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Retour à l'article Imprimer Adresse de l'article http://www.lagazettedescommunes.com/293434/superpublic-humbles-heros-de-linnovation-publique/ MODERNISATION DE L'ACTION PUBLIQUE Superpublic, humbles héros de l’innovation publique Sabine Blanc | France | Toute l'actu RH | Publié le 14/11/2014 Superpublic, un espace à Paris dédié à l’innovation dans le secteur public, a été inauguré ce mercredi 12 novembre. Sa ligne éditoriale s’inscrit à rebours des habitudes de l’administration, forgées avec le temps. Certains de ses acteurs ont témoigné de la difficulté de faire bouger les lignes, avec sincérité et franchise, et de leur envie intacte de poursuivre cette voie dont ce lieu témoigne. Les histoires de superhéros américains ont été inventées après la Seconde Guerre mondiale, comme exutoire aux angoisses des Etats-Unis. Dans ce sens, Superpublic, espace à Paris dédié à l’innovation publique, porté par la 27 ème Région [1] dans le cadre du programme Ré-Acteur public [2] , inauguré ce mercredi 12 novembre, pourrait être compris comme une sorte de sauveur des malheureux usagers affrontant Dark-administration, ce vilain monstre kafkaïen, et les non moins malheureux agents qui tentent de tuer le monstre de l’intérieur. Armé de concepts imparables et à la mode – résidence, co-construction, design de service, pluridisciplinarité, user experience… -, il balayerait les vieilles cathédrales, avec l’urbanité qui sied à ses gènes très “jeunes gens modernes”. Qui connait un peu l’univers des super-héros sait aussi qu’ils ont des failles qui font toute leur humanité et que les méchants sont parfois plus complexes que prévus. Ce contexte délicat, sur lequel de nombreux chercheurs en sociologie de l’administration se sont déjà penchés, Superpublic les assume, comme partie intégrante d’une démarche qualifiée d“exploratoire” : Au-delà de l’innovation “à paillettes” des salons, c’est un lieu pour la transformation, pour la résilience et le renforcement d’un secteur en situation de crise, pour la réassurance des agents, pour le partage d’une culture créative et humaniste, pour un positivisme du secteur public. Le “public” de Superpublic doit aussi s’entendre comme “usager”, tant ce dernier est invité à jouer un rôle central et être lui-même héros-bâtisseur de l’administration de demain. Les difficultés de cette posture ont été exprimées avec sincérité et franchise lors des retours d’expérience. Que veulent les usagers ? - Placer les usagers au centre du design de service public, voilà par exemple une louable intention, sur le papier facile à mettre en oeuvre : il suffit d’aller à leur rencontre. Et bien patratras, “les gens n’ont pas l’habitude qu’on leur demande leur avis”, a expliqué Marie Coirié [3] , designer, à propos de l’expérience en cours « Recherche expérimentation accueil temporaire des personnes en perte d’autonomie » dans deux départements pilotes, la Vendée et le Val-de-Marne, qu’elle présentait avec Caroline Baumgart, cheffe de projet au SGMAP. Parler avec des “vrais” gens semble simple, il faut en fait déjà franchir ce qu’une personne du public a décrite comme “un champ de barbelés : l’accès au territoire, il y a des enjeux de pouvoirs, différents niveaux. Cela pose la question de la gouvernance : comment passer d’un ancien régime qui a plus de deux siècles à une organisation adaptée à son temps ?” Laura Pandelle [4] , designer membre de la 27è me Région qui a passé six mois au sein du SGMAP pour y mener “connexions innovantes”, sur l’aide et l’autonomie [5] , le reconnait : “Je n’ai pu accomplir que 40% de ce que je m’étais fixé. Par manque de temps, je n’ai pas pu arriver à la phase prototypage. J’avais l’impression de marcher sur des oeufs en permanence. Il y avait une demande de sécurisation du projet côté agents et hiérarchie.” Lagazette.fr » Superpublic, humbles héros de l’innovation pub... http://www.lagazettedescommunes.com/293434/superpublic... 1 sur 3 21/01/2015 14:04

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MODERNISATION DE L'ACTION PUBLIQUE

Superpublic, humbles héros de l’innovation publiqueSabine Blanc | France | Toute l'actu RH | Publié le 14/11/2014

Superpublic, un espace à Paris dédié à l’innovation dans le secteur public, a été inauguré ce mercredi

12 novembre. Sa ligne éditoriale s’inscrit à rebours des habitudes de l’administration, forgées avec le

temps. Certains de ses acteurs ont témoigné de la difficulté de faire bouger les lignes, avec sincérité

et franchise, et de leur envie intacte de poursuivre cette voie dont ce lieu témoigne.

Les histoires de superhéros américains ont été inventées après la Seconde Guerre mondiale, comme exutoire aux

angoisses des Etats-Unis. Dans ce sens, Superpublic, espace à Paris dédié à l’innovation publique, porté par la

27ème Région [1] dans le cadre du programme Ré-Acteur public [2], inauguré ce mercredi 12 novembre, pourrait

être compris comme une sorte de sauveur des malheureux usagers affrontant Dark-administration, ce vilain

monstre kafkaïen, et les non moins malheureux agents qui tentent de tuer le monstre de l’intérieur.

Armé de concepts imparables et à la mode – résidence, co-construction, design de service, pluridisciplinarité,

user experience… -, il balayerait les vieilles cathédrales, avec l’urbanité qui sied à ses gènes très “jeunes gens

modernes”. Qui connait un peu l’univers des super-héros sait aussi qu’ils ont des failles qui font toute leur

humanité et que les méchants sont parfois plus complexes que prévus.

Ce contexte délicat, sur lequel de nombreux chercheurs en sociologie de l’administration se sont déjà penchés,

Superpublic les assume, comme partie intégrante d’une démarche qualifiée d“exploratoire” :

Au-delà de l’innovation “à paillettes” des salons, c’est un lieu pour la transformation, pour la

résilience et le renforcement d’un secteur en situation de crise, pour la réassurance des agents, pour

le partage d’une culture créative et humaniste, pour un positivisme du secteur public.

Le “public” de Superpublic doit aussi s’entendre comme “usager”, tant ce dernier est invité à jouer un rôle central

et être lui-même héros-bâtisseur de l’administration de demain.

Les difficultés de cette posture ont été exprimées avec sincérité et franchise lors des retours d’expérience.

Que veulent les usagers ? - Placer les usagers au centre du design de service public, voilà par exemple une

louable intention, sur le papier facile à mettre en oeuvre : il suffit d’aller à leur rencontre. Et bien patratras, “les

gens n’ont pas l’habitude qu’on leur demande leur avis”, a expliqué Marie Coirié [3], designer, à propos de

l’expérience en cours « Recherche expérimentation accueil temporaire des personnes en perte d’autonomie »

dans deux départements pilotes, la Vendée et le Val-de-Marne, qu’elle présentait avec Caroline Baumgart, cheffe

de projet au SGMAP.

Parler avec des “vrais” gens semble simple, il faut en fait déjà franchir ce qu’une personne du public a décrite

comme “un champ de barbelés : l’accès au territoire, il y a des enjeux de pouvoirs, différents niveaux. Cela pose

la question de la gouvernance : comment passer d’un ancien régime qui a plus de deux siècles à une organisation

adaptée à son temps ?”

Laura Pandelle [4], designer membre de la 27ème Région qui a passé six mois au sein du SGMAP pour y mener

“connexions innovantes”, sur l’aide et l’autonomie [5], le reconnait : “Je n’ai pu accomplir que 40% de ce que je

m’étais fixé. Par manque de temps, je n’ai pas pu arriver à la phase prototypage. J’avais l’impression de marcher

sur des oeufs en permanence. Il y avait une demande de sécurisation du projet côté agents et hiérarchie.”

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Il faut dire qu’elle n’a pas choisi l’expérience la plus simple : un projet en autosaisine, interministériel, avec

remaniement ministériel au milieu. “Les administrations opèrent sur un périmètre limité juridiquement”, avait

précédemment précisé Caroline Baumgart, qui a constaté que “le parti pris de la méthode expérimentale est

difficile à défendre : il faut accepter d’entrer dans une boite noire avec des incertitudes. Il faut être pugnace.”

Autre “handicap”, l’étiquette SGMAP, traduite par de nombreuses personnes en “l’Etat”, perçu alors comme un

juge, voire un agresseur potentiel : “‘Je suis l’Etat, je viens vous poser des questions’, résume Laura Pandelle.

Cela crée des tensions, même si c’est nécessaire.”

“Une dame s’attendait à voir débarquer le gouvernement, elle avait tout préparé, se remémore encore Céline

Andronikos, chargée de mission au SGMAP. Les gens se décrispent ensuite en nous voyant.”

.@mlebranchu inaugurating #Superpublic. Step in French public sector innovation history #ideas2impact @La27eregion 12:25 AM - 13 Nov 2014

Åsa Minoz @asaminoz

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Boite à outils - Par-delà les difficultés, ces expériences permettent de dégager des bonnes pratiques qui

alimentent des boites à outils. “Le parcours de dépendance est un chemin de croix, et on se place du côté de

l’usager, témoignait encore Marie Coirié, et on évite donc de verser dans le technique.”

Lors d’une résidence à Cluny [12] sur l’accès au service public en milieu rural, l’exercice du “vis ma vie” s’est

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montrée utile [13] : il s’agit de faire venir un agent de Mâcon pour lui faire vivre le quotidien du médiateur du

relais service public et de ses usagers et vice-versa. “Il y a de l’ignorance mutuelle”, indique Céline Andronikos. Il

y a de l’ignorance tout court : ces travaux sur le terrain sont décrits comme “le choc de l’immersion”, ce qui

renvoie à la question de la formation de l’administration centrale : ne faudrait-il pas que les cursus incluent

davantage de stages en collectivité locale et services déconcentrés ? Qu’il y ait davantage de passerelles entre

fonction publique d’Etat et fonction publique territoriale, entre ENA et INET ? Le cabinet de Thierry Mandon, le

secrétaire d’Etat en charge de la Réforme de l’Etat et de la Fonction publique ne compte qu’un membre passé par

des collectivités territoriales, Cédric Grail, [14] conseiller territoire, et ce type de profil est encore rare au sein de

l’Etat.

Autre point important, “avoir quelqu’un pour traduire en langage administratif”, note Laura Pandelle, et se

montrer ainsi tout de suite pertinent, car la posture du Candide a ses limites.

Prendre son temps n’est pas un luxe - Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette démarche où l’on prend

le temps de l’échange ne serait pas plus coûteuse, au contraire : “Nous faisons l’hypothèse qu’en allant sur le

terrain, on gagne du temps car nous récupérons davantage d’informations et des informations différentes qu’avec

des enquêtes classiques, indique Laura Pandelle. Les enquêtes faites par des cabinets conseils sont chères.”

La précision n’est pas inutile car en ces temps de serrage de ceinture, modernisation de l’action publique rime

ouvertement avec économies. De ce point de vue, le travail sur l’accès aux services publics en milieu rural

s’apparente à un patch pour un problème de fond, le retrait de l’Etat, dont les services déconcentrés ont été mis à

rude épreuve par la RGPP, sans que sa successeur, la MAP, n’inverse la tendance [15].

Limites du prototypage - Reste que le prototypage n’est pas une fin en soi et que le déploiement reste l’enjeu de

fond. “Comment pollenise-t-on ?”, interroge Clément Le Bras-Thomas, adjoint au secrétaire général de l’Essonne,

qui précise que son département n’est pas novice en matière d’innovation. “Il faut éviter de travailler dans une

boite noire, en parler dans les services, détaille Laura Pandelle qui admet : “nous n’avons aucune visibilité sur les

suites.”

“Les effets sont difficilement mesurables, renchérit Céline Andronikos, mais il y a des effets qui varient selon le

profil des interlocuteurs, certains sont davantage réceptifs.” Et cela ne doit pas invalider la démarche souligne

Marie Coirié : “Cela permet d’avoir des témoignages, de montrer que ce ne sont pas des lubies.”

La 27ème Région (en attendant la fusion des régions)

Lancée en 2008, soutenue par l’ARF, l’Europe et la Caisse des Dépôts, la 27ème Région se définit comme “le laboratoire de

transformation publique des Régions de France”. En 2009, elle a mené le programme “territoires en résidence” [16], en

partenariat avec le SGMAP, puis en 2011, “la Transfo”, [17] “programme expérimental” pour “prototyper avec les Régions

partenaires leur propre fonction « design & innovation ».” et enfin Ré-Acteur [18], qui court jusqu’en 2017.

POUR ALLER PLUS LOIN

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