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    Inculturation ou ethnicisation. Les pratiques religieuses des Pondichriens catholiques enle-de-FranceAuthor(s): Brigitte SbastiaSource: Archives de sciences sociales des religions, 47e Anne, No. 119 (Jul. - Sep., 2002),

    pp. 99-126Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30122758Accessed: 20-06-2016 14:21 UTC

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    Arch. de Sc. soc. des Rel., 2002, 119, (juillet-septembre 2002) 99-126

    Brigitte SEBASTIA

    INCULTURATION OU ETHNICISATION

    LES PRATIQUES RELIGIEUSES DES

    PONDICHERIENS CATHOLIQUES EN

    iLE-DE-FRANCE (1)

    Les gestes rituels 6maillant les messes organis6es par la communaut6 pondi-

    ch6rienne de l'Ile-de-France paraissent 6tranges aux yeux des fiddles accoutum6s

    aux rites latins. Tout aussi insolite est la pr6sence de ces Vierges de Velankanni (2)

    rev~tues d'un sari dor6 ou de couleur, installkes dans quelques paroisses francilien-

    nes et qui peuvent faire l'objet d'une f~te annuelle. Surprenante encore est la

    pr6sentation d'une danse d6votionnelle indienne introduite dans la messe interna-

    tionale de Lourdes lorsque la communaut6 pondich6rienne y participe. Si ces ges-

    tes, ces rites, ces cantiques chant6s en langue tamoule, ces statues mariales ou

    encore les objets utilis6s dans la liturgie apparaissent comme des 616ments exoti-

    ques en France, ils sont le produit d'efforts mends par l'6piscopat romain pour

    reconnaitre la diversit6 culturelle de la communaut6 catholique.

    Les nouvelles consid6rations de Rome sur l'importance de la valorisation de la

    pluralit6 culturelle au sein de la communaut6 catholique se dessinent dans les

    travaux du second Concile du Vatican: la constitution Sacrosanctum Concilum

    publide le 4 d6cembre 1963 invite le clerg6 de chaque pays i utiliser la langue ver-

    (1) Cet article s'est inspire du m6moire de DEA de 1'EHESS dirig6 par Jean Pierre Albert que j'ai

    soutenu au Centre d'Anthropologie sociale de Toulouse en 1999 sous le titre: Les Pondichdriens de

    1 'Ile-de-France. Etude des pratiques sociales et religieuses. Grice h une allocation de recherche attribu6e

    par la DRAC de l'Ile-de-France dans le cadre du patrimoine ethnologique, j'ai pu continuer l'6tude de

    terrain entreprise depuis 1996 aupras des Pondich6riens de l'Ile-de-France de maniare bien plus soutenue

    pendant l'ann6e 1998-1999. Je remercie Jean-Pierre Albert et Catherine Cl6mentin-Ojha qui, par leurs

    remarques et leur soutien, ont contribu6 h la r6daction de cet article.

    (2) Velankanni est un petit village tamoul situ6 sur la CGte de Coromandel a 10 km au sud de

    Nagappattinam ois la Vierge y est apparue h trois reprises. Du fait que ce village soit situ6 au Tamil Nadu,

    les gens de cet Itat lui attribuent une identit6 tamoule qu'ils justifient par son aspect vestimentaire : elle

    est drap6e d'un sari typiquement tamoul selon la maniare adopt6e par les femmes tamoules (le pan du sari

    est jet6 sur l'6paule gauche) (SBBASTIA, 1998).

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    ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

    naculaire t la place du latin dans les rites liturgiques et i adapter la liturgie confor-

    miment aux normes stipulkes par la constitution de la Sacr~e liturgie >

    (SL 36-40, 119); la constitution Gaudium et Spes publide le 7 d~cembre 1965

    reconnait la place de la culture au sein des soci~t~s et favorise son expression

    (GS 53-62); le d~cret Ad Gentes divinitus encourage le d~veloppement du clerg6

    local notamment dans les jeunes Eglises (nouvellement dotres d'un clerg6 indi-

    gene); celui-ci, i son tour, doit remplir la fonction de missionnaire aupris de son

    peuple: il doit propager le message chr~tien et corriger les inigalit~s sociales et

    6conomiques (AM 16; 22) (Concile ecuminique Vatican II, 1967).

    Ces constitutions et d~crets ont des implications i deux niveaux: indigene et

    exog~ne. Par rapport au sujet abord6 dans cet article, ceux-ci se traduisent: 1) par

    la n~cessit6 d'acculturer l'Eglise catholique indienne (niveau indig~ne). Les catho-

    liques de l'Inde ne doivent plus 6tre consid~r~s comme des strangers dans leur

    pays. Ils partagent un ensemble de coutumes et de valeurs culturelles avec leurs

    frbres hindous, musulmans, bouddhistes, jains ou sikhs. Il convient done de tenir

    compte de cette culture commune (implicitement hindoue) pour favoriser l'expan-

    sion du christianisme et l'int~gration des catholiques dans leur soci~t6 plurielle; 2)

    par l'utilit6 de promouvoir la richesse culturelle des communaut~s immigr~es

    (niveau exogine) pour une meilleure integration dans la communaut6 paroissiale et

    dans la soci~t6 d'accueil. Ainsi, les rites pratiqu~s par la communaut6 pondich&-

    rienne installde en Ile-de-France sont en coherence avec la volont6 de l'dpiscopat.

    Cependant, si on s'int6resse aux pratiques religieuses des autres ethnies catholiques

    6tablies en France, on constate d'une part que la liturgie reste largement dominde

    par les rites latins, et d'autre part que la pr6sence de statues de saints ou de Vierges

    > dans les 6glises est, mis it part Notre Dame de Fatima, excep-

    tionnelle. Si on se tourne vers l'Inde et plus sp6cifiquement vers le Tamil Nadu,

    d'oflt est issue une importante proportion de la communaut6 pondich~rienne, on

    constate 6galement un important d6calage par rapport i ce que l'on peut observer

    en France : peu d'occasions sont donn6es de voir certains rites d'inculturation (3)

    pratiqu6s pendant la messe. La majorit6 des lai'cs et des pr~tres y est hostile. De

    nombreux Pondich6riens install6s en France manifestent aussi leur opposition i la

    (3) Selon C. CL1MENTIN-OJHA (1993, p. 110):

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    LES PRATIQUES RELIGIEUSES DES PONDICHERIENS CATHOLIQUES EN iLE-DE-FRANCE

    pratique de ces rites. Certains, d'ailleurs, ont choisi de ne plus participer aux activi-

    t6s religieuses organis6es par les > pondich~riennes (4).

    S'int6resser a ces diff6rences et i ces divergences apportera un 6clairage sur

    l'utilisation de l'inculturation par la communaut6 pondich6rienne dans la situation

    particulibre de l'immigration.

    La communaute pondichirienne de France

    Les Pondich~riens (5) installs en ile-de-France sont majoritairement des

    tamouls originaires des deux ex-comptoirs frangais enclaves dans l'Etat du Tamil

    Nadu. Ils proviennent essentiellement de Pondich~ry et de ses ald6es (6) et, dans

    une proportion bien plus faible, de la grande aldde de Karikal. Pondich~ry 6tait le

    sikge politique et juridique des comptoirs frangais de l'Inde; elle 6tait 6galement le

    miroir de la culture frangaise dispensde ?i travers l'enseignement. Les relations

    entre les indig~nes et les pouvoirs colonial et eccl6siastique y 6taient plus 6troites

    (P. Bourdat, 1995; J. Weber, 1996; A.K. Neogy, 1997; W.F.S. Miles, 1995), de

    sorte qu'au moment de la r6trocession des territoires t l'Inde, les habitants de ce

    comptoir ont 6t6 plus motiv6s pour opter en faveur de la nationalit6 frangaise. Ces

    caractkristiques expliquent la predominance des natifs de Pondich~ry de religion

    catholique r~sidant en France.

    Les premikres vagues des migrants pondich6riens arrivent en France en 1956,

    date du Traits de cession, et plus intens6ment & partir de 1962, aprbs la ratification

    du Trait6 (7). Le transfert de facto des possessions frangaises & l'Inde s'accom-

    pagne d'une possibilit6 pour les habitants de choisir leur nationalit6. Pendant une

    pdriode de six mois, les ayants droit presents en Inde peuvent opter en faveur de la

    nationalit6 frangaise, tandis que ceux qui sont absents la regoivent de droit avec la

    (4) Pour faire la diff6rence avec la communaut6 dans sa globalit6, j'emploierai cette graphie

    Communaut6 A chaque fois que ce terme s'appliquera A une partie de la communaut6 pondich6rienne

    globale. Ainsi qu'il le sera prdcis6, une Communaut6 est un ensemble de membres qui s'organisent

    pour proposer des f~tes catholiques en tamoul A leurs compatriotes. Elle se compose d'un responsable,

    d'un chef de chorale et d'un groupe de personnes impliqudes dans la chorale en tant que chanteurs ou

    instrumentalistes. A l'heure actuelle, il existe six d6terminde, notamment lorsqu'il s'agit de celle de Paris.

    (5) qui d6signe un territoire frangais en Inde compos6 d'une

    ville et d'un ensemble de villages et de hameaux est d~riv6 du mot portugais aldeia signifiant >.

    (7) Le trait6 de cession des Etablissements frangais de Pondich6ry, de Karikal, de Mah6 et de

    Yanaon a 6t6 sign6 le 28 mai 1956. Le d6cret du trait6 a 6t6 publi6 dans le Journal Officiel du 23 octobre

    1962 sous le num6ro 62-1238 du 25 septembre 1962 (SEBASTIA, 1999, op. cit., app.II, pp. 193-195).

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    possibilit6 de la refuser (cas de nombreux militaires, d'agents administratifs ou de

    quelques 6tudiants qui 6taient a cette 6poque dans les anciennes colonies, les DOM

    ou en m~tropole). Choix difficile, car celui-ci implique soit l'6tablissement en Inde,

    dont l'avenir est incertain, soit un depart pour la France. Mis g part ceux qui tra-

    vaillaient dans les divers 6tablissements frangais qui se sont maintenus aprbs la

    r6trocession (Consulat, Institut frangais, 6coles frangaises), les Pondich~riens de

    nationalit6 frangaise ne pouvaient plus pr6tendre conserver leur emploi. Les pre-

    miers touch6s ont 6tC les fonctionnaires, puis, au fil du temps, les employds

    d'entreprises privies europ6ennes rachetdes par des entrepreneurs indiens.

    La pr6sence des Pondich6riens en France s'accentue A partir des annies 1973.

    Limits dans leurs perspectives par l'6conomie indienne alors que l'enrichissement

    de leurs compatriotes install~s en France commence t se mesurer, de nombreux

    Pondich6riens d~sireux de s'expatrier obtiennent la nationalit6 frangaise en

    s'appuyant sur une faille du d~cret de cession des comptoirs (8). A la mime

    pdriode, ce sont les Pondich~riens d'Hanoi et de Saigon qui arrivent en France,

    fuyant le Vietnam au moment du retrait des troupes amdricaines. Natifs ou

    descendants d'ancitres n6s t Pondich~ry ou & Karikal, beaucoup se joignent aux

    Pondichdriens de France avec lesquels ils partagent les coutumes, la religion

    catholique et, pour certains, la langue.

    L'expatriation vers la France est toujours aussi convoit6e. Malgr6 les restric-

    tions impos6es par la politique d'immigration frangaise, des Pondich~riens conti-

    nuent de gagner la France par le biais du mariage, d'une bourse d'6tude ou plus

    rarement d'un engagement militaire selon les possibilit~s inh6rentes & leur nationa-

    lit6. On estime aujourd'hui la population pondich6rienne install6e en France & plus

    de 50 000 personnes (9) r6parties entre les villes de l'Ile-de-France et celles de gar-

    nison. Le lieu de rdsidence est souvent li6 & la fonction professionnelle. Les militai-

    res de carribre resident pros de leur lieu d'affectation et le quittent lorsqu'ils sont

    mutes dans une autre caserne. D'autres se reconvertissent en postulant pour un

    emploi r~serv6 dans une administration, ce qui les oblige souvent & s'installer en

    r6gion parisienne. Les Pondich6riens de l'Ile-de-France occupent principalement

    des postes dans les administrations, quelques-uns, militaires de carribre, travaillent

    & la D6fense. Le nombre important de reconversion dans le civil s'explique par un

    besoin de stabilit6 aprbs des ann6es pass6es & naviguer d'une ville & l'autre, voire

    d'un Territoire d'outre-mer & l'autre. I1 trahit aussi les objectifs sous-jacents &

    l'engagement militaire comme moyen de financer le d6part de l'Inde ou d'assurer

    la subsistance & l'arriv6e en France. L'importance des militaires en activitY, & la

    retraite ou reconvertis, mdrite d'etre soulign~e en raison d'un effet inattendu:

    l'int6gration du grade militaire dans les rapports de pouvoir entre les Pondich6riens

    de l'lle-de-France. Le fait transparait clairement dans leurs institutions religieuses

    (8) Le d6cret avait omis de statuer sur le cas des descendants de Pondich6riens n6s hors des territoi-

    res frangais. Sur pr6sentation du certificat de naissance attestant le lieu de naissance, des Pondichdriens

    ont pu r6int6grer la nationalit6 frangaise. Ce syst~me, qui a donn6 lieu A des abus avec achat de faux cer-

    tificats de naissance, a n6anmoins profitd A de nombreuses personnes (DE COMARMOND, 1985 pp. 9 et sq.)

    (9) Le d6nombrement des Pondich6riens en France est impossible du fait qu'ils possbdent la natio-

    nalit6 frangaise. L'estimation de 50 000 personnes m'a 6td fournie par J. Moudiappanadin, professeur de

    tamoul A I'INALCO, membre actif de plusieurs associations et de groupes de r6flexion sur l'immigration

    tamoule, interprite des Sri Lankais auprbs des organismes d'Etat et des services sociaux (1993).

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    LES PRATIQUES RELIGIEUSES DES PONDICHERIENS CATHOLIQUES EN ILE-DE-FRANCE

    (aum6nerie, ) oit la position dominante et la reconnaissance d'une

    personne sont d~termin~es par le grade militaire (10), les facteurs socio-6conomiques

    et la caste. La valeur accord~e t chaque composante hidrarchique est variable, mais

    l'histoire de l'aum6nerie et de la formation des (v-elalar, mutaliyar, vanniyar) et intouchables (paraiyar, pallar). Les obon-

    nes castes>> de l'Inde du Sud appartiennent au quatribme varna (sk) (11), grande

    cat~gorie de la soci~t6 brahmanique, celle des s'idra (sk) compos~e de personnes

    n6es pour servir les trois varna sup~rieurs. Du fait de la quasi-absence des varna

    interm~diaires en Inde du Sud (ksatriya, vaisya; sk), elles occupent une place

    dominante dans la stratification sociale et maintiennent une forte distance avec les

    intouchables, ces avarna (sk) les plus discrimin6s du systbme des castes. A

    Pondich6ry, cette dichotomie si-dra / avarna s'exprime par une residence dans des

    quartiers s~par~s poss~dant leur propre lieu de culte hindou ou chr~tien. En France,

    cette distance entre obonnes castes >> et intouchables ne transparait pas aussi claire-

    ment, mais n'en existe pas moins, surtout lorsqu'il s'agit de chercher des alli6s

    pour sceller les mariages.

    Gen se des c 1brations catholiques des Pondich riens de

    France

    Les activit~s religieuses communautaires des Pondich&riens catholiques de

    l'lle-de-France d'origine r6cente sont entikrement encadries par l'institution eccl&-

    siale. Elles d~coulent d'une part de textes ~piscopaux en faveur des communaut~s

    migrantes, et d'autre part de la mise en place d'une aum6nerie indienne cr6e en

    1981.

    Les textes dpiscopaux en faveur des migrants

    La fondation des aum8neries s'inscrit dans les perspectives de l'Eglise catho-

    lique soucieuse d'apporter son aide aux communaut~s chr~tiennes ddplac~es de leur

    pays d'origine. Le migrant est un citoyen du Monde et en tant que tel il a le droit de

    (10) Le chef de chorale de la Communaut6 pondich6rienne de Paris est un lieutenant-colonel

    qui occupe un poste au Ministbre de la D6fense. Mute en 1998 pour deux ans en Belgique, il s'est fait

    remplacer par un Pondich6rien, major de grade, qui travaillait sous ses ordres. Celui-ci est de confession

    hindoue... Ce dernier, envoy6 quelques mois aprbs en mission g Sarajevo (f~vrier 1999), d~signa sous

    l'ordre du lieutenant-colonel un autre compatriote, cette fois-ci, catholique. Ce dernier est un civil, mais

    il occupe une fonction subalterne au major. Par ces choix qui correspondent g la hi6rarchie militaire, le

    lieutenant-colonel est assur6 de d6tenir l'autorit6 sur le groupe de chorale qu'il contr81e t distance, et de

    retrouver la place i son retour.

    (11) Dans ce texte, j'utiliserai essentiellement des mots tamouls ou la forme > du mot

    sanskrit; les termes sanskrits seront distingu6s par (sk).

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    se rendre i l'&tranger et de s'y fixer (c des nouveaux arrivants et

    les abus en matibre d'assimilation forcde pratiquds par les Etats (DC, 2190, 1998).

    La politique de l'~glise catholique s'oppose totalement i l'iddologie rdpubli-

    caine frangaise qui, de son c8td, penche pour une totale assimilation culturelle des

    migrants. Concernant les Pondichdriens, I'iddologie de l'Eglise a permis la valori-

    sation de leur identitd tamoule alors que la politique rdpublicaine appliqude dans

    les territoires frangais de l'Inde (Weber, 1996) comme en France a dtd d'imposer le

    moddle culturel frangais.

    II est important de souligner que les Pondichlriens sont encore trbs sensibilisds

    aux discours sur la valorisation de l'identitd tamoule qui ont marqud les mouve-

    ments dravidiens pendant une grande partie du xxe si~cle (12). Les reminiscences

    (12) L'aire o dravidienne est aujourd'hui compos~e de quatre Etats d~coup6s t la fin des annies

    soixante selon la langue dravidienne dominante: Karnataka, le kannada; Andra Pradesh, le telugu;

    Kerala, malayalam; Tamil Nadu, tamoul. L'aire odravidienne a a subi fortement l'influence oindo-

    europ~enne >, notamment g travers l'installation des brahmanes au XIe sidcle fuyant les rdgions du Nord

    de l'Inde islamisdes. Cette implantation a d~velopp6 le syst~me de caste, a influence la littdrature et la

    culture, a sanskritis6 le registre religieux et les langues. Au ddbut du si~cle, quelques personnes influen-

    tes de langue tamoule ont lanc6 des mouvements contre l'hdgdmonie des brahmanes (le pouvoir britan-

    nique avait nettement favoris6 leur promotion) et la domination culturelle des . L'exaltation de

    la culture et de la langue tamoule < d~sanskritisde > ont servi de fer de lance aux mouvements identitaires

    dravidiens (HARDGRAVE, 1965; DIRKS, 1996; JAYAKUMAR, 1999).

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    des discours exaltant la sup~riorit6 culturelle des - entendons

    Tamouls - sur les o Aryens a apparaissent, dts lors qu'ils veulent justifier la n~ces-

    site de conserver et de transmettre la langue et la culture tamoule i leurs enfants.

    L'ancrage d'une conscience identitaire dans l'histoire renforce ind~niablement

    l'importance attribute & cette identit6 dans une situation de migration. C'est ainsi

    que prend sens le fort sentiment identitaire qui 6mane des discours des

    Pondichiriens install~s en France.

    La diffrrence iddologique entre la valorisation culturelle port~e par l'Eglise

    depuis Vatican II et celle des principes 6galitaires pr6nds par la R~publique fran-

    Caise induit un partage de la communaut6 pondich~rienne de France en deux grou-

    pes: un qui adhere & l'iddologie ecclksiale et un autre qui se reconnait dans les

    valeurs rdpublicaines. Le premier est compose de tandis que le

    second est constitu6 d'intouchables et des elites de . Cette diff&-

    rence se traduit, comme il sera pr~cis6 par la suite, par une forte representation des

    de condition moyenne & la tate des pondich&-

    riennes.

    La creation de I'aum6nerie indienne: une institution bien singulire

    Jusqu'en 1981, les Tamouls indiens et sri lankais pouvaient consulter dans une

    piece des MEP un pretre-@tudiant tamoul (13) et se r~unir chaque mois dans la

    crypte de la chapelle des MEP pour assister & une messe c6lbr~e en langue

    tamoule. Afin d'6viter que cette messe ne devienne l'unique activit6 religieuse des

    Tamouls et dans un souci de les maintenir dans leur paroisse d'affiliation, un pare

    frangais des MEP cr~e alors une aumdnerie indienne (14). I1 en prend la direction et

    d~veloppe quelques offices religieux en langue tamoule dans les paroisses oif sont

    concentr~es les plus fortes communautis (Sarcelles, Gonesse, Gretz). IL organise

    ensuite deux messes annuelles en tamoul: une en d~cembre dans la chapelle de la

    M~daille Miraculeuse qu'il coordonne avec les soeurs de Saint-Vincent-de-Paul

    charg~es du sanctuaire, I'autre au mois de juin & la basilique du Sacr&-Coeur de

    (13) La Soci6t6 des Missions Etrang~res de Paris, oblig6e d'abandonner sa vocation missionnaire

    dans les pays asiatiques devenus ind6pendants, offre aujourd'hui l'h6bergement et le logement g une

    soixantaine de pr~tres-6tudiants du continent asiatique souhaitant pr6parer leur doctorat. Elle s'occupe

    de les inscrire & l'Institut catholique et & l'Alliance frangaise et de les associer & une paroisse pari-

    sienne oh ils exercent leur pr~trise & mi-temps. A leur retour en Inde, ces pr~tres sont nomm6s en tant

    que professeur dans un s6minaire. De nombreux repr6sentants de l'6piscopat indien ont suivi ce cursus.

    Entre autres, on peut citer le cardinal Lurdusamy, Mgr M. Augustine, archev~que du dioc~se de

    Pondich6ry-Cuddalore. D'autres ont particip6 ou participent aux travaux sur l'inculturation tels que

    D.S. Amalorpavadass, ex-directeur du National Biblical Catechetical Liturgical Centre de Bangalore

    (NBCLC).

    (14) Bien que l'aum6nerie soit dinommde >, elle a surtout &tC fond~e pour

    servir les Tamouls pondich6riens et sri lankais. II existe ndanmoins un pretre-6tudiant keralais qui

    s'occupe des Pondichiriens de Mah6 et du Kerala. Chaque mois de f6vrier, cette communaut& honore le

    pbre Agnelo, un missionnaire b~atifid au d6but du si~cle, dans l'6glise du Saint-Esprit (Paris XIIe).

    Depuis quelques annies, la chorale de la < Communaut >> pondich~rienne de Paris participe & cette

    fete .

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    Montmartre qu'il institue pour la premiere fois en juin 1983 en l'honneur de la

    visite de l'archev~que de Pondich~ry (15). Au moment de son ddpart en retraite en

    1985, il plaide auprbs de la Commission 6piscopale des migrations en faveur de la

    nomination d'un pr~tre tamoul & la fonction d'aumdnier.

    Le pbre frangais se targue de n'avoir jamais rencontr6 de difficult~s pendant

    son ministbre auprbs des Tamouls, si ce n'est pour introduire les traits d'incultura-

    tion dans la liturgie approuv~s par la commission 6piscopale auxquels ils 6taient

    opposds. De plus, les Pondich6riens qui, pourtant, l'ont bien connu, le mentionnent

    rarement, bien qu'il ait 6t6 l'architecte de l'aum6nerie indienne, et attribuent la

    fondation de cette institution au premier pr~tre tamoul recrut6 dans le diocese de

    Pondich~ry. L'absence de conflits durant son ministbre tout comme la d~n~gation

    de son rl61e dans l'histoire de l'auminerie prennent sens en relation avec l'image de

    son pass6 missionnaire. En Inde, bien que le missionnaire ait inspire la crainte et le

    respect, sentiments qui perdurent aujourd'hui dans les rapports entre les fiddles et

    le clerg6 indigene, il devait faire preuve d'une certaine flexibilit6 vis-&-vis des exi-

    gences de ses ouailles s'il ne voulait pas les perdre. En France, la situation n'est

    plus la m~me: ce sont les Pondich~riens qui sont contraints de se plier aux r~gles

    du missionnaire et de la soci~td d'accueil. Aussi, d~s lors que l'aum6nerie est admi-

    nistr~e par un pr~tre indien, la communaut6 pondich~rienne se retrouve dans un

    contexte favorable & l'expression du prestige, de la hierarchie, des r~gles de pr&-

    seances. Pour apprehender le d~veloppement des conflits qui se sont produits &

    l'aum6nerie, il est n~cessaire de pr~ciser l'utilisation du religieux dans la construc-

    tion du statut hi~rarchique d'une caste en Inde.

    En Inde, la sphere religieuse domine tous les domaines de la vie sociale, poli-

    tique ou 6conomique. Les pouvoirs politique et 6conomique ont besoin des instan-

    ces religieuses pour 8tre l1gitimbs. Aussi, une caste qui, par sa position

    6conomique, cherche & asseoir son pouvoir politique ou sa domination sur les

    autres groupes en presence, doit s'impliquer dans des activit~s religieuses : offrir

    des repas au cours d'une c6lbration; financer une fete, un temple, une chapelle;

    offrir des terres ou des dons importants, etc.. Ce module de construction ou de l1gi-

    timation du statut hibrarchique concerne 6galement les chr~tiens par le fait mrme

    (15) La devotion g la Vierge de la M6daille Miraculeuse n'est pas r6pandue en Indemais elle a

    gagn6 le coeur des Pondicheriens de l'Ile-de-France qui, par leur sensibilit6 religieuse dans tous les territoires fran-

    9ais. Aussi, les intouchables pondich6riens ont-ils une devotion toute particulibre pour le Sacr&-Cceur. Ils

    interpr~tent le coeur aimant et souffrant du Christ comme l'expression de ses sentiments de commis6ra-

    tion A l'6gard de la condition des intouchables.

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    qu'ils ont conserve le syst~me de caste aprts leur conversion (16). Un des moyens

    trbs pris~s pour obtenir du prestige ou affirmer une position hi~rarchique est que le

    pr~tre accepte de c6l1brer une messe privie et/ou de partager le repas familial. D~s

    l'arriv~e des pr~tres tamouls g l'aum6nerie, ce schema de l1gitimation s'impose. I1

    transforme les relations entre les Pondich~riens fr~quentant l'aumi6nerie en les hi&-

    rarchisant et cette hi~rarchisation de plus en plus aigue cr~e un contexte favorable

    au d~veloppement des > autour de la Vierge de Velankanni

    et l'introduction des rites d'inculturation.

    Parmi les pr~tres tamouls qui ont administri l'aum6nerie indienne, deux figu-

    res s'illustrent par leur inclination & manipuler les schemas hidrarchiques et &

    les pratiques catholiques des Pondich~riens de l'Ile-de-France.

    Le premier de ces aum6niers (1985-1989) appartient g la caste dominante des

    vellZilar. Saisissant I'opportunit6, quelques families de de Paris

    revendiquent et obtiennent une position privilkgi~e au sein de l'aum6nerie. Elles

    font 6galement pression pour qu'il abandonne la charge de la chr~tient6 sri lan-

    kaise, de sorte que l'> devient implicitement l' (17). Dans cette nouvelle configuration, un &v~nement singulier,

    dont l'impact sera considerable par la suite, se pr~sente: au cours d'une messe

    mensuelle & Sarcelles, une Pondich~rienne explique & l'aum8nier que le cure de la

    paroisse Jean XXIII refuse d'installer une statue de la Vierge de Velankanni qu'elle

    a achet~e au sanctuaire en remerciement de la guirison de son 6poux victime d'un

    arret cardiaque. L'aumdnier propose & la famille d'installer la statue dans une piece

    attenante & l'aum6nerie et de l'offrir & la devotion des Pondich~riens. La famille

    (caste intouchable) s'incline mais son assentiment lui vaudra d'en 6tre totalement

    d~possd~de au profit des families dominantes qui se l'approprient. Selon la concep-

    tion indienne, toute divinit6 installke doit etre honoree d'une fete annuelle comm&-

    morant le jour-fondateur. Cette statue est done l'occasion d'organiser des festivit~s

    communautaires dans lesquelles les familles dominantes se r~servent les marques

    de pris~ance qui devraient normalement 8tre dctenues par l'initiateur du culte (eta-

    blissement de liens privilkgi~s avec l'aum8nier, organisation de la fete, habillage de

    la statue et decoration du char et de l'6glise, offrande de nourritures en fin de cir6-

    (16) Les chrdtiens indiens doivent la conservation du syst~me de caste g Roberto de Nobili, un

    j~suite de la noblesse italienne (1577-1656). Ses idles comme sa manibre de vivre calquie sur celle des

    brahmanes renongants ont soulev6 de vives oppositions dans le milieu missionnaire qui lui ont valu d'etre

    ddnoncd au pape. Ses bonnes dispositions vis-A-vis des rbgles inhdrentes / la caste ont 6t6 parmi les

    points les plus dtcrids. Tout en d~montrant la nature sociale du syst~me de caste, R. de Nobili justifia

    l'importance de respecter ses rigles pour favoriser les conversions (CLIMENTIN-OJHA, 1998; ZUPANOV,

    1999). Le pape Gr~goire XV se prononga en sa faveur dans la bulle Romanae sedis antistes du 31 janvier

    1623 (DE NOBILI, 1931; BERTRAND, 1848, app. tome III)

    (17) En plus de les administrer, I'aum6nier avait organis6, dans une piece attenante g l'aum6nerie,

    le stockage de denrdes alimentaires et de produits de premiere ndcessitd destinds aux rdfugids sri lankais.

    C'est surtout a cause de cette activite caritative que les Pondichdriens ont dvinc6 les Sri Lankais. Le

    pblerinage de Lourdes des Tamouls a connu une fracture semblable, de sorte que depuis 1995, il existe

    deux pi~lerinages distincts: celui des Pondichdriens; celui des Sri Lankais. Apr~s une pdriode de

    semi-abandon (c'est une soeur du SITI, Service Inter-diocdsain des Travailleurs Immigr~s charg~e de la

    communaut6 philippine qui 6tait d6sign~e pour s'occuper d'eux), les Sri Lankais ont requ leur premier

    aum6nier en 1995. I1 possbde une piece d~pendante de la paroisse Saint-Joseph-des-Nations situde dans

    le XIe arrondissement de Paris.

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    monie). La fete institude en mai, mois de la Vierge, est c6l1br~e chaque annie & la

    meme periode dans les jardins des MEP.

    Les familles dominantes au sein de l'aum6nerie sont des familles de militaires

    issues des < bonnes castes a. Elles se hierarchisent selon deux criteres non tradition-

    nels: le statut socio-economique et le grade militaire. Cependant, une famille

    s'ecarte de ce profil car elle est de caste intouchable mais son grade militaire et sa

    situation socio-economique hors du commun lui ont, malgre tout, permis d'etre

    reconnue. La position ainsi acquise lui a ouvert la voie pour prendre la direction de

    la < Communaute > pondicherienne de Paris.

    Apres le depart de l'aumdnier remplace par quelques pretres-etudiants plus

    preoccupes par leurs etudes que par le ministere de la communaute pondicherienne,

    l'aum6nerie indienne s'ecarte de sa fonction religieuse pour prendre les allures

    d'une association. Les familles dominantes multiplient les festivites culturelles, joi-

    gnant & leur fonction d'organiser des activites religieuses celle de promouvoir

    l'identite tamoule. L'intervention du Pere Rossignol des MEP (ancien missionnaire

    au Tamil Nadu) pour remettre de l'ordre s'est soldee par le retrait de quelques

    familles dominantes; celles-ci ont rapidement 6t6 remplac~es par quelques autres

    en quete de prestige.

    Le second aum6nier (1992-1997) appartient aussi & une

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    LES PRATIQUES RELIGIEUSES DES PONDICHERIENS CATHOLIQUES EN iLE-DE-FRANCE

    groupe d'une messe tamoule afin d'6viter les d~placements t Paris. Seulement, les

    faits comme les paroles trahissent une emulation qu'il est difficile d'ignorer. Cha-

    cune de ces > utilise un schema identique : messe tamoule, chorale,

    installation de statue de la Vierge de Velankanni dans l'intention de c6l1brer une

    fete communautaire (les < Communauts >> de Grigny et de Sarcelles n'ont pas reru

    l'assentiment des pretres paroissiaux pour installer leur Vierge). De plus, on

    remarque la nette predominance des parmi les deux membres res-

    ponsables de chacune des six > particuliere. Les jeux de pouvoir

    au sein de l'aum6nerie et la fragmentation de la communaute pondicherienne se

    sont traduits quelquefois par l'arret d'une celebration ou d'une activite religieuse.

    Cela a 6t6 le cas de la messe tamoule celebree annuellement Notre-Dame de Paris

    ou encore des emissions en langue tamoule diffusees sur Radio Notre-Dame. Mais,

    de maniere generale, ils ont eu des effets dynamisants par la multiplication des

    activites religieuses qu'ils ont suscit~e. Aujourd'hui, la communaute pondich&-

    rienne de l'Ile-de-France possede cinq messes tamoules mensuelles celebr~es dans

    cinq paroisses de la region parisienne (Sarcelles, Grigny, Paris, Mantes-la-Jolie,

    Pontoise), quatre celebrations annuelles speciales (Porikal (18), Sacr&-Coeur &

    Montmartre, fete de l'amitie uravu vila, Notre-Dame de la Medaille Miraculeuse),

    un pelerinage officiel & Lourdes, et surtout, six fetes en l'honneur de la Vierge de

    (18) Le Ponikal est une fete hindoue qui cl61bre les moissons au d6but du mois tamoul tai (mi-

    janvier-mi-f6vrier). A cette occasion, les Tamouls font cuire g gros bouillons du riz dans du lait sucr6 et

    ar6matis6 que l'on appelle ponkal. Le fort bouillonnement qui m6taphorise la prosperit6 est une maniere

    d'influencer les futures recoltes (definitions du rituel : DUMONT, 1992, GOOD, 1983). Cette fete, ainsi que

    plusieurs autres (fete de la R6publique de l'Inde, fete de l'Ind6pendance de l'Inde, fete de la lumiere

    Ttpavali, fete des outils Sarasvati pucai) ont 6te introduites dans le calendrier chr6tien indien au cours

    d'une Conference des 6veques catholiques de l'Inde tenue en 1972. En France, la fete de Poikal est

    organis6e par la > pondich6rienne de Paris et c'est la responsable de la Communaut

    qui se charge de preparer le pot de ponkal. Ce plat, distribue apres la messe aux participants, constitue un

    annatanam dont une des fonctions est de renforcer la position hierarchique du donateur. Pendant la

    messe, le pot de ponkal est plac6 devant le maitre-autel et il est beni en fin de c61ebration.

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    Velankanni dont quatre de type communautaire (Paris, Pontoise, Mantes-la-Jolie,

    Trappes). A l'exception des messes mensuelles en tamoul dont la durie limit~e &

    une heure ne permet pas la pratique de rites d'inculturation, toutes les c616brations

    communautaires annuelles en sont ponctudes. Ii faut souligner que ces c616brations,

    du fait de l'usage exclusif de la langue tamoule, 6veillent peu la curiosit6 des autres

    communaut~s ethniques de la paroisse. De ce fait, I'emploi de

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    LES PRATIQUES RELIGIEUSES DES PONDICHERIENS CATHOLIQUES EN ILE-DE-FRANCE

    n'ont pas de vie ext~rieure et vivent confinues et esseul~es dans leur appartement

    une grande partie de la journm~e. Cette situation ne concerne pas seulement les fem-

    mes des primo-arrivants, elle est sans cesse r~activ~e par les jeunes spouses qui

    arrivent du Tamil Nadu, essentiellement de Pondich~ry. Elles sont souvent pr~ff-

    r~es a leurs seurs de France pour des raisons diverses: soucis de conclure un

    mariage pr~f~rentiel (19), un mariage dans une famille alli~e ou de mime caste si

    celle-ci est faiblement repr~sent~e en France, d'obtenir une dot 6lev~e ou une allide

    de caste sup~rieure (la nationalit6 frangaise est trbs pris~e). Le choix peut d~couler

    aussi de l'

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    ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

    individuellement. La plupart des statues sont le rdsultat d'une transaction votive

    (gudrison, travail en France, bien etre familial ou la manifestation d'une forte ddvo-

    tion). Les propos que l'on rencontre de manibre rdcurrente traduisent I'homologie

    culturelle entre la Vierge et les Pondichldriens (Tamouls). Originaire du mdme pays,

    la Vierge est d'autant plus apte ? les aider qu'elle connait bien les difficultds des

    Tamouls. Comme eux, elle se retrouve en situation d'immigration, une autre ana-

    logie qui renforce le lien :

    SOn se sent proche d'elle comme quelqu'un de notre famille. Quand on a des probl&-

    mes, on peut aller i l'glise et lui parler. On lui parle en tamoul et elle comprend nos

    problkmes car elle les connait. Elle seule peut nous aider. C'est pour cela qu'on l'a ins-

    talle dans l'dglise car elle peut aider aussi les autres familles pondichdriennes qui

    habitent ici> (informateur de Corbeil-Essonne)

    L'identification de la Vierge de Velankanni & la culture tamoule justifie que ce

    soit cette figure singulibre que les Pondich~riens privildgient lorsqu'ils veulent

    exprimer leur identitd ou concurrencer une autre >. En Inde,

    lorsqu'une statue est installde, celle-ci doit recevoir un culte et 8tre honorde une

    fois dans l'annde, normalement, le jour anniversaire de son installation. Comme

    toutes les festivitds religieuses indiennes, celles qui honorent une divinitd ddvelop-

    pent les marques de prdsdance qui profitent i l'initiateur du culte. Dans cette pers-

    pective, installer une Vierge de Velankanni est une manibre d'obtenir du prestige et

    la reconnaissance des ddvots. Cette stratdgie a &td celle des pon-

    dichlriennes de Mantes, de Pontoise et de Trappes. Pour des raisons diverses, ces

    dernires ont dtd autorisdes & installer la statue dans leur paroisse mais toutes les

    SCommunautds> n'ont pas eu cette chance et, de ce fait, elles se trouvent privdes

    d'une possibilitd d'organiser une >. Parmi les onze reprdsen-

    tations de la Vierge de Velankanni recensdes en rdgion parisienne en 1999, six

    bdndficient d'une f~te annuelle mise en place par une depuis 1998 avec l'arriv6e du nouvel aum6nier. Pr6c6demment, elle

    6tait c616br6e pendant une messe dominicale par le pretre de la paroisse A laquelle tous les fiddles, quelle

    que soit leur origine ethnique, participaient.

    1 12

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    Les rites d'inculturation: d~calages et controverses

    A c6ti des activitis religieuses prises en charge par les

    pondich~riennes, il existe quelques c6lbrations auxquelles des Pondich~riens parti-

    cipent. Elles se d~marquent des pr~c~dentes par la vari~t6 ethnique de l'assistance.

    Elles emergent lorsque un pretre, souvent un religieux au passe missionnaire, sensi-

    bilis6 au problbme de l'int~gration des communaut~s catholiques d'origine 6tran-

    g~re, invite les communaut~s ethniques les plus reprisent~es dans sa paroisse ?

    animer la messe selon la coutume de leur pays d'origine. C'est une manibre de tenir

    compte de chaque culture, de la mettre en valeur et de faire d~couvrir aux autres paroissiens. Les objectifs sous-jacents a cette

    valorisation sont d'attirer les migrants au sein de l'Eglise catholique de France,

    point non n~gligeable si on tient compte de la forte religiosit6 de certaines commu-

    naut~s, et de favoriser les relations interethniques articuldes sur le partage d'une

    identitd religieuse commune. En bref, il s'agit de crier au sein de la paroisse une

    famille catholique, unique dans la foi, plurielle par la culture. Plusieurs groupes de

    Pondich~riens affili~s aux paroisses d'Orly, de Saint-Denis ou encore d'Antony ont

    b~n~fici6 de ces dispositions. La formation de la > de Trappes

    d~coule igalement de l'invitation du prttre paroissial t mettre en place une messe

    pondich~rienne. Cette messe n'ayant pas 6t6 ins~r~e dans le calendrier dominical

    comme pour les paroisses pr~c~demment cities, sa mise en place a eu pour effet de

    favoriser la formation de la de Trappes et d'accentuer le caract&re

    communautaire des c6lbrations qu'elle organise. L'invitation i mettre en scene la

    culture a rencontr6 un r6el engouement auprbs des Pondich~riens qui ont vu

    l'opportunit6 de se valoriser t travers elle. En effet, i l'instar des messes organis~es

    par les

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    ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

    Les representants de la > d'Evry-Grigny n'ayant pu installer

    une Vierge de Velankanni et organiser une fete communautaire dans leur paroisse,

    sont fiers de souligner qu'ils font partie de la pastorale des migrants et, & ce titre,

    qu'ils s'associent aux autres ethnies pour organiser la > de leur

    diocese. Dans les faits, on releve la nette predominance des traits d'inculturation

    indiens tout au long de la messe alors meme que six autres communautes originai-

    res d'Afrique (Beninois, Maliens), d'Amerique (Antillais), d'Asie (Hmong) et

    d'Europe (Polonais, Portugais) y participent. Si les Pondicheriens sont largement

    mis en scene tout au long de la celbration religieuse, en revanche, leur participa-

    tion aux deux autres activites est nettement plus reduite : ils ne se melent pas aux

    autres communautes pour partager le repas qui, en principe, doit favoriser les

    echanges (mets, idees, culture) et s'ils ne peuvent participer au spectacle comme

    cela a ete le cas en 1998 du fait de l'indisponibilite de leur danseuse de parati

    natam (sk bhacirata na.tya), ils choisissent de s'eclipser. Ce comportement, en con-

    tradiction avec l'ideologie de la Fete des migrants revele clairement que l'objectif

    de leur participation est centre sur l'opportunite d'exalter l'identite tamoule. De

    leur point de vue, la messe s'offre comme espace privilegie pour exalter l'iden-

    tite: elle est pourvoyeuse de rites d'inculturation consideres comme porteurs

    d'une richesse culturelle, et par sa nature institutionnelle, elle sert de lieu de legi-

    timation.

    La comparaison du contenu des celebrations festives pondicheriennes et

    notamment entre celles organisees par chacune des six > pondi-

    cheriennes permet de deceler quelques variantes interessantes pour apprehender

    les rites d'inculturation dans leur fonction de marquer l'alterite. Le modele-type

    liturgique se compose : de l'allumage d'une lampe ou kuttuvilakku (24) au com-

    mencement de la messe, celle-ci peut etre posee au centre d'un dessin appele

    kolam (25) si le pretre paroissial le permet; d'un rite particulier appele arati

    pratique g l'ouverture de la messe et g la celebration de l'Eucharistie; d'un cor-

    tege d'offrandes avant l'Eucharistie. Lorsque ces messes honorent la Vierge de

    Velankanni d'une ~Communaute>> pondicherienne particuliere (Paris, Pontoise,

    Mantes-la-Jolie, Trappes), la messe est suivie ou precedee d'une procession ter

    (24) Le kuttuvilakku est une grande lampe sur pied compos~e d'un r6ceptacle pour contenir l'huile

    qui alimente cinq m~ches de coton. Bien qu'il ait une origine hindoue, les catholiques l'ont adopt6 en

    substituant la croix au symbole hindou (cygne, paon, forme phallique). Allum6, il a fonction de placer

    une c6r6monie religieuse sous les bons auspices. Aussi, il est commun de trouver des kuttuvilakku devant

    le maitre-autel ou en face de la statue la plus v6n6r6e d'un sanctuaire chrdtien. Il est aussi pr6gnant dans

    les foyers indiens en Inde comme en France oi il est allumd lors des importantes cerimonies religieuses

    ou domestiques.

    (25) Le kolam est une tradition du sud de l'Inde. Il consiste en un dessin trac6 sur le sol avec de la

    poudre de riz blanche. Il a une fonction faste. Chaque matin, apris la purification du sol, les femmes

    esquissent un kolam sur le seuil de leur maison; elles le renouvellent le soir si une divinit6 port6e en pro-

    cession doit les visiter. Les autels domestiques sont aussi d6cor6s d'un kolam r6alis6 quelquefois avec de

    la peinture. Les jours of une c6r6monie faste doit se d6rouler (mariage, nubiliti, 7e mois de grossesse,

    dation du nom), les femmes l61aborent de plus beaux dessins utilisant quelques symboles de prosp6rit6.

    En France o-i il n'est pas toujours possible de dessiner sur le sol, il n'est pas rare de trouver devant les

    autels domestiques, un tapis pr6sentant des figures g6om6triques 6voquant les kolam. Celui pos6 devant

    la statue de la Vierge de Velankanni installke dans l'6glise Saint-Pierre-Saint-Paul de Sannois en est un

    exemple .

    1 14

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    vila (26) et les festivit~s s'achivent par l'offrande de quelques sucreries ou d'un

    repas plus consistant annat-inam (27). Parmi ces phases rituelles, le rite d'arati

    est celui qui soul~ve le plus de controverses chez les catholiques tamouls d'Inde

    et de France.

    En Inde du Sud, en dehors des centres catholiques tels que les ashrams, cer-

    tains couvents ou siminaires et bien sfir, des centres specialists dans les travaux

    d'inculturation tels que celui de Tindivanam (formation de catichistes) ou le

    NBCLC de Bangalore (etudes sur la Bible, le cat~chisme, la liturgie), I'arati n'est

    pratiqu6 que trbs exceptionnellement (28). Pourtant, ce rite a 6t6 d~fini d~s les pre-

    miers travaux sur l'inculturation d~velopp~s par le Centre national de liturgie fond6

    au cours de la Conference des Ev~ques Catholiques de l'Inde CBCI en 1966. Il fait

    partie des douze points d'inculturation approuv~s par la majorit6 des 6v~ques de

    l'Inde et pr~sent~s i la Commission 6piscopale de la liturgie de Rome. Cette der-

    nitre s'est prononc~e en leur faveur le 25 avril 1969. La place et la definition du

    rite d'arati sont stipul~es par les points 10 et 12 du texte :

    10 - Le rite pr~paratoire de la messe pourra inclure: a/ la prdparation des dons; b/

    l'accueil du cdlbrant i la maniere indienne, c'est-g-dire avec un simple arati au

    moment de l'ablution des mains; c/ l'allumage de la lampe; d/ le don de la paix entre

    les fiddles en signe de rdconciliation mutuelle.

    12 - Dans le rite de l'Offertoire, a la conclusion de l'anaphore, la forme indienne de

    devotion pourra etre intdgrde, c'est-&-dire par un double ou triple -arati de fleurs et/ou

    d'encens et/ou de lumibre (29).

    (26) Le circuit de la procession est un facteur non negligeable dans la construction de la notoriete

    d'une fete pondicherienne en Ile-de-France. L'eglise de Mantes-la-Jolie etant situee dans le quartier du

    Val-Fourre compose essentiellement d'une population turque, la < Communauta >> pondicherienne n'a pas

    eu le droit d'organiser sa procession mariale A l'exterieur de l'edifice. Devant le choix des fetes de la

    Vierge Velankanni propose g cette meme periode, des Pondicheriens preferent assister i des ceremonies

    comme celle de Pontoise. La procession organisee & Pontoise est le modele oppose au

    precedent. Le trajet processionnel s'inscrit dans un carre forme par quatre rues (> est effectue dans le but d'accomplir une promesse vis-g-vis d'une

    divinite en echange ou dans l'intention d'un voeu. 11 s'inscrit egalement dans une problematique de pre-

    seance et de valorisation d'une position hierarchique; c'est essentiellement pour cette fonction qu'il est

    effectue en France.

    (28) En Inde, je n'ai observe la pratique de l'arati que dans la messe du 15 aoilt i Nellitope (ville

    attenante i Pondichery) ois etait celebree conjointement les fetes de l'Assomption de la Vierge et l'Inde-

    pendance de l'Inde. L'arati etait presente au moment de l'Eucharistie par six petites filles revetues cha-

    cune d'une des trois couleurs du drapeau national indien (vert-blanc-safran).

    (29) Le texte complet est en frangais dans l'article de PUTHANANGANY (1983, pp. 115-124) oU en

    anglais dans l'ouvrage de AMALORPAVADASS (non date, pp. 31 et sq.). Les autres points du texte concernent

    la posture et l'habillement du pretre : position assise sur le sol, retrait des chaussures pendant l'office reli-

    gieux, port d'une chasuble en forme de tunique et d'une etole; les gestes devotionnels: inclinations et

    aijali hasta (sk; mains jointes placees au-dessus du front) pour remplacer la genuflexion, paicariga (sk;

    position d'obeissance exprimee avec cinq composants du corps: bras, genoux, tete, voix, regard) comme

    rite penitentiel, attouchement des objets sacres suivi de l'apposition sur les yeux ou le front pour remplacer

    le baisement (eviter la > de la salive), ahjali hasta au moment du baiser de la paix; les objets et les

    substances liturgiques : accentuation de l'utilisation de l'encens, la forme de l'encensoir, l'utilisation d'un

    plateau en tant que Corporal, celle de la lampe i huile a la place des cierges.

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    La constance dans le choix des rites d'arati en France pour c6lbrer les messes

    pondich~riennes selon la < coutume du pays>> est pour le moins contradictoire avec

    la r~alit6 indienne. En mime temps, ce choix peut 8tre l1gitim6 par la permanence

    de cette pratique rituelle dans la sphere domestique. Il convient de d~crire ce rite

    selon sa forme religieuse hindoue et sa forme sociale pour le comparer avec sa pra-

    tique dans le catholicisme.

    Au cours du culte de l'image divine hindoue, ou piucai, le pretre offre & chaque

    divinit6 du temple des lampes de camphre et un plateau contenant des ingredients

    sp~cifiques (cendres sacries, santal, vermilion, camphre allum6) qu'il pr~sente en

    leur faisant d~crire trois rotations dans l'espace. Cette gestuelle a la double fonc-

    tion de preserver chaque divinit6 du mauvais oeil et de la nourrir des offrandes,

    6tant entendu que les divinit~s hindoues possident une humanitY. A la fin de ce

    rituel, le pritre distribue ces offrandes consacr~es aux d~vots; les fiddles les regoi-

    vent en tant que piracotam ou . Le pritre pr~sente les lam-

    pes de camphre sur lesquelles les d~vots apposent les mains avant de les porter i

    leurs yeux et sur leur tite, puis leur distribue les cendres, le vermilion, le santal

    qu'ils appliquent au milieu de leur front

    Dans l'espace domestique, le rite d'arati est inherent it toutes les c~r~monies

    fastes honorant un h6te exceptionnel, un parent particulier, de nouveaux marins,

    une jeune fille nubile, un jeune enfant, etc.. Selon la conception hindoue, chaque

    8tre humain contient en lui une parcelle du divin, les rites pour l'honorer sont alors

    calquis sur ceux destines aux divinit~s. Dans ce cas, ce sont les femmes fastes (non

    veuves ou non polludes temporairement par un deuil, des menstrues, un accouche-

    ment), choisies selon les rbgles de parentS, qui pratiquent ce rite avec un plateau

    similaire i celui utilis6 dans le piicai d'ofi elle puise le vermilion et le santal pour

    marquer le front des destinataires du rite.

    Dans le catholicisme indien, les arati autoris~s par la commission liturgique

    romaine sont pratiqu~s i deux moments precis de la messe : au commencement de

    l'office et i l'Offertoire. Dans le rite d'accueil (point 10), la fonction de l'arati est

    de placer la c~r~monie sous de bons auspices : une femme l'exerce a l'intention du

    pr~tre, puis le pretre l'exerce it l'intention des fiddles. Par rapport au texte qui sti-

    pule qu'une la'que pr6sente au pr~tre un recipient pour l'ablution de ses mains, ici,

    il s'agit d'un plateau contenant du vermilion et du santal dont la femme se sert pour

    marquer le front de l'officiant. A la sequence de l'Offertoire (point 12), l'arati tra-

    duit un geste de b~n~diction, de salutation de la presence du Christ pendant le mys-

    tare de l'Eucharistie. Ce sont des jeunes filles qui l'exercent en utilisant des

    plateaux contenant chacun des fleurs, de l'encens, des cierges. Ces deux arati pr6-

    sentent un module original : ils sont assez proches de la forme sociale et s'dcartent

    de la pratique religieuse hindoue, 6vitant ainsi la confusion.

    En revanche, on observe une troisibme pratique d'arati plus

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    pour honorer la Bible ouverte sur l'ambon. Implicitement, il est destine aux person-

    nages bibliques. Sous cette forme, le rite s'6carte de la forme sociale et se rap-

    proche de sa pratique dans le piiucai. Les opposants t l'inculturation en France ne

    s'y trompent pas en manifestant plus fermement leur disapprobation g son propos.

    La messe annuelle honorant Notre-Dame de Velankanni de Pontoise est, de tou-

    tes les cl~1brations pondich6riennes, la seule oih les trois formes d'arati sont repr&-

    senties. Le comportement et les discours des responsables de la < Communaut6>

    ainsi que les innovations apporties chaque annie t leur fete trahissent une volonte

    de se d~marquer des autres. En effet, en la fondant, I'aum6inier lui avait attribu6 le

    r61e de servir de communauti-modele. C'est en s'appuyant sur les responsables de

    Pontoise qu'il a institu6 la . En plus des trois types d'arati, il a pr6sent6 une s6quence rituelle assez troublante.

    Au moment de la pribre universelle, tout en r6citant A UM santi (sk) il a saisi un plateau contenant huit

    fleurs. II a depos6 les fleurs sur l'autel aux quatre points cardinaux, puis, aux points interm6diaires tout

    en 6voquant le Christ sous ses diff6rentes qualit6s a la manibre de l'officiant hindou qui d6pose des fleurs

    ou des p6tales sur les divinit6s en 6num6rant leurs noms et leurs attributs avant de commencer l'arssanai

    arecanai et tout en ponctuant la s6quence rituelle de A UM santi que les fidales devaient rep6ter apres lui.

    Ce rite trop o a suscit6 une grande confusion. A ma connaissance, aucune

    pondicherienne n'a os6 l'introduire dans la liturgie de sa fate communautaire.

    (31) La

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    Pondich~riens pour ces fetes. C'est dj~i le cas pour de nombreux opposants i

    l'inculturation qui, de plus, n'acceptent pas que les organisateurs de chaque Com-

    munaut ~> pondich~rienne s'approprient l'exclusivit6 des marques de pr~s~ance. Ils

    appuient leur dissentiment en disant qu'il est inconvenant de transplanter le sys-

    tbme hitrarchique indien en France, pays des Droits de l'homme par excellence.

    C'est en partie par ces controverses que s'explique la faible participation des

    Pondich~riens au pblerinage officiel des Tamouls de France t Lourdes. Malgr6 la

    forte tradition pblerine indienne et une profonde devotion pour la Vierge de

    Lourdes (33), ce ne sont gubre plus de 250 personnes qui participent i cet 6v~ne-

    ment annuel, alors que pendant toute l'ann~e, ils effectuent des visites au sanctuaire

    en famille (34). Ce pblerinage a 6t6 fond6 en 1989 par le d6lgu6 episcopal des

    migrants du diocese de Tarbes-Lourdes. Durant trois jours, les Pondich~riens c6l-

    brent des messes en tamoul dans les lieux les plus prestigieux du sanctuaire comme

    la Grotte ou la Basilique et d~tiennent le premier r61e dans une des processions

    mariales journalibres ou dans celle du pondich&-

    riennes les plus revendicatives sont d'autant plus attires par ce pblerinage qu'il leur

    (33) La Vierge de Lourdes, promue en Inde par les pares des MEP (un missionnaire du diocese de

    Mysore, parent du pare Peyramale, cure de Lourdes au moment des Apparitions, importa la premiere

    statue) et par les j~suites franCais, notamment pendant les episodes chol6riques, est pr~sente aussi bien

    sur les autels domestiques que dans les 6difices. Des 6glises sont plac6es sous sa protection comme celle

    de Villenur, important centre de phlerinage B dix kilombtres de Pondichdry.

    (34) Il convient de relativiser le phinombne, car, d'une part, les observations menses a Velankanni

    et les constantes relevdes dans les r6cits des Pondichdriens et, d'autre part, la comparaison des pratiques

    pblerines des Pondichiriens et Sri Lankais tamouls & Lourdes montrent que les Pondichdriens ont ten-

    dance & privil6gier le pblerinage familial au d~triment du collectif. Cet aspect s'accentue en France sous

    l'influence de la culture globale individualiste.

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    offre une occasion de se mettre en valeur et d'asseoir leur pouvoir (35). Hier,

    c'6taient les repr~sentants de la > de Paris qui dominaient le pbleri-

    nage, aujourd'hui ce sont ceux de Pontoise et il est difficile d'ignorer les pr~ten-

    tions de deux families pondich~riennes de Paris et d'Evry-Grigny & prendre la place

    des repr~sentants de Pontoise. Les Pondich~riens venus de la province ne connais-

    sent pas cette hi~rarchisation propre aux > de l'Ile-de-France.

    Subissant la domination des franciliennes, certains groupes

    importants, comme celui du sud-est de la France, constitu~s essentiellement

    d'intouchables, ne se joignent & eux que pour les temps liturgiques. Pour l'h~berge-

    ment, ils ont choisi un quartier trbs 6loign6 de celui des Franciliens afin de limiter

    les rencontres.

    Conclusion

    L'impression qui domine ce dossier est celle d'un d~calage, d'un malentendu

    entre une volont6 eccl~siale et les d~sirs des Indiens. Comme au temps des mission-

    naires, la communaut6 catholique indienne se montre toujours aussi capricieuse et

    difficile & g~rer. Quand l'Eglise au xvIIIe siicle interdit les pratiques jug~es supers-

    titieuses ou hindoues (36), les catholiques r~sistent et leur resistance est si forte que

    certaines des coutumes ont traverse les fronti~res du temps et de l'espace. On pense

    au tali (37), bijou que la jeune femme re9oit le jour de ses noces. Aujourd'hui, le

    pr&tre b~nit le tali comme s'il s'agissait d'un anneau nuptial et il en est ainsi en

    France dans les mariages intracommunautaires comme dans les mariages mixtes.

    On pense aussi & la fete de nubilit6 que les missionnaires j~suites ont essays d'asso-

    cier t la c~r~monie du mariage (38). Cette c~rimonie est toujours pratiquie dans la

    sphere domestique en l'absence d'un pr~tre. Le rite de nubilit6 s'est aussi export6

    en France. Les Tamouls des DOM et de Pondich~ry qu'ils soient hindous, chr&-

    (35) Lorsque j'ai assist6 i ce pblerinage en 1999, seules les trois > de Paris,

    Pontoise et Evry-Grigny 6taient pr6sentes. II faut noter que la > de Paris 6tait trbs faible-

    ment repr6sent6e, son responsable, trbs critiqu6 pour son h6g6monie, n'apparaissant plus i Lourdes. En

    son temps, c'6tait la bannibre de la > de Paris qui flottait dans le ciel de Lourdes,

    aujourd'hui, c'est celle de Pontoise.

    (36) R6f6rence i la bulle Omnium solicitidinum de Gr6goire XIX qui a mis fin g en statuant chaque >, c'est-i-dire chaque rite autoris6 par les j6suites dans le

    cadre d'une accommodation du christianisme en Inde et d6nonc6 par les capucins. (Bullarium Benedicti

    XIV; trad. SEBASTIA, 1999, app. III, pp. 204-205).

    (37) Le tall est un pendentif portant le symbole de Ganesa (ou de Visnu) monte sur une cordelette

    compos6e de 108 fils jaunis & l'eau teint6e de curcuma. Le nombre de fils traduisant un chiffre sacr6 hin-

    dou, I'emploi du curcuma ainsi que le symbole inscrit sur le bijou furent consid6r6s comme des expres-

    sions de la superstition. Les j6suites avaient accept6 l'emploi chez les catholiques en substituant la croix

    ou une effigie de la Vierge au symbole du dieu hindou. C'est sous cette forme qu'il s'est perp~tu6 jusqu'&

    maintenant.

    (38) Lorsque les mariages 6taient arrang6s d~s l'enfance, la f&te de nubilit6 marquait le moment oi

    la vie de couple pouvait commencer. Avec l'interdiction des mariages d'enfants non pubbres, la fete de

    nubilit6 consista & pr6senter la jeune fille en vue de chercher ou de sceller des alliances pr6f6rentielles ou

    non

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    tiens, ou m~me musulmans ne manquent pas de le c6l1brer car il permet d'dlargir le

    cercle des relations pourvoyeuses de futures alliances. Quand au moment de la

    ddcolonisation, l'Eglise revise ses positions quant i l'importance d'indig~niser le

    catholicisme dans les cultures non chr~tiennes et accorde aux catholiques la possi-

    bilit6 de pratiquer des rites selon leur sensibilit6, ici encore, c'est une resistance qui

    s 6l1ve :

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    LES PRATIQUES RELIG1EUSES DES PONDICHERIENS CATHOLIQUES EN ILE-DE-FRANCE

    . Les Pondicheriens qui, par leurs emplois dans

    l'administration frangaise, se pensaient bien integres (obons frangais et bon chre-

    tien >), se sont vus progressivement assimiles aux Tamouls du Sri Lanka du fait de

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    leur ressemblance physique et de leur langue. De plus, ils ont subi (et subissent

    encore) les critiques des Sri Lankais qui leur reprochaient un parler tamoul cor-

    rompu (39), leur manque de dynamisme 6conomique et leur d~sintr~t pour la cul-

    ture tamoule. Ces railleries ainsi que la visibilit6 qu'ils ne pouvaient plus renier ont

    induit une reaction positive vis-a-vis des critbres culturels. Cette 6mergence d'une

    conscience identitaire trouvait d'autant plus d'aisance & s'exprimer que la France, &

    l'image de l'Occident, 6tait fascinde par la culture indienne qui refl~tait I'exotisme,

    le mysticisme et la teneur philosophique des religions orientales. Le second critbre

    important dans la valorisation de la culture tamoule a 6t6 la question de l'accultura-

    tion de l'6ducation des enfants. Ce sont une fois de plus les Sri Lankais qui ont fait

    prendre conscience aux Pondich6riens de leur d6sengagement dans la transmission

    des valeurs culturelles. Il est vrai qu'aujourd'hui l'usage du bilinguisme chez les

    enfants est bien accept6 alors qu'auparavant l'emploi de la langue maternelle 6tait

    pergu par les instituteurs comme un obstacle & l'apprentissage de la langue fran-

    9aise. De ce fait, de nombreux jeunes Pondichdriens parlent peu ou pas tamoul, ne

    le lisent pas et ne l'6crivent pas. Cette ignorance & l'6gard de la langue est

    aujourd'hui v6cue comme un handicap pour maintenir les liens familiaux ou affec-

    tifs avec Pondich~ry et les jeunes parents engagent de plus en plus leurs enfants &

    apprendre la langue auprbs des grands-parents ou d'associations tamoules. Certains

    Pondich6riens justifient I'emploi de la langue tamoule et l'introduction de traits

    culturels au sein des fetes communautaires dont ils sont promoteurs, comme un

    moyen d'intdresser les enfants aux valeurs de leur culture d'origine. A ce niveau,

    les activitis religieuses men6es au sein de l'Eglise catholique posshdent une fonc-

    tion suppl6mentaire, celle de socialiser les enfants dans une conscience identitaire.

    Brigitte SEBASTIA

    Centre d'anthropologie de Toulouse

    (39) Les critiques des Tamouls sri lankais A l'6gard de la langue parl6e au Tamil Nadu porte sur

    l'important usage de l'anglais : Les mouvements dravidiens ont banni le sanskrit de la langue tamoule

    mais, dans les faits, les mots sanskrits ont 6t6 remplac6s par des mots anglais >.

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    LES PRATIQUES RELIGIEUSES DES PONDICHERIENS CATHOLIQUES EN ILE-DE-FRANCE

    Rdsume

    Confrontde au double mouvement de dicolonisation et de migration, I'Eglise,

    depuis le second concile du Vatican, s'est donnde les prioritis de favoriser l'int

    tion des communautis catholiques au sein de leur propre culture (niveau indighne), et

    de favoriser l'intigration des diffdrentes communautis catholiques migrantes au sein

    des pays d'accueil (niveau exogkne). L 'article traite de ces questions a travers le cas

    de l'Inde et de la communautd pondicherienne installie en Ile-de-France. Les exemples

    prksentis ddmontrent un important dicalage entre les perspectives ecclksiales et ses

    applications. L 'dlite clkricale indienne, invitie h rdflichir sur les moyens d's incultu-

    rer > le catholicisme en tenant compte de la sensibilitc indienne, se montre plus sou-

    cieuse de crier une < Eglise authentiquement indienne >> qu 'i rdpondre aux besoins

    rdels de sa communautd. Aussi, les traits d'inculturation qu'elle introduit dans la

    liturgie ne sont gubre pratiqucs en Inde du fait de leur connotation hindoue. En

    revanche, ils suscitent un vif intir&t auprds des Pondicheriens de France qui les consi-

    dbrent comme des marqueurs de l'identiti indienne. Ils apparaissent dans les messes

    tamoules dis lors que les Pondichdriens sont dotes d'un aum6nier tamoul ou lorsqu 'ils

    sont invitis ai presenter devant la communautd paroissiale, une messe selon la coutume

    du pays. Les objectifs eccldsiaux visent l'integration des communautis culturellement

    plurielles au sein de la grande famille catholique, mais la prdsence d'aum6niers

    tamouls a favorise l'expression d'un catholicisme < a l 'indienne > marqud par les jeux

    de pouvoir basis sur des critbres indiens (caste; statut dconomique) ou frangais

    (grade militaire). Ces rivalitis ont provoqud l'dclatement de la communautc en six

    groupes qui se font mutuellement concurrence. Cette imulation apparait nettement h

    travers les innovations ou l'ajout d'un rite d'inculturation dans certaines messes

    annuelles organisdes par les a Communautis > qui possident une statue de la Vierge de

    Velankanni (Vierge apparue au Tamil Nadu) dans leurparoisse. Dans ce cas, les traits

    d'inculturation fonctionnent comme des marqueurs d'altiritd.

    Abstract

    Confronted with the movements of decolonization and immigration, since Second

    Vatican Council, Roman Catholic Church has been careful to integrate mission coun-

    tries's catholic communities into their own culture (indigenous level) and to integrate

    various catholic migrants into the western countries (exogenous level). This article

    examines these perspectives through the cases of India and the Pondecherrian commu-

    nities near Paris. These articles point to an important discrepancy between the aims of

    the Church and the way in which the local Churches have applied them. Invited by

    Roma to introduce some modifications in the catholic liturgy according to the indian

    sensibility, the elite Indian clergy shows more interest in creating an authentically

    Indian Church than meeting the needs of the community. Thus, the inculturation rites

    introduced in the liturgy are hardly practiced in India because of Hindu connotations.

    They interest greatly the Pondecherrians in France however because they express

    Indian identity. They appear in the Tamil mass when the Pondecherrian community got

    a Tamil chaplain and were invited by the parish priest to present a mass performed

    according Indian custom; If the goals of the Church point out the integration of the

    culturally various communities inside the Catholic family, Tamil chaplains have

    encouraged a Catholicism

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    ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

    Resumen

    Favorecer la integraci6n de las comunidades cat6licas en el seno de su propia

    cultura (nivel indigeno) yfavorecer la integracidn de las distintas comunidades catdli-

    cas emigrantes dentro de los paises de acogida (nivel exdgeno) son las prioridades que

    se ha dado la Iglesia, confrontada al doble movimiento de decolonizaci6n y de migra-

    cidn, desde el segundo concilio del Vaticano. Elpresente articulo trata de dichas cues-

    tiones mediante el caso de la India y de la comunidad procedente de Pondichdry e

    instalada en Paris (capital y afueras). Los ejemplos presentatos demuestran un impor-

    tante desajuste entre las perspectivas eclesiales y sus aplicaciones. La elite clerical

    india, a la que se le ha propuesto reflexionar sobre los medios de inculturar el cato-

    licismo tomando en cuenta la sensibilidad india, manifiesta un cuidado mds especial a

    la hora de crear una Iglesia autinticamente india que para responder alas necesi-

    dades reales de su propia comunidad. Por lo tanto, los rasgos de inculturaci6n que

    introduce en la liturgia no son de los mcis praticados en la India debido a su conota-

    ci6n hindti. En cambio, dichos rasgos les llaman mucho la atencidn a los nativos de

    Pondichdry establecidos en Francia porque los consideran como unos distintivos de la

    identidad india. Durante las misas tamules, estdn presentes en cuanto los nativos de

    Pondichdry disponen de un capelldin tamul o cuando se les invita a que presenten ante

    los feligreses una misa de acuerdo con la costumbre de su pais. Los objectivos eclesia-

    les no buscan sino la integraci6n de las communidades, plurales a nivel cultural, den-

    tro de la gran familia catdlica pero la presencia de capellanes tamules han favorecido

    la expresidn de un catolicismo a lo indio seialado por losjuegos de poder basados

    en criterios indios (casta; estatuto econ6mico) o francis (grado militar). Dichas

    luchas provocaron la fragmentacid6n de la comunidad en seis grupos que rivalizan

    entre si. Esta emulacid6n aparece claramente a travis de las inocaciones o de la

    ahadidura de un rito de inculturaci6n en algunas de las misas celebradas anualmente

    y organizadas por las Comunidades que poseen una estatua de la Virgen de

    Velankanni (una Virgen que apareci6 en Tamil Nadu) en su parroquia. En este caso,

    los rasgos de inculturacidn no funcionan sino como distintivos de alteridad.