5
Allergies et photo-allergies de contact aux AINS topiques Contact allergies and photoallergic reactions to topical NSAIDs M. Avenel-Audran Service de dermatologie, CHU d’Angers, L’UNAM université, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France Disponible sur Internet le 4 mars 2014 Résumé Les AINS topiques ont été mis sur le marché il y a une quarantaine d’années pour palier les effets indésirables digestifs des AINS systémiques mais peu après sont apparus leurs effets indésirables cutanés qui ont conduit à l’arrêt de la commercialisation de certains d’entre eux (phénylbutazone et bufexamac). En France, sont disponibles aujourd’hui, en usage local : l’acide niflumique, le diclofénac, l’étofénamate, le kétoprofène, l’ibuprofène, le piroxicam, et les dérivés salicylés. Les intolérances cutanées sont très largement dominées par les (photo)allergies au kétoprofène qui mériterait lui aussi d’être supprimé du marché. Les autres AINS topiques donnent beaucoup plus rarement des accidents allergiques, eczéma de contact surtout, parfois photodéclenché, avec par ordre de fréquence décroissante : étofénamate, piroxicam, dérivés salicylés, diclofénac, ibuprofène. Les patients allergiques au kétoprofène ont un risque élevé d’allergie croisée ou associée à d’autres molécules (benzophénones, parfums, octocrylène...) mais il n’y a pas d’allergie croisée entre les différentes molécules d’AINS. # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Eczéma de contact ; Photo-allergie de contact ; AINS topiques ; Kétoprofène ; Étofénamate ; Piroxicam ; Diclofénac ; Ibuprofène ; Dérivés salicylés Abstract NSAIDs have been marketed as topical preparations for about 40 years to avoid the gastrointestinal side-effects of their systemic administration, but soon after being introduced undesirable cutaneous side-effects were being reported and this led to a few of them (phenylbutazone and bufexamac) being withdrawn from the market. The following topical preparations are still available in France: diclofenac, etofenamate, ketoprofen, ibuprofen, niflumic acid, piroxicam and salicylates. Among this group, ketoprofen, which induces photoallergic reactions, is by far the most frequent cause of cutaneous side-effects, and in our opinion it should be withdrawn from the market. The other topical NSAIDs rarely cause allergic side-effects, such as contact dermatitis, less often photoallergic eczema; the rare allergic side-effects caused by the other NSAIDs have been reported in the following order of decreasing frequency: etofenamate, piroxicam, salicylates, diclofenac and ibuprofen. Ketoprofen-allergic patients are at high risk for cross-reactivity or associated-reactivity reactions to other molecules such as benzophenones, fragrances and octocrylen for example, but there is no cross-reactivity between the different NSAID molecules. # 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: NSAIDs; Contact dermatitis; Contact photoallergy; Ketoprofen; Etofenamate; Piroxicam; Diclofenac; Ibuprofen; Salicylates Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont été proposés en formulations à usage local il y a une quarantaine d’années afin de pallier les effets indésirables gastro- intestinaux qu’occasionnent ces molécules prises par voie orale. Parallèlement sont apparus leurs effets indésirables cutanés, parfois sévères ayant conduit, pour certaines molécules, à leur retrait du marché. 1. Quelle fréquence de l’allergie de contact aux AINS ? Historique et actualité Les premières observations d’eczéma de contact à un AINS topique ont été publiées dans le même numéro de Contact Dermatitis en 1975 et concernaient l’oxyphenbutazone [1] et le Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Revue française d’allergologie 54 (2014) 218222 Adresse e-mail : [email protected]. 1877-0320/$ see front matter # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.reval.2014.01.036

Allergies et photo-allergies de contact aux AINS topiques

  • Upload
    m

  • View
    219

  • Download
    5

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Allergies et photo-allergies de contact aux AINS topiques

Allergies et photo-allergies de contact aux AINS topiques

Contact allergies and photoallergic reactions to topical NSAIDs

M. Avenel-AudranService de dermatologie, CHU d’Angers, L’UNAM université, rue Larrey, 49933 Angers cedex 09, France

Disponible sur Internet le 4 mars 2014

Résumé

Les AINS topiques ont été mis sur le marché il y a une quarantaine d’années pour palier les effets indésirables digestifs des AINS systémiquesmais peu après sont apparus leurs effets indésirables cutanés qui ont conduit à l’arrêt de la commercialisation de certains d’entre eux(phénylbutazone et bufexamac). En France, sont disponibles aujourd’hui, en usage local : l’acide niflumique, le diclofénac, l’étofénamate, lekétoprofène, l’ibuprofène, le piroxicam, et les dérivés salicylés. Les intolérances cutanées sont très largement dominées par les (photo)allergies aukétoprofène qui mériterait lui aussi d’être supprimé du marché. Les autres AINS topiques donnent beaucoup plus rarement des accidentsallergiques, eczéma de contact surtout, parfois photodéclenché, avec par ordre de fréquence décroissante : étofénamate, piroxicam, dérivéssalicylés, diclofénac, ibuprofène. Les patients allergiques au kétoprofène ont un risque élevé d’allergie croisée ou associée à d’autres molécules(benzophénones, parfums, octocrylène. . .) mais il n’y a pas d’allergie croisée entre les différentes molécules d’AINS.# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Eczéma de contact ; Photo-allergie de contact ; AINS topiques ; Kétoprofène ; Étofénamate ; Piroxicam ; Diclofénac ; Ibuprofène ; Dérivés salicylés

Abstract

NSAIDs have been marketed as topical preparations for about 40 years to avoid the gastrointestinal side-effects of their systemic administration,but soon after being introduced undesirable cutaneous side-effects were being reported and this led to a few of them (phenylbutazone andbufexamac) being withdrawn from the market. The following topical preparations are still available in France: diclofenac, etofenamate,ketoprofen, ibuprofen, niflumic acid, piroxicam and salicylates. Among this group, ketoprofen, which induces photoallergic reactions, is by far themost frequent cause of cutaneous side-effects, and in our opinion it should be withdrawn from the market. The other topical NSAIDs rarely causeallergic side-effects, such as contact dermatitis, less often photoallergic eczema; the rare allergic side-effects caused by the other NSAIDs havebeen reported in the following order of decreasing frequency: etofenamate, piroxicam, salicylates, diclofenac and ibuprofen. Ketoprofen-allergicpatients are at high risk for cross-reactivity or associated-reactivity reactions to other molecules such as benzophenones, fragrances and octocrylenfor example, but there is no cross-reactivity between the different NSAID molecules.# 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: NSAIDs; Contact dermatitis; Contact photoallergy; Ketoprofen; Etofenamate; Piroxicam; Diclofenac; Ibuprofen; Salicylates

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont étéproposés en formulations à usage local il y a une quarantained’années afin de pallier les effets indésirables gastro-intestinaux qu’occasionnent ces molécules prises par voieorale. Parallèlement sont apparus leurs effets indésirables

cutanés, parfois sévères ayant conduit, pour certainesmolécules, à leur retrait du marché.

1. Quelle fréquence de l’allergie de contact aux AINS ?Historique et actualité

Les premières observations d’eczéma de contact à un AINStopique ont été publiées dans le même numéro de ContactDermatitis en 1975 et concernaient l’oxyphenbutazone [1] et le

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

Revue française d’allergologie 54 (2014) 218–222

Adresse e-mail : [email protected].

1877-0320/$ – see front matter # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.reval.2014.01.036

Page 2: Allergies et photo-allergies de contact aux AINS topiques

bufexamac [2]. Celles-ci ont été suivies de nombreux autres casavec ces molécules puis d’autres, en particulier le kétoprofènedont les premiers cas ont été publiés en Italie en 1983 [3,4].

Dix ans plus tard, le GIRDCA [5], groupe de dermato-allergologie italien, publiait les résultats d’allergies et/ou photo-allergies systémiques et de contact aux AINS de 102 patientsdont le responsable était chez 42 d’entre eux le kétoprofène. Lamême année une revue exhaustive sur les effets cutanésindésirables des AINS topiques était publiée par Maibach [6].Celle-ci mettait en évidence 4 types de réactions cutanées decontact (phototoxique, photo-allergique, allergique et urticari-enne) et pour chaque type les AINS topiques responsables. Lesauteurs mettaient l’accent sur la nécessité de plus de contrôles destests en raison du potentiel irritant de certaines molécules, etproposaient une concentration de testage pour chacune d’entreelles. Même si cette étude ne permettait pas d’évaluer lafréquence de ces accidents, les auteurs mettaient déjà en gardesur les problèmes qui pourraient être engendrés par ces AINStopiques en particulier dans les pays où leur usage était fréquent.En 1987, une étude allemande a recherché la fréquence de laphotosensibilisation aux AINS topiques dans une population de175 patients qui ont eu des photopatchtests avec une batterie de6 AINS exposés aux UVA (15 J/cm2), UVA/UVB et UVB à doseinfra-DEM [7]. Les résultats montrent une fréquence élevée dephotosensibilisations avec tous les AINS testés (acide tiaprofè-nique 24,6 %, carprofen 24,4 %, aspirine 9,2 %, piroxicam 8,3 %,diclofénac 6,7 %, kétoprofène 3,8 %). Les auteurs reconnaissentque cette grande fréquence s’explique sans doute par desréactions phototoxiques (et sans doute la dose élevée d’UVA,celle actuellement utilisée étant de 5 J/cm2) mais discutent lapossibilité de réactions allergiques car certaines étaient retardées.Une autre étude des mêmes auteurs a été publiée en 1999 [8]. Ellecomportait de tests prospectifs avec une batterie de 9 AINS(acide acétylsalicylique, bufexamac, diclofénac, étofénamate,felbinac, acide flufénamique, ibuprofen, indométhacine, etpiroxicam) dans une population de 371 patients, dont 40 %d’atopiques consultants en dermato-allergologie. Curieusement,le kétoprofène n’en faisait pas partie. Dix-sept patients soit 4,6 %présentaient au moins un test positif à un AINS dont 12 soit 3,6 %de la population testée un test positif au bufexamac avec unepertinence certaine dans 10 cas et probable dans un cas. Lesautres patients avaient des tests positifs pour l’étofénamate (2),l’indométhacine (2) et l’acide flufénamique (1). En raison dupourcentage élevé de réactions allergiques au bufexamac, les

auteurs proposaient de tester cet AINS systématiquement chezles atopiques (qui l’utilisaient à l’époque en relais desdermocorticoïdes) et les eczémas chroniques.

Les données les plus récentes sont celles de l’étudemulticentrique européenne de photopatch tests (PPT) publiéeen 2012 qui a inclus 1031 patients venant de 30 centres et12 pays [9]. Tous les patients étaient testés avec une batterie de19 photoprotecteurs externes et 5 AINS (kétoprofène,étofénamate, piroxicam, diclofénac, et ibuprofen). Le kéto-profène apparaît de loin comme le photo-allergène le plusfréquent avec des PPT positifs chez 128 patients, suivi parl’étofénamate (59 PPT positifs), les autres AINS étant rarementpositifs (piroxicam 5, ibuprofen 4, diclofénac 2). Cette fortepositivité de l’étofénamate est mal expliquée car les casd’eczéma de contact publiés sont peu nombreux, qu’il n’est pascommercialisé au Royaume-Uni et que des PPT étaient positifsdans ce pays, donc sans pertinence. À l’issue de cette étude il aété proposé que le kétoprofène et l’étofénamate fassent partiede la nouvelle batterie standard européenne de PPT [10].

2. Quels sont les AINS utilisés entopiques aujourd’hui ?

En se cantonnant à la France et en prenant pour référence ledictionnaire médical Vidal, il est retrouvé 69 formulationscommerciales topiques contenant un AINS, soit pur (54) serépartissant en acide niflumique (1), diclofénac (35), ibu-profène (9), kétoprofène (14) et piroxicam (1), soit associéscomme les dérivés salicylés à un autre AINS ou d’autresprincipes actifs divers comme l’héparine, le lévomenthol ou desextraits de piment.

L’étofénamate ne fait pas partie de la liste des médicamentsde médication officinale publiée par l’ANSM en date du 15/05/2013 (http://ansm.sante.fr/Mediatheque/Publications/Listes-et-repertoires-Medicaments) et n’est pas référencé au Vidal. Il estcependant possible de se procurer en France des formulationscommerciales contenant de l’étofénamate directement viaInternet et il est disponible dans de nombreux pays européens.

Le topique contenant de la phénylbutazone, premier topiquecontenant des AINS mis sur le marché en France en 1960, a étéretiré en avril 2011. De même le bufexamac a vu son AMMsupprimée en août 2010 en France avec aussi un avis défavorablede l’Agence européenne du médicament (EMA). Ce dernier avaitété mis sur le marché en 1974 avec initialement des indications

Tableau 1Réactions cutanées dues aux AINS topiques.

Photo-allergie de contact Dermatite de contact allergique Urticaire de contact Erythème polymorphe-like Vasculite

Carprofèneb Bufexamaca Etofénamate Bufexamaca KétoprofèneDiclofenac Diclofenac Kétoprofène Kétoprofène Pyrazolonesa

Etofénamate Etofénamate Pyrazolonesa

Kétoprofène Kétoprofène SalicylésPiroxicam Piroxicam

Pyrazolonesa

Salicylés

a Retiré du marché.b Médecine vétérinaire.

M. Avenel-Audran / Revue française d’allergologie 54 (2014) 218–222 219

Page 3: Allergies et photo-allergies de contact aux AINS topiques

dermatologiques comme l’eczéma et la dermite fessière et avaitvu ses indications se restreindre en raison des réactionsallergiques nombreuses, parfois graves qu’il avait occasionnées.

3. Quelles sont les manifestations cliniques de l’allergieaux AINS ?

La manifestation clinique la plus habituelle de l’allergie auxAINS est un eczéma qui débute à l’endroit du contact et peuts’étendre à distance (Tableau 1). Ce peut être un eczéma decontact allergique simple ou fréquemment, un eczémaphotodéclenché. L’aspect est volontiers celui d’un eczémaaigu, vésiculeux et suintant voir bulleux.

Le siège de cet eczéma dépend des circonstancesdéclenchantes. Le plus souvent il s’agit de l’application d’untopique AINS à visée antalgique sur un petit traumatisme ouune tendinite et les membres sont donc souvent touchés. Cetteapplication peut être évidente, mais parfois, elle est faite àl’insu du patient, par un kinésithérapeute sur une entorse parexemple, et alors, méconnue par le patient, elle est plus difficileà retrouver. Il se peut aussi que le contact soit indirect,manuporté à distance de la zone d’application initiale, ou le faitd’un tiers. L’eczéma de contact par procuration a aussi étérapporté avec les AINS [11]. L’eczéma peut même surveniraprès contact avec des objets souillés par le topique anti-inflammatoire [12]. Dans de très rares cas le contact estd’origine professionnelle. Ainsi plusieurs cas de photo-allergieau carprofen, AINS maintenant utilisé uniquement en médecinevétérinaire, ont été rapportés au Royaume-Uni chez des patientstravaillant au conditionnement de ce médicament [13].

Des formes cliniques particulières ont aussi été rapportées,urticaire de contact, érythème polymorphe-like, vasculites.

4. Quelles particularités selon l’AINS ?

4.1. Kétoprofène

De très nombreuses publications ont suivi les premiers casd’allergie publiés en 1983. Le kétoprofène (KP) est de loin le

photo-allergène le plus fréquent de tous les photo-allergènes[9]. Typiquement il provoque un eczéma vésiculo-bulleux ausite d’application du gel. L’extension secondaire aux zonestraitées est très fréquente notamment à type de réactionurticarienne ou en cocarde à type d’érythème polymorphe-like[14]. La possibilité de généralisation à l’ensemble dutégument explique les hospitalisations non exceptionnelles.L’évolution est prolongée allant de plusieurs semaines àplusieurs mois avec survenue de photosensibilisationsrécidivantes les années suivantes sans nouvelle applicationdu KP, ni prise de médicament ou application de topiqueprésentant une allergie croisée. En effet ce qui est particulier àla photo-allergie au KP, c’est qu’elle est souvent associée àune (photo)allergie à d’autres molécules. Il s’agit parfois deréactions croisées avec des molécules ayant en commun avecle KP un noyau benzophénone comme l’acide tiaprofénique,le fénofibrate et la benzophènone-3 mais aussi de moléculessans aucune parenté chimique. Ainsi, chez les patients photo-allergiques au KP, les patch tests sont souvent positifs pour lefragrance mix, Myroxylon pereirae, et l’alcool cinnamique etles PPT sont souvent positifs au tétrachlorosalicylanide et auFentichlor1 sans pertinence. Plus récemment, il a été montréque la plupart des malades ayant une photosensibilisation aukétoprofène gel font une photo-allergie de contact àl’octocrylène, un filtre solaire qui n’a pas non plus deparenté chimique avec le KP [15,16]. Le Tableau 2 montre lafréquence de ces associations selon les publications. Cettegrande photoréactivité des patients photo-allergiques au KPreste mal expliquée.

On peut regretter que l’arrêt de la commercialisation des gelsde kétoprofène demandée par l’Afssaps n’ait pas abouti. Lareprise de la commercialisation de ces gels décidée par leConseil d’État pour des considérations économiques et l’avismalheureusement favorable de l’EMA pour la poursuite de leurutilisation, justifie de poursuivre un suivi rigoureux et unedéclaration des nouveaux cas. Le kétoprofène fait maintenantpartie de la liste de 77 médicaments sous surveillance renforcéepubliée le 18 mars 2011 par l’Afssaps en raison de ces cas dephoto-allergie sévère régulièrement déclarés depuis sa mise sur

Tableau 2(Photo)allergies associées chez les patients photo-allergiques au KP. Pourcentages de positivité des PPT et PT.

Foti [17] Devleeschouwer [18] Hindsen [19] Vigan [20] Durieu [21] Martin [16] Le Coz [22]

Nombre de cas 15 42 35 18 19 22 12PPTBenzophénone-3 6,7 61 20 33 21 63,5 25Benzophénone-10 20 20 21 – 0 18 –

Benzophénone-4 0 0 0 – 0 – 0Fénofibrate – – 73 72 100 72 66Ac Tiaprofénique – – – 61 100 100 100Octocrylène 20 75 – – – – –

Fentichlor 26,7 – 74 67 – 45 –

TCS – – 40 28 – 22,5 -TPTFM 66,7 55 43 83 68 – 30Myroxylon P 33,3 46 51 – 42 – 30Alcool cinnamique 100 61 – – – – –

M. Avenel-Audran / Revue française d’allergologie 54 (2014) 218–222220

Page 4: Allergies et photo-allergies de contact aux AINS topiques

le marché en 1991. Un registre REVIDAL/GERDA/SFPD a étémis en place pour la collection de ces patients photo-allergiquesau kétoprofène et/ou à l’octocrylène.

4.2. L’étofénamate

Depuis la première observation d’eczéma de contact àl’étofenamate publiée en 1981 [23], moins de 40 cas ont étérapportés, en très grande majorité en provenance d’Espagne, oùle soleil est généreux et les utilisateurs semblent nombreux. Ladernière étude publiée rapporte 14 cas constatés sur 8 ans dansla ville de La Corogne en Espagne [24]. Tous les patients, enmajorité des femmes (10/14) avaient utilisé un ou plusieurstopiques contenant de l’étofénamate et les lésions d’eczéma,parfois bulleux, siégeaient le plus souvent sur les membres.Après PT et PPT, étaient dénombrés, 7 eczémas allergiques,5 eczémas photo-allergiques et 2 cas d’eczéma allergiquephoto-aggravé. Deux patients avaient aussi des PPT au KP et audexkétoprofène, mais avaient utilisé préalablement des gels encontenant. Des réactions croisées ont été rapportées avecl’acide flufémique, dont l’étofénamate est un ester, mais ellessont rares [25] et aucune autre réaction croisée n’a été rapportéeavec un autre AINS. L’urticaire de contact peut aussi être uneffet indésirable de cet AINS topique [26].

4.3. Le piroxicam

Le piroxicam est surtout connu pour les réactions cutanéesqu’il provoque lors de sa prise par voie systémique, enparticulier nécrolyse épidermique toxique, érythème pigmentéfixe, et aussi réactions photodéclenchées [27]. C’est De laCuadra qui le premier a attiré l’attention sur l’existence deréactions allergiques croisées entre acide thiosalicylique,allergène de contact présent dans le thiomersal, et le piroxicam,photo-allergène, après avoir remarqué chez deux patientesallergiques au thiomersal la survenue d’une éruption des partiesdécouvertes quelques jours seulement après une première prisede piroxicam. Ceci a été confirmé sur une série de patients [28]et par d’autres auteurs. La prise de piroxicam (et sonapplication en topique ?) est donc à éviter chez les patientsayant un test positif à l’acide thiosalicylique. Il est doncimportant de le tester chez les patients ayant un test positif authiomersal, car si ce test est négatif, la prise de piroxicampourrait être autorisée.

Les eczémas de contact aux topiques contenant dupiroxicam semblent beaucoup plus rares que les accidentscutanés lors de sa prise par voie systémique puisque nousn’avons retrouvé que 2 cas publiés [29].

4.4. Diclofénac

Le diclofénac est utilisé en topique dans plusieurs situations.Comme les autres AINS il a un pouvoir anti-inflammatoire/antalgique. Il est utilisé en gel sur des articulationsdouloureuses et/ou des petits traumatismes, en collyre dansle traitement de conjonctivites. Il a été aussi proposé en crèmepour le traitement des kératoses actiniques.

Il a été rendu responsable d’eczéma de contact dans toutesces situations, les premiers rapportés en 1992 [30–32] et ausside photo-allergies de contact [33] avec allergie croisée àl’aclofénac qui appartient à la même famille des arylacétiques.En revanche, il n’y a pas d’allergie croisée avec le bufexamacqui lui a été retiré du marché en raison de sa mauvaise tolérancecutanée. D’ailleurs, contrairement au bufexamac, les caspubliés d’allergie de contact au diclofénac restent peunombreux, environ une vingtaine.

4.5. Ibuprofène

De nombreuses publications font état de toxidermies,érythème pigmenté fixe, mais aussi syndrome de StevensJohnson, DRESS et pustulose exanthématique dont leresponsable était l’ibuprofène, pris par voie systémique. Enrevanche, depuis la première publication en 1985 d’uneéruption urticarienne après application d’un topique àl’ibuprofène avec PT positif à cet AINS, la littérature esttrès pauvre ne retrouvant qu’un autre cas d’eczéma de contact[34]. Dans les séries où l’ibuprofène a été testé à titresystématique les PT ou PPT sont rarement positifs : aucun dansl’étude allemande de 1999 [8], 5 sur 1031 patients dans l’étudeeuropéenne de PPT dont 4 faiblement (+) et une seul net (++)dont la pertinence n’est pas précisée [9].

4.6. Dérivés salicylés et autres

Une étude récente [35] a analysé la Base nationale depharmacovigilance concernant les effets indésirables cutanésd’un gel anti-inflammatoire composé d’acétate de dexamétha-sone, salicylamide et de salicylate de glycol, notifiés auxcentres de pharmacovigilance français entre le 1/1/2000 et le31/10/2010. N’étaient retenus que les dossiers où l’imputabilitédu gel anti-inflammatoire était très forte, soit que le gel était leseul médicament en cause soit que les tests étaient positifs augel ou un des ses composants. Cinquante-trois cas ont étéretenus dont 41 dermatites de contact. Dans 33 cas il s’agissaitde lésions d’apparition retardée, majoritairement d’eczémas decontact (20), dont certains avec extension à distance voiregénéralisation, ou d’érythème cuisant et de lésions bulleuses(2). Dans 12 cas, les réactions étaient immédiates, quelquesminutes après application à type d’érythème cuisant ou de vraieurticaire de contact (3 bien documentés). Pour 12 patients,l’hospitalisation avait été justifiée. Dans 14 cas des PT avaientété pratiqués et étaient positifs pour : le gel anti-inflammatoire(8), le salicylate de glycol (7) le salicylamide (6) ladexaméthasone (3) ou le propylène glycol, excipient du gel(2). Les auteurs concluent que les cas d’allergie au gel,essentiellement des eczémas de contact, ne sont pas trèsfréquents ou sont sous notifiés. Ceci reflète bien la littérature oùne sont publiés que des cas isolés et peu nombreux.

Au total, les effets cutanés indésirables des AINS topiquessont très largement dominés par les (photo)allergies aukétoprofène, qui mériterait, à l’instar du bufexamac et despyrazolés, d’être retiré du marché comme l’avait demandé lacommission d’AMM de l’Afssaps en 2009. Les autres AINS

M. Avenel-Audran / Revue française d’allergologie 54 (2014) 218–222 221

Page 5: Allergies et photo-allergies de contact aux AINS topiques

donnent ponctuellement quelques réactions allergiques, dont lenombre est faible, mais qui méritent d’être connues.

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

[1] Krook G. Contact sensitivity to oxyphenbutazone (Tandéril) and crosssensitivity to phenylbutazone (Butazolidin). Contact Dermatitis 1975;1:262.

[2] Lachapelle JM. Contact sensitivity to bufexamac. Contact Dermatitis1975.

[3] Valsecchi R. Contact dermatitis from ketoprofen. Contact Dermatitis1983;9:163–4.

[4] Angelini G. Contact allergy to ketoprofen. Contact Dermatitis 1983;9:234.[5] Pigatto PD, Mozzanica N, Bigardi AS, et al. Topical NSAID allergic

contact dermatitis. Italian experience. Contact Dermatitis 1993;29:39–41.[6] Ophaswongse S, Maibach H. Topical nonsteroidal antiinflammatory

drugs: allergic and photoallergic contact dermatitis and phototoxicity.Contact Dermatitis 1993;29:57–64.

[7] Przybilla B, Ring J, Schwab U, et al. Photosensitizing properties ofnonsteroidal antirheumatic drugs in the photopatch test. Hautartz 1987;38:18–25.

[8] Gniazdowska B, Ruëff F, Przybilla B. Delayed contact hypersensitivity tonon-steroidal anti-inflammatory drugs. Contact Dermatitis 1999;40:63–5.

[9] European Multicentre Photopatch Test Study (EMCPPTS) Taskforce. AEuropean multicentre photopatch test study. Br J Dermatol 2012;166:1002–9.

[10] Conçalo M, Ferguson J, Bonevalle A, et al. Photopatch testing: recom-mendations for a European photopatch test baseline series. ContactDermatitis 2013;68:239–43.

[11] Mirande-RomeroA, González-López A, Esquivias JI, et al. Ketoprofen-induced connubial photodermatitis. Contact Dermatitis 1997;37:242.

[12] Hindsén M, Isaksson M, Persson L, et al. Photoallergic contact dermatitisfrom ketoprofen induced by drug-contaminated personal objects. J AmAcad Dermatol 2004;50:215–9.

[13] Kerr AC, Muller F, Ferguson J, Dawe RS. Occupational carprofen photo-allergic contact dermatitis. Br J Dermatol 2008;159:1303–8.

[14] Izu K, Hino R, Isoda H. Photocontact dermatitis to ketoprofen presentingwith erythema multiforme. Eur J Dermatol 2008;18:710–3.

[15] Avenel-Audran M, Dutartre H, Goossens A, et al. Octocrylene: anemerging (photo)allergen. Arch Dermatol 2010;146:753–7.

[16] Durieu C, Marguery MC, Giordano-Labadie F, et al. Allergies de contactphotoaggravées et photoallergies de contact au kétoprofène : 19 cas. AnnDermatol Venereol 2001;128:1020–4.

[17] Foti C, Bonamonte D, Conserva A, et al. Allergic and photoallergiccontact dermatitis from ketoprofen: evaluation of cross-reactivities by a

combination of photopatch testing and computerized conformationalanalysis. Curr Pharm Des 2008;14:2833–9.

[18] Devleeschouwer V, Roelandts R, Garmyn M, Goossens A. Allergic andphotoallergic contact dermatitis from ketoprofen: results of (photo) patchtesting and follow-up of 42 patients. Contact Dermatitis 2008;58:159–66.

[19] Hindsen M, Zimerson E, Bruze M. Photoallergic contact dermatitisfrom ketoprofen in southern Sweden. Contact Dermatitis 2006;54:150–7.

[20] Vigan M, Girardin P, Desprez P, et al. Photoallergie au kétoprofène etphotosensibilisations au tétrachlorosalicylanide et au Fentichlor1. AnnDermatol Venereol 2002;129:125–7.

[21] Martin S, Barbaud A, Trechot P, et al. Existence de photoallergie associéesentre le kétoprofène et des molécules ne possédant pas de structurebenzopheneone : 22 explorations de photoallergies au Kétum*. AnnDermatol Venereol 2001;128:829–30.

[22] Le Coz CJ, Bottlaender A, Scrivener JN, et al. Photocontact dermatitisfrom ketoprofen and tiaprofenic acid: cross-reactivity study in 12 conse-cutive patients. Contact Dermatitis 1998;38:245–52.

[23] Vanhee J, Gevers D, Dooms-Goossens A. Contact dermatitis from anantirheumatic gel containing etofenamate. Contact Dermatitis 1981;7:50–1.

[24] Goday Buján JJ, Pérez Varela L, Piñeyro Molina F, et al. Allergic andphotoallergic contact dermartitis from etofenamate: study of 14 cases.Contact Dermatitis 2009;6:118–20.

[25] Alcántara Villar M, Pagan JA, Palacios L, et al. Allergic contact dermatitisto etofenamate. Cross-reaction to other nonsteroidal anti-inflammatorydrugs. Contact Dermatitis 2008;58:118–9.

[26] Piñol J, Carapeto FJ. Contact urticaria to etofenamate. Contact Dermatitis1984;11:132–3.

[27] Faure M, Goujon C, Perrot H, et al. Accidents cutanés provoqués par lepiroxicam. Ann Dermatol Venereol 1982;109:255–8.

[28] Serrano G, Bonillo J, Aliaga A, Cuadra J, et al. Piroxicam-inducedphotosensitivity and contact sensitivity to thiosalicylic acid. J Am AcadDermatol 1990;23:479–83.

[29] Valsecchi R, Pansera B, di Landro A, Cainelli T. Contact sensitivity topiroxicam. Contact Dermatitis 1993;29:167.

[30] Schiavino D, Papa G, Nucera E, et al. Delayed allergy to diclofenac.Contact Dermatitis 1992;26:357–8.

[31] Kowalzick L, Ziegler H. Photoallergic contact dermatitis from topicaldiclofenac in Solaraze gel. Contact Dermatitis 2006;54:348–9.

[32] Miyazato H, Yamaguchi S, Taira K, et al. Allergic contact dermatitis dueto diclofenac sodium in eye drops. J Dermatol 2011;38:276–9.

[33] Fernández-Jorge B, Goday-Buján JJ, Murga M, et al. Photoallergic contactdermatitis due to diclofenac with cross-reaction to aceclofenac: two casereports. Contact Dermatitis 2009;61:236–7.

[34] Veronesi S, de Padova MP, Bardazzi F, Melino M. Contact dermatitis toibuprofen. Contact Dermatitis 1986;15:103–4.

[35] Rémy C, Barbaud A, Lebrun-Vignes B, et al. Toxicité cutanée liée à laPercutalgine1 : analyse de la base nationale de pharmacovigilance. AnnDermatol Venereol 2012;39:350–4.

M. Avenel-Audran / Revue française d’allergologie 54 (2014) 218–222222