Occident. Uneconnaissance sommaire du contenu de ces divers textes estindispensable pour l'tude des doctrines qui y sont ren-fermes. Ce sera notre excuse si nous proposons, aussittaprs l'analyse du texte primitif, celle des textes latins,dont l'histoire aurait d tre reporte au chapitre m decette introduction.

    . Le Protvangile de Jacques.Le Protvangile de Jacques rentre dans la catgorie des

    Evangiles apocryphes de l'enfance qui prtendent combler l'aide d'emprunts faits la tradition ou la lgende, etmme l'aide de simples fictions, les lacunes des vangilescanoniques. On a coutume de dsigner sous ce titre, depuisle xvi^ sicle, une histoire sommaire des vnements quiont prcd, accompagn ou suivi immdiatement lanaissance de Jsus, L'ensemble du texte se laisse en effetdiviser en trois parties d'ingale longueur. La premire,de beaucoup la plus longue, comprend les chapitres i-xvi ;

    1. Evangelia apocrypha, editio altra, Lipsise, 1876.PROTV. 1

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    ANALYSE DES TEXTESla seconde s'tend de xvii xxi; la troisime va de xxn XXIV. Le chapitre xxv forme un trs court pilogue.La premire partie, i-xvi, raconte l'histoire de la viergeMarie, Mre de Jsus, jusqu'au moment de la nativit du

    Sauveur.i-iii nous prsentent les parents de Marie, Joachim et

    Anne, saints personnages, riches et considrs, mais quisouffrent cruellement de n'avoir point d'enfant. Humilipour ce fait lors d'une crmonie au temple, Joachim s'estretir au dsert. Anne demeure seule la maison se la-mente et supplie le Seigneur de la prendre en piti. IV, 1. Sa prire est exauce : un ange lui apparat et luiannonce qu'elle va devenir mre; iv, 2-4, Joachim, pr-venu lui aussi par un ange, s'est dcid en effet regagnerle domicile conjugal.

    V, 1-2. Aussi bien, Joachim est maintenant assur que leSeigneur lui sera propice. Dans les dlais ordinaires, Annemet au monde une fille et lui donne le nom de Marie. VI. L'enfant grandit, entoure de soins extraordinaires,destins la dfendre contre toute impuret; divers pr-sages montrent quelle gloire minente elle doit s'leverun jour. ', Mais quand elle a atteint l'ge de trois ans,les parents songent accomplir le vu qu'ils ont fait, deconsacrer au Seigneur l'enfant qui leur natrait. Marie estconduite au temple, et monte toute seule les degrs del'autel.

    VIII, 1, dcrit trs brivement son genre de vie dans letemple. 2-3. Mais la Vierge a maintenant douze ansaccomplis; il est impossible de la conserver plus long-temps si prs du sanctuaire. Sur le conseil de ses collguesdans le sacerdoce,le grand-prtre Zacharie consulte l'oracledans le Saint des Saints. Il faut, rpond le Seigneur, ras-sembler tous les veufs d'Isral; un signe montrera quid'entre eux doit tre confie la Vierge. ix, 1-3. C'estJoseph le charpentier qui est dsign pour recevoir en sagarde la Vierge du Seigneur; malgr ses rsistances il est

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    PROTEVANGILE DE JACQUESoblig d'obir aux injonctions du grand-prtre, et il em-mne Marie dans sa maison, o il la laisse seule, tandis quelui-mme s'en retourne ses travaux de construction.

    X, 1-3. Sur les entrefaites, Marie est charge par les pr-tres de filer la pourpre et l'carlate, destines au voile dusanctuaire. xi, 1-3. C'est au milieu des modestes occupa-tions du mnage qu'elle reoit, d'abord la salutation, puisla visite de l'ange qui vient lui annoncer sa divine mater-nit. La scne de l'annonciation est fort brivement ra-conte, comme aussi, xii, 1-3, celle de la visitation.

    XIII, 1-3. Cependant Joseph, revenu de ses travaux,dcouvre la situation de Marie, et se livre au plus violentdsespoir; la Vierge interroge par lui ne sait que protesterde son innocence, et se drobe toute explication. XIV, 1-2. Les perplexits de Joseph en sont augmentes;mais l'ange du Seigneur lui apparat en songe et l'instruitdu mystre de la conception virginale.

    xv-xvi. Une indiscrtion du scribe Annas a fait conna-tre au sacerdoce officiel l'tat de Marie. Les deux fiancsont donc, ce semble, manqu gravement leurs obligations ;ils sont cits devant le tribunal du grand-prtre. Commeils protestent tous deux de leur innocence, le pontife lessoumet l'preuve des eaux amres qui doit dnoncer lecoupable. Elle tourne leur avantage ; le grand-prtre,n'osant les condamner, les renvoie en paix; Joseph etMarie rentrent dans leur maison.La deuxime partie, xvii-xxi, est consacre dcrire la

    naissance de Jsus et les circonstances merveilleuses quil'accompagnent.

    XVII, 1-xviii, 1. Au moment o approche le terme deMarie, parat l'dit d'Auguste ordonnant d'inscrire tousles habitants de Bethlem. Joseph et Marie se mettent enroute; ils ne sont pas mi-chemin, que la Vierge sentantsa dlivrance imminente demande Joseph de s'arrter.L'endroit est dsert, une grotte se rencontre propos oMarie peut s'abriter.

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    4 ANALYSE DES TEXTESXVIII, 2-xix, 1. Joseph est parti la recherche d'une

    sage-femme; mais il est tmoin en route d'un prodige sur-prenant. Tout coup et durant quelques instants, la vie del'univers tout entier se trouve comme suspendue; puis leschoses reprennent leur cours normal. Joseph rencontreenfin la femme qu'il cherchait, et tout en la conduisantvers la grotte, il lui dvoile le mystre de la conception deMarie.

    XIX, 2-xx, 4. Au moment o ils arrivent la grotte, c'estl'heure de l'enfantement divin; la sage-femme n'a pasbesoin d'autres preuves pour croire la naissance virginalede l'enfant. Mais une autre femme, Salom, qu'elle ren-contre et 'qui elle veut faire partager sa conviction, de-mande pour croire des preuves plus tangibles. Son incr-dulit et son indiscrtion sont punies; toutefois son repen-tir, le rappel de ses bonnes u^res lui valent presque aussi-tt sa gurison; elle sort de la grotte de la nativit englorifiant le Seigneur.

    XXI, 1-4, n'est qu'un abrg de saint Matthieu, ii,1-12 : arrive des mages Jrusalem, puis Bethlem;avertis en songe de ne point retourner vers Hrode, lesmages rentrent dans leur pays par un autre chemin.La troisime partie, xxii-xxiv, raconte le massacre desInnocents et le meurtre par Hrode du grand-prtre Za-charie.

    XXII, 1-3. Hrode, furieux d'avoir t tromp par lesmages, ordonne le massacre des enfants (de Bethlem ?).Marie prvenue temps cache Jsus dans la crche desbufs. Elisabeth, mre de Jean-Baptiste, connaissant elleaussi l'approche des meurtriers, s'enfuit dans la montagneo elle trouve miraculeusement un abri.

    XXIII, 1-3. Cependant Hrode fait activement rechercherJean-Baptiste et le demande son pre, le grand-prtreZacharie. Celui-ci ne sait pas, ou ne veut pas dire ce qu'estdevenu son fils; il est tu durant la nuit par les sicairesd'Hrode.

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    LES REMA^iIEMENTS LATINSXXIV, 1-4. Le lendemain matin, les prtres sont inquiets

    de ne pas voir paratre Zacharie l'heure accoutume ;l'un d'eux s'enhardit jusqu' pntrer dans le sanctuaire;il y dcouvre le sang coagul du grand-prtre, et une voixmystrieuse l'avertit de ce qui s'est pass. Trois joursaprs, le grand deuil termin, on lit la place de Zachariele vieillard Simon.

    Le chapitre xxv est un court pilogue o l'auteur dulivre est cens donner son nom et des renseignements surles circonstances de la composition de l'ouvrage.

    2. Les remaniements latins.Nous aurons rechercher plus tard les raisons qui ont

    empch le Protvangile de Jacques de s'acclimater telquel dans l'Occident latin. Qu'il nous suffise de dire qued'assez bonne heure la lgende grecque s'est transformeen un rcit latin, que nous dsignerons avec Tischendorfsous le titre ^ vangile de seudo- Matthieu. Un remanie-ment postrieur de ce texte a donn naissance une lgendebeaucoup plus sommaire, Evangile de la nativit de Marie[De nativitate Mariae). Analysons briA^ement ces deuxtextes.

    1. vangile de seudo- Matthieu. Tel que TischendorfTa restitu, cet crit se prsente comme le rsultat de lafusion de plusieurs textes originaux indpendants. Lapremire partie, i-xvii, reproduit dans ses grandes lignesle Protvangile^ avec des additions et des suppressionscaractristiques; la seconde, xvm-xxiv, consacre d-crire la fuite en Egypte, est un remaniement d'un texteoriginal encore inconnu, mais dont l'Evangile arabe del'enfance oil're une recension clbre ; la troisime partie,xxv-xLii, rapporte les miracles accomplis par Jsus ado-lescent. Elle traite en somme le mme sujet que V Evan-gile de Thomas, le philosophe isralite, sur l'enfance du

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    ANALYSE DES TEXTESSeigneur. Ces deux derniers cycles n'ayant rien faireavec le sujet que l'on tudie ici, nous les laisserons dor-navant compltement de ct.La premire partie de seudo- Matthieu reproduit,

    disons-nous, les grandes lignes du Protvangile. Dans letexte rtabli par Tischendorf, elle se donne comme le livrede la naissance de la bienheureuse Marie et de l'enfance duSauveur, crit en hbreu par le bienheureux vanglisteMatthieu, et traduit en latin par le bienheureux Jrmeprtre. De quoi tmoignent d'ailleurs deux lettres con-serves en tte de la lgende.

    i-v rapportent les circonstances qui prcdent et accom-pagnent la naissance de Marie. C'est le thme du Prot-angile, cette diffrence prs que le sjour de Joachimau dsert dure beaucoup plus longtemps, que l'appari-tion de l'ange Joachim, simplement indique dans l'ori-ginal, est dveloppe en un long chapitre, et qu'une atten-tion plus particulire est accorde la rencontre d'Anneet de Joachim, rencontre toujours rattache dsormais la Porte d'Or.

    vt-vii. Le sjour de Marie dans le temple et ses occu-pations sont dcrits avec une complaisance toute parti-culire. Par une anecdote qui lui est propre, et quicadre d'ailleurs assez mal avec le thme gnral de sonmodle, l'auteur met en vidence le vu de virginit deMarie, et lui fait plaider avec loquence la cause de lachastet perptuelle.

    VIII. Cette dtermination de la Vierge cause aux pr-tres un grand embarras. L'oracle divin leur indique quel signe on reconnatra celui qui doit recevoir en sagarde cette vierge trs pure. Une preuve analogue celledu Protuangile est institue ; mais une premire foiselle ne russit pas, Joseph, l'lu de Dieu, ayant nglig des'y soumettre compltement. Il est finalement dsignpar le miracle attendu et accepte d'emmener la Viergeen sa maison, une condition toutefois, c'est qu'on lui

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    LES REMANIEMENTS LATINS /adjoindra des jeunes filles de son ge et de son rangqui pourront lui tenir compagnie.

    ix-xii. La scne de la double annonciation la Viergeest brivement rapporte. Joseph de retour au logis cons-tate l'tat de Marie, mais n'ose interroger la Vierge elle-mme. Les explications des compagnes de Marie sont loinde le rassurer, et il se dcide, non plus comme dans saintMatthieu (i, 19) ou dans le Protvangile renvoyer laVierge, dans le plus grand secret, mais fuir lui-mme enun lieu retir. L'ange le rassure ; Joseph fait part Marieet ses compagnes de la vision qu'il a eue et implore sonpardon. Cependant les deux fiancs sont convoqus de-vant le grand-prtre, qui a entendu parler del situationde Marie. L'preu\^e des eaux amres, dcrite assezlonguement, tourne leur justification, et donne Marieune occasion nouvelle de parler de son vu de virginit.

    xiii-xvii rapportent les circonstances de l'enfante-ment virginal. Comme dans le Protangile, Marie trouveabri dans une grotte, est visite par deux sages-femmes,dont l'une a de suite la foi, tandis que l'autre reste incr-dule. Mais, dans son dsir de concilier les donnes duProtf^angile avec celles de saint Luc (ii, 1-20), l'auteurfait changer de place Marie le troisime jour aprs lanaissance du Sauveur. Elle quitte la grotte de la nativitpour entrer dans une table, et dpose dans la crche lesaint enfant. Suit la narration sommaire de la circoncision,de la purification et de la prsentation de Jsus au temple.Les mages n'arrivent que postrieurement (le texte estincertain et difllcile tablir). Joseph, inform en songedes projets homicides d'Hrode, part pour l'Egypte parla route du dsert. C'est la transition toute naturelle l'histoire des prodiges qui marquent le voyage et le sjourde la Sainte Famille sur une terre paenne.

    2. L' vangile de la Nativit de Marie a un caractretrs diffrent. Tandis que Pseudo-Matthieu se plaisait amplifier les lgendes du texte original, on sent chez l'au-

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    8 ANALYSE DES TEXTESteur de ce trs court rcit une sobrit voulue, qui lui faitlaguer des textes antrieurs tout ce qui ne va pas sonbut, tout ce qui dans les rcits prcdents peut choquer labiensance, telle, du moins, que lui-mme la comprend.En dix chapitres assez courts il esquisse une biographiede la Vierge jusqu'au moment de l'annonciation, aprsquoi il juge sa tche termine ; les vangiles canoni-ques sont suffisants pour nous apprendre les circons-tances de la nativit du Sauveur. Le titre De nativi-tate Marie, propos par Tischendorf, convient donc trsbien cet opuscule.

    i-ii prsentent les parents de la Vierge, dcrivent leurtristesse de ne point avoir d'enfant, la retraite de Joachimau dsert. III-I^ Un ange appparat Joachim d'abord, Anne ensuite pour leur annoncer la naissance d'une fille,qu'ils devront appeler Marie. Ds son jeune ge elle devratre consacre au Seigneur, car elle est rserve ds main-tenant l'honneur d'enfanter le Sauveur du monde. v. La rencontre des deux poux a lieu, la Porte d'Or,c'est le signe auquel ils reconnaissent que la parole del'ange s'accomplira. vi-viii. A l'ge de trois ans la Viergeest prsente au temple; deux lignes suffisent pour ycaractriser sa conduite. A quatorze ans, quand les prtresveulent la marier, elle rpond simplement qu'elle a vousa virginit au Seigneur. Les prtres sont tirs d'embarraspar l'oracle divin, qui, finalement, dsigne Joseph, commecelui qui doit pouser la Vierge. Les fianailles clbres,Joseph retourne Bethlem sa ville natale, tandis queMarie, accompagne de sept jeunes filles, rentre en Galiledans la maison de ses parents. ix. C'est l qu'elle reoit lavisite de l'ange Gabriel. L'auteur rejoint ici l'Evangile desaint'Luc (i, 26-38) qu'il se borne commenter. Le chapi-tre X rapporte brivement, et en suivant de trs prssaint Matthieu (i, 18-24), les troubles de Joseph et la com-munication qui lui est faite par l'ange. Le livre se clt parune trs brve mention de la naissance de Jsus Bethlem.

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    CHAPITRE IILES DOCTRINES

    Il ne saurait tre question de traiter part la thologiedes trois apocryphes que nous ditons ici. Outre les invi-tables rptitions qu'entranerait cette manire de faire,elle aurait le dsavantage de masquer le dveloppementde la pense thologique qui est assez sensible sur plusieurspoints. On tudiera donc dans le texte original les diversesdoctrines que l'on se propose de considrer, et l'on mar-quera, quand cela sera ncessaire, les niodifications oules perfectionnements qu'ont apports les textes subs-quents. Aprs avoir essay de dterminer le but desauteurs, on analysera leurs ides sur la conception deMarie; sa chastet parfaite avant son mariage; l'enfan-tement virginal ; la virginit perptuelle. Un dernierparagraphe traitera des questions thologiques diverses,qui sont seulement effleures dans les rcits ; enfin l'onse demandera quelle est la valeur historique des textestudis.

    1. But des auteurs.Il n'est pas indispensable pour s'en rendre compte

    d'avoir compltement lucid les questions littrairesrelatives la composition de ces crits, leurs dates, leurssources, leurs rapports avec les Evangiles canoniques.Quand il s'agit de livres dont nous ignorons tout, dont ilest impossible de dterminer avec quelque prcision l'au-teur, la patrie et la date, le mieux, semble-t-il, est deles tudier en eux-mmes et de faire rendre la critiqueinterne tout ce qu'elle peut donner.

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    10 LES DOCTRINESOr, premire lecture, il est vident que l'auteur du

    Protvangile n'avait pas pour but de faire uvre exclusi-vement historique; son intention n'est pas seulement depercer l'obscurit que les Evangiles canoniques ont laissplaner sur les origines de Jsus-Christ. Ce dessein existesans doute, et il a entran l'auteur consigner en sonouvrage les traditions plus ou moins lgendaires qui circu-laient dans son milieu. Mais il n'est pas le seul, il n'estmme pas le principal. C'est avant tout une doctrine quel'auteur veut faire passer sous le couvert de son histoire,doctrine qu'il n'a pas invente sans doute, et dont il estsimplement le tmoin, mais qu'il dsire mettre en un journouveau, pour la soustraire, semble-t-il, aux attaquesdont elle a t l'objet. L'auteur a pour but la glorificationde Marie, vierge et mre, On peut dire que c'est le pre-mier de tous les ouvrages qu'a inspirs la foi catholiquela dvotion la vierge Marie. Malgr les diffrences consi-drables qui le sparent des productions postrieures,il est la manifestation de la foi populaire en la sainteVierge, et les artistes des poques suivantes ne s'y trom-peront pas, quand ils iront y puiser leur inspirations.Sans doute Marie n'est point compltement absentede la pense des vanglistes canoniques. Saint Matthieuet saint Marc sont trs brefs, il est vrai, sur son compte,mais il subsiste dans le iii^ et le iv^ E'angile assez de traitsrelatifs la sainte A^ierge pour qu'il soit possible d'entirer les lments d'un portrait. Il n'en reste pas moinsque dans les Evangiles canoniques la figure de Marien'est pas au premier plan; les proccupations des vang-listes vont tout d'abord au Christ, comme il est natu-rel, et c'est uniquement cause de ses rapports avecJsus que Marie est cite. Saint Luc dans les rcits de l'en-fance a surtout pour but de faire ressortir l'origine clestedu Christ; et la place que saint Jean fait Marie au pied dela croix (Joa., xix, 25-28) est encore fort restreinte. Onremarquera enfin que les divers rcits de la rsurrection

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    BUT DES AUTEURS 11du Seigneur semblent ne point connatre Marie ^, que laprdication de saint Paul la passe entirement sous silence,que les premiers crivains chrtiens n'en font mentionque trs rarement.

    Ce silence relatif n'a rien qui doive surprendre; critsde circonstance, destins combattre une erreur, clair-cir une obscurit, rpondre telle question prcise, lespremires productions de la littrature chrtienne ne peu-vent suffire nous rendre compte de toutes les pensesqui s'agitaient dans les communauts primitives, de tousles sentiments qu'excitaient dans les mes les objets dela prdication apostolique. Cette prdication apostoli-que elle-mme allait droit aux vnements qu'elle consi-drait comme les plus importants pour le salut. C'estplus tard seulement, et lorsque l'esprit chrtien eut leloisir de mditer davantage, que les proccupations seportrent sur des points jusque-l laisss dans l'ombre.

    Or, pour ce qui concerne Marie, la prdication vang-lique s'tait contente de mettre en lumire son rle dansla naissance du Christ; elle ne s'tait point occupe dedfinir d'une manire rigoureuse la condition de Marieavant ou aprs le grand vnement de la conception vir-ginale. Elle avait parl sans doute de la vierge Marie endes termes qui pouvaient s'interprter de la virginitabsolue et perptuelle, et ds les ptres de saint Ignaceet les premiers linaments du symbole apostolique lenom de vierge est appliqu tout naturellement Marie ^.Cependant il flottait autour de la signification de ce nombien des obscurits, que les Evangiles eux-mmes ne

    1. Il convient de remarquer cependant que Marie apparat au dbutdu livre des Actes, i, 14.

    2. Ignace, Ad Smyrn., i, 1, . Cf.(68.,.,1. Sur l'expression du symbole : -- , cf. Harnack dans Hahn, Bihliothekder Symbole, 3^ dition, Breslau, 1897, p. 374.

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    12 LES DOCTRINESsuffisaient pas dissiper. Sans doute trois Evangiles ^affirmaient d'une manire prcise que Marie avait conule Sauveur en dehors des rgles ordinaires de la nature,mais ils n'indiquaient pas si l'pithte de Vierge con-venait encore la mre de Jsus aprs le divin enfan-tement ; surtout ils ne disaient pas si l'pouse de Josephavait conserv jusqu'au bout sa virginit intacte. Il nemanquait mme pas dans l'Evangile de passages qui pou-vaient amener des conclusions diffrentes de celles quesuggrait le nom de vierge simplement appliqu Marie.La manire dont saint Luc parlait de la purification de lamre de Jsus (Luc, ii, 22-24) pouvait laisser croire queMarie en mettant son fils au monde avait perdu le signematriel de sa irginit; et d'autre part l'expression defrres de Jsus qui reAaent plusieurs reprises dans leNouveau Testament (Matth., xii, 46 sq. ; xiii, 55; Marc,III, 31 sq, ; Joa., ii, 12; vu, 2; Act., i, 14; I Corinth., ix,5; Gal.,*i, 19) pouvait donner penser qu'aprs la nais-sance de Jsus, Marie avait eu de Joseph un certain nom-bre d'enfants. Cf. Matth., i, 25.

    Il faudra longtemps encore avant que ces difficultscrent dans l'Eglise des proccupations srieuses etgnrales. Pendant trois sicles l'ensemble des chrtiensrptera dans le symbole le nom de la vierge Marie, sansdemander ce mot de prcisions inopportunes. Il pou-vait n'en tre pas de mme dans des cercles restreints ,surtout si des calomnies cherchaient jeter le soupon surla puret de la Vierge. Or nous savons que de bonne heurela malignit juive a^ait donn des rcits relatifs la con-ception virginale de Jsus l'interprtation la plus dfavo-rable. Cette calomnie dont on retrouve la trace dans lesActa Pilati ^, a\ ait t largement exploite par Celse dans

    1. Matth., I, 18-24; Luc,, i, 26-38; et Joa., i, 1.3 en lisant comme l'ontfait Justin, Irne, Tertullien : fj . (, /. -, , ' /. -j.. Tischendorf, Evangelia apocrypha, p. 224. Acia Pilati, ii, 3 : au

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    BUT DES AUTEURS 13le Discours vritable. Le Juif qui ce polmiste em-prunte ses arguments contre les chrtiens est renseign sa manire sur les origines du Christ : Jsus, dit-il,a invent de toutes pices sa naissance d'une vierge. Envrit il est issu d'un village juif, et il est le fils d'une pau-vre paysanne qui filait pour gagner sa vie. Renvoye parson poux qui exerait la profession de charpentier, pouravoir t convaincue d'adultre, elle erra l'aventure,et finalement mit au monde en secret Jsus, qui est lefils d'un soldat nomm Panthre ^. Le Discours v-ritable est des environs de 178, mais la lgende calom-nieuse qu'il rapporte peut avoir circul beaucoup plus ttdans le monde juif ^. On conoit aisment qu'il se soit trouvdans des milieux chrtiens en contact frquent avec lesjuifs, des hommes pour s'en indigner et pour y rpondre.Le Protwangile semble le fruit naturel de cette indigna-tion; on prtendait faire natre des doutes sur les originesimmacules de Jsus, on croyait le dshonorer en faisantde sa mre une pauvre paysanne d'un obscur village pa-lestinien, rduite filer pour gagner sa vie, on la mon-trait finalement chasse du domicile conjugal pour avoirmanqu de fidlit son poux. Le Proti^angile va pren-dre le contre-pied de toutes ces affirmations. Non seule-ment avec la tradition vanglique que dfendent dslors les crivains ecclsiastiques Justin, Irne, Origne ^,

    tribunal de Pilate les anciens des Juifs rapportent de Jsus qu'il est nde la fornication.

    1. Origne, Contra Celsum, i, 32, P. G., t.xi, col. 720-721.2. Il convient de rapprocher de la fable rapporte par Celse, les accu-

    sations contre Marie dont on trouve quelques traces dans le Talmud.Herford, Christianity in Talmud and8[\^&%, 1903), rapporte la mre de Jsus les passages suivants : Talmud de Babylone, traitShabbaih, 104"; trait Hagigag 4'' : Marie aurait fait le mtier de coif-feuse. Trait Sanhdrin, 106"* : elle descendait des princes et desrois, et elle se conduisit mal avec des charpentiers.3. Justin, ApoL, i, 22, 31, 32, 33 ; Dial., 67, 84, 43 ; Irne,

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    14 LES DOCTRINESil affirmera d'une manire nergique la conception vir-ginale du Christ; non seulement il insistera avec complai-sance sur la faon miraculeuse dont la Vierge a mis aumonde le Sauveur, mais encore il se plaira relever trshaut au simple point de vue humain celle que la ca-lomnie juive prtendait abaisser; il en fera l'enfant dumiracle, issue de parents honorables et gnreux, consa-cre ds son enfance au Seigneur, grandissant dans letemple sous la surveillance du sacerdoce officiel, finale-ment confie par lui, avec toutes les prcautions possi-bles pour que sa puret soit garantie, au charpentierJoseph, spcialement dsign par Dieu pour remplir cettedlicate fonction. Ainsi, dans les Evangiles canoniquesl'intrt que l'on portait Jsus rejaillissait sur Marie,ici, au contraire, c'est l'intrt port la mre qui va re-jaillir sur le Fils.Quand, en Occident, les auteurs des remaniementslatins entreprendront de remettre en honneur les vieil-les lgendes du Protvangile, la situation gnrale aurasingulirement chang. Les violentes polmiques de saintJrme contre Helvidius et contre Jovinien ont fait en-trer dans le domaine gnral de la croyance catholiqueles vrits que dans un cercle restreint le Protvangileavait proclames. Ce qui a intress les latins ces l-gendes, c'est moins leur aspect dogmatique que leur as-pect historique. Il y ont vu surtout une histoire, et unehistoire difiante. Depuis les traits de saint Ambroisesur la virginit, depuis les commentaires de saint J-rme sur le rcit de l'incarnation, on s'est accoutum voir dans Marie le modle de la vie religieuse, de la vie mo-nastique. C'est l'aspect qu'ont voulu mettre en relief lesremaniements latins; c'est quoi visent, et le rcit d-taill des occupations de la vierge au temple, et surtout

    Hres., III, xix, 1 ; xxi, 6, P. G., t. vu, col. 938 ; Origne, Con-tra Celsum, I, 28-39, P. G., t. xi, col. 713-734.

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    CONCEPTION DE MARIE 15l'attention apporte au vu de virginit de Marie.Aussi bien est-elle la premire, entre les femmes, quiait compris l'excellence de cette vertu, la premirequi ait voulu la pratiquer.

    2. La conception et la naissance de Marie.La naissance des personnages que Dieu destine

    quelque mission extraordinaire ne peut ressembler detous points celle des autres hommes. Dans les rcitsbibliques, des circonstances plus ou moins merveilleusesenvironnent frquemment le berceau des futurs grandshommes. Leur naissance est annonce l'avance desparents dj avancs en ge et qui ne conservent plusd'espoir d'aA'oir une postrit. C'est le cas, pour l'AncienTestament, d'Isaac (Gen., xvn,l-20; xviii,9-15; xxi, 1-2),de Samson (Jud., xiii, 2-24), de Samuel (I Sam., i, 1-20).Dans le Nouveau Testament, saint Luc rapporte avecdtails l'annonce faite au prtre Zacharie de la naissancedu futur prcurseur; et la nativit de Jean-Baptiste apresque la mme solennit que celle de Jsus. Luc, i,5-25, 57-80. Rappelons enfin que saint Paul dclare que Dieu l'a mis part ds le sein de sa mre. Gai., i, 15. La vierge qui devait mettre au monde Jsus, devait-elle tre moins favorise que le prcurseur du Christ ?On ne le pensait pas dans les milieux chrtiens o futcompos le Protvangile, et instinctivement la pit po-pulaire y faisait le raisonnement, qui revient chaque pa-ge des traits modernes de Mariologie : il faut admettreque la vierge Marie non seulement a reu les mmes fa-veurs que les saints les plus minents; mais qu'elle lesa eues d'une manire plus excellente. Et comme l'on nesavait point discuter alors sur la grce ou le pch originel,comme l'on ne pouvait point dire si Jrmie (Jerem., i, 5)ou Jean-Baptiste avaient t sanctifis ds le sein de leurmre, l'on ne pouvait pas affirmer non plus que la Vierge

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    16 LES DOCTRINESavait t conue sans la souillure originelle ^, mais l'on pou-vait assurer que sa naissance avait surpass en saintetet en miracle celle des plus saints personnages. C'estjustement le rcit de saint Luc relatif Jean-Baptistequi a inspir et soutenu l'auteur du Protpangile, maisaccessoirement il a pris des traits et peut-tre le nommme de la mre de la Vierge l'histoire d'Anne et deSamuel.La strilit chez les Juifs tait considre comme un

    opprobre; l'auteur prend soin de souligner les reprochesadresss chacun des poux; c'est dans le temple lui-mme que Joachim est outrag; et c'est par une servantequ'Anne s'entend reprocher la strilit dont elle est frap-pe. La gravit de ces offenses ne fait que mieux ressor-tir la douceur, la rsignation, la pit des deux saints per-sonnages ; l'auteur qui a prsente la pense la phrasedu Magnificat. il a regard la bassesse de sa servante, n'est pas fch de faire ressortir le contraste entre l'hu-milit des parents de Marie et l'orgueil de ceux qui lesaccusent.

    Riches et saints, Joachim et Anne ont ses yeuxtoutes les qualits ncessaires l'honneur que Dieu leurdestine; la strilit mme de leur union est voulue parla Providence. L'enfant qui doit un jour donner naissanceau Christ, ne peut pas tre l'enfant de la passion, ellene peut tre que l'enfant du miracle. Les Pres de l'Eglisegrecque commentant ce passage du Protvangile se sontplu faire ressortir les raisons de convenance de cettenaissance inespre. Il tait bon, disent-ils, que le grandmiracle de la conception virginale de Jsus ft prparpar un miracle, de moindre importance sans doute, mais

    1. Il SLiflit de parcourir Suarez pour voir quel rle a jou dans lathologie systmatique cet argument /oz'iiort. Cela ne veut pas dire,cependant, que l'on soit i^arvenu l'ide de l'Immacule Conception deMarie par cet unique argument.

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    CONCEPTION DE MARIE 17pourtant du mme ordre. La naissance de Marie d'unefemme longtemps strile est le prlude de la naissance deJsus d'une vierge. Ce commentaire est tout fait dansle sens de l'auteur primitif. En rapportant la strilitd'Anne, il ne songeait pas seulement la strilit d'Eli-sabeth, il songeait encore et surtout la \'irginit de Marie.

    Est-il all plus loin? a-t-il pens que la conception deMarie ressemblt de tous points celle de Jsus ? La ques-tion mrite d'tre pose. Une des raisons pour lesquellesla thologie s'est oppose longtemps au privilge de l'Im-macule Conception de la Vierge c'est que, conue lamanire de tous les autres hommes, fille de la concupis-cence charnelle, Marie avait d contracter la souillureque transmet depuis Adam la gnration humaine ^. Si l'au-teur du Prot^angile a cru la conception virginale desainte Anne, si en la rapportant il s'est fait sur ce pointl'cho de la tradition et de la pit populaire, il faut leranger parmi les tout premiers dfenseurs de l'Imma-cule Conception; il faut reconnatre de plus que cetteide a dans la tradition catholique des racines beaucoupplus profondes qu'on ne le suppose ordinairement.La question est une question de texte et de grammaire.

    On lit, IV, 2 : L'ange du Seigneur descendit vers lui (Joa-chim), disant : Joachim, Joachim, le Seigneur Dieu aexauc ta prire, descends d'ici, car voici que ta femmeAnne concevra dans son sein ( ). Telleest du moins la leon adopte par Tischendorf commetexte reu : c'est celle que donnent en effet tous lesmanuscrits grecs consults par lui, sauf un seul, maistrs ancien qui porte : Anne ta femme a conu ().

    1. II va sans dire que depuis longtemps nul thologien ne considreplus la conception virginale de sainte Anne comme une conditionncessaire de l'Immacule Conception de Marie. Tout le monde au con-traire s'accorde pour dire que Marie, conue d'aprs les lois ordi-naires de la nature, a t, par la grce divine, prserve de la souillureorigineUe.

    FROTV. 2

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    18 LES DOCTRINESFidle lui-mme, ce manuscrit donne une leon cor-respondante au verset 4. Anne exprime sa joie de revoirson mari : J'tais veuve et je ne le suis plus, j'taissans enfant et voici que je concevrai ("/>:;, d'aprsle texte reu) ; voici que. j'ai conu (^ d'aprs lems. dsign plus haut). Un autre ms. du xvi^ sicle qui abeaucoup moins d'autorit que le prcdent connat luiaussi la leon -^^, qu'il a combine fort maladroite-ment d'ailleurs la leon courante en lisant : -'l/s;j.ai y.a',.ais pour la connaissance du texte grec primitif, nouspouvons remonter beaucoup plus haut que les mss,. SaintEpiphane, la fin du iv^ sicle, est tmoin d'une leonanalogue la leon aberrante que nous venons de signa-ler. Dans le Patiarium [Hser., 79), il dcrit et condamnel'erreur de ceux qu'il appelle les coUyridiens. Il leur re-proche en somme d'adresser la vierge Marie des sacri-fices, qui, soit dit en passant, ressemblent fort des sa-crifices paens. Ce culte rendu Marie, dit-il, n'a pasde base dans l'Ecriture. S'il n'est pas permis d'adorerles anges, combien moins encore celle qui est ne d'Anne,celle qui a t donne Anne du fait de Joachim ^, cellequi a t obtenue par les prires et les supplications enfinexauces de son pre et de sa mre. Elle n'est point neen dehors des rgles ordinaires de la nature, mais commetoute crature humaine de la semence d'un homme etdu sein d'une femme. Si en effet l'histoire de Marie etles traditions portent qu'il a t dit son pre Joachimdans le dsert, ta femme a conu, cela ne signifie pas quela chose est arrive sans le commerce habituel, ni sans lasemence de l'homme. Mais l'ange envoy A^ers lui, lui aprdit ce qui devait arri^er, afin qu'il n'y et pas d'in-certitude sur le compte de celle qui tait dj produite

    1. El -j: '/. , "-,/, , - /, ' ; "Avvr,//,, /i^ieres., LXXix, 5,P. G., t. xLii, col. 748.

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    CONCEPTION DE MARIE 19en toute vrit, tant dj prvue par Dieu, et dj nepour cet homme juste ^. Ainsi l'poque d'piphaneon lisait dans l'histoire de Marie, c'est--dire dans le Proti>angile de Jacques, le mme texte dont tmoigne lems. B. Et ce n'tait pas une leon extraordinaire, L'v-que de Salamine, proccup de rfuter des opinionsqu'il juge indfendables et qui s'appuient sur ce texte,ne propose pas une leon diffrente. Il s'ingnie mon-trer que ce parfait peut tre interprt comme un futur,il cherche dans l'Ecriture des exemples de parfaits pro-phtiques ^ : ta femme a conu , cela veut dire conce-vra; il ne lui vient pas la pense d'invoquer une autreleon plus facile interprter. Le texte dont tmoigneEpiphane et l'interprtation que plusieurs en avaientdonne, ont d circuler longtemps dans l'Eglise byzan-tine. Au viii^ sicle, Andr de Crte, dans le canon pour lafte de la conception d'Anne (9 dcembre), signale commeune erreur l'ide que Marie a pu natre d'une manireaussi miraculeuse ^; au x^ sicle, le Mnologe excutpar les soins de l'empereur Basile II combat encore l'i-de que Marie a t engendre avopi *.

    Les versions et les remaniements du Protvangile per-mettent aussi de conclure que la leon ta femme a con-u a t d'assez bonne heure rpandue en des rgions

    1. Mafia;' ' >/,, , -'', , / .Hres., ibid.2. II en trouve un curieux dans Isae, viii, 3, qu'il Ht : >, leon analogue celle de VAlexandrinus et du Sinaiti-cus, et qu'il entend de l'annonciation, en comprenant: Et l'ange Ga-briel entra chez la prophtesse (Marie), et elle conut et enfanta unfils.

    3. P. G., t. xcvii, col. 1313.4. P. G., t. cxvii, col. 136.

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    20 LES DOCTRINEStrs diffrentes. Le texte syriaque suit, sur les deux pointssignals plus haut, la leon du ms. B. Le texte thiopienlit comme le texte syriaque ta femme a conu. Pour-tant le remaniement armnien, qui drive vraisemblable-ment d'un texte syriaque du iv^ sicle, donne la leon : Voici que ta femme concevra et t'enfantera une se-mence de bndiction. Les fragments coptes publisjusqu' prsent ne contiennent pas cet pisode. L'A^angile latin de Pseiido-Alatthieu une leon curieuseet qui tmoigne qu'il a lu, lui aussi, la leon la plus diffi-cile: quant scias ex semine tuo concepisse filiam. C^ est \a le-on de quatre manuscrits; et ils ajoutent quelques lignesplus loin : excitavit enim Deus semen in , unde gratiasreferas Deo, et semen ejus erit henedicturn.Vin seul manuscrit,parmi ceux qu'a coUationns Tischendorf, a lu pour lepremier point : concipere et pour le second : excitabit enimDeus semen in ea, et faciet eam matrem henedictionis ter-nse. Je ne vois gure qu'une explication qui rende comptede la leon trange ex semine tuo concepisse, surtoutsi l'on remarque que dans le remaniement latin l'absencede Joachim dure beaucoup plus longtemps que dansle Protvangile (cinq mois au lieu de quarante jours)L'auteur a d lire dans le texte grec qui lui a servi dethme (ou dans le texte latin driA^ lui-mme du textegrec) une leon analogue celle du ms. B. Il l'a comprisecomme les collyridiens d'Epiphane, mais elle l'a choqu,et il a pens la corriger en insrant fort maladroitemeex semine tuo qui rappelle avsud'Epiphane. Il a cru expliquer cette incohrence mmeen ajoutant : excitavit enim Deus semen in ea;mais cetessai d'explication est immdiatement compromis parles mots qui sui\'ent : et semen ejus erit henedictum. Il ya l un jeu de mots sur lequel il convient de ne pas in -sister, mais qui ne contribue pas la clart du texte.Enfin, pour ce qui concerne la rencontre d'Anne et d eJoachim, le texte latin attest par quatre manuscr its

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    CONCEPTION DE MARIE 21(il y a une petite divergence entre leurs attitudes res-pectives dans ce passage et dans le prcdent) donnela leon : Vidua eram et ecce jam non sum, sterilis eramet ecce jam concepi. Il est vident d'aprs cette discus-sion que c'est la leon du ms. qui a donn nais-sance celle de Pseudo-Matthieu. Si cet crit, commenous l'tablirons plus tard, remonte la fin duv^ sicle ou au commencement du vi^, nous avons lune nouvelle preuve de la diffusion de la leon '^. U vangile de la Nativit de Marie l'a rejete sansrien dire, il a lu tout simplement : Anna uxor tuapariet tibi filiam.

    Il semble donc, d'aprs tout ce que nous venons de dire,que la leon en question ait t fort rpandue au moins dsla fin du iv sicle; dans l'tat actuel de nos connaissancesil est impossible de remonter plus haut, et de dire d'unemanire absolue si elle est la leon primitive. Je croisle contraire, pour la raison suivante. L'auteur du Prot-vangile, trs discret sur ce point dlicat, comme sur plu-sieurs autres, semble avoir suffisamment indiqu que laconception de Marie reconnaissait les mmes causesque celle des autres hommes. Entre l'arrive de Joachimau domicile conjugal et son sacrifice au temple il a m-nag l'espace suffisant : y.oCi /.. .^)('-.^,'/ '. (, 4). Du moins tait-il intres-sant de signaler que de bonne heure on a cru pourMarie une origine plus miraculeuse.

    Sur l'ensemble des points que nous venons d'tudierles remaniements latins n'ont pas ajout grand'chose la doctrine du Protvangile. A sa manire habituellePseudo-Matthieu a amplifi le thme qu'il avait sous lesyeux, et a calqu l'apparition de l'ange Joachim, surcelle qui est rapporte, Jud., xiii, 1-26. L'auteur de laNativit de Marie, plus sobre de dtails historiques, faitdclarer par l'ange que la strilit n'est pas un opprobre ^.

    1. m, 1.

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    22 LES DOCTRINESTous deux font dvoiler par le messager cleste la gloirefuture de Marie; enfin la Nativit de Marie trouve plusconvenable que le futur nom de la vierge soit apportdu ciel comme celui de Jean-Baptiste et celui de Jsus :vocahis nomen ejus Mariam,

    3. La puret de Marie, son vu de chastet,son mariage.

    Annonce et prpare comme devant tre une cratureexceptionnellement grande, exceptionnellement sainte,Marie a d tre durant tout le cours de sa jeunesse prser-ve de toute souillure. Mais c'est tout d'abord de souillurephysique qu'il s'agit, car, fidle aux ides qui avaient coursdans l'Ancien Testament, l'auteur prend soin de mettreMarie couvert de toute impuret lgale. C'est quoitendent toutes les prcautions dont sa mre l'entouredans son jeune ge. Quand l'enfant a neuf mois, sa mrela pose terre pour voir si elle peut dj se tenir debout;l'enfant (chose remarquable cet ge si tendre) fait septpas, mais tout aussitt retourne vers le giron maternel,et ds lors, Marie ne touchera plus le sol, qui pourraittre impur; dans sa chambre, sa mre construit une sortede sanctuaire et c'est l, l'abri de tout ce qui est souillet impur, que l'enfant grandira. Seules les plus pures d'en-tre les filles des Hbreux sont admises auprs d'ellepour la divertir ^. C'est un cortge de vierges qui l'accom-pagne, quand elle est prsente au temple de Jrusalem ^.leve dans le sanctuaire, elle semble l'abri de tout cequi est impur, ceci pourtant ne suffit pas encore, et cen'est point de la main des hommes, mais de celle d'unange qu'elle reoit sa nourriture^. Plus tard, quand elle

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    VU DE VIRGINIT 23a quitt le temple pour la maison de Joseph, elle reste lavierge sans souillure, et c'est en cette qualit que, sousl'inspiration divine, le grand-prtre lui confie la pourpreet l'carlate qui doivent servir au voile du temple ^.En insistant avec complaisance sur la puret lgale,physique de Marie, l'auteur du Protvangile semble fortloin des ides auxquelles nous sommes accoutums au-jourd'hui. C'est avant tout dans la volont que rsidepour nous la saintet. Il est remarquable que le Prot-vangile n'ait soulign nulle part l'intervention volontairede Marie dans la garde de sa puret. Nulle part l'auteurn'exprime l'ide que la future mre du Sauveur auraitvou elle-mme sa virginit Dieu. Il semble qu'en toutceci elle joue un rle purement passif, et c'est ce qui ascandalis les auteurs des remaniements latins, et les aports retoucher profondment sur ce point le thmequ'ils avaient sous les yeux. Il ne faudrait pas croirecependant que l'ide si importante de la virginit pro-fesse soit absente du Prott'angile. Elle n'y est formelle-ment exprime nulle part, mais elle est suppose partout,et de la manire la plus vidente. Seulement ce n'est pasla Vierge elle-mme qui a prononc le vu, c'est Anne.Quand elle a reu de l'ange l'annonce qu'elle allait conce-cevoir, Anne s'est crie : Vive le Seigneur mon Dieu,si je mets au monde un garon ou une fille, je l'appor-terai en don au Seigneur mon Dieu, et l'enfant sera sonservice tous les jours de sa vie ^. Les commentateursgrecs ont reconnu dans le vu de sainte Anne une ins-piration divine. Autrement, comment la mre aurait-elleeu l'ide de vouer au service divin, pour tous les jours desa vie, l'enfant qui lui natrait, soit fille, soit garon ?Seul un enfant mle pouvait tre consacr au servicede Dieu, et la premire Anne, la mre de Samuel, avait

    1. X, 1, 2.2. IV, 1.

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    24 l'ES DOCTRINESdit Jahveh : Si vous n'oubliez point votre servanteet si vous lui donnez un enfant mle, je le consacrerai Jahveh pour tous les jours de sa vie ^. Les commenta-teurs grecs ont fort bien compris sur ce point la pensedu Protangile ; ils ont bien vu que le vu prononcpar la mre de Marie avait une porte considrable.Il exclut en effet la pense d'un mariage rel de sa fillecar c'est pour tous les jours de sa vie qu'Anne la con-sacre au service de Dieu^. Marie sera donc prsente autemple ds l'ge de trois ans, et elle appartiendra enquelque sorte son service jusqu' la fin de ses jours. Oril est bien vident qu'une vierge ne peut servir au templesans conserver une puret absolue. Aussi bien, quand laVierge a atteint l'ge de douze ans, ce n'est pas lamarier que songent les prtres. Ils xeulent seulementla confier Joseph, et cela pour la priode seulemento son tat aurait souill le temple du Seigneur ^. H estsous-entendu en effet que, pass cette poque, Mariedoit revenir au temple et remplir jusqu'au dernier deses jours la promesse faite par sa mre *.

    C'est une question complique dans la thologie classi-que que celle du mariage de la Vierge avec Joseph. Ellea proccup les docteurs du moyen ge et de la Renais-sance ^. Pour des raisons du mme genre elle n'a pas laissque de troubler le naf auteur du Protangile. Forcpar les rcits vangliques de reconnatre entre Josephet Marie l'existence d'un lien conjugal, proccup d'au-

    1. I Sam., 1, 11.2. Ce point a t bien mis en lumire par Lucius, Les origines duculte des saints dans l'glise chrtienne, trad. franaise, Paris, 1908,p. 574.

    3. VIII, 2.4. Telle est du moins Finterprtation de Lucius, loc. cit.. Cf. S. Thomas, Summatheologica, 111*, q. xxix, art. 2 : Utrum inter

    Mariant et Joseph fuerit verum matrimonium, et Suarez, Disputationesin III partent, a qustione XXVU, disp. VII, Paris, Vives, t. xix.

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    VU DE VIRGINITE 25tre part d'viter tout ce qui pouvait porter atteinte la virginit de Marie, gcn enfin par la pauvret de sonvocabulaire, il est pniblement sorti de cette difficilequestion. La situation respective de Joseph et de Maried'aprs les vangiles canoniques est extrmementsimple; lgalement ils sont considrs comme mari etfemme. Non moins simple, mais toute diffrente, est lasituation lgale de Marie dans la maison de Joseph, d'a-prs le Protvangile. Marie est le premier exemple desvirgines subintroduct telles que les a connues, et peut-tre acceptes en certains cas, l'Eglise chrtienne primi-tive ^. Avant l'institution du monachisme, la vierge quiavait fait profession de continence et qui ne pouvaitdemeurer dans la maison de ses parents, demandaitprotection et hospitalit un continent de l'autre sexe ^.C'est exactement la position de Marie dans la maisonde Joseph, cette diffrence prs que c'est le sacerdoceofficiel qui a confi la Vierge la protection du char-pentier. Aussi ne cesse-t-il pas de se considrer commeresponsable de la garde de Marie. A ses yeux la grossessede Marie est un crime et les deux coupables sont man-ds sa barre. Ce que l'on reproche Marie, ce n'estpoint une atteinte la fidlit conjugale, c'est de s'tredshonore par l'acte du mariage, elle qui devait resterpure d'aprs le vu de sa mre ^. Ce que l'on reproche Joseph, ce n'est point d'avoir laiss Marie expose aupril d'adultre, c'est d'avoir us de droits conjugauxqui, en ralit, ne lui appartenaient pas *. Marie est unevierge consacre Dieu par le vu de chastet, confie

    1. Cf. Duchesiic, Histoire ancienne de l' Eglise, t. i, p. 517. Des abusse sont montrs plus tard contre lesquels l'glise s'est leve.

    2. H. Achelis, Virgines suhinlroductie, ein Beilrag zu I Corinlli., VII,Leipzig, 1903, a voulu expliquer dans ce sens I Corinth., vu, 36-38.Son interprtation d'ailleurs n'a pas eu de succs.

    3. XV, 3.4. XV, 4, voyez le commentaire.

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    26 LES DOCTRINES la protection d'un homme en tat, par son ge et sasituation, de la garder intacte ; elle n'est pas la femme deJoseph. Il reste pourtant quelque flottement dans lapense et surtout dans les expressions de l'auteur. Quandles prtres se dcident faire sortir Marie du temple,l'oracle divin, consult, dclare que Marie sera la femmede celui qu'un miracle dsignera ^. Joseph plus tarddclare la sage-femme que c'est le sort qui lui a donnMarie pour pouse ^. Mais l'auteur a eu soin chaque foisde corriger ces expressions qui le choquaient. Quand lesprtres remettent la Vierge Joseph, ils lui font remar-quer qu'ils la lui confient en dpt ^, et c'est bien dansces conditions que Joseph l'emmne chez lui. A la pre-mire question de la sage-femme, Joseph rpond toutd'abord : Marie est ma fiance ; et l'accoucheuse luiayant demand : Ce n'est donc point ta femme ? Joseph finit par rpondre qu'elle l'est et ne l'est pas *.En d'autres termes, la situation lgale de Joseph et deMarie ne comporte point de dfinition. On pourrait ob-jecter peut-tre que l'auteur les considre comme fiancs.Dans son dialogue avec la sage-femme, Joseph se sert dece mot, et l'on pourrait interprter dans un sens ana-logue les mots qui terminent le chapitre xv. Joseph seraitaccus par le grand-prtre d'avoir anticip le mariageet de ne pas avoir attendu la bndiction nuptialepour exercer ses droits d'poux. Il ne me semble pour-tant pas que l'auteur du Proti>angile connaisse la distinc-tion qui nous est familire entre les fianailles et le ma-riage. Les Evangiles canoniques eux-mmes ne sont pastrs prcis sur ce point, et il est bien difficile de dire si,pour eux, la conception de Jsus a eu lieu avant ou aprsla solennit nuptiale. L'expression de fiance, qu'emploie

    1. VIII, 3, /,.2. XIX, 1, /..3. IX, 1, .. XIX, 1, voyez le commentaire.

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    VU DE VIRGINITE 27Joseph dans notre texte, est un mot ambigu par lequelil veut exprimer son ide que Marie lui est unie par un lien,mais qui n'est pas celui du mariage ; et d'autre partl'accusation porte par le grand-prtre contre Josephpeut tre interprte d'une manire lgrement diffrentede celle qu'on lui a donne plus haut. En rsum, la situa-tion effective de Marie par rapport Joseph est trsclaire, les mots manquent l'auteur pour l'expliquerd'une manire prcise. Mais, quoi qu'il en soit, Marie estpour lui la vierge toute pure, consacre Dieu depuissa conception par le vu de sa mre, et devant gardersa virginit jusqu'au terme de sa vie.Dans l'intervalle de temps qui s'coule entre la

    rdaction du Protvangile et celle des remaniementslatins, il s'est produit dans la manire d'envisager lerle de Marie une sensible transformation, et il estfacile de s'en rendre compte dans les textes latins quinous sont conservs. Aux premiers sicles, Marie est con-sidre avant tout comme un ageni p/i/siue de l'Incarna-tion et de la Rdemption. Son rle est essentiellement defournir un corps au Verbe qui s'incarne, et comme cecorps doit tre sans souillure, l'on attribuera Marieune puret surtout extrieure, je dirais presque p/i/sigue,o les dispositions morales ne semblent pas avoir grandepart. Jusqu' quel point cette conception a pu conduirela logique intransigeante d'un Tertullien, c'est ce qu'ilest inutile d'tudier ici ^. Mais il est bien certain qu'avecles progrs de la spculation thologique, on en viendrafacilement considrer Marie comme agent moral dansles grands mystres o elle a t mle. Ce n'est plus seu-lement d'une manire passive qu'elle coopre la rdem-ption; c'est librsment et volontairement qu'elle prte Dieu son concours pour la grande uvre du salut. Il

    1. Cf. E. Neubert, Marie dans l'glise antnicenne, Paris, 1908,p. 181 sq.

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    28 LES DOCTRINESfallait ds lors que Marie ft sainte non plus seulementd'une saintet extrieure et toute lgale ; il fallaitqu'elle ft sainte par sa libre volont. De plus, Mariede\'ient ds le iii^ sicle, avec Origne, le modle del'asctisme chrtien, l'initiatrice et la protectrice de lavirginit. Plus que tout autre en Occident, saint Ambroisea contribu mettre Marie trs haut dans l'estime desvierges chrtiennes ^. On comprend ds lors que les re-maniements latins aient profondment modifi dans cesens les donnes du Protvangile. Dans la profession devirginit de Marie, ce n'est plus Anne qui a la part princi-pale, c'est la Vierge elle-mme, qui sciemment et volon-tairement se consacre au Seigneur. Mme dans Pseudo-Matthieu, le u fait par Anne a compltement dis-paru, et l'on n'explique pas quel titre la sainte enfantest prsente au temple. Cette conscration semble allerde soi ^. C'est dans un monastre de vierges, conu lamanire des couvents chrtiens qu'on introduit Marie,et c'est l'exemple de toutes les vertus monastiques qu'elledonne durant son sjour au temple. Seulement, respec-tueux de la tradition qui fait de la profession de virgi-nit l'apanage exclusif du christianisme, l'auteur a faitremarquer qu' l'ge nubile les vierges juives nereculent pas devant le mariage. C'est une manire dli-cate de faire ressortir l'exception que constitue Marie,laquelle a rsolu dans son cur de garder toujours savirginit. Le petit pisode imagin par Pseudo-Matthieu,et o l'on voit le grand-prtre Abiathar demander pourson fils la main de la Vierge ^, est mnag pour per-mettre Marie d'exprimer sur la virginit ses sen-timents intimes, pour montrer aussi que, loin de fa\O-

    1. De virginihus libri ires.- De virginitate. De institutione Vir-giniset S. Marise virginitate perptua. Exhortatio i'irginiiatis, liberunus. Tous ces traits dans P. L., t. xvi.

    2. Ps.-Matth., IV.3. Ps.-Matth., VII.

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    VU DE VIRGINIT 29riser, comme dans le Protpangile, les dsirs de la Vierge,le sacerdoce juif ne comprend rien sa conduite et veut,malgr la sainte enfant, observer son gard les coutu-mes de la nation. L'on voit trs bien d'o procde l'atti-tude prise par l'auteur. Depuis Origne, tous les com-mentateurs grecs ou latins ont fait remarquer proposdu : i'irum non cognosco de saint Luc ^que, la premireentre toutes les femmes, Marie a consacr au Seigneursa virginit. U Ei>angile de la Nativit a prtendu con-cilier les deux traditions; il connat la promesse de sainteAnne, et le vu de virginit de Marie, c'est ce doubletitre que la Vierge refuse d'imiter ses compagnes du tem-ple, quand elles reoivent du grand-prtre l'autorisationde convoler en justes noces ^.Quant la question du mariage de la Vierge, elle est

    compltement rsolue pour l'auteur de la Nativit. Il aappris des deux grands docteurs de l'Eglise latine, saintAmbroise et saint Augustin, que c'est le consentementmutuel des deux poux qui constitue le mariage ^, et dslors il n'hsite pas admettre entre Joseph et Mariel'existence d'un vritable contrat. Mme il va plus loin,et la suite de plusieurs commentateurs il distingue entreles fianailles et le mariage lui-mme. Aussitt aprs leprodige qui a dsign Joseph comme le futur poux deMarie, l'on clbre les fianailles la manire accoutu-

    1. Luc, I, 34.2. Nat. Mar., vu, 2.3. Cf. entre autres tfhiioignaires : S. Ambroise, De instilutione

    Virginis ci S. Mari virginiiaie perptua. C. vi : Nec illiid moi>eat quodait quia Joseph accepit conjugem suam et profectus est in JEgyptum, des-ponsata eniin viro conjugis nomen accepit. Cinn enim initiatur conjugiumtune conjugii nomen adsciscilur; non enim defioratiovirginitatis facit con-jugium, sed pactio ronjugalis. Denique cut)i jungilur pueUa, conjugiumest, non cum virili admixiione cognoscitur. P. L., t. xvi, col. 31G.

    S. Augustin, Serm., ., . 21, P. L., t. xxxviri, col. 344; De nup-tiis et concupiscentia, 1. I, c. xi, P. L,, t. xliv, col. 420, 421.

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    30 LES DOCTRINESme, puis Joseph retourne Bethlem tout prparerpour la solennit mme du mariage, tandis que Marie serend Nazareth dans la maison de ses parents. C'est cemoment que se place l'annonciation de l'ange ^. QuandJoseph revient pour chercher sa fiance et clbrer d-finitivement le mariage, il est instruit par l'ange de laconception virginale. Cela ne l'empche pas de clbrerle mariage^, mais il est bien entendu que c'est un mariagetrs spcial, celui que les canonistes du moyen ge appel-leront le matrimonium ratum non consiunmatum, et qu'icil'on pourrait nommer ratum non consummandum. D'ail-leurs, avec un sens fort juste des conditions historiques,l'auteur a supprim l'preuve des eaux amres dont onne voit plus en effet la signification, si un vritablemariage est intervenu entre Marie et Joseph.

    Cette prcision, cette clart sont inconnues Pseudo-Matthieu; tant donn d'ailleurs son dsir de conserverdans les grandes lignes les rcits du Proti^angile, il nepouvait gure supprimer l'preuve dont on vient de par-ler, et qui rpondait si bien son intention de fairereconnatre officiellement la chastet de Marie. Il n'a past assez habile pour dbrouiller la situation de faitqu'avait signale le Protvangile. Et comme, son po-que l'institution des irgines suhintroductse tait condam-ne ou disparue, la confusion n'a fait que crotre. Il estbien difficile de savoir ce que pensait notre auteur dumariage de la Vierge, car vraisemblablement il n'en pen-sait rien.

    1. Nat. Mar., viii, 2; ix, 1.2. X, 3. Igitur Joseph uxorem diixit.

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    VIRGINITE IN PARTU 4. La virginit in partu .

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    Vierge en concevant le Sauveur, Marie n'a point perduen le mettant au inonde le glorieux privilge de la virgi-nit, telle est l'ide capitale du Protvangile de Jacques,ide que selon toute vraisemblance, il n'a pas cre, maiside sur le dveloppement de laquelle il a exerc une in-fluence qu'il serait difficile d'exagrer. Et loin de passerrapidement sur ce sujet, qui nous semble dlicat, il s'yest attard avec complaisance, il a voulu donner de l'en-fantement miraculeux des preuves vritablement tangi-bles. Nous ne le suivrons pas sur ce terrain, o V i>an-gile de la Nativit n'a pas voulu lui non plus s'aventurer,mais que Pseudo-Matthieu n'a pas craint d'aborder.

    Toutefois cette question de l'enfantement virginal ensoulve immdiatement une autre, bien plus importanteau point de vue thologique, celle du doctisme. Suivantles protestants libraux, en effet, la doctrine catholiquede la naissance immacule n'est pas autre chose qu'unvestige des conceptions doctes. Victorieusement re-pouss sur tous les autres points, le doctisme a triom-ph sur celui-ci et a fini par s'introduire sous cette for-me dans l'enseignement officiel de l'Eglise ^.

    Le doctisme est l'erreur qui prte au Christ l'appa-rence seulement d'un corps humain. Pour viter l'l-ment divin que l'on reconnat en Jsus le contact humi-liant avec la chair, on supprime en lui l'lment charnel.Le Christ n'a eu de l'humanit que les apparences, c'estune sorte de fantme qui semble se soumettre aux con-

    1. Concile de Latran en 649 sous Martin I^^", can. 3 : Si quis secundumsanclos Patres non confiteiur proprie et secundum verilatem Dei genitricemsanctam semperque virginem immaculatam Mariam, utpoie ipsum DeumVerbum specialiter et veraciter, qui a Deo Paire ante oninia ssecula natusest, in ultimis sseculorum absque semine concepisse ex Spiritu Sancio, etincorruptibiliter eam genuisse, indissolubili permanente et post partumejusdem virginitate, condemnatus sit. Denzinger, Enchiridion, n. 204,

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    32 LES DOCtRI.NESditions gnrales de notre vie terrestre, mais qui peut s'ysoustraire quand ces conditions deviennent par trop hu-miliantes. C'est le cas particulirement au moment de lapassion, le Christ s'chappe des mains de ses bourreaux,c'est un autre personnage qui est crucifi sa place.Ce peut tre aussi le cas pour la naissance. Raisonnable-ment on ne saurait astreindre un Dieu aux humiliationsqui marquent l'entre en ce monde de tous les fils d'Adam.Ds lors si le corps du Sauveur n'eut de l'humanit quel'apparence, s'il est un corps d'origine cleste, il est npar la Vierge et non de la Vierge. Descendu dans la Vierge,il est venu en ce monde par manire de passage pluttque de gnration, par elle, et non pas d'elle; elle fut pourlui non une mre, mais une voie ^. Tel est l'enseignementque Tertullien prte aux valentiniens; il n'est pas dou-teux que sur ce point les valentiniens n'aient fait que re-prendre les erreurs de doctes plus ancienS; et qu'Ignaceavait dj combattus '^, Pour tous les doctes, le Christ n'afait que passer travers Marie comme l'eau passe tra-vers un canal. L'on ne voit pas qu'ils aient eu des vuesparticulires sur l'enfantement virginal, un corps fantmene saurait prouver de difficults quitter le sein d'unevierge, il est bien clair en tout cas que la naissance im-macule tait pour eux la consquence de leurs thoriesgnrales.On a voulu retrouver des conceptions du mme genredans le Protvangile, et ce n'est pas seulement la nais-sance miraculeuse de Jsus que l'on en prend tmoin.M. Conrady, dans un ouvrage curieux, sur lequel nousaurons l'occasion de revenir ^, a rassembl les expressionsqui tmoignent son avis du doctisme de l'auteur. Pn-

    1. Tertullien, De carne Christi, 27, dition hler, t. ii, p. 411.2. Insistance d'Ignace affirmer la vrit de la naissance de Jsus.

    Les textes dans Neubert, l. c, p. 7-9.3. L. Conrady, Die Quelle der kaiionisdien Kindheitsgeschiclile Jsus,

    Gottingen, 1900, p. 71.

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    VlRGliNll IN PARTU 33tr de l'ide (inadmissible d'ailleurs), que le Proti'angilede Jacques est la source commune des rcits cano-niques de l'enfance, il cherche montrer par la compa-raison entre Pseudo-Jacques et saint Matthieu que cedernier a corrig les expressions trop nettement doctesde son prdcesseur. Dans la communication de l'ange Joseph, saint Matthieu ^ crit : ', l o le Protimngile avait dit : xb

    ov . C'est toute la diff-rence, dit Conrady, entre la conception catholique etla conception docte. Suivant cette dernire, le Christne peut pas tre dit n, form dans le sein de la Vierge,il y est simplement, ayant apport du ciel son corpsfantastique. Conrady oppose de mmeyo'jzx de Matth., i, 18, l'expression par laquelle leProt^angile dsigne la grossesse de Marie :, xii, 3; ;, xiii, 1; xv, 1, 2. Il insisteenfin sur la manire dont on parle du fruit de Marie :,, 3, ) , , .,XVII, 2, 3. Ces manires de parler seraient nettementdoctes, elles tendraient montrer que Jsus est sim-plement dans le sein de Marie, elles prtendraient ex-clure l'union intime qui devrait exister entre lui et samre. Ayant ainsi montr l'existence de conceptionsdoctes dans les rcits antrieurs celui de la nais-sance on est l'aise pour affirmer que l'enfantementvirginal est influenc par le doctisme.

    Cependant nous ne croyons pas cette argumenta-tion convaincante. Bien fugitives sont les traces dudoctisme que l'on cherche nous montrer, et l'opposi-tion qu'on prtend tablir entre saint Matthieu et leProtvangile nous semble bien exagre. Il n'y a de biensrieux que la substitution dans Pseudo-Jacques del'expression : !^? ov !*/;; de saint1. Matth., , 20. PROTV. 3

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    34 LES DOCTRINESMatthieu ^. Mais d'abord cette leon du Protvangile n'estpas absolument certaine ^. On peut dire, il est vrai, queles leons divergentes s'efforcent de rapprocher le textedu Protvangile de celui de saint Matthieu, et tmoignentdonc en faveur de la leon la plus difficile. Quoiqu'il en soit d'ailleurs du texte lui-mme, les mots dutexte reu peuvent admettre une explication ortho-doxe. Les autres expressions qu'apportent Conrady ensont tout naturellement susceptibles. Quelle diffrenceconsidrable au point de vue de la pense peut-il y avoirentre iv de saint Matthieu et les mots ~z; ov, ? Sans doute le Proivangile n'em-ploie pas pour dsigner l'tat de Marie les mots expres-sifs /., 7.;(,; saint Matthieu ne les a pasemploys davantage. Le terme 7.; aux diversendroits o il est employ a une signification fort na-turelle, il attire l'attention sur les signes extrieurs dela situation de Marie.

    Si le doctisme n'clate pas dans les rcits antrieurs celui de la naissance, il n'apparat gure dans ce dernier.La description trs sobre et trs discrte de l'enfantementvirginal peut fort bien s'accommoder d'une interpr-tation orthodoxe; en tout cas, le doctisme y est si peuapparent que les hrtiques pour s'en servir ont d lamodifier profondment. On lit dans VAscension d'isae,apocryphe juif remani par des mains chrtiennes,un rcit de la naissance de Jsus qui a des points de con-tact vidents avec le Proti^angile ^. Et moi, je vis encore

    1. Nous admettons en effet l'inverse de Conrady la dpendance duProtvangile par rapport saint Matthieu. Cf. plus loin, c. m, p. 92 sq.

    2. Voir dans le commentaire les diverses variantes.3. Cf. E. Tisserant, L'Ascension d'Isae, Paris, 1909. La dpendance

    nous semble bien tablie par Zahn, Forschungen zur Geschichte desN. T. Kanons, t. vi, p. 312, note. Cette dpendance est vidente. Ladescendance davidique de Marie : Ascens., xi, 2 = Prott'., x,l. L'attri-bution de Marie Joseph par le sort : Ascens., xi, 3, 5, 10 = Prolev.,viii-ix. De plus, la vision de Marie qui se reflte sur son visage, Ascens. ,

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    VIRGINITE IN PARTU )) 35une femme de la famille du prophte David, dont le nomtait Marie; et elle tait vierge, et elle tait fiance unhomme du nom de Joseph, un artisan, lui aussi deBethlem de Juda, et il entra en possession de son lot,et lorsqu'elle fut fiance, elle se trouva enceinte et Jo-seph l'artisan voulut la renvoyer. Et l'ange de l'Espritapparut en ce monde, et aprs cela Joseph ne la renvoyapas, et il garda Marie, mais il n'y eut personne qui ilrvla cette affaire. Et il n'approcha pas de Marie, et illa garda comme une vierge sainte, bien qu'un enfant ftdans son sein. Et il ne demeura pas avec elle pendant deuxmois. Et aprs deux mois de jours, Joseph se trouvaitdans sa maison, ainsi que Marie son pouse, mais tous lesdeux seuls; et il arriva, comme ils taient seuls, que Marieregarda alors de ses yeux et vit un petit enfant et elle futeffraye. Et aprs qu'elle fut effraye, son sein se troui>acomme prcdemment avant quelle ait conu. Et lorsqueson poux Joseph lui dit : Qu'est-ce qui t'a effraye ? ses yeux s' ouvrirent et il vit l'enfant, et il loua le Seigneur,car le Seigneur tait venu dans son lot. Et une voixs'adressa eux : Ne dites cette vision personne. Et une rumeur courut dans Bethlem au sujet de l'en-fant ; il y en eut qui dirent : La vierge Marie a en-fant avant qu'il y et deux mois qu'elle ft marie. Et beaucoup dirent : Elle n'a pas enfant, et il n'estpas mont de sage-femme et nous n'avons pas entendules cris de douleur. Et tous furent aveugls au sujetde l'enfant, et tous le connaissaient, mais ils ne sa-vaient pas d'o il tait. xi, 2-14 ^. Le doctis-me de cette narration semble vident, surtout quandon la compare celle qui lui a donn naissance. Au mo-XI, 8-11, n'est certainement pas indpendante de Prott., , 2. Nous ne croyons pas pouvoir accepter l'opinion de Charles, adopte parTisserant, qui tablit entre VAscension et le Proi^^Ongilela relation in-verse. Tisserant, l. c, p. 58-60.

    (1) Tisserant, l. c, p. 203-205.

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    36 LES DOCTKliNSment dcisif l'enfant apparat dans les bras de Marie, etJoseph qui est prsent n'a rien vu. L'auteur a donn auChrist naissant les qualits que les vangiles canoniquesattribuent au Christ glorieux et ressuscit, il est visibleou invisible son gr. On a pris soin de supprimer tousles petits traits qui dans le Protvangile font voir que lanaissance de Jsus ressemble en plusieurs points cellede tous les hommes, la sensation qu'a Marie, par exemple,de sa prochaine dlivrance [Proteangile peut tre considre comme tablie, il restedonc que l'auteur du second rcit a trouv le doctisrnedu premier si peu vident, qu'il s'est cru oblig de lui don-ner un relief plus accentu.

    Concluons : Rien de moins certain que le doctisrnedu Proti'angile ; rien de moins certain non plus que l'ori-gine docte de la doctrine catholique sur l'enfantementvirginal.

    5. La virginit post partum

    .

    Vierge dans la conception, vierge dans l'enfantement,Marie a-t-elle gard jusqu' la fin de sa vie une virginitintacte ? Avec beaucoup de ses contemporains l'auteurdu Proivangile le croyait. Mais il lui fallait ds lors r-soudre plusieurs difficults tires des Evangiles canoni-ques, qui ne laissaient pas que d'tre embarrassantes.Ceux-ci, comme d'ailleurs toute l'antiquit chrtienne,connaissaient des personnages appels frres de Jsus ;le plus illustre d'entre eux, Jacques, avait t le premier

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    VIRGINITE POST PARTUM 37vque de Jrusalem. Sa saintet personnelle, aussi bienque ses relations de parent avec le Christ, lui avaient valuune haute considration, non seulement parmi les chr-tiens convertis du judasme, mais encore parmi les juifseux-mmes. On savait qu'il avait t favoris d'uneapparition spciale du Christ ressuscit ^. Bref, c'taitun personnage qu'il n'tait pas facile de passer sous si-lence. Mais s'il portait lgitimement le titre de frre duSeigneur, la premire ide qui venait sur son compte,c'tait d'en faire un fils de Joseph et de Marie, et la ma-nire dont parlaient saint Matthieu 2 et saint Marc 3 n'taitpas faite pour ruiner cette conjecture. Le plus simple,pour couper court cette interprtation, fcheuse pourla virginit perptuelle de Marie, tait d'expliquer d'uneautre manire la parent entre le Seigneur et son frre.

    Il est bien difficile de savoir si quelque tradition per-mettait l'auteur du Protvangile de rsoudre ce pro-blme *. Il semblerait plutt qu'il ait pris le parti d'in-venter de toutes pices une solution. Jacques, Simon,Jos et Jude seront des frres de Jsus, parce qu'ils ont,devant la loi des hommes, le mme pre Joseph. Josephen effet, avant de recevoir Marie sous sa protection, a tmari, et de sa premire femme il a eu des enfants ^, ceuxque l'on appellera plus tard les frres du Seigneur. Unde ces fils (plusieurs peut-tre) accompagne Josephet Marie dans le voyage de Bethlem ^, c'est lui que Joseph

    1. I Cor., XV, 7; V vangile des Hbreux connaissait les dtails de cetteapparition. Cf. Preuschen, Antilegomena, p. 8.

    2. Matth., XIII, 55-56.3. Marc, VI, 2-3.4. Ce n'est point ici le lieu de discuter la solution quHgsippe vers la

    fin du 11^ sicle donne du mme problme. Si l'auteur du Pioivangile aconnu la tradition qui considre Jacques et les autres comme des cou-sins de Jsus, il ne l'a pas admise. Pour la discussion de la pensed'Hgsippe, cf. Neubert, l. r., p. 198-202.5. IX, 2.

    6. XVII, 2. - .

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    38 LES DOCTRINESlaisse auprs de la Vierge quand, l'heure de la dlivranceapprochant, il s'en va la recherche d'une sage-femme ^.Et c'est peut-tre ce fils, tmoin de ces vnements mi-raculeux, qui se donne comme l'auteur du rcit actuel.Si cette hypothse est exacte, si le Jacques qui met sasignature la fin du Protvangile, se donne bien commele fils de Joseph, il faut fliciter l'auteur de sa hardiesse,puisqu'il trouve le moyen de faire de Jacques le frredu Seigneur, un tmoin autoris de la perptuelle virginitde Marie.

    Quoi qu'il en soit, l'ide du premier mariage de Josephpermet au Protvangile d'affirmer avec vraisemblance lavieillesse de Joseph. Cette affirmation qui trouvera tantde crdit dans l'imagination populaire, n'avait aucunfondement dans les vangiles. Mais elle servait merveilleu-sement la thse de l'auteur; elle permettait de rendreaussi vraisemblable que possible le sjour de Marie dansla maison de Joseph; celui-ci pouvait passer aussi bienpour son pre que pour son poux ^. Jamais virgosuhintroducta ne s'tait trouve dans des conditions plusfavorables.

    L'explication donne par le Protvangile concernant lesfrres du Seigneur rencontra immdiatement un immensesuccs. Clment d'Alexandrie et Origne s'y rangrentles premiers ^ ; elle devint l'explication classique danstout l'Orient. L'Occident lui fit d'abord bon accueil,saint Hilaire, saint Ambroise, saint Augustin semblrents'y rallier; mais la brusque intervention de saint Jr-me vint arrter sa fortune, au moins dans l'glise latine.Sans doute, elle ne disparatra pas compltement, etl'on en retrouve la trace jusque dans la Somme de saintThomas, mais si elle est encore mentionne, c'est bien

    1. XVIII, 1.2. XVII, 1.3. Voir les rfrences plus loin, dans l'histoire du livre.

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    VIRGINITE POST PARTUM 39plutt comme une curiosit exgtique que comme uneexplication scientifique, digne de rallier les suffrages desdoctes; on l'abandonne au populaire; on lui prfre l'ex-gse de saint Jrme qui considre les frres du Seigneurcomme des cousins de Jsus, on oublie donc et la premirefemme de Joseph et les enfants qu'il eut de son pre-mier mariage.

    Ainsi a fait V Ei>angile de la iVaiiViie. J'ai dj fait re-marquer plusieurs fois qu'il est un crit de haute tenueexgtique repoussant avec quelque mpris les lgendespopulaires. Quand le grand-prctre rassemble les prten-dants au mariage de la Vierge, il fait appel non pointaux veufs, comme dans le Protvangile ou dans Pseudo-Matthieu, mais simplement tous ceux qui tant l'genubile ne sont point encore maris ^. Cela n'exclut pasles veufs, il est vrai; mais nulle part Joseph n'indique qu'ilait t mari, et qu'il ait des enfants. Il est vieux ^, c'estla seule raison qu'il puisse apporter pour essayer de sesoustraire l'honneur qu'il redoute. Pseudo-Matthieun'a pas connu ces scrupules; il n'insiste pas, reconnais-sons-le, sur la ncessit qu'il y a d'tre veuf pour pouvoirprtendre la main de la Vierge ^; mais Joseph parlenettement de ses fils, et il exprime mme l'ide qu'ilpourra donner l'un d'eux la Vierge en mariage *. Cettepense saugrenue aurait fort scandalis saint Jrme etceux qui en Occident s'inspiraient de son exgse; onest mme tonn qu'elle ait pu trouver place dansune lgende populaire. Il faut bien qu' cette poqueJoseph n'ait pas joui de la considration singulire qu'onlui attribuera plus tard.

    1. VII, 4 : nuptui habiles non conjugaios.2. vin, 1.3. Ps.-Matth., VIII, 2 : Quicumque sine uxore est.h. VIII, .

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    40 LES DOCTRINES

    6. Questions thologiques diverses.En dehors des diverses questions que nous venons

    de traiter, et auxquelles l'auteur du Protvangile se pro-posait de donner une rponse prcise, on peut relever et l quelques allusions des doctrines thologiquesde son temps. Elles sont assez rares. On peut se deman-der, par exemple, si l'auteur connaissait Vintercession dessaints et particulirement de la Vierge. Or il est remar-quable que dans un crit qui roule tout entier sur la viergeMarie il ne soit fait nulle part allusion son pouvoir d'in-tercession. La pit des ges suivants serait heureusede voir Marie intervenir en faveur de Salom si dure-ment punie de son incrdulit ^. Il n'en est rien; c'est unange du ciel qui vient annoncer la coupable le moyend'tre gurie, et c'est en touchant le divin enfant qu'elleretrouve l'usage de son bras paralys. Pseudo-Matthieuau contraire nous transporte une poque o Marieest devenue la dispensatrice de toutes les" grces, l'es-poir des malades, le secours des affligs, le refuge des cou-pables. Quelques traits assez sobres l'indiquent. Quandelle est au temple, elle gurit par son seul contact les ma-lades qu'on lui prsente ^. Quand ses compagnes, un peujalouses de sa supriorit, l'ont offense, et qu'un angeest venu leur reprocher leur conduite, elles supplientMarie de leur pardonner et de prier pour elles ^. Quand lepeuple a exprim sur sa grossesse de fcheux souponset que Marie a t justifie par l'preuve des eauxamres, tous la supplient d'avoir compassion d'eux et deleur pardonner *. L'auteur a cependant conserv sans yrien changer l'pisode de la sage-femme incrdule.

    1. Proiev., xx, 1-3.2. Ps.-Matih.,x,3 (fin).3. Ps.-Maith., VIII, 5.4. XII, 5.

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    QUESTIONS DIVERSES 41Le sujet du Proit^angi/e ne donnait gure d'occasion

    l'auteur d'exprimer ses ides sur Dieu, sur les relationsentre le Pre et le Fils, sur le Saint-Esprit. La Bible a fourniles expressions gnrales, et, sauf en un cas particulier, iln'y a rien signaler. Dieu est appel gnralement leSeigneur ^, ou le Seigneur Dieu ^; quelquefois aussi leMatre ^, le Dieu de nos pres *. On trouve une foisl'expression Dieu des Hauteurs ^, et celle de Trs-Haut ^. Nulle part on ne rencontre l'expression de Pre.Dans l'ensemble, on le voit, la terminologie est cellede l'Ancien Testament plutt que celle du Nouveau. Iln'est parl du Christ qu'au chapitre relatif l'annoncia-tion; dans ce chapitre l'auteur du ProtvangUe a faitsubir au rcit de saint Luc des modifications qui doi-vent tre releves. L'ange avait dit dans Saint Luc : Ne crains point, Marie, car tu as trouv grce prsde Dieu, et voici cjue tu concevras et que tu met-tras au monde un fils, et tu l'appelleras Jsus '. Onlit dans le ProtvangUe : Ne crains point, Marie, cartu as trouv grce devant le Matre de l'univers, et tuconcevras de son Verbe ( '/,/,, ; xj-oj) ^.Le sens de ces derniers mots est clair par le pas-sage suivant. La Vierge ayant demand si elle enfan-terait comme les autres femmes, l'ange lui rpond : Non pas, Marie, car la puissance du Seigneur te cou-vrira de son ombre; c'est pourquoi le fruit saint, quinatra de toi, sera appel le fils du Trs-Haut ^. Dans

    1. Protev., i, 1, 2; ii, 1, 3; m, 1, 2, etc.2. IV, 1, 2; IX, 2, etc.3. ;, n, '< ; vu, 1 ; viii, 1 ; ) :, xi, 2.4. III, 4; , 2.. (), , _.6. ) , 3.7. Luc, , SO-'-SI.8. Protev., , 2.9. XI, 3.

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    42 LES DOCTRINESle passage parallle de saint Luc, il tait fait mentionde l'Esprit-Saint,- ',-'. :! ^, ctde la ojV7.[j.'.q. Il semble au contraire, en rappro-chant les deux textes du Protvangile que nous venons deciter, que pour l'auteur la (verset 3) nesoit pas diffrente du y:joiz\> (verset 2). C'estau Verbe divin, en d'autres termes, qu'est attribue laformation au sein de Marie de Celui qui sera le fils duTrs-Haut. Cette ide, qui va l'encontre de la A^ieilleformule ecclsiastique n du Saint-Esprit et de la viergeMarie ( 7:;') ^, n'est pas