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UNIVERSITE DE ROUEN UFR DES SCIENCES DE L’HOMME et DE LA SOCIETE DEPARTEMENT SCIENCES DE L’EDUCATION « EVALUER POUR EVOLUER… EVOLUER POUR EVALUER » L’évaluation en formation. Un outil de management stratégique : Cas du CSP RH de EDF SA Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master Ingénierie et Conseil en Formation Farid BOUAKAZ Sous la direction de Loïc Chalmel ROUEN SEPTEMBRE 2009

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UNIVERSITE DE ROUEN UFR DES SCIENCES DE L’HOMME et DE LA SOCIETE

DEPARTEMENT SCIENCES DE L’EDUCATION

« EVALUER POUR EVOLUER…

EVOLUER POUR EVALUER » L’évaluation en formation.

Un outil de management stratégique :

Cas du CSP RH de EDF SA  

 

 

Mémoire présenté en vue de l’obtention du

Master Ingénierie et Conseil en Formation

 

 

 

 

 

Farid BOUAKAZ Sous la direction de Loïc Chalmel

ROUEN SEPTEMBRE 2009

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                                                                                                   Master 2 ICF 2008‐2009         Farid BOUAKAZ  

 

 

REMERCIEMENTS

« Tacitement complices, professeurs et étudiants s’accordent souvent pour définir au moindre coût les tâches que l’on est en droit d’attendre des enseignants et des enseignés.

Merci à tous d’avoir reconnu en moi la liberté de l’étudiant et d’avoir feint de voir, tout au long de l’année, un travailleur libre ou mieux autonome, c'est-à-dire capable de s’imposer à lui-même une discipline, d’organiser son travail et de s’obliger à un effort suivi et métho-dique… »

A la manière de Pierre Bourdieu

Collection le sens commun.

Merci à l’équipe pédagogique et à l’équipe administrative

pour leur engagement dans cette « aventure.».

Mention spéciale à Marianig Porot et à Loic Chalmel

pour leur contribution éclairante à « mes tourments intérieurs ».

Enfin je ne saurai oublier ce que je dois à Anne Jorro, Michel Lecointe et Michel Vial,

compagnons de chevet, sans lesquels je n’aurais su

ni comprendre, ni mettre de mots sur mes pratiques d’évaluateur.

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SOMMAIRE

AVERTISSEMENTS AUX LECTEURS ELEMENTS DE SITUATION ET INTRODUCTION

PREMIERE PARTIE (1ier volet) Le contexte de la recherche 1.1 Changement de paradigme… 1.2 Les conséquences du changement. Genèse de la recherche 1.3 De la demande…à la commande. 1.4 Les constats empiriques : compter…

PREMIERE PARTIE (2ième volet) L’évaluation en analyse… 1.5 A la recherche de l’obscur objet du désir… 1.6 A dire d’experts…Malaise dans l’évaluation. 1.7 Le but est dans le chemin. 1.8 Une question de management…

DEUXIEME PARTIE Démarches méthodologiques 2.1 Du problème à la problématique… 2.2 La problématique et son faisceau d’hypothèses…. 2.3 Discours de la méthode… Discours sur la méthode. 2.4 Cuisine instrumentale

TROISIEME PARTIE Les résultats du laboratoire 3.1 En long, en large… 3.2 Et en travers. 3.4 Les hypothèses sous contrôle….

CONCLUSIONS C1.Evaluer pour évoluer….Evoluer pour évaluer. C2.Des bornes à dépasser…..

BIBLIOGRAPHIE et ANNEXES TABLE DES MATIERES

§ § §

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AVERTISSEMENTS AU LECTEUR

Lecteur, pour vivre bien content, lisez pour apprendre à bien vivre

Et ne perdez point votre temps, à chercher les fautes d’un livre.

Il n’en est point de si parfait, où vous ne puissiez reprendre.

Il n’en n’est point de si mal fait, en qui vous ne puissiez apprendre

Jean de LA RIVIERE (1721)

« La carte n’est pas le territoire »…

Après avoir cherché, dans les livres, ce que par évaluation il faut entendre,

à l’écoute de « sujets » nous nous sommes efforcés de comprendre.

Les représentations sur l’évaluation de la formation en entreprise.

Ici, par l’apprenti chercheur, modestement reprises,

Sont l’expression d’acteurs,

A la fois agents, cibles et vecteurs.

A retrouver les siennes, s’amuser le lecteur pourra,

mais exigeant sur leur représentativité il ne devra.

Gardant en mémoire

que tout comportement est plus conditionné

par la représentation du monde que par la réalité ;

« La carte n’est pas le territoire »…

§ § §

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ELEMENTS DE SITUATION 1 – 1 L’AUTEUR Manager à l’origine, depuis 1991, je travaille à la conception et à l’animation d’actions de formation ; quand je ne suis pas en intervention-conseil en management. Je fais un « métier impossible ». Actuellement attaché à la DRH du Centre de Services partagé d’EDF SA., en terme d’identité professionnelle je suis consultant, en terme de fonc-tion je suis chef de projets, en terme de rôle je suis formateur, consultant, intervenant, chercheur, animateur, ingé-nieur de formation.

1 – 2 GENESE Dans le cadre de mes activités, je perçois, sans toujours les relevés ou les comprendre, les signes d’un malaise dans l’évaluation. Je me demande de quoi sont révélateurs ces signes, et de quelle dynamique sociale ils sont porteurs. Dans le but de mieux comprendre ce qui se passe et aussi de comprendre ce que je fais ou parfois de ce que l’on fait de moi, j’ai consacré une année universitaire à « creuser la question » ; comme on dit. Le présent mémoire est une manière d’associer le lecteur à ma réflexion.

1 – 3 OBJECTIVATION Il importe de souligner que notre implication dans le milieu professionnel, a nécessité que nous adoptions, au-tant que possible, une posture distanciée vis-à-vis de notre vécu ; et ce, à tous les stades de cette recherche : Négociation de la commande, analyse du contexte, construction de la problématique, conduite des entretiens et analyse des résultats. Colette disait « c’est une langue bien difficile le français. A peine écrit-on depuis quarante cinq ans qu’on com-

mence à s’en apercevoir ». Dans l’écriture comme travail scientifique, il faut voir un instrument d’objectivation de la pensée. Et comme le font remarquer Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon1, sa com-plexité est liée à la recherche permanente de la simplicité et de la clarté nécessaire pour être compris. Comme eux, je me sers de ce que les linguistes appellent « l’intertextualité ». C'est-à-dire l’interaction entre le présent texte et les textes extérieurs à lui. De cette manière, le jeu des citations me permet de situer ce que je dis dans le champ contemporain de la psychosociologie ou de la sociologie des organisations. Bien que j’utilise une forme indirecte, je parle ici en mon nom propre d’un bout à l’autre. Si je n’emploie pas le « je » afin de rester dans les normes rédactionnelles, je revendique tout de même le caractère subjectif d’une réflexion partielle et provisoire sur des questions que je ne prétends pas maîtriser. Il s’agit essentiellement d’étudier une combinaison de points de vue particuliers, plus que de chercher à généraliser nos résultats. J’adopte le « nous de politesse » dans le but de décrire et d’analyser les phénomènes avec la même distance que prend l’entomologiste pour étudier un insecte. Enfin, en tant que chercheur occasionnel je pense que la bibliographie est une manière de souligner ce que ma recherche doit aux auteurs en sciences sociales, en particulier Michel Lecointe ; le travail sociologique devant aussi affirmer ses sources.

 

1 Monique Pinçon‐Charlot et Michel Pinçon, (1997), «  voyage en grande bourgeoisie », Puf  

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INTRODUCTION

«L’évaluation dérange». Plus précisément, la pratique de l’évaluation de la formation actualise un certain nombre de questions génériques sur l’évaluation ; les questions posées par l’acte d’évaluer se retrouvent intégralement dans la situation d’avoir à évaluer la formation. Historiquement, les pratiques d’évaluation des actions de formation s’inscrivent, dans leur apparition, et dans leur développement, en cohérence avec l’intérêt accordé aux activités pédagogiques et aux conditions de mise en œuvre des apprentissages. De même, le développement des instruments d’appréciation de la performance des entreprises coïncide avec l’émergence et le développement de la demande d’évaluation. Disons pour faire simple que la loi de juillet 1971 sur la formation professionnelle témoigne de l’entrée de l’évaluation dans le champ des pratiques sociales. Pour autant, un changement social n’est jamais l’objet d’une détermination unique. Il résulte d’une pluralité de facteurs dont l’articulation provoque une nouvelle lecture. Ainsi aujourd’hui, la formation est considérée dans les entreprises tantôt comme un investissement tantôt comme une charge. «Elle mobilise

d’importants moyens matériels, financiers2 et humains. Aussi l’évaluation de la formation est-elle une exigence»3. Cependant, des enquêtes4 récentes montrent que l’évaluation de la formation pose problème. Nonobstant, les enjeux économiques et sociaux de la formation professionnelle5, la question n’est pas seulement de vérifier l’atteinte d’objectifs en l’absence de critères explicite d’évaluation. Selon plusieurs spécialistes dont Alain MEI-GNANT6, il s’agirait d’un problème plus sociologique que technique. Et bien qu’elle contribue, dans l’imaginaire social, à un développement professionnel ou à un redéploiement organisationnel, l’évaluation en for-mation dérange7. « L’évaluation est un sujet sensible et déclenche souvent craintes et appréhension »

(Leboterf). Consciente du phénomène, la DRH du Centre de Services Partagés Ressources Humaines d’EDF SA s’interroge sur la capacité de la Direction à vérifier l’efficacité et l’utilité de l’investissement formation. Elle souhaite disposer d’un système d’évaluation de la formation « qui fonctionne et rendre l’agent acteur de sa formation ». Le message du Directeur du CSP est plus ambitieux encore : « le CSP RH de EDF SA est le siège d’évolutions ma-jeures : Evolution des outils, mais aussi et surtout de nouvelles postures et une nouvelle organisation. Dans le

monde des Services, on ne gagne durablement qu’avec des équipes performantes reconnues, dont les compé-

tences individuelles et collectives s’améliorent en permanence, et avec un management à l’écoute pour accompa- 

2 A titre indicatif, en 2007, EDF a consacré 6,4 % de sa masse salariale à la formation, ce qui correspond à un budget de 275 millions d’euros. Pour la France, ses 100 000 salariés suivent en moyenne quarante heures de formation chaque année. En 2007, 85 % d’entre eux ont effectué au moins un stage. 72% des programmes con‐cernent directement les formations métiers 3 JOUVENEL et MASINGUE (1995) préface, Les évaluations d’une action de formation dans  les services publics ; enjeux, méthodes et outils, Les éditions d’organisation   4La moitié des entreprises françaises, de toutes tailles et tous secteurs confondus, manifeste le souhait de mesu‐rer les résultats en formation, mais semble désarmée sur les champs à mesurer et les outils à utiliser  (source : Enquête nationale du Centre INFFO de 2006). 5Chaque année c’est un marché de 27 Mds d’€, 7 Millions de personnes entrent en formation ; soit 1 salarié sur 2 (cf. cours Master 2 ICF de pierre LEDOUARON, Politique et organisation de la formation professionnelle) 6Alain MEIGNANT, (2006,7iéme édition), « Manager la formation », Editions Liaisons 7Michel LECOINTE, (1997), « Les enjeux de l’évaluation », L’harmattan 

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gner le changement...Mon ambition est de faire du CSP RH un acteur performant et incontournable du panorama

RH d’EDF ; Moderniser la fonction Ressources Humaines et être au rendez-vous de nos clients et des exigences

économiques de l’entreprise constituent un véritable défi ». Ces changements portés par la Direction semblent annoncer la rénovation des pratiques de management au CSP RH. Mais comment peut-on améliorer les compé-tences individuelles et collectives sans évaluer la formation et conduire le changement sans impliquer les acteurs. Tout cela présente au moins deux conséquences pour le chercheur en sciences humaines : l’entreprise ayant tendance à occulter ses pratiques d’évaluation il est difficile de les saisir de l’extérieur, d’autant plus quand elles sont informelles. De la même façon il est difficile de s’appuyer sur les statistiques pour rendre compte de la réalité. En ce qui nous concerne, nous cherchons ici à rendre compte d’une pratique de management. Plus précisément nous cherchons à comprendre, à travers l’exemple d’EDF, en quoi et comment l’évaluation constitue-t-elle un outil de management stratégique de la formation pour opérer des changements de posture. Les représentations sur cette thématique nous paraissent de nature à éclairer certaines facettes de la gestion des ressources humaines et des rapports sociaux dans lesquels sont inscrits les individus. Les constats empiriques liés au management de la formation en vigueur au CSP RH ont particulièrement retenu notre attention. Compte tenu de la demande de la Direction, notre travail nous amène à conclure sur la nécessiter de rendre explicite la politique d’évaluation de la formation et de promouvoir un système d’évaluation plus partici-patif. Cet aspect des choses a fait l’objet d’une mission de pré-diagnostic que nous avons initiée et réalisée au terme d’une « négociation » avec la Direction. Notre recherche comporte plusieurs étapes. Une première étape, constituée d’une enquête documentaire, a été suivie par une revue de littérature portant sur l’évaluation de la formation en entreprise afin de mieux cerner « ce que parler veut dire ». Ce faisant, la nécessité nous ait apparue d’appréhender les représentations que forme le « Management ». Notre regard s’est porté sur la définition de l’évaluation en formation, sur la distribution des rôles en la matière et les attitudes spontanément adoptées à l’idée de faire évoluer le système actuel. L’efficience et la pérennité d’un système d’évaluation sont en effet tributaires de l’image que s’en font les acteurs. Des discussions et des entretiens ont suivis. Il s’agissait de faire produire du discours sur ce que cela représente pour nos « infor-mateurs ». Les formulations que nous pouvions en faire leur étaient renvoyées pour confrontation et affinées au vue de leur réactions ; Il s’agit donc d’un travail avec des partenaires. Tout au long, nous nous sommes demandé si, dans le contexte actuel le Management pouvait considérer l’évaluation comme un outil de pilotage stratégique. Nous reviendrons en détail sur ces différents éléments. Le présent mémoire s’organise de la manière suivante : La présentation du contexte, la genèse, les constats empi-riques de la recherche font l’objet, en première partie d’un premier volet. Les éclairages théoriques, la construction du cadre d’analyse, font l’objet d’un deuxième volet. Les démarches méthodologiques font l’objet d’une seconde partie. L’analyse des résultats, et la vérification des hypothèses font l’objet d’une troisième partie. La présentation des limites de notre travail et les possibilités de son prolongement constituent la conclusion.

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PREMIERE PARTIE (1ier volet)

« Evaluer pour évoluer »

Le contexte de la recherche Changement de paradigme… Les conséquences du changement.

La genèse de la recherche

De la demande… à la commande….

Les constats empiriques :

C’est l’intention qui compte ; Compter ou manager…

§ § §

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Le contexte de la recherche Changement de paradigme… Comme le disent Marcel Lesne et Yvon Minvielle 8 : parler de l’évaluation de la formation sans référence au con-texte, c’est penser l’évaluation comme une entité en soi, sans liens avec l’environnement économique et institu-tionnel. Notre recherche se situe dans la continuité d’un pré-diagnostic9 que nous avons réalisé nous-mêmes. Révélant des phénomènes mal connus, sinon ignorés, nous avons pu mettre en évidence un changement de paradigme latent. La décision (stratégique) du CSP RH d’EDF de regrouper ses ressources au sein de 7 agences régionales, coor-données par un état major, lui-même assisté par un certain nombre d’experts fonctionnels, a des effets institution-nels et structurels importants. Les évolutions organisationnelles, le changement d’outil informatique, le travail par processus, la standardisation de l’offre de services doivent générer 25% de gains de productivité d’ici 2011. Les personnels doivent rapidement s’adapter au changement : C'est-à-dire, bousculer leurs habitudes de tra-vail et se soucier de produire aux meilleurs coûts. Pour ce faire, « Des formations adaptées permettront aux

agents de monter en compétence et d’accéder à de nouveaux emplois correspondant à cette nouvelle génération

de métiers10. ». La nouvelle dynamique à créer n’est plus celle du cumul ou du saupoudrage des moyens ; « celle du toujours plus sur fond de normalité inchangée11 ». On voit l’intérêt que peut revêtir un changement de regard sur l’évaluation. Les conséquences du changement Les conséquences de ces changements se traduisent par la globalisation des problèmes de formation. Elles ajoutent au respect des obligations légales et règlementaires, la nécessité d’optimiser les ressources con-sacrées à la formation, celle d’intensifier les mesures de rationalisation des procédures administratives, le durcis-sement des conditions d’achat de la formation. De manière implicite, les responsables du pilotage de la formation se trouvent devant la nécessité d’interroger leur modèle d’évaluation. Dans ce contexte de changement à la fois socio-économique, politique et organisationnel, l’évaluation et ses ob-jets ont, nous semble-t-il, vocation à devenir des outils stratégiques du déploiement de la politique de formation.

 

La genèse de la recherche De la demande à la commande…

                                                            8 Marcel LESNE et Yvon MINVIELLE (19977), dix thèses sur l’évaluation en formation d’adultes, Pour n°56  9 Cf. chapitre « Constats empiriques »p du présent mémoire. 10 Cf. la revue interne « SINO…M’ETAIT CONTE », Mars 2008, N°60  11 Jean AUBEGNY, (2006), L’évaluation entre permanence et changement, L’harmattant 

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Notre « demande » est née au cours d’une séance du Comité d’Etablissement consacrée à l’examen du plan de formation, à laquelle nous participions. Chaque année, le volet quantitatif du plan de formation de l’entreprise fait l’objet d’une demande d’avis auquel les membres du Comité d’Etablissement, représentants des salariés et repré-sentants syndicaux, répondent le plus souvent par un vote négatif ; tout en saluant les efforts de la Direction. Plus de 30 ans d’expérience professionnelle12 du fonctionnement général de l’entreprise, et de pratique de forma-tion ou de management nous avaient pourtant réservés leurs lots de surprises. Mais de voir passer sous silence l’absence de bilan qualitatif des actions de formation a éveillé notre curiosité. D’autant que paradoxalement, l’entité, certifiée ISO 9001, est sensée mettre sous contrôle la qualité des formations. Par ailleurs, nous partageons l’idée que « le produit de l’évaluation est toujours une décision13 ». Par conséquent, et compte tenu des enjeux de renouvellement et de développement des compétences, gérer la formation « en bon père de famille » est une décision14 à nos yeux paradoxale. Nos échanges avec la Direction sur le sujet ont permis d’accorder nos demandes réciproques et de les transformer : pour l’un, en une inscription en Master ICF afin d’accroître sa compétence en matière d’évaluation, pour l’autre en la commande d’un projet de dispositif d’évaluation des formations et la réalisation d‘une étude de ben-chmarking15 . Nous y avons ajouté un pré-diagnostic organisationnel16 du mode de management de l’évaluation de la formation. Ce pré-diagnostic a fait l’objet d’un rapport de mission que nous avons déposé au mois d’août 2009. De ce travail émergent les constats suivants :

Les constats empiriques

C’est l’intention qui compte… « La question de l’évaluation en formation est une question ancienne et récurrente de toute politique de forma-

tion17 et sa mise en œuvre devrait être une ardente obligation s’imposant naturellement aussi bien à ceux qui

la réalisent qu’à ceux qui la prescrivent»… Comme le disent Alain Dunberry et Céline Péchard18 : Selon Mark,

Henry, et Julnes (2000), «l’évaluation de la formation dans l’entreprise vise principalement quatre buts : démontrer

la pertinence et la valeur de la formation, améliorer la qualité des programmes et de l’organisation de la formation;

vérifier la conformité des programmes aux diverses attentes, normes ou standards; et développer ou tester des

                                                            12Consultant  interne,  formateur de  formateurs, Chef de projet,  responsable de  la  formation des managers de proximité, depuis plus de vingt ans au sein d’EDF, après avoir occupé des fonctions de management. 13  Jean‐Marie DE KETELE et Xavier ROEGIERS,  (3ième  tirage 1999), Méthodologie du  recueil d’informations,  (DE‐BOECK Université 14 Plus de 50% des entreprises n’évaluent pas la formation et quand elles évaluent elles s’intéressent surtout au taux de satisfaction des stagiaires (source : Enquête nationale du Centre INFFO de 2006). 15Dans sa forme simplifiée, le benchmarking est un moyen de se donner des buts ou des objectifs : cf. G.J.BALM, (1994), « Evaluer et améliorer ses performances Le benchmarking », AFNOR  16 Cf. annexe Maturité du système D’évaluation 17 Bernard .MASSINGUE, (2004) 2ième édition, « pilotage des politiques de formation », in « Traité des sciences et des techniques de la formation », DUNOD  18 Alain DUNBERRY et Céline PECHARD, (2007), « L’évaluation de la formation dans l’entreprise : état de la ques‐tion et perspectives », UQAM‐CIRDEP 

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connaissances nouvelles. C’est dire qu’une entreprise qui évalue sa formation devrait être en mesure d’en consta-

ter et contrôler les résultats et d’améliorer de manière soutenue ses pratiques ».La réalité est tout autre. L’évaluation est un problème complexe : « Il peut paraître davantage nécessaire de dire l’évaluation que de la

faire ; et on ne s’étonnera pas dès lors de constater l’existence d’un fossé profond entre la richesse des discours sur l’évaluation et la pauvreté relative des pratiques19 ».

Compter ou manager…

L’évaluation de la formation semble se confondre avec le processus de gestion du plan de formation20 :

Plan de formation de l’unité ; pré‐senté aux membres du CE

Orientations d’entreprise 

Orientations Direction 

Orientations locales 

Le CODIR d’agence élabore les priorités annuelles à par‐tir du Projet collectif,  des besoins de l’entreprise, be‐soins des services 

Le Management de proximité éla‐bore les Plans Individuels de For‐mation à partir des besoins indivi‐duels (éventuellement projet de l’agent) au cours de l’E.I 

Validation hiérarchique 

Ressources,  moyens, budget 

Le plan de formation à EDF a statut de « plan de développement des compétences » ; suivant la formule d’Alain Meignant21. Avec la politique budgétaire, les orientations politiques sont le socle incontournable de la formation. Le plan de formation est une prévision annuelle d’investissement dans des actions de formation. Il se définit à partir : des besoins détectés pour maintenir et développer les compétences des agents, et des moyens budgétaires cor-respondants à mettre en œuvre Il comprend :

                                                            19 Jean‐marie BARBIER, (1994), « L’évaluation en formation », Puf 20 Le plan de formation est « une obligation légale, un outil de gestion prévisionnelle des ressources humaines, un moyen de développement des capacités et des compétences, un moyen d’adaptation et de développement du potentiel des personnes, une action de communication sur la politique de formation ». 21  Alain MEIGNANT, actualité de la formation permanente, n° 193, nov/dec 04‐ centre inffo  

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• Les objectifs de formation découlant des orientations nationales et locales. Ils explicitent les raisons qui sous-tendent les actions à mettre en place, les priorités dans les actions à envisager.

• Une prévision quantitative des besoins exprimée en volumes d’heures, nombre de stagiaires, volumes de dépenses ; prévisions réparties par type de formation, domaines de formation, catégories profession-nelles, niveau de réalisation, collège

• La liste des actions de formation avec le volume associé en respectant l’anonymat des personnes.

A l’intérieur de ce champ de contraintes le plan de formation est conçu pour permettre l’accomplissement des missions présentes (besoin de fonctionnement immédiat) et futures (préparation de l’avenir, anticipa-tion). Toute action de formation se voit rattachée à une catégorie selon qu’elle répond à l’objectif :

- d'adaptation du salarié au poste de travail : catégorie I - d’évolution des emplois ou participant au maintien dans l'emploi ; catégorie II - de développement des compétences des salariés, catégorie III

La politique de formation formalise un certain nombre de finalités telles que : « Etre plus efficace, favoriser les évolutions, préparer l’avenir ». Elle s’attache dans sa mise en oeuvre à respecter les obligations légales et les principes de gestion édictés par la Direction Générale. Ici la logique quantitative prend le pas sur la logique qualita-tive. Le pilotage obéit à « la logique de la dépense » ; ressources, budget, moyens sont les principaux critères d’arbitrage affichés qui président aux décisions relatives à la formation. Le tableau ci-après, présenté en Comité d’Etablissement aux partenaires sociaux, illustre notre propos :

Chiffres clés du plan de formation 2008 de l’Unité de Service Nord-ouest

( aujourd’hui, une des 7 agences régionale du CSP RH )

BUDGET PREVISIONNEL 2009 GLOBAL

VOLUMES

NOMBRE DE STAGIAIRES

1331,15

25454

1106

K Euros

Heures

Places

L’évaluation quantitative ne sélectionne que les critères qu’elle sait pouvoir mesurer ; les volumes tiennent lieu de politique d’évaluation. « On a une photographie mais on ne sait pas comment la situation c’est créée…22 ». Or, la formation n’est pas un but en soi23 . Ces chiffres ne produisent pas en eux-mêmes d’élément d’explication. Ils demandent à être mis en relation avec les orientations stratégiques et avec les indicateurs relatifs à la marche

                                                            22 Jacky BEILLEROT, (octobre 2003), Sciences Humaines n°142 23 En cela nous suivons Jacques SOYER quand il suggère de remplacer l’expression « besoin de formation » par « problème à régler par la formation » ou par « objectifs à atteindre par la formation »  in  « Fonction Forma‐tion », (2007, 4ième édition), ANDCP, Eyrolles. 

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générale de l’entreprise. On fait là comme si la mesure comptable pouvait se lire comme un indicateur social re-présentatif de la performance ou de la défaillance sociale.

En laissant dans l’ombre l’analyse qualitative de la formation, le Plan de Formation de l’unité induit une lecture réductrice de l’effort fournit et affaiblit sa véritable portée.

Le CSP RH, au travers de ses attitudes comptable et fiscale, semble avoir une conception règlementaire et admi-nistrative du management de la formation: L’évaluation de la formation apparaît ici comme une charge admi-nistrative légale dont il faut scrupuleusement s’acquitter, en respectant les échéances et l’information des partenaires sociaux. La rigueur administrative et comptable semble être là une fin en soi. A première vue l’évaluation semble déconnectée de la formation : le plan de formation traduit les décisions politiques sans que soient articulés entre eux les pré-requis, les acquis et les effets de la formation.

On peut se demander si, dans une organisation « en mouvement », la cohérence des différents niveaux de syn-thèse est suffisante pour prendre les décisions pertinentes, et ce par rapport aux contextes locaux et aux enjeux nationaux. On peut s’interroger sur le fait que les différents lieux et procédés de recueil et de traitement de l’information sont insuffisamment articulés entre eux ; notamment pour ce qui est de l’articulation entre la formation et la production.

Il n’existe pas de boucle de retour permettant de mesurer l’efficience de la politique de formation ; pas plus qu’existe une politique d’évaluation. La Directrice du Centre de Services Partagés RH de EDF constate que « beaucoup d’énergie et de ressources sont consacrées à la formation, sans que l’on connaisse vraiment son efficacité ».

Contrairement à la mesure quantitative, la dimension qualitative n’est pas traduite en termes d’objectif24. Ce qui est étonnant dans une entreprise dominée par le modèle technocratique. D’autant que l’impératif gestionnaire « considère » qu’il est nécessaire de formaliser le système et ainsi d’objectiver ses décisions. Les pratiques d’évaluation de la formation au CSP RH semblent laissées à l’initiative des managers. Ainsi, la procédure d’évaluation se dissout dans l’entretien individuel. Si en amont des actions de formation les besoins sont recen-sés chaque année, la réponse formation est plus induite par la demande que par le besoin ; l’expression du be-soin ne résulte pas d’une analyse effective. Aucun cahier des charges ne vient l’appuyer. La démarche suit « la logique du catalogue ». C’est l’offre qui structure la demande de formation. Et même si les arbitrages tiennent compte des orientations politiques la question de l’évaluation n’est pas « convoquée ». Le management se préoc-cupe surtout du niveau d’engagement du plan de formation. Ce déficit d’évaluation peut s’expliquer par un manque de volonté et par la crainte : crainte d’être dépossédé de son expertise ou d’avoir à la reconnaitre finan-cièrement, mais aussi risque de montrer son incapacité à faire et peur d’être évalué en retour…

En aval, l’accent semble mis sur les recueils d’opinions. Les recueils d’information ou les enquêtes constatées visent essentiellement à mesurer le degré de satisfaction des stagiaires ou des clients donneurs d’ordre. Le fait de

 24 Documents EDF‐SINO dont note d’organisation DS/SR/NOT/03‐0073 et  DS‐UN /SR/NOT/04‐0025 

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recueillir les souhaits des agents une fois par an, le fait de mesurer l’opinion des stagiaires à l’issue de certains stages et le fait de mesurer le niveau de satisfaction des clients25 sont certes des conditions nécessaires. Elles ne constituent pas pour autant la boucle de retour sur la formation. Elles ne suffisent pas non plus pour mesurer la pertinence de la politique de formation. Elles ne peuvent, par conséquent, tenir lieu de stratégie d’évaluation.

Du point de vue organisationnel, les dix-huit mois qui séparent l’expression des besoins du début de réalisation de la formation posent problème. Du fait même de l’ampleur des changements organisationnels, en particulier sur le périmètre et la pérennité de certains emplois, il est actuellement difficile aux managers de se projeter au-delà de l’année. Sauf à sortir du plan de formation, les managers de proximité n’ont pas d’alternative ; sachant que « le juge de paix » est le respect des engagements inscrits au plan de formation. Le suivi des actions de for-mation porte essentiellement sur les indicateurs légaux : dépenses, durées, effectifs formés, parité homme/femme etc.…qui, une fois encore ne disent rien de l’efficience de l’effort formation. Force est donc de constater que la Direction ignore l’influence réelle de la formation sur la marche de l’entreprise.

Les aspects structurels et conjoncturels peuvent certes constituer une difficulté à l’édification d’une évaluation stratégique26, pour autant l’exemple de la production nucléaire, soumise au même cadre règlementaire, montre qu’il est pourtant possible d’élaborer et de mettre en œuvre une politique et une stratégie d’évaluation cohérente. Dés lors, on peut penser que le management de l’évaluation de la formation du CSP RH se résume à la gestion de «l’empilement » de dispositifs financiers et de projets pédagogiques. L’évaluation au CSP RH constitue plus un outil de gestion administrative que de management stratégique.

Ces constats nous amènent à comprendre que le comportement des acteurs ne se réduit pas à des effets de structure ou de système. L’acteur agit de manière intentionnelle et stratégique. Les pratiques sociales qui condi-tionnent ces actes en sont en même temps le produit, de sorte qu’il y a une causalité circulaire entre structure sociale et action sociale. Le système d’évaluation reflète le style de rapports humains existant dans l’entreprise ; style dépendant à son tour des contraintes et de l’idéologie de l’organisation. L’évaluation de la for-mation est bel et bien un sujet complexe. Les chapitres qui vont suivre vont nous éclairer davantage.

§ § §

 25 Cf. « enquête satisfaction client interne de juin 2008 », EDF‐SINO   26 Ibidem. Bernard MASINGUE 

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PREMIERE PARTIE

(2ième volet)

« L’évaluation en analyse »

A La recherche de l’obscur objet de l’évaluation….

A dires d’experts…malaise dans l’évaluation.

Le but est dans le chemin.

Le pilotage de l’évaluation : Une question de management…

« Pratiques de l’éclairage théorique »

§ § §

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Questionnement lié aux constats

A la recherche de l’obscur objet de l’évaluation27…

Nous venons de voir que les entreprises, notamment le CSP RH, globalement ne cherchent pas à apprécier l’impact des actions de formation à partir des indicateurs physiques28 et économiques29.

Quand il est dit que l’évaluation de la formation n’est pas une priorité qu’est-ce qui est dit ? Quand le caractère difficile de l’évaluation est mis en avant pour ne pas faire, qu’est-ce qui est fait ? Et si, pour surmonter ces con-tradictions, respecter les exigences du management par la qualité et remédier à la faiblesse des usages il man-quait justement aux prescripteurs de mieux poser le problème ; « Lorsque l’on ne sait pas ce que l’on

cherche, on ne sait pas ce que l’on trouve30 ! ». D’autant qu’« Il n’existe pas de lien direct de cause à effet entre les activités de formation et la marche de l’entreprise. L’évaluation présente le grave inconvénient de

reposer sur l’hypothèse simpliste de cette relation directe »31.

Rien d’étonnant à cela quand on sait que peu d’acteurs sociaux sont formés à l’évaluation. Le commun des mor-tels adhère à un modèle d’évaluation rencontré de manière fortuite, ou « bricole » à partir des modèles en vogue dans les institutions ; le plus répandu est sans doute le modèle scolaire. A tel point qu’il n’est pas rare de trouver des systèmes de notation des employés en lieu et place de l’évaluation de leur professionnalisme ou de leur performance.

Notre travail se fonde sur l’idée que le but orientant l’action, le comportement des acteurs obéit à une logique particulière, que cette rationalité procède d’un modèle implicite, que cet implicite nous amènera bientôt à poser une problématique et un cadre d’analyse conceptuel susceptible de l’expliciter à partir des questions suivantes : De quoi parlons-nous quand nous parlons d’évaluation en formation au CSP RH ? Que veut-on évaluer au juste ? Dans quel but ? Selon quels critères ? À destination de qui ?... comme le note Alain Meignant32, l’absence de réponse claire à ces questions est l’une des causes essentielles de la faiblesse actuelle des pra-tiques d’évaluation

A dires d’experts33…

La représentation sociale ordinaire est que l’évaluation est une technique sans lien avec celui ou celle qui l’emploie. Mais l’évaluation n’est ni une science en soi, ni une méthodologie universelle.

Les recherches contemporaines34 en évaluation ne la réduisent plus à un ensemble de procédés techniques répu-tés rigoureux et objectifs. « L’évaluation n’est pas la pratique de la notation ». Elle ne se laisse plus enfermer

                                                            27 Ce chapitre doit beaucoup aux travaux de Michel VIAL,  à ceux de Michel LECOINTE et à ceux d’Anne JORRO 28 Par exemple en gestion du personnel le nombre de dossiers agents traités 29Par exemple des objectifs de gains de productivité ou des parts de marché 30 Alain MEIGNANT, (2006, 7ième édition), « Manager la formation », Editions Liaisons 31 Jean‐Marie BARBIER, (1994), « L’évaluation en formation », Puf 32 Ibidem A.MEIGNANT  

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dans des moments et objets identifiables et spécifiques comme les évaluations formatives et sommatives, les objectifs de formation, le transfert des acquis. Elle n’est plus considérée comme un dispositif linéaire, chronolo-gique et discontinu. Les chercheurs proposent des ensembles de notions et de concepts qui sans se mé-langer ne demandent pas mieux que d’être combinés en fonction de la problématique traitée.

Dés lors, si « L’évaluation se caractérise plus qu’elle se définit », qu’est-ce donc qui la caractérise ?

Il n’existe pas non plus de grille universelle d’évaluation des acquis. « Les acquis à évaluer sont donc illimités et

cette évaluation n’a de sens que si elle s’inscrit dans le processus de formation »35. Pour autant et comme chacun sait, il existe des grilles et procédures d’évaluation structurantes dans le cadre de diplômes, concours, habilita-tions, ou construits36 en référence aux objectifs de formation et aux contenus de la formation. Elles sont déclinées à partir des référentiels emploi/compétences et des référentiels de formation37.

« L’évaluation est une lecture de la pratique, en continu, et, comme toute lecture, elle dépend d’un en-semble de normes et de surnormes, d’à priori, de conceptions. Ces surnormes agissent l’évaluateur, le travaillent38 ».

Articulation Recherche/Mission

Malaises dans l’évaluation…

Dés lors que l’on quitte le terrain de l’évaluation des actions de formation pour venir sur le terrain de l’évaluation de la formation, il nous apparaît que la question de l’évaluation en formation suscite un malaise. Dans « l’économie de

la dépense », comme le dit Bernard Massingue, l’évaluation est perturbatrice. Or « tout problème est corréla-tif à des buts », comme l’écrivait fort justement Guy Palmade. En cela nous espérons prolonger la réflexion de Marc DENNERY39 qui nous engage à interroger le but de l’évaluation avant de la mettre en place : « sanction-ner » ou « faire progresser » ? Nos buts sont en effet loin d’être toujours évidents. Bien souvent, au contraire, ce n’est qu’à la suite d’une longue réflexion sur nos activités, et d’une réflexion engagée, que nous découvrons les buts qui se révèlent et s’assurent comme nos buts véritables. Ces derniers légitiment les décisions prises ; déci-sions pouvant être de l’ordre de l’orientation, de la certification ou de la régulation40. Cette question des buts, à nos yeux centrale, explique pourquoi nous avons envisagé le problème de l’évaluation au CSP RH en tant que pro-

                                                                                                                                                                                            34 Michel VIAL, (2005, 3ième tirage), « Se former pour évaluer », de boeck, pédagogies en développement  35Marc DENNERY, 2001, « Evaluer la formation après la réforme », ESF Editeur 36 (Tests, mises en situations, QCM…) 37 Comme c’est le cas dans l’éducation nationale, l’industrie nucléaire ou ferroviaire 38 Ibidem. Michel VIAL, 39 Ibidem. Marc DENNERY 40  Jean‐Marie DE  KETELE  et  Xavier  ROEGIERS  (3ième  tirage  1999),  « Méthodologie  du  recueil  d’informations », DEBOECK Université p39 et suivantes 

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blème à « double question 41 ». C'est-à-dire pour lequel nous ne pouvons explicitement définir le chemin condui-sant à la solution.

Par ailleurs, qui dit décision dit pilotage, aussi étions nous déterminés à fixer notre attention, non sur les problèmes de mise en œuvre42 de l’évaluation de la formation, mais sur ceux de son management. Comme nous l’avons dit au chapitre précédent, il nous semble qu’en la matière, l’attitude des entreprises résulte d’une « rationalité limi-tée43 ». De ce fait, nous considérons l’actuel déficit de pilotage de l’évaluation de la formation comme la résultante de décisions individuelles et collectives. A la lumière de ce qui précède, l’évaluation semble être à la fois un problème en soi, et un problème pour soi : L’évaluation est aussi affaire d’évaluateur. Mais sait-il, peut-il, veut-il évaluer ? Que savons-nous au juste sur ce sujet ? D’où nos questions de départ : Comment se fait-il que l’évaluation en formation suscite tant « d’embarras » chez le prescripteur ? En admettant que l’opacité des objectifs et des critères d’évaluation de la formation, le « al-lant de soi » » soient la trace d’une attitude rationnelle, quelles en sont la source et la nature ? Il nous faut encore prendre du recul, trouver la démarche et les outils d’ingénierie ad hoc... Le but est dans le chemin…

Revenons un instant en arrière, certes, il s’agit de répondre à la demande et à la commande du CSP RH, de chercher les réponses à nos hypothèses, pour autant, nous souhaitons provoquer un changement de regard du management sur la fonction formation au CSP RH. D’une certaine manière il nous faut provoquer ce changement ou créer les conditions propices au changement.

Compte tenu de tout ce qui précède, nous avons donc choisi d’adopter la posture de « clinicien » et d’exploiter la boîte à outil de l’’ingénieur-conseil en formation : « L’audit est une démarche spécifique d’investigation et

d’évaluation à partir d’un référentiel, incluant un diagnostic et conduisant éventuellement à des recommanda-

tions »(…) L’entreprise demande un audit en vue de résoudre un problème, dysfonctionnement ou déséquilibre,

mais aussi pour solliciter des propositions, des orientations suite (ou non) à un état des lieux ou une évaluation

d’un dispositif, d’une situation ou d’une fonction »44.

Concrètement nous avons procédé à un pré-diagnostic (Cf. notre rapport de mission). L’avantage étant de légi-timer nos constats aussi bien auprès de la DRH que vis-à-vis de la fonction formation, l’outil nous semblait de nature à faciliter la prise de conscience des enjeux et des possibilités de conduire autrement le change-ment. De manière implicite il s’agissait pour nous d’aider à la construction d’une image positive de la fonction formation auprès des managers.

                                                            41 Guy PALMADE (2008), « Préparation des décisions : l’étude de problème », L’harmattant 42 Objet de notre mission au sein d’EDF que nous détaillons dans la quatrième partie du présent mémoire 43 En référence aux concepts de la sociologie des organisations. 44 Thierry ARDOUIN, (2005‐2006), Audit et conseil en formation. Cours Master 2 ICF,  

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Notre pré-diagnostic doit donc s’entendre à la manière de Thierry Ardouin « (…) Dans le déroulement d’une mis-

sion d’audit, le diagnostic correspond au moment où les constations faites sont suffisantes pour énoncer un pro-

blème en indiquant sa nature, ses causes, ses conséquences, effectives ou possibles45 ». L’adaptation libre de cette démarche nous a permis de :

Dessiner « à grands traits les contours et les lignes de force » du système d’évaluation de la formation du CSP RH à un moment clé de son histoire46

D’appréhender les perceptions, représentations et « attentes » de la ligne managériale relative au mana-gement de l’évaluation

De concevoir des préconisations et une action d’ingénierie de formation (Cf. notre rapport de mission) pour faire évoluer l’entité.

En définitive, l’articulation mission /recherche aura permis d’identifier la question de l’explicitation de la

politique et de la stratégie d’évaluation au CSP RH, et de sa mise en oeuvre.

La question de recherche

Le pilotage de l’évaluation de la formation : Une question de management ?

Notre travail d’exploration a confirmé l’existence, côté prescripteur, de tensions47 dans la manière de considérer l’évaluation de la formation et de se positionner vis-à-vis d’elle. Les constats empiriques et les résultats du pré diagnostic tirés de la mission orientent notre réflexion vers le management de la formation ; premier destinataire mais aussi premier acteur de l’évaluation. Si changement il doit y avoir, le management va se trouver en première ligne. Pour avancer, nous allons partager en tout à priori le point de vu de Cyril Baumgarten48 : L’évaluation est beaucoup plus une responsabilité de manager que de formateur. Du point de vue de son efficacité, un dispo-sitif d’évaluation de la formation nous semble devoir être en cohérence avec les outils RH que sont : l’entretien annuel, les projets professionnels des individus, la politique de formation, le tutorat, la validation des acquis de l’expérience…. C’est en fonction de leur articulation logique que l’évaluation trouve son sens et que les managers lui accordent une signification. Notre souci est de montrer que l’évaluation de la formation peut être positionnée comme un outil stratégique pour la DRH. Dans ce sens l’évaluation n’est pas seulement l’affaire des managers de terrain. Le responsable formation pourrait s’en saisir comme levier pour rénover ses pratiques et retrouver un positionnement stratégique.

                                                            45 Ibidem, Thierry ARDOUIN 46Ce faisant est apparue l’opportunité d’externaliser la collecte et, dans une certaine mesure, l’analyse des éva‐luations à chaud et à froid des actions de formation.  47 Cf. rapport de mission 48 Ancien directeur‐adjoint de la Direction du Personnel et des Relations Sociales d’EDF et de GDF in « L’évaluation au service de qui ? », Education permanente, supplément EDF‐GDF, Université d’été 2000

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Du point de vue de la recherche en science de l’éducation, notre souci est donc maintenant d’explorer le champ complexe de l’évaluation en formation afin d’apprendre à conceptualiser nos propres pratiques. Mais si pratiquer l’évaluation c’est être confronté à la nécessité de réfléchir sur sa pratique, c’est aussi devoir se plonger dans les livres. Et lire les théoriciens de l’évaluation, c’est « se colleter avec des textes difficiles, abstraits, c’est acquérir un vocabulaire, une syntaxe spécifique aux études en évaluation, une grammaire ». Ce d’autant qu’Il appartient au lecteur de faire les liens nécessaires à leur appropriation. Aussi nous nous proposons de traiter la question centrale de notre recherche en ces termes :

En quoi, le pilotage de l’évaluation en formation constitue-t-il un outil stra-

tégique de management au CSP RH ?

Notre problématique met en évidence des concepts qui nécessitent un cadrage théorique : évaluation, problème, management stratégique, pilotage, représentations. Nous renvoyons en annexe le lecteur curieux de connaître le cadre théorique que nous avons retenu.

« Pratique de l’éclairage théorique… »

« Le management stratégique49 » de l’évaluation en formation…

Bien que l’usage en soit aujourd’hui courant, le terme de management recouvre une réalité qui remonte aux ori-gines de notre histoire. Pour faire simple, le management désigne (depuis l’ère industrielle) la sédimentation des savoirs empiriques accumulés au cours des siècles au gré des évolutions historiques, techniques, et socio-économiques. « Ce savoir regroupe un ensemble de recommandations à l’intention des managers soucieux

d’efficacité. A ce sujet au CSP RH, les réunions du réseau des Managers (« réseau MPL ») et les séminaires de l’encadrement sont des instances de partage des savoirs particulièrement significatives.

Ce savoir empirique concerne :

• La préparation de l’action collective (anticipation, analyse des environnements, fixation des buts et d’objectifs, planification à long et court terme)

• L’organisation des ressources humaines, financières et matérielles (structures, répartition des rôles, pro-cédures, moyens d’ordonnancement et de suivi)

• La conduite quotidienne de l’action (relations, communications, coordination, arbitrage)

                                                            49 L’institutionnalisation du management stratégique à EDF date de 1988.  

 

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• Le contrôle (mesure des écarts entre prévisions et réalisations, mesures correctives)

(Source : « A la recherche de l’organisation », Banlieues-Média.com). Nous reviendrons sur cette définition et ses limites.

Nous pensons comme Nicole Aubert et Vincent De Gaulejac, que « le management peut se définir comme « l’ensemble des pratiques que l’organisation met en place pour gérer les conflits rencontrés pour atteindre ses

objectifs. On trouve ici les deux racines du terme : aménager, ordonner, organiser les choses et les hommes en

vue de leur production collective ; mais également ménager, arranger, arbitrer pour faire coexister des éléments

épars dont l’agencement produit des tensions, des incompatibilités, des oppositions »

« (…) Evaluer son activité c’est prouver qu’on la gère. L’évaluation est un acte de management » (Jouve-nelle et Masingue 1995). La démarche appelle la responsabilisation de tous les acteurs concernés par la forma-

tion-notamment l’encadrement et les directions- en les impliquant dans l’observation des résultats obtenus (ou non

obtenus) et dans l’analyse de pertinence des moyens mobilisés ».

Stratégique est un adjectif d’origine grec stratêgikos : « qui concerne » la stratégie. Stratégie : « gouvernement militaire », du grec stratêgia : « art de faire évoluer une armée sur un théâtre d’opérations jusqu’au moment où elle

entre en contact avec l’ennemi » (petit robert). L’adjectif stratégique renvoie au mot stratégie qui désigne « un

ensemble d’actions coordonnées dont la seule finalité est de gagner, de parvenir à la victoire » (encyclopédie Universalis). Dans son livre « le management stratégique » (1990, Vuibert Entreprise) J.Orsini50 appelle « stratégie

l’ensemble des décisions et des actions relatives aux choix des moyens et à l’articulation des ressources en vue

d’atteindre un objectif ».

« A EDF il s’agit de faciliter l’emboîtement de différents niveaux de logiques avec le souci constant d’ouverture sur

l’environnement et de permettre, par la mise en œuvre d’outils de management participatif, la focalisation du ma-

nagement sur les équipes opérationnelles 51». Depuis vingt ans, l’implication des agents est une idée forte de la Gestion des Ressources Humaines. Les organisations reposent, depuis lors, sur un mode de management qui vise à donner aux agents un certain pouvoir d’action pour le compte de l’entreprise. En reprenant à notre compte les termes de Jacques Langlois52 ancien cadre supérieur de la Direction du Personnel et des Relations Sociales d’EDF : « management, car il s’agit de diriger, piloter, de conduire les entreprises de manière volontaire vers un avenir incertain mais orientable. Stratégique car il s’agit de situer l’action à moyen terme à l’intérieur de grandes lignes directrices qui se dessinent à long terme. Intégré, car politique et stratégie d’entreprise doivent être considérées et menées globalement»

La mise en place du management stratégique s’est accompagnée de profonds changements ; en particulier dans le vocabulaire officiel. C’est donc dans ce contexte que, le glissement de la catégorie agent à celle d’acteur, a

 50 Rappelant la définition de THIETART, (1984), « la stratégie d’entreprise », Mc Graw Hill 51 Farid BOUAKAZ, (1998), « De l’intégration stratégique à la modernisation symbolique de l’entreprise », DESU consultant, université Paris VII. 52 Jacques LANGLOIS, Education permanente n°103 

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particulièrement retenu notre attention. D’autant que cette entreprise n’emploi ni « agent de la circulation », ni acteur de cinéma ; du moins en tant que tel.

« L’agent acteur53 »

Le terme agent, inscrit dans le statut du personnel, est en usage à EDF depuis sa fondation en 1946 ; Le terme acteur est apparu pour la première fois en 1978, et ce de manière tout à fait confidentielle, dans un rapport de la Direction de la Distribution.

Les « gloses définitionnelles54 » révèlent le caractère agentif du mot acteur et non agentif du mot agent. Dans le premier cas le sujet décide d’agir. Il est volontaire, son action est délibérée. Dans le second cas l’action est déci-dée par autrui. « Les agents seraient, donc, ceux qui ont hérité d’une mission, qu’on leur en ait donné la charge ou

qu’ils soient prédéterminés par la nature ou prédestinés par la structure sociale (...) l’agent n’est pas un instiga-teur, mais un vecteur, tandis que l’acteur prend volontairement les choses en main (…)» 55.

Dans les acceptations relatives à notre recherche, acteur s’entend au sens de « protagoniste » et agent au sens d’«employé ». Agent se voit ainsi doté d’une valeur dénominative correspondant à une appellation, alors que l’acteur, en tant qu’attribut du sujet, désigne le nouveau rôle, nouveau comportement que devraient adopter les agents56. Si le terme agent a pour fonction de désigner la personne qui agit, l’action de l’agent ne suppose pas l’exercice de sa volonté, de sa liberté, de son esprit d’initiative. Il y a donc là un paradoxe qui tend à complexifier davantage la situation.

Acteur, l’agent n’en est pas pour autant moins agent57. En effet, dans sa recherche d’efficacité, le management comporte toujours une dimension normative, qui annihile le sujet..« Il cherche à établir les bonnes manières de

faire. Il cherche à fournir des indications sur le souhaitable, sur ce qui est le plus efficace. Et bien qu’il fasse appel

aux sciences (mathématiques, macro et micro-économie, sociologie, psychologie…), le management demeure une

discipline empirique. Les décisions de management impliquent un contexte de pénurie de temps, d’incertitude, de

complexité, d’antagonismes, de contradictions ; elles sont des choix faits par ceux qui les assument (les mana-

gers) et comportent de ce fait une part d’intuition, de pari, d’expérience, de compromis, de routine, de préférences

personnelles ».

Les positions individuelles sont aussi considérées comme des positionnements sociaux58 ; c'est-à-dire de pouvoir. La sociologie des organisations nous apprend que pour comprendre la demande d’évaluation, son acceptation ou

 53 Cette section doit beaucoup à  Fabienne CUSIN‐BERCHE, (2003), « Les mots et leur contexte, Presses Sorbonne Nouvelle ; du latin « actor » : qui agit. 54 C'est‐à‐dire les définitions des dictionnaires spécialisés comme le Grand Larousse de La Langue Française, le Petit Robert. Citées par Fabienne CUSIN‐BERCHE 55 Ibidem 56 S’opposant à spectateur, puis à hiérarchie et enfin à manager avant d’inclure tout le personnel ou même les entités extérieurs 57 Nous y reviendrons 58 cf Hélène BEZILLE, (2005‐2006), Adultes en formation, cours de Master ICF  

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la résistance à sa mise en œuvre, il faut en chercher l’origine dans la représentation que se font les individus en situation.

L’ingénieur, mais aussi le consultant en ingénierie de formation, ont tout intérêt à se préoccuper de cette question ; surtout quand ils sont saisis d’une demande relative à l’évaluation de la formation. « La notion de représentation

est incontournable dans les processus de changement » ; elle permet de comprendre en particulier : Sur les plans

individuels et collectif, les raisons de la résistance au changement, les stratégies individuelles et collectives et les

processus psychosociaux mobilisés dans la recomposition des identités collectives au sein d’une organisation. Les

positionnements dans les processus d’apprentissage, en particulier quand il s’agit de passer d’une manière de voir à une autre manière de voir59 »

Le concept de représentations sociales va maintenant nous aider à comprendre les positionnements individuels et collectifs des différents acteurs impliqués dans le management de la formation ; elles vont nous permettre d’approcher et de comprendre leur perception de l’évaluation de la formation, y compris dans la perspective d’en faire un outil de management stratégique.

« Les représentations comme mode de connaissance »

Serge Moscovici conçoit les représentations comme une activité de connaissance grâce à laquelle se construi-sent un savoir et une vision du monde. A partir de cette dernière l’individu agit, gère sa vie courante, s’intègre et s’implique dans la vie sociale. Moscovici réserve le terme de représentations sociales à cette catégorie de con-naissances et de croyances qui relèvent du sens commun. « Les représentations sociales sont des modalités de

pensée pratiques orientées vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l’environnement social,

matériel et idéel60 ». ll ne s’agit pas pour autant de voir là des approximations « mais de remarquer que leur mise

en forme du social et du naturel contribue à un certain nombre de réalité, et que ces savoirs communs disent à leur manière, à la fois quelque chose du collectif et du réel »... Bien qu’il distingue représentations collectives et représentations individuelles, Moscivici considère que la force des représentations collectives les rend domi-nantes. Après Piaget il a montré que si les représentations collectives pèsent sur les représentations, celles-ci évoluent en fonction des rapports successifs que l’individu entretient avec la société.

Pour D.Jodelet, aussi les représentations sociales sont « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social» (…) En tant que systèmes d’interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, les représentations sociales orientent et organisent les conduites et les communications sociales61.

Clenet précise qu’elles «se construisent par l’interaction avec les autres, par le contact avec la réalité dans

l’action»62 et «seraient à la fois produits et processus interindividuels, intergroupes et idéologiques, qui

entrent en résonance les uns avec les autres pour former des dynamiques propres à une institution […] et ces

 59 Ibidem  60 Serge MOSCOVICI, (1995), Manuel de psychologie social, Puf 61 JODELET, « Les représentations sociales: un domaine en expansion »,  dans  Les représentations sociales, 62  J.CLENET, (1998), cours  au CUEEP de Lille 

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dynamiques ne sont pas indifférentes quant à la construction des représentations individuelles » 63. Cette dernière définition rend compte à la fois des interactions entre les différents types de représentation et de leur dynamique.

Enfin, même si elles ne peuvent exister sans référent, les représentations sociales portent la marque du sujet qui reconstruit l’objet et l’interprète, tout en s’exprimant à travers elle. Elles supposent un objet et un sujet. Les repré-sentations sociales possèdent des caractéristiques :

• Elles s’intègrent toujours à un ensemble de représentations dont il faut tenir compte pour leur donner une signification

• Elles sont fondées sur des valeurs partagées par un groupe

• Elles servent de guide pour l’action collective et individuelle

• Elles sont stables dans le temps et cohérentes dans leur contenu ; c’est à cette condition qu’elles peuvent servir de repères pour lire le réel

• « Les représentations comme analyseur »

• Pour Serge Moscovici, le concept de représentation, « [il] permet d’étudier les comportements et les rapports sociaux sans les déformer ni les simplifier »64. Les représentations individuelles sont «ce

qu’un sujet a pu intérioriser d’une situation vécue, [de] ce qui pour lui "fait sens" et donne sens à ses ac-

tions… [elles] sont fondées sur des expériences singulières et sont construites de manière tout autant

singulière dans un environnement qui devient alors singulier »... Le système de représentations constitue un élément signifiant (c’est une opération mentale d’interprétation de la réalité qui confère un sens et une cohérence à l’individu), et significatif (les images intériorisées « véhiculées dans les discours dévoilent une certaine vision du monde) dans l’étude du management de l’évaluation.

• Dans l’entreprise, l’identité professionnelle se construit aussi bien dans la relation que dans la fonction exercée65. Cette identité procède du jeu des interactions permanentes entre les différents acteurs. Elle donne lieu à des ajustements sans cesse renégociés entre les identités pour soi et les identités de soi. Il s’en suit en permanence une pluralité des systèmes de relations et une redistribution des pouvoirs entre acteurs. Les travaux des chercheurs de la sociologie des organisations ont montré combien ces relations de pouvoir dans l’entreprise produisent les normes collectives de comportement, fournissant par là une façon d’élaborer un sens pour soi dans la multiplicité des rapports sociaux et la possibilité de le faire re-connaître par les partenaires de travail. Autrement dit chaque forme identitaire est une « définition de si-tuation ». C'est-à-dire, une façon pour chacun de donner un sens aux contextes qu’il rencontre (ou croit

 63 Ibidem 

64 Serge MOSCOVOCI, (1989), « Des représentations collectives aux représentations sociales », Puf 65 Claude DUBAR, (1995), « la socialisation, construction des identités sociales et professionnelles, Armand Co‐lin » 

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rencontrer) et à la réalité qu’il perçoit (ou croit percevoir). Chacun construit ainsi et en permanence son propre système de représentations.

• Parce qu’elles sont stables dans le temps et cohérentes dans leur contenu, les représentations consti-tuent des " grilles de lectures ", et des " guides d’action »66 reconnus. Ainsi, nous croyons que le système de représentations constitue un élément signifiant et significatif des rationalités à l’œuvre chez les mana-gers du CSP RH.

Pour autant et afin de s’organiser, raisonner, décider, les individus ont recours à des modèles67 mentaux qui sont des cadres de références. Aussi, pour comprendre les pratiques d’évaluation au CSP RH, leur intérêt et leurs limites il nous faudra considérer les rationalités qui les sous-tendent. Par rationalité, il faut entendre « les formes

spécifiques, conceptuels, heuristiques et sociales produites par les différentes tentatives de rationalisation du

monde68 ».

§ § §

 66  D. JODELET , « Les représentations sociales, regard sur la connaissance ordinaire », Sciences Humaines n°27, Avril 1993

 

67 Modéliser, c'est‐à‐dire « action d’élaboration et de construction intentionnelle, par composition de symboles, de modèles, susceptibles de rendre intelligible un phénomène… », LE MOINGNE (1990) 68 G.GRANGER (2002), article « épistémologie », Encyclopedia Universalis, volume 8  ; cité par M.LECOINTE 

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DEUXIEME PARTIE

« Evoluer pour évaluer »

Problématique, et démarche méthodologique

« Discours sur la méthode et discours de la méthode … Et cuisine instrumentale… »

§ § §

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Problématique et hypothèses de recherche

Du problème69 à la problématique…

Nous avons vu que s’interroger sur le dispositif d’évaluation de la formation en tant qu’outil de management straté-gique, c’est s’interroger sur le système de pilotage de la formation et sur les représentations que le « Manage-ment » forme à son sujet. C’est en particulier se demander si l’évaluation est perçue comme moyen pouvant favo-riser le changement attendu. L’étude s’avère d’autant plus nécessaire que l’efficience d’un système d’évaluation de la formation dépend à la fois des pratiques et des attitudes des acteurs et de l’accueil qu’on lui réserve ; autrement dit de l’implication non seulement de la ligne managériale, mais aussi celle de la DRH ou encore des agents. Or le changement est générateur d’anxiété pour les individus, » (…) dans la mesure où il est synonyme de rupture, de

remise en cause, contribue à la perte de repères antérieurs, favorise les interrogations sur soi, son devenir, sa

qualification 70». De ce point de vue, compte tenu de l’ambition du Directeur du CSP RH (Cf. introduction p 6), le changement constitue en lui-même un véritable défi ; et ce, à travers la remise en cause des habitudes mais sur-tout des postures qui résultent probablement de « sédimentations successives » .

Dans le cas présent, le changement suppose la rénovation de pratiques managériales, l’émergence d’une culture partagée de l’évaluation, la mise en place de modalités participatives. Autrement dit, la conduite du changement nécessite, en l’espèce, d’agir à la fois sur la compétence à évaluer, l’organisation de l’évaluation, et sur la connaissance des pratiques évaluatives. L’évolution passe donc par des apprentissages techniques et culturels susceptibles de faire évoluer les postures des managers et des agents en la matière. Ce qui n’est probablement pas une mince affaire ; si l’on songe que de telles évolutions induisent une redistribution des pouvoirs. D’autant qu’au même moment, chaque manager, chaque salarié du CSP RH est pris « dans la lutte des places »71. Mais pour qu’il y ait « problème72 », il faut que non seulement nous nous interrogions à propos de l’action à entre-prendre ou en cours, mais encore que nous nous interrogions sur la façon de nous y prendre pour le résoudre.

Comment étudier ce problème ?73

Il est clair que notre recherche nécessitait de réunir de l’information mais pas n’importe comment. Nous devions rechercher, découvrir et réunir celles qui pouvaient nous permettre de progresser dans la compréhension de ce qui posait problème. « Il convient de consolider au fur et à mesure l’information réunie et pour cela la critiquer

systématiquement : Est-elle complète ? Est-elle juste ? Compléter l’information c’est réunir à nouveau de

                                                            69 « Problème » vient du grec problema qui vient de proballo » jeter en avant. Un problème est « une chose » qui est proposée pour examen, pour être débattue (cf. : de la même racine : problematikos : controversé  70 http://www.anfh.asso.fr, repris par Françoise ANGUEZOME, (2006) mémoire Master 2 ICF, université de Rouen 71 En référence à Vincent DE GAULEJAC 72 Par opposition à simple difficulté 73 Cette section doit beaucoup à Guy PALMADE 

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l’information, mais dans des conditions différentes. Cette information doit être mise en ordre de manière orientée

vers la réflexion à venir, vers le traitement de l’information qu’il faut réaliser », et la « transformer » à partir d’un cadre d’analyse ad Hoc, de sorte à vérifier nos hypothèses ; ou leur réfutation …

Mais « C’est bien parce que nous ne sommes jamais tout à fait sûrs d’avoir atteint nos buts ou parce que nous

espérons pouvoir mieux les atteindre…qu’il y a problème. Chaque problème se définit donc par un but ou un en-

semble de buts spécifiés, c'est-à-dire un état que l’on cherche à atteindre ; lesquels sont en rapport avec d’autres

buts. Un but se défini par ce à quoi l’on vise74 ». C’est à travers et par les buts et les visées que nous nous sommes donnés que nous sommes conduits ; c’est aussi notre conduite qui oriente nos buts.

Ces considérations nous conduisent à formuler la problématique et les deux hypothèses sur le management de l’évaluation en formation suivante :

En quoi, le pilotage de l’évaluation en formation constitue-t-il un outil stra-

tégique pour faire évoluer le management de la formation au CSP RH ?

Hypothèse 1 : l’évaluation de la formation est perçue comme un moyen

au service d’une finalité « qui va de soi ». Elle est comprise par le mana-

gement comme étant la mesure es effets de la formation sur les compé-

tences dans le cadre de l’EI75. 

 Hypothèse 2 : L’implicite de la stratégie d’évaluation empêche la Direc-

tion des ressources Humaines de piloter de manière stratégique la poli-

tique de formation ; c'est-à-dire de prendre les décisions d’orientation,

de régulation ou de certification nécessaires de manière réfléchie. 

§ § §

                                                            74 Ibidem 75 Entretien Individuel (d’appréciation annuel).  Les finalités de l’entretien telles qu’elles avaient été définies en 1993, demeurent d’actualité : accroître le dialogue entre le manager et ses collaborateurs en précisant les objec‐tifs visés, faire un point sur les difficultés rencontrées dans l’année, préparer l’évolution du salarié, élaborer un plan d’actions susceptible de faciliter le travail du collaborateur. 

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DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Discours de la méthode…

Le propre de toute recherche est de mettre en cause l’institutionnel or compte tenu de notre statut au sein du CSP RH, nous portons d’une certaine façon l’institutionnel. Il nous fallait donc trouver une méthode susceptible de « faire la part des choses ». Deux voies s’offraient pour conduire notre action : la démarche qualitative ou quantita-tive. Nous avons écartée la seconde. Rappelons ce que nous disions en terme d’avertissement au présent mé-moire : l’entreprise ayant tendance à occulter ses pratiques d’évaluation il est difficile de les saisir de l’extérieur, d’autant plus quand elles sont informelles. De la même façon il est difficile de s’appuyer sur les statistiques pour rendre compte de la réalité. Notre recherche portant sur le management de l’évaluation de la formation en entre-prise, l’approche actancielle nous paraissait de nature à éclairer ce qui se « trame » sur le terrain. L’approche actancielle est fondée sur l’idée que les comportements des acteurs ne peuvent être réduits à des effets de struc-ture ou de système. Leurs actions sont intentionnelles et stratégiques. Les phénomènes sont expliqués en tant que composantes et résultantes de ces actions. Les systèmes sociaux qui conditionnent les actions sont eux-mêmes produits par elles de sorte qu’il y a une causalité circulaire entre la structure sociale et l’action sociale. Cette ap-proche, compte tenu une fois encore de notre situation, nous a semblé la plus adaptée. Tout cela nous a conduit à l’adoption d’une stratégie de recherche alliant recherche documentaire et enquête qualitative.

Discours sur la méthode…

D’après notre expérience empirique, l’ensemble des acteurs paraissaient manifester de l’anomie vis-à-vis de l’évaluation. Aussi pour construire notre problématique, nous avons « convoqué » des sociologues76 et des psy-chosociologues77 qui traitent des interactions entre l’individu et l’organisation.

Elaborée de manière réitérative, notre problématique a connu en réalité plusieurs réajustements en cours de re-cherche. Nous avons trouvé dans la littérature relative au contexte universitaire et dans le cadre de l’entreprise des réponses à certaines de nos questions. Certaines de ces théories permettent d’expliquer ou de justifier la passivité des acteurs (ou leur résistance) par l’ignorance méthodologique et technique. Une d’entre-elles permet de comprendre l’absence d’évaluation par calcul d’intérêt. Nous sentions que les causes de non implication (des acteurs) étaient plus complexes que la simple ignorance des concepts, outils ou méthodes de l’évaluation. Elles devenaient une question de rationalité moins influencées par les caractéristiques du système que par les caracté-ristiques individuelles.

L’entretien comme méthode d’enquête

Le choix de la méthode ?

                                                            76 Notamment FRIEDBERG  77 Notamment Guy PALMADE 

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C’est beaucoup de lectures méthodologiques et beaucoup de tâtonnement empiriques pour en décider. Le choix de l’entretien résulte avant tout de notre visée. C’est le besoin de comprendre et non de décrire ou de mesurer qui nous a conduit à opter pour la méthode qualitative. La facilité et l’économie des moyens (un dictaphone) y sont aussi pour quelque chose. L’entretien est un outil de recueil des données sur le terrain. C’est une technique de recherche axée sur la com-munication interpersonnelle et l’expression verbale. L’entretien se présente comme un échange au cours duquel l’informateur78 : « exprime ses perceptions d’un évènement ou d’une situation, ses interprétations ou ses expé-

riences, tandis que, par ses questions ouvertes et ses réactions, le chercheur facilite cette expression, évite qu’elle

s’éloigne des objectifs de la recherche et permet à son vis-à-vis d’accéder à un degré maximum d’authenticité et

de profondeur79. ».L’entretien permet d’accéder au sens que les acteurs attribuent à l’évaluation de la formation et aux pratiques évaluatives qui sont les leurs, tout en respectant leur cadre de référence. L’entretien semi-directif, mené sous la forme de questions ouvertes, nous a semblé suffisant pour couvrir les risques de l’entretien relationnel auxquels nous pourrions succomber. Deux questions ont structurées nos entre-tiens : Qu’est-ce qu’évoque pour vous l’évaluation de la formation ? Si vous aviez à imaginer un système d’évaluation il ressemblerait à quoi ?

Les conditions d’enquête

Au cours des six mois d’enquête, nous avons réalisé deux séries d’entretiens (dont une série complémentaire) Ce laps de temps s’explique par le contexte (chronophage) de changement que traverse l’entreprise observée mais aussi par l’indisponibilité « chronique » de ces cadres. Chaque prise de rendez-vous a fait l’objet d’une intervention introductive visant à présenter la démarche, cadrer l’entretien et instaurer « un contrat de confiance ». Nous avons à chaque fois pris soin de souligner les liens entre notre investigation et le monde universitaire. Le jour et l’heure ont été laissés à leur convenance. Nous avons nous-mêmes pris rendez vous directement avec chacun. Ces rencontres se sont déroulées en face à face (au bureau de nos « informateurs »). Tous ont été enregistrés. Chacun d’eux a duré entre 30 minutes et une heure. Nous nous sommes fixés pour règle de rester le plus neutre possible en posant le moins de questions possibles. Pour cela nous avions en tête le « guide d’entretien » que nous avions tiré de nos lectures et de nos entretiens exploratoires ; fidèle en cela à nos premières lectures méthodologiques A travers ces discussions et ces entretiens il s’agissait de faire produire du discours sur ce que représente l’évaluation en formation pour nos informateurs. Les formulations que nous « entendions » leur étaient ren-voyées pour confrontation et affinées au vue de leur réactions ; Il s’agit donc d’un travail avec des partenaires avec le risque d’induire ou de biaiser les propos que nos interventions entraînent.

                                                            78 Au sens de jean‐claude KAUFMANN,(2008, 2ième édition), « l’entretien compréhensif », Armand Colin 79 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, (2006, 3ième édition), « Manuel de recherches en sciences so‐ciales, Dunod 

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Nos entretiens se sont tous déroulés suivant un protocole d’échange interactif. La consigne, énoncée sous la forme « Qu’est ce qu’évoque pour vous le terme d’évaluation ? », a servi à lancer les échanges. Cette question nous permettait de saisir le champ de l’évaluation sur lequel notre « informateur » entendait se placer. Elle nous permettait aussi de lui « donner la main » rapidement ; conformément à notre intention de « libérer » la parole. Nos questions ouvertes et nos réactions, avaient pour fonction de faciliter cette expression, et d’éviter qu’il s’éloigne des objectifs de la recherche. Cela permettait à notre vis-à-vis d’accéder à un degré maximum d’authenticité et de profondeur » ; c'est-à-dire d’exprimer sa perception de l’évaluation en formation, d’un événement ou d’une situa-tion, ses interprétations ou ses expériences en la matière. Au cours de l’entretien nos interventions, sous forme de reformulation, de questions de relance ou ciblées sur un thème précis nous ont permis, en réaction au discours produit, de clarifier ou d’élargir le propos. Certaine fois en cours d’entretien nous avons ressenti le besoin de recréer ou de restaurer la confiance établie lors de la prise de contact... Une question ou une remarque de clôture offrait à chacun l’occasion de présenter sa vision d’avenir, de faire des suggestions ou encore d’émettre des souhaits. Nos informateurs ont tous fait preuve d’implication personnelle pour répondre à nos questions. L’engagement personnel dont ils ont fait preuve a vraisemblablement permit de progresser dans la qualité de l’investigation. Cette attitude a non seulement donné toute sa dynamique aux entretiens mais apporté aussi une plus grande sincérité dans l’expression. Ainsi par exemple, avons-nous recueilli « des révélations masquées80 » quant à l’évolution des pratiques évaluatives.

« L’échantillon »

Notre échantillon est composé principalement de 6 « informateurs » (5 femmes et un homme), tous cadre dont :

La DRH de Centre, le directeur d’agence (RRH) et son adjointe, la directrice adjointe (tous trois constituant le Comité de Direction de l’agence), 2 cadres d’agence (1 Manager de proximité, 1 cadre experte RH, formateur occasionnel) ; soit une ligne managériale continue.

Bien que réduit, l’échantillon a été composé en fonction de l’influence supposée des informateurs sur notre étude de problème.

La place occupée et les responsabilités exercées dans l’entreprise

L’appartenance à la même ligne de management et sur le même territoire

L’implication dans la gestion du plan de formation.

                                                            80 Cf. Analyse des résultats ; les remarques 

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Compte tenu de notre approche qualitative, et de la relative homogénéité de la population cadre nous n’avons pas retenu l’âge, ou le niveau de formation ou l’ancienneté dans la fonction comme variables stratégiques. Toutefois, nous sommes conscient des biais qui pèsent sur notre travail.

Comme pour la démarche d’exploration, malgré les risques d’une telle proximité81, nous avons choisi les per-sonnes en fonction de leur position institutionnelle, de leur connaissance du contexte de la formation, leur capacité à communiquer sur le discours institutionnel, des opportunités offertes par notre statut au sein de l’entreprise.

A titre complémentaire, dans le cadre d’une étude de benchmarking, nous avons rencontré 5 personnes : un cadre formation de la production nucléaire d’EDF, le DRH de la Direction de l’infrastructure de la SNCF, le cadre forma-tion d’une entreprise de l’agro-alimentaire, le directeur et un consultant d’une entreprise spécialisée dans l’évaluation de la formation.

Nota Bene : En parlant d’échantillon nous ne faisons que respecter une convention de langage. En effet, l’idée de représentativité et de stabilité que ce terme induit n’est à aucun moment entrée dans nos intentions ; comme le dit Kaufmann : dans une perspective qualitative « ce qui compte c’est de bien choisir ses informateurs ».

Les limites de la recherche

Nous voulons ici insister sur les limites de notre travail, quant à nos principaux choix :

Le choix de travailler dans son propre milieu professionnel82

Notre appartenance à l’entreprise et notre positionnement statutaire Notre propre immersion depuis 30 ans dans la culture de service, et surtout le fait qu’elle constitue

encore la trame de nos relations professionnelles.

Le choix de la taille et de la composition de l’échantillon

• La taille a certainement limité nos investigations : Une moyenne de 20 entretiens est recommandée dans une approche qualitative par la majorité des méthodologues ; nous n’en avons réalisé qu’une douzaine.

Les caractéristiques de notre population : de grandes entreprises, industrielles, de haute technologie, de type bureaucratique, partageant les valeurs de sûreté, sécurité, performance, intervenant à l’international, une structuration de la formation, un budget formation conséquent peuvent avoir aussi renforcé le caractère singulier de notre travail.

Le choix de la méthode                                                             81 Cf. Première partie du présent mémoire 82 Un chercheur non impliqué aurait sans doute « creusé » la question plus profondément.   

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• Le choix de l’entretien comme instrument d’enquête

• l’absence de caractère significatif dû à l’absence de recueil de données sur des critères habituels (âge, profession, situation de famille, résidence…)

Les conséquences de ces choix

L’obligation de « négocier » notre place tout au long de la recherche face à des « collègues » et face

à son supérieur hiérarchique, notre statut nous ont vraisemblablement limité dans nos investigations. L’échantillon présente une très forte homogénéité culturelle ; en particulier aux valeurs mises en

avant : la sûreté de fonctionnement, la sécurité des personnes, la fiabilité des données, l’amélioration continue, la recherche de la performance…

La moitié des entreprises contactées n’ont pas répondues à nos demandes, ainsi l’effet miroir à tour-né court. L’autre moitié du fait de son caractère « Co-sanguin » donne vraisemblablement un poids considérable à la culture d’entreprise

L’empreinte du modèle de pratiques évaluatives, héritées du modèle scolaire français, et la domina-tion du diplôme situent la recherche dans un cadre spécifique.

La dynamique interactive de nos entretiens a peut être aussi engendré une tendance réciproque à l’acquiescement, et au conformisme, là où il ne s’agissait que d’entretenir la confiance et l’empathie ; et dans le même ordre d’idée une sensibilité accrue aux réactions de « prestance83 ».

La méthode d’enquête a renforcée la difficulté d’interroger ses propres collègues de travail notam-ment sur leur parcours de vie. Elle a en revanche apportée sa vertu explicative par la richesse des données recueillies et accru la sincérité des informations recueillies.

Le matériau recueilli ne constituant pas un ensemble homogène il nous a fallu trier entre les faits, les opinions et les sentiments exprimés. La proximité avec nos hypothèses nous a servi de guide au moment des analyses

La fiabilité des matériaux exploités est affaiblie par notre manque de professionnalisme en matière d’enquête, par la transcription et l’interprétation des enregistrements, et par notre sensibilité à l’autocensure.

Nous avons dû expliciter nos grilles, instruments et modèles d’interprétation pour les synthèses et les analyses des entretiens

Statistiquement inexploitable, les entretiens qualitatifs ont un faible impact institutionnel.

Comme nous allons le voir maintenant, la difficulté méthodologique est autant dans l’analyse que dans l’enquête.

 83 L’informateur peut livrer des réponses destinées à donner une image valorisante de lui 

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La démarche d’analyse

L’homme est un animal social. Il incorpore « à l’insu de son plein gré », par l’interaction avec ses semblables, des idées et des mots, des modes de pensée (modèles) qu’il exprime tels qu’il les a assimilés. Cette caractéristique nous offre un accès direct à ses pratiques sociales. L’analyse de contenu nous a « facilité » la tâche. Par défini-tion : « Les analyses de contenu étudient et comparent les sens des discours pour mettre à jour les systèmes de

représentations véhiculées par ces discours »84.

Ce choix résulte des objectifs de la recherche et de sa problématique. L’approche que nous avons privilégiée, envisage l’évaluation en formation, comme le lieu d’expression de modèles de pensée ordinaire du management de la formation au CSP RH. A travers cette approche, nous avons souhaité rassembler les éléments d’information pour les confrontés à nos hypothèses de travail.

Les instruments d’analyse

Reprenons ce que l’on disait plus haut : chacun construit son système de représentations et soulignons que la manière de « raconter », c'est-à-dire de caractériser et d’argumenter une situation dépend aussi du type d’interactions qui caractérise cette situation. Du point de vue opérationnel, la situation de référence, sur laquelle nous nous appuyons dans ce qui suit, est une situation dans laquelle, un sujet concret (un cadre en fonction) est conduit à répondre à des questions posées par l’auteur lui-même cadre en fonction. C’est dire par avance que nous ne nous mettons pas dans la situation de vouloir affirmer des choses. Encore une fois notre but est de com-prendre. Ceci dit, nous avons procédé par retranscription des enregistrements et découpage des entretiens ; d’abord par examen longitudinale de « la parole » à l’intérieur du même entretien (logique verticale) ensuite par examen transversal d’un entretien à l’autre (logique horizontale). Le thème est l’unité de découpage que nous avons retenu. Malgré ou à cause de nos choix méthodologique, l’approche thématique nous a semblé de nature à défaire la singularité des entretiens et d’autoriser le découpage de ce qui d’un entretien à l’autre se répète ou non.

La « grille de lecture » :

Afin de situer la position de chacun de nos informateurs vis-à-vis de l’évaluation en tant qu’outil de management stratégique : sanctionner ou progresser. Nous avons identifié, au moyen de la grille de lecture qui suit, 3 thèmes ayant chacun des spécifications relatives aux perceptions, constats, préoccupations formés par nos informateurs. La première thématique porte sur le moment où intervient l’évaluation en formation. Elle renvoie à deux types d’évaluation (Evaluations pédagogiques et évaluations socioprofessionnelles des actions de formation), qui se déclinent en cinq objets : Evaluation des besoins, évaluation des pré-requis, évaluation pédagogique, évaluation des acquis, évaluation des transferts. La deuxième thématique porte sur la vision du management de l’évaluation. La troisième a trait aux pratiques évaluatives.

                                                            84 Anastasia BLANCHET et Annie GOTMAN, (1992), « L’enquête et ses méthodes », Nathan 

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THEME SPECIFICATION INDICATEUR

1. Objets de l’évaluation

2. Vision du manage-ment de l’évaluation

3. Pratiques évalua-

tives

• Pédagogique (pendant l’action de formation)

• Socioprofessionnelle (en amont et en aval)

• But

• Acteurs

• Processus

Evaluation des apprentissages Evaluation des acquis Evaluation des besoins Evaluation des pré-requis Evaluation des transferts Sanctionner (Contrôler) Progresser Responsable formation La Direction Le Manager de proximité L’agent Tous Management participatif Contrôle Gestion administrative Gestion des compétences

Puis nous avons procédé au découpage selon une logique horizontale, relevant les formes sous lesquelles les thèmes apparaissent d’un entretien à l’autre, écartant ce qui relève du langage commun. Thèmes et spécifications seront ensuite interprétés au regard de nos hypothèses, pour être enfin interrogés au moyen du cadrage théo-rique. Nous avons ajouté une question ouverte relative aux difficultés et aux suggestions d’amélioration de l’actuel système afin de mieux situer la position de nos informateurs au regard de notre problématique.

§ § §

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Présentation et analyse des résultats

« En long, en large et en travers…»

Vérification des hypothèses

§ § §

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Analyse longitudinale Nous avons réalisé, pour chaque entretien, une synthèse que nous avons soumise à notre « grille de lecture ». Dans le cadre d’un entretien les premiers mots ont une importance particulière. Aussi, Pour mesurer notre pre-mière hypothèse nous allons chercher à repérer des indicateurs, c'est-à-dire des mots ou groupes de mots qui nous aident à caractériser le type d’évaluation auquel se réfère « spontanément » notre informateur. Par exemple, les indicateurs comme « à chaud, à froid » nous permettent de qualifier le moment de l’évaluation et à travers lui le champ (pédagogique ou socioprofessionnel) et en définitive le type d’évaluation (« générique, stratégique, sommative…) suivant le modèle de Jouvenel et Masingue.

• Par « évaluation générique » il faut entendre la détermination formelle en amont de la formation, des ob-jectifs d’évolution à atteindre, des résultats attendus, des responsabilités et des modalités de l’action de formation, les ressources mobilisables à lui attribuer et le champ des contraintes. En amont « parce que, si « on ne sait pas ce qu’on cherche, on ne sait pas ce qu’on trouve » ; les buts orientant l’action, il con-vient de se donner, en aval, les moyens de vérifier leur atteinte ou pas. C’est parce qu’elle est précisé-ment à l’origine de l’évaluation des résultats que nous la considérons, à la suite de Jouvenel et Masingue, en tant qu’ « évaluation générique ». L’objectif opérationnel, en dehors de la détermination à priori des ré-sultats, est de fixer les pré-requis aussi bien en matière de contexte qu’en matière de populations partici-pantes. L’intérêt de l’évaluation générique est d’impliquer tous les acteurs, de pouvoir modifier, ajourner, annuler l’action de formation, d’en renforcer la qualité et de développer une culture du résultat. Ce type d’évaluation accorde une place considérable à la motivation.

• Par évaluation « stratégique » il faut entendre le « moment de vérité » qui permet de constater soit un investissement soit une simple dépense. Ce type d’évaluation permet de mesurer ou non un changement dans la manière de travailler et de savoir si des conséquences constructives pour l’entreprise et sur la qualification de l’agent sont apparues. C’est parce qu’elle légitime ou pas ce qui a été décidé et réalisé qu’on la reconnaît comme stratégique. L’objectif opérationnel, en dehors de l’atteinte des résultats fixés en amont, est d’expliquer les produits prévus et imprévus de l’action et sa performance globale. L’intérêt de l’évaluation stratégique est d’impliquer particulièrement le management, de capitaliser sur l’action, de crédibiliser et légitimer la fonction formation. Ce type d’évaluation accorde une place considérable à la qualité des cahiers des charges, à la pertinence de l’analyse des besoins, à la mesure des acquis et aux conséquences de cette mise en œuvre sur la situation de travail.

Une instrumentation de ce modèle va maintenant nous aider à interpréter le discours de nos informateurs.

L’analyse longitudinale fait apparaître des ressemblances, des nuances mais aussi des différences dans les re-présentations. Les analyses qui suivent s’articulent autour des spécifications qui structurent notre instru-ment d’analyse : évaluation socioprofessionnelle, pédagogique, besoins, but, acteur, processus.

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Fiche d’analyse de l’entretien n°1 (DRH du CSP)

Thème Spécification Son point de vue

Objets de l’évaluation Socioprofession-nelle

(type stratégique)

« …de la pertinence de l’action…mieux savoir les résul-tats…On fait des stages en lien avec besoin…on l’envoie en formation on s’assure qu’il sait faire… »

Vision du management de

l’évaluation

Le but de l’évaluation :

Progresser

« … s’assurer qu’on a fait ce qu’il fallait faire (…) pour corri-ger, remettre en cause la formation…vérifier intelligemment que cet argent est bien investi… pour être certain que la boucle d’amélioration se met en route… »

« pour corriger avec les salariés dans un bon état d’esprit, idée d’amélioration et d’enrichissement pour atteindre demain des résultats meilleurs… pas pour coincer les gens : t’as pas la moyenne t’y retournes…».

«… j’aimerais rendre l’agent plus moteur …d’avoir un avis sur la formation qu’il a suivie et d’expliquer ce qu’il est capable de faire, d’expliquer ce dont il a besoin en complément… Je veux rendre l’agent acteur de sa formation qu’il s’auto-évalue, qu’il ait un échange avec sa hiérarchie sur les différents points du stage à faire …agent se sent impliqué, entreprise gagnante, management y trouve son compte …Je ne veux pas une usine à gaz…faudrait décider d’un groupe de réflexion…»

Pratiques évaluatives Les acteurs

Les rôles

Le processus

« ceux qui gèrent, préparent, inscrivent, l’agent….sa hiérar-chie…»

« Le rôle de la Direction n’est pas bon on fait ce qui est obli-gatoire …Le manager a un rôle majeur»

« …L’avant formation on fait des choses plus ou moins perti-nentes…du temps de l’argent et derrière ça, y a plus rien, tout l’aspect qualitatif est mis de côté surtout quand on a le pro-blème de renouvellement et de pertes de compétences... La boucle de retour on ne se permet pas de la faire et de fait on est déficient… Ce serait dans le cadre de l’entretien ou du rapport hiérarchie-agent que ça se situerait, y a des chances mais je suis prête à étudier d’autres pistes…peut être une procédure…»

« Plein d’intention on se rend compte que ça gêne tout le monde, que ça emmerde parce que ça ressemble à du fli-cage… ça fait pas plaisir de s’apercevoir que c’est pas effi-cace… c’est facile de laisser tomber ce type d’obligation.. » « le problème est réel nécessite donc un côté plus profession-nel que jusqu’à maintenant… ».

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Ces propos font état d’une situation insatisfaisante dans l’intégration de l’évaluation de la formation au manage-ment. « Le problème est réel ». Problème plus psychosocial que technique « le rôle de la Direction n’est pas bon » ; à double question si l’on considère le souhait exprimé de rendre l’agent acteur. Ici il est clair qu’évaluer c’est évoluer. il s’agit demain d’atteindre des résultats meilleurs. Le bouclage s’alimente à de multiples sources : Quelle soit d’ordre politique (entreprise gagnante), d’ordre juridique (les obligations administratives), d’ordre stra-tégique (agent acteur), d’ordre managérial ((la pertinence des actions en lien avec les besoins, la boucle de re-tour), d’ordre opérationnel (un bon système), d’ordre éthique (pas coincer les gens), d’ordre économique (argent bien investi). Différents éléments ou dimensions, à différents niveaux et les uns et les autres entre eux sont évo-qués. « Vérifier intelligemment… » Il y a là une sorte de contradiction. Vérifier c’est, comme nous l’avons vu, me-surer, contrôler. Intelligemment, c'est-à dire considérer les relations entre les éléments du système, créer du lien, un effet réseau, accepter la relativité de la situation, préciser le sens de l’évaluation ; en un mot innover.

En position de prescripteur, la DRH est consciente des enjeux et des risques de l’évaluation. Et si elle ne sait pas comment faire, elle est sans état d’âme face à la nécessité de professionnaliser l’évaluation et d’impliquer large-ment les acteurs. Cependant, elle veut savoir et en même temps évoque le risque d’être accusée de « flicage ».

La question est de savoir jusqu’où est-elle prête à aller pour assumer les conséquences de sa « curiosité ». Par exemple, est-elle disposée à expliciter et porter les enjeux et les risques, mais aussi les opportunités de change-ment de posture et donc de modèle. Est-elle prête à aller jusqu’à contractualiser ou négocier avec les différentes parties en présence. Le pouvoir de savoir (à redistribuer ou à partager), assuré par tous, deviendrait un outil qu’on s’approprie et dans lequel « chacun s’y retrouve et y trouve son compte »…

Fiche d’analyse de l’entretien n°2 (Directeur d’agence RRH)

Thème Spécification Son point de vue

Objets de l’évaluation Pédagogique

(type sommative)

«…deux niveaux une évaluation à chaud à la fin de la forma-tion, à froid en temps différé …ça permet de revenir sur les compétences acquises, celles qui restent à développer. Pour moi la formation c’est le développement des compétences…à chaud comment il a vécu la formation, si elle lui semble utile et intéressante, est-ce qu’il a appris des choses qui méritent d’être diffusées au sein de l’équipe… A l’issue des EI on s’assure que les besoins exprimés par les MPL rentrent bien dans les orien-tations stratégiques… croisées avec la GEPEC…»

Vision du management de l’évaluation

Le but de l’évaluation

« … ça me permet de monter ou de supprimer un certain nombre de formations d’organiser la démultiplication et l’information au sein de l’équipe... Je fais le parallèle avec le contrôle, tu réalises les actions de formation, tu fais le bilan de ces actions, tu corriges et derrière tu analyses pour déterminer des plans d’action pour progresser (…) si s’arrête là on n’a fait que la moitié du boulot …je veux pas une usine à gaz (…) Je pense que c’est important d’avoir un dispositif partagé, construit

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avec les gens du terrain pour faciliter son appropriation et sa pertinence….Je renverrais au management la mise en œuvre. Garantir derrière que le dispositif est mis en œuvre, de pouvoir le vérifier, l’auditer ça peut relever du Responsable formation. Aux correspondants formation de s’assurer que ce qui a été décidé est bien mis en œuvre dans les agences. »

Pratiques évaluatives Les acteurs

Les rôles

Le processus

« à chaud par le formateur (…) par le stagiaire…Un entretien avec l’agent et son manager déjà au retour de formation (….)

« …c’est au travers des dossiers traités au quotidien l’aide qu’il demande… au coup par coup parce qu’on n’a pas de dispositif d’évaluation formalisé aujourd’hui. La seule formalisation c’est dans le cadre de l’entretien individuel où on passe en revue les stages faits, les compétences acquises…on n’utilise pas la matière, on ne capitalise pas le truc, on ne fait pas l’analyse et on n’en déduit pas forcément les actions complémentaires qui seraient nécessaire.

La représentation du problème de l’évaluation en formation est ici d’ordre technique, et plus précisément d’ordre organisationnel. La référence au contrôle et à l’audit est ici clairement exprimée. Le souci est de respecter le cadre, de pouvoir programmer, d’analyser et décider. L’accent est mis sur les produits de l’évaluation. Nous sommes dans l’univers de la mesure. La visée est pragmatique. La préoccupation est la mise en œuvre. Le but est la mesure des effets de la formation sur les compétences (Importance accordée à l’exercice quotidien du mé-tier). Le bouclage tourne autour de la relation objectifs/résultats et des critères d’utilités. On pense au modèle cy-bernétique : action/ régulation. L’image qui vient est celle d’un rhéostat. Et si, la représentation incorpore le souci de partager et d’associer le terrain, le pouvoir appartient au management. Malgré cela, perce l’idée d’un possible jeu autour et entre les règles, de possibilités de nouvelles régulations (au sens de Jean-Daniel Reynaud : de con-trôle et autonomes). L’évocation du problème de l’exploitation des résultats de l’évaluation à l’issue de l’Entretien Individuel, nourrit l’idée d’une dissolution de la procédure d’évaluation dans celui-ci.

Pour l’avenir, ce cadre de Direction souligne l’importance d’intégrer l’évaluation dans le management de la GE-PEC. Indépendamment de la forme du système, selon lui, le pilotage doit être assuré avant tout par les respon-sables métier. Même s’il conçoit l’intervention du local, la décision doit être globale.

Fiche d’analyse de l’entretien n°3 (Directrice d’agence adjointe)

Thème Spécification Son point de vue

Objets de l’évaluation

Socioprofessionnelle

(type stratégique)

« (…) vérifier que le résultat correspond bien au besoin que nous avions (…) par la mise en situation qui permet de consta-ter des manques (…) en terme d’amélioration du professionna-lisme, (…) que c’est la bonne formation (...) pertinente…

Vision du manage-ment de

Le but de l’évaluation

« (…) mon principal vœux serait de la cohérence en mettant justement en lien GEPEC/ADP/Formation et système de re-

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l’évaluation connaissance (…) savoir où on veut aller, qu’est-ce qu’on veut, quelles interactions on voit, ce qui va agir sur quoi, dans quel ordre pour après se créer une sorte de boîte à outil ( …) pour moi pour évaluer la formation c’est clairement dans l’ADP85…l’idéal que chaque agent partant en formation soit vu avant de partir et en revenant (…) voir si c’était pertinent ou pas est-ce qu’on en a tiré les bienfaits attendus ou non (…) revenir sur pourquoi on avait inscrit cet agent là…(…) les outils c’est incontournables mais ça ne suffit pas (...) forcément le respon-sable du truc (…) c’est le management, mais y a pas que lui…y a des intermédiaires…apporter leur avis sur l’atteinte des cri-tères (…) Je veux pas les mettre en période d’examen (…) pas faire un petit carnet noir… »

Pratiques évalua-tives

Les acteurs

Les rôles

Le processus

« ( …), on n’en parle plus trop en ce moment (…) ça devrait être organisé …Pour certains c’est acquis pour d’autres c’est inné quasiment.... Mais y a pas d’exercice imposé (…)

On évoque en CODIR le management de la formation(…) sur l’adéquation des besoins et des PIF…le respect des engage-ments (…) la question précise de l’évaluation de mémoire non …On n’a pas demandé au MPL de mesurer -l’ADP- …parce que l’ADP ça fait peur…parce que liée au système de rémuné-ration-…parce que la compétence c’est dans la durée… alors on n’en n’a pas envie…Faut garder la marge de manœuvre…

Les choses ici sont semble-t-il très claires. « pour moi pour évaluer la formation c’est clairement dans l’ADP… ». Ce qui domine là, c’est la dimension gestion RH de l’évaluation de la formation. L’évaluation ques-tionne ici la valeur de l’activité professionnelle et la pertinence des gestes mobilisés. Le but est de mesurer et contrôler le niveau de professionnalisme. Ce qui importe c’est le bouclage entre la mesure des besoins et celle des transferts en situation professionnelle. Pour autant, l’appel à la coopération «d’intermédiaires » introduit la possibi-lité de régulation, de débats. La mention du lien avec la rémunération introduit une dimension idéologique qui prime sur l’aspect individuel. L’acquis passe avant le potentiel, le stable avant l’évolutif : l’agent doit faire la preuve de son professionnalisme dans la durée.

Dans l’esprit de cette Directrice, il s’agirait, d’une certaine façon, de « contractualiser » dans le cadre de l’Entretien Individuel : On présuppose un contrat entre les agents et le manager ; l’agent ne participant pas l’élaboration de la formation. Le management explique les étapes, et les outils. Il demande à l’agent de s’approprier les buts et objec-

                                                            85 «Le professionnalisme » est défini par l’entreprise comme la combinaison de « la qualité du travail dans la durée » et  des «compétences mises en œuvre par la personne dans son emploi », « le fruit d’une capitalisation, non d’une juxtaposition d’expériences ». Son appréciation doit se faire sur le long terme, en s’appuyant sur une vision global de l’emploi. Cité par Nelly MAUCHAMP EDF‐GDF une entreprise publique en mutation   

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tifs de la formation. L’évaluation en situation professionnelle devient pour l’agent le garant de sa progression, sans que le manager perde son pouvoir de décision dans les évolutions de carrière.

Pour l’avenir, ce cadre de Direction milite pour une intégration de l’évaluation dans le management de la GRH et en particulier dans la GEPEC.

Fiche d’analyse de l’entretien n°4 (Directrice Déléguée d’agence)

Thème Spécification Son point de vue

Objets de l’évaluation

Socioprofessionnelle

(type générique et stratégique)

« … la compilation –des PIF86-donne les besoins exprimés par les salariés et leur manager (…) l’évaluation du savoir faire sur la VA -valeur ajoutée- du contenu de la formation … Tu évalues une formation par rapport à la demande ou par rapport à la Va-leur Ajoutée, l’apport pour le salarié (...) La formation a bien eu lieu, a changé quelque chose.. »

Vision du manage-ment de l’évaluation

Le but de l’évaluation

« …Suite aux arbitrages rendus sur les volumes je suppose que c’est le cadre formation qui vérifie que toute les formations de-mandées sont bien dans le cadre des orientations définies (…) « Y a probablement un référentiel(…) est-ce que le contenu est conforme au programme (…) La VA sur les contenus soit il –le manager-vérifie directement tous les jours sur l’outil de travail (…) si tu ne sais pas à la fin de la formation soit la formation est totalement inadaptée, soit l’agent n’a pas le potentiel pour suivre… un manager n’a pas le temps donc ne peut pas être sollicité dans les comités Duchmol pour discuter pendant des heures de l’évaluation (…) Rien d’intellectuel pragmatique, effi-cace…Alors que quelques spécialistes élaborent des outils simples d’utilisation sur la base des concepts c’est indispen-sable, mais faut surtout pas emmerder les opérationnels avec des concepts… ça peut passer par un questionnaire simple une fois par an…« (…) à la limite le Responsable Formation ça suffit. (…) c’est pas le manager qui porte. On s’appuie sur une bande d’expert à qui ont fait construire les outils utiles au manager en association avec les managers.»

Pratiques évalua-tives

Les acteurs

Les rôles

« y a des fiches d’évaluation qui sont prévues par l’organisme de formation et ça çà échappe à la ligne managériale… Moi je ne fais aucune évaluation en tant que manager (…) la compilation (des Plans de Formation Individuels) est analysée par le Res-ponsable Formation (…) il y a donc arbitrage de la tête du CSP. (..) sur des volumes, notamment financier… En général quand un agent n’est pas content d’une formation il le dit quand il re-vient (...) y a des retours sur les compétences métiers par le plan

                                                            86 Plan Individuel de Formation 

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Le processus

de contrôle de la production (…) l’évaluation du savoir faire c’est le dialogue permanent entre le salarié et le manager…la forma-tion faite tu rentres t’es sensé savoir faire… y a pas d’évaluation formelle (…) Un bilan de formation annuel issu du Système d’Info… je sais plus trop ce qu’il y a, j’en ai jamais vu moi de bilan de formation… y a pas d’évaluation formelle (… ) Le bou-clage y se fait par le CE-. …L’information remonte par l’activité au quotidien …pas de volonté d’évaluer..».

Le discours est pragmatique. La vision de l’évaluation est ici « techniciste ». Ce qui domine le propos ce n’est pas le souci du résultat ou du contrôle, il s’agit avant tout de manager. Du point de vue organisationnel le propos est offensif ; chacun son rôle, chacun son travail : l’évaluation de la formation, c’est l’affaire du Responsable Formation pas celle du manager. Il n’y a pas de besoin d’évaluation parce que, doit-on comprendre, « ça va de soi ».

Ce pourrait être le signe d’une croyance manichéenne dans le potentiel des agents et la formation ; s’il n’y avait cette insistance à s’appuyer sur l’activité quotidienne et sur le jugement de valeur (plus ou moins spontané) exercé par le manager. L’évaluation est ici « clandestine ». Ici le beau rôle est octroyé à l’activité quotidienne et le mau-vais est assigné à l’évaluation. Sont exclues, par conséquent, les pratiques évaluatives du genre réflexif alors que « (…) l’évaluation correspond à un haut degré de réflexivité87(…) La réflexivité n’est pas seulement le lieu de la

compréhension mais aussi celui de l’action régulée par anticipation88 » ; autrement dit le lieu de l’action managé-riale. La prise en compte de cette réflexivité comme la prise en compte du sujet, sont en tout cas inexistantes et offre un exemple d’incohérence interne. Bien au contraire, le modèle d’évaluation, ici représenté et que l’on peut qualifier de formaliste, conduirait à la définition d’un « mandat », en particulier au responsable formation, sans que soit sollicité ni le manager, ni l’agent ; remarquons au passage l’absence de référence à l’Entretien Individuel. Pour l’avenir, ce cadre de Direction milite plus pour un renvoie de l’évaluation sur la technostructure (au sens de Mintzberg) que pour une intégration dans le management ; la référence principale est la GEPEC.

Fiche d’analyse de l’entretien n°5 (Manager de proximité)

Thème Spécification Son point de vue

Objets de l’évaluation

Pédagogique

(type formative et sommative)

« (…) on a besoin d’une cartographie des besoins des agents. (…) En formation on évalue les choses mal comprises … la pratique par rapport à la théorie (…) REX à chaud important sur l’utilité (…) REX à froid les apports, les applications concrètes dans l’activité de la personne, savoir si c’est utilisé, intégré …»

Le but de

« (…) Former pour utiliser (…) Quand c’est directement utile ça                                                             87 Anne JORRO, (2007), « l’évaluation, génératrice de développement professionnel ? », l’Harmattant 88 ibidem 

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Vision du manage-ment de l’évaluation

l’évaluation

peut se mesurer (…) important pour décider d’étendre une for-mation à d’autres agents (…) objectif : les actions prioritaires sur la base des REX (…) dans la vraie vie faut prendre le temps du vécu, de l’utilité, savoir si c’est adapté (…) voir ce qui se passe…Efficace…correspond à un besoin…acquérir mais aussi mettre en oeuvre (…) Quand c’est pour préparer à l’emploi la difficulté c’est l’anticipation (…) Une note documentaire qui défi-nirait deux phases : le suivi des Entretiens Individuels et des PIF, le suivi des prévisions (…) pas compatible de tout formaliser, plutôt l’informel, là y a pas de problème c’est surtout de l’accompagnement, c’est la relation. L’écrit est chronophage. Par contre à froid faut s’obliger à se poser…au moins une obligation annuelle trois seraient bien… formalisation des REX (…) exploi-tation par management plus agents (…) partage entre agence… »

Pratiques évalua-tives

Les acteurs

Les rôles

Le processus

« (…) retours par les formateurs, les agents…ce qui peut aider c’est le correspondant formation (…) un référent par pôle évalue les difficultés, remonte les anomalies. »

En théorie le retour aux collègues est prévu mais faute de temps c’est pas réalisé… »

Ce qui domine là, c’est la dimension pédagogique de l’évaluation de la formation. La vision est techniciste. La visée est pragmatique. Le modèle d’évaluation est formaliste et circulaire. L’accent porte sur le rapprochement des résultats, sur les stratégies et sur le processus d’évaluation. Ce qui importe c’est le bouclage entre les problèmes de compétences et les réponses formation. L’évaluation ici questionne la valeur de l’activité pédagogique autant que la valeur professionnelle. Le but est de mesurer les difficultés, les obstacles. L’accent mis sur les retours d’information et les REX, à leur formalisation, l’importance accordée à l’utilité des actions de formation et à l’accompagnement, indiquent la présence d’une rationalité managériale ; notamment l’allusion au suivi du plan de formation.

L’évaluation ressort là encore du management de la GRH et de la GEPEC ; la difficulté c’est la préparation de l’avenir mais aussi l’anticipation à court et moyen termes.

Fiche d’analyse de l’entretien n°6

(Cadre RH d’agence, Formatrice occasionnelle)

Thème Spécification Son point de vue

Objets de l’évaluation

Pédagogique

(type formative et

« l’évaluation se fait chaque jour à travers des exercices…c’est pas vraiment de l’évaluation (…) On s’est mis à la place des stagiaires pour savoir si les contenus n’étaient pas trop important

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sommative)

des exercices pratiques…reformulation en fin de journée, rappel le lendemain matin …« des retours sur la satisfaction des sta-giaires en synthèse (…) sur les ressentis…On va avoir des re-marques sur les formateurs comme c’est anonyme, peut être qu’il y aura des écarts entre ce qu’ils nous disent et ce qu’ils disent…On a eu des demandes d’info après la formation (…) ça a permis de voir qu’il y a énormément de besoins…Je crois que la meilleure évaluation c’est leur ressenti. »

Vision du management de l’évaluation

Le but de l’évaluation

« (…) Important de faciliter, favoriser les échanges sur l’activité quotidienne (…) ça facilite le dialogue…les réactions, les ques-tions… quand y a réel besoin, je crois qu’eux même sont tout à fait preneurs… »

Pratiques

Evaluatives

Les acteurs

Les rôles

Le processus

«Le stagiaire fait retour au formateur (…) au RRH89 (…) au manager (…) devrait faire retour à l’organisme de formation… le formateur fait retour au RRH…les agents sont partie prenante »

« (…) comme nous c’est pas vraiment de notre ressort l’évaluation, effectivement on s’est pas trop penché là-dessus. Le module fait l’objet d’une grille d’évaluation de la satisfaction des stagiaires mis en place par l’organisme (…) à travers l’outil de l’organisme de formation… Chacun normalement devrait recevoir par mail une grille à compléter…exploitée par l’organisme (…) je sais pas comment il l’exploite…comment ils vont restituer… »

S’agissant d’un cadre RH, formatrice occasionnelle, l’accent mis sur la pédagogie, en particulier sur l’évaluation sommative, signe la référence à l’ingénierie de formation. La préoccupation centrale est l’animation du groupe et le besoin de reconnaissance du formateur. Ce qui frappe aussi c’est la prise en compte du sujet et de son pro-blème de formation. Bien que provoqué, le besoin est ici reconnu. Réel, il devient une nécessité qui s’impose. La personne, non seulement accepte de rentrer dans le processus de changement, mais s’y implique. Le problème du formateur n’est pas le besoin mais le désir de formation. Toute l’action de ce cadre consiste ici à créer et entretenir le désir de formation et à construire la réponse « aux attentes » puis « à la demande » induite : « Quand y a réel besoin, je crois qu’eux même sont tout à fait preneur… » Besoins ou pas, Là est la question. On entre en formation par besoin, par intérêt. La « quête » de l’adhésion est épuisante. C’est du donnant/donnant, du ga-gnant/gagnant ; la relation est marchande. L’évaluation ce n’est pas son problème au formateur… « Comme nous c’est pas vraiment de notre ressort l’évaluation, effectivement on s’est pas trop penché là-dessus.. ». C’est celui de l’organisme de formation ; autrement dit celui du prescripteur… La question du lien institutionnel est ren-

                                                            89 Responsable Ressources Humaines, en fait le Directeur d’agence lors de ses nombreux déplacements sur sites. 

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voyée au RRH. L’agent, placé au centre d’un sociogramme qui le relie à chaque protagoniste, est transformé en cible et vecteur de l’évaluation.

On ne parle ni d’argent, ni d’utilité ou de pertinence de la formation (bien qu’elles soient sous entendues). Le lien entre les différents moments, lieux, acteurs de l’évaluation, y compris avec la marche de l’entreprise ne sont pas noués. Ce qui compte dans la conception développée ici, c’est la satisfaction des stagiaires et des formateurs ; ce que résume fort bien le propos de son auteur : « ce n’est pas de l’évaluation ».

Pour l’avenir ce cadre expert insiste sur l’idée de facilitation et de régulation. Son discours spontané dessine « à l’insu de son plein gré » les contours d’une évaluation formative au plus près du terrain.

Comme nous pouvons le voir il existe une ligne de partage en deux dimensions selon que l’informateur se situe ou non dans le temps et sur les lieux des actions de formation. Une deuxième ligne partage les tenants de l’évaluation professionnelle selon que l’on se place avant ou après l’action de formation (4 répondants sur 6 se réfèrent aux évaluations socioprofessionnelles). Une seule personne se réfère aux évaluations générique et stratégique ; celles là même qui nous intéressent simultanément. Les tenants de l’évaluation pédagogiques sont deux cadres qui ont été directement impliqués dans une ou plusieurs actions de formation récemment ; ceci explique vraisemblable-ment cela.

L’analyse individuelle que nous venons de réaliser nous a rapproché de la réalité du terrain, mais ne sature pas pour autant l’espace d’analyse. Afin d’être en capacité d’interpréter nos données et de manière à répondre à notre problématique de recherche, nous devons changer de focal. Notre matériau va nous permettre de réaliser main-tenant une analyse transversale. Trois regards vont guider notre réflexion : les objets, les modèles de rationalités et d’évaluation, le mode de management.

§ § §

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Analyse transverse

L’analyse transverse, comme l’analyse longitudinale, fait apparaître des ressemblances, des nuances mais aussi des différences dans les représentations. Les analyses qui suivent s’articulent autour des mots clés qui structurent nos hypothèses de recherche : objets, évaluation socioprofessionnelle, pédagogique, besoins, but, management stratégique, modèle, rationalité. Remarques : Un certain nombre de remarques incidentes et récurrentes ont attirées notre attention au cours des entretiens. Nous allons nous servir de ces remarques comme instrument d’enquête afin de mieux croiser les vues indivi-duelles. En effet, les propos qui « circulent » d’un entretien à l’autre sous une forme plus ou moins inchangée, tracent le sens commun sous-jacent à une question. Le discours dans sa banalité présente un fort pouvoir de structuration sociale. Ces mots ou phrases constituent donc à nos yeux des indices susceptibles de nous aider à expliciter les modèles de pensée qui conditionnent les pratiques évaluatives du CSP RH. Ces remarques, consi-dérations ou préoccupations, liées au management de la formation peuvent contribuer à nos yeux à éclairer les comportements de la ligne managériale.

La dimension gestion du plan de formation : « (…) moi je suis plus en terme de pilotage du PFU90

(…) Une fois que les PIF91 sont saisis et agrégés dans le PFU ça échappe au management (…) Je sais

pas dire aujourd’hui de quelles formations on aura besoin en décembre 2010… . ». Tous nos informa-teurs se déclarent préoccupée par « la qualité des prévisions », qui représente pour eux un enjeu et une difficulté majeure. Ce qui suit traduit et résume leur position, « c’est l’inadaptation absolue entre le sys-

tème de formation et notre besoin ; il ne répond pas sur le plan qualitatif. ». Ce constat unanime souligne l’absence de liaison entre les différents objets, niveaux et outils d’évaluation et confirme –si besoin- que le management de la formation se confond avec la gestion du plan de formation. Ces remarques dénotent à nos yeux une conception juridique de l’évaluation en formation

 90 Plan de Formation de l’Unité 

91 Plan Individuel de Formation 

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La dimension psychosociale : le mot « besoin » est revenu de manière lancinante ; comme quelque chose qui s’impose. Or personne ne parle du besoin d’évaluer en tant que nécessité. C’est plus en termes de désir, de motivation que la question se pose. « (…) C’est important pour nous d’avoir ce re-

tour là quand c’est anonyme les gens ont tendance à se lâcher plus (…) la satisfaction… ça motive le

personnel.…». Si l’on déborde le champ de la formation pour aborder celui de la professionnalisation, nos informateurs, comme beaucoup de personne, s’accordent à penser que le professionnel sait agir en pre-nant du recul. Plusieurs se refusent à exprimer un avis par crainte de verser dans le jugement de valeur ou le jugement moral ; d’où « les précautions oratoires » relatives à la crainte du flicage. Autre expression du déni de la fonction critique : les représentations elles-mêmes. Elles donnent le beau rôle à l’analyse des activités, le mauvais à l’évaluation, excluant du même coup les pratiques évaluatives du genre réflexif alors que l’évaluation correspond à un haut degré de réflexivité. Sur le plan personnel, elle peut déstabili-ser. Nous retrouvons là aussi une vision politique et éthique de l’évaluation. Ces remarques dénotent à nos yeux une conception plus socioculturelle que technique, plus psychologique que juridique de l’évaluation en formation.

La dimension managériale : « Je veux rendre l’agent acteur de sa formation… agent se sent impliqué,

entreprise gagnante, management y trouve son compte(…) Cette remarque révèle le besoin de se proje-ter dans l’avenir et témoignent d’une vision managériale de l’évaluation de la formation De ce point de vue, l’idée est paradoxale. On ne devient acteur qu’en ayant une action sur l’institution. Sous l’effet de la prise d’initiative et de l’implication l’ordre établi va se trouver « mécaniquement » remis en cause. Comme nous l’avons vu plus haut, lors du cadrage théorique, si le terme agent a pour fonction de désigner la per-sonne qui agit, l’action de l’agent ne suppose pas l’exercice de sa volonté, de sa liberté. Or concevoir une formation pour agent est bien différent que de concevoir une ingénierie pour acteur ; en particulier quant au passage d’une évaluation sommative (contrôle) à une évaluation formative (progrès). L’évaluation for-mative suppose un contrat avec des possibilités de régulation. Les acteurs participent étroitement à l’élaboration comme à la mise en œuvre des instruments d’évaluation. L’évaluation dans ce cadre sera proactive, (il y aura discussion avant l’action), interactive (l’évaluation contribue aux ajustements pendant l’action), rétroactive (l’évaluation prend en compte le contexte de la mise en situation professionnelle éva-luée). . Autre chose que j’ajoute en parlant c’est vrai que toutes les formations n’ont pas besoin d’une

évaluation. Il faut aussi cibler notre attention sur des formations sur lesquelles il serait pertinent de le

faire ». Nous retrouvons là une vision stratégique. « (…) pas de flicage…pas les mettre en situation

d’examen (…), pas de carnet noir… Motiver les gens à faire ces retours. » Nous reconnaissons là une vi-sion politique et éthique de l’évaluation.

La dimension organisationnelle: «…trouver le bon système… » Le discours relatif à l’évaluation et à son management donne à penser qu’il existerait une bonne manière de penser l’évaluation et s’inscrivant dans cette idée, des modalités pratiques prêtes à l’emploi. Tous se posent la question de la formalisa-

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tion, de l’exploitation, du niveau de synthèse. Le souci d’adopter une approche pragmatique et cohérente domine les propos : « (…) La maille locale a sûrement un rôle à jouer mais … pilotage métier avec contri-

bution des agences (…) Les problématiques sont les mêmes d’une région à l’autre, les besoins on les re-

trouve à peu près partout… on peut pas déconnecter les deux –GEPEC et formation- si on veut un sys-

tème global et efficient (…) ». Nous retrouvons encore cette vision « techniciste » de l’évaluation dans l’expression « Pas d’usine à gaz », convoquée par 2/3 de nos informateurs au cours de la discussion. De fait une usine à gaz c’est complexe. Mais surtout c’est dangereux : « ça risque d’exploser ». L’explosion mais aussi l’effet de souffle peuvent être dévastateur. « Plein d’intention on se rend compte que ça gêne

tout le monde, que ça emmerde parce que ça ressemble à du flicage… ça fait pas plaisir de s’apercevoir

que c’est pas efficace… ».Autrement dit l’évaluation risque de perturber les relations professionnelles. Par ailleurs, l’exigence sur l’Entretien Individuel, relevée dans les propos de nos informateurs, ressort de l’injonction paradoxale. La pression opérationnelle qui pèse sur les managers les amène à optimiser le temps de préparation des entretiens et à réduire le temps consacré à l’évaluation proprement dite. Que dire quand le lien entre évaluation et professionnalisation est plus manifeste, à mesure que se développe-ront les actions de professionnalisation autres que les stages ; là où justement « la question du lien avec un système d’exigences se pose inévitablement parce qu’elle permet de porter un regard précis sur le degré d’appropriation des compétences et des gestes professionnels ainsi que sur leurs effets en terme de pertinence et d’efficience92 ». D’une certaine manière tous ont conscience que le but est dans le che-min mais l’évaluation de la formation n’est pas leur priorité.

Au regard du concept de représentations sociales, ces remarques confirment l’idée que l’individu construit ses représentations à partir de ses expériences, en particulier dans le domaine professionnel. Elles confirment aussi que les représentations orientent et déterminent les pratiques sociales, en l’occurrence ici les pratiques évaluative.

Fort de ces considérations, nous allons maintenant nous livrer à une analyse transversale en comparant les discours entre eux 1° au regard de l’objet de l’évaluation et du but , 2° au regard du modèle de rationalité, 3° au regard du modèle de management de l’évaluation. Notre but est de répondre à terme à la problématique. Notre objectif intermédiaire étant de mieux comprendre et de pouvoir mieux interpréter les représentations, nous tente-rons d’identifier les modèles mentaux, en les considérants comme les analyseurs des modèles d’évaluation de nos informateurs. 

Nous avons regroupés, dans des tableaux de synthèses, et sous un même titre, les propos qui nous semble les plus caractéristiques et les plus démonstratifs.

 92 Anne JORRO, (2007), Evaluation et développement professionnel, L’harmattant  

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Analyse comparative des entretiens au regard de l’objet de l’évaluation

Objet de

l’évaluation

Entretien Dir. RH

Entretien Manager

proximité

Entretien Cadre RH (format. Occasion.)

Socioprofessionnel

(mesure des be-soins)

(…) la pertinence de l’action…mieux savoir les résultats…On fait des stages en lien avec besoin…on l’envoie en formation on s’assure qu’il sait faire…

(…) on a besoin d’une car-tographie des besoins des agents…

Pédagogique

(mesure des acquis)

(…)En formation on évalue les choses mal comprises … la pratique par rapport à la théorie

Je crois que la meil-leure évaluation c’est leur ressenti… »

« (…) On s’est mis à la place des stagiaires pour savoir si les con-tenus n’étaient pas trop important

Entretien

Dir.Dél.Agence

Entretien Dir.Agence

Entretien

Dir.Adj.Agence

Socioprofessionnel (mesure des be-

soins)

les besoins exprimés par les salariés et leur manager (…)

…si elle lui semble utile et intéressante, est-ce qu’il a appris des choses qui méri-tent d’être diffusées au sein de l’équipe… A l’issue des EI on s’assure que les be-soins exprimés par les MPL rentrent bien dans les orien-tations stratégiques

vérifier que le résultat correspond bien au besoin que nous avions (…) par la mise en situation qui permet de constater des manques (…) en termes d’amélioration du professionnalisme, (…)

Pédagogique

(mesure des acquis)

(…) l’évaluation du sa-voir faire sur la VA -valeur ajoutée- du contenu de la forma-tion ça y a des fiches d’évaluation à la fin de la formation

deux niveaux une évalua-tion à chaud à la fin de la formation, à froid en temps différé

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L’analyse transverse des représentations révèle au regard de l’objet, l’importance accordée à la mesure des be-soins93 en termes de nouveaux savoirs et de capacité nouvelles. Les termes forts sont besoins, utiles, résultats, contenus, GEPEC. La référence aux contenus est largement partagée. On parle aussi du rapprochement de la théorie et de la pratique. Tout cela semble ressortir autant, sinon plus, de la mesure des acquis à l’issue de la formation, que des effets sur les compétences. Il se peut aussi que l’on ne mesure pas le bon objet quand on parle de « choses qui méritent d’être diffusées…de ressenti.. ». D’autant qu’on parle aussi « d’amélioration du profes-sionnalisme, de mise en situation, d’utilité et de pertinence de la formation... ».

Analyse comparative des entretiens au regard du but de l’évaluation

But de

l’évaluation

Entretien Dir. RH

Entretien Manager proxi-

mité

Entretien Cadre RH (format. Occasion.)

Contrôle

Et

progrès

s’assurer qu’on a fait ce qu’il fallait faire (…) pour corriger, remettre en cause la formation…vérifier intelli-gemment que cet argent est bien investi… pour être certain que la boucle d’amélioration se met en route… »

« pour corriger avec les sala-riés dans un bon état d’esprit, idée d’amélioration et d’enrichissement pour at-teindre demain des résultats meilleurs… pas pour coincer les gens : t’as pas la moyenne t’y retournes…».

« (…) Former pour utiliser (…) Quand c’est directement utile ça peut se mesurer (…) important pour décider d’étendre une formation à d’autres agents (…) objectif : les actions prioritaires sur la base des REX (…) dans la vraie vie faut prendre le temps du vécu, de l’utilité, savoir si c’est adapté (…) voir ce qui se passe…Efficace…correspond à un besoin…acquérir mais aussi mettre en oeuvre (…) Quand c’est pour préparer à l’emploi la difficulté c’est l’anticipation (…)

« (…) Important de faciliter, favoriser les échanges sur l’activité quotidienne (…) ça facilite le dialogue…les réactions, les ques-tions…

Entretien

Dir.Dél.Agence

Entretien Dir.Agence

Entretien

Dir.Adj.Agence

Contrôle

« (…) le cadre formation qui vérifie que toute les forma-tions demandées sont bien dans le cadre des orientations

…« … ça me permet de mon-ter ou de supprimer un cer-tain nombre de formations d’organiser la démultiplica-

vérifier que le résultat correspond bien au besoin que nous avions (…) par la mise en

                                                            93 Besoins entendu comme «  les besoins de quelqu’un, les choses considérées comme nécessaires à l’existence…Exigence née de la vie sociale… »,  Voulues comme nécessaires et utiles, d’après le Petit Robert (1989). 

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Et

progrès

définies (…) « Y a probable-ment un référentiel(…) est-ce que le contenu est conforme au programme (…) La VA sur les contenus soit il –le mana-ger-vérifie directement tous les jours sur l’outil de tra-vail…

tion et l’information au sein de l’équipe... Je fais le paral-lèle avec le contrôle, tu réa-lises les actions de formation, tu fais le bilan de ces actions, tu corriges et derrière tu ana-lyses pour déterminer des plans d’action pour pro-gresser (…) si s’arrête là on n’a fait que la moitié du boulot …

situation qui permet de constater des manques (…) en termes d’amélioration du professionna-lisme, (…)

L’analyse transverse des représentations révèle, au regard du but de l’évaluation, l’importance accordé aux di-mensions contrôle et progrès de l’évaluation, mais aussi la visée praxéologique que partage l’ensemble des infor-mateurs. Comme nous avons déjà pu le voir avec l’analyse longitudinale, de manière transverse les représentations ren-voient ici à une logique de type normative. Ces conceptions tirent leurs justifications du champ mathématique. C'est-à-dire du domaine du quantifiable. Cette conception de l’évaluation peut conduire de manière plus ou moins implicite, à « sanctionner ou à ne pas reconnaitre ce qui dépasse » ; par exemple des compétences qui ne se « comptabilisent » pas, ou celles qui ne sont pas « attendues ». On parle explicitement là de mesure. On « s’assure, on vérifie ». De manière plus ou moins explicite, chacun fait état du référentiel d’évaluation qui lui im-porte.

Vérification des hypothèses Nous sommes maintenant en mesure de vérifier notre première hypothèse :

H1 : l’évaluation de la formation est perçue comme un moyen au service d’une finalité « qui va de soi ». Elle est comprise par le management comme étant la mesure es effets de la formation sur les compé-

tences dans le cadre de l’EI94.

Par effet, il faut entendre : La mise en œuvre des acquis de la formation par les participants dans leur activité professionnelle, Les conséquences de cette mise en œuvre sur leur situation de travail

La teneur des propos, notamment les verbes d’action employés, nous donne donc à penser que, pour chacun la finalité « va de soi » ; il « faudrait » juste mieux organiser les choses… Pour chacun le but oriente l’action et pour-                                                            94 Entretien Individuel (d’appréciation annuel).  Les finalités de l’entretien telles qu’elles avaient été définies en 1993, demeurent d’actualité : accroître le dialogue entre le manager et ses collaborateurs en précisant les objec‐tifs visés, faire un point sur les difficultés rencontrées dans l’année, préparer l’évolution du salarié, élaborer un plan d’actions susceptible de faciliter le travail du collaborateur. 

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rait déterminer son positionnement sur un axe Contrôle/Progrès. Du côté de l’instrument de mesure les choses semblent encore plus claires : « …La seule formalisation c’est dans le cadre de l’entretien individuel où on passe

en revue les stages faits, les compétences acquises ». L’évaluation ne semble donc pas un problème en soi, ni pour soi. Tout cela nous laisse entendre que l’évaluation de la formation est perçue comme un moyen au service d’une finalité « qui va de soi ». Elle semble globalement comprise par le management comme étant la me-sure des effets de la formation sur les compétences ; du moins la mesure de son utilité dans le dévelop-pement des compétences. .

La première hypothèse globalement se vérifie

Nous allons, maintenant, chercher à vérifier notre seconde hypothèse :

H2 : L’implicite de la stratégie d’évaluation empêche la Direction des ressources Humaines de piloter de manière stratégique la politique de formation ; c'est-à-dire de prendre les décisions d’orientation, de régu-lation ou de certification nécessaires de manière réfléchie. Pour répondre à cette hypothèse nous allons procéder en trois temps. Nous nous demanderons tout d’abord si la ligne managériale partage une vision institutionnelle, claire et précise de la stratégie d’évaluation et de la politique qui la sous-tend. Nous allons notamment chercher à savoir si le management se réfère à une communication insti-tutionnelle ou à un organe de réflexion. Puis nous analyserons ses propos en tentant d’identifier les modèles men-taux sous-jacents, et leur influence sur le pilotage de l’évaluation au regard du cadrage théorique. La dernière interrogation consistera à savoir en quoi l’évaluation peut elle devenir un vecteur de changement ; c'est-à-dire si nos informateurs perçoivent l’évaluation comme un outil de management stratégique.

Compte tenu de l’imbrication de nos hypothèses, nous pouvons d’ores et déjà relever dans les analyses précédentes les marques de l’implicite de la politique d’évaluation ; par exemple l’absence de réflexion et d’échanges institutionnels, de formalisation de l’évaluation. Il y a, au vu de ces représentations comme un débat interne en suspend : « (…) on n’en parle plus trop en ce moment (…) ça devrait être organisé (…); la question

précise de l’évaluation ? De mémoire non (…) On évoque en CODIR le management de la formation (…) sur

l’adéquation des besoins et des PIF…le respect des engagements…. décider d’un groupe de réflexion…». Seul, le Directeur d’agence fait allusion, mais sans s’y référer expressément, aux orientations stratégiques de formation ; sans préciser les liens avec les notes d’organisation de l’évaluation. Personne ne mentionne le moindre texte rela-tif à l’évaluation de la formation. Ce qui peut surprendre, du fait que le management est supposé porter les notes politiques et les textes d’applications, qu’il contribue à élaborer et à mettre en œuvre. Le management ne parle et

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ne traite que de la gestion du plan de formation en Comité de Direction. Ce qui peut se comprendre dans la me-sure où le plan traduit la volonté de la Direction en matière de formation. Toutefois, formalisant les décisions poli-tiques, n’a-t-il pas justement pour objets d’articuler entre eux les pré-requis, les acquis et les effets de la formation et les résultats qualitatifs de la formation ; tout cela en vue de décider en connaissance de cause des suites à donner.

L’évaluation de la formation, aux dires même des principaux responsables RH, est donc mise en œuvre sans réflexion, sans débat et sans discussions, sans considération des notes d’organisation. Résumons :

En matière d’évaluation de la formation, le management sait que certains managers de proximité en ont acquis la pratique, que pour certains autres cela semble inné

Il n’y a pas à proprement parler de directives.

La question institutionnelle de l’évaluation n’est pas abordée en tant que telle au CODIR.

La formalisation des principes d’action et des procédures est majoritairement souhaitée.

Tout cela nous semble de nature à démontrer le caractère implicite du management de l’évaluation de la forma-tion. Or, il s’avère indispensable de clarifier, d’expliciter, d’afficher et de partager concrètement les concepts fon-damentaux d’évaluation, d’évaluation formative, d’agent acteur, de compétences collectives pour évaluer de ma-nière cohérente la formation. Au niveau politique il s’agit d’articuler l’évaluation de la formation aux différents élé-ments de la stratégie, à moyen et à long termes : évolution technologique, économique, organisationnelle mais aussi évolutions des métiers, des modes de décision et de management. Ces articulations doivent impérativement être formalisées dans le cadre d’objectifs régulièrement négociés, contractualisés, évalués appelé politique et stratégie d’évaluation de la formation. Se donner une politique d’évaluation c’est choisir, décider en connaissance de cause ; fixer par exemple des priorités…et s’en donner les moyens. Pour le dire à la manière de Meignant et Ardouin, la politique d’évaluation de la formation doit faciliter la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise, des objectifs opérationnels et de la politique sociale ; et en l’occurrence la conduite du changement. Autrement dit, La Direction du CSP RH doit se libérer d’une conception administrative de l’évaluation de la formation, au profit d’une conception stratégique. L’implicite n’est donc plus possible. Il empêche l’ensemble des acteurs de situer l’action à moyen terme à l’intérieure des grandes lignes directrices des projets de changement de l’entreprise et verrouille le changement.

Pour autant si l’explicitation des finalités (politiques et stratégiques) et des modalités pratiques d’évaluation est une condition nécessaire, elle ne suffit pas pour manager l’évaluation d’une manière « stratégique ». Il importe de sen-sibiliser les managers sur les interactions à exploiter entre l’entretien individuel et la démarche globale de gestion

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prévisionnelle des emplois et des compétences pour s’assurer de la pertinence de l’évaluation. Loin de se réduire à un entretien de face à face avec l’agent, l’évaluation devrait se dérouler au fil de l’eau, de façon continue.

Problème plus sociologique que technique disions nous ; (Cf. notre dossier thématique). Plus que de piloter la formation, il s’agit donc au CSP RH, et précisément au travers de l’évaluation, de manager de manière stratégique la formation.

Le comportement des acteurs obéit à une logique particulière. Cette rationalité procède d’un modèle impli-cite. Sachant que, comme le dit Michel Vial, « le dernier modèle n’est meilleur que pour ceux qui sont dedans », il reste à identifier le ou les modèles d’évaluation qui guident nos informateurs, avant de chercher à savoir en quoi il fait (ou font) obstacle (ou non) au management stratégique de la formation. Pour cela il nous faut passer par un détour consistant, à essayer de repérer dans les propos des informateurs les modèles de rationalité, qui sous-tendent les modèles d’évaluation et les positionnements au regard du management de l’évaluation.

L’instrumentation qui suit, empruntée à Michel Lecointe, va nous aider à repérer les modèles de pensée et les modèles d’évaluation sous-jacents au discours de nos informateurs :

« Les modèles comme mode d’interprétation »

Un modèle de pensée est toujours à l’origine du modèle d’évaluation qui l’actualise (Michel Vial) : « Le modèle est

toujours un patron, un gabarit, un mimétisme, une mise en forme de la pensée, un formatage plus ou moins subi par l’évaluant donc identifiable ». C’est le cas par exemple, du modèle économique à partir de la triade moyens/objectifs/résultats. Astolfi (et nous avec lui) considère les modèles comme des outils de compréhension de la réalité. Les modèles d’évaluation qui suivent vont nous aider à affiner nos analyses.

Le modèle juridique, très répandu dans les entreprises et les institutions en général, est de ceux là. Sans revenir sur notre dossier thématique (largement repris et complété sous la forme de « Lettres de cadrages »), soulignons sa principale caractéristique : le contrôle ; au sens d’examen au regard d’une norme. S’appuyant sur un référentiel et renvoyant à ce qui doit être et/ou doit être fait, ce modèle offre la particularité de renvoyer à quelque chose d’extérieur, d’indépendant, de « rationnel », par opposition à subjectif ; les audits mais aussi l’évaluation des for-mations soumises à habilitation relèvent de ce modèle de pensée. Nous retrouvons là l’idée de mesurer, de véri-fier, de se doter d’instrument, de conduire un processus, de respecter une procédure. Du fait des conséquences qu’il entraîne nous le considérons comme un « modèle de la sanction ».

Participe de cette catégorie de modèle d’évaluation le modèle de Stufflebeam (Cf. notre bibliographie). Centré sur la prise de décision aux différentes étapes de l’évaluation, il autorise une programmation, rigoureuse des étapes de l’évaluation. Le modèle de pensée sous-jacent au modèle juridique est cartésien. Privilégiant les produits et les

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résultats de l’évaluation, il renvoie à une approche sommative de l’évaluation. Nos précédents résultats nous paraissent au demeurant, entrer dans le cadre de cette distinction sommative/formative95.

A l’inverse, le modèle naturaliste de Guba et Lincoln (nous dirions opportuniste) valorise une approche formative de l’évaluation : « L’évaluation est une forme d’investigation contrôlée, menée afin de déterminer la valeur d’une

certaine entité, dans le but d’améliorer ou de perfectionner la chose évaluée96 » Ce modèle renvoie à la pensée systémique ; plus que les éléments du système ce qui compte ce sont les relations et/ou les buts qu’ils ou elles entretiennent entre eux. « L’approche systémique raisonne non pas exclusivement sur la structure comme le

propose l’approche analytique, mais sur la relation, les fonctions, les interactions du système. De plus elle va

s’attacher à appréhender le système dans sa totalité, un entier non réductible à ses parties. Revendiquant la place

du sujet. Il privilégie le caractère singulier et conjoncturel de la situation. Ici « la carte n’est pas le territoire » ; les faits importent moins que le sens qui leur est donné, la démonstration moins que la perception. Nous retrouvons là l’idée de construire, d’associer, d’orienter, d’évoluer ; l’idée aussi d’interprétation, de subjectivité, de relativité, d’imprévisibilité, de provisoire.

Analyse comparative au regard du modèle de rationalité et du modèle d’évaluation

Modèle de ratio-

nalité

Entretien Dir. RH

Entretien Cadre RH

(format. Occasion.)

Entretien Manager proximité

Juridique et /ou

Managérial

Le rôle de la Direction n’est pas bon on fait ce qui est obligatoire (…) être certain que la boucle d’amélioration se met en route… vérifier intelligem-ment que cet argent est bien investi

Le stagiaire fait retour au formateur (…) au RRH97 (…) au manager (…) devrait faire retour à l’organisme de forma-tion…normalement devrait recevoir par mail une grille à compléter…exploitée par l’organisme (…) »

important pour décider d’étendre une formation à d’autres agents (…) objectif : les actions prioritaires sur la base des REX…

réticulaire …agent se sent impliqué, entreprise gagnante, ma-nagement y trouve son compte

Le stagiaire fait retour au formateur (…) au RRH…) au manager (…) devrait faire retour à l’organisme de forma-tion…C’est important pour nous d’avoir ce retour là

un référent par pôle évalue les difficultés, remonte les anomalies…En théorie le retour aux collègues est prévu mais faute de temps c’est pas réalisé…

Entretien Dir.Dél.Agence

Entretien Dir.Agence Entretien Dir.Adj.Agence

Juridique l’évaluation du savoir faire Je fais le parallèle avec le « (…) pour moi pour évaluer

                                                            95 Evaluation sommative à la fin de la formation ou de l’action de professionnalisation, évaluation formative pendant la formation ou l’action de professionnalisation. 96 Jean AUBEGNY, (2006), in « L’évaluation entre permanence et changement, L’Harmattant 97 Responsable Ressources Humaines, en fait le Directeur d’agence lors de ses nombreux déplacements sur sites. 

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et /ou Managérial

c’est le dialogue perma-nent entre le salarié et le manager…la formation faite tu rentres t’es sensé savoir faire La VA sur les contenus soit il –le manager-vérifie directement tous les jours sur l’outil de travail si di-rectement lié au métier…

contrôle, tu réalise les actions de formation, tu fais le bilan de ces actions, tu corriges et derrière tu analyses pour dé-terminer des plans d’action pour progresser …

la formation c’est clairement dans l’ADP… mon principal vœux serait de la cohérence en mettant justement en lien GEPEC/ADP/Formation et système de reconnais-sance…savoir où on veut aller, qu’est-ce qu’on veut, quelles interactions on voit, (…) revenir sur pourquoi on avait inscrit cet agent là…

Réticulaire (…) si s’arrête là on n’a fait que la moitié du boulot …

(…). le responsable du truc (…) c’est le management, mais y a pas que lui…

Globalement et en première lecture, le mode de rationalité révélé par les discours s’apparente au contrôle. . L’évaluation s’appuie sur un chaînage des éléments et leur bouclage. Le bouclage institutionnel est ici juridique et administratif. L’accent porte tantôt sur la structure organisationnelle tantôt sur le processus d’évaluation. L’idéologie de la performance peut vraisemblablement expliquer cela. Toutefois, considérant la valorisation sociale dont bénéficie explicitement ce modèle reconnu par l’institution, nous tenons à signaler qu’il porte en lui, et ce d’une manière intrinsèque, une connotation négative (que l’on retrouve dans la crainte exprimée du « flicage »), qui signe une conception normative et sommative de l’évaluation. Les représentations font apparaître ici quelques uns des présupposés qui représentent autant d’obstacles à bousculer ou de conditions à lever pour évoluer dans l’évaluation de la formation. D’une certaine façon, « On a la forme du taylorisme sans en avoir la cohé-rence…et le sens » (LECOINTE). Nous constatons du même coup, les signes d’une combinaison des modèles de rationalité identifiée comme juridique et de rationalité identifiée comme managériale. En effet il semble que l’évaluation ici puisse s’apparenter aussi au modèle managérial de l’évaluation : « …objectif : les actions priori-

taires sur la base des REX … pour moi pour évaluer la formation c’est clairement dans l’ADP »; sans pour autant être intégrée au management de la formation. La recherche de l’efficience qu’exprime le souci de la pertinence, de l’utilité, de la « bonne formation » que nous avons relevée, souligne, si besoin est encore, la dimension norma-tive du management. Elle témoigne aussi de la sensibilité à la « logique de la dépense » que nous évoquions pré-cédemment. Ce qui sous l’emprise du modèle économique peut constituer un autre type d’obstacles à franchir.

Ces analyses nous amènent à la conclusion suivante : la position définissant la perception du problème de l’évaluation, les représentations sur le management de l’évaluation semblent ici fortement corrélées avec les modèles de pensée juridique et managériale

La chose difficile, mais aussi parmi les plus efficaces à réaliser, va être de substituer l’évaluation formative à l’évaluation sommative. Elles sont si ancrée dans les pratiques sociales qu’elles en sont devenues transparentes. Abandonnons un court instant les questions de management. Comme « nous ne pouvons pas ne pas communi-quer » (Ecole de Palo Alto), nous ne pouvons nous empêcher de préjuger spontanément ; nous sommes « forma-

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»103.

                                                           

ter » pour cela, par les modèles mentaux depuis notre naissance. Ils sont en eux-mêmes des obstacles à franchir pour changer pour accueillir la nouveauté. Par exemple et à titre d’illustration : « (…) la formation faite t’es sensé

savoir faire…ou alors t’as pas le potentiel… ». C’est la conception de la place du sujet qu’il s’agit là de reconsidé-rer. De cible et de vecteur de l’évaluation de la formation, à quelles conditions est-il possible de transformer l’agent en acteur …Nous y reviendrions. . Précisons que le mode d’animation managérial du CSP RH procède de plus en plus de la structure réseaux : la réunion de plusieurs catégories d’acteurs, de spécialistes, de savoirs et compé-tences est d’usage courant. Le développement de l’expertise et de l’accompagnement sont une caractéristique essentielle du CSP RH. Une troisième lecture s’impose.

Cette troisième lecture nous amène à constater une évolution des formes de rationalité dans le management de l’évaluation. Il semble que nos informateurs prennent aussi en compte différentes dimensions de l’organisation sociale et politique : « (…) agent se sent impliqué, entreprise gagnante, management y trouve son compte (…) y a

pas d’exercice imposé (…). Nous avons tout lieu de penser qu’à travers ces propos se manifeste la possibilité ou même l’existence « d’espaces entre l’organigramme et les configurations d’acteurs, entre le programme et ses

modalités de mise en œuvre 98 », comme le dit encore Michel Lecointe. Nous avons évoqué précédemment la tendance à reconnaitre l’individu99, en tant qu’acteur de l’évaluation et la prise en compte des compétences et identités professionnelles. Dans la continuité, nos informateurs nous amènent à considérer leur vision du mana-gement de l’évaluation comme les signes avant-coureur d’un déplacement du modèle de rationalité managé-riale Le principe de Co-évaluation évoqué par certains, la priorité accordée par d’autres aux ajustements perma-nents, constituent des indices d’un mode de pensée réticulaire. La référence à la Valeur Ajoutée, la forme du propos pouvant prêter à controverse, à débat, à conflit, et d’une certaine manière, l’interrogation ici posée sur l’objet d’évaluation100, semblent indiquer l’émergence d’un mode de pensée d’ordre éthico-politique101déjà relevée dans l’analyse longitudinale. Une approche par les pratiques informelles d’évaluation serait peut être de nature à préciser les choses102. Toujours est-il que nous voyons là la possibilité de « faire bouger les lignes » du management de la formation. La question, en effet, n’est pas tant de trouver « La Bonne » technique d’évaluation que d’articuler les modèles existants, de les rendre tous utiles : « L’articulation (…) entend donc relier sans toute-

fois les confondre, sans les fusionner, sans les unifier pour autant, des éléments reconnus explicitement séparés

et hétérogènes entre eux, comme étant l’antithèse de la confusion ou d’une compacité excluant la distinction

Il est donc important de noter la perméabilité et la souplesse des modèles d’évaluation en présence dont la dyna-mique crée la possibilité d’innovations sociales. Le changement de paradigme consistant à passer d’une concep-tion sommative à une conception formative de l’évaluation en est une. Avant d’aller plus loin Il nous faut identifier

 98 Michel LECOINTE, (2006), « Rationalités et modèles d’évaluation », in L’évaluation entre permanence et chan‐gement sous la direction de Jean AUBEGNY et Loïc CLAVIER, L’Harmattant  99 Jacqueline BARUS‐MICHEL  dirait : « le sujet social », (1987), Dunod  100 Sous l’angle de sa valeur et sous l’angle des orientations politiques 101 IBIDEM Michel LECOINTE    102 Nous n’avons pas non plus loisir à développer mais on se rappellera qu’une étude de ce type pourrait consti‐tuer un prolongement possible à notre recherche  103 ARDOINO (1998), cité par Michel VIAL, « Se former pour évaluer », de boeck 

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les types de management de l’évaluation que conçoivent nos informateurs. Deux dimensions vont guider nos ana-lyses : la dimension outil de management et la dimension outil de développement des compétences.

Analyse comparative au regard du mode de management de l’évaluation

Vision de l’évaluation

Entretien Dir. RH

Entretien Cadre RH

(format. Occasion.)

Entretien Manager proximité

Outil de Management

(…) Comment mieux savoir quels résultats (…) pour s’assurer qu’on a fait ce qu’il fallait faire pour corriger, remettre en cause la forma-tion (…) pour atteindre de-main des résultats meil-leurs…quel lien avec le management pour reboucler (…) le manager à un rôle majeur…

c’est pas vraiment de notre ressort l’évaluation

formalisation des REX (…) exploitation par ma-nagement plus agents (…) partage entre agence… Quand c’est pour préparer à l’emploi la difficulté c’est l’anticipation.

Outil d’amélioration des compé-tences

pour être certain qu’une boucle d’amélioration se mette en route dans le cadre de la formation (…) surtout quand on a le problème de renouvellement et de pertes de compétences

c’est pas vraiment de l’évaluation

Efficace…correspond à un besoin…acquérir mais aussi mettre en œuvre (…)

Entretien Dir.Dél.Agence

Entretien Dir.Agence

Entretien Dir.Adj.Agence

Outil de Management

(...) La formation a bien eu lieu, (…) à la limite le Respon-sable Formation ça suffit. (…) pas des managers

(…) A travers les E.I… on fait pas l’analyse (…) « … ça me permet de monter ou de supprimer un certain nombre de formations d’organiser la démultiplica-tion et l’information au sein de l’équipe...

(…) en mettant en lien GEPEC/ADP/Formation et système de reconnais-sance (…) le respon-sable du truc (…) c’est le management, mais …y a des intermédiaires…tout à fait légitimes …

Outil d’amélioration des compé-tences

l’apport pour le salarié (…) a changé quelque chose (…) ça peut être de l’ordre de la professionnalisation d’un des cadres

ça permet de revenir sur les compétences acquises, celles qui restent à déve-lopper

(…) en terme d’amélioration du profes-sionnalisme, (…) que c’est la bonne formation (...) pertinente…

Tous ont conscience d’une situation insatisfaisante ; ce que résume la formule employée par la DRH : « Le rôle de

la Direction n’est pas bon on fait ce qui est obligatoire … ». A une exception près, nos informateurs semblent considérer l’évaluation de la formation à la fois comme un outil de management et un outil de développe-

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ment des compétences. La DRH, pour sa part, conçoit clairement l’évaluation de la formation comme un outil de management stratégique ; du reste en accord avec la définition théorique du management stratégique de la forma-tion :

Management car il s’agit de faciliter l’emboîtement de différents niveaux de logiques avec le souci cons-tant d’ouverture sur l’environnement

Management encore, par la mise en œuvre d’outils de management participatif, et par la focalisation du management de la formation sur les finalités de l’évaluation, plus que sur les processus.

Stratégique car il s’agit de situer l’action évaluative à moyen terme à l’intérieure de grandes lignes direc-trices ; de manière intégré, car politique et stratégie RH doivent être considérées et menées globalement.

Dans une moindre mesure, le Directeur d’agence, son adjointe, la Directrice adjointe d’agence et le cadre de proximité semblent partager ce point de vue. Autrement dit, il semblerait que l’évaluation de la formation puisse être considérée ici comme un outil de management pour conduire l’entreprise vers un avenir meilleure, de manière volontaire. En situant l’action à moyen terme, à l’intérieur de grandes lignes directrices, les conceptions ici formu-lées témoignent de la possibilité d’intégrer l’évaluation de la formation à la politique et à la stratégie de gestion des ressources humaines ; [dans un but] «(…) d’amélioration et d’enrichissement pour atteindre demain des résultats

meilleurs …».

En définitive, il ressort que faute de disposer d’une stratégie d’évaluation explicite, claire et précise, mais aussi compte tenu des modèles mentaux partagés par le management, la Direction des Ressources Humaines est dans l’incapacité de piloter de manière stratégique la formation ; c'est-à-dire, de prendre les décisions d’orientation, de régulation ou de certification nécessaires de manière réfléchie.

La seconde hypothèse se vérifie

Par ailleurs, si la DRH est la seule à faire explicitement référence à l’agent acteur, d’autres conçoivent qu’il faille transformer l’agent en acteur : « …le responsable du truc (…) c’est le management, mais …y a des intermé-

diaires…tout à fait légitimes …. ». Ceci nous ramène au paradoxe de l’agent acteur. Rendre l’agent acteur est une injonction paradoxale qui laisse entière la question du comment on transforme un agent en acteur ; ça suppose quoi ? Pour l’ingénieur formation, concevoir une formation pour agent est différent que de concevoir une formation pour acteur : « (…). L’agent n’est pas un instigateur, mais un vecteur, tandis que l’acteur prend volontairement les

choses en main (…)» 104 .

« De la difficulté à évoluer… »

L’entreprise forme pour obtenir des résultats mais aussi pour développer une main d’œuvre de plus en plus souple et mobile ; qu’elle souhaite au demeurant autonome et créative. Tout ceci implique un rôle de plus en plus actif de

 104 Ibidem Michel VIAL 

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l’agent dans la définition de ses objectifs de formation et de ses résultats d’apprentissage. Il y a donc la place à des modèles d’évaluation plus ouverts, où tout en reconnaissant la nécessité de développer l’apprentissage des agents aux visées collectives, il y a aussi place aux apprentissages contribuant au développement professionnel et personnel des « sujets ». Mais cela ne va pas sans une certaine difficulté.

Du point de vue de l’ingénierie de formation et de l’ingénierie pédagogique, l’évaluation sommative -qui ressort de la sphère agent- focalise sur les produits et les résultats. L’institution l’utilise pour trier et sélectionner ; voir pour discriminer au sens de différencier à partir d’un référentiel fixe et préconstruit. Dans le cas de l’évaluation forma-tive,-qui ressort de la sphère acteur- priorité est donnée aux méthodes actives et aux apprentissages réflexifs. « L’évaluation formative porte essentiellement sur les démarches, la phase de réalisation, pendant que se construit

le référent du sujet, pendant qu’il apprend (...) Le principe de base est que le mécanisme de régulation est consti-

tutif de l’évaluation, qu’il est indispensable pour concevoir l’évaluation : l’objectif de l’évaluation formative est bien

un objectif de régulation, par opposition ou par différence avec celui de l’évaluation sommative qui est un objectif

de contrôle 105» (Bonniol, 1989). Ce qui rend la situation véritablement difficile pour le manager, c’est qu’il lui faut, comme le formateur, accepter de devenir une ressource et faciliter l’influence du sujet, sur l’institution comme sur la réalité concrète de l’évaluation ; il lui faut partager, non seulement les modalités et les résultats, mais aussi et surtout le pouvoir. La dimension psychosociale représente à nos yeux un obstacle de taille pour évoluer dans l’évaluation.

L’explicitation des principes de l’évaluation formative de la formation et de ses difficultés, mais aussi la transfor-mation de l’agent en acteur, outre le fait de partager le pouvoir de porter un jugement sur la valeur d’un dispositif, ou d’un produit de la formation, permettrait au management de l’entité dans son ensemble de progresser ; pour le management du CSP RH, il s’agit en changeant de paradigme de considérer l’évaluation de la formation comme un outil de management stratégique.

§ § §

 105 Ibidem 

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CONCLUSIONS

Les bornes… à dépasser…..

• Evoluer pour évaluer…Evaluer pour évoluer … • Limites et prolongements possibles • Conclusion.

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Evaluer pour évoluer…Evoluer pour évaluer…le mot de la fin.

La nécessité de prendre en compte de fortes évolutions structurelles, sur fond de ressources limitées, conduit le CSP RH à la mutation de son système de management de la formation, et à la substitution du management stra-tégique de l’évaluation de la formation à l’actuel pilotage par la gestion. L’actuelle non-évaluation des résultats des formations est en effet une perte de pouvoir par l’acteur sur son action. Il ne peut de ce fait ni la réguler, ni la faire évoluer. Ceux qui disposent du pouvoir de décision ne connaissent pas toujours la situation. Ceux qui possèdent les informations ne disposent pas toujours du pouvoir de décision. La décision d’évaluer la formation constitue donc un enjeu stratégique dans les marchandages qui se déroulent au sein de l’organisation. Mais le fait de fixer des priorités ne suffit pas s’il ne s’accompagne pas de procédures, de mises en œuvre négociées ou contractuali-sées. La réalité des décisions montre que la décision est un cheminement une construction, une négociation106. Une décision n’est jamais neutre : qui est concerné ? Qui est impliqué ? Par où et par qu’elle fonction… Comment se procure-t-on les informations nécessaires pour décider en connaissance de cause. Dans ce cadre, le manage-ment s’affirme de plus en plus comme un acteur décisif ; aussi bien en matière de relations hiérarchiques qu’en matière de relations sociales. Définissant les règles et les espaces dans lesquels l’évaluation prend un sens re-nouvelé, le management intervient fortement dans la contractualisation ou la négociation de l’évaluation. Son im-pact sur les modèles mentaux et dans la gestion des conflits de rationalités est tel, que l’évaluation de la formation constitue une variable du changement.

Dans le même mouvement, ce nouveau management de la formation intègre l’importance croissante de l’organisation en réseau, celle de l’information et de son traitement (les « portails RH ») qui permettent à la fois de raccourcir les délais de réponse et d’accroître la pertinence et l’efficacité des décisions, au fur et à mesure que s’affine les outils d’analyses. Ainsi, l’évaluation amène l’entreprise à remettre en cause « la dictature cartésienne ». La complexité du problème de l’évaluation en formation est aujourd’hui un fait. Le management « formaté et tra-vaillé » par une conception linéaire et mécaniste de la causalité, doit intégrer un mode de raisonnement plus sys-témique, plus réticulaire. L’évaluation de la formation ne peut se limiter à mesurer l’efficience des investissements consentis, et à décider ou même à contribuer au management du système formation : « Elle doit aussi s’interroger

et interroger l’objet d’évaluation sous l’angle de la valeur (dimension éthique), et sous l’angle des grandes orienta-

tions et visées (dimension politique). » ; comme le dit Lecointe. Ce nouveau management devra étayer le dévelop-pement des stratégies d’acteurs qui, faute de volonté politique, risquent de se réfugier une fois encore dans l’inertie ou la résistance au changement. Il devra évoluer pour évaluer.

En quoi, le pilotage de l’évaluation en formation constitue-t-il un outil stra-

tégique pour faire évoluer le management de la formation au CSP RH ?

                                                            106 Revue Sciences Humaines n°2, mai 1993   

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Autrement dit, à quelles conditions l’évaluation peut-elle devenir une composante des processus de chan-gement dans les organisations et les institutions ? Deux points de vue vont nous permettre de répondre :

Du point de vue des sciences sociales, selon Guba et Lincoln, il n’y aura de développement de l’évaluation que dans la mesure où celle-ci contribuera de manière significative au développement de la formation. C'est-à-dire quand l’évaluation apparaîtra pertinente, que l’évaluateur sera crédible, que les acteurs seront impliqués dans la planification et dans la formalisation de l’évaluation, quand la communication sur les résultats sera de qualité (les supports notamment), quand le développement de procédures pour faciliter la mise en œuvre des résultats se réalisera. La solution n’est donc pas seulement dans la conjugaison des modèles d’évaluation mais aussi dans les processus d’évaluation mis en place et leur organisation garantissant le respect de ces conditions. Il en résulte pour l’évaluation en formation :

• Sa reconnaissance explicite comme composante de la compréhension et du pilotage des faits et des si-tuations relatifs à l’appréciation de l’effort de formation,

• L’absolue nécessité d’une approche plurielle et multi-référentielle pour animer les processus et dispositif d’évaluation.

Du point de vue du praticien, l’expérience montre qu’un certain nombre de conditions est nécessaire pour réus-sir.

L’engagement de la Direction doit être résolu, visible et continu. Le succès passe du point de vue politique par l’explicitation des buts et la définition claire des pouvoirs et des éventuelles délégations de pouvoir et celle des contributions attendues de chacune des parties. La hiérarchie de proximité, sur qui repose la conduite du changement, doit elle-même se convaincre ou être convaincue de la nécessité de se former pour évaluer. De même la nécessité de professionnaliser l’évaluation de la formation s’impose à la fonc-tion RH qui doit être en mesure d’apporter aux opérationnels un soutien méthodologique et technique.

De manière générale le développement du professionnalisme passe par la remise en cause des pratiques évaluatives ; notamment sommatives. Le professionnalisme c’est en l’occurrence ici plus de management stratégique mais aussi de management participatif, plus d’ouverture et de disponibilité. C’est aussi cer-taines pratiques et méthodes de travail, la capacité d’animation, le rapport à l’autre qu’il va falloir revisiter et adapter. Tout cela ne peux advenir sans une action de sensibilisation, de préparation du corps social ; à commencer par les partenaires sociaux qui doivent être associés d’un bout à l’autre au risque de faire capoter l’ensemble. L’accent doit porter sur les formes d’intervention non impositives.107

Evaluer pour évoluer, évoluer pour évaluer, l’évaluation est une opportunité de « faire bouger les lignes ». Au point, pourquoi pas, un jour peut être, de substituer une évaluation formatrice [au sens de Georgette Nunziati108] à l’évaluation formative.…

 107 Claude LECLERC, (2007), « état des lieux des pratiques formelles et informelles des acteurs de la formation, publication des actes du 19ième colloque de l’admée‐europe volume 1, n°1 108 In « Mots‐clés de la didactique des sciences », qui donne le « pouvoir » à l’apprenant sur ses apprentissages. 

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Les limites de la recherche et les prolongements possibles

Par nature et par construction, notre recherche fait apparaître un certain nombre de limites. Aussi nous nous « limi-terons » à évoquer la difficulté du passage de l’évaluation sommative à l’évaluation formative. En focalisant sur l’évaluation formative nous focalisons du même coup sur le processus d’évaluation, et notam-ment sur l’aspect régulation du système. Ce faisant, dans les questions liées au management de l’évaluation nous pourrions nous interroger sur le ou les référentiels (indicateurs ou critères) d’évaluation sur lesquels évaluateurs et évalués se prononcent pour dire « la valeur » professionnelle. Il y a là une difficulté à adopter le principe d’un auto-référentiel, mais aussi à considérer que le tout est supérieur aux parties. C'est-à-dire qu’il faudra, par exemple, considérer et évaluer aussi les effets imprévus de la formation et leur influence sur les produits et les résultats (par exemple les compétences). Il sera donc nécessaire de prendre formellement en considération le contexte de l’évaluation et de prendre acte du fait que la pratique évaluée se trouve modifiée en fonction des éléments pris en compte ou rejetés. Ce qui élève considérablement le statut de l’initiative et tend à transformer le statut de l’erreur ; là où était la faute, l’erreur est source de progrès. On voit là encore l’importance et donc la difficulté à transformer l’agent en acteur. Or prendre en compte systématiquement le contexte particulier de la situation, c’est devoir arti-culer un jugement qui intègre à la fois les dimensions individuelles, interindividuelles, groupales, organisationnelles et institutionnelles. L’absolue nécessité d’une approche plurielle et multi-référentielle pour animer les processus et dispositif d’évaluation représente une limite considérable.

En termes de prolongements, une analyse institutionnelle pourrait aider à la prise en compte du contexte et permettrait vraisemblablement de confirmer l’idée de devoir distinguer moments d’apprentissages et moments d’acquisition et de validation de compétences109 ; ce que les acteurs de la formation dans l’univers de la produc-tion nucléaire savent faire. Sans parler des compétences que l’on se donne à soi-même selon la belle expression de Rémi Hess110 en dehors de cadres éducatifs. Simplement pour se livrer à une analyse institutionnelle il faut une réelle liberté de parole, et une « vraie demande » et une sincère acceptation de l’observation critique pour être en capacité de questionner l’organisation et l’institution d’accueil. Autre prolongement possible, (plus facile à mettre en place) une analyse sociologique permettrait d’observer et de comprendre les jeux individuels au sein de l’agence. Elle permettrait de situer chacun par rapport aux autres, en référence non à leur caractéristiques per-sonnelles, mais à leur positionnement dans les jeux collectifs, en cherchant à identifie leurs contraintes, leurs res-sources et les objectifs de chacun. D’autant que le lancement officiel d’un projet d’évolution du système d’évaluation apporterait une perturbation supplémentaire dans l’environnement : La demande de la DRH impose-rait de nouvelles contraintes à des acteurs en quête de légitimité, modifierait vraisemblablement les positions ac-quises ou en passe de l’être par chacun et pour finir mettrait probablement en péril les situations de pouvoir ; il n’y à qu’à songer à l’échiquier syndical pour s’en convaincre. En effet ce qui est suggérer, c’est de répartir différem-                                                            109 Comme c’est le cas dans les services de production nucléaire 

110 Rémi HESSE, (2006), « Analyse institutionnelle et évaluation », in L’évaluation entre permanence et change‐ment sous la direction de Jean AUBEGNY et Loïc CLAVIER, L’Harmattant 

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ment les pouvoirs entre la technostructure, le centre opérationnel, et la direction stratégique111 du CSP RH.

Conclusion Cette recherche pointe deux types de résultats : primo, les modèles relatifs à l’évaluation de la formation et les instruments d’analyse employés, reprennent une part relativement importante des concepts et des situa-tions liées au management de l’évaluation de la formation en entreprise. En particulier, les situations con-crètes évoquées ici ont pu être situées au croisement de deux ou trois modèles de rationalité et d’évaluation. Pour autant, elle ne saurait prétendre au statut de représentativité au-delà du terrain d’expérience considéré ; confor-mément à notre préambule, « Priorité a été donnée à la réalité empirique et à une explication ancrée dans un

principe de réalité sur le formalisme théorique112 »

Secondo, les cadres d’analyse et la méthode choisis ne permettent pas de mesurer les systèmes d’action concrets ou les pratiques évaluatives informelles ou encore le poids de la psychologie individuelle dans les prises de position rapportées ; c’est à sa subjectivité que se fie l’acteur pour évaluer, toute chose étant égale par ailleurs.

Les enseignements de ce travail permettent de formuler un certain nombre d’hypothèses sur des prolon-gements possibles ; en particulier en direction de la sociologie des organisations, de l’analyse institutionnelle.

En identifiant, de manière compréhensive, un certain nombre de difficultés et de conditions, sinon de recomman-dations, cette étude peut servir de support à l’information et à la formation des managers dans le champ de la formation et de la professionnalisation : différents messages pointent spécifiquement ce qu’il y a de probléma-tique dans la conduite du changement. Concrètement, un programme de sensibilisation conçu à partir d’elle est en attente de décision.

Au terme de notre réflexion, nous sommes conscients d’apporter plus de questions que de réponses. Mais en les suscitant, nous avons voulu attirer l’attention sur un domaine plus complexe qu’il apparaît. Malgré (ou grâce à cela) nous espérons avoir contribué à l’éclairage des problèmes et des pratiques évaluatives en entreprise. Nous serions heureux de savoir que notre recherche, dans sa singularité, a pu contribuer à la réflexion autour des pra-tiques de management de la formation, et au-delà, aux pratiques de gestion des ressources humaines en termes de conduite du changement. Pour notre part le fait d’explorer le champ complexe de l’évaluation en forma-tion nous a permis d’apprendre à conceptualiser nos propres modèles et pratiques d’évaluation.

Le chercheur doit maintenant passer le témoin à l’ingénieur formation, au consultant, au Responsable Formation, à la DRH… Il appartient à l’entreprise de décider d’approfondir ou non les questions ici posées. Ce faisant il lui ap-partient plus encore d’engager ou pas les changements qu’elle juge nécessaire…Evoluer pour évaluer…Evaluer pour évoluer…

                                                            111 Henri MINTZBERG, « structures et dynamiques des organisations », éd. Des Organisations. 112 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, (2006, 3ième édition), « Manuel de recherche en sciences so‐ciales, Dunod 

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§ § §

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tc.….

                                                           

ANNEXE 1 « Etumos logos de l’évaluation en formation»

« On ne se pose pas le problème de l’évaluation sans prendre des risques…théoriques ».

Le premier de ces risques est de ne pas pouvoir donner d’horizon à la question d’évaluation. Elle devient sans

limite. Le risque est réel. Il se nourrit d’un constat simple : il y a de l’évaluation dans la plupart de nos con-duites sociales »113.

La représentation sociale ordinaire de l’évaluation procède d’une vision technique de la mesure et de la vérifica-tion. En effet, l’évaluation n’est pas considérée comme un concept tant elle paraît familière. Son évidence est trompeuse : tout le monde croit savoir d’emblée de quoi on parle ; sans doute aussi parce que chacun confond la représentation qu’il s’en fait, avec le vécu de son expérience à l’école ou ailleurs. Le mot évoque spontanément des situations évaluatives ; plus ou moins traumatisantes en fonction des circonstances. C'est dire comment mais aussi combien elle peut s’inscrire dans la l’inconscient individuel mais aussi collectif114. On peut dire que le sens du mot est institutionnalisé. Son usage, par lui même de plus en plus abusif115, prête en fait à confusion116. Ainsi, nous parlons d’évaluation chaque fois qu’il s’agit d’attribuer une valeur, un prix ou de l’importance à une chose, à une décision, une politique e

L’évaluation en formation est, à elle seule, une question complexe et difficile à maîtriser. Comme le souli-gnent Kraiger, Ford, et Salas (1993), l’expression « évaluation de la formation » est en elle-même ambigüe. De la conception à la réalisation effective, de l’efficience à l’efficacité, des apprentissages aux effets, son registre est large.

Nous nous trouvons dans la nécessite d’en préciser les notions, d’élucider la nature exacte de ses buts et de ses objets, d’en clarifier éventuellement les démarches et les outils, avant d’en donner des conceptualisations pos-sibles. Il faut dire que, dans le monde de l’éducation et de la formation, comme dans celui de l’entreprise, les verbes évaluer, mesurer, contrôler, suivre sont des termes voisins d’usage courant.

Revenons sur une idée reçue : l’évaluation contrairement à une croyance populaire (héritée sans doute de la sco-larité) commence avant la formation et se déroule en continu tout au long de l’action, pour se terminer bien après la clôture de l’action de formation. Nous distinguons deux types d’évaluation en formation : la première, qui ne nous intéresse pas ici, rassemble les évaluations à caractères pédagogiques. Le second qui fait l’objet de toute

 113 M. LESNE et Y.MINVIELLE,  (1977), « dix thèses sur  l’évaluation en formation d’adultes », Pour n°56, cité par T.ARDOUIN, (2006), « ingénierie de formation pour l’entreprise », Dunod 114 Nous y reviendrons quand il s’agira d’expliquer le comportement en entreprise  115 L’évaluation semble faire l’objet d’un véritable engouement : « (…) la culture du résultat semble séduire une proportion non négligeable de français (…) Cet engouement pour l’évaluation serait‐il la conséquence de ce que l’on observe sur Internet ? », Enquête exclusive Ipsos Marketing, Marketing Magazine n°124 de 09/2008 116 Qui sert une fonction sociale ; souligné par Jean‐Marie BARBIER (1994),  à propos de l’évaluation des agents, l’évaluation en formation, PUF 

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notre attention, regroupe les évaluations à caractères socioprofessionnels parce qu’elles ont lieu hors du temps de formation et/ou sur le terrain professionnel. Ce que Genevieve Jouvenelle et B.Masingue nomment « Evaluation générique » (avant la formation) et « Evaluation stratégique » (après).

Nous allons maintenant dégager le concept d’évaluation en formation des concepts qui lui sont proches, et ainsi préciser ce que parler veut dire quand on parle d’évaluation et de management de la formation en entreprise.

L’évaluation de la formation en entreprise

Une première question va nous aider à cadrer notre réflexion sur l’évaluation de la formation en entreprise :

De quoi parlons-nous ?

La notion de suivi se rapporte au suivi du plan de formation, et au suivi des tableaux de bord économiques et sociaux relatifs à la formation. Il englobe les actions administratives réalisées par le responsable de formation, et le suivi des actions de formation. Ce n’est pas notre sujet aussi nous renvoyons le lecteur à d’autres sources.

L’évaluation est mesure : Ainsi, « quand nous parlons de mesurer l’effet d’une formation, il s’agit généralement d’évaluer à l’aide d’indicateurs chiffrés son impact (…)»117. Cela permet par exemple de situer le degré de satisfac-tion des clients ou celui des « stagiaires » par rapport à une cible. La mesure « action de déterminer la valeur de certaines grandeurs par comparaison avec une grandeur constante de même espèce 118 ». Nous sommes là dans le domaine du quantifiable à partir d’une échelle. Toute chose qui pose question ; par exemple : Quels sont les valeurs étalons ? Quel en sont les principes et critères d’étalonnage ?...

De surcroît, la mesure produit des données brutes qui ne parlent pas par elles-mêmes. La mesure ne présente d’intérêt que par l’explication à laquelle elle concourt, et par l’interprétation qu’on veut bien lui prêter. Pour devenir véritablement signifiante, la mesure doit être transformée en informations par des mises en liens. C'est-à-dire par intervention humaine.

L’évaluation est contrôle : Etymologiquement parlant, le « contre-rôle » est un registre tenu en partie double permettant l’authentification par comparaison et rapprochement ; en l’occurrence l’Etat-civil ou l’état comptable. C'est-à-dire de vérifier l’identité des personnes et l’exactitude des comptes au regard d’une norme administrative ou comptable, qu’il s’agit d’appliquer et de vérifier. Son extension au domaine de la formation se traduit concrète-ment par le contrôle des connaissances en ingénierie de formation, ou par le respect de la norme iso 9001 en matière de management par la qualité.

                                                            117 Marc DENNERY (2005), Evaluer la formation après la réforme, Esf éditeur   118 Dictionnaire Petit Robert1, (1989) 

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Plus restrictif que l’évaluation, le contrôle nécessite un référé et un référentiel119. Dans « l’évaluation-contrôle », évaluer c’est apprécier l’écart entre un objectif et un résultat, entre un référé et un référent ; compris comme un ensemble de caractéristiques, et de qualités antérieurs, extérieur et normatif, renvoyant à un modèle ( ce qui est prescrit), indépendant, stable, identique, homogène en tout temps et en tout lieux, indépen-damment de la personne du contrôleur et du but qu’il s’est fixé. Cette mesure qualitative se fait sans étalon prédé-terminés et constants mais avec des repères construits dans la démarche elle-même.

Relèvent de cette « évaluation/contrôle », dans les domaines du management des hommes et des organisations l’habilitation/accréditation, la certification… Toute chose qui là aussi pose question : Qui défini quoi et comment ? Selon quelle légitimité et sous quelle forme d’autorité ? Quel en est le processus d’élaboration ? Est-il négocié ? Selon quel modèle de pensée est-il mis en œuvre ? …

Autrement dit évaluer c’est compter.

L’évaluation est valeur : L’évaluation nous semble se spécifier, en accord avec son étymologie, par l’interrogation sur les valeurs qu’elle suppose toujours. « Evaluer, c’est poser la question de la valeur en même temps que les problèmes du sens et des significations d’un acte donné120 ». C’est à partir de la construction du sens et des signi-fications que s’opère l’attribution de valeur.

L’évaluation est jugement : L’évaluation recouvre « l’ensemble des actions engagées dans le cadre d’un proces-

sus formel afin d’exprimer un jugement de valeur sur la formation produite pour ou au sein d’une entreprise121 ». Selon Jean-Marie Barbier122, il existe trois types d’évaluation des actions de formation : L’évaluation impli-cite, spontanée et instituée. Alors que l’évaluation spontanée est exprimée mais non formalisée, l’évaluation implicite ne l’est pas ; bien que débouchant sur une action de régulation adaptative. Il s’agit par exemple du forma-teur qui adapte la méthode pédagogique en fonction des réactions du groupe en formation. L’évaluation instituée est à la fois exprimée, formalisée mais aussi enregistrée. Il s’agit là d’un processus d’évaluation réalisé par un manager à travers un guide ou une procédure d’entretien.

Autrement dit évaluer c’est estimer la valeur.

L’évaluation est construction : « Comparaison n’est pas raison ». Le sens de l’évaluation n’est pas donné. C’est une construction qui réside dans la détermination des causes multiples, dans le jeu constant des interac-tions, dans la survenance des aléas. « L’évaluation est aussi une relation de sujet à sujet qui a pour projet                                                             119 Charles HADJI, L’évaluation, règles du  jeu, 6iéme éd., 2000,   Paris, ESF,  in Thierry ARDOUIN, 2ième éd.(2006), l'Ingénierie de formation pour l’entreprise, Dunod .  120 J.ARDOINO et G.BERGER, (1989), d’une évaluation en miettes à une évaluation en actes »éditions Matrice p15 121 Marc DENNERY (2005), Evaluer la formation après la réforme, Esf éditeur  122 Jean‐Marie BARBIER, (1994), l’évaluation en formation, PUF 

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l’interprétation de la valeur de ce qu’on fait. C’est pourquoi l’évaluateur est quelqu’un qui dit, qui vit, qui est

l’articulation théorie/pratique, il n’est jamais dans l’un ou l’autre seulement (...) La recherche nourrit les pratiques

elle ne les dicte pas123 ». Le sens est produit par les acteurs et pour les acteurs ; eux-mêmes cibles et vec-teurs de l’évaluation. Et si le sens vient de l’extérieur, s’il est contraint par la force et la stabilité du préjugé anté-rieur, il ne sera ni accepté, ni intégré aux comportements et perd toute pertinence avant même sa formulation. Ici au contraire, le sens se construit dans la négociation et le compromis et par là offre la possibilité de voir reconnues de nouvelles références. L’explicitation et la prise en compte des valeurs de toutes les parties intéressées, loin de relégués les acteurs au rôle de simple figurant, leur ouvrent l’accès à la dimension politique de l’évaluation.

Pour conduire au sens et aux significations l’évaluation à donc besoin :

• D’être diverse et multiple. Cela nécessite plusieurs sources et traitements de l’information.

• De plusieurs types d’évaluation devant fonctionner en interaction ; l’évaluation interne mais aussi externe, l’autoévaluation mais aussi la Co-évaluation (aussi importantes les unes que les autres). Le souci est d’en organiser la convergence.

• D’une explicitation des causes, de leurs facteurs, des différents acteurs en présence ; dans le res-pect du principe multipolaire.

Autrement dit évaluer c’est associer

L’évaluation est orientation : L’élaboration et le pilotage d’un dispositif de formation inédit est un processus heu-ristique. L’évaluation participe de son invention. En ce sens elle interroge toujours la cohérence du projet et oblige parfois à repenser ou à reconstruire le dispositif ; quand il n’est pas déployé à titre expérimental, là où justement l’évaluation est par excellence la boussole des décideurs. « Et ainsi, le sens n’est pas variation gratuite sur la si-gnification ; il est bien sens intentionnel (…)124 ».

L’évaluation est évolution : l’évaluation a pour but de faire évoluer l’action de formation. C’est l’évaluation pro-grès par opposition à l’évaluation sanction. « L’évaluation en éducation est le processus par lequel on délimite,

obtient et fournit des informations utiles permettant de juger des décisions possibles125 ». Elle est recueil d’un ensemble d’informations suffisamment pertinentes, valides et fiable. Elle examine le « degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats aux objectifs fixés au départ ou ajustés en cours de route ». Elle attribue « une signification aux faits et aux actes observés en vue de prendre une déci-

sion126 ».

Autrement dit évaluer c’est donner le sens.

                                                            123 Ibidem, Michel VIAL 124124 Michel LECOINTE, « les enjeux de l’évaluation », L’harmattant 125 STUFFLEBEAM. DL et al. , (1980), « L’évaluation en éducation et la prise de décision », Editions NHP, Ottawa 126 JM.De KETELE et A.ROGIERS, (1993), méthodologie du recueil d’informations, Bruxelles, de Boeck

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Les différentes considérations abordées jusqu’à présent nous ont permis d’éclairer les notions de base et les con-cepts du management de la formation. Mais bien qu’elles aient guidé et nourrit nos réflexions, elles n’apportent pas de réponse à notre problématique.

Il nous faut poursuivre notre effort d’élucidation des « ressorts de l’évaluation » ; et par la même de prendre nos distances avec nos propres « stéréotypes », nos modèles de pensées implicites ou pas.

Les cinq questions qui suivent nous ont aidées à progresser dans notre travail :

1°) Pourquoi évaluer ?

L’intérêt n’est pas de s’attarder sur les attentes de telle ou telle catégorie d’acteurs, tout au plus peut-on rappeler que l’évaluation est « convoquée » pour mesurer les dépenses, mettre en évidence l’effort global de forma-tion, ou encore pour identifier l’efficacité ou la pertinence des programmes, ou pour décider. La littérature ne manque pas de raisons pour évaluer. Par exemple : Kraiger (2002) s’appuyant sur quelques auteurs (Kirkpatrick, 1994; Sackett & Mullin, 1993; Twitchell, Holton, & Trott, 2000), considère trois raisons fondamentales pour évaluer : la prise de décision, la rétroaction et le marke-ting.

• La première est de fournir des informations permettant une prise de décision éclairée sur la formation : par exemple : les apports de connaissances contenus dans le stage mérite-il d’être démultiplier dans toutes les équipes ?

• La deuxième est la rétroaction. Ce « retour » en direction des pédagogues ou des participants permet d’ajuster le dispositif ou renseigne le participant sur sa progression.

• La troisième raison concerne le marketing de la formation. Ce marketing peut se faire à l’interne de l’organisation ou auprès de participants potentiels. Sans surprise, l’évaluation de l'impact de la formation sur l'entreprise semble la plus convaincante pour démontrer la valeur de la formation auprès des déci-deurs. Nous pouvons ajouter que ce marketing peut aussi s’entendre comme celui de la fonction forma-tion.

Cette synthèse de Kraiger offre surtout l’intérêt de situer trois grandes fonctions au sein des entités de formation : la gestion de la formation et les processus de décision qui l'accompagnent; la fonction pédagogique, particulière-

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ment préoccupée par les apprentissages et la qualité des processus, et la promotion de la formation tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation

En quelque sorte évaluer c’est manager

2°) Pourquoi ne pas évaluer ?

Il nous faut lever cette implicite. A l’inverse des difficultés d’ordres culturelles, stratégiques ou techniques peuvent en effet constituer une incapacité à mettre en place l’évaluation des actions de formation ; ce que l’on peut aussi traduire par le triptyque : « ne pas savoir, ne pas pouvoir, ne pas vouloir ».

• Les difficultés d’ordre culturel Elles peuvent résulter de la scolarité qui, confondant évaluation et sanction, répand la crainte du jugement sur la personne. Elles peuvent aussi provenir des effets d’une culture organisationnelle « défensive » où l’on préfère taire les questions dont on craint la réponse : Ainsi l’évaluation du rendement de l’investissement formation comporte en elle-même le risque de mise en cause des décisions prises par les niveaux hiérarchiques su-périeurs. Réalisée en dehors d’elle, la hiérarchie de proximité peut aussi voir dans la pratique évaluative une atteinte à ses prérogatives. Le responsable de la formation peut craindre les reproches relatifs aux contreper-formances du système de formations. La croyance dans les vertus de la formation, « ou la conviction de savoir déjà, par une évaluation informelle, ce qui fonctionne ou pas » (Kirkpatrick, 1998; Twitchell et al., 2000;01; Kraiger, 2002). L’absence de volonté ; qui peut se manifester à tous les niveaux y compris au plus haut niveau. L’absence d’implication de la Direction dans la démarche, peut inhiber la prise d’initiative. Le coût : l’évaluation est une opération qui peut sembler fastidieuse et il se peut que les résultats n’en justifient pas le coût. En fait la culture de l’organisation est probablement un des facteurs majeur qui explique pourquoi il se fait ou non de l’évaluation.

• Les difficultés d’ordre stratégique « L’évaluation supprime l’impunité : or on ne sort de l’ambiguïté, dit-on, qu’à son désavantage. (…) 127» : l’explicitation des points de vues en présence fait apparaître non seulement les divergences mais aussi les res-ponsabilités de chacun ; quand elle ne provoque pas une lutte de territoire entre « le centre opérationnel et la technostructure »128.

• Les difficultés d’ordre technique

                                                            127 Ibidem JOUVENEL et MASINGUE 128 MINTZBERG ; c'est‐à‐dire le management de proximité et la fonction formation 

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L’absence de compétences en évaluation ; seuls certains spécialistes (formés) sont capables de dépasser la mesure de la satisfaction ou l’évaluation des apprentissages, et de réaliser l’évaluation des comportements ou de leurs impacts sur l’organisation. De même rares sont ceux qui peuvent concevoir et mettre en place un système qui réponde de manière adéquate à la problématique, sans excès d’évangélisme ou sous prétexte de pragmatisme en caricature l’exercice. A noter que la plupart de ces difficultés peuvent être combattues au moyen d’une formation ad hoc des décideurs et des « techniciens » de l’évaluation.

3°) Evaluer pour quoi ?

L’intérêt est ici de s’interroger sur la finalité qui préside à la mise en place d’un système d’évaluation des ac-tions de formation. Il s’agit moins d’en connaître les raisons que de lever un implicite et de savoir où l’on va.

Partons de l’idée que le but de l’évaluation est un changement. Affirmer ce caractère, c’est d’emblée insister sur

ce qui fait sa radicale différence avec l’évaluation des agents129. Pour reprendre les termes de Jean-Marie Bar-bier : « En formation, ce changement est une action de transformation des individus ».Il y a un avant et un après la formation. En situation de formation et par rapport à une activité de production, l’apprenant est pleine-ment acteur du processus ; à la fois cible et vecteur du changement. C’est ce qui permet de comprendre à la base les difficultés constatées dans la mise en œuvre. Ces difficultés ne peuvent être levées qu’au prix d’une dis-tinction claire entre ce qui relève du dispositif global et complet et ce qui est attribuable au profil de compétence qui en résulte. Ajoutons que la production de capacités nouvelles résulte de la combinaison des activités du formé, du formateur et/ou du responsable hiérarchique.

Cela suppose aussi de considérer l’action de formation comme un tout et donc d’évaluer la combinaison de ses

composantes et pas seulement les moyens ou les résultats. C’est enfin s’intéresser au contexte dans laquelle elle

se situe. C’est dire l’importance d’une approche systémique.

Cette transformation des individus peut s’effectuer à des niveaux différents induisant autant de niveaux d’évaluation : un niveau de modification des comportements au cours de l’action qui renvoie à une évaluation à « chaud », un niveau de modification en situation de travail qui renvoie à l’évaluation du transfert des capacités en compétences, un niveau des effets de la formation sur le fonctionnement général de l’entreprise qui renvoie à la notion de retour sur investissement.

Donald Kirkpatrick, ancien professeur à l’université du Wiscosin, et référence incontournable, distingue quatre niveaux de critères d’évaluation130. Ces quatre niveaux se retrouvent globalement chez les principaux auteurs travaillant dans le domaine de la formation et sont largement relayés dans les entreprises :

                                                            129 Ibidem 130 Cette typologie nous permet au passage d’étendre le champ des objets de l’évaluation. 

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• 1°Niveau celui de la réaction : recueil des opinions des apprenants eux-mêmes sur l’action de forma-tion,

• 2°Niveau de l’apprentissage : contrôle de l’atteinte des objectifs pédagogiques et des connaissances

acquises,

• 3°Niveau celui du comportement en situation de travail : observation des changements d’attitude ou de comportement positifs,

• 4°Niveau celui du résultat : mesure de l’impact de la formation sur la performance globale de

l’entreprise. Autrement dit, du point de vue de la méthode, il suffirait de repérer l’évolution des « pratiques de travail et si cette modification a eu des conséquences constructives pour le service et pour l’agent131 ».

En réalité, en situation de transfert c’est différent : Il n’existe pas de lien direct de cause à effet entre « les activités de formation et la marche de l’entreprise », entre les capacités et les compétences. «L’évaluation

présente le grave inconvénient de reposer sur l’hypothèse simpliste » de cette relation directe. Or comme nous l’avions vu précédemment les effets d’une formation ne peuvent être attribués seulement à son action. En fait les différents niveaux d’évaluation ici distingués ont pour objet des actions de transformations des individus de nature différentes, et il existe une correspondance stricte entre le niveau auquel s’effectue l’évaluation et le niveau auquel s’effectue l’action de transformation des individus qu’elle se donne pour objet132».

Jean-Marie de KETELE et Xavier ROEGIERS proposent eux un découpage en fonction des types de déci-sions à prendre : Evaluation d’orientation, de régulation ou de certification. L’évaluation d’orientation permet de décider de la suite à donner (Stop or go). L’évaluation de régulation vise à corriger ou à ajuster le fonctionne-ment d’un système afin de l’améliorer. L’évaluation de certification est de nature à déterminer la réussite ou l’échec. Autrement dit : Evaluer c’est « confronter un ensemble d’informations à un ensemble de critères en vue de prendre une décision133 ».

Geneviève Jouvenelle et Bernard Masingue souligne le caractère dynamique de l’évaluation dans l’aide à la décision par la réflexion et le débat qu’elle stimule : « Elle permet de tester les hypothèses, de reformuler les problèmes ou de combattre les idées reçues ». L’évaluation est un facteur de progrès : (…) « Elle contri-

bue à faire évoluer le jeu relationnel entre hiérarchie et agents en le fondant sur une négociation, ou un contrat

d’objectifs en permettant à chacun de se focaliser davantage sur les projets que sur les erreurs. L’évaluation est

un outil de dialogue car elle favorise l’apprentissage de démarches collectives. C’est un instrument de communica-

tion entre participants, formateurs, commanditaires, partenaires sociaux et responsables de formation. Et en per-

mettant de rendre compte, elle est un remarquable moyen pour un dialogue social ambitieux. »

                                                            131 Ibidem  132 Jean‐Marie BARBIER (1994), l’évaluation en formation, Puf p 185 133 Jean‐Marie DE KETELE et Xavier ROEGIERS (3ième tirage 1999),  Méthodologie du recueil d’informations, DE‐BOECK Université 

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Ces considérations «(…) présentent l’avantage de faire apparaître qu’il peut exister en formation, selon le point de vue auquel on se place, différentes logiques d’évaluation 134 (…) Tout se passe comme si à ces

niveaux d’évaluations différenciés correspondait en fait un objet évalué qui lui resterait invariant, à savoir l’action

de formation elle-même.

C’est ce que nous allons maintenant examiner à partir de la question :

4°)Quoi évaluer135 ?

Quatre objets au moins mobilisent l’évaluation de la formation : 1° l’apprenant ; en particulier ses compétences acquises, 2° la qualité de l’action de formation et du travail pédagogique, 3° l’ensemble des composantes du système de formation, 4° l’investissement formation.

Les choses ne sont pas si simples. A la suite de Renaud Sainsaulieu, nous devons considérer que la formation ne se limite pas à la production de comportements, mais engendre de nombreux autres effets souvent inattendus136 ; en particulier sur les identités professionnelles. Le rapport à la formation constitue de ce point de vue un des élé-ments clés des formes identitaires et des trajectoires subjectives137. Selon lui, la formation « crée du nouveau lien

social, du mouvement, du doute et de l’imagination ... L’effet formation n’est jamais seulement technique ou cognitif, il est aussi profondément social et relationnel.». de Sainsaulieu distingue quatre effets138 :

• L’effet « ascenseur social » : la formation accélère, soutient, accompagne les projets de carrière ou d’évolution vers des emplois ou des statuts sociaux supérieurs ; au prix, il est vrai, d’une négociation sys-tématique avec l’employeur et d’un effort important de la part du salarié, dont l’issue ou le succès ne sont pas garantis.

• L’effet « réseau » : la formation est l’opportunité de tisser des liens sociaux, et par là même de se créer un réseau à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des systèmes socio-organisationnels ; son importance croît à mesure que se développe le discours sur « l’employabilité », et que s’efface la référence aux qualifica-tions professionnelles.

                                                            134 Jean‐Marie BARBIER (1994), l’évaluation en formation, Puf p 185 135 Il existe une littérature abondante sur le sujet pour autant nous renvoyons le lecteur à Jean‐Marie Barbier (1994), L’évaluation en formation, PUF  136 Renaud SAINSAULIEU (1980), « l’effet formation en entreprise », Dunod 137 Claude DUBAR, C.GADEA (1998), « évolution de la promotion sociale et dynamique des formes identitaires », Education permanente n°13,  138 Effet consacré par la loi et l’ANI du 5 décembre 2003 : (…Ces engagements portent sur les conditions dans lesquelles le salarié accède en priorité, dans un délai d’un an à l’issue de la formation, aux fonctions disponibles correspondant aux connaissances acquises et sur l’attribution de la classification correspondant à l’emploi occu‐pé. Ces engagements portent également sur les modalités de prise en compte des efforts accomplis par le sala‐rié ») 

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• L’effet « heuristique » : La formation est l’occasion d’une prise de recul sur son quotidien, d’un change-ment de regard sur soi, qui invitent à l’introspection, stimulent les projets de développement personnel, provoquent la mise en perspective de son projet professionnel par rapport à son projet de vie.

• L’effet « réflexif » : la formation introduit une dimension critique de l’existant qui amène à s’interroger sur son travail, celui des autres, sur l’organisation et les modalités de mise en œuvre, au point de questionner les habitudes mais aussi les pouvoirs en place.

Pour autant, la recherche permanente d’économies sur les coûts de main d’œuvre, le fort ralentissement des pro-motions, le raccourcissement généralisé des lignes hiérarchiques, l’informatisation des processus de plus en plus poussée, le nouveau partage -pour ne pas dire le report- de l’obligation de formation sur les individus plutôt que sur l’entreprise139 battent en brèche ces constructions identitaires.

Tout cela nous rappelle que la finalité de la formation ne se résume jamais à la recherche de gains, et nous ren-voie à l’extrême difficulté et complexité des objets de l’évaluation. Nous renvoyons le lecteur curieux à l’abondance de la littérature disponible sur ces sujets.

Pour notre part nous préférons nous concentrer sur le questionnement qui suit :

.5°) Evaluer comment ?

Il s’agit de produire de l’information ou de l’accroître. Bien entendu cette production passe par le choix ou l’usage d’un certain nombre d’indicateurs. C’est là probablement que résident les plus sérieuses difficultés. Ill existe en effet de nombreux indicateurs de fonctionnement et de résultats aussi divers que variés, qui entretiennent entre eux des rapports étroits. Là aussi, nous préférons renvoyer le lecteur à l’abondance de la littérature disponible.

Ceci étant, on peut découper les pratiques d’évaluation de la formation en deux sous-ensembles : les pratiques formelles et informelles.

Les pratiques formelles d’évaluation de la formation peuvent se définir comme étant toutes les pratiques structurées et explicites visant à établir un jugement sur la valeur d’un dispositif ou produit de la formation. Par exemple, l’utilisation d’un questionnaire en vue de mesurer la satisfaction des participants à un stage de formation.

Les pratiques informelles d’évaluation de la formation regroupent les pratiques spontanées, implicites ou même explicites, dans le but là aussi de recueillir un jugement sur la valeur d’un dispositif ou d’un produit de la formation ; par exemple, le jugement spontané exprimé oralement, au moment de la pause ou à la fin d’un exer-cice ou d’une activité pédagogique, ou au retour de formation à destination de son voisin de table. Une enquête québécoise140 du Centre interdisciplinaire de recherche sur l’éducation permanente (CIRDEP), dirigée par Alain

                                                            139 En référence à la loi sur la formation tout au long de la vie» 140 Février 2007 sur les pratiques d’évaluation de 12 grandes et moyennes entreprises considérées comme per‐formantes en formation, également réparties entre les secteurs de la métallurgie, du commerce de détail et des communications graphiques. Dans le cadre du projet de recherche « Analyse des pratiques d’évaluation de la 

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78 

 

ébut

Dunberry a permis de constater l’existence et l’importance des pratiques informelles ; qui dans bien des cas, précèdent et suppléent à des pratiques formelles, jugées sans doute trop complexes à mettre en œuvre.

o Du point de vue des méthodes G.Jouvenel et B.Masingue découpent le processus d’évaluation en fonc-tion du moment. Comme nous l’avons dit précédemment l’évaluation141 ne commence pas après la for-mation mais avant, et se déroule en continu tout au long de l’action pour s’achever parfois longtemps après. Cinq temps sont ici convoqués : L’évaluation générique avant l’action de formation ; il s’agit de définir en amont ce que l’on veut; on annonce les objectifs d’évolution, les résultats attendus, les respon-sabilités, les modalités de réalisation, les ressources, les contraintes...L’évaluation préventive au dde l’action ; il s’agit d’apporter des corrections nécessaires au dispositif prévu. L’évaluation formative pendant l’action ; il s’agit de réajuster l’action en temps réel. L’évaluation sommative à la fin de la formation ; il s’agit de mesurer les capacités nouvelles. L’évaluation stratégique après l’action de formation ; il s’agit de mesurer les effets (prévus et imprévus) en situation professionnelle et la qualité du dispositif global de formation mis en œuvre. C’est elle qui va dire si la transformation a été un investisse-

ment ou une simple dépense sans résultats concrets.

Suivant ce raisonnement, l’évaluation ne se limite pas à mesurer le résultat final d’une action. La démarche d’évaluation doit être pensée comme un processus qui accompagne l’action de formation ; par exemple :

o Du point de vue de l’ingénierie de formation

L’AMONT L’AVAL Préparation de l’action Action de formation suivi de l’action

Evaluation Evaluation Evaluation Evaluation Evaluation

Des besoins Des pré-requis Pédagogique Des acquis Des transferts

(évaluation (évaluation

socioprofessionnelle) socioprofessionnelle)

Autrement dit évaluer c’est conduire un processus d’ingénierie de formation

                                                                                                                                                                                            formation et de son rendement dans des entreprises performantes » financé par le Programme de subvention à la recherche appliquée (PSRA) du Fonds national de formation de la main d’œuvre (FNFMO) du  Québec 141 Ibidem  

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o Du point de vue des outils : Droits individuels mais aussi obligations financières légales, l’un et l’autre imposés aux entreprises, rendent complexes la définition et la mise en œuvre de la politique de formation. « Pour maîtriser cette complexité, dépasser les coutumes qui méritent de l’être, donner des orientations

et définir les moyens de leur politique, les décideurs doivent savoir se prononcer sur plusieurs ques-

tions142 ». Les ressources, contrairement aux besoins, étant limitées le problème est pour eux de savoir décider des priorités. . En tension entre l’aval et l’amont le pilote de la formation a besoin pour agir d’un instrument de management (un système de pilotage). C'est-à-dire une aide à la décision qui per-met de suivre, contrôler, mesurer, évaluer (au sens « générique et stratégique ») les résultats atteints par rapport aux objectifs fixés. Le système de pilotage ne se confond pas avec le système d’information, il s’en nourrit. L’instrument lui-même est constitué de deux catégories d’outils :

Des tableaux de bord, c'est-à-dire un support d’informations (document papier ou électronique), conte-nant et présentant des informations de synthèses, sous forme de ratios et d’indicateurs. Ces derniers permettent au manager de prendre connaissance rapidement d’une situation globale, et ainsi de décider en connaissance de cause.

Des mémos afin de mieux comprendre, c'est-à-dire des documents d’accompagnement des tableaux de bords contenant des synthèses d’études, de statistiques, de rapports de contrôles, des états budgé-taires…

Le système d’informations (bases de données électronique) contient toutes les informations sur la production et la gestion de l’entité. Il permet de conduire des analyses détaillées des activités et des résultats.

Trois types d’informations sont indispensables au pilote de la formation pour comprendre :

• Les pratiques de formation par population. Elles permettent d’apprécier au regard des effectifs, les in-vestissements éducatifs par grande catégories de personnel. Ces informations impactent directement la qualité du dialogue social par leur caractère pédagogique.

• Les pratiques de formation par grand thème. Elles permettent d’identifier les contenus sur lesquels portent les investissements et ainsi de distinguer et mesurer l’importance relative des types de formation (formation sécurité, technique, transverse, développement personnel, formation promotionnelle…)

• L’évolution dans le temps (par exemple triennale). Elle permet d’observer les tendances lourdes, récur-rentes ou exceptionnelles et de mettre en perspective les pratiques de formation au regard des finalités et des orientations politiques.

Par ailleurs, toute politique de formation se développe en références à l’histoire et à la culture de l’organisation. On distingue classiquement143:

Le choix par catalogue (logique de consommation, expression de désirs plus que de besoins de formation),

 142 Bernard MASINGUE, (2ième édition, 2004), Traité des sciences et des techniques de la formation, Dunod 143 G.HAUSER, F.MAÎTRE, B. MASINGUE, F.VIDAL, (1988), « L’investissement formation », Editions d’Organisation. 

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Le choix par le recensement (logique de la demande nécessitant, de la part du demandeur, une représentation exhaustive et réaliste du contexte évolutif du travail),

Le choix suivant la nature des besoins de performance et de compétences (logique d’investissement du seul point de vue de l’organisation)

Le choix résultant de la négociation entre le projet de l’entreprise et le projet de l’individu (logique de Co-investissement ; des heures et des euros contre l’implication du salarié en travail et application)

Dès lors, nous pouvons voir que le pilotage de la formation se concrétise autour de quatre dimensions :

Les objectifs de compétences (plans d’actions) mais aussi de changement ; ce qui situe le pilotage dans le champ de l’évaluation socioprofessionnelle (définies précédemment)

Les ressources (budgétaires, organisationnelles et humaines)

Les commandes aux producteurs d’action de formation (Cahier des Charges et commandes)

Les moyens (principes, outils, dont les questionnaires, méthodes et procédures) d’évaluation.

Évaluer c’est se doter d’instruments de bord En définitive, et pour clore ce chapitre, la recherche de « LA » définition de l’évaluation est une entreprise vouée à l’échec (et partisane) : tous les modèle144s en donnent leur version. « Il ne reste donc que la signifi-

cation étymologique : l’évaluation comme rapport aux valeurs145 ». L’évaluateur est celui qui ose décider de ce qui est bon et de ce qui ne l’est pas ; ce qui fait dire à Michel Vial que « La bonne évaluation est une chimère ».

§ § §

                                                            144 Nous reviendrons sur le concept de modèle 145 Michel VIAL, 3ième tirage 2005, Se former pour évaluer, de boeck, pédagogies en développement 

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ANNEXE 2 BILANS DES APPROCHES EXPLORATOIRES

Des études montrent qu’en France, mais aussi dans d’autres pays comparables, 50% des entreprises seule-ment évaluent la formation ; encore que dans ce cas elles pratiquent essentiellement la mesure de satisfac-tion en fin de formation, et parmi celles-ci 19% seulement font le lien avec la production ; à titre d’illustration le tableau146 ci-dessous donne les résultats d’une enquête récente menée au niveau européen.   

 MODE D’EVALUATION

 

 Ensemble des branches en % 

Mesure du niveau de satisfaction des participants 

 

71 

Réalisation de tests pour vérifier les nouvelles compétences 

 

30 

Validation ou certification formelle des qualifications acquises 

 

40 

Mesure de l’application effective des nouvelles qualifications au 

travail 

60 

Indicateurs utilisés pour les améliorations de la production 

 

19 

Autres formulaires 

 

(Source : Eurostat 2004) Plus que les moyennes c’est la tendance globale qui est significative. 

Quant aux freins, à titre  indicatif,  l’enquête d’Eurostat contenues dans  le tableau suivant nous éclaire sur les raisons invoquées pour ne pas faire :  

RAISONS Ensemble des branches en % 

Trop cher  7 

Trop difficile (pour obtenir des résultats sûrs et valables)  18 

N’est pas prioritaire  38 

Provoque de la résistance  2 

Pas le temps  26 

Autres raisons  11

Ce n’est donc pas une question d’argent ...

                                                             146 Repris par Alain MEIGNANT, (2006,7iéme édition),  « Manager la formation », Editions Liaisons 

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Bilan des lectures147 exploratoires

«Il n’est pas de recherche sans lectures » ; surtout sur un sujet tel que l’évaluation de la formation... La pauvreté de notre capital de départ en la matière, nous a obligés à dresser, selon un principe concentrique, l’inventaire des savoirs spécifiques fondamentaux en science de l’éducation comme en « science du management ». S’en est suivie une relative accumulation de données mais surtout (au bout du compte, une précieuse) centration sur le cœur de notre sujet. Les détours, aller-retour, par et entre le contexte éducatif et le contexte d’entreprise, nous ont permis de poser notre problème de recherche. C’est l’observation et la confrontation de différents points de vue sur la mise en œuvre du concept d’évaluation en formation dans l’univers de l’éducation et dans le monde de l’entreprise qui nous a permis de traverser sans encombre ( mais dans le doute permanent) « la mer des sargasses » de l’exploration théorique et le piège de l’entretien exploratoire.. En le rendant, à nos yeux, alternativement et quelque fois simultanément, familier et étranger les livres nous ont permis d’affûté et d’enrichir notre regard en prévision de l’enquête terrain. Enfin, des lectures d’ordre méthodologique148 nous ont aidés à trouver les outils d’analyse nécessaires pour rendre compte des logiques de fonctionnement qui nous intéressent. Ces différentes lectures nous ont permis de cerner la nature et l’étendue de notre champ d’investigation et de le restreindre ; en particulier de trouver les repères sémantiques en lien avec notre approche. Ainsi avons-nous appris à mieux recon-naitre ce que recouvrent les termes évaluer et évaluation.149

§ § §

 147 Cf. la bibliographie 148 Jean‐Marie DE KETELE et Xavier ROEGIERS, Méthodologie du recueil d’informations, (3ième édition 1999), DE‐BOECK UNIVERSITE 149 Cf, Notre dossier thématique 

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n.

                                                           

Bilan des entretiens exploratoires

Nous avons complété nos lectures par un travail exploratoire à partir de deux entretiens semi-directifs auprès de la Directrice du CSP, et d’un responsable de la formation. Ces entretiens ont eu pour fonction principale de mettre en lumière des pistes de travail et plus précisément de focaliser notre attention sur l’amont de l’action de formation. Ils nous ont permis d’affiner notre raisonnement et d’étayer nos intuitions sur les « zones d’ombre » de l’évaluation en formation. Ils nous ont permis la mise au point de notre grille de questions (pour mieux nous en écarter ; l’instrument d’enquête révélant la nécessité de procéder selon les principes de l’entretien semi-directif. Ainsi, invités à s’exprimer sur le thème de l’évaluation nos premiers interlocuteurs nous ont permis d’aborder les principaux champs repérés au cours des lectures exploratoires : La sé-mantique de l’évaluation, les représentations, les objets et niveaux de l’évaluation, le processus, les acteurs, les rôles, leurs attentes et les difficultés, les enjeux. Notre premier entretien a eu pour résultat de distinguer ce qui peut relever d’une demande et d’une commande d’évaluation. Il nous a permis de repérer le problème dans son contexte, de tester l’idée qu’il n’y a pas de problème en soi mais pour soi, de situer les rôles des différents acteurs. Le second nous a permis de situer un deuxième niveau d’évaluation et de clarifier les différents acteurs en présence et plus particulièrement la dis-tribution des rôles entre collaborateur, responsable formation et Manager.

En définitive, au terme de nos explorations successives, bien des objets s’offraient à investigation. Il nous a fallut choisir. Les constats empiriques, nos observations de terrain, les enquêtes consultées, nos lectures et les experts convoqués, nos entre-tiens exploratoires indiquaient que les entreprises globalement ne cherchaient pas à apprécier l’impact des actions de forma-tion sur des indicateurs physiques150 et économiques151. Le fait de s’être arrêter sur ce déficit d’évaluation, et notre désir de mieux appréhender le concept d’évaluation stratégique en formation nous a amené à questionner le management de la formation autant que celui de l’évaluatio

§ § §

 150 Par exemple le nombre de dossiers traités 151‐Par exemple des objectifs de gains de productivité ou des parts de marché 

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84 

 

ANNEXE 3

Modèles classiques de rationalités et de pilotage152

Rationalité juridique

Rationalité managériale

Fondements

Conformité à la loi

Régularité des procédures

Efficacité des actions

Atteinte des objectifs fixés

Priorités

Utilisation des moyens

Stabilité des structures

Réalisation des objectifs

Valorisation

• du changement

• de l’innovation

• de la mobilité

Raisonnement

Analytique

Linéaire

Déductif

Synthétique

Systémique

Cybernétique

Points

D’application

Ecarts à la

Conformité

Problèmes

Obstacles/atouts

Contrôle /

Evaluation

Respect des règles

Contrôle des programmes…

Résultats atteints

Evaluation des stratégies

Produit

Application

Sanction

Organisation

Performance

Conseil

                                                            152 Michel LECOINTE, (2006) in « L’évaluation entre permanence et changement », L’Harmattant 

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ANNEXE 4 Accord pédagogique

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                                                                                                   Master 2 ICF 2008‐2009         Farid BOUAKAZ  

 

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TABLE DES MATIERES Sommaire……………………..………………………………………………….p 3 Avertissements aux lecteurs ………………………………….………...p 4 Eléments de situation……………………………………………………….p 5 Introduction……………………………………………………………………..p 6 Le contexte de la recherche……………………………………..p 10 1.1 Changement de paradigme………………………………………………………….p 11 1.2 Les conséquences du changement………………………………………………..p 12 Genèse de la recherche…………………………………………….p 13 1.3 De la demande…à la commande……………………………………………………p 14 1.9 Les constats empiriques : compter……………………………………………….p 16 L’évaluation en analyse…………………………………………….p 17 1.10 A la recherche de l’obscur objet du désir……………………………………….p 17 1.11 A dire d’experts…Malaise dans l’évaluation……………………………………p 18 1.12 Le but est dans le chemin………………………………………………………….p 19 1.13 Une question de management……………………………………………………p 19 Démarches méthodologiques…………………………………….p 27 2.1 Du problème à la problématique……………………………………………………p 30. 2.2 La problématique et son faisceau d’hypothèses…………………………………p 31 2.3 Discours de la méthode… Discours sur la méthode……………………………p 32. 2.4 Cuisine instrumentale………………………………………………………………...p 34 Les résultats du laboratoire………………………………………p 40 3.1 En long, en large… ……………………………………………………………………p 41 3.2 Et en travers……………………………………………………………………………p 50 3.4 Les hypothèses sous contrôle……………………………………………………..p 52 . Conclusions……………………………………………………………p 62. C1.Evaluer pour évoluer….Evoluer pour évaluer……………………………p 63 C2.Des bornes à dépasser……………………………………………………….p 65 Bibliographie et Annexes…………………………………………p 68 A1.Etumos Logos de l’évaluation………………………………………………p 67 A2.Bilans des approches exploratoires……………………………………….p 81 A3.Modèles de rationalité et modèles d’évaluation…………………………p 84 A4.Accord pédagogique………………………………………………………….p 85

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