Amadeo Bordiga - La Loi marxiste de la chute tendancielle du taux de profit (1967)

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    Le texte que nous prsentons est paru en 1967 dans le n13 de notre journal italien, Il Programma Comunis -ta, cest le compte-rendu dun bref rapport expos unede nos runions gnrales. Etant par essence un texte in -complet dans la mesure ou il faut lui intgrer les don -nes statistiques, thoriques et historiques du cours ducapitalisme, travail qui occupe toujours une part impor -tante du travail du parti il semble opportun de le re -

    publier car il prsente sous une forme synthtique mais ef -ficace la loi historique que Marx dfinit comme la plusimportante du mode de production capitaliste, la loi quiinvitablement confirme le caractre transitoire du capi -talisme et son ncessaire cours catastrophique : cette loireprsente lautre face du processus daccumulation et cest

    travers elle quest dmontr la faillite du mode de pro -duction capitaliste sous le poids de ses contradictions et lancessit dun mode de production suprieur.Le texte que nous prsentons se base sur la Section III du

    livre III du Capital. Dans le texte original les rfrencesbibliographiques se rfraient ldition de 1954 desEditori Riuniti; (les rfrences des pages donnesdans cette traduction proviennent de ldition duCapital parue aux Editions sociales, 1976, tomeIII).

    Dans ce texte il y a par ailleurs de nombreuses rfrencesau socialisme tant vant de lex-URSS ou, commenous lavons montr dans de nombreux autres textes, lecapitalisme se construisait sous le travestissement idolo -

    gique dun socialisme dont la substance aurait t consti -

    tue par une rapide accumulation industrielle et non,comme indiqu dans tous les textes du marxisme, par langation des catgories capitalistes : argent, marchan -dises, entreprise, travail salari, monnaie. Le prtendu

    socialisme sovitique, levier de la cration de la puissan -ce imprialiste de lEtat bourgeois russe, tait aussi uninstrument contre-rvolutionnaire nvralgique de contr -le du proltariat mondial (rle que lURSS a tenu enbinme avec les USA). Son croulement est survenu sousle coup dune crise mondiale dont lpicentre se trouvedans les pays imprialistes les plus dvelopps avec leur

    accumulation plthorique de marchandises, crise qui adabord touch les anneaux les plus faibles de la chaneimprialiste, les lois de dveloppement du capitalisme se

    fichant des rideaux de quelque matire quils soientet tant valable pour tout capitalisme, quil soit delouest ou de lest.Ce texte doit enfin servir de complment et daide lalecture et ltude dautres textes comme Le cours du ca -

    pitalisme mondial dans lexprience historique et dans ladoctrine de Marx et Trajectoire et catastrophe de laforme capitaliste dans la classique construction thoriquemonolithique du marxisme, tous deux travaux de parti

    publis en 1957. Ltude du cours du capitalisme est im -portante pour les marxistes dans la mesure o elle permetde dduire des faits matriels la confirmation des prsup -poss thoriques, qui sont ns comme un bloc unitaire avecla cration du proltariat moderne et reprsentent le pro -

    gramme dmancipation de la classe qui, sous le guide se

    son parti, sera historiquement appele abattre le capi -talisme et ouvrir la route qui mne la socit sansclasses. Les lois de la structure conomique sont celles quien ultime instance simposent, en dterminant les lignesde succession et de dveloppement des divers modes de pro -duction, dont lessence et la dynamique se basent sur lesmodalits de production et dattribution du produit so -cial. Dans le concept marxiste, le capitalisme ne scroule

    pas mcaniquement, sans rvolution politique, ni neconnat de dcadence ou de courbe descendante qui favoriseraient automatiquement des transformations

    gradualistes ou fatalistes et pacifistes vers le socialisme ;mais cest le dveloppement des contradictions cono -miques, qui sont une seconde nature du systme, qui faitque le dveloppement des forces productives vient se heurter

    aux rapports sociaux qui devraient les contenir, et, uncertain point, deviennent un obstacle un dveloppementultrieur. La relation entre crise et rvolution est fonda -mentale mais il sagit de relations dialectiques et nonmcaniques. Le dveloppement des forces productives gn -re, de lintrieur de la dynamique capitaliste, les formes etles possibilits dun mode de production suprieur, qui a

    La loi marxiste de la chute tendancielle

    du taux de profit

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    donc besoin de passer par une rvolution sociale, qui ason tour doit passer par une rvolution politique. Ausein de la socit bourgeoise base sur la valeur dchange

    crit Marx dans les Grundrisse naissent des rap -ports tant de production que de circulation, lesquels sontautant de mines pour la faire sauter. Une masse deformes antithtiques de lunit sociale dont le caractreantithtique ne peut toutefois tre dpass travers unemtamorphose pacifique. Dautre part, si nous ne trou -vions pas dj occults dans la socit, telle quelle est, lesconditions matrielles de production et les rapports com -merciaux correspondants pour une socit sans classe, tou -te tentative pour la faire sauter ne seraient que des effortsdonquichotesques . Cest le capitalisme lui-mme qui

    travaille sa propre dissolution comme forme dominantede la production, et la loi de la chute tendancielle dutaux de profit, manipule et transforme par les troupesde staliniens et opportunistes de tout poil, est toujours l

    pour le dmontrer.

    Comme nous lavons expliqu dans le n10/67 deIl Programma Comunista et la runion deFlorence pendant lexposition du sujet et sonillustration par laperu sur lconomie marxisterdig par la section de Naples, le taux de profit(t) est donn par le rapport entre plus value (p), ouprofit, et capital total anticip (k) (cest dire ca-pital constant (c) plus capital variable(v)) et estsymboliquement reprsent par la formule t = p /k ou k = c + v., la diffrence du taux de plus-value(s) qui est donn par le rapport entre la valeurp etle seul capital variable v, dont le rapport symbo-lique ests = p / v. Marx dmontre que ce taux d-crot historiquement et tendanciellement (cest dire non pas de manire simple et rectiligne mais

    travers une marche irrgulire) en fonction delaugmentation de la composition organique ducapital ; cest dire, la relation au sein du capitaltotal anticip par le capitaliste entre la partieconstante et la partie variable. Comme nous leverrons, la partie constante tend augmenter,augmentant ainsi la composition organique etdonc la grandeur k, dontp dpend dans la dter-mination du taux de profit ; et celui-ci de cettemanire dcrot. Ceci vient de laugmentation dela productivit du travail, de la diminution relati-

    ve de v, le travail vivant, qui met en mouvement,ou valorise, une quantit plus importante de c, ca-pital mort (capital constant). Nous allons chercher

    maintenant expliquer et documenter ce qui estexpos, dune manire trs schmatique, traversdes citations de la section du Capitalcite.

    Marx affronte le problme en mettant particuli-rement en vidence, au sein de la production capi-taliste, la diminution relative du capital variablepar rapport au capital constant, et donc au capitaltotal valoris par la classe proltarienne:Ce qui signifie tout simplement ceci: le mmenombre douvriers, la mme quantit de force de

    travail, que faisait travailler un capital variabledun volume de valeur donn, mettra en mouve-ment dans le mme laps de temps, par suite dudveloppement des mthodes de productionpropres la production capitaliste, une masse tou-jours plus grande de moyens de travail, de ma-chines et de capital fixe de toute sorte, traitera etconsommera productivement une quantit tou-jours plus grande de matires premires et auxi-liaires par consquent il fera fonctionner un ca-pital constant dun volume de valeur en perp-tuelle augmentation. Cette diminution progressi-ve, relative, du capital variable par rapport au ca-pital constant et par suite au capital total estidentique llvation progressive de la composi-tion organique du capital social moyen. Ce nestencore quune autre faon dexprimer le progrs dela force productive sociale du travail qui se traduitprcisment par ce fait : en utilisant plus de ma-chines et en gnral en employant davantage decapital fixe, le mme nombre douvriers peut

    transformer en produits une plus grande quantitde matires premires et auxiliaires dans un mmelaps de temps cest dire avec moins de travail (Le Capital, T.III, Editions Sociales p. 210). Deplus, Marx explique comment face la dilatationdu capital total celui-ci nabsorbe quune faiblepart de plus-value ou travail vivant, mme si lex-ploitation du proltariat exprime par le taux deplus-value peut augmenter:La loi de la baisse du taux de profit qui traduitun maintien du taux de plus-value ou mme une

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    hausse de ce dernier signifie en dautres termes :tant donn une certaine quantit de capital socialmoyen, un capital de 100 par exemple, la fraction

    de celui-ci qui reprsente des moyens de travail necesse de crotre et celle qui reprsente du travailvivant ne cesse de diminuer. Mais, comme la mas-se totale du travail vivant ajout aux moyens deproduction baisse par rapport leur valeur, le tra-vail non pay et la portion de valeur qui le repr-sente baissent aussi par rapport la valeur du ca-pital total avanc. Ou encore: une partie tojoursde plus en plus petite du capital total investi seconvertit en travail vivant et ensuite le capital totalinvesti absorbe donc, proportionnellement sa

    grandeur, une aliquote toujours plus petite de sur-travail, quoique le rapport entre la part non payeet celle paye du travail employ peut augmenteren mme temps. (id.)Peu aprs, dans une page vigoureuse, Marx donnela dmonstration du fait que la chute tendancielledu taux de profit met toujours plus sous la domi-nation de la folie productive du capital, ncessai-rement pouss par la chute du taux de profit en-vahir le monde avec ses marchandises, charges desueur proltarienne et de profits pour le capitaliste,que celui-ci doit raliser sur le libre march : Le nombre des ouvriers employs par le capital,donc la masse absolue du travail quil met enmouvement, do la masse absolue du surtravailquil absorbe, do la masse de plus value quilproduit, do la masse absolue de profit quil pro-duit,peuventdonc saccrotre et saccrotre progres-sivement, en dpit de la baisse progressive du tauxde profit. Il ne suffit pas de dire quilpeuten treainsi : il faut quil ensoitainsi des oscillations

    passagres mises part sur la base de la produc-tion capitaliste (id.p. 215).La loi de la chute tendancielle du taux de profitdrive aussi de tous les phnomnes complexes delconomie capitaliste et des rapports de produc-tion sous-tendus, pour lesquels les capitalistes etleurs idologues, les conomistes, ont une visiondforme se limitant la superficie ou lapparen-ce, ne voulant ni ne pouvant pour des raisons declasse en examiner les causes profondes : Il rsul-te de la nature du mode de production capitaliste

    que, lorsque la productivit du travail augmente,le prix de chaque marchandise prise part oudune quantit donne de marchandises diminue,

    le nombre de marchandises augmente, la masse deprofit par marchandise et le taux de profit par rap-port la somme des marchandises diminuent,tandis que saccrot la masse de profits calcule surla somme totale des marchandises ; ces phno-mnes se manifestent en surface simplement de lafaon suivante : baisse de la masse de profit parmarchandise singulire, baisse du prix de celle-ci,accroissement de la masse de profit calcule sur lenombre total, en augmentation, des marchandisesque produit le capital total de la socit ou encore

    le capitaliste individuel. De ces faits, on dduitalors cette ide que le capitaliste rduit, parce quetel est son bon plaisir, la part de profit par mar-chandise singulire, mais se ddommage en pro-duisant un plus grand nombre de marchandises.Cette conception repose sur lide du profit dali-nation (profit upon alienation) qui, elle-mme, estdrive de la conception du capital commercial (id.p. 226).

    La condamnation historique

    du mode de production capitaliste

    Poursuivant lexamen de la chute tendancielle dutaux de profit, Marx met laccent sur les prolonge-ments de cette loi et, dans deux chapitres de latroisime section, dmontre que des facteurs anta-gonistes agissent contre elle (augmentation du de-gr dexploitation du travail, rduction du salaireau-dessous sa valeur, baisse du prix des lmentsdu capital constant, surpopulation relative, com-

    merce extrieur, augmentation du capital en ac-tions) et que ceux ci en ralentissent la chute quiaurait sinon t bien plus rapide:Et ainsi donc nous avons vu quen gnral lesmmes causes qui provoquent la baisse du taux deprofit gnral suscitent des effets contraires quifreinent, ralentissent et paralysent partiellementcette baisse. Ils ne suppriment pas la loi, mais enaffaiblissent leffet. Sinon ce nest pas la baisse dutaux de profit gnral qui serait incomprhen-sible, mais inversement la lenteur relative de cet-

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    1. Le texte se rfre Harold Wilson, leader du Parti Travailliste anglais, qui devint premier ministre aux lections de1964 ; le cimetire de Highgate est celui o fut enterr Marx.

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    te baisse. Cest ainsi que la loi nagit que sous for-me de tendance dont leffet napparat dune faonfrappante que dans des circonstances dtermines

    et sur de longues priodes de temps (id.p. 234).Rappelons aux actuels thoriciens du salaire li la productivit, de la politique des revenus, du sa-laire juste, ce que dmontre Marx dans ce pas-sage essentiel:La chute tendancielle du taux de profit sallie une hausse tendancielle du taux de la plus value,donc du degr dexploitation du travail. Il nestdonc pas de plus grande niaiserie que dexpliquerla chute du taux de profit par une hausse du tauxdu salaire, bien quexceptionnellement le cas puis-

    se se produire. ( NdR : M.Wilson a ses raisons dese vanter de navoir jamais lu le Capitalni davoircherch inspiration dans le cimetire de Highga-te !) (1).Cest seulement si lon comprend dabordles conditions qui crent le taux de profit que lonpourra ensuite, grce la statistique, tablir desanalyses relles du taux de salaire diffrentespoques et dans divers pays. Le taux de profit nebaisse pas parce que le travail devient moins pro-ductif, mais parce quil le devient plus. Les deuxphnomnes : hausse du taux de la plus value etbaisse du taux de profit ne sont que des formesparticulires qui, en rgime capitaliste, exprimentlaccroissement de la productivit du travail. (id.p. 234 /235).Cest pourquoi le monde de lconomie, malgr lamontagne de statistiques et d tudes mises disposition par les innombrables bureauxdtudes, apparat toujours plus incomprhensibleet obscur aux capitalistes, et leurs thoriciens nepeuvent ni ne veulent reconnatre le diagnostic de

    Marx parce que le reconnatre signifierait ad-mettre que le capitalisme nest quun mode deproduction historique et comme tel transitoire. Laraffirmation directe du caractre transitoire ducapitalisme, qui quivaut un cri de lutte et dervolte de la part des masses toujours plus exploi-tes et opprimes (nous disons juste titre que le

    Capital nest pas un livre dtude mais un pro-gramme de bataille), nous lavons dans ce passageque nous reproduisons en conclusion de cette pre-

    mire partie :Par ailleurs, si le taux de mise en valeur de capitaltotal, le taux de profit, est bien laiguillon de laproduction capitaliste (de mme que la mise envaleur du capital est son unique fin), sa baisse ra-lentira la constitution de nouveaux capitaux auto-nomes et elle semble ds lors menacer le dvelop-pement du procs de production capitaliste, ellefavorise la surproduction, la spculation, les crises,la constitution de capital excdentaire ct dunepopulation en excdent. Les conomistes qui,

    lexemple de Ricardo, considrent le mode de pro-duction capitaliste comme un absolu, sentent bienque ce mode de production cre ici sa propre limi-te, mais ils en attribuent la responsabilit non laproduction, mais la nature (dans la thorie de larente). Ce quil y a dimportant toutefois danslhorror(horreur) qui les saisit devant la baisse dutaux de profit, cest le sentiment que dans le dve-loppement des forces productives le mode de pro-duction capitaliste trouve une limite qui na rien voir avec la production de la richesse en soi ; etcette limitation bien particulire tmoigne du ca-ractre limit et purement historique, transitoire,du systme de production capitaliste. Elle t-moigne quil nest pas un mode absolu de produc-tion de la richesse, quau contraire il entre enconflit avec le dveloppement de celle-ci unecertaine tape de lvolution (id.p. 236/237).Et encore : La limite du mode de production capitaliste ap-parat dans le fait que :

    1.Avec la baisse du taux de profit, le dveloppe-ment de la force productive du travail donne nais-sance une telle loi, qui, un certain moment,entre en opposition absolue avec le propre dve-loppement de cette productivit. De ce fait, leconflit doit tre constamment surmont par descrises.

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    2.Cest lappropriation du travail non pay et lerapport entre ce travail non pay et le travail ma-trialis en gnral ou, pour parler en langage ca-

    pitaliste, cest le profit et le rapport entre ce profitet le capital utilis, donc un certain niveau dutaux de profit qui dcident de lextension ou de lalimitation de la production, au lieu que ce soit lerapport de la production aux besoins sociaux, auxbesoins dtres humains socialement volus.Cest pourquoi des limites surgissent dj pour laproduction un degr de son extension qui, si-non, dans la seconde hypothse, paratrait insuffi-sant et de loin. Elle stagne, non quand la satisfac-tion des besoins limpose, mais l o la prduc-

    tion et la ralisation de profit condamnent cettestagnation. () Le taux de profit est la force mo-trice de la production capitaliste, et on ny pro-duit que ce qui peut tre produit avec profit etpour autant que cela peut tre produit avec pro-fit. Do langoisse des conomistes anglais au su-jet de la baisse du taux de profit. Que la simplepossibilit de cette baisse puisse faire frmir Ri-cardo, voil qui montre prcisment quelle com-prhension profonde il avait de la production ca-pitaliste. On lui reproche dtudier la productioncapitaliste sans se soucier des hommes , de neconsidrer que le dveloppement des forces pro-ductives de quelque sacrifice en hommes et envaleurs-capital que soient pays ces progrs cestjustement ce quil y a dimportant chez lui. Ledveloppement des forces productives du travailsocial est la tche historique et la justification ducapital. Ce faisant, il cre prcisment, sans le sa-voir, les conditions matrielles dun mode de pro-duction suprieur. Ce qui inquite Ricardo, cest

    que le taux de profit, aiguillon de la productioncapitaliste, et la fois condition et moteur delaccumulation, est menac par le dveloppementmme de la production. Et le rapport quantitatifest ici lessentiel. En fait, tout cela repose sur uneraison plus profonde, dont Ricardo a seulementlintuition. On aperoit ici, sur le plan purementconomique, cest--dire du point de vue dub ourgeois, dans le cadre de la raison capitaliste,du point de vue de la production capitaliste elle-mme, les limites de celle-ci, sa relativit ; on

    voit quelle nest pas un systme de productionabsolu, mais un simple mode historique de pro-duction correspondant une certaine poque de

    dveloppement restreint des conditions mat-rielles de production (Id.p. 251/252).Cette vibrante maldiction de Marx au mondedes marchandises, du march, de la concurrenceou de lmulation comptitive, et laffirmationrvolutionnaire de son caractre transitoire, nous,qui sommes lis ce mme fil, la revendiquonsaujourdhui comme alors, avec les mmes objec-tifs. Nous les reprenons en les jetant la face de laclasse dominante.

    La chute tendancielledu taux daccroissement de la production

    Dans le travail de parti que nous publions au furet mesure dans notre presse, nous avons ample-ment dmontr la soumission de lconomie capi-taliste la loi marxiste de la chute tendancielle delaugmentation relative, la vrifiant sur la base desindices de la production industrielle. La raison decette rfrence, qui nest pas arbitraire, vient de lancessit de se baser sur des rsultats statistiquesuniversellement accepts, afin dviter toute accu-sation dutilisation de donnes de complaisance :nos donnes proviennent gnralement des statis-tiques de lONU et des instituts de statistique desdiffrents pays examins. La diffrence la plus ap-parente entre nos tudes et ce que nous venons devoir ci-dessus est le fait que Marx, dans son travailthorique, parle de baisse du taux de profit alorsque nous vrifions lefficacit de cette loi avec lesdonnes des productions nationales. En ralit,

    cette source utilise pour reprer la tendance ladcroissance, est tout fait lgitime et correspondaux exigences de se servir de points de rfrencefixes dans limpossibilit o nous sommes dobte-nir des chiffres fiables sur la composition orga-nique et ses variations lintrieur du capital so-cial total.Indiquons avec k = c + v le capital total anticiplanne 1 et avecp la plus-value totale : en suppo-sant que toute cette plus-value est rinvestie aulieu dtre consomme par les capitalistes (ce qui

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    est videmment un cas extrme) le capital totalanticip lanne suivante devient k = c + v + p ;la part variable de ce capital reprsente par v au-

    quel sest peine joint une fraction dep produiraune nouvelle plus-valuep. Le taux de cette secon-de anne sera donc :t = p / kConsidrons prsent les choses sous langle ma-triel et non plus du point de vue des valeurs. Laproduction physique de lanne 1 peut tre repr-sente au moyen dun indice (lindice de la pro-duction industrielle fourni par les diffrents bu-reaux de statistique) qui reprsente le stock desmarchandises produites dont la valeur correspond

    justement c + v + p. Le mme raisonnementpour lanne suivante montre que lindice desquantits physiques correspond la valeur k + p,soit c + v + p + p. Maintenant, que veut dire:augmentation relative de la production industriel-le? Laugmentation brute dune anne sur uneautre retenue comme anne de rferrence, soitdans notre exemple:Indice de lanne 2Indice de lanne 1/Indice delanne 1.Compar ce que nous avons dit plus haut, onvoit que ceci correspond ( condition que la plus-value soit capitalise et que la composition orga-nique du capital ne change pas dune anne surlautre) :[(c + v + p + p) (c + v + p)] / (c + v + p) =p /(c + v + p) =p / k = tBien que ne pouvant affirmer quil existe uneidentit exacte entre lvolution historique delaugmentation de la production industrielle et decelle du taux de profit, tant donn les hypothses

    simplificatrices ncessaires utilises prcdem-ment, nous pouvons cependant dire que ces deuxgrandeurs sont lies entre elles, et que lvolutionde lune, que lon peut facilement suivre grce auxabondantes statistiques des sources bourgeoises,donne des informations sur lvolution de lautre,que les statistiques bourgeoises entourent de mys-tre. Cest ainsi que, dans le n 17/1957 de IlProgramma Comunista , nous prcisions les li-mites des seules rfrences la production indus-trielle :

    La quantit de la production industrielle totalenest pas essentielle dans une tude marxiste, pourdes raisons videntes dont nous rappelons les prin-

    cipes, qui seront mieux examines dans la suite decette tude. Avant tout, la seule tude de lcono-mie industrielle est insuffisante ltude dun mo-de de production en tant quelle laisse de ct lachronologie de la production des denres agricolesqui, quand on la considre, sonne moins triom-phalement que celle de la production manufactu-rire, et spcialement lorsquon la met en rapportavec laugmentation de la population. Celle-ci(cest aussi valable pour lindustrie), doit tre rap-porte la production totale, pour former les ta-

    bleaux et les courbes dindices non pas pour toutela production mais pour celle-ci rapporte la po-pulation de lanne correspondante. () Dans laproduction industrielle capitaliste nest pas nonplus comprise la part de lconomie agricoleconduite comme une industrie capitaliste, celledes fermiers-entrepreneurs et en gnral celle em-ployant un travail salari de masse. Un tel critreviendrait avantager des pays comme lAngleterreet lItalie si on les prenait en considration. Et ildonnerait une meilleure ide du dveloppementdes formes bourgeoises dans de nombreux paysdes zones arrires.En outre, lindice de la production industrielle desbiens manufacturs runis de manire indistinctetravail mort et travail vivant dans le sens de Marx,cest--dire le capital qui traverse inerte la produc-tion et rapparat inchang et le capital consommdans la production de la force de travail que de-puis quelques dcennies les conomistes bourgeoisont commenc appeler, les dents serres, la va-

    leur ajoute, usurpant des fins de falsificationnotre terminologie. Cette confusion, qui existedans la dtermination des indices de la productionindustrielle totale rduite parit de la popula-tion, sert sceller lexistence des classes et le mo-nopole du travail mort, quil soit exerc par uneclasse physique ou par un Etat capitaliste gestion-naire de la forme mercantile et dentreprise, com-plice de classes trangres ou indignes.Ceci dit, lobjectif que nous avons poursuivis etpoursuivons dans ce champ est clair : 1) dmon-

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    2. A propos du XX Congrs du PCUS, tenu en Fvrier 1956, dans lequel se tint la farce de labjuration de Stalinependant que se poursuivait encore plus ignominieusement (et en totale continuit) le parcours lenvers vers lidolo-gie la plus outre et la praxis la plus froce dadhsion aux impratifs du capitalisme mondial. Sur le XXe Congrsnotre parti a crit Dialogue avec les morts, paru dans les n 5 10 de Il Programma Comunista de 1956.

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    trer, laide des statistiques fournies par la bour-geoisie, la pleine validit de la loi marxiste de labaisse tendancielle du taux de profit, dans laquelle

    est implicitement contenue la condamnation his-torique du capitalisme ; 2) dmentir les thses sta-liniennes selon lesquelles le caractre socialiste dela structure conomique sovitique serait dmon-tr par des rythmes daugmentation de la produc-tion levs et toujours croissants par rapport celles enregistres en Occident, prouvant statis-tiques en main que la tendance la chute des tauxannuels daugmentation de production valent enURSS. De la tribune du XX Congrs (2) Krout-chev cria quen 1965, grce aux indices levs

    daugmentation de sa production, la Russie auraitrejointe lAmrique. Depuis lors, nous prdisonslabsence de fondement dune telle assertion (et lesfaits devaient nous donner raison dune manireclatante) et accusons les post-staliniens dtrepires que leur pre spirituel, parce que tous se di-rigent avec prtention vers une guerre cono-mique avec lOccident capitaliste alors que Stalinevoyait dans ses songes , bien que difformes, lar-me rouge de lURSS, devenue gant conomique,dferler sur les contres dun monde bourgeois d-cadent et asphyxi. Les prvisions de Staline etKroutchev ne se sont pas avres exactes et ne lepouvaient pas ; et maintenant les deux blocs mon-diaux se soumettent la loi marxiste de laugmen-tation dcroissante oprant tant lest qulouest, les racines conomiques des deux ma-chines productives tatiques (qui, en tant quegendarmes de la contre-rvolution, se partagent lemonde),.tant les mmes.Nous reportons ce propos quelques citations de

    nos travaux de parti parus dans notre journal surle cours de lconomie capitaliste tant en Orientquen Occident :Il Programma Comunista n 16/1957: On acherch la preuve de la forme socialiste dans laprtendu supriorit de la production en Russie,

    en confondant la masse brute de produits avec lerapport entre la quantit sociale produite et lesforces sociales employes, et confondant ce

    concept (dont lunit de mesure marxiste estunique : le temps ; sous le capitalisme il reste autravailleur un quart de sa journe, sous le socialis-me il lui restera une proportion largement sup-rieure, au moins le double, ceci pour une mme productivit technique , qui est un autre pro-blme) avec le rythme daugmentation de la pro-duction annuelle. On affirme que la Russie bat-trait lOccident dans ce conflit. A ce colossal men-songe, base de toute la propagande stalinienne etde celle de ses descendants, nous rpondons dans

    Dialogue avec les morts et Dialogue avec Sta-lin que le fait est faux et en donnons lexplica-tion. Que le capitalisme en gnral acclre rapi-dement danne en anne sa production brutequand il est jeune, quand il sort dune guerre,mme si elle a t perdue, quand il sort dune crise,et en gnral quand il a la possibilit de broyertoujours plus le proltariat par la machine salaria-le. Ceci tant prouv concernant lest, nous devonsle prouver quant louest. Ladversaire est diff-rent mais il dit la mme chose: le mode de pro-duction capitaliste est capable daccrotre le bien-tre social sans limite, diminuant les effortsmoyens, vitant les guerres et les crises. Par contrece que nous en attendons comme rsultat est la r-volution .De Il Programma Comunista n 17/1957:Lapologie du prtendu socialisme sovitiquevient de dcennies conduites sur la base de laconfrontation entre les indices de dveloppementde la production industrielle, en dfendant la faus-

    se thse indiquant quavec un de ces thermo-mtres on pouvait mesurer la chaleur vitale desformes bourgeoises et socialistes, senfonant tou-jours plus dans la doctrine de lmulation concur-rentielle entre Etats et systmes .Cette vrification de la rapidit de la course la

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    production est applique par les opportunistesaux conomies des diffrents pays afin de dmon-trer que cette guerre est gagne par la Russie mo-

    derne, et quen consquence sa structure cono-mique est socialiste. Partant de la dmonstrationquun tel verdict du jugement du point darriveest contestable par sa fausset vidente, nous vou-lons parvenir rappeler aux proltaires que la follerapidit de la course la production nest que laplus grande honte du systme bourgeois et la plusgrande preuve scientifique de sa ncessaire fin his-torique, et que cette course ne sera pas acclremais casse et freine par la victoire de la rvolu-tion socialiste .

    Dans le caractre univoque de la course la pro-duction, nous pouvons reconnatre lunicit delme capitaliste des deux diffrents blocs soi-di-sant opposs.Au cours des annes, de 1957 aujourdhui, nousavons dmontr pour les quatre principaux paysoccidentaux (Angleterre, France, Allemagne,USA), partir de 1859, la validit de laugmenta-tion relative historiquement dcroissante, et, four-nissant une perspective pour la seule Russie par-tir de 1913, nous avons montr la rptition de lamme loi de dcroissance. Nous avons fourni en-suite une perspective regroupant non plus 4 mais 7pays (en plus des quatre prcdents, la Russie, le

    Japon et lItalie), et avons dmontr que dans lapriode daprs-guerre le rythme daccroissementrusse portait lindustrialisme de lURSS seule-ment en 3e position aprs les bourgeoisies alle-mande et japonaise, dmentissant la thse stali-nienne du caractre socialiste de la production, moins de vouloir assigner un contenu socialiste

    aux conomies japonaise et allemande. Cespreuves nous permettaient daffirmer avec vigueurface au proltariat mondial le caractre capitalistede lURSS et la soumission du capitalisme mon-dial la loi de la dcroissance de laugmentationrelative: loi que, pour conclure notre tude, nousavons vrifi pour la totalit de lconomie capita-liste mondiale. Rpartissant la priode tudie enquatre cycles dune dure respective de 33, 21, 16et 27 ans, nous obtenons les indices moyens res-pectivement de 4,9 , 5,1 , 2,4 , 4,1. Cet indice est

    encore discontinu et seulement tendanciellementdcroissant, le dveloppement tumultueux du ca-pitalisme en Russie ayant constitu un puissant

    frein cette chute. La tendance la dcroissancesaffirme par contre de manire irrvocable si nousdivisons la priode 1859 1956 en deux longscycles de 54 et 43 ans qui donnent les indices de 5et 3,5 pour le monde entier.Nous commentions ainsi ces chiffres : Aucuneglorieuse industrialisation nest offense quandnous dcouvrons dans sa course en avant la loiinexorable de la dcroissance de laugmentation,propre toute croissance physique ou orga-nique . Tel tait notre vhmente affirmation du

    caractre physiologique des lois auxquelles lesstaliniens croyaient avoir donn un dmenti etquils ont t en fait contraints de subir.De Il Programma Comunista n 23/1957 : La dcroissance de laugmentation relative estdu reste propre tout phnomne de dveloppe-ment de la nature, et pas seulement des tres orga-niques. Dans lexpos oral on prit lexemple dunesphre qui grossit depuis son centre par ladjonc-tion dune couche dgale paisseur dans une m-me unit de temps, comme une galvanisation parexemple. Du rayon un au rayon deux puis aurayon trois, les superficies deviennent un, quatre,neuf, et les volumes un, huit, vingt-sept Lasphre grossit donc. Et chaque fois son augmen-tation est suprieure la fois prcdente ; il suffitde faire les soustractions : sept, dix-neuf, trente-sept Mais le taux daugmentation relative estautre chose, cest laugmentation relative divisepar le volume (ou la masse) prcdente. Si nousfaisons le rapport de la nouvelle srie : sept divis

    par un, dix-neuf divis par huit, trente-sept divispar vingt-sept, , nous avons une belle srie dgres-sive: 7,00 , 2,28 , 1,47 , 0,95 La sphre gros-sit ? Certes. Son poids augmente chaque heurepasse dune quantit plus importante de mtal ?Certes. Mais laugmentation en pourcentage va endiminuant sans pause de sept cent pour cent lapremire heure quatre-vingt quinze pour cent laquatrime. En prtendant que leur conomie segonflait en violant cette loi les russes ont commisune premire balourdise; en prtendant que ctait

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    le symptme du passage du capitalisme au socia-lisme ils en ont commis une encore plus bte ; etaprs cela ils assurent quils sont les reprsentants

    dun norme progrs de la culture des masses !Laugmentation de la production nexplose quunefois au cours de lhistoire : quand la productionparcellaire cde la place une production de massepar entreprise. Ensuite elle recule inexorablement.Quand surgira la production socialiste, la rduc-tion des heures de travail quotidiennes exploseraet le volume de production arrtera la moderne fo-lie de son augmentation .Comme il rsulte de cette citation, lerreur desrusses tait double. Ceux-ci ne prtendaient pas

    seulement avoir dmenti la loi de laugmentationdcroissante, mais ils lui substituaient une visiongradualiste, rformiste, antirvolutionnaire dupassage du capitalisme au socialisme. Ils niaientun solide point du marxisme : le catastrophismervolutionnaire. Ils acceptaient la confronta-tion, la veule thorie des modles ; ils revtaientles fripes rformistes que la IIIe Internationale,rompant violemment avec le rformisme social-dmocrate, avaient combattus ; ils fournissaientainsi une preuve supplmentaire davoir abandon-n la tranche de la rvolution ; de rver dun sys-tme social qui parlait travers leurs bouchescomme ternel, progressif, illimit, et parta-geaient la mme horreur que les capitalistes dutemps de Marx face labaissement du taux deprofit. Ils abandonnaient le catastrophisme et lathorie des crises que nous avons toujours revendi-qus comme points cardinaux du marxisme, etdont les racines ne sont pas chercher dans une denos marottes thoriques mais dans le caractre

    mme de la production capitaliste, ainsi que nousle voyons dessin par les paroles de Marx : Lacquisition de cette plus-value constitue leprocs de production immdiat qui, nous lavonsdit, na pas dautres limites que les limitationsprcites. Ds que la quantit de surtravail quonpeut tirer de louvrier est matrialise en mar-chandises, la plus-value est produite. Mais aveccette production de la plus-value, cest seulementle premier acte du procs de production capitaliste,du procs de production immdiat qui sest ache-

    v. Le capital a absorb une quantit dterminede travail non pay. A mesure que se dveloppe leprocs qui se traduit par la baisse du taux de profit,

    la masse de plus-value ainsi produite senfle dme-surment. Alors souvre le deuxime acte du pro-cs. La masse totale des marchandises, le produittotal, aussi bien la portion qui remplace le capitalconstant et le capital variable que celle qui repr-sente de la plus-value, doivent tre vendues. Sicette vente na pas lieu ou nest que partielle, ou sielle a lieu seulement des prix infrieurs aux prixde production, louvrier certes est exploit, mais lecapitaliste ne ralise pas son exploitation en tantque telle : cette exploitation peut sallier pour le

    capitaliste une ralisation seulement partielle dela plus-value extorque ou labsence de touteralisation et mme aller de pair avec la pertedune partie ou de la totalit de son capital (id.p.238/239).

    Les limites de la damnation productive

    du capital

    La damnation productive du capital se heurte vio-lemment aux limites du march. La plus-valuedoit tre ralise sur le march. Nous attendons ce tournant le capital gonfl de marchandises prt en clater, et nous lattendons pour lui porter lecoup final. Face un capitalisme arriv sa phaseultime le devoir du parti nest pas de se soumettre lidologie productiviste mais darracher ses ra-cines matrielles. Nous revendiquons lensembledu programme marxiste y compris la partie im-mdiate de sa ralisation par le travail de la dic-tature proltarienne victorieuse dans le maximum

    de pays, dont le devoir ne peut tre aujourdhuidaccepter le productivisme ou de se vanter desaugmentations de la production, mais de taillerdrastiquement dans celle-ci en liminant lesbranches productives inutiles et nocives, sourcesde gaspillage social ; en augmentant les cots deproduction ; en diminuant les horaires de travail ;en pratiquant des dsinvestissements dans lindus-trie ; en contrlant la consommation ; en exerantun contrle dictatorial sur les moyens de commu-nication de masse : agissant donc en sens inverse

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    de celui pratiqu dans lURSS soit disant socialis-te.Si, comme nous avons vu, la chute tendancielle du

    taux de profit et de laugmentation relative de laproduction industrielle est une loi du systmeproductif actuel quon ne peut supprimer, et uneconsquence de laugmentation de la compositionorganique du capital, de lasservissement dessciences et des techniques aux impratifs de la ma-chine productive ; si une telle tendance frappe laporte du capital, sa raction sera de chercher augmenter la masse de profits en augmentant lamasse de marchandises produites ; elle seradinonder le monde entier sous ses marchandises.

    Le capital cherchera pallier la chute de son feuvivifiant en augmentant lexploitation du prolta-riat (augmentation de la plus-value relative) et ensasservissant encore plus la science et la techniquepour accrotre ultrieurement la productivit dutravail ; mais, de cette manire, il pourra seule-ment donner de lnergie la tendance naturelle laugmentation du rapport c / v , et donc se retrou-vera face aux mmes problmes mais une chelleplus vaste. Cette issue est prsente lesprit descapitalistes, mme si cest de manire dforme ;ils crivent et disent que pour chaque poste de tra-vail cre par eux ( !) les investissements ncessairesen capital sont toujours en augmentation ; et ils lesont dautant plus que la branche de productionou la nation concerne emploient des techniquesmodernes. Ils reconnaissent donc eux-mmes latendance la domination du travail mort, laug-mentation de la productivit du travail, la nces-sit de la diffusion du capitalisme dans le mondeentier. Cest de ces racines que provient la vitalit

    du capital, sa pousse grandiose, le catgoriqueimpratif qui lui ordonne de produire, et la nces-sit de vendre comme fin inluctable de son cycle.Cest alors que surgit la politique de puissance, lemenaant imprialisme, le totalitarisme tatique,la partition du monde, les crises, les guerres. Lescaractristiques conomiques de limprialisme nesont pas nouvelles : elles reprsentent lextensionparoxystique des caractristiques du capitalismeclassique ; elles proviennent du dveloppement dumode de production capitaliste ; elles sont les res-

    sources du capitalisme pour prolonger sa proprevie dans la mesure ou ses contradictions devien-nent toujours plus explosives, toujours plus in-

    contrlables, et ou chaque crise, chaque perturba-tion met en cause lexistence mme du systme.Cest ainsi que nous dcrivions le phnomne.De Il Programma Comunista n 17/1957 : Ladoctrine des crises est dj dans Marx et il a recon-nu une priodicit dcennale (les annes quil atudi sont 1846, 1856, 1866 dont nous repar-lons par la suite), mais ces crises du jeune capita-lisme sont dimportance mineure et ont plus le ca-ractre de crise du commerce international que dela structure industrielle. Elles nentament pas le

    potentiel de la structure industrielle que lon ap-pelle aujourdhui capacit productive et qui est lalimite de la production globale lorsque toutes lesusines fonctionnent au maximum de leur capacit.Elles taient des crises de chmage, cest direde lock-out de lindustrie; les crises modernes sontelles des crises de dsagrgation de tout le syst-me, que son ossature avarie doit ensuite pnible-ment reconstruire. Lnine intitula un chapitre deconclusion de son Imprialisme concernant cettecaractristique: Parasitisme et putrfaction ducapitalisme. Cest l que nous trouvons le lienparfait entre hier et aujourdhui, lidentit de po-sition et de programme, et donc lidentit de lac-tion du parti.Dans la phase imprialiste, toutes les contradic-tions du capitalisme se joignent pour former uninextricable nud gordien. Hic Rhoduc hic salta.Limprialisme, dans sa ralit conomique et po-litique, nie de par sa simple existence toute reven-dication rformiste et met en vidence la vigueur

    de la thorie et de laction marxistes vivant dans leParti Communiste international.Aujourdhui, le capitalisme, une fois terminelaffaire de la IIe guerre mondiale, voit se rtrcirses soupapes dchappement. La ncessit demaintenir dune poigne de fer la partition dumonde est affirme face ceux qui la remettent enquestion ; les peuples luttant pour lindpendancenationale sont martyriss ; pendant que lanti-im-prialisme petit-bourgeois, filorusse ou filochi-nois, qui ne constitue que la bonne conscience

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    Le critre dmocratique est pour nous, jusquici, un lment matriel acci -

    dentel dans la construction de notre organisation interne et la formulation

    de nos statuts de parti: il nen est pas la plate-forme indispensable. Cest

    pourquoi, quant nous, nous nrigerions pas en principe la formule orga -

    nisative bien connue du centralisme dmocratique. La dmocratie ne

    peut pas tre pour nous un principe; le centralisme, lui, en est indubitable -

    ment un, piusque les caractres essentiels de lorganisation du parti doi -

    vent tre lunit de structure et de mouvement. le terme de centralisme suf -fit exprimer la continuit de la structure du parti dans lespace; et pour

    introduire lidee essentielle de la continuit dans le temps, cest--dire la

    continuit du but vers lequel on tend et de la direction dans laquelle on

    avance travers des obstacles succesifs qui doivent tre surmonts; mieux,

    pour relier dans une mme formule ce duex ides essentielles dunit, nous

    proposerions de dire quel le parti communiste fonde sono rganisation sur le

    centralisme organique.

    Ainsi, tout en gardant de ce mcanisme accidentel quest le mcanisme

    dmocratique ce qui pourra nous servir, nous liminerons lusage de ce

    terme de dmocratie, cher aux pires dmagogues mais entach dironie

    pour les exploits, les opprims, et les tromps, en labbandonant, comme il

    est souhaitable, lusage exclusif des bourgeois et des champions du libra -

    lisme dans ses diverses accoutrements et ses poses parfois extrmistes.

    (Tir de Le principe dmocratique, 1922

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    de limprialisme rel, donne fond ses batteriespacifistes, dmocratiques et humanitaires. Si unproblme existe aujourdhui, cest celui de la rvo-

    lution communiste dans le monde entier. Nous nefermons pas les yeux face au Vietnam ou auMoyen-Orient (et constatons la ridicule impuis-sance du pacifisme anti-imprialiste face cetteinfme tragdie), au martyr des peuples des ex-co-lonies, loppression conomique et militaire duTiers-Monde ; mais nous rptons que luniquevritable et rel but immdiat est de lutter pour lareconstruction du parti proltarien communiste

    rvolutionnaire dans le monde entier; uniquemoyen pour rsoudre, en crasant limprialisme,les problmes quil suscite. Seule la dictature rouge

    dans les pays dvelopps pourra rsoudre les ques-tions nationales qui pourrissent sous la domina-tion imprialiste. Il ny a plus dobjectifs interm-diaires, de rformes atteindre, de compagnons deroute avec qui voyager, dactions communes conduire ; nous devons poser au plan historique,comme exigence collective, lavnement sur toutela plante dune forme sociale suprieure: le com-munisme.